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301
p. *554-554
CHANSON.
Début :
Bacchus et Cupidn, cessez d'être ennemis, [...]
Mots clefs :
Amour, Boire, Vin
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texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Acchus et Cupidon , cessez d'être ennemis,
Er ne vous séparez jamais pour votre gloire.
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ,
Le jus divin fit entrer dans mon ame;
Les feux qui partoient de ses yeux.3
L'Amour , au vin qui fit naître ma flâme,
Me fit trouver le goût de la boisson des Dieux;
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ;
Bacchus et Cupidon , cessez d'être ennemis ;
Et ne vous séparez jamais pour votre gloire.
L. C. D. N. D. M.
Acchus et Cupidon , cessez d'être ennemis,
Er ne vous séparez jamais pour votre gloire.
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ,
Le jus divin fit entrer dans mon ame;
Les feux qui partoient de ses yeux.3
L'Amour , au vin qui fit naître ma flâme,
Me fit trouver le goût de la boisson des Dieux;
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ;
Bacchus et Cupidon , cessez d'être ennemis ;
Et ne vous séparez jamais pour votre gloire.
L. C. D. N. D. M.
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Résumé : CHANSON.
Le narrateur, initialement indifférent, est transformé par Aminthe qui lui fait boire du vin. Cette boisson, associée à l'amour, allume une flamme en lui et révèle les feux des yeux d'Aminthe. Il découvre ainsi le plaisir de la boisson des dieux grâce à l'amour. La chanson appelle à l'union de Bacchus et de Cupidon.
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302
p. 684-686
ARIANE. CANTATE.
Début :
L'Infidèle Thésée, épris de nouveaux charmes; [...]
Mots clefs :
Ariane , Thésée, Amour, Nouvelles faveurs, Inconstance, Venger
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texteReconnaissance textuelle : ARIANE. CANTATE.
ARIAN E
CANTATE
L'Infidele Thésée , épris de nouveaux charmes ;
Avoit laissé la fille de Minos
Exposée aux fureurs des Monstres de Naxos
Şans espoir de tarir la source de ses larmes ;
La trifte Ariane en ces mots ,
Aux Echos d'alentour annonçoit ses allarmes,
Le souvenir odieux
Del'ingrat qui m'abandonne‚¨
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne,
Quand de més jaloux transports
Je suis la seule victime ,*
Mon perfide sans remords,
Goute les fruits de son crime
Mais que mille objets divers ;
Pour prix de son inconstance
Dédaignent , les vœux offerts ,
Du volage qui m'offense.
Lex
AVRIL. 1732. 685
Le souvenir odieux
De l'ingrat qui m'abandonne ,
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne.
Tandis qu'Ariane outragée ,
Aux Rochers attendris racontoit ses malheurs
Foibles soulagemens à ses vives douleurs !
L'amour pour consoler cette amante affligée
De la perte du fils d'Egée ,
7
Soumet Bacchus à ses attraits
Et ce fier. Dieu , blessé de mille traits,
Vient ainsi rendre hommage à sa beauté vangée.
Lorsqu'à chasser vos déplaisirs
Un Dieu lui - même s'y interesse
Pour un ingrat qui vous délaisse
Osez-vous pousser des soupirs ?
Laisserez-vous , belle Ariane,
Ternir l'éclat de vos appas
Dans l'obscurité du trépas •
です
Où votre douleur les condamnes ??
Mortelle , oubliez les mortels ,
Un Dieu que l'Univers adore ,
A votre douleur qu'il implore ,
Dresse lui-même des Autels.
Qui
686 MERCURE DE FRANCE
Qui l'eût cru! pour bruler d'une flame nouvelle
L'Amante de Thésée éteint ses premiers feux ;
Mais malgré les efforts de Bacchus amoureux
A sa premiere ardeur Ariane fidelle ,
N'auroit pas ressenti cet heureux changement ;
Si l'amour qui veilloit à leur contentement
N'avoit effacé de son ame
L'injurieux oubli dont son perfide amant™
Avoit payé l'ardeur de la plus belle flame.
*
Jeunes Beautez , si quelque amant ve
lage ,
De votre joug dédaigne lès douceurs ,
L'Amour,soigneux devanger cet outrage,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
A ses desseins rendez-vous favorables ,
Il tarira la source de vos pleurs ,
Brulez de nouveaux feux , et ces feux plus du-- rables ,
Vous feront oublier l'objet de vos douleurs.
Jeunes Beautéz , si quelque Amant volage ,
Dé votre joug dédaigne les douceurs ,
L'Amour, soigneux de vanger cet outrage ,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
J. M. GAULT DE R. $
REMAR
CANTATE
L'Infidele Thésée , épris de nouveaux charmes ;
Avoit laissé la fille de Minos
Exposée aux fureurs des Monstres de Naxos
Şans espoir de tarir la source de ses larmes ;
La trifte Ariane en ces mots ,
Aux Echos d'alentour annonçoit ses allarmes,
Le souvenir odieux
Del'ingrat qui m'abandonne‚¨
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne,
Quand de més jaloux transports
Je suis la seule victime ,*
Mon perfide sans remords,
Goute les fruits de son crime
Mais que mille objets divers ;
Pour prix de son inconstance
Dédaignent , les vœux offerts ,
Du volage qui m'offense.
Lex
AVRIL. 1732. 685
Le souvenir odieux
De l'ingrat qui m'abandonne ,
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne.
Tandis qu'Ariane outragée ,
Aux Rochers attendris racontoit ses malheurs
Foibles soulagemens à ses vives douleurs !
L'amour pour consoler cette amante affligée
De la perte du fils d'Egée ,
7
Soumet Bacchus à ses attraits
Et ce fier. Dieu , blessé de mille traits,
Vient ainsi rendre hommage à sa beauté vangée.
Lorsqu'à chasser vos déplaisirs
Un Dieu lui - même s'y interesse
Pour un ingrat qui vous délaisse
Osez-vous pousser des soupirs ?
Laisserez-vous , belle Ariane,
Ternir l'éclat de vos appas
Dans l'obscurité du trépas •
です
Où votre douleur les condamnes ??
Mortelle , oubliez les mortels ,
Un Dieu que l'Univers adore ,
A votre douleur qu'il implore ,
Dresse lui-même des Autels.
Qui
686 MERCURE DE FRANCE
Qui l'eût cru! pour bruler d'une flame nouvelle
L'Amante de Thésée éteint ses premiers feux ;
Mais malgré les efforts de Bacchus amoureux
A sa premiere ardeur Ariane fidelle ,
N'auroit pas ressenti cet heureux changement ;
Si l'amour qui veilloit à leur contentement
N'avoit effacé de son ame
L'injurieux oubli dont son perfide amant™
Avoit payé l'ardeur de la plus belle flame.
*
Jeunes Beautez , si quelque amant ve
lage ,
De votre joug dédaigne lès douceurs ,
L'Amour,soigneux devanger cet outrage,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
A ses desseins rendez-vous favorables ,
Il tarira la source de vos pleurs ,
Brulez de nouveaux feux , et ces feux plus du-- rables ,
Vous feront oublier l'objet de vos douleurs.
Jeunes Beautéz , si quelque Amant volage ,
Dé votre joug dédaigne les douceurs ,
L'Amour, soigneux de vanger cet outrage ,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
J. M. GAULT DE R. $
REMAR
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Résumé : ARIANE. CANTATE.
Le texte narre la tragédie d'Ariane, abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos. Ariane exprime sa douleur et son désespoir face à l'ingratitude de Thésée, comparant sa souffrance à une mort environnante. Elle se remémore amèrement l'homme qui l'a laissée seule face aux monstres de l'île. Malgré ses malheurs, elle trouve un certain soulagement en partageant ses douleurs avec les rochers. Bacchus, ému par sa souffrance, lui offre son amour pour consoler sa perte. Il la persuade de ne pas se laisser abattre par la trahison de Thésée et de reconnaître la valeur de l'amour divin qu'il lui porte. Ariane, initialement fidèle à Thésée, finit par accepter l'amour de Bacchus, effaçant ainsi le souvenir douloureux de son premier amour. Le texte se conclut par un conseil aux jeunes beautés : si un amant volage les dédaigne, l'amour saura les venger en leur offrant de nouvelles faveurs et en tarissant la source de leurs pleurs.
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303
p. 774-775
CHANSON.
Début :
Le jour que mon Iris me rangea sous ses Loix, [...]
Mots clefs :
Amour, Liqueur
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texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
LE jour que mon Iris me rangea sous ses Loix,
Le verre en main, Dieux ! qu'elle étoit brillante ;
Bacchus
THENEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS.
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX TILDEN
FOUNDATIONS
.
I
I
Bacchus
AVRIL 1732. 775
L'Amour, par sa Liqueur charmanté ,
Bacchus,t'avoit servi bien plus que ton Carquois.
D'un vainqueur entre vous , je n'ose faire choix”, ›
Mais d'une ame reconnoissante,
Depuis ce temps j'aime et je bois.
M. D. L. F.
LE jour que mon Iris me rangea sous ses Loix,
Le verre en main, Dieux ! qu'elle étoit brillante ;
Bacchus
THENEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS.
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX TILDEN
FOUNDATIONS
.
I
I
Bacchus
AVRIL 1732. 775
L'Amour, par sa Liqueur charmanté ,
Bacchus,t'avoit servi bien plus que ton Carquois.
D'un vainqueur entre vous , je n'ose faire choix”, ›
Mais d'une ame reconnoissante,
Depuis ce temps j'aime et je bois.
M. D. L. F.
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304
p. 809-810
A MADEMOISELLE PINSON SONNET.
Début :
De l'hyver importun, la picquante froidure, [...]
Mots clefs :
Hiver, Printemps, Été, Amour
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texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE PINSON SONNET.
A MADEMOISELLE PINSON
SONNET.
De l'hyver importun , la picquante froidure;
De ses tristes frimats vient desoler nos Bords,
L'hyver fuit , le Printems ranime la Nature ,
Et dans nos Prez fleuris étale ses trésors.
Utile avantcoureur de l'aimable Pomone ,
L'Eté de ses moissons vient couvrir nos guerets,
L'Eté fuit , et déja je vois naître l'Automne,
Qui joint ses dons chéris aux présens de Cerès.
Lanuit d'un cours reglé succede à la journée ,
8ro MERCURE DE FRANCE
Au dernier an succede une nouvelle année ,
Le siecle où nous vivons aura són successeur.
Tout rencontre ici bas un terme inévitable
L'amour que j'ay pour vous sera seul immuable,
Le temps qui change tout, ne peut changer mon
cœur.
J. M. Gaultier.
SONNET.
De l'hyver importun , la picquante froidure;
De ses tristes frimats vient desoler nos Bords,
L'hyver fuit , le Printems ranime la Nature ,
Et dans nos Prez fleuris étale ses trésors.
Utile avantcoureur de l'aimable Pomone ,
L'Eté de ses moissons vient couvrir nos guerets,
L'Eté fuit , et déja je vois naître l'Automne,
Qui joint ses dons chéris aux présens de Cerès.
Lanuit d'un cours reglé succede à la journée ,
8ro MERCURE DE FRANCE
Au dernier an succede une nouvelle année ,
Le siecle où nous vivons aura són successeur.
Tout rencontre ici bas un terme inévitable
L'amour que j'ay pour vous sera seul immuable,
Le temps qui change tout, ne peut changer mon
cœur.
J. M. Gaultier.
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Résumé : A MADEMOISELLE PINSON SONNET.
Le sonnet décrit la succession des saisons et la régularité des jours et des nuits. Chaque saison apporte ses trésors. L'auteur affirme que son amour pour Mademoiselle Pinson reste immuable, contrairement aux changements constants du temps.
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305
p. 887-890
L'AMOUR, ODE. A M. L. M. D. F.
Début :
Tandis qu'au milieu des merveilles, [...]
Mots clefs :
Amour, Héros, Holocauste, Pays des fictions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR, ODE. A M. L. M. D. F.
L'AMOUR,
ODE..
A. M. L. M. D. F.
Tandis qu'au milieu des merveilles ,
Dont Flore vient charmer nos yeux ;
Je puis affranchir mes oreilles ,
Des cris du Plaideur ennuyeux ;
Dieu de Paphos , mon premier Maître,
Approchez , faites disparoître ,
Ces Fantômes encor errans ,
Et vous , ô filles du Permesse ,
Portez-moi cette aimable yvresse
Qui s'empare de tous les sens.
Mais quoi , vos riantes images ,
M'environnent de toutes parts ,
Je vois fuir parmi les nuages ,
La Chicanne aux sombres regards,
Dieux ! quelle agréable chimere !
Je marche sur les pas d'Homere
2
Ciij Dans
888 MERCURE DE FRANCE
Dans le pays des fictions.
Ah ! j'entens sa Lire charmante ;
En peignant les Heros du Xante ,
Il excuse mes passions.
Je vois les Dieux dans cette guerre .
'A la honte de leurs Autels,
Quitter le séjour du Tonnerre ,
Pour combattre avec les Mortels.
Sous ses Tentes le grand Achille ;
Desormais guerrier inutile ,
Cede aux feux dont il est épris..
Ce Heros abattu , sans armes ,
Baignant son Casque de ses larmes ,
Est aussi foible que Pâris.
Je vois la Grece conjurée ,
Bravant et Neptune et les Vents,
Sous les ordres du fils d'Atrée
Faire marcher ses Combattans.
On poursuit Heleine fuyante ,
Une Nation menaçante ,
Ne respire que son retour ;
Le fer brille , je vois la flamme ;
Et l'embrasement de Pergame ,
Est un Holocauste à l'Amour.
2
Dans
MAY. 1732. 889
Dans ces Peintures magnifiques ,
Je trouve des consolateurs ;
J'apperçois dans les cœurs antiques ,
Les égaremens de nos cœurs ;
Je crois mes transports légitimes ,
Quand je vois des Héros sublimes,
De l'Amour éprouver les coups ;
Et lorsque mon ame est saisie ,
Des accès de la jalousie ,
Je sçais que les Dieux sont jaloux.
2
Nos cœurs instruits par la Nature ,
Dieu d'Amour te sont destinez ;
Ceux qui veulent te faire injure ,
En deviennent plus forcenez,
..
Un cœur orgueilleux et sauvage ,
Esclave en fuyant l'esclavage
Par son humeur est combattu ;
Al'aide d'un brutal caprice ,
11 devient l'azile du vice ,
Croyant l'être de la vertu.
Toutefois aux bords de Cythere ,
Nourri dès mes plus jeunes ans ,
J'abhorre une ame mercenaire ,
Qui fait trafic de sentimens ;
Ennemi des lâches souplesses ,
C iiij L'art
890 MERCURE DE FRANCE
L'art des Circez Enchanteresses ,
N'a point corrompu ma bonté ,
Vous le sçavez , sage Uranie,
Mes Vers même , enfans du génie
Ont le Sceau de la Verité.
Mais de l'Amour et de ses charmes
Que sert de vous entretenir !
C'est un malheureux que mes larmes ,
Près de vous n'ont pû retenir ,
Voyez ce Dieu l'aisle baissée ,
Tenant une Fleche émoussée ;
Le Temps déchire son Bandeau ,
Voyez les Graces gémissantes ,
Ranimant dans leurs mains tremblantes ,
Les vains restes de son flambeau.
A Grenoble le 15. Avril 1732.
ODE..
A. M. L. M. D. F.
Tandis qu'au milieu des merveilles ,
Dont Flore vient charmer nos yeux ;
Je puis affranchir mes oreilles ,
Des cris du Plaideur ennuyeux ;
Dieu de Paphos , mon premier Maître,
Approchez , faites disparoître ,
Ces Fantômes encor errans ,
Et vous , ô filles du Permesse ,
Portez-moi cette aimable yvresse
Qui s'empare de tous les sens.
Mais quoi , vos riantes images ,
M'environnent de toutes parts ,
Je vois fuir parmi les nuages ,
La Chicanne aux sombres regards,
Dieux ! quelle agréable chimere !
Je marche sur les pas d'Homere
2
Ciij Dans
888 MERCURE DE FRANCE
Dans le pays des fictions.
Ah ! j'entens sa Lire charmante ;
En peignant les Heros du Xante ,
Il excuse mes passions.
Je vois les Dieux dans cette guerre .
'A la honte de leurs Autels,
Quitter le séjour du Tonnerre ,
Pour combattre avec les Mortels.
Sous ses Tentes le grand Achille ;
Desormais guerrier inutile ,
Cede aux feux dont il est épris..
Ce Heros abattu , sans armes ,
Baignant son Casque de ses larmes ,
Est aussi foible que Pâris.
Je vois la Grece conjurée ,
Bravant et Neptune et les Vents,
Sous les ordres du fils d'Atrée
Faire marcher ses Combattans.
On poursuit Heleine fuyante ,
Une Nation menaçante ,
Ne respire que son retour ;
Le fer brille , je vois la flamme ;
Et l'embrasement de Pergame ,
Est un Holocauste à l'Amour.
2
Dans
MAY. 1732. 889
Dans ces Peintures magnifiques ,
Je trouve des consolateurs ;
J'apperçois dans les cœurs antiques ,
Les égaremens de nos cœurs ;
Je crois mes transports légitimes ,
Quand je vois des Héros sublimes,
De l'Amour éprouver les coups ;
Et lorsque mon ame est saisie ,
Des accès de la jalousie ,
Je sçais que les Dieux sont jaloux.
2
Nos cœurs instruits par la Nature ,
Dieu d'Amour te sont destinez ;
Ceux qui veulent te faire injure ,
En deviennent plus forcenez,
..
Un cœur orgueilleux et sauvage ,
Esclave en fuyant l'esclavage
Par son humeur est combattu ;
Al'aide d'un brutal caprice ,
11 devient l'azile du vice ,
Croyant l'être de la vertu.
Toutefois aux bords de Cythere ,
Nourri dès mes plus jeunes ans ,
J'abhorre une ame mercenaire ,
Qui fait trafic de sentimens ;
Ennemi des lâches souplesses ,
C iiij L'art
890 MERCURE DE FRANCE
L'art des Circez Enchanteresses ,
N'a point corrompu ma bonté ,
Vous le sçavez , sage Uranie,
Mes Vers même , enfans du génie
Ont le Sceau de la Verité.
Mais de l'Amour et de ses charmes
Que sert de vous entretenir !
C'est un malheureux que mes larmes ,
Près de vous n'ont pû retenir ,
Voyez ce Dieu l'aisle baissée ,
Tenant une Fleche émoussée ;
Le Temps déchire son Bandeau ,
Voyez les Graces gémissantes ,
Ranimant dans leurs mains tremblantes ,
Les vains restes de son flambeau.
A Grenoble le 15. Avril 1732.
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Résumé : L'AMOUR, ODE. A M. L. M. D. F.
Le texte est une ode à l'amour adressée à une personne identifiée par les initiales A. M. L. M. D. F. Le poète exprime son désir de fuir les cris ennuyeux du monde pour se plonger dans les merveilles de l'amour. Il invoque les dieux de Paphos et les Muses pour l'inspirer. Il imagine des scènes épiques de l'Iliade, où les dieux descendent sur terre pour la guerre de Troie et où des héros comme Achille et Pâris sont soumis aux passions amoureuses. Ces récits lui offrent des consolations et des légitimations pour ses propres sentiments. Le poète affirme que les cœurs humains, instruits par la nature, sont destinés à l'amour, et que ceux qui résistent à cet amour deviennent fous ou esclaves de leurs vices. Il se déclare honnête et dégoûté par les âmes mercantiles qui trafiquent les sentiments. Il conclut en décrivant l'amour comme un dieu affaibli, ses flèches émoussées et son flambeau éteint, symbolisant la douleur et la tristesse de l'amour non partagé. Le texte est daté du 15 avril 1732 à Grenoble.
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306
p. 909-912
LE RETOUR DU PRINTEMS. ODE
Début :
Quelle merveille imprévuë, [...]
Mots clefs :
Printemps, Amour, Onde, Vents, Beaux jours
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texteReconnaissance textuelle : LE RETOUR DU PRINTEMS. ODE
LE RETOUR DU PRINTEMS.
Q
ODE
Uelle merveille imprévuë,
Frappe mes yeux étonnez ?
Flore , des Cieux descenduë ,
Foule nos champs fortunez ;
Zéphir vole sur ses traces ;
Les Amours , les Ris , les Graces ,
Suivent en foule ses pas
Et le frere de Bellonne ,
Dans la Fille de Dionne ,
Trouve beaucoup moins d'appas.
Al'aspect de la Déesse,
On voit fondre les frimats ;
Et sa prodigue largesse
Fertilise nos climats.
Tout renaît dans la nature ;
Nos Prez brillent de verdure
La Terre produit des fleurs ;
Et promettant l'abondance,
Cérês nourrit l'esperance
Des avides Laboureurs.
;
*D ij Une
10 MERCURE DE FRANCE
Une Onde tranquille et pure ,
D'où naissent mille ruisseaux
Tombe avec un doux murmure ,
De nos fertiles Côteaux.
L'Oiseau que l'amour engage ,
Dans son aimable esclavage,
Exprime ses tendres feux ,
Et la triste Philomèle
D'une race criminelle ,
Pleure le sort malheureux,
Loin des peines inquiètes ,
L'heureux retour du Printems ,
Fait naître dans nos retraites ,
Mille plaisirs innocens.
Icy la Biche tremblante ,
Du Chasseur qui l'épouvante ,
Fuit les redoutables traits ,
Et la Colombe plaintive ,
Laisse son aîle captive ,
Dans de funestes filets.
Commele Printems rappelle
Les Vents , amis des beaux jours ,
Ainsi la saison nouvelle
A ramené les amours.
Icy la jeune Bergere ,
De
MAY. 1732. 911
De l'Amant qui sçait lui plaire
Favorise les transports
Tandis que sa Bergerie
Eparse dans la Prairie ,
Broute l'herbe de ces bords.
C'est dans ce charmant azile
Que la pure volupté ,
Achoisi son domicile ,
Par l'innocence habité.
Icy Thémis adorée ,
Semble du siecle de Rhée ,
Nous ramener les beaux jours ,
Et la fortune ennemie
De notre paisible vie ,
Ne trouble point l'heureux cours.
Le Sage fuyant la Ville ,
Et ses charmes décevans ,
Vient jouir d'un sort tranquile;
Dans nos déserts innocens ;
Sous sa cabane rustique ,
Du Courtisan politique ,
Il dédaigne les plaisirs ;
Et dans son ame contente
L'Ambition dévorante ,
N'allume point de désirs.
Diij Si
912 MERCURE DE FRANCE
Si les dons de la nature ,
'Abondent dans nos réduits ,
La paix qui nous les procure ,
Est l'Ouvrage de LOUIS.
Loin de nous , l'affreuse guerre
Que font regner sur la terre ,
Ces Rois à vastes projets ;
Sourd aux cris de la Victoire,
LOUIS , met toute sa gloire ,
A nous assurer la Paix.
J. M GAULTIER.
Q
ODE
Uelle merveille imprévuë,
Frappe mes yeux étonnez ?
Flore , des Cieux descenduë ,
Foule nos champs fortunez ;
Zéphir vole sur ses traces ;
Les Amours , les Ris , les Graces ,
Suivent en foule ses pas
Et le frere de Bellonne ,
Dans la Fille de Dionne ,
Trouve beaucoup moins d'appas.
Al'aspect de la Déesse,
On voit fondre les frimats ;
Et sa prodigue largesse
Fertilise nos climats.
Tout renaît dans la nature ;
Nos Prez brillent de verdure
La Terre produit des fleurs ;
Et promettant l'abondance,
Cérês nourrit l'esperance
Des avides Laboureurs.
;
*D ij Une
10 MERCURE DE FRANCE
Une Onde tranquille et pure ,
D'où naissent mille ruisseaux
Tombe avec un doux murmure ,
De nos fertiles Côteaux.
L'Oiseau que l'amour engage ,
Dans son aimable esclavage,
Exprime ses tendres feux ,
Et la triste Philomèle
D'une race criminelle ,
Pleure le sort malheureux,
Loin des peines inquiètes ,
L'heureux retour du Printems ,
Fait naître dans nos retraites ,
Mille plaisirs innocens.
Icy la Biche tremblante ,
Du Chasseur qui l'épouvante ,
Fuit les redoutables traits ,
Et la Colombe plaintive ,
Laisse son aîle captive ,
Dans de funestes filets.
Commele Printems rappelle
Les Vents , amis des beaux jours ,
Ainsi la saison nouvelle
A ramené les amours.
Icy la jeune Bergere ,
De
MAY. 1732. 911
De l'Amant qui sçait lui plaire
Favorise les transports
Tandis que sa Bergerie
Eparse dans la Prairie ,
Broute l'herbe de ces bords.
C'est dans ce charmant azile
Que la pure volupté ,
Achoisi son domicile ,
Par l'innocence habité.
Icy Thémis adorée ,
Semble du siecle de Rhée ,
Nous ramener les beaux jours ,
Et la fortune ennemie
De notre paisible vie ,
Ne trouble point l'heureux cours.
Le Sage fuyant la Ville ,
Et ses charmes décevans ,
Vient jouir d'un sort tranquile;
Dans nos déserts innocens ;
Sous sa cabane rustique ,
Du Courtisan politique ,
Il dédaigne les plaisirs ;
Et dans son ame contente
L'Ambition dévorante ,
N'allume point de désirs.
Diij Si
912 MERCURE DE FRANCE
Si les dons de la nature ,
'Abondent dans nos réduits ,
La paix qui nous les procure ,
Est l'Ouvrage de LOUIS.
Loin de nous , l'affreuse guerre
Que font regner sur la terre ,
Ces Rois à vastes projets ;
Sourd aux cris de la Victoire,
LOUIS , met toute sa gloire ,
A nous assurer la Paix.
J. M GAULTIER.
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Résumé : LE RETOUR DU PRINTEMS. ODE
Le poème 'Le Retour du Printemps', publié dans le Mercure de France en mai 1732, célèbre l'arrivée du printemps, décrit comme une transformation imprévue de la nature. Flore, accompagnée de Zéphir, des Amours, des Rires et des Grâces, couvre les champs de fleurs et fait fondre la neige, permettant à la nature de renaître. Les prairies se couvrent de verdure et de fleurs, promettant abondance et nourrissant l'espérance des laboureurs. Les ruisseaux murmurent doucement, et les oiseaux expriment leurs sentiments amoureux. La saison ramène les amours et les vents favorables, influençant les animaux et les humains. Les bergères et leurs amants profitent de cette période pour exprimer leurs sentiments dans un cadre idyllique. Le printemps évoque également une époque de paix et de tranquillité, loin des charmes décevants de la ville. La paix, assurée par Louis, permet aux dons de la nature d'abonder, loin des affres de la guerre. Le roi met sa gloire à garantir la paix, sourd aux cris de la victoire.
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307
p. 917-920
A MADEMOISELLE de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne. ODE
Début :
Dans l'enceinte des murs où la Marne serpente, [...]
Mots clefs :
Amour, Icare, Chanter, Lyre, Beaux vers
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texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne. ODE
A MADEMOISELLE de Malcrais
de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
ODE
Ans l'enceinte des murs où la Marne serà
pente ,
DA
Quand je lis tes Ecrits ,
Sçavante de Malcrais , leur force surprenante ?
Etonne mes esprits
Je me sens élevé sur la double Coline ;
Dans mes heureux transports,
De ta celeste voix , de ta Lyre divine ,
J'écoute les accords
Tu ravis , tu surprens les Filles de Memoire;
Dans le sacré Vallon ,
Dvj Jusqu'au
918 MERCURE DE FRANCE
Jusqu'au faîte brillant du Temple de la Gloire,
L'Echo porte ton nom.
Que dis- je ? tes beaux Vers ont passé le Cocité ¿
Aux Champs Elisiens ,
L'Amante de Phaon tendrement les récite ,
Et les préfère aux siens.
On parle du Croisic comme on parle d'Astrée,
De Smirne , de Lesbos ,
Ta Muse de nos jours y montre Cyterée ,
Plus belle qu'à Paphos.
Les Graces font parler le Lut et la Musette;
Qu'accompagne ta voix :
Et tu peux animer au son de ta Trompette
Les Héros et les Rois.
Tu fais ce que tu veux ; si ton vaste génie,
T'inspire de grands airs ,
Apeine dans leurs Chants Calliope , Uranie
Egalent tes Concerts.
Si tu fais raisonner ou l'Eglogue ou l'Idile;
Tes accens sont si doux,
Que
MAY.. 17325 919
!
Que malgré leurs grands noms et Terence et Virgile ,
En deviennent jaloux.
Comme eux en t'attachant à rendre la Nature ,
Tu finis tes Portraits ;
Mais ton tendre Pinceau dans la vive peinture ,
Encherit sur leurs traits.
Un tour plus gracieux , plus de délicatesse ,
Fait briller tes couleurs.
Le trait dont tu te sers pour peindre laTendresse,
La porte dans les cœurs.
L'Amour vole par tout où ta plume fidelle ,
Fait voler tes Chansons.
Oui , l'Amour , s'il pouvoit subir la loi mortelle;
Renaîtroit de leurs sons.
Tu ranimes ses feux , tu lui forges des armes ,'
Et les yeux de Cypris ,
N'ontpas, de sonaveu, la douceur et les charmes,
Qu'on sent dans tes Ecrits.
L'Amour pleure avec toi quand le trépas d'uni Pere ,
T'arrache des soupirs
920 MERCURE DE FRANCE
Il rit quand des Oiseaux consacrez à sa Mere„
Tu décris les plaisirs.
L'Amour...mais je mé tais, il faut être un Pins dare ,
Pour oser te chanter
Et je suis menacé de la chute d'Icare ,
Si je veux le tenter.
de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
ODE
Ans l'enceinte des murs où la Marne serà
pente ,
DA
Quand je lis tes Ecrits ,
Sçavante de Malcrais , leur force surprenante ?
Etonne mes esprits
Je me sens élevé sur la double Coline ;
Dans mes heureux transports,
De ta celeste voix , de ta Lyre divine ,
J'écoute les accords
Tu ravis , tu surprens les Filles de Memoire;
Dans le sacré Vallon ,
Dvj Jusqu'au
918 MERCURE DE FRANCE
Jusqu'au faîte brillant du Temple de la Gloire,
L'Echo porte ton nom.
Que dis- je ? tes beaux Vers ont passé le Cocité ¿
Aux Champs Elisiens ,
L'Amante de Phaon tendrement les récite ,
Et les préfère aux siens.
On parle du Croisic comme on parle d'Astrée,
De Smirne , de Lesbos ,
Ta Muse de nos jours y montre Cyterée ,
Plus belle qu'à Paphos.
Les Graces font parler le Lut et la Musette;
Qu'accompagne ta voix :
Et tu peux animer au son de ta Trompette
Les Héros et les Rois.
Tu fais ce que tu veux ; si ton vaste génie,
T'inspire de grands airs ,
Apeine dans leurs Chants Calliope , Uranie
Egalent tes Concerts.
Si tu fais raisonner ou l'Eglogue ou l'Idile;
Tes accens sont si doux,
Que
MAY.. 17325 919
!
Que malgré leurs grands noms et Terence et Virgile ,
En deviennent jaloux.
Comme eux en t'attachant à rendre la Nature ,
Tu finis tes Portraits ;
Mais ton tendre Pinceau dans la vive peinture ,
Encherit sur leurs traits.
Un tour plus gracieux , plus de délicatesse ,
Fait briller tes couleurs.
Le trait dont tu te sers pour peindre laTendresse,
La porte dans les cœurs.
L'Amour vole par tout où ta plume fidelle ,
Fait voler tes Chansons.
Oui , l'Amour , s'il pouvoit subir la loi mortelle;
Renaîtroit de leurs sons.
Tu ranimes ses feux , tu lui forges des armes ,'
Et les yeux de Cypris ,
N'ontpas, de sonaveu, la douceur et les charmes,
Qu'on sent dans tes Ecrits.
L'Amour pleure avec toi quand le trépas d'uni Pere ,
T'arrache des soupirs
920 MERCURE DE FRANCE
Il rit quand des Oiseaux consacrez à sa Mere„
Tu décris les plaisirs.
L'Amour...mais je mé tais, il faut être un Pins dare ,
Pour oser te chanter
Et je suis menacé de la chute d'Icare ,
Si je veux le tenter.
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Résumé : A MADEMOISELLE de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne. ODE
Le texte est une ode dédiée à Mademoiselle de Malcrais, originaire de la Vigne, au Croisic en Bretagne. L'auteur exprime son admiration pour ses écrits, soulignant leur force et leur capacité à l'élever spirituellement. Il compare ses œuvres à des voix célestes et divines, capables de ravir et de surprendre les Muses. L'écho de son nom résonne jusqu'au Temple de la Gloire, et ses vers sont récités dans les Champs Élyséens. Le Croisic est comparé à des lieux mythiques comme Astrée, Smirne et Lesbos, où sa Muse brille plus que jamais. Les Grâces accompagnent sa voix, et elle peut animer héros et rois par sa trompette. Son génie est comparé à celui des Muses Calliope et Uranie. Ses écrits surpassent ceux de Terence et Virgile en délicatesse et en tendresse, portant l'amour dans les cœurs. L'Amour lui-même reconnaît la douceur et les charmes de ses écrits. L'auteur conclut en admettant son incapacité à chanter dignement ses louanges, craignant de subir le sort d'Icare.
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308
p. 1242
BOUQUET, A Mlle...... qui ne sçauroit souffrir l'odeur des Fleurs.
Début :
Aimbale Iris, c'est demain votre Fête, [...]
Mots clefs :
Amour, Bouquet, Fleurs, Iris
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texteReconnaissance textuelle : BOUQUET, A Mlle...... qui ne sçauroit souffrir l'odeur des Fleurs.
A Mile
Ne dites
BOUQUET,
qui ne sçauroit souffrir
l'odeur des Fleurs.
AImable Iris , c'est demain votre Fête ,
Je veux vous donner un Bouquet ;
pas : les Fleurs me font mal à la tête ,
Je n'en veux point ; voyez dequoi le mien est fait.
Ce n'est point un Bouquet dont l'odeur s'évas
pore,
Iris , ce sont des Fleurs du Dieu qu'on nomme Amour ,
C'est vous qui les faites éclore ,
C'est moi qui leur donne le jour.
Que dis-je qu'ai- je fait ? cet avèu vous offense ,
Amour , fatal Amour , pourquoi me trahis- tu
Eh , ne pouvois- tu donc rester dans le silence ,
Ou faire que d'Iris , tu fusses mieux reçu ?
Mais je vois un souris qui dissipe mes craintes ,
Allez, mes Vers , produisez-vous ,
Dites-lui que mon cœur sent les vives atteintes
D'un feu ..paix ! gardez-vous d'alllumer son couroux.
Ne dites
BOUQUET,
qui ne sçauroit souffrir
l'odeur des Fleurs.
AImable Iris , c'est demain votre Fête ,
Je veux vous donner un Bouquet ;
pas : les Fleurs me font mal à la tête ,
Je n'en veux point ; voyez dequoi le mien est fait.
Ce n'est point un Bouquet dont l'odeur s'évas
pore,
Iris , ce sont des Fleurs du Dieu qu'on nomme Amour ,
C'est vous qui les faites éclore ,
C'est moi qui leur donne le jour.
Que dis-je qu'ai- je fait ? cet avèu vous offense ,
Amour , fatal Amour , pourquoi me trahis- tu
Eh , ne pouvois- tu donc rester dans le silence ,
Ou faire que d'Iris , tu fusses mieux reçu ?
Mais je vois un souris qui dissipe mes craintes ,
Allez, mes Vers , produisez-vous ,
Dites-lui que mon cœur sent les vives atteintes
D'un feu ..paix ! gardez-vous d'alllumer son couroux.
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Résumé : BOUQUET, A Mlle...... qui ne sçauroit souffrir l'odeur des Fleurs.
Le locuteur adresse un poème à Iris pour sa fête, exprimant son aversion pour les fleurs mais offrant un bouquet symbolisant l'amour. Il craint d'offenser Iris mais voit son sourire dissiper ses craintes. Il met en garde les vers de ne pas révéler ses sentiments.
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309
p. 1259-1264
L'INDISCRETION. ODE.
Début :
Toi, qu'adore un peuple idolâtre, [...]
Mots clefs :
Indiscrétion, Amour, Temple, Triomphe
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texteReconnaissance textuelle : L'INDISCRETION. ODE.
L'INDISCRETION.
T
ODE.
OY qu'adore un peuple idolky
tre ,
Dans le Temple qu'habite Isis ,
Loin , Dieu ( a ) muet ; je vais combatre ,
Les Sacrileges de Memphis.
Jamais cette rive féconde ,
(a) Harpocrate , Dieu du Silence,
II. Vol Quc A ij
1250 MERCURE DE FRANCE
Que le Nil moüille de son Onde,
Ne t'auroit prodigué l'encens ;
Si l'Egypte ainsi que la Flandre , ( a)
Eût eut l'avantage d'entendre ,
La douceur libre de mes chants.
M
Digne de nos tendres hommages,
La charmante Indiscretion ,
Sçait de nos cœurs , dans tous les âges
Bannir la froide passion ;
Du seul vrai fidelle Interprete ,
Les sons qu'enfante sa Trompette ,
Mettent le prix à nos travaux ;
Sa hardiesse à nous apprendre ,
Les plaisirs que l'amour fait prendre
En forme des plaisirs nouveaux.
粥
Quel est à l'ombre de ce hestre ,
Cet homme inquiet et réveur ?
C'est , je ne puis le méconnoître
Un Amant qui tait son bonheur.
De la même main qui le blesse
L'amour couronne sa tendresse ,
A
(a )L'Auteur composa cette Ode à Lille en
Flandre.
II.Vol.
Qu'a
JUIN. 17320 1261
Qu'a-t-il encore à désirer !
Son silence fait son martyrė ;
Malheureux , s'il n'ose le dire ,
Je le condamne à soupirer
Ecoutons l'Amant de Julie ,
Chanter son triomphe secret ,
Il craint que s'il ne le public ,
Son bonheur ne soit pas parfait.
Auguste en vain parmi le gette ,
Relegue sa Muse indiscrete.
Ovide n'est point abbatu ,
Ses douleurs , ses larmes sont feintes à
Et je lis à travers ses plaintes ,
Qu'il ne voudroit point s'être tu
潞
Quoi! parmi la foule importune ;
De mille Rivaux obstinez ,
Sans leur annoncer ma fortune ;
Je verrai mes vœux courronnez !
Témoin de l'espoir qui les flate ,
Ma stupidité délicate
Rougira de les détromper !
Et leurs cœurs qu'enivre la gloire ;
Loin de celebrer ma victoire ,
S'efforceront de l'usurper !
II.Vol. A iij Non,
1262 MERCURE DE FRANCE
Non. Dans le dépit que leur causent
Mes vers , garants de leur affront ,'
Je veux que leurs larmes arrosent
Le Myste , dont je ceints mon front.
Un Char que`décore leur honte ,
Mieux que les faveurs d'Amatonte.
Illustrent nos tendres combats ;
Pâris n'eût dans les bras d'Héléne ,..
Goûté qu'une joïe incertaine ,
Sans la douleur de Ménélas.
Loin que de ma bruïante Lire ,
S'allarme une jeune beauté ,
Aux Chansons que l'amour m'inspire
Souvent elle doit sa fierté.
Telle que l'on eût ignorée ,
Fut par mille voix célébrée.
Dès qu'elle eût adouci mes fers ;
Catulle , ta plume hardie ,
Des charmes , du nom de Lesbie
Instruisit Rome , et l'Univers.
Sombre nourrisson de l'Ibere ,
Ne me vante plus tes plaisirs ;
Me rends-je esclave du mystere ?
Je le deviens de mes soupirs.
II. Vol. Jeune
JUIN. 1732 1263
Jeune , du respect qui l'opprime ,
Comme toy , je fus la victime.
L'amour en affranchit mon cœur
Quand la vérité la dénouë ,
Ma langue ne craint point la roue ,"
Où Junon lie un Imposteur. ( a)
Mais qu'entens-je ? l'Etna résone ;
Quel dessein allume ces feux ?
Sous le Marteau qui le façone,
L'Airain disparoît à mes yeux.
Sage fruit de la politique !
Dans ces Vers que ta main fabrique.
Mars et Venus vont se jetter ,
Vulcain , publier ta disgrace ,
N'est-ce pas au Dieu de la Thrace ,
Ravir l'honneur de s'en vanter ?
C'est d'une vanité si chere ,
Que l'amour emprunté ses traits ;
A quoi me serviroit de plaire ,
Si l'on ignoroit que je plais ?
Le secret aigrit ma constance ;
Sous le joug honteux du silence.
Veut-on asservir mes transports ?
( a ) Ixion.
II. Volá A iiij ' rai ,
1264 MERCURE DE FRANCE
J'irai , nouveau Chantre d'Ismare ,
Faire encore aux eaux du Ténare ,
Entendre d'amoureux accords.
De Sens , par M.DE BROGLIO ,
Provençal.
T
ODE.
OY qu'adore un peuple idolky
tre ,
Dans le Temple qu'habite Isis ,
Loin , Dieu ( a ) muet ; je vais combatre ,
Les Sacrileges de Memphis.
Jamais cette rive féconde ,
(a) Harpocrate , Dieu du Silence,
II. Vol Quc A ij
1250 MERCURE DE FRANCE
Que le Nil moüille de son Onde,
Ne t'auroit prodigué l'encens ;
Si l'Egypte ainsi que la Flandre , ( a)
Eût eut l'avantage d'entendre ,
La douceur libre de mes chants.
M
Digne de nos tendres hommages,
La charmante Indiscretion ,
Sçait de nos cœurs , dans tous les âges
Bannir la froide passion ;
Du seul vrai fidelle Interprete ,
Les sons qu'enfante sa Trompette ,
Mettent le prix à nos travaux ;
Sa hardiesse à nous apprendre ,
Les plaisirs que l'amour fait prendre
En forme des plaisirs nouveaux.
粥
Quel est à l'ombre de ce hestre ,
Cet homme inquiet et réveur ?
C'est , je ne puis le méconnoître
Un Amant qui tait son bonheur.
De la même main qui le blesse
L'amour couronne sa tendresse ,
A
(a )L'Auteur composa cette Ode à Lille en
Flandre.
II.Vol.
Qu'a
JUIN. 17320 1261
Qu'a-t-il encore à désirer !
Son silence fait son martyrė ;
Malheureux , s'il n'ose le dire ,
Je le condamne à soupirer
Ecoutons l'Amant de Julie ,
Chanter son triomphe secret ,
Il craint que s'il ne le public ,
Son bonheur ne soit pas parfait.
Auguste en vain parmi le gette ,
Relegue sa Muse indiscrete.
Ovide n'est point abbatu ,
Ses douleurs , ses larmes sont feintes à
Et je lis à travers ses plaintes ,
Qu'il ne voudroit point s'être tu
潞
Quoi! parmi la foule importune ;
De mille Rivaux obstinez ,
Sans leur annoncer ma fortune ;
Je verrai mes vœux courronnez !
Témoin de l'espoir qui les flate ,
Ma stupidité délicate
Rougira de les détromper !
Et leurs cœurs qu'enivre la gloire ;
Loin de celebrer ma victoire ,
S'efforceront de l'usurper !
II.Vol. A iij Non,
1262 MERCURE DE FRANCE
Non. Dans le dépit que leur causent
Mes vers , garants de leur affront ,'
Je veux que leurs larmes arrosent
Le Myste , dont je ceints mon front.
Un Char que`décore leur honte ,
Mieux que les faveurs d'Amatonte.
Illustrent nos tendres combats ;
Pâris n'eût dans les bras d'Héléne ,..
Goûté qu'une joïe incertaine ,
Sans la douleur de Ménélas.
Loin que de ma bruïante Lire ,
S'allarme une jeune beauté ,
Aux Chansons que l'amour m'inspire
Souvent elle doit sa fierté.
Telle que l'on eût ignorée ,
Fut par mille voix célébrée.
Dès qu'elle eût adouci mes fers ;
Catulle , ta plume hardie ,
Des charmes , du nom de Lesbie
Instruisit Rome , et l'Univers.
Sombre nourrisson de l'Ibere ,
Ne me vante plus tes plaisirs ;
Me rends-je esclave du mystere ?
Je le deviens de mes soupirs.
II. Vol. Jeune
JUIN. 1732 1263
Jeune , du respect qui l'opprime ,
Comme toy , je fus la victime.
L'amour en affranchit mon cœur
Quand la vérité la dénouë ,
Ma langue ne craint point la roue ,"
Où Junon lie un Imposteur. ( a)
Mais qu'entens-je ? l'Etna résone ;
Quel dessein allume ces feux ?
Sous le Marteau qui le façone,
L'Airain disparoît à mes yeux.
Sage fruit de la politique !
Dans ces Vers que ta main fabrique.
Mars et Venus vont se jetter ,
Vulcain , publier ta disgrace ,
N'est-ce pas au Dieu de la Thrace ,
Ravir l'honneur de s'en vanter ?
C'est d'une vanité si chere ,
Que l'amour emprunté ses traits ;
A quoi me serviroit de plaire ,
Si l'on ignoroit que je plais ?
Le secret aigrit ma constance ;
Sous le joug honteux du silence.
Veut-on asservir mes transports ?
( a ) Ixion.
II. Volá A iiij ' rai ,
1264 MERCURE DE FRANCE
J'irai , nouveau Chantre d'Ismare ,
Faire encore aux eaux du Ténare ,
Entendre d'amoureux accords.
De Sens , par M.DE BROGLIO ,
Provençal.
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Résumé : L'INDISCRETION. ODE.
En juin 1732, à Lille en Flandre, un auteur compose une ode intitulée 'L'INDISCRETION'. Cette œuvre célèbre l'indiscrétion comme une qualité charmante qui écarte les passions froides et dévoile les plaisirs de l'amour. L'auteur se compare à Ovide et exprime son désir de ne pas cacher ses succès amoureux. Il souhaite que ses rivaux soient informés de sa fortune et de sa victoire, même si cela doit les attrister. L'ode évoque des figures mythologiques telles que Pâris, Hélène et Ménélas, ainsi que des poètes comme Catulle. L'auteur refuse de taire ses amours, se comparant à Ixion. Il conclut en déclarant qu'il ira chanter ses amours aux eaux du Ténare, se présentant comme un nouveau chantre d'Ismare.
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310
p. 1291-1294
LA FAUSSE INCONSTANCE, mise en Musique, par M. de Brie. CANTATE, à voix seule.
Début :
Le Berger Palemon en proïe à sa douleur, [...]
Mots clefs :
Tristes, Berger, Palemon, Amour
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texteReconnaissance textuelle : LA FAUSSE INCONSTANCE, mise en Musique, par M. de Brie. CANTATE, à voix seule.
LA FAUSSE INCONSTANCE,
mise en Musique , par M. de Brie.
CANTATE, à voix seule.
LE Berger Palemon en proïe à sadouleur ,
Par ses Discours plaintifs , exprimoit son mal- heur.
Ovous à qui mes cris pourront se faire entendre ,
Apprenez , apprenez , trop crédules amantes
Que mes tristes regrets et mes gemissemens›
Sont les fruits d'un amour trop tendre
H. Vol. Bvj, Que
1292 MERCURE DE FRANCE
Que l'exemple d'un malheureux
Puisse vous garentir des tourmens amoureux !
Amants , amants, brisez vos chaînes ,
Eteignez de folles ardeurs ;
De l'amour les fausses douceurs ,
Causent de veritables peines,
粥
C'est pour enflammer nos cœurs
Qu'avec vous il badine ;
De lui n'attendez point de fleurs ,
Qui ne vous cachent quelque épine :
De lui n'attendez point de fleurs ,
Que vous n'arrosiez de vos pleurs.
M
Par son mérite et sa tendresse ,
La jeune Amarillis avoit sçu me charmer
Mais cette infidele maîtresse ,
S'est lassée enfin de m'aimer.
Depuis son changement , je languis , je m'af
flige ,
Et mon troupeau que je néglige
N'entend plus mes tendres Chansons :
Je dors bien moins que je ne veille ;
Et ma Musette à mon oreille ,
Ne rend plus que de tristes , sons..
II.Vol. No
JUIN. 1732. 1293
Ne vous plaignez plus que vos belles
Refusent de vous soulager ;
Ha ! ne vaut - il pas mieux les éprouver cruelles ,
Que de les voir changer.
Vous avez au moins l'esperance ,
De les attendrir quelque jour ;
Mais j'ai perdu toute assurance
De recouvrer jamais l'objet de mon amou
M
Tandis que par ces tristes plaintes ,
Le Berger Palemon aux Bergers d'alentour ,
Du Dieu que l'on appelle Amour
Inspire les plus vives craintes ,
Quel objet vient s'offrir à ses regards surpris
C'est la charmante Amarillis.
Il reconnoit cette Bergere ·
Qu'il accusoit d'être legere :
Mais elle n'avoit feint un si prompt changement ,
Que pour éprouver son amant,
De Palémon elle couronne
La rare fidelité.
Bien-tôt le Berger lui pardonne ,
Et consent d'oublier son infidelité.
C'est une galante industrie
11. Köl. Que
1294 MERCURE DE FRANCE
De sçavoir à propos irriter un Amant :
Une petite broüillerie ,
Procure le plaisir du racommodement.
P .... r.
mise en Musique , par M. de Brie.
CANTATE, à voix seule.
LE Berger Palemon en proïe à sadouleur ,
Par ses Discours plaintifs , exprimoit son mal- heur.
Ovous à qui mes cris pourront se faire entendre ,
Apprenez , apprenez , trop crédules amantes
Que mes tristes regrets et mes gemissemens›
Sont les fruits d'un amour trop tendre
H. Vol. Bvj, Que
1292 MERCURE DE FRANCE
Que l'exemple d'un malheureux
Puisse vous garentir des tourmens amoureux !
Amants , amants, brisez vos chaînes ,
Eteignez de folles ardeurs ;
De l'amour les fausses douceurs ,
Causent de veritables peines,
粥
C'est pour enflammer nos cœurs
Qu'avec vous il badine ;
De lui n'attendez point de fleurs ,
Qui ne vous cachent quelque épine :
De lui n'attendez point de fleurs ,
Que vous n'arrosiez de vos pleurs.
M
Par son mérite et sa tendresse ,
La jeune Amarillis avoit sçu me charmer
Mais cette infidele maîtresse ,
S'est lassée enfin de m'aimer.
Depuis son changement , je languis , je m'af
flige ,
Et mon troupeau que je néglige
N'entend plus mes tendres Chansons :
Je dors bien moins que je ne veille ;
Et ma Musette à mon oreille ,
Ne rend plus que de tristes , sons..
II.Vol. No
JUIN. 1732. 1293
Ne vous plaignez plus que vos belles
Refusent de vous soulager ;
Ha ! ne vaut - il pas mieux les éprouver cruelles ,
Que de les voir changer.
Vous avez au moins l'esperance ,
De les attendrir quelque jour ;
Mais j'ai perdu toute assurance
De recouvrer jamais l'objet de mon amou
M
Tandis que par ces tristes plaintes ,
Le Berger Palemon aux Bergers d'alentour ,
Du Dieu que l'on appelle Amour
Inspire les plus vives craintes ,
Quel objet vient s'offrir à ses regards surpris
C'est la charmante Amarillis.
Il reconnoit cette Bergere ·
Qu'il accusoit d'être legere :
Mais elle n'avoit feint un si prompt changement ,
Que pour éprouver son amant,
De Palémon elle couronne
La rare fidelité.
Bien-tôt le Berger lui pardonne ,
Et consent d'oublier son infidelité.
C'est une galante industrie
11. Köl. Que
1294 MERCURE DE FRANCE
De sçavoir à propos irriter un Amant :
Une petite broüillerie ,
Procure le plaisir du racommodement.
P .... r.
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Résumé : LA FAUSSE INCONSTANCE, mise en Musique, par M. de Brie. CANTATE, à voix seule.
La cantate 'La Fausse Inconstance' de M. de Brie narre l'histoire de Palémon, un berger qui exprime sa douleur et son malheur face à l'infidélité apparente de sa bien-aimée, Amarillis. Palémon met en garde contre les tourments de l'amour et exhorte les amantes crédules à briser leurs chaînes. Charmé par le mérite et la tendresse d'Amarillis, il souffre de son infidélité supposée, négligeant son troupeau et trouvant plus de réconfort dans sa musette. Il partage sa douleur avec les bergers alentour, inspirant la crainte de l'amour. Amarillis réapparaît et révèle qu'elle avait feint son infidélité pour tester la fidélité de Palémon. Reconnaissant sa fidélité, elle le couronne et lui pardonne. Palémon pardonne à son tour son infidélité. La cantate conclut que provoquer une petite brouille peut procurer le plaisir du raccommodement.
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311
p. 1436-1440
L'HOROSCOPE, STANCES. A Mademoiselle Rose de B... pour le jour de sa Naissance.
Début :
Vous que l'esprit et la raison [...]
Mots clefs :
Horoscope, Jeune rose, Jeunesse, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HOROSCOPE, STANCES. A Mademoiselle Rose de B... pour le jour de sa Naissance.
L'HOROSCOPE,
STANCES.
AMademoiselle Rose de B... pour le jour
de sa Naissance.
Vousque l'espritet la raison
Eclairent , même dès l'enfance
Rosette , vous traitez d'Oison
Un devin avec sa science,
Pour les Mortels , vous le sçavez 3
L'avenir est impénétrable ;
II. Vol.
C'est
JUIN. 1732 1437
C'est pour leur Maître redoutable :
Que ces secrets sont réservez.
Laissons à cet Etre suprêine
Le soin de régler nos destins è
Nous sommes des Enfans qu'il aime}
Notre sort est bien dans ses mains.
Constellation , influencé ,
Théme , aspect et position ,
Grands mots qu'adopte l'ignorance ,
Vous n'êtes qu'an fade jargon."
Në
J'abandonne le Télescope:,
pouvant life dans les Cieux g
Et pour dresser votre horoscope
Je ne consulte quevosyeux.:
Jeune Rose , je conjecture
Par vos regards vifs et brillans
Que vous naissiez * quand la Nature
Voyoit renaître le Printems.
Cette Vivacité charmante
Dont la vertu réglé le cours
2
* Mademoiselle de B... est néele 27 Mars 1716 *
11. Vol Soumet
1438 MERCURE DE FRANCE
Soumet nos cœurs et les enchante,
Sûre de les ravir toujours.
De vos Parens qui vous cherissent
Vous ferez long- tems les plaisirs :
S'ils sont comptez par nos désirs
Ne craignez jamais qu'ils finissent,
La Jeunesse s'envolera :)
C'est le sort commun des Mortelles ,
Vous verrez ce temsqui fuira ,´
Sans vous en affliger comme elles.
Vous perdrez cet éclat vantél: -
Il n'est rien que le tems n'efface
Mais vous aurez toujours la grace ,
Plus belle encor que la beauté.
Iriez-vous dans un Monastere:
Ensevelissant vos appas
Percer le sein de votre mere a
L'Horoscope ne le dit pas.
་ Surce point je voudrois bien lire
Dans le secret de votre cœur !
Mais si je détruis mon bonheur
Pour avoir trop voulu prédire
II. Vol. Vous
JUIN. 17320 1439
1
Vous aurez un jour un Epour ,
Puis-je vous dire ma pensée?
Vous ne seriez point mariée
S'il le falloit digne de vous.
Helas ! j'en ai trop dit peut être
L'Amour mal aisément se tait,
S'il vous faut un Epoux parfait ,
Damon désespere de l'être.
Quandyotre cœur ressentira
Pour l'Amour moins de répugnance
Alors il se repentira
Desatrop longue indifférence...
Voilà l'unique changement
Que de Rosete on doive attendre :
Et pour la part que j'y veux prendre,,
Buissai- je en marquer le moment L
Un Astrologue ne s'explique .
Que par des termes ambigus ::
Ne me demandez rien de plus ,
Je suis sincere et je m'enpique.
L'ame belle , l'esprit bien fait 7 .
L'humeur égale , l'art de plaire ,
LI. Vol.
Rendront
1440 MERCURE DE FRANCE
Rendront l'Horoscope parfait...
Mais vous m'ordonnez de me taire.
MA
ΕΝΤΟΥ.
A Muse à vous plaire enhardie ,
A tâché dans ces Vers de chanter le retour,
Jeune Rose,de ce beau jour ,
Jour heureux! le premier de votre belle vie ;
Daignez leur accorder un regard`graçièux 3
Si le zele pouvoit , se joignant à l'hommage,
Leur attirer votre suffrage ,
Quels Vers le mériteroient mieux?
M. Daurat , Capitaine de Cavalerie.
STANCES.
AMademoiselle Rose de B... pour le jour
de sa Naissance.
Vousque l'espritet la raison
Eclairent , même dès l'enfance
Rosette , vous traitez d'Oison
Un devin avec sa science,
Pour les Mortels , vous le sçavez 3
L'avenir est impénétrable ;
II. Vol.
C'est
JUIN. 1732 1437
C'est pour leur Maître redoutable :
Que ces secrets sont réservez.
Laissons à cet Etre suprêine
Le soin de régler nos destins è
Nous sommes des Enfans qu'il aime}
Notre sort est bien dans ses mains.
Constellation , influencé ,
Théme , aspect et position ,
Grands mots qu'adopte l'ignorance ,
Vous n'êtes qu'an fade jargon."
Në
J'abandonne le Télescope:,
pouvant life dans les Cieux g
Et pour dresser votre horoscope
Je ne consulte quevosyeux.:
Jeune Rose , je conjecture
Par vos regards vifs et brillans
Que vous naissiez * quand la Nature
Voyoit renaître le Printems.
Cette Vivacité charmante
Dont la vertu réglé le cours
2
* Mademoiselle de B... est néele 27 Mars 1716 *
11. Vol Soumet
1438 MERCURE DE FRANCE
Soumet nos cœurs et les enchante,
Sûre de les ravir toujours.
De vos Parens qui vous cherissent
Vous ferez long- tems les plaisirs :
S'ils sont comptez par nos désirs
Ne craignez jamais qu'ils finissent,
La Jeunesse s'envolera :)
C'est le sort commun des Mortelles ,
Vous verrez ce temsqui fuira ,´
Sans vous en affliger comme elles.
Vous perdrez cet éclat vantél: -
Il n'est rien que le tems n'efface
Mais vous aurez toujours la grace ,
Plus belle encor que la beauté.
Iriez-vous dans un Monastere:
Ensevelissant vos appas
Percer le sein de votre mere a
L'Horoscope ne le dit pas.
་ Surce point je voudrois bien lire
Dans le secret de votre cœur !
Mais si je détruis mon bonheur
Pour avoir trop voulu prédire
II. Vol. Vous
JUIN. 17320 1439
1
Vous aurez un jour un Epour ,
Puis-je vous dire ma pensée?
Vous ne seriez point mariée
S'il le falloit digne de vous.
Helas ! j'en ai trop dit peut être
L'Amour mal aisément se tait,
S'il vous faut un Epoux parfait ,
Damon désespere de l'être.
Quandyotre cœur ressentira
Pour l'Amour moins de répugnance
Alors il se repentira
Desatrop longue indifférence...
Voilà l'unique changement
Que de Rosete on doive attendre :
Et pour la part que j'y veux prendre,,
Buissai- je en marquer le moment L
Un Astrologue ne s'explique .
Que par des termes ambigus ::
Ne me demandez rien de plus ,
Je suis sincere et je m'enpique.
L'ame belle , l'esprit bien fait 7 .
L'humeur égale , l'art de plaire ,
LI. Vol.
Rendront
1440 MERCURE DE FRANCE
Rendront l'Horoscope parfait...
Mais vous m'ordonnez de me taire.
MA
ΕΝΤΟΥ.
A Muse à vous plaire enhardie ,
A tâché dans ces Vers de chanter le retour,
Jeune Rose,de ce beau jour ,
Jour heureux! le premier de votre belle vie ;
Daignez leur accorder un regard`graçièux 3
Si le zele pouvoit , se joignant à l'hommage,
Leur attirer votre suffrage ,
Quels Vers le mériteroient mieux?
M. Daurat , Capitaine de Cavalerie.
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Résumé : L'HOROSCOPE, STANCES. A Mademoiselle Rose de B... pour le jour de sa Naissance.
Le texte est un horoscope dédié à Mademoiselle Rose de B..., née le 27 mars 1716, rédigé par M. Daurat, Capitaine de Cavalerie. L'auteur affirme que l'avenir est impénétrable et rejette les termes astrologiques comme des jargons vides. Il se base uniquement sur les yeux de Rose pour dresser son horoscope, déduisant de son regard vif et brillant qu'elle est née au printemps. Rose est décrite comme ayant une vivacité charmante qui enchante les cœurs et apportera longtemps des plaisirs à ses parents. Bien qu'elle verra la jeunesse s'envoler, elle ne s'en affligera pas comme les autres. L'horoscope ne prédit pas si elle entrera dans un monastère. L'auteur exprime son désir de connaître ses sentiments, mais craint de détruire son bonheur en prédisant trop. Il suggère qu'elle trouvera un époux digne d'elle et que son cœur changera avec le temps. L'horoscope se conclut en soulignant que l'âme belle, l'esprit bien fait, l'humeur égale et l'art de plaire rendront l'horoscope parfait. L'auteur termine en espérant que Rose accorde un regard gracieux à ses vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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312
p. 1526-1528
LA DISGRACE D'HÉBÉ. CANTATE A mettre en Musique.
Début :
Récitatif. Dans le Palais charmant, de la voute celeste, [...]
Mots clefs :
Disgrâce d'Hébé, Amour, Musique, Voûte céleste
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA DISGRACE D'HÉBÉ. CANTATE A mettre en Musique.
LA DISGRACE D'HE' BE'.
CANTATE
Amettre en Musique.
Récitatif.
D
Ans le Palais charmant
Voute celeste ,
> de la
Sous ces lambris sacrez , où Jupint tient sa Cour,
La jeune Hébé , plus brillante, et plus leste ,
Que la Messagere du jour ,
Enyvroit tous les Dieux de Nectar , et d'amour.
Chaque jour lui donnoit quelque grace nouvelle,
Tout cedoit au pouvoir de ses attraits naissants
Et
JUILLET. 1732. 1527
Et Venus à regret , auprès de cette Belle ,
Voyoit ses charmes impuissants.
Air. Quelle douceur , quelle victoire ,
De charger ainsi de fers ,
Les Maîtres de l'Univers ?
C'est des Héros de l'histoire,
Egaler les travaux divers.
Quel triomphe , quelle gloire
De ravir de tendres cœurs ,
A leurs premiers vainqueurs !
C'est voler au Temple demémoire ,
Par les plaisirs les plus flateurs.
Recitatif. Mais du destin leger, le caprice volage,
De la jeune Déesse abbatit les autels ,
Dans le moment qu'aux immortels
Elle offroit le divin breuvage.
Le pied glisse à la Belle, et malgré tous ses soins
Devant ces augustes témoins
Elle chancelle , elle tombe par terre !
"
Funeste chute , évenement fatal ,
Qui dégageant le Maître du tonnerre
En la place d'Hébé , éleve son rival.
Air. Que vos faveurs soient mesurées ,
Beautez, ne les prodiguez pas ,
2
Il
r528 MERCURE DE FRANCE
Il ne faut souvent qu'un faux pas ,
Pour renverser tous les Trophées ,
Qu'on érigeoit à vos appas.
Que vos faveurs soient mesurées ,
Beautez , ne les prodiguez pas..
Récitatif. Quel spectacle cruel ! l'orgueilloux Ga
nimede ,
Triomphe insolemment de la faveur des Dieux !
Eclatez , vains.soupirs , volez , percez les Cieux. -
Eternisez d'Hébé les malheurs sans remede.
Et vous,
Air.
Jeunes Beautez , fieres de notre encens
Justruisez vous à ses dépens,
L'Amour est un Dieu sauvage
Que nourrissent les soupirs.
Qui sçait picquer ses desirs
Sçait l'enflammer davantage.
Se promet-il des plaisirs ?
Il chérit son esclavage.
Les goûte-t'il il se dégage ,..
Plus leger que les Zéphirs ;
Et inalgré son doux langage,
C'est au port qu'il fait nauffrage,
CANTATE
Amettre en Musique.
Récitatif.
D
Ans le Palais charmant
Voute celeste ,
> de la
Sous ces lambris sacrez , où Jupint tient sa Cour,
La jeune Hébé , plus brillante, et plus leste ,
Que la Messagere du jour ,
Enyvroit tous les Dieux de Nectar , et d'amour.
Chaque jour lui donnoit quelque grace nouvelle,
Tout cedoit au pouvoir de ses attraits naissants
Et
JUILLET. 1732. 1527
Et Venus à regret , auprès de cette Belle ,
Voyoit ses charmes impuissants.
Air. Quelle douceur , quelle victoire ,
De charger ainsi de fers ,
Les Maîtres de l'Univers ?
C'est des Héros de l'histoire,
Egaler les travaux divers.
Quel triomphe , quelle gloire
De ravir de tendres cœurs ,
A leurs premiers vainqueurs !
C'est voler au Temple demémoire ,
Par les plaisirs les plus flateurs.
Recitatif. Mais du destin leger, le caprice volage,
De la jeune Déesse abbatit les autels ,
Dans le moment qu'aux immortels
Elle offroit le divin breuvage.
Le pied glisse à la Belle, et malgré tous ses soins
Devant ces augustes témoins
Elle chancelle , elle tombe par terre !
"
Funeste chute , évenement fatal ,
Qui dégageant le Maître du tonnerre
En la place d'Hébé , éleve son rival.
Air. Que vos faveurs soient mesurées ,
Beautez, ne les prodiguez pas ,
2
Il
r528 MERCURE DE FRANCE
Il ne faut souvent qu'un faux pas ,
Pour renverser tous les Trophées ,
Qu'on érigeoit à vos appas.
Que vos faveurs soient mesurées ,
Beautez , ne les prodiguez pas..
Récitatif. Quel spectacle cruel ! l'orgueilloux Ga
nimede ,
Triomphe insolemment de la faveur des Dieux !
Eclatez , vains.soupirs , volez , percez les Cieux. -
Eternisez d'Hébé les malheurs sans remede.
Et vous,
Air.
Jeunes Beautez , fieres de notre encens
Justruisez vous à ses dépens,
L'Amour est un Dieu sauvage
Que nourrissent les soupirs.
Qui sçait picquer ses desirs
Sçait l'enflammer davantage.
Se promet-il des plaisirs ?
Il chérit son esclavage.
Les goûte-t'il il se dégage ,..
Plus leger que les Zéphirs ;
Et inalgré son doux langage,
C'est au port qu'il fait nauffrage,
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Résumé : LA DISGRACE D'HÉBÉ. CANTATE A mettre en Musique.
La cantate 'La Disgrâce d'Hébé' relate la chute d'Hébé, la déesse chargée de servir le nectar aux dieux sur l'Olympe. Initialement admirée pour sa beauté et ses grâces, Hébé est reconnue même par Vénus. Cependant, une chute accidentelle lors du service entraîne sa disgrâce, permettant à Ganymède de prendre sa place auprès de Jupiter. La cantate met en garde contre l'arrogance et l'excès de confiance, soulignant la fragilité des faveurs divines. Ganymède, profitant de la situation, triomphe insolemment, tandis que les jeunes beautés sont invitées à tirer des leçons de la déchéance d'Hébé. La cantate se conclut par une réflexion sur la nature capricieuse de l'amour, qui peut à la fois enchaîner et libérer ceux qui en sont les esclaves.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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313
p. 1529-1552
LE PRINCE JALOUX.
Début :
De toutes les passions de l'ame, il n'y en [...]
Mots clefs :
Prince jaloux, Jalousie, Passions de l'âme, Dom Rodrigue, Princesse d'Aragon, Delmire, Amour, Alarmes, Dom Pedre, Conquérir, Infidélité, Maîtresse, Lettre, Amant, Plaisir secret
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texteReconnaissance textuelle : LE PRINCE JALOUX.
LE PRINCE JALOUX.
E toutes les passions de l'ame , il
Da'yenapoint qui se fassent sentir
a
L
avec plus de violence que la jalousie.
Je parle ici de cette jalousie que l'amour
extrême produit ; il s'en faut beaucoup
que celle qui naît de l'ambition se porte
à des excès aussi grands. On a vû des
Rois jaloux de la puissance de leurs Voisins , mettre sur pied des Armées formidables pour envahir leurs Etats , et faire couler des fleuves de sang pour satisfaire leur ambition ; mais ce désir de
s'aggrandir n'alloit que rarement jusqu'à
la haine personnelle ; Alexandre donna
des farmes à la mort de Darius , et Darius lui toucha dans la main en signe d'amitié , sur le point de rendre le dernier
soupir. Il n'en est pas de même de la jadousie des Amans , c'est un mélange d'amour et de haine ; elle peut être définie
differemment selon les differens objets
qu'elle se propose : sçavoir , une crainte
de préférence , ou de partage du cœur de
la personne aimée ; ou une crainte de
préférence ou de partage des faveurs de
la
1530 MERCURE DE FRANCE
la personne aimée ; cette derniere est la
plus injurieuse à l'objet aimé , comme
nous l'allons voir dans l'histoire de Rodrigue , Roi de Valence.
ne furent
$
Les Royaumes d'Arragon et de Valence , qui ne sont aujourd'hui que comme des Provinces de la vaste Monarchie
d'Espagne , avoient jour d'une longue et
profonde paix , sous Dom Alphonse et
sous Dom Fernand , leurs Rois ; mais les
peuples de l'un et de l'autre Royaume
pas si heureux sous le Régne
des Enfans de ces Rois justes et pacifiques. Dom Pedro succeda à Dom Alphonse , et Dom Rodrigue hérita de la
Couronne de Dom Fernand. Dom Rodrigue plus impétueux que Dom Pedro ,
fut le premier à lever l'Etendart de la
guerre , fondé sur des prétextes que l'ambition ne manque jamais de trouver
quand elle veut exercer son empire , si
funeste aux peuples , qui en sont les innocentes victimes. La Fortune , Divinité
aveugle , se déclara d'abord pour la ..use
la plus injuste ; Dom Rodrigue qui fit
les premieres infractions aux traitez de
Paix , long-tems maintenus entre son
pere et celui de Dom Alphonse , porta
ses Conquêtes jusques dans la Capitale
d'Arragon ; Dom Pedro ne pouvant s'opposer
JUILLET. 1732 1537 ་
poser à ce torrent , fut obligé d'aller de mander du secours aux Princes ses Voisins , et le fit avec tant de précipitation
qu'il abandonna sa sœur au pouvoir du
ainqueur ; mais l'Amour entreprit de
réunir deux Rois que l'ambition avoit
divisez.
,
A peine Dom Rodrigue fut entré dans
l'Appartement de Delmire c'étoit le
nom de la Sœur de Dom Pedro , qu'il ne
découvrit que des objets capables de l'attendrir. La Princesse d'Arragon étoit évanouie entre les bras de sa Gouvernante , qui arrosoit son visage d'un torrent
de larmes , ses autres filles poussoient des
gémissemens à percer le cœur le plus insensible ; Rodrigue ne peut soutenir ce
spectacle sans émotion ; mais que devint
il quand il eut jetté les yeux sur l'objet
de ces tristes gémissemens. Il sentit dans
le fond de son cœur un frisson , avantcoureur de sa défaite ; Delmire n'entr'ouvoit un œil mourant que pour allumer
dang, on sein un feu qui ne devoit jamais s'éteindre. Elle ne pût regarder sans
indignation le cruel ennemi de son frere ,
le destructeur de sa Nation , et l'Auteur
de son esclavage ; mais l'air soumis et respectueux avec lequel son vainqueur l'aborda , ne tarda guére à la désarmer.
→Que
32 MERCURE DE FRANCE
Que je suis criminel , s'écria Rodrigue,
» en tombant à ses pieds ! j'ai pû réduire
à cet état pitoyable une Princesse digne
n de l'adoration de tous les Mortels ! Fa-
» tale ambition , à quoi m'as tu porté ?
» et comment pourrai-je expier mon crime ? Delmire ne répondit à ces mots
que par des pleurs ; elle détourna les
yeux , et ayant témoigné qu'elle avoit
besoin de repos , elle obligea Rodrigue
à se retirer , sans sçavoir si son repentir
lui avoit obtenu sa grace. Elle n'étoit pas
loin d'être accordée , cette grace que l'Amour demandoit ; les momens de repos
que Dom Rodrigue venoit de laisser à
son aimable Delmire , lui servirent plutôt à éxaminer le trouble que son ennemi avoit excité dans son cœur , qu'à goûter les douceurs d'un sommeil , que l'agitation de ce jour. fatal sembloit lui rendre nécessaire. Elle sentit des mouvemens
qui lui avoient été inconnus jusqu'alors.
Rodrigue désarmé , Rodrigue prosterné
à ses genoux , Rodrigue repentant cessa
de lui paroître criminel. En vain sa fierté
voulut s'opposer à des sentimens si favorables , elle ne lui parla que foiblement
contre lui , et l'Amour lui imposa bien-
-tôt silence.
Il s'accrut de part et d'autre cet Amour
qui
JUILLET. 1732 1533
"
venoit de naître au milieu des allarmes; la
dissension qui regnoit entre le frere et l'Amant ne diminua rien de la force qu'il acqueroit tous les jours; mais Rodrigue n'en
regla pas les mouvemens comme Delmire. La crainte de perdre ce qu'il aimoit lui
inspira des sentimens de jalousie qui allerent jusqu'à la fureur. Voicy ce qui donna lieu à la naissance de cette passion tyrannique.
Don Pedre , trahi par la fortune , et
ne trouvant pas dans ses Etats des forces
suffisantes à opposer à un ennemi aussi
redoutable que Rodrigue, avoit été réduit
à appeller ses voisins à son secours. Il s'étoit marié , à l'insçu même de sa sœur , et
ce mystere étoit une raison d'Etat ; l'éloignement qu'il témoignoit pour le mariage, laissoit esperer à tous les Princes, dont
le secours lui étoit necessaire , la succession du Royaume d'Arragon qui devoit
appartenir à Delmire , supposé que son
Frere persistât dans le dessein de garder
le célibat. Il n'avoit pas besoin de cette
feinte. Delmire seule , et sans emprunter
l'éclat d'une Couronne , étoit capable de
mettre toute l'Europe dans ses interêts; le
bruit de sa beauté lui avoitfait desAmans,
qui n'attendoient qu'une occasion de se
déclarer pour elle , et de la mettre en liberté de se choisir un Epoux.
D Les
7534 MERCURE DE FRANCE
Les Rois de Castille et de Leon furent
les premiers qui armerent pour elle ; d'autres Princes Souverains suivirent leur
exemple, et le Roy d'Arragon se vit bientôt à la tête d'une armée capable de faire
trembler l'Usurpateur de sa Couronne. Il
ne voulut pourtant en venir aux dernieres extrêmitez qu'après avoir tenté les
voïes de la douceur. Il écrivit à sa sœur ,
et lui fit entendre qu'il ne tiendroit qu'au
Roy de Valence de rendre la paix à toutes les Espagnes , en la renvoïant auprès
de lui , et en lui restituant toutes les Places qu'il avoit conquises dans une guerre
injuste.Delmire ne consultant que son devoir , fit sçavoir les prétentions de son
frere à son Amant, et le pressa de lui rendre la liberté. Que me demandez- vous,
» lui dit Rodrigue? Moi, je pourrois consentir à vous livrer à quelque heureux
» Rival ! Ah ! vous ne connoissez pas
»l'Amour , puisque vous croyez qu'un
cœur véritablement épris , peut ceder
»ce qu'il aime ; mais je m'abuse , pour-
» suivit-il , avec des yeux , que la jalousie
» enflamma d'un courroux dont il ne fut
» pas le maître. Vous ne le connoissez que
>> trop , cet amour qui m'attache à vous,
»et qui vous lie à quelqu'un de mes Ri-
» vaux ; vous brûlez , ingrate , de vous
» éloi-
JUILLET. 1732. 1535
éloigner de moi , pour vous rapprocher
» de celui qui veut vous arracher à mon
» amour , mais ne l'esperez qu'après ma
»mort. Non , je ne vous verrai pas entre
» les bras d'un autre ; et quelques formi-
» dables que soient les apprêts qu'on fait
» pour vous conquerir ; j'en ferai de plus
» grands pour vous conserver. Delmire
fut si surprise de ce premier transport de
jalousie , qu'elle resta quelque temps sans
repartie ; mais voïant son impétueux
Amant prêt à lui faire des reproches encore plus sanglans. » Arrêtez, lui dit elle,
» et n'attribuez mon silence qu'à l'éton-
» nement où votre injustice vient de me
jetter. Quoi ? poursuivit elle, c'est Don
» Rodrigue qui me soupçonne de l'avoir
trompé jusqu'aujourd'hui , qui me croit
capable d'en aimer un autre que lui ; Je
» le devrois , ingrat , continua-t-elle ; et
» vous meriteriez l'infidelité dont vous
» m'accusez. Ces paroles , suivies de quelques larmes qu'elle ne put retenir , rendirent un calme soudain au cœur du Roy
de Valence. » Pardonnez-moi , lui dit-il ,
>> Adorable Delmire , des sentimens que
» je désavouë , et n'en imputez le crime.
» qu'à l'excès de mon amour. C'est cet
» amour, aussi ardent qu'il en fut jamais ,
» qui m'ôtant tout à coup l'usage de la Dij >> rai-
1536 MERCURE DE FRANCE
» raison , ne m'a pas permis de vous ca-
» cher l'affreux désespoir où votre perte
» me réduiroit. Vous me la rendez cette
» raison ; elle m'éclaire sur l'injustice de
» mes prétentions ; si la guerre vous à fai29
te ma prisonniere , l'amour m'a fait vo-
»tre esclave ; oüi , ma raison me fait voir
que j'aurois dû vous laisser maîtresse
» de votre destin , dès le moment que je
» vous ai adorée. Vous pouvez partir, je ne
» vous retiens plus ; vous pouvez vous
> donner à l'heureux mortel à qui le Roy
>> votre Frere vous réserve; et quand vous
» vous seriez destinée vous- même à ce
»Rival , que j'abhorre sans le connoître
» ce ne seroit pas à moi à m'opposer au
penchant de votre cœur ; mais quelque
» soit celui qui doit posseder tant de
»charmes, qu'il ne se flatte pas que je
» le laisse tranquillement jouir d'une fé-
» licité où il ne m'est plus permis d'as-
»pirer votre frere a résolu ma mort
» mais je la rendrai fatale à votre Epoux ;
>> ma haine est aussi forte pour lui , que
» mon amour pour vous ; je ne respire
»que vengeance ; et je confonds dans ma
fureur tous les Princes du monde ; je les
regarde tous comme les Usurpateurs de
mon Trésor ; ces transports qui redoubloient à chaque instant , et dans le tems
>>
même
JUILLET. 1732 1537
même qu'il sembloit se repentir de les
avoir fait éclater , jetterent une douleur
mortelle dans le cœur de la tendre Delmire. » Ah! Seigneur , lui dit- elle , pour-
» quoi faut- il que vous m'aimiez ? que je
vais vous rendre malheureux ! je vois
» trop que le poison de la jalousie se ré-
» pandra sur tous les jours de votre vie, et
qu'il troublera votre tranquillité et la
»mienne ; cependant que dois- je faire
» dans la triste situation où je me trouve?
» dites-moi la réponse que je dois faire au
»Roy d'Arragon : Eh ! puis-je balancer
» un moment à la faire moi- même , lui
» dit l'impetueux Rodrigue ; qu'il vous
>> donne à moi , et qu'il reprenne tout ce
» que la victoire m'a fait conquerir sur
» lui ; je lui abandonne tout , et ce sa-
»crifice iroit jusqu'au don de ma Cou
ronne, si je ne la regardois comme vo-
» tre bien ; mais qu'il ne m'oblige pas
Ȉ reprendre les armes , par la honte
» d'un refus , que j'irois expier dans son ور «sang.
Cet amour , qui tenoit de la fureur , fit
trembler Delmire ; elle comprit bien que
Ja jalousie de son Amant ne finiroit qu'avec sa vie. Pour en calmer les transports ,
elle lui promit de ne rien oublier pour
porter le Roy d'Arragon à un Hymen
D iij qui
1538 MERCURE DE FRANCE
qui les rendroit tous deux infortunez.
Élle fit réponse à son frere avec les plus.
vives expressions que l'amour pût lui.
suggérer. Elle communiqua sa Lettre au
jaloux Rodrigue; il y en ajouta une de sa
main, qui n'étoit pas moins forte, et dont
Delmire auroit été charmée, si elle eût pû
se cacher que ce même amour qui s'exprimoit si tendrement , dégénéroit en implacable couroux , dès qu'il craignoit de
perdre l'objet aimé.
Les engagemens que Don Pedre avoit
pris avec ses Alliez, ne lui permettant pas
de faire assez- tôt une réponse positive aux
propositions de Don Rodrigue , réveil
lerent la jalousie de ce dernier ; il ne dou
ta point que sa perre ne fut résoluë ; il fit
de nouveaux préparatifs de guerre il écla❤
ta en reproches contre la malheureuse
Delmire ; il la soupçonna d'avoir part à
des retardemens qui lui annonçoient un
refus ;elle en soupira , elle en gémit, mais
le mal étoit sans remede ; elle aimoit
trop cet ingrat , qui l'accusoit d'en aimer
un autre. Elle redoubla ses empressemens
auprès de son Frere , et le fit avec tant de
succès , que la paix fut concluë entre les
deux Rois ennemis , et l'hymen arrêté
entre les deux Amans.Cette agréable nouvelle répandit une joie universelle dans
les
JUILLET. 1732. 1539
les Royaumes de Valence et d'Arragon ;
Rodrigue se livra tout entier à la douce
esperance de posseder bien-tôt sa chere
Princesse ; la seule Delmire s'abandonnoit à la douleur , tandis que tout ne res
piroit que bonheur ; elle n'ouvroit son
cœur qu'à deux de ses confidentes , dont
l'une avoit pris soin de son enfance , et l'autre vivoit dans une très-étroite familiarité avec elle. La premiere s'appelloit
Théodore , et l'autre Délie ; je les nomme
toutes deux , parce qu'elles doivent avoir
part à la suite de cette histoire ; Théodore lui conseilloit de fermer les yeux sur
tous les malheurs dont la jalousie de Rodrigue sembloient la menacer ; Délie au
contraire n'oublioit rien pour la détourner d'un hymen que cette affreuse jalou
sie lui rendroit funeste. L'un et l'autre
conseil partoient d'un cœur bien intentionné , mais la triste Delmire ne sçavoit lequel elle devoit suivre pour être
heureuse , l'amour avoit déja décidé de
son sort ; elle ne laissa pas de se précau
tionner autant qu'il dépendoit d'elle
contre les suites que pourroit avoir un
engagement qui devoit durer autant que
sa vie. Elle fit promettre à Don Rodrigue de se guérir de sa jalousie , et ne lui
promit de l'épouser qu'à cette condition.
D iiij Don
1540 MERCURE DE FRANCE
Don Rodrigue lui jura de n'être plus
jaloux. » Je ne l'étois, lui dit-il , que parce
» que je craignois de vous perdre ; vous
» serez bien-tôt à moi ; qu'ai-je à crain-
» dre ? Non , ajouta t- il, plus de défiance,
» Delmire se donne à moy , rien ne peut
» me la ravir , sa foy me rassure contre
toutes les prétentions de mes Rivaux;
» je suis le plus heureux de tous les hom-
» mes , et ma félicité me rend à jamais
❤ tranquille.
Ces belles protestations , qu'il croyoit
aussi constantes que l'amour qui les lui
dictoit , ne tinrent pas contre le premier
sujet qu'il crut avoir de se défier de son
Amante: Voicy ce qui y donna occasion .
La Duchesse du Tirol , tendre amie de
la Princesse d'Arragon , dont elle avoit
vivement ressenti l'absence depuis que le
Roy de Valence l'avoit faite prisonniere ;
n'eût pas plutôt appris que la paix étoit conclue entre les deux Couronnes , et que
sa chere Delmire en alloit porter une ,
qu'elle lui écrivit pour lui témoigner la
part qu'elle prenoit à son bonheur , et
pour la prier de lui accorder la permission de venir à Valence, pour être témoin
d'un hymen qui faisoit la félicité de deux
Peuples. Delmire s'enferma dans son cabinet pour lui faire réponse ; elle avoit
pris
JUILLET. 1732. 1541
pris la précaution de deffendre que personne la vint troubler. L'amoureux Rodrigue se presenta à la porte de son appartement , dans le temps qu'elle achevoit sa Lettre ; quoique les ordres qu'elle
ávoit donnez qu'on la laissât seule , ne
fussent pas pour lui , Délie , celle de ses
Dames qu'elle affectionnoit le plus , et
qui n'approuvoit pas son hymen , à cause des suites fâcheuses qu'il pouvoit
avoir pour sa chere Maîtresse , eut la malice de vouloir mettre sa jalousie à l'épreuve , et lui dit que la Princesse ayant
des dépêches secretes à faire , avoit deffendu , sans excepter personne , qu'on
laissât entrer dans son appartement, »> Ces
» deffenses ne sont pas apparemment pour
»un Royqui doit bientôt être son Epoux,.
répondit D. Rodrigue , avec un souris.
» forcé , et je crois pouvoir prétendre à
>> l'honneur de sa confidence. Délie affecta
encore plus d'empressement. à l'empêcher d'entrer pour lui donner de plus:
grands soupçons; elle n'y réussit que trop
bien. D. Rodrigue avala à longs traits le
poison que cette artificieuse fille lui avoit
préparé ; il entra tout transporté , mais à.
peine eut-il apperçu Delmire que le res--
pect, que sa presence lui inspiroit, suspendit les mouvemens tumultueux qui ve
D v noient
1542 MERCURE DE FRANCE
1
noient de s'élever dans son ame; il se rapella la promesse qu'il lui avoit faite , de
n'être plus jaloux ; et la voïant attentive à
la Lettre qu'elle écrivoit , il s'avança sans
bruit et sans crainte d'être vû , attendu
qu'elle lui tournoit le dos; mais une glace
sur laquelle Delmire jetta les yeux et à
laquelle ce Prince jaloux ne fit nulle attention , tant il étoit occupé de ses soupçons , trahit le dessein qu'il avoit de lire
ce que la Princesse écrivoit. Delmire ne
l'eût pas plutôt apperçu qu'elle serra brusquement sa Lettre; et se tournant vers lui,
elle se plaignit du dessein qu'il avoit de la
surprendre. D. Rodrigue ne sçut d'abord
répondre à ce reproche; il craignoit
de faire entrevoir sa jalousie ; il lui demanda pardon de la liberté qu'il avoit
prise decontrevenir à des ordres qui peutêtre n'étoient pas moins pour lui que
pour tous les autres, quoique le nœud qui
devoit les unir à jamais le mit en droit
de se croire excepté. »Ce droit n'est pas
»encore si sûr que vous le
que
lui pensez ,
répondit Delmire, avec une petite émo-
»tion de colere, puisqu'il n'est fondé que
sur un hymen , auquelje n'ai consenti
»que conditionnellement; avez vous oubiié quelles sont nos conventions ? Vous
>m'avez promis de n'être plus jaloux ;
moi
JUILLET. 1732. 1543
moi,jaloux, s'écria D. Rodrigue;voulez-
» vous me faire un crime d'un mouvement
» de curiosité qui ne tire nullement à con-
» séquence. Eh bien , je vous en croi , lui
» répondit Delmire ; mais comme cette
»curiosité m'a induite à vous soupçonner d'infraction de traité , c'est par
» même que je veux vous punir ; pér-
» mettez donc que je ne la satisfasse pas ;
» vous ne sçauriez mieux me prouvervo
là
tre innocence ; le sacrifice que je vous
» demande n'est pas grand , et si vous
» sçavicz à qui s'addresse cette Lette que
» vous avez voulu lire à mon insçu , vous
» ne balanceriez pas un moment à m'ac-
» corder ce quej'exige de vous ; j'y sous-
» cris sans repugnance , lui répondit Ro
>> drigue , malgré l'envie secrette qu'il
» avoit d'apprendre ce que contenoit cette
» Lettre mysterieuse , que Delie lui avoit
» renduë suspecte ; vous me comblez de
» plaisir , lui dit Delmire, et je commen
ce à bien augurer de votre amende
» ment.
Elle demeura ferme dans sa résolution ,
quoique Rodrigue ne laissât pas de lui
faire entrevoir le desir qu'il avoit de sça--
voir ce qu'elle venoit d'écrire ; ils se sé→
parerent assez satisfaits l'un de l'autre en
apparence ; mais Rodrigue nourrissoit
Dvj dans
1544 MERCURE DE FRANCE
"
4
dans le cœur une inquiétude qu'il lui
falloit dévorer aux yeux de sa Princesse;
elle ne l'eut pas plutôt quitté , qu'il ne
songea qu'aux moyens de s'éclaircir d'un
doute qui troubloit son repos.
Il avoit , pour son malheur , un Confident qui flatoit sa jalousie , parce qu'il
n'étoit jamais plus en faveur auprès de
son Maître , que lors qu'il faisoit quelque
découverte qui l'entretenoit dans son
amoureuse défiance. Cette peste de Cour
s'appelloit Octave. Dom Rodrigue ne lui
eut pas plutôt communiqué ce qui venoit de se passer entre Delmire et lui ,
que ce dangereux Courtisan lui avoüa
qu'il croyoit que cette Lettre que la Princesse avoit écrite à son insçu , s'adressoit
à quelque Rival caché ; il s'offrit à l'intercepter ; Dom Rodrigue lui promit une
récompense proportionnée à ce service ;
mais comme il craignoit d'offenser sa Princesse , il lui ordonna d'éviter l'éclat dans
la commission dont il se chargeoit. Octave lui dit qu'il pouvoit s'en reposer sur
sa dexterité , et le quitta pour aller se
préparer à cette expedition.
Delmire , contente du petit sacrifice
que son Amant venoit de lui faire , chargea Délie de remettre le Billet qu'elle venoit d'écrire entre les mains de celui qui
lul
JUILLET.- 17328 1545
lui avoit apporté la Lettre de la Duchesse
de Tirol ; c'étoit un Amant de Delie ,
qui s'appelloit Florent. Elle executa les ordres de sa Maîtresse ; mais comme les
Amans ont toûjours quelque petit reproche à se faire , Florent ne voulut point
s'éloigner de Délie , sans se plaindre de
son indifference : Est-il possible , lui
dit - il que l'amitié soit plus empres-
»sée que l'Amour ? La Duchesse de Tirol
» n'a pas plutôt appris que le commerce
» n'est plus interrompu entre les Peuples
d'Arragon et ceux de Valence , qu'elle
»s'empresse d'écrire à la Princesse Delmire ; cette tendre amie n'est pas moins
» prompte à lui faire réponse , et Délies
>> pendint deux mois d'absence , ne peut :
>> trouver un seul moment pour donner:
»de ses nouvelles au plus passionné de
>> tous les Amans ! voici de quoi vous convaincre , lui répondit- elle , en tirant
>>de sa poche une Lettre qu'elle n'avoit
>> pû lui envoyer ; ce n'est point- là ton
» caractere , lui dit Florent , il est vrai ,
» répliqua Délie , c'est la Princesse même
» qui a eu la bonté de me préter sa main,
parce ce que je ne pouvois pas me servir
de la mienne , à cause d'une indisposi-
» tion.
Florent étoit si persuadé des bontez de
Del-
16 MERCURE DE FRANCE
Delmire pour Délie , qu'il ne douta point
qu'elle ne lui dît vrai , il la pria de lui
laisser cette chere Lettre , puisque c'étoit
à lui- même qu'elle s'adressoit , Délie n'en
fit aucune difficulté , et retourná auprès
de sa Maîtresse.
Florent ne fut pas plutôr seul qu'il ne
put résister à l'envie de lire ce que Délie
lui écrivoit ; il étoit si occupé de cette
lecture qu'il ne s'apperçut pas de l'arrivée
d'une personne masquée , soutenuë de
plusieurs autres qui devoient venir à son
secours en cas de besoin. C'étoit Octave
qui s'avançant par derriere , lui saisit la
Lettre de Délie. Florent se deffendit autant qu'il put , mais tous les efforts qu'il fie
n'empêcherent pas qu'Octave ne lui ravît
la moitié d'une Lettre qui lui étoit si
chere. Fatale moitié , dont nous verrons
bien-tôt les fun stes suites.
Florent ne pouvant tirer raison de
l'insulte qu'on venoit de lui faire , et ne
scachant qui il devoit en accuser , se con- sola de la perte de cette moitié de Lettre ,
et partir pour aller porter à la Duchesse du
Tirol , le Billet dont D'lie venoit de le
charger de la part de Delmire. Octave
content de son larcin , aila sur le champ
trouver D. Rodrigue , pour lui rendre
compte de l'heureux succès de son zele ;
voici
JUILLET. 1732. 1547
voici ce que contenoit cette moitié de
Lettre, qu'il remit entre les mains de son:
Maître.
L'Amour que vous m'avez autrefois jurée
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée .
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse ;
y serez-vous aussi sensible que vous le devez ?
vous êtes dans Saragosse et moi ,
cruelle et rigoureuse absence •
souvenez- vous que je n'aime que vous
que puisque je ne puis vivre sans mon cher ...
vous ne devez vivre que pour la tendre Del ·
Quels furent les transports du Roy de
Valence à cette fatale lecture. Ah! je
»ne m'étonne plus , s'écria-t'il¸ que Pina fidelle Delmire ait pris tant de précau
tion pour n'être point surprise quand
» elle traçoit ces tendres témoignages de
on coupable amour ; avec quelle adresse la peifide s'est prévalue du funeste
>> ascendant qu'elle a sur mon cœur , pour
»me dérober un secret dont la connoissance l'auroit perdue , mais elle ne m'aura pas trompé impunément ; elle ne
»dira plus que ma jalousie est injuste , et
»je n'ai que trop , pour mon malheur
de quoi la confondre.
Il ne s'arrêta pas long- temps à s'exhaler en vains reproches , il courut à l'Appartement de Delmire , pour la convaincre de son manque de foy.
1548 MERCURE DE FRANCE
La Princesse d'Arragon ne s'apperçût pas d'adord du trouble de son cœur ;
elle lui témoigna même combien elle
étoit satisfaite du petit sacrifice qu'il ve
noit de lui faire ; » vous osez encore in→
»sulter à ma crédulité , lui répondit le
» Roy jaloux , d'un ton à la faire trem-
»bler , il n'est que trop grand ce sacrifi-
>> ce dont vous voulez diminuer le prix';
» mais le Ciel , le juste Ciel , n'a pas permis que vous ayez recueilli le fruit de
»votre crime. De mon crime , répondit
» Delmire avec ce noblé courroux qu'ins-
» pire l'innocence accusée ; quoi ? c'est
»par Rodrigue que je suis si mortelle
"
ment outragée. Moi criminelle ! ache-
»vez , cruel persecuteur d'une Princesse
"que vous condamnez à des malheurs
Ȏternels ; apprenez- moi par quelle ac-
» tion j'ai pû meriter l'injure que vous
»faites à ma gloire.Ne croyez pas , poursuivit cet injuste Amant , m'imposer
» encore par ces trompeuses apparences de
»vertudont vous m'avez ébloui jusqu'au-
´» jourd'hui , mes yeux se sont ouverts , et
» plût au Ciel qu'ils fussent encore fer-
>> mez ; et que le hazard ne m'ût pas mis
>> entre les mains des témoins irrécusables
» de votre infidelité. Lisez, poursuivit- il,
» et démentez votre main , si vous l'osez.
»Je
JUILLET. 1732. 1549
» Je ne scaurois disconvenir , lui dit Del-
>> mire , après avoir jetté un regard d'in-
>> dignation sur l'Amant et sur la Lettre
qu'il lui présentoit , je ne sçaurois nier
»que ces mots ne soient tracez de ma
»main; mais avez- vous lieu d'en être ja-
>> loux ? oserez-vous me persuader , in-
»terrompit Rodrigue , que ces tendres
>>> sentimens s'adressent à moi ? L'Amant
»à qui vous écrivez est à Sarragoce ; quel
>> qu'il soit , lui répondit Delmire avec un
>> fier dédain , il est plus digne d'être aimé
»que vous , ces mots acheverent de
»rendre Rodrigue furieux. Quoi ? je
>>ne suis donc plus pour vous , lui dit-il,
» qu'un objet de mépris ! que dis- je ? je
»l'ai toûjours été. Cette absence que vous
» appellez cruelle et rigoureuse , n'a pas
» paré un moment votre perfide cœur de
>> cet heureux Rival , que vous mettez si
fort au- dessus de moi , et vous l'adoriez en secret dans le temps que vous
»me juriez une foi inviolable et un amour
» éternel. Ne poussons pas plus loin une
» erreur qui vous autorise à de nouveaux
»emportemens , lui dit enfin Delmire ; ils
seroient justes s'ils étoient fondez sur
la verité , il est temps de vous détrom-
» per ; mais c'est plutôt pour ma gloire ,
»ajouta- t'elle , que pour votre satisfac
sé-
»tion;
1550 MERCURE DE FRANCE
›
»tion. A ces mots elle ordonna qu'on
>> fit venir Délie ; elle fut obéïe sur le
champ ; Délie , qui se doutoit de ce
qui se passoit entre le Roy et la Princesse entra dans son Appartement
munie d'armes deffensives ; Florent, qui
ne faisoit que de venir de Sarragoce , l'avoit instruite de la violence qu'on lui avoit
faite. Elle tenoit dans sa main, la moitié
de Lettre qui étoit restée dans celle de
Florentin ; » j'ai pressenti , dit elle , en
»s'adressant à Delmire que vous pourriez avoir besoin de cette piece justificative échappée au larcin qu'on a fair
»à Florent. Donnez , répondit Delmire ,
»et vous , injuste Amant , joignez ces ca-
»racteres à ceux qui m'ont rendue si cou-
་
pable à vos yeux , et rougissez seul du
>> crime que vous avez voulu m'imputer.
»Que je crains d'avoir trop mérité votre
»colere ! s'écrie D. Rodrigue , en rece-
»vant d'une main tremblante le fatal
» papier que Delmire lui présentoit.com
»me l'Arrêt de sa condamnation. Je vous.
→crois innocente , continua- t'il , sans rien
>examiner de plus ; il ne suffit pas que
»vous me croyez innocente, lui répon-
»dit Delmire, avec beaucoup d'alteration ,
»il faut que vous soyez convaincu de
»votre crime, je vous laisse , ajoûta- t'elle,
» pour
JUILLET. 1732. 1351
» pour aller refléchir à loisir sur la peine
»qui vous est duë.
A ces mots Delmire le quitta sans
daigner le regarder , et ce qui le fit trembler davantage , c'est de voir qu'elle étoit
suivie de Délie, qu'il sçavoit n'être pas
trop bien intentionnée pour lui.
Sitôt qu'il fut seul , il rejoignit les deux
moitiez de Lettre , et y trouva ces mots.
L'amour que vous m'avez autrefois jurée , mon
ther Florent, et que je vous ai jurée à mon tour,
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée
malgré la distance des lieux qui nous séparent ;
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse , qui partent moins d'une plume empruntée que de mon cœur ; y serez vous aussi sensible que
vous le devez je n'ose presque l'esperer ; que sçai-jez
Vous êtes à Sarragosse et moi à Valence ; je ne
veis personne ; puis -je me flatter que vous fassiez de
même. Cruelle et rigoureuse absence ! que tu me
causes d'allarmes ! cependant , souvenez- vous que
je n'aime que vous ; n'aimez aussi que moi , et
songez sans cesse que puisque je ne puis vivre
sans mon cher Florent ; pour prix de tant de
fidelité , vous ne devez vivre que pour la tendre Delie.
Dans quel accablement la lecture de cette
Lettre ne laissa point le jaloux Rodrigue ?
Le plaisir secret qu'il sentit d'abord à se
voir convaincu de la fidelité de Delmire ,
ne put balancer le mortel regret de l'avoir offensée. La froideur avec laquelle'
sa
1552 MERCURE DE FRANCE
sa chere Princesse lui avoit dit en le quittant , qu'elle alloit refléchir à loisir sur
la peine qui lui étoit duë , lui donnoię
tout à craindre pour son amour ; il s'étoit soumis lui- même à cette peine par
la promesse qu'il lui avoit faite de n'être
plus jaloux , mais ce qui l'avoit induit à
l'être , étoit si vrai-semblable , qu'il ne
desespera pas de la fléchir.
E toutes les passions de l'ame , il
Da'yenapoint qui se fassent sentir
a
L
avec plus de violence que la jalousie.
Je parle ici de cette jalousie que l'amour
extrême produit ; il s'en faut beaucoup
que celle qui naît de l'ambition se porte
à des excès aussi grands. On a vû des
Rois jaloux de la puissance de leurs Voisins , mettre sur pied des Armées formidables pour envahir leurs Etats , et faire couler des fleuves de sang pour satisfaire leur ambition ; mais ce désir de
s'aggrandir n'alloit que rarement jusqu'à
la haine personnelle ; Alexandre donna
des farmes à la mort de Darius , et Darius lui toucha dans la main en signe d'amitié , sur le point de rendre le dernier
soupir. Il n'en est pas de même de la jadousie des Amans , c'est un mélange d'amour et de haine ; elle peut être définie
differemment selon les differens objets
qu'elle se propose : sçavoir , une crainte
de préférence , ou de partage du cœur de
la personne aimée ; ou une crainte de
préférence ou de partage des faveurs de
la
1530 MERCURE DE FRANCE
la personne aimée ; cette derniere est la
plus injurieuse à l'objet aimé , comme
nous l'allons voir dans l'histoire de Rodrigue , Roi de Valence.
ne furent
$
Les Royaumes d'Arragon et de Valence , qui ne sont aujourd'hui que comme des Provinces de la vaste Monarchie
d'Espagne , avoient jour d'une longue et
profonde paix , sous Dom Alphonse et
sous Dom Fernand , leurs Rois ; mais les
peuples de l'un et de l'autre Royaume
pas si heureux sous le Régne
des Enfans de ces Rois justes et pacifiques. Dom Pedro succeda à Dom Alphonse , et Dom Rodrigue hérita de la
Couronne de Dom Fernand. Dom Rodrigue plus impétueux que Dom Pedro ,
fut le premier à lever l'Etendart de la
guerre , fondé sur des prétextes que l'ambition ne manque jamais de trouver
quand elle veut exercer son empire , si
funeste aux peuples , qui en sont les innocentes victimes. La Fortune , Divinité
aveugle , se déclara d'abord pour la ..use
la plus injuste ; Dom Rodrigue qui fit
les premieres infractions aux traitez de
Paix , long-tems maintenus entre son
pere et celui de Dom Alphonse , porta
ses Conquêtes jusques dans la Capitale
d'Arragon ; Dom Pedro ne pouvant s'opposer
JUILLET. 1732 1537 ་
poser à ce torrent , fut obligé d'aller de mander du secours aux Princes ses Voisins , et le fit avec tant de précipitation
qu'il abandonna sa sœur au pouvoir du
ainqueur ; mais l'Amour entreprit de
réunir deux Rois que l'ambition avoit
divisez.
,
A peine Dom Rodrigue fut entré dans
l'Appartement de Delmire c'étoit le
nom de la Sœur de Dom Pedro , qu'il ne
découvrit que des objets capables de l'attendrir. La Princesse d'Arragon étoit évanouie entre les bras de sa Gouvernante , qui arrosoit son visage d'un torrent
de larmes , ses autres filles poussoient des
gémissemens à percer le cœur le plus insensible ; Rodrigue ne peut soutenir ce
spectacle sans émotion ; mais que devint
il quand il eut jetté les yeux sur l'objet
de ces tristes gémissemens. Il sentit dans
le fond de son cœur un frisson , avantcoureur de sa défaite ; Delmire n'entr'ouvoit un œil mourant que pour allumer
dang, on sein un feu qui ne devoit jamais s'éteindre. Elle ne pût regarder sans
indignation le cruel ennemi de son frere ,
le destructeur de sa Nation , et l'Auteur
de son esclavage ; mais l'air soumis et respectueux avec lequel son vainqueur l'aborda , ne tarda guére à la désarmer.
→Que
32 MERCURE DE FRANCE
Que je suis criminel , s'écria Rodrigue,
» en tombant à ses pieds ! j'ai pû réduire
à cet état pitoyable une Princesse digne
n de l'adoration de tous les Mortels ! Fa-
» tale ambition , à quoi m'as tu porté ?
» et comment pourrai-je expier mon crime ? Delmire ne répondit à ces mots
que par des pleurs ; elle détourna les
yeux , et ayant témoigné qu'elle avoit
besoin de repos , elle obligea Rodrigue
à se retirer , sans sçavoir si son repentir
lui avoit obtenu sa grace. Elle n'étoit pas
loin d'être accordée , cette grace que l'Amour demandoit ; les momens de repos
que Dom Rodrigue venoit de laisser à
son aimable Delmire , lui servirent plutôt à éxaminer le trouble que son ennemi avoit excité dans son cœur , qu'à goûter les douceurs d'un sommeil , que l'agitation de ce jour. fatal sembloit lui rendre nécessaire. Elle sentit des mouvemens
qui lui avoient été inconnus jusqu'alors.
Rodrigue désarmé , Rodrigue prosterné
à ses genoux , Rodrigue repentant cessa
de lui paroître criminel. En vain sa fierté
voulut s'opposer à des sentimens si favorables , elle ne lui parla que foiblement
contre lui , et l'Amour lui imposa bien-
-tôt silence.
Il s'accrut de part et d'autre cet Amour
qui
JUILLET. 1732 1533
"
venoit de naître au milieu des allarmes; la
dissension qui regnoit entre le frere et l'Amant ne diminua rien de la force qu'il acqueroit tous les jours; mais Rodrigue n'en
regla pas les mouvemens comme Delmire. La crainte de perdre ce qu'il aimoit lui
inspira des sentimens de jalousie qui allerent jusqu'à la fureur. Voicy ce qui donna lieu à la naissance de cette passion tyrannique.
Don Pedre , trahi par la fortune , et
ne trouvant pas dans ses Etats des forces
suffisantes à opposer à un ennemi aussi
redoutable que Rodrigue, avoit été réduit
à appeller ses voisins à son secours. Il s'étoit marié , à l'insçu même de sa sœur , et
ce mystere étoit une raison d'Etat ; l'éloignement qu'il témoignoit pour le mariage, laissoit esperer à tous les Princes, dont
le secours lui étoit necessaire , la succession du Royaume d'Arragon qui devoit
appartenir à Delmire , supposé que son
Frere persistât dans le dessein de garder
le célibat. Il n'avoit pas besoin de cette
feinte. Delmire seule , et sans emprunter
l'éclat d'une Couronne , étoit capable de
mettre toute l'Europe dans ses interêts; le
bruit de sa beauté lui avoitfait desAmans,
qui n'attendoient qu'une occasion de se
déclarer pour elle , et de la mettre en liberté de se choisir un Epoux.
D Les
7534 MERCURE DE FRANCE
Les Rois de Castille et de Leon furent
les premiers qui armerent pour elle ; d'autres Princes Souverains suivirent leur
exemple, et le Roy d'Arragon se vit bientôt à la tête d'une armée capable de faire
trembler l'Usurpateur de sa Couronne. Il
ne voulut pourtant en venir aux dernieres extrêmitez qu'après avoir tenté les
voïes de la douceur. Il écrivit à sa sœur ,
et lui fit entendre qu'il ne tiendroit qu'au
Roy de Valence de rendre la paix à toutes les Espagnes , en la renvoïant auprès
de lui , et en lui restituant toutes les Places qu'il avoit conquises dans une guerre
injuste.Delmire ne consultant que son devoir , fit sçavoir les prétentions de son
frere à son Amant, et le pressa de lui rendre la liberté. Que me demandez- vous,
» lui dit Rodrigue? Moi, je pourrois consentir à vous livrer à quelque heureux
» Rival ! Ah ! vous ne connoissez pas
»l'Amour , puisque vous croyez qu'un
cœur véritablement épris , peut ceder
»ce qu'il aime ; mais je m'abuse , pour-
» suivit-il , avec des yeux , que la jalousie
» enflamma d'un courroux dont il ne fut
» pas le maître. Vous ne le connoissez que
>> trop , cet amour qui m'attache à vous,
»et qui vous lie à quelqu'un de mes Ri-
» vaux ; vous brûlez , ingrate , de vous
» éloi-
JUILLET. 1732. 1535
éloigner de moi , pour vous rapprocher
» de celui qui veut vous arracher à mon
» amour , mais ne l'esperez qu'après ma
»mort. Non , je ne vous verrai pas entre
» les bras d'un autre ; et quelques formi-
» dables que soient les apprêts qu'on fait
» pour vous conquerir ; j'en ferai de plus
» grands pour vous conserver. Delmire
fut si surprise de ce premier transport de
jalousie , qu'elle resta quelque temps sans
repartie ; mais voïant son impétueux
Amant prêt à lui faire des reproches encore plus sanglans. » Arrêtez, lui dit elle,
» et n'attribuez mon silence qu'à l'éton-
» nement où votre injustice vient de me
jetter. Quoi ? poursuivit elle, c'est Don
» Rodrigue qui me soupçonne de l'avoir
trompé jusqu'aujourd'hui , qui me croit
capable d'en aimer un autre que lui ; Je
» le devrois , ingrat , continua-t-elle ; et
» vous meriteriez l'infidelité dont vous
» m'accusez. Ces paroles , suivies de quelques larmes qu'elle ne put retenir , rendirent un calme soudain au cœur du Roy
de Valence. » Pardonnez-moi , lui dit-il ,
>> Adorable Delmire , des sentimens que
» je désavouë , et n'en imputez le crime.
» qu'à l'excès de mon amour. C'est cet
» amour, aussi ardent qu'il en fut jamais ,
» qui m'ôtant tout à coup l'usage de la Dij >> rai-
1536 MERCURE DE FRANCE
» raison , ne m'a pas permis de vous ca-
» cher l'affreux désespoir où votre perte
» me réduiroit. Vous me la rendez cette
» raison ; elle m'éclaire sur l'injustice de
» mes prétentions ; si la guerre vous à fai29
te ma prisonniere , l'amour m'a fait vo-
»tre esclave ; oüi , ma raison me fait voir
que j'aurois dû vous laisser maîtresse
» de votre destin , dès le moment que je
» vous ai adorée. Vous pouvez partir, je ne
» vous retiens plus ; vous pouvez vous
> donner à l'heureux mortel à qui le Roy
>> votre Frere vous réserve; et quand vous
» vous seriez destinée vous- même à ce
»Rival , que j'abhorre sans le connoître
» ce ne seroit pas à moi à m'opposer au
penchant de votre cœur ; mais quelque
» soit celui qui doit posseder tant de
»charmes, qu'il ne se flatte pas que je
» le laisse tranquillement jouir d'une fé-
» licité où il ne m'est plus permis d'as-
»pirer votre frere a résolu ma mort
» mais je la rendrai fatale à votre Epoux ;
>> ma haine est aussi forte pour lui , que
» mon amour pour vous ; je ne respire
»que vengeance ; et je confonds dans ma
fureur tous les Princes du monde ; je les
regarde tous comme les Usurpateurs de
mon Trésor ; ces transports qui redoubloient à chaque instant , et dans le tems
>>
même
JUILLET. 1732 1537
même qu'il sembloit se repentir de les
avoir fait éclater , jetterent une douleur
mortelle dans le cœur de la tendre Delmire. » Ah! Seigneur , lui dit- elle , pour-
» quoi faut- il que vous m'aimiez ? que je
vais vous rendre malheureux ! je vois
» trop que le poison de la jalousie se ré-
» pandra sur tous les jours de votre vie, et
qu'il troublera votre tranquillité et la
»mienne ; cependant que dois- je faire
» dans la triste situation où je me trouve?
» dites-moi la réponse que je dois faire au
»Roy d'Arragon : Eh ! puis-je balancer
» un moment à la faire moi- même , lui
» dit l'impetueux Rodrigue ; qu'il vous
>> donne à moi , et qu'il reprenne tout ce
» que la victoire m'a fait conquerir sur
» lui ; je lui abandonne tout , et ce sa-
»crifice iroit jusqu'au don de ma Cou
ronne, si je ne la regardois comme vo-
» tre bien ; mais qu'il ne m'oblige pas
Ȉ reprendre les armes , par la honte
» d'un refus , que j'irois expier dans son ور «sang.
Cet amour , qui tenoit de la fureur , fit
trembler Delmire ; elle comprit bien que
Ja jalousie de son Amant ne finiroit qu'avec sa vie. Pour en calmer les transports ,
elle lui promit de ne rien oublier pour
porter le Roy d'Arragon à un Hymen
D iij qui
1538 MERCURE DE FRANCE
qui les rendroit tous deux infortunez.
Élle fit réponse à son frere avec les plus.
vives expressions que l'amour pût lui.
suggérer. Elle communiqua sa Lettre au
jaloux Rodrigue; il y en ajouta une de sa
main, qui n'étoit pas moins forte, et dont
Delmire auroit été charmée, si elle eût pû
se cacher que ce même amour qui s'exprimoit si tendrement , dégénéroit en implacable couroux , dès qu'il craignoit de
perdre l'objet aimé.
Les engagemens que Don Pedre avoit
pris avec ses Alliez, ne lui permettant pas
de faire assez- tôt une réponse positive aux
propositions de Don Rodrigue , réveil
lerent la jalousie de ce dernier ; il ne dou
ta point que sa perre ne fut résoluë ; il fit
de nouveaux préparatifs de guerre il écla❤
ta en reproches contre la malheureuse
Delmire ; il la soupçonna d'avoir part à
des retardemens qui lui annonçoient un
refus ;elle en soupira , elle en gémit, mais
le mal étoit sans remede ; elle aimoit
trop cet ingrat , qui l'accusoit d'en aimer
un autre. Elle redoubla ses empressemens
auprès de son Frere , et le fit avec tant de
succès , que la paix fut concluë entre les
deux Rois ennemis , et l'hymen arrêté
entre les deux Amans.Cette agréable nouvelle répandit une joie universelle dans
les
JUILLET. 1732. 1539
les Royaumes de Valence et d'Arragon ;
Rodrigue se livra tout entier à la douce
esperance de posseder bien-tôt sa chere
Princesse ; la seule Delmire s'abandonnoit à la douleur , tandis que tout ne res
piroit que bonheur ; elle n'ouvroit son
cœur qu'à deux de ses confidentes , dont
l'une avoit pris soin de son enfance , et l'autre vivoit dans une très-étroite familiarité avec elle. La premiere s'appelloit
Théodore , et l'autre Délie ; je les nomme
toutes deux , parce qu'elles doivent avoir
part à la suite de cette histoire ; Théodore lui conseilloit de fermer les yeux sur
tous les malheurs dont la jalousie de Rodrigue sembloient la menacer ; Délie au
contraire n'oublioit rien pour la détourner d'un hymen que cette affreuse jalou
sie lui rendroit funeste. L'un et l'autre
conseil partoient d'un cœur bien intentionné , mais la triste Delmire ne sçavoit lequel elle devoit suivre pour être
heureuse , l'amour avoit déja décidé de
son sort ; elle ne laissa pas de se précau
tionner autant qu'il dépendoit d'elle
contre les suites que pourroit avoir un
engagement qui devoit durer autant que
sa vie. Elle fit promettre à Don Rodrigue de se guérir de sa jalousie , et ne lui
promit de l'épouser qu'à cette condition.
D iiij Don
1540 MERCURE DE FRANCE
Don Rodrigue lui jura de n'être plus
jaloux. » Je ne l'étois, lui dit-il , que parce
» que je craignois de vous perdre ; vous
» serez bien-tôt à moi ; qu'ai-je à crain-
» dre ? Non , ajouta t- il, plus de défiance,
» Delmire se donne à moy , rien ne peut
» me la ravir , sa foy me rassure contre
toutes les prétentions de mes Rivaux;
» je suis le plus heureux de tous les hom-
» mes , et ma félicité me rend à jamais
❤ tranquille.
Ces belles protestations , qu'il croyoit
aussi constantes que l'amour qui les lui
dictoit , ne tinrent pas contre le premier
sujet qu'il crut avoir de se défier de son
Amante: Voicy ce qui y donna occasion .
La Duchesse du Tirol , tendre amie de
la Princesse d'Arragon , dont elle avoit
vivement ressenti l'absence depuis que le
Roy de Valence l'avoit faite prisonniere ;
n'eût pas plutôt appris que la paix étoit conclue entre les deux Couronnes , et que
sa chere Delmire en alloit porter une ,
qu'elle lui écrivit pour lui témoigner la
part qu'elle prenoit à son bonheur , et
pour la prier de lui accorder la permission de venir à Valence, pour être témoin
d'un hymen qui faisoit la félicité de deux
Peuples. Delmire s'enferma dans son cabinet pour lui faire réponse ; elle avoit
pris
JUILLET. 1732. 1541
pris la précaution de deffendre que personne la vint troubler. L'amoureux Rodrigue se presenta à la porte de son appartement , dans le temps qu'elle achevoit sa Lettre ; quoique les ordres qu'elle
ávoit donnez qu'on la laissât seule , ne
fussent pas pour lui , Délie , celle de ses
Dames qu'elle affectionnoit le plus , et
qui n'approuvoit pas son hymen , à cause des suites fâcheuses qu'il pouvoit
avoir pour sa chere Maîtresse , eut la malice de vouloir mettre sa jalousie à l'épreuve , et lui dit que la Princesse ayant
des dépêches secretes à faire , avoit deffendu , sans excepter personne , qu'on
laissât entrer dans son appartement, »> Ces
» deffenses ne sont pas apparemment pour
»un Royqui doit bientôt être son Epoux,.
répondit D. Rodrigue , avec un souris.
» forcé , et je crois pouvoir prétendre à
>> l'honneur de sa confidence. Délie affecta
encore plus d'empressement. à l'empêcher d'entrer pour lui donner de plus:
grands soupçons; elle n'y réussit que trop
bien. D. Rodrigue avala à longs traits le
poison que cette artificieuse fille lui avoit
préparé ; il entra tout transporté , mais à.
peine eut-il apperçu Delmire que le res--
pect, que sa presence lui inspiroit, suspendit les mouvemens tumultueux qui ve
D v noient
1542 MERCURE DE FRANCE
1
noient de s'élever dans son ame; il se rapella la promesse qu'il lui avoit faite , de
n'être plus jaloux ; et la voïant attentive à
la Lettre qu'elle écrivoit , il s'avança sans
bruit et sans crainte d'être vû , attendu
qu'elle lui tournoit le dos; mais une glace
sur laquelle Delmire jetta les yeux et à
laquelle ce Prince jaloux ne fit nulle attention , tant il étoit occupé de ses soupçons , trahit le dessein qu'il avoit de lire
ce que la Princesse écrivoit. Delmire ne
l'eût pas plutôt apperçu qu'elle serra brusquement sa Lettre; et se tournant vers lui,
elle se plaignit du dessein qu'il avoit de la
surprendre. D. Rodrigue ne sçut d'abord
répondre à ce reproche; il craignoit
de faire entrevoir sa jalousie ; il lui demanda pardon de la liberté qu'il avoit
prise decontrevenir à des ordres qui peutêtre n'étoient pas moins pour lui que
pour tous les autres, quoique le nœud qui
devoit les unir à jamais le mit en droit
de se croire excepté. »Ce droit n'est pas
»encore si sûr que vous le
que
lui pensez ,
répondit Delmire, avec une petite émo-
»tion de colere, puisqu'il n'est fondé que
sur un hymen , auquelje n'ai consenti
»que conditionnellement; avez vous oubiié quelles sont nos conventions ? Vous
>m'avez promis de n'être plus jaloux ;
moi
JUILLET. 1732. 1543
moi,jaloux, s'écria D. Rodrigue;voulez-
» vous me faire un crime d'un mouvement
» de curiosité qui ne tire nullement à con-
» séquence. Eh bien , je vous en croi , lui
» répondit Delmire ; mais comme cette
»curiosité m'a induite à vous soupçonner d'infraction de traité , c'est par
» même que je veux vous punir ; pér-
» mettez donc que je ne la satisfasse pas ;
» vous ne sçauriez mieux me prouvervo
là
tre innocence ; le sacrifice que je vous
» demande n'est pas grand , et si vous
» sçavicz à qui s'addresse cette Lette que
» vous avez voulu lire à mon insçu , vous
» ne balanceriez pas un moment à m'ac-
» corder ce quej'exige de vous ; j'y sous-
» cris sans repugnance , lui répondit Ro
>> drigue , malgré l'envie secrette qu'il
» avoit d'apprendre ce que contenoit cette
» Lettre mysterieuse , que Delie lui avoit
» renduë suspecte ; vous me comblez de
» plaisir , lui dit Delmire, et je commen
ce à bien augurer de votre amende
» ment.
Elle demeura ferme dans sa résolution ,
quoique Rodrigue ne laissât pas de lui
faire entrevoir le desir qu'il avoit de sça--
voir ce qu'elle venoit d'écrire ; ils se sé→
parerent assez satisfaits l'un de l'autre en
apparence ; mais Rodrigue nourrissoit
Dvj dans
1544 MERCURE DE FRANCE
"
4
dans le cœur une inquiétude qu'il lui
falloit dévorer aux yeux de sa Princesse;
elle ne l'eut pas plutôt quitté , qu'il ne
songea qu'aux moyens de s'éclaircir d'un
doute qui troubloit son repos.
Il avoit , pour son malheur , un Confident qui flatoit sa jalousie , parce qu'il
n'étoit jamais plus en faveur auprès de
son Maître , que lors qu'il faisoit quelque
découverte qui l'entretenoit dans son
amoureuse défiance. Cette peste de Cour
s'appelloit Octave. Dom Rodrigue ne lui
eut pas plutôt communiqué ce qui venoit de se passer entre Delmire et lui ,
que ce dangereux Courtisan lui avoüa
qu'il croyoit que cette Lettre que la Princesse avoit écrite à son insçu , s'adressoit
à quelque Rival caché ; il s'offrit à l'intercepter ; Dom Rodrigue lui promit une
récompense proportionnée à ce service ;
mais comme il craignoit d'offenser sa Princesse , il lui ordonna d'éviter l'éclat dans
la commission dont il se chargeoit. Octave lui dit qu'il pouvoit s'en reposer sur
sa dexterité , et le quitta pour aller se
préparer à cette expedition.
Delmire , contente du petit sacrifice
que son Amant venoit de lui faire , chargea Délie de remettre le Billet qu'elle venoit d'écrire entre les mains de celui qui
lul
JUILLET.- 17328 1545
lui avoit apporté la Lettre de la Duchesse
de Tirol ; c'étoit un Amant de Delie ,
qui s'appelloit Florent. Elle executa les ordres de sa Maîtresse ; mais comme les
Amans ont toûjours quelque petit reproche à se faire , Florent ne voulut point
s'éloigner de Délie , sans se plaindre de
son indifference : Est-il possible , lui
dit - il que l'amitié soit plus empres-
»sée que l'Amour ? La Duchesse de Tirol
» n'a pas plutôt appris que le commerce
» n'est plus interrompu entre les Peuples
d'Arragon et ceux de Valence , qu'elle
»s'empresse d'écrire à la Princesse Delmire ; cette tendre amie n'est pas moins
» prompte à lui faire réponse , et Délies
>> pendint deux mois d'absence , ne peut :
>> trouver un seul moment pour donner:
»de ses nouvelles au plus passionné de
>> tous les Amans ! voici de quoi vous convaincre , lui répondit- elle , en tirant
>>de sa poche une Lettre qu'elle n'avoit
>> pû lui envoyer ; ce n'est point- là ton
» caractere , lui dit Florent , il est vrai ,
» répliqua Délie , c'est la Princesse même
» qui a eu la bonté de me préter sa main,
parce ce que je ne pouvois pas me servir
de la mienne , à cause d'une indisposi-
» tion.
Florent étoit si persuadé des bontez de
Del-
16 MERCURE DE FRANCE
Delmire pour Délie , qu'il ne douta point
qu'elle ne lui dît vrai , il la pria de lui
laisser cette chere Lettre , puisque c'étoit
à lui- même qu'elle s'adressoit , Délie n'en
fit aucune difficulté , et retourná auprès
de sa Maîtresse.
Florent ne fut pas plutôr seul qu'il ne
put résister à l'envie de lire ce que Délie
lui écrivoit ; il étoit si occupé de cette
lecture qu'il ne s'apperçut pas de l'arrivée
d'une personne masquée , soutenuë de
plusieurs autres qui devoient venir à son
secours en cas de besoin. C'étoit Octave
qui s'avançant par derriere , lui saisit la
Lettre de Délie. Florent se deffendit autant qu'il put , mais tous les efforts qu'il fie
n'empêcherent pas qu'Octave ne lui ravît
la moitié d'une Lettre qui lui étoit si
chere. Fatale moitié , dont nous verrons
bien-tôt les fun stes suites.
Florent ne pouvant tirer raison de
l'insulte qu'on venoit de lui faire , et ne
scachant qui il devoit en accuser , se con- sola de la perte de cette moitié de Lettre ,
et partir pour aller porter à la Duchesse du
Tirol , le Billet dont D'lie venoit de le
charger de la part de Delmire. Octave
content de son larcin , aila sur le champ
trouver D. Rodrigue , pour lui rendre
compte de l'heureux succès de son zele ;
voici
JUILLET. 1732. 1547
voici ce que contenoit cette moitié de
Lettre, qu'il remit entre les mains de son:
Maître.
L'Amour que vous m'avez autrefois jurée
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée .
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse ;
y serez-vous aussi sensible que vous le devez ?
vous êtes dans Saragosse et moi ,
cruelle et rigoureuse absence •
souvenez- vous que je n'aime que vous
que puisque je ne puis vivre sans mon cher ...
vous ne devez vivre que pour la tendre Del ·
Quels furent les transports du Roy de
Valence à cette fatale lecture. Ah! je
»ne m'étonne plus , s'écria-t'il¸ que Pina fidelle Delmire ait pris tant de précau
tion pour n'être point surprise quand
» elle traçoit ces tendres témoignages de
on coupable amour ; avec quelle adresse la peifide s'est prévalue du funeste
>> ascendant qu'elle a sur mon cœur , pour
»me dérober un secret dont la connoissance l'auroit perdue , mais elle ne m'aura pas trompé impunément ; elle ne
»dira plus que ma jalousie est injuste , et
»je n'ai que trop , pour mon malheur
de quoi la confondre.
Il ne s'arrêta pas long- temps à s'exhaler en vains reproches , il courut à l'Appartement de Delmire , pour la convaincre de son manque de foy.
1548 MERCURE DE FRANCE
La Princesse d'Arragon ne s'apperçût pas d'adord du trouble de son cœur ;
elle lui témoigna même combien elle
étoit satisfaite du petit sacrifice qu'il ve
noit de lui faire ; » vous osez encore in→
»sulter à ma crédulité , lui répondit le
» Roy jaloux , d'un ton à la faire trem-
»bler , il n'est que trop grand ce sacrifi-
>> ce dont vous voulez diminuer le prix';
» mais le Ciel , le juste Ciel , n'a pas permis que vous ayez recueilli le fruit de
»votre crime. De mon crime , répondit
» Delmire avec ce noblé courroux qu'ins-
» pire l'innocence accusée ; quoi ? c'est
»par Rodrigue que je suis si mortelle
"
ment outragée. Moi criminelle ! ache-
»vez , cruel persecuteur d'une Princesse
"que vous condamnez à des malheurs
Ȏternels ; apprenez- moi par quelle ac-
» tion j'ai pû meriter l'injure que vous
»faites à ma gloire.Ne croyez pas , poursuivit cet injuste Amant , m'imposer
» encore par ces trompeuses apparences de
»vertudont vous m'avez ébloui jusqu'au-
´» jourd'hui , mes yeux se sont ouverts , et
» plût au Ciel qu'ils fussent encore fer-
>> mez ; et que le hazard ne m'ût pas mis
>> entre les mains des témoins irrécusables
» de votre infidelité. Lisez, poursuivit- il,
» et démentez votre main , si vous l'osez.
»Je
JUILLET. 1732. 1549
» Je ne scaurois disconvenir , lui dit Del-
>> mire , après avoir jetté un regard d'in-
>> dignation sur l'Amant et sur la Lettre
qu'il lui présentoit , je ne sçaurois nier
»que ces mots ne soient tracez de ma
»main; mais avez- vous lieu d'en être ja-
>> loux ? oserez-vous me persuader , in-
»terrompit Rodrigue , que ces tendres
>>> sentimens s'adressent à moi ? L'Amant
»à qui vous écrivez est à Sarragoce ; quel
>> qu'il soit , lui répondit Delmire avec un
>> fier dédain , il est plus digne d'être aimé
»que vous , ces mots acheverent de
»rendre Rodrigue furieux. Quoi ? je
>>ne suis donc plus pour vous , lui dit-il,
» qu'un objet de mépris ! que dis- je ? je
»l'ai toûjours été. Cette absence que vous
» appellez cruelle et rigoureuse , n'a pas
» paré un moment votre perfide cœur de
>> cet heureux Rival , que vous mettez si
fort au- dessus de moi , et vous l'adoriez en secret dans le temps que vous
»me juriez une foi inviolable et un amour
» éternel. Ne poussons pas plus loin une
» erreur qui vous autorise à de nouveaux
»emportemens , lui dit enfin Delmire ; ils
seroient justes s'ils étoient fondez sur
la verité , il est temps de vous détrom-
» per ; mais c'est plutôt pour ma gloire ,
»ajouta- t'elle , que pour votre satisfac
sé-
»tion;
1550 MERCURE DE FRANCE
›
»tion. A ces mots elle ordonna qu'on
>> fit venir Délie ; elle fut obéïe sur le
champ ; Délie , qui se doutoit de ce
qui se passoit entre le Roy et la Princesse entra dans son Appartement
munie d'armes deffensives ; Florent, qui
ne faisoit que de venir de Sarragoce , l'avoit instruite de la violence qu'on lui avoit
faite. Elle tenoit dans sa main, la moitié
de Lettre qui étoit restée dans celle de
Florentin ; » j'ai pressenti , dit elle , en
»s'adressant à Delmire que vous pourriez avoir besoin de cette piece justificative échappée au larcin qu'on a fair
»à Florent. Donnez , répondit Delmire ,
»et vous , injuste Amant , joignez ces ca-
»racteres à ceux qui m'ont rendue si cou-
་
pable à vos yeux , et rougissez seul du
>> crime que vous avez voulu m'imputer.
»Que je crains d'avoir trop mérité votre
»colere ! s'écrie D. Rodrigue , en rece-
»vant d'une main tremblante le fatal
» papier que Delmire lui présentoit.com
»me l'Arrêt de sa condamnation. Je vous.
→crois innocente , continua- t'il , sans rien
>examiner de plus ; il ne suffit pas que
»vous me croyez innocente, lui répon-
»dit Delmire, avec beaucoup d'alteration ,
»il faut que vous soyez convaincu de
»votre crime, je vous laisse , ajoûta- t'elle,
» pour
JUILLET. 1732. 1351
» pour aller refléchir à loisir sur la peine
»qui vous est duë.
A ces mots Delmire le quitta sans
daigner le regarder , et ce qui le fit trembler davantage , c'est de voir qu'elle étoit
suivie de Délie, qu'il sçavoit n'être pas
trop bien intentionnée pour lui.
Sitôt qu'il fut seul , il rejoignit les deux
moitiez de Lettre , et y trouva ces mots.
L'amour que vous m'avez autrefois jurée , mon
ther Florent, et que je vous ai jurée à mon tour,
me fait esperer que vous ne m'avez pas oubliée
malgré la distance des lieux qui nous séparent ;
recevez donc ces nouvelles marques de ma tendresse , qui partent moins d'une plume empruntée que de mon cœur ; y serez vous aussi sensible que
vous le devez je n'ose presque l'esperer ; que sçai-jez
Vous êtes à Sarragosse et moi à Valence ; je ne
veis personne ; puis -je me flatter que vous fassiez de
même. Cruelle et rigoureuse absence ! que tu me
causes d'allarmes ! cependant , souvenez- vous que
je n'aime que vous ; n'aimez aussi que moi , et
songez sans cesse que puisque je ne puis vivre
sans mon cher Florent ; pour prix de tant de
fidelité , vous ne devez vivre que pour la tendre Delie.
Dans quel accablement la lecture de cette
Lettre ne laissa point le jaloux Rodrigue ?
Le plaisir secret qu'il sentit d'abord à se
voir convaincu de la fidelité de Delmire ,
ne put balancer le mortel regret de l'avoir offensée. La froideur avec laquelle'
sa
1552 MERCURE DE FRANCE
sa chere Princesse lui avoit dit en le quittant , qu'elle alloit refléchir à loisir sur
la peine qui lui étoit duë , lui donnoię
tout à craindre pour son amour ; il s'étoit soumis lui- même à cette peine par
la promesse qu'il lui avoit faite de n'être
plus jaloux , mais ce qui l'avoit induit à
l'être , étoit si vrai-semblable , qu'il ne
desespera pas de la fléchir.
Fermer
Résumé : LE PRINCE JALOUX.
Le texte 'Le Prince jaloux' explore la passion destructrice de la jalousie, notamment dans le contexte amoureux. La jalousie amoureuse est décrite comme un mélange complexe d'amour et de haine, motivée par la crainte de perdre l'affection de l'être aimé. L'histoire se déroule dans les royaumes d'Arragon et de Valence, initialement en paix sous les règnes de Dom Alphonse et Dom Fernand. Leurs successeurs, Dom Pedro et Dom Rodrigue, mettent fin à cette paix. Dom Rodrigue, plus impulsif, déclenche une guerre fondée sur des prétextes ambitieux. Rodrigue conquiert la capitale d'Arragon et Dom Pedro abandonne sa sœur Delmire aux mains de Rodrigue. Rodrigue, ému par la détresse de Delmire, exprime son repentir. Delmire, initialement indignée, est désarmée par son attitude respectueuse et finit par céder à l'amour. Cependant, Rodrigue, consumé par la jalousie, craint de perdre Delmire. Dom Pedro, trahi par la fortune, cherche des alliés pour récupérer sa sœur et son royaume. Delmire transmet les demandes de son frère à Rodrigue, qui réagit avec fureur jalouse. Delmire parvient à calmer Rodrigue en lui rappelant son amour. Rodrigue accepte de libérer Delmire, mais menace de vengeance contre son rival. Delmire, consciente de la dangerosité de la jalousie de Rodrigue, promet de convaincre son frère d'accepter leur union. Les préparatifs de guerre reprennent, mais Delmire négocie la paix et leur mariage. Cependant, elle reste préoccupée par la jalousie de Rodrigue. Delmire partage ses inquiétudes avec ses confidentes, Théodore et Délie, qui la conseillent différemment sur son avenir avec Rodrigue. Delmire demande à Rodrigue de surmonter sa jalousie avant de l'épouser. Rodrigue jure de ne plus être jaloux, mais ses promesses sont rapidement mises à l'épreuve. Rodrigue tente de lire une lettre destinée à Florent, l'amant de Délie, une dame de Delmire. Cette lettre, partiellement lue par Rodrigue, semble prouver l'infidélité de Delmire. Rodrigue confronte Delmire, qui nie toute infidélité et accuse Rodrigue de mépriser sa gloire. Delmire convoque Délie pour prouver son innocence. Délie présente la moitié d'une lettre que Delmire complète avec celle en sa possession. Cette lettre prouve la fidélité de Delmire et l'amour de Florent. Rodrigue, convaincu de son erreur, regrette d'avoir offensé Delmire et craint pour leur relation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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314
p. *1613-1613
PRINTEMS.
Début :
Le Printemps, par son retour, [...]
Mots clefs :
Printemps, Retour, Nature, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRINTEMS.
PRINTEM SLE Printemps , par son retour
A nos champs rend leur parures
Tout change en ce beau séjour.
Belle Iris , change â ton tour
Avec toute la nature ;
W
Un jeune cœur sans amour 2
Est un Printems sans verdure,
AIR.
AMourcœur,perfide , amour , seul tiran de mon
Tu faisois autrefois le bonheur de ma vie. ,
C'est toi , qui maintenant fais mon plus grand malheur ;
Pourquoi ne pas briser la chaîne qui me lie
Qu pourquoi ménager l'infidele Sylvie.
A nos champs rend leur parures
Tout change en ce beau séjour.
Belle Iris , change â ton tour
Avec toute la nature ;
W
Un jeune cœur sans amour 2
Est un Printems sans verdure,
AIR.
AMourcœur,perfide , amour , seul tiran de mon
Tu faisois autrefois le bonheur de ma vie. ,
C'est toi , qui maintenant fais mon plus grand malheur ;
Pourquoi ne pas briser la chaîne qui me lie
Qu pourquoi ménager l'infidele Sylvie.
Fermer
315
p. 1678-1705
SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Début :
Don Rodrigue flottant entre la crainte et l'esperance, se [...]
Mots clefs :
Rival, Don Alphonse, Don Pedro, Delmire, Don Rodrigue, Princesse, Amour, Prince jaloux, Lettres, Amant, Lit, Appartement, Couronne de Valence, Héritier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
SUITE de l'Histoire DU PRINCE
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
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Résumé : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Le texte relate les péripéties de Rodrigue et Delmire, marquées par la jalousie et les malentendus. Rodrigue, tourmenté par la jalousie, se rend auprès de Delmire après avoir trouvé une lettre équivoque. Delmire, accablée de douleur, accuse Rodrigue de l'avoir soupçonnée injustement. Rodrigue, conscient de son erreur, implore son pardon. Delmire, bien que blessée, accepte de lui pardonner, mais exprime ses craintes quant à la récurrence de sa jalousie. Rodrigue promet de changer, mais sa promesse est rapidement mise à l'épreuve. Don Pedro, frère de Delmire, se déguise pour vérifier la fidélité de Delmire et de Rodrigue. Rodrigue, informé par Octave, un confident, surprend Don Pedro dans l'appartement de Delmire. Dans un accès de jalousie, Rodrigue s'apprête à tuer Don Pedro, mais Delmire s'interpose. Don Pedro révèle alors son identité et explique son déguisement. Rodrigue, repentant, demande pardon. Don Pedro, touché par la sincérité de Rodrigue, accepte de pardonner et décide d'accélérer l'union entre Rodrigue et Delmire. Plus tard, la Duchesse du Tirol, amie de Delmire, arrive et écrit une lettre à Delmire, qui est interceptée par Rodrigue. Cette lettre, mal interprétée, ravive la jalousie de Rodrigue, le plongeant à nouveau dans le doute et la suspicion. Rodrigue, agité par un trouble, se rend dans la galerie où il avait vécu une scène précédente avec Delmire et le roi d'Aragon. Il entend des rires provenant de la chambre de Delmire, ce qui le pousse à observer à travers la serrure. Il découvre Delmire dans les bras d'un jeune cavalier, ce qui le plonge dans une fureur jalouse. Il frappe à la porte et, après avoir été introduit, accuse Delmire d'infidélité. Delmire, gardant son calme, lui explique qu'il a mal interprété la scène et lui propose de choisir entre la croire sur parole ou la perdre à jamais. Rodrigue, aveuglé par sa jalousie, insiste pour qu'elle se justifie. Delmire appelle alors son frère, le roi, qui révèle que le cavalier est en réalité la duchesse de Tirol, Bélize, déguisée. Rodrigue, pris de désespoir, décide de se suicider, mais Delmire l'en empêche et lui jure de l'aimer malgré son comportement. Ils finissent par se marier secrètement. Le lendemain, un serviteur de Delmire, Alvar, arrive et menace de révéler le mariage, espérant ainsi le rompre. Don Alvar informe la princesse Delmire que Don Rodrigue, qu'elle doit épouser, est en réalité son frère. Il explique que le roi Ferdinand de Valence, ami du roi Alphonse d'Aragon, avait demandé à Alphonse de lui donner l'enfant que la reine d'Aragon portait, car Ferdinand n'avait pas d'héritier. L'enfant, un garçon, fut présenté comme mort-né et donné à Ferdinand, qui le nomma Rodrigue. Delmire, horrifiée, décide de fuir mais est interceptée par Rodrigue, qui ne croit pas à sa culpabilité. Après des révélations supplémentaires, il s'avère que Théodore, une servante, avait substitué un autre enfant à celui de Pedro, fils de la reine d'Aragon. Théodore produit un acte confirmant ces faits. Finalement, le double mariage est célébré, apportant le bonheur aux deux peuples.
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316
p. 1705-1708
EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
Début :
Pour ce beau jour, mon aimable Cousine, [...]
Mots clefs :
Hymen, De la Briffe, Amour, Époux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
EPITH ALAME,
De Madle de la Briffe , fille de M. l'Intendant de Bourgogne , et de M. le Comte
de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
PourOur ce beau jour , mon aimable Cousine ,
Il faut des Vers , vous l'avez souhaité ,
Et le bonheur charmant , où l'hymen vous d'estine,
Merite bien d'être chanté ,
Mais ce sujet voudroit être traité ,
Par une main plus galante et plus fine ;
Car enfin quand je m'examine ,
Je n'ai point cette humeur badine ,
Qu'on voit briller dans les écrits ,
B v De
1706 MERCURE DE FRANCE
De ceux que l'aimable Cyprine ,
Bien mieux que Phoebus endoctrine
Et telles gens auront toujours leur prix.
A m'excuser plus ne m'obstine ,
Je vois bien que c'est vainement ,
Votre ordre enfin me détermine ,
Puisqu'il vous faut des Vers , sur la double Ce line ,
Je vais en chercher promptement,
Je vois Hymen , vers vous il s'achemine ;
Qu'il a bon air de Mirthes couronné ?
Vive allegresse en ses doux yeux domine ,
Et son flambeau de rares fleurs orné ,
Répand au loin une clarté divine ;
De cet Augure aisément je devine ,
Qu'aurez toujours parfait contentement ;
Amour le suit , la pudeur enfantine
Fait de son front le naïf ornement :
Mais que dit-il ? Car tout bas il rumine ,
C'est contre Hymen, au moins je l'imagine ,
Ces deux rivaux d'accord ne sont jamais ;
De lui ceder si gente Chérubine,
Il est dolent , voudroit que tels attraits.
Du Dieu goulu ne fussent la rapine ,
Desireroit en faire tous les frais.
Gentil
AOUST. 1732 1707
Gentil Amour , n'ayez l'ame chagrine ,
Rassurez-vous , hymen , avec vos traits ,
Prétend blesser la charmante Dorine ,
Et dans vos mains il met ses interêts ,
Amis , enfin soyez donc desormais ,
Et chassez loin toute haine intestine.
L'accord se fait , sous galante Courtine ,
Jà ces deux Dieux brillent de vous tenir ;
Or de ceci ne perdez souvenir,
Gardez-vous bien de faire la mutine ,
Quand ils voudront se servir de leurs droits
Depuis long temps on ne fait plus la mine ,
Qu'en pareil cas on faisoit autrefois ,
( D'où pouvez voir que sur tout on rafine. )
Ne la ferez , je crois ; de votre Epoux ,
L'air engageant , l'amour qu'il a pour vous,
M'en sont garants ; de tant bonne doctrine ,
Docilement profiter aimerez ,
Et plus que lui bien-tôt vous en sçaurezg
Car ce n'est rien enfin qu'une routine.
Que de plaisirs je lui vois préparez !
Il trouve en vous un maintien d'Héroïne ,
Esprit charmant , air doux et plein d'attraits
Pour tel Epoux , avec raison j'opine,
Que la nature aussi vous fit exprès ,
De m'y tromper bien-fort m'étonnerois ,
De licu trop bon , tirez votre origine.
B vi Que
1708 MERCURE DE FRANCE
Que de vertus vos illustres ayeux ,
N'ont-ils pas fait éclater en tous lieux !
De l'injustice ils furent la ruine ,
Pour en juger , n'en croions que nos yeux?
D'aimable Mere aussi la discipline,
Sçait vous former et les mœurs et l'esprit ;
Dans votre cœur vertus ont pris racine ,
De son exemple en vous on voit le fruit.
Pas ne me sens assez bonne poitrine ,
Pour dignement pouvoir chanter leur los
Quand même aurois l'éloquence de Pline ;
Or de m'en taire , il est plus à propos.
Qu'hymen pour vous , soit bonne Médecine
Jeune beauté , goutez un sort heureux.
Puissiez avoir rose , sans nulle épine ,
Puissiez enfin avant un an ou deux ,
Avoir besoin du secours de Lucine.
Mais ja l'hymen vous prenant par la main
Au benoit lit , veut vous mener soudain ;
Adieu vous dis , gentille pellerine ,
Vous m'en direz des nouvelles demain.
Par M. DE RUFFIX.
De Madle de la Briffe , fille de M. l'Intendant de Bourgogne , et de M. le Comte
de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
PourOur ce beau jour , mon aimable Cousine ,
Il faut des Vers , vous l'avez souhaité ,
Et le bonheur charmant , où l'hymen vous d'estine,
Merite bien d'être chanté ,
Mais ce sujet voudroit être traité ,
Par une main plus galante et plus fine ;
Car enfin quand je m'examine ,
Je n'ai point cette humeur badine ,
Qu'on voit briller dans les écrits ,
B v De
1706 MERCURE DE FRANCE
De ceux que l'aimable Cyprine ,
Bien mieux que Phoebus endoctrine
Et telles gens auront toujours leur prix.
A m'excuser plus ne m'obstine ,
Je vois bien que c'est vainement ,
Votre ordre enfin me détermine ,
Puisqu'il vous faut des Vers , sur la double Ce line ,
Je vais en chercher promptement,
Je vois Hymen , vers vous il s'achemine ;
Qu'il a bon air de Mirthes couronné ?
Vive allegresse en ses doux yeux domine ,
Et son flambeau de rares fleurs orné ,
Répand au loin une clarté divine ;
De cet Augure aisément je devine ,
Qu'aurez toujours parfait contentement ;
Amour le suit , la pudeur enfantine
Fait de son front le naïf ornement :
Mais que dit-il ? Car tout bas il rumine ,
C'est contre Hymen, au moins je l'imagine ,
Ces deux rivaux d'accord ne sont jamais ;
De lui ceder si gente Chérubine,
Il est dolent , voudroit que tels attraits.
Du Dieu goulu ne fussent la rapine ,
Desireroit en faire tous les frais.
Gentil
AOUST. 1732 1707
Gentil Amour , n'ayez l'ame chagrine ,
Rassurez-vous , hymen , avec vos traits ,
Prétend blesser la charmante Dorine ,
Et dans vos mains il met ses interêts ,
Amis , enfin soyez donc desormais ,
Et chassez loin toute haine intestine.
L'accord se fait , sous galante Courtine ,
Jà ces deux Dieux brillent de vous tenir ;
Or de ceci ne perdez souvenir,
Gardez-vous bien de faire la mutine ,
Quand ils voudront se servir de leurs droits
Depuis long temps on ne fait plus la mine ,
Qu'en pareil cas on faisoit autrefois ,
( D'où pouvez voir que sur tout on rafine. )
Ne la ferez , je crois ; de votre Epoux ,
L'air engageant , l'amour qu'il a pour vous,
M'en sont garants ; de tant bonne doctrine ,
Docilement profiter aimerez ,
Et plus que lui bien-tôt vous en sçaurezg
Car ce n'est rien enfin qu'une routine.
Que de plaisirs je lui vois préparez !
Il trouve en vous un maintien d'Héroïne ,
Esprit charmant , air doux et plein d'attraits
Pour tel Epoux , avec raison j'opine,
Que la nature aussi vous fit exprès ,
De m'y tromper bien-fort m'étonnerois ,
De licu trop bon , tirez votre origine.
B vi Que
1708 MERCURE DE FRANCE
Que de vertus vos illustres ayeux ,
N'ont-ils pas fait éclater en tous lieux !
De l'injustice ils furent la ruine ,
Pour en juger , n'en croions que nos yeux?
D'aimable Mere aussi la discipline,
Sçait vous former et les mœurs et l'esprit ;
Dans votre cœur vertus ont pris racine ,
De son exemple en vous on voit le fruit.
Pas ne me sens assez bonne poitrine ,
Pour dignement pouvoir chanter leur los
Quand même aurois l'éloquence de Pline ;
Or de m'en taire , il est plus à propos.
Qu'hymen pour vous , soit bonne Médecine
Jeune beauté , goutez un sort heureux.
Puissiez avoir rose , sans nulle épine ,
Puissiez enfin avant un an ou deux ,
Avoir besoin du secours de Lucine.
Mais ja l'hymen vous prenant par la main
Au benoit lit , veut vous mener soudain ;
Adieu vous dis , gentille pellerine ,
Vous m'en direz des nouvelles demain.
Par M. DE RUFFIX.
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Résumé : EPITHALAME, De Madlle de la Briffe, fille de M. l'Intendant de Bourgogne, et de M. le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné.
Le poème célèbre le mariage de Madle de la Briffe, fille de l'Intendant de Bourgogne, avec le Comte de Morges, Chevalier d'Honneur au Parlement de Dauphiné. L'auteur exprime sa joie pour cette union et reconnaît la valeur du sujet, bien qu'il se considère moins habile pour les vers galants. Il décrit l'arrivée de l'Hymen, symbolisant le mariage, accompagné d'allégresse et de clarté divine, suivi par Amour et pudeur. Le poème évoque la rivalité entre Amour et Hymen, mais conclut à leur accord et à l'harmonie future du couple. L'auteur loue les qualités de la jeune femme, son maintien héroïque, son esprit charmant et ses attraits, soulignant l'influence positive de ses illustres ancêtres et de sa mère. Il souhaite à la jeune mariée un mariage heureux et fécond, espérant qu'elle aura bientôt besoin de l'aide de Lucine, la déesse des accouchements. Le poème se termine par des vœux de bonheur et l'attente des nouvelles du lendemain.
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317
s. p.
ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
Début :
Scavantes Nymphes du Permesse, [...]
Mots clefs :
France, Coeur, Amour, Évêque de Metz, Louange, Temple
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
ODE
A M. l'Evêque de Metz , Duc et Pair
S
de France,
Cavantes Nymphes du Permesse ,
Secondez-moi de vos leçons ;
Je veux soutenir la Noblesse ,
De vos immortelles Chansons ;
Dans le doux transport qui m'inspire ,
Je pense déja que ma Lyre,
Traîne les Rochers et les Bois ;
Et que de la Mozelle au Gange ,
A ij Elle
2100 MERCURE DE FRANCE
Elle va porter la loüange ,
Du grand Prélat dont j'ai fait choix.
Coislin , l'ornement de notre âge.
Cefut pour nous un grand bonheur
Quand des Monarques le plus sage
Te choisit pour notre Pasteur ;
D'abord ta sage vigilance ,
Loin de toi bannit l'ignorance ,
Qui se glissoit dans ton Clergé ;
Qui ne sait que dans tes Ecoles ,
Nourri des divines paroles ,
Dans peu de temps il fut changé ?a
Tendre Pere pour tes ouailles ,
Tu ne bornes pas là tes soins ;
Leurs maux déchirant tes entrailles ,
Tu pourvois à tous leurs besoins,
Pour tirer la Fille égarée ,
D'un lieu qui l'a deshonorée ,
Tu fais élever un Saint lieu ;
C'est là que , grace au bon exemple ,
Son cœur souillé devient le Temple ,
De l'amour qu'on doit au vrai Dicu.
Bientôt en faveur du malade ,
Denué de soulagement ,
Ta
OCTOBRE. 1732. 2101
·
Ta charité te persuade,
De faire un vaste logement s
Là , par ta sage prévoyance
I1 reçoit avec abondance ,
Les secours les plus précieux ;
Pour prix de cet amour si tendre ,
N'es-tu pas en droit de prétendre
Une couronne dans les Cieux ?
Par les voix de la Renommée ,
Qui vole en cent climats divers ,
Ta vertu se trouve semée
Dans tous les coins de l'Univers.
Pour la garantir des naufrages,
Qui peuvent suivre les orages ,
Du vaste Ocean où tu cours
La Piété te sert de guide ,
Et te prete un secours solide ,
Contre les vices de nos jours.
Dans ses yeux , la grace allumée ,
D'un feu pur et rempli d'appas
Te fait d'inutile fumée ,
Traiter tous les biens d'ici-bas.
>
Ton cœur ne connoît leur usage ,
Que par le genereux partage ,
Qu'il en accorde aux malheureux ;
A iij Come
2102 MERCURE DE FRANCE
Combien languiroient dans les chaînes,
Qui sont délivrez de leurs peines ,
Par tes dons répandus ( 1 ) sur eux ?
Icy je vois un Seminaire ,
Fondé pour le Clerc indigent ;
Là , des Temples tombez par terre
Relevez par ton zele ardent.
Tel que , dans sa vaste carriere
Le Soleil porte sa lumiere ,
Aux differentes Nations ;
Telles tes bontez secourables ,
S'étendent sur les misérables ,
De toutes les conditions.
Des doux effets de ta largesse ,
Quels sont ces nouveaux monumens !
J'admire ta haute sagesse ,
Dans ces suberbes ( 2 ) bâtimens :
C'est peu d'embellir notre Ville ;
Ils servent de frein et d'azile ;
Le Soldat s'y tient rassemblé ;
( 1 ) Ala naissance de Monseigneur le Dauphin,
il a payé les dettes d'un grand nombre de Prisonniers , qui ont été mis en liberté.
( 2 ) Il afait construire deux grands Corps de
Cazernes , qui forment avec leurs Pavillons , une Place magnifique.
Par
5
OCTOBRE. 1732.
2103 Par tes soins la foible innocence ,
N'est plus en proye à la licence ;
Notre sommeil n'est plus troublé.
Mais de quelle affreuse misere ,
L'humble Artisan est délivré !
Il est maître de son salaire ,
Du Soldat jadis ( 1 ) dévoré ;
Tranquille , à couvert des insultes ;
De cet Hôte , ami des tumultes ,
Il benit l'auteur de son sort ;
Et dans un sort si favorable ,
Il baise la main secourable
Qui l'a fait entrer dans le Port.
C'est pour consacrer la mémoire
De tant de celebres bienfaits ,
Qu'au Ciel nous élevons ta gloire ,
Qui ne s'effacera jamais ;
Parmi des accords magnifiques ,
On n'entend que sacrez Cantiques
Dans les Temples du Dieu jaloux ,
Là, nos cœurs , d'une sainte audace ,
Lui demandent pour toute grace
Que tu vives cent ans pour nous.
( 1 ) Avant qu'il y eut des Cazernes , on fourpissoit aux Soldats le logement , le lit , le bois , la chandelle et toutes les ustancilles du ménage.
Aiiij Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
>
Dans ce jour de réjouissance
Qui ne s'empresse avec ardeur
A marquer la reconnoissance
Qui le pénétre jusqu'au cœur
On ne voit que Tables riantes ,
Que Feux dont les flammes brillantes ,
Font de la nuit un nouveau jour.
Mais tous nos efforts pour te plaire ,
Ne sont qu'une image légere
Des sentimens de notre amour.
O toy , dont le ferme courage ,
A travers les Ondes du Rhin ,
Se fit un glorieux passage ,
Qui nous mit les Palmes ( 1 ) en main ;
Que dis- tu des travaux illustres
Qui sans cesse depuis sept lustres ,
Occupent ton sage héritier ?
Digne fils d'un si noble Pere ,
De la vertu la plus austere ,
Il suit le pénible sentier.
Que dis-tu quand tu consideres
Ce prodige d'humilité
Y
( 1 ) En 1672. son pere Armand du Cambout ;
Duc de Coislin, Pair de France , et Lieutenant General des Armées du Roy , se signala avec éclat an
fameux passage duRhin.
Se
OCTOBRE. 1732 2105
Se plaindre des respects sinceres ,
Que nous rendons à sa bonté ? ,
Dans sa contenance modeste ,
Eclate une vertu celeste ,
En qui nous mettons notre appui
Quel témoignage plus fidele
Qu'un jour il sera le modele ,
De ceux qui viendront après lui
A M. l'Evêque de Metz , Duc et Pair
S
de France,
Cavantes Nymphes du Permesse ,
Secondez-moi de vos leçons ;
Je veux soutenir la Noblesse ,
De vos immortelles Chansons ;
Dans le doux transport qui m'inspire ,
Je pense déja que ma Lyre,
Traîne les Rochers et les Bois ;
Et que de la Mozelle au Gange ,
A ij Elle
2100 MERCURE DE FRANCE
Elle va porter la loüange ,
Du grand Prélat dont j'ai fait choix.
Coislin , l'ornement de notre âge.
Cefut pour nous un grand bonheur
Quand des Monarques le plus sage
Te choisit pour notre Pasteur ;
D'abord ta sage vigilance ,
Loin de toi bannit l'ignorance ,
Qui se glissoit dans ton Clergé ;
Qui ne sait que dans tes Ecoles ,
Nourri des divines paroles ,
Dans peu de temps il fut changé ?a
Tendre Pere pour tes ouailles ,
Tu ne bornes pas là tes soins ;
Leurs maux déchirant tes entrailles ,
Tu pourvois à tous leurs besoins,
Pour tirer la Fille égarée ,
D'un lieu qui l'a deshonorée ,
Tu fais élever un Saint lieu ;
C'est là que , grace au bon exemple ,
Son cœur souillé devient le Temple ,
De l'amour qu'on doit au vrai Dicu.
Bientôt en faveur du malade ,
Denué de soulagement ,
Ta
OCTOBRE. 1732. 2101
·
Ta charité te persuade,
De faire un vaste logement s
Là , par ta sage prévoyance
I1 reçoit avec abondance ,
Les secours les plus précieux ;
Pour prix de cet amour si tendre ,
N'es-tu pas en droit de prétendre
Une couronne dans les Cieux ?
Par les voix de la Renommée ,
Qui vole en cent climats divers ,
Ta vertu se trouve semée
Dans tous les coins de l'Univers.
Pour la garantir des naufrages,
Qui peuvent suivre les orages ,
Du vaste Ocean où tu cours
La Piété te sert de guide ,
Et te prete un secours solide ,
Contre les vices de nos jours.
Dans ses yeux , la grace allumée ,
D'un feu pur et rempli d'appas
Te fait d'inutile fumée ,
Traiter tous les biens d'ici-bas.
>
Ton cœur ne connoît leur usage ,
Que par le genereux partage ,
Qu'il en accorde aux malheureux ;
A iij Come
2102 MERCURE DE FRANCE
Combien languiroient dans les chaînes,
Qui sont délivrez de leurs peines ,
Par tes dons répandus ( 1 ) sur eux ?
Icy je vois un Seminaire ,
Fondé pour le Clerc indigent ;
Là , des Temples tombez par terre
Relevez par ton zele ardent.
Tel que , dans sa vaste carriere
Le Soleil porte sa lumiere ,
Aux differentes Nations ;
Telles tes bontez secourables ,
S'étendent sur les misérables ,
De toutes les conditions.
Des doux effets de ta largesse ,
Quels sont ces nouveaux monumens !
J'admire ta haute sagesse ,
Dans ces suberbes ( 2 ) bâtimens :
C'est peu d'embellir notre Ville ;
Ils servent de frein et d'azile ;
Le Soldat s'y tient rassemblé ;
( 1 ) Ala naissance de Monseigneur le Dauphin,
il a payé les dettes d'un grand nombre de Prisonniers , qui ont été mis en liberté.
( 2 ) Il afait construire deux grands Corps de
Cazernes , qui forment avec leurs Pavillons , une Place magnifique.
Par
5
OCTOBRE. 1732.
2103 Par tes soins la foible innocence ,
N'est plus en proye à la licence ;
Notre sommeil n'est plus troublé.
Mais de quelle affreuse misere ,
L'humble Artisan est délivré !
Il est maître de son salaire ,
Du Soldat jadis ( 1 ) dévoré ;
Tranquille , à couvert des insultes ;
De cet Hôte , ami des tumultes ,
Il benit l'auteur de son sort ;
Et dans un sort si favorable ,
Il baise la main secourable
Qui l'a fait entrer dans le Port.
C'est pour consacrer la mémoire
De tant de celebres bienfaits ,
Qu'au Ciel nous élevons ta gloire ,
Qui ne s'effacera jamais ;
Parmi des accords magnifiques ,
On n'entend que sacrez Cantiques
Dans les Temples du Dieu jaloux ,
Là, nos cœurs , d'une sainte audace ,
Lui demandent pour toute grace
Que tu vives cent ans pour nous.
( 1 ) Avant qu'il y eut des Cazernes , on fourpissoit aux Soldats le logement , le lit , le bois , la chandelle et toutes les ustancilles du ménage.
Aiiij Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
>
Dans ce jour de réjouissance
Qui ne s'empresse avec ardeur
A marquer la reconnoissance
Qui le pénétre jusqu'au cœur
On ne voit que Tables riantes ,
Que Feux dont les flammes brillantes ,
Font de la nuit un nouveau jour.
Mais tous nos efforts pour te plaire ,
Ne sont qu'une image légere
Des sentimens de notre amour.
O toy , dont le ferme courage ,
A travers les Ondes du Rhin ,
Se fit un glorieux passage ,
Qui nous mit les Palmes ( 1 ) en main ;
Que dis- tu des travaux illustres
Qui sans cesse depuis sept lustres ,
Occupent ton sage héritier ?
Digne fils d'un si noble Pere ,
De la vertu la plus austere ,
Il suit le pénible sentier.
Que dis-tu quand tu consideres
Ce prodige d'humilité
Y
( 1 ) En 1672. son pere Armand du Cambout ;
Duc de Coislin, Pair de France , et Lieutenant General des Armées du Roy , se signala avec éclat an
fameux passage duRhin.
Se
OCTOBRE. 1732 2105
Se plaindre des respects sinceres ,
Que nous rendons à sa bonté ? ,
Dans sa contenance modeste ,
Eclate une vertu celeste ,
En qui nous mettons notre appui
Quel témoignage plus fidele
Qu'un jour il sera le modele ,
De ceux qui viendront après lui
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Résumé : ODE A M. l'Evêque de Metz, Duc et Pair de France.
Le texte est une ode dédiée à Armand de Coislin, évêque de Metz, Duc et Pair de France. L'auteur invoque les muses pour célébrer la noblesse et la vertu de l'évêque. Il loue la sagesse et la vigilance de Coislin, qui a banni l'ignorance dans son clergé et a fondé des écoles pour former les fidèles. L'évêque est décrit comme un père attentionné pour ses ouailles, prenant soin de leurs besoins spirituels et matériels. Il a construit des lieux saints pour les filles égarées et des logements pour les malades. Sa charité et sa piété sont soulignées, ainsi que son dévouement envers les malheureux et les indigents. L'auteur mentionne également des actions spécifiques de Coislin, comme la fondation d'un séminaire pour les clercs pauvres et la reconstruction de temples. Il admire la sagesse et la générosité de l'évêque, qui a embelli la ville et construit des casernes pour protéger les habitants. L'ode se termine par une prière pour que l'évêque vive longtemps et par des louanges à son fils, qui suit les traces de son père avec humilité et vertu.
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318
p. 2219-2221
CHANSON.
Début :
Amis, bénissons le lien, [...]
Mots clefs :
Amour, Dieux, Plaisirs, Bonheur, Camp de Tomery, Mars
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Amis , bénissons le lien ,
Qui joint votre sort et le mien ,
Des Dieux unis à notre bien ,
C'est l'harmonie.
Je sens leur douce sympathie ,
Des Graces j'entens l'entretien ;
Je vois Iris ; mon verre est plein ;
L'aimable vie !
Nous rassemblons ici les Jeux ,
Les Ris , les transports amoureux ,
Le Nectar , la Table , les Dieux
Et la Folie..
L'Amour , sous le nom de Sylvie ,
Nous consume de ses beaux yeux ,
Mais Bacchus par ses divins feux
Nous rend la vie.
Nous ne poussons point de soupirs ;
La jouissance des plaisirs ,
Nous ôte le soin des désirs ,
Et de l'envie,
Fij Qu'à
2220 MERCURE DE FRANCE
Qu'à jamais mon ame ravie ,
Goûte un aussi charmant loisir ,
Je n'aspire point à joüir
D'une autre vie.
Que ce Nectar a de saveur !
Que ce bel œil est enchanteur !
'Aisément à leurs coups mon cœur
Se sacrific,
Par cette douce sympathie,
Des Dieux j'égale le bonheur ;
Fixer Iris , être bûveur ,
L'aimable vie !
Couplets sur le Camp de Tomery.
Belles , venez sur la Seine ,
Pour y camper avec nous ;
Sous un jeune Capitaine ,
Vous irez sans peur aux coups,
Un cœur s'enrôle sans peine ,
Quand l'exercice est si doux.
M
Sous les loix que Mars enseigne,
Jamais l'Amour n'a tremblé ,
Mars et l'Amour n'ont qu'un régne ,
L'un
OCTOBRE. 1732 2221
L'un par l'autre est enrôlé ;
Venus a porté l'Enseigne
Pendant que Mars a filé.
Amis , bénissons le lien ,
Qui joint votre sort et le mien ,
Des Dieux unis à notre bien ,
C'est l'harmonie.
Je sens leur douce sympathie ,
Des Graces j'entens l'entretien ;
Je vois Iris ; mon verre est plein ;
L'aimable vie !
Nous rassemblons ici les Jeux ,
Les Ris , les transports amoureux ,
Le Nectar , la Table , les Dieux
Et la Folie..
L'Amour , sous le nom de Sylvie ,
Nous consume de ses beaux yeux ,
Mais Bacchus par ses divins feux
Nous rend la vie.
Nous ne poussons point de soupirs ;
La jouissance des plaisirs ,
Nous ôte le soin des désirs ,
Et de l'envie,
Fij Qu'à
2220 MERCURE DE FRANCE
Qu'à jamais mon ame ravie ,
Goûte un aussi charmant loisir ,
Je n'aspire point à joüir
D'une autre vie.
Que ce Nectar a de saveur !
Que ce bel œil est enchanteur !
'Aisément à leurs coups mon cœur
Se sacrific,
Par cette douce sympathie,
Des Dieux j'égale le bonheur ;
Fixer Iris , être bûveur ,
L'aimable vie !
Couplets sur le Camp de Tomery.
Belles , venez sur la Seine ,
Pour y camper avec nous ;
Sous un jeune Capitaine ,
Vous irez sans peur aux coups,
Un cœur s'enrôle sans peine ,
Quand l'exercice est si doux.
M
Sous les loix que Mars enseigne,
Jamais l'Amour n'a tremblé ,
Mars et l'Amour n'ont qu'un régne ,
L'un
OCTOBRE. 1732 2221
L'un par l'autre est enrôlé ;
Venus a porté l'Enseigne
Pendant que Mars a filé.
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Résumé : CHANSON.
La chanson célèbre l'harmonie et la sympathie divine, évoquant une vie pleine de plaisirs et de joie. Elle met en avant l'union des dieux avec les humains, symbolisée par l'harmonie et la sympathie divine. Les plaisirs mentionnés incluent les jeux, les rires, les transports amoureux, le nectar, la table, les dieux et la folie. L'amour, personnifié par Sylvie, consume les cœurs, tandis que Bacchus offre une vie pleine de feux divins. Les plaisirs ôtent les soucis et les désirs, permettant de goûter un loisir charmant sans aspirer à une autre vie. Le cœur se sacrifie aisément aux coups de l'amour et de la sympathie divine, égalant ainsi le bonheur des dieux. La chanson se termine par un appel aux belles de venir camper sur la Seine, soulignant que l'amour ne tremble jamais sous les lois de Mars, et que Mars et l'amour sont enrôlés l'un par l'autre, avec Vénus portant l'enseigne et Mars filant.
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319
p. 2339-2342
LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Début :
La Mode et la Nature un jour, [...]
Mots clefs :
Fard, Amour, Art, Nature, Masque, Attraits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
LE PROCEZ DU FARD,
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
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Résumé : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Le texte 'Le Procez du Fard' met en scène une allégorie où la Mode et la Nature sont jugées par le Tribunal d'Amour. La Mode, vêtue de manière ostentatoire, se présente comme le jouet du caprice, tandis que la Nature, simplement ornée, accuse la Mode de corrompre ses œuvres et d'altérer les traits de l'Amour. La Mode choisit G... comme modèle pour démontrer son pouvoir, mais l'Amour révèle la beauté naturelle de G..., comparée à l'aube. La Mode crée ensuite des œuvres postiches, défigurant une héroïne d'opéra, tandis que l'Amour construit un temple pour la beauté naturelle. L'Amour critique l'art passager de la Mode, qui séduit mais ne plaît pas durablement, et affirme que l'art constant de plaire appartient à la Nature. La Nature est comparée à une belle femme, G..., dont les jours de sérénité peuvent être couverts par l'art jaloux de la Mode. L'Amour encourage la Nature à purifier les beautés et à chercher une guérison dans la gaieté.
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320
p. 2407-2409
BOUQUET à Mlle...
Début :
Amour, c'est trop long-tems rester dans le silence; [...]
Mots clefs :
Coeur, Bouquet, Funestes conseils, Secret, Amour, Ardeur , Iris
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texteReconnaissance textuelle : BOUQUET à Mlle...
BOUQUET à Mitte ...
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
A
Mour, c'est trop long- tems rester dans le silence ;
C'est trop long- tems cacher mes feux ;
Tes funestes conseils trompent mon esperance,
Iris ignore encor le pouvoir de ses yeux.
Depuis plus de six mois , tu sçais que je sou;
pire :
» Garde-toi , m'as-tu dit , d'aller en indiscret
A l'objet de tes vœux , divulguer ton secret ;
Tu ne ferois qu'accroître ton martyre
Pour expliquer tes feux , il est de sûrs moyens ,
Elj »Sans
1468 MERCURE DE FRANCE
»Sans emprunter le secours de ta bouche,
Un aveu trop hardi quelquefois effarouche ,
Fixe donc seulement tes regards sur les sienst
30 Par-là, fais connoître à ta belle ,
Que la voir est pour toi le plus grand des
plaisirs ,
93 Que tu n'en trouves point sans elle ,
Et que pour elle seule échapent tes soupirs.
»C'est ainsi dans un cœur qu'un Amant s'insta
nuë ,
Que de la sympathie il forme les liens ,
Et c'est ainsi que de la vûë ,
» On passe aux plus doux entretiens.
J'ai suivi tes conseils , Amour ; mais ta pre- messe ,
N'est pas prête de s'accomplir ;
Tu ne m'as pour Iris , donné tant de tendresse ;
Que pour me faire mieux souffrir.
Chaque jour je la vois , et fidele à me taire ,
J'observe ses brillants attraits ,
Et la charmante Iris , sans dessein de le faire ;
Perce mon cœur de mille traits.
Dieux qu'elle est aimable , les Graces ,
Lea
NOVEMBRE. 1732. 2498
Les Ris l'accompagnent toûjours ;
On voit une foule d'Amours ,
Avec les Jeux folatrer sur ses traces.
Que j'aime à voir qu'un Zéphir amoureux ,
Autour de sa gorge , badine ,
Et découvre à mes yeux cette blancheur divine !
J'oublie en ysongeant , que je suis malheureux.
Allons , découvrons- lui le feu qui me dévore ,
Et son triomphe et mes tourmens ;
Qu'elle sçache que je l'adore ,
Et que Phoebus pour elle anime mes accens
Peut-être à mes vœux , favorable ,
Que quelquefois Iris lirà mes Vers ;
Peut-être en y voïant la rigueur de mes fers
Elle deviendra plus traitable.
Partez , mes Vers , allez découvrir mon ardeur
A la charmantc Iris ; l'occasion est prête
Partez , allez , demain sera sa fête ,
Aujourd'hui pour Bouquet , presentez-lui mon cœur.
V. J. A. L.
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Résumé : BOUQUET à Mlle...
Dans une lettre poétique adressée à Mitte, l'auteur exprime son amour pour une femme nommée Iris. Il révèle qu'il garde cet amour secret depuis plus de six mois, suivant les conseils de Mitte de ne pas révéler ses sentiments directement. L'auteur décrit les moyens subtils qu'il utilise pour montrer son affection, comme fixer son regard sur Iris pour lui faire comprendre son attachement. Il admire la beauté et les charmes d'Iris, notant qu'elle est toujours accompagnée des Grâces, des Rires, des Amours et des Jeux. L'auteur exprime son désir de lui révéler son amour, espérant que ses vers pourront adoucir son cœur. La lettre se conclut par la décision de l'auteur de présenter son cœur à Iris sous forme de bouquet pour sa fête le lendemain.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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321
p. 2527-2545
LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
Début :
Dans une des plus agréables Contrées de l'Inde, est un Royaume nommé [...]
Mots clefs :
Indes, Mallean, Amour, Femmes, Rivalité, Époux, Princesse, Malheurs, Corps, Âme
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texteReconnaissance textuelle : LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
LES AMES RIVALES ,
HISTOIRE FABULEUSE.
Ans une des plus agréables Contrées
de l'Inde , est un Royaume nommé
Mallean , où les femmes ontune autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons , et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la tịmidité , la paresse , et pour devoirs , la
solitude , la pudeur et la fidelité.
Ce genre de domination n'a pas tou
jours subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en aug
menter le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves.
Cette superiorité ne les a peut- être pas
rendues plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré1. Vol.
Av gne
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres de la Religion des Indiens telles
étoient alors les mœurs.
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher ; une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer , et ils s'aimoient toujours. Peut-être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut il que la croire possible?
La Princesse Amassita , fille du Roi
1.Vol. de ༤ ༽
DECEMBRE. 1732. 2529
'de Mallean , étant parvenue à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde .
se disputerent l'honneur d'être du nombre des douze Amans ; elle étoit bien digne de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'elles. Parmi les illustres concurrens qui furent préferés , Masulhim , Prince de Carnate , et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien- tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
l'autre par l'impetuosité de sa passion.
à
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son cœur , mais elle n'osa d'abord se l'a- .
vouer à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux. Elle regardoit comme un crime les moindres mouvemens qui pouvoient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses devoirs,
peut-être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol. A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une ex- .
trême agitation ; la veritable tendresse est
timide; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré,
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes , dans des aniet revenoit s'emparer de sa demeure ordinaire. Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
maux ,
$
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per
I. Vol. miş
DECEMBRE. 1732. 2537
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhim
eut entr'autres cette préference , mais cette idée flateuse s'évanouissoit bien- tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre ,
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ;; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
ayoit toujours ses Rivaux pour confidens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita : Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous.
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées peut-être ( ' quoique vous soyez.
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez des prévenances qui ne vous laissent pas un moment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , oseque
1. Vola rois
2532 MERCURE DE FRANCE
rois-je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'aujourd'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure seulement ; leur amour n'aura qu'à
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches , les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment , l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés. Mon cœur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce que si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire.
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui réponditelle , est effectivement très- raisonnable ;
il est vrai que si mon cœur s'étoit déja déterminé , l'Amant vers lequel il pancheroit , se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses RiI.Vol.
vaux.
DECEMBRE. 9732 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir que ce sérieux alors pouvoit ressembler à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. SiKandar approcha d'elle avec assez de confiance de n'être point haï. Dans les momens ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répon
dre , et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez-vous , lui dit-elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre ;
1. Vol * elle
2534 MERCURE DE FRANCE
,
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit accorder.
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne : Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire ; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai-je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient n'étoit rien moins que distraite ; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement de paroître amoureux , trop d'envie de plaire. Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore ce qu'elle y cherchoit , et voyant
,
1. vol. qu'il
DECEMBRE. 1732 2535.
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
resta à son tour quelques momens sans
parler.
Belle Amassita , reprit Masulhim , ch'
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment, ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint , elle habite chaque nuit votre Palais ; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe ; j'animois ces génies
qui sous des formes charmantes répandoient des fleurs sur votre tête ; je pas
sois dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts ,
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans. Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera , tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassità, reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame et je ne veux jamais l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers. Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret ; je voudrois n'en
faire usageque par vos conseils : mon ame¹
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint que le soir même pour faire l'épreuve de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez-vous. Ils se séparerent ; la PrinI.Vel. cesse
DECEMBREE. 1732. 2537
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant , l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vit arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tendresse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui fafsoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer ,
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être heureuses , et la nuit se passa précipitamment pour elles ; il fallut s'en retourner. La Princesse vouloit avant l'heure ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans se demanderent et se promirent
un même rendez-vous pour la nuit d'ensuite , et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner à leur habitation,
1.Vol.
On
2538 MERCURE DE FRANCE
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement , elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin , et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer de sa représentation.
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Masulhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite.
par celle de son Amant , elle resta incertaine, errante , formant mille projets et ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien li
vrées à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont 1. Vel сара-
DECEMBRE. 1732. 2535
Capables , qu'elles ne sçavent plus qu'ai◄
mer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;,
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse; il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient de
venus méprisans à son égard , et marquoient une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement ,
il ne pouvoit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse ,
et pour porter à son Rival un coup irrémediable , il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête
s'ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I.Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en emparer dès que Sikandar l'eut abang
donnée.
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
lui d'avoir obtenu par une trahison le titre d'Epoux,que son Rival n'auroit voulu recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le cœur de la Princesse , en semant entr'eux des sujets horribles de jalousie et de haine. Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude. L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision ,
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi renfermées,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2548
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle elles pouvoient se porter de concert ; c'étoit de songer à a Princesse , et
de conduire chez elle leur personne. Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita. A peine apperçûtelle Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux , mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit exprimer : s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie,, l'autre ame lui faisoit prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavoüer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri , désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere. Enfin ,
ces deux Amans éprouverent la situaI. Vol. tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus singuliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle.
- Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire. Il se sépara de l'ame de son
Rival c'étoit le jour même où les Malléanes avoient marqué la cerémonie de son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée. Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur que lui avoit causé l'ame de Sikandar , jointe à celle de son Amant , ne son.
gea plus qu'à l'oublier. Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit les habits de cette cerémonie. On
la conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar1. Vol. choit
DECEMBRE. 1737 2548
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux. Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croise infidele. O Malleanes , dit- elle , soyés touchés du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse jugés , ajoûta-t'elle , de l'horreur de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je,
vous l'ai avoué : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne. Le serment par lequel vous m'attacherés à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon ame enfin , en seront séparés à tous les momens de mavie,
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir. Les
:
I. Vol. B Mal-
2544 MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens.
"
Enfin , me voilà libre , s'écria- t'elle
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon cœur de ma main ! in cut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son cœur toute l'innocence de son
Amant. Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires.
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher sa honteet sa fureur dans le sein d'une étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoir faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses,
ils convinrent que leurs ames ne quitte
roient jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur:
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il n'étoit causé que par les purs mouI.Vok vemens
DECEMBRE. 1732 2345
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse , les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consiste dans la seule union des ames.
HISTOIRE FABULEUSE.
Ans une des plus agréables Contrées
de l'Inde , est un Royaume nommé
Mallean , où les femmes ontune autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons , et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la tịmidité , la paresse , et pour devoirs , la
solitude , la pudeur et la fidelité.
Ce genre de domination n'a pas tou
jours subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en aug
menter le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves.
Cette superiorité ne les a peut- être pas
rendues plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré1. Vol.
Av gne
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres de la Religion des Indiens telles
étoient alors les mœurs.
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher ; une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer , et ils s'aimoient toujours. Peut-être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut il que la croire possible?
La Princesse Amassita , fille du Roi
1.Vol. de ༤ ༽
DECEMBRE. 1732. 2529
'de Mallean , étant parvenue à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde .
se disputerent l'honneur d'être du nombre des douze Amans ; elle étoit bien digne de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'elles. Parmi les illustres concurrens qui furent préferés , Masulhim , Prince de Carnate , et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien- tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
l'autre par l'impetuosité de sa passion.
à
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son cœur , mais elle n'osa d'abord se l'a- .
vouer à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux. Elle regardoit comme un crime les moindres mouvemens qui pouvoient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses devoirs,
peut-être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol. A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une ex- .
trême agitation ; la veritable tendresse est
timide; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré,
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes , dans des aniet revenoit s'emparer de sa demeure ordinaire. Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
maux ,
$
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per
I. Vol. miş
DECEMBRE. 1732. 2537
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhim
eut entr'autres cette préference , mais cette idée flateuse s'évanouissoit bien- tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre ,
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ;; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
ayoit toujours ses Rivaux pour confidens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita : Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous.
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées peut-être ( ' quoique vous soyez.
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez des prévenances qui ne vous laissent pas un moment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , oseque
1. Vola rois
2532 MERCURE DE FRANCE
rois-je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'aujourd'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure seulement ; leur amour n'aura qu'à
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches , les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment , l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés. Mon cœur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce que si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire.
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui réponditelle , est effectivement très- raisonnable ;
il est vrai que si mon cœur s'étoit déja déterminé , l'Amant vers lequel il pancheroit , se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses RiI.Vol.
vaux.
DECEMBRE. 9732 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir que ce sérieux alors pouvoit ressembler à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. SiKandar approcha d'elle avec assez de confiance de n'être point haï. Dans les momens ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répon
dre , et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez-vous , lui dit-elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre ;
1. Vol * elle
2534 MERCURE DE FRANCE
,
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit accorder.
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne : Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire ; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai-je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient n'étoit rien moins que distraite ; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement de paroître amoureux , trop d'envie de plaire. Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore ce qu'elle y cherchoit , et voyant
,
1. vol. qu'il
DECEMBRE. 1732 2535.
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
resta à son tour quelques momens sans
parler.
Belle Amassita , reprit Masulhim , ch'
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment, ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint , elle habite chaque nuit votre Palais ; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe ; j'animois ces génies
qui sous des formes charmantes répandoient des fleurs sur votre tête ; je pas
sois dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts ,
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans. Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera , tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassità, reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame et je ne veux jamais l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers. Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret ; je voudrois n'en
faire usageque par vos conseils : mon ame¹
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint que le soir même pour faire l'épreuve de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez-vous. Ils se séparerent ; la PrinI.Vel. cesse
DECEMBREE. 1732. 2537
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant , l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vit arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tendresse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui fafsoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer ,
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être heureuses , et la nuit se passa précipitamment pour elles ; il fallut s'en retourner. La Princesse vouloit avant l'heure ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans se demanderent et se promirent
un même rendez-vous pour la nuit d'ensuite , et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner à leur habitation,
1.Vol.
On
2538 MERCURE DE FRANCE
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement , elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin , et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer de sa représentation.
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Masulhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite.
par celle de son Amant , elle resta incertaine, errante , formant mille projets et ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien li
vrées à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont 1. Vel сара-
DECEMBRE. 1732. 2535
Capables , qu'elles ne sçavent plus qu'ai◄
mer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;,
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse; il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient de
venus méprisans à son égard , et marquoient une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement ,
il ne pouvoit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse ,
et pour porter à son Rival un coup irrémediable , il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête
s'ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I.Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en emparer dès que Sikandar l'eut abang
donnée.
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
lui d'avoir obtenu par une trahison le titre d'Epoux,que son Rival n'auroit voulu recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le cœur de la Princesse , en semant entr'eux des sujets horribles de jalousie et de haine. Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude. L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision ,
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi renfermées,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2548
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle elles pouvoient se porter de concert ; c'étoit de songer à a Princesse , et
de conduire chez elle leur personne. Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita. A peine apperçûtelle Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux , mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit exprimer : s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie,, l'autre ame lui faisoit prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavoüer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri , désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere. Enfin ,
ces deux Amans éprouverent la situaI. Vol. tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus singuliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle.
- Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire. Il se sépara de l'ame de son
Rival c'étoit le jour même où les Malléanes avoient marqué la cerémonie de son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée. Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur que lui avoit causé l'ame de Sikandar , jointe à celle de son Amant , ne son.
gea plus qu'à l'oublier. Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit les habits de cette cerémonie. On
la conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar1. Vol. choit
DECEMBRE. 1737 2548
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux. Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croise infidele. O Malleanes , dit- elle , soyés touchés du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse jugés , ajoûta-t'elle , de l'horreur de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je,
vous l'ai avoué : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne. Le serment par lequel vous m'attacherés à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon ame enfin , en seront séparés à tous les momens de mavie,
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir. Les
:
I. Vol. B Mal-
2544 MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens.
"
Enfin , me voilà libre , s'écria- t'elle
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon cœur de ma main ! in cut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son cœur toute l'innocence de son
Amant. Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires.
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher sa honteet sa fureur dans le sein d'une étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoir faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses,
ils convinrent que leurs ames ne quitte
roient jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur:
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il n'étoit causé que par les purs mouI.Vok vemens
DECEMBRE. 1732 2345
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse , les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consiste dans la seule union des ames.
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Résumé : LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
Le texte 'Les Âmes Rivales' se déroule dans le royaume de Mallean, en Inde, où les femmes détiennent l'autorité et les hommes sont confinés à des rôles domestiques. Cette domination féminine résulte de l'évolution des mœurs, permettant aux femmes d'avoir plusieurs époux réduits à des esclaves. Autrefois, à l'âge de dix ans, une fille choisissait un époux parmi douze prétendants après une année de cohabitation, marquant une union fidèle et amoureuse. La princesse Amassita, fille du roi de Mallean, doit choisir un époux parmi douze princes, dont Masulhim de Carnate et Sikandar de Balassor. Amassita préfère Masulhim mais dissimule ses sentiments. Masulhim, grâce à un pouvoir divin, peut séparer son âme de son corps pour visiter Amassita en secret. Il propose un arrangement où chaque prétendant aurait un quart d'heure pour s'exprimer librement. Amassita accepte et écoute les princes. Sikandar est le dernier à parler, mais Amassita l'interrompt, annonçant que c'est la dernière fois qu'elle l'entendra. Lors de son tour, Masulhim exprime son désespoir et révèle son pouvoir de séparer son âme. Touché par ses paroles, Amassita avoue son amour et apprend le secret pour séparer son âme. Ils se donnent rendez-vous près de l'étoile du matin. Cette nuit-là, leurs âmes se rejoignent et goûtent un bonheur parfait, libéré des contraintes corporelles. Après cette nuit, ils se promettent de se revoir. Cependant, Sikandar utilise une métamorphose pour prendre le contrôle du corps d'Amassita et semer la discorde. Il manipule Amassita pour qu'elle nomme Sikandar comme son époux, causant la douleur et la confusion de Masulhim. Sikandar introduit la jalousie et la haine entre les amants en faisant cohabiter leurs âmes dans le corps de Masulhim, entraînant des malentendus et des souffrances. Lors de la cérémonie de mariage, Amassita révèle la trahison de Sikandar aux Malleanes, qui la libèrent de ses engagements. Amassita et Masulhim se réconcilient et décident de ne plus jamais séparer leurs âmes de leurs corps pour éviter de futures manipulations. Sikandar, déchu, se retire dans une étoile funeste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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322
p. 2562-2563
Le Dimanche 16 Novembre, chez M. de Pradel Audet, Conseiller du Roi. Menuet.
Début :
Lorsque deux coeurs, [...]
Mots clefs :
M. de Pradel Audet, Mariage, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Dimanche 16 Novembre, chez M. de Pradel Audet, Conseiller du Roi. Menuet.
Le Dimanche 16 Novembre , chez M. de Pradel Audet , Conseiller du Roin
Menuet.
Lorsque deux cœurs ,
Qu'unit un charmant mariage ,
Lorsque deux cœurs ,
Eprouvent les mêmes ardeurs ,
Tout l'embarras du ménage
Ne fait encor qu'augmenter leur amour ;
Et l'on ne sçait dans ce tendre esclavage
Lequel vaut mieux de la nuit ou du jour.
Voi tu ses yeux ,
Son nez fin , sa bouche adorable
I. Vol. Voi
DECEMBRE. 1732. 256
Voi-tu ses yeux ?
C'est Venus qui brille en ces lieux.
Si cette Déesse aimable
Eut scû choisir un Epoux tel que toi ;
Mars eut envain d'un commerce durable
Youlu briser entre eux la douce lai.
Un tendré Hymen ,
Cher Oncle , à ma Tante te lie ;
Un tendre Hymen
Tient toujours l'Amour par la main,
Fils bien né , fille jolie ,
A chaque instant vous font cherir vos nœuds.
Qu'en cinquante ans nous puissions pleins de vie ,
Boire avec vous à vos triples Neveux.
Menuet.
Lorsque deux cœurs ,
Qu'unit un charmant mariage ,
Lorsque deux cœurs ,
Eprouvent les mêmes ardeurs ,
Tout l'embarras du ménage
Ne fait encor qu'augmenter leur amour ;
Et l'on ne sçait dans ce tendre esclavage
Lequel vaut mieux de la nuit ou du jour.
Voi tu ses yeux ,
Son nez fin , sa bouche adorable
I. Vol. Voi
DECEMBRE. 1732. 256
Voi-tu ses yeux ?
C'est Venus qui brille en ces lieux.
Si cette Déesse aimable
Eut scû choisir un Epoux tel que toi ;
Mars eut envain d'un commerce durable
Youlu briser entre eux la douce lai.
Un tendré Hymen ,
Cher Oncle , à ma Tante te lie ;
Un tendre Hymen
Tient toujours l'Amour par la main,
Fils bien né , fille jolie ,
A chaque instant vous font cherir vos nœuds.
Qu'en cinquante ans nous puissions pleins de vie ,
Boire avec vous à vos triples Neveux.
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Résumé : Le Dimanche 16 Novembre, chez M. de Pradel Audet, Conseiller du Roi. Menuet.
Le 16 novembre, chez M. de Pradel Audet, Conseiller du Roi, une célébration a eu lieu avec un menuet et des poèmes. Le premier poème évoque l'union de deux cœurs dans un mariage, soulignant la beauté de la personne aimée et le souhait d'un amour constant. Le second poème, daté de décembre 1732, célèbre l'union d'un oncle et d'une tante, exprimant le désir de vivre pleinement et de porter un toast après cinquante ans de vie commune.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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323
p. 2565-2566
Le Mardi chez M. de Morvan, sur l'air: en Cana, Festin notable, &c. ou bien, Croyez-vous que l'Amour m'attrape, &c.
Début :
Nous volons de Fête en Fête; [...]
Mots clefs :
Fête, Bacchus, Amour, Morvan, Maîtresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Mardi chez M. de Morvan, sur l'air: en Cana, Festin notable, &c. ou bien, Croyez-vous que l'Amour m'attrape, &c.
Le Mardi chez M. de Morvan , sur l'air:
en Cana , Festin notable , &c. ou bien
Croyez- vous que l'Amour m'attrape
&c.
Nous volons de Fête en Fête;
Par tout nouvelles douceurs ;
Bacchus nous bout dans la tête ,
L'Amour enflamme nos cœurs,
2566 MERCURE DE FRANCE
Quel sort charmant les assemble !
Quel aimable accord entr'eux !
Faisons-les bien vivre ensemble;
Is nous feront vivre heureux.
Haringthon chante , et soupire;
De sa belle Epouse épris.
L'Amour dans tout son Empire
N'a point d'Amans de leur prix.
L'Epoux dément l'axiome ,
Que prônent de sots Docteurs ,
Disant qu'à Table un grand homme ,
N'est pointungrand homme ailleurs.
Le Maître qui nous régale ,
Fait les honneurs à charmer ,
La Maitresse qui l'égale ,
En tout lieux se fait aimer.
Au Cabinet, à la Table ,
Que Morvan brille à propos ;
Là, par sa plume admirable ,
A Table par ses bons mots,
C
• Ancien Maire , Major de notre Ville , et
Subdélégué de M. l'Íntendant ; il est homme de
Lettres , et proche Parent de M. l'Abbé de Bellegarde,qui a écritplusieurs beaux Ouvrages en Prose,
en Cana , Festin notable , &c. ou bien
Croyez- vous que l'Amour m'attrape
&c.
Nous volons de Fête en Fête;
Par tout nouvelles douceurs ;
Bacchus nous bout dans la tête ,
L'Amour enflamme nos cœurs,
2566 MERCURE DE FRANCE
Quel sort charmant les assemble !
Quel aimable accord entr'eux !
Faisons-les bien vivre ensemble;
Is nous feront vivre heureux.
Haringthon chante , et soupire;
De sa belle Epouse épris.
L'Amour dans tout son Empire
N'a point d'Amans de leur prix.
L'Epoux dément l'axiome ,
Que prônent de sots Docteurs ,
Disant qu'à Table un grand homme ,
N'est pointungrand homme ailleurs.
Le Maître qui nous régale ,
Fait les honneurs à charmer ,
La Maitresse qui l'égale ,
En tout lieux se fait aimer.
Au Cabinet, à la Table ,
Que Morvan brille à propos ;
Là, par sa plume admirable ,
A Table par ses bons mots,
C
• Ancien Maire , Major de notre Ville , et
Subdélégué de M. l'Íntendant ; il est homme de
Lettres , et proche Parent de M. l'Abbé de Bellegarde,qui a écritplusieurs beaux Ouvrages en Prose,
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Résumé : Le Mardi chez M. de Morvan, sur l'air: en Cana, Festin notable, &c. ou bien, Croyez-vous que l'Amour m'attrape, &c.
Le texte relate une scène festive et harmonieuse chez M. de Morvan, où les invités savourent diverses douceurs et célébrations. Sous l'influence de Bacchus et de l'amour, l'atmosphère est agréable et unie. Harrington, particulièrement épris de sa belle épouse, exprime son amour de manière touchante. Le texte contredit les doctes qui affirment qu'un grand homme à table ne l'est pas nécessairement ailleurs. M. de Morvan, ancien maire et major de la ville, ainsi que subdélégué de l'intendant, est loué pour ses talents littéraires et ses qualités sociales. Il excelle autant par sa plume que par ses bons mots à table. De plus, il est mentionné comme étant un proche parent de l'abbé de Bellegarde, auteur de plusieurs beaux ouvrages en prose.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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324
p. 2580-2581
« Estre Auteur et sensé, fut toûjours difficile; [...] »
Début :
Estre Auteur et sensé, fut toûjours difficile; [...]
Mots clefs :
Goût, Amour, Public, Génie
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texteReconnaissance textuelle : « Estre Auteur et sensé, fut toûjours difficile; [...] »
Estre Auteur et sensé , fut toûjours difficile ;
Tel est le préjugé de la Cour , de la Ville :
Préjugé contre moi peut être de saison ;
Ai-je dans mon Ouvrage écouté la raison ?
Je l'ignore. Au Public ambitieux de plaire ,
( L'amour propre enfanta ce projet témeraire )
Des faux Sçavans du temps je trace les Portraits :
Mais qui déciderà si j'ai saisi leurs traits ?
I. Vol. Comé-
DECEMBRE. 1732. 2581
Comédiens en Corps , duppes des apparences ,
Rarement le Public confirme vos Sentences.
Par envie , ou par air, Savans , vous blâmez tout
Grand Monde délicat qui possedez le goût ,
Vous êtes trop poli pour être bien sincere.
Quel parti puis-je prendre ? O Ciel ! que dois- je faire ? ....
Quel Génie à l'instant se présente à mes yeux !
Vole à Sceaux , me dit-il , on rassemble en ces
Lieux
Esprit , talent , bonté , sincerité Romaine ,
Amour des Arts, sçavoir , goût épuré d'Athéne ;
A cette Cour choisie expose tes Ecrits ,
Une Muse y préside , on t'y dira leur prix
Tel est le préjugé de la Cour , de la Ville :
Préjugé contre moi peut être de saison ;
Ai-je dans mon Ouvrage écouté la raison ?
Je l'ignore. Au Public ambitieux de plaire ,
( L'amour propre enfanta ce projet témeraire )
Des faux Sçavans du temps je trace les Portraits :
Mais qui déciderà si j'ai saisi leurs traits ?
I. Vol. Comé-
DECEMBRE. 1732. 2581
Comédiens en Corps , duppes des apparences ,
Rarement le Public confirme vos Sentences.
Par envie , ou par air, Savans , vous blâmez tout
Grand Monde délicat qui possedez le goût ,
Vous êtes trop poli pour être bien sincere.
Quel parti puis-je prendre ? O Ciel ! que dois- je faire ? ....
Quel Génie à l'instant se présente à mes yeux !
Vole à Sceaux , me dit-il , on rassemble en ces
Lieux
Esprit , talent , bonté , sincerité Romaine ,
Amour des Arts, sçavoir , goût épuré d'Athéne ;
A cette Cour choisie expose tes Ecrits ,
Une Muse y préside , on t'y dira leur prix
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Résumé : « Estre Auteur et sensé, fut toûjours difficile; [...] »
En décembre 1732, un auteur évoque les défis de la création et de la réception de son œuvre, marquée par des préjugés à la cour et en ville. Il souhaite peindre les portraits des faux savants et des comédiens, critiqués pour leur manque de sincérité. Un génie lui conseille de se rendre à Sceaux, où il trouvera des esprits éclairés et pourra exposer ses écrits.
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325
p. 2647-2648
BRUNETTE.
Début :
Pour l'adorable Celimene, [...]
Mots clefs :
Feu, Coeur, Charmes, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BRUNETTE.
BRUNETTE.
Pour l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Queje ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon cœur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux
Auprès d'elle l'on est heureux ,"
I. Vol. Fv Sans
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement
Elle me dit d'un ton charmant ,
Out, les Dieux t'ont fait pour me plaire,
Je t'aime tant , &c.
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux
Cher Amant , pour combler mes vœux ,
Répons aux transports de mon aine ;
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant ,
Que mon cœur n'est jamais content.
Par M. Affichard.
Pour l'adorable Celimene ,
Je brûle d'un feu si charmant ,
Queje ne puis un seul moment ,
M'en éloigner sans quelque peine :
Je l'aime tant , tant , tant , tant , tant
Que mon cœur n'est jamais content.
Elle étale aux yeux tant de charmes ,
Qu'Amour en seroit amoureux
Auprès d'elle l'on est heureux ,"
I. Vol. Fv Sans
2648 MERCURE DE FRANCE
Sans gémir ni verser de larmes :
Je l'aime tant , &c.
諾
Quand dans le chemin de Cythere ,
Nous nous regardons tendrement
Elle me dit d'un ton charmant ,
Out, les Dieux t'ont fait pour me plaire,
Je t'aime tant , &c.
Ne ralentis jamais ta flame ,
Brule toûjours des mêmes feux
Cher Amant , pour combler mes vœux ,
Répons aux transports de mon aine ;
Je t'aime tant , tant , tant , tant , tant ,
Que mon cœur n'est jamais content.
Par M. Affichard.
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Résumé : BRUNETTE.
L'auteur exprime un amour intense et constant pour Célimène, la décrivant comme charmante et heureuse. Il mentionne un moment tendre sur le chemin de Cythère où elle lui avoue son amour. Il l'encourage à maintenir sa passion. La lettre est signée M. Affichard et provient du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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326
p. 2772-2781
REFLEXIONS Sur l'Amour.
Début :
Le desir d'être aimé est un des plus grands effets de l'aveuglement des [...]
Mots clefs :
Amour, Réflexions, Désir d'être aimé, Aveuglement, Craintes, Confiance, Mérite, Dangereux, Crédulité, Dire
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texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS Sur l'Amour.
REFLEXIONS
Sur l'Amour.
E desir d'être aimé est un des plus
Lrands effets de l'aveuglement des
hommes. C'est la ruine des esprits , la
corruption des mœurs , la perte de la liberté , l'obsession des hommes et le plus
grand de tous les maux ; cependant la
misere humaine nous persuade que c'est le comble de la felicité.
Tout ce qui a rapport à l'objet aimé
est beau, parfait , admirable : Allucinatur
quisquis amat in eo quod amat. Plutarque.
Ceux qui sont aimez , adoptent les erreurs et les prennent pour des témoigna
ges des veritez les plus constantes ; ils
II. Vol. croyent
DECEMBRE. 1732. 2773
croyent ne pouvoir errer. Cela n'est pas
surprenant , car ceux qui nous aiment ne
sçauroient nous faire ouvrir les yeux , et
c'est une grande pitié de ne pouvoir être
repris ni corrigez que par ceux qui ne
sçauroient ni nous reprendre ni nous corriger. Hoc impedit quod nimis nobis pla
cemus. Seneque.
C'est le propre de l'Amour malheureux:
de s'abandonner à des soupçons et à des
craintes indignes qu'il condamne lui - même, et qui, en le persecutant , ne laissent
pas de l'engager dans des démarches souvent suivies d'un long repentir.
Les craintes de l'amour , disposent toujours à une confiance flateuse , qui fait
croire avec plaisir ce qui justifie la
sonne qu'on aime.
perQuand on mérite d'être aimé , on se
flate toûjours de l'être , et presque toujours plus qu'on ne l'est en effet.
Plus on aime tard et plus fortement
on aime.
Urit amorgravius , quò seriùs urimur intus. Ovide,
Sape venit magnofœnore tardus amor.
On II. Vol.
2774 MERCURE DE FRANCE
On ne doit jamais se picquer d'être
le martyr de la vanité ou du caprice
d'une Belle. On doit cesser d'aimer
aussi-tôt qu'on cesse d'être bien traité ;
car pourquoi vouloir malgré la Loi na
turelle , se faire un tourment de ce qu'elle a donné à l'homme comme un plaisir ?
nous devons cependant plaindre ceux
que l'erreur commune engage dans d'autres sentimens et qui sont les victimes
de leur propre aveuglement.
Amore si finge fanciullo per significar che per placarsi pretende doni : si
finge però anco cieco , per lasciarsi rapire quanto possiede.
Il n'est point de forme sous laquelle
l'Amour ne se déguise pour s'insinuer
dans un cœur , jusqu'à prendre celle de
la raison et de la vertu .
Un amour extrême est capable de faire
'dire tout ce qu'on ne pense pas , quand on
croit se pouvoir procurer ce qu'on desire.
L'amour est une contagion qui se communique presque toûjours par la fréquentation de ceux qui sont susceptibles de
cette passion.
II Vol. Ceux
DECEMBRE. 1732. 2775
Ceux qui n'aiment pas , ont rarement
de grandes joyes ; ceux qui aiment , ont
souvent de grandes tristesses.
Parmi les Amans la haine n'est bien
souvent qu'un amour déguisé ; mais
l'indifference est une veritable preuve
d'un amour éteint.
Amantes amoris nebulis obcacati falsa
pro veris accipiunt.
Plus l'amour est contraint , plus il est
ardent. Per vincula cresco.
On s'estimeroit heureux en amour , si
ce qui manque à notre félicité ne faisoit
celle de personne,
L'amour devient un plaisir bien froid,
s'il n'est attisé par la difficulté.
Quand un cœur tendre est assez irrité
pour devenir cruel , il passe d'un extrémité à l'autre , et la mesure de sa tendresse naturelle , devient celle de sa cruauté.
L'amour est plus dangereux et plus
outré aux vieillards qu'aux jeunes gens.
L'autunno del' età fassi ad un core ,
Tutt'amor . tutt'angoscia, è tutto ardore. Sperauza.
II. Vol. La
2776 MERCURE DE FRANCE
La vertu est une perfection de l'ame ;
l'amour est une imperfection , en ce qu'il
fait aimer en autrui ce qui nous manque
en nous-mêmes.
La crédulité, naturelle à l'amour, laisse
rarement la raison agir avec toutes ses
lumieres dans l'esprit d'un Amant ; elle
fait trouver possible les choses les plus
étranges , lorsqu'elles s'accordent avec ce
qu'on souhaite.
Laura dell'amore e un'esalatione pes
tifera , che ci offusca la ragione.
L'amour vous attaque inutilement , si
vous vous occupez par le travail et l'application : Otia si tollas , perere cupidinis arcus.
Il n'est pas sûr que l'amour fondé sur
la beauté , dure autant qu'elle ; mais il
est indubitable qu'il meurt avec elle.
Le bon homme Brantome , dit agréa
blement que qui veut être aimé sans aimer, ressemble à celui qui veut allumer
son flambeau avec une torche éteinte.
Qui aime est plus heureux que qui
II. Vol. est
DECEMBRE. 1732. 2777
est aimé. Cependant il est plus noble et
il devroit nous être plus agréable d'être
servis , que de servir.
Celui qui a de la haine est plus blamable que celui qui est haï. Or celui qui
aimedoit l'emporter sur celui qui est aimé;
car celui qui oblige, est plus genereux que
celui qui est obligé. L'amour de l'Amant fait la reconnoissance de la personne aimée , comme plus parfait et plus
digne. Les choses inanimées peuvent être
aimées , mais elles ne sçauroient jamais
aimer. Cognosci enim et amari etiam in carentibus anima existit at cognoscere et
amore rebus animatis. Arist. Melius est
amare quam amari. id. Divinior est amator,
quam amatus , est enim numinis afflatu per- citus. Plat.
Les Italiens disent proverbialement :
Amore , subito nato morire , se non e nodrito
dalla speranza.
C'est une grande question de sçavoir
si on a plus de mérite auprès d'une Maîtresse , en lui marquant beaucoup d'empressement , qu'en ne lui en témoignant
que peu,
Chi e amato perde la liberta , perche
II. Vol.
2778 MERCURE DE FRANCE
e obligato a suo dispetto ad amare chi
l'ama.
Quand on a veritablement donné son
cœur , on n'a plus rien qui ne soit au
pouvoir de celle qui le possede,
En guerre et en amour , les yeux sont
les premiers vaincus. Gli occhi , disent
les Italiens , sone sempre principio e fine
d'amore.
Quand on est bien amoureux on est
très- retenu par la crainte de déplaire à
l'objet aimé. Les médiocres passions inspitent toutes sortes de téméritez.
L'amour est le Roy des jeunes gens et
le Tyran des vieillards.
Le relâchement et le dégoût suivent
ordinairement les amours où il n'entre
que de la volupté.
Une infidelité qu'on prend soin de
cacher , promet plutôt un retour qu'un
engagement où l'on ne garde point de
mesures.
Comme les petits feux s'éteignent par
II. Vol les .
DECEMBRE. 1732. 2779
les grands orages, et les grands s'augmentent ; de même l'amour médiocre se refroidit par les difficultez , mais le grand
s'accroît.
Le Char de l'Amour est tiré par des
Lions , pour montrer que ce Dieu sçait
soumettre les animaux les plus féroces.
On ne se croit jamais miserable quand
on aime bien ; mais on croit l'avoir été
quand on n'aime plus.
L'amour est de telle nature , qu'il ne
peut jamais causer de plaisirs tranquilles ;
et soit qu'il donne de la joye où de la
douleur , c'est presque toûjours en desordre et avec tumulte et agitation..
Les premieres passions sont si bien les
plus fortes , qu'on pourroit dire que Souvent plus on aime , moins on sçait aimer.
L'amour qui s'établit par vanité , n'est
que vanité , et ne peut subsister. L'amour
fondé sur la beauté , meurt avec elle ;
l'amour qui vient par des interêts de famille , n'est qu'avarice ; l'amour que la
jeunesse inspire , n'est que legereté ; l'amour qui naît du tempéramment , est
11. Vol.
C aveugle
2780 MERCURE DE FRANCE
aveugle et grossier ; il n'y a que l'amour
que l'estime et la vertu font naître qui
soit solide et qu'on doive loüer.
Un homme bien amoureux , fait de
soi- même un spectacle très- agréable pour
la personne qu'il aime.
La perte des personnes dont nous som❤
mes aimez , est bien plus irréparable que
celle des personnes que nous aimons.
Une belle femme , d'un esprit médio.
cre , fait aisément beaucoup de conquêtes , mais elle ne les garde pas longtemps ; une femme d'esprit sans beauté
en fait peu et difficilement , mais elles
sont infiniment plus durables.
L'amour et la haine marchent souvent ensemble. Les Italiens disent , l'odio
non e contratrie d'Amore , ma sequaci d'amore.
Les larmes des femmes et les soupirs
des Amans , sont deux choses inépuisables , l'une ne coûte guere plus que l'autre , car la source en est intarissable ; c'est
comme un Bassin qui se remplit à me
sure qu'on y puise.
II. Vol. Selon
DECEMBRE. 1732 2781
Selon le Proverbe Espagnol : Mucho
sabe la zarra , pero sabe mas la Dona enamorada.
On a beau dire , une femme est bien
à plaindre quand elle a tout ensemble
de l'amour et de la vertu.
La prudence et l'amour ne sont pas
faits l'un pour l'autre. Tandis que l'amour croît , la prudence diminuë.
Vouloir qu'on soit amoureux avec mesure , c'est vouloir qu'on soit fou avec
raison.
Dans les commencemens d'une tendre
passion , on est trop crédule ; on l'est
trop peu dans la suite . De- là les inquietudes , les soupçons , les reproches , les -
ruptures.
Sur l'Amour.
E desir d'être aimé est un des plus
Lrands effets de l'aveuglement des
hommes. C'est la ruine des esprits , la
corruption des mœurs , la perte de la liberté , l'obsession des hommes et le plus
grand de tous les maux ; cependant la
misere humaine nous persuade que c'est le comble de la felicité.
Tout ce qui a rapport à l'objet aimé
est beau, parfait , admirable : Allucinatur
quisquis amat in eo quod amat. Plutarque.
Ceux qui sont aimez , adoptent les erreurs et les prennent pour des témoigna
ges des veritez les plus constantes ; ils
II. Vol. croyent
DECEMBRE. 1732. 2773
croyent ne pouvoir errer. Cela n'est pas
surprenant , car ceux qui nous aiment ne
sçauroient nous faire ouvrir les yeux , et
c'est une grande pitié de ne pouvoir être
repris ni corrigez que par ceux qui ne
sçauroient ni nous reprendre ni nous corriger. Hoc impedit quod nimis nobis pla
cemus. Seneque.
C'est le propre de l'Amour malheureux:
de s'abandonner à des soupçons et à des
craintes indignes qu'il condamne lui - même, et qui, en le persecutant , ne laissent
pas de l'engager dans des démarches souvent suivies d'un long repentir.
Les craintes de l'amour , disposent toujours à une confiance flateuse , qui fait
croire avec plaisir ce qui justifie la
sonne qu'on aime.
perQuand on mérite d'être aimé , on se
flate toûjours de l'être , et presque toujours plus qu'on ne l'est en effet.
Plus on aime tard et plus fortement
on aime.
Urit amorgravius , quò seriùs urimur intus. Ovide,
Sape venit magnofœnore tardus amor.
On II. Vol.
2774 MERCURE DE FRANCE
On ne doit jamais se picquer d'être
le martyr de la vanité ou du caprice
d'une Belle. On doit cesser d'aimer
aussi-tôt qu'on cesse d'être bien traité ;
car pourquoi vouloir malgré la Loi na
turelle , se faire un tourment de ce qu'elle a donné à l'homme comme un plaisir ?
nous devons cependant plaindre ceux
que l'erreur commune engage dans d'autres sentimens et qui sont les victimes
de leur propre aveuglement.
Amore si finge fanciullo per significar che per placarsi pretende doni : si
finge però anco cieco , per lasciarsi rapire quanto possiede.
Il n'est point de forme sous laquelle
l'Amour ne se déguise pour s'insinuer
dans un cœur , jusqu'à prendre celle de
la raison et de la vertu .
Un amour extrême est capable de faire
'dire tout ce qu'on ne pense pas , quand on
croit se pouvoir procurer ce qu'on desire.
L'amour est une contagion qui se communique presque toûjours par la fréquentation de ceux qui sont susceptibles de
cette passion.
II Vol. Ceux
DECEMBRE. 1732. 2775
Ceux qui n'aiment pas , ont rarement
de grandes joyes ; ceux qui aiment , ont
souvent de grandes tristesses.
Parmi les Amans la haine n'est bien
souvent qu'un amour déguisé ; mais
l'indifference est une veritable preuve
d'un amour éteint.
Amantes amoris nebulis obcacati falsa
pro veris accipiunt.
Plus l'amour est contraint , plus il est
ardent. Per vincula cresco.
On s'estimeroit heureux en amour , si
ce qui manque à notre félicité ne faisoit
celle de personne,
L'amour devient un plaisir bien froid,
s'il n'est attisé par la difficulté.
Quand un cœur tendre est assez irrité
pour devenir cruel , il passe d'un extrémité à l'autre , et la mesure de sa tendresse naturelle , devient celle de sa cruauté.
L'amour est plus dangereux et plus
outré aux vieillards qu'aux jeunes gens.
L'autunno del' età fassi ad un core ,
Tutt'amor . tutt'angoscia, è tutto ardore. Sperauza.
II. Vol. La
2776 MERCURE DE FRANCE
La vertu est une perfection de l'ame ;
l'amour est une imperfection , en ce qu'il
fait aimer en autrui ce qui nous manque
en nous-mêmes.
La crédulité, naturelle à l'amour, laisse
rarement la raison agir avec toutes ses
lumieres dans l'esprit d'un Amant ; elle
fait trouver possible les choses les plus
étranges , lorsqu'elles s'accordent avec ce
qu'on souhaite.
Laura dell'amore e un'esalatione pes
tifera , che ci offusca la ragione.
L'amour vous attaque inutilement , si
vous vous occupez par le travail et l'application : Otia si tollas , perere cupidinis arcus.
Il n'est pas sûr que l'amour fondé sur
la beauté , dure autant qu'elle ; mais il
est indubitable qu'il meurt avec elle.
Le bon homme Brantome , dit agréa
blement que qui veut être aimé sans aimer, ressemble à celui qui veut allumer
son flambeau avec une torche éteinte.
Qui aime est plus heureux que qui
II. Vol. est
DECEMBRE. 1732. 2777
est aimé. Cependant il est plus noble et
il devroit nous être plus agréable d'être
servis , que de servir.
Celui qui a de la haine est plus blamable que celui qui est haï. Or celui qui
aimedoit l'emporter sur celui qui est aimé;
car celui qui oblige, est plus genereux que
celui qui est obligé. L'amour de l'Amant fait la reconnoissance de la personne aimée , comme plus parfait et plus
digne. Les choses inanimées peuvent être
aimées , mais elles ne sçauroient jamais
aimer. Cognosci enim et amari etiam in carentibus anima existit at cognoscere et
amore rebus animatis. Arist. Melius est
amare quam amari. id. Divinior est amator,
quam amatus , est enim numinis afflatu per- citus. Plat.
Les Italiens disent proverbialement :
Amore , subito nato morire , se non e nodrito
dalla speranza.
C'est une grande question de sçavoir
si on a plus de mérite auprès d'une Maîtresse , en lui marquant beaucoup d'empressement , qu'en ne lui en témoignant
que peu,
Chi e amato perde la liberta , perche
II. Vol.
2778 MERCURE DE FRANCE
e obligato a suo dispetto ad amare chi
l'ama.
Quand on a veritablement donné son
cœur , on n'a plus rien qui ne soit au
pouvoir de celle qui le possede,
En guerre et en amour , les yeux sont
les premiers vaincus. Gli occhi , disent
les Italiens , sone sempre principio e fine
d'amore.
Quand on est bien amoureux on est
très- retenu par la crainte de déplaire à
l'objet aimé. Les médiocres passions inspitent toutes sortes de téméritez.
L'amour est le Roy des jeunes gens et
le Tyran des vieillards.
Le relâchement et le dégoût suivent
ordinairement les amours où il n'entre
que de la volupté.
Une infidelité qu'on prend soin de
cacher , promet plutôt un retour qu'un
engagement où l'on ne garde point de
mesures.
Comme les petits feux s'éteignent par
II. Vol les .
DECEMBRE. 1732. 2779
les grands orages, et les grands s'augmentent ; de même l'amour médiocre se refroidit par les difficultez , mais le grand
s'accroît.
Le Char de l'Amour est tiré par des
Lions , pour montrer que ce Dieu sçait
soumettre les animaux les plus féroces.
On ne se croit jamais miserable quand
on aime bien ; mais on croit l'avoir été
quand on n'aime plus.
L'amour est de telle nature , qu'il ne
peut jamais causer de plaisirs tranquilles ;
et soit qu'il donne de la joye où de la
douleur , c'est presque toûjours en desordre et avec tumulte et agitation..
Les premieres passions sont si bien les
plus fortes , qu'on pourroit dire que Souvent plus on aime , moins on sçait aimer.
L'amour qui s'établit par vanité , n'est
que vanité , et ne peut subsister. L'amour
fondé sur la beauté , meurt avec elle ;
l'amour qui vient par des interêts de famille , n'est qu'avarice ; l'amour que la
jeunesse inspire , n'est que legereté ; l'amour qui naît du tempéramment , est
11. Vol.
C aveugle
2780 MERCURE DE FRANCE
aveugle et grossier ; il n'y a que l'amour
que l'estime et la vertu font naître qui
soit solide et qu'on doive loüer.
Un homme bien amoureux , fait de
soi- même un spectacle très- agréable pour
la personne qu'il aime.
La perte des personnes dont nous som❤
mes aimez , est bien plus irréparable que
celle des personnes que nous aimons.
Une belle femme , d'un esprit médio.
cre , fait aisément beaucoup de conquêtes , mais elle ne les garde pas longtemps ; une femme d'esprit sans beauté
en fait peu et difficilement , mais elles
sont infiniment plus durables.
L'amour et la haine marchent souvent ensemble. Les Italiens disent , l'odio
non e contratrie d'Amore , ma sequaci d'amore.
Les larmes des femmes et les soupirs
des Amans , sont deux choses inépuisables , l'une ne coûte guere plus que l'autre , car la source en est intarissable ; c'est
comme un Bassin qui se remplit à me
sure qu'on y puise.
II. Vol. Selon
DECEMBRE. 1732 2781
Selon le Proverbe Espagnol : Mucho
sabe la zarra , pero sabe mas la Dona enamorada.
On a beau dire , une femme est bien
à plaindre quand elle a tout ensemble
de l'amour et de la vertu.
La prudence et l'amour ne sont pas
faits l'un pour l'autre. Tandis que l'amour croît , la prudence diminuë.
Vouloir qu'on soit amoureux avec mesure , c'est vouloir qu'on soit fou avec
raison.
Dans les commencemens d'une tendre
passion , on est trop crédule ; on l'est
trop peu dans la suite . De- là les inquietudes , les soupçons , les reproches , les -
ruptures.
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Résumé : REFLEXIONS Sur l'Amour.
Le texte 'Réflexions sur l'Amour' examine les multiples facettes de l'amour et ses impacts sur les individus. L'amour est présenté comme un puissant facteur d'aveuglement, entraînant la ruine des esprits, la corruption des mœurs et la perte de la liberté. Contrairement à la croyance populaire, il est considéré comme le plus grand des maux plutôt qu'une source de bonheur. Les personnes amoureuses tendent à idéaliser l'objet de leur affection, trouvant en lui des qualités parfaites et adoptant ses erreurs comme des vérités. L'amour malheureux est marqué par des soupçons et des craintes, menant souvent à des actions regrettables. L'amour est décrit comme une contagion qui se transmet par la fréquentation. Ceux qui n'aiment pas connaissent rarement de grandes joies, tandis que ceux qui aiment éprouvent souvent de grandes tristesses. La haine entre amants est souvent un amour déguisé, mais l'indifférence signale un amour éteint. L'amour contraint est plus ardent et plus dangereux chez les vieillards que chez les jeunes. La vertu est vue comme une perfection de l'âme, tandis que l'amour est une imperfection, car il fait aimer en autrui ce qui manque en soi. L'amour est influencé par la crédulité, qui empêche la raison d'agir pleinement dans l'esprit de l'amant. L'amour fondé sur la beauté ne dure pas autant qu'elle. Celui qui aime est plus heureux que celui qui est aimé, bien que servir soit plus noble. L'amour est comparé à un roi pour les jeunes et à un tyran pour les vieillards. Les premières passions sont les plus fortes, mais l'amour véritable naît de l'estime et de la vertu. Enfin, le texte note que l'amour et la haine marchent souvent ensemble, et que les larmes des femmes et les soupirs des amants sont inépuisables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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327
p. 2804-2805
IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
Début :
Des métaux estimez qu'enserre [...]
Mots clefs :
Imitation, Argent, Avarice, Amour, Vertu, Bassesse, Horace
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le-Vicomte.
DEs métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un cœur moderé.
諾
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Far tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel.
Çelui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Fégne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
II. Vol. L'Eu
DECEMBRE. 1732 2805
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
Envain de la soif qui le presse ,
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur.
諾
Phraate est remis sur le Trône;
Mais de l'éclat qui l'environne
La vertu connoissant le prix .
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aurajamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
qui commence par ces mots : Nullus
argento color est , &c.
A M. F. Avocat à Saint Sauveur
le-Vicomte.
DEs métaux estimez qu'enserre
Le centre avare de la terre
Ennemi toujours déclaré ,
Crispe , l'argent aux yeux du Sage
Brille seulement par l'usage
Qu'en sçait faire un cœur moderé.
諾
Les cent voix de la Nymphe aîlée
Far tout vanteront Proculée ;
Et l'amour vraiment paternel ,
Qu'au fort des plus grandes miseres
En lui reconnurent ses freres ,
Rendra son honneur éternel.
Çelui , qui maître de son ame
En bannit l'avarice infâme ,
Fégne plus souverainement ,
Que si de ses loix redoutées ,
II. Vol. L'Eu
DECEMBRE. 1732 2805
L'Europe et l'Affrique domptées
Portoient le joug docilement.
Envain de la soif qui le presse ,
L'Hydropique en bûvant sans cesse
Espere calmer la rigueur ;
Il ne fera qu'aigrir ses peines ,
Tandis qu'il aura dans les veines
Le principe de sa langueur.
諾
Phraate est remis sur le Trône;
Mais de l'éclat qui l'environne
La vertu connoissant le prix .
Bien differente du vulgaire
Pour ce bonheur imaginaire
N'aurajamais que du mépris.
Libre d'une bassesse indigne ,
Et toujours intégre elle assigne
Les vrais honneurs , les premiers rangs
A ceux qui doüez de sagesse
Peuvent regarder la richesse
Avec des yeux indiférens.
F. M. F.
Fermer
Résumé : IMITATION de l'Ode d'Horace, qui commence par ces mots: Nullus argento color est, &c. A M. F. Avocat à Saint Sauveur-le-Vicomte.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace dédiée à M. F., avocat à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il explore la valeur des métaux précieux et la sagesse dans leur usage. L'argent, bien que précieux, ne brille que par l'usage modéré qu'en fait un cœur sage. La vertu et l'amour paternel sont loués, comme dans le cas de Proculée, qui a montré un amour fraternel dans l'adversité. Le texte met en garde contre l'avarice, comparant l'hydropique qui boit sans cesse à celui qui cherche vainement à apaiser sa soif d'argent. Phraate, remis sur le trône, ne se laisse pas aveugler par l'éclat de sa position et connaît la véritable valeur de la vertu. La vertu, libre de toute bassesse, accorde les vrais honneurs à ceux qui, doués de sagesse, considèrent la richesse avec indifférence.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
328
p. 133-145
TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
Début :
Nous n'aurions pas tardé si long temps à donner l'Extrait d'une Tragédie qui [...]
Mots clefs :
Voltaire, Zaïre, Orosmane, Nérestan, Religion, Coeur, Lusignan, Lettre, Soudan, Amour, Mort, Chrétiens, Tragédie, Serment, Soeur, Spectateurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
TRAGEDIE DE zArRE;
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
ï Extrait. '
NOus n'aurions pas tardési long temps
à donner l’Extait d'une Tragédie qui
a charmé la Cour et la Ville , si son inge
nieux Auteur n’eût prévenu »l’ardeuri
que nous avons de remplir nos engage
mens; on a vû dès la naissance de cette
Piece, ce que M. de Voltaire en a bien
voulu‘ communiquer au Public , inseré ‘ " '
dans le Mercure d’Août. Uimpressjon
de ce charment Poëmenous impose däauq
tres loix et nous engage à faire part au.
Public des divers jugemens qu'on en a
portez. ‘ .
zLe Sujet de cette Tragédie est si sim-Ê
pie,‘ que quelques lignes sufliront pour
tracer le plan de ce qui fait l’action prin
ci ale. Lustgnam, dernier Roy de Jeru
- sa cm, fut détrôné par Saladin , Pere
d'Oro:mane. De cin de ses Enfms qui
furent envelopperd
n’y en eut que deux qui échapperentà
la mort,- sgavoir , un garçon et une filles
‘ G iij le
ans sa disgrace, 1l
«m, MERCURE un FRANCE
le premier âgé de quatre ans et Pautre
encore q; berccauDrosmanc devint amooe
rcux de la fille, élevée dans la Religion
Musulmane et appellêe Zaîrg. IJAmour
du Soudàn alla jusquî la vouloir épouser;
Zaïre ne put refuser - son coeur à un
Amant si rendre et si genereux. Le frere
de cette aimable Princesse ravoir été éle
vé auprès d'elle dans le Serrail, sans la
connortre pour sa soeur et sans se con
noître lui-même pour fils de Lusignan.
I.e genereux Orosmane avoir consenti
qu’il allât chercher la rançon de dix Che
valiers Chrétiens. Neremm , c’est le nom
de ce frere de Zaïre, tint sa parole et.
ä-evint avec la rançon. Orosmane lui pro
mit-cenr Chevaliers Chrétiens,’ au lieu
d; dix qu’il en demandoit seulement;
mais il en exceptn Zaïre et Lusignani
Zaïre obtint la liberté de cc derniers on
le tira de son obscure prison , et à la far
veut d'une Croix que Zaïte portoir en
fotnxe de Bracelet depuis le jour de sa
naissance, et d’une blessure que Nerestan
avoir reçûë dans le sein, il les reconnut‘
pour. ses Enfans- Le combat qui se fait
entre la Religion cr Pamout, fournit
tous les beaux senrimeps dont cette Pic»
ce est rempiie. ‘Le serment que Zayrc a
fait entre les mains de Ncxesçan, de nul
point
a q l
‘ JANVIER; 173;: '13;
Ëeînt épouser Orosmanc qu'elle ne fût
aptisée, fait le noeud de la Piece , une
Lettre équivoque produit dans le coeur
du jaloux Orosmanc cette fureur qui en
fait la sanglante catastrophe : la Piece fi.
_nit par la mort que le Soudan se donne
après Pavolr donnée à. Pinnoccnt objet
de son amour. Voici la distribution des
Actes et des Scenes.
Fmime, Esclave Chrétienne et amie de
Z4Ïre,.ouvre la Scene et lui témoigna
lrsutprise où elle est de la voir si con
tente, mal ré l'esclavage ‘où elle est en
core et dbä Neresran lui a promis de la
retirer à son retour de Paris; Zaïre lui
ouvre son coeur et lui dit que le Soudan
Paime et doit Pépouset; Fatime lui rap.
elle qu’elle est ljui fait entendre nqéuee CFhérdéutciaerninoen;quZ'aeïlrlee
a reçûë dans la Cour d’Orosmane a prese
que cificé de son souvenir toutes les aug
tres idées. . -
Omsmana vient annoncer à Zaïrc son
prochain Couronnement; mais c’esr d'une
maniere à lui faire connoîrre que si elle
ne se donnoit à lui que par reconnoisi
sauce, il ne se croiroit pas heureux. Zaïre
‘ne lui marque pas moins de délicatesse
dans les sentimens de son coeur. On vient
annoncer Parrivéesde Ncrestan ; Gros..
- G iiij marre
n36‘ MERCURE DE FRANCE
mane ordonne qu’en le fasse entrer.- -
Nerestan fait entendre au Soudan qu’il
apporte la rançon dont il êtoit convenu
avec lui pour dix Chevaliers François,
et que n'ayant pas de quoi payer la sien
ne, il consent à reprendre ses premiers
fers. Orosmane pour ne se pas montrer
moins genereux qu’un Chrétien , lui olïre
cent Chevaliers et n’accepte point la ran
çon qu’il a apportée; mais il refuse la
liberté de Lusignan par raison d’Erar, et
celle de Zaïre par raison d’amour 5 Ne
restan l’accuse de manquer de parole;
Orosmane lui ordonne de se retirer; il
dit à Zaîre qu’il-va tout ordonner pour
leur hymen, après avoir donné au soin
du Trône quelques momens qu’il est fora
té de dérober à son amour.
Il fait entrevoir aux yeux de Caraimin,‘
son Confident , quelques marques d'une
jalousie naissante au sujet de Neresran 3
il ne veut pas pourtant descendre jus
qu’à convenir qu’il est jaloux d’un Chré
tien, mais il ne laisse pas de faire enten
dre ue s’il l’étoit jamais , il seroit capa
ble de" se porter à des extrémirez dont
il rejette sur le champ la funeste image,‘
et qui cependant commencent à préparer
les Spectateurs au crudeli: amer que l'Au-.
teur a mis à la tête de [impression de sa
"
‘
JA NVIER. 1733. 137
I
‘Châtillon, Chevalier François, et Na
mmn , commencent le second Acte .
Châtillon apprend avec douleur que Lu
sîgnan ne peut obtenir sa liberté; il ex
pose en Vers pompeux tout ce qui s’est
pasvé lors du détrônement de ce dernier
Roy de Jerusalcm.
‘Zaïre vient annoncer à Nerestan quelle
a obtenu la liberté de Lusignan . ce qui
est-le comble de la joye pour Châtillon
et pour lui. _ p ,
Lusignañ arrive , soutenu par deux Che
valiers François; ce venerable Vieillard"
attirê route l’attention des Spectateurs
par le récit de ses malheuÎ-s; ildéplorc
sur tout la perte de trois- de ses Eufans
massacrés a ses yeux , et de deux aurres=
réduits â Pesclavage ; il ignore leur sort,’
il en demande des nouvelles à 'Nc.'estan
et à Zaïrc , qui peuvent en avoir oiii par-Ï
let dans le Serrail, où ils ont été élevez‘
o h À
depuis leur enfance; il les reconnoit pour
ces mêmes Enfms dont il leur demande
des nouvelles. Cette reconnoissance est
une des plus touchantes qu’on ait vûës
sur la Scene, Lusignan demande en trem
blant à Zaïre, si elle est encore Chrétien
u - ' ’ 3
ne; Zaire lui déclare in enument qu elle
est Musulmane, mais el e lui promet un
heureux retour à la Religion de ses Ayeux.
t ‘ G y, C0:
1
_ 13s MERCURE Bananes
Çorasmin vient jette: de nouvelles allait-j
mes dans les coeurs de ces Chrétiens rasq
semblez; il leur ordonne de le suivre pour
rentrer dans leurs chaînes; Lusiguan les
exhorte à raffermir leur constance e; im
pose silence à Zaïre sur un secret qui
pourroit leur devenir funeste.
. Au troisième Acte, Orosnqane parlant
5. Corasmin , instruit les Spectateurs de q
la raispn pour laquelle i_l avoir révoqué
l'ordre qui avoir mis les Chrétiens en li-;
‘botté; ._ce' qui l’)? avoir porté , c’est qu’il
‘craignoît que l’Armée Navale des Franq
gais , qu’on avoir découverte , ne fût des.
tinée à reconquerir Jerusalem , erreur
donç il venoit.d’être tiré par de {idoles
avis, Corasmin veut en vain lui donnes
de nouvelles craintes, pour Fobliger à
ne point; ‘relâcher les Chrétiens; Oros.
mane lui répond que cîest à Zgïre qu’il
a a accordé leur liberté; il ajoûte qu’il n71
pû lui refuser la consolation de voir Ne
restan pour la dernier: fois. Orosmane
sort en ordonnant à Corasmin d’obéi'r à
‘Zaïre. Corasmin dit à Nerestan qu’il va,
lui envoyer Zaïre. '.
a Après un court Monologue de Nerestan;
Zaïre arrive. Cette Scene est une des plus
belles; Neresran reproche â sa soeur le_
son qu'elle fait àla glose de se famille‘? en
. a an
= JANVIER-ï 1733-‘ r39
abandonnant la Religion de ses Peres. Zaï
re lui promet de renoncer à la Religion
des Musulmans; mais elle ne se promet;
pas à elle-même de renoncer à son amour
pour Orosmane; elle demande à Nerestan
quelle peine la Religion des Chrétiens im
poseroit à une Amante qui épouseroit
un Musulman qu’elle aimeroit; cette de.
mande fait frémir Nctestan ; Zaïre lui
confesse qu’elle aime Orosmane et qu’elle
va Pépouser; elle lui dqmande la mort
pour prixtd’un aveu dont il est irrité; ne
pouvant rien de plus , il exige d"elle avec
serment qu’elle n épousera point Orosmaä
ne avant qu'elle air été inondée de Peau sa
luraire du Baptême, et c’est ce serment qui
- pÿoduit tout Pinterêt du reste de la Piece.
un délai qu’elle
_ erestan sort pour allier fermer les yeux
à Lusignan, dont les derniers transports
ont achevé d’épuiser le peu de forces qui‘
lui restaient. Zaïre fait un Monologue
très-touchant dans lequel l’Amour et la.
Religion se combattent.
p Orosmane vient presser-Zaïre de le
rendre heureux par son Hymen‘, elle est
interdite -, il ne sçait que penser des sen
timens confus u’de lui fait paraître;
(lui demande excite sa co
1ere ; elle ne peut soutenir S011 Courroux.
et le quitte de peut de Paugmenter. ar sa,
présence. ' i G Vj ros
‘r40 MERCURE DE FR ANGE:
Orosmane ne sçait à quoi attribuer Pé-Ï
tontiantaccueil que Zaïre vient de luî
faire ', la jalousie sïntroduit dans son’
aeurs il soupçonne Zaïre et Nerestan
d'une tendre ‘intelligence; il ordonne que
le Scrrail soit fermé aux Chrétiens. '
Fatime félicite Ze1ïre,au troisième Acte,‘
du bonheur qu’elle» est prête â goûter et
qui doit être le prix des combats dont
elle est déchirée. Zaïre lui fait connaître
par tout ce qu’elle dit , combien lui coû
tera le sacrifice qu'on exige d'elle. Elle l
voudroit se jetter aux pieds d’Otosmane,
et lui faire un aveu sincere des vrais sen
timens de son coeur et des obstacles que
sa Religion oppose à. Phymen qu’il lui
offre; Fatime lui fait connoître qu’elle
cxposeroit tous les Chrétiens à la fureur
du’ Soudan par un‘ aveu si funeste.
Orosmane vient livrer u_n nouvel assaut"
"au coeur de Zaïres il lui déclare qu’une
autre va monter au Trône qu’il lui avoir
destiné, Zaïre ne peut entendre cette mek
nace sans verser des larmes; Orosmane
en est attendri, il lui dit que la‘ menacé
qu’il vient de lui fait n’étoit qu’une fein-ä
te, et qu’elle n'a ét dictée que par le
desespoir où ses injustes rcfus l’on: plon
gé; il la prie de ne plus difllerer son bon-i
heurs elle se jette à ses pieds, et le prie
9
3.
J A N V IF. R‘. 1733Z titi
I n
à son tour de lui accorder le reste de ce‘
jour pour achever de se déterminer. Otos
mane y consent malgré lui; elle le quitte;
il est frappé d'une si prompte fuite; il
s’en console pourtant par Passurance qu'il
a (‘Hêtre aimé. -
Un de ses OH-iciers vient changer cette
sécurité en désespoir; il lui présente une
Lettre qu’on vient d'intercepter ', cette
t Lettre est de Nerestan,er s’adressc à Zaïse s‘
voici ce qu’elle contient :
Clxere Zaïre , il est temps de nous voir;
Il est vers la Mosquée une secrette issuë ,
_0t‘1 vous pouvez sans bruit et sans être apperçuë,
Tromper vogsurveillans , et remplir notre espoir;
Il faut vous hazarder, vous cohnoissez mon zeley
je vous attends ; je meurs si vous nîêtes fidele.
‘La lecture de cette Lettre équivoque rea
plonge le Soudan dans la plus horrible fir
reurgil veut faire expirer Ncrestan dans les
supplices, et poignarder Zaïre; il otdon-i
ne qu’on la fasse venirî troublé, irréwolu,
il-ne sçait plusâ uoi même que Zaïreclui esst'artroêûtjeor;urisl sefidflaaltet,e
et que Net: stan n’est qu’un témetaire qui
se croit aimé, parce quîl croit mériter
de l'être ; il ordonne à Corasmin de frite
rendre ce Billet à Zaïre 5 il se ‘repent de
Pavoiq
‘rai MERCURE DE FRANCE"
Pavoir mandée; il" la veut éviter, mais’
_ inutilement. j
Dans cette Scene Zaïre sort de sa moä
deration ordinaire ; les reproches et les
menaces du Sultan , qui ne s’étoit jamais
oublié jusques-là, lui donnent‘ une no-g
ble fiertéquî n'empêche pas qu’elle ne lui
avoüë qu’elle Paime; ce dernier aveu ache
ve d’irrirer le Sultan qui la croit perfidesil
_ la congédiget se prépare à la‘ plus horrible
vengeance, quoiqu'il. avoüe qu’il Faim:
encor plus que jamais.
Au cinquième Acte Otosmane commano‘
de à un Esclave de remettre entre les mains‘
de Zaïre la fatale Lettre qui est tombée
dansles siennes ,et lui ordonne de lui ren
dre un compte fidele de tout ce quiil
aura appris.
Zaïre vient avec Fatime ', PEsclave lui"
présente la Lettre ,_ comme un garant de
sa fidelité , elle la lit et lui dit:
Allez dire au Chrétien qui marche sur vos pas i
Q3: mon coeur aujonrrÿhui ne 1c trahira pas,
Q1: Farime-en ces lieux va bien-tôt Pinrroduirt.
Zaïre sort,- l‘Esclave rend compte de
sa commission a Orosmane, ce qm de
termine ce Sultan furieux à la plus bote
rible vengeance. Zaïre revient .- ellectar:
apercevoq
J A NV I E R.‘ 1713.‘ ‘r41
appercevoir Neresran dans Pobscurité;
quelques paroles trop tendres qui lui
échappent et qui conviennent aux sen-g,
timens qu'elle a pour ce cher frere, por
tent le jaloux Orosmane à la dernierÊ
fureur; il lui plonge un poignard dans
le sein , Neresran qu’sn ‘lui amene char.
gé de fers, fait un grand cri en voyant
sa soeur qui vient d’expirer; à ce cri dou
loureux et au nom de soeur, Orosmane
recormoit son crime; Nerestan lui de.
mande la mort; Orosmane ordonne qu’on
le remette en liberté et qu'on le ren
Ÿoye chez ses patens avec tous les
Chrétiens; il plonge dans son coeur le
fatal poignard encore fumant du sang
de sa chere Zaïre. ‘ '
Il ne reste lus qu’à faire. part à no;
Lecteurs des divers jugcmens que le Pu.
blic a portez sur cette Tragédie. Tous
les suffrages sont réünis en faveur de l’in—
rerêt qui y rcgne dans tous les Actes 5 ce
lui qu’on asenti dans la reconnoissance
est le plus generalement avoüé son a sçû
bon gré à M. de Voltaire d'avoir bien
voulu descendre de I’Epiquc au Dtamaæj
tique; on trouve même qu’il a porté la
cpmplaisancc un peu loin; sa Vcrsifica
tion n'a pas paru égale par tout, et le de-î
sordrc les passion; jettent ses princi
' ' - ' paux
o‘.,.
arrajMÈkélïfls DE FRANCE
ries
. b‘
.
r,’ «ipaux Acteurs semble , dit-on , avoir pas-Α
se jusquîr ses expressions; on auroit sou
haité que le caractere qu’il a d'abord don
né à‘ son Héros ne se tût as clé-menti
jusqrÿà plonger un poignar dans le sein
de sa Maîtresse; on a beau dire que la
jalousie ‘nïst pas une passion que la rai
son puisse dompter , c’étoit à PAureur,
disent les Critiques, à ne pas donner de"
pareilles assions aux personnages dont:
1l avoir onné une idée si avantageuse;
le serment qui fait le noeud de la Piece,
ajoûtent-ils , a un caractcre dîndiscretion
qu’en ne sgauroit excuser.» Ils trouvent
aussi que les divers voyages de Neresrarr
n'ont pas encore été assez bien débrouil
lez. Les Caracteres de Lusignan , de Chê
tilion et dé Neresran , ont été-fvora
blement reçûs; pour ce.ui de Zaïre, on.
l’a trouvé fort indécis; on ne sçait pas
si elle meurt Chrétienne ou Musulmane‘;
l’amour a tousours parû sa passion do
minante , et l'on a lit-u de douter que le
mon Dim qu’elle prononce en mou_rant ,
ait pû lui tenir lieu de Baptême ou de _
Contrition zNerestan fortifie ce doute par:
ces deux Vers qu’il adresse à. Orosmane.
p
Hélas ! elle oiîerisoit notre Dieu , notre Loy,
E: ce Dieu la punit «Pavois brûlé pour roi.
« Cette
u
J ANVI Ê R‘. 1733Z '14’.
. Cette Piece a été imprimée à Roüen et
se vend à Pari: , Q4) de: Azgnsiin: ,
chez. Bauche.
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Résumé : TRAGEDIE DE ZAYRE, Extrait.
La tragédie 'Zaïre' de Voltaire a suscité un grand intérêt à la cour et dans la ville. L'intrigue se concentre sur Lustignam, dernier roi de Jérusalem, détrôné par Saladin, père d'Orosmane. Deux enfants de Lustignam survivent : un garçon et une fille, Zaïre. Élevée dans la religion musulmane, Zaïre devient l'objet de l'amour d'Orosmane. Son frère, Neresman, est également élevé dans le sérail sans connaître ses origines. Orosmane accepte de libérer Neresman en échange de la rançon de dix chevaliers chrétiens. Zaïre obtient la liberté de son père grâce à une croix et une blessure reconnaissables. Le conflit central de la pièce oppose la religion et l'amour. Zaïre promet à Neresman de ne pas épouser Orosmane avant d'être baptisée. Une lettre ambiguë déclenche la jalousie d'Orosmane, menant à une tragédie où il tue Zaïre et se donne la mort. Les critiques soulignent que Voltaire aborde des sujets philosophiques, bien que certains trouvent sa complaisance excessive. La vérification de ses principes est jugée inégale et suscite des passions. Les critiques reprochent à Voltaire d'avoir donné à son héros des expressions trop passionnées et d'avoir fait évoluer son caractère de manière excessive, notamment en le faisant passer de la jalousie à un acte violent. Ils estiment également que le serment central de la pièce est indécent et inexcusable. Les personnages de Lusignan, Chétillon et Nérestan sont bien accueillis, tandis que celui de Zaïre est perçu comme indécis. Les critiques se demandent si Zaïre meurt en tant que chrétienne ou musulmane, et doutent que son amour pour Dieu puisse remplacer un baptême ou une contrition. Nérestan renforce ce doute par des vers adressés à Orosmane. La pièce a été imprimée à Rouen et se vend à Paris chez Bauche.
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329
p. 171-172
REPONSE à la Missive du Chevalier de Leucotece, inserée dans le premier volume de Decembre.
Début :
Preux Chevalier, d'une voix haute, [...]
Mots clefs :
Chevalier, Amour, Preux
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE à la Missive du Chevalier de Leucotece, inserée dans le premier volume de Decembre.
,R E P O NSE à l4 Missive du Cher/dg‘
lier de Ismcottoe , inscrit dans le‘ premit?
volume de Decembre.
_ PReux Chevalier , d’une voix haute ,'
Dans tes Rivaux tu ne comptes que trois.
. De par: l’Amour aprends que cette fois ,
Comme maint Chevalier, tu comptes sans son
,_ 116cc ,_ C
O
‘.172 MÉRCURE DE FRANCE:
Ce n'est pas le tout d’êtré Preux ;
‘Qmique la valeur plaise â Pobfet qu'on adore.‘
Un Rival qu’en «lédaigne. ou celui qifonignorc}
Est souvent le plus dangereux. ‘
C’est moi qui le premier ai sçû‘ rendre les armés
‘A celle qui peut tout charmer.
Mieux que "moi , tu pourrois connaître tous set
charmes ,
Mais tu ne sçaurois mieux l'aimer.
j’ai gardé trop long-temps un amoureux silence};
L’Amour est quelquefois du Sexe féminin,
Il veut qu’en parle , et si la Belle s’cn ofïence g
Il m’a promis qufim beau matin , i
Il prendrois soin de n13 delîcnce.
Cnnnunri.
lier de Ismcottoe , inscrit dans le‘ premit?
volume de Decembre.
_ PReux Chevalier , d’une voix haute ,'
Dans tes Rivaux tu ne comptes que trois.
. De par: l’Amour aprends que cette fois ,
Comme maint Chevalier, tu comptes sans son
,_ 116cc ,_ C
O
‘.172 MÉRCURE DE FRANCE:
Ce n'est pas le tout d’êtré Preux ;
‘Qmique la valeur plaise â Pobfet qu'on adore.‘
Un Rival qu’en «lédaigne. ou celui qifonignorc}
Est souvent le plus dangereux. ‘
C’est moi qui le premier ai sçû‘ rendre les armés
‘A celle qui peut tout charmer.
Mieux que "moi , tu pourrois connaître tous set
charmes ,
Mais tu ne sçaurois mieux l'aimer.
j’ai gardé trop long-temps un amoureux silence};
L’Amour est quelquefois du Sexe féminin,
Il veut qu’en parle , et si la Belle s’cn ofïence g
Il m’a promis qufim beau matin , i
Il prendrois soin de n13 delîcnce.
Cnnnunri.
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Résumé : REPONSE à la Missive du Chevalier de Leucotece, inserée dans le premier volume de Decembre.
Un chevalier répond à Ismcottoe, affirmant que son rival en amour est redoutable. Il se vante d'avoir charmé cette personne en premier et doute que son rival puisse l'aimer autant. Il espère que l'amour le récompensera pour sa délicatesse après un long silence amoureux.
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330
p. 175-176
LES DEUX AMOURS.
Début :
Certain Enfant qu'avec crainte on caresse, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Amours
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texteReconnaissance textuelle : LES DEUX AMOURS.
LES DEUX , AMOURS.
C
Ertain Enfant qu'avec crainte on caresse
,
Et qu'on connoît à son malin souris ,
Court en tous lieux , précédé par les ris
Mais trop souvent , suivi par la tristesse.
Dans le coeur des humains il entre avec souplesse
,
Habite avec fierté , s'envole avec mépris ?
(Il est un autre Amour, fils craintif de l'estime ;
Soumis dans ses chagrins , constant dans ses
désirs ,
Que la vertu soutient , que la Candeur anime ;
Qui résiste aux rigueurs , et croît par les plai
sirs .
De cet Amour le Flambeau peut paroître ,
Moins
. 76 MERCURE DE FRANCE
Moins éclatant , mais ces jeux sont plus
doux ,
C'est-là le Dieu que mon coeur veut pour
Maître ,
Et je ne veux le servir que pour vous.
C
Ertain Enfant qu'avec crainte on caresse
,
Et qu'on connoît à son malin souris ,
Court en tous lieux , précédé par les ris
Mais trop souvent , suivi par la tristesse.
Dans le coeur des humains il entre avec souplesse
,
Habite avec fierté , s'envole avec mépris ?
(Il est un autre Amour, fils craintif de l'estime ;
Soumis dans ses chagrins , constant dans ses
désirs ,
Que la vertu soutient , que la Candeur anime ;
Qui résiste aux rigueurs , et croît par les plai
sirs .
De cet Amour le Flambeau peut paroître ,
Moins
. 76 MERCURE DE FRANCE
Moins éclatant , mais ces jeux sont plus
doux ,
C'est-là le Dieu que mon coeur veut pour
Maître ,
Et je ne veux le servir que pour vous.
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Résumé : LES DEUX AMOURS.
Le poème 'Les Deux Amours' oppose deux types d'amour. Le premier, enfant malicieux, apporte joie puis tristesse. Le second, fils de l'estime, est constant et soutenu par la vertu. Le poète préfère ce dernier amour, qu'il souhaite servir pour une personne spécifique.
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331
p. 228-230
ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Début :
Que vois-je ? des Amours c'est la Mere cruelle, [...]
Mots clefs :
Dieux, Vénus, Coeur, Horace, Amour, Glicère
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texteReconnaissance textuelle : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
OD E.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
Imitée de la XIX. du premier Livre
d'Horace, par M. Des-Forges Maillard .
A. A. P. D. B.
Ue vois je des Amours c'est la Mere
cruelle ,
Q
Qui d'un tranquile coeur vient troubler le re
pos ;
Ses perfiles Enfans attachez auprès d'elle ,
Pour voler à ma perte , abandonnent Paphos.
Faut-il encore aimer ? quoi donc Bacchus luis
même ,
Qui m'offroit autrefois un azile en´ses bras,
Conspire avec l'Amour ces Dieux veulent que
j'aime !
A ces Dieux réunis peut- on ne ceder pas?
JA
FEVRIER. 1733. 229
Je l'avois dit cent fois , l'infidele Glicere
M'a trop long - tems joüé , je ne l'aimerai
plus.
Je l'avois dit cent fois , et malgré ma colere
Mes sermens, à sa vûë , ont été superflus.
Peut-on lui disputer P'honneur de la vic
toire ?
Peut-on quand on la voit lui refuser son'
coeur !
,
Plus vermeil que la Rose , et plus blanc que
l'ivoire ,
Son teint porte en tous lieux une vive splen
deur.
Son petit air badin qui m'irrite , et m'enflamme
,
L'étincelant éclat de ses regards perçans ,
L'un et l'autre ébranlant le siége de mon ame ;
Une douce fureur coule dans tous mes sens.
Venus m'a tout entier soumis à son em
pire ;
C'est en vain qu'animé d'un dessein géne
reux ,
Sur d'héroïques tons je croi monter ma Lyre ;
Je n'en sçaurois tirer que des sons amoureux .
B v A
230 MERCURE DE FRANCE
A mes voeux , ô Venus , rends Glicere prod
pice ;
Si de mes soins ardens tu m'accordes ce prix ,
Ton Autel fumera du tendre Sacrifice
D'un Agneau premier fruit d'une jeune brebis.
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Résumé : ODE. Imitée de la XIX. du premier Livre d'Horace, par M. Des-Forges Maillard. A. A. P. D. B.
Le poème 'OD E.' de M. Des-Forges Maillard s'inspire de la XIXème ode du premier livre d'Horace. Le narrateur y exprime son conflit intérieur face à l'amour, qu'il décrit comme une force cruelle perturbant sa tranquillité. Il mentionne que même Bacchus, autrefois son refuge, semble s'allier à l'amour pour le faire succomber. Le narrateur reconnaît l'inutilité de lutter contre ces dieux réunis. Il évoque ensuite son amour pour Glicère, une femme infidèle qui l'a trompé. Malgré ses serments de ne plus l'aimer, il se rend compte que sa beauté et son charme le subjuguent à nouveau. Glicère est décrite avec un teint plus vermeil que la rose et plus blanc que l'ivoire, et un air badin qui l'irrite et l'enflamme. Ses regards perçants et sa douce fureur ébranlent son âme, le rendant incapable de résister. Le narrateur conclut en suppliant Vénus de lui rendre Glicère favorable, promettant un sacrifice sous la forme d'un agneau, premier fruit d'une jeune brebis, s'il obtient son amour.
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332
p. 246-249
HERO. CANTATE.
Début :
Près des Murs de Sestos, sur cette antique Rive, [...]
Mots clefs :
Fureur, Amant, Héro, Amour, Amante, Mer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HERO. CANTATE.
HER Q
CANTAT E.
PRès des Murs de Sestos , sur cette antique
Rive ,
Que l'Hellespont blanchit de ses Flots écumeux
;*
Héro pâle , tremblante , et d'une voix plaine
tive ,
Déploroit d'un Amant le destin malheureux .
La nuit d'un sombre voile avoit couvert les
Ondes ;
Tous les Vents , échappez de leurs Grottes profondes
;
Sur l'humide Element exerçoient leur fureur ;
Quand cette triste Amante , en faveur de Léandre
,
Au Dieu de la mer fit entendre
Ces lugubres Accens que dictoit sa douleur.
Grand Dieu , si jadis dans ton ame ,
L'amour
FEVRIER:
247
1733-
L'amour alluma ses beaux feux ,
D'un Amant tendre et genereux ,
Seconde l'innocenté flame.
Des Aquilons impétueux
Retiens les bruyantes Haleines ;
Ne permets qu'aux Zéphirs heureux
D'agiter les humides Plaines.
VE
Tandis qu'aux noirs chagrins Héro livre son
coeur ,
Des fiers Enfans de l'Air la Cohorte insolente ,
Jusqu'au Sable profond va porter la terreur ,
Er du centre entr'ouvert de l'Onde turbulente
Eleve jusqu'aux Cieux la vague menaçante.
D'une effroyable nuit l'éclair perce l'horreur ;
L'affreux Tonnere gronde en une épaisse nuë ,
Le Rivage en fremit , la Terre en ést émuë ,
Les Tritons , sous les Eaux vont cacher leur
frayeur.
>
En vain , d'une intrépide ardeur ,
L'audacieux Léandre affronte la Tempête ;
Des Montagnes de Flots, s'écroulent sur sa tête ;
Il périt , et bien- tôt sensible à son malheur ,
Son Amante en ces mots , exhale sa fureur.
D'une agréable chaîne ,
Cij
Au
$48 MERCURE DE FRANCE
Au mépris de mes voeux ,
Ta fureur inhumaine
Vient de rompre les noeuds,
Divinité cruelle ,
Qu'une Amante fidele
De ta haine immortelle ,
Ressente tous les coups.
Tonne , frappe, Barbare ,
Contente ton courroux :
Quand on s'aime , il est doux
De s'unir au Tenare.
Déja le Dieu des Eaux , d'un coup de son Tris
dent ,
Avoit appaisé les orages ;
Dans les Antres profonds le Soleil en naissant,
Avoit précipité tous les sombres nuages ;
Lorsque sur les humides plages ,
Héro porta soudain ses regards amoureux .
Mais quel objet, Cieux ! quel Spectacle affreux
!
Quelle fureur ! quelle nouvelle rage !
Quand sur ce tragique Rivage
Elle apperçoit le corps d'un Amant malheureux.
Elle tremble , fremit , recule , arrête , avance ;
Dieux ennemis , Auteurs de mon tourment
Une victime encor manque à votre vengeance &
Elle
FEVRIER. 1733 . 249
Elle dit , et ses yeux fixez sur son Amant ,
Se jette dans la Mer pour le joindre en mourang
落
Amants intrépides ,
Ennemis du jour`,
Craignez de l'Amour ,
Les traits homicides.
Ses charmes trompeurs ,
Cachent ses rigueurs ,
A ceux qu'il engage ;
Les chagrins , les pleurs ,
Sont des tendres coeurs ,
Le triste partage.
M. HUART , Professeur à Senlisa
CANTAT E.
PRès des Murs de Sestos , sur cette antique
Rive ,
Que l'Hellespont blanchit de ses Flots écumeux
;*
Héro pâle , tremblante , et d'une voix plaine
tive ,
Déploroit d'un Amant le destin malheureux .
La nuit d'un sombre voile avoit couvert les
Ondes ;
Tous les Vents , échappez de leurs Grottes profondes
;
Sur l'humide Element exerçoient leur fureur ;
Quand cette triste Amante , en faveur de Léandre
,
Au Dieu de la mer fit entendre
Ces lugubres Accens que dictoit sa douleur.
Grand Dieu , si jadis dans ton ame ,
L'amour
FEVRIER:
247
1733-
L'amour alluma ses beaux feux ,
D'un Amant tendre et genereux ,
Seconde l'innocenté flame.
Des Aquilons impétueux
Retiens les bruyantes Haleines ;
Ne permets qu'aux Zéphirs heureux
D'agiter les humides Plaines.
VE
Tandis qu'aux noirs chagrins Héro livre son
coeur ,
Des fiers Enfans de l'Air la Cohorte insolente ,
Jusqu'au Sable profond va porter la terreur ,
Er du centre entr'ouvert de l'Onde turbulente
Eleve jusqu'aux Cieux la vague menaçante.
D'une effroyable nuit l'éclair perce l'horreur ;
L'affreux Tonnere gronde en une épaisse nuë ,
Le Rivage en fremit , la Terre en ést émuë ,
Les Tritons , sous les Eaux vont cacher leur
frayeur.
>
En vain , d'une intrépide ardeur ,
L'audacieux Léandre affronte la Tempête ;
Des Montagnes de Flots, s'écroulent sur sa tête ;
Il périt , et bien- tôt sensible à son malheur ,
Son Amante en ces mots , exhale sa fureur.
D'une agréable chaîne ,
Cij
Au
$48 MERCURE DE FRANCE
Au mépris de mes voeux ,
Ta fureur inhumaine
Vient de rompre les noeuds,
Divinité cruelle ,
Qu'une Amante fidele
De ta haine immortelle ,
Ressente tous les coups.
Tonne , frappe, Barbare ,
Contente ton courroux :
Quand on s'aime , il est doux
De s'unir au Tenare.
Déja le Dieu des Eaux , d'un coup de son Tris
dent ,
Avoit appaisé les orages ;
Dans les Antres profonds le Soleil en naissant,
Avoit précipité tous les sombres nuages ;
Lorsque sur les humides plages ,
Héro porta soudain ses regards amoureux .
Mais quel objet, Cieux ! quel Spectacle affreux
!
Quelle fureur ! quelle nouvelle rage !
Quand sur ce tragique Rivage
Elle apperçoit le corps d'un Amant malheureux.
Elle tremble , fremit , recule , arrête , avance ;
Dieux ennemis , Auteurs de mon tourment
Une victime encor manque à votre vengeance &
Elle
FEVRIER. 1733 . 249
Elle dit , et ses yeux fixez sur son Amant ,
Se jette dans la Mer pour le joindre en mourang
落
Amants intrépides ,
Ennemis du jour`,
Craignez de l'Amour ,
Les traits homicides.
Ses charmes trompeurs ,
Cachent ses rigueurs ,
A ceux qu'il engage ;
Les chagrins , les pleurs ,
Sont des tendres coeurs ,
Le triste partage.
M. HUART , Professeur à Senlisa
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Résumé : HERO. CANTATE.
Le texte narre la tragédie d'Héro et Léandre. Héro, près des murs de Sestos sur la rive de l'Hellespont, déplore le destin malheureux de son amant Léandre. Une nuit orageuse, marquée par des vents furieux et des vagues menaçantes, menace Léandre qui tente de traverser l'Hellespont pour la rejoindre. Héro prie le dieu de la mer de protéger Léandre, mais en vain. Léandre périt sous les flots déchaînés. Désespérée, Héro exprime sa douleur et sa colère contre la cruauté divine. Après l'accalmie, Héro découvre le corps de Léandre sur le rivage et, accablée par le chagrin, se jette à la mer pour le rejoindre dans la mort. Le texte se conclut par une mise en garde sur les dangers de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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333
p. 299-300
L'AMOUR ET LA JALOUSIE, Fable Allégorique.
Début :
La Jalousie un jour [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amour, Jaloux
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texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA JALOUSIE, Fable Allégorique.
L'AMOUR ET LA JALOUSIE
LA
Fable Allégorique.
A Jalousie un jour
S'entretenant avec l'Amour ,
Lui dit ; séparons-nous , mon frere ;
On dit assez communément ,
Que l'on n'est jaloux qu'en aimant ,
Et je veux prouver le contraire .
L'Amour toppe au marché ; ce qui fut dit fut
fait ,
Ils se quitterent l'un et l'autre.
L'Amour en parut satisfait ;
Il y gagnoit le bon Apôtre ,
En cessant d'être tourmenté
Par l'affreuse frénésie
Que fait naître la jalousie ;
Mais celle-ci de son côté
Ne faisoit pas grande fortune
THEQUE
DE
LA
LYON
13334
LLE
Chez ceux pour qui l'Amour n'avoit aucung
appas ;
Elle ne paroissoit qu'à titre d'importune
Où ce Dieu ne se trouvoit pas ;
Or donc la Jalousie en personne prudente ,
Revint à Cupidon ; et ce fort à propos ,
E iiij
Car
300MERCURE DE FRANCE
Car pendant qu'elle étoit absente
Il s'étoit endormi dans un trop long repos,
Lorsque la Jalousie arrive , il se réveille ,
Il est plus vif et plus dispos
Quand il a la puce à l'oreille.
Où trouver des Jaloux qui n'ayent point d'a
mour ?
Je n'en sçais point ; mais à mon tour,
Si je puis décider selon ma fantaisie ,
Il est aussi fort peu d'amours sans jalousie.
Pesselier , de la Ferté - sous -Jouare.
LA
Fable Allégorique.
A Jalousie un jour
S'entretenant avec l'Amour ,
Lui dit ; séparons-nous , mon frere ;
On dit assez communément ,
Que l'on n'est jaloux qu'en aimant ,
Et je veux prouver le contraire .
L'Amour toppe au marché ; ce qui fut dit fut
fait ,
Ils se quitterent l'un et l'autre.
L'Amour en parut satisfait ;
Il y gagnoit le bon Apôtre ,
En cessant d'être tourmenté
Par l'affreuse frénésie
Que fait naître la jalousie ;
Mais celle-ci de son côté
Ne faisoit pas grande fortune
THEQUE
DE
LA
LYON
13334
LLE
Chez ceux pour qui l'Amour n'avoit aucung
appas ;
Elle ne paroissoit qu'à titre d'importune
Où ce Dieu ne se trouvoit pas ;
Or donc la Jalousie en personne prudente ,
Revint à Cupidon ; et ce fort à propos ,
E iiij
Car
300MERCURE DE FRANCE
Car pendant qu'elle étoit absente
Il s'étoit endormi dans un trop long repos,
Lorsque la Jalousie arrive , il se réveille ,
Il est plus vif et plus dispos
Quand il a la puce à l'oreille.
Où trouver des Jaloux qui n'ayent point d'a
mour ?
Je n'en sçais point ; mais à mon tour,
Si je puis décider selon ma fantaisie ,
Il est aussi fort peu d'amours sans jalousie.
Pesselier , de la Ferté - sous -Jouare.
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Résumé : L'AMOUR ET LA JALOUSIE, Fable Allégorique.
Le texte présente une fable allégorique intitulée 'L'Amour et la Jalousie'. La Jalousie suggère à l'Amour de se séparer pour démontrer que la jalousie peut exister indépendamment de l'amour. Après leur séparation, l'Amour se réjouit de ne plus être tourmenté, tandis que la Jalousie constate qu'elle n'a pas de succès auprès des personnes qui n'aiment pas. Elle revient alors vers l'Amour, qui se réveille et devient plus vif en sa présence. La Jalousie affirme qu'il est rare de trouver des jaloux sans amour et vice versa. La fable se conclut par une réflexion sur l'interdépendance de l'amour et de la jalousie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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334
p. 300-310
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. D... au sujet d'une Lampe Antique, trouvée en Provence, au mois de Juillet dernier.
Début :
Vous m'avez fait, Monsieur, beaucoup de plaisir en m'envoïant, avec une [...]
Mots clefs :
Lampe antique, Amour, Pied, Enfant, Provence, Antiques, Vénus, Monument, Planche, Ornements, Antiquaires, Cupidon, Figure
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. D... au sujet d'une Lampe Antique, trouvée en Provence, au mois de Juillet dernier.
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M.
·D... au sujet d'une Lampe Antique ,
trouvée en Provence , au mois de fuillet
dernier.
V
Ous m'avez fait , Monsieur , beaucoup
de plaisir en m'envoïant, avec
une de vos Lettres , dattée de Marseille
le 4 Août, le dessein de votre façon d'une
Lampe Antique , trouvée depuis peu par
un Païsan , dans le Territoire de la Ville
d'Apt , auprès du Village de Caseneuve.
Ce Monument que vous me marquez être
de la grandeur du Dessein , et qui représente
un pied , couvert d'une simple Sandale,
FEVRIER . 1733. 301
dale , avec quelques ornemens aux Courroyes,&
c. a cinq à six pouces de longueur,
depuis le Talon jusqu'à l'autre extrêmité
du pied , d'où sort une espece de Bec ,
que vous appellez Corne d'abondance, par
lequel on versoit de l'Huile dans la Lampe
, et où l'on mettoit la Méche . Au dessus
du cou du pied , terminé par un Orle
en maniere de petites perles , s'éleve une
espece de petit Rocher ,sur lequel est assis
un Enfant nud et aîlé , qui semble pleu
rer et tenir quelque chose dans ses mains.
Le tout fait une hauteur d'environ trois
pouces.Je n'oublie pas l'Anse qui déborde
au delà de la longueur du pied , du côté
du Talon, ayant à son extrémité un Anneau.
Il y a un autre Anneau au commencement
du gros doigt du pied , et voilà,
je crois , une Description exacte de ce
Monument.
Vous me marquez , Monsieur , que
l'Enfanr aîlé a les aîles et un brasselet
d'argent , et que le Pied qui forme la
Lampe a les ongles , et les petits Ornemens
des Courroyes aussi d'argent. Vous
ajoûtez que la Lampe est de Métail de
Corinthe , parfaitement bien conservée.
Ces circonstances sont curieuses et remarquables.
Pour ce qui est de l'explication conte-
E v nue
302 MERCURE DE FRANCE
nue dans votre Lettre , qui fait de cette
Lampe le Pied de Venus , qu'on pendoit ,
ajoutez - vous, par les deux Anneaux dans
le Temple de cette Déesse , en prenant
l'Enfant aîlé pour l'Amour , et par les au
tres convenances que vous trouvez . Cette
Explication , dis- je , me paroît ingénieu
se , fortifiée mêine par la figure du Rocher,
sur lequel l'Amour prétendu est assis,
Venus , érant , comme vous le sçavez, née
dans le sein de la Mer , &c. Mais à vous
parler sincerement , je ne trouve rien de
bien plausible dans cette Explication , qui
est , selon moi , toute conjecturale .
Ce que vous me marquez dans une se
conde Lettre plus réfléchie , du premier
de ce mois , prouve ce que je viens de dire.
Cela prouve aussi , Monsieur , que vous
n'êtes pas de ces Curieux entêtez qui ne
démordent jamais de leur premier sentiment.
Vous me dires qu'il vous est venu
une autre pensée sur ce Monument antique
et que des amis connoisseurs
l'ont
trouvée plus plausible que la premiere.
C'est icy , continuez- vous , le pied de
Psyché plutôt que celui de Venus. Une
Lampe fut fatale à Psyché aussi bien qu'à
l'Amour , représenté sur la nôtre , faisant
une triste figure ; ce qui explique assez ,
dires- vous , la pensée qui vous est venuë,
& c.
PerFEVRIER.
1733. 303
Permettez-moi d'être encore un peu
incrédule sur cette nouvelle explication
en donnant à votre sincérité toute la loüange
qu'elle mérite , lorsque dans le même
temps vous convenez que dénué de preuves
et d'autoritez vous laissez aux Antiquaires
la gloire de deviner cette Enigme ,
si c'en est une.
Je dis , si c'en est une , car il y a longtemps
que je suis persuadé que les Ouvriers
de l'Antiquité, en fabriquant la plus
part des Morceaux qui nous restent de
leur façon , n'ont le plus souvent suivi
que leur caprice ou leur goût particulier ,
celui quelquefois des personnes qui les
leur commandoient , sans s'embarrasser
de la Mythologie , sans y entendre , disje
, d'autre finesse . Si ma proposition est
vraie en general , ou a beaucoup d'égards ,
je crois qu'on peut l'appliquer particuliement
à la fabrique des Lampes ; c'est en
effet de tous les Monumens Antiques celui
dont on a découvert un plus grand
nombre , et dont on a le plus varié la
forme et les ornemens.Vous pouvez, Monsieur
, vous en convaincre , en parcourant
le Livre entier de F. Liceti , sur les
Lampes des Anciens et les différens Ouvrages
des Antiquaires qui ont écrit depuis
Liceti , à la tête desquels il faut mettre le
beau
E vj
3.4 MERCURE DE FRANCE.
beau et vaste Recueil du R. P. de Mont
faucon .
>
Les Lampes tiennent un rang considé
rable dans le Recueil , et occupent en Iz
Chapitres tout le second Livre de la seconde
Partie du se tome. On y en voit de
tres singulieres et de tres bizares , comme
le sont celles des 3 premiers Chapitres
totes la plupart de pur caprice. Les plus
belles , les plus chargées d'ornemens , et
qui paroissent manifestement symboliques
, et appartenir à la Mythologie , ou
aux Coutumes du Pagnanisme , se trouvent
dans les Chapitres suivans. Tout ce
que le Sçavant Auteur dit des unes et
des autres est fort sensé et fort instructif.
Il s'en faut bien qu'il n'adopte toutes les
idées et toutes les conjectures de Liceti ,
et de quelques autres Antiquaires sur ce
sujet.
Une Planche entiere , c'est la 148. contient
quatre Lampes en forme de Pied et
de Sandale, comme la vôtre, avec quelque
petite difference entr'elles pour les ornemens.
La 3 est la plus remarquable , à
cause de la Semele de la Sandale , gravée
séparément , qui est toute couverte de têtes
de clous. La 4º, a pour Anse un Serpent
entortillé , et differe un peu des autres
et de la vôtre dans la forme. Une autre
FEVRIER. 1733 305
tre Lampe représentée dans la Planche
d'après , dont l'Original est dans le Cabinet
du Duc de Médina - Celi , est toute
semblable à la vôtre ; pareil Pied , pareille
Sandale , mêmes dimensions . De plus
il y a,comme sur la vôtre , un Enfant aîlé
élevé au dessus du Talon.Cet Enfant tient
d'une main un Oyseau , et de l'autre , quelque
chose qu'on ne sçauroit discerner.
L'Enfant de votre Lampe paroît aussi
tenir quelque chose . Si vous avicz pris
garde à la Semele de la vôtre , vous y
auriez peut-être vû au dessous les mêmes
curieux ornemens qui sont sur celle de
Medina- Celi , que le Graveur a représentée
séparément. Je dis le dessous de la
Semele , dans la même Planche.
Je puis ajoûter une sixième Lampe de
meme forme , de même fabrique , de
même métal , en un mot, toute semblable
à la vôtre , que le R. P. de Montfaucon
m'a montrée dans son Cabinet , et qui
lui est venue depuis l'impression de son
Ouvrage , comme il lui arrive tous les
jours des Monumens d'Antiquité de toute
espece.
Mais , me direz-vous , dans ce grand
nombre de Lampes rapportées et représentées
dans cet Ouvrage, n'en trouve- t'on
point quelqu'une qui paroisse manifestement
305 MERCURE DE FRANCE.
ment avoir été consacrée à Venus , ou à
l'Amour ! Oui , Monsieur , il s'en trouve ;
mais ce n'est aucune de celles qui ressem
blent à la vôtre. Les Planches 170. et 172.
du même Livre , en présentent deux consacrées
à Venus par des Symboles qu'on
ne sçauroit méconnoître. La premiere a
la forme d'une Colombe , Oyseaur favori
de cette Déesse , qu'elle portoit à la main,
qu'elle attachoit à son Char , &c. La scconde
dont la forme est assez singuliere ,
porte au lieu de Symboles , l'Image mêm
de Venus en relief avec fort peu de Draperie
, &c. Deux autres Lampes gravées
dans les mêmes Planches appartiennent
visiblement à Cupidon . Sur l'une , outre
ses ailes , il est désigné par son flambeau
allumé qu'il tient à la main , et sur l'autre
il tient d'une main un Bouclier , et
porte l'autre main sur une cotte d'armes
, ayant désarmé Mars , &c. comme
le dit Lucrece , &c. sans parler de deux
autres Lampes aussi curieuses ; l'une de
Cupidon Marin , et l'autre de Cupidon et
Psyché ensemble qui s'embrassent , Planche
161. du même Vol . ausquelles on
peut joindre par Analogie une trèsbelle
Lampe des trois Graces , Planche
171.
Au reste , Monsieur , un Enfant nud
repréFEVRIER.
1733. 307
A
représenté avec des aîles , accompagné
même de quelques Symboles , sur des
Monumens Antiques,ne signifie pas toujours
Cupidon ou l'Amour , comme je
l'ai déja insinué. La preuve de cette verité
me meneroit trop loin , et ma Lettre
est déja assez longue : souffrés que je vous
renvoye pour cela à une pareille figure
d'Enfant aîlé , qui est sur un Monument
Antique de Bronze découvert dans la
Basse Normandie , du tems que j'y séjournois
, et que j'ai donné gravée avec le
Monument entier dans le Journal de
Trevoux , du mois de Sept. 1713.p.1536.
Cet Enfant , qui tient d'une main une
Bourse , et de l'autre un Oyseau par le
col , n'est pas Cupidon , malgré l'ingénieuse
explication qu'en a prétendu faire
P'Auteur du Journal , qui assûre que l'Enigme
de cet Enfant n'est pas difficile à
deviner. Voyez pour en juger ce qui est
dit dans le même Journal ( Octobre 1714.
pag. 1778. ) et surtout la Citation d'une
Médaille de Lucille , fille de Marc- Aurele
, rapportée dans le Selectiora Numismata
de Vaillant , où l'on voit deux Enfans
nuds et aîlez , semblables à celui dont
il est question dans le Monument de Normandie
, et qui ne sont assûrément pas
l'Amour. Voyez aussi la Figure aîlée ,
gravée
308 MERCURE DE FRANCE
gravée dans le même Journal ( Juillet
1715. p.1969. ) du Cabinet de M. Rigord,
qui accompagne une Lettre de ce Sçavant.
Vous y verrez que si c'est l'Amour,
ce qui est assez équivoque , ce n'est pas
l'Amour tout seul , puisque , selon M. R.
c'est en même- tems Harpocrate , Minerve
, la Déesse de la Santé , celle de l'Abondance
, la Fermeté , la Pudeur , et le
Dieu Orus , c'est-à- dire , dans le langage
des Antiquaires , une Figure Panthée.
Je vous cire , au reste, un Livre ( le Jour
nal de Trévoux ) que je crois familier dans
votre Ville , car vous me surprenez beaucoup
en disant que le seul Livre que vous
y avez trouvé pour chercher quelque lumiere
au sujet de votre Lampe , est le
Trésor de Brandebourg , ou la Description
des Antiquitez du Cabinet du Roi de
Prusse , par Beger , dans lequel encore
vous n'avez rien appris à cet égard .
C'est aussi par cette raison que je me suis
un peu étendu pour vous procurer les
éclaircissemens qu'il me paroît que vous
cherchez de bonne foi , et sans attachement
à votre opinion particuliere .
J'ai oublié de vous dire au sujet des
Enfans aîlez , pris communément pour
l'Amour quand on les trouve sur des Monu
FEVRIER . 1733. 309
numens Antiques , que dans le Recüell
des Lampes de Liceti il s'en trouve une
assez singuliere , faite en forme de Calice
, et soutenue par trois Garçons allez
qui ne sont pas plus l'Amour que les autres
figures ailées dont je viens de parler.
Liceti leur donne en effet une autre signification
, les expliquant par les trois
temps , le présent , le passé , le futar
explication gratuite et toute idéale , refutée
par le Pere de Montfaucon , qui
croit avec raison que ce n'est là qu'un
pur caprice d'ouvrier : mais on pourroit
demander pourquoi dans cette supposi
tion , il a néanmoins placé cette Lampe
parmi celles qui dans son Livre appartiennent
à la Mithologie et aux divers
usages du Paganisme. Ön la trouve en effet
en ce rang dans la même Planche 170.
ci-devant citée , &c. -
Je reviens à la Lettre de M. Rigord
dont j'ai parlé plus haut , pour finir la
mienne par une refléxion qui y est contenuë,
et qui vient ici naturellement . » Le
Métier d'un Antiquaire seroit , dit- il ,
» bien pénible , si parce qu'il est Anti-
» quaire , on vouloit l'obliger de donner
» raison de certains desseins que l'Ou-
» vrier a faits sans raison , et par caprice.
Il avoit dit un peu auparavant qu'en
cer
310 MERCURE DE FRANCE
certain cas l'Ouvrier pouvoit , comme
» on fait aujourd'hui , suivre son capri-
» ce , et par là préparer des tortures aux
» Antiquaires à venir. Je m'en tiens à
cette pensée d'un homme éclairé qui avoit
vieilli dans l'étude des Antiques , et conforme
en cela au sentiment des plus habiles.
Continuez -moi cependant , Monsieur ;
votre obligeante attention , en me faisant
part de tout ce que vous pourrez découvrir
de remarquable en ce genre , en prenant
la peine de les dessiner vous -même
avec cette précision et ce goût qui vous
sontnaturels . Les belles Figures Antiques
de Marbre trouvées dans le même Terris
toire que votre Lampe , transportées à Paris
, et dont il est parlé dans le Mercure
d'Août dernier , p. 1809. ont enfin trouvé
maître. J'ai toujours passionnément
souhaitté qu'un pareil Trésor pût rester
ici , mais j'apprens avec chagrin que ces
rares Monumens de la plus belle Antiquité
vont passer la Mer sans retour. Je
suis , & c.
A Paris , le 15 Septembre 1732 .
·D... au sujet d'une Lampe Antique ,
trouvée en Provence , au mois de fuillet
dernier.
V
Ous m'avez fait , Monsieur , beaucoup
de plaisir en m'envoïant, avec
une de vos Lettres , dattée de Marseille
le 4 Août, le dessein de votre façon d'une
Lampe Antique , trouvée depuis peu par
un Païsan , dans le Territoire de la Ville
d'Apt , auprès du Village de Caseneuve.
Ce Monument que vous me marquez être
de la grandeur du Dessein , et qui représente
un pied , couvert d'une simple Sandale,
FEVRIER . 1733. 301
dale , avec quelques ornemens aux Courroyes,&
c. a cinq à six pouces de longueur,
depuis le Talon jusqu'à l'autre extrêmité
du pied , d'où sort une espece de Bec ,
que vous appellez Corne d'abondance, par
lequel on versoit de l'Huile dans la Lampe
, et où l'on mettoit la Méche . Au dessus
du cou du pied , terminé par un Orle
en maniere de petites perles , s'éleve une
espece de petit Rocher ,sur lequel est assis
un Enfant nud et aîlé , qui semble pleu
rer et tenir quelque chose dans ses mains.
Le tout fait une hauteur d'environ trois
pouces.Je n'oublie pas l'Anse qui déborde
au delà de la longueur du pied , du côté
du Talon, ayant à son extrémité un Anneau.
Il y a un autre Anneau au commencement
du gros doigt du pied , et voilà,
je crois , une Description exacte de ce
Monument.
Vous me marquez , Monsieur , que
l'Enfanr aîlé a les aîles et un brasselet
d'argent , et que le Pied qui forme la
Lampe a les ongles , et les petits Ornemens
des Courroyes aussi d'argent. Vous
ajoûtez que la Lampe est de Métail de
Corinthe , parfaitement bien conservée.
Ces circonstances sont curieuses et remarquables.
Pour ce qui est de l'explication conte-
E v nue
302 MERCURE DE FRANCE
nue dans votre Lettre , qui fait de cette
Lampe le Pied de Venus , qu'on pendoit ,
ajoutez - vous, par les deux Anneaux dans
le Temple de cette Déesse , en prenant
l'Enfant aîlé pour l'Amour , et par les au
tres convenances que vous trouvez . Cette
Explication , dis- je , me paroît ingénieu
se , fortifiée mêine par la figure du Rocher,
sur lequel l'Amour prétendu est assis,
Venus , érant , comme vous le sçavez, née
dans le sein de la Mer , &c. Mais à vous
parler sincerement , je ne trouve rien de
bien plausible dans cette Explication , qui
est , selon moi , toute conjecturale .
Ce que vous me marquez dans une se
conde Lettre plus réfléchie , du premier
de ce mois , prouve ce que je viens de dire.
Cela prouve aussi , Monsieur , que vous
n'êtes pas de ces Curieux entêtez qui ne
démordent jamais de leur premier sentiment.
Vous me dires qu'il vous est venu
une autre pensée sur ce Monument antique
et que des amis connoisseurs
l'ont
trouvée plus plausible que la premiere.
C'est icy , continuez- vous , le pied de
Psyché plutôt que celui de Venus. Une
Lampe fut fatale à Psyché aussi bien qu'à
l'Amour , représenté sur la nôtre , faisant
une triste figure ; ce qui explique assez ,
dires- vous , la pensée qui vous est venuë,
& c.
PerFEVRIER.
1733. 303
Permettez-moi d'être encore un peu
incrédule sur cette nouvelle explication
en donnant à votre sincérité toute la loüange
qu'elle mérite , lorsque dans le même
temps vous convenez que dénué de preuves
et d'autoritez vous laissez aux Antiquaires
la gloire de deviner cette Enigme ,
si c'en est une.
Je dis , si c'en est une , car il y a longtemps
que je suis persuadé que les Ouvriers
de l'Antiquité, en fabriquant la plus
part des Morceaux qui nous restent de
leur façon , n'ont le plus souvent suivi
que leur caprice ou leur goût particulier ,
celui quelquefois des personnes qui les
leur commandoient , sans s'embarrasser
de la Mythologie , sans y entendre , disje
, d'autre finesse . Si ma proposition est
vraie en general , ou a beaucoup d'égards ,
je crois qu'on peut l'appliquer particuliement
à la fabrique des Lampes ; c'est en
effet de tous les Monumens Antiques celui
dont on a découvert un plus grand
nombre , et dont on a le plus varié la
forme et les ornemens.Vous pouvez, Monsieur
, vous en convaincre , en parcourant
le Livre entier de F. Liceti , sur les
Lampes des Anciens et les différens Ouvrages
des Antiquaires qui ont écrit depuis
Liceti , à la tête desquels il faut mettre le
beau
E vj
3.4 MERCURE DE FRANCE.
beau et vaste Recueil du R. P. de Mont
faucon .
>
Les Lampes tiennent un rang considé
rable dans le Recueil , et occupent en Iz
Chapitres tout le second Livre de la seconde
Partie du se tome. On y en voit de
tres singulieres et de tres bizares , comme
le sont celles des 3 premiers Chapitres
totes la plupart de pur caprice. Les plus
belles , les plus chargées d'ornemens , et
qui paroissent manifestement symboliques
, et appartenir à la Mythologie , ou
aux Coutumes du Pagnanisme , se trouvent
dans les Chapitres suivans. Tout ce
que le Sçavant Auteur dit des unes et
des autres est fort sensé et fort instructif.
Il s'en faut bien qu'il n'adopte toutes les
idées et toutes les conjectures de Liceti ,
et de quelques autres Antiquaires sur ce
sujet.
Une Planche entiere , c'est la 148. contient
quatre Lampes en forme de Pied et
de Sandale, comme la vôtre, avec quelque
petite difference entr'elles pour les ornemens.
La 3 est la plus remarquable , à
cause de la Semele de la Sandale , gravée
séparément , qui est toute couverte de têtes
de clous. La 4º, a pour Anse un Serpent
entortillé , et differe un peu des autres
et de la vôtre dans la forme. Une autre
FEVRIER. 1733 305
tre Lampe représentée dans la Planche
d'après , dont l'Original est dans le Cabinet
du Duc de Médina - Celi , est toute
semblable à la vôtre ; pareil Pied , pareille
Sandale , mêmes dimensions . De plus
il y a,comme sur la vôtre , un Enfant aîlé
élevé au dessus du Talon.Cet Enfant tient
d'une main un Oyseau , et de l'autre , quelque
chose qu'on ne sçauroit discerner.
L'Enfant de votre Lampe paroît aussi
tenir quelque chose . Si vous avicz pris
garde à la Semele de la vôtre , vous y
auriez peut-être vû au dessous les mêmes
curieux ornemens qui sont sur celle de
Medina- Celi , que le Graveur a représentée
séparément. Je dis le dessous de la
Semele , dans la même Planche.
Je puis ajoûter une sixième Lampe de
meme forme , de même fabrique , de
même métal , en un mot, toute semblable
à la vôtre , que le R. P. de Montfaucon
m'a montrée dans son Cabinet , et qui
lui est venue depuis l'impression de son
Ouvrage , comme il lui arrive tous les
jours des Monumens d'Antiquité de toute
espece.
Mais , me direz-vous , dans ce grand
nombre de Lampes rapportées et représentées
dans cet Ouvrage, n'en trouve- t'on
point quelqu'une qui paroisse manifestement
305 MERCURE DE FRANCE.
ment avoir été consacrée à Venus , ou à
l'Amour ! Oui , Monsieur , il s'en trouve ;
mais ce n'est aucune de celles qui ressem
blent à la vôtre. Les Planches 170. et 172.
du même Livre , en présentent deux consacrées
à Venus par des Symboles qu'on
ne sçauroit méconnoître. La premiere a
la forme d'une Colombe , Oyseaur favori
de cette Déesse , qu'elle portoit à la main,
qu'elle attachoit à son Char , &c. La scconde
dont la forme est assez singuliere ,
porte au lieu de Symboles , l'Image mêm
de Venus en relief avec fort peu de Draperie
, &c. Deux autres Lampes gravées
dans les mêmes Planches appartiennent
visiblement à Cupidon . Sur l'une , outre
ses ailes , il est désigné par son flambeau
allumé qu'il tient à la main , et sur l'autre
il tient d'une main un Bouclier , et
porte l'autre main sur une cotte d'armes
, ayant désarmé Mars , &c. comme
le dit Lucrece , &c. sans parler de deux
autres Lampes aussi curieuses ; l'une de
Cupidon Marin , et l'autre de Cupidon et
Psyché ensemble qui s'embrassent , Planche
161. du même Vol . ausquelles on
peut joindre par Analogie une trèsbelle
Lampe des trois Graces , Planche
171.
Au reste , Monsieur , un Enfant nud
repréFEVRIER.
1733. 307
A
représenté avec des aîles , accompagné
même de quelques Symboles , sur des
Monumens Antiques,ne signifie pas toujours
Cupidon ou l'Amour , comme je
l'ai déja insinué. La preuve de cette verité
me meneroit trop loin , et ma Lettre
est déja assez longue : souffrés que je vous
renvoye pour cela à une pareille figure
d'Enfant aîlé , qui est sur un Monument
Antique de Bronze découvert dans la
Basse Normandie , du tems que j'y séjournois
, et que j'ai donné gravée avec le
Monument entier dans le Journal de
Trevoux , du mois de Sept. 1713.p.1536.
Cet Enfant , qui tient d'une main une
Bourse , et de l'autre un Oyseau par le
col , n'est pas Cupidon , malgré l'ingénieuse
explication qu'en a prétendu faire
P'Auteur du Journal , qui assûre que l'Enigme
de cet Enfant n'est pas difficile à
deviner. Voyez pour en juger ce qui est
dit dans le même Journal ( Octobre 1714.
pag. 1778. ) et surtout la Citation d'une
Médaille de Lucille , fille de Marc- Aurele
, rapportée dans le Selectiora Numismata
de Vaillant , où l'on voit deux Enfans
nuds et aîlez , semblables à celui dont
il est question dans le Monument de Normandie
, et qui ne sont assûrément pas
l'Amour. Voyez aussi la Figure aîlée ,
gravée
308 MERCURE DE FRANCE
gravée dans le même Journal ( Juillet
1715. p.1969. ) du Cabinet de M. Rigord,
qui accompagne une Lettre de ce Sçavant.
Vous y verrez que si c'est l'Amour,
ce qui est assez équivoque , ce n'est pas
l'Amour tout seul , puisque , selon M. R.
c'est en même- tems Harpocrate , Minerve
, la Déesse de la Santé , celle de l'Abondance
, la Fermeté , la Pudeur , et le
Dieu Orus , c'est-à- dire , dans le langage
des Antiquaires , une Figure Panthée.
Je vous cire , au reste, un Livre ( le Jour
nal de Trévoux ) que je crois familier dans
votre Ville , car vous me surprenez beaucoup
en disant que le seul Livre que vous
y avez trouvé pour chercher quelque lumiere
au sujet de votre Lampe , est le
Trésor de Brandebourg , ou la Description
des Antiquitez du Cabinet du Roi de
Prusse , par Beger , dans lequel encore
vous n'avez rien appris à cet égard .
C'est aussi par cette raison que je me suis
un peu étendu pour vous procurer les
éclaircissemens qu'il me paroît que vous
cherchez de bonne foi , et sans attachement
à votre opinion particuliere .
J'ai oublié de vous dire au sujet des
Enfans aîlez , pris communément pour
l'Amour quand on les trouve sur des Monu
FEVRIER . 1733. 309
numens Antiques , que dans le Recüell
des Lampes de Liceti il s'en trouve une
assez singuliere , faite en forme de Calice
, et soutenue par trois Garçons allez
qui ne sont pas plus l'Amour que les autres
figures ailées dont je viens de parler.
Liceti leur donne en effet une autre signification
, les expliquant par les trois
temps , le présent , le passé , le futar
explication gratuite et toute idéale , refutée
par le Pere de Montfaucon , qui
croit avec raison que ce n'est là qu'un
pur caprice d'ouvrier : mais on pourroit
demander pourquoi dans cette supposi
tion , il a néanmoins placé cette Lampe
parmi celles qui dans son Livre appartiennent
à la Mithologie et aux divers
usages du Paganisme. Ön la trouve en effet
en ce rang dans la même Planche 170.
ci-devant citée , &c. -
Je reviens à la Lettre de M. Rigord
dont j'ai parlé plus haut , pour finir la
mienne par une refléxion qui y est contenuë,
et qui vient ici naturellement . » Le
Métier d'un Antiquaire seroit , dit- il ,
» bien pénible , si parce qu'il est Anti-
» quaire , on vouloit l'obliger de donner
» raison de certains desseins que l'Ou-
» vrier a faits sans raison , et par caprice.
Il avoit dit un peu auparavant qu'en
cer
310 MERCURE DE FRANCE
certain cas l'Ouvrier pouvoit , comme
» on fait aujourd'hui , suivre son capri-
» ce , et par là préparer des tortures aux
» Antiquaires à venir. Je m'en tiens à
cette pensée d'un homme éclairé qui avoit
vieilli dans l'étude des Antiques , et conforme
en cela au sentiment des plus habiles.
Continuez -moi cependant , Monsieur ;
votre obligeante attention , en me faisant
part de tout ce que vous pourrez découvrir
de remarquable en ce genre , en prenant
la peine de les dessiner vous -même
avec cette précision et ce goût qui vous
sontnaturels . Les belles Figures Antiques
de Marbre trouvées dans le même Terris
toire que votre Lampe , transportées à Paris
, et dont il est parlé dans le Mercure
d'Août dernier , p. 1809. ont enfin trouvé
maître. J'ai toujours passionnément
souhaitté qu'un pareil Trésor pût rester
ici , mais j'apprens avec chagrin que ces
rares Monumens de la plus belle Antiquité
vont passer la Mer sans retour. Je
suis , & c.
A Paris , le 15 Septembre 1732 .
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Résumé : LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. D... au sujet d'une Lampe Antique, trouvée en Provence, au mois de Juillet dernier.
La lettre de M. D. L. R. à M. D... traite de la découverte d'une lampe antique en Provence, près du village de Caseneuve, dans le territoire de la ville d'Apt. Cette lampe, illustrée par un dessin envoyé par M. D..., mesure environ cinq à six pouces de longueur et trois pouces de hauteur. Fabriquée en métal de Corinthe, elle est ornée d'un pied avec une sandale, d'une corne d'abondance et d'un enfant ailé pleurant. La lampe possède deux anneaux, l'un à l'extrémité de l'anse et l'autre au début du gros orteil. M. D... suggère que cette lampe pourrait représenter le pied de Vénus, avec l'enfant ailé symbolisant l'Amour. Cependant, M. D. L. R. trouve cette interprétation conjecturale et propose une autre hypothèse : la lampe pourrait être liée à Psyché, en raison de la présence de l'enfant ailé et de la lampe fatale à Psyché. M. D. L. R. souligne que les lampes antiques étaient souvent fabriquées selon les caprices des ouvriers ou les goûts particuliers des commanditaires, sans nécessairement suivre la mythologie. Il cite divers ouvrages sur les lampes antiques, notamment ceux de Liceti et du Père de Montfaucon, qui décrivent une grande variété de formes et d'ornements. La lettre se conclut par une réflexion sur la difficulté du métier d'antiquaire, qui doit souvent interpréter des objets créés sans raison particulière par les artisans antiques. M. D. L. R. exprime également son regret que des figures antiques en marbre découvertes dans la même région que la lampe soient envoyées à l'étranger.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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335
p. 344-354
Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
La Tragédie d'Omphale parut dans sa nouveauté au mois de Novembre [...]
Mots clefs :
Omphale, Alcide, Iphis, Amour, Argine, Fête, Coeur, Rival, Jeux, Triomphe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
A Tragédie d'Omphale parut dans sa
nouveauté au mois de Novembre
1701. et eut un fort grand succès ; on la
reprit 20. ans après avec assez de réussite.
Elle vient d'être remise au Théatre plus
brillante et mieux accueillie que jamais.
Le Poëme est de feu M. de la Mothe et
la Musique de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy ; voici un
court Extrait de l'Ouvrage :
Le Théatre représente au Prologue un
lieu destiné pour celebrer la gloire de
l'Amour ; les Jeux , les Plaisirs et les Graces
composent sa Cour et les Habitans
de la Terre et des Cieux , à titre de Sujets
, relevent son triomphe. Une Grace
fait l'exposition par ces Vers :
Vous qui suivez l'Amour , Graces , Plaisirs er
Jeux ,
Celebrez avez moi sa puissance et ses charmes s
Chantez ses traits , chantez ses feux ;
Et que vos chants pour lui soient de nouvelles
armes.
Une seconde Grace fait encore l'office
de
FEVRIER
. 1733. · 345
de Coriphée. Les autres Graces forment
le Balet , conjointement avec les Plaisirs
et les Jeux. Junon descend des Cieux ,
elle expose le sujet qui l'oblige à venir
implorer le secours de l'Amour , par cest
Vers :
Dieu puissant, venge moi d'un Mortel qui m'ou
trage ;
Son coeur, dès le berceau, tiriomphe de ma rage,
Må honte et mon dépit croissent par ses travaux;
Blesse Alcide ; il est temps de vaincre ce Héros :
Mais choisit ces traits redoutables ,
Dont tu sçus troubler mon repos ;
Je te pardonne tous mes maux ,
S'il en peut souffrir de semblables.
L'Amour consent à satisfaire Junon ;
il ordonne à la Jalousie qui paroît au
fond du Théatre enchainée dans son Antre
avec la Rage et le Désespoir , de sortir
de leurs fers et d'aller exécuter les
ordres de Junon . Leur obéissance prépare
le sujet de la Tragédie d'Omphale ,
où l'Auteur suppose que la victoire qu'Alcide
va remporter sur l'Amour jaloux ,
est un des plus difficiles travaux que la
Déesse irritée ait imposez à cet odieux
fils d'une Rivale.
Le Théatre représente au premier Ac-,
G iij
د
te
346 MERCURE DE FRANCE
te , des Arcs de triomphe élevez à la
gloire d'Alcide , devant le Temple de
Jupiter son pere. Iphis fait connoître
l'amour secret dont il brûle pour Omphale
, Reine de Lydie. Son Monologue
commence ainsi :
Calme heureux , innocente paix ,
C'est en vain que je vous appelle ;
Calme heureux , innocente paix,
Non , ce n'est plus pour moi que vos plaisirs
sont faits , & c.
,
Un bruit de Trompettes qui se fait
entendre , donne occasion à ce Prince
ami d'Alcide , d'annoncer la Fête qu'Omphale
doit faire celebrer en l'honneur de
ce Héros , qui vient de la rétablir sur
son Trône par la défaite des Rebelles
dont elle avoit été opprimée , et par celle
d'un Monstre horrible.
Alcide vient et ordonne qu'on aille
rassembler les Rebelles domptez , pour
leur faire éprouver la clémence de leur
légitime Souveraine ; on a trouvé que
l'Auteur s'est un peu trop pressé d'annoncer
la Fête du second Acte , dès le
commencement du premier.
Alcide fait connoître à Iphis qu'il aime
Omphale . Iphis est frappé d'une nouvelle
, qui lui donne un Rival si redoutable
FEVRIER . 1733 : 347
table dans un ami si tendrement aimé
il n'oublie rien pour combattre un amour
qui lui est si fatal ; il représente sur tout
à Alcide , qu'il a tout à craindre de la
jalouse Argine , c'est le nom que M. de
la Mothe donne à Manto , fille du celebre
Tiresie ,pour s'accommoder à la dou
ceur que la Poësie Lyrique exige même
dans les noms. Omphale , suivie de ses
Peuples , vient celebrer le triomphe d'Alcide;
elle y invite ses Lydiens par ces Vers:
Chantez le digne fils du plus puissant des Dieux;
Chantez , portez vos voix et son nom jusqu'aux
Cieux , & c.
Alcide interrompt la Fête par ces Vers
adressez à Omphale.
Cessez ces vains honneurs que vous me faites
rendre ;
Je n'entends point ces Chants , je ne voi point
ces Jeux ;
Mes soupirs , malgré moi , vous font assez en
tendre
Qu'un autre prix est l'objet de mes voeux.
Omphale qui fuit un éclaircissement ,
ordonne qu'on vienne avec elle consacrer
les Armes des mutins à Jupiter.
Au second Acte , Omphale , au milieu
de deux Confidentes , comme dans
Giiij Armide ,
348 MERCURE DE FRANCE
Armide , est félicitée sur la victoire que
ses yeux ont remportée sur le coeur du
grand Alcide. Elle reçoit leurs complimens
avec indifference , et leur fait entendre
qu'Iphis est son vainqueur ; ce
Prince vient ; elle veut sonder son coeur .
Iphis annonce à Omphale de la part
d'Alcide , la Fête préparée pour elle ;
Omphale lui dit que c'est en vain que
ce Héros soupire , et qu'il s'est laissé prévenir
par un autre : Iphis ne peut apprendre
sans jalousie que le coeur d'Omphale
est le partage d'un autre ; il parle
en faveur de son ami , n'osant parler pour
lui - même. Cette Scene est très fine de la
part d'Omphale ; mais Iphis paroît un
Amant peu intelligent , on trouve même
qu'il prend le change gratuitement ,
et qu'il se retire désesperé , sans qu'Omphale
ait rien dit d'assez équivoque pour
lui faire entendre qu'elle est offensée de
la déclaration de son amour. Iphis se
retire sans donner le temps à la Reine
de le détromper.
Alcide vient celebrer la Fête qu'il a
fait annoncer par Iphis ; Omphale ordonne
qu'on ôte les chaînes aux Mutins
domptez , puisque le Vainqueur veut bien
leur faire grace ; cette Fête est presque
toute chantée par Alcide , qui se donne
&
aux
FEVRIER . 1733. 349
aux Sujets d'Omphale pour modele de
l'ardeur dont ils doivent brûler pour une.
si aimable Souveraine ; en voici quelques
Vers :
Chantez mille fois ,
L'amour qui m'enchaîne ;
Celebrez mon choix ;
Chantez mille fois ;
Chantez votre Reine ;
Benissez ses loix.
Imitez l'ardeur si fidele ,
Qui brûle mon coeur ;
Imitez l'ardeur et le zele ,
De votre Vainqueur.
Argine vient troubler la Fête ; elle est
portée par un Dragon aîlé ; l'horreur qui
l'annonce fait fuir tout le monde hors
Alcide , à qui elle reproche la préference
qu'il donne à Omphale ; cette Scene est
des plus vives ; et parfaitement executée
par le sieur Chassé et par la Dlle Entier .
Ces deux excellens Sujets partagent également
la gloire du succès de cet Opera.
Cette grande Actrice finit le second Acte
par un morceau de fureur où son action
et sa voix sont également applaudies.
Elle termine cet Acte par la résolution
qu'elle forme de penetrer si Omphale
G v aime
350 MERCURE DE FRANCE
aime Alcide ; c'est ce dernier crime qui
doit la déterminer à perdre une heureuse
Rivale ; on a crû que le crime d'être aimé
auroit dû suffire à sa vengeance , et que
c'étoit le seul à punir.
Omphale se reproche , au troisiéme
Acte , de n'avoir pas déclaré son amour
à Iphis ; Argine vient et se cache pour
sçavoir ce qu'Omphale dit , ou plutôr ce
qu'elle pense , puisque faire un Monologue
et penser sont la même chose,théatralement
parlant Argine se persuade
qu'Omphale aime Alcide ; ce qui l'y
détermine c'est ce Vers :
Un spectacle fatal m'a contrainte au silence,
Argine le fait voir par l'application
qu'elle en fait ; voici comment elle s'exprime
:
Non je n'en doute plus , c'est Alcide qu'elle aime 3
Elle me l'apprend elle - même :
Au moment que mon Art a fait cesser leurs
jeux ,
Elle alloit déclarer ses-feux.
Il s'en faut bien qu'elle soit digne fille
de Tiresie , si son Art n'est pas plus sûr
que ses conjectures ; elle ne balance plus à
se vanger de sa Rivale , et sçachant que
ses Peuples viennent celebrer le jour de
sa
FEVRIER. 1733. 3521
sa naissance , elle en veut faire le jour .
de sa mort ; elle ordonne aux Démons
de l'enchanter quand il en sera temps.
On vient celebrer la Fête en question ;
Omphale se place sur un Trône de fleurs
qu'on lui a dressé . Après la Fête , Omphale
congédie ses Peuples sous prétexte
qu'elle a besoin d'un peu de solitude.
le coeur
"
Argine vient ; elle ordonne aux Esprits
Infernaux d'enchanter sa Rivale ;
ils sortent des Enfers , et secoüent leurs
Torches sur Omphale ; Argine , un poignard
à la main , s'avance pour lui percer
comme on le voit encore dans
Armide. Heureusement pour la victime le
hazard conduit Alcide assez à temps pour
suspendre le coup mortel ; ce qui est
suivi d'une Scene , où nos deux premiers
Acteurs renouvellent les applaudissemens
qu'on leur a si justement prodiguez dans
l'Acte précedent. Les Démons , par l'ordre
d'Argine , enlevent Omphale , sans
qu'Alcide puisse la secourir.
Dans l'Entr'Acte du quatrième Acte
Omphale a fait connoître à Argine qu'Al
cide n'est pas l'objet de son amour , et
c'est cet aveu qui l'a empêchée de périr ;
elle n'a pourtant point nommé Iphis
de peur de le livrer à la colere d'un Ri
val aussi redoutable qu'Alcide ; Iphis ,
dans
G vj
352 MERCURE DE FRANCE
dans un Monologue , fait éclater son désespoir
, mais il ne le porte pas jusqu'à
se donner la mort ; voici la raison qu'il
en donne :
Faut-il que ma douleur me soit encor si chere ,
Que je n'ose en mourant en terminer le cours ?
Cette pensée qu'on a trouvée susceptible
de plaisanterie parodique , amene
pourtant une très jolie maxime ; la voici :
Que nos jours sont dignes d'envie ,
Quand l'Amour répond à nos voeux !
L'amour même le moins heureux ,
Nous attache encore à la vie.
Alcide vient annoncer à Iphis qu'il a
un Rival secrettement aimé ; Iphis s'offre
à le venger , ne sçachant pas qu'il s'agit
de lui - même. Argine vient ; Alcide lui
proteste qu'Omphale est désormais l'objet
de sa haine; il la prie de découvrir
son Rival par le secours des Enfers. Après
quelques reproches mêlez de tendresse et
d'emportemens , Argine consent à satisfaire
Alcide. Elle appelle les Magiciens ,
Ministres de son Art ; ils viennent par
le chemin des Airs : le charme étant fait,
l'Ombre de Tiresie , sans être apperçûë
des Spectateurs , se présenté aux yeux de
Sa
FEVRIER. 1733. 353
sa fille , il lui ouvre le Livre du Destin ;
instruite du sort d'Alcide , elle lui dit :
Tremble , frémi ; va dès ce jour ,
Voir ton Rival heureux au Temple de l'Amour.
Argine expire de douleur , et Alcide
se livre à la vengeance.
Le Théatre représente au cinquiéme
Acte le Temple de l'Amour . Omphale
vient offrir un Sacrifice à ce Maître des
coeurs ; elle croit que ce Dieu l'exauce
puisqu'il lui amene Iphis . Ce Prince lui
demande pardon de la peine que sa présence
lui peut causer , il lui promet de ne
l'en plus importuner ; Omphale le rassure
et lui déclare son amour ; cette Scene
est très - tendre de part et d'autre ; Alcide
vient dans le dessein d'immoler son
heureux Rival . Surpris de voir Iphis ,
il croit qu'il est venu pour venger
l'outrage qu'on fait à son ami ; il l'invite
à recevoir le premier prix de son
zele dans ses embrassemens. Iphis , pressé
par ses remords veut se tuer ; Omphale
lui retient le bras ; Alcide ne doute
plus qu'Iphis ne soit ce Rival qu'elle lui
préfere après quelques combats , il
triomphe de son amour , et consent au
bonheur de son ami . Autrefois Argine
finissoit la Piece ; peut- être a-t'on suppri
mé
354 MERCURE DE FRANCE
donner une
mé son retour pour ne pas
troisiéme imitation d'Armide dans un
même Opera.
nouveauté au mois de Novembre
1701. et eut un fort grand succès ; on la
reprit 20. ans après avec assez de réussite.
Elle vient d'être remise au Théatre plus
brillante et mieux accueillie que jamais.
Le Poëme est de feu M. de la Mothe et
la Musique de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy ; voici un
court Extrait de l'Ouvrage :
Le Théatre représente au Prologue un
lieu destiné pour celebrer la gloire de
l'Amour ; les Jeux , les Plaisirs et les Graces
composent sa Cour et les Habitans
de la Terre et des Cieux , à titre de Sujets
, relevent son triomphe. Une Grace
fait l'exposition par ces Vers :
Vous qui suivez l'Amour , Graces , Plaisirs er
Jeux ,
Celebrez avez moi sa puissance et ses charmes s
Chantez ses traits , chantez ses feux ;
Et que vos chants pour lui soient de nouvelles
armes.
Une seconde Grace fait encore l'office
de
FEVRIER
. 1733. · 345
de Coriphée. Les autres Graces forment
le Balet , conjointement avec les Plaisirs
et les Jeux. Junon descend des Cieux ,
elle expose le sujet qui l'oblige à venir
implorer le secours de l'Amour , par cest
Vers :
Dieu puissant, venge moi d'un Mortel qui m'ou
trage ;
Son coeur, dès le berceau, tiriomphe de ma rage,
Må honte et mon dépit croissent par ses travaux;
Blesse Alcide ; il est temps de vaincre ce Héros :
Mais choisit ces traits redoutables ,
Dont tu sçus troubler mon repos ;
Je te pardonne tous mes maux ,
S'il en peut souffrir de semblables.
L'Amour consent à satisfaire Junon ;
il ordonne à la Jalousie qui paroît au
fond du Théatre enchainée dans son Antre
avec la Rage et le Désespoir , de sortir
de leurs fers et d'aller exécuter les
ordres de Junon . Leur obéissance prépare
le sujet de la Tragédie d'Omphale ,
où l'Auteur suppose que la victoire qu'Alcide
va remporter sur l'Amour jaloux ,
est un des plus difficiles travaux que la
Déesse irritée ait imposez à cet odieux
fils d'une Rivale.
Le Théatre représente au premier Ac-,
G iij
د
te
346 MERCURE DE FRANCE
te , des Arcs de triomphe élevez à la
gloire d'Alcide , devant le Temple de
Jupiter son pere. Iphis fait connoître
l'amour secret dont il brûle pour Omphale
, Reine de Lydie. Son Monologue
commence ainsi :
Calme heureux , innocente paix ,
C'est en vain que je vous appelle ;
Calme heureux , innocente paix,
Non , ce n'est plus pour moi que vos plaisirs
sont faits , & c.
,
Un bruit de Trompettes qui se fait
entendre , donne occasion à ce Prince
ami d'Alcide , d'annoncer la Fête qu'Omphale
doit faire celebrer en l'honneur de
ce Héros , qui vient de la rétablir sur
son Trône par la défaite des Rebelles
dont elle avoit été opprimée , et par celle
d'un Monstre horrible.
Alcide vient et ordonne qu'on aille
rassembler les Rebelles domptez , pour
leur faire éprouver la clémence de leur
légitime Souveraine ; on a trouvé que
l'Auteur s'est un peu trop pressé d'annoncer
la Fête du second Acte , dès le
commencement du premier.
Alcide fait connoître à Iphis qu'il aime
Omphale . Iphis est frappé d'une nouvelle
, qui lui donne un Rival si redoutable
FEVRIER . 1733 : 347
table dans un ami si tendrement aimé
il n'oublie rien pour combattre un amour
qui lui est si fatal ; il représente sur tout
à Alcide , qu'il a tout à craindre de la
jalouse Argine , c'est le nom que M. de
la Mothe donne à Manto , fille du celebre
Tiresie ,pour s'accommoder à la dou
ceur que la Poësie Lyrique exige même
dans les noms. Omphale , suivie de ses
Peuples , vient celebrer le triomphe d'Alcide;
elle y invite ses Lydiens par ces Vers:
Chantez le digne fils du plus puissant des Dieux;
Chantez , portez vos voix et son nom jusqu'aux
Cieux , & c.
Alcide interrompt la Fête par ces Vers
adressez à Omphale.
Cessez ces vains honneurs que vous me faites
rendre ;
Je n'entends point ces Chants , je ne voi point
ces Jeux ;
Mes soupirs , malgré moi , vous font assez en
tendre
Qu'un autre prix est l'objet de mes voeux.
Omphale qui fuit un éclaircissement ,
ordonne qu'on vienne avec elle consacrer
les Armes des mutins à Jupiter.
Au second Acte , Omphale , au milieu
de deux Confidentes , comme dans
Giiij Armide ,
348 MERCURE DE FRANCE
Armide , est félicitée sur la victoire que
ses yeux ont remportée sur le coeur du
grand Alcide. Elle reçoit leurs complimens
avec indifference , et leur fait entendre
qu'Iphis est son vainqueur ; ce
Prince vient ; elle veut sonder son coeur .
Iphis annonce à Omphale de la part
d'Alcide , la Fête préparée pour elle ;
Omphale lui dit que c'est en vain que
ce Héros soupire , et qu'il s'est laissé prévenir
par un autre : Iphis ne peut apprendre
sans jalousie que le coeur d'Omphale
est le partage d'un autre ; il parle
en faveur de son ami , n'osant parler pour
lui - même. Cette Scene est très fine de la
part d'Omphale ; mais Iphis paroît un
Amant peu intelligent , on trouve même
qu'il prend le change gratuitement ,
et qu'il se retire désesperé , sans qu'Omphale
ait rien dit d'assez équivoque pour
lui faire entendre qu'elle est offensée de
la déclaration de son amour. Iphis se
retire sans donner le temps à la Reine
de le détromper.
Alcide vient celebrer la Fête qu'il a
fait annoncer par Iphis ; Omphale ordonne
qu'on ôte les chaînes aux Mutins
domptez , puisque le Vainqueur veut bien
leur faire grace ; cette Fête est presque
toute chantée par Alcide , qui se donne
&
aux
FEVRIER . 1733. 349
aux Sujets d'Omphale pour modele de
l'ardeur dont ils doivent brûler pour une.
si aimable Souveraine ; en voici quelques
Vers :
Chantez mille fois ,
L'amour qui m'enchaîne ;
Celebrez mon choix ;
Chantez mille fois ;
Chantez votre Reine ;
Benissez ses loix.
Imitez l'ardeur si fidele ,
Qui brûle mon coeur ;
Imitez l'ardeur et le zele ,
De votre Vainqueur.
Argine vient troubler la Fête ; elle est
portée par un Dragon aîlé ; l'horreur qui
l'annonce fait fuir tout le monde hors
Alcide , à qui elle reproche la préference
qu'il donne à Omphale ; cette Scene est
des plus vives ; et parfaitement executée
par le sieur Chassé et par la Dlle Entier .
Ces deux excellens Sujets partagent également
la gloire du succès de cet Opera.
Cette grande Actrice finit le second Acte
par un morceau de fureur où son action
et sa voix sont également applaudies.
Elle termine cet Acte par la résolution
qu'elle forme de penetrer si Omphale
G v aime
350 MERCURE DE FRANCE
aime Alcide ; c'est ce dernier crime qui
doit la déterminer à perdre une heureuse
Rivale ; on a crû que le crime d'être aimé
auroit dû suffire à sa vengeance , et que
c'étoit le seul à punir.
Omphale se reproche , au troisiéme
Acte , de n'avoir pas déclaré son amour
à Iphis ; Argine vient et se cache pour
sçavoir ce qu'Omphale dit , ou plutôr ce
qu'elle pense , puisque faire un Monologue
et penser sont la même chose,théatralement
parlant Argine se persuade
qu'Omphale aime Alcide ; ce qui l'y
détermine c'est ce Vers :
Un spectacle fatal m'a contrainte au silence,
Argine le fait voir par l'application
qu'elle en fait ; voici comment elle s'exprime
:
Non je n'en doute plus , c'est Alcide qu'elle aime 3
Elle me l'apprend elle - même :
Au moment que mon Art a fait cesser leurs
jeux ,
Elle alloit déclarer ses-feux.
Il s'en faut bien qu'elle soit digne fille
de Tiresie , si son Art n'est pas plus sûr
que ses conjectures ; elle ne balance plus à
se vanger de sa Rivale , et sçachant que
ses Peuples viennent celebrer le jour de
sa
FEVRIER. 1733. 3521
sa naissance , elle en veut faire le jour .
de sa mort ; elle ordonne aux Démons
de l'enchanter quand il en sera temps.
On vient celebrer la Fête en question ;
Omphale se place sur un Trône de fleurs
qu'on lui a dressé . Après la Fête , Omphale
congédie ses Peuples sous prétexte
qu'elle a besoin d'un peu de solitude.
le coeur
"
Argine vient ; elle ordonne aux Esprits
Infernaux d'enchanter sa Rivale ;
ils sortent des Enfers , et secoüent leurs
Torches sur Omphale ; Argine , un poignard
à la main , s'avance pour lui percer
comme on le voit encore dans
Armide. Heureusement pour la victime le
hazard conduit Alcide assez à temps pour
suspendre le coup mortel ; ce qui est
suivi d'une Scene , où nos deux premiers
Acteurs renouvellent les applaudissemens
qu'on leur a si justement prodiguez dans
l'Acte précedent. Les Démons , par l'ordre
d'Argine , enlevent Omphale , sans
qu'Alcide puisse la secourir.
Dans l'Entr'Acte du quatrième Acte
Omphale a fait connoître à Argine qu'Al
cide n'est pas l'objet de son amour , et
c'est cet aveu qui l'a empêchée de périr ;
elle n'a pourtant point nommé Iphis
de peur de le livrer à la colere d'un Ri
val aussi redoutable qu'Alcide ; Iphis ,
dans
G vj
352 MERCURE DE FRANCE
dans un Monologue , fait éclater son désespoir
, mais il ne le porte pas jusqu'à
se donner la mort ; voici la raison qu'il
en donne :
Faut-il que ma douleur me soit encor si chere ,
Que je n'ose en mourant en terminer le cours ?
Cette pensée qu'on a trouvée susceptible
de plaisanterie parodique , amene
pourtant une très jolie maxime ; la voici :
Que nos jours sont dignes d'envie ,
Quand l'Amour répond à nos voeux !
L'amour même le moins heureux ,
Nous attache encore à la vie.
Alcide vient annoncer à Iphis qu'il a
un Rival secrettement aimé ; Iphis s'offre
à le venger , ne sçachant pas qu'il s'agit
de lui - même. Argine vient ; Alcide lui
proteste qu'Omphale est désormais l'objet
de sa haine; il la prie de découvrir
son Rival par le secours des Enfers. Après
quelques reproches mêlez de tendresse et
d'emportemens , Argine consent à satisfaire
Alcide. Elle appelle les Magiciens ,
Ministres de son Art ; ils viennent par
le chemin des Airs : le charme étant fait,
l'Ombre de Tiresie , sans être apperçûë
des Spectateurs , se présenté aux yeux de
Sa
FEVRIER. 1733. 353
sa fille , il lui ouvre le Livre du Destin ;
instruite du sort d'Alcide , elle lui dit :
Tremble , frémi ; va dès ce jour ,
Voir ton Rival heureux au Temple de l'Amour.
Argine expire de douleur , et Alcide
se livre à la vengeance.
Le Théatre représente au cinquiéme
Acte le Temple de l'Amour . Omphale
vient offrir un Sacrifice à ce Maître des
coeurs ; elle croit que ce Dieu l'exauce
puisqu'il lui amene Iphis . Ce Prince lui
demande pardon de la peine que sa présence
lui peut causer , il lui promet de ne
l'en plus importuner ; Omphale le rassure
et lui déclare son amour ; cette Scene
est très - tendre de part et d'autre ; Alcide
vient dans le dessein d'immoler son
heureux Rival . Surpris de voir Iphis ,
il croit qu'il est venu pour venger
l'outrage qu'on fait à son ami ; il l'invite
à recevoir le premier prix de son
zele dans ses embrassemens. Iphis , pressé
par ses remords veut se tuer ; Omphale
lui retient le bras ; Alcide ne doute
plus qu'Iphis ne soit ce Rival qu'elle lui
préfere après quelques combats , il
triomphe de son amour , et consent au
bonheur de son ami . Autrefois Argine
finissoit la Piece ; peut- être a-t'on suppri
mé
354 MERCURE DE FRANCE
donner une
mé son retour pour ne pas
troisiéme imitation d'Armide dans un
même Opera.
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Résumé : Omphale, Extrait, [titre d'après la table]
La tragédie 'Omphale' a été présentée pour la première fois en novembre 1701 et a connu un grand succès. Elle a été reprise 20 ans plus tard avec une réussite notable et a été récemment remise au théâtre avec un accueil encore plus favorable. Le poème est de feu M. de la Mothe et la musique de M. Destouches, surintendant de la musique du roi. L'œuvre commence par un prologue où le théâtre représente un lieu célébrant la gloire de l'Amour. Les Grâces, les Plaisirs et les Jeux composent sa cour, et les habitants de la Terre et des Cieux en sont les sujets. Une Grâce expose le sujet par des vers, et une autre fait office de coriphée. Junon descend des Cieux et implore l'Amour de la venger d'Alcide, qu'elle considère comme un outrage. L'Amour accepte et ordonne à la Jalousie, accompagnée de la Rage et du Désespoir, de se rendre sur Terre pour exécuter les ordres de Junon. Au premier acte, le théâtre montre des arcs de triomphe élevés à la gloire d'Alcide devant le temple de Jupiter. Iphis, ami d'Alcide, révèle son amour secret pour Omphale, reine de Lydie. Alcide annonce une fête en l'honneur d'Omphale, qu'il a rétablie sur son trône après avoir vaincu des rebelles et un monstre. Alcide avoue à Iphis son amour pour Omphale, ce qui plonge Iphis dans le désespoir. Omphale célèbre le triomphe d'Alcide, mais Alcide interrompt la fête pour déclarer son amour à Omphale. Au deuxième acte, Omphale est félicitée pour sa victoire sur le cœur d'Alcide, mais elle révèle qu'Iphis est son véritable vainqueur. Iphis, jaloux, se retire désespéré. Alcide célèbre une fête en l'honneur d'Omphale, mais Argine, fille de Tirésias, vient troubler la fête en reprochant à Alcide sa préférence pour Omphale. Argine décide de se venger en tuant Omphale. Au troisième acte, Omphale se reproche de n'avoir pas déclaré son amour à Iphis. Argine, cachée, interprète mal les paroles d'Omphale et décide de la tuer lors de la fête célébrant la naissance d'Omphale. Alcide intervient juste à temps pour sauver Omphale, mais les Démons enlèvent Omphale sur ordre d'Argine. Dans l'entracte du quatrième acte, Omphale révèle à Argine qu'Alcide n'est pas l'objet de son amour, ce qui la sauve. Iphis exprime son désespoir mais ne se donne pas la mort. Alcide annonce à Iphis qu'il a un rival secret. Argine, après quelques reproches, consent à aider Alcide à découvrir son rival grâce à l'art des Enfers. L'ombre de Tirésias révèle à Argine le sort d'Alcide, ce qui la conduit à expirer de douleur. Au cinquième acte, Omphale offre un sacrifice à l'Amour et rencontre Iphis, qui lui déclare son amour. Alcide, voulant venger son ami, est surpris de voir Iphis et finit par triompher de son amour pour Omphale, permettant ainsi le bonheur de son ami.
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336
p. 426-431
RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Début :
Je voudrois, MADAME, pouvoir me dispenser de répondre aux raisons [...]
Mots clefs :
Emilie, Lecteur, Règles, Amour, Sentiments, Héroïne, Caractère, Histoire d'Émilie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
REPONSE à Madame MEHEULT
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
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Résumé : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Le texte est une réponse à Madame Meheult, autrice de l'Histoire d'Émilie. L'auteur commence par exprimer sa réticence à répondre aux arguments de Madame Meheult, par respect pour son mérite et sa confiance. Cependant, il se sent obligé de répliquer en raison de pressantes sollicitations. Il souligne que les objections à l'histoire d'Émilie sont fondées sur l'absence d'intérêt et la déplacation des beautés littéraires. L'auteur critique également la mort de plusieurs personnages sans utilité pour le sujet et l'excès de scènes similaires, qui peuvent ennuyer le lecteur. Il mentionne aussi la dangerosité de donner des exemples de vice à la jeunesse. L'auteur reproche à Madame Meheult de ne pas avoir répondu aux objections sur la simulation de l'amour d'Émilie et la nécessité de la mort de certains personnages. Enfin, il reconnaît la qualité de la lettre de Madame Meheult et exprime son respect et sa gratitude pour sa réponse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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337
p. 431-434
ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Tel qu'au bord du Méandre un Cigne languissant, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Voix, Flamme, Yeux, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
ELEGIE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
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Résumé : ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'élégie de Madame de Malcrais de la Vigne, intitulée 'ELEGIE', exprime la douleur et le désespoir du poète face à l'infidélité de Silvie. Le poète compare son état à celui d'un cygne annonçant sa mort pour décrire sa souffrance après avoir vu Silvie avec un autre homme. Silvie, qui avait autrefois déclaré un amour immuable, avoue ne plus l'aimer et lui conseille de retourner auprès de Cloris. Cette révélation plonge le poète dans la stupeur et la douleur, se comparant à un homme foudroyé. Il met en garde contre la crédulité en amour et exprime son désir de mourir. Le poète maudit ensuite l'Amour, le décrivant comme un tyran cruel, avant de lui demander pardon. Le texte se conclut par la description de Malcrais, inspiré par la voix d'un berger, écrivant cette élégie pour exprimer son martyre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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338
p. 463-469
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Début :
MESSIEURS, Nous venons partager avec vous la joïe que nous [...]
Mots clefs :
Académie de La Rochelle, Établissement, La Rochelle, Société littéraire, Sciences, Public, Amour, Gloire, Province, Postérité, Belles-lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
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Résumé : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Le 18 juillet 1732, M. Regnaud, membre de la nouvelle Académie Royale de La Rochelle, a prononcé un discours célébrant la création d'une société littéraire dans la ville. Cette initiative a été approuvée par M. Bignon, Intendant de la Province, et protégée par Monseigneur le Prince de Conti, avant d'être officialisée par des lettres patentes du roi. L'établissement de cette académie est perçu comme une source de gloire et d'utilité pour La Rochelle. Le discours souligne la bienveillance du roi envers les villes loyales et soumises, mettant en avant son zèle pour l'expansion des lettres et son attention aux besoins de La Rochelle. Le roi a ordonné la restauration du port et la lutte contre les maladies périodiques affectant la ville. Il a également pris des mesures pour prévenir les conséquences néfastes de l'avidité agricole dans les régions voisines. L'académie est vue comme un moyen de promouvoir la vertu et la connaissance, contribuant à une société harmonieuse et prospère. Le discours encourage les membres à cultiver les lettres et les sciences, soulignant leur rôle dans le développement des talents et des vertus civiques. La reconnaissance envers le roi et le prince est exprimée, ainsi que l'espoir de voir les jeunes générations bénéficier de cette éducation et devenir un jour l'honneur de leur patrie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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339
p. 793-811
LETTRE à l'Auteur du Mercure, au sujet du Ballet Héroïque, intitulé : l'Empire de l'Amour, représenté pour la premiere fois au Théatre de l'Opéra, le 14 Avril 1733.
Début :
Cette Lettre, Monsieur, contient l'Extrait que vous avez bien voulu [...]
Mots clefs :
Amour, Vénus, Thésée, Phèdre, Ariane , Génie, Ismène, Psyché, Ballet héroïque, Théâtre de l'Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure, au sujet du Ballet Héroïque, intitulé : l'Empire de l'Amour, représenté pour la premiere fois au Théatre de l'Opéra, le 14 Avril 1733.
-LETTRE à l'Auteur du Mercure
sujet du Ballet Héroïque , intitulé : l'Empire
de l'Amour , représenté pour la
premiere fois au Théatre de l'Opéra , le
14 Avril 1733.
Ette Lettre , Monsieur contient
Extrait que vous avez bien voulu
me demander du Poëne Lirique que je
viens de donner au Public. Jy joins les
changemens qui y ont été faits depuis la
premiere Représentation ; j'en expose
motifs , c'est- à -dire , les mécontentemens
que le Public avoit témoignés , et par
conséquent mes torts .
les
Le Prologue se passe dans l'Isle de Naxos
; on voit dans le fond du Théatre un
Temple de Jupiter. Bacchus , environné
des Nimphes, à qui son enfance a été confiée
, les voit avec regret accablées d'une
extrême vieillesse qu'elles déplorent par
ces Vers :
Ne peux- t - on enchaîner le tems ?
Le cruel nous poursuit sans cesse :
Il fait de nos plus doux instans
Autant de pas vers la vieillesse
Bacchus invoque Jupiter ; il en est éxaucé;
il l'annonce aux Nimphes , qui mar-
Hiiij chent
794 MERCURE DE FRANCE
chent alors vers le Temple avec cette
langueur ordinaire à la vieillesse ; à peine
ont- elles embrassé la Statuë de Jupiter
, qu'elles sortent du Temple ayant
repris tous les attraits de la Jeunesse , dansant
et chantant autour de Bacchus , et
le mot de Plaisir est le premier qu'elles
prononcent.
La Fête des Nimphes rajeunies, est interrompue
par l'arrivée des Menades
des Baccantes et des Corybantes ; qui en
formant des Jeux , invitent Bacchus à
faire la conquête du monde. A la fin des
Jeux Bacchus déclare aux Nimphes qu'il
part pour aller répandre les Arts dont
il est l'Inventeur , et le reste de la Scene
qui se passe entre Autonoé , la principale
Nimphe , et lui , expose le sujet des trois
Entrées dont ce Ballet est composé.
Je veux ( dit Bacchus ) pour le bonheur du
monde >
Devenir le plus grand des Dieux.
Autonoé.
Helas ! il en est un qui des Dieux est le maî
tre ,
Enfant impérieux , l'Univers est sa Cour .
Votre repos et vos vertus peut- être ,
Dépendront de lui quelque jour !
Bac
AVRIL 1733 795 .
Bacchus.
Eh i quel est donc enfin ce Tyran !
Autonoé.
C'est l'Amour.
Bacchus.
Ne peut- on, en fuyant , échapper à ses armes ?
Autonoé.
Pour mieux braver l'Amour n'en prenés point
d'allarmes ;
Voyés tous ses bienfaits surpassés par ses
maux ,
L'éloignement ne sert qu'à nous montrer ses
charmes
Et nous tromper sur ses deffauts.
Avant que vous quittés Naxos ,
Nous allons dans nos Jeux peindre sa tyranie
,
Vous le verrés ternir la gloire d'un Heros ;
Tromper l'art enchanteur du plus puissang
génie ,
Et lui- même troublé de craintes , de soupirs ,
Ne pouvoir séparer ses maux de ses plaisirs.
Les Nimphes sortent pour aller préparer
les Jeux ; Bacchus reste avec les
Menades et leurs Troupes , qui terminent
ce Prologue par un Choeur , dont
Voici les Vers : Hv..
796 MERCURE DE FRANCE
Dieu charmant , cedez la victoire ,
Si le fils de Venus vous appelle à sa Cour
On
i.
peut être amoureux et voler à la gloire L
Le loisir des Héros appartient à l'Amour..
·PREMIERE ENTREE.
Phedre et Ariane
Phedre se reproche son amour pour
Thésée qu'elle vient de lui découvrir ;
après l'avoir long- temps combattu et
caché ,elle rappelle à Thésée tout ce qu'Ariane
, dont il est aimé , a fait pour lui..
Elle déclare qu'elle va avouer à sa soeur
la trahison qu'elle lui a faite. Thésée
cherche à l'en détourner , il lui dit ::
D'un malheur qu'elle ignore ,
Fuyez le vain éclat ;
Vous ne lui rendrez qu'un ingrat,,
Et vous perdrez qui vous adore..
Ariane survient; elle annonce à Thésée
que Minos va rompre ses fers et accorder
la paix aux Athéniens. Elle ne voit plus
qu'un avenir heureux ; elle ne doute pas
que Minos apprenant leur amour ne con
sente à leur union . Thésée dans le trouble
que cette nouvelle lui cause , va joindre
le Roy qui l'attend ; et craignantque
Phedre ne parle à sa soeur comme elle
Pa
AVRIL 1733. 797
l'a projetté , il lui dit en sortant , sans
être entendu d'Ariane :
Si vous l'aimez ? laissez- lui - son erreur .
Les deux soeurs restent ensemble: Ariane
marque une confiance extrême dans
l'amitié de sa soeur pour elle ; elle craint
seulement que Phedre n'ayant jamais aimé
, ne regarde comme une foiblesse l'amour
qu'elle a pour Thiste. Elle ne conçoit
pas qu'on puisse n'avoir point d'amour.
Phedre qui marque l'intention
qu'elle a d'ouvrir les yeux à Ariane , luidit
, en parlant de l'Amour :
On porte au pied de ses Autels ,
Plus de regrets que de reconnoissance .
Mais Ariane aime de trop bonne foy
pour soupçonner son Amant. Phédre s'explique
plus clairement; elle nomme Thé
sée. Ariane toujours aveuglée par sa tendresse
, répond :
Il est sûr de mon coeur , il m'aimera toujours .
Le tendre penchant qu'il m'inspire ,
A sçu lui conserver le jour !
Ah ! quel plaisir , désormais je puis dire
Tous les momens où mon Amant respire ,
Sent l'ouvrage de mon amour.
Je dois vous dire , Monsieur , qu'il y
H vj avoit
798 MERCURE DE FRANCE
avoit dans ces Vers deux fautes de dica
tion tres- grossieres , et contre lesquelles
on s'est récrié avec beaucoup de justice.
Je reviens à mon Extrait :
Phedre enfin prend le parti de faire un
aveu ingénu à sa soeur ; mais le Roy arrive
avec Thésée , et Ariane ' n'entend et
ne voit plus que son Amant .
Après une fête en l'honneur de Thésée
, vainqueur du Minotaure , Minos
dit à Ariane qu'il sçait son amour pour
Thésée , il l'approuve par ces Vers :
L'amour n'est plus une foiblesse ,
Quand un Héros en est l'objet.
Et il les emmene pour préparer leur
Hyménée . Phédre qui reste seule , sent
alors des mouvemens qu'elle n'avoit
point éprouvez . Elle trouve que céder
son Amant pour ne point trahir sa soeur ,
eut été une consolation pour elle ; au lieu
que de le perdre par la volonté du Roy
uniquement , ne lui laisse que la douleur,
de voir sa rivale heureuse.
>
Thesée qui a laissé Ariane au Temple
de Venus , où elle prépare un Sacrifice
revient joindre Phedre; il cherche à augmenter
le trouble où il la trouve ; il lui
propose enfin de se rendre à la Cour du
Roy d'Athénes, son pere, qui verra avec
plaisir
AVRIL. 1733. 799
plaisir leur Hymenée. Phedre alors ne
connoît plus que ce qu'elle doit à la vertuj
elle dit à Thesée de fuir er de l'abandonner
: Thesée feint de se rendre
comme elle , aux droits du devoir . Il lui
dit qu'il va épouser Ariane ; que l'ayant
aimée , le noeud qui va les unir et le
temps rameneront cette premiere tendresse
; cette résolution apparente produit
par dégrés l'effet qu'il en attendoit .
Phedre le découvre par ces Vers :
Vous l'armeriez ? ah ! tout me désespere ,
Ma soeur , de quels transports mon coeur se sent
saisir ?
Quoi , n'ai-je plus de choix à faire ,
Que vous tromper , ou vous hair ?
On voit paroître alors des Prêtresses de
Venus : Thesée conjure Phédre de profiter
du seul moment qui leur reste,pour
s'éloigner , et la Scene finit par ces Vers :
Thesée .
Je meurs , si je vous perds : Prononcez ,
Phedre.
Je vous aime.
Ariane entre sur la Scene , précédée
des Prêtresses de Venus , qui commencent
des Jeux , et dans le moment où elle
se
800 MERCURE DE FRANCE
se livre davantage à l'espoir d'épouser 'ce'
qu'elle aime , elle apprend la trahison de
son Amant et de sa soeur ; elle apperçoit
de Navire qui les conduit et qui s'éloigne
et les Vers que voicy , qui sont à la fin
de son Monologue , terminent l'Acte .
Hélas ! de l'infidele ,
Avec tant de plaisir , j'avois sauvé les
jours.
Dieux ! quel en est le prix ? Il va vivre pour
elle ;
Mais tout sert leur fuite cruelle ,
Le Vaisseau disparoît : O com ble de malheurs !
Barbare , sois content , tu me trahis ? je meurs.
Il me reste , Monsieur , une remarque
à faire sur cet Acte. C'est le dégoût avec
fequel il fut reçu à la premiere Représentation
, depuis le départ de Phédre et .
de Thésée. Il n'avoit pas besoin , pour
produire cet effet - là , de l'ennui qu'y apporte
la Scene, qui parut tres-longue, où
Minos venoit apprendre à Ariane ses
malheurs.
L'action étoit finie au départ de Phédre
et de Thésée , mais le mal venoit de
plus loin encore. Comment intéresser
par un sujet aussi rebattu que celui d'A--
riane , quoique peut- être j'aye mis de las
nouveauté dans la maniere de le traiter ?
jai
AVRIL. 1733. 801
J'ai fort mal fait de la choisir. Pour réparer
une partie de mes torts , j'ai supprimé
cette malheureuse Scene de Minos ,
et cet Acte à
blement.
present est reçu
SECONDE ENTRE'E.
L'Amour et Psiché..
favora
Cet Acte , suivant l'ordre , annoncé
dans le Prologue , auroit dû être le dernier
, mais il a fallu le placer le second
pour éviter des difficultez dans l'exé
cution..
La Scene est dans l'Isle de Paphos .
Psiché , esclave de Venus , se croit oubliée
de l'Amour et cette crainte l'afflige
bien plus que les tourmens les tourmens que Venus lui
fait souffrir. L'Amour survient et la rassure.
Ils sont interrompus par Venus quiprécipite
Psiché aux Enfers.
Le jour de la premiere Représentation
de çet Acte, l'Amour en perdant Psiché ,
après un Monologue de déchaînement
contre sa mere , voïoit arriver du Ciel
un Jupiter , aussi peu secourable pour
lui , qu'il devenoit ennuyeux pour
Spectateur.
le
On m'a assuré que c'est le sort des
Jupiters, dans la plupart des Pieces où ils
sont
802 MERCURE DE FRANCE
sont employez , de déplaire souverainement
, et je puis dire que le mien a bien
confirmé cette destinée . J'ai donc étouffé
le Monstre dès son Berceau , il n'a
point paru à la seconde Représentation .
L'Amour dans un Monologue veut
d'abord détruire l'Empire de sa mere ;
mais bien-tôt il songe que de lui ôter
ses charmes n'est pas le moyen de l'appaiser.
Il a blessé Adonis pour elle , et
projette de la fléchir , à force de la rendre
heureuse.
N'employons que des soins flateurs ;
Cachons bien à Venus tout ce qui lui rappelle ,
Qu'elle est une Mortelle ,
Que lui préferent tous les coeurs ;
Le charmant Adonis que j'ai blessé pour elle ,
Peut seul adoucir ses fureurs ,
N'employons que des soins flateurs , &c
Ces soins ont successivement leur effet,
Venus et Adonis s'expliquent ; la Déesse
appelle les Bergers de Paphos pour celebrer
le choix qu'elle vient de faire.
Après la fête, Adonis transporté de son
bonheur , s'attendrit sur les persécutions
que Venus fait souffrir à un Dieu à qui il
a tant de graces à rendre. Il dit à la
Déesse :
Quel
7
AVRIL 803 1733.
Quel bonhenr l'Amour sçait répandre ,
Sur un coeur qu'il tient engagé !
Hélas ! ce Dieu charmant , par vous même ontragé
,
Cede à l'ennui qui le dévore ;
Eh ! comment s'en est - il vangé !
que vous aimez vous adore ; Ce
Rien n'ose vous troubler dans un bonheur si
doux .
Pourriez-vous bien le dérober encorè ,
A ces mêmes plaisirs qu'il a versez sur vous.
Alors Venus est trop heureuse pour
que la colere puisse avoir encore place
dans son coeur ; elle rappelle Psiché des
Enfers , et la rend à son Amant.
Psiché exprime à Venus par ces Vers,la
reconnoissance dont elle est pénétrée.
Ay-je pû vous faire une offense ?
Eh ! comment de Venus partager les honneurs ?
Consultez vos beaux yeux , lisez dans tous les
coeurs
Vous y verrez mon innocence .
La suite de Venus et de l'Amour vient
celebrer l'Hymenée de Psiché et de l'Amour.
Venus annonce enfin l'immortalité
de Psiché , par ce Choeur qui finit l'Acte.
Qu'une Divinité nouvelle
Jouisse parmi nous d'un éternel bonheur
Psiche
804 MERCURE DE FRANCE
Psiché , du Dieu d'Amour , sçait enchanter le
coeur ,
Elle est digne d'être immortelle.
Depuis les changemens , cet Acte a toujours
été reçu avec indulgence. L'idée
d'appaiser Venus pour la rendre extrêmement
heureuse , n'est dans aucun des
Auteurs qui ont écrit l'histoire de Psiché.
J'ai esperé qu'elle me feroit pardonner
d'avoir pris un sujet tant de fois traité.
F
TROISIEME ET DERNIERE
ENTRE'E .
Zelindor , Roy des Génies du feu.
Le Théatre représente le Palais du Génie.
Ismene , mortelle aimée du Génie ,
expose de sujet par ce Monologue.
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance ;-
Notre Hymen s'apprêtoit , quels étoient not
beaux jours ,
Lorsqu'un cruel Génie en termina le cours ?
Souveraine en ces lieux , où brille sa puissance ,
Ay-je un instant cessé de pleurer ton absence ?
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance.
Le reste du Monologue acheve d'expo
ser
AVRIL. 1733. 805
ser la fidelité qu'Ismene garde pour le
mortel dont elle est séparée.
Avant les changemens qui ont été
faits , le Génie, dans la Scene qui suivoit
ce Monologue , n'y étoit qu'un Amant
tres-tendre , mais rien ne marquoit en
lui le caractere de Génie .
J'ai cru devoir changer cette Scene ;
quoique le public cut paru recevoir cet
Acte avec le plus d'indulgence , et voicy
comme elle est depuis la cinquième Représentation
.
Zelindor arrive , Ismene veut l'éviter.
Il lui parle ainsi :
Arrêtes un moment : concevez l'esperance
Des destins glorieux que je viens vous offrir
Il est temps de vous découvrir ,
Quel est mon sort et ma puissance
L'instant où je suis aimé ,
De la beauté qui m'a charme,
Rend la jeunesse éternelle !
Aimez ; vous serez toujours belle.
Pour obtenir ce bien quel secret est plus doux !!
Aimez ; le don d'être immortelle
Est le seul que l'Amour n'ait point versé sur
vous.
Ismene paroît toujours aussi peu touchée
806 MERCURE DE FRANCE
chée des soins du Génie ; elle lui dit enfin
que la superiorité que lui donne sur
elle son pouvoir merveilleux , l'éloigne
de lui , et que s'il l'aimoit bien , il lui auroit
enseigné son art. Zélindor paroît
soupçonner ce reproche ; il montre à Ismene
une Urne qui est dans le fond du
Théatre .
Regardez cette Urne fidele ,
Par elle , je remplis tous les voeux que je fais ;
Elle peut tout sur moi , je ne puis rien sans elle ;
Ce secret que je vous revéle ,
M'assujettit moi- même à remplir vos souhaits
Zélindor la laisse seule avec PUrne. Is
méne s'empresse d'en éprouver le pouvoir
; elle demande que le Palais du Génie
s'évanouisse , et que celui où elle a reçu
la naissance paroisse. Elle est obéïe ; on
voit un Jardin , orné de Statues , et terminé
dans l'enfoncement par une Façade
'd'Architecture. Isméne n'est pas encore
assez assurée de son pouvoir sur l'Urne ;
elle ordonne que les Statues s'animent ;
à l'instant la Statue de l'Amour s'anime
la premiere , et va par ses pas et par ses
attitudes animer les autres Statues , qui
toutes forment une fête à l'honneur d'Isméne.
Voici un Canevas qu'on a trouvé extréAVRIL
: 1733. 807
rémement ingénieux ; je lui rends cette
justice , parce qu'il n'est pas de moi .C'est
ane Statue qui chante ces Vers , sur un
air qui vient d'être dansé .
Quel bonheur digne d'envie !
Tes voeux nous donnent la vie.
A ta voix ,
L'Univers change ;
Tout se range ,
Sous tes Loix.
7
Tout reconnoît ton Empire ,
Tu le veux , le marbre respire ;
Tes beaux yeux ,
Nous donnent l'être
Nous font naître
Sont nos Dieux .
Quel bonheur , &c.
Pour nos jours quel doux présage !
C'est l'ouvrage
De tes traits ;
De nos coeurs reçoi l'hommage ;
C'est le
gage
Des bienfaits .
Quel bonheur , &c.
Après la fête , Isméne s'addresse à
PUrne.
Remplis mes derniers voeux , c'est mon coeur
qui t'implore ;
Qui
808 MERCURE DE FRANCE
Sers - moi contre un Tyran , de mon bonheu
jaloux ,
Un mortel amoureux , devenoit mon Epoux ,
Accorde à mes regards , cet Amant que j'adore.
A peine a - t- elle achevé , qu'il paroît
un Char brillant de lumiere : Isméne
en voit sortir le Génie , sous l'habit qu'il
avoit lorsqu'il s'étoit présenté à elle , avec
les traits et le nom d'Alcidon . Ce qu'il lui
explique par ces Vers :
Aprenez mon destin; le Roy de la lumiere,
A qui je dois cet Empire et le jour,..
M'imposa la Loy sévére ,
D'éprouver , malgré- moi , la beauté qui m'est
chere ;
Sous les traits d'Alcidon j'eas le bonheur de
plaire ;
༄ རྞྞ་ །
Je vous transportai dans ma Cour,
C
A vos premiers sermens vous demeurez soumise;
Tant de constance immortalise ,
Votre beauté, vos feux et mon
งา
1 201
amour
Il appelle les Génies ' qui viennent
reconnoître leur Reine , er eelebrent son
immortalité par une fête qui termine
l'Actè.
Les changemens , Monsieur , que je
viens de vous exposer , n'existoient que
depuis
1733. 009
}
depuis la cinquiéme Représentation. Dans
mon premier Plan , Zélindor n'étoit point
à la fois le Génie et Alcidon ; Isméne demandoit
à l'Urne , ce mortel qu'elle aimoit.
Il paroissoit , et tandis qu'elle désiroit
d'être soustraite à la dépendance
du Génie,il venoit tout-à coup, et voyant
qu'il ne pouvoit être aimé d'Isméne , il
prenoit le parti de la rendre heureuse.
Voici les Vers qui terminoient l'Acte.
Par quelle erreur , hélas ! me laissois je ébloüir?
Messoins -vous outrageoient en cherchant à vous
#plaire ;
Du moins cessez de me hair.
En faveur de l'effort que mon coeur va se faire
Revoyez le séjour où tendent vos souhaits ;
Possedez de mon Art les plus heureux secrets ;
Conservez long - temps la jeunesse ;
Mon malheur vous a fait mépriser ma tendresse
,
Recevez du moins mes bienfaits.
Ce trait de générosité ne touchoit point
du tout ; on ne s'interroissoit point pour
Alcidon ; le Génie paroissoit plus aimable
; enfin , j'avois trouvé le moyen de
traiter assez mal un Sujet ingénieux , et
dont un autre eut , sans doute , fait un
meilleur usage. Un fort grand nombre
de personnes ont eu l'idée de faire qu'Alcidon
810 MERCURE DE FRANCE
cidon et le Génie ne fussent qu'une même
personne ; elles me l'ont communiquée
, et le conseil que m'a donné M.de
Voltaire de la suivre , m'a déterminé.
Ne croïez-pas, je vous prie, Monsieur,
que je présume , par les changemens que
j'ai faits , avoir remédié à toutes mes fautes.
Je ne m'attribuë point l'empressement
que le public a marqué pour toutes
les Représentations de ce Ballet; je sçai
que j'en dois rendre graces au mérite de
la Musique , et je dois le dire encore , à
l'Art et au zéle des Acteurs. J'ai l'hon
neur d'être , &c.
Nous croyons devoir remercier publiquement
M. de Moncrif , de l'honneur
et du plaisir qu'il nous fait de nous adresser
l'Extrait de son Poëme , avec l'aveu
modeste des défauts qui peuvent lui être
échappés ; le Public lui en sçaura sans doute
bon gré : Son exemple puisse- t- il être
suivi par ses Confreres . Il y a long - tems
que nous désirons ardemment qu'ils veuillent
faire ce petit sacrifice , qui ne leur
féroit point de tort. Nous les en avons
encore priez dans l'Avertissement , mis à
la tête du Mercure de Janvier de cette
année.
Au reste , la modestie de l'Auteur de
ce
T
"
AVRIL. 17337 811
J
ee Poëme nous engage à ne pas laisser
ignorer au Public
que fon
Ouvrage
est plein d'esprit , et fort orné de traits
fins et délicats .
Nous
parlerons plus au long des Représentations
de ce Ballet , et de la magnifique
et éclatante
Décoration du troisiéme
Acte.
sujet du Ballet Héroïque , intitulé : l'Empire
de l'Amour , représenté pour la
premiere fois au Théatre de l'Opéra , le
14 Avril 1733.
Ette Lettre , Monsieur contient
Extrait que vous avez bien voulu
me demander du Poëne Lirique que je
viens de donner au Public. Jy joins les
changemens qui y ont été faits depuis la
premiere Représentation ; j'en expose
motifs , c'est- à -dire , les mécontentemens
que le Public avoit témoignés , et par
conséquent mes torts .
les
Le Prologue se passe dans l'Isle de Naxos
; on voit dans le fond du Théatre un
Temple de Jupiter. Bacchus , environné
des Nimphes, à qui son enfance a été confiée
, les voit avec regret accablées d'une
extrême vieillesse qu'elles déplorent par
ces Vers :
Ne peux- t - on enchaîner le tems ?
Le cruel nous poursuit sans cesse :
Il fait de nos plus doux instans
Autant de pas vers la vieillesse
Bacchus invoque Jupiter ; il en est éxaucé;
il l'annonce aux Nimphes , qui mar-
Hiiij chent
794 MERCURE DE FRANCE
chent alors vers le Temple avec cette
langueur ordinaire à la vieillesse ; à peine
ont- elles embrassé la Statuë de Jupiter
, qu'elles sortent du Temple ayant
repris tous les attraits de la Jeunesse , dansant
et chantant autour de Bacchus , et
le mot de Plaisir est le premier qu'elles
prononcent.
La Fête des Nimphes rajeunies, est interrompue
par l'arrivée des Menades
des Baccantes et des Corybantes ; qui en
formant des Jeux , invitent Bacchus à
faire la conquête du monde. A la fin des
Jeux Bacchus déclare aux Nimphes qu'il
part pour aller répandre les Arts dont
il est l'Inventeur , et le reste de la Scene
qui se passe entre Autonoé , la principale
Nimphe , et lui , expose le sujet des trois
Entrées dont ce Ballet est composé.
Je veux ( dit Bacchus ) pour le bonheur du
monde >
Devenir le plus grand des Dieux.
Autonoé.
Helas ! il en est un qui des Dieux est le maî
tre ,
Enfant impérieux , l'Univers est sa Cour .
Votre repos et vos vertus peut- être ,
Dépendront de lui quelque jour !
Bac
AVRIL 1733 795 .
Bacchus.
Eh i quel est donc enfin ce Tyran !
Autonoé.
C'est l'Amour.
Bacchus.
Ne peut- on, en fuyant , échapper à ses armes ?
Autonoé.
Pour mieux braver l'Amour n'en prenés point
d'allarmes ;
Voyés tous ses bienfaits surpassés par ses
maux ,
L'éloignement ne sert qu'à nous montrer ses
charmes
Et nous tromper sur ses deffauts.
Avant que vous quittés Naxos ,
Nous allons dans nos Jeux peindre sa tyranie
,
Vous le verrés ternir la gloire d'un Heros ;
Tromper l'art enchanteur du plus puissang
génie ,
Et lui- même troublé de craintes , de soupirs ,
Ne pouvoir séparer ses maux de ses plaisirs.
Les Nimphes sortent pour aller préparer
les Jeux ; Bacchus reste avec les
Menades et leurs Troupes , qui terminent
ce Prologue par un Choeur , dont
Voici les Vers : Hv..
796 MERCURE DE FRANCE
Dieu charmant , cedez la victoire ,
Si le fils de Venus vous appelle à sa Cour
On
i.
peut être amoureux et voler à la gloire L
Le loisir des Héros appartient à l'Amour..
·PREMIERE ENTREE.
Phedre et Ariane
Phedre se reproche son amour pour
Thésée qu'elle vient de lui découvrir ;
après l'avoir long- temps combattu et
caché ,elle rappelle à Thésée tout ce qu'Ariane
, dont il est aimé , a fait pour lui..
Elle déclare qu'elle va avouer à sa soeur
la trahison qu'elle lui a faite. Thésée
cherche à l'en détourner , il lui dit ::
D'un malheur qu'elle ignore ,
Fuyez le vain éclat ;
Vous ne lui rendrez qu'un ingrat,,
Et vous perdrez qui vous adore..
Ariane survient; elle annonce à Thésée
que Minos va rompre ses fers et accorder
la paix aux Athéniens. Elle ne voit plus
qu'un avenir heureux ; elle ne doute pas
que Minos apprenant leur amour ne con
sente à leur union . Thésée dans le trouble
que cette nouvelle lui cause , va joindre
le Roy qui l'attend ; et craignantque
Phedre ne parle à sa soeur comme elle
Pa
AVRIL 1733. 797
l'a projetté , il lui dit en sortant , sans
être entendu d'Ariane :
Si vous l'aimez ? laissez- lui - son erreur .
Les deux soeurs restent ensemble: Ariane
marque une confiance extrême dans
l'amitié de sa soeur pour elle ; elle craint
seulement que Phedre n'ayant jamais aimé
, ne regarde comme une foiblesse l'amour
qu'elle a pour Thiste. Elle ne conçoit
pas qu'on puisse n'avoir point d'amour.
Phedre qui marque l'intention
qu'elle a d'ouvrir les yeux à Ariane , luidit
, en parlant de l'Amour :
On porte au pied de ses Autels ,
Plus de regrets que de reconnoissance .
Mais Ariane aime de trop bonne foy
pour soupçonner son Amant. Phédre s'explique
plus clairement; elle nomme Thé
sée. Ariane toujours aveuglée par sa tendresse
, répond :
Il est sûr de mon coeur , il m'aimera toujours .
Le tendre penchant qu'il m'inspire ,
A sçu lui conserver le jour !
Ah ! quel plaisir , désormais je puis dire
Tous les momens où mon Amant respire ,
Sent l'ouvrage de mon amour.
Je dois vous dire , Monsieur , qu'il y
H vj avoit
798 MERCURE DE FRANCE
avoit dans ces Vers deux fautes de dica
tion tres- grossieres , et contre lesquelles
on s'est récrié avec beaucoup de justice.
Je reviens à mon Extrait :
Phedre enfin prend le parti de faire un
aveu ingénu à sa soeur ; mais le Roy arrive
avec Thésée , et Ariane ' n'entend et
ne voit plus que son Amant .
Après une fête en l'honneur de Thésée
, vainqueur du Minotaure , Minos
dit à Ariane qu'il sçait son amour pour
Thésée , il l'approuve par ces Vers :
L'amour n'est plus une foiblesse ,
Quand un Héros en est l'objet.
Et il les emmene pour préparer leur
Hyménée . Phédre qui reste seule , sent
alors des mouvemens qu'elle n'avoit
point éprouvez . Elle trouve que céder
son Amant pour ne point trahir sa soeur ,
eut été une consolation pour elle ; au lieu
que de le perdre par la volonté du Roy
uniquement , ne lui laisse que la douleur,
de voir sa rivale heureuse.
>
Thesée qui a laissé Ariane au Temple
de Venus , où elle prépare un Sacrifice
revient joindre Phedre; il cherche à augmenter
le trouble où il la trouve ; il lui
propose enfin de se rendre à la Cour du
Roy d'Athénes, son pere, qui verra avec
plaisir
AVRIL. 1733. 799
plaisir leur Hymenée. Phedre alors ne
connoît plus que ce qu'elle doit à la vertuj
elle dit à Thesée de fuir er de l'abandonner
: Thesée feint de se rendre
comme elle , aux droits du devoir . Il lui
dit qu'il va épouser Ariane ; que l'ayant
aimée , le noeud qui va les unir et le
temps rameneront cette premiere tendresse
; cette résolution apparente produit
par dégrés l'effet qu'il en attendoit .
Phedre le découvre par ces Vers :
Vous l'armeriez ? ah ! tout me désespere ,
Ma soeur , de quels transports mon coeur se sent
saisir ?
Quoi , n'ai-je plus de choix à faire ,
Que vous tromper , ou vous hair ?
On voit paroître alors des Prêtresses de
Venus : Thesée conjure Phédre de profiter
du seul moment qui leur reste,pour
s'éloigner , et la Scene finit par ces Vers :
Thesée .
Je meurs , si je vous perds : Prononcez ,
Phedre.
Je vous aime.
Ariane entre sur la Scene , précédée
des Prêtresses de Venus , qui commencent
des Jeux , et dans le moment où elle
se
800 MERCURE DE FRANCE
se livre davantage à l'espoir d'épouser 'ce'
qu'elle aime , elle apprend la trahison de
son Amant et de sa soeur ; elle apperçoit
de Navire qui les conduit et qui s'éloigne
et les Vers que voicy , qui sont à la fin
de son Monologue , terminent l'Acte .
Hélas ! de l'infidele ,
Avec tant de plaisir , j'avois sauvé les
jours.
Dieux ! quel en est le prix ? Il va vivre pour
elle ;
Mais tout sert leur fuite cruelle ,
Le Vaisseau disparoît : O com ble de malheurs !
Barbare , sois content , tu me trahis ? je meurs.
Il me reste , Monsieur , une remarque
à faire sur cet Acte. C'est le dégoût avec
fequel il fut reçu à la premiere Représentation
, depuis le départ de Phédre et .
de Thésée. Il n'avoit pas besoin , pour
produire cet effet - là , de l'ennui qu'y apporte
la Scene, qui parut tres-longue, où
Minos venoit apprendre à Ariane ses
malheurs.
L'action étoit finie au départ de Phédre
et de Thésée , mais le mal venoit de
plus loin encore. Comment intéresser
par un sujet aussi rebattu que celui d'A--
riane , quoique peut- être j'aye mis de las
nouveauté dans la maniere de le traiter ?
jai
AVRIL. 1733. 801
J'ai fort mal fait de la choisir. Pour réparer
une partie de mes torts , j'ai supprimé
cette malheureuse Scene de Minos ,
et cet Acte à
blement.
present est reçu
SECONDE ENTRE'E.
L'Amour et Psiché..
favora
Cet Acte , suivant l'ordre , annoncé
dans le Prologue , auroit dû être le dernier
, mais il a fallu le placer le second
pour éviter des difficultez dans l'exé
cution..
La Scene est dans l'Isle de Paphos .
Psiché , esclave de Venus , se croit oubliée
de l'Amour et cette crainte l'afflige
bien plus que les tourmens les tourmens que Venus lui
fait souffrir. L'Amour survient et la rassure.
Ils sont interrompus par Venus quiprécipite
Psiché aux Enfers.
Le jour de la premiere Représentation
de çet Acte, l'Amour en perdant Psiché ,
après un Monologue de déchaînement
contre sa mere , voïoit arriver du Ciel
un Jupiter , aussi peu secourable pour
lui , qu'il devenoit ennuyeux pour
Spectateur.
le
On m'a assuré que c'est le sort des
Jupiters, dans la plupart des Pieces où ils
sont
802 MERCURE DE FRANCE
sont employez , de déplaire souverainement
, et je puis dire que le mien a bien
confirmé cette destinée . J'ai donc étouffé
le Monstre dès son Berceau , il n'a
point paru à la seconde Représentation .
L'Amour dans un Monologue veut
d'abord détruire l'Empire de sa mere ;
mais bien-tôt il songe que de lui ôter
ses charmes n'est pas le moyen de l'appaiser.
Il a blessé Adonis pour elle , et
projette de la fléchir , à force de la rendre
heureuse.
N'employons que des soins flateurs ;
Cachons bien à Venus tout ce qui lui rappelle ,
Qu'elle est une Mortelle ,
Que lui préferent tous les coeurs ;
Le charmant Adonis que j'ai blessé pour elle ,
Peut seul adoucir ses fureurs ,
N'employons que des soins flateurs , &c
Ces soins ont successivement leur effet,
Venus et Adonis s'expliquent ; la Déesse
appelle les Bergers de Paphos pour celebrer
le choix qu'elle vient de faire.
Après la fête, Adonis transporté de son
bonheur , s'attendrit sur les persécutions
que Venus fait souffrir à un Dieu à qui il
a tant de graces à rendre. Il dit à la
Déesse :
Quel
7
AVRIL 803 1733.
Quel bonhenr l'Amour sçait répandre ,
Sur un coeur qu'il tient engagé !
Hélas ! ce Dieu charmant , par vous même ontragé
,
Cede à l'ennui qui le dévore ;
Eh ! comment s'en est - il vangé !
que vous aimez vous adore ; Ce
Rien n'ose vous troubler dans un bonheur si
doux .
Pourriez-vous bien le dérober encorè ,
A ces mêmes plaisirs qu'il a versez sur vous.
Alors Venus est trop heureuse pour
que la colere puisse avoir encore place
dans son coeur ; elle rappelle Psiché des
Enfers , et la rend à son Amant.
Psiché exprime à Venus par ces Vers,la
reconnoissance dont elle est pénétrée.
Ay-je pû vous faire une offense ?
Eh ! comment de Venus partager les honneurs ?
Consultez vos beaux yeux , lisez dans tous les
coeurs
Vous y verrez mon innocence .
La suite de Venus et de l'Amour vient
celebrer l'Hymenée de Psiché et de l'Amour.
Venus annonce enfin l'immortalité
de Psiché , par ce Choeur qui finit l'Acte.
Qu'une Divinité nouvelle
Jouisse parmi nous d'un éternel bonheur
Psiche
804 MERCURE DE FRANCE
Psiché , du Dieu d'Amour , sçait enchanter le
coeur ,
Elle est digne d'être immortelle.
Depuis les changemens , cet Acte a toujours
été reçu avec indulgence. L'idée
d'appaiser Venus pour la rendre extrêmement
heureuse , n'est dans aucun des
Auteurs qui ont écrit l'histoire de Psiché.
J'ai esperé qu'elle me feroit pardonner
d'avoir pris un sujet tant de fois traité.
F
TROISIEME ET DERNIERE
ENTRE'E .
Zelindor , Roy des Génies du feu.
Le Théatre représente le Palais du Génie.
Ismene , mortelle aimée du Génie ,
expose de sujet par ce Monologue.
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance ;-
Notre Hymen s'apprêtoit , quels étoient not
beaux jours ,
Lorsqu'un cruel Génie en termina le cours ?
Souveraine en ces lieux , où brille sa puissance ,
Ay-je un instant cessé de pleurer ton absence ?
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance.
Le reste du Monologue acheve d'expo
ser
AVRIL. 1733. 805
ser la fidelité qu'Ismene garde pour le
mortel dont elle est séparée.
Avant les changemens qui ont été
faits , le Génie, dans la Scene qui suivoit
ce Monologue , n'y étoit qu'un Amant
tres-tendre , mais rien ne marquoit en
lui le caractere de Génie .
J'ai cru devoir changer cette Scene ;
quoique le public cut paru recevoir cet
Acte avec le plus d'indulgence , et voicy
comme elle est depuis la cinquième Représentation
.
Zelindor arrive , Ismene veut l'éviter.
Il lui parle ainsi :
Arrêtes un moment : concevez l'esperance
Des destins glorieux que je viens vous offrir
Il est temps de vous découvrir ,
Quel est mon sort et ma puissance
L'instant où je suis aimé ,
De la beauté qui m'a charme,
Rend la jeunesse éternelle !
Aimez ; vous serez toujours belle.
Pour obtenir ce bien quel secret est plus doux !!
Aimez ; le don d'être immortelle
Est le seul que l'Amour n'ait point versé sur
vous.
Ismene paroît toujours aussi peu touchée
806 MERCURE DE FRANCE
chée des soins du Génie ; elle lui dit enfin
que la superiorité que lui donne sur
elle son pouvoir merveilleux , l'éloigne
de lui , et que s'il l'aimoit bien , il lui auroit
enseigné son art. Zélindor paroît
soupçonner ce reproche ; il montre à Ismene
une Urne qui est dans le fond du
Théatre .
Regardez cette Urne fidele ,
Par elle , je remplis tous les voeux que je fais ;
Elle peut tout sur moi , je ne puis rien sans elle ;
Ce secret que je vous revéle ,
M'assujettit moi- même à remplir vos souhaits
Zélindor la laisse seule avec PUrne. Is
méne s'empresse d'en éprouver le pouvoir
; elle demande que le Palais du Génie
s'évanouisse , et que celui où elle a reçu
la naissance paroisse. Elle est obéïe ; on
voit un Jardin , orné de Statues , et terminé
dans l'enfoncement par une Façade
'd'Architecture. Isméne n'est pas encore
assez assurée de son pouvoir sur l'Urne ;
elle ordonne que les Statues s'animent ;
à l'instant la Statue de l'Amour s'anime
la premiere , et va par ses pas et par ses
attitudes animer les autres Statues , qui
toutes forment une fête à l'honneur d'Isméne.
Voici un Canevas qu'on a trouvé extréAVRIL
: 1733. 807
rémement ingénieux ; je lui rends cette
justice , parce qu'il n'est pas de moi .C'est
ane Statue qui chante ces Vers , sur un
air qui vient d'être dansé .
Quel bonheur digne d'envie !
Tes voeux nous donnent la vie.
A ta voix ,
L'Univers change ;
Tout se range ,
Sous tes Loix.
7
Tout reconnoît ton Empire ,
Tu le veux , le marbre respire ;
Tes beaux yeux ,
Nous donnent l'être
Nous font naître
Sont nos Dieux .
Quel bonheur , &c.
Pour nos jours quel doux présage !
C'est l'ouvrage
De tes traits ;
De nos coeurs reçoi l'hommage ;
C'est le
gage
Des bienfaits .
Quel bonheur , &c.
Après la fête , Isméne s'addresse à
PUrne.
Remplis mes derniers voeux , c'est mon coeur
qui t'implore ;
Qui
808 MERCURE DE FRANCE
Sers - moi contre un Tyran , de mon bonheu
jaloux ,
Un mortel amoureux , devenoit mon Epoux ,
Accorde à mes regards , cet Amant que j'adore.
A peine a - t- elle achevé , qu'il paroît
un Char brillant de lumiere : Isméne
en voit sortir le Génie , sous l'habit qu'il
avoit lorsqu'il s'étoit présenté à elle , avec
les traits et le nom d'Alcidon . Ce qu'il lui
explique par ces Vers :
Aprenez mon destin; le Roy de la lumiere,
A qui je dois cet Empire et le jour,..
M'imposa la Loy sévére ,
D'éprouver , malgré- moi , la beauté qui m'est
chere ;
Sous les traits d'Alcidon j'eas le bonheur de
plaire ;
༄ རྞྞ་ །
Je vous transportai dans ma Cour,
C
A vos premiers sermens vous demeurez soumise;
Tant de constance immortalise ,
Votre beauté, vos feux et mon
งา
1 201
amour
Il appelle les Génies ' qui viennent
reconnoître leur Reine , er eelebrent son
immortalité par une fête qui termine
l'Actè.
Les changemens , Monsieur , que je
viens de vous exposer , n'existoient que
depuis
1733. 009
}
depuis la cinquiéme Représentation. Dans
mon premier Plan , Zélindor n'étoit point
à la fois le Génie et Alcidon ; Isméne demandoit
à l'Urne , ce mortel qu'elle aimoit.
Il paroissoit , et tandis qu'elle désiroit
d'être soustraite à la dépendance
du Génie,il venoit tout-à coup, et voyant
qu'il ne pouvoit être aimé d'Isméne , il
prenoit le parti de la rendre heureuse.
Voici les Vers qui terminoient l'Acte.
Par quelle erreur , hélas ! me laissois je ébloüir?
Messoins -vous outrageoient en cherchant à vous
#plaire ;
Du moins cessez de me hair.
En faveur de l'effort que mon coeur va se faire
Revoyez le séjour où tendent vos souhaits ;
Possedez de mon Art les plus heureux secrets ;
Conservez long - temps la jeunesse ;
Mon malheur vous a fait mépriser ma tendresse
,
Recevez du moins mes bienfaits.
Ce trait de générosité ne touchoit point
du tout ; on ne s'interroissoit point pour
Alcidon ; le Génie paroissoit plus aimable
; enfin , j'avois trouvé le moyen de
traiter assez mal un Sujet ingénieux , et
dont un autre eut , sans doute , fait un
meilleur usage. Un fort grand nombre
de personnes ont eu l'idée de faire qu'Alcidon
810 MERCURE DE FRANCE
cidon et le Génie ne fussent qu'une même
personne ; elles me l'ont communiquée
, et le conseil que m'a donné M.de
Voltaire de la suivre , m'a déterminé.
Ne croïez-pas, je vous prie, Monsieur,
que je présume , par les changemens que
j'ai faits , avoir remédié à toutes mes fautes.
Je ne m'attribuë point l'empressement
que le public a marqué pour toutes
les Représentations de ce Ballet; je sçai
que j'en dois rendre graces au mérite de
la Musique , et je dois le dire encore , à
l'Art et au zéle des Acteurs. J'ai l'hon
neur d'être , &c.
Nous croyons devoir remercier publiquement
M. de Moncrif , de l'honneur
et du plaisir qu'il nous fait de nous adresser
l'Extrait de son Poëme , avec l'aveu
modeste des défauts qui peuvent lui être
échappés ; le Public lui en sçaura sans doute
bon gré : Son exemple puisse- t- il être
suivi par ses Confreres . Il y a long - tems
que nous désirons ardemment qu'ils veuillent
faire ce petit sacrifice , qui ne leur
féroit point de tort. Nous les en avons
encore priez dans l'Avertissement , mis à
la tête du Mercure de Janvier de cette
année.
Au reste , la modestie de l'Auteur de
ce
T
"
AVRIL. 17337 811
J
ee Poëme nous engage à ne pas laisser
ignorer au Public
que fon
Ouvrage
est plein d'esprit , et fort orné de traits
fins et délicats .
Nous
parlerons plus au long des Représentations
de ce Ballet , et de la magnifique
et éclatante
Décoration du troisiéme
Acte.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure, au sujet du Ballet Héroïque, intitulé : l'Empire de l'Amour, représenté pour la premiere fois au Théatre de l'Opéra, le 14 Avril 1733.
La lettre traite du ballet héroïque 'L'Empire de l'Amour', représenté pour la première fois à l'Opéra le 14 avril 1733. L'auteur inclut des extraits du poème lyrique et les modifications apportées après la première représentation en réponse aux mécontentements du public. Le prologue se déroule sur l'île de Naxos, où Bacchus, entouré de nymphes vieillissantes, invoque Jupiter pour leur redonner jeunesse. Les nymphes rajeunies célèbrent leur transformation, mais leur fête est interrompue par l'arrivée des ménades, des bacchantes et des corybantes, qui invitent Bacchus à conquérir le monde. Bacchus annonce son départ pour répandre les arts et expose le sujet des trois entrées du ballet. Autonoé, la principale nymphe, met en garde Bacchus contre l'Amour, qu'elle décrit comme un tyran. La première entrée met en scène Phèdre et Ariane. Phèdre avoue son amour pour Thésée à ce dernier, puis décide de révéler sa trahison à Ariane. Thésée tente de l'en dissuader. Ariane, ignorante de la trahison, exprime sa confiance en l'amitié de Phèdre. Phèdre finit par avouer son amour à Ariane, mais l'arrivée de Thésée et du roi Minos interrompt leur conversation. Minos approuve l'amour d'Ariane et de Thésée et les emmène préparer leur hyménée. Phèdre, restée seule, ressent une douleur intense. Thésée propose à Phèdre de fuir avec lui, mais elle refuse, préférant sacrifier son amour pour éviter la trahison. La scène se termine par l'arrivée d'Ariane, qui découvre la trahison de Thésée et de Phèdre. La deuxième entrée raconte l'histoire de l'Amour et Psyché. Psyché, esclave de Vénus, est rassurée par l'Amour, mais Vénus la précipite aux Enfers. L'Amour décide de fléchir Vénus en la rendant heureuse. Il utilise Adonis pour adoucir les fureurs de Vénus. Après une fête, Vénus rappelle Psyché des Enfers et la rend à son amant. Psyché exprime sa reconnaissance à Vénus, et l'hyménée de Psyché et de l'Amour est célébré. Vénus annonce l'immortalité de Psyché. La troisième et dernière entrée présente Zelindor, roi des génies du feu. Ismène, une mortelle aimée du génie Alcidon, exprime sa fidélité malgré leur séparation. Zelindor arrive et offre à Ismène l'éternelle jeunesse en échange de son amour. Ismène, déçue par l'absence de soins du Génie, reproche à Zélindor de ne pas lui avoir enseigné son art. Zélindor lui montre une Urne magique capable d'exaucer tous les vœux. Ismène utilise l'Urne pour faire disparaître le palais du Génie et faire apparaître son propre palais natal, animant ensuite des statues pour célébrer sa puissance. Après une fête en son honneur, Ismène demande à l'Urne de lui apporter l'amant qu'elle adore. Le Génie apparaît alors sous les traits d'Alcidon, expliquant qu'il a dû tester la fidélité d'Ismène. La pièce se termine par une célébration de l'immortalité d'Ismène. Le texte mentionne également des modifications apportées à la pièce après la cinquième représentation en 1733. Initialement, Zélindor n'était pas à la fois le Génie et Alcidon, et la fin de l'acte était différente. L'auteur, M. de Moncrif, reconnaît les défauts de sa pièce et attribue le succès des représentations à la musique et aux acteurs. Il exprime sa gratitude pour les conseils reçus, notamment de M. de Voltaire. Le Mercure de France loue l'esprit et les traits fins du poème de Moncrif.
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340
p. 995-997
LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
Début :
Viens, mon aimable Bergere, [...]
Mots clefs :
Pastourelle, Philis, Yeux, Champs, Amour, Coeur, Feux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
LA PASTOURELLE.
COVPLETS.
A Mlle * * * sous le nom de Philis,
Iejns,
mon aimableBergere,
Aves moi dans nos Forêtsj
Allons-y prendre le frais,
Dessus la verte fougere ;
Et que les tendres Zéphirs,
Y rtpettent nos soupirs.
m
Intends-tu la Tourterelle,
Qui gémit sur cet Ormeau?
Ce n'est point d'un feu nouveauj
Dont brule son coeur fîdcllej
Suivons tous deux leur amour,
Jusqu'à notre dernier jour.
m
Ce Ruisseau dans ce Boccage ,
tDe tes yeux est amoureux ; comme moi plci"" de feux, Murmurç
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
COVPLETS.
A Mlle * * * sous le nom de Philis,
Iejns,
mon aimableBergere,
Aves moi dans nos Forêtsj
Allons-y prendre le frais,
Dessus la verte fougere ;
Et que les tendres Zéphirs,
Y rtpettent nos soupirs.
m
Intends-tu la Tourterelle,
Qui gémit sur cet Ormeau?
Ce n'est point d'un feu nouveauj
Dont brule son coeur fîdcllej
Suivons tous deux leur amour,
Jusqu'à notre dernier jour.
m
Ce Ruisseau dans ce Boccage ,
tDe tes yeux est amoureux ; comme moi plci"" de feux, Murmurç
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
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Résumé : LA PASTOURELLE. COUPLETS. A Mlle *** sous le nom de Philis.
La 'Pastourelle' est un poème adressé à une jeune fille nommée Philis. Le narrateur l'invite à se promener dans les forêts pour profiter de la fraîcheur et écouter les soupirs portés par les zéphyrs. Il compare leur amour à celui des tourterelles et exprime son désir de fidélité jusqu'à la fin de leurs jours. Le ruisseau et les échos dans la forêt semblent murmurer des déclarations d'amour, soulignant la constance de son affection. Le narrateur entend également Silvandre, un autre berger, soupirer au fond du bois, et l'écho répète ses plaintes à cause de ses rivaux. Il propose de graver leurs noms sur les écorces vertes pour symboliser leur amour éternel. Le poème célèbre la beauté de Philis, qui attire les fleurs et les divinités printanières. Il exprime l'espoir que leur amour chaste et fidèle soit protégé par le ciel et que les troupeaux de Philis soient à l'abri des dangers. Enfin, il souhaite que leur amour dure aussi longtemps que la nature elle-même.
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341
p. 1062-1064
STANCES.
Début :
Depuis qu'à votre Amant vous daignâtes apprendre, [...]
Mots clefs :
Coeur, Grâces, Amour, Amant, Plaisir, Bonheur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
Epuis qu'à votre Amant vous daignâtes
apprendre ',
Qu'il pouvoit se flatter du bonheur d'être aimé,
Quoique' brûlant déja de l'ardeur la plus tendre,
Mon coeur , belle Philis , en fut plus enflammé.
1. Vol. Que
JUIN. 1733. 1063
de Que de Graces alors vous rendoient adorable !
Que de nouveaux attraits ! d'Eclat !
que
feux !
que
Depuis cet heureux jour , vous êtes plus aimable
;
Depuis cet heureux jour , je suis plus amoureux.
La Déesse d'Amour , étale moins de charmes ,
Quand on voit s'empresser les graces sur ses
pas ,
Ou que Mars à ses pieds vient déposer ses Armes
,
Pour cueillir sur ses lys , le prix de ses combats,
Mon coeur est désormais exempt d'inquié
tude ;
Aucun soupçon jaloux ne trouble mon repos ;
Je cherche quelquefois encor la solitude ;
Mais c'est pour annoncer mon bonheur aux
Echos,
A tous ces maux affreux , qu'Amour traîne à sa
suite ,
Dans mon coeur étonné d'un si doux change
ment ,
Succede sans douleur une flamme subite ;
Et le plaisir tout seul est fait pour votre Amant,
Qüi , graces à Phillis , plein d'une vive joïe ,
1. Vol Je
1064 MERCURE DE FRANCE
Je ne sentirai plus que le plaisir d'amour ,
Mon coeur
proye ,
à ses tourmens ne fut que trop en
Mais ils en sont enfin exilez sans retour.
Epuis qu'à votre Amant vous daignâtes
apprendre ',
Qu'il pouvoit se flatter du bonheur d'être aimé,
Quoique' brûlant déja de l'ardeur la plus tendre,
Mon coeur , belle Philis , en fut plus enflammé.
1. Vol. Que
JUIN. 1733. 1063
de Que de Graces alors vous rendoient adorable !
Que de nouveaux attraits ! d'Eclat !
que
feux !
que
Depuis cet heureux jour , vous êtes plus aimable
;
Depuis cet heureux jour , je suis plus amoureux.
La Déesse d'Amour , étale moins de charmes ,
Quand on voit s'empresser les graces sur ses
pas ,
Ou que Mars à ses pieds vient déposer ses Armes
,
Pour cueillir sur ses lys , le prix de ses combats,
Mon coeur est désormais exempt d'inquié
tude ;
Aucun soupçon jaloux ne trouble mon repos ;
Je cherche quelquefois encor la solitude ;
Mais c'est pour annoncer mon bonheur aux
Echos,
A tous ces maux affreux , qu'Amour traîne à sa
suite ,
Dans mon coeur étonné d'un si doux change
ment ,
Succede sans douleur une flamme subite ;
Et le plaisir tout seul est fait pour votre Amant,
Qüi , graces à Phillis , plein d'une vive joïe ,
1. Vol Je
1064 MERCURE DE FRANCE
Je ne sentirai plus que le plaisir d'amour ,
Mon coeur
proye ,
à ses tourmens ne fut que trop en
Mais ils en sont enfin exilez sans retour.
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Résumé : STANCES.
Le poème 'Stances' est écrit en juin 1733. Le narrateur y exprime sa joie après avoir découvert que Philis l'aime. Depuis cet instant, il la trouve plus adorable et aimable, et se sent plus amoureux. Il compare Philis à la déesse de l'amour, soulignant qu'elle incarne davantage de charmes et de grâce. Le narrateur se réjouit de ne plus ressentir d'inquiétude ou de jalousie. Même lorsqu'il cherche la solitude, c'est pour célébrer son bonheur. Il décrit une transformation dans son cœur, où une flamme subite remplace les maux habituels associés à l'amour. Grâce à Philis, il ne ressent plus que le plaisir de l'amour, et ses tourments passés sont désormais exilés sans retour.
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342
p. 1097-1100
MEPRISE DE L'AMOUR, A Mlle de Séricourt.
Début :
Tandis qu'à vos genoux, adorable Sylvie, [...]
Mots clefs :
Amour, Vol, Sylvie, Projets, Amant, Méprise
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEPRISE DE L'AMOUR, A Mlle de Séricourt.
MEPRISE DE L'AMOUR ,
T
A Mlle de Séricourt.
1
Andis qu'à vos genour adorable Sylul
vie
J'exprimois les transports de mon coeur amoureux
,
1. Vol. Le C iiij
1098 MERCURE DE FRANCE
Le Dieu de Cithere eut envie
D'être témoin de l'ardeur de mes feux ;
Le voilà donc de la partie
Qui n'auroit crû que j'allois être heureux ?
Mais , helas ! vain espoir d'un - Amant qui se '
flatte ,
Rien ne peut attendrir votre inhumanité ,
L'Amour dont le pouvoir sur les Dieux même
éclate ,
Semble perdre les droits de sa Divinité ,
i Et dès qu'à ma vive tendresse ,
Sa clémence s'interesse ,
Il n'a plus d'autorité .
Lorsque voulant soulager mon martire ,
Par de nouveaux dédains il se voit outrager,
Indigné de vous voir mépriser son Empire ,
Et les doux fers dont il veut vous charger ,
Il prend un trait , bande son arc , et tire
Dans le dessein de se vanger.
Mais c'est en vain , cette fléche incertaine
Qui vous fût destinée , adorable Inhumaine
Nous trompa tous deux tour à tour.
Elle vint me percer d'une atteinte soudaine ,
Et sans servir les projets de l'Amour ,
Ne fit que redoubler ma peine.
De sa méprise interdit et confus ,
Cupidon vers Paphos vole avec diligence ,
1. Vol.
Pour
JUIN. 1733 .
1099
Pour y méditer la vengeance
Des affronts qu'il a reçûs.
L'aimable Reine de Cythere , '
Pour appaiser sa colere ,
Vient en vain le caresser
Dans les Forêts d'Amathonte ,
Il va cacher la honte
De n'avoir pû vous blesser.
C'est là que dans ces lieux consacrez à sa
gloire ,
Il a juré sur ses Autels ,
De remporter sur vous une illustre vice
toire ,
Et d'effacer jusques à la mémoire
De tous vos dédains criminels.
› En vain tâcherez-vous d'éluder sa poursuite
,
L'Amour , belle Sylvie , est plus subtil que
nous ,
Notre résistance l'irrite ,
Ce n'est qu'en se rendant qu'on fléchit son courroux.
Quand il éxige un Sacrifice"
Le coeur le plus cruel devient tendre et sou
mis ,
Et par un bizarre caprice ,
Souvent d'une Lucrece il fait une Laïs.
Sous des images
trompeuses ,
I. Vol. Cv Quand
1100 MERCURE DE FRANCE
Quand il lui plaît , il captive les coeurs ;
On vît jadis des beautez dédaigneuses
Au souverain des Dieux refuser leurs faveurs
;
Mais quittant de son rang les marques précieuses
>
Sous les formes les plus hideuses,
Le même Jupiter , fléchissoit leurs rigueurs.
Prévenés , belle Sylvie ,
Tous les projets de l'Amour ,
Et de sa bizarerie ,
N'attendez pas le retour
Sacrifiés au Dieu qui vous l'ordonne ;
Croyez-en un Ámant qui ressentît ses coups
> Et qui pour prix du conseil qu'il vous donne ,
N'aspire qu'au plaisir de le suivre avec vous.
Par René Soumard des Forges.
T
A Mlle de Séricourt.
1
Andis qu'à vos genour adorable Sylul
vie
J'exprimois les transports de mon coeur amoureux
,
1. Vol. Le C iiij
1098 MERCURE DE FRANCE
Le Dieu de Cithere eut envie
D'être témoin de l'ardeur de mes feux ;
Le voilà donc de la partie
Qui n'auroit crû que j'allois être heureux ?
Mais , helas ! vain espoir d'un - Amant qui se '
flatte ,
Rien ne peut attendrir votre inhumanité ,
L'Amour dont le pouvoir sur les Dieux même
éclate ,
Semble perdre les droits de sa Divinité ,
i Et dès qu'à ma vive tendresse ,
Sa clémence s'interesse ,
Il n'a plus d'autorité .
Lorsque voulant soulager mon martire ,
Par de nouveaux dédains il se voit outrager,
Indigné de vous voir mépriser son Empire ,
Et les doux fers dont il veut vous charger ,
Il prend un trait , bande son arc , et tire
Dans le dessein de se vanger.
Mais c'est en vain , cette fléche incertaine
Qui vous fût destinée , adorable Inhumaine
Nous trompa tous deux tour à tour.
Elle vint me percer d'une atteinte soudaine ,
Et sans servir les projets de l'Amour ,
Ne fit que redoubler ma peine.
De sa méprise interdit et confus ,
Cupidon vers Paphos vole avec diligence ,
1. Vol.
Pour
JUIN. 1733 .
1099
Pour y méditer la vengeance
Des affronts qu'il a reçûs.
L'aimable Reine de Cythere , '
Pour appaiser sa colere ,
Vient en vain le caresser
Dans les Forêts d'Amathonte ,
Il va cacher la honte
De n'avoir pû vous blesser.
C'est là que dans ces lieux consacrez à sa
gloire ,
Il a juré sur ses Autels ,
De remporter sur vous une illustre vice
toire ,
Et d'effacer jusques à la mémoire
De tous vos dédains criminels.
› En vain tâcherez-vous d'éluder sa poursuite
,
L'Amour , belle Sylvie , est plus subtil que
nous ,
Notre résistance l'irrite ,
Ce n'est qu'en se rendant qu'on fléchit son courroux.
Quand il éxige un Sacrifice"
Le coeur le plus cruel devient tendre et sou
mis ,
Et par un bizarre caprice ,
Souvent d'une Lucrece il fait une Laïs.
Sous des images
trompeuses ,
I. Vol. Cv Quand
1100 MERCURE DE FRANCE
Quand il lui plaît , il captive les coeurs ;
On vît jadis des beautez dédaigneuses
Au souverain des Dieux refuser leurs faveurs
;
Mais quittant de son rang les marques précieuses
>
Sous les formes les plus hideuses,
Le même Jupiter , fléchissoit leurs rigueurs.
Prévenés , belle Sylvie ,
Tous les projets de l'Amour ,
Et de sa bizarerie ,
N'attendez pas le retour
Sacrifiés au Dieu qui vous l'ordonne ;
Croyez-en un Ámant qui ressentît ses coups
> Et qui pour prix du conseil qu'il vous donne ,
N'aspire qu'au plaisir de le suivre avec vous.
Par René Soumard des Forges.
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Résumé : MEPRISE DE L'AMOUR, A Mlle de Séricourt.
Le poème est adressé à Mlle de Séricourt, surnommée Sylvie. Le narrateur y exprime son amour ardent et décrit une intervention du dieu de l'Amour, Cupidon. Ce dernier, témoin de la passion du narrateur, tente de toucher le cœur de Sylvie mais échoue. La flèche destinée à Sylvie blesse accidentellement le narrateur, augmentant sa souffrance. Humilié, Cupidon se retire à Paphos pour méditer sa vengeance. La déesse Vénus tente en vain de le consoler. Cupidon jure de triompher des dédains de Sylvie et de la soumettre à son pouvoir. Le narrateur avertit Sylvie que l'Amour est implacable et que la résistance ne fait qu'accroître sa détermination. Il cite des exemples mythologiques où des femmes résistantes ont fini par céder à l'Amour. Le narrateur conseille à Sylvie de se rendre à l'Amour pour éviter sa colère et exprime son désir de partager ce destin avec elle.
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343
p. 1131-1135
RÉPONSE de Mad. Meheust, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de .... à la Lettre inserée dans le Mercure du mois de Mars 1733.
Début :
C'est donc tout de bon, Monsieur, qu'il faut entrer en matiere et répondre [...]
Mots clefs :
Emilie, Histoire d'Émilie, Amour, Esprit romanesque
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de Mad. Meheust, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de .... à la Lettre inserée dans le Mercure du mois de Mars 1733.
REPONSE de Mad. Meheust ,
Auteur de l'Histoire d'Emilie , ou des
Amours de Mlle de .... à la Lettre
inserée dans le Mercure du mois de
Mars 1733-
donc tout de bon , Monsieur ,
Cqu'il faut entrer en matiere et répondre
à des accusations réelles ( ce sont
vos termes ) je les releve parce qu'ils me
paroissent un peu forts. La carrierre est
si nouvelle pour moi , que je ne sçai si
je pourrai la soutenir , mais n'importe
j'en risque la course ; lorsqu'il s'agit de
la réputation , il sied bien d'être témeraire.
Quand on est informé , dites - vous , que
l'amour d'Emilie n'est qu'une feinte , rien
I. Vol.
n'in1132
MERCURE DE FRANCE
,
n'interesse plus et les Entretiens deviennent .
ennuyeux. Qui juge ainsi n'entre pas dans
mes idées ce vuide a son utilité , j'y
représente le ridicule de l'esprit Romanesque
et l'imprudence de quantité de
jeunes personnes qui donnent dans des
galanteries , sans penchant , sans passion
et par le seul plaisir d'avoir une intrigue ;
au reste ceux qui ne cherchent que les
amourettes , à qui sans doute ces conversations
ne plaisent pas , n'ont qu'à
les passer.
Le Comte et sa Maîtresse , s'allarment
mal à propos , puisque tout conspire à les
rendre heureux . Si on avoit pesé les choses
, on ne me feroit pas cette objection ,
deux familles s'estiment réciproquement
et vivent dans une parfaite union sans
contracter d'alliance . C'est la reconnoissance
qui fait agir la mere d'Emilie ; sans
sa maladie , sans les soins que prit d'elle
Mad. de Réville , on n'eût assurément
point parlé d'Hymen .
J'ai fait mourir trop de gens , et l'on
me soutient que les regles du Poëme Dramatique
et du Roman , sont égales . Je
n'en sçai rien , pour disputer là-dessus il
faudroit consulter Aristote , cela m'est
absolument impossible , ne le connoissant
tout au plus que de nom ; mais com-
→
I. Vol. me
JUIN. 1733. 1133
me le bon sens a droit de raisonner sur
tout , en dépit ou indépendamment de
la science , j'oserai alleguer que la comparaison
n'est pas juste. Un volume, quel
que petit qu'il soit , peut conduire à un
grand nombre d'années , ainsi les incidens
peuvent , sans choquer , se rencontrer
presque semblables , au lieu que l'espace
de vingt- quatre heures ne permet
pas la même licence. On devroit bien
après tout demander à l'Auteur des Mémoires
d'un homme de qualité , pourquoi
ses narrations sont si funestes, c'étoit
son goût , me répondra- t'on ; eh bien !
j'ai pensé aussi qu'il m'étoit libre de suivre
le mien .
On ne veut point me passer les exemples
de Julie , de Messaline et de Mar
guerite de Valais , parce qu'il est , dit- on ,
toujours d'une dangereuse conséquence
de montrer le vice à la jeunesse , et
qu'on doit craindre qu'elle n'envisage pas
tant l'infamie qui le suit , que l'appas
des vaines douceurs qui l'y porte. Si l'on
me traitoit avec moins de rigueur , je
n'éprouverois pas ce reproche. Je n'ai cité
le crime que pour en marquer la honte
et la catastrophe , sans en peindre la volupté
; d'ailleurs il faut supposer que Flore
sçavoit l'Histoire , ainsi sa mere pou
I. Vol. voir
1134 MERCURE DE FRANCE
voit sans conséquence lui rappeller tous
les traits qui pouvoient servir à la cor-.
riger; son amour pour le Chevalier de... sa
confiance dans Lavallier et son escapade ,
méritoient l'application . Vous soutenez
qu'il est des Livres qu'il seroit bon de
proscrire ; oui j'en conviens , mais à l'égard
de l'Histoire Romaine , que vous
attaquez directement , la question est differente
, je la laisse à décider , et je suis
persuadée que tout le monde ne sera pas
de votre avis. Croyez moi , c'est trop
épurer la délicatesse. La débauche ne
prend pas sa source dans l'étude , peu
de femmes s'y occupent et les plus coquettes
sont ordinairement les plus ignorantes.
Vous vous trompez lorsque vous envisagez
la retraite de mon Héroïne comme
un retour de raison. Ce n'est pas là le
motif qui la guide , cette démarche si
sage n'est pas entierement volontaire ,
plus d'une consideration l'y forcent les
remontrances de la Princesse dont elle
sent que la protection lui peut être encore
d'un grand secours , les discours de
Flore ; enfin l'amitié , le devoir , tout l'oblige
indispensablement à prendre co
parti.
L'amour du Comte et d'Emilie , ne
1. Vol. viennent
JUIN. 1733 1135
viennent pas d'une façon si subite qu'on
veut me le faire entendre . Ils dînent
ensemble et s'examinent
pendant plus
de quatre à cinq heures , c'est assez de
temps pour faire naître la tendresse , puisque
l'experience prouve qu'un premier
coup d'oeil a souvent suffi pour en ins
pirer des plus vives.
Pour la premiere fois je m'exprime , diton
, dans les termes de l'Art. Le compliment
me paroît obscur et je n'y comprends
en verité rien .
Voila , Monsieur , tout ce que je puis
dire pour ma deffense . Si mes raisons ne
vous satisfont pas , j'en serai d'autant plus
mortifiée , que j'ai résolu de garder desormais
le silence , le sujet ne mérite point
tant de répliques , nous pourrions à la
fin ennuyer le Public , et mon interêt
m'engage à ne le pas mettre de mauvaise
humeur ; ainsi c'est pour la derniere fois
que j'ai l'honneur de vous assurer dans
le Mercure , que je suis très sincerement,
Monsieur , &c.
Bruselle Meheust.
Auteur de l'Histoire d'Emilie , ou des
Amours de Mlle de .... à la Lettre
inserée dans le Mercure du mois de
Mars 1733-
donc tout de bon , Monsieur ,
Cqu'il faut entrer en matiere et répondre
à des accusations réelles ( ce sont
vos termes ) je les releve parce qu'ils me
paroissent un peu forts. La carrierre est
si nouvelle pour moi , que je ne sçai si
je pourrai la soutenir , mais n'importe
j'en risque la course ; lorsqu'il s'agit de
la réputation , il sied bien d'être témeraire.
Quand on est informé , dites - vous , que
l'amour d'Emilie n'est qu'une feinte , rien
I. Vol.
n'in1132
MERCURE DE FRANCE
,
n'interesse plus et les Entretiens deviennent .
ennuyeux. Qui juge ainsi n'entre pas dans
mes idées ce vuide a son utilité , j'y
représente le ridicule de l'esprit Romanesque
et l'imprudence de quantité de
jeunes personnes qui donnent dans des
galanteries , sans penchant , sans passion
et par le seul plaisir d'avoir une intrigue ;
au reste ceux qui ne cherchent que les
amourettes , à qui sans doute ces conversations
ne plaisent pas , n'ont qu'à
les passer.
Le Comte et sa Maîtresse , s'allarment
mal à propos , puisque tout conspire à les
rendre heureux . Si on avoit pesé les choses
, on ne me feroit pas cette objection ,
deux familles s'estiment réciproquement
et vivent dans une parfaite union sans
contracter d'alliance . C'est la reconnoissance
qui fait agir la mere d'Emilie ; sans
sa maladie , sans les soins que prit d'elle
Mad. de Réville , on n'eût assurément
point parlé d'Hymen .
J'ai fait mourir trop de gens , et l'on
me soutient que les regles du Poëme Dramatique
et du Roman , sont égales . Je
n'en sçai rien , pour disputer là-dessus il
faudroit consulter Aristote , cela m'est
absolument impossible , ne le connoissant
tout au plus que de nom ; mais com-
→
I. Vol. me
JUIN. 1733. 1133
me le bon sens a droit de raisonner sur
tout , en dépit ou indépendamment de
la science , j'oserai alleguer que la comparaison
n'est pas juste. Un volume, quel
que petit qu'il soit , peut conduire à un
grand nombre d'années , ainsi les incidens
peuvent , sans choquer , se rencontrer
presque semblables , au lieu que l'espace
de vingt- quatre heures ne permet
pas la même licence. On devroit bien
après tout demander à l'Auteur des Mémoires
d'un homme de qualité , pourquoi
ses narrations sont si funestes, c'étoit
son goût , me répondra- t'on ; eh bien !
j'ai pensé aussi qu'il m'étoit libre de suivre
le mien .
On ne veut point me passer les exemples
de Julie , de Messaline et de Mar
guerite de Valais , parce qu'il est , dit- on ,
toujours d'une dangereuse conséquence
de montrer le vice à la jeunesse , et
qu'on doit craindre qu'elle n'envisage pas
tant l'infamie qui le suit , que l'appas
des vaines douceurs qui l'y porte. Si l'on
me traitoit avec moins de rigueur , je
n'éprouverois pas ce reproche. Je n'ai cité
le crime que pour en marquer la honte
et la catastrophe , sans en peindre la volupté
; d'ailleurs il faut supposer que Flore
sçavoit l'Histoire , ainsi sa mere pou
I. Vol. voir
1134 MERCURE DE FRANCE
voit sans conséquence lui rappeller tous
les traits qui pouvoient servir à la cor-.
riger; son amour pour le Chevalier de... sa
confiance dans Lavallier et son escapade ,
méritoient l'application . Vous soutenez
qu'il est des Livres qu'il seroit bon de
proscrire ; oui j'en conviens , mais à l'égard
de l'Histoire Romaine , que vous
attaquez directement , la question est differente
, je la laisse à décider , et je suis
persuadée que tout le monde ne sera pas
de votre avis. Croyez moi , c'est trop
épurer la délicatesse. La débauche ne
prend pas sa source dans l'étude , peu
de femmes s'y occupent et les plus coquettes
sont ordinairement les plus ignorantes.
Vous vous trompez lorsque vous envisagez
la retraite de mon Héroïne comme
un retour de raison. Ce n'est pas là le
motif qui la guide , cette démarche si
sage n'est pas entierement volontaire ,
plus d'une consideration l'y forcent les
remontrances de la Princesse dont elle
sent que la protection lui peut être encore
d'un grand secours , les discours de
Flore ; enfin l'amitié , le devoir , tout l'oblige
indispensablement à prendre co
parti.
L'amour du Comte et d'Emilie , ne
1. Vol. viennent
JUIN. 1733 1135
viennent pas d'une façon si subite qu'on
veut me le faire entendre . Ils dînent
ensemble et s'examinent
pendant plus
de quatre à cinq heures , c'est assez de
temps pour faire naître la tendresse , puisque
l'experience prouve qu'un premier
coup d'oeil a souvent suffi pour en ins
pirer des plus vives.
Pour la premiere fois je m'exprime , diton
, dans les termes de l'Art. Le compliment
me paroît obscur et je n'y comprends
en verité rien .
Voila , Monsieur , tout ce que je puis
dire pour ma deffense . Si mes raisons ne
vous satisfont pas , j'en serai d'autant plus
mortifiée , que j'ai résolu de garder desormais
le silence , le sujet ne mérite point
tant de répliques , nous pourrions à la
fin ennuyer le Public , et mon interêt
m'engage à ne le pas mettre de mauvaise
humeur ; ainsi c'est pour la derniere fois
que j'ai l'honneur de vous assurer dans
le Mercure , que je suis très sincerement,
Monsieur , &c.
Bruselle Meheust.
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Résumé : RÉPONSE de Mad. Meheust, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de .... à la Lettre inserée dans le Mercure du mois de Mars 1733.
Madame Meheust, autrice de 'L'Histoire d'Emilie', répond aux accusations portées contre son œuvre dans une lettre publiée dans le Mercure de Mars 1733. Elle exprime son incertitude quant à sa capacité à défendre son travail, tout en soulignant l'importance de protéger sa réputation. Madame Meheust justifie les vides apparents dans son récit en les attribuant au ridicule de l'esprit romanesque et à l'imprudence des jeunes personnes s'engageant dans des intrigues sans véritable passion. Elle défend également le nombre élevé de décès dans son roman en précisant que les règles du poème dramatique et du roman diffèrent. Elle réfute les critiques sur les exemples de personnages immoraux, affirmant qu'elle les utilise pour en montrer la honte et la catastrophe, et non pour en peindre la volupté. Madame Meheust conteste l'idée que la débauche provienne de l'étude et soutient que la retraite de son héroïne n'est pas entièrement volontaire, mais dictée par des considérations pratiques et des remises en question. Elle conclut en exprimant son intention de ne plus répondre aux critiques pour éviter d'ennuyer le public.
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344
p. 1201-1210
LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
Début :
ACTEURS. Lucile, jeune veuve. La Dlle Gaussin. Valere, Le [...]
Mots clefs :
Rendez-vous, Lucile, Valère, Lisette, Crispin, Amour, Départ, Succès, Entendre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
LE RENDEZ -VOUS , ou l'Amour
Supposé , Comédie , en un Acte , représentée
au Théatre François avec beaucoup
de succès , le 27. May. Exttait.
·
ACTEURS.
Lucile , jeune veuve.
Valere
و
La Dlle Gaussin.
Le sieur Dufresne.
Lisette , Suivante de Lucile , La Dlle Quinauit
,
Crispin , Valet de Valere, Le sieur Poisson ,
M. Jacquemin , Sous - Fermier , amoureux
, & c. Le sieur Lathorilliere.
Charlot , Jardinier de Lucile , Le sieur
de Montmesnil.
La Scene est dans une Ville de Bretagne
et le Théatre représente l'Avenuë d'un
Château.
Valere et Lucile , qui sont les principaux
Personnages de cette Piece , viennent
de terminer un Procès , auquel un
Testament qui les nommoit , l'un héritier
, et l'autre Légataire , avoit donné
lieu . Valere est sur le point de partir
de Bretagne pour s'en retourner à
Paris ; ce prompt départ n'est pas au
gré de Crispin , non plus que de Lisette
; ils s'aiment et voudroient bien n'ê
I. Vol.
tre
1202 MERCURE DE FRANCE
tre pas séparez. C'est ici que l'action
theatrale commence ; ils ont imaginé
une ruse dont le succès est fondé
sur cette maxime : aimez et vous serez
aimé ; en effet , à peine Crispin a- t'il fait
croire à Valere que Lucile l'aime , que
la reconnoissance prépare son coeur à l'amour
; il en est de même de Lucile , à qui
Lisette fait entendre que Valere l'adore ,
sans avoir jamais osé le lui déclarer . Crispin
dit à son Maître que Lucile doit se
promener ce soir dans le Jardin , dans
P'esperance de l'y trouver et de le voir
du moins pour quelques momens avant
un départ qui doit lui donner la mort.
Voici les propres termes de Crispin :
Sous cet épais feuillage ,
Cette Beauté cedant à l'amour qui l'engage ,
Comme pour prendre l'air , doit se trouver ce
soir ;
Avant votre départ , elle voudroit vous voir ;
On m'a sollicité pour vous le faire entendre ,
Si donc , ce soir aussi, vous vouliez vous y ren
dre ,
Notre Veuve discrette , aux yeux de son vainqueur
,
Exposeroit le feu qu'elle cache en son coeur ,
Sans causer de scandale et sans qu'on en murmure.
I. Vol. Valere
JUIN. 1733. 1203
Valere donne dans le piége ; Crispin
lui a déja fait entendre que Lucile a
donné des indices plus sûrs de l'amour
secret qu'elle a pour lui et dont Lisette
lui a fait confidence ; il lui a appris que
Lucile n'avoit pû soutenir la funeste
nouvelle de son départ , et qu'elle étoit
tombée en pamoison entre les bras de sa
Suivante.Cet adroit mensonge ne le laisse
point douter qu'il ne soit éperdument
aimé ; mais son amour propre le lui
suade bien mieux , comme Crispin le fait
connoître par ce petit Monologue.
per-
Le mensonge est lâché ; courage , il croit qu'on
l'aime ;
La bonne opinion et l'amour de soi - même ,
Chez lui seront encore , à ce que je conçoi ,
Et meilleurs Orateurs et plus fourbes que moi.'
Lisette joie à peu près le même côle
auprès de sa Maîtresse ; elle lui dit , nonseulement
qu'elle est adorée de Valere ,
mais qu'elle est surprise qu'elle ne s'en
soit pas apperçuë . Elle lui parle entre autres
choses d'une Lettre de Valere qu'elle
a trouvée sur sa Toilette , et qui , ditelle
, sous des termes ordinaires , cache
adroitement une déclaration d'amour
dans toutes les formes ; cette Lettre déją
lûë par Lisette , autorise le Commentaire
1. Vol. in1204
MERCURE DE FRANCE
ingénieux qu'elle semble en faire sur le
champ, et qui ne seroit pas si vrai- semblable
, s'il n'avoit été étudié à loisir ; voila
donc nos deuxAmans disposez à se trouver
au rendez -vous imaginé par leurs Domesti
ques ; Lucile y résiste d'abord , mais Lisette
tranche toutes les difficultez par
ce Vers :
Enfin que voulez- vous ? j'ai donné ma parole,
Ce qui confirme Lucile dans l'opinion
qu'elle est aimée de Valere , c'est là brusque
incartade que lui vient faire M. Jac
quemin , Sous- Fermier et l'un de ses soupirans
, à qui , par une nouvelle fourberie
, Crispin à fait entendre que son
Maître est son Rival . Jacquemin éclate
contre Lucile et retire la parole qu'il
lui avoit donnée de l'épouser .
Crispin et Lisette s'applaudissent déja
d'un plein succès , mais par malheur ils
ont été entendus de Charlot , Amoureux
de Lisette , qui pour se venger de la préference
qu'elle donne à Crispin , veut
observer de plus près ce complot , dont
il n'a encore qu'une legere connoissance
, et en empêcher la réussite .
Valere se trouve le premier au prétendu
rendez - vous , accompagné de Crispin
; Lucile ne tarde pas d'y venir , sui-
I. Vel.
vie
JUIN. 1733. 1205
vie de Lisette. Cette Scene , est sans contredit
, neuve et charmante ; ce qui nous
engage à en inserer ici quelques fragmens.
Valere à Lucile.
Puis qu'un hazard heureux auprès de vous me
guide ,
Avant que de partir , Madame , il m'est bien
doux ,
De pouvoir librement prendre congé de vous.
Lucile.
Vous partez donc , Valere
Helas !
Crispin.
Il le faut bien , Madame ;
Lisette.
Crispin.
Tais-toi , Lisette , où je vais rendre l'ame.
Valere.
Je l'avouerai pourtant , si , contre mon espoir ,
En ce dernier moment je pouvois entrevoir ,
Un destin trop flateur pour moi , trop favo
rable ,
L'Arrêt de mon départ n'est point irrévocable,
Lucile.
Quel sort attendez - vous ? quand on n'ose parler,
Quand l'amour avec art prend soin de se voiler ,
Ses feux sont étouffez par l'extrême prudence ,
I. Vol. Et
1207 MERCURE DE FRANCE
Et l'on est quelquefois victime du silence.
Valere.
Ah ! lorsque cent raisons nous forcent de cou
vrir ,
Un penchant dont le coeur se plaît à se nourrir ,
Dans un objet épris tout en rend témoignage ;
Il est pour s'exprimer, il est plus d'un langage ;
Un regard , un soupir , au défaut de la voix
Ont souvent malgré nous déclaré notre choix.
Oui , madame , les yeux les yeux révelent le mystere , & c.
"
>
A ce dernier Vers prononcé passionné
ment , Crispin baise la main de Lucile
qui croit que c'est Valere même à qui
l'excès de sa passion a fait prendre cette
liberté ; le reproche qu'elle lui en fait est
conçû en des termes qui lui font croire
qu'elle l'y invite elle même ; il lui baisë
la main avec transport , en disant :
Ah ! que m'accordez- vous !
à part.
Quelle aimable franchise !
Je n'en sçaurois douter , elle m'aime éperdument.
Il la presse de prononcer sur son départ
; comme elle ne répond rien , il veut
se retirer ; mais Lisette le retient secrettement
; il croit que c'est Lucile mê
me qui s'oppose à son départ , et ce qui
I. Vol. Ty
JUI N.
1733. 1207
l'y confirme , c'est que Lucile lui dit dans
le moment.
Pourquoi donc vous livrer à tant de défiance?
Ah ! concevez plutôt une juste esperance , &c.
Jusques- là Crispin et Lisette chantent
victoire ; mais Charlot qui a tout entendu
sans être apperçû , les fait bientôt déchanter.
Cette nouvelle Scene est toutà
-fait comique ; Crispin et Lisette s'efforcent
de fermer la bouche à Charlot ;
mais il ne laisse pas de jaser et de dire
à Valere et à Lucile ;
Vous ne vous aimez pas , je vous en avertis ;
Valere,
Il a bu surement,
Charlot,
Non , morgué, je le dis
Vous n'avez nullement d'amiquié . l'un pous
l'autre ;
C'est cette fine mouche avec ce bon Apotre ,
Qui vous laissont tous deux donner dans le pa¬
niau ;
Tout votre bel amour n'est que dans leur cer
yiau ;
Ils avont à par eux manigancé la chose ,
Et si vous vous aimez , j'en devine la cause ;
I. Vol.
11
108 MERCURE DE FRANCE
•
Il faut qu'ils soient sorciez comme des bas Normands
,
Et sçachiont un secret pour faire aimer les
.gens.
Valere et Lucile ne doutent point que
Charlot ne soit yvre ; 'on le chasse : Lisette
ajoute à ce soupçon d'yvresse un
autre motif , et dit :
Non , Madame , voici la vérité du fait ;
Charlot m'aime , et Crispin lui donne de l'ombrage
;
La peur qu'il a , je crois que Monsieur ne s'enj
gage
Par estime pour vous , à séjourner icy ,
Sans rime et sans raison , le fait parler ainsi.
Crispin et Lisette sont à peine sortis de
la premiere allarme que Charlot leur a
donnée , qu'ils retombent dans une seconde
, dont ils désesperent de pouvoir
se tirer.
Valere demande à Lucile si elle est toutà
- fait remise de l'indisposition qu'elle a
euë le jour précédent Lucile fort étonnée
, lui répond qu'elle n'a nullement
été indisposée ; elle lui parle à son tour
de la Lettre énigmatique que Lisette a si
joliment commentée.
Valere lui répond qu'il ne sçait ce que
c'est que cette Lettre , il ajoute :
I. Vol. Jc
JUIN.
1209 1733
Je n'ai point eu , je croi , l'honneur de vous
écrire
,
Si ce n'est quatre mots , quand vous me fîtes
dire ,
Que sur nos différens vous vouliez terminer ;
Mon Procureur dicta , je ne fis que signer.
7
Cette double explication déconcerte
entierement Crispin et Lisette ; Valere
outré de colere contre Crispin , lui jure
de lui faire payer cher son mensonge ;
Lucile en promet autant à Lisette ; pour
surcroit de malheur M.Jacquemin , désabusé
par Charlot , fait dire à Lucile qu'il
viendra la voir pour faire sa paix avec
elle.Lucile répond froidement au Laquais
de M. Jacquemin ;
Dis lui que rien ne presse et que je len tiens
quitte.
lere
Cette froide réponse fait esperer à Vaque
la feinte pourroit bien devenir
ane vérité , comme il le souhaite. Il coninue
à lui parler d'amour ; elle l'écoute
vec plaisir ; il pardonne à Crispin , elle
ait grace à Lisette ; et le rendez - vous a
out le succès que le Valet et la Suivante
uroient pû esperer.
Cette Piece a paruë tres - jolie , et a fait
ouhaiter au public que M, Fagan, qui en
I. Vol. est
210 MERCURE DE FRANCE
est l'Auteur , continuât à lui faire part de
ses productions. Au reste les Acteurs s'y
sont tous distinguez par leur maniere de
joier.
Supposé , Comédie , en un Acte , représentée
au Théatre François avec beaucoup
de succès , le 27. May. Exttait.
·
ACTEURS.
Lucile , jeune veuve.
Valere
و
La Dlle Gaussin.
Le sieur Dufresne.
Lisette , Suivante de Lucile , La Dlle Quinauit
,
Crispin , Valet de Valere, Le sieur Poisson ,
M. Jacquemin , Sous - Fermier , amoureux
, & c. Le sieur Lathorilliere.
Charlot , Jardinier de Lucile , Le sieur
de Montmesnil.
La Scene est dans une Ville de Bretagne
et le Théatre représente l'Avenuë d'un
Château.
Valere et Lucile , qui sont les principaux
Personnages de cette Piece , viennent
de terminer un Procès , auquel un
Testament qui les nommoit , l'un héritier
, et l'autre Légataire , avoit donné
lieu . Valere est sur le point de partir
de Bretagne pour s'en retourner à
Paris ; ce prompt départ n'est pas au
gré de Crispin , non plus que de Lisette
; ils s'aiment et voudroient bien n'ê
I. Vol.
tre
1202 MERCURE DE FRANCE
tre pas séparez. C'est ici que l'action
theatrale commence ; ils ont imaginé
une ruse dont le succès est fondé
sur cette maxime : aimez et vous serez
aimé ; en effet , à peine Crispin a- t'il fait
croire à Valere que Lucile l'aime , que
la reconnoissance prépare son coeur à l'amour
; il en est de même de Lucile , à qui
Lisette fait entendre que Valere l'adore ,
sans avoir jamais osé le lui déclarer . Crispin
dit à son Maître que Lucile doit se
promener ce soir dans le Jardin , dans
P'esperance de l'y trouver et de le voir
du moins pour quelques momens avant
un départ qui doit lui donner la mort.
Voici les propres termes de Crispin :
Sous cet épais feuillage ,
Cette Beauté cedant à l'amour qui l'engage ,
Comme pour prendre l'air , doit se trouver ce
soir ;
Avant votre départ , elle voudroit vous voir ;
On m'a sollicité pour vous le faire entendre ,
Si donc , ce soir aussi, vous vouliez vous y ren
dre ,
Notre Veuve discrette , aux yeux de son vainqueur
,
Exposeroit le feu qu'elle cache en son coeur ,
Sans causer de scandale et sans qu'on en murmure.
I. Vol. Valere
JUIN. 1733. 1203
Valere donne dans le piége ; Crispin
lui a déja fait entendre que Lucile a
donné des indices plus sûrs de l'amour
secret qu'elle a pour lui et dont Lisette
lui a fait confidence ; il lui a appris que
Lucile n'avoit pû soutenir la funeste
nouvelle de son départ , et qu'elle étoit
tombée en pamoison entre les bras de sa
Suivante.Cet adroit mensonge ne le laisse
point douter qu'il ne soit éperdument
aimé ; mais son amour propre le lui
suade bien mieux , comme Crispin le fait
connoître par ce petit Monologue.
per-
Le mensonge est lâché ; courage , il croit qu'on
l'aime ;
La bonne opinion et l'amour de soi - même ,
Chez lui seront encore , à ce que je conçoi ,
Et meilleurs Orateurs et plus fourbes que moi.'
Lisette joie à peu près le même côle
auprès de sa Maîtresse ; elle lui dit , nonseulement
qu'elle est adorée de Valere ,
mais qu'elle est surprise qu'elle ne s'en
soit pas apperçuë . Elle lui parle entre autres
choses d'une Lettre de Valere qu'elle
a trouvée sur sa Toilette , et qui , ditelle
, sous des termes ordinaires , cache
adroitement une déclaration d'amour
dans toutes les formes ; cette Lettre déją
lûë par Lisette , autorise le Commentaire
1. Vol. in1204
MERCURE DE FRANCE
ingénieux qu'elle semble en faire sur le
champ, et qui ne seroit pas si vrai- semblable
, s'il n'avoit été étudié à loisir ; voila
donc nos deuxAmans disposez à se trouver
au rendez -vous imaginé par leurs Domesti
ques ; Lucile y résiste d'abord , mais Lisette
tranche toutes les difficultez par
ce Vers :
Enfin que voulez- vous ? j'ai donné ma parole,
Ce qui confirme Lucile dans l'opinion
qu'elle est aimée de Valere , c'est là brusque
incartade que lui vient faire M. Jac
quemin , Sous- Fermier et l'un de ses soupirans
, à qui , par une nouvelle fourberie
, Crispin à fait entendre que son
Maître est son Rival . Jacquemin éclate
contre Lucile et retire la parole qu'il
lui avoit donnée de l'épouser .
Crispin et Lisette s'applaudissent déja
d'un plein succès , mais par malheur ils
ont été entendus de Charlot , Amoureux
de Lisette , qui pour se venger de la préference
qu'elle donne à Crispin , veut
observer de plus près ce complot , dont
il n'a encore qu'une legere connoissance
, et en empêcher la réussite .
Valere se trouve le premier au prétendu
rendez - vous , accompagné de Crispin
; Lucile ne tarde pas d'y venir , sui-
I. Vel.
vie
JUIN. 1733. 1205
vie de Lisette. Cette Scene , est sans contredit
, neuve et charmante ; ce qui nous
engage à en inserer ici quelques fragmens.
Valere à Lucile.
Puis qu'un hazard heureux auprès de vous me
guide ,
Avant que de partir , Madame , il m'est bien
doux ,
De pouvoir librement prendre congé de vous.
Lucile.
Vous partez donc , Valere
Helas !
Crispin.
Il le faut bien , Madame ;
Lisette.
Crispin.
Tais-toi , Lisette , où je vais rendre l'ame.
Valere.
Je l'avouerai pourtant , si , contre mon espoir ,
En ce dernier moment je pouvois entrevoir ,
Un destin trop flateur pour moi , trop favo
rable ,
L'Arrêt de mon départ n'est point irrévocable,
Lucile.
Quel sort attendez - vous ? quand on n'ose parler,
Quand l'amour avec art prend soin de se voiler ,
Ses feux sont étouffez par l'extrême prudence ,
I. Vol. Et
1207 MERCURE DE FRANCE
Et l'on est quelquefois victime du silence.
Valere.
Ah ! lorsque cent raisons nous forcent de cou
vrir ,
Un penchant dont le coeur se plaît à se nourrir ,
Dans un objet épris tout en rend témoignage ;
Il est pour s'exprimer, il est plus d'un langage ;
Un regard , un soupir , au défaut de la voix
Ont souvent malgré nous déclaré notre choix.
Oui , madame , les yeux les yeux révelent le mystere , & c.
"
>
A ce dernier Vers prononcé passionné
ment , Crispin baise la main de Lucile
qui croit que c'est Valere même à qui
l'excès de sa passion a fait prendre cette
liberté ; le reproche qu'elle lui en fait est
conçû en des termes qui lui font croire
qu'elle l'y invite elle même ; il lui baisë
la main avec transport , en disant :
Ah ! que m'accordez- vous !
à part.
Quelle aimable franchise !
Je n'en sçaurois douter , elle m'aime éperdument.
Il la presse de prononcer sur son départ
; comme elle ne répond rien , il veut
se retirer ; mais Lisette le retient secrettement
; il croit que c'est Lucile mê
me qui s'oppose à son départ , et ce qui
I. Vol. Ty
JUI N.
1733. 1207
l'y confirme , c'est que Lucile lui dit dans
le moment.
Pourquoi donc vous livrer à tant de défiance?
Ah ! concevez plutôt une juste esperance , &c.
Jusques- là Crispin et Lisette chantent
victoire ; mais Charlot qui a tout entendu
sans être apperçû , les fait bientôt déchanter.
Cette nouvelle Scene est toutà
-fait comique ; Crispin et Lisette s'efforcent
de fermer la bouche à Charlot ;
mais il ne laisse pas de jaser et de dire
à Valere et à Lucile ;
Vous ne vous aimez pas , je vous en avertis ;
Valere,
Il a bu surement,
Charlot,
Non , morgué, je le dis
Vous n'avez nullement d'amiquié . l'un pous
l'autre ;
C'est cette fine mouche avec ce bon Apotre ,
Qui vous laissont tous deux donner dans le pa¬
niau ;
Tout votre bel amour n'est que dans leur cer
yiau ;
Ils avont à par eux manigancé la chose ,
Et si vous vous aimez , j'en devine la cause ;
I. Vol.
11
108 MERCURE DE FRANCE
•
Il faut qu'ils soient sorciez comme des bas Normands
,
Et sçachiont un secret pour faire aimer les
.gens.
Valere et Lucile ne doutent point que
Charlot ne soit yvre ; 'on le chasse : Lisette
ajoute à ce soupçon d'yvresse un
autre motif , et dit :
Non , Madame , voici la vérité du fait ;
Charlot m'aime , et Crispin lui donne de l'ombrage
;
La peur qu'il a , je crois que Monsieur ne s'enj
gage
Par estime pour vous , à séjourner icy ,
Sans rime et sans raison , le fait parler ainsi.
Crispin et Lisette sont à peine sortis de
la premiere allarme que Charlot leur a
donnée , qu'ils retombent dans une seconde
, dont ils désesperent de pouvoir
se tirer.
Valere demande à Lucile si elle est toutà
- fait remise de l'indisposition qu'elle a
euë le jour précédent Lucile fort étonnée
, lui répond qu'elle n'a nullement
été indisposée ; elle lui parle à son tour
de la Lettre énigmatique que Lisette a si
joliment commentée.
Valere lui répond qu'il ne sçait ce que
c'est que cette Lettre , il ajoute :
I. Vol. Jc
JUIN.
1209 1733
Je n'ai point eu , je croi , l'honneur de vous
écrire
,
Si ce n'est quatre mots , quand vous me fîtes
dire ,
Que sur nos différens vous vouliez terminer ;
Mon Procureur dicta , je ne fis que signer.
7
Cette double explication déconcerte
entierement Crispin et Lisette ; Valere
outré de colere contre Crispin , lui jure
de lui faire payer cher son mensonge ;
Lucile en promet autant à Lisette ; pour
surcroit de malheur M.Jacquemin , désabusé
par Charlot , fait dire à Lucile qu'il
viendra la voir pour faire sa paix avec
elle.Lucile répond froidement au Laquais
de M. Jacquemin ;
Dis lui que rien ne presse et que je len tiens
quitte.
lere
Cette froide réponse fait esperer à Vaque
la feinte pourroit bien devenir
ane vérité , comme il le souhaite. Il coninue
à lui parler d'amour ; elle l'écoute
vec plaisir ; il pardonne à Crispin , elle
ait grace à Lisette ; et le rendez - vous a
out le succès que le Valet et la Suivante
uroient pû esperer.
Cette Piece a paruë tres - jolie , et a fait
ouhaiter au public que M, Fagan, qui en
I. Vol. est
210 MERCURE DE FRANCE
est l'Auteur , continuât à lui faire part de
ses productions. Au reste les Acteurs s'y
sont tous distinguez par leur maniere de
joier.
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Résumé : LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
La pièce 'LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour' est une comédie en un acte représentée avec succès le 27 mai. L'action se déroule dans une ville de Bretagne et met en scène plusieurs personnages, dont Lucile, une jeune veuve, et Valere, son héritier. Après un procès lié à un testament, Valere s'apprête à partir pour Paris, ce qui attriste ses serviteurs, Crispin et Lisette, qui sont amoureux l'un de l'autre et ne veulent pas être séparés. Crispin et Lisette élaborent un plan pour réunir Lucile et Valere, en leur faisant croire mutuellement qu'ils sont aimés. Crispin convainc Valere que Lucile l'aime secrètement et l'invite à un rendez-vous dans le jardin. De même, Lisette persuade Lucile que Valere l'adore. Lucile résiste d'abord, mais accepte après que Lisette lui montre une lettre prétendument écrite par Valere. Au rendez-vous, Valere et Lucile se retrouvent et échangent des mots tendres. Cependant, Charlot, le jardinier amoureux de Lisette, révèle la supercherie. Valere et Lucile découvrent la vérité et sont furieux contre leurs serviteurs. Jacquemin, un soupirant de Lucile, désabusé par Charlot, tente de se réconcilier avec Lucile, mais elle reste froide. Finalement, Valere et Lucile pardonnent à leurs serviteurs et la pièce se termine sur une note positive. La pièce a été bien accueillie par le public et les acteurs ont été salués pour leur performance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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345
p. 1276-1278
ULISSE ET CIRCÉ. FABLE.
Début :
L'un de l'autre charmez dans leur Isle enchantée, [...]
Mots clefs :
Moineaux, Printemps, Amour, Oiseaux, Bonheur, Amants, Coeur, Ulysse, Circé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ULISSE ET CIRCÉ. FABLE.
ULISSE ET CIRCE'.
FABLE.
L'un de l'autre charmez dans leur Isle en- chantée ,
La Fille du Soleil et son Amant un jour ,
De leur félicité rendoient grace à l'Amour ;
Par deux Oiseaux leur vûë est arrêtée ,
Ulisse les observe ( objets interessants ! )
Un trouble se répand dans leur ame attendrie à
Il regarde Circé ; la même rêverie ,
Tenoit enchantez tous ses sens.
Hé quoi dit- il, leur flâme ainsi favorisée ;
N'excite point encor d'inutiles désirs !
Ils n'éprouvent jamais dans de si doux plaisirs ,
La triste oeconomie aux Mortels imposée !
Il est vrai , les Moineaux s'aiment bien tendres
ment ,
Reprit la jeune Enchanteresse ;
Ne peut-on s'élever jusques à leur tendresse ?
Mon Art ne fut jamais employé vainement :
Que tardons- nous ? l'Amour sera d'intelligence ;
II. Vol. Oui
N. 1733 1277
Oui , c'est toi , Dieu charmant , qui nous ouvres
les yeux ,
Nous n'allons acquerir ces dons délicieux ,
Que pour mieux sentir ta puissance.
A ces mots ces Amans par l'espoir animez ,
En Moineaux tout- à - coup se trouvent trans
formez.
Des Aquilons alors l'influence bannie ,
Cédoit aux doux Zéphirs , la Terre rajeunie ;
Bien-tôt il n'est Palmiers , Mirthes , Cedres , Ro
seaux ,
Où cent fois ces heureux Oiseaux ,
Ne se soient assurez de leur métamorphose .
Quel exemple combien de Spectacles char
mans
Aux Nymphes de Circé chaque jour il expose
Elles comptent tous les momens
De ce changement admirable ;
Jamais l'Art des Enchantemens ,
Ne leur parut si respectable :
Mais ce Printemps si cher passa rapidement ,
Er dans ces mêmes lieux témoins de leur yvresse
On les voit, ces Oiseaux , séparez sans tristesse ,
Ou rejoints sans empressement.
Tous deux se retraçant leur commmune avan¬
ture ,
En formant les Moineaux , disoient- ils, la Nature
De leur bonheur s'occupoit foiblement ,
Il n'est qu'un seul plaisir , un seul nous rend
sensibles;
1278 MERCURE DE FRANCE
Le Printemps nous l'inspire , ô destins inflêxibles
!
Il s'envole avec le Printemps ,
Et dans cette absence fatale ,
Nous n'avons point un coeur pour remplir l'ing
tervale ,
Par ces troubles secrets , par ces ravissemens ,
Qui font le bonheur des Amans.
Quel don nous échappoit avec la forme hu →
maine ?
Reprenons , reprenons ce coeur ,
Source des biens parfaits , favorable Enchanteur,
Qui mêle un certain charme à sa plus triste peine,
Qui ménageant notre espoir , nos désirs ,
Au comble du bonheur par degrés nous amene ,
Et ces degrez sont autant de plaisirs.
Le Héros et l'Enchanteresse ,
Reprennent à l'instant leur forme et leur tendresse
,
Détrompez des faux biens qu'ils avoient éprouvez
,
Pour transmettre aux Amans un si puissant
exemple ,
Au véritable Amour ils élevent un Temple ,
"
Et sur l'Autel ces mots furent gravez ,
Au destin des Moineaux ne portez point envie ,
Mortels , un coeur sensible est le suprême bien ,
Aimez , vous le pouvez, tout le temps de la vie ;
Aimez bien tendrement , tout le reste n'est rien.
FABLE.
L'un de l'autre charmez dans leur Isle en- chantée ,
La Fille du Soleil et son Amant un jour ,
De leur félicité rendoient grace à l'Amour ;
Par deux Oiseaux leur vûë est arrêtée ,
Ulisse les observe ( objets interessants ! )
Un trouble se répand dans leur ame attendrie à
Il regarde Circé ; la même rêverie ,
Tenoit enchantez tous ses sens.
Hé quoi dit- il, leur flâme ainsi favorisée ;
N'excite point encor d'inutiles désirs !
Ils n'éprouvent jamais dans de si doux plaisirs ,
La triste oeconomie aux Mortels imposée !
Il est vrai , les Moineaux s'aiment bien tendres
ment ,
Reprit la jeune Enchanteresse ;
Ne peut-on s'élever jusques à leur tendresse ?
Mon Art ne fut jamais employé vainement :
Que tardons- nous ? l'Amour sera d'intelligence ;
II. Vol. Oui
N. 1733 1277
Oui , c'est toi , Dieu charmant , qui nous ouvres
les yeux ,
Nous n'allons acquerir ces dons délicieux ,
Que pour mieux sentir ta puissance.
A ces mots ces Amans par l'espoir animez ,
En Moineaux tout- à - coup se trouvent trans
formez.
Des Aquilons alors l'influence bannie ,
Cédoit aux doux Zéphirs , la Terre rajeunie ;
Bien-tôt il n'est Palmiers , Mirthes , Cedres , Ro
seaux ,
Où cent fois ces heureux Oiseaux ,
Ne se soient assurez de leur métamorphose .
Quel exemple combien de Spectacles char
mans
Aux Nymphes de Circé chaque jour il expose
Elles comptent tous les momens
De ce changement admirable ;
Jamais l'Art des Enchantemens ,
Ne leur parut si respectable :
Mais ce Printemps si cher passa rapidement ,
Er dans ces mêmes lieux témoins de leur yvresse
On les voit, ces Oiseaux , séparez sans tristesse ,
Ou rejoints sans empressement.
Tous deux se retraçant leur commmune avan¬
ture ,
En formant les Moineaux , disoient- ils, la Nature
De leur bonheur s'occupoit foiblement ,
Il n'est qu'un seul plaisir , un seul nous rend
sensibles;
1278 MERCURE DE FRANCE
Le Printemps nous l'inspire , ô destins inflêxibles
!
Il s'envole avec le Printemps ,
Et dans cette absence fatale ,
Nous n'avons point un coeur pour remplir l'ing
tervale ,
Par ces troubles secrets , par ces ravissemens ,
Qui font le bonheur des Amans.
Quel don nous échappoit avec la forme hu →
maine ?
Reprenons , reprenons ce coeur ,
Source des biens parfaits , favorable Enchanteur,
Qui mêle un certain charme à sa plus triste peine,
Qui ménageant notre espoir , nos désirs ,
Au comble du bonheur par degrés nous amene ,
Et ces degrez sont autant de plaisirs.
Le Héros et l'Enchanteresse ,
Reprennent à l'instant leur forme et leur tendresse
,
Détrompez des faux biens qu'ils avoient éprouvez
,
Pour transmettre aux Amans un si puissant
exemple ,
Au véritable Amour ils élevent un Temple ,
"
Et sur l'Autel ces mots furent gravez ,
Au destin des Moineaux ne portez point envie ,
Mortels , un coeur sensible est le suprême bien ,
Aimez , vous le pouvez, tout le temps de la vie ;
Aimez bien tendrement , tout le reste n'est rien.
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Résumé : ULISSE ET CIRCÉ. FABLE.
Le texte 'Ulysse et Circé' relate l'observation d'oiseaux s'aimant par Ulysse et Circé. Ulysse souhaite partager une telle félicité sans les contraintes humaines. Circé, enchanteresse, transforme les amants en moineaux pour qu'ils vivent pleinement leur amour. Ces oiseaux, symbolisant l'amour parfait, profitent de leur métamorphose dans un environnement idyllique. Leur bonheur est éphémère, car avec la fin du printemps, ils se retrouvent séparés sans tristesse ou réunis sans empressement. Ulysse et Circé réalisent alors que leur bonheur était incomplet sans les émotions humaines. Ils reprennent leur forme humaine et érigent un temple à l'amour véritable, gravant sur l'autel un message exhortant les mortels à aimer tendrement, car un cœur sensible est le suprême bien.
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346
p. 1322-1325
RÉPONSE à Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, à son Elegie, inserée dans le Mercure mois de Mars 1733. ELEGIE.
Début :
Dans un profond repos, fruit de beaucoup de peine, [...]
Mots clefs :
Malcrais, Amour, Coeur, Heureux, Sylvie, Berger, Cruelle, Amant, Accents, Soupirs
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, à son Elegie, inserée dans le Mercure mois de Mars 1733. ELEGIE.
REPONSE à Mlle de Malcrais de
la Vigne , du Croisic en Bretagne , à
son Elegie , inserée dans le Mercure du
mois de Mars 1733.
D
ELEGI E.
Ans un profond repos , fruit de beaucou
de peine ,
Je rêvois l'autre jour sur les bords de la Seine ,
Quand je vis un Berger dans un Bocage épais ,
Qu'il faisoit retentir de ses tristes
regrets.
Ma douleur , disoit-il , sera - t - elle éternelle ?
Heureux si je pouvois devenir infidelle !
Ton nom vole en tous lieux et tes Vers enchan
teurs ,
Docte et tendre Malcrais , séduisent tous les
coeurs ;
II. Vol.
JUIN.
1733 1323
Qui peut se refuser aux charmes de ta Lyre ?
Déja plus d'une Muse a pris soin de te dire ,
Que tu peux attendrir la cruelle Alecton ,
Arracher des soupirs au barbare Pluton ,
Comme un nouvel Orphée enchanter le Cerbere,
Endormir les Serpens de l'horrible Megere,
Rendre sensible enfin le séjour tenebieux ,
En déplorant le sort d'un Amant malheureux.
Mais ce n'est pas assez pour te combler de gloire;
Poursuis , chere Malcrais , tu n'as pas la victoire.
Rien n'a pû résister à tes divins accens ,
Que le coeur trop ingrat qui cause mes tourmens;
Reconnois ce Berger si fidele et și tendre ,
Dont la voix par hazard à toi se fit entendre ,
L'insensible Silvie a toujours les rigueurs ,
Que ton charmant Pinceau peignit avec mes
pleurs.
Et mon fidele coeur enchaîné par ses charmes ,
N'a point encor cessé de répandre des larmes ,
Si des mêmes couleurs dont tu peins mon tourment
,
Tu pouvois dégager un trop sensible Amant ;
Mais non , touche plutôt mon Amante cruelle,
He ! qui pourroit fléchir le coeur de cette belle !
Mes larmes mes soupirs et mes voeux sont
perdus ,
>
Tous tes charmans accens sont aussi superflus ;
Mes soins , mes tendres soins er ma flamme
constante ,
II. Vol. Sem1324
MERCURE DE FRANCE
Semblent rendre encor plus Sylvie indifférente.
Tu peux voir attentifs à tes divins concerts ,
Les Tygres , .les Rochers , même tout l'Univers;
Mais tu ne peux , Malcrais , attendrir la cruelle.
L'amour sourd à ma voix , et d'accord avec elle
Va bien-tôt me punir par un affreux trépas
Du soin que j'avois pris de vanter ses appas.
De même que l'on voit au Printemps la nature
Eraler à nos yeux sa riante parure ,
De diverses façons , briller de toutes parts ,
Sans le secours de l'art , enchanter nos regards ;
Telle s'offrit à moi la charmante Sylvie ,
De ses attraits d'abord mon ame fut ravie ,
Et frappé , j'admirai l'éclat de sa beauté.
Heureux ! si j'avois sçû prévoir sa cruauté.
Avec plaisir , Malcrais , je t'en fais confidence ,
Aussi- tôt ( car l'amour n'a guere de prudence }
Mon trop crédule coeur résolut en secret
De se rendre à Sylvie. Ha ! funête projet !
J'oubliai mes Moutons , mon Chien et ma Houlette
,•
Occupé du seul soin d'accorder ma Musette ,
J'importune bien-tôt les Echos d'alentour ,
Des appas de Sylvie et de mon tendre amour.
Momens délicieux ! un espoir téméraire ,
Malgré moi m'engageoit à chercher à lui plaire.
Que tes plaisirs , amour , ont des attraits mortels
!
II. Vol. Qu'on
JUIN. 1733. 1325
Qu'on a tort de vouloir t'élever des Autels !
Si tôt qu'elle apperçut le pouvoir de ses charines,
.
La cruelle se fit un tribut de mes larmes ;
Dans ses yeux dont moi seul je connois tout le
prix ,
Je ne lûs plus dèslors que de cruels mépris.
Son coeur à mes soupirs toujours inaccessible ,
A tes sons si touchants est encore insensible.
Tel est de mon destin l'implacable fureur ,
Que rien ne peut, Malciras,soulager ma douleur,
Ne cesse cependant de plaindre ma tendresse ,
Si tu ne peux fléchit mon ingrate Maîtresse ,
Tous les Bergers du moins apprendront quelque
jour ,
Par tes accens à fuir mon exemple en amour.
Il dit ; de sa douleur les mortelles atteintes ,
Finirent dans l'instant sa vie avec ses plaintes,
Ce malheureux Berger, descendu chez les morts,
Ne cesse de redire aux ombres tes accords ;
La Charmante Sapho , la trop tendre la Suse ,
Voyent revivre en toi les charmes de leur muse!
Heureux ! cent fois heureux ! un amant , dont
l'ardeur ,
Oseroit se flatter ... mais espoir séducteur !
Ton coeur fait pour l'amour , est engagé peutêtre
;
Le peindrois-tu si-bien , Malcrais , sans le connoître
?
Le Berger de Lutece.
la Vigne , du Croisic en Bretagne , à
son Elegie , inserée dans le Mercure du
mois de Mars 1733.
D
ELEGI E.
Ans un profond repos , fruit de beaucou
de peine ,
Je rêvois l'autre jour sur les bords de la Seine ,
Quand je vis un Berger dans un Bocage épais ,
Qu'il faisoit retentir de ses tristes
regrets.
Ma douleur , disoit-il , sera - t - elle éternelle ?
Heureux si je pouvois devenir infidelle !
Ton nom vole en tous lieux et tes Vers enchan
teurs ,
Docte et tendre Malcrais , séduisent tous les
coeurs ;
II. Vol.
JUIN.
1733 1323
Qui peut se refuser aux charmes de ta Lyre ?
Déja plus d'une Muse a pris soin de te dire ,
Que tu peux attendrir la cruelle Alecton ,
Arracher des soupirs au barbare Pluton ,
Comme un nouvel Orphée enchanter le Cerbere,
Endormir les Serpens de l'horrible Megere,
Rendre sensible enfin le séjour tenebieux ,
En déplorant le sort d'un Amant malheureux.
Mais ce n'est pas assez pour te combler de gloire;
Poursuis , chere Malcrais , tu n'as pas la victoire.
Rien n'a pû résister à tes divins accens ,
Que le coeur trop ingrat qui cause mes tourmens;
Reconnois ce Berger si fidele et și tendre ,
Dont la voix par hazard à toi se fit entendre ,
L'insensible Silvie a toujours les rigueurs ,
Que ton charmant Pinceau peignit avec mes
pleurs.
Et mon fidele coeur enchaîné par ses charmes ,
N'a point encor cessé de répandre des larmes ,
Si des mêmes couleurs dont tu peins mon tourment
,
Tu pouvois dégager un trop sensible Amant ;
Mais non , touche plutôt mon Amante cruelle,
He ! qui pourroit fléchir le coeur de cette belle !
Mes larmes mes soupirs et mes voeux sont
perdus ,
>
Tous tes charmans accens sont aussi superflus ;
Mes soins , mes tendres soins er ma flamme
constante ,
II. Vol. Sem1324
MERCURE DE FRANCE
Semblent rendre encor plus Sylvie indifférente.
Tu peux voir attentifs à tes divins concerts ,
Les Tygres , .les Rochers , même tout l'Univers;
Mais tu ne peux , Malcrais , attendrir la cruelle.
L'amour sourd à ma voix , et d'accord avec elle
Va bien-tôt me punir par un affreux trépas
Du soin que j'avois pris de vanter ses appas.
De même que l'on voit au Printemps la nature
Eraler à nos yeux sa riante parure ,
De diverses façons , briller de toutes parts ,
Sans le secours de l'art , enchanter nos regards ;
Telle s'offrit à moi la charmante Sylvie ,
De ses attraits d'abord mon ame fut ravie ,
Et frappé , j'admirai l'éclat de sa beauté.
Heureux ! si j'avois sçû prévoir sa cruauté.
Avec plaisir , Malcrais , je t'en fais confidence ,
Aussi- tôt ( car l'amour n'a guere de prudence }
Mon trop crédule coeur résolut en secret
De se rendre à Sylvie. Ha ! funête projet !
J'oubliai mes Moutons , mon Chien et ma Houlette
,•
Occupé du seul soin d'accorder ma Musette ,
J'importune bien-tôt les Echos d'alentour ,
Des appas de Sylvie et de mon tendre amour.
Momens délicieux ! un espoir téméraire ,
Malgré moi m'engageoit à chercher à lui plaire.
Que tes plaisirs , amour , ont des attraits mortels
!
II. Vol. Qu'on
JUIN. 1733. 1325
Qu'on a tort de vouloir t'élever des Autels !
Si tôt qu'elle apperçut le pouvoir de ses charines,
.
La cruelle se fit un tribut de mes larmes ;
Dans ses yeux dont moi seul je connois tout le
prix ,
Je ne lûs plus dèslors que de cruels mépris.
Son coeur à mes soupirs toujours inaccessible ,
A tes sons si touchants est encore insensible.
Tel est de mon destin l'implacable fureur ,
Que rien ne peut, Malciras,soulager ma douleur,
Ne cesse cependant de plaindre ma tendresse ,
Si tu ne peux fléchit mon ingrate Maîtresse ,
Tous les Bergers du moins apprendront quelque
jour ,
Par tes accens à fuir mon exemple en amour.
Il dit ; de sa douleur les mortelles atteintes ,
Finirent dans l'instant sa vie avec ses plaintes,
Ce malheureux Berger, descendu chez les morts,
Ne cesse de redire aux ombres tes accords ;
La Charmante Sapho , la trop tendre la Suse ,
Voyent revivre en toi les charmes de leur muse!
Heureux ! cent fois heureux ! un amant , dont
l'ardeur ,
Oseroit se flatter ... mais espoir séducteur !
Ton coeur fait pour l'amour , est engagé peutêtre
;
Le peindrois-tu si-bien , Malcrais , sans le connoître
?
Le Berger de Lutece.
Fermer
Résumé : RÉPONSE à Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne, à son Elegie, inserée dans le Mercure mois de Mars 1733. ELEGIE.
Le texte est une réponse à une élégie de Mlle de Malcrais, publiée dans le Mercure de mars 1733. L'auteur, un berger, exprime sa douleur amoureuse en rêvant sur les bords de la Seine. Il admire les talents poétiques de Malcrais, capable d'attendrir même les créatures les plus dures. Cependant, malgré ses vers enchanteurs, elle ne peut adoucir le cœur ingrat de Sylvie, l'amante cruelle du berger. Ce dernier, malgré ses efforts et ses larmes, ne parvient pas à attendrir Sylvie, qui reste indifférente à ses souffrances. Le berger compare l'amour à une force destructrice et regrette de ne pas avoir prévu la cruauté de Sylvie. Il finit par mourir de douleur, continuant à chanter les accords de Malcrais même après sa mort. Le texte se termine par une réflexion sur l'amour et ses dangers, soulignant l'incapacité de Malcrais à changer le destin tragique du berger.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
347
p. 1376-1392
Anecdotes de la Cour de Philippe Auguste, [titre d'après la table]
Début :
Il vient de paroître un nouvel Ouvrage, en 3 vol. in 12. que nous avons [...]
Mots clefs :
Roger, Philippe Auguste, Cour, Roi, Anecdotes, Raoul, Amour, Roman, Coucy, Gloire, Coeur, Père, Alix de Rosoit, Champagne, Adélaïde, Nature, Sentiments
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Anecdotes de la Cour de Philippe Auguste, [titre d'après la table]
L vient de paroître un nouvel Ouvrage
, en 3 vol. in 12, que nous avons
déja annoncé sous ce Titre : Anecdotes de
la Cour de Philippe - Auguste. Il se vend
à Paris , chez la veuve Pissot , au bout du
Pont-NeufQuai de Conti , à la Croix d'or.
Le prix est de 6 liv . broché.
Dans le temps que nous nous dispo-
II. Vol. sions
JUI N. 1733 .
1377
sions à donner un Extrait de cet Ouvrage
, nous avons reçû d'un Anonyme ,
celui que nous inserons icy .
Si l'accueil favorable que l'on fait à un
Ouvrage dès qu'il paroît , si le débit le
plus rapide étoient les Titres assurés de
son mérite , il seroit tres- inutile de parler
des Anecdotes de la Cour de Philippe-
Auguste; ce Livre joüit pleinement dès sa
naissance de ce double avantage.
Mais il arrive assez souvent que la
nouveauté éblouisse , sur tout dans un
genre d'écrire inconnu , et original ;
et que la curiosité , honteuse en quelque
façon , d'avoir d'abord été seduite
pour s'être trop livrée , se refroidisse
bien- tôt , si même elle ne dégenere
ou en mépris , ou en satire.
Icy , les applaudissemens universels de
la Cour , de la Ville , des Gens de Let
tres , des Judicieux Critiques , se son
réunis en faveur de ce dernier Ouvrage
de Mademoiselle de Lussan; et cette voix
ou plutôt cette clameur unanime con
tient les Personnes même de mauvaise
humeur , qui font toujours les difficiles ,
et qui peut- être ne soutiennent l'idée
qu'elles veulent donner de leur discer
nement et de leur bon goût , qu'en refusant
aux meilleures choses , d'un ton
11. Vol.
Fija sé1378
MERCURE DE FRANCE
severe, ou qu'en leur disputant, au moins
avec un scrupule affecté , les justes et
sinceres éloges , dont elles sont veritablement
dignes.
C'est beaucoup hazarder que d'oser
faire la planche d'un nouveau genre d'écrire
!L'autheur s'est ouvert des routes
peu connues , en liant à un fond d'Histoire
bien choisi , et tres convenable
des Episodes , qui sans sortir du vrai ton
historique , servent à rendre son sujet ét
plus interressant et plus instructif. Le
vrai et le vrai semblable se perdent dans
un mélange imperceptible ; et à la faveur
de cette liberté du Théatre Tragique ,
l'Autheur retranche d'un côté les longueurs
, les froideurs , les mauvais exemples
qui tiennent souvent à une histoire
exacte ; et de l'autre , il se ménage mille
beautez amenées , avec un art infini ,bien
jointes , par tout soutenuës ; elles naissent
les unes des autres , sans qu'on apperçoive
la chaîne ; et cela , par l'attention
qu'a euë l'Autheur de jetter à propos
les fonds éloignez des évenemens que
l'on voit se développer et éclore avec un
ordre admirable , et chacuns dans leurs
places naturelles. Aussi peut on dire
que la structure du corps de l'Ouvrage
est parfaite en son genre ; qu'elle ne pou-
-
II. Vol. voit
JUIN. 1379 1733.
voit être mieux proportionnée au dessein
, et qu'elle passera toujours pour un
modele.
Le sujet est pris dans les premieres années
du Regne de Philippe - Auguste ,
aussi surnommé le Conquerant. L'on sçait
ce que la France a dû à ce Monarque ; il
monta sur le Thrône à quinze ans , et dèslors
il entra avec tant de maturité dans
le Gouvernement , que les Historiens disent
de lui : Qu'il ne fut jamais jeune , et
que la sagesse l'avoit fait aller audevant
de Pexperience.
Les Grands Rois font les grands Hommes.
La Cour de Philippe en fut une
preuve : C'est dans les secrets et dans les
Evenemens de cette Cour si distinguée ,
que l'Autheur entre pour en faire connoître
la délicatesse et l'élevation . L'on
y voit des Héros qui ont réelement existé
; on les voit partagez entre la Gloire et
l'Amour ; mais dans le vrai, sans que rien
se ressente ni du Roman , ni de ses avantures.
Comme les interêts sont et multipliez
et variez , et relatifs tout ensemble
, le Titre d'Anecdoctes d'une Cour , où
l'Autheur puise ses sujets pour en former
un tout semble un Titre tiré du
fond même de ce qu'il traite. Il est bien
vrai que les plus grands jours viennent
>
II. Vol. Fiij fcap1380
MERCURE DE FRANCE
frapper Roger de Champagne , Comte
de Réthel , mais il s'en faut bien qu'il ne
les absorbe tous ; ils sont distribuez sur
beaucoup d'illustres sujets qui composoient
la Cour de Philippe : On les y voit
placez à des points de vûë tres- interessans
; et ils y représentent , avec un éclat
marqué , sur tout Raoul , Sire de Couci ,
marche de pair , d'un bout à l'autre avec
Roger de Champagne ; l'addresse de
l'Auteur à unir ces deux jeunes Héros par
les liens d'une amitié de l'ordre de celles
que les Anciens ont consacrées , et par
les prochains rapports des inclinations
propres des grands Hommes, fait paroître
Roger et Raoul comme ne faisant ensemble
qu'un coeur ,qu'une ame et qu'une
même vertu. Aussi sont - ils toujours
peints des mêmes couleurs , sans être
confondus ; et si Roger a quelques nuances
de plus , ce plus est presque insensible.
Alberic du Mez , Maréchal de France,
fils de Robert Clement , Gouverneur du
Roy et premier Ministre , le Comte des
Barres , connu sous le nom de Rochefort,
Grand Sénéchal , suivent de près les deux
premiers ; ils courent en tout genre les
mêmes Carrieres , et l'Autheur entrelasse
tellement tous leurs interêts , que
11. Vol. le
JUIN. 1733. 1381
le Lecteur toujours en attente , est sans
cesse dans l'impatience de voir les Eve
nemens qu'il ne peut deviner , mais qui
l'étonnent et le satisfont enfin par tout.
Si l'on voit en Hommes ce que la
Cour de Philippe avoit de plus considerable
, l'on y voit en Femmes ce qu'elle
avoit de plus distingué ; et ce qu'on vit
peut-être jamais de plus surprenant . Alix
de Rosoi , sa mere , la Comtesse de Rosoi
, Adelaide de Couci , fille d'Enguerrand
, surnommé le Grand , et soeur de
Raoul , Sire de Couci , Mademoiselle du
Mez , fille de Robert Clement , soeur
d'Alberic du Mez , tous deux Maréchaux
de France , dans un temps où cette Dignité
étoit unique ; toutes ces Personnes,
dont la beauté faisoit le moindre ornement,
jettent dans l'Ouvrage un inte
rêt infini:Elles étoient les premiers Partis
du Royaume , et les noeuds des plus belles
Alliances , où l'on pouvoit aspirer ;
mais les coeurs ne se commandent pas , et
leurs penchants ou leurs répugnances ,
que l'Autheur connoît à fond et sçait
manier d'une main de maître , lui ouvrent
un champ où il épuise les douceurs
, et les maux , les esperances et les
desespoirs de l'amour , sans avoir jamais à
rougird'en avoir flatté ses foiblesses.Quels
II. Vol.
Fiiij mor1382
MERCURE DE FRANCE
morceaux , quelles situations , quels coups
de Theatre ne pourroit- on pas rapporter,
si l'Analise de cet Ouvrage précis, et par
tout d'une chaleur égale , étoit possible !
mais il faut taire tout , ou tout rapporter
; ou plutôt il faut tout lire : Bien des
personnes relisent plus d'une fois , et se
rendent propre cet Ouvrage , après ne
Pavoir qu'emprunté pour l'essaier .
que
Tout le monde publie qu'on ne peut
mieux peindre les actions , elles sont dans
le naturel , et l'on diroit l'Autheur
en écrivant , coppie sur la nature même .
L'on vante sur tout ses carracteres , leur
variété , leur opposition , leur vérité , et
plus que tout le reste , leur consistance ;
ils ne se démentent pas . Qui a jamais
ressemblé à l'indomptable Enguerrand de
Couci , pere de Raoul , et d'Adelaide ?
L'on voit dans lui un vieux Seigneur
plein d'une ancienne probité , qui le rend
infléxible dans ses devoirs , immuable
dans sa parole , absolu dans sa famille
et incapable de pardonner une faute ; on
le craint , on l'estime , on le respecte , on
l'aime peut-être. Thibault de Champagne
, pere de Roger , ne ressemble ‘ en
rien à Enguerrand , et il est aussi Seigneur
, aussi droit , aussi maître , aussi
pere que lui ; on l'adore , mais par de
›
II. Vol. difJUIN.
1733. 1384
1
différens principes. Henry , oncle de Ro
ger , son Maître et son premier Conducteur
à la Guerre , placé vis - à - vis d'Enguerrand
, paroît son contraste , et l'Autheur
fait douter lequel l'emporte pour
le fond du mérite et de la vertu . Peut on
omettre le Portrait que le Vicomte de
Melun, Ambassadeur auprès de Fréderic,
fait à cet Empereur , du Maréchal du
Mez , Gouverneur de Philippe ? C'est l'éloge
du Vicomte d'avoir été l'ami du-
Maréchal ; mais que celui du Maréchal
est bien placé dans la bouche d'un homme
vertueux , qui l'avoit connu et péné
tré ! Le recit que fait le Vicomte de Melun
, et du caractere , et des maximes du
Maréchal , est l'abrégé le plus parfait des
grandes qualitez , comme des
sages Leçons
d'un vrai Gouverneur de Roy. Il
n'en faut pas davantage pour faire et un
grand Homme d'Etat , et un grand Monarque.
On comprend à peine comment
Autheur a pû resserrer ainsi toute l'éducation
Royale , et active et passive ;
mais Philippe a bien justifié que les impressions
qu'il avoit reçuës du Maréchal ,
toutes contenues dans ce petit Tableau
suffisoient pour rendre complette et la
gloire d'une telle instruction , et la gloire
d'une telle éducation ,
"
II. Vol. La Fy
384 MERCURE DE FRANCE
pre-
La même diversité de caracteres conserve
une égale beauté dans les Femmes.
Alix de Rosoi , et Adelaide de Couci
sont ce que leur sexe a de plus rare , de
plus accompli , de plus charmant ; la
miere plonge , par sa mort , Roger de
Champagne , dans le dernier excès de
douleurs ; eh ! comment n'y succombet-
il pas ? Quelques années après , la seconde
le captive au même point; elles ont
été toutes deux les seules qui ont successivement
trouvé la route de son coeur
elles y ont toutes deux regné souverainement
toutes deux , également vertueuses
, forment deux caracteres diamétralement
opposez . La Comtesse de
Rosoi , mere d'Alix , devenuë rivale de
sa fille , donne un spectacle étonnant.
L'on apperçoit dans elle le fond d'un riche
caractere , mais l'on ne s'attend pas
jusques à quel point son injuste passion
va le développer ou plutôt le défigurer !
Elle ne pousse pas le crime si loin qu'une
Phédre , mais elle la passe en addresse ,
en détours , en embuches , pour parvenir
à ses fins ; à quelles indignitez ne
descend- t- elle pas pour écarter à jamais
sa fille de Roger , et pour le raprocher
d'elle ? Après tant d'efforts , elle échouë ;
ses regrets , son desespoir , creusent son
II. Vol.
TomJUIN.
17336 1385
-
Tombeau ; elle meurt. Par quel art l'Au
theur fait il encore pleurer une mort
de cette nature ? C'est l'effet d'un repens
tir que l'on a rendu aussi touchant qu'il
est , et bien imaginé , et bien placé. Madame
de Rosoi expie , en mourant , les
cruels artifices du délire de son amour
et elle meurt vertueuse , parce qu'elle
meurt repentante ; sa vertu rachettée à
ce prix , ne la laissant plus voir que fort
à plaindre , elle emporte la compassion ,
qui efface tout autre sentiment.
و
Au milieu des agitations que l'amour
excite dans cette Cour aimable, Philippe
toujours égal à lui- même , toujours maî
tre des mouvemens de son coeur et de
son esprit , est attentif ou à parer les funestes
effets de cette dangereuse passion ,
ou à maintenir avec dignité le bon ordre,
en se prêtant aux grandes alliances qui
l'interessent, ou comme un Roy , ou comme
un Pere , ou même comme un ami
reconnoissant. Il sçait tout , mais il ne
paroît sçavoir que ce que son rang et sa
vertu lui permettent de regler par luimême.
Tel est le principe de ses bontez
pour Roger de Champagne , pour Adċlaide
de Couci , dont le mérite, la sages
se et la fermeté le touchent , pour Albe
ric du Mez , pour sa soeur, tous deux en
AI. Vol
Fvi fans
1386 MERCURE DE FRANCE
fans d'un Gouverneur , dont le souvenír
lui est si précieux ; il entre dans les établissemens
convenables , ausquels leurs
penchants semblent les disposer. Mais il
paroît toujours et par tout ignorer les
sentimens réciproques de Raoul de Couci
, et de Madame de Fajel , qu'un devoir
austere ne sçauroit approuver.
Ces attentions domestiques de Philip
pe , ne lui font rien perdre de celles qu'il
doit au bien de l'Etat et à sa gloire. Il esɛ
présent par d'autres lui - même, au Camp
que Hugues , Duc de Bourgogne , a assemblé
sous les Murs de Dijon ; il pénétre
ses projets au travers de cette Fête
Militaire , d'une simple ostentation exterieure
; il mesure ses forces. Si la Guerre
l'appelle , alors ceux que l'amour avoit
occuppez dans la Paix , n'écoutent plus
que la gloire. Philippe marche à leur
tête, tantôt contre le Comte de Flandres,
son oncle, son parrain et son tuteur,dont
il humilie l'orgueil , il réprime l'abus
qu'il avoit fait de toute sa confiance s
tantôt en Berri, contre Henry , Roy d'Angleterre
, et Richard , son fils ; il les divise,
il en triomphe; tantôt dans le Maine
et la Touraine , contre les mêmes Ennemis.
Si Philippe donne par hazard dans
une Ambuscade dangereuse , l'on trouve
II. Vela dans
JUIN. 1733. 1387
D
dans ce Roy un Soldat qui paye de sa
personne , et qui au péril de sa vie , seconde
le grand Senechal , à qui il venoit
de la devoir. S'il passe en Palestine , on le
voit le premier à l'assaut de la Ville d'Acre
, et il se signale sur ses Ramparts
comme le Vainqueur de Tyr , sar ceux
de cette Place de résistance. Enfin , l'Autheur
represente par tout Philippe , justifiant
des ses commencemens , les grandes
esperances qu'il remplit, en se rendant
de plus en plus digne des surnoms d'Auguste
et de Conquerant , qu'il sçut roujours
soutenir et au dedans , et au dehors.
Roger le suit de près ; c'est un de ceux
dont la prudence , et la valeur fondent
la confiance du Roy dans ses grands
projets. L'on voit Roger sous Henry de
Champagne , son oncle , faire l'apprentissage
de la guerre aux dépens du Com
te de Flandre. Quel maître , et quel disciple
! il conduit , et jette lui - même des
Troupes dans une Ville assiégée par le
Comte ; action inutilement tentée par
ses égaux. Il suit le Roy dans les guerres
du Berri er du Maine ; il se distingue par
tout , et peu s'en faut qu'il ne paye de sa
vie la gloire dont il se couvre à la prise
de Tours , où il est dangereusement bles-
II. Vol.
sé.
7388 MERCURE DE FRANCE
sé. Il passe avec Philippe en Palestine ;
lai et Raoul couvrent de leurs corps la
personne du Roy sur les murs de la Vild'Acre
, et si dans un péril commun
Raoul reçoit le coup mortel , qu'un Sarazin
portoit au Roy, Roger y étoit aussi
exposé que Raoul , et le hazard seul en
décide ; mais la séparation de ces deux
amis est le plus parfait triomphe de l'amitié;
qu'elle est touchante! Rien n'est au
dessus que les sentimens de Raoul, et l'étrange
présent dont il couronne son amour
pour l'infortunée Madame de Fajel.
Aucun Capitaine ne fait ombrage à
Roger du côté de la gloire des Armes ;
mais il est des personnes qui du côté de
l'amour ne lui trouvent pas assés de délicatesse
ces personnes d'un entêtement
chimerique en faveur des avantures romanesques
, voudroient voir Roger éteindre
de son sang la belle flame qu'Alix de
Rosoi avoit si bien allumée dans son coeur ;
elles ne peuvent voir mourir Alix et Ro
ger vivre encore ; elles ne lui pardonnent
pas son passage à un autre objet , quelque
charmant qu'il puisse être;mais l'Autheur
, dont les idées sont bien éloignées.
de tout ce qui ressent le Roman , n'écou
te et ne suit que les Loix de la nature.
Roger livré à toute l'horreur de sa perte
11. Vol. dans
JUIN. 1733. 1389
dans Alix, n'a plus rien qui l'attache à la
vie. Mais un Pere ; et quel Pere encore !
Un Pere dont il fait l'unique esperance ,
le conjure de vivre pour lui. Roger qui
ne peut ni vivre ni mourir , porte par
tout le trait dont il a été blessé ; et insuportable
à lui-même , il quitte à l'insçû
de tout le monde sa Patrie , alors trop pacifique,
pour aller chercher dans des Terres
Étrangeres des périls qui ne l'épargneront
pas. Il passe en inconnu , et sous
un nom emprunté , au service de Frédéric
, alors en guerre avec tous ses voisins;
mais les périls qu'il cherche ne sont pour
lui qu'une source de gloire . Sa valeur et
sa prudence se font jour , et font soupçonner
dans lui une naissance plus relevéc
que celle qu'il se donne ; il est découvert
, son Roy le reclame , son Pere
l'appelle ; Roger revient , et malgré la
dissipation d'un service tres agité pendant
plus de deux ans , Alix n'est pas effacée
de son coeur. Il semble que l'amour
veuille la lui rendre dans Adelaide de
Couci , dont les traits , la taille et le port
majestueux lui représentent en tout sa
chere Alix : Il s'y accoutume d'abord ,
sous le prétexte de cette parfaite ressemblance
; des difficultez insurmontables et
-pressantes viennent encore irriter l'amour
JI. Vol.
nais1390
MERCURE DE FRANCE
naissant de Roger ; il aime enfin , et il est
aimé. Que la folie du Roman condamne,
puisqu'il lui plaît, une telle conduite , li
sagesse de la nature l'approuvera toujours
et l'expérience de tous les hommes , de
tous les temps la justifiera , elle est dans
l'ordre du coeur humain .
Cet Ouvrage honore infiniment son
Autheur , et poussé au dégré de perfec
tion où on le voit , il doit l'honorer doublement
en faveur de son sexe. Que Madamoiselle
de Lussan rende , comme elle
a fait dans la vie de Madame de Gondés ,
la fidelle image du commerce des honnê
tes gens d'aujourd'hui , et cela sur le ton
de la bonne compagnie , c'est ce qu'on
pouvoit attendre de son esprit et d'un
long usage du monde. Que pour diver
tir són imagination avant que de divertir
celle des autres , elle lui ait donné
carriere dans ses Veillées de Thessalie, pour
instruire les jeunes personnes en les amu
sant ; c'est un utile et élégant badinage ,
digne d'occuper ses loisirs ; mais un Ŏuvrage
de la force de celui dont il s'agit
icy , monté sur le vrai ton héroïque , et
sur celui de la Cour , soutenu par un langage
digne de la noblesse des sentimens
qui y regne , il faut dans elle un grand
courage pour l'avoir entrepris , il faut
11. Vol.
qu'el
JUIN. 1733 . 1391
qu'elle soit bien supérieure à son sexe
pour l'avoir conduit et exécuté comme
elle l'a fait. De se former un systême nouveau
où l'Histoire, le Dramme, l'Epopée
se marient ensemble, et font un tout à la
faveur d'un langage propre de ces trois
genres. Langage vrai , tendre , disert¸
vigoureux, militaire , s'il le faut , et toujours
proportionné à l'objet present , c'est
quelque chose de tres - singulier. Le stile
en est élevé sans emphase , choisi sans recherche
et sans avoir rien de précieux ;
il plaira toujours tandis que bien d'au
tres Ecrits où l'on court après l'esprit ,
qu'on veut captiver dans des mots imaginez
pour lui , passeront peut- être .Quoique
l'Ouvrage soit plein d'esprit , il se
trouve tellement mêlé avec le sentiment,
qu'on croiroit qu'il n'a sa source que dans
le coeur. Les Dialogues y sont licz , leurs
passages si doux , si mesurez à la hauteur
de ceux qui parlent, que l'on diroit qu'ils
n'ont rien coûté à l'autheurs et que la
simple nature en a fait sans effort et sans
étude tous les frais , sur tout dans les endroits
qui tirent à conséquence , et qui
semblent décisifs : en vérité l'on voit des
Scenes dignes du grand Théatre , elles
sont si vivement écrites et renduës avec
tant de dignité et d'énergie , que la lettre
II. Vol. sup1392
MERCURE DE FRANCE
supplé à la représentation, et que le Lecteur
conçoit tout ce qui frapperoit un
Spectateur. Ceux qui ont crû que la Tragédie
en p ose pourroit avoir autant d'effet
qu'en Vers , trouveront dans les bel
les e frequentes Scenes de cet Ouvrage
qui semblent toutes appeller la Poësie ,
des raisons pour appuyer leurs sentimens.
Ainsi les Historiens , les Poetes , et Dramatiques
et Epiques , pourront y trouver
leur compte ; mais l'avantage général
qu'en peuvent tirer les Lecteurs de tout
Sexe et de tous Etats , capable de bien lire
et de bien entendre , regarde et l'esprit ,
et le coeur et les moeurs , également instruits
par cet Ouvrage , rempli des plus
grands principes en tout genre.
, en 3 vol. in 12, que nous avons
déja annoncé sous ce Titre : Anecdotes de
la Cour de Philippe - Auguste. Il se vend
à Paris , chez la veuve Pissot , au bout du
Pont-NeufQuai de Conti , à la Croix d'or.
Le prix est de 6 liv . broché.
Dans le temps que nous nous dispo-
II. Vol. sions
JUI N. 1733 .
1377
sions à donner un Extrait de cet Ouvrage
, nous avons reçû d'un Anonyme ,
celui que nous inserons icy .
Si l'accueil favorable que l'on fait à un
Ouvrage dès qu'il paroît , si le débit le
plus rapide étoient les Titres assurés de
son mérite , il seroit tres- inutile de parler
des Anecdotes de la Cour de Philippe-
Auguste; ce Livre joüit pleinement dès sa
naissance de ce double avantage.
Mais il arrive assez souvent que la
nouveauté éblouisse , sur tout dans un
genre d'écrire inconnu , et original ;
et que la curiosité , honteuse en quelque
façon , d'avoir d'abord été seduite
pour s'être trop livrée , se refroidisse
bien- tôt , si même elle ne dégenere
ou en mépris , ou en satire.
Icy , les applaudissemens universels de
la Cour , de la Ville , des Gens de Let
tres , des Judicieux Critiques , se son
réunis en faveur de ce dernier Ouvrage
de Mademoiselle de Lussan; et cette voix
ou plutôt cette clameur unanime con
tient les Personnes même de mauvaise
humeur , qui font toujours les difficiles ,
et qui peut- être ne soutiennent l'idée
qu'elles veulent donner de leur discer
nement et de leur bon goût , qu'en refusant
aux meilleures choses , d'un ton
11. Vol.
Fija sé1378
MERCURE DE FRANCE
severe, ou qu'en leur disputant, au moins
avec un scrupule affecté , les justes et
sinceres éloges , dont elles sont veritablement
dignes.
C'est beaucoup hazarder que d'oser
faire la planche d'un nouveau genre d'écrire
!L'autheur s'est ouvert des routes
peu connues , en liant à un fond d'Histoire
bien choisi , et tres convenable
des Episodes , qui sans sortir du vrai ton
historique , servent à rendre son sujet ét
plus interressant et plus instructif. Le
vrai et le vrai semblable se perdent dans
un mélange imperceptible ; et à la faveur
de cette liberté du Théatre Tragique ,
l'Autheur retranche d'un côté les longueurs
, les froideurs , les mauvais exemples
qui tiennent souvent à une histoire
exacte ; et de l'autre , il se ménage mille
beautez amenées , avec un art infini ,bien
jointes , par tout soutenuës ; elles naissent
les unes des autres , sans qu'on apperçoive
la chaîne ; et cela , par l'attention
qu'a euë l'Autheur de jetter à propos
les fonds éloignez des évenemens que
l'on voit se développer et éclore avec un
ordre admirable , et chacuns dans leurs
places naturelles. Aussi peut on dire
que la structure du corps de l'Ouvrage
est parfaite en son genre ; qu'elle ne pou-
-
II. Vol. voit
JUIN. 1379 1733.
voit être mieux proportionnée au dessein
, et qu'elle passera toujours pour un
modele.
Le sujet est pris dans les premieres années
du Regne de Philippe - Auguste ,
aussi surnommé le Conquerant. L'on sçait
ce que la France a dû à ce Monarque ; il
monta sur le Thrône à quinze ans , et dèslors
il entra avec tant de maturité dans
le Gouvernement , que les Historiens disent
de lui : Qu'il ne fut jamais jeune , et
que la sagesse l'avoit fait aller audevant
de Pexperience.
Les Grands Rois font les grands Hommes.
La Cour de Philippe en fut une
preuve : C'est dans les secrets et dans les
Evenemens de cette Cour si distinguée ,
que l'Autheur entre pour en faire connoître
la délicatesse et l'élevation . L'on
y voit des Héros qui ont réelement existé
; on les voit partagez entre la Gloire et
l'Amour ; mais dans le vrai, sans que rien
se ressente ni du Roman , ni de ses avantures.
Comme les interêts sont et multipliez
et variez , et relatifs tout ensemble
, le Titre d'Anecdoctes d'une Cour , où
l'Autheur puise ses sujets pour en former
un tout semble un Titre tiré du
fond même de ce qu'il traite. Il est bien
vrai que les plus grands jours viennent
>
II. Vol. Fiij fcap1380
MERCURE DE FRANCE
frapper Roger de Champagne , Comte
de Réthel , mais il s'en faut bien qu'il ne
les absorbe tous ; ils sont distribuez sur
beaucoup d'illustres sujets qui composoient
la Cour de Philippe : On les y voit
placez à des points de vûë tres- interessans
; et ils y représentent , avec un éclat
marqué , sur tout Raoul , Sire de Couci ,
marche de pair , d'un bout à l'autre avec
Roger de Champagne ; l'addresse de
l'Auteur à unir ces deux jeunes Héros par
les liens d'une amitié de l'ordre de celles
que les Anciens ont consacrées , et par
les prochains rapports des inclinations
propres des grands Hommes, fait paroître
Roger et Raoul comme ne faisant ensemble
qu'un coeur ,qu'une ame et qu'une
même vertu. Aussi sont - ils toujours
peints des mêmes couleurs , sans être
confondus ; et si Roger a quelques nuances
de plus , ce plus est presque insensible.
Alberic du Mez , Maréchal de France,
fils de Robert Clement , Gouverneur du
Roy et premier Ministre , le Comte des
Barres , connu sous le nom de Rochefort,
Grand Sénéchal , suivent de près les deux
premiers ; ils courent en tout genre les
mêmes Carrieres , et l'Autheur entrelasse
tellement tous leurs interêts , que
11. Vol. le
JUIN. 1733. 1381
le Lecteur toujours en attente , est sans
cesse dans l'impatience de voir les Eve
nemens qu'il ne peut deviner , mais qui
l'étonnent et le satisfont enfin par tout.
Si l'on voit en Hommes ce que la
Cour de Philippe avoit de plus considerable
, l'on y voit en Femmes ce qu'elle
avoit de plus distingué ; et ce qu'on vit
peut-être jamais de plus surprenant . Alix
de Rosoi , sa mere , la Comtesse de Rosoi
, Adelaide de Couci , fille d'Enguerrand
, surnommé le Grand , et soeur de
Raoul , Sire de Couci , Mademoiselle du
Mez , fille de Robert Clement , soeur
d'Alberic du Mez , tous deux Maréchaux
de France , dans un temps où cette Dignité
étoit unique ; toutes ces Personnes,
dont la beauté faisoit le moindre ornement,
jettent dans l'Ouvrage un inte
rêt infini:Elles étoient les premiers Partis
du Royaume , et les noeuds des plus belles
Alliances , où l'on pouvoit aspirer ;
mais les coeurs ne se commandent pas , et
leurs penchants ou leurs répugnances ,
que l'Autheur connoît à fond et sçait
manier d'une main de maître , lui ouvrent
un champ où il épuise les douceurs
, et les maux , les esperances et les
desespoirs de l'amour , sans avoir jamais à
rougird'en avoir flatté ses foiblesses.Quels
II. Vol.
Fiiij mor1382
MERCURE DE FRANCE
morceaux , quelles situations , quels coups
de Theatre ne pourroit- on pas rapporter,
si l'Analise de cet Ouvrage précis, et par
tout d'une chaleur égale , étoit possible !
mais il faut taire tout , ou tout rapporter
; ou plutôt il faut tout lire : Bien des
personnes relisent plus d'une fois , et se
rendent propre cet Ouvrage , après ne
Pavoir qu'emprunté pour l'essaier .
que
Tout le monde publie qu'on ne peut
mieux peindre les actions , elles sont dans
le naturel , et l'on diroit l'Autheur
en écrivant , coppie sur la nature même .
L'on vante sur tout ses carracteres , leur
variété , leur opposition , leur vérité , et
plus que tout le reste , leur consistance ;
ils ne se démentent pas . Qui a jamais
ressemblé à l'indomptable Enguerrand de
Couci , pere de Raoul , et d'Adelaide ?
L'on voit dans lui un vieux Seigneur
plein d'une ancienne probité , qui le rend
infléxible dans ses devoirs , immuable
dans sa parole , absolu dans sa famille
et incapable de pardonner une faute ; on
le craint , on l'estime , on le respecte , on
l'aime peut-être. Thibault de Champagne
, pere de Roger , ne ressemble ‘ en
rien à Enguerrand , et il est aussi Seigneur
, aussi droit , aussi maître , aussi
pere que lui ; on l'adore , mais par de
›
II. Vol. difJUIN.
1733. 1384
1
différens principes. Henry , oncle de Ro
ger , son Maître et son premier Conducteur
à la Guerre , placé vis - à - vis d'Enguerrand
, paroît son contraste , et l'Autheur
fait douter lequel l'emporte pour
le fond du mérite et de la vertu . Peut on
omettre le Portrait que le Vicomte de
Melun, Ambassadeur auprès de Fréderic,
fait à cet Empereur , du Maréchal du
Mez , Gouverneur de Philippe ? C'est l'éloge
du Vicomte d'avoir été l'ami du-
Maréchal ; mais que celui du Maréchal
est bien placé dans la bouche d'un homme
vertueux , qui l'avoit connu et péné
tré ! Le recit que fait le Vicomte de Melun
, et du caractere , et des maximes du
Maréchal , est l'abrégé le plus parfait des
grandes qualitez , comme des
sages Leçons
d'un vrai Gouverneur de Roy. Il
n'en faut pas davantage pour faire et un
grand Homme d'Etat , et un grand Monarque.
On comprend à peine comment
Autheur a pû resserrer ainsi toute l'éducation
Royale , et active et passive ;
mais Philippe a bien justifié que les impressions
qu'il avoit reçuës du Maréchal ,
toutes contenues dans ce petit Tableau
suffisoient pour rendre complette et la
gloire d'une telle instruction , et la gloire
d'une telle éducation ,
"
II. Vol. La Fy
384 MERCURE DE FRANCE
pre-
La même diversité de caracteres conserve
une égale beauté dans les Femmes.
Alix de Rosoi , et Adelaide de Couci
sont ce que leur sexe a de plus rare , de
plus accompli , de plus charmant ; la
miere plonge , par sa mort , Roger de
Champagne , dans le dernier excès de
douleurs ; eh ! comment n'y succombet-
il pas ? Quelques années après , la seconde
le captive au même point; elles ont
été toutes deux les seules qui ont successivement
trouvé la route de son coeur
elles y ont toutes deux regné souverainement
toutes deux , également vertueuses
, forment deux caracteres diamétralement
opposez . La Comtesse de
Rosoi , mere d'Alix , devenuë rivale de
sa fille , donne un spectacle étonnant.
L'on apperçoit dans elle le fond d'un riche
caractere , mais l'on ne s'attend pas
jusques à quel point son injuste passion
va le développer ou plutôt le défigurer !
Elle ne pousse pas le crime si loin qu'une
Phédre , mais elle la passe en addresse ,
en détours , en embuches , pour parvenir
à ses fins ; à quelles indignitez ne
descend- t- elle pas pour écarter à jamais
sa fille de Roger , et pour le raprocher
d'elle ? Après tant d'efforts , elle échouë ;
ses regrets , son desespoir , creusent son
II. Vol.
TomJUIN.
17336 1385
-
Tombeau ; elle meurt. Par quel art l'Au
theur fait il encore pleurer une mort
de cette nature ? C'est l'effet d'un repens
tir que l'on a rendu aussi touchant qu'il
est , et bien imaginé , et bien placé. Madame
de Rosoi expie , en mourant , les
cruels artifices du délire de son amour
et elle meurt vertueuse , parce qu'elle
meurt repentante ; sa vertu rachettée à
ce prix , ne la laissant plus voir que fort
à plaindre , elle emporte la compassion ,
qui efface tout autre sentiment.
و
Au milieu des agitations que l'amour
excite dans cette Cour aimable, Philippe
toujours égal à lui- même , toujours maî
tre des mouvemens de son coeur et de
son esprit , est attentif ou à parer les funestes
effets de cette dangereuse passion ,
ou à maintenir avec dignité le bon ordre,
en se prêtant aux grandes alliances qui
l'interessent, ou comme un Roy , ou comme
un Pere , ou même comme un ami
reconnoissant. Il sçait tout , mais il ne
paroît sçavoir que ce que son rang et sa
vertu lui permettent de regler par luimême.
Tel est le principe de ses bontez
pour Roger de Champagne , pour Adċlaide
de Couci , dont le mérite, la sages
se et la fermeté le touchent , pour Albe
ric du Mez , pour sa soeur, tous deux en
AI. Vol
Fvi fans
1386 MERCURE DE FRANCE
fans d'un Gouverneur , dont le souvenír
lui est si précieux ; il entre dans les établissemens
convenables , ausquels leurs
penchants semblent les disposer. Mais il
paroît toujours et par tout ignorer les
sentimens réciproques de Raoul de Couci
, et de Madame de Fajel , qu'un devoir
austere ne sçauroit approuver.
Ces attentions domestiques de Philip
pe , ne lui font rien perdre de celles qu'il
doit au bien de l'Etat et à sa gloire. Il esɛ
présent par d'autres lui - même, au Camp
que Hugues , Duc de Bourgogne , a assemblé
sous les Murs de Dijon ; il pénétre
ses projets au travers de cette Fête
Militaire , d'une simple ostentation exterieure
; il mesure ses forces. Si la Guerre
l'appelle , alors ceux que l'amour avoit
occuppez dans la Paix , n'écoutent plus
que la gloire. Philippe marche à leur
tête, tantôt contre le Comte de Flandres,
son oncle, son parrain et son tuteur,dont
il humilie l'orgueil , il réprime l'abus
qu'il avoit fait de toute sa confiance s
tantôt en Berri, contre Henry , Roy d'Angleterre
, et Richard , son fils ; il les divise,
il en triomphe; tantôt dans le Maine
et la Touraine , contre les mêmes Ennemis.
Si Philippe donne par hazard dans
une Ambuscade dangereuse , l'on trouve
II. Vela dans
JUIN. 1733. 1387
D
dans ce Roy un Soldat qui paye de sa
personne , et qui au péril de sa vie , seconde
le grand Senechal , à qui il venoit
de la devoir. S'il passe en Palestine , on le
voit le premier à l'assaut de la Ville d'Acre
, et il se signale sur ses Ramparts
comme le Vainqueur de Tyr , sar ceux
de cette Place de résistance. Enfin , l'Autheur
represente par tout Philippe , justifiant
des ses commencemens , les grandes
esperances qu'il remplit, en se rendant
de plus en plus digne des surnoms d'Auguste
et de Conquerant , qu'il sçut roujours
soutenir et au dedans , et au dehors.
Roger le suit de près ; c'est un de ceux
dont la prudence , et la valeur fondent
la confiance du Roy dans ses grands
projets. L'on voit Roger sous Henry de
Champagne , son oncle , faire l'apprentissage
de la guerre aux dépens du Com
te de Flandre. Quel maître , et quel disciple
! il conduit , et jette lui - même des
Troupes dans une Ville assiégée par le
Comte ; action inutilement tentée par
ses égaux. Il suit le Roy dans les guerres
du Berri er du Maine ; il se distingue par
tout , et peu s'en faut qu'il ne paye de sa
vie la gloire dont il se couvre à la prise
de Tours , où il est dangereusement bles-
II. Vol.
sé.
7388 MERCURE DE FRANCE
sé. Il passe avec Philippe en Palestine ;
lai et Raoul couvrent de leurs corps la
personne du Roy sur les murs de la Vild'Acre
, et si dans un péril commun
Raoul reçoit le coup mortel , qu'un Sarazin
portoit au Roy, Roger y étoit aussi
exposé que Raoul , et le hazard seul en
décide ; mais la séparation de ces deux
amis est le plus parfait triomphe de l'amitié;
qu'elle est touchante! Rien n'est au
dessus que les sentimens de Raoul, et l'étrange
présent dont il couronne son amour
pour l'infortunée Madame de Fajel.
Aucun Capitaine ne fait ombrage à
Roger du côté de la gloire des Armes ;
mais il est des personnes qui du côté de
l'amour ne lui trouvent pas assés de délicatesse
ces personnes d'un entêtement
chimerique en faveur des avantures romanesques
, voudroient voir Roger éteindre
de son sang la belle flame qu'Alix de
Rosoi avoit si bien allumée dans son coeur ;
elles ne peuvent voir mourir Alix et Ro
ger vivre encore ; elles ne lui pardonnent
pas son passage à un autre objet , quelque
charmant qu'il puisse être;mais l'Autheur
, dont les idées sont bien éloignées.
de tout ce qui ressent le Roman , n'écou
te et ne suit que les Loix de la nature.
Roger livré à toute l'horreur de sa perte
11. Vol. dans
JUIN. 1733. 1389
dans Alix, n'a plus rien qui l'attache à la
vie. Mais un Pere ; et quel Pere encore !
Un Pere dont il fait l'unique esperance ,
le conjure de vivre pour lui. Roger qui
ne peut ni vivre ni mourir , porte par
tout le trait dont il a été blessé ; et insuportable
à lui-même , il quitte à l'insçû
de tout le monde sa Patrie , alors trop pacifique,
pour aller chercher dans des Terres
Étrangeres des périls qui ne l'épargneront
pas. Il passe en inconnu , et sous
un nom emprunté , au service de Frédéric
, alors en guerre avec tous ses voisins;
mais les périls qu'il cherche ne sont pour
lui qu'une source de gloire . Sa valeur et
sa prudence se font jour , et font soupçonner
dans lui une naissance plus relevéc
que celle qu'il se donne ; il est découvert
, son Roy le reclame , son Pere
l'appelle ; Roger revient , et malgré la
dissipation d'un service tres agité pendant
plus de deux ans , Alix n'est pas effacée
de son coeur. Il semble que l'amour
veuille la lui rendre dans Adelaide de
Couci , dont les traits , la taille et le port
majestueux lui représentent en tout sa
chere Alix : Il s'y accoutume d'abord ,
sous le prétexte de cette parfaite ressemblance
; des difficultez insurmontables et
-pressantes viennent encore irriter l'amour
JI. Vol.
nais1390
MERCURE DE FRANCE
naissant de Roger ; il aime enfin , et il est
aimé. Que la folie du Roman condamne,
puisqu'il lui plaît, une telle conduite , li
sagesse de la nature l'approuvera toujours
et l'expérience de tous les hommes , de
tous les temps la justifiera , elle est dans
l'ordre du coeur humain .
Cet Ouvrage honore infiniment son
Autheur , et poussé au dégré de perfec
tion où on le voit , il doit l'honorer doublement
en faveur de son sexe. Que Madamoiselle
de Lussan rende , comme elle
a fait dans la vie de Madame de Gondés ,
la fidelle image du commerce des honnê
tes gens d'aujourd'hui , et cela sur le ton
de la bonne compagnie , c'est ce qu'on
pouvoit attendre de son esprit et d'un
long usage du monde. Que pour diver
tir són imagination avant que de divertir
celle des autres , elle lui ait donné
carriere dans ses Veillées de Thessalie, pour
instruire les jeunes personnes en les amu
sant ; c'est un utile et élégant badinage ,
digne d'occuper ses loisirs ; mais un Ŏuvrage
de la force de celui dont il s'agit
icy , monté sur le vrai ton héroïque , et
sur celui de la Cour , soutenu par un langage
digne de la noblesse des sentimens
qui y regne , il faut dans elle un grand
courage pour l'avoir entrepris , il faut
11. Vol.
qu'el
JUIN. 1733 . 1391
qu'elle soit bien supérieure à son sexe
pour l'avoir conduit et exécuté comme
elle l'a fait. De se former un systême nouveau
où l'Histoire, le Dramme, l'Epopée
se marient ensemble, et font un tout à la
faveur d'un langage propre de ces trois
genres. Langage vrai , tendre , disert¸
vigoureux, militaire , s'il le faut , et toujours
proportionné à l'objet present , c'est
quelque chose de tres - singulier. Le stile
en est élevé sans emphase , choisi sans recherche
et sans avoir rien de précieux ;
il plaira toujours tandis que bien d'au
tres Ecrits où l'on court après l'esprit ,
qu'on veut captiver dans des mots imaginez
pour lui , passeront peut- être .Quoique
l'Ouvrage soit plein d'esprit , il se
trouve tellement mêlé avec le sentiment,
qu'on croiroit qu'il n'a sa source que dans
le coeur. Les Dialogues y sont licz , leurs
passages si doux , si mesurez à la hauteur
de ceux qui parlent, que l'on diroit qu'ils
n'ont rien coûté à l'autheurs et que la
simple nature en a fait sans effort et sans
étude tous les frais , sur tout dans les endroits
qui tirent à conséquence , et qui
semblent décisifs : en vérité l'on voit des
Scenes dignes du grand Théatre , elles
sont si vivement écrites et renduës avec
tant de dignité et d'énergie , que la lettre
II. Vol. sup1392
MERCURE DE FRANCE
supplé à la représentation, et que le Lecteur
conçoit tout ce qui frapperoit un
Spectateur. Ceux qui ont crû que la Tragédie
en p ose pourroit avoir autant d'effet
qu'en Vers , trouveront dans les bel
les e frequentes Scenes de cet Ouvrage
qui semblent toutes appeller la Poësie ,
des raisons pour appuyer leurs sentimens.
Ainsi les Historiens , les Poetes , et Dramatiques
et Epiques , pourront y trouver
leur compte ; mais l'avantage général
qu'en peuvent tirer les Lecteurs de tout
Sexe et de tous Etats , capable de bien lire
et de bien entendre , regarde et l'esprit ,
et le coeur et les moeurs , également instruits
par cet Ouvrage , rempli des plus
grands principes en tout genre.
Fermer
Résumé : Anecdotes de la Cour de Philippe Auguste, [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Anecdotes de la Cour de Philippe-Auguste' a été publié en trois volumes in-12 et est disponible à Paris chez la veuve Pissot. L'auteur, Mademoiselle de Lussan, a reçu des éloges de la cour, de la ville, des gens de lettres et des critiques pour son innovation de mêler histoire et épisodes fictifs. Le récit se déroule durant les premières années du règne de Philippe-Auguste, surnommé le Conquérant, qui monta sur le trône à quinze ans et montra une grande maturité dans le gouvernement. L'ouvrage explore les secrets et événements de la cour de Philippe-Auguste, mettant en scène des héros réels partagés entre gloire et amour. Les personnages principaux incluent Roger de Champagne, Comte de Réthel, et Raoul, Sire de Couci, dont l'amitié est mise en avant. D'autres figures notables comme Alberic du Mez, Maréchal de France, et le Comte des Barres sont également présents. Les intrigues amoureuses et les alliances politiques sont détaillées avec précision, sans tomber dans le romanesque. Les femmes de la cour, telles qu'Alix de Rosoi et Adelaide de Couci, ajoutent un intérêt supplémentaire avec leurs beautés et leurs intrigues. Philippe-Auguste lui-même est dépeint comme un souverain maître de ses émotions, attentif aux affaires de l'État et à sa gloire. Il mène des campagnes militaires contre divers ennemis, comme le Comte de Flandres et le Roi d'Angleterre, et se distingue par son courage et sa stratégie. L'auteur a su créer des personnages variés et consistants, chacun avec des traits distincts et des oppositions marquées. Le récit est structuré de manière à maintenir l'intérêt du lecteur, avec des événements imprévus et des développements logiques. L'ouvrage est salué pour sa fidélité à la nature et la vérité de ses descriptions. Le texte relate également les exploits et les amours de Roger, connu pour sa prudence et sa valeur, qui sert fidèlement le roi et se distingue dans diverses batailles. Son amitié avec Raoul est soulignée, ainsi que son amour pour Alix de Rosoi. Après la mort d'Alix, Roger trouve un nouvel amour en la personne d'Adélaïde de Couci. L'ouvrage est loué pour son style élevé et son langage approprié aux sentiments nobles, combinant esprit et sentiment de manière naturelle et efficace.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
348
p. 1424-1427
Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique continue toujours avec grand succès les Représentations [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Académie royale de musique, Alarmes, Verts ombrages, Bocages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
'Académie Royale de Musique continue
toujours avec grand succès lesReprésentations
duBallet des Fêtes Grecques et
Romaines. Jamais reprise d'Opéra n'a été
plus brillante ni plus applaudie . Mrs Fuselier
et Blamont , Auteurs du Poëme et
de la Musique , doivent être contens de
ce succès , aussi grand que bien mérité.
Les Dlles , Antier , le Maure et Petitpas
s'y distinguent dans les Rôles qu'elles
joüent , avec toute l'intelligence et la
justesse possible de même que les Srs Tribou
et Chassé. Le Ballet , composé par le
Sr Blondi , est des mieux entendus , et fait
un plaisir infini . La Dlle Camargo s'y
distingue fort au Prologue dans le Personnage
de Terpsicore , par les differens
caracteres qu'elle exprime , et par ses pas
II, Vol.
brilJUIN.
1733 .
1425
brillans et toujours varicz . Voici ce qui a
été ajouté aux paroles des Divertissemens
- dans cette reprise.
Au Divertissement du premier Acte, le
Sr Féliot avec sa voix admirable d'Haute-
Conte , chante l'Air suivant , dont les
quatre derniers Vers sont ajoutez .
"
Un Grec.
Les Prix que la gloire présente
N'attire pas tous les coeurs dans sa Cour ;
Il en est que conduit une plus douce attente
L'Univers doit souvent ses Héros à l'amour ;
Vous , favoris de Mars , qui suivez la victoire
Triomphez , volez sur ses pas ;
Plus vous serez chers à la gloire
Plus l'objet de vos feux vous trouvera d'appas .
Parodie de l'Air des Baccantes , chantée
par la Dile Petitpas , au second Acte.
Livrons sans allarmes ,
Nos coeurs aux charmes ,
Que nous prodigue ce beau jour ;
Quand sur cette rive ,
Baccus arrive ,
Présenté par l'amour,
Ces Vainqueurs unissent leurs coups ;
Leur gloire est certaine ,
Notre fuite est vaine ;
1
II. Vol. Hij Non
1426 MERCURE DE FRANCE
Non ,rien n'échape à leur chaîne ,
Cedons , cedons tous ,
Rendons nous.
Livrons sans allarmes , &c,
Tendres Amans ,
Le Mirthe, plus que la Treille ,
Vous donne- t - il d'heureux momens ?
La raison sommeille ,
Le plaisir veille ,
Sous ses Rameaux charmans
Livrons sans allarmes , & c,
•
Parodie de la premiere Musette du
troisiéme Acte , chantée par la- même.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Il n'est point d'autre Cour ,
Que celle de l'Amour.
La douce Paix ,
Regne à jamais ,
Dans ces belles retraittes ;
Nos Voix et nos Musettes
Chantent ses attraits ;
Nos amourettes ,
Ressentent ses bienfaits.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
II. Vel, Rien
JUIN.
1427
•
1733.
Rien ne trouble la Cour ,
Et les voeux de l'Amour.
Point de tourmens
Jamais d'envie ,
Point de jalousie ,
Dans ces lieux charmans :
O l'heureuse vie !
Ménageons-en tous les momens.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Les Jeux seuls font la Cour ,
Que rassemble l'Amour.
toujours avec grand succès lesReprésentations
duBallet des Fêtes Grecques et
Romaines. Jamais reprise d'Opéra n'a été
plus brillante ni plus applaudie . Mrs Fuselier
et Blamont , Auteurs du Poëme et
de la Musique , doivent être contens de
ce succès , aussi grand que bien mérité.
Les Dlles , Antier , le Maure et Petitpas
s'y distinguent dans les Rôles qu'elles
joüent , avec toute l'intelligence et la
justesse possible de même que les Srs Tribou
et Chassé. Le Ballet , composé par le
Sr Blondi , est des mieux entendus , et fait
un plaisir infini . La Dlle Camargo s'y
distingue fort au Prologue dans le Personnage
de Terpsicore , par les differens
caracteres qu'elle exprime , et par ses pas
II, Vol.
brilJUIN.
1733 .
1425
brillans et toujours varicz . Voici ce qui a
été ajouté aux paroles des Divertissemens
- dans cette reprise.
Au Divertissement du premier Acte, le
Sr Féliot avec sa voix admirable d'Haute-
Conte , chante l'Air suivant , dont les
quatre derniers Vers sont ajoutez .
"
Un Grec.
Les Prix que la gloire présente
N'attire pas tous les coeurs dans sa Cour ;
Il en est que conduit une plus douce attente
L'Univers doit souvent ses Héros à l'amour ;
Vous , favoris de Mars , qui suivez la victoire
Triomphez , volez sur ses pas ;
Plus vous serez chers à la gloire
Plus l'objet de vos feux vous trouvera d'appas .
Parodie de l'Air des Baccantes , chantée
par la Dile Petitpas , au second Acte.
Livrons sans allarmes ,
Nos coeurs aux charmes ,
Que nous prodigue ce beau jour ;
Quand sur cette rive ,
Baccus arrive ,
Présenté par l'amour,
Ces Vainqueurs unissent leurs coups ;
Leur gloire est certaine ,
Notre fuite est vaine ;
1
II. Vol. Hij Non
1426 MERCURE DE FRANCE
Non ,rien n'échape à leur chaîne ,
Cedons , cedons tous ,
Rendons nous.
Livrons sans allarmes , &c,
Tendres Amans ,
Le Mirthe, plus que la Treille ,
Vous donne- t - il d'heureux momens ?
La raison sommeille ,
Le plaisir veille ,
Sous ses Rameaux charmans
Livrons sans allarmes , & c,
•
Parodie de la premiere Musette du
troisiéme Acte , chantée par la- même.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Il n'est point d'autre Cour ,
Que celle de l'Amour.
La douce Paix ,
Regne à jamais ,
Dans ces belles retraittes ;
Nos Voix et nos Musettes
Chantent ses attraits ;
Nos amourettes ,
Ressentent ses bienfaits.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
II. Vel, Rien
JUIN.
1427
•
1733.
Rien ne trouble la Cour ,
Et les voeux de l'Amour.
Point de tourmens
Jamais d'envie ,
Point de jalousie ,
Dans ces lieux charmans :
O l'heureuse vie !
Ménageons-en tous les momens.
Dans nos Bocages ,
Sous leurs verds ombrages ,
Les Jeux seuls font la Cour ,
Que rassemble l'Amour.
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Résumé : Les Fêtes Grecques et Romaines, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique présente avec succès les représentations du ballet 'Les Fêtes Grecques et Romaines'. Cette reprise d'opéra est particulièrement brillante et acclamée. Les auteurs, Fuselier pour le poème et Blamont pour la musique, sont félicités pour ce succès. Les danseuses Antier, le Maure et Petitpas, ainsi que les danseurs Tribou et Chassé, se distinguent par leur interprétation. Le ballet, composé par Blondi, est très apprécié. La danseuse Camargo se distingue au prologue dans le rôle de Terpsicore grâce à ses différents caractères et ses pas variés. Des ajouts ont été faits aux paroles des divertissements. Au premier acte, le chanteur Féliot interprète un air sur les prix de la gloire et de l'amour. Au second acte, la danseuse Petitpas chante une parodie de l'air des Baccantes, invitant à profiter des charmes du jour et de l'amour. Au troisième acte, elle chante une parodie de la première musette, décrivant une cour régie par l'amour et la paix, où règnent la douceur et le bonheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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349
p. 1428-1441
L'heureux Stratagême, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Heureux Stratageme, Comédie nouvelle en Prose, en trois Actes, de M. de [...]
Mots clefs :
Marivaux, Théâtre-Italien, Comtesse, Marquise , Dorante, Amour, Chevalier, Coeur, Feinte, Pièce, Valet, Mariage, Infidélité, Surprise, Maîtresse
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texteReconnaissance textuelle : L'heureux Stratagême, Extrait, [titre d'après la table]
L'Heureux Stratageme , Comédie nou
velle en Prose , en trois Actes , de M. de
Marivaux , représentée au Théatre Ita
lien , le 6 Juin 1733 .
ACTEURS.
La Comtesse ,
Dorante , Amante de la
Comtesse
La Marquise ,
Le Chevalier Damis ,
Gascon , Amant de la
› Marquise
Comtesse ,
La Dile Silvia:
Le S Romagnesy.
La Dile Thomassi
Lisette , Suivante de la
Arlequin, Valet de Dorante
,
Frontin , Valet du Che-
Le St Lélio.
La Dule Lélio.
valier , Le S Dominique.
JUIN.
1429 1733
Blaise , Jardinier de la
Comtesse , Le S' Mario.
La Scene est chez la Comtesse.
Les beautez qui sont répanduës dans
cette Piéce ne sont peut- être pas à la portée
de tout le monde ; mais ceux qui accusent
l'Autheur d'avoir trop d'esprit ,
ne laissent pas de convenir qu'il a une
parfaite connoissance du coeur humain ,
et que peu de gens font une plus exacte
Analise de ce qui se passe dans celui des
femmes . L'Héroïne de cette Comédie est
une Comtesse, qui traite d'abord la Fidelité
de chimere , parce qu'elle regarde
cette vertu comme un obstacle à la passion
si naturelle au beau sexe , qui est de
faire valoir ses droits sur tous.les coeurs ;
prévenue en faveur de ses attraits , elle
ne croit rien hazarder en volant de conquête
en conquête ; elle aime Dorante ,
mais elle n'est pas fâchée d'être aimée du
Chevalier Damis , et trouve fort mauvais
que son premier adorateur s'en formalise
; la maniere dont elle s'explique avec
Dorante , sur les reproches qu'il ose lui
faire de son nouvel engagement , acheve
de le désesperer. Il se croit véritablement
effacé du coeur de sa Maîtresse , quoiqu'il
ne soit que sacrifié à sa vanité ; une Mar
1 Vol. Hiiij quise
1430 MERCURE DE FRANCE
quise à qui la Comtesse a enlevé un Aman:
dont la perte ne lui tient pas , à beau
coup près , tant au coeur , que Dorante
est sensible à celle qu'il croit avoit faite
à l'amour de la Comtesse , lui vient ou
vrir les yeux ; je connois mon sexe , lui
dit- elle , la Comtesse n'est infidelle qu'en
apparence ; l'envie de faire une nouvell
conquête flatte son amour propre , mais
la crainte d'en perdre une , qu'elle a déja
faite , allarmera ce même amour propre ,
et vous le rendra pius tendre que jamais ;
ce sage conseil est suivi de la proposi
tion qu'elle lui fait de feindre un nouvel
amour dont elle veut bien paroître l'ob
jet ; la proposition rêvolte d'abord , mais
elle est enfin acceptée. La Comtesse ne
daigne pas même donner la moindre
croyance aux nouveaux engagemens
qu'on lui annonce que Dorante vient
de prendre ; elle ne croit pas la chose sérieuse
, parce qu'elle la croit impossible ;
elle croiroit dégrader ses attraits , si elle
s'abbaissoit jusqu'à la crainte ; elle fait
plus , elle découvre le piége qu'on lui
tend , mais elle ne laisse pas d'y donner
dans la suite ; en effet , elle pense juste ,
quand elle dit que Dorante feint d'aimer
la Comtesse pour la rendre jalouse , et
cependant elle va par dégrez , jusqu'à
I I. Vol. craindre
JUIN 1733
1431
craindre que cette feinte ne soit une vérité
, et de la crainte elle passe jusqu'à
la conviction.
se ,
A ce fond de Piece est joint un Episo
de , qui , peut être , a donné lieu de dire
que c'est une nouvelle surprise de l'Amour.
Le voici : Blaise, Jardinier de la Comtesdoit
marier Lisette , sa fille , avec Arlequin
, valet de Dorante ; il vient prier
Dorante de vouloir bien porter la Comtesse
à donner une centaine de livres à sa
fille , pour les frais de la nôce , et pour
l'aider à se mettre en ménage . Dorante
qui commence à se douter de l'infidelité
de la Comtesse, lui répond qu'il ne croit
plus avoir de crédit sur son esprit , parce
qu'il n'en a plus sur son coeur. Toute la
suite de cet Episode a beaucoup de conformité
avec celui de la premiere surprise
de l'amour ; mais cette ressemblance
d'Episodes n'empêche pas que le fond
ne soit tres différent. Finissons cette digression
, et reprenons le fil de la Piece.
Dorante, par le conseil de la Marquise ,
ordonne à Arlequin de ne plus voir Lisette
;la raison qui l'oblige à lui faire cette
deffense , c'est , dit- il , que la Comtesse
pourroit croire qu'il continue à voir la
Suivante , pour épier la Maîtresse . Arlequin
ne peut se résoudre à se priver de
II. Vol. . Hv
la
1432 MERCURE DE FRANCE
la vûë et de la conversation de sa chere
Lisette ; mais la promesse que son Maître
lui fait , de la lui rendre plus tendre
que jamais , le détermine à lui obéïr.
Voici ce que cette heureuse deffense produit
: Blaise se plaint à la Comtesse des
obstacles. que Madame la Marquise apporte
à l'établissement de sa fille ; en effet,
la Marquise a bien voulu prendre cela sur
son compte à la priere de Dorante, qui né
veut point que la Comtesse lui en fasse
un crime , ou du moins ne l'accuse d'impolitesse
, attendu que c'est elle- même
qui a arrangé le mariage du Valet , dans
le temps qu'elle vouloit épouser le Maître.
La Comtesse veut avoir un éclaircissement
avec Dorante; sur cet affront,qu'elle
fait servir de prétexte au désir secret qu'el
le a de rentrer dans les droits que sa beauté
lui a donnés sur son coeur , elle lui en
parle d'un ton de Maîtresse , et lui dit
qu'elle veut absolument que le mariage
qu'elle a projetté entre Arlequin et Lisette
, s'acheve. Dorante lui répond qu'il en
parlera à la Marquise; la Comtesse lui die
avec fierté , qu'elle n'a que faire du consentement
de la personne même qui l'offense
, et que c'est à lui à la vanger . Dorante
lui déclare que ses ordres pouvoient
tout sur lui autrefois , mais que
11. Vol. les
JUIN. 1733.
1433
les temps sont changez , puisqu'elle l'a
bien voulu , et qu'elle lui a montré un
exemple d'infidélité , dont il a cru devoir
profiter ; la Comtesse ne peut soûtenir
cette humiliation , et lui dit une seconde
fois , quoique d'un top un peu moins
ferme , qu'elle veut être obéie. Dorante
se retire sans lui rien promettre.
La Comtesse sent plus que jamais.combien
un exemple d'infidélité est dangereux
. Elle commence à croire que celle
de Dorante n'est pas une feinte , et s'en
plaint à Lisette.
Damis vient et la presse de le rendre
heureux; cette derniere conquête n'a plus
rien qui la flatte ; un coeur qu'elle a gagné
, n'a rien qui la dédommage de celur.
qu'elle a perdu elle n'en fait pourtant
fien connoître à Damis; elle feint au contraire
de plaindre Dorante , et dit au
Chevalier qu'il faut ménager sa douleur
en differant leur hymen . Damis a beau
la presser de l'achever , rien ne peut lui
faire changer une résolution que la pitié
lui inspire , bien moins que l'amour.
Dorante persuadé qu'il est aimé de fa
Comtesse , voudroit se jetter à ses pieds
pour lui demander pardon de sa feinte et
pour se reconcilier avec elle , mais la
Marquise lui fait entendre qu'il n'en est
11. Vol. H.vi pas
1434 MERCURE DE FRANCE
pas encore temps , et que si la Comtesse
s'apperçoit si-tôt de l'empire que sa beauté
lui donne sur lui , elle en abusera
d'une maniere à le rendre plus malheureux
que jamais. Elle lui conseille de
pousser la feinte aussi -loin qu'il se pourra
,et d'achever le stratagéme dont ils sont
convenus ensemble.
On va bien-tôt voir l'effet que produit
cette innocente supercherie. Dorante et
la Marquise font courir le bruit de leur
prochain mariage ; et ce qui picque plus
la Comtesse , c'est que c'est chez elle même
que le Contrat doit être signé ; elle
fait dire à Dorante qu'elle veut lui parler.
Dorante la fait prier de l'en dispen
ser , attendu qu'elle craint que la Marquise
ne le trouve mauvais et n'en prenne
de l'ombrage. Ce menagement acheve
de porter le desespoir dans le coeur de la
Comtesse. Dorante vient enfin avec là
Marquise; ils la prient tous deux de vouloir
bien leur permettre de se marier chez
elle : la présence de Damis ne peut empê
cher la Comtesse de se livrer à sa douleur
: elle dit à Damis qu'elle ne l'a jamais
aimé , et à Dorante , qu'elle lui a
toujours été fidelle ; Dorante ne tiendroit
pas contre un aveu si charmant , si la
Marquise ne l'encourageoit par sa présen-
II. Vol. ce
JUIN. 1733.
1435
à soutenir jusqu'au bout , une feinte
i lui a été si utile ; la Comtesse s'abisse
jusqu'à redemander à Dorante un
eur qu'il semble lui avoir ôté ; la Maruise
répond pour Dorante , qu'il n'en
st plus temps , puisque le Contrat est
ressé ; enfin le Notaire arrive , le Conat
à la main ; la Marquise prie la Comesse
de leur faire l'honneur d'y signer ;
Dorante lui fait la même priere , quoique
d'une voix tremblante ; la Comtesse
bar un dernier effort de fierté , prend la
olume , mais à peine a t- elle signé qu'elle
combe en défaillance entre les bras de
Lisette . Dorante ne pouvant plus tenir
contre cette marque d'amour , se jette à
ses pieds elle paroît agréablement surprise
de le trouver dans cette situation ;
Dorante lui dit que c'est son Hymen
avec lui - même qu'elle vient de signer ,
et la prie de vouloir bien le confirmer .
La Comtesse embrasse la Marquise et lui
Lend graces d'une tromperie qui lui rend
un si fidele Amant. Ce dénouement a
paru un des plus interressans qu'on ait
vûs au Théatre .
La Piéce ayant été imprimée 15 jours
après que nous en eûmes fait cet Extrait
d'après les premieres représentations
nous avons crû qu'il étoit à propos d'y
$
II. Vol.
ajou1436
MERCURE DE FRANCE
ajouter quelques fragmens , pour donne
une plus juste idée de la maniere dont
Sujet est traité. Voici une Scene entre
Comtesse et la Marquise ; c'est la troi
siéme du second Acte.
La Comtesse.
Je viens vous trouver moi même , Marquise ;
Comme vous me demandez un entretien parti
culier , il s'agit apparemment de quelque chos
de conséquence.
La Marquise.
Je n'ai pourtant qu'une question à vous faire
; et , comme vous êtes naturellement vraie ,
que vous êtes la franchise , la sincerité même ,
nous aurons bien- tôt terminé.
La Comtesse.
Je vous entends : Vous ne me croyez pas trop
sincere , mais votre éloge m'exhorte à l'être
N'est- ce pas ?-
La Marquise.
A cela près , le serez - vous?
La Comtesse.
Pour commencer à l'être , je vous dirai que je
n'en sçais rien .
La Marquise.
Si je vous demandois , le Chevalier vous aime
t-il ? Me diriez-vous ce qui en est ?
La Comtesse.
Non , Marquise , je ne veux pas me brouiller
11. Vol. avec
JUIN. 1733. 1437
ec vous ; et vous me haïriez , si je vous disois
vérité.
La
Marquise.
Je vous donne ma parole que non.
La Comtesse.
Vous ne pourriez pas me la tenir , je vous en
ispenserai moi - même ; il
y a des mouvemens
qui sont plus forts que nous.
La Marquise.
Mais pourquoi vous haïrois- je ?
La Comtesse.
N'a-t-on pas prétendu que le Chevalier vous
aimoit ?
La Marquise.
On a eu raison de le prétendre.
La Comtesse.
Nous y voilà , et peut - être l'avez - vous pensé
"yous-même.
Je l'avouë.
La Marquise.
La Comtesse.
Et après cela , je vous irois dire qu'il m'aime !
Vous ne me le conseilleriez pas.
* La Marquise.
N'est-ce que cela ? Eh ! je voudrois déja l'avoir
perdu , je souhaite de tout mon coeur qu'il vous
aime.
La Comtesse .
Oh ! sur ce pié- là , vous n'avez donc qu'à ren-
II. Vol. dre
1438 MERCURE DE FRANC
dre gracet au Ciel ; vos souhaits ne sçauro
être plus exaucez qu'ils le sont.
La Marquise.
Je vous certifie que j'en suis charmée.
La Comtesse.
Vous me rassurez.Ce n'est pas qu'il n'ait to:
Vous êtes si aimable qu'il ne devoit plus av
d'yeux pour personne, mais peut - être vous éton
il moins attaché qu'on n'a cru.
La Marquise.
Non , il me l'étoit beaucoup , mais je l'excus
quand je serois aimable , vous l'êtes encore pl
que moi, et vous sçavez l'être plus qu'une auir
La Comtesse.
+
Plus qu'une autre ! Ah ! vous n
n'êtes pas si cha
mée , Marquise ; je vous disois bien que vou
me manquerież de paroles ; vos éloges baissent
je m'accommode pourtant de celui - cy : j'y sen
une petite pointe de dépit , qui a son mérite
c'est la Jalousie qui me louë .
La Marquise.
Moi , de la jalousie ?
La Comtesse.
A votre avis , un compliment qui finiroit par
m'appeller Coquette , ne viendroit pas d'elle? Oh !
que si , Marquise , on le reconnoît.
La Marquise.
Je ne songeois pas à vous appeller Coquette;
La Comtesse.
Ce sont de ces choses qui se trouvent avant
qu'on y ait rêvé.
JUIN. 1733. 1439
La Marquise.
Mais , de bonne foy,ne l'êtes-vous pas un peu ?
La Comtesse.
*
Oui - dà , mais ce n'est pas assez qu'un peu
ne vous refusez pas le plaisir de me dire que je le
suis beaucoup , cela n'empêchera pas que vous ne
le soyez autant que moi.
La Marquise.
Je n'en donne pas tout - à -fait les mêmes
preuves.
La Comtesse.
C'est qu'on ne prouve que quand on réussit
le manque de succès met bien des coqueteries à
couvert , on se retire sans bruit , un peu humiliée
, mais inconnuë , c'est l'avantage qu'on a.
La Marquise.
Je réussirai , quand je voudrai , Comtesse;
vous le verrez , cela n'est pas difficile , et le Chevalier
ne vous seroit peut - être pas resté , sans le
peu de cas que j'ai fait de son coeur.
La Comtesse.
Je ne chicanerai pas ce dédain -là , mais ,
quand l'amour propre se sauve ,
voilà comme il
parle :
La Marquise.
Voulez-vous gager que cette avanture n'hu¬
miliera pas le mien , si je veux 2
La Comtesse.
Esperez- vous regagner le Chevalier ? Si vous le
pouvez , je vous le donne,
II.Vol
La
1440 MERCURE DE FRANCE
La Marquise.
Vous l'aimés , sans doute
La Comtesse.
Pas mal , mais je vais l'aimer davantage , afia
qu'il vous resiste mieux ; on a besoin de toutes
ses forces avec vous.
La Marquise.
Oh ! ne craignez rien , je vous le laisse ;
Adieu.
La Comtesse.
Eh ! pourquoi disputons-nous sa conquête ?
Mais pardonnez à celle qui l'emportera. Je ne
combat qu'à cette condition , afin que vous
n'ayez rien à me dire.
La Marquise.
Rien à vous dire ! Vous comptez
porter ?
La Comtesse .
donc l'em-
Ecoutez , je jouërois à plus beau jeu que vous.
La Marquise.
J'avois aussi- beau jeu que vous , quand vous
me l'avez ôté , je pourrois donc vous l'enlever
de même.
La Comtesse.
Tentez donc d'avoir votre revanche.
La Marquise.
Non , j'ai quelque chose de mieux à faire.
La Comtesse.
Peut- on vous demander ce que c'est ?
II.Vol. La
JUIN. 1733 1441
La Marquise.
Dorante vaut son prix , Comtesse : Adieu.
On voit par cette Scene avec quelle légéreté
et avec quelle finesse M. de Marivaux dialogue.
La Comtesse , effrayée de la sécurité de la Marquise
, commence à craindre qu'on ne lui enleve
Dorante , quoique son amour propre la flatte
que cela ne sera pas si facile que la Marquise paroît
se l'imaginer ; cette crainte se change enfin
en certitude, et lui arrache ces regrets : Elle parle
à sa suivante.
Je l'aime , et tu m'accables ! tu me penetres de
douleur ! Je l'ai maltraité , j'en conviens , j'ai tort ,
un tort affreux , un tort que je ne me pardonnerai
jamais, et qui ne merite pas que l'on l'oublie ; que
veux-tu que je te dise de plus ? Je me condamne ;
je me suis mal conduite , il est vrai , misérable
amour propre de femme ! misérable vanité d'être
aimée ! voilà ce que vous me coûtez ; j'ai voulu
plaire au Chevalier , comme s'il en avoit valu la
peine , j'ai voulu me donner cette preuve de mon
mêrite ; il manquoit cette honneur à mes charmes ;
les voilà bien glorieux ! J'ai fait la conquête us
Chevalier et j'ai perdu Dorante.
Nous aurions bien d'autres morceaux à citer ,
mais nous passerions les bornes prescrites à nos
Extraits , si nous insérions dans celui- ci tout ce
qui est digne de l'attention de nos Lecteurs
velle en Prose , en trois Actes , de M. de
Marivaux , représentée au Théatre Ita
lien , le 6 Juin 1733 .
ACTEURS.
La Comtesse ,
Dorante , Amante de la
Comtesse
La Marquise ,
Le Chevalier Damis ,
Gascon , Amant de la
› Marquise
Comtesse ,
La Dile Silvia:
Le S Romagnesy.
La Dile Thomassi
Lisette , Suivante de la
Arlequin, Valet de Dorante
,
Frontin , Valet du Che-
Le St Lélio.
La Dule Lélio.
valier , Le S Dominique.
JUIN.
1429 1733
Blaise , Jardinier de la
Comtesse , Le S' Mario.
La Scene est chez la Comtesse.
Les beautez qui sont répanduës dans
cette Piéce ne sont peut- être pas à la portée
de tout le monde ; mais ceux qui accusent
l'Autheur d'avoir trop d'esprit ,
ne laissent pas de convenir qu'il a une
parfaite connoissance du coeur humain ,
et que peu de gens font une plus exacte
Analise de ce qui se passe dans celui des
femmes . L'Héroïne de cette Comédie est
une Comtesse, qui traite d'abord la Fidelité
de chimere , parce qu'elle regarde
cette vertu comme un obstacle à la passion
si naturelle au beau sexe , qui est de
faire valoir ses droits sur tous.les coeurs ;
prévenue en faveur de ses attraits , elle
ne croit rien hazarder en volant de conquête
en conquête ; elle aime Dorante ,
mais elle n'est pas fâchée d'être aimée du
Chevalier Damis , et trouve fort mauvais
que son premier adorateur s'en formalise
; la maniere dont elle s'explique avec
Dorante , sur les reproches qu'il ose lui
faire de son nouvel engagement , acheve
de le désesperer. Il se croit véritablement
effacé du coeur de sa Maîtresse , quoiqu'il
ne soit que sacrifié à sa vanité ; une Mar
1 Vol. Hiiij quise
1430 MERCURE DE FRANCE
quise à qui la Comtesse a enlevé un Aman:
dont la perte ne lui tient pas , à beau
coup près , tant au coeur , que Dorante
est sensible à celle qu'il croit avoit faite
à l'amour de la Comtesse , lui vient ou
vrir les yeux ; je connois mon sexe , lui
dit- elle , la Comtesse n'est infidelle qu'en
apparence ; l'envie de faire une nouvell
conquête flatte son amour propre , mais
la crainte d'en perdre une , qu'elle a déja
faite , allarmera ce même amour propre ,
et vous le rendra pius tendre que jamais ;
ce sage conseil est suivi de la proposi
tion qu'elle lui fait de feindre un nouvel
amour dont elle veut bien paroître l'ob
jet ; la proposition rêvolte d'abord , mais
elle est enfin acceptée. La Comtesse ne
daigne pas même donner la moindre
croyance aux nouveaux engagemens
qu'on lui annonce que Dorante vient
de prendre ; elle ne croit pas la chose sérieuse
, parce qu'elle la croit impossible ;
elle croiroit dégrader ses attraits , si elle
s'abbaissoit jusqu'à la crainte ; elle fait
plus , elle découvre le piége qu'on lui
tend , mais elle ne laisse pas d'y donner
dans la suite ; en effet , elle pense juste ,
quand elle dit que Dorante feint d'aimer
la Comtesse pour la rendre jalouse , et
cependant elle va par dégrez , jusqu'à
I I. Vol. craindre
JUIN 1733
1431
craindre que cette feinte ne soit une vérité
, et de la crainte elle passe jusqu'à
la conviction.
se ,
A ce fond de Piece est joint un Episo
de , qui , peut être , a donné lieu de dire
que c'est une nouvelle surprise de l'Amour.
Le voici : Blaise, Jardinier de la Comtesdoit
marier Lisette , sa fille , avec Arlequin
, valet de Dorante ; il vient prier
Dorante de vouloir bien porter la Comtesse
à donner une centaine de livres à sa
fille , pour les frais de la nôce , et pour
l'aider à se mettre en ménage . Dorante
qui commence à se douter de l'infidelité
de la Comtesse, lui répond qu'il ne croit
plus avoir de crédit sur son esprit , parce
qu'il n'en a plus sur son coeur. Toute la
suite de cet Episode a beaucoup de conformité
avec celui de la premiere surprise
de l'amour ; mais cette ressemblance
d'Episodes n'empêche pas que le fond
ne soit tres différent. Finissons cette digression
, et reprenons le fil de la Piece.
Dorante, par le conseil de la Marquise ,
ordonne à Arlequin de ne plus voir Lisette
;la raison qui l'oblige à lui faire cette
deffense , c'est , dit- il , que la Comtesse
pourroit croire qu'il continue à voir la
Suivante , pour épier la Maîtresse . Arlequin
ne peut se résoudre à se priver de
II. Vol. . Hv
la
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la vûë et de la conversation de sa chere
Lisette ; mais la promesse que son Maître
lui fait , de la lui rendre plus tendre
que jamais , le détermine à lui obéïr.
Voici ce que cette heureuse deffense produit
: Blaise se plaint à la Comtesse des
obstacles. que Madame la Marquise apporte
à l'établissement de sa fille ; en effet,
la Marquise a bien voulu prendre cela sur
son compte à la priere de Dorante, qui né
veut point que la Comtesse lui en fasse
un crime , ou du moins ne l'accuse d'impolitesse
, attendu que c'est elle- même
qui a arrangé le mariage du Valet , dans
le temps qu'elle vouloit épouser le Maître.
La Comtesse veut avoir un éclaircissement
avec Dorante; sur cet affront,qu'elle
fait servir de prétexte au désir secret qu'el
le a de rentrer dans les droits que sa beauté
lui a donnés sur son coeur , elle lui en
parle d'un ton de Maîtresse , et lui dit
qu'elle veut absolument que le mariage
qu'elle a projetté entre Arlequin et Lisette
, s'acheve. Dorante lui répond qu'il en
parlera à la Marquise; la Comtesse lui die
avec fierté , qu'elle n'a que faire du consentement
de la personne même qui l'offense
, et que c'est à lui à la vanger . Dorante
lui déclare que ses ordres pouvoient
tout sur lui autrefois , mais que
11. Vol. les
JUIN. 1733.
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les temps sont changez , puisqu'elle l'a
bien voulu , et qu'elle lui a montré un
exemple d'infidélité , dont il a cru devoir
profiter ; la Comtesse ne peut soûtenir
cette humiliation , et lui dit une seconde
fois , quoique d'un top un peu moins
ferme , qu'elle veut être obéie. Dorante
se retire sans lui rien promettre.
La Comtesse sent plus que jamais.combien
un exemple d'infidélité est dangereux
. Elle commence à croire que celle
de Dorante n'est pas une feinte , et s'en
plaint à Lisette.
Damis vient et la presse de le rendre
heureux; cette derniere conquête n'a plus
rien qui la flatte ; un coeur qu'elle a gagné
, n'a rien qui la dédommage de celur.
qu'elle a perdu elle n'en fait pourtant
fien connoître à Damis; elle feint au contraire
de plaindre Dorante , et dit au
Chevalier qu'il faut ménager sa douleur
en differant leur hymen . Damis a beau
la presser de l'achever , rien ne peut lui
faire changer une résolution que la pitié
lui inspire , bien moins que l'amour.
Dorante persuadé qu'il est aimé de fa
Comtesse , voudroit se jetter à ses pieds
pour lui demander pardon de sa feinte et
pour se reconcilier avec elle , mais la
Marquise lui fait entendre qu'il n'en est
11. Vol. H.vi pas
1434 MERCURE DE FRANCE
pas encore temps , et que si la Comtesse
s'apperçoit si-tôt de l'empire que sa beauté
lui donne sur lui , elle en abusera
d'une maniere à le rendre plus malheureux
que jamais. Elle lui conseille de
pousser la feinte aussi -loin qu'il se pourra
,et d'achever le stratagéme dont ils sont
convenus ensemble.
On va bien-tôt voir l'effet que produit
cette innocente supercherie. Dorante et
la Marquise font courir le bruit de leur
prochain mariage ; et ce qui picque plus
la Comtesse , c'est que c'est chez elle même
que le Contrat doit être signé ; elle
fait dire à Dorante qu'elle veut lui parler.
Dorante la fait prier de l'en dispen
ser , attendu qu'elle craint que la Marquise
ne le trouve mauvais et n'en prenne
de l'ombrage. Ce menagement acheve
de porter le desespoir dans le coeur de la
Comtesse. Dorante vient enfin avec là
Marquise; ils la prient tous deux de vouloir
bien leur permettre de se marier chez
elle : la présence de Damis ne peut empê
cher la Comtesse de se livrer à sa douleur
: elle dit à Damis qu'elle ne l'a jamais
aimé , et à Dorante , qu'elle lui a
toujours été fidelle ; Dorante ne tiendroit
pas contre un aveu si charmant , si la
Marquise ne l'encourageoit par sa présen-
II. Vol. ce
JUIN. 1733.
1435
à soutenir jusqu'au bout , une feinte
i lui a été si utile ; la Comtesse s'abisse
jusqu'à redemander à Dorante un
eur qu'il semble lui avoir ôté ; la Maruise
répond pour Dorante , qu'il n'en
st plus temps , puisque le Contrat est
ressé ; enfin le Notaire arrive , le Conat
à la main ; la Marquise prie la Comesse
de leur faire l'honneur d'y signer ;
Dorante lui fait la même priere , quoique
d'une voix tremblante ; la Comtesse
bar un dernier effort de fierté , prend la
olume , mais à peine a t- elle signé qu'elle
combe en défaillance entre les bras de
Lisette . Dorante ne pouvant plus tenir
contre cette marque d'amour , se jette à
ses pieds elle paroît agréablement surprise
de le trouver dans cette situation ;
Dorante lui dit que c'est son Hymen
avec lui - même qu'elle vient de signer ,
et la prie de vouloir bien le confirmer .
La Comtesse embrasse la Marquise et lui
Lend graces d'une tromperie qui lui rend
un si fidele Amant. Ce dénouement a
paru un des plus interressans qu'on ait
vûs au Théatre .
La Piéce ayant été imprimée 15 jours
après que nous en eûmes fait cet Extrait
d'après les premieres représentations
nous avons crû qu'il étoit à propos d'y
$
II. Vol.
ajou1436
MERCURE DE FRANCE
ajouter quelques fragmens , pour donne
une plus juste idée de la maniere dont
Sujet est traité. Voici une Scene entre
Comtesse et la Marquise ; c'est la troi
siéme du second Acte.
La Comtesse.
Je viens vous trouver moi même , Marquise ;
Comme vous me demandez un entretien parti
culier , il s'agit apparemment de quelque chos
de conséquence.
La Marquise.
Je n'ai pourtant qu'une question à vous faire
; et , comme vous êtes naturellement vraie ,
que vous êtes la franchise , la sincerité même ,
nous aurons bien- tôt terminé.
La Comtesse.
Je vous entends : Vous ne me croyez pas trop
sincere , mais votre éloge m'exhorte à l'être
N'est- ce pas ?-
La Marquise.
A cela près , le serez - vous?
La Comtesse.
Pour commencer à l'être , je vous dirai que je
n'en sçais rien .
La Marquise.
Si je vous demandois , le Chevalier vous aime
t-il ? Me diriez-vous ce qui en est ?
La Comtesse.
Non , Marquise , je ne veux pas me brouiller
11. Vol. avec
JUIN. 1733. 1437
ec vous ; et vous me haïriez , si je vous disois
vérité.
La
Marquise.
Je vous donne ma parole que non.
La Comtesse.
Vous ne pourriez pas me la tenir , je vous en
ispenserai moi - même ; il
y a des mouvemens
qui sont plus forts que nous.
La Marquise.
Mais pourquoi vous haïrois- je ?
La Comtesse.
N'a-t-on pas prétendu que le Chevalier vous
aimoit ?
La Marquise.
On a eu raison de le prétendre.
La Comtesse.
Nous y voilà , et peut - être l'avez - vous pensé
"yous-même.
Je l'avouë.
La Marquise.
La Comtesse.
Et après cela , je vous irois dire qu'il m'aime !
Vous ne me le conseilleriez pas.
* La Marquise.
N'est-ce que cela ? Eh ! je voudrois déja l'avoir
perdu , je souhaite de tout mon coeur qu'il vous
aime.
La Comtesse .
Oh ! sur ce pié- là , vous n'avez donc qu'à ren-
II. Vol. dre
1438 MERCURE DE FRANC
dre gracet au Ciel ; vos souhaits ne sçauro
être plus exaucez qu'ils le sont.
La Marquise.
Je vous certifie que j'en suis charmée.
La Comtesse.
Vous me rassurez.Ce n'est pas qu'il n'ait to:
Vous êtes si aimable qu'il ne devoit plus av
d'yeux pour personne, mais peut - être vous éton
il moins attaché qu'on n'a cru.
La Marquise.
Non , il me l'étoit beaucoup , mais je l'excus
quand je serois aimable , vous l'êtes encore pl
que moi, et vous sçavez l'être plus qu'une auir
La Comtesse.
+
Plus qu'une autre ! Ah ! vous n
n'êtes pas si cha
mée , Marquise ; je vous disois bien que vou
me manquerież de paroles ; vos éloges baissent
je m'accommode pourtant de celui - cy : j'y sen
une petite pointe de dépit , qui a son mérite
c'est la Jalousie qui me louë .
La Marquise.
Moi , de la jalousie ?
La Comtesse.
A votre avis , un compliment qui finiroit par
m'appeller Coquette , ne viendroit pas d'elle? Oh !
que si , Marquise , on le reconnoît.
La Marquise.
Je ne songeois pas à vous appeller Coquette;
La Comtesse.
Ce sont de ces choses qui se trouvent avant
qu'on y ait rêvé.
JUIN. 1733. 1439
La Marquise.
Mais , de bonne foy,ne l'êtes-vous pas un peu ?
La Comtesse.
*
Oui - dà , mais ce n'est pas assez qu'un peu
ne vous refusez pas le plaisir de me dire que je le
suis beaucoup , cela n'empêchera pas que vous ne
le soyez autant que moi.
La Marquise.
Je n'en donne pas tout - à -fait les mêmes
preuves.
La Comtesse.
C'est qu'on ne prouve que quand on réussit
le manque de succès met bien des coqueteries à
couvert , on se retire sans bruit , un peu humiliée
, mais inconnuë , c'est l'avantage qu'on a.
La Marquise.
Je réussirai , quand je voudrai , Comtesse;
vous le verrez , cela n'est pas difficile , et le Chevalier
ne vous seroit peut - être pas resté , sans le
peu de cas que j'ai fait de son coeur.
La Comtesse.
Je ne chicanerai pas ce dédain -là , mais ,
quand l'amour propre se sauve ,
voilà comme il
parle :
La Marquise.
Voulez-vous gager que cette avanture n'hu¬
miliera pas le mien , si je veux 2
La Comtesse.
Esperez- vous regagner le Chevalier ? Si vous le
pouvez , je vous le donne,
II.Vol
La
1440 MERCURE DE FRANCE
La Marquise.
Vous l'aimés , sans doute
La Comtesse.
Pas mal , mais je vais l'aimer davantage , afia
qu'il vous resiste mieux ; on a besoin de toutes
ses forces avec vous.
La Marquise.
Oh ! ne craignez rien , je vous le laisse ;
Adieu.
La Comtesse.
Eh ! pourquoi disputons-nous sa conquête ?
Mais pardonnez à celle qui l'emportera. Je ne
combat qu'à cette condition , afin que vous
n'ayez rien à me dire.
La Marquise.
Rien à vous dire ! Vous comptez
porter ?
La Comtesse .
donc l'em-
Ecoutez , je jouërois à plus beau jeu que vous.
La Marquise.
J'avois aussi- beau jeu que vous , quand vous
me l'avez ôté , je pourrois donc vous l'enlever
de même.
La Comtesse.
Tentez donc d'avoir votre revanche.
La Marquise.
Non , j'ai quelque chose de mieux à faire.
La Comtesse.
Peut- on vous demander ce que c'est ?
II.Vol. La
JUIN. 1733 1441
La Marquise.
Dorante vaut son prix , Comtesse : Adieu.
On voit par cette Scene avec quelle légéreté
et avec quelle finesse M. de Marivaux dialogue.
La Comtesse , effrayée de la sécurité de la Marquise
, commence à craindre qu'on ne lui enleve
Dorante , quoique son amour propre la flatte
que cela ne sera pas si facile que la Marquise paroît
se l'imaginer ; cette crainte se change enfin
en certitude, et lui arrache ces regrets : Elle parle
à sa suivante.
Je l'aime , et tu m'accables ! tu me penetres de
douleur ! Je l'ai maltraité , j'en conviens , j'ai tort ,
un tort affreux , un tort que je ne me pardonnerai
jamais, et qui ne merite pas que l'on l'oublie ; que
veux-tu que je te dise de plus ? Je me condamne ;
je me suis mal conduite , il est vrai , misérable
amour propre de femme ! misérable vanité d'être
aimée ! voilà ce que vous me coûtez ; j'ai voulu
plaire au Chevalier , comme s'il en avoit valu la
peine , j'ai voulu me donner cette preuve de mon
mêrite ; il manquoit cette honneur à mes charmes ;
les voilà bien glorieux ! J'ai fait la conquête us
Chevalier et j'ai perdu Dorante.
Nous aurions bien d'autres morceaux à citer ,
mais nous passerions les bornes prescrites à nos
Extraits , si nous insérions dans celui- ci tout ce
qui est digne de l'attention de nos Lecteurs
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Résumé : L'heureux Stratagême, Extrait, [titre d'après la table]
'L'Heureux Stratagème' est une comédie en prose de Marivaux, représentée pour la première fois au Théâtre Italien le 6 juin 1733. L'intrigue se déroule chez la Comtesse, qui est amoureuse de Dorante mais se laisse séduire par le Chevalier Damis. La Marquise, jalouse, conseille à Dorante de feindre un nouvel amour pour rendre la Comtesse jalouse. La Comtesse, d'abord sceptique, finit par croire à la feinte de Dorante et en souffre. La Marquise et Dorante font circuler la rumeur de leur prochain mariage, ce qui désespère la Comtesse. Lors de la signature du contrat de mariage, la Comtesse s'évanouit et Dorante lui révèle que le contrat est en réalité pour leur mariage. La pièce se conclut par la réconciliation des amants, avec la Comtesse reconnaissante envers la Marquise pour sa ruse. La pièce met également en scène une conversation entre la Marquise et la Comtesse au sujet de Dorante. La Marquise affirme qu'elle laissera Dorante à la Comtesse, mais cette dernière exprime sa crainte de le perdre malgré son amour-propre. La Comtesse avoue ensuite à sa suivante qu'elle regrette d'avoir maltraité Dorante par orgueil et vanité, reconnaissant ainsi son erreur. Elle exprime sa douleur et sa culpabilité pour avoir préféré plaire au Chevalier plutôt que de conserver l'amour de Dorante. La pièce est appréciée pour son analyse fine des sentiments humains, notamment ceux des femmes. Le dialogue de Marivaux est caractérisé par sa légèreté et sa finesse, illustrant les conflits internes et les regrets de la Comtesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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350
p. 1459-1460
MADRIGAL, Sur un beau Narcisse qu'une Demoiselle avoit dans son sein.
Début :
Beau Garçon, que des Dieux la suprême faveur, [...]
Mots clefs :
Narcisse, Sein, Amour, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL, Sur un beau Narcisse qu'une Demoiselle avoit dans son sein.
MADRIGAL ,
Sur un beau Narcisse qu'une Demoiselle
avoit dans son sein.
B
Eau Garçon , que des Dieux la suprêm
faveur ,
Jadis après ta mort daigna changer en fleur ,
Narcisse , dans le sein de la jeune Isabelle ,
Tu reçois en ce jour une grace nouvelle.
II. Vola Ahe
1460 MERCURE DE FRANCE
Ah ! si tu l'avois vûë ainsi que je la voi ,
Tu n'aurois jamais på mourir d'amour pour toi,
Tu serois mort d'amour pour elle.
COCQUARD.
Sur un beau Narcisse qu'une Demoiselle
avoit dans son sein.
B
Eau Garçon , que des Dieux la suprêm
faveur ,
Jadis après ta mort daigna changer en fleur ,
Narcisse , dans le sein de la jeune Isabelle ,
Tu reçois en ce jour une grace nouvelle.
II. Vola Ahe
1460 MERCURE DE FRANCE
Ah ! si tu l'avois vûë ainsi que je la voi ,
Tu n'aurois jamais på mourir d'amour pour toi,
Tu serois mort d'amour pour elle.
COCQUARD.
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