Résultats : 513 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
251
p. 2270-2271
CHANSON.
Début :
Sortez de ma triste memoire, [...]
Mots clefs :
Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Sortez de ma trifte
memoire ,
Tranſports
à mes defirs fi chers jufqu'à ce jour
Tireis
OCTOBRE. 1730 2171
1730..
Tircis n'eft qu'un ingrat ; il y va de ma gloire ,
De triompher de mon amour .
Ah ! du moins , s'il fe peut , qu'à jamais il ignore,
Le pouvoir que l'Amour vainqueur ,
Avoit déja pris fur mon coeur ;
II eût été plus loin encore.
Sortez de ma trifte
memoire ,
Tranſports
à mes defirs fi chers jufqu'à ce jour
Tireis
OCTOBRE. 1730 2171
1730..
Tircis n'eft qu'un ingrat ; il y va de ma gloire ,
De triompher de mon amour .
Ah ! du moins , s'il fe peut , qu'à jamais il ignore,
Le pouvoir que l'Amour vainqueur ,
Avoit déja pris fur mon coeur ;
II eût été plus loin encore.
Fermer
252
p. 2469-2479
Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 26. Octobre, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere Representation [...]
Mots clefs :
Pyrrhus, Académie royale de musique, Théâtre, Amour, Coeur, Projet, Jeux, Yeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
E 26. Octobre , l'Académie Royale
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
Fermer
Résumé : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 26 octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Pyrrhus' de M. Fermelhuis, accompagnée de la musique de M. Royer. Le prologue se déroule au Palais de Mars, où Mars souhaite relancer la guerre en Europe. Minerve annonce la naissance d'un dauphin qui apportera la paix, mais Mars et Minerve se disputent l'honneur de son éducation. Jupiter intervient pour partager la gloire entre eux. La pièce commence avec Ismène, confidente de Polixène, fille de Priam, qui félicite Polixène pour sa victoire sur le cœur de Pyrrhus. Polixène avoue son amour pour Pyrrhus mais décide de lui ôter tout espoir. Les Troyens célèbrent leur liberté, mais Polixène les reproche leur lâcheté. Pyrrhus, irrité par la rigueur de Polixène, est tourmenté par un songe où l'ombre de son père lui ordonne de sacrifier Polixène. Acamas, amoureux de Polixène, tente de convaincre Pyrrhus de l'oublier. Eriphile, amoureuse de Pyrrhus, promet son aide à Acamas mais menace Pyrrhus. Lors des jeux organisés par Pyrrhus, un tremblement de terre révèle l'ombre d'Achille, qui exige le sacrifice de Polixène. Pyrrhus, déchiré, demande à Acamas de faire partir Polixène. Eriphile, jalouse, utilise ses pouvoirs pour semer la discorde. Polixène, malgré les efforts de Pyrrhus pour la retenir, décide de se sacrifier pour sauver Pyrrhus et son peuple. Elle se frappe et meurt, laissant Pyrrhus désemparé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
253
p. 2482-2490
Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Début :
Le Samedi, 4 de ce mois, les Comédiens François donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Prince, Druide, Chasseur, Amour, Sang, Ennemi, Mort, Bonheur, Comédie, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le Samedi , 4 de ce mois , les Comé
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
Fermer
Résumé : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le 4 novembre 1730, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Prince de Noifi', une comédie en prose en trois actes avec un prologue et trois intermèdes. Les rôles principaux étaient interprétés par le Sieur Dufrene, les Dames Labat et Dangeville la jeune, cette dernière jouant un rôle masculin sous le nom de Poinçon. Sa performance, alliée à son charme et à sa vivacité, a été acclamée. La pièce, écrite par M. d'Aiguebere, critique les jugements hâtifs sur les œuvres théâtrales. Le prologue se moque de ceux qui prétendent juger une pièce sans l'avoir vue ou qui s'imaginent qu'il ne faut rien retrancher, même les absurdités. L'intrigue se déroule dans les jardins du chef des Druides, où une statue de Cléopâtre est présente. Le Druide révèle à sa fille Alie qu'il a volé un glaive enchanté à Merlin, capable d'écrire des réponses. Un oracle prédit que le bonheur d'Alie dépend de la mort du Prince de Noifi, fils de Merlin. Le Druide décide de protéger Alie en la confiant à Poinçon, un génie vigilant. Plusieurs personnages tentent de séduire Alie, notamment le Géant Moulineau et le Prince de Noifi déguisé en chasseur. Alie, malgré ses résistances, finit par avouer son amour pour le Prince. Après un tournoi, le Prince est blessé mais survit, tue le Géant et épouse Alie. La pièce se conclut par une fête célébrant leur union.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
254
p. [2551]-2554
ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
Début :
Dans l'Isle de Naxos quel bruit vien-je d'entendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Amante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
ARTANE ET THESE'E.
D
CANTATE.
Ans l'Ile de Naxos quel bruit vienje
d'entendre ?
Quel tumulte agite les flots ?
Sur les bords de la Mer , quel mortel va ſe rendre
?
C'eft le Grec qu'a fuivi la fille de Minos.
Ce Héros qui lui doit tout l'éclat de fa gloire
1. Vela AN Va
2552 MERCURE DE FRANCE
Và payer en ce jour
Le plus fidele amour
Far la cruauté la plus noires
語
Fuyez l'amour , jeunes coeurs ;
Quoiqu'il préfente des charmes
De fes plaifirs impofteurs ,
Coule une fource de larmes.
Sous fes pas naiffent des Aeurs ,
Qui furprennent notre vûë ;
De leurs mortelles odeurs
S'exhale un venin qui tuë.
Fayez l'amour , &c.
W
Je le vois ce perfide amant ,
Sur un Rocher affreux conduire fon amante ,
Infenfible à fes pleurs , à fa voix gémiffante
Il s'enyvre à longs traits de fon cruel tourment ;
Envain pour l'arêter Ariane abuſée ,
Par fes embraffemens , veut amolir fon coeur ,
L'Ingrat en s'échapant fe rit de fa langueur,
Elle ne verra plus Thefée.
Un facile amour déplaît,
Un Rigoureux nous engage ,
1. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2553
Un coeur trop tôt fatisfait ,
Vous méprife ou vous outrage,
Pour conferver un amant
Marquez de l'indifference ,
En amour , le plus content
A moins de reconnoiffance,
Un facile , & c.
Sur la rive agitée , en détournant les yeux
Ariane du coeur cherche encor l'infidelle ; ·
Mais il ne paroit plus . A fa douleur mortelle
Succedent des tranfports tendres & furieux ,
Non , à mon lâche coeur , tu n'es pas odieux
Hélas ! & malgré ton parjure ,
Barbare ,je t'appele , &je voudrois te voir...
Approche ... ses regards hâtent mon defefpoir
,
Et je fens terminer les tourmens que fendure
Elle dit , & foudain à la clarté des Cieux ,
Ferme fa paupiere mourante ,
En laiffant par l'ordre des Dieux ,
Cet unique Tableau d'une fidelle amante.
Non , on ne voit plus aimer
Avec tant de violence ;
Iv Val. Aviij
On
2554 MERCURE DE FRANCE
On confent de fe charmer
Sans fe piquer de conftance.
Le plaifir eft de changer;
Se fixer eft efclavage :
L'amant veut fe dégager,
Et l'amante fe dégage.
Non , on ne , &c.
Le Chevalier DE MONTADOR.
D
CANTATE.
Ans l'Ile de Naxos quel bruit vienje
d'entendre ?
Quel tumulte agite les flots ?
Sur les bords de la Mer , quel mortel va ſe rendre
?
C'eft le Grec qu'a fuivi la fille de Minos.
Ce Héros qui lui doit tout l'éclat de fa gloire
1. Vela AN Va
2552 MERCURE DE FRANCE
Và payer en ce jour
Le plus fidele amour
Far la cruauté la plus noires
語
Fuyez l'amour , jeunes coeurs ;
Quoiqu'il préfente des charmes
De fes plaifirs impofteurs ,
Coule une fource de larmes.
Sous fes pas naiffent des Aeurs ,
Qui furprennent notre vûë ;
De leurs mortelles odeurs
S'exhale un venin qui tuë.
Fayez l'amour , &c.
W
Je le vois ce perfide amant ,
Sur un Rocher affreux conduire fon amante ,
Infenfible à fes pleurs , à fa voix gémiffante
Il s'enyvre à longs traits de fon cruel tourment ;
Envain pour l'arêter Ariane abuſée ,
Par fes embraffemens , veut amolir fon coeur ,
L'Ingrat en s'échapant fe rit de fa langueur,
Elle ne verra plus Thefée.
Un facile amour déplaît,
Un Rigoureux nous engage ,
1. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2553
Un coeur trop tôt fatisfait ,
Vous méprife ou vous outrage,
Pour conferver un amant
Marquez de l'indifference ,
En amour , le plus content
A moins de reconnoiffance,
Un facile , & c.
Sur la rive agitée , en détournant les yeux
Ariane du coeur cherche encor l'infidelle ; ·
Mais il ne paroit plus . A fa douleur mortelle
Succedent des tranfports tendres & furieux ,
Non , à mon lâche coeur , tu n'es pas odieux
Hélas ! & malgré ton parjure ,
Barbare ,je t'appele , &je voudrois te voir...
Approche ... ses regards hâtent mon defefpoir
,
Et je fens terminer les tourmens que fendure
Elle dit , & foudain à la clarté des Cieux ,
Ferme fa paupiere mourante ,
En laiffant par l'ordre des Dieux ,
Cet unique Tableau d'une fidelle amante.
Non , on ne voit plus aimer
Avec tant de violence ;
Iv Val. Aviij
On
2554 MERCURE DE FRANCE
On confent de fe charmer
Sans fe piquer de conftance.
Le plaifir eft de changer;
Se fixer eft efclavage :
L'amant veut fe dégager,
Et l'amante fe dégage.
Non , on ne , &c.
Le Chevalier DE MONTADOR.
Fermer
Résumé : ARIANE ET THESÉE. CANTATE.
La cantate 'Artane et Thésée', publiée dans le Mercure de France en décembre 1730, se déroule sur l'île de Naxos. Thésée, après avoir fui, abandonne Ariane, qui se retrouve seule et désespérée. Malgré sa douleur, Ariane exprime encore son amour pour Thésée, qu'elle qualifie de 'perfide amant'. Thésée, insensible à ses pleurs et supplications, se réjouit de son tourment. Ariane, dans sa souffrance, appelle Thésée et souhaite le voir une dernière fois avant de succomber à sa douleur. Le texte se conclut par la mort d'Ariane, illustrant son amour fidèle. La cantate explore également les dangers de l'amour, mettant en garde contre ses charmes trompeurs et ses conséquences mortelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
255
p. 2577-2581
LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Vos petits becs, Hirondeles badines, [...]
Mots clefs :
Hirondelles, Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
LES HYRONDELES ,
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
IDILLE,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croific en Bretagne.
Vos petits becs , Hirondeles badines ,
Donnent à ma fenêtre en vain cent petits coups;
Vous croyez m'éveiller , moi qui dors moins que
vous :
Mais vous allez partir , aimables Pelerines.
Helas ! votre départ annonce à nos climats
Le retour des glaçons , des vents & des frimats.
Quand on aime, dort-on ? fur cela j'interroge
Tout ce qu'Amour peut bleffer de ſes traits ;
Dans le coeur , dans les yeux ce Dieu fubtil fe
loge ,
Et quelque part qu'il aille , il en bannit la paix.
Ah ! que j'aime à vous voir l'une à l'autre fideles
,
Vous donner en partant cent baifers favoureux ;
Et d'un leger battement d'aîles ,
Exprimer à l'envi les ardeurs mutuelles
Qui brulent vos coeurs amoureux !
1. Vol. Bij Rai2578
MERCURE DE FRANCE
Raifon vainement attentive ,
Pourquoi viens - tu mêler aux plus charmans plaifrs
De tes fâcheux conſeils l'amertume tardive
Nous fuivons malgré toi la pente des défirs
Où nous porte en naiffant l'humeur qui nous
domine ,
Et ta trifte lueur , cette lueur divine
N'éclaire que nos repentirs.
>
Habitantes des airs , Hirondeles legeres ,
Qu'à bon droit les Mortels devroient être jaloux
De l'inftinct qui vous rend plus heureufes que
nous?
Du déchirant remors les bleffures améres ,
Les foupçons délicats , les volages dégouts
Ne corrompent jamais vos unions finceres ;
Ce n'est pas l'or qui joint l'Epoule avec l'Epoux.
De ces parens atrabilaires ,
Par caprice à nos voeux le plus fouvent contraires
,
Vous ne craignez point le couroux.
L'Amour feul dont les loix ne font pas mercenaires
Préfide à vos tendres miſteres ,
C'est le coeur qu'il confulte en agiffant fur vous ›
Et vos noeuds toujours volontaires ,
Forment l'enchaînement d'un fort tranquile &
doux.
I. Vol "L'HiDECEMBRE.
1730. 2579
L'Hirondelle à fon pair paroît jeune à tout âge ,
La vieilleffe fur nous déployant fes rigueurs ,
Trop fortunés Oiſeaux , ne vous fait point d'outrages
Ses doigtslour ds & crochus, fur votre beau plu
mage,
Ne viennent point coucher d'odieufes couleurs ;
Sexe infortuné que nous fommes !
Quatre Luftres complets font à peine écoulés ,
Que , mauvais connoiffeur , le caprice des hommes
,
Croit les Ris & les Jeux loin de nous envolés ;
A trente ans on eft furannée ,
A quarante il devient honteux
Qu'on penfe qu'une amé bien née
Puiffe encore de l'amour fentir les moindres feux,
Cependant cet amour peureux
Qui veut & ne peut point éclore ,
En eft toujours plus allumé ;
Un brafier trop long- tems fous la cendre enfetmé
,
Soi-même à la fin fe dévore.
Et c'est ainsi qu'un coeur , en fecret enflammé ,.
Après avoir langui meurt en vain confumé ;
D'un défordre pareil la nature affligée
Murmure avec l'amour de fe voir negligée ,
Et qu'un honneur fondé fur de bizarres Loix ,
Retranche impunément la moitié de fes droits.
L Vo! B iiij Inflé2580
MERCURE DE FRANCE
Infléxible Raifon qui nous tiens à la gêne ,
Faite pour les Humains , tu parois inhumaine ;
Nos coeurs tirannifés par tes reflexions
Ne font qu'aller de peine en peine.
Couverne , j'y confens , les autres paffions ;
Tu peux les opprimer fous ta loi la plus dure ,
Semblable à l'horrible Vautour
Qui ronge Promethée & la nuit & le jour ;
Mais laiffe au moins à la Nature
A régler celle de l'Amour.
Cherchez un autre Ciel , aimables Hirondeles ,
Où le Soleil chaffant les pareffeux Hyvers ,
Entretienne en vos coeurs des chaleurs éternelles.
Hélas ! que n'ai -je auffi des aîles
Pour vous fuivre au milieu des airs !
Puiffiez- vous fans péril paffer les vaſtes mers !
Puiffe Eole , à votre paffage ,
'Ainfi qu'aux jours heureux où regne l'Alcion ,
Dans fes antres profonds emprifonner la rage
Des Enfans du Septentrion .
Mais fi malgré mes voeux les efforts de l'orage
Dans les flots contre vous armés ,
Vous ouvroient un tombeau , vous auriez l'avantage
D'embraffer en faifant naufrage
L'Hirondele que vous aimez,
I. Vol.
Le
DECEMBRE. 1730. 2581
Le plus charmant Mortel qui fut jamais au
monde ,
Et dont j'adore les liens ,
Le beau Clidamis eft fur l'Onde ,
En expoſant ſes jours , il a riſqué les miens
Si fur ces Plaines inconftantes
Vous voyez le Vaiffeau qui porte mon Amant
Allez fur fes Voiles flotantes
Prendre haleine au moins un moment.
Si par vous , cheres confidentes ,
Le fecours de ma voix pouvoit être emprunté ,
Yous lui raconteriez les peines que j'endure ,
Vous lui feriez une peinture
De mon efprit inquieté ;
Vous diriez qu'auffi -tôt qu'un Vaiſſeau nous arrive
Je vais d'un pas précipité ,
De mon cher Clidamis m'informer fur la rive
Le coeur entre la crainte & l'eſpoir agité ;
Que vers l'Element redouté
Je tourne inceffament la vue ;
"
Que pour peu qu'à mes yeux l'onde paroiffe
émuë ,
Je fuis prête à mourir d'effroi ;
Qu'il peut par fon retour terminer mon fuplice
Et qu'en attendant ſon Uliffe
Penélope jamais ne fouffrit tant que moi.
Fermer
Résumé : LES HYRONDELES, IDILLE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le poème 'Les Hirondelles, Idylle' de Madame de Malcrais de la Vigne, publié en décembre 1730 dans le Mercure de France, compare les hirondelles à des amants. Ces oiseaux, symbolisant le départ de l'été et l'arrivée de l'hiver, sont admirés pour leur fidélité et leur amour mutuel. Le poète exalte leur union sincère et volontaire, guidée par un amour pur, exempt de remords, de soupçons et de dégoûts. Le texte oppose la vie des hirondelles à celle des humains, en particulier des femmes, qui subissent les outrages du temps et les jugements sociaux. À trente ans, une femme est perçue comme surannée, et à quarante ans, il est honteux qu'elle ressente encore les feux de l'amour. Le poète déplore cette situation où l'honneur et les lois sociales étouffent les sentiments naturels. Le poème se conclut par une invocation aux hirondelles, leur souhaitant un ciel plus clément et exprimant le désir de les suivre. Le poète évoque également un amant, Clidamis, en danger sur les mers, et exprime son angoisse en attendant son retour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
256
p. 2689-2719
LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
Début :
Ne rougissez pas, Madame, d'avoir été si peu sensible aux beautez qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Amour, Théâtre, Mort, Auteur, Beauté, Frère, Hymen, Colère, Justice, Yeux, Corneille, Monologue, Seigneur, Amant, Âme, Roi, Crime, Sentiments, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
LETTRE de Mr de ... , à Mde de ...
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
Fermer
Résumé : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
La lettre examine la tragédie 'Venceslas' de Rotrou, reconnue par Corneille comme une œuvre majeure. L'auteur admire les grandes beautés de la pièce, mais note que certaines qualités autrefois admirées ne sont plus aussi impressionnantes aujourd'hui. Rotrou est considéré comme le créateur du poème dramatique en France, tandis que Corneille en est le restaurateur. L'auteur analyse des extraits de la pièce, notamment une scène où Venceslas, suivi de ses fils Ladislas et Alexandre, ouvre l'acte. Il critique certains vers pour leur archaïsme ou leur vulgarité, tout en admirant les pensées profondes exprimées. Il mentionne des défauts dans l'expression et des beautés dans les idées, mais note que certains passages dévaluent le caractère pompeux du drame. La lettre explore également les relations complexes entre les personnages, notamment les sentiments ambigus de Ladislas, qui est à la fois craint et aimé malgré ses vices. L'auteur admire certaines tirades de Venceslas, qui contiennent des beautés de détail, mais critique les défauts de fond de la pièce. Dans l'Acte II, Théodore, Infante de Moscovie, commence avec Caffandre, Duchesse de Cunisberg. Caffandre refuse la demande en mariage de Ladislas, le qualifiant d'ennemi de sa gloire et de suborneur. Ladislas tente d'apaiser sa colère, mais Caffandre révèle les turpitudes des amours de Ladislas. Ladislas propose ensuite à Caffandre une couronne, mais elle réagit avec indignation, refusant d'être l'objet d'une flamme impudique. Ladislas, voyant l'inflexibilité de Caffandre, s'emporte et menace de se venger. L'Infante, qui aime secrètement le Duc, est peinée d'apprendre que le Duc aime Caffandre. L'Acte III est jugé défectueux, notamment en raison de scènes indignes et de dialogues imprudents de Ladislas. Ladislas promet au Duc de ne plus s'opposer à son hymen avec Caffandre, mais une altercation avec son père, le Roi, conduit à son arrestation. Dans l'Acte IV, un songe de l'Infante révèle une vision funeste. Ladislas apparaît blessé, ayant tenté de tuer le Duc par jalousie. Le Duc survit, et Caffandre demande vengeance pour la mort de l'Infant. La pièce se conclut par des révélations dramatiques et des déclarations émotionnelles intenses. Venceslas, le roi, ordonne l'exécution de son fils Ladislas, coupable d'un crime, malgré les supplications de l'Infante et du Duc. L'Infante exige que le Duc se contente de la grâce de Ladislas, et le Duc renonce à l'objet de son amour en faveur de son ennemi. Venceslas exprime sa douleur face à la perte de ses deux fils. Dans une scène poignante, Venceslas et Ladislas partagent un moment émouvant avant l'exécution. Ladislas reconnaît ses fautes mais trouve la vertu de se soumettre à son sort. Venceslas, malgré les supplications, refuse la grâce à Ladislas, même face aux larmes de l'Infante et à la générosité de Cassandre. Il abdique finalement sous la pression du peuple, bien que cette décision soit critiquée pour son manque de sagesse et de justice. La pièce se termine par une réflexion sur la récompense du crime et l'oppression de la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
257
p. 2801-2803
VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
Début :
Dans les charmans Vergers qu'embellit sa presence, [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
VERTUMNE ET POMONE .
CANTATE.
Ans les charmans Vergers qu'embellit fa
D prefence ,
Pomone , peu fenfible au pouvoir de fes yeux ,
Affure par ces mots fa paifible innocence
Contre les Traits victorieux ,
Que l'Enfant de Cithere fance
Vous faites ma felicité ,
Bois épais , agréable ombrage ;
Sous votre aimable obfcurité ,
Je fais l'amoureux efclavage ,
Je fais gloire de ma fierté ,
A l'abri de votre feüillage.
Si nos coeurs vouloient réfifter ,
L'Amour n'auroit point de victoire
Nous lui cedons fans difputer ;
Notre foibleffe fait fa gloire.
Quelles féduifantes erreurs !
Accable de maux neceffaires ,
On peut ménager fes douleurs
On en cherche de volontaires,
Si nos coeurs , &c.
>
II.Vol. B vį Malgré
2802 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'excès de fa rigueur ,
Vertumne , dès long- temps languiffant fous fa
chaine ,
Suit les traces de l'Inhumaine ,
#
Qu'il veut perfuader de fa fincere ardeur,
Et pour fléchir l'objet de fa tendreffe ,
Il emprunte foudain par un prompt changement ;
Le vifage de la Vieilleffe .
Vainement vous bravez le plus puissant des
Dieux ,
Dit-il en l'abordant , ceffex , jeune Pomone ,
De refufer des foins qu'exigent vos beaux yeux;
Au coeur que Vertumne vous donne .
N'oppofez plus de regards dédaigneux ;
La fincerité de fes feux ,
Mérite qu'àjamais votre ardeur les couronne.
Quand l'Amour nous fait languir ,
C'eft l'effet de ſa vengeance ;
Cédons lui fans réſiſtance ,
Ou redoutons de l'aigrir .
Loin la fiere indifference:
Un coeur en eft le martir ;
'Aimons , & loin de punir ,
Le petit Dieu récompenfe.
Quand l'Amour , &c
dl. Vol
DECEMBRE. 1730. 2803
Il parle un baiſer plein de flamme ,
Suit auffi -tôt fon diſcours enchanteur ,
L'Amour qui conſume ſon ame ,
A
Des levres de Pomone a coulé jufqu'au coeur ,
Il découvre ſes traits : la Belle qu'il enflamme ,
Pour le dédommager de fa longue rigueur ;
Entre fes bras tombe en langueur ;
Dans les doux tranſports qui la pâme ,
Le tendre Amant affure ſon bonheur
Elle eft forcée à chérir fon erreur.
Un coeur qui peut fe contraindre ,
Tôt ou tard fe fait aimer ;
Amans , fi vous fçavez feindre ;
Soyez certains de charmer..
Aimez-vous une Rebelle ?"
Confultez le tendre Amour ;
Il fe déguiſe auprès d'elle ,
Pour l'enchaîner à ſon tour
Un coeur , &c .
"
Le Chevalier de Montador
CANTATE.
Ans les charmans Vergers qu'embellit fa
D prefence ,
Pomone , peu fenfible au pouvoir de fes yeux ,
Affure par ces mots fa paifible innocence
Contre les Traits victorieux ,
Que l'Enfant de Cithere fance
Vous faites ma felicité ,
Bois épais , agréable ombrage ;
Sous votre aimable obfcurité ,
Je fais l'amoureux efclavage ,
Je fais gloire de ma fierté ,
A l'abri de votre feüillage.
Si nos coeurs vouloient réfifter ,
L'Amour n'auroit point de victoire
Nous lui cedons fans difputer ;
Notre foibleffe fait fa gloire.
Quelles féduifantes erreurs !
Accable de maux neceffaires ,
On peut ménager fes douleurs
On en cherche de volontaires,
Si nos coeurs , &c.
>
II.Vol. B vį Malgré
2802 MERCURE DE FRANCE
Malgré l'excès de fa rigueur ,
Vertumne , dès long- temps languiffant fous fa
chaine ,
Suit les traces de l'Inhumaine ,
#
Qu'il veut perfuader de fa fincere ardeur,
Et pour fléchir l'objet de fa tendreffe ,
Il emprunte foudain par un prompt changement ;
Le vifage de la Vieilleffe .
Vainement vous bravez le plus puissant des
Dieux ,
Dit-il en l'abordant , ceffex , jeune Pomone ,
De refufer des foins qu'exigent vos beaux yeux;
Au coeur que Vertumne vous donne .
N'oppofez plus de regards dédaigneux ;
La fincerité de fes feux ,
Mérite qu'àjamais votre ardeur les couronne.
Quand l'Amour nous fait languir ,
C'eft l'effet de ſa vengeance ;
Cédons lui fans réſiſtance ,
Ou redoutons de l'aigrir .
Loin la fiere indifference:
Un coeur en eft le martir ;
'Aimons , & loin de punir ,
Le petit Dieu récompenfe.
Quand l'Amour , &c
dl. Vol
DECEMBRE. 1730. 2803
Il parle un baiſer plein de flamme ,
Suit auffi -tôt fon diſcours enchanteur ,
L'Amour qui conſume ſon ame ,
A
Des levres de Pomone a coulé jufqu'au coeur ,
Il découvre ſes traits : la Belle qu'il enflamme ,
Pour le dédommager de fa longue rigueur ;
Entre fes bras tombe en langueur ;
Dans les doux tranſports qui la pâme ,
Le tendre Amant affure ſon bonheur
Elle eft forcée à chérir fon erreur.
Un coeur qui peut fe contraindre ,
Tôt ou tard fe fait aimer ;
Amans , fi vous fçavez feindre ;
Soyez certains de charmer..
Aimez-vous une Rebelle ?"
Confultez le tendre Amour ;
Il fe déguiſe auprès d'elle ,
Pour l'enchaîner à ſon tour
Un coeur , &c .
"
Le Chevalier de Montador
Fermer
Résumé : VERTUMNE ET POMONE, CANTATE.
Le texte décrit la cantate 'Vertumne et Pomone'. Pomone, déesse des fruits, exprime son bonheur et sa soumission à l'amour sous la protection des bois. Elle reconnaît la puissance de l'amour, auquel elle finit par céder malgré sa résistance initiale. Vertumne, dieu des saisons et des cultures, est amoureux de Pomone mais est repoussé par elle. Pour la convaincre, il se déguise en vieille femme et lui parle avec sincérité, l'exhortant à ne pas résister à l'amour. Il l'embrasse passionnément, révélant ainsi son véritable visage. Touché par ce geste, Pomone finit par succomber à l'amour de Vertumne. Le texte souligne que la résistance à l'amour est vaine et que feindre l'indifférence ne fait que renforcer la puissance de l'amour. Il conseille aux amants de consulter l'amour pour charmer une personne rebelle, car l'amour sait se déguiser pour conquérir les cœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
258
p. 2887-2900
Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
Début :
ELEGIES de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poësie & quelques [...]
Mots clefs :
Élégie, Amour, Poésie, Tendresse, Coeur, Femmes, Auteur, Vertu, Hommes, Crime
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
ELEGIES de M. L. B. C. avec un
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
Difcours fur ce genre de Poëfie & quelques
autres Pieces du même Auteur. A
Paris , chez Chaubert , à l'entrée du Quay
des Auguftins , 1731. in 12. de 163. pages.
Cet Ouvrage eft de M. le Blanc , de la
Societé Académique des Arts , déja con-
II Vol.
F nu .
2888 MERCURE DE FRANCE
nu par plufieurs petites Pieces , tant en
Prole qu'en Vers , imprimées dans nos
Mercures , dans le Journal des Sçavans , les
Memoires de Litterature & autres femblables
Recueils , qui depuis long- temps
avoient donné lieu au Public d'attendre
de l'Auteur ce qui en paroît aujourd'hui.
Comme cet Ouvrage eft tout à fait nouveau
, & que d'ailleurs il eft tout autre
chofe que ce que le titre femble
tre , nous ne pouvons nous difpenfer ,
attendu fa fingularité , d'en donner l'Extrait,
& nous pouvons affurer par avance
qu'il feroit très-injufte de le juger fur
l'Affiche . On connoît bien des Elegies
, mais on ne connoît pas celles - cy ;
elles font prefque toutes ennuyeufes , &
celles-cy ne le font pas.
promet-
Il n'y a qu'une voix parmi les gens de
Lettre fur le Difcours ; tous l'ont approuvé:
il eft du nombre de ceux dont on
ne peut guere faire l'Extrait qu'en les
défigurant , & qu'on eft obligé de copier
pour en donner l'idée . On démêle fans
peine les beautez qui fe trouvent noïées
dans un Ouvrage , quand il eft fait avec
art , on craint toujours d'en perdre quelqu'une.
M. le Blanc commence par juftifier le
deffein qu'il a pris de traiter de l'Elegie
par la neceffité où il eft de faire voir l'in
-
II. Vol.
justice
DECEMBRE . 1730. 288 9.
juftice du mépris que quelques-uns ont
eu jufqu'ici pour ce Poëme. Par fa nature
elle n'eft autre chofe que la plainte d'un
amour mécontent.
Grand fond pour la Poëfie , la plainte
étant fi naturelle à l'homme . Et une plainte
amoureuſe ne peut qu'être interreffante.
Le IV. Livre de Virgile , le Monologue
d'Amarillis dans le Paftor Fido ,
Berenice , toutes nos Tragedies enfin en
font de fûrs garants. Un homme malheureux
dans fon amour , dit l'Auteur , une
femme traversée dans fa paſſion , ſçauront
toujours nous attendrir , pourvû qu'ils fçachent
fe plaindre. Tout le monde s'intereffe
au fort des malheureux , fouvent même de
ceux qui méritent de l'être , & c. Nous n'aimonspas,
continue-il , qu'un autre nous vante
fon bonheur, parce qu'il fe met , pour ainfi
dire, au-deffus de nous nous nous plaifons
à lui entendre raconter fes infortunes , parce
qu'il femble par-là reconnoître notre fuperiorité.
Il nous prend pour Juges entre le fort
& lui. Voilà comme notre amour propre eft
la caufe de tous nos mouvemens & la ſource
de tous nos plaifirs . Mais quand on eft malbeureux
fans l'avoir merité , on eft für d'être
plaint , d'être aimé , fouvent même d'être admiré.
Je dirois volontiers que pour un honnête
homme , c'est une espece de bonheur que
d'être malheureux . Voilà , felon l'Auteur ,
II. Vol. се
Fij
2890 MERCURE DE FRANCE
ce qui caufe l'interêt que l'on prend à
la Tragédie, & ce qui par confequent doit
caufer celui de l'Elegie.
M. le Blanc explique enfuite les condi
tions qu'elle doit avoir pour produire ces
effets. Il exige fur tout qu'elle foit naturelle
& remplie de fentimens, & rejette
tous les ornemens frivoles dont la Poëfic
eft quelquefois fufceptible , & où l'efprit
a plus de part que le coeur. Il faut ,
dit- il , de la tendreffe & non de la fadeur,
de la délicateffe & non de l'affectation.
Il faut que le coeur feul parle dans l'Elegie.
Après cela l'Auteur expofe les fujets
dont elle eft fufceptible , & paffe tout
de fuite à l'examen des Auteurs Elegiaques
, tant anciens que modernes. Après
avoir rendu juſtice aux Elegiaques Latins ,
Tibulle , Properce , Ovide , il cherche
la caufe du peu de fuccès des Auteurs
François en ce genre ; & la raifon qu'il
en donne , c'est que les veritables Poëtes ne
font des Elegies que lorfqu'ils ne font encore
qu'écoliers , & que ceux qui ne le font pas
Je flatent trop aifément d'y réuffir. Les uns
la regardent comme le Rudiment de la Poëfie,
les autres comme l'Alphabet ; mais
les uns les autres fe trompent & l'aviliffent
, &c.
L'Auteur prévient enfuite l'accufation
11. Vol. qu'on
DECEMBRE. 1730. 2891
qu'on pourroit lui faire de la témericé
qu'il y a de courir une carrière ſi funeſte
à tant d'autres. Leurs fautes , dit-il , m'ont
tenu lieu d'inftruction . Du moins , continuë-
t'il , je me fuis flaté qu'on me tiendroit
quelque compte de ce qu'en peignant les
paffions amoureuses , je ne l'ai pas fait d'une
maniere quifut capable deféduire . On écoute
volontiers les leçons des Poëtes : ils ne font
nififeveres que les Théologiens,ni fi fecs que
Les Philofophes. Enfin les hommes ne veulent
point de Maîtres & les Poëtes le font
fans le paroître. Il ajoûte à cela plufieurs
autres réfléxions auffi folides qu'ingenieuſes.
Comme dans les Elegies le ftile & le
fond , tout eft nouveau , il dit les taifons
qui l'ont porté à peindre les violence's
de l'amour plutôt que fes douleurs. Le
veritable but de la Poëfie , de quelque efpece
qu'elle foit , dit M. le Blanc , doit tendre à
corriger les hommes. Un Poëte doit faire refpecter
& aimer la vertu , hair & fuir le
vice , plaindre& appréhender les foibleffes :
& des Elegies doucereufes , qui feroient
affez bonnes pour fe faire lire , opéreroient
tout le contraire. L'amour eft tel qu'on ne
peut en parler fans l'infpirer , ou fans le faire
craindre. Qu'on nous le reprefente dans fa
naiffance , ce n'est que jeu , que badinage ,
que plaifir ; quoi de plus féduifant ? Dan's
II. Vol. Fiij fes
2892 MERCURE DE FRANCE
fes excès ce n'eft que pleurs , qu'ennuis , que
defefpoirs quoi de plus terrible !
....
Il n'a fait parler que des femmes dans
fes Elegies, & voici pourquoi : Le langage
de l'amourfied bien mieux dans leur bouche
Et elles en pouffent la délicateſſe &
les violences à un plus haut point que nous.
C'est ce qu'un Poëte doit obferver dans fes
Ouvrages. Et delà vient que Corneille , de
même que Virgile , donne plutôt les excès
d'amour aux femmes qu'aux hommes , de
peur de dégrader fes Heros , & c.
Quoiqu'il n'y ait pas de Livre où l'on
n'ait parlé de l'Amour & des femmes &
que la matiere paroiffe devoir être épuifée
, le Difcours de M. le Blanc contient
des chofes fi neuves & fi fenfées , que
nous ne pouvons nous empêcher d'en
copier ici quelques morceaux.
Elles ont tant de peine , dit-il , à avoйer
qu'elles aiment , que fouvent elles en donnent
des marques avant que d'en convenir. Mais
une femme qui fait tant que d'aimer & de
de le dire , veut abfolument être aimée , &
quand même elle vous aimeroit fans votre
confentement , c'est un crime envers elles que
de n'avoir pas du retour .
Enfin l'honneur qui leur deffend l'amour,
leur doit encor infpirer desfentimens pluo vifs:
ce n'est que le retourqu'on a pour leur tendreffe
qui peut les raffurerfur ce point.... Une femme
II. Vol.
me
DECEMBRE. 1730. 2893 "
qui n'aime pas un homme dont elle eft aimée ,
croit qu'elle ne fait que fondevoir. En aimet-
elle un autre & fans trouverdu retouric'eft un
affront , c'est une injustice , c'est un crime
qui merite la mort. Manque -t-elle de foi
envers fon Amant ? qu'il s'en confole. En
manque-t'il envers elle ? qu'il prenne garde
à lui. Le Sexe alors quitte toute fa foibleffe
& devient intrépide : fa haine eft irréconciliable
& fa vengeance à craindre.
Les premieres impreffions que les femmes
reçoivent , ce font les defirs ; elles en ontlors
même qu'elles en ignorent encore le but
& bientôt après ellespeuvent êtrefans Amans
mais non pas fans amour. Enfin toutes les
femmes n'aiment pas , mais toutes aiment a
aimer: & quand elles n'auroient pas reçu de
la Nature ce penchant à la tendreffe , l'éducation
& l'habitude le leur inspireroient.
L'amourfait leur unique occupation dés leur
tendre enfance , car envain teur deffend-on
d'aimer en leur apprenant les moyens deplaire
, & c.
Nous fommes obligez malgré nous de
rous en tenir là pour parler des Elegies
mêmes . Elles font au nombre de douze
d'environ cent Vers chacune ; & malgré
des bornes fi étroites , toutes très- intereffantes
, on les pourroit à bon droit nommer
des Monologes de Tragedie. Le Lecteur
en jugera par les deux dont nous
II. Vol.
F iiij allons
2894 MERCURE DE FRANCE
allons faire l'Extrait : le choix , au refte ,
nous a fort embarraffez & nous avons
prefque été contraints de nous en remettre
au hazard.
Fulvie , qui eft la IV. eft une Amante
qui fe plaint de la trahison de fon Amant,
qu'elle vient de furprendre dans le tems
qu'il engageoit fa foi à une autre. Elle
commence ainſi :
Où fuis -je ? Dieux , pourquoi me rendez - vous
la vie !
De quels nouveaux tourmens fera-t'elle fuivie
Après le coup affreux qui vient de m'accabler,
A la vie , aux douleurs . Pourquoi me rappeller,
Ah ! perfide Créon , &c.
Voici comme elle continue fes plaintes.
Aux pieds de ma Rivale, oui, c'eft là que le traître,
Lui juroit une foi dont il n'étoit plus maître ,
Lui promettoit de vivre à jamais fous fa Loi ,
De ne me plus revoir , de renoncer à moi ;
Et lorfque j'aurois dû par la mort la plus promte
Effacer dans fon fang & fon crime & ma honte ,
Ma force m'abandonne. Helas ! mon foible coeur,
Au lieu de fe venger, fuccombe à ſon malheur,&c.
Delà elle paffe à des Projets de fa vengeance
que fa tendreffe lui empêche toujours
d'executer : elle veut lui pardonner,
mais enfin la fureur l'emporte fur la foiblefle.
Qüi ,
DECEMBRE. 1730. 2895
Oui , je veux que ma main à tous les deux fatale
Immole entre tes bras mon indigne Rivale ,
Pour lui donner ton coeur tu fçûs me l'arracher ,
Ingrat , c'eft dans le tien que je l'irai chercher
, &c.
On y trouve de tems en tems des morceaux
de la plus grande force ; le Lecteur
en jugera par celui - cy.
Mon fexe dangereux , quoique foible & timide,
Outré dans fon amour fut toûjours intrépide ;
Les meurtres , les poiſons , mille crimes divers
N'ont que trop par nos mains effrayé l'Univers.
3
Fulvie continue & termine cette Elegie
fur le ton qu'elle l'a commencée , c'est - àdire,
par des emportemens qui ne fieroient
pas mal dans la bouche même d'Hermione
, & que Racine peut-être n'auroit pas
defavoüés.
Déja par les fureurs où mon ame s'emporte ,
La haine dans mon coeur fe montre la plus forte
La pitié , les remords lui font place à leur tour ,
Et je fens à la fin que je n'ai plus d'amour .
Où du moins fi. c'eſt lui , qui malgré moi m'entraîne
,
C'est un amour cent fois plus cruel que là haîner
Moi -même en cet inftant, il me glace d'horreur
Ah ! cet excès d'amour en eft un de fureur.
II. Vol. C'cx F v
2896 MERCURE DE FRANCE
C'en eft fait . Livrons - nous aux tranſports de ma
rage ,
Et c'eft peu du trépas de celle qui m'outrage ,
Il faut punir l'ingrat qui vient de me trahir ,
Du moins de ce qu'envain je voudrois le haïr ,
L'un pour l'autre ils ont beau ſe
vivre ,
promettre de
Ils mourront , & contente auffi- tôt de les fuivre ,
Moi-même de mes jours je romprai le lien ,
Pour punir leur amour & contenter le mien .
On voit par ce morceau feul que des
Elégies de cette elpece doivent produire
toute autre chofe que l'ennui , & que
par l'interêt que le coeur y prend & la
chaleur dont elles font écrites , elles pourroient
bien plutôt operer l'infomnie.
M. le Blanc qui a intitulé Thamire la
onziéme Elegie , y reprefente une femme
extrémement aimable , & éperdument
amoureuſe de fon époux , qui après avoir
paffé trois ans avec elle dans une union
& une joye parfaite , a été obligé de la
quitter pour fuivre la gloire & fervir fon
Roi. Il y a long- tems qu'elle n'a reçû
de fes nouvelles uniquement occupée à
le regretter , elle fait un fonge qui l'effraye
, c'eft dans cette fituation qu'elle
lui écrit. Nous paffons mille chofes trèstouchantes
& très - patéthiques , comme
la Relation du fonge , les marques de
II. Vola tendreffe
DECEMBRE. 1730. 2897
tendreffe qu'elle lui donne , pour donner
tout entier un morceau où le Poëte
exprime avec tant de force les avantages
de l'amour conjugal .
Non ce n'eft qu'un lien fi faint , fi légitime ,
Qui peut nous rendre heareux . Que procure le
crime ?
Des momens de plaifir courts & tumultueux :
Le vrai bonheur eſt fait pour les coeurs vertueux.
L'Amour qui joint deux coeurs également fideles,
Reçoit de la vertu mille graces nouvelles ,
Qui nous charment toujours , ne nous laffent
jamais.
L'innocence peut feule en conferver la paix ;
Rien ne l'altere alors . L'objet que l'on poffede
Ne refroidit qu'autant qu'un autre lui fuccede ;
Les defirs fatisfaits tariffent les plaifirs ,
*
Mais tant qu'on s'aime on a toujours mille
defirs.
La plainte que Thamire ajoûte fur ce
que la gloire , fon unique Rivale , lui a
enlevé fon époux , ne font pas moins
touchantes . Delà elle paffe à des Refićxions
fur la valeur de fon époux , fur
le péril qu'il court , fur le fort des armes,
elle lui rappelle la tendreffe de leurs
adieux , qui font du moins auffi touchans
que ceux d'Hector & d'Andromaque ;
enfin elle finit en le priant de ne pas
II. Vol. F vj tarder
2898 MERCURE DE FRANCE
tarder à lui donner de fes nouvelles.
Ce Tableau fi touchant de la tendreffe
conjugale , n'eft pas la feule Piece accomplie
de ce Recueil . La XII. Elegie eft encore
une espece de chef-d'oeuvre en ce
genre. C'eft la plainte d'une fille que fes
parens ont faite Religieufe avant que l'â
ge lui eût donné le tems de connoître le
monde. L'Amour vient la troubler au
' fond de fa retraite , les combats qui fe
livrent dans fon coeur , entre la vertu &
la paffion , la déchirent de mille remords ;
mais enfin la vertu triomphe & calme le
defordre de fon ame. Ce fujet , tout délicat
qu'il paroît , eft très heureuſement
manié , les moeurs y font obfervées & la
Religion même n'en devient que plus ref
pectable.
Les autres Elegies & les Poëfies diverfes
qui font à la fuite , contiennent beaucoup
d'autres beautez que nous ne pouvons
renfermer dans les bornes d'un Extrait
; ainfi nous laifferons au Public la
fatisfaction de les voir & de les examinier
dans leur veritable place. Il y a
long- tems qu'on n'a imprimé de Livre de
Poëlie dont le titre promît moins de fuccès,
& qui en doive avoir un plus grand.
Il est dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Comte de Clermont , & on ne fera pas
fâché de voir ici les Vers que M. le Blane
II. Vol.
cut
DECEMBRE. 1730. 2899
eut l'honneur de lire à S. A. S. le jour
qu'il lui préfenta fon Ouvrage , d'autant
plus qu'ils ne font imprimez nulle
>
>
part..
Jeune fur les bords du Permeffe ,
J'ai chanté des Sujets divers ,
Et ce font aujourd'hui ces Vers ,
Que je confacre à Votre Alteffe ;
Mais mes efforts font impuiffans
GRAND PRINCE , quand je veux décrire
Tant de vertus qu'en vous j'admire ,
Et qui méritent notre encens ;
Au fen que mon zele m'inſpire
Ma Mufe ne fçauroit fuffire :
Rien n'exprime ce que je fens..
Ainfi déplorant ma foibleffe ,
Je ne m'en prens qu'à ma jeuneffe ,.
Et telle eft notre vanité ;
Oui, PRINCE , fur tout à mon âge ,
Tout paroît manquer de courage ,
Et même l'incapacité.
Peut être d'un orgueil extrême ,.
Pourrois-je encore être repris ,
Et c'eft paroître trop furpris ,
De ma foibleffe & de moi-même..
Car enfin Virgile autrefois ,
Avant que de chanter d'Augufte ,.
Et les Vertus & les Exploits,
II. Vol
2990 MERCURE DE FRANCE
"
A Coridon prêta ſa voix ,
Et fouvent fous un tendre Arbufte ,
Chanta les Bergers & leurs Loix.
•
Devois- je montrer plus d'audace ?
Toutes fois fi quelque fuccès ,
Couronnoit mes foibles Effais ,
Si moi- même fur le Parnaſſe ,
J'obtenois un jour une place ,
Prince , je n'y chanterois plus ,
Que vos bienfaits & vos Vertus.
Fermer
Résumé : Elegies de M. L. B. C. avec un Discours sur ce genre de Poesie, & quelques autres Piéces, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Élégies' de M. le Blanc, membre de la Société Académique des Arts, a été publié à Paris en 1731. Il comprend un discours sur le genre de la poésie élégiaque et plusieurs pièces de l'auteur. Contrairement aux élégies habituellement ennuyeuses, celles-ci ne le sont pas. Le discours de M. le Blanc sur l'élégie a été unanimement approuvé par les gens de lettres. Il justifie le mépris souvent réservé à ce genre de poésie, qu'il définit comme la plainte d'un amour mécontent. Il souligne que la plainte est naturelle à l'homme et qu'une plainte amoureuse est toujours intéressante, citant des exemples comme le IVe Livre de Virgile et le 'Pastor Fido'. M. le Blanc explique que l'élégie doit être naturelle et remplie de sentiments, rejetant les ornements frivoles. Il rend hommage aux élégiaques latins comme Tibulle, Properce et Ovide, et critique les auteurs français qui ne réussissent pas dans ce genre, souvent parce qu'ils le considèrent comme un rudiment de la poésie. L'auteur affirme que les erreurs des autres lui ont servi d'instruction et que le véritable but de la poésie est de corriger les hommes et de faire respecter la vertu. Les élégies de M. le Blanc se distinguent par leur style et leur fond nouveaux. Il choisit de peindre les violences de l'amour plutôt que ses douleurs, estimant que l'amour doit inspirer soit l'amour, soit la crainte. Il fait parler uniquement des femmes dans ses élégies, car le langage de l'amour convient mieux à leur bouche. L'ouvrage contient douze élégies, chacune d'environ cent vers, qualifiées de 'monologues de tragédie'. Deux extraits sont présentés : l'élégie 'Fulvie', où une amante se plaint de la trahison de son amant, et l'élégie 'Thamire', où une femme exprime son amour pour son époux parti à la guerre. Ces élégies sont marquées par des sentiments forts et des réflexions profondes sur l'amour et la vertu. Le recueil contient également d'autres élégies et poèmes divers, riches en beautés. Il est dédié à Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Clermont. Le poète exprime son admiration et son incapacité à décrire les vertus du prince, comparant son propre manque de courage à sa jeunesse. Il mentionne que Virgile, avant de chanter les exploits d'Auguste, avait chanté les bergers et leurs lois, suggérant humblement qu'il espère un jour pouvoir chanter les bienfaits et les vertus du prince s'il obtient du succès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
259
p. 342-357
Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 17. Le Naufrage, et Bolus, Parodie de la nouvelle [...]
Mots clefs :
Tragédie, Parodie, Médecins, Brutus , Représentation, Scène, Discours, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 17.Le Naufrage , et Bolus, Parodie de
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
Fermer
Résumé : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte décrit une parodie de tragédie intitulée 'Le Naufrage, et Bolus', représentée pour la première fois en février 1731. L'action se déroule dans l'École de Médecine, où les médecins sont réunis. Bolus, s'adressant à ses collègues, mentionne un ennemi, Tufquin, qui envoie un représentant, la Sonde, pour négocier. Coclicola, un médecin, refuse de recevoir la Sonde, mais Bolus insiste pour l'accueillir. La Sonde, accompagnée de Syrop, entre et demande pourquoi Tusquin est persécuté. Bolus répond que Tusquin a perdu la protection des médecins en raison de ses actions. La Sonde accuse les médecins de tyrannie et de monopoliser les soins aux malades. Bolus et les médecins jurent de rester fidèles à leurs principes et de ne pas trahir leur serment. La Sonde, à son tour, jure la guerre au nom de Tusquin. La scène se poursuit avec l'arrivée de Massacra, qui discute avec la Sonde des conspirateurs contre les médecins. Tutie, la fille de Tusquin, est impliquée dans une intrigue amoureuse avec Tetu, un médecin. Tetu est déchiré entre son amour pour Tutie et sa loyauté envers les médecins. Massacra et la Sonde tentent de convaincre Tetu de trahir les médecins pour épouser Tutie. Tetu, après une confrontation avec Tutie, décide de se rallier à Tusquin. Bolus, informé de la conspiration, découvre que son fils Tetu et Viperinus sont impliqués. Malgré les preuves, Bolus doute de la culpabilité de son fils. La pièce se termine par l'interrogatoire de Tetu par Bolus, laissant en suspens la résolution du conflit. Le texte mentionne également la première représentation de la pièce 'Arlequin Phaeton', une parodie d'un opéra contemporain, composée par Dominique et Romagnesi, qui a été bien accueillie par le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
260
p. 357-365
L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Début :
Le 3 Février, l'Ouverture de la Foire S. Germain [...]
Mots clefs :
Foire, Théâtre, Psyché, Amour, Vénus, Zéphyr, Tragédie, Comédie, Curiosité, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 3 Février , l'Ouverture de la Foire S. Ger
main fut faite par le Lieutenant General de Police
, en la maniere accoûtumée.
Le même jour , l'Opera Comique fit aussi
P'ouverture de son Théatre , rue de Bussy , par
une Piece nouvelle en trois Actes , composée de
Chants et de Danses , qui a pour titre l'Escla
vage de Psiché , dont voici un petit Extrait.
Au premier Acte , l'Amour seul ouvre la Scene
et se plaint des maux causez par la curiosité de
Psyché
358 MERCURE DE FRANCE
Psiché, et de ce qu'elle est tombée entre les mains
de Venus ; qu'il ne sçait quel traitement elle reçoit
de la Déesse , mais qu'il en sera bien-tôt
me- éclairci par l'ordre qu'il a donné à Pierrot ,
tamorphosé en Zéphire , pour s'informer de ce
qui se passe.
Egle , Confidente de Venus , vient apprendre à
l'Amour que Venus est fort irritée de son Mariage
clandestin , et que la Déesse traite Psiché
avec la derniere rigueur ; P'Amour est penetré de
douleur à cette nouvelle , il dit qu'il est prêt d'oublier
tout ce qu'il doit à sa mère, et qu'elle verra
bien - tôt que son fils est son Maître. Eglé engage
l'Amour à secourir Psyché , et lui conseille de
prendre le parti de la douceur.
Zéphire promet à son Maître de' mettre tout
en usage pour le servir et pour délivrer Psyché
des mauvais traitemens qu'elle reçoit. Eglé demande
à Zéphire si Flore est contente de le voir
dans cet équipage , à quoi Zéphire répond qu'elle
en a été charmée .
Eglé apprend encore à l'Amour que Venus doit
envoyerPsyché à la Fontaine de Jouvence pour lui
en apporter
de l'eau ; mais que comme cette Fontaine
est gardée par un Monstre horrible , elle ne
lui a donné cette commission que pour la faire
périr .
L'Amour voyant le danger où sa chere Psyché
va être exposée , prend le parti de se métamorphoser
lui-même pour la garentir , Zéphire lui
dit qu'il peut prendre relle figure qu'il lui plaira
à l'exemple de son Grand Papa Jupiter , et charte
sur l'Air des Fraises
Pour Europe et pour Leda ,
Soe Amourfut sans bornes ,
Carpour l'une il s'empluma ,
Et
FEVRIER. 1731. 359
Et pour l'autre il emprunta ,
Des cornes , des cornes , des cornes .
Le Théatre change et représente la Fontaine
de Jouvence.
Psyché paroît seule plus touchée de se voir séparée
de son cher Epoux , que du danger où elle
va s'exposer ; elle se met en devoir de s'acquiter
de sa commission ; un Choeur se fait entendre ,
qui lui annoncé qu'elle va périr si elle avance .
Elle approche cependant de la Fontaine ; aspect
du Monstre la fait tomber évanouie sur un gason.
L'Amour et Zéphire paroissent travestis en Musiciens
, Zéphire joue un Menuet Italien qui endort
le Monstre , après quoi l'Amour fait remplir
le vase que Psyché a apporté , et le laisse à
ses pieds. Psyché revenuë de sa frayeur , est fort
étonnée de voir les ordres de Venus executez sans
sçavoir à qui elle est redevable de ce secours.
Elle se retire .
Venus paroît au milieu de sa Cour,dans une profonde
rêverie ; les Graces tâchent de la dissiper et
vantent ses charmes . On annonce le retour de Psyché
qui présente ce Vase rempli d'eau à Venus qui
en est très-étonnée . Elle charge encore Psyché d'une
commiffion qui n'est pas moins difficile. Elle
lui ordonne de concilier une Troupe de Comédiens,
et de chasser la discorde qui regne ordinairement
dans leurs Assemblées: Les Comédiens
paroissent , disputent avec animosité , se querelÎent
sur une distribution de Rôles ; Psychẻ tâche
en vain de les racommoder, et se retire ;
en même
tems un petit Amour paroît en l'air , secouë son
flambeau , aussi – tôt la dispute des Comediens
cesse , et ils sont d'accord
-
Zéphire apprend à Eglé, au second Acte, comment
Psyché a été secourue par l'Amour sous la
figure
360 MERCURE DE FRANCE
figure d'un Berger , contre la fureur des Beliers
du Soleil , ausquels elle vient d'être exposée par
un nouvel ordre de Venus , sous prétexte d'avoir
de leur Toison pour faire une Robbe ; Eglé confeille
à Psyché d'aller porter ce present à la Reine
de Cythere pour la calmer.
Venus irritée de plus en plus contre Psyché
l'expose encore à une nouvelle épreuve . Elle lui
ordonne d'engager à restitution un fameux Usurier
, qui par un Acte falsifié a ruiné une famille
orpheline , et la menace d'une mort certaine si
elle n'en vient pas à bout.L'Amour et Zéphire, en
Robbes , arrivent , et proposent d'accommoder
cette affaire , Zéphire dit à l'Usurier que tôt ou
tard il faut se rendre à l'Arbitre que voilà ( montrant
l'Amour , ) l'Usurier rend le bien qu'il a injustement
acquis , et épouse une fille de la famille
orpheline.
Psyché dit à l'Amour qu'elle lui a trop
d'obli
gation pour ne pas le prier de ne la pas quitter
si - tôt , &c. Venus paroît , qui entend qu'on ne
parle pas d'elle avantageusement . Elle ordonne à
Psyché de se retirer . Zéphire dit à l'Amour que
Venus ne les reconnoît point , et qu'il faut tenir
bon; Vénus continuë de plaisanter avec eux , et leur
sçait bon gré , dit-elle , de s'interesser pour Psyché
, que cependant,afin qu'elle ne soit plus à portée
d'être secouruë , elle va la faire partir pour les
Enfers.
L'Amour accablé de douleur dit qu'il n'est pas
permis aux Dieux de descendre au Royaume som
Bre, et qu'il n'est plus à portée de secourir sa chere
Psyché , il ordonna à Zéphire de rassembler
tous les Zéphirs , afin qu'ils puissent transporter
dans un instant et sans danger Psyché fur les Rives
infernales , Zéphire obéit à cet ordre ; l'Aour
fait une invocation aux Dieux et se retire..
Le
FEVRIER. 1731. 361
Le Théatre représente le Palais de Pluton , on
vient annoncer à ce Dieu l'arrivée d'une Mortelle
dans son Empire. Psyché lui remet une Lettre de
la part de Venus , par laquelle elle le prie de lui
envoyer une Boëte remplie du fard de Porserpine.
Pluton ordonne à ses Sujets de rompre le si
lence, et de celebrer la presence de Psyché par un
Divertissement , après lequel il remet la Boëte à
Psyché , et la renvoye ; il chante sur l'Air la
Curiosité.
Les Dieux vous ont donné plus que toute autre
femme.
La beauté.
Au doux tyran des coeurs , vous causez de la
flâme ,
La rareté !
Pourjouir de ces biens , banissez de votre ame ,
La curiosité.
Le Théatre représente au troisiéme Acte une
Forêt , et dans le fond l'Antre d'Averne.
Apeine Psyché est -elle sortie des Enfers , qu'el
Te est tentée d'ouvrir la Boëte ; les deffenses que
Pluton lui a faites d'y regarder , lui font croire
qu'elle renferme un fard précieux ; elle espere par
ce moyen rétablir ses charmes alterez par le
voyage, elle se met à l'écart crainte d'être apperçue.
L'Amour et Zéphire arrivent en habits de
Chasseurs , ils cherchent Psyché de tous côtez , er
pendant qu'ils s'entretiennent d'elle , ils entendent
une voix plaintive; ils prêtent l'oreille tandis que
Psyché , pâle et défigurée , dit qu'en ouvrant la
Boëte une vapeur lui a offusqué les yeux , que
tout a disparu, et qu'elle n'y a trouvé qu'un Bilfet
qu'elle lit.
Psyche
362 MERCURE DE FRANCE
Psiché , tu n'as plus de beauté ;
Ta vaine curiosité ,
Vient de la faire disparoître 5
Ton visage est affreux , et telle est ta laideur
Que ceuxdont le secours soulageoit ta douleur,
Ne pourront plus te reconnoître.
-
Psyché déplore son malheur , s'accuse elle
même, et dit que les Dieux ne la traitent pas encore
comme elle mérite. L'Amour surpris d'entendre
parler de Psyché â une personne qu'il croit
étrangere , l'aborde dans le dessein d'apprendre
de ses nouvelles ; Psyché 1appelle en peu de mots
tous ses ma.heurs , dont le plus grand est celui
d'avoir ouvert une Boëte qui lui a fait perdre
tous ses charmes. A ce portrait , dit-elle , et aux
pleurs qui coulent de mes yeux , ne reconnoissez-
vous pas cette malheureuse Psyché. L'Amour
saisi d'éteonnement et de tendresse , se fait
connoître et dit à sa chere Psyché , que c'est lui
qui a causé tous ses maux ; mais qu'elle ne doit
point s'allarmer , que sa beauté lui sera renduë
puisqu'il va remonter aux Cieux ; Psyché veut
P'en empêcher , et dit qu'il vaudroit mieux faire
un dernier effort pour toucher Venus. Zéphire
est d'avis d'implorer l'assistance de Cybelle pour
fléchir Vénus . L'Amour prend ce parti et ordonne
à Zéphire de conduire Psyché à Cythere . En
cet endroit le Théatre change et représente les
Jardins de Vénus.
Eglé et une autre Nimphe se plaignent de la
tristesse qui regne dans la Cour de Venus depuis
la division de la Mere et du Fils . Vénus , arrive
qui une foule de mécontens fait les mêmes reproches
, Cybelle , qui survient , se joint à eux et
chante sur l'Air : Ce beau jour ne permet que
l'Aurore , de l'Opera de Phaeton.
FEVRIER . 1731 . 363
Recevez en ces lieux de Cybelle ,
La visite et quelques avis ,
Au sujet de l'Amour votre Fils.
Quelle triste nouvelle ! .
Quels maux ! quels ennuis !
Quelle haine mortelle ,
Dans tous les esprits ;
L'Amour plaît , il est la douceur même ,
Ce Dieu charmant nous enchante tous ;
Lorsque chacun l'aime ,
Le haïrez-vous ?
Venus.
Se peut- il, sage immortelle ,
En verité ,
Que mon Fils rebelle ,
Ait mérité ,
Tant de bonté.
Cybelle.
Du destin des Mortels il dispose ,
Quand je le sers >
Je soutiens la cause ,
De tout l'univers.
L'Amour vient se jetter aux pieds de Vénus
et tâche de la fléchir par des sentimens de soumission
et de tendresse . Venus lui répond et
chante sur l'Air : Quand on a prononcé ce malheureux
ani.
Hous
364 MERCURE DE FRANCE
Vous avez pris plaisir à braver votre Meře ,
Et vous avez détruit tout ce que j'ai sçu fairez
Voyons à cette fois si vous l'emporterez i
Si contre mes desseins vous vous déclarerez.
Voilà , continue Venus , le supplice que j'ai
réservé à votre Amante. Psyché paroît en même-
temps au fond du Théatre dans un lieu enchanté
, environnée des Graces , des Ris et des
Jeux, qui forment le Divertissement , pour celebrer
l'Hymen de l'Amour et de Psyché , après
lequel , Zéphire , qui a suivi Cybelle aux Cieux,
arrive et apporte pour present de Nôces un Brevet
de Déesse et une promesse de la part des
Dieux que la volupté naîtra de Psyché .
L
VAUDEVILLE.
Amour m'a rendu la maîtresse
D'un Plumet rempli d'ardeur ,
Avant de payer sa tendresse ,
Consulte-toi bien , mon coeur ,
Il est galant, attentif à complaire ;
Plaire ,
Est son unique objet ;
Mais rarement on voit un Mousquetaire ,
Taire ,
Les faveurs qu'on lui fait.
Le 12. on donna une autre petite Piece d'un
Acte à la suite de la premiere , intitulée la Fausse
Ridicule , qui fut reçue très favorablement du Public
, et dont nous parlerons plus au long.
Le
FEVRIER. 1731. 365
Le 20. on donna à la place de l'Esclavage de
Pfyché une Piece nouvelle qui a pour titre Cydippe
, précedée d'un Prologue , avec un Divertissement.
On doit construire incessamment une Salle et
un Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de
la Foire S. Germain , pour les Spectacles qui en
dépendent : voici ce qui donne lieu à cet établissement
, autorisé par un Arrêt du Conseil.
main fut faite par le Lieutenant General de Police
, en la maniere accoûtumée.
Le même jour , l'Opera Comique fit aussi
P'ouverture de son Théatre , rue de Bussy , par
une Piece nouvelle en trois Actes , composée de
Chants et de Danses , qui a pour titre l'Escla
vage de Psiché , dont voici un petit Extrait.
Au premier Acte , l'Amour seul ouvre la Scene
et se plaint des maux causez par la curiosité de
Psyché
358 MERCURE DE FRANCE
Psiché, et de ce qu'elle est tombée entre les mains
de Venus ; qu'il ne sçait quel traitement elle reçoit
de la Déesse , mais qu'il en sera bien-tôt
me- éclairci par l'ordre qu'il a donné à Pierrot ,
tamorphosé en Zéphire , pour s'informer de ce
qui se passe.
Egle , Confidente de Venus , vient apprendre à
l'Amour que Venus est fort irritée de son Mariage
clandestin , et que la Déesse traite Psiché
avec la derniere rigueur ; P'Amour est penetré de
douleur à cette nouvelle , il dit qu'il est prêt d'oublier
tout ce qu'il doit à sa mère, et qu'elle verra
bien - tôt que son fils est son Maître. Eglé engage
l'Amour à secourir Psyché , et lui conseille de
prendre le parti de la douceur.
Zéphire promet à son Maître de' mettre tout
en usage pour le servir et pour délivrer Psyché
des mauvais traitemens qu'elle reçoit. Eglé demande
à Zéphire si Flore est contente de le voir
dans cet équipage , à quoi Zéphire répond qu'elle
en a été charmée .
Eglé apprend encore à l'Amour que Venus doit
envoyerPsyché à la Fontaine de Jouvence pour lui
en apporter
de l'eau ; mais que comme cette Fontaine
est gardée par un Monstre horrible , elle ne
lui a donné cette commission que pour la faire
périr .
L'Amour voyant le danger où sa chere Psyché
va être exposée , prend le parti de se métamorphoser
lui-même pour la garentir , Zéphire lui
dit qu'il peut prendre relle figure qu'il lui plaira
à l'exemple de son Grand Papa Jupiter , et charte
sur l'Air des Fraises
Pour Europe et pour Leda ,
Soe Amourfut sans bornes ,
Carpour l'une il s'empluma ,
Et
FEVRIER. 1731. 359
Et pour l'autre il emprunta ,
Des cornes , des cornes , des cornes .
Le Théatre change et représente la Fontaine
de Jouvence.
Psyché paroît seule plus touchée de se voir séparée
de son cher Epoux , que du danger où elle
va s'exposer ; elle se met en devoir de s'acquiter
de sa commission ; un Choeur se fait entendre ,
qui lui annoncé qu'elle va périr si elle avance .
Elle approche cependant de la Fontaine ; aspect
du Monstre la fait tomber évanouie sur un gason.
L'Amour et Zéphire paroissent travestis en Musiciens
, Zéphire joue un Menuet Italien qui endort
le Monstre , après quoi l'Amour fait remplir
le vase que Psyché a apporté , et le laisse à
ses pieds. Psyché revenuë de sa frayeur , est fort
étonnée de voir les ordres de Venus executez sans
sçavoir à qui elle est redevable de ce secours.
Elle se retire .
Venus paroît au milieu de sa Cour,dans une profonde
rêverie ; les Graces tâchent de la dissiper et
vantent ses charmes . On annonce le retour de Psyché
qui présente ce Vase rempli d'eau à Venus qui
en est très-étonnée . Elle charge encore Psyché d'une
commiffion qui n'est pas moins difficile. Elle
lui ordonne de concilier une Troupe de Comédiens,
et de chasser la discorde qui regne ordinairement
dans leurs Assemblées: Les Comédiens
paroissent , disputent avec animosité , se querelÎent
sur une distribution de Rôles ; Psychẻ tâche
en vain de les racommoder, et se retire ;
en même
tems un petit Amour paroît en l'air , secouë son
flambeau , aussi – tôt la dispute des Comediens
cesse , et ils sont d'accord
-
Zéphire apprend à Eglé, au second Acte, comment
Psyché a été secourue par l'Amour sous la
figure
360 MERCURE DE FRANCE
figure d'un Berger , contre la fureur des Beliers
du Soleil , ausquels elle vient d'être exposée par
un nouvel ordre de Venus , sous prétexte d'avoir
de leur Toison pour faire une Robbe ; Eglé confeille
à Psyché d'aller porter ce present à la Reine
de Cythere pour la calmer.
Venus irritée de plus en plus contre Psyché
l'expose encore à une nouvelle épreuve . Elle lui
ordonne d'engager à restitution un fameux Usurier
, qui par un Acte falsifié a ruiné une famille
orpheline , et la menace d'une mort certaine si
elle n'en vient pas à bout.L'Amour et Zéphire, en
Robbes , arrivent , et proposent d'accommoder
cette affaire , Zéphire dit à l'Usurier que tôt ou
tard il faut se rendre à l'Arbitre que voilà ( montrant
l'Amour , ) l'Usurier rend le bien qu'il a injustement
acquis , et épouse une fille de la famille
orpheline.
Psyché dit à l'Amour qu'elle lui a trop
d'obli
gation pour ne pas le prier de ne la pas quitter
si - tôt , &c. Venus paroît , qui entend qu'on ne
parle pas d'elle avantageusement . Elle ordonne à
Psyché de se retirer . Zéphire dit à l'Amour que
Venus ne les reconnoît point , et qu'il faut tenir
bon; Vénus continuë de plaisanter avec eux , et leur
sçait bon gré , dit-elle , de s'interesser pour Psyché
, que cependant,afin qu'elle ne soit plus à portée
d'être secouruë , elle va la faire partir pour les
Enfers.
L'Amour accablé de douleur dit qu'il n'est pas
permis aux Dieux de descendre au Royaume som
Bre, et qu'il n'est plus à portée de secourir sa chere
Psyché , il ordonna à Zéphire de rassembler
tous les Zéphirs , afin qu'ils puissent transporter
dans un instant et sans danger Psyché fur les Rives
infernales , Zéphire obéit à cet ordre ; l'Aour
fait une invocation aux Dieux et se retire..
Le
FEVRIER. 1731. 361
Le Théatre représente le Palais de Pluton , on
vient annoncer à ce Dieu l'arrivée d'une Mortelle
dans son Empire. Psyché lui remet une Lettre de
la part de Venus , par laquelle elle le prie de lui
envoyer une Boëte remplie du fard de Porserpine.
Pluton ordonne à ses Sujets de rompre le si
lence, et de celebrer la presence de Psyché par un
Divertissement , après lequel il remet la Boëte à
Psyché , et la renvoye ; il chante sur l'Air la
Curiosité.
Les Dieux vous ont donné plus que toute autre
femme.
La beauté.
Au doux tyran des coeurs , vous causez de la
flâme ,
La rareté !
Pourjouir de ces biens , banissez de votre ame ,
La curiosité.
Le Théatre représente au troisiéme Acte une
Forêt , et dans le fond l'Antre d'Averne.
Apeine Psyché est -elle sortie des Enfers , qu'el
Te est tentée d'ouvrir la Boëte ; les deffenses que
Pluton lui a faites d'y regarder , lui font croire
qu'elle renferme un fard précieux ; elle espere par
ce moyen rétablir ses charmes alterez par le
voyage, elle se met à l'écart crainte d'être apperçue.
L'Amour et Zéphire arrivent en habits de
Chasseurs , ils cherchent Psyché de tous côtez , er
pendant qu'ils s'entretiennent d'elle , ils entendent
une voix plaintive; ils prêtent l'oreille tandis que
Psyché , pâle et défigurée , dit qu'en ouvrant la
Boëte une vapeur lui a offusqué les yeux , que
tout a disparu, et qu'elle n'y a trouvé qu'un Bilfet
qu'elle lit.
Psyche
362 MERCURE DE FRANCE
Psiché , tu n'as plus de beauté ;
Ta vaine curiosité ,
Vient de la faire disparoître 5
Ton visage est affreux , et telle est ta laideur
Que ceuxdont le secours soulageoit ta douleur,
Ne pourront plus te reconnoître.
-
Psyché déplore son malheur , s'accuse elle
même, et dit que les Dieux ne la traitent pas encore
comme elle mérite. L'Amour surpris d'entendre
parler de Psyché â une personne qu'il croit
étrangere , l'aborde dans le dessein d'apprendre
de ses nouvelles ; Psyché 1appelle en peu de mots
tous ses ma.heurs , dont le plus grand est celui
d'avoir ouvert une Boëte qui lui a fait perdre
tous ses charmes. A ce portrait , dit-elle , et aux
pleurs qui coulent de mes yeux , ne reconnoissez-
vous pas cette malheureuse Psyché. L'Amour
saisi d'éteonnement et de tendresse , se fait
connoître et dit à sa chere Psyché , que c'est lui
qui a causé tous ses maux ; mais qu'elle ne doit
point s'allarmer , que sa beauté lui sera renduë
puisqu'il va remonter aux Cieux ; Psyché veut
P'en empêcher , et dit qu'il vaudroit mieux faire
un dernier effort pour toucher Venus. Zéphire
est d'avis d'implorer l'assistance de Cybelle pour
fléchir Vénus . L'Amour prend ce parti et ordonne
à Zéphire de conduire Psyché à Cythere . En
cet endroit le Théatre change et représente les
Jardins de Vénus.
Eglé et une autre Nimphe se plaignent de la
tristesse qui regne dans la Cour de Venus depuis
la division de la Mere et du Fils . Vénus , arrive
qui une foule de mécontens fait les mêmes reproches
, Cybelle , qui survient , se joint à eux et
chante sur l'Air : Ce beau jour ne permet que
l'Aurore , de l'Opera de Phaeton.
FEVRIER . 1731 . 363
Recevez en ces lieux de Cybelle ,
La visite et quelques avis ,
Au sujet de l'Amour votre Fils.
Quelle triste nouvelle ! .
Quels maux ! quels ennuis !
Quelle haine mortelle ,
Dans tous les esprits ;
L'Amour plaît , il est la douceur même ,
Ce Dieu charmant nous enchante tous ;
Lorsque chacun l'aime ,
Le haïrez-vous ?
Venus.
Se peut- il, sage immortelle ,
En verité ,
Que mon Fils rebelle ,
Ait mérité ,
Tant de bonté.
Cybelle.
Du destin des Mortels il dispose ,
Quand je le sers >
Je soutiens la cause ,
De tout l'univers.
L'Amour vient se jetter aux pieds de Vénus
et tâche de la fléchir par des sentimens de soumission
et de tendresse . Venus lui répond et
chante sur l'Air : Quand on a prononcé ce malheureux
ani.
Hous
364 MERCURE DE FRANCE
Vous avez pris plaisir à braver votre Meře ,
Et vous avez détruit tout ce que j'ai sçu fairez
Voyons à cette fois si vous l'emporterez i
Si contre mes desseins vous vous déclarerez.
Voilà , continue Venus , le supplice que j'ai
réservé à votre Amante. Psyché paroît en même-
temps au fond du Théatre dans un lieu enchanté
, environnée des Graces , des Ris et des
Jeux, qui forment le Divertissement , pour celebrer
l'Hymen de l'Amour et de Psyché , après
lequel , Zéphire , qui a suivi Cybelle aux Cieux,
arrive et apporte pour present de Nôces un Brevet
de Déesse et une promesse de la part des
Dieux que la volupté naîtra de Psyché .
L
VAUDEVILLE.
Amour m'a rendu la maîtresse
D'un Plumet rempli d'ardeur ,
Avant de payer sa tendresse ,
Consulte-toi bien , mon coeur ,
Il est galant, attentif à complaire ;
Plaire ,
Est son unique objet ;
Mais rarement on voit un Mousquetaire ,
Taire ,
Les faveurs qu'on lui fait.
Le 12. on donna une autre petite Piece d'un
Acte à la suite de la premiere , intitulée la Fausse
Ridicule , qui fut reçue très favorablement du Public
, et dont nous parlerons plus au long.
Le
FEVRIER. 1731. 365
Le 20. on donna à la place de l'Esclavage de
Pfyché une Piece nouvelle qui a pour titre Cydippe
, précedée d'un Prologue , avec un Divertissement.
On doit construire incessamment une Salle et
un Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de
la Foire S. Germain , pour les Spectacles qui en
dépendent : voici ce qui donne lieu à cet établissement
, autorisé par un Arrêt du Conseil.
Fermer
Résumé : L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 3 février, la Foire Saint-Germain débuta avec l'intervention du Lieutenant Général de Police et l'ouverture de la saison de l'Opéra Comique, qui présenta la pièce 'L'Esclavage de Psyché' en trois actes. Dans le premier acte, l'Amour se plaint des souffrances causées par la curiosité de Psyché et son emprisonnement par Vénus. Egle, confidente de Vénus, révèle que Vénus est en colère à cause du mariage clandestin de l'Amour et traite Psyché avec sévérité. L'Amour décide de secourir Psyché avec l'aide de Zéphire, transformé en Zéphyr. Vénus envoie Psyché à la Fontaine de Jouvence, gardée par un monstre, pour la faire périr. L'Amour se métamorphose pour protéger Psyché, qui échappe au monstre grâce à l'intervention de l'Amour et de Zéphire. Dans le deuxième acte, Psyché est soumise à de nouvelles épreuves par Vénus, mais elle est secourue par l'Amour. Vénus, de plus en plus irritée, envoie Psyché aux Enfers pour récupérer une boîte remplie du fard de Proserpine. Par curiosité, Psyché ouvre la boîte, ce qui lui fait perdre sa beauté. L'Amour, après l'avoir cherchée, la retrouve défigurée et lui promet de restaurer sa beauté. Le troisième acte se déroule dans les jardins de Vénus, où Cybèle intervient pour réconcilier Vénus et l'Amour. Psyché est finalement transformée en déesse et célèbre son hymen avec l'Amour. Le 12 février, une autre pièce, 'La Fausse Ridicule', fut bien accueillie par le public. Le 20 février, une nouvelle pièce intitulée 'Cydippe' fut présentée. Par ailleurs, un arrêt du Conseil autorisa la construction d'une salle et d'un théâtre dans l'enceinte de la foire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
261
p. 593-595
Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 3. Mars, l'Opera Comique donna une petite Piéce nouvelle [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Travestissement, Arlequin, Amour, Divertissement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Le 3. Mars , l'Opera Comique donna
une petite Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée
Isabelle Arlequin , dans laquelle la
Dule Le Grand a joué le Rôle d'Isabelle
déguisée en Arlequin d'une maniere fort
origi-
X
$94 MERCURE DE FRANCE
originale ; elle a été généralement applau
die par de très nombreuses assemblées.
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue,
intitulé Le Badinage , de la Fausse Ridicule,
et des Amours de Nanterre. Ce Divertissement
a continué jusqu'au 17. jour
de la clôture de ce Théatre.
Dans cette Piéce d'Arlequin femelle
Eraste picqué par quelque dépit , quitte
sa Maitresse , et se retire chez Leonor
sa Tante , à une Maison de Campagne.
peu éloignée de Paris . Cette démarche
n'empêche pas que ces deux Amans
ne soient dans une vive impatience de
se revoir , ce qui détermine Isabelle
à se rendre chez Leonor , accompagnée
de son Valet Arlequin ; ne sçachant
comment faire pour voir son cher-
Eraste sans en être connue , elle prend
le parti sur le champ de prendre l'habit
d'Arlequin pour parler à Eraste , et pénétrer
par cette ruse si elle en est toujours
aimée.
”
Isabelle ainsi travestie , arrive chez Leo--
nor , où elle trouve d'abord Olivette aimée
d'Arlequin , et Suivante de Leonor
; le faux Arlequin la prie de lui .
faire parler à Eraste , envoyé , dit-il , de
la part d'Isabelle , sa Maitresse. Eraste ar
rive , et lui demande avec empressement
des nouvelles de sa chere Isabelle , ce Valet
MARS. 1731: 595
let ne manque pas de l'assurer qu'elle conserve
toujours pour lui l'amour le plus
tendre , et qu'elle est dans un mortel dé
plaisir de se voir éloignée de lui &c . Après.
cette conversation qui est fort comique
et fort plaisante de la part d'Arlequin ,
celui- ci dit enfin à Eraste qu'il a une Let
tre à lui remettre de la part d'Isabelle ;
l'Amant transporté de joye à cette nouvelle
, arrache la lettre des mains d'Arlequin
, et apprend enfin que le
la Lettre est Isabelle même. Elle dispaporteur
de
roit après l'avoir renduë. Voici à
peu près
ce que eette Lettre contient :
Jugez de l'excés de mon amour par l'extravagance
du parti que j'ai pris pour sçavoir
vos sentimens à mon égard ; présente
ment que j'en suis convaincuë , je retourne
à Paris , il ne tiendra qu'à vous de me suivre
& c. Eraste sort avec précipitation,
pour aller chercher sa chere Maitresse ..
Le mariage de Lucas , Jardinier de
Leonor , donne lieu au Divertissementqui
termine la Piéce.
une petite Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée
Isabelle Arlequin , dans laquelle la
Dule Le Grand a joué le Rôle d'Isabelle
déguisée en Arlequin d'une maniere fort
origi-
X
$94 MERCURE DE FRANCE
originale ; elle a été généralement applau
die par de très nombreuses assemblées.
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue,
intitulé Le Badinage , de la Fausse Ridicule,
et des Amours de Nanterre. Ce Divertissement
a continué jusqu'au 17. jour
de la clôture de ce Théatre.
Dans cette Piéce d'Arlequin femelle
Eraste picqué par quelque dépit , quitte
sa Maitresse , et se retire chez Leonor
sa Tante , à une Maison de Campagne.
peu éloignée de Paris . Cette démarche
n'empêche pas que ces deux Amans
ne soient dans une vive impatience de
se revoir , ce qui détermine Isabelle
à se rendre chez Leonor , accompagnée
de son Valet Arlequin ; ne sçachant
comment faire pour voir son cher-
Eraste sans en être connue , elle prend
le parti sur le champ de prendre l'habit
d'Arlequin pour parler à Eraste , et pénétrer
par cette ruse si elle en est toujours
aimée.
”
Isabelle ainsi travestie , arrive chez Leo--
nor , où elle trouve d'abord Olivette aimée
d'Arlequin , et Suivante de Leonor
; le faux Arlequin la prie de lui .
faire parler à Eraste , envoyé , dit-il , de
la part d'Isabelle , sa Maitresse. Eraste ar
rive , et lui demande avec empressement
des nouvelles de sa chere Isabelle , ce Valet
MARS. 1731: 595
let ne manque pas de l'assurer qu'elle conserve
toujours pour lui l'amour le plus
tendre , et qu'elle est dans un mortel dé
plaisir de se voir éloignée de lui &c . Après.
cette conversation qui est fort comique
et fort plaisante de la part d'Arlequin ,
celui- ci dit enfin à Eraste qu'il a une Let
tre à lui remettre de la part d'Isabelle ;
l'Amant transporté de joye à cette nouvelle
, arrache la lettre des mains d'Arlequin
, et apprend enfin que le
la Lettre est Isabelle même. Elle dispaporteur
de
roit après l'avoir renduë. Voici à
peu près
ce que eette Lettre contient :
Jugez de l'excés de mon amour par l'extravagance
du parti que j'ai pris pour sçavoir
vos sentimens à mon égard ; présente
ment que j'en suis convaincuë , je retourne
à Paris , il ne tiendra qu'à vous de me suivre
& c. Eraste sort avec précipitation,
pour aller chercher sa chere Maitresse ..
Le mariage de Lucas , Jardinier de
Leonor , donne lieu au Divertissementqui
termine la Piéce.
Fermer
Résumé : Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Le 3 mars, l'Opéra Comique a présenté 'Isabelle Arlequin', une pièce en un acte. Dule Le Grand a interprété le rôle d'Isabelle déguisée en Arlequin, suscitant de nombreux applaudissements. La pièce était précédée d'un prologue intitulé 'Le Badinage, de la Fausse Ridicule, et des Amours de Nanterre'. Le spectacle a continué jusqu'au 17 mars. Dans la pièce, Eraste, blessé par un dépit, quitte Isabelle et se retire chez sa tante Leonor. Isabelle, désirant revoir Eraste, se rend chez Leonor déguisée en Arlequin, accompagnée de son valet Arlequin. Elle rencontre Olivette, suivante de Leonor et aimée d'Arlequin. Isabelle demande à Olivette de la faire parler à Eraste, prétendant être envoyée par Isabelle. Eraste, rassuré par Arlequin sur l'amour d'Isabelle, reçoit une lettre révélant la véritable identité d'Isabelle. Transporté de joie, Eraste part chercher Isabelle à Paris. La pièce se termine par le mariage de Lucas, jardinier de Leonor, qui donne lieu à un divertissement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
262
p. 256-657
SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
Début :
On a reçû des Lettres de Paris, [...]
Mots clefs :
Iris, Amour, Vénus, Fête, Édit, Statue, Grâces, Plaisirs, Autels, Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
SUITE des Nouvelles de Paphos ,
l'An de l'Amour 1731 .
ONN a reçû des Lettres de Paris ,
Qui portent en substance ,
Qu'Iris est en convalescence.
Et ces jours passez , quelques Ris ,'
Sont arrivez à tire d'aîle ,
Pour en confirmer la nouvelle.
On pense ici differemment ,
Sur cet heureux évenement.
L'Amour en montre une allegresse entiere ,
Mais on remarque que sa mere ,
Reçoit la chose froidement ;
Que sans trop en faire mistere ,
Au rapport des Courriers elle entra brusquement
Dans son Appartement.
Cependant le Dieu de Cythere ,
Vient d'ordonner par un Edit ,
Dans les Païs de son obéissance ,
Trois jours pleins de réjouissance .
Et lui même , à ce que l'on dit ,
Dans sa Cour prépare une Fête ,
Dont Vénus à martel en tête.
Concert , Comedie , Opera ,
Bals , Jeux , Festin , et catera ,
Y
AVRIL.
1731 657
Y feront chacun leur office.
On y joint un Feu d'artifice ,
Et Vulcain le composera.
Ce Dieu ne fut jamais dans l'ame ,
Tout- à-fait content de sa femme ,
Et n'est pas fâché par ce feu ,
De la mortifier un peu.
On doit d'Iris y placer la Statuë :
De l'Echarpe divine elle sera vétuë ,
Les Graces la couronneront ,
Et les Plaisirs l'entoureront.
Ces quatre Vers se feront lire ,
Sur un Piedestal de Porphire.
Des Dieux, ainsi que des Mortels ,
Se réunit ici l'hommage ,
La Beauté dont on voit l'image ,
Mérite un culte et des Autels.
l'An de l'Amour 1731 .
ONN a reçû des Lettres de Paris ,
Qui portent en substance ,
Qu'Iris est en convalescence.
Et ces jours passez , quelques Ris ,'
Sont arrivez à tire d'aîle ,
Pour en confirmer la nouvelle.
On pense ici differemment ,
Sur cet heureux évenement.
L'Amour en montre une allegresse entiere ,
Mais on remarque que sa mere ,
Reçoit la chose froidement ;
Que sans trop en faire mistere ,
Au rapport des Courriers elle entra brusquement
Dans son Appartement.
Cependant le Dieu de Cythere ,
Vient d'ordonner par un Edit ,
Dans les Païs de son obéissance ,
Trois jours pleins de réjouissance .
Et lui même , à ce que l'on dit ,
Dans sa Cour prépare une Fête ,
Dont Vénus à martel en tête.
Concert , Comedie , Opera ,
Bals , Jeux , Festin , et catera ,
Y
AVRIL.
1731 657
Y feront chacun leur office.
On y joint un Feu d'artifice ,
Et Vulcain le composera.
Ce Dieu ne fut jamais dans l'ame ,
Tout- à-fait content de sa femme ,
Et n'est pas fâché par ce feu ,
De la mortifier un peu.
On doit d'Iris y placer la Statuë :
De l'Echarpe divine elle sera vétuë ,
Les Graces la couronneront ,
Et les Plaisirs l'entoureront.
Ces quatre Vers se feront lire ,
Sur un Piedestal de Porphire.
Des Dieux, ainsi que des Mortels ,
Se réunit ici l'hommage ,
La Beauté dont on voit l'image ,
Mérite un culte et des Autels.
Fermer
Résumé : SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
En 1731, des nouvelles de Paris confirment la convalescence d'Iris. Les réactions divergent : L'Amour exprime une grande joie, tandis que sa mère reste froide. L'Amour organise trois jours de festivités dans ses domaines, incluant concerts, comédies, opéras, bals, jeux, festins et un feu d'artifice conçu par Vulcain. Ce dernier, mécontent de son épouse, voit là une opportunité de la mortifier. Lors de la fête, une statue d'Iris, vêtue de l'écharpe divine, sera placée et couronnée par les Grâces, entourée des Plaisirs. Des vers seront lus sur un piédestal de porphyre, soulignant que la beauté d'Iris mérite un culte et des autels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
263
p. 679-682
L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
Début :
Prés d'un Temple fameux par son antiquité, [...]
Mots clefs :
Vénus, Amour, Cythère, Temple, Chants, Zéphyrs, Beautés, Maître, Cantate
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
L'AMOUR MUSICIEN ,
CANTAT E.
PRés d'un Temple fameux par son antiquité ,
Où les Mortels qui veulent plaire
A la Déesse de Cythere
Vont offrir leur encens à sa Divinité ,
Est une Forêt solitaire ,
Qu'environne une sombre et sainte obscurité :
C'est là qu'aux bords d'une Fontaine
Dans les bras du sommeil j'oubliois mes soucis
Lorsque Venus avec son fils
Vint par sa présence soudaine
Troubler l'heureux repos que goutoient mes esprits.
C iiij Les
680 MERCURE DE FRANCE
Les Ris , les Jeux suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces climats.
Leur donnoit de nouvelles graces.
Dans ces Bois sombres et charmans
A Venus tout rendoit hommage' ;
Les Oiseaux mêmes du Bocage
A l'envi redoubloient leurs Chants.
Les Jeux , les Ris suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces Climats
Leur donnoit de nouvelles graces.
Je veux me dit alors la Mere des Amours ; >
Que par tes soins mon fils apprene
Cet Art qui d'Arion a conservé les jours ,
Et du Chantre de Thrace a soulagé la peine."
Flatté du choix de Venus ,
Je chantai le combat de Pan et de Phoebus ,
Et Pallas d'Arachné punissant l'arrogance ;
Mais l'Amour dégouté de ces chants ennuyeux
! Chanta d'un ton harmonieux
Les Dieux et les Mortels soumis à fa puiffance.
Fixês
AVRIL:
1731 . 681
Fixés par ces accens ,
Les Zéphirs moins volages
Laifferent
pour un tems
Reposer les feuillages ,
Les hôtes de ces Bois
Devenus moins sauvages
Aux charmes de sa voix
Joignirent leurs ramages ;
Cachés sous les ombrages ,
Les échos d'alentour
Repetent aux Boccages
Les accens de l'amour.
Touché comme eux des chants de l'enfant de
Cypris ,
Je demeurai frappé de toutes ces merveilles ,
Confus , immobile , furpris ,
A peine en crus - je alors mes yeux et mes oreilles,
Et sans me rappeller les airs que je chantois ,
Je devins Ecolier de Maître que j'étois.
Jeunes Beautés , l'Amour est un grand Maître ,
Ce Dieu sçait tout sans avoir rien appris ;
Courez à lui , vous pourrez tout connoître ;
Rien n'eft caché pour un coeur bien épris.
Les autres Dieux ont chacun leur partage ,
Mars eft Guerrier , Phoebus eft Dieu des Vers;
Cv Le
882 MERCURE DE FRANCE.
Le feul Amour par un rare aſſemblage
Unit en lui tous leurs talens divers.
Jeunes Beautez &c.
CANTAT E.
PRés d'un Temple fameux par son antiquité ,
Où les Mortels qui veulent plaire
A la Déesse de Cythere
Vont offrir leur encens à sa Divinité ,
Est une Forêt solitaire ,
Qu'environne une sombre et sainte obscurité :
C'est là qu'aux bords d'une Fontaine
Dans les bras du sommeil j'oubliois mes soucis
Lorsque Venus avec son fils
Vint par sa présence soudaine
Troubler l'heureux repos que goutoient mes esprits.
C iiij Les
680 MERCURE DE FRANCE
Les Ris , les Jeux suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces climats.
Leur donnoit de nouvelles graces.
Dans ces Bois sombres et charmans
A Venus tout rendoit hommage' ;
Les Oiseaux mêmes du Bocage
A l'envi redoubloient leurs Chants.
Les Jeux , les Ris suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces Climats
Leur donnoit de nouvelles graces.
Je veux me dit alors la Mere des Amours ; >
Que par tes soins mon fils apprene
Cet Art qui d'Arion a conservé les jours ,
Et du Chantre de Thrace a soulagé la peine."
Flatté du choix de Venus ,
Je chantai le combat de Pan et de Phoebus ,
Et Pallas d'Arachné punissant l'arrogance ;
Mais l'Amour dégouté de ces chants ennuyeux
! Chanta d'un ton harmonieux
Les Dieux et les Mortels soumis à fa puiffance.
Fixês
AVRIL:
1731 . 681
Fixés par ces accens ,
Les Zéphirs moins volages
Laifferent
pour un tems
Reposer les feuillages ,
Les hôtes de ces Bois
Devenus moins sauvages
Aux charmes de sa voix
Joignirent leurs ramages ;
Cachés sous les ombrages ,
Les échos d'alentour
Repetent aux Boccages
Les accens de l'amour.
Touché comme eux des chants de l'enfant de
Cypris ,
Je demeurai frappé de toutes ces merveilles ,
Confus , immobile , furpris ,
A peine en crus - je alors mes yeux et mes oreilles,
Et sans me rappeller les airs que je chantois ,
Je devins Ecolier de Maître que j'étois.
Jeunes Beautés , l'Amour est un grand Maître ,
Ce Dieu sçait tout sans avoir rien appris ;
Courez à lui , vous pourrez tout connoître ;
Rien n'eft caché pour un coeur bien épris.
Les autres Dieux ont chacun leur partage ,
Mars eft Guerrier , Phoebus eft Dieu des Vers;
Cv Le
882 MERCURE DE FRANCE.
Le feul Amour par un rare aſſemblage
Unit en lui tous leurs talens divers.
Jeunes Beautez &c.
Fermer
Résumé : L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
Le texte 'L'AMOUR MUSICIEN' relate une scène près d'un temple antique dédié à Vénus. Le narrateur, endormi au bord d'une fontaine, est réveillé par la déesse et son fils, l'Amour. La forêt sombre et mystérieuse se transforme en un lieu de célébration à leur arrivée. Les jeux, les rires et les amours suivent leurs pas, et les oiseaux redoublent leurs chants en hommage à Vénus. Vénus demande au narrateur d'enseigner à l'Amour l'art de la musique. Le narrateur chante des récits mythologiques, mais l'Amour préfère chanter les dieux et les mortels soumis à sa puissance. Les zéphyrs, les oiseaux et les échos répètent les chants de l'Amour, touchant profondément le narrateur. Émerveillé, le narrateur devient l'élève de l'Amour, reconnaissant la supériorité de ce dieu qui unit en lui les talents de tous les autres dieux. Le texte se conclut par une invitation aux jeunes beautés à se tourner vers l'Amour pour connaître toutes les merveilles du monde.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
264
p. 766
CHANSON,
Début :
Depuis longtemps votre absence, [...]
Mots clefs :
Absence, Amour, Extrême, Plaisir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON,
CHANSON,
Depuis long - temps votre absence ,
Me fait languir nuit et jour ,
Mais votre aimable presence ,
Récompense mon amour.
Si ma peine fut extrême ,
C'est un songe en ce moment.
Quand on revoit ce qu'on aime ,
Le plaisir est plus charmant.
Depuis long - temps votre absence ,
Me fait languir nuit et jour ,
Mais votre aimable presence ,
Récompense mon amour.
Si ma peine fut extrême ,
C'est un songe en ce moment.
Quand on revoit ce qu'on aime ,
Le plaisir est plus charmant.
Fermer
265
p. 1034-1039
L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
Début :
Muse, raconte moi par quel destin contraire, [...]
Mots clefs :
Amour, Plutus, Muse, Tyran des cœurs, Candeur, Pactole, Regard téméraire, Richesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
L'AMOUR ET PLUTUS ,
POEM E.
Par M. Cavaliés , de Montpellier , Avocat
à la Cour des Aydes de la même Ville.
Muse , raconte moi par- quel destin contraire ,
Plutus malgré l'Amour s'empara de Cythere ,
Et vrai tyran des coeurs dans son funeste emploi
Leur fit de s'enrichir une suprême loi .
Jadis avec l'Amour , avec ce Maître aimable
La Terre entretenoit un commerce agréable ;
Il en fit un séjour charmant , délicieux ,
Pour elle il dédaignoit la demeure des Cieux.
Sans contraindre les coeurs à changer de nature ,
Par
MAY. 1731.
1035
Par la simple équité , par l'exacte droiture ,
Il n'en fit que regler les secrets mouvemens,
Ses volontez étoient les Loix des premiers tems ;
Les Belles consultant le cristal d'une eau claire ,
Epioient leurs attraits et ne vouloient que plaire ,
Par son éclat encor , un métal odieux ,
N'avoit point fasciné ni leurs coeurs ni leur yeux;
Le respect , la candeur , la constante tendresse ,
D'un Amant jusqu'alors composoient la finesse.
Les Belles se rendoient à d'innocens vainqueurs.
Tems heureux ! où les coeurs étoient le prix des
coeurs.
Tel étoit le bonheur d'une innocente vie ,
Et rien n'en alteroit la parfaite harmonie ;
Quand Plutus contemplant du celeste Lambris ,
L'Empire fortuné de l'enfant de Cypris :
Jusqu'à quand l'Univers , dit- il , plein de colere ,
Subira t'il donc le joug d'un jeune témeraire ?
Le plus petit des Dieux, en usurpant mes droits ,
Aux crédules Mortels imposera des loix !
Mais son triomphe est vain et ma gloire exposée ,
Trouve dans mes trésors une ressource aisée ;
Assez et trop long-tems sans culte et sans Autels,
Je ne fus regardé que comme un des Mortels.
Il faut à notre tour que l'on nous rende hommage.
Désormais dans leurs eaux le Pactole et le Tage ,
Ne feront plus rouler d'inutiles trésors ,
Et
1036 MERCURE DE FRANCE.
Et bien - tôt les Mortels , à l'envi sur leurs bords ,
Méprisant de l'Amour tous les bienfaits stériles ,
Viendront cueillir des biens plus surs et plus
utiles.
>
Il appelle à ces mots , pour servir sa fureur ,
L'infame trahison à l'oeil sombre et trompeur ,
L'orgueil , l'ambition au regard témeraire ,
L'ardente soif du gain , l'interêt mercenaire ,
L'artifice flateur au langage affecté ,
L'usure au front d'airain , le parjure effronté ,
`Et l'avarice enfin mere de tous les crimes ;
Ces Monstres odieux des plus profonds abîmes ;
Du Dieu leur Souverain entendirent la voix
Et l'Univers les vit pour la premiere fois.
La terre s'en émut , étonnée , éperduë ,
La Nature trembla , frémit à cette vûë ,
La lumiere pâlit , l'air en fut infecté.
A leur aspect le Dieu lui- même épouventé ,
Pour en cacher l'horreur à la Terre éplorée ,
Répandit sur leurs traits une couche dorée.
Hélas ! sous ce vernis jusqu'alors inconnu ,
Le crime cût à nos yeux l'éclat de la vertu .
Enfin Plutus suivi de ce cortege étrange ,
Et chargé des trésors et de l'Inde et du Gange ,
Se presente aux Humaius et leur tient ce discours.
Ovous , foibles Mortels , esclaves des Amours
C'est pour romprc vos fers qu'une Troupe immortelle,
Vient
MAY. 1731 .
1037
Vient donner à la terre une face nouvelle.
Gouterez-vous toujours une insipide paix ?
Le Carquois d'un Enfant remplit - il vos souhaits ?
Sous l'espoir d'un plaisir que suivent mille
peines ,
Ignorez - vous encor qu'il vous charge de
chaînes ?
Reconnoissez ma voix ; le plus riche des Dieux,
Suivi de ses trésors , Plutus vient en ces lieux.
J'en bannis à jamais l'inutile tendresse ;
J'amene le plaisir , j'amene la richesse ,
Vous me verrez bien- tôt , secondant vos desseins
,
Répandre mes bienfaits sur vous à pleines
mains .
Il dit et dans les coeurs son langage perfide ,
A son gré fait couler un poison homicide ,
De ce fatal poison les Mortels enyvrez ,
Aux folles passions dès - lors furent livrez.
Le desir d'acquerir s'établit à Cythére ,
La richesse aux Humains apporta la misere ;
Et l'avide interêt vainqueur de l'Univers ,
Combattit la raison et la mit dans les fers .
Cependant Cupidon méprisé sur la terre ,
S'envole et prend l'essor vers le Dieu du Tonnerre.
Puissant pere , dit - il , des hommes et des Dieux ,
Sur l'Enfant de Cipris , daigne jetter les yeux.
Détourne les malheurs qu'un Dieu jaloux m'apprête
,
rc38 MERCURE DE FRANCE
Plutus m'ose des coeurs disputer la conquête ,
Tu vois, par son éclat les Mortels éblouis ,
Ne rendre qu'à lui seul des honneurs inoüis.
Non , jamais ces ingrats , cette race infidele ,
Ne fit pour m'honorer éclater tant de zele.
Les desirs effrenez , et les voeux criminels ,
Les conduisent en foule au pied de ses Autels.
Là , parmi les horreurs , le trouble , les allarmes ,
D'un métal à leurs yeux , il fait briller les char
mes.
Là l'Avare à son gré se repaît , s'assouvit ,
Et fait provision d'un bien qui l'asservit ;
En vain je cherchois sur la terre un azile ;
La discorde a rendu mon Carquois inutile ;
En vain je l'ai vuidé pour rétablir la paix ;
Les coeurs avec dédain ont repoussé mes Traits.
Tu peux seul , Jupiter , rétablir mon Empire ;
Et la paix dans les coeurs que Plutus vient séduire
A ces mots Jupiter , le visage serain ,
Apprens , dit- il , Amour , les Arrêts du Destin ,
Les temps sont arrivez que , regnant sur la terre
Plutus doit la livrer au démon de la
guerre.
Déja peu satisfaits de tes dons bienfaisants ,
Les Mortels ont reçû ses funestes présens.
Ils adorent Plutus ; que Plutus les conduise ;
Et les comble d'un bien dont l'éclat les séduise .
Le crime qui grossit leurs coupables trésors
Te
M A Y.
1039 1731 .
Te vengera sur eux par les cuisans remords.
Pour toi, fils de Venus , regne dans l'Empirée ,
Regnes -y de concert avec l'aimable Astrée ;
Le Destin a fixé ton séjour dans les Cieux ,
Tu soumis les Mortels , tu soumettras les Dieux .
Depuis pour nous cacher notre propre esclavage,
Plutus prit de l'Amour la taille et le visage ,
Et s'armant de Traits d'or, et d'un Carquois doré,
Il asservit les coeurs , il en fut adoré ;
Mais qu'il a mal rempli leurs desirs trop avides ,
Plus ils sont pleins de lui , plus ils se trouvent
vuides ;
Accablez des trésors qu'ils ont tant demandez ,
Ils les possedent moins qu'ils n'en sont possedez.
POEM E.
Par M. Cavaliés , de Montpellier , Avocat
à la Cour des Aydes de la même Ville.
Muse , raconte moi par- quel destin contraire ,
Plutus malgré l'Amour s'empara de Cythere ,
Et vrai tyran des coeurs dans son funeste emploi
Leur fit de s'enrichir une suprême loi .
Jadis avec l'Amour , avec ce Maître aimable
La Terre entretenoit un commerce agréable ;
Il en fit un séjour charmant , délicieux ,
Pour elle il dédaignoit la demeure des Cieux.
Sans contraindre les coeurs à changer de nature ,
Par
MAY. 1731.
1035
Par la simple équité , par l'exacte droiture ,
Il n'en fit que regler les secrets mouvemens,
Ses volontez étoient les Loix des premiers tems ;
Les Belles consultant le cristal d'une eau claire ,
Epioient leurs attraits et ne vouloient que plaire ,
Par son éclat encor , un métal odieux ,
N'avoit point fasciné ni leurs coeurs ni leur yeux;
Le respect , la candeur , la constante tendresse ,
D'un Amant jusqu'alors composoient la finesse.
Les Belles se rendoient à d'innocens vainqueurs.
Tems heureux ! où les coeurs étoient le prix des
coeurs.
Tel étoit le bonheur d'une innocente vie ,
Et rien n'en alteroit la parfaite harmonie ;
Quand Plutus contemplant du celeste Lambris ,
L'Empire fortuné de l'enfant de Cypris :
Jusqu'à quand l'Univers , dit- il , plein de colere ,
Subira t'il donc le joug d'un jeune témeraire ?
Le plus petit des Dieux, en usurpant mes droits ,
Aux crédules Mortels imposera des loix !
Mais son triomphe est vain et ma gloire exposée ,
Trouve dans mes trésors une ressource aisée ;
Assez et trop long-tems sans culte et sans Autels,
Je ne fus regardé que comme un des Mortels.
Il faut à notre tour que l'on nous rende hommage.
Désormais dans leurs eaux le Pactole et le Tage ,
Ne feront plus rouler d'inutiles trésors ,
Et
1036 MERCURE DE FRANCE.
Et bien - tôt les Mortels , à l'envi sur leurs bords ,
Méprisant de l'Amour tous les bienfaits stériles ,
Viendront cueillir des biens plus surs et plus
utiles.
>
Il appelle à ces mots , pour servir sa fureur ,
L'infame trahison à l'oeil sombre et trompeur ,
L'orgueil , l'ambition au regard témeraire ,
L'ardente soif du gain , l'interêt mercenaire ,
L'artifice flateur au langage affecté ,
L'usure au front d'airain , le parjure effronté ,
`Et l'avarice enfin mere de tous les crimes ;
Ces Monstres odieux des plus profonds abîmes ;
Du Dieu leur Souverain entendirent la voix
Et l'Univers les vit pour la premiere fois.
La terre s'en émut , étonnée , éperduë ,
La Nature trembla , frémit à cette vûë ,
La lumiere pâlit , l'air en fut infecté.
A leur aspect le Dieu lui- même épouventé ,
Pour en cacher l'horreur à la Terre éplorée ,
Répandit sur leurs traits une couche dorée.
Hélas ! sous ce vernis jusqu'alors inconnu ,
Le crime cût à nos yeux l'éclat de la vertu .
Enfin Plutus suivi de ce cortege étrange ,
Et chargé des trésors et de l'Inde et du Gange ,
Se presente aux Humaius et leur tient ce discours.
Ovous , foibles Mortels , esclaves des Amours
C'est pour romprc vos fers qu'une Troupe immortelle,
Vient
MAY. 1731 .
1037
Vient donner à la terre une face nouvelle.
Gouterez-vous toujours une insipide paix ?
Le Carquois d'un Enfant remplit - il vos souhaits ?
Sous l'espoir d'un plaisir que suivent mille
peines ,
Ignorez - vous encor qu'il vous charge de
chaînes ?
Reconnoissez ma voix ; le plus riche des Dieux,
Suivi de ses trésors , Plutus vient en ces lieux.
J'en bannis à jamais l'inutile tendresse ;
J'amene le plaisir , j'amene la richesse ,
Vous me verrez bien- tôt , secondant vos desseins
,
Répandre mes bienfaits sur vous à pleines
mains .
Il dit et dans les coeurs son langage perfide ,
A son gré fait couler un poison homicide ,
De ce fatal poison les Mortels enyvrez ,
Aux folles passions dès - lors furent livrez.
Le desir d'acquerir s'établit à Cythére ,
La richesse aux Humains apporta la misere ;
Et l'avide interêt vainqueur de l'Univers ,
Combattit la raison et la mit dans les fers .
Cependant Cupidon méprisé sur la terre ,
S'envole et prend l'essor vers le Dieu du Tonnerre.
Puissant pere , dit - il , des hommes et des Dieux ,
Sur l'Enfant de Cipris , daigne jetter les yeux.
Détourne les malheurs qu'un Dieu jaloux m'apprête
,
rc38 MERCURE DE FRANCE
Plutus m'ose des coeurs disputer la conquête ,
Tu vois, par son éclat les Mortels éblouis ,
Ne rendre qu'à lui seul des honneurs inoüis.
Non , jamais ces ingrats , cette race infidele ,
Ne fit pour m'honorer éclater tant de zele.
Les desirs effrenez , et les voeux criminels ,
Les conduisent en foule au pied de ses Autels.
Là , parmi les horreurs , le trouble , les allarmes ,
D'un métal à leurs yeux , il fait briller les char
mes.
Là l'Avare à son gré se repaît , s'assouvit ,
Et fait provision d'un bien qui l'asservit ;
En vain je cherchois sur la terre un azile ;
La discorde a rendu mon Carquois inutile ;
En vain je l'ai vuidé pour rétablir la paix ;
Les coeurs avec dédain ont repoussé mes Traits.
Tu peux seul , Jupiter , rétablir mon Empire ;
Et la paix dans les coeurs que Plutus vient séduire
A ces mots Jupiter , le visage serain ,
Apprens , dit- il , Amour , les Arrêts du Destin ,
Les temps sont arrivez que , regnant sur la terre
Plutus doit la livrer au démon de la
guerre.
Déja peu satisfaits de tes dons bienfaisants ,
Les Mortels ont reçû ses funestes présens.
Ils adorent Plutus ; que Plutus les conduise ;
Et les comble d'un bien dont l'éclat les séduise .
Le crime qui grossit leurs coupables trésors
Te
M A Y.
1039 1731 .
Te vengera sur eux par les cuisans remords.
Pour toi, fils de Venus , regne dans l'Empirée ,
Regnes -y de concert avec l'aimable Astrée ;
Le Destin a fixé ton séjour dans les Cieux ,
Tu soumis les Mortels , tu soumettras les Dieux .
Depuis pour nous cacher notre propre esclavage,
Plutus prit de l'Amour la taille et le visage ,
Et s'armant de Traits d'or, et d'un Carquois doré,
Il asservit les coeurs , il en fut adoré ;
Mais qu'il a mal rempli leurs desirs trop avides ,
Plus ils sont pleins de lui , plus ils se trouvent
vuides ;
Accablez des trésors qu'ils ont tant demandez ,
Ils les possedent moins qu'ils n'en sont possedez.
Fermer
Résumé : L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
Le poème 'L'AMOUR ET PLUTUS' de M. Cavaliés, avocat à la Cour des Aydes de Montpellier, narre la prise de contrôle de Cythère, le domaine de l'Amour, par Plutus, le dieu de la richesse. Initialement, l'Amour gouvernait la Terre, favorisant des relations humaines harmonieuses et sincères. Les beautés cherchaient à plaire sans être influencées par la richesse matérielle. Cependant, Plutus, envieux du pouvoir de l'Amour, a introduit des valeurs telles que l'orgueil, l'ambition et l'avarice, corrompant ainsi les cœurs humains pour qu'ils préfèrent la richesse aux sentiments authentiques. L'Amour, délaissé, a sollicité l'aide de Jupiter. Ce dernier a révélé que le destin voulait que Plutus règne sur Terre et mène les hommes à la guerre. Jupiter a conseillé à l'Amour de régner dans l'Empyrée aux côtés d'Astrée. Depuis lors, Plutus a pris l'apparence de l'Amour pour asservir les cœurs, mais cette richesse ne satisfait pas les désirs humains, les laissant vides malgré l'abondance de trésors.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
266
p. 1071-1073
VULCAIN VANGÉ. CANTATE.
Début :
Au Dieu qui forge le Tonnere [...]
Mots clefs :
Cantate, Hymen, Olympe , Amour, Coeurs, Imprudence , Vulcain, Paix
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VULCAIN VANGÉ. CANTATE.
VULCAIN VANGE.
Αν
CANTATE.
U Dieu qui forge le Tonnere
L'Hymen avoit uni la Déesse Cypris ,
Et Vulcain de l'Olympe éxilé sur la Terre
Esperoit dans ses bras oublier ses soucis ;
Mais l'Amour indigné que l'hymen témeraire
Sans consulter son choix eût formé ces liens ,
S'abandonne aux transports d'une juste colere ,
t frappe de ces cris les bois Idaliens . E
Si désormais , usurpant ma puissance
Le seul hymen enchaîne tous les coeurs ;
Où sont mes droits ? qui de mes traits vain
queurs
Voudra sentir la douce violence
Ainsi qu'aux Dieux , inutile aux Mortels
Je chérirois une lâche indolence !
Non; par
Rétablissons
l'honneur
de nos Autels...
Si désormais
, usurpant
ma puissance.
Le seulhymen enchaîne
tous les Cours ;,
l'éclat d'une illustre vangeance
D V Oth
1072 MERCURE DE FRANCE
Où sont mes droits ? qui de mes traits vainqueurs
Voudra sentir la douce violence ?
Il exale en ces mots la douleur qui le presse ,
Et de son Isle abandonnant les bords.
Il vole vers les lieux où l'aimable Déesse
De son nouvel époux secondoit les transports.
Mais pour le frere de Bellone
Bientôt la fille de Dione
Brûle par les soins de l'Amour ,
Et Mars qui ne se plaît qu'au milieu des allarmes,
Oubliant sa fureur dans ses yeux pleins de char- mes
>
L'assure d'un tendre retour..
'Alors l'Amour vangé comtemplant son ouvrage
Au Dieu de l'hymenée adresse ce langage.
Que cet exemple t'apprenne
Qu'aux coeurs rangés sous tes Loix
Hymen , ta faveur est vaine
Si je n'approuve leur choix.
De ta coupable imprudence
Vois les funestes effets ;
Vois échouer ta puissance
Contre
MAY. 1731 1073 .
Contre l'effort de mes traits.
Que cet exemple t'apprenne
Qu'aux coeurs rangés sous tes Loix,
Hymen , ta faveur est vaine
Si je n'approuve leur choix.
Tandis que l'Enfant de Cythere
De l'hymen impuissant irritoit les douleurs ,
Vulcain entre sans bruit dans le bois solitaire ,
Où Venus au Dieu Mars prodiguoit ses faveurs
Que ne peut inspirer la noire jalousie !
Pour vanger cet affront employant l'industrie
Vulcain dans ses filets tendus de toutes parts
Enveloppe à la fois l'Amour , Venus , et Mars.
Que la paix de retour
Régne enfin sur la terre.
Pour enchaîner l'Amour
Vulcain cesse en ce jour
L'Ouvrage du Tonnerre ,
Et le Dieu de la Guerre
Est Captif à son tour,
Que la paix de retour
Régne enfin sur la Terre
Αν
CANTATE.
U Dieu qui forge le Tonnere
L'Hymen avoit uni la Déesse Cypris ,
Et Vulcain de l'Olympe éxilé sur la Terre
Esperoit dans ses bras oublier ses soucis ;
Mais l'Amour indigné que l'hymen témeraire
Sans consulter son choix eût formé ces liens ,
S'abandonne aux transports d'une juste colere ,
t frappe de ces cris les bois Idaliens . E
Si désormais , usurpant ma puissance
Le seul hymen enchaîne tous les coeurs ;
Où sont mes droits ? qui de mes traits vain
queurs
Voudra sentir la douce violence
Ainsi qu'aux Dieux , inutile aux Mortels
Je chérirois une lâche indolence !
Non; par
Rétablissons
l'honneur
de nos Autels...
Si désormais
, usurpant
ma puissance.
Le seulhymen enchaîne
tous les Cours ;,
l'éclat d'une illustre vangeance
D V Oth
1072 MERCURE DE FRANCE
Où sont mes droits ? qui de mes traits vainqueurs
Voudra sentir la douce violence ?
Il exale en ces mots la douleur qui le presse ,
Et de son Isle abandonnant les bords.
Il vole vers les lieux où l'aimable Déesse
De son nouvel époux secondoit les transports.
Mais pour le frere de Bellone
Bientôt la fille de Dione
Brûle par les soins de l'Amour ,
Et Mars qui ne se plaît qu'au milieu des allarmes,
Oubliant sa fureur dans ses yeux pleins de char- mes
>
L'assure d'un tendre retour..
'Alors l'Amour vangé comtemplant son ouvrage
Au Dieu de l'hymenée adresse ce langage.
Que cet exemple t'apprenne
Qu'aux coeurs rangés sous tes Loix
Hymen , ta faveur est vaine
Si je n'approuve leur choix.
De ta coupable imprudence
Vois les funestes effets ;
Vois échouer ta puissance
Contre
MAY. 1731 1073 .
Contre l'effort de mes traits.
Que cet exemple t'apprenne
Qu'aux coeurs rangés sous tes Loix,
Hymen , ta faveur est vaine
Si je n'approuve leur choix.
Tandis que l'Enfant de Cythere
De l'hymen impuissant irritoit les douleurs ,
Vulcain entre sans bruit dans le bois solitaire ,
Où Venus au Dieu Mars prodiguoit ses faveurs
Que ne peut inspirer la noire jalousie !
Pour vanger cet affront employant l'industrie
Vulcain dans ses filets tendus de toutes parts
Enveloppe à la fois l'Amour , Venus , et Mars.
Que la paix de retour
Régne enfin sur la terre.
Pour enchaîner l'Amour
Vulcain cesse en ce jour
L'Ouvrage du Tonnerre ,
Et le Dieu de la Guerre
Est Captif à son tour,
Que la paix de retour
Régne enfin sur la Terre
Fermer
Résumé : VULCAIN VANGÉ. CANTATE.
Le texte raconte une histoire mythologique impliquant Vulcain, l'Amour et l'Hymen. Vulcain, exilé sur Terre après son union avec la déesse Cypris (Vénus), est tourmenté par l'Amour, qui s'indigne de ce mariage non consenti. L'Amour décide de rétablir l'honneur de ses autels en se rendant auprès de Vénus et de Mars, devenus amants. Mars, dieu de la guerre, oublie sa fureur en contemplant Vénus. L'Amour, vengé, informe l'Hymen que sa faveur est vaine sans son approbation. Parallèlement, Vulcain, jaloux, tend un piège à Vénus et Mars dans un bois solitaire et les capture avec l'Amour dans ses filets. Pour se venger, Vulcain utilise son habileté. Finalement, Vulcain cesse de forger le tonnerre, et Mars est captif. La paix revient sur Terre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
267
p. 1136
QUESTION.
Début :
Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en même-temps dans le même personne ? ou si l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Raison, Cause physique, Vivacité , Stupidité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION.
QUESTION.
Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en
même-temps dans la même personne ? ou si l'Amour
et la Raison sont compatibles !
On demande aussi la cause Fisique ou morale
de l'éfet qui arive dans les enfans qui meurent
jeunes , après avoir doné de grandes esperances
dans leur premiere enfance, et de l'éfet qui arrive
dans les enfans dont la vivacité s'est changée en
stupidité , et si on doit atribuer ces deus sors
au grand soin que l'on a pris de leur éducation.
On souhaiteroit bien de voir sur cette question
les refléxions de quelque habile Filosofe , puisqu'on
voit des enfans de tous caracteres mourir
en bas âge , aussi bien que des enfans d'esprit ;
et que l'on voit des enfans d'esprit , dont on a
cultivé l'enfance , venir dans un âge adulte et mûr,
aussi -bien que d'autres qui n'ont point été chargez
de trop d'esprit ni de trop d'étude .
Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en
même-temps dans la même personne ? ou si l'Amour
et la Raison sont compatibles !
On demande aussi la cause Fisique ou morale
de l'éfet qui arive dans les enfans qui meurent
jeunes , après avoir doné de grandes esperances
dans leur premiere enfance, et de l'éfet qui arrive
dans les enfans dont la vivacité s'est changée en
stupidité , et si on doit atribuer ces deus sors
au grand soin que l'on a pris de leur éducation.
On souhaiteroit bien de voir sur cette question
les refléxions de quelque habile Filosofe , puisqu'on
voit des enfans de tous caracteres mourir
en bas âge , aussi bien que des enfans d'esprit ;
et que l'on voit des enfans d'esprit , dont on a
cultivé l'enfance , venir dans un âge adulte et mûr,
aussi -bien que d'autres qui n'ont point été chargez
de trop d'esprit ni de trop d'étude .
Fermer
Résumé : QUESTION.
Le texte pose deux questions principales : la compatibilité de l'Amour et de la Raison, et les causes de la mort précoce ou de la stupidité chez certains enfants prometteurs. Il explore si un excès de soin dans l'éducation pourrait expliquer ces phénomènes. Il souhaite des réflexions philosophiques sur ces sujets, notant que tous les enfants, qu'ils soient d'esprit ou non, peuvent mourir jeunes ou devenir adultes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
268
p. 1138
AUTRE.
Début :
Que t'ais-je fait, cruel Amour ? [...]
Mots clefs :
Amour, Constance, Absence, Infidèle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Ue t'ais- je fait , cruel Amour ?
Viens-tu pour prix de ma constance
Redoubler les maux de l'absence ,
Par un plus funeste retour ?
Mon Amant revient en ce jour .
Que dis- je ? mon Amant ! ah ! c'est mon infidelė
Il revoit ce fatal séjour ;
Mais ma Rivale le rappelle,
Que t'ais-je fair , cruel Amour ;
Ue t'ais- je fait , cruel Amour ?
Viens-tu pour prix de ma constance
Redoubler les maux de l'absence ,
Par un plus funeste retour ?
Mon Amant revient en ce jour .
Que dis- je ? mon Amant ! ah ! c'est mon infidelė
Il revoit ce fatal séjour ;
Mais ma Rivale le rappelle,
Que t'ais-je fair , cruel Amour ;
Fermer
269
p. 1139-1152
Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le Jeudi 21. de ce mois, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Scène, Avertissement, Musique, Paroles, Satire, Acte, Fête, Amour, Bergers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
LRO
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
Fermer
Résumé : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Le 21 mai, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de 'Endymion', une pastorale héroïque sans prologue. Les paroles sont de M. de Fontenelle et la musique de M. de Blamont. Un avertissement précède le poème imprimé, indiquant que cette pièce diffère de ce que le public avait connu jusqu'alors. L'intrigue commence avec Pan, suivi d'un Satyre et de Lycoris, qui tentent de dissuader Pan de son amour pour Diane. Diane apparaît ensuite et Ismene, une bergère amoureuse d'Endymion, demande à Diane de la recevoir parmi ses Nymphes. Diane, bien que sceptique, accepte après qu'Ismene avoue encore aimer Endymion. Diane exprime ensuite son amour secret pour Endymion et met en garde Ismene sur son choix. Dans le second acte, Endymion consacre un temple à Diane, exprimant son amour de manière détournée. Diane impose silence aux bergers qui déclament contre l'amour. Dans le troisième acte, Pan croit que Diane est amoureuse de lui et prépare une fête en son honneur. Endymion, jaloux, décide de redemander Ismene à Diane. Diane, blessée, dissimule sa douleur et refuse de rendre Ismene. Le quatrième acte voit Ismene exprimer sa tristesse et son amour persistant pour Endymion. Diane annonce à Ismene qu'Endymion la redemande, mais Ismene refuse de quitter Diane. Endymion, en obtenant Ismene, est désespéré et révèle son amour pour Diane. Diane, troublée, doit partir pour remplacer le Soleil. Dans le cinquième acte, Diane retrouve Endymion dans une grotte et lui avoue son amour. Ils décident de cacher leur amour au reste du monde. L'Amour apparaît et ordonne que leur amour soit célébré dans ces lieux. La pièce se termine par une célébration de l'amour triomphant. Les rôles principaux sont interprétés par la Dlle. Pelissier et le sieur Tribou, avec des décors du Signor Alexandre Mauri. Par ailleurs, le texte mentionne le retour de Salé à Paris en juillet prochain. Le 28 du mois précédent, les comédiens François ont joué la tragédie de Britannicus. Lors de cette représentation, Mademoiselle Gossin, une jeune actrice ayant récemment joué en province au théâtre de Lille, a interprété le rôle de Junie pour la première fois. Elle a été acclamée par le public, qui a noté son amélioration à chaque représentation. Mademoiselle Gossin est décrite comme ayant une jolie figure, une voix agréable et une grande intelligence. Elle a également joué les rôles de Chimène dans Le Cid, Monime dans Mithridate, Andromaque dans Andromaque, Iphigenie dans Iphigénie, et Agnès dans L'École des femmes. De plus, elle danse et chante des couplets dans la comédie italienne Italie Galante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
270
p. 1190-1191
A MADEMOISELLE C**** Sur la Mort de sa Chienne.
Début :
La douceur, la beauté, l'agréable jeunesse, [...]
Mots clefs :
Mort, Sein, Douceur, Jeunesse, Amour, Attachement , Friponne, Baiser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE C**** Sur la Mort de sa Chienne.
A MADEMOISELLE C****
Sur la Mort de sa Chienne.
LA douceur , la beauté , l'agréable jeunesse ,
Ne peuvent point fléchir la Mort ,
Rien ne touche cette tigresse
Zerbinette a fini son sort.
E
11
T
P
C
Su
La
Si
Cro
Un seule fois en sa vie ,
De
ZerMAY.
1731. \ 1191
Zerbinette éprouva l'amoureuse chaleur ,
Cette foiblesse fut suivie ,
De la plus amere douleur.
Le souvenir des maux que lui causa Lucine ,
De son coeur allarmé devint la guérison ,
Helas ! qu'il est d'Iris dont la foible raison ,
Ne vaut pas l'instint de Zerbine.
De vous aimer elle fit son étude
Sortez- vous , son inquiétude
Découvroit son attachement ,
Tout ce qui vous plaisoit avoit droit de lui plaire,
Et. les effets de sa colere ,
Tomboient sur l'importun, et jamais sur l'Amant.
Certain Toutou pouroit bien nous le dire ,
Il fut toujours en butte à son courroux ,
Tandis qu'un Levrier , beau parleur et beau Sire ,
Pouvoit, sans le choquer, se mettre à vos genoux.
Combien de fois d'une façon folâtre ,
Sur un sein plus blanc que l'albâtre ,
La friponne se chamailla ,
Si pour un seul baiser elle en recevoit mille ,
Croyez-vous qu'il soit difficile ,
De vous aimer à ce prix - là.
L'Epicier.
Sur la Mort de sa Chienne.
LA douceur , la beauté , l'agréable jeunesse ,
Ne peuvent point fléchir la Mort ,
Rien ne touche cette tigresse
Zerbinette a fini son sort.
E
11
T
P
C
Su
La
Si
Cro
Un seule fois en sa vie ,
De
ZerMAY.
1731. \ 1191
Zerbinette éprouva l'amoureuse chaleur ,
Cette foiblesse fut suivie ,
De la plus amere douleur.
Le souvenir des maux que lui causa Lucine ,
De son coeur allarmé devint la guérison ,
Helas ! qu'il est d'Iris dont la foible raison ,
Ne vaut pas l'instint de Zerbine.
De vous aimer elle fit son étude
Sortez- vous , son inquiétude
Découvroit son attachement ,
Tout ce qui vous plaisoit avoit droit de lui plaire,
Et. les effets de sa colere ,
Tomboient sur l'importun, et jamais sur l'Amant.
Certain Toutou pouroit bien nous le dire ,
Il fut toujours en butte à son courroux ,
Tandis qu'un Levrier , beau parleur et beau Sire ,
Pouvoit, sans le choquer, se mettre à vos genoux.
Combien de fois d'une façon folâtre ,
Sur un sein plus blanc que l'albâtre ,
La friponne se chamailla ,
Si pour un seul baiser elle en recevoit mille ,
Croyez-vous qu'il soit difficile ,
De vous aimer à ce prix - là.
L'Epicier.
Fermer
Résumé : A MADEMOISELLE C**** Sur la Mort de sa Chienne.
La lettre poétique évoque la mort de Zerbinette, la chienne de la demoiselle. La Mort est décrite comme implacable, insensible à la douceur, la beauté ou la jeunesse. Zerbinette a connu l'amour et la douleur, et ses souvenirs ont apaisé son cœur. La chienne était très attachée à sa maîtresse, partageant ses goûts et protégeant ses sentiments. Elle manifestait de la tendresse et de la jalousie, mais jamais envers l'être aimé. Un petit chien subissait souvent sa colère, contrairement à un lévrier flatteur. Zerbinette se comportait de manière joueuse et affectueuse, démontrant un amour sincère pour sa maîtresse. Le texte se conclut par une référence à un épicier, sans contexte supplémentaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
271
p. 1221-1224
STANCES.
Début :
Cephise en dois-je croire au rapport d'un Enfant ? [...]
Mots clefs :
Céphise, Fable, Bonheur, Amour, Cœur, Joie, Récompense
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
Fermer
Résumé : STANCES.
Le texte relate les doutes et les émotions d'un individu face à un rapport concernant un enfant. L'auteur oscille entre bonheur et incrédulité, se demandant s'il doit croire à ce rapport ou le considérer comme une fable. Il exprime des scrupules et des doutes sur la sincérité de l'enfant, tout en reconnaissant l'innocence de l'amour. Il se questionne sur la possibilité d'une imposture et sur les raisons pour lesquelles il pourrait mériter ce bonheur, mentionnant ses regards, son respect et sa constance. L'auteur se demande si ses sentiments ont pu être trahis par des flûtes plaintives ou des éloges. Il reconnaît que ce bonheur pourrait être dû à la reconnaissance ou à la pitié. Il évoque également les sentiments contradictoires ressentis lors du départ de Cephise, mêlant douleur et plaisir. L'auteur affirme ne pas chercher à déplaire à Cephise en révélant ses sentiments et ne pas considérer l'aveu de son amour comme téméraire, surtout si la grâce est imaginaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
272
p. 1260-1262
RACOMMODEMENT, ODE.
Début :
Rebuté des mépris de la jeune Glicere, [...]
Mots clefs :
Amour, Flambeau, Belle, Cœur, Reine de Cythère, Tendre colère, Ingrate maîtresse, Vengeance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RACOMMODEMENT, ODE.
RACOMMODEMENT ,
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
Fermer
Résumé : RACOMMODEMENT, ODE.
Le poème 'Racommodement' de 1731 relate la capitulation du narrateur face à l'amour. Après avoir tenté de résister, il se retrouve vaincu en revoyant Glicere, une jeune femme. Il décrit une émotion intense et une incapacité à résister à son charme, malgré ses efforts pour la trouver moins belle et mépriser ses sentiments. Il compare sa situation à celle de quelqu'un glissant sur une roche et incapable de résister à la chute. En son absence, il ressent une angoisse constante et parle d'elle à chaque instant. Il implore l'amour de fléchir sa vengeance et de lui permettre de retrouver le bonheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
273
p. 1317-1321
Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
Début :
OEUVRES MESLÉES en Prose et en Vers. Par M. le Comte Antoine Hamilton. [...]
Mots clefs :
Épîtres, Chansons, Muses, Amour, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
OEUVRES MESLE'ES en Prose et en
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
Fermer
Résumé : Œuvres mêlées du C. Hamilton, [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil d'œuvres du Comte Antoine Hamilton, publié à Paris en 1731. Cet ouvrage est composé de 105 pages de poèmes, 156 pages de lettres et épîtres, 94 pages de chansons, et 131 pages consacrées à l'histoire de Zeneyde. Le Mercure de France en extrait quelques morceaux pour offrir un aperçu du recueil. Une lettre de Madame Thibergeau à Hamilton exprime son regret de ne plus pouvoir écrire des vers, bien qu'elle ait espéré être inspirée par la présence de Hamilton. Elle indique que ses écrits se limitent désormais à la prose et à l'amitié. Hamilton répond en soulignant que la jeunesse et la tendresse sont essentielles pour la poésie. Il envoie des couplets récents dédiés à une certaine 'Pincette' et mentionne les Muses de Poussay, qui encouragent Madame Thibergeau à ne pas abandonner la poésie. Le texte inclut également une épigramme en réponse à une critique de l'ode de l'Abbé Abeille. Cette épigramme défend la beauté de l'œuvre contre des critiques jugées mauvaises.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
274
p. 1408
SONNET.
Début :
Monstre toûjours fécond en douces impostures, [...]
Mots clefs :
Amour, Monstre, Vainqueur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
SONNE T.
Onstre toûjours fécond en douces impos
tures , Mon
Implacable ennemi du répos des Humains ,
Dois -je craindre tes traits , ou cherit tes bles
sures ,
Amour, tu tiens la vie et la mort en tes mains
'Agréable vainqueur , doux tyran de mon ame ,
C'est au prix des douleurs que tu vends tes plai→
sirs ;
On a gémi cent fois quand d'une tendre flâme
Ta cruelle bonté contente les desirs.
" Tu joins à tes douceurs une affreuse amertume
Souvent le même feu nous charme et nous con
sume ,
Quand on aime tes coups, il faut les éviter.
Que faire ? engironné de plaisirs er de larmes
Amour , on sent bien mieux la force de tes char→→
mes ,
On voudroit te hair , mais non pas te quitter.
Par René- Vincent Desf ***
Onstre toûjours fécond en douces impos
tures , Mon
Implacable ennemi du répos des Humains ,
Dois -je craindre tes traits , ou cherit tes bles
sures ,
Amour, tu tiens la vie et la mort en tes mains
'Agréable vainqueur , doux tyran de mon ame ,
C'est au prix des douleurs que tu vends tes plai→
sirs ;
On a gémi cent fois quand d'une tendre flâme
Ta cruelle bonté contente les desirs.
" Tu joins à tes douceurs une affreuse amertume
Souvent le même feu nous charme et nous con
sume ,
Quand on aime tes coups, il faut les éviter.
Que faire ? engironné de plaisirs er de larmes
Amour , on sent bien mieux la force de tes char→→
mes ,
On voudroit te hair , mais non pas te quitter.
Par René- Vincent Desf ***
Fermer
Résumé : SONNET.
Le poème 'SONNE T.' de René-Vincent Desf. décrit l'Amour comme une force ambivalente, à la fois agréable vainqueur et doux tyran. Il provoque des douleurs et des plaisirs, tenant la vie et la mort en ses mains. Le poète souligne la difficulté de résister à l'Amour malgré ses souffrances, exprimant un désir de le haïr sans vouloir le quitter.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
275
p. 1714-174
MADRIGAL.
Début :
Un jour Venus sur l'heure du midi [...]
Mots clefs :
Vénus, Amour, Étourdi, Iris, Cœur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
MADRIGAL.
UN jour Venus sur l'heure du midi
Se promenoit dans les bois de Cythere ;
L'Amour survient , ce petit étourdi
Bande son Arc et tire sur sa Mere.
Elle remplit l'air de ces tristes cris ,
On m'a blessée , helas ! et c'est mon fils !
A cette voix l'Amour s'allarme, il tremble ;
Et par ces mots lui fait voir son erreur ;
Pardon , dit- il , mais Iris vous ressemble ;
J'ay crû la voir et tirer sur son coeur.
UN jour Venus sur l'heure du midi
Se promenoit dans les bois de Cythere ;
L'Amour survient , ce petit étourdi
Bande son Arc et tire sur sa Mere.
Elle remplit l'air de ces tristes cris ,
On m'a blessée , helas ! et c'est mon fils !
A cette voix l'Amour s'allarme, il tremble ;
Et par ces mots lui fait voir son erreur ;
Pardon , dit- il , mais Iris vous ressemble ;
J'ay crû la voir et tirer sur son coeur.
Fermer
276
p. 1832-1833
Au Duc de Chaulnes, sur la Mort du Duc de Pequigny. STANCES.
Début :
Pequigny n'est donc plus qu'un amas de poussiere, [...]
Mots clefs :
Héros, Cieux, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Au Duc de Chaulnes, sur la Mort du Duc de Pequigny. STANCES.
Au Duc de Chaulnes , sur la Mort du Duc
de Pequigny.
STANCES.
Pequigny n'est donc plus qu'un amas de poussiere
,
Et ce Heros naissant disparoît à nos yeux ;
Les larmes de l'Epouse et les vertus du Pere ,
N'ont pu fléchir les Cieux.
La Nature et l'amour observent le silence ,
Leurs regards mutuels expriment la douleur,
La raison rougiroit d'avoir de l'Eloquence ,
Dans un si grand malheur.
De
JUILLET. 1833 1731 .
De Chaulnes , pour ton coeur le moment est critique
,
Contre de pareils coups la valeur n'offre rien ,
Mais ce qui troubleroit l'ame la plus stoïque ,
Releve le Chrétien .
Souviens- toi d'Abraham et de son Sacrifice ,
Prêt d'immoler son fils , il étendit le bras.
La Nature en frémit , et sans l'Ange propice ,
Il ne balançoit pas.
Le Dieu qui t'a frappé , veut de l'obéïssance ;
La Foi doit soutenir ton courage abbatu :
Raison, Nature, amour, que peut votre puissance,
Contre tant de vertu.
de Pequigny.
STANCES.
Pequigny n'est donc plus qu'un amas de poussiere
,
Et ce Heros naissant disparoît à nos yeux ;
Les larmes de l'Epouse et les vertus du Pere ,
N'ont pu fléchir les Cieux.
La Nature et l'amour observent le silence ,
Leurs regards mutuels expriment la douleur,
La raison rougiroit d'avoir de l'Eloquence ,
Dans un si grand malheur.
De
JUILLET. 1833 1731 .
De Chaulnes , pour ton coeur le moment est critique
,
Contre de pareils coups la valeur n'offre rien ,
Mais ce qui troubleroit l'ame la plus stoïque ,
Releve le Chrétien .
Souviens- toi d'Abraham et de son Sacrifice ,
Prêt d'immoler son fils , il étendit le bras.
La Nature en frémit , et sans l'Ange propice ,
Il ne balançoit pas.
Le Dieu qui t'a frappé , veut de l'obéïssance ;
La Foi doit soutenir ton courage abbatu :
Raison, Nature, amour, que peut votre puissance,
Contre tant de vertu.
Fermer
Résumé : Au Duc de Chaulnes, sur la Mort du Duc de Pequigny. STANCES.
Le texte rend hommage au Duc de Pequigny, héros disparu prématurément. La nature, l'amour et la raison sont impuissants face à cette perte. Le Duc de Chaulnes est encouragé à trouver réconfort dans la foi chrétienne, comme Abraham prêt à sacrifier son fils. La foi est présentée comme le soutien nécessaire pour surmonter cette douleur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
277
p. 1870-1873
L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
Début :
L'Amour joignoit Medor à l'aimable Amarille ; [...]
Mots clefs :
Amour, Amant fugitif, Jaloux, Tendresse, Navire, Foudre, Monstres maritimes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
L'AMANT FUGITIF
CANTAT E.
L'Amour joignoitMedor à l'aimableAmarille j
Jaloux de leur état tranquille ,
Le rigoureux Destin les voulut séparer ,
L'Amant surpris à sa sombre tristesse ,
Redoutant d'affliger l'objet de sa tendresse ,
Lui cache sa douleur et tâche à l'éviter ,
In differens desseins il se laisse égarer ,
Dans le trouble affreux qui l'agite
Un Navire s'offre à sa fuite.
Aprenez, sensible coeur,
Que si l'Amour vous anime ,
Toute l'Onde Maritime ,
· N'éteindra point votre ardeur¿
Em
A O UST. 1731 . 1871
d'Alcide ,
En vain sur les pas
Jusques au Rivage humide ,
Vous traversez les deux Mers §
C'est traîner par tout les fers ,
Du Dieu malin qui vous guide ,
Et l'apprendre à l'Univers.
r
Quel bruit inopiné nous annonce l'orage
Dieux ! que vois- je ? l'humide plage
Flance en bouillonnant ses flots tumultueux ;
Le bruyant Aquilon , frissonne dans nos voiles
L'air d'une fausse nuit ne cache les Etoilles ,
Que pour nous éblouir par de sinistres feux ;
Le Tonnerre en grondant fend le cercle des Cieus
La Foudre va bien- tôt éclater sur nos têtes , os
Medor que ses malheurs ont rendu furieux ,
Invoque par ces mots de nouvelles tempêtes -
Superbe Eleinent ,
Ouvre tes abîmes ,
Monstres Maritimes ;
Sortez promtement ,
Vagues mutinées ,
Cachez-nous les Airs ,
Et dans les Nuées ,
Joignez les Eclairs
La seule Amarille »
Bvj Pout
1872 MERCURE DE FRANCE
Peut troubler mon coeur ,
Votre Onde en fureur
Me laisse tranquille..
>
Le Dieu dont l'Ocean fait respecter la Loy
Sort à ces mots du sein des Ondes ,
D'un souffle il fait rentrer dans leurs prisons
profondes ,
Les vents qui causoient notre effroy ;
La nuit n'ose laisser tomber d'épaisses voiles ,
Sur la Voute Atherée où brillent les Etoilles ,
Favorables aux Matelots ;
Le terrible Trident calme l'humide Plaine
Je vois sillonner l'Onde au gré de la Baleine ,
Le nid de l'Alcion est porté sur les flots.
De l'un à l'autre Hemisphere ,
L'on peut braver le danger,
Mais vers l'lfle de Cythere ,
Redoutons de voyager.
Une Planette chérie
Du Nocher épouvanté
Souvent calme la furie
De l'Ocean irrité.
Mais dans l'amoureux voyage ;
A O UST. 17310 1873
Si le coeur est agité ,
Il est rare que l'orage .
Cede à la tranquillité.
L. C. D. N. D. M
CANTAT E.
L'Amour joignoitMedor à l'aimableAmarille j
Jaloux de leur état tranquille ,
Le rigoureux Destin les voulut séparer ,
L'Amant surpris à sa sombre tristesse ,
Redoutant d'affliger l'objet de sa tendresse ,
Lui cache sa douleur et tâche à l'éviter ,
In differens desseins il se laisse égarer ,
Dans le trouble affreux qui l'agite
Un Navire s'offre à sa fuite.
Aprenez, sensible coeur,
Que si l'Amour vous anime ,
Toute l'Onde Maritime ,
· N'éteindra point votre ardeur¿
Em
A O UST. 1731 . 1871
d'Alcide ,
En vain sur les pas
Jusques au Rivage humide ,
Vous traversez les deux Mers §
C'est traîner par tout les fers ,
Du Dieu malin qui vous guide ,
Et l'apprendre à l'Univers.
r
Quel bruit inopiné nous annonce l'orage
Dieux ! que vois- je ? l'humide plage
Flance en bouillonnant ses flots tumultueux ;
Le bruyant Aquilon , frissonne dans nos voiles
L'air d'une fausse nuit ne cache les Etoilles ,
Que pour nous éblouir par de sinistres feux ;
Le Tonnerre en grondant fend le cercle des Cieus
La Foudre va bien- tôt éclater sur nos têtes , os
Medor que ses malheurs ont rendu furieux ,
Invoque par ces mots de nouvelles tempêtes -
Superbe Eleinent ,
Ouvre tes abîmes ,
Monstres Maritimes ;
Sortez promtement ,
Vagues mutinées ,
Cachez-nous les Airs ,
Et dans les Nuées ,
Joignez les Eclairs
La seule Amarille »
Bvj Pout
1872 MERCURE DE FRANCE
Peut troubler mon coeur ,
Votre Onde en fureur
Me laisse tranquille..
>
Le Dieu dont l'Ocean fait respecter la Loy
Sort à ces mots du sein des Ondes ,
D'un souffle il fait rentrer dans leurs prisons
profondes ,
Les vents qui causoient notre effroy ;
La nuit n'ose laisser tomber d'épaisses voiles ,
Sur la Voute Atherée où brillent les Etoilles ,
Favorables aux Matelots ;
Le terrible Trident calme l'humide Plaine
Je vois sillonner l'Onde au gré de la Baleine ,
Le nid de l'Alcion est porté sur les flots.
De l'un à l'autre Hemisphere ,
L'on peut braver le danger,
Mais vers l'lfle de Cythere ,
Redoutons de voyager.
Une Planette chérie
Du Nocher épouvanté
Souvent calme la furie
De l'Ocean irrité.
Mais dans l'amoureux voyage ;
A O UST. 17310 1873
Si le coeur est agité ,
Il est rare que l'orage .
Cede à la tranquillité.
L. C. D. N. D. M
Fermer
Résumé : L'AMANT FUGITIF, CANTATE.
'L'Amant Fugitif' narre l'histoire de Medor et Amarille, deux amants séparés par le destin. Medor, jaloux de leur bonheur, cache sa tristesse à Amarille et décide de fuir en mer, espérant que la distance éteindra son amour. Cependant, il découvre que l'amour persiste malgré les obstacles. Durant sa fuite, Medor affronte une tempête en mer et invoque de nouvelles tempêtes pour apaiser son cœur tourmenté. Le dieu de l'océan apparaît alors et calme la tempête, soulignant la puissance de l'amour. Le texte met en garde contre les dangers de voyager vers l'île de Cythère, associée à l'amour, et souligne la difficulté d'apaiser les tempêtes intérieures liées à l'amour agité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
278
p. 1892-1894
ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
Début :
Bacchus est ma gloire, [...]
Mots clefs :
Bacchus, Gloire, Vin, Boire, Amour, Pampre, Vacarmes, Jus divin, Ivre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
ODE ANACREONTIQUE,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :
髓
Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
Fermer
Résumé : ODE ANACREONTIQUE, Imitée de celle qui commence par ces mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ.
L'ode anacréontique, imitée d'un poème grec, est attribuée à M. D. F……… et datée de 1731. Le texte exprime la dévotion du poète à Bacchus, source de sa gloire et de son épanouissement. En buvant, il trouve l'oubli de ses chagrins et la liberté. Le poète évoque également l'amour, qu'il décrit comme une chaîne douloureuse. Il raconte comment Silène, le vieux compagnon de Bacchus, l'a sauvé d'une passion malheureuse. Il célèbre un jour dédié à Bacchus, marqué par un nectar fumant, et exprime son désir de tromper les feux de l'amour. Le poète se compare à un frelon bourdonnant et se moque de ceux qui se guindent. Il admire le vainqueur de l'Inde, qu'il compare à Apollon, et préfère la couronne de pampre, symbole de la joie du vin, à celle obtenue par les armes. Il conclut en préférant les plaisirs du vin aux dangers de la guerre, affirmant qu'il vaut mieux être ivre que manquer de vin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
279
p. 2019-2022
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
Le 20. du mois dernier le Roy étant parti de bonne-heure de Fontainebleau [...]
Mots clefs :
Fontainebleau, Comédiens-Français, Amour, Danseurs et danseuses de l'Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
La
E 20. du mois dernier le Roy étant
parti de bonne - heure de Fontainebleau
pour la Chasse du Cerf , du côté
de Melun , S. M. alla voit ensuite le Marêchal
de Villars , à son magnifique Château
de Vau-le-Villars . Elle examina a vec
beaucoup d'attention les Tableaux répresentant
les Campagnes de ce Géneral ,
les Places qu'il a attaquées et les Batailles
qu'il a données.
Après que le Roy se fut amusé quelque
tems dans les Appartemens , il monta en
Caleche avec la Marêchale de Villars , et
alla se promener dans le Parc , le Marêchal
de Villars marchoit à Cheval à côté
de la Calêche. On fit pendant ce tems- là
plusieurs décharges du Canon qui est
dans l'avant-Cour du Château . Ôn servit
quantité de rafraîchissemens aux Of
ficiers des Gardes du Roy , et à toutes
les personnes qui étoient de la suite de
S. M. qui s'en retourna à Fontainebleau ,
fort satisfaite de la visite qu'il avoit faite
2 au Maréchal de Villars. Le
2020 MERCURE DE FRANCE
Le 2. Aoust , les Comédiens François
representerent à Fontainebleau , la Comédie
du Distrait , qui fut suivie d'Arlequin
poli parl ' Amour, joué par les Comédiens
Italiens .
Le 4. ces derniers représenterent les
Amans réunis et la Sylphide , Pieces du
Théatre Italien .
Le 7. les Comédiens François jouerent
Ia Comédie de Turcaret , il y eut des in--
termedes dansés par les Principaux Danseurs
et Danseuses de l'Opera ..
Le 9. les mêmes Comédiens jouerent
pour la derniere fois devant L. M. le Fa
Toux désabusé , et les Italiens Isle des Es
claves , il y eut les Intermedes dansés par
les fieurs Dumoulin , Laval et Maitaire,
la De Camargo y brilla à son ordinaire,
et fit beaucoup de plaisir à toute la
Cour.
Le 11. de ce mois , le Roy et la Reine
partirent de Fontainebleau vers les trois
heures aprés midi pour aller coucher à.
Petit-Bourg , d'où L. M. arriverent ài
Versailles le 14-
La Comtesse de Mailly , Dame d'Atour
de la Reine , ayant demandé la permission
de se retirer , la Duchesse de Mazarin
sa fille , a été nommée par le Roy
pour lui succeder dans cette Charge , et
te
A O UST. 1731.. 2021
le 19. de ce mois elle prêta serment entre
les mains de la Reine,
On a augmenté de cinquante le nombre
des Pauvres qui habitent les Loges de
la grande Cour de l'Hôpital des petites
Maisons .
La Riviere de Seine , qu'on passe à
pied à plusieurs endroits au dessus de Paris
, n'avoit pas été si basse , ni si longrems
, depuis plus de cent ans , selon les
Registres de l'Hôtel de Ville . Mais malgré
la secheresse , on apprend que la ré
colte du Bled a été fort abondante .
Le 15. Fête de l'Assomption de la Vierge
, il y eut Concert spirituel au Château
des Thuilleries. M. Mouret fit chanter
Exaltabo te Deus. Moter de M. de la Lan
de , dans lequel la Dlle . le Maure chanta
avec beaucoup d'applaudissement , de
même que les Dues Errémens et Petit- pas,
les fieurs Lecler et Blavet joüerent plusieurs
Concerto sur le Violon et la Flute ,
dont l'execution fut parfaite et très ap
plaudie par une nombreuse assemblée
le Concert fut terminé par le Confitebor 2
autre Motet de M. de la Lande.
Le 22 , aprés midi , le Roy fit au
Champ de Mars la revue de la Gendarme-*
rie , dont S. M. parut très satisfaite ::*
après que le Roy cut passé le long de
la
2022 MERCURE DE FRANCE
la Ligne , S. M. vit défiler la Gendarmerie
en Escadrons , par Brigades et quatre
à quatre. La Reine et Monseigneur le
Dauphin se trouverent à cette révuë.
Le 5. Août , le Marquis de Choiseul
Beaupré , Mestre de Camp de Cavalerie ,
Enseigne des Gens-d'armes d'Orleans
prêta serment entre les mains du Roy
pour la Charge de Lieutenant General
au Gouvernement de Champagne , dans
laquelle il a succedé au Marquis de Choiseul
son Pere , Lieutenant General des
Armées du Roy.
La
E 20. du mois dernier le Roy étant
parti de bonne - heure de Fontainebleau
pour la Chasse du Cerf , du côté
de Melun , S. M. alla voit ensuite le Marêchal
de Villars , à son magnifique Château
de Vau-le-Villars . Elle examina a vec
beaucoup d'attention les Tableaux répresentant
les Campagnes de ce Géneral ,
les Places qu'il a attaquées et les Batailles
qu'il a données.
Après que le Roy se fut amusé quelque
tems dans les Appartemens , il monta en
Caleche avec la Marêchale de Villars , et
alla se promener dans le Parc , le Marêchal
de Villars marchoit à Cheval à côté
de la Calêche. On fit pendant ce tems- là
plusieurs décharges du Canon qui est
dans l'avant-Cour du Château . Ôn servit
quantité de rafraîchissemens aux Of
ficiers des Gardes du Roy , et à toutes
les personnes qui étoient de la suite de
S. M. qui s'en retourna à Fontainebleau ,
fort satisfaite de la visite qu'il avoit faite
2 au Maréchal de Villars. Le
2020 MERCURE DE FRANCE
Le 2. Aoust , les Comédiens François
representerent à Fontainebleau , la Comédie
du Distrait , qui fut suivie d'Arlequin
poli parl ' Amour, joué par les Comédiens
Italiens .
Le 4. ces derniers représenterent les
Amans réunis et la Sylphide , Pieces du
Théatre Italien .
Le 7. les Comédiens François jouerent
Ia Comédie de Turcaret , il y eut des in--
termedes dansés par les Principaux Danseurs
et Danseuses de l'Opera ..
Le 9. les mêmes Comédiens jouerent
pour la derniere fois devant L. M. le Fa
Toux désabusé , et les Italiens Isle des Es
claves , il y eut les Intermedes dansés par
les fieurs Dumoulin , Laval et Maitaire,
la De Camargo y brilla à son ordinaire,
et fit beaucoup de plaisir à toute la
Cour.
Le 11. de ce mois , le Roy et la Reine
partirent de Fontainebleau vers les trois
heures aprés midi pour aller coucher à.
Petit-Bourg , d'où L. M. arriverent ài
Versailles le 14-
La Comtesse de Mailly , Dame d'Atour
de la Reine , ayant demandé la permission
de se retirer , la Duchesse de Mazarin
sa fille , a été nommée par le Roy
pour lui succeder dans cette Charge , et
te
A O UST. 1731.. 2021
le 19. de ce mois elle prêta serment entre
les mains de la Reine,
On a augmenté de cinquante le nombre
des Pauvres qui habitent les Loges de
la grande Cour de l'Hôpital des petites
Maisons .
La Riviere de Seine , qu'on passe à
pied à plusieurs endroits au dessus de Paris
, n'avoit pas été si basse , ni si longrems
, depuis plus de cent ans , selon les
Registres de l'Hôtel de Ville . Mais malgré
la secheresse , on apprend que la ré
colte du Bled a été fort abondante .
Le 15. Fête de l'Assomption de la Vierge
, il y eut Concert spirituel au Château
des Thuilleries. M. Mouret fit chanter
Exaltabo te Deus. Moter de M. de la Lan
de , dans lequel la Dlle . le Maure chanta
avec beaucoup d'applaudissement , de
même que les Dues Errémens et Petit- pas,
les fieurs Lecler et Blavet joüerent plusieurs
Concerto sur le Violon et la Flute ,
dont l'execution fut parfaite et très ap
plaudie par une nombreuse assemblée
le Concert fut terminé par le Confitebor 2
autre Motet de M. de la Lande.
Le 22 , aprés midi , le Roy fit au
Champ de Mars la revue de la Gendarme-*
rie , dont S. M. parut très satisfaite ::*
après que le Roy cut passé le long de
la
2022 MERCURE DE FRANCE
la Ligne , S. M. vit défiler la Gendarmerie
en Escadrons , par Brigades et quatre
à quatre. La Reine et Monseigneur le
Dauphin se trouverent à cette révuë.
Le 5. Août , le Marquis de Choiseul
Beaupré , Mestre de Camp de Cavalerie ,
Enseigne des Gens-d'armes d'Orleans
prêta serment entre les mains du Roy
pour la Charge de Lieutenant General
au Gouvernement de Champagne , dans
laquelle il a succedé au Marquis de Choiseul
son Pere , Lieutenant General des
Armées du Roy.
Fermer
Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Le 20 du mois précédent, le roi quitta Fontainebleau pour chasser près de Melun, puis visita le maréchal de Villars à Vau-le-Villars. Il examina les tableaux des campagnes militaires du maréchal et se promena en calèche avec la maréchale, tandis que le maréchal les accompagnait à cheval. Des salves de canon furent tirées et des rafraîchissements servis avant que le roi ne retourne à Fontainebleau. À Fontainebleau, les comédiens français et italiens donnèrent plusieurs représentations, dont 'Le Distrait', 'Arlequin poli par l'amour', 'Les Amants réunis', 'La Sylphide', 'Turcaret', 'Le Faux désabusé' et 'L'Île des esclaves'. La danseuse La Camargo se distingua particulièrement. Le 11 août, le roi et la reine partirent pour Versailles, en passant par Petit-Bourg. La comtesse de Mailly demanda à se retirer et la duchesse de Mazarin lui succéda comme dame d'atour de la reine, prêtant serment le 19 août. À Paris, le nombre de pauvres logés à l'Hôpital des petites Maisons augmenta de cinquante. La Seine fut exceptionnellement basse, mais la récolte de blé fut abondante. Le 15 août, un concert spirituel eut lieu aux Tuileries. Le 22 août, le roi passa en revue la gendarmerie au Champ de Mars. Le 5 août, le marquis de Choiseul-Beaupré prêta serment pour la charge de lieutenant général au gouvernement de Champagne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
280
p. 2352-2353
L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
Début :
Le Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Intérêt, Plaisir, Utile
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
L'AMOUR ET L'INTERET.
LE
FABLE.
E Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour
Chez certain Partisan se trouverent un jour
L'aventure étoit rare ; un même domicile
ጉ
Par
OCTOBRE 1731 2353
Par eux n'étoit pas habité ,
Chacun alloit de son côté ,
L'un au plaisir , l'autre à l'utile ;
Voici , dit l'interêt , un Enfant bien nipé ;
Beaux traits dorez , Carquois d'Ebene ,
La dupe paroît bonne , et je suis bien trompé
Si je n'en tire quelque Aubeine :
Veux-tu jouer , fils de Cypris?
J'ay des Bijoux à ton usage ,
Pour de l'argent prêté , je les reçûs en gage ,
Bracelets de Cheveux , entourez de Rubis ,
Bagues de sentimens qui couvrent un mystere¿
C'est un Tresor ! à qui le dites- vous ?
Je connois , dit l'Amour , le Prix de ces Bijoux ,,
Le Tarif en est à. Cithere ,
Ca , jouons ; masse un trait ; Paroli ; masse trois
Va le reste de mon Carquois.
Facilement Amour se picque :
Son Joueur , habile Narquois ,.
A bien- tot raflé la boutique.
L'Enfant dévalisé s'envolle au fond des bois ,
Cacher sa défaite et ses larmes :
Son Empire est soumis à de nouvelles loix ,
L'Interêt regne seul , et dispose des armes
Dont l'Amour usoit autrefois..
LE
FABLE.
E Dieu de l'Interêt et le Dieu de l'Amour
Chez certain Partisan se trouverent un jour
L'aventure étoit rare ; un même domicile
ጉ
Par
OCTOBRE 1731 2353
Par eux n'étoit pas habité ,
Chacun alloit de son côté ,
L'un au plaisir , l'autre à l'utile ;
Voici , dit l'interêt , un Enfant bien nipé ;
Beaux traits dorez , Carquois d'Ebene ,
La dupe paroît bonne , et je suis bien trompé
Si je n'en tire quelque Aubeine :
Veux-tu jouer , fils de Cypris?
J'ay des Bijoux à ton usage ,
Pour de l'argent prêté , je les reçûs en gage ,
Bracelets de Cheveux , entourez de Rubis ,
Bagues de sentimens qui couvrent un mystere¿
C'est un Tresor ! à qui le dites- vous ?
Je connois , dit l'Amour , le Prix de ces Bijoux ,,
Le Tarif en est à. Cithere ,
Ca , jouons ; masse un trait ; Paroli ; masse trois
Va le reste de mon Carquois.
Facilement Amour se picque :
Son Joueur , habile Narquois ,.
A bien- tot raflé la boutique.
L'Enfant dévalisé s'envolle au fond des bois ,
Cacher sa défaite et ses larmes :
Son Empire est soumis à de nouvelles loix ,
L'Interêt regne seul , et dispose des armes
Dont l'Amour usoit autrefois..
Fermer
Résumé : L'AMOUR ET L'INTÉRÊT. FABLE.
Le texte 'L'Amour et l'Intérêt' relate une rencontre entre les dieux de l'Amour et de l'Intérêt chez un partisan. L'Amour cherche le plaisir, tandis que l'Intérêt vise l'utile. Ce dernier observe un enfant bien vêtu et portant des bijoux précieux, y voyant une opportunité de profit. Il propose à l'Amour de jouer avec ces bijoux en gage. L'Amour, conscient de leur valeur, accepte mais perd rapidement. L'enfant, dépossédé, s'enfuit dans les bois pour cacher sa défaite. Cette aventure marque un changement de pouvoir, où l'Intérêt prend le contrôle des armes autrefois utilisées par l'Amour, établissant ainsi sa domination.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
281
p. 2411-2412
AIR.
Début :
Pourquoy toujours chanter Iris ? [...]
Mots clefs :
Iris, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR.
AIR .
Ourquoy toujours chanter Iris ?
Disoit le celebre Gregoire ;
Gessez , lui dit Lambert , cessez d'être surpris
Co
2412 MERCURE DE FRANCE ,
Ce n'est pas qu'à l'Amour on donne la victoire;
Mais de nôtre Art voici le fin ;
Comme on fait tous les jours des Cou és su · le
Lorsque l'on chan te Iris , on roule sur sa glo .
Ourquoy toujours chanter Iris ?
Disoit le celebre Gregoire ;
Gessez , lui dit Lambert , cessez d'être surpris
Co
2412 MERCURE DE FRANCE ,
Ce n'est pas qu'à l'Amour on donne la victoire;
Mais de nôtre Art voici le fin ;
Comme on fait tous les jours des Cou és su · le
Lorsque l'on chan te Iris , on roule sur sa glo .
Fermer
282
p. 2424-2425
La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 14 Octobre, les Comédiens François représenterent la Comédie de la Réconciliation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Plaisanterie, Amour, Haine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Le 14 Octobre, les Comédiens François
représenterent la Comédie de la Réconci- ·
liation Normande , en vers et en cinq
Actes , par M. Dufreny , donnée dans sa
nouveauté au mois de Mars 1719. et fors
applaudie. On y voit avec plaisir une infimité
de traits charmans , des caracteres et
des Scenes fort plaisantes et toutes neuves
; en un mot , c'est une Piece pleine
d'esprit
OCTOBRE . 1731 2425
d'esprit et de bonne plaisanterie , et qui
pourroit passer pour le chef- d'oeuvre du
Théatre , si la Fable en étoit plus régulicliere
.
On n'est pas content du titre de la
Piece. Celui de Procès de famille , que l'auteur
avoit d'abord donné à sa Piece auroit
mieux convenu . La Haine fraternelle
y convenoit encore fort bien ; car on ne
parle pendant le cours de la Piece que de
haîne et de procès ; et à propos de la haine
, on trouve dans le second Acte une
espece de parallele de l'Amour et de la
Haine , où l'on fait l'éloge de cette derniere
passion qu'on regarde comme un
chef-d'oeuvre. Il y a aussi dans le quatriéme
Acte une Scene feinte de tendresse
pour tromper une vieille Tante , qui est
un morceau original et d'un prix infini .
Au reste cette Piece est tres- bien remise,
les Rôles y sont remplis tres-avantageusement
et jouez en perfection.
représenterent la Comédie de la Réconci- ·
liation Normande , en vers et en cinq
Actes , par M. Dufreny , donnée dans sa
nouveauté au mois de Mars 1719. et fors
applaudie. On y voit avec plaisir une infimité
de traits charmans , des caracteres et
des Scenes fort plaisantes et toutes neuves
; en un mot , c'est une Piece pleine
d'esprit
OCTOBRE . 1731 2425
d'esprit et de bonne plaisanterie , et qui
pourroit passer pour le chef- d'oeuvre du
Théatre , si la Fable en étoit plus régulicliere
.
On n'est pas content du titre de la
Piece. Celui de Procès de famille , que l'auteur
avoit d'abord donné à sa Piece auroit
mieux convenu . La Haine fraternelle
y convenoit encore fort bien ; car on ne
parle pendant le cours de la Piece que de
haîne et de procès ; et à propos de la haine
, on trouve dans le second Acte une
espece de parallele de l'Amour et de la
Haine , où l'on fait l'éloge de cette derniere
passion qu'on regarde comme un
chef-d'oeuvre. Il y a aussi dans le quatriéme
Acte une Scene feinte de tendresse
pour tromper une vieille Tante , qui est
un morceau original et d'un prix infini .
Au reste cette Piece est tres- bien remise,
les Rôles y sont remplis tres-avantageusement
et jouez en perfection.
Fermer
Résumé : La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Le 14 octobre, les Comédiens Français ont interprété 'La Réconciliation Normande', une comédie en vers et en cinq actes écrite par M. Dufreny. Créée en mars 1719, cette pièce a été acclamée pour ses traits charmants, ses personnages et ses scènes plaisantes et originales. Elle est décrite comme pleine d'esprit et de bonne plaisanterie, bien que sa fable soit jugée irrégulière. Le titre initial, 'Procès de famille', aurait mieux convenu. La pièce explore principalement la haine et les procès, avec un parallèle entre l'amour et la haine dans le second acte. Le quatrième acte inclut une scène feinte de tendresse pour tromper une vieille tante, considérée comme un morceau original et précieux. La mise en scène est bien réalisée, avec des rôles interprétés à la perfection.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
283
p. 2523-2536
SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
Début :
Ce que je viens, Monsieur, de vous rappeller, n'est qu'une foible ébauche [...]
Mots clefs :
Spectateurs, Tragédie, Ton, Reine, Amour, Objection
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
SECONDE Partie de la Lettre sur la
Tragedie d'Astrale.
CE
que je viens , Monsieur , de vous
rappeller , n'est qu'une foible ébauche
du Portrait de mon Autheur favori ;
il ne fait appercevoir , jusques - là que le
germe des expressions et des sentimens
qui depuis l'ont rendu inimitable dans un
genre dont il a été le créateur , et dans lequel
il est encore aujourd'hui le desespoir de
tous ceux qui ont osé le prendre pour modelle:
J'ai des traits plus dignes de lui à
mettre sous vos yeux dans cette même Piece,
où vous m'annoncez qu'on a ri.Je ne citerai
que quelques endroits des principales
Scenes. Commençons par la cinquième
du 3º Acte , elle suit immédiatement celle
où l'on a ri , et les Spectateurs ont bien
changé
2524 MERCURE DE FRANCE
changé de sentiment à mesure que l'Auteur
a changé de ton . Le voicy donc dans
le ton tragique , ou pour mieux dire dans
un ton digne du grand Corneille.
Sychée , cru pere d'Astrate, apprenant
de lui que la conjuration est découverte ,
et entendant nommer les Principaux qui
y trempent , croit n'avoir plus rien à dissimuler
, et l'arrêtant sur le point qu'il
veut en aller instruire la Reine , lui parle
ainsi :
Je voi qu'il n'est plus temps qu'avec vous je déguise
,
Et qu'il faut vous montrer le Chef de l'entre
prise >
Celui qui du vrai Roy , connoît seul tout le sort;
Et qui contre la Reine a fait le plus d'effort, &c...
Connoissez- le , mon Fils , vous le voyez en moi
Astrate.
Ce pourroit-être vous ?
Sychée.
Oui , c'est moi , dont le zele ;
Pour le sang de nos Rois toujours ferme et fi
delle ,
Contre la Tyrannie a jusqu'à ce jour
Ligué les plus Puissans du peuple et de la Cour
& c.....
Vous me perdez ,,mon Fils , si vous parlez ;
Astrate
NOVEMBRE. 173 1. 2515
Astrate.
Hélasi
Je perds la Reine aussi , si je ne parle pas.
Sychée.
Sa perte avec la mienne entre t- elle eu balance?
&c . ..
Quoique l'Amour d'abord air pû vous inspirer ,
Contre tous ses efforts le sang doit m'assurer ,
&c.
Astrate lui promet d'obtenir
sá grace,
et l'invite à venir tout dire à la Reine.
C'est alors que Sychée lui répond avec
plus de fermeté :
Moi , trahir mes sermens ! mon Prince ! mes
amis !
Plutôt , si vous l'osez , trahissez - moi , mon
Fils.
Pensez
·
vous que l'appas du rang qu'on vous
presente ,
A cet infame prix me corrompe ou me tente ?
Connoissez mieux ma foy ; rien ne l'émou peut
voir;
Et je n'ai point de Fils si cher que mon devoir.
J'ai juré de vanger mon Maître légitime ,
De couronner son sang , de déthrôner le crime ;
D'af2526
MERCURE DE FRANCE
D'affranchir mon païs d'un empire odieux ,
Ou , du moins , de périr d'un trépas glorieux.
Dans un si grand dessein je suis inébranlable ;
11 faut qu'enfin la Reine , ou trébuche, ou m'accable
;
Que vous voyiez ses jours , ou les miens ter
minez ;
Et c'est à vous à voir quel parti vous prenez.
1strate.
Entre la Reine et vous , je n'en ai point à pren
dre ,
Que celui de vouloir tour à tour vous deffendre
Vous garder l'un de l'autre , et toujours me vanger
,
Du parti seulement où sera le danger , &c.
Vous n'avez pas encor besoin de mon secours ,
Seigneur , et de la Reine on va trancher les jours;
Avec le même soin que , comme Amant fidelle ,
Je vais , ou la sauver , ou périr avec elle ,
Je sçaurai , l'ayant mise à couvert de vos coups
Vous sauver , comme Fils , ou périr avec vous ;
Je n'examine point dans cette conjoncture
Qui doit vaincre où ceder , l'amour ou la na
ture ;
Sans juger qui des deux doit être plus puissant ,
Je regarde au péril et cours au plus pressant
N'aiNOVEMBRE.
1731. 252y
-
de
N'ay je pas eu raison , Monsieur ,
vous promettre des sentimens dignes du
grand Corneille? Et ne vous ai- je pas tenu
parole ? Démentez - moy , si vous l'osez.
Mais ce n'est pas encore là du plus beau ,
et la Piece va s'ennoblir et se fortifier par
dégrez. Passons à l'Acte quatrième.
Il y a deux Scenes dans cet Acte qui
peuvent tenir le premier rang entre les
plus interessantes. Vous sçavez , Monsieur,
de quoi il s'y agit. Sychée jusqu'icy ne
s'est montré aux yeux d'Astrate
que sous
le nom de son Pere ; mais apprenant de
lui qu'il vient d'obtenir de la Reine le
pardon de tous les conjurez , pourvû
qu'on lui livre le Fils du vrai Roy ; et
le voyant déterminé à lui ôter la vie de sa
propre main , lui fait connoître que cet
ennemi qu'il veut immoler à la Reine
n'est autre que lui- même . Je vous ai déja
cité ce qui est contenu dans les Tablettes
qu'il presente à Astrate ; j'y ajoute
seulement une circonstance que les Acteurs
apparemment n'observent pas ; j'en
juge par ce que vous m'avez dit vous
même dans votre lettre ; sçavoir , que ces
Tabletes qu'Astrate laisse tomber à terre
et que Sichée ne prend pas la précaution
de ramasser , pourroient tomber entre les
mains de quelqu'un qui les remit entre
celles
2528 MERCURE DE FRANCE
celles d'Astrate , lequel s'en serviroit à
se faire connoître à ses sujets pour
leur Roy , et à sauver Elisé en ` leur
apprenant l'interêt qu'il prend en ses
jours ; vous ajoutez encore qu'il se pourroit
faire qu'Astrate ne laissât point tomber
ces Tablettes si necessaires à Agenor
pour être toujours Maître du secret qu'il
vient de confier à ce malheurenx Prince.
Votre objection , Monsieur , est tres- sensée,
mais vous vous seriez épargné la peine
de la faire , si vous aviez lû la Piece telle
qu'elle est imprimée . Voici ce que l'Auteur
dit en cet endroit: Astrate lit dans
les Tablettes que Sychée lui montres et après
la lecture des Tablettes , il ajoûte : Astrate
continue , en rejettant les Tablettes :
Ah! d'un coup plus affreux peut - on être
percé ?
Je serois né du sang que la Reine a versé !
Quoi ? j'aurois à vanger par des Loix trop se
veres
Sur un si cher objet mon Pere et mes deux Fred
res ;
Et quand nos coeurs charmez , se croyoient tour
permis ,་
Malgré l'Amour et nous , nous serions ennemis ?
Sychée l'éclaircit si bien de cette funeste
vc-
1
NOVEMBRE. 1731 2529
te verité , qu'il ne lui laisse aucun lieu
d'en douter, ce qui l'oblige à dire :
Qu'à jamais ce secret n'est - il caché pour
-moi!
'Ah ! cruel , falloit-il , si je suis Fils du Roy ,
Pour me montrer la main qui fit périr mon
Pere
'Attendre que l'Amour me la rendît si chere ?
Et ne deviez - vous pas , pour le bien de mes
jours ,
Qu m'avertir plutôt , ou vous taire toujours .
Combien d'interêts Quinault n'a- t il
pas réunis dans cette Scene pour exciter
la pitié des Spectateurs Quand la seule reconnoissance
animeroit Astrate , n'en seroit-
ce pas assez pour épargner le sang
d'une Reine , qui vient de l'associer au
rang suprême , préférablement à un Prin .
ce de son sang à qui la couronne avoit
été promise , et sembloit si légitimement
dûë Mais cela ne suffit pas à Quinault
pour nous interesser ; il nous montre en
Astrate un Prince éperduement amoureux
et tendrement aimé ; l'amour le plus
ardent se joint à la plus juste reconnoissance
pour combattre la nature. Sychée
qui traite l'amour d'une maniere confor
nie à son âge , lui dit d'un ton ferme :
C La
2530 MERGURE DE FRANCE.
>
La vangeance d'un Pere à vous seul étoit dûë ;
Je vous l'ai reservée et l'heure en est venuë
L'objet vous en fut- il cent fois plus précieux
Levez le bras , Seigneur , et détournez les yeux ;
& c,
Songez que cet amour qui vous trouble et vous
gêne ,
Qui vous usurpe un coeur qui n'est dû qu'à la
haine ,
Cet amour qui vous guide au crime le plus
noir ,
Corrompt votre vertu , séduit votre devoir ;
Cet amour qui vous rend à vous- même perfide ;
Qui vous force à chérir une main parricide
Doit être icy pour vous le premier des Tyrans
Qu'il faut sacrifier au sang de vos parens .
Sychée voyant approcher la Reine , et
ne pouvant empêcher Astrate de lui parler
, le quitte en lui disant : qu'il va prendre
soin de sa gloire , malgré lui - même,
La Scene qui succede à celle- cy est encore
plus interressante. Les deux Personnes
qui doivent produire le plus grand
interêt y sont aux prises . En vain la nature
, le devoir et l'ambition conspirent à
séparer leurs coeurs ; l'Amour, tout dénué
d'esperance qu'il est , s'obstine à les unir
plus que jamais.
La
NOVEMBRE . 1731. 2531
La Reine demande à Astrate s'il a découvert
son ennemi : Il lui répond qu'il
a plus fait, et qu'il peut le lui livrer. Voici
ce qu'il ajoute :
Ce dernier Fils d'un Roy par vous même
égorgé ,
Ce Fils par son devoir à vous perdre engagé ,
Cette victime encore à vos jours necessaire ,
Ce malheureux vangeur d'un miserable Pere ,
D'une maison détruite , et d'un Sceptre envahi ,
Enfin cet ennemi tant craint , et tant hai ,
Dont nous cherchions la perte avec un soin extrême
,
Qui l'eût pú croire Hélas ! Madame , c'est
moi-même.
Quel coup mortel pour Elisé , quel
nouveau trouble pour Astrate ! Et quel
surcroît de terreur et de pitié pour les
Spectateurs ! Qui ne seroit pas attendri à
ces plaintes de la Reine ?
L'ingenieux couroux du ciel plein de vigueur ,
N'a que trop bien trouvé le foible de mon coeur.
J'aurois bravé mon sort , s'il ne m'eût poiut
trompée ;
Je ne m'en gardois pas par où j'en suis frappée.
De ce piege des Dieux qui se fut défié ≥
Mon coeur étoit sans doute assez fortifié
Cij contre
2532 MERCURE DE FRANCE
Contre tous les dangers qui menaçoient ma vie ,
11 ne l'étoit que trop contre un Peuple en furie ,
Contre les Dieux vangeurs , les Destins en couroux
Mais il ne l'étoit pas contre l'Amour et vous.
Je vous dérobe autant de beautez que
je supprime de Vers dans cette Scene.Vous
n'avez, Monsieur , qu'à la parcourir toute
entiere , pour voir si j'exagere ; mais je
m'apperçoi que ma Lettre passe les bornes
ordinaires ; je vais donc vous citer le plus
succinctement qu'il me sera possible,quel
ques traits du cinquième Acte.
Comme le Rôle de Sychée est sans contredit
le plus beau de la Piéce , et qu'on
y reconnoît le genre de celui de Palamede,
qui produit un effet si admirable dans l'E
lectre de M.de Crebillon.Je ne puis mieux
finir ma Lettre que par quelques Vers
que ce genereux Chef des conjurez dit
à Astrate , qui le menace de vanger sur
lui la mort de la Reine , s'il a été assez bar,
bare pour l'immoler. Voici sa réponse :
Je sçais que l'on reçoit souvent comme ung
injuré
Le zele trop exact de la foy la plus pure ;
Mais rien , en vous servant , ne peut me retenir ,
Je
NOVEMBRE. 1731. 2533
Je ferai mon devoir , dussiez-vous m'en punir ,
&c.
J'aime mon Maître assez , pour m'exposer sans
peine
Jusqu'à l'oser servir , au péril de sa haïne.
Et ma perte assurée , est après tous mes soins ,
L'injustice de lui, que mon coeur craint le moins
Quand j'aurai fait , Seigneur , tout ce que je dois
faire ,
Achevé ce que veut le Sang de votre Pere ;
Assuré votre gloire , et signalé ma foy ,
J'aurai crû vivre assez et pour vous et pour moi ;
Et si ma vie enfin , suivant mon zele extrême ,
Avanger votre sang , vous sert malgré vousmême
,
son tour Je mourrai trop content : si ma mort
Vous sert , selon vos voeux , à vanger votre
amour.
Je finis icy mes citations , pour répondre
à quelques objections que vous m'avez
faites.Le stile de Quinault dites- vous,
n'a pas cette force et cette noblesse que
demande la Tragedie , et vous le renvoyez
avec une espece de mépris à l'Opera ;
vous me faites bien voir par là que vous
avez adopté l'injuste idée qu'on s'est faite
de ce genre de Spectacle , que Quinault a
porté si haut ; mais je doute qu'il soit
plus facile de faire un bon
Opera
bone
C iij
1
2534 MERCURE DE FRANCE
bonne Tragedie ; Racine et Despreaux
l'ont voulu éprouver , et ce n'a été qu'à
leur honte ; ils oserent , dit- on , entreprendre
un Opera, pour supplanter Quinault
, mais à peine furent- ils entrez dans
la carriere , qu'ils l'abandonnerent ; leurs
partisans ne manqueront pas de dire ,
après eux , qu'ils eurent honte de l'avoir
entrepris et qu'ils jugerent le genre indigne
de leurs plumes ; quel rafinement de
Aatterie ! quelle ressource d'amour propre
! cependant Racine a bien fait voir
par le Lyrique qu'il a mis dans Esther et
dans Athalie , que ce n'étoit point là son
fort , et Despreaux nous a convaincu par
son Ode sur Namur , que son genie étoit
là hors de sa Sphere ; et que s'il avoit fait
un Opera sur ce ton , on auroit pû rẹtorquer
contre lui ce qu'il a dit contre les
Opera de Quinault , sçavoir ;
Et , jusqu'à je vous hais , tout s'y dit tendres
ment,
En disant au contraire :
Tout s'y dit durement , et jusqu'à je vous aime.
Vous ajoutez encore , Monsieur , que
les Héros de Quinault sont trop doucereux
; la solution de ce problême deman-
1
deroit
NOVEMBRE. 1731 . 2535
deroit une trop longue discussion ; et
puisque Racine a tant fait que d'ériger
l'amour en partie principale de ses Tragedies
, quoiqu'il ne soit que partie accessoire
dans celles de Corneille , et qu'il·
n'entre presque point du tout dans cellesdes
anciens ; je ne voi point qu'on doive
si fort ennoblir une passion qui n'est que
foiblesse ; d'ailleurs supposé que ce soit là
un deffaut dans Astrate ; c'est une heu
reuse faute , puisqu'elle l'a porté à s'attacher
uniquement à l'Opera ; ce n'est pas
qu'il desesperât de réussir dans le genre
qu'il voulut bien abandonner ; le succès
qu'il avoit eu dans le Faux-Tiberinus , et
dans Astrate , lui offroit assez de quoi se
consoler du peu de réussite de Pausanias,
et de Bellerofon ; de sorte que joignant à
cela sa Mere coquette , il pouvoit justement
se vanter de posseder trois genres ,
dont le moindre auroit suffi pour illustrer
un Auteur. Vous m'accuserez tant
qu'il vous plaira de trop de prévention .
Pour lui ,je vous ai déja dit que c'est mon
Auteur favori ; et d'ailleurs la préférence
que je lui donne est fondée sur des titres
qui me paroissent incontestables ; j'en ai
trop dit pour une Lettre , mais non pour
deffendre une gloire si solidement établie
et si injustement attaquée ; l'espere ,Mon-
Ciiij sicur,
2536 MERCURE DE FRANCE
sieur , que si vous faites un peu plus de
réfléxion sur cette apologie , que vous
n'en avez fait à la représentation d'Astrate
; vous vous rapprocherez de mon
sentiment : Je suis , rancune tenant , votre,
&c.
Tragedie d'Astrale.
CE
que je viens , Monsieur , de vous
rappeller , n'est qu'une foible ébauche
du Portrait de mon Autheur favori ;
il ne fait appercevoir , jusques - là que le
germe des expressions et des sentimens
qui depuis l'ont rendu inimitable dans un
genre dont il a été le créateur , et dans lequel
il est encore aujourd'hui le desespoir de
tous ceux qui ont osé le prendre pour modelle:
J'ai des traits plus dignes de lui à
mettre sous vos yeux dans cette même Piece,
où vous m'annoncez qu'on a ri.Je ne citerai
que quelques endroits des principales
Scenes. Commençons par la cinquième
du 3º Acte , elle suit immédiatement celle
où l'on a ri , et les Spectateurs ont bien
changé
2524 MERCURE DE FRANCE
changé de sentiment à mesure que l'Auteur
a changé de ton . Le voicy donc dans
le ton tragique , ou pour mieux dire dans
un ton digne du grand Corneille.
Sychée , cru pere d'Astrate, apprenant
de lui que la conjuration est découverte ,
et entendant nommer les Principaux qui
y trempent , croit n'avoir plus rien à dissimuler
, et l'arrêtant sur le point qu'il
veut en aller instruire la Reine , lui parle
ainsi :
Je voi qu'il n'est plus temps qu'avec vous je déguise
,
Et qu'il faut vous montrer le Chef de l'entre
prise >
Celui qui du vrai Roy , connoît seul tout le sort;
Et qui contre la Reine a fait le plus d'effort, &c...
Connoissez- le , mon Fils , vous le voyez en moi
Astrate.
Ce pourroit-être vous ?
Sychée.
Oui , c'est moi , dont le zele ;
Pour le sang de nos Rois toujours ferme et fi
delle ,
Contre la Tyrannie a jusqu'à ce jour
Ligué les plus Puissans du peuple et de la Cour
& c.....
Vous me perdez ,,mon Fils , si vous parlez ;
Astrate
NOVEMBRE. 173 1. 2515
Astrate.
Hélasi
Je perds la Reine aussi , si je ne parle pas.
Sychée.
Sa perte avec la mienne entre t- elle eu balance?
&c . ..
Quoique l'Amour d'abord air pû vous inspirer ,
Contre tous ses efforts le sang doit m'assurer ,
&c.
Astrate lui promet d'obtenir
sá grace,
et l'invite à venir tout dire à la Reine.
C'est alors que Sychée lui répond avec
plus de fermeté :
Moi , trahir mes sermens ! mon Prince ! mes
amis !
Plutôt , si vous l'osez , trahissez - moi , mon
Fils.
Pensez
·
vous que l'appas du rang qu'on vous
presente ,
A cet infame prix me corrompe ou me tente ?
Connoissez mieux ma foy ; rien ne l'émou peut
voir;
Et je n'ai point de Fils si cher que mon devoir.
J'ai juré de vanger mon Maître légitime ,
De couronner son sang , de déthrôner le crime ;
D'af2526
MERCURE DE FRANCE
D'affranchir mon païs d'un empire odieux ,
Ou , du moins , de périr d'un trépas glorieux.
Dans un si grand dessein je suis inébranlable ;
11 faut qu'enfin la Reine , ou trébuche, ou m'accable
;
Que vous voyiez ses jours , ou les miens ter
minez ;
Et c'est à vous à voir quel parti vous prenez.
1strate.
Entre la Reine et vous , je n'en ai point à pren
dre ,
Que celui de vouloir tour à tour vous deffendre
Vous garder l'un de l'autre , et toujours me vanger
,
Du parti seulement où sera le danger , &c.
Vous n'avez pas encor besoin de mon secours ,
Seigneur , et de la Reine on va trancher les jours;
Avec le même soin que , comme Amant fidelle ,
Je vais , ou la sauver , ou périr avec elle ,
Je sçaurai , l'ayant mise à couvert de vos coups
Vous sauver , comme Fils , ou périr avec vous ;
Je n'examine point dans cette conjoncture
Qui doit vaincre où ceder , l'amour ou la na
ture ;
Sans juger qui des deux doit être plus puissant ,
Je regarde au péril et cours au plus pressant
N'aiNOVEMBRE.
1731. 252y
-
de
N'ay je pas eu raison , Monsieur ,
vous promettre des sentimens dignes du
grand Corneille? Et ne vous ai- je pas tenu
parole ? Démentez - moy , si vous l'osez.
Mais ce n'est pas encore là du plus beau ,
et la Piece va s'ennoblir et se fortifier par
dégrez. Passons à l'Acte quatrième.
Il y a deux Scenes dans cet Acte qui
peuvent tenir le premier rang entre les
plus interessantes. Vous sçavez , Monsieur,
de quoi il s'y agit. Sychée jusqu'icy ne
s'est montré aux yeux d'Astrate
que sous
le nom de son Pere ; mais apprenant de
lui qu'il vient d'obtenir de la Reine le
pardon de tous les conjurez , pourvû
qu'on lui livre le Fils du vrai Roy ; et
le voyant déterminé à lui ôter la vie de sa
propre main , lui fait connoître que cet
ennemi qu'il veut immoler à la Reine
n'est autre que lui- même . Je vous ai déja
cité ce qui est contenu dans les Tablettes
qu'il presente à Astrate ; j'y ajoute
seulement une circonstance que les Acteurs
apparemment n'observent pas ; j'en
juge par ce que vous m'avez dit vous
même dans votre lettre ; sçavoir , que ces
Tabletes qu'Astrate laisse tomber à terre
et que Sichée ne prend pas la précaution
de ramasser , pourroient tomber entre les
mains de quelqu'un qui les remit entre
celles
2528 MERCURE DE FRANCE
celles d'Astrate , lequel s'en serviroit à
se faire connoître à ses sujets pour
leur Roy , et à sauver Elisé en ` leur
apprenant l'interêt qu'il prend en ses
jours ; vous ajoutez encore qu'il se pourroit
faire qu'Astrate ne laissât point tomber
ces Tablettes si necessaires à Agenor
pour être toujours Maître du secret qu'il
vient de confier à ce malheurenx Prince.
Votre objection , Monsieur , est tres- sensée,
mais vous vous seriez épargné la peine
de la faire , si vous aviez lû la Piece telle
qu'elle est imprimée . Voici ce que l'Auteur
dit en cet endroit: Astrate lit dans
les Tablettes que Sychée lui montres et après
la lecture des Tablettes , il ajoûte : Astrate
continue , en rejettant les Tablettes :
Ah! d'un coup plus affreux peut - on être
percé ?
Je serois né du sang que la Reine a versé !
Quoi ? j'aurois à vanger par des Loix trop se
veres
Sur un si cher objet mon Pere et mes deux Fred
res ;
Et quand nos coeurs charmez , se croyoient tour
permis ,་
Malgré l'Amour et nous , nous serions ennemis ?
Sychée l'éclaircit si bien de cette funeste
vc-
1
NOVEMBRE. 1731 2529
te verité , qu'il ne lui laisse aucun lieu
d'en douter, ce qui l'oblige à dire :
Qu'à jamais ce secret n'est - il caché pour
-moi!
'Ah ! cruel , falloit-il , si je suis Fils du Roy ,
Pour me montrer la main qui fit périr mon
Pere
'Attendre que l'Amour me la rendît si chere ?
Et ne deviez - vous pas , pour le bien de mes
jours ,
Qu m'avertir plutôt , ou vous taire toujours .
Combien d'interêts Quinault n'a- t il
pas réunis dans cette Scene pour exciter
la pitié des Spectateurs Quand la seule reconnoissance
animeroit Astrate , n'en seroit-
ce pas assez pour épargner le sang
d'une Reine , qui vient de l'associer au
rang suprême , préférablement à un Prin .
ce de son sang à qui la couronne avoit
été promise , et sembloit si légitimement
dûë Mais cela ne suffit pas à Quinault
pour nous interesser ; il nous montre en
Astrate un Prince éperduement amoureux
et tendrement aimé ; l'amour le plus
ardent se joint à la plus juste reconnoissance
pour combattre la nature. Sychée
qui traite l'amour d'une maniere confor
nie à son âge , lui dit d'un ton ferme :
C La
2530 MERGURE DE FRANCE.
>
La vangeance d'un Pere à vous seul étoit dûë ;
Je vous l'ai reservée et l'heure en est venuë
L'objet vous en fut- il cent fois plus précieux
Levez le bras , Seigneur , et détournez les yeux ;
& c,
Songez que cet amour qui vous trouble et vous
gêne ,
Qui vous usurpe un coeur qui n'est dû qu'à la
haine ,
Cet amour qui vous guide au crime le plus
noir ,
Corrompt votre vertu , séduit votre devoir ;
Cet amour qui vous rend à vous- même perfide ;
Qui vous force à chérir une main parricide
Doit être icy pour vous le premier des Tyrans
Qu'il faut sacrifier au sang de vos parens .
Sychée voyant approcher la Reine , et
ne pouvant empêcher Astrate de lui parler
, le quitte en lui disant : qu'il va prendre
soin de sa gloire , malgré lui - même,
La Scene qui succede à celle- cy est encore
plus interressante. Les deux Personnes
qui doivent produire le plus grand
interêt y sont aux prises . En vain la nature
, le devoir et l'ambition conspirent à
séparer leurs coeurs ; l'Amour, tout dénué
d'esperance qu'il est , s'obstine à les unir
plus que jamais.
La
NOVEMBRE . 1731. 2531
La Reine demande à Astrate s'il a découvert
son ennemi : Il lui répond qu'il
a plus fait, et qu'il peut le lui livrer. Voici
ce qu'il ajoute :
Ce dernier Fils d'un Roy par vous même
égorgé ,
Ce Fils par son devoir à vous perdre engagé ,
Cette victime encore à vos jours necessaire ,
Ce malheureux vangeur d'un miserable Pere ,
D'une maison détruite , et d'un Sceptre envahi ,
Enfin cet ennemi tant craint , et tant hai ,
Dont nous cherchions la perte avec un soin extrême
,
Qui l'eût pú croire Hélas ! Madame , c'est
moi-même.
Quel coup mortel pour Elisé , quel
nouveau trouble pour Astrate ! Et quel
surcroît de terreur et de pitié pour les
Spectateurs ! Qui ne seroit pas attendri à
ces plaintes de la Reine ?
L'ingenieux couroux du ciel plein de vigueur ,
N'a que trop bien trouvé le foible de mon coeur.
J'aurois bravé mon sort , s'il ne m'eût poiut
trompée ;
Je ne m'en gardois pas par où j'en suis frappée.
De ce piege des Dieux qui se fut défié ≥
Mon coeur étoit sans doute assez fortifié
Cij contre
2532 MERCURE DE FRANCE
Contre tous les dangers qui menaçoient ma vie ,
11 ne l'étoit que trop contre un Peuple en furie ,
Contre les Dieux vangeurs , les Destins en couroux
Mais il ne l'étoit pas contre l'Amour et vous.
Je vous dérobe autant de beautez que
je supprime de Vers dans cette Scene.Vous
n'avez, Monsieur , qu'à la parcourir toute
entiere , pour voir si j'exagere ; mais je
m'apperçoi que ma Lettre passe les bornes
ordinaires ; je vais donc vous citer le plus
succinctement qu'il me sera possible,quel
ques traits du cinquième Acte.
Comme le Rôle de Sychée est sans contredit
le plus beau de la Piéce , et qu'on
y reconnoît le genre de celui de Palamede,
qui produit un effet si admirable dans l'E
lectre de M.de Crebillon.Je ne puis mieux
finir ma Lettre que par quelques Vers
que ce genereux Chef des conjurez dit
à Astrate , qui le menace de vanger sur
lui la mort de la Reine , s'il a été assez bar,
bare pour l'immoler. Voici sa réponse :
Je sçais que l'on reçoit souvent comme ung
injuré
Le zele trop exact de la foy la plus pure ;
Mais rien , en vous servant , ne peut me retenir ,
Je
NOVEMBRE. 1731. 2533
Je ferai mon devoir , dussiez-vous m'en punir ,
&c.
J'aime mon Maître assez , pour m'exposer sans
peine
Jusqu'à l'oser servir , au péril de sa haïne.
Et ma perte assurée , est après tous mes soins ,
L'injustice de lui, que mon coeur craint le moins
Quand j'aurai fait , Seigneur , tout ce que je dois
faire ,
Achevé ce que veut le Sang de votre Pere ;
Assuré votre gloire , et signalé ma foy ,
J'aurai crû vivre assez et pour vous et pour moi ;
Et si ma vie enfin , suivant mon zele extrême ,
Avanger votre sang , vous sert malgré vousmême
,
son tour Je mourrai trop content : si ma mort
Vous sert , selon vos voeux , à vanger votre
amour.
Je finis icy mes citations , pour répondre
à quelques objections que vous m'avez
faites.Le stile de Quinault dites- vous,
n'a pas cette force et cette noblesse que
demande la Tragedie , et vous le renvoyez
avec une espece de mépris à l'Opera ;
vous me faites bien voir par là que vous
avez adopté l'injuste idée qu'on s'est faite
de ce genre de Spectacle , que Quinault a
porté si haut ; mais je doute qu'il soit
plus facile de faire un bon
Opera
bone
C iij
1
2534 MERCURE DE FRANCE
bonne Tragedie ; Racine et Despreaux
l'ont voulu éprouver , et ce n'a été qu'à
leur honte ; ils oserent , dit- on , entreprendre
un Opera, pour supplanter Quinault
, mais à peine furent- ils entrez dans
la carriere , qu'ils l'abandonnerent ; leurs
partisans ne manqueront pas de dire ,
après eux , qu'ils eurent honte de l'avoir
entrepris et qu'ils jugerent le genre indigne
de leurs plumes ; quel rafinement de
Aatterie ! quelle ressource d'amour propre
! cependant Racine a bien fait voir
par le Lyrique qu'il a mis dans Esther et
dans Athalie , que ce n'étoit point là son
fort , et Despreaux nous a convaincu par
son Ode sur Namur , que son genie étoit
là hors de sa Sphere ; et que s'il avoit fait
un Opera sur ce ton , on auroit pû rẹtorquer
contre lui ce qu'il a dit contre les
Opera de Quinault , sçavoir ;
Et , jusqu'à je vous hais , tout s'y dit tendres
ment,
En disant au contraire :
Tout s'y dit durement , et jusqu'à je vous aime.
Vous ajoutez encore , Monsieur , que
les Héros de Quinault sont trop doucereux
; la solution de ce problême deman-
1
deroit
NOVEMBRE. 1731 . 2535
deroit une trop longue discussion ; et
puisque Racine a tant fait que d'ériger
l'amour en partie principale de ses Tragedies
, quoiqu'il ne soit que partie accessoire
dans celles de Corneille , et qu'il·
n'entre presque point du tout dans cellesdes
anciens ; je ne voi point qu'on doive
si fort ennoblir une passion qui n'est que
foiblesse ; d'ailleurs supposé que ce soit là
un deffaut dans Astrate ; c'est une heu
reuse faute , puisqu'elle l'a porté à s'attacher
uniquement à l'Opera ; ce n'est pas
qu'il desesperât de réussir dans le genre
qu'il voulut bien abandonner ; le succès
qu'il avoit eu dans le Faux-Tiberinus , et
dans Astrate , lui offroit assez de quoi se
consoler du peu de réussite de Pausanias,
et de Bellerofon ; de sorte que joignant à
cela sa Mere coquette , il pouvoit justement
se vanter de posseder trois genres ,
dont le moindre auroit suffi pour illustrer
un Auteur. Vous m'accuserez tant
qu'il vous plaira de trop de prévention .
Pour lui ,je vous ai déja dit que c'est mon
Auteur favori ; et d'ailleurs la préférence
que je lui donne est fondée sur des titres
qui me paroissent incontestables ; j'en ai
trop dit pour une Lettre , mais non pour
deffendre une gloire si solidement établie
et si injustement attaquée ; l'espere ,Mon-
Ciiij sicur,
2536 MERCURE DE FRANCE
sieur , que si vous faites un peu plus de
réfléxion sur cette apologie , que vous
n'en avez fait à la représentation d'Astrate
; vous vous rapprocherez de mon
sentiment : Je suis , rancune tenant , votre,
&c.
Fermer
Résumé : SECONDE Partie de la Lettre sur la Tragedie d'Astrale.
La lettre traite de la tragédie 'Astrate' de Quinault. L'auteur rappelle à son destinataire qu'il n'a fait qu'esquisser le portrait de Quinault et promet de révéler des traits plus dignes de lui dans la pièce. Il cite des extraits de la cinquième scène du troisième acte, où Sychée, père d'Astrate, révèle sa véritable identité et ses intentions de venger le roi légitime. Sychée exprime son devoir envers son maître et son refus de trahir ses serments, malgré les supplications d'Astrate. La lettre met en avant la noblesse et la fermeté des sentiments exprimés par Sychée, comparables à ceux de Corneille. L'auteur passe ensuite à l'acte quatrième, où Sychée révèle à Astrate qu'il est le fils du roi légitime. Astrate est déchiré entre son amour pour la reine et son devoir de venger son père. La scène suivante montre la reine et Astrate, ce dernier révélant qu'il est l'ennemi qu'elle cherche à éliminer. La lettre souligne l'intensité dramatique et la profondeur des sentiments exprimés dans ces scènes. L'auteur défend le style de Quinault, souvent critiqué pour sa douceur, et souligne que même des auteurs comme Racine et Boileau ont échoué dans le genre de l'opéra. Il conclut en citant des vers de Sychée, illustrant son dévouement et son sens du devoir jusqu'à la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
284
p. [2627]-2634
La réunion des Amours, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens François ont donné au commencement de ce mois, la [...]
Mots clefs :
Cupidon, Amour, Vertu, Minerve
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La réunion des Amours, [titre d'après la table]
SPECTACLE S.
L
Es Comédiens François ont donné
au commencement de ce mois , la
Réunion des Amours , Comédie Heroïque,
en un Acte en Prose , qui est fort bien
représentée et fort applaudie. Elle est
bien écrite et avec beaucoup d'esprits
ornée de traits fins et délicats . Nous allons
tâcher de mettre le Lecteur en état
d'en juger.
Personnages.
le sieur Granval.
L'Amour
la Dille Gossin.
Cupidon ,
la Dille d'Angeville.
Apollon ,
Mercure
Plutus .
Minerve ;
La Verité .
La Vertu ,
le sieur Armand.
le sieur Duchemin.
la Dil Baron.
la De La Motte.
La Dile Labat.
Le sujet de cette Comédie est purement
allegorique ; on voit bien que l'Auteur ne
Gij l'a
2628 MERCURE DE FRANCE
pas
l'avoit d'abord traité comme on l'a
vû représenter , et qu'il ne fait que mettre
en hypothese ce qui en faisoit l'action
principale. Deux sortes d'Amours , dont
Fun s'appelle le Dieu de la tendresse ,
et l'autre Cupidon , ouvrent la Scene ; ils
se reprochent réciproquement leurs deffauts
; le Dieu de la tendresse traite son
Rival de libertin , et Cupidon le traite
de benest. Le premier expose le sujet pas
çes mots :
Allez , petit libertin que vous êtes , votre
audace ne m'offense point , et votre Empire
touche peut-être à sa fin. Jupiter au
jourd'huy fait assembler tous les Dieux ; il
veut que chacun d'eux fasse un don an Fils
d'un grand Roy qu'il aime ; je suis invité à
Assemblée ; Tremblez des suites que peut
avoir cette avanture.
Cupidon un peu étonné d'une Convo
cation generale , à laquelle il n'est pas
invité , veut s'éclaircir de cet oubli avec
Mercure qu'il voit venir. Mercure lui
apprend qu'il avoit une deffense expresse
de le mettre dans la Liste , et que cette.
deffense venoit de Minerve ; Plutus et
Apollon entrent dans cette Scene , mais
ils n'y sont pas absolument nécessaires
pour l'intelligence du Sujet , ainsi nous
pouvons nous dispenser de les faire
parler
Minerve
NOVEMBRE 1731 . 2629
Minerve vient entendre le Plaidoyer
des deux Amours ; elle ne juge pas à propos
de prononcer entre eux ; elle veut
qu'ils plaident encore devant la Vertu
Personnage Episodique , auquel on a
trouvé Minerve auroit bien pû supque
pléer.
-même
La Vertu vient entendre le Demandeur
et le Deffendeur ; ils lui font tous deux
une déclaration d'amour ; mais celle de
Cupidon est si vive , que la vertu même
est contrainte de s'en garantir par la fuite.
Minerve vient enfin leur prononcer
l'Arrêt irrevocable du Conseil des Dieux ;
voici comme elle s'explique Cupidon
la Vertu décidoit contre vous , et moy -
j'allois être de son sentiment , si Jupiter
n'eûtjugé à propos de vous réunir , en vous
corrigeant , pour former le coeur du Prince,
avec vôtre Confrere , il est vray , l'Ame est
trop tendres mais avec vous elle est trop libertine
; il fait souvent des coeurs ridicules ,
mais vous n'en faites que de méprisables ;
il égare l'esprit , mais vous ruinez les moeurs ;
il n'a que des défauts , mais vous avez des
vices. Unissez- vous tous deux ; rendez- le
plus vif et plus passionné , et qu'il vous rende
plus tendre et plus raisonnable , et vens
serez sans reproche. Au reste , ce n'est pas
un Conseil que je vous donne , c'est un ordre
de Jupiter que je vous annonce.
G iij
"
La
2630 MERCURE DE FRANCE
2
La Piece finit par cette courte réponse
de Cupidon , c'est - à -dire de , l'Amour libertin's
Allons, mon Camarade , je le veux
bien ; embrassons- nous ; je vous apprendray
àn'être plus si sot , et vous m'apprendrez à
être plus sage.
❤
On doit juger par ce petit Extrait
qu'on auroit fait un très joli Dialogue
ou un Prologue de cette Piece simplifice ,
et sans y parler du grand Prince , qui en
est l'objer. Le Public nous sçaura gré
d'inserer ici quelques fragments de cette
aimable Allegorie : Nous les reduirons
aux Plaidoyers et aux Déclarations d'Amour,
Devant Minerve , l'Amour s'exprime
ainsi.
Qui êtes- vous , pour oser me disputer quel-
•que chose ? vous qui n'avez pour attribist
que le vice , digne heritage d'une origine
aussi impure que la vôtre ? Divinité scanda-
Jense , dont le culte est un crime à qui la
seule corruption des hommes a dressé des
Autels ? Vous à qui les devoirs les plus sa-
Brez servent de victimes ? Vous qu'on ne
peut bonorer sans immolér la Vertu ? Funeste
Auteur des plus hanteuses flêtrissures , qui ,
・pour récompense à ceux qui vous suivent
ne leur laissez que le déshonneur , repentir
, et la misere en partage ? osez - vous
vons comparer à moy ? An Dien de la plits
noble
le
NOVEMBRE 1731 2639
moble , de la plus estimable , de la plus tendre
des passions , et , j'ose dive , de la plus
feconde en Héros ?
Cupidon.
Bon , des Héros ! nous voilà bien riches ;
est-ce que vous croyez que la Terre ne se
passeroit pas bien de ces Messieurs là ?
Alle ; ils sont plus curieux à voir que
nécessaires ; leur gloire a trop d'attirail ; si
Fon rabbatoit tous les frais qu'il en coûte
pourles avoir on verroit qu'on les achette
plus qu'ils ne valent. On est bien dupe de
les admirer , puisqu'on en paye lafaçon. Il
faui que les hommes vivent un peu plus uniment
les uns avec les autres , pour être en
repos vos Héros sortent du niveau et ne
font que du tintamarre : Poursuivons & e...
2
L'Amour.
J
Qu'est-ce que c'étoit autrefoisque l'Amour 3
Je l'appellois tout à l'heure une passion ; c'étoit
une veriu , Déesse ; c'étoit du moins l'origine
de toutes les vertus , &c. De mon temps
La Pudeur étoit la plus aimable des graces.
Cupidon-
Eh bien , il ne faut pas faire tant de bruit,
c'est encore de même ; je n'en connois point de
si piquante , moi , que la pudeur;je l'adore
O iiij et
2632 MERCURE DE FRANCE
La
et mes sujets aussi . Ils la trouvent si charmante
qu'ils la poursniventpar tout où ils la tronvent.
Je m'appelle l'Amour ; mon mêtier n'est
pas d'avoir soin d'elle , il y a le respect ,
sagesse , l'honneur qui sont commis à sa garde
, voilà ses Officiers ; c'est à eux à la deffendre
du danger qu'elle court , et ce dangèr
' est moi , &c.
Voici comme parle l'Amour à la Vertu .
Je vous dirai, Madame , que mon respect
a réduit mes sentimens à se taire . Ils n'ont osé
se produire que dans mes timides regards ;
mais il n'estplus temps defeindre,ni de vous
dérober votre victime , je sçais tout ce que je
risque à vous déclarer ma flamme , vos rigueurs
vont punir món audace , vous allez
accabler un temeraire ; mais , Madame , aw
milieu du courroux qui va vous saisir , souvenez
- vous du moins que ma témerité n'a
jamais passéjusqu'à l'esperance , et que ma
respectueuse ardeur..
Cupidon.
Encore du respect ! voilà mes vapeurs qui
me reprennent , &c... Non , Déesse adorable
, ne m'exposez point à vous dire que je
vous aime. Vous regardez ceci comme une
feinte
NOVEMBRE. 1737. 2633
feinte , mais vous êtes trop aimable , et mon
• coeur pourroit s'y méprendre. Je vous dis la
verité ; ce n'est pas d'aujourd'hui que vous
me touche ; je me connois aux charmes , ni
sur la terre , ni dans les cieux,je ne vois rien
qui ne le cede aux vôtres. Combien de fois
n'ai-je pas êté tenté de me jetter à vos genoux
? Quelles délices pour moi que d'aimer
la vertu , sije pouvois être aimé d'elle . Eh!
pourquoi ne m'aimeriez- vous pas ? Que veut
dire ce penchant qui me porte à vous , s'il
n'annonce que vous y serez sensible ? Je sens
que tout mon coeur vous est dû , n'avez- vous
pas quelque repugnance à me refuser le vôtre?
Aimable vertu , me fuirez - vous toujours ,
regardez-moi , vous ne me connoissez pas :
c'est l'amour à vos genoux qui vous parle
essayez de le voir , il est soumis , il ne veut
que vous flechir je vous aime je vous le dis ,
vous m'entendez ; mais vos yeux ne me rassurent
pas , un regard acheveroit mon bonheur.
Un regard ? Ah ! quel plaisir ! vous
me l'accordez,chere main que j'idolatre , recevez
mes transports . Voici leplus heureux ins
tant qui me soit échu en partage.
J: 1
Cette vivacité de stile , secondée de la
légéreté et de la grace que la Die Dangeville
a naturellement à s'énoncer, a charmé
également la Cour et la Ville ; et nous
Gv
2634 MERCURE DE FRANCE
ne doutons point que nos Lecteurs ne
conviennent que la reunion des Amours ,
est un ouvrage à faire beaucoup d'honneur
à son ingénieux Auteur. Au reste les Dlles
Dangeville et Gossin , qui sont deux jeunes
et aimables personnes, remplies d'heureux
talens pour la déclamation , satisfont
également l'esprit et les regards avides
des Spectateurs , charmez de leurs agrémens
personnels , sous cet heureux et
riant déguisement.
Là- dessus une Muse , délicatement ba
dine , s'est exercée en cette maniere.
L
Es Comédiens François ont donné
au commencement de ce mois , la
Réunion des Amours , Comédie Heroïque,
en un Acte en Prose , qui est fort bien
représentée et fort applaudie. Elle est
bien écrite et avec beaucoup d'esprits
ornée de traits fins et délicats . Nous allons
tâcher de mettre le Lecteur en état
d'en juger.
Personnages.
le sieur Granval.
L'Amour
la Dille Gossin.
Cupidon ,
la Dille d'Angeville.
Apollon ,
Mercure
Plutus .
Minerve ;
La Verité .
La Vertu ,
le sieur Armand.
le sieur Duchemin.
la Dil Baron.
la De La Motte.
La Dile Labat.
Le sujet de cette Comédie est purement
allegorique ; on voit bien que l'Auteur ne
Gij l'a
2628 MERCURE DE FRANCE
pas
l'avoit d'abord traité comme on l'a
vû représenter , et qu'il ne fait que mettre
en hypothese ce qui en faisoit l'action
principale. Deux sortes d'Amours , dont
Fun s'appelle le Dieu de la tendresse ,
et l'autre Cupidon , ouvrent la Scene ; ils
se reprochent réciproquement leurs deffauts
; le Dieu de la tendresse traite son
Rival de libertin , et Cupidon le traite
de benest. Le premier expose le sujet pas
çes mots :
Allez , petit libertin que vous êtes , votre
audace ne m'offense point , et votre Empire
touche peut-être à sa fin. Jupiter au
jourd'huy fait assembler tous les Dieux ; il
veut que chacun d'eux fasse un don an Fils
d'un grand Roy qu'il aime ; je suis invité à
Assemblée ; Tremblez des suites que peut
avoir cette avanture.
Cupidon un peu étonné d'une Convo
cation generale , à laquelle il n'est pas
invité , veut s'éclaircir de cet oubli avec
Mercure qu'il voit venir. Mercure lui
apprend qu'il avoit une deffense expresse
de le mettre dans la Liste , et que cette.
deffense venoit de Minerve ; Plutus et
Apollon entrent dans cette Scene , mais
ils n'y sont pas absolument nécessaires
pour l'intelligence du Sujet , ainsi nous
pouvons nous dispenser de les faire
parler
Minerve
NOVEMBRE 1731 . 2629
Minerve vient entendre le Plaidoyer
des deux Amours ; elle ne juge pas à propos
de prononcer entre eux ; elle veut
qu'ils plaident encore devant la Vertu
Personnage Episodique , auquel on a
trouvé Minerve auroit bien pû supque
pléer.
-même
La Vertu vient entendre le Demandeur
et le Deffendeur ; ils lui font tous deux
une déclaration d'amour ; mais celle de
Cupidon est si vive , que la vertu même
est contrainte de s'en garantir par la fuite.
Minerve vient enfin leur prononcer
l'Arrêt irrevocable du Conseil des Dieux ;
voici comme elle s'explique Cupidon
la Vertu décidoit contre vous , et moy -
j'allois être de son sentiment , si Jupiter
n'eûtjugé à propos de vous réunir , en vous
corrigeant , pour former le coeur du Prince,
avec vôtre Confrere , il est vray , l'Ame est
trop tendres mais avec vous elle est trop libertine
; il fait souvent des coeurs ridicules ,
mais vous n'en faites que de méprisables ;
il égare l'esprit , mais vous ruinez les moeurs ;
il n'a que des défauts , mais vous avez des
vices. Unissez- vous tous deux ; rendez- le
plus vif et plus passionné , et qu'il vous rende
plus tendre et plus raisonnable , et vens
serez sans reproche. Au reste , ce n'est pas
un Conseil que je vous donne , c'est un ordre
de Jupiter que je vous annonce.
G iij
"
La
2630 MERCURE DE FRANCE
2
La Piece finit par cette courte réponse
de Cupidon , c'est - à -dire de , l'Amour libertin's
Allons, mon Camarade , je le veux
bien ; embrassons- nous ; je vous apprendray
àn'être plus si sot , et vous m'apprendrez à
être plus sage.
❤
On doit juger par ce petit Extrait
qu'on auroit fait un très joli Dialogue
ou un Prologue de cette Piece simplifice ,
et sans y parler du grand Prince , qui en
est l'objer. Le Public nous sçaura gré
d'inserer ici quelques fragments de cette
aimable Allegorie : Nous les reduirons
aux Plaidoyers et aux Déclarations d'Amour,
Devant Minerve , l'Amour s'exprime
ainsi.
Qui êtes- vous , pour oser me disputer quel-
•que chose ? vous qui n'avez pour attribist
que le vice , digne heritage d'une origine
aussi impure que la vôtre ? Divinité scanda-
Jense , dont le culte est un crime à qui la
seule corruption des hommes a dressé des
Autels ? Vous à qui les devoirs les plus sa-
Brez servent de victimes ? Vous qu'on ne
peut bonorer sans immolér la Vertu ? Funeste
Auteur des plus hanteuses flêtrissures , qui ,
・pour récompense à ceux qui vous suivent
ne leur laissez que le déshonneur , repentir
, et la misere en partage ? osez - vous
vons comparer à moy ? An Dien de la plits
noble
le
NOVEMBRE 1731 2639
moble , de la plus estimable , de la plus tendre
des passions , et , j'ose dive , de la plus
feconde en Héros ?
Cupidon.
Bon , des Héros ! nous voilà bien riches ;
est-ce que vous croyez que la Terre ne se
passeroit pas bien de ces Messieurs là ?
Alle ; ils sont plus curieux à voir que
nécessaires ; leur gloire a trop d'attirail ; si
Fon rabbatoit tous les frais qu'il en coûte
pourles avoir on verroit qu'on les achette
plus qu'ils ne valent. On est bien dupe de
les admirer , puisqu'on en paye lafaçon. Il
faui que les hommes vivent un peu plus uniment
les uns avec les autres , pour être en
repos vos Héros sortent du niveau et ne
font que du tintamarre : Poursuivons & e...
2
L'Amour.
J
Qu'est-ce que c'étoit autrefoisque l'Amour 3
Je l'appellois tout à l'heure une passion ; c'étoit
une veriu , Déesse ; c'étoit du moins l'origine
de toutes les vertus , &c. De mon temps
La Pudeur étoit la plus aimable des graces.
Cupidon-
Eh bien , il ne faut pas faire tant de bruit,
c'est encore de même ; je n'en connois point de
si piquante , moi , que la pudeur;je l'adore
O iiij et
2632 MERCURE DE FRANCE
La
et mes sujets aussi . Ils la trouvent si charmante
qu'ils la poursniventpar tout où ils la tronvent.
Je m'appelle l'Amour ; mon mêtier n'est
pas d'avoir soin d'elle , il y a le respect ,
sagesse , l'honneur qui sont commis à sa garde
, voilà ses Officiers ; c'est à eux à la deffendre
du danger qu'elle court , et ce dangèr
' est moi , &c.
Voici comme parle l'Amour à la Vertu .
Je vous dirai, Madame , que mon respect
a réduit mes sentimens à se taire . Ils n'ont osé
se produire que dans mes timides regards ;
mais il n'estplus temps defeindre,ni de vous
dérober votre victime , je sçais tout ce que je
risque à vous déclarer ma flamme , vos rigueurs
vont punir món audace , vous allez
accabler un temeraire ; mais , Madame , aw
milieu du courroux qui va vous saisir , souvenez
- vous du moins que ma témerité n'a
jamais passéjusqu'à l'esperance , et que ma
respectueuse ardeur..
Cupidon.
Encore du respect ! voilà mes vapeurs qui
me reprennent , &c... Non , Déesse adorable
, ne m'exposez point à vous dire que je
vous aime. Vous regardez ceci comme une
feinte
NOVEMBRE. 1737. 2633
feinte , mais vous êtes trop aimable , et mon
• coeur pourroit s'y méprendre. Je vous dis la
verité ; ce n'est pas d'aujourd'hui que vous
me touche ; je me connois aux charmes , ni
sur la terre , ni dans les cieux,je ne vois rien
qui ne le cede aux vôtres. Combien de fois
n'ai-je pas êté tenté de me jetter à vos genoux
? Quelles délices pour moi que d'aimer
la vertu , sije pouvois être aimé d'elle . Eh!
pourquoi ne m'aimeriez- vous pas ? Que veut
dire ce penchant qui me porte à vous , s'il
n'annonce que vous y serez sensible ? Je sens
que tout mon coeur vous est dû , n'avez- vous
pas quelque repugnance à me refuser le vôtre?
Aimable vertu , me fuirez - vous toujours ,
regardez-moi , vous ne me connoissez pas :
c'est l'amour à vos genoux qui vous parle
essayez de le voir , il est soumis , il ne veut
que vous flechir je vous aime je vous le dis ,
vous m'entendez ; mais vos yeux ne me rassurent
pas , un regard acheveroit mon bonheur.
Un regard ? Ah ! quel plaisir ! vous
me l'accordez,chere main que j'idolatre , recevez
mes transports . Voici leplus heureux ins
tant qui me soit échu en partage.
J: 1
Cette vivacité de stile , secondée de la
légéreté et de la grace que la Die Dangeville
a naturellement à s'énoncer, a charmé
également la Cour et la Ville ; et nous
Gv
2634 MERCURE DE FRANCE
ne doutons point que nos Lecteurs ne
conviennent que la reunion des Amours ,
est un ouvrage à faire beaucoup d'honneur
à son ingénieux Auteur. Au reste les Dlles
Dangeville et Gossin , qui sont deux jeunes
et aimables personnes, remplies d'heureux
talens pour la déclamation , satisfont
également l'esprit et les regards avides
des Spectateurs , charmez de leurs agrémens
personnels , sous cet heureux et
riant déguisement.
Là- dessus une Muse , délicatement ba
dine , s'est exercée en cette maniere.
Fermer
Résumé : La réunion des Amours, [titre d'après la table]
La pièce 'La Réunion des Amours' a été représentée par les Comédiens Français au début du mois de novembre 1731. Cette comédie héroïque en un acte en prose a été bien accueillie pour son écriture spirituelle et ses traits fins et délicats. L'intrigue est allégorique et met en scène deux types d'Amours : le Dieu de la tendresse et Cupidon. Ces personnages se reprochent mutuellement leurs défauts, le premier traitant Cupidon de libertin et Cupidon le traitant de benêt. Le sujet principal est une assemblée des dieux convoquée par Jupiter, où chaque dieu doit faire un don au fils d'un grand roi. Cupidon, étonné de ne pas être invité, apprend de Mercure que Minerve s'y oppose. Minerve, après avoir entendu les plaidoyers des deux Amours, décide de les renvoyer devant la Vertu. Cupidon, par sa déclaration d'amour, contraint la Vertu à fuir. Minerve prononce finalement l'arrêt de Jupiter, ordonnant aux deux Amours de se réunir pour former un cœur équilibré, ni trop tendre ni trop libertin. La pièce se termine par l'acceptation de Cupidon de cette union. Les acteurs, notamment les demoiselles Dangeville et Gossin, ont été salués pour leur talent et leur grâce, charmant à la fois la cour et la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
285
p. 2744-2749
L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Début :
Triste Hymen, quel est ton partage, [...]
Mots clefs :
Hymen, Amour, Esclavage, Rigueurs, Cœur, Langage, Foi, Loi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
L'HYMEN ET L'AMOUR ,
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Cantate à deux voix ,
L'Hymen.
TRiste Hymen , quel est ton partage;
Tu ne promets que des faveurs ,
Et malgré toutes tes douceurs ,
On craint , on fuit ton esclavage.
L'Amour n'offre que des rigueurs ,
Et l'Amour seul a l'avantage
De triompher de tous les coeurs.
Я
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2745
L'Hymen dans les bois de Cythere ,
Exprimoit en ces mots ces tristes déplaisirs ,
L'Amo qui l'observoit dans ce lieu solitaire ,
Etoit témoin de ses soupirs.
Tandis que se livrant à sa douleur secrette ,
En vains regrets i alloit s'épancher :
L'Amour sortit de sa retraite ;
L'Amour long-temps ne sçauroit se cacher.
L'Hymen le vit , il en frémit de rage ,
Et lui tint ce langage :
L'Hymen.
Amour , cruel auteur de tous mes déplaisirs ,
Quoi ! ne puis-je éviter ta présence importune ?
Te verrai -je en tous lieux traverser mes desirs ?
Qu'il te suffise , helas ! de troubler ma fortune ,
Ne viens point troubler mes soupics.
L'Amour.
L'Amour ne cherche pas,Hymen,à te contraindre,
Pourquoi l'Amour te fait-il peur ?
Mais sans cesse l'Hymen est de mauvaise hemeur
,
Et l'on l'entend toûjours se plaindre
L'Hymen.
L'Amour cause tout mon ennui ,
De l'Amour seul j'ai tout à craindre ;
Et je në me plains que de lui .
I. Veh Cij
L'A
2746 MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
Quel transport contre moi t'anime ?
Je ne blesse point de Mortels
Que ce ne soit une victime ,
Que je pare pour tes Autels.
L'Hymen.
Jous ce piege trompeur tu triomphes d'une ame ,
Dont tu surprens la foy :
Et pour l'asservir à ta loi ,
Sous les feux de l'Hymen tu déguises la Яâme ,
Que tu n'allumes que pour toi,
L'Amour.
Je ne réponds pas des caprices ,
D'un coeur qu'épouventent tes noeuds ;
Et je n'ai pas besoin de tous ces artifices ,
Pour faire triompher mes feux.
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits ;
Je ne dois qu'à mes charmes ;
Les coeurs que je soumets ;
Le pouvoir de mes armes ,
Est dans mes seuls attraits.
L'Hymen.
Sous ton Empire redoutable ;
1. Vol.
Quel
DECEMBRE. 1731. 2747
}
Quel coeur peut vivre heureux ?
u lui fais éprouver des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable ;
L'Hymen plus favorable ,
Assure son bonheur et comble tous ses voeux.
Qui de nous deux est plus aimable
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Sous ton Empire redoutable ,
Quel coeur peut vivre heureux ,
Tu lui fais ressentir des maux les plus affreux ,
La rigueur insupportable.
L'H.
LA.
L'Hymen plus favorable ,
L'Amour plus favorable ,
L'H. Assure son bonheur et comble tous see
voeux :
L'A. Assure ses plaisirs sans contraindre seg
feux :
Ens. Qui de nous deux est plus aimable,
L'Hymen.
L'Amour n'entend que les soupirs
Des Amans que ses loix ont rendus miserables
L'Amour.
Il n'est point sous mes loix de peines comparables
Aux ennuis , au dégout qui suivent tes plaisirs.
L'Hymen.
Tes biens sont imparfaits , mes plaisirs sont dua
rables Ciiij L'A2748
MERCURE DE FRANCE
L'Amour.
En peut- il être sans desirs.
L'Hymen.
Quand on possede ce qu'on aime
Que refte-t'il à desirer ?
L'Amour.
Qui ne desire rien , ne doit rien esperer ;
Et c'est un mal extrême .
De l'Amant le plus malheureux
L'espoir adoucit les allarmes ,
L'espoir assaisonne les charmes ,
Du bonheur qui comble nos voeux.
L'Hymen.
L'espoir et les desirs sont de vaines chimeres ,
Dont tu repais mille Amans abusez ;
Ce sont des biens imaginaires ,
Ou plutôt des maux déguisez.
L'Amour.
Les biens que promettent tes chaînes ,
Sont trop sujets aux repentirs ;
Mes maux deviennent des plaisirs ,
Tes plaisirs deviennent des peines .
Mais sur nos interêts pourquoi nous aigrir tant
Hymen, cessons de nous plaindre !
1. Vol.
L'Hymen
DECEMBRE 1731. 2742,
L'Hymen.
'Amour , cessons de nous craindre .
L'Hymen et l'Amour.
N'ayons jamais de different.
L'Amour.
L'Amour t'en presse.
L'H.
L'A.
L'Hymen
Et l'Hymen y consens.
L'Amour et l'Hymen ensemble.
Portons nos coups d'intelligence ,
NNee ffeerrmmoonnss que d'aimables noeuds.
N'allumons que d'aimables feux ;
Aux plus tendres liens attachons la constance.
L'A. Rendons tous les Amans heureux.
L'H. Rendons tous les Epoux heureux ;
Qu'ils soient toujours unis , et toûjours amou
reux.
Fermer
Résumé : L'HYMEN ET L'AMOUR, Cantate à deux voix,
Le texte présente une cantate intitulée 'L'Hymen et l'Amour', structurée sous forme de dialogue entre deux personnages : l'Hymen et l'Amour. L'Hymen exprime son désarroi et sa crainte face à l'Amour, qu'il considère comme la source de tous ses malheurs. Il reproche à l'Amour de troubler ses désirs et de causer son ennui. L'Amour, en réponse, affirme que ses charmes et ses attraits suffisent à conquérir les cœurs sans besoin de tromperie. L'Hymen accuse l'Amour de piéger les âmes et de les asservir, tandis que l'Amour rétorque que les liens de l'Hymen entraînent des maux affreux et une rigueur insupportable. Les deux personnages débattent ensuite des plaisirs et des peines qu'ils apportent. L'Hymen assure que ses plaisirs sont durables, tandis que l'Amour argue que ses désirs et ses espoirs adoucissent les alarmes des amants. Finalement, ils décident de cesser leurs plaintes et leurs craintes mutuelles et de collaborer pour rendre les amants et les époux heureux et unis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
286
p. 2783-2789
RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Début :
I. QUESTION. Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en même temps dans [...]
Mots clefs :
Réflexions, Prieur, Amour, Raison, Enfants, Fibres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
REFLEXIONS de M. Simonnet , Prieur
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
Fermer
Résumé : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Le texte 'Réflexions de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville' traite de deux questions soulevées dans le Mercure de mai 1731. La première question porte sur la compatibilité de l'amour et de la raison. Simonnet soutient que toute passion dominante, notamment l'amour, est incompatible avec la raison. L'amour, qualifié de tyran, asservit la raison et la domine de manière impérieuse et absolue. Cette passion triomphe toujours au détriment de la raison, même chez les grands hommes et les sages, qui peuvent sombrer dans des folies et des extravagances sous son influence, comme en témoigne l'exemple de Salomon. La deuxième question explore les causes physiques ou morales de la mort prématurée des enfants prometteurs ou de la dégénérescence de leur vivacité en stupidité. Simonnet identifie plusieurs facteurs possibles, tels que des accidents inévitables, des semences de corruption ou des intempéries, qui peuvent entraîner la mort des enfants. Pour les enfants brillants, un excès de soin dans leur éducation peut épuiser leurs esprits et affaiblir leurs organes. Il compare cette situation à un jeune arbre surchargé de fruits, qui finit par mourir ou languir. Pour éviter ce phénomène, il est essentiel de ménager ces jeunes esprits, de leur offrir des récréations et de ne pas les surcharger d'études.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
287
p. 2851-2852
AIR A BOIRE.
Début :
L'Homme autrefois craintif et superstitieux, [...]
Mots clefs :
Avare, Amour, Tristesse, Bacchus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR A BOIRE.
AIR A BOIRE.
'Homme autrefois craintif et superstitieux ,
Avoit rempli le Ciel , l'Enfer , la Terre et l'Onde
De mille et mille Dieux.
Ces anciens Maîtres du Monde
Ont vú détruire leurs Autels ;
Il n'en est plus que trois qu'adorent les Mortels
L'un est le puissant Dieu qui préside aux Richesses
,
1.Vol. L'autre
2852 MERCURE DE FRANCE
L'autre inspire à nos coeurs d'amoureuses ten ■
dresses ,
Et le dernier des trois , enfin >
Par ses précieuses largesses .
Fournit nos Buffets de bon Vin.
Plutus livre l'Avare à des désirs sans fin ?
Les plaisirs de l'Amour sont mêlez de tristesse
Baccus , le seul Baccus fait un heureux destin.
'Homme autrefois craintif et superstitieux ,
Avoit rempli le Ciel , l'Enfer , la Terre et l'Onde
De mille et mille Dieux.
Ces anciens Maîtres du Monde
Ont vú détruire leurs Autels ;
Il n'en est plus que trois qu'adorent les Mortels
L'un est le puissant Dieu qui préside aux Richesses
,
1.Vol. L'autre
2852 MERCURE DE FRANCE
L'autre inspire à nos coeurs d'amoureuses ten ■
dresses ,
Et le dernier des trois , enfin >
Par ses précieuses largesses .
Fournit nos Buffets de bon Vin.
Plutus livre l'Avare à des désirs sans fin ?
Les plaisirs de l'Amour sont mêlez de tristesse
Baccus , le seul Baccus fait un heureux destin.
Fermer
Résumé : AIR A BOIRE.
Le texte relate l'évolution des croyances religieuses, passant de multiples divinités à trois dieux principaux. Plutus, dieu des richesses, suscite des désirs infinis. Le dieu de l'amour mêle plaisir et tristesse. Bacchus, dieu du vin, apporte un destin heureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
288
p. 2886-2887
RONDEAU.
Début :
A Tous les cœurs, même objet ne plaît gueres [...]
Mots clefs :
Amour, Chômer, Cœurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RONDEAU.
RONDE AV.
Tous les coeurs, même objet ne plaît gueres
On ne voit pas aux fêtes de Cythere ; "
DECEMBRE. 1731. 2887
Sans cesse Amour chomer le même nom ;
Si toutefois on excepte Bourbon
Qu'à sa Venus Amathonte préfere.
Vous ignorez qui possede le don
D'unir ensemble et le fin et le bon.
Dans un esprit aimable et sûr de plaire
A tous les coeurs ?
C'est vous , Princesse , un funeste poison
Troubloit vos jours ; jamais santé plus chere
N'allarma plus sentiment et raison ,
Or à present sur votre guérison
A qui faut-il un compliment sincere !
A tous les cours.
Tous les coeurs, même objet ne plaît gueres
On ne voit pas aux fêtes de Cythere ; "
DECEMBRE. 1731. 2887
Sans cesse Amour chomer le même nom ;
Si toutefois on excepte Bourbon
Qu'à sa Venus Amathonte préfere.
Vous ignorez qui possede le don
D'unir ensemble et le fin et le bon.
Dans un esprit aimable et sûr de plaire
A tous les coeurs ?
C'est vous , Princesse , un funeste poison
Troubloit vos jours ; jamais santé plus chere
N'allarma plus sentiment et raison ,
Or à present sur votre guérison
A qui faut-il un compliment sincere !
A tous les cours.
Fermer
Résumé : RONDEAU.
Le poème 'RONDE AV.' de décembre 1731 traite de l'amour et de ses ambiguïtés. Il critique les fêtes de Cythère et mentionne une préférence de Bourbon pour sa Vénus d'Amathonte. Il évoque une princesse malade, victime d'un poison, mais en voie de guérison. Un compliment sincère est adressé à toutes les cours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
289
p. [2915]-2921
LA JEUNESSE, CHANTATE,
Début :
Dans un songe flatteur, une jeune Déesse, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Déesse, Plaisir, Bacchus, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE, CHANTATE,
LA JEUNESSE,
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
D
CHANTATE ,
Par M. Cavalies , Avocat.
Ans un songe flateur , une jeune
Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plàs
doux attraits.
A son air vif, brillant et frais,
Je reconnus bientôt l'agréable Jeunesse.
Autour d'Hébé voloient mille petits Amours ,
11. Vol. A ij Qui
C
2916 MERCURE DE FRANCE
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le temps sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et le Printemps soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toûjours nou
velles ;
Les Graces dévançoient la fille de Junon ,
Ou s'arrêtoient sur son visage ;
Les folâtres plaisirs , le galant badinage ,
Par son ordre enchaînoient la severe Raison.
La Troupe immortelle,
Du plus haut des Cieux ,
Répandoit sur elle ,
Ses dons précieux.
Mars épris des charmes
Dont brilloient ses yeux ,
Lui donnoit ses armes ;
Venus , sa douceur ,
Le fils de Seméle ,
Plein de sa liqueur ,
L'offroit à la Belle,
La Reine des Bois ,
Son Arc , son Carquois,
Pour toi des plus beaux jours je vois ourdir la
trame ,
1. Vola Choisis
DECEMBRE . 1731. 2917
Choisis , me dit Hébé , d'un air doux, gracieux >
Des présens des Dieux',
Gelui qui maintenant flate le plus ton ame.
Veux-tu dans les combats à la suite de Mars ,
Affronter les hazards ?'
Tu verras bien- tôt la victoire ,
Rendre de tes Exploits tout l'Univers témoin ,,
Et prendre également le soin ,
Et de tes jours et de ta gloire :
J'obéïs , et je cours au milieu des combats ;
Mille foudres d'airain tournent contre ma tête
Une affreuse tempête ;
Le plomb vole , avec lui vole encor le trépas ;
Mais en vain ; la fureur pousse , anime mon bras;
Par mille cruautez j'exerce mon courage ;
Mais enfin fatigué de sang et de carnage ,
De mes cruels transports je reconnois l'horreur ››
Et j'ay honte de ma fureur.
Aimable Jeunesse ,
Regle mes plaisirs ;
Mais vers la tendresse ,
Tourne mes desirs.
Que loin des allarmes ,
Le paisible Amour ,
Na Vol .
A iij Par
2918 MER CURE DE FRANCE
Par de plus doux charmes,
M'occupe à son tour.
Aimable Jeunesse , &c. ,
Mais des Nymphes d'Hebé , quelle Troupe bril .
lante ,
Se presente à mes yeux , me ravit et m'enchante
Venus leur prête encor ses plus vifs agrémens ;
Dans mon coeur agité , grands Dieux ! quels
mouvemens !
Les Nymphes de ma Cour, dit la jeune Déesse ,
Brulent de t'engager sous leurs aimables Loix ;
Leur égale beauté , leur égale tendresse ,
Ne laissent à ton coeur que l'embarras du choix,
Ebloui par l'éclat de sa bonne fortune ,
Mon coeur chancelle quelque tems ;
Mais il se rend enfin aux attraits d'une Brune ,
A l'air vif , aux yeux perçans.
Quels transports , hélas ! quelle joye ,
Dans ces heureux commencemens !
Les douceurs , les plaisirs où mon ame se noye¸¸
Sont autant de ravissemens ;
Je lui jure cent fois une amour éternelle ,
Et de sa bonté naturelle ,
".
J'obtiens bien- tôt mille bienfaits ;
Amour en ma faveur dévoilant ses attraits ,
II. Vol.
Allume
DECEMBRE 1731. 29·19.
Allume dans nos coeurs une'ardeur mutuelle ;
Mais en comblant mes désirs ,
Il m'enleve mes plaisirs.
Un peu trop de perseverance ,.
Pousse un Amant à bout ;
Mais une foible résistance ,.
Apporte le dégout .
`Je t'entends , dit Hebé , dans la Forêt prochaine
Kegarde les Chasseurs que Diane ramene ;
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf , à le mettre aux abois ¿
C'est elle-même qui s'avance ,
Et perce des traits qu'elle lance ,
Les plus fiers habitans des Bois.
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent ,
Ranime le zele ;
Mais le Cerf timide , à ce bruit ,
Tremble , s'épouvante , s'enfuits-
Dans les Bois la Louve en colere ,
Va chercher un sombre réduit ;
Et dans sa Taniere ,
Le Renard frémit.
En vain l'impatiente Aurore ,
Se hâte de rouvrir la barriere du jour ,
...
II. Vol A iiij Plus
29.20 MERCURE DE FRANCE
Plus impatient encore ,
Je devance son retour.
Diane secondant ma vigilante audace ,
Je traverse aisément les plus vastes Guerets ;
Je suis la Déesse à la trace ;
Les Cerfs , les Sangliers sont percez de mes traits;
L'été n'a point de feux , l'hiver n'a point de glaçe
Qui puisse garantir les Hôtes des Forêts.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde ,
Et la Nuit déployant ses plus sombres drapeaux
Vient donner le repos au Monde ,
Et terminer trop tôt d'agréables travaux.
Vien , Bacchus , vien par ta presence ,
Hearter loin de moi ses ennuyeux Pavots ;
Seroit-ce profiter du temps qu'Hébé dispense ,,
Que le passer dans le repos ?
Tandis que l'Univers sommeille ,
Quel agréable son vient frapper mon oreille ?
Est-ce Arion-sauvé de la fureur des flots
Non, c'est Bacchus qui me réveille ,
Au bruit des flacons et des pots.
Beuvons , amis que l'allegresse , ;
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que chacun de nous s'empresse ,
De contenter le Dieu du vin.
II. Vol.
Versez
DECEMBRE 1731. 2921
Versez , amis , versez sans cesse ,
De ce Nectar délicieux ,
Vien me saisir , charmante yvresse ,
Tu vas me rendre égal aux Dieux.
Cen est fait de mes sens , Bacchus se rend te
Maître ;
Amis , secondez mon transport ,
Versez et redoublez .... versez .... un coup?
encor ....
Et ma raison va disparoître.
Ce fut ainsi qu'Hebé par une illusion ,
De mes jeunes ar deurs me retraça l'image ;` ,
Je crus en m'éveillant être encore au
Hélas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
bel âge.,
Mortels , qui commencez à peine votre cours
Ma jeunesse en effet a passé comme un songe ; ;
Hebé vous offre de beaux jours ;
Craignez un semblable mensonge
Fermer
Résumé : LA JEUNESSE, CHANTATE,
Le poème 'La Jeunesse' de M. Cavalies, avocat, relate une vision onirique où la déesse Jeunesse, Hébé, apparaît au narrateur. Hébé est entourée de petits Amours et accompagnée par le Temps, le Printemps, les Grâces et les plaisirs. Mars, Vénus, Apollon et Diane offrent chacun leurs dons à la Jeunesse. Hébé propose au narrateur de choisir parmi ces présents celui qui flatte le plus son âme. Initialement attiré par les combats de Mars, le narrateur se lasse rapidement de la violence. Il se tourne ensuite vers l'amour, charmé par une jeune femme brune, mais l'amour devient monotone et le déçoit. Hébé le dirige alors vers la chasse avec Diane, où il montre son adresse. À la nuit tombée, il se tourne vers Bacchus pour éviter l'ennui, s'enivre et perd la raison. À son réveil, la vision de la Jeunesse disparaît, et il réalise que sa jeunesse a passé comme un songe. Le poème se conclut par une mise en garde aux mortels de profiter des beaux jours offerts par Hébé sans se laisser tromper par l'illusion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
290
p. 2939-2949
REMEDIUM AMORIS.
Début :
Beau Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs, [...]
Mots clefs :
Beaux sexe, Amour, Femmes, Discours, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMEDIUM AMORIS.
REMEDIUM AMORIS.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
Fermer
Résumé : REMEDIUM AMORIS.
Le texte 'Remedium Amoris' critique l'amour et ceux qui l'idéalisent. L'auteur, ayant vécu des expériences contraires, propose ses vers comme remède à ceux qui perdent la raison à cause de l'amour. Il décrit un cimetière lugubre, peuplé de squelettes et d'oiseaux comme le hibou et les corbeaux, préférant affronter des dangers réels plutôt que cette atmosphère morbide. L'auteur relate ensuite les obstacles rencontrés lors de ses rendez-vous amoureux, tels que la présence d'un nourrisson et de sa nourrice, ou les interruptions constantes par des servantes et des visites impromptues. Les réunions sociales sont dépeintes comme des moments de contrainte et de malaise, avec des femmes âgées et des chiens hostiles. L'auteur exprime son dégoût pour ces situations et préfère la liberté à l'amour contraint. Il conclut en conseillant aux amants de fréquenter de tels lieux pour se guérir rapidement de leurs peines amoureuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
291
p. 2980-2982
L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
Début :
Assès loin des Hameaux, une verte Colline [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Hameaux, Bergères, Amour, Allégresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
L'AMI RIVAL ,.
OU LA MORT DE TIRCIS
ου
EGLOGUE.
Assès loin des Hameaux , une verte Colline
Fait couler un Ruisseau , dont l'onde cristalline
En arrosant la Plaine exprime tendrement
Le regret de quitter un séjour si charmant.
Là , des Arbres touffus le spacieux ombrage.
Avoisine le Ciel de son vaste branchage ;
Là mille et mille oiseaux , dès la pointe du jour
Font redire leurs chants aux échos d'alentour ;
L'infortuné Tircis dans ce lieu solitaire ,
Devançoit le retour du Dieu qui nous éclaire ,,
Depuis que par ses feux et sa tendre langueur-
L'amour avoit troublé le repos de son coeur ;
De l'adorable Iris un regard vif et tendre ,
L'avoit rendu Rival de son ami Timandre ;
Le sort lui ravissoit en cet état fatal ,
La funeste douceur de hair son Rival :
Ami parfait , amant trop sensible à sa flamme ;
L'amour et l'amitié tyrannisent son ame :
Mais malgré tous les feux dont il se sent brûler
Il aime mieux mourir que de les relever.
II. Vol..
Ses
DECEMBRE 1731 2981
Ses jours ne coulent plus que dans l'inquiétude ,
Le soin de son troupeau ne fait plus son étude.
Ses chalumeaux oisifs pendent à son côté ;
Hors Iris , dans son coeur pour rien tout est
compté ,
Quand pour ne pas troubler le bonheur de Timandre
,
Il veut cacher les feux qui vinrent le surprendre.
Languissant , abbatu par ce cruel effort ,
Il souffre des tourmens plus affreux que la mort,
Mais à peine le jour ( qu'une foy mutuelle
Doit unir à jamais Timandre avec sa belle )
Pour accabler son coeur , éclaire les coteaux ;
Que les doux Rosignols l'annoncent aux Hameaux.
Les Bergeres auprès viennent parer leur tête ;
L'amour sur mille coeurs medite sa conquête ,
L'on entend retentir le bruit confus et doux
Des Flutes , des Hautbois , et des oiseaux jaloux.
Tout paroit ressentir la commune allegresse ,
Tout au plus insensible , inspire la tendresse ;
De toutes parts enfin par mille jeux divers ,
A la joye , aux plaisirs , tous les coeurs sont ou
verts.
Tircis , le seul Tircis n'en peut être capable ,
A peine il voit briller un jour si remarquable ,
Que d'un trouble mortel tous ses sens sont sur
pris ,
Triste , mais tendre effet de la
perte
d'Iris.
11, Vol.
2982 MERCURE DE FRANCE
Il se dérobe , il fuit une importune foule ;
Par des chemins couverts en secret il s'écoule ;
Il arrive bientôt dans un bois écarté ,
Pour réver au dessein qu'il a prémedité ;
Ah ! dit -il,noirs chagrins , sombre mélancolie )
Terminés , s'il se peut , une odieuse vie :
Il interrompt ses pleurs au son des chalumeaux
Et tournant ses regards du côté des hameaux ::
Il y voit l'allegresse en tous lieux répanduë ,
Pour un Amant qui souffre, insuportable vûë !
Il frémit , et pressé de ses vives douleurs :
» Tout rit , tout est en joye , et moi , ( dit-il , )
je meurs.
A la perte d'Iris je ne sçaurois survivre.
→ Mourons de tant de maux que la mort me délivre
:
Mourons... pour éviter un éternel tourment
» Il ne m'en va couter qu'un seul cruel moment;
» L'amour et l'amitié veulent ce sacrifice :
Fleuve , tu me rendras ce funeste service ,
» Finissant mes malheurs , tu seras mon tom
beau ,
» Tu seras.... dans son sein il s'élance aussitôt
;
A son dernier moment il court , il vole , il
touche
L'onde étouffe sa voix dans sa mourante bouche
Et lorsque cet hymen réjouit les hameaux ,
Le malheureux Tircis expire au fond des Eaux.
OU LA MORT DE TIRCIS
ου
EGLOGUE.
Assès loin des Hameaux , une verte Colline
Fait couler un Ruisseau , dont l'onde cristalline
En arrosant la Plaine exprime tendrement
Le regret de quitter un séjour si charmant.
Là , des Arbres touffus le spacieux ombrage.
Avoisine le Ciel de son vaste branchage ;
Là mille et mille oiseaux , dès la pointe du jour
Font redire leurs chants aux échos d'alentour ;
L'infortuné Tircis dans ce lieu solitaire ,
Devançoit le retour du Dieu qui nous éclaire ,,
Depuis que par ses feux et sa tendre langueur-
L'amour avoit troublé le repos de son coeur ;
De l'adorable Iris un regard vif et tendre ,
L'avoit rendu Rival de son ami Timandre ;
Le sort lui ravissoit en cet état fatal ,
La funeste douceur de hair son Rival :
Ami parfait , amant trop sensible à sa flamme ;
L'amour et l'amitié tyrannisent son ame :
Mais malgré tous les feux dont il se sent brûler
Il aime mieux mourir que de les relever.
II. Vol..
Ses
DECEMBRE 1731 2981
Ses jours ne coulent plus que dans l'inquiétude ,
Le soin de son troupeau ne fait plus son étude.
Ses chalumeaux oisifs pendent à son côté ;
Hors Iris , dans son coeur pour rien tout est
compté ,
Quand pour ne pas troubler le bonheur de Timandre
,
Il veut cacher les feux qui vinrent le surprendre.
Languissant , abbatu par ce cruel effort ,
Il souffre des tourmens plus affreux que la mort,
Mais à peine le jour ( qu'une foy mutuelle
Doit unir à jamais Timandre avec sa belle )
Pour accabler son coeur , éclaire les coteaux ;
Que les doux Rosignols l'annoncent aux Hameaux.
Les Bergeres auprès viennent parer leur tête ;
L'amour sur mille coeurs medite sa conquête ,
L'on entend retentir le bruit confus et doux
Des Flutes , des Hautbois , et des oiseaux jaloux.
Tout paroit ressentir la commune allegresse ,
Tout au plus insensible , inspire la tendresse ;
De toutes parts enfin par mille jeux divers ,
A la joye , aux plaisirs , tous les coeurs sont ou
verts.
Tircis , le seul Tircis n'en peut être capable ,
A peine il voit briller un jour si remarquable ,
Que d'un trouble mortel tous ses sens sont sur
pris ,
Triste , mais tendre effet de la
perte
d'Iris.
11, Vol.
2982 MERCURE DE FRANCE
Il se dérobe , il fuit une importune foule ;
Par des chemins couverts en secret il s'écoule ;
Il arrive bientôt dans un bois écarté ,
Pour réver au dessein qu'il a prémedité ;
Ah ! dit -il,noirs chagrins , sombre mélancolie )
Terminés , s'il se peut , une odieuse vie :
Il interrompt ses pleurs au son des chalumeaux
Et tournant ses regards du côté des hameaux ::
Il y voit l'allegresse en tous lieux répanduë ,
Pour un Amant qui souffre, insuportable vûë !
Il frémit , et pressé de ses vives douleurs :
» Tout rit , tout est en joye , et moi , ( dit-il , )
je meurs.
A la perte d'Iris je ne sçaurois survivre.
→ Mourons de tant de maux que la mort me délivre
:
Mourons... pour éviter un éternel tourment
» Il ne m'en va couter qu'un seul cruel moment;
» L'amour et l'amitié veulent ce sacrifice :
Fleuve , tu me rendras ce funeste service ,
» Finissant mes malheurs , tu seras mon tom
beau ,
» Tu seras.... dans son sein il s'élance aussitôt
;
A son dernier moment il court , il vole , il
touche
L'onde étouffe sa voix dans sa mourante bouche
Et lorsque cet hymen réjouit les hameaux ,
Le malheureux Tircis expire au fond des Eaux.
Fermer
Résumé : L'AMI RIVAL, OU LA MORT DE TIRCIS. EGLOGUE.
L'églogue 'L'Ami Rival, ou La Mort de Tircis' se déroule dans un paysage idyllique où un ruisseau arrose une plaine ombragée par des arbres touffus et habitée par de nombreux oiseaux. Tircis, un berger, y trouve refuge pour échapper à son amour pour Iris, qui l'a rendu rival de son ami Timandre. Tircis souffre de l'amour et de l'amitié qui tyrannisent son âme. Il préfère mourir plutôt que de révéler ses sentiments et néglige son troupeau. Consumé par des tourments plus affreux que la mort, il tente de cacher ses sentiments pour ne pas troubler le bonheur de Timandre. Le jour du mariage de Timandre approche, et Tircis, incapable de supporter cette joie, se retire dans un bois écarté. Il décide de mettre fin à ses jours pour échapper à ses souffrances et se jette dans un fleuve, où il expire au moment où l'hymen de Timandre réjouit les hameaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
292
p. 2991-2992
ÉTRENNES.
Début :
Pour vous trouver de brillantes Etrennes, [...]
Mots clefs :
Apollon, Interprètes, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉTRENNES.
ETRENNE S.
& & & &
Our vous trouver de brillantes Etrennes ,
J'allai chercher Plutus , j'implorai sa faveur.
Ah! que tu connois peu Marianne et son coeur
Me dit-il , tu perdrois mon offrande et tes peines
Très -loin de -là dans le sacré Valon ,
Je me rendis chez Apollon ,
Je lui proposai ma pensée ;
Elle fut long- temps ressassée.
Crois-tu , me répondit le Maître des neuf Soeurs:
Qu'Hypocrene à mon gré répande ses douceurs!
Je voudrois bien chanter l'Objet qui t'interesse ,
Sur cent tons choisis er divers ,
Mais sur les Rives du Permesse ,
La bonne intention ne fait pas les bons Vers.
Il faut l'avouer à ma honte ,
Quelquefois pour encens je présente l'ennui ::
Va plutôt du Dieu d'Amathonte
1.1. Kob
2.
Diiij
In2992
MERCURE DE FRANCE
Invoquer le grand nom, et demander l'appui
Tu veux un Présent sûr de plaire è
Cupidon fera ton affaire.
L'avis me parut de bon sens ,
Quoiqu'issu du cerveau du Patron des Poëtes..
Je courus à Paphos , où mille voeux pressans ,
De mon juste dessein furent les Interpretes .
Quoi , s'écria l'Amour ! ch quoi !
C'est ta voix que j'entends ! qu'exiges - tu de moi
Sçais- tu pour qui tu viens m'adresser ta priere?
Ta jeune Marianne a pillé dans Cithere
Mes trésors les plus doux ; les biens les plus char
mans ,
Elle a fait son profit de tous mes agrémens ;
::
Et même sans Ceinture elle a laissé ma Mere.
Il ne me reste rien quel don puis - je lui faire,
L'Amour enfin n'a plus que lui -même à donne■ -
A celle qui sans cesse usurpe son Empire :
Sans doute elle dira que c'est mal l'étrenner ...
Je sçai pourtant quelqu'un qui , quoiqu'elle pú
dire ,
Voudroit bien la forcer d'accepter un tel don .
Heureux qui commettroit pareille violence !
Vaincre une Belle , est une offense ,
Non- seulement très digne de pardon ,
Mais encore de récompense.
& & & &
Our vous trouver de brillantes Etrennes ,
J'allai chercher Plutus , j'implorai sa faveur.
Ah! que tu connois peu Marianne et son coeur
Me dit-il , tu perdrois mon offrande et tes peines
Très -loin de -là dans le sacré Valon ,
Je me rendis chez Apollon ,
Je lui proposai ma pensée ;
Elle fut long- temps ressassée.
Crois-tu , me répondit le Maître des neuf Soeurs:
Qu'Hypocrene à mon gré répande ses douceurs!
Je voudrois bien chanter l'Objet qui t'interesse ,
Sur cent tons choisis er divers ,
Mais sur les Rives du Permesse ,
La bonne intention ne fait pas les bons Vers.
Il faut l'avouer à ma honte ,
Quelquefois pour encens je présente l'ennui ::
Va plutôt du Dieu d'Amathonte
1.1. Kob
2.
Diiij
In2992
MERCURE DE FRANCE
Invoquer le grand nom, et demander l'appui
Tu veux un Présent sûr de plaire è
Cupidon fera ton affaire.
L'avis me parut de bon sens ,
Quoiqu'issu du cerveau du Patron des Poëtes..
Je courus à Paphos , où mille voeux pressans ,
De mon juste dessein furent les Interpretes .
Quoi , s'écria l'Amour ! ch quoi !
C'est ta voix que j'entends ! qu'exiges - tu de moi
Sçais- tu pour qui tu viens m'adresser ta priere?
Ta jeune Marianne a pillé dans Cithere
Mes trésors les plus doux ; les biens les plus char
mans ,
Elle a fait son profit de tous mes agrémens ;
::
Et même sans Ceinture elle a laissé ma Mere.
Il ne me reste rien quel don puis - je lui faire,
L'Amour enfin n'a plus que lui -même à donne■ -
A celle qui sans cesse usurpe son Empire :
Sans doute elle dira que c'est mal l'étrenner ...
Je sçai pourtant quelqu'un qui , quoiqu'elle pú
dire ,
Voudroit bien la forcer d'accepter un tel don .
Heureux qui commettroit pareille violence !
Vaincre une Belle , est une offense ,
Non- seulement très digne de pardon ,
Mais encore de récompense.
Fermer
Résumé : ÉTRENNES.
Le narrateur cherche un cadeau d'Étrennes pour Marianne. Il invoque d'abord Plutus, qui prédit que Marianne ne valorisera pas son offrande. Ensuite, il consulte Apollon, qui refuse d'aider, estimant que l'intention ne suffit pas pour créer de bons vers, et suggère de voir le dieu d'Amathonte, probablement Vénus. Le narrateur décide alors d'invoquer Cupidon. Cupidon, étonné, affirme que Marianne a déjà reçu ses meilleurs trésors et même volé la ceinture de sa mère. Il déclare ne plus avoir rien à offrir, sauf lui-même. Cependant, il connaît quelqu'un capable de forcer Marianne à accepter ce don, soulignant que vaincre une belle est une offense pardonnable et même récompensable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
293
p. 3024-3036
Spectacles, le Chevalier Bayard, Comédie [titre d'après la table]
Début :
Avec l'Extrait de la Comédie Héroïque du Chevalier Bayard, que [...]
Mots clefs :
Chevalier, Amour, Amitié, Maîtresse, Auteur, Monologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Spectacles, le Chevalier Bayard, Comédie [titre d'après la table]
Aroique du Chevalier Bayard , que
nous avons annoncé dans le premier volume
du Mercure de ce mois , nous donnerons
ici quelques traits de l'Histoire ,
qui ont servi de matiere à cette Piece.
Au second Siege de Bresse , où la Ville.
fut prise d'assaut , une Mere éperdue se
jettant aux pieds de Bayard , lui offrit en
don sa maison , et tout ce qui étoit dedans
; lui demandant pour toute grace
qu'il conservât l'honneur de deux belles
Filles qu'elle avoit , sur quoi le Chevalier
prit tous les soins qu'il falloit pour
Jui mettre l'esprit en repos ; et , loin de
vouloir profiter de ses offres , il fit payer.
exactement tout ce que l'on prit dans le
II. Vol.
Logis
DECEMBRE 1731. 3025
1
Logis tant qu'il y resta ; et en sortant , il
partagea avec les deux Belles la rançon ,
le Pere et la Mere l'avoient contraint
d'accepter.
que
>
Plusieurs de nos Historiens ont rap-.
porté avec de grands Eloges sa continen
ce auprès d'une autre jeune et très-belle
personne , que sa Mere pressée par le
besoin avoit voulu livrer à ses plaisirs .
On dit qu'ayant apperçu en elle une véritable
douleur d'avoir été contrainte à
faire ce pas , il en fut si touché , et conserva
son honneur si exactement , qu'au
moment même qu'elle s'offrit à lui , quoi
qu'au milieu de la nuit , il la conduisit
chez une Dame de ses Parentes , à laquelle
il recommanda d'en avoir grand
soin , et l'en tira trois jours après pour
la marier , à ses propres dépens , à un
jeune homme qui la recherchoit , laissant
de plus , à la Mere de quoi la retirer de
la nécessité.
L'Auteur a réuni ces deux actions
pour accommoder la derniere au Théatre
avec décence , et il a pris le beau de celle-
cy pout faire le dénouement de sa
Piece.
De cette derniere Demoiselle on a fait
l'aînée des deux soeurs de Bresse . On lui
a donné , avec le nom de Julie , toutes,
II. Vol. les.
3026 MERCURE DE FRANCE
-
les belles qualitez qu'il falloit pour mériter
l'amour de Bayard . Et sous le nom
de Montfort , on a peint son Amant ,
un jeune Guerrier plein de valeur et de
mérite , et digne de devenir Ami intime
du Chevalier : voici la Fable de la Piecc ..
Le Seigneur Marc , Pere de Julie , et
son intime Ami , le Podestat , de la Ville
de Bresse , ouvrent là Scene . Celui - cy ,
Barbon très amoureux et très - jaloux ,
vient rendre visite à l'autre > pour le
prier de le faire parler au Chevalier
Bayard , son Hôte. On lui demande une
grosse rançon ; il veut la faire moderer.
Frontin paroit , ( c'est le Chirurgien , et
tout ensemble le Valet de Chambre de
Bayard . ) On s'informe à lui de l'état de
sa blessure ; Frontin , pour donner une
preuve qu'il en est bien guéri , dit qu'il
donne le Bal ce soir même aux deux
Soeurs , ce qui allarme la jalousie du Podestat.
Le Seigneur Marc , et lui sortent
pour aller trouver Bayard .
Pendant le séjour que fait Bayard chez
le Seigneur Marc , il devient amoureux
de Julie et Rival de Montfort sans le
sçavoir. Frontin , rusé Gascon , s'en apperçoit
, et en fait part à la Mere , femme
passionnée pour les François et pour tout
ce qui vient de France. Elle se fait une
IL Vol..
agréable,
DECEMBRE 1731. 3027
agréable idée des plaisirs que cet hymen
lui procureroit. Mais Frontin y voit un
grand obstacle ; c'est qu'il croit Montfort
aimé de Julie. Il n'y a point d'autre
moyen de la guérir , que de l'empêcherde
le voir , en le faisant passer pour mort.
La conjoncture est favorable pour ce des◄.
sein , et en effet , on le croit mort pendant
quelque temps dans le Logis ; mais
un incident qu'on va voir le ressuscitera .
Les filles paroissent seules. Clarice , la
Cadette , jeune Italienne très vive et
très- peu circonspecte , comme on est à
son âge , presse Julie de déclarer enfin
son amour à Montfort ; mais celle- cy ,
par prudence et par délicatesse craint
que cet aveu n'augmente la passion de
son Amant , qui n'est déja que trop vive ,
et dont elle prévoit le mauvais succès ,
par l'avarice de leur Pere;elle s'éforçe elle .
même d'éteindre som Amour. A l'appro
che du Podestat et de Bayard , elles se
retirent.
-
- Le Chevalier , après avoir promis au.
Podestat de parler en sa faveur , apprend
de lui , par hazard , que Montfort est
actuellement dans la Ville. Il est fortétonné
de n'avoir encore reçu aucune
visite de lui , après la tendre amitié qu'il
lui avoit autrefois témoignée. L'autre l'ex-
II. Vol.
cuse
3028 MERCURE DE FRANCE
euse sur quelques blessures qu'il a recues
à l'assaut , ( ce qu'il dit exprès pour écarter
l'idée de leur combat , ) mais dont il
le croit à present bien guéri , et en état
de sortir. Bayard , ¡ dans l'ardeur de le revoir
, fait partir sur le champ son Carosse,
`avec deux de ses Hommes d'Armes , pour
le conduire chez lui.
Le Chevalier reste seul , et attend Frontin.
Il fait connoître là qu'il aime Julie ,
mais qu'il veut s'embarquer prudemment
dans cet amour. Il a donné commission
secrette à Frontin de s'informer si ella
avoit le coeur libre ; il vient dans le moment
lui rendre réponse , et dans cette
Scene Frontin se confirme pleinement
par son adresse , dans l'opinion qu'it
avoit de l'amour de son Maître .
Le second Acte commence tristement.
Julie vient d'apprendre la mort de son
Amant , qu'elle croit certaine . Sa douleur
éclate. Montfort introduit au Logis , par
les Hommes d'Armes de Bayard , malgré
les soins de la Mere et de Frontin ,, entend
ses plaintes en secret , et apprend pour la
premiere fois qu'il est aimé. Clarice , en
la consolant à sa maniere , apperçoit
Montfort écoutant , et saisie de frayeur ,
prenant la réalité pour une apparition de
son ombre , elle s'enfuit avec de grands
Ha Vola cris
DECEMBRE
1731. 3029
cris. Julie plus courageuse , l'attend , et
reconnoit la fausseté de sa mort . Elle lui
marque d'abord quelque regret d'avoir
été entendue ; mais à la fin , dans une
Scene très tendre , elle cede aux raisons.
qu'elle a de l'aimer , blâme l'ingratitude
de ses Parens , lui recommande le secret
et l'exhorte à tout esperer de sa constance .
La Mere arrive , et très- surprise de les
trouver ensemble , après quelques réproches
, lui apprend que c'est pour le mettre
à couvert de la colere de Bayard , qu'elle
a fait courir elle-même le bruit de sa
mort . Qu'il se dispense de venir chez
elle , de crainte que le Chevalier ne découvre
en lui l'Auteur du Combat ; mais
le voyant arriver , elle se retire , ne pou
vant parer cette premiere visite .
L'enrrevue de deux Amis est fort tendre.
Le Chevalier s'informe d'abord du
succès d'un amour dont Montfort lui
avoit autrefois parlé ;; mmaaiiss apprenant
qu'il a perdu tous espoirs par l'avarice
d'un Pere , et qu'il ne songe plus au mariage,
Bayard le presse de changer de senti
ment. Il lui marque le regret qu'il a de
ne s'être pas marié à son âge , et de voir
finir en lui sa famille. Et sur ce que Monfort
lui rémontre qu'il est encore en état
d'y penser , il lui avoue qu'il y songe en
II. Vol. effet
3030 MERCURE DE FRANCE
effet , et qu'il a déja fait un choix qu'il·
lui déclarera dès qu'il verra quelque retour
de la part de la Belle. Touché de son
malheureux sort avec tant de mérite ,
son amitié s'échauffe pour lui de plus en
plus. Il lui promet de prendre soin désormais
lui- même de son avancement , et
de le mettre en état de vaincre l'avarice
du Père ; en effet il commence par le
faire son Lieutenant. Après cette faveur ,
il lui demande le nom de sa Maîtresse
que Monfort va lui dire , en le suppliant
auparavant de garder le secret qui leur
est important , et que sa Maîtresse lui a
fait jurer de ne jamais déclarer . Bayard
par discretion , l'arrête , et lui défend de
trahir son serment ; et par là , l'éclaircissement
est suspendu , et on est interessé
de voir Bayard s'efforcer de mettre
son Rival en état d'épouser sa propre
Maîtresse.
Le secret est prêt à tout moment à se
découvrir. Julie charmée de la faveur où
elle voit son Amant auprès du Chevalier,
et des marques sinceres d'amitié qu'elle
en reçoit elle - même , forme le dessein de
s'ouvrir à lui sur leur passion mutuelle
pour s'appuyer de son crédit sur l'esprit
de son avare Pere , dont il tient la fortune
entre ses mains . Elle choisit pour
II. Vol. cela
"
DECEMBRE . 1731. 3038
cela le temps du Bal qu'il donne , à ce
qu'on croit , en réjouissance du retour de
sa santé.
pas-
Au milieu de sa joye , Monfort lui vient
encore annoncer qu'il est sûr de faire sa
fortune dans quelques heures , par l'enlevement
d'un riche convoy qui doit
ser par le Pays Bressan ; il court chercher
le Chevalier pour lui demander les gens
dont il a besoin pour cette expédition.
Frontin armé de toutes Pieces , vient annoncer
par un récit gascon et comique ,
l'enlevement du convoy par lui et son
Compagnon Bayard .
Monfort arrive , il est au désespoir d'a
voir manqué l'occasion ; mais Julie , en
fille forte , le console , et redoublant sa
tendresse , rend bien - tôt le calme à son
coeur.
La nuit s'est passée dans l'intervale du
troisiéme au quatriéme Acte ; le Chevalier
qui ouvre le quatrième , ayant remarqué
le soir précedent à son retour ,
quelque chagrin sur le visage de Monfort
, s'informe de Frontin s'il n'en sçait
point la cause ; il apprend que c'est d'avoir
manqué le convoy. Bayard compatit
beaucoup à sa peine ; et le voyant arri
ver s'excuse de ne l'avoir pas mis au
moins de la partie , ne croyant pas sa
II. Vol. santé
3032 MERCURE DE FRANCE
>
santé assès rétablie pour l'exposer ainsi ;
mais pour le consoler , il lui en cede tout
le profit ; ( ce trait est de l'histoire ; ) et
pour lui donner une plus forte marque
d'amitié , lui ouvre tout son coeur et
lui apprend qu'il aime Julie . Monfort
est frappé du coup ; Bayard s'en apperçoit
, et l'attribuë à quelque reste de foi
blesse qui est passée sur le champ , dit
Monfort , qui s'efforce d'en cacher la
cause ; et son nouveau Rival lui dit avec
transport qu'il en va faire la demande au
Pere , aussi bien que celle de Clarice pour
St. Pol ; esperons , dit-il , de nous voir
bien tôt au comble de nos voeux , puisqu'à
present tu n'es plus en état d'être
refusé.
gue
· Monfort reste seul , dans un Monolotrès
- touchant exhale sa douleur. Julie
qui par Frontin a appris ce riche present
, vient au milieu de son désespoir
lui en marquer sa joye ; il a beau dissimuler
son chagrin , elle s'en apperçoit
et le poursuit pour en sçavoir la cause.
Bayard paroît avec le Seigneur Marc ,
qui lui accorde sa fille , mais qui réfuse
Clarice à S. Pol, parce qu'il s'est engagé de
donner au Podestat , sous peine d'un trèsgros
dédit , et se retire. St. Pol apprenant
le dédit et le réfus , ménace de faire per-
11. Vol
dre
DECEMBRE . 1931. 3033
are la tête au Podestat , s'il ne s'en désiste
, ayant trouvé dans ses Papiers des
preuves, qu'il a trempé dans la révolte de
Bresse ; mais le Chevalier , par bonté de
coeur , arréte sa colere , lui dit qu'il est
venu une Amnistie , et lui conseille seulement
de lui faire peur , pour en tirer lo
dédit. Et c'est ce que Frontin exécute ,
dans la Scene suivante, où le Pere est present
, où il apprend du Podestat , en colere
, que le Seigneur Marc trempe aussi
dans la Rebellion . Cet incident est préparéau
premiet Acte.
Cette découverte sert à Frontin , qui
conduit l'intrigue en faveur de son Maître
, à faire peur à la Mere à son tour ,
et l'oblige à presser son Epoux d'accorder
tout ce qu'elle lui demande , et pour leur
rançon , et pour la dot de ses Filles : ce
qu'elle obtient.
Julie ayant enfin appris d'un autre que
de Monfort l'amour de Bayard , lui en
fait un doux reproche . Son Amant , dans
cette Scene qui est très- tendre , la presse
par de bonnes et fortes raisons qui l'interessent
seule , à consentir à épouser le
Chevalier. Elle n'y peut répondre que
par des sentimens , et à la fin se détermine
à se jetter dans un saint azile , entre les
bras d'une sage Parente dont elle va im-
II. Vol. F plorer
3034 MERCURE DE FRANCE
plorer le secours , et d'y attendre le changement
de ses affaires.
ap-
La Mere survient qui entend sa réso
lution ; et pour l'en détourner lui
>
prend le péril où est son Pere. Monfort
la détermine lui-même au sacré devoir
de l'en retirer. Elle en prend la résolution
avec courage , dit un adieu trèsferme
et très touchant à Monfort ; la
Mere et lui se retirent , et la laissent seule
attendre la déclaration du Chevalier. Il
la lui vient faire d'un air assez gay , muni
de l'aveu de ses Parens , selon les moeurs
gauloises , mais pourtant en marquant un
peu de défiance. Elle l'assure qu'il doit
être sûr de lui plaire , venant , non-sculement
de la part de ses Parens , mais encore
de celle de Monfort , qui a acquis
sur elle autant de droit qu'ils en ont , en
lui sauvant l'honneur et la vie. Elle lui
déclare ensuite leur combat , et s'attendrit
au souvenir de l'état où Bayard l'avoit
mis. A ce récit , Bayard est frappé
d'étonnement et d'admiration , de l'effort
d'amitié de son Rival. Il est attendri luimême.
La Scene est trés- touchante. A la
fin il reste persuadé de la sincerité de Julie
, quipromet de l'aimer , et la prie d'aller
assurer le Pere du consentement qu'elle
donne à son bonheur , afin de le hâter.
11. Vol. Il
DECEMBRE. 1731. 3035
Il reste seul , et fait les réfléxions qu'un
homme aussi amoureux , mais aussi rai
sonnable que lui, doit faire. Il balance entre
l'amour et l'amitié , et pour l'aider à
se déterminer , ordonne à Frontin de faire
venir Monfort. St. Pol , qu'il a chargé de
faire les accords , vient lui annoncer que
tout est fini , et que la Mere va venir lui
présenter et rançon et dot. Elle arrive en
effet , et dans le temps qu'il lui rend graces
des genereux efforts qu'elle a faits en sa
faveur , Monfort paroît, à qui Bayard fait,
avec transport , part de son bonheur , en
lui demandant où en est le sien. Il répond
que sa Maîtresse , forcée par ses Parens ,
a couronné l'amour d'un plus digne Rival
, et que ne le quittant point par in,
constance , il n'a aucun sujet de s'en plaindre.
Puisque tu sors si content d'avec ta
Belle , lui dit Bayard , tu peux donc à present
me dire son nom; là- dessus Monfort le
prie de lui accorder de n'en parler jamais,
puisque ce n'est que par l'oubli qu'il peut
se consoler. Le Chevalier touché de Pétat
où il le voit , lui fait un reproche tendre
de lui avoir trop bien caché son amour ;
lui cede enfin Julie , partage la rançon
entre lui et St. Pol , et l'assure que l'amour
dans son coeur a laissé la place entiere à
l'amitié . Monfort pénetré de cette grace ,
II. Vol. Fij
se
036 MERCURE DE FRANCE
se jette à ses pieds. Il le releve , en le
priant de souffrir qu'il soit équitable à
son tour , et ne profite point d'un bien
qui lui appartient , et qu'il a acheté au
prix de son sang &c. et Julie finit la
Piece par un digne Eloge d'une action
héroïque , qui donne un Scipion à la
France .
Au reste , cette Piece est fort bien répresentée
par les Srs . Quinaut , Dufrene ,
Montmenil , Dangeville , Duchemin et
Armand , et par les Dlles La Motte , Labat
, et Quinaut , qui remplissent les
Rôles du Chevalier Bayard , de Monfort ,
de St. Pol , du Podestat , du Seigneur
Marc , et de Frontin , de Madame Marc ,
de Julie , et de Clarice.
"
Cette Comédie qui a eu six Représenta
tions , sera réjoüée ; l'Auteur travaille à
la rendre encore plus digne de son sujet ,
et de l'attention du Public.
nous avons annoncé dans le premier volume
du Mercure de ce mois , nous donnerons
ici quelques traits de l'Histoire ,
qui ont servi de matiere à cette Piece.
Au second Siege de Bresse , où la Ville.
fut prise d'assaut , une Mere éperdue se
jettant aux pieds de Bayard , lui offrit en
don sa maison , et tout ce qui étoit dedans
; lui demandant pour toute grace
qu'il conservât l'honneur de deux belles
Filles qu'elle avoit , sur quoi le Chevalier
prit tous les soins qu'il falloit pour
Jui mettre l'esprit en repos ; et , loin de
vouloir profiter de ses offres , il fit payer.
exactement tout ce que l'on prit dans le
II. Vol.
Logis
DECEMBRE 1731. 3025
1
Logis tant qu'il y resta ; et en sortant , il
partagea avec les deux Belles la rançon ,
le Pere et la Mere l'avoient contraint
d'accepter.
que
>
Plusieurs de nos Historiens ont rap-.
porté avec de grands Eloges sa continen
ce auprès d'une autre jeune et très-belle
personne , que sa Mere pressée par le
besoin avoit voulu livrer à ses plaisirs .
On dit qu'ayant apperçu en elle une véritable
douleur d'avoir été contrainte à
faire ce pas , il en fut si touché , et conserva
son honneur si exactement , qu'au
moment même qu'elle s'offrit à lui , quoi
qu'au milieu de la nuit , il la conduisit
chez une Dame de ses Parentes , à laquelle
il recommanda d'en avoir grand
soin , et l'en tira trois jours après pour
la marier , à ses propres dépens , à un
jeune homme qui la recherchoit , laissant
de plus , à la Mere de quoi la retirer de
la nécessité.
L'Auteur a réuni ces deux actions
pour accommoder la derniere au Théatre
avec décence , et il a pris le beau de celle-
cy pout faire le dénouement de sa
Piece.
De cette derniere Demoiselle on a fait
l'aînée des deux soeurs de Bresse . On lui
a donné , avec le nom de Julie , toutes,
II. Vol. les.
3026 MERCURE DE FRANCE
-
les belles qualitez qu'il falloit pour mériter
l'amour de Bayard . Et sous le nom
de Montfort , on a peint son Amant ,
un jeune Guerrier plein de valeur et de
mérite , et digne de devenir Ami intime
du Chevalier : voici la Fable de la Piecc ..
Le Seigneur Marc , Pere de Julie , et
son intime Ami , le Podestat , de la Ville
de Bresse , ouvrent là Scene . Celui - cy ,
Barbon très amoureux et très - jaloux ,
vient rendre visite à l'autre > pour le
prier de le faire parler au Chevalier
Bayard , son Hôte. On lui demande une
grosse rançon ; il veut la faire moderer.
Frontin paroit , ( c'est le Chirurgien , et
tout ensemble le Valet de Chambre de
Bayard . ) On s'informe à lui de l'état de
sa blessure ; Frontin , pour donner une
preuve qu'il en est bien guéri , dit qu'il
donne le Bal ce soir même aux deux
Soeurs , ce qui allarme la jalousie du Podestat.
Le Seigneur Marc , et lui sortent
pour aller trouver Bayard .
Pendant le séjour que fait Bayard chez
le Seigneur Marc , il devient amoureux
de Julie et Rival de Montfort sans le
sçavoir. Frontin , rusé Gascon , s'en apperçoit
, et en fait part à la Mere , femme
passionnée pour les François et pour tout
ce qui vient de France. Elle se fait une
IL Vol..
agréable,
DECEMBRE 1731. 3027
agréable idée des plaisirs que cet hymen
lui procureroit. Mais Frontin y voit un
grand obstacle ; c'est qu'il croit Montfort
aimé de Julie. Il n'y a point d'autre
moyen de la guérir , que de l'empêcherde
le voir , en le faisant passer pour mort.
La conjoncture est favorable pour ce des◄.
sein , et en effet , on le croit mort pendant
quelque temps dans le Logis ; mais
un incident qu'on va voir le ressuscitera .
Les filles paroissent seules. Clarice , la
Cadette , jeune Italienne très vive et
très- peu circonspecte , comme on est à
son âge , presse Julie de déclarer enfin
son amour à Montfort ; mais celle- cy ,
par prudence et par délicatesse craint
que cet aveu n'augmente la passion de
son Amant , qui n'est déja que trop vive ,
et dont elle prévoit le mauvais succès ,
par l'avarice de leur Pere;elle s'éforçe elle .
même d'éteindre som Amour. A l'appro
che du Podestat et de Bayard , elles se
retirent.
-
- Le Chevalier , après avoir promis au.
Podestat de parler en sa faveur , apprend
de lui , par hazard , que Montfort est
actuellement dans la Ville. Il est fortétonné
de n'avoir encore reçu aucune
visite de lui , après la tendre amitié qu'il
lui avoit autrefois témoignée. L'autre l'ex-
II. Vol.
cuse
3028 MERCURE DE FRANCE
euse sur quelques blessures qu'il a recues
à l'assaut , ( ce qu'il dit exprès pour écarter
l'idée de leur combat , ) mais dont il
le croit à present bien guéri , et en état
de sortir. Bayard , ¡ dans l'ardeur de le revoir
, fait partir sur le champ son Carosse,
`avec deux de ses Hommes d'Armes , pour
le conduire chez lui.
Le Chevalier reste seul , et attend Frontin.
Il fait connoître là qu'il aime Julie ,
mais qu'il veut s'embarquer prudemment
dans cet amour. Il a donné commission
secrette à Frontin de s'informer si ella
avoit le coeur libre ; il vient dans le moment
lui rendre réponse , et dans cette
Scene Frontin se confirme pleinement
par son adresse , dans l'opinion qu'it
avoit de l'amour de son Maître .
Le second Acte commence tristement.
Julie vient d'apprendre la mort de son
Amant , qu'elle croit certaine . Sa douleur
éclate. Montfort introduit au Logis , par
les Hommes d'Armes de Bayard , malgré
les soins de la Mere et de Frontin ,, entend
ses plaintes en secret , et apprend pour la
premiere fois qu'il est aimé. Clarice , en
la consolant à sa maniere , apperçoit
Montfort écoutant , et saisie de frayeur ,
prenant la réalité pour une apparition de
son ombre , elle s'enfuit avec de grands
Ha Vola cris
DECEMBRE
1731. 3029
cris. Julie plus courageuse , l'attend , et
reconnoit la fausseté de sa mort . Elle lui
marque d'abord quelque regret d'avoir
été entendue ; mais à la fin , dans une
Scene très tendre , elle cede aux raisons.
qu'elle a de l'aimer , blâme l'ingratitude
de ses Parens , lui recommande le secret
et l'exhorte à tout esperer de sa constance .
La Mere arrive , et très- surprise de les
trouver ensemble , après quelques réproches
, lui apprend que c'est pour le mettre
à couvert de la colere de Bayard , qu'elle
a fait courir elle-même le bruit de sa
mort . Qu'il se dispense de venir chez
elle , de crainte que le Chevalier ne découvre
en lui l'Auteur du Combat ; mais
le voyant arriver , elle se retire , ne pou
vant parer cette premiere visite .
L'enrrevue de deux Amis est fort tendre.
Le Chevalier s'informe d'abord du
succès d'un amour dont Montfort lui
avoit autrefois parlé ;; mmaaiiss apprenant
qu'il a perdu tous espoirs par l'avarice
d'un Pere , et qu'il ne songe plus au mariage,
Bayard le presse de changer de senti
ment. Il lui marque le regret qu'il a de
ne s'être pas marié à son âge , et de voir
finir en lui sa famille. Et sur ce que Monfort
lui rémontre qu'il est encore en état
d'y penser , il lui avoue qu'il y songe en
II. Vol. effet
3030 MERCURE DE FRANCE
effet , et qu'il a déja fait un choix qu'il·
lui déclarera dès qu'il verra quelque retour
de la part de la Belle. Touché de son
malheureux sort avec tant de mérite ,
son amitié s'échauffe pour lui de plus en
plus. Il lui promet de prendre soin désormais
lui- même de son avancement , et
de le mettre en état de vaincre l'avarice
du Père ; en effet il commence par le
faire son Lieutenant. Après cette faveur ,
il lui demande le nom de sa Maîtresse
que Monfort va lui dire , en le suppliant
auparavant de garder le secret qui leur
est important , et que sa Maîtresse lui a
fait jurer de ne jamais déclarer . Bayard
par discretion , l'arrête , et lui défend de
trahir son serment ; et par là , l'éclaircissement
est suspendu , et on est interessé
de voir Bayard s'efforcer de mettre
son Rival en état d'épouser sa propre
Maîtresse.
Le secret est prêt à tout moment à se
découvrir. Julie charmée de la faveur où
elle voit son Amant auprès du Chevalier,
et des marques sinceres d'amitié qu'elle
en reçoit elle - même , forme le dessein de
s'ouvrir à lui sur leur passion mutuelle
pour s'appuyer de son crédit sur l'esprit
de son avare Pere , dont il tient la fortune
entre ses mains . Elle choisit pour
II. Vol. cela
"
DECEMBRE . 1731. 3038
cela le temps du Bal qu'il donne , à ce
qu'on croit , en réjouissance du retour de
sa santé.
pas-
Au milieu de sa joye , Monfort lui vient
encore annoncer qu'il est sûr de faire sa
fortune dans quelques heures , par l'enlevement
d'un riche convoy qui doit
ser par le Pays Bressan ; il court chercher
le Chevalier pour lui demander les gens
dont il a besoin pour cette expédition.
Frontin armé de toutes Pieces , vient annoncer
par un récit gascon et comique ,
l'enlevement du convoy par lui et son
Compagnon Bayard .
Monfort arrive , il est au désespoir d'a
voir manqué l'occasion ; mais Julie , en
fille forte , le console , et redoublant sa
tendresse , rend bien - tôt le calme à son
coeur.
La nuit s'est passée dans l'intervale du
troisiéme au quatriéme Acte ; le Chevalier
qui ouvre le quatrième , ayant remarqué
le soir précedent à son retour ,
quelque chagrin sur le visage de Monfort
, s'informe de Frontin s'il n'en sçait
point la cause ; il apprend que c'est d'avoir
manqué le convoy. Bayard compatit
beaucoup à sa peine ; et le voyant arri
ver s'excuse de ne l'avoir pas mis au
moins de la partie , ne croyant pas sa
II. Vol. santé
3032 MERCURE DE FRANCE
>
santé assès rétablie pour l'exposer ainsi ;
mais pour le consoler , il lui en cede tout
le profit ; ( ce trait est de l'histoire ; ) et
pour lui donner une plus forte marque
d'amitié , lui ouvre tout son coeur et
lui apprend qu'il aime Julie . Monfort
est frappé du coup ; Bayard s'en apperçoit
, et l'attribuë à quelque reste de foi
blesse qui est passée sur le champ , dit
Monfort , qui s'efforce d'en cacher la
cause ; et son nouveau Rival lui dit avec
transport qu'il en va faire la demande au
Pere , aussi bien que celle de Clarice pour
St. Pol ; esperons , dit-il , de nous voir
bien tôt au comble de nos voeux , puisqu'à
present tu n'es plus en état d'être
refusé.
gue
· Monfort reste seul , dans un Monolotrès
- touchant exhale sa douleur. Julie
qui par Frontin a appris ce riche present
, vient au milieu de son désespoir
lui en marquer sa joye ; il a beau dissimuler
son chagrin , elle s'en apperçoit
et le poursuit pour en sçavoir la cause.
Bayard paroît avec le Seigneur Marc ,
qui lui accorde sa fille , mais qui réfuse
Clarice à S. Pol, parce qu'il s'est engagé de
donner au Podestat , sous peine d'un trèsgros
dédit , et se retire. St. Pol apprenant
le dédit et le réfus , ménace de faire per-
11. Vol
dre
DECEMBRE . 1931. 3033
are la tête au Podestat , s'il ne s'en désiste
, ayant trouvé dans ses Papiers des
preuves, qu'il a trempé dans la révolte de
Bresse ; mais le Chevalier , par bonté de
coeur , arréte sa colere , lui dit qu'il est
venu une Amnistie , et lui conseille seulement
de lui faire peur , pour en tirer lo
dédit. Et c'est ce que Frontin exécute ,
dans la Scene suivante, où le Pere est present
, où il apprend du Podestat , en colere
, que le Seigneur Marc trempe aussi
dans la Rebellion . Cet incident est préparéau
premiet Acte.
Cette découverte sert à Frontin , qui
conduit l'intrigue en faveur de son Maître
, à faire peur à la Mere à son tour ,
et l'oblige à presser son Epoux d'accorder
tout ce qu'elle lui demande , et pour leur
rançon , et pour la dot de ses Filles : ce
qu'elle obtient.
Julie ayant enfin appris d'un autre que
de Monfort l'amour de Bayard , lui en
fait un doux reproche . Son Amant , dans
cette Scene qui est très- tendre , la presse
par de bonnes et fortes raisons qui l'interessent
seule , à consentir à épouser le
Chevalier. Elle n'y peut répondre que
par des sentimens , et à la fin se détermine
à se jetter dans un saint azile , entre les
bras d'une sage Parente dont elle va im-
II. Vol. F plorer
3034 MERCURE DE FRANCE
plorer le secours , et d'y attendre le changement
de ses affaires.
ap-
La Mere survient qui entend sa réso
lution ; et pour l'en détourner lui
>
prend le péril où est son Pere. Monfort
la détermine lui-même au sacré devoir
de l'en retirer. Elle en prend la résolution
avec courage , dit un adieu trèsferme
et très touchant à Monfort ; la
Mere et lui se retirent , et la laissent seule
attendre la déclaration du Chevalier. Il
la lui vient faire d'un air assez gay , muni
de l'aveu de ses Parens , selon les moeurs
gauloises , mais pourtant en marquant un
peu de défiance. Elle l'assure qu'il doit
être sûr de lui plaire , venant , non-sculement
de la part de ses Parens , mais encore
de celle de Monfort , qui a acquis
sur elle autant de droit qu'ils en ont , en
lui sauvant l'honneur et la vie. Elle lui
déclare ensuite leur combat , et s'attendrit
au souvenir de l'état où Bayard l'avoit
mis. A ce récit , Bayard est frappé
d'étonnement et d'admiration , de l'effort
d'amitié de son Rival. Il est attendri luimême.
La Scene est trés- touchante. A la
fin il reste persuadé de la sincerité de Julie
, quipromet de l'aimer , et la prie d'aller
assurer le Pere du consentement qu'elle
donne à son bonheur , afin de le hâter.
11. Vol. Il
DECEMBRE. 1731. 3035
Il reste seul , et fait les réfléxions qu'un
homme aussi amoureux , mais aussi rai
sonnable que lui, doit faire. Il balance entre
l'amour et l'amitié , et pour l'aider à
se déterminer , ordonne à Frontin de faire
venir Monfort. St. Pol , qu'il a chargé de
faire les accords , vient lui annoncer que
tout est fini , et que la Mere va venir lui
présenter et rançon et dot. Elle arrive en
effet , et dans le temps qu'il lui rend graces
des genereux efforts qu'elle a faits en sa
faveur , Monfort paroît, à qui Bayard fait,
avec transport , part de son bonheur , en
lui demandant où en est le sien. Il répond
que sa Maîtresse , forcée par ses Parens ,
a couronné l'amour d'un plus digne Rival
, et que ne le quittant point par in,
constance , il n'a aucun sujet de s'en plaindre.
Puisque tu sors si content d'avec ta
Belle , lui dit Bayard , tu peux donc à present
me dire son nom; là- dessus Monfort le
prie de lui accorder de n'en parler jamais,
puisque ce n'est que par l'oubli qu'il peut
se consoler. Le Chevalier touché de Pétat
où il le voit , lui fait un reproche tendre
de lui avoir trop bien caché son amour ;
lui cede enfin Julie , partage la rançon
entre lui et St. Pol , et l'assure que l'amour
dans son coeur a laissé la place entiere à
l'amitié . Monfort pénetré de cette grace ,
II. Vol. Fij
se
036 MERCURE DE FRANCE
se jette à ses pieds. Il le releve , en le
priant de souffrir qu'il soit équitable à
son tour , et ne profite point d'un bien
qui lui appartient , et qu'il a acheté au
prix de son sang &c. et Julie finit la
Piece par un digne Eloge d'une action
héroïque , qui donne un Scipion à la
France .
Au reste , cette Piece est fort bien répresentée
par les Srs . Quinaut , Dufrene ,
Montmenil , Dangeville , Duchemin et
Armand , et par les Dlles La Motte , Labat
, et Quinaut , qui remplissent les
Rôles du Chevalier Bayard , de Monfort ,
de St. Pol , du Podestat , du Seigneur
Marc , et de Frontin , de Madame Marc ,
de Julie , et de Clarice.
"
Cette Comédie qui a eu six Représenta
tions , sera réjoüée ; l'Auteur travaille à
la rendre encore plus digne de son sujet ,
et de l'attention du Public.
Fermer
Résumé : Spectacles, le Chevalier Bayard, Comédie [titre d'après la table]
Le texte présente un résumé de l'histoire du Chevalier Bayard, en mettant en avant deux actions marquantes de sa vie. Lors du second siège de Bresse, une mère offrit sa maison et ses filles à Bayard pour préserver leur honneur. Bayard refusa les offres et paya pour tout ce qui fut pris dans la maison, partageant ensuite la rançon avec les filles. Une autre anecdote relate comment Bayard sauva l'honneur d'une jeune femme dont la mère l'avait offerte à lui. Touché par sa douleur, il la conduisit chez une parente et la maria à un jeune homme, offrant également de l'argent à la mère. L'auteur de la pièce a combiné ces deux actions pour créer une intrigue théâtrale. Dans la pièce, Julie, l'aînée des deux sœurs de Bresse, est amoureuse de Montfort, un jeune guerrier. Bayard, hôte du père de Julie, devient également amoureux de Julie sans le savoir. Frontin, le valet de Bayard, manipule la situation pour favoriser l'amour entre Julie et Montfort. La pièce se développe autour des intrigues et des malentendus entre les personnages, notamment la fausse nouvelle de la mort de Montfort et les efforts de Bayard pour aider son ami. Bayard finit par avouer son amour à Julie, mais elle lui révèle qu'elle aime Montfort. Touché par l'amitié de Montfort, Bayard accepte de les laisser se marier. La pièce se conclut par des révélations et des résolutions touchantes, mettant en avant les valeurs de l'honneur et de l'amitié. Dans une scène, Bayard convoque Montfort pour discuter de sa situation. St. Pol annonce que la mère de Julie va venir présenter la rançon et la dot pour sa libération. La mère arrive et Bayard la remercie pour ses efforts. Montfort apparaît et révèle que sa maîtresse l'a quitté pour un autre homme, mais il accepte cette situation avec dignité. Bayard, ému, lui demande le nom de sa maîtresse, mais Montfort préfère ne pas le divulguer pour se consoler plus facilement. Bayard, touché par la situation de Montfort, lui cède Julie et partage la rançon entre Montfort et St. Pol. Il affirme que l'amour a laissé place à l'amitié dans son cœur. Montfort, reconnaissant, se jette à ses pieds, mais Bayard le relève et insiste pour que Montfort profite du bien qu'il lui offre. La pièce se termine par un éloge de Julie sur l'action héroïque de Bayard. La pièce, intitulée 'Le Chevalier Bayard', est interprétée par des acteurs tels que Quinaut, Dufrene, Montmenil, Dangeville, Duchemin, Armand, ainsi que les demoiselles La Motte, Labat, et Quinaut. La comédie a eu six représentations et l'auteur travaille à l'améliorer pour une future réjouissance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
294
p. 3036-3044
Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
Début :
On croit qu'Erigone, Tragédie de M. de la Grange, auroit eu un plus grand nombre [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Reine, Échange, Cacher
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
On croit qu'Erigone , Tragédie de M.de
la Grange , auroit eu un plus grand nombre
de Représentations , si l'Auteur eut
été à Paris , lorsqu'on a mis cette Piece
au Tréatre. Le cinquiéme Acte avoit bescin
de quelques changemens que le public
souhaitoit, ce qui n'auroit pas été bien
difficile à une main aussi habile et à un
genie aussi fécond en inventions Théatra-
II. Vol. les
1
S
DECEMBRE . 173. 3937
Ies ; nous allons remplir nos engagemens
avec le Public , par une courte Analyse
de ce Poëme.
Stenelus , Roy de Crete , et Androclide,
Ministre du Royaume d'Epire , ouvrent
La Scene . Ce premier a été fait prisonnier
par Attale , General des Epirotes & Fils
d'Androclide. Ce Roy captif a doublement
perdu sa liberté , il est devenu
amoureux de Nerée , fille d'Androclide.
Il la demande en mariage à son Pere, qui
refuse l'honneur qu'il lui fait par des rai
sons de politique. Il lui représente que
la guerre qui regne depuis si long- temps
entre les Crétois et les Epirotes , ne peut
se terminer plus heureusement que par
un Hymen , qui réunisse à jamais les Rois.
et les Sujets. Stenelus ne peut consentir à
cet hymen de politique ; l'Amour parle
plus haut que l'Ambition , et Nerée l'emporte
dans son coeur sur Erigone , toute
aimable et toute Reine qu'elle est.
Ce Prince ne pouvant obtenir d'An
droclide l'aveu qu'il lui demande en fa
veur de son amour , a recours à son Fils
Attale , et le prie de fléchir son Pere.
Attale témoigne son étonnement à Androclide
, sur le refus d'une Couronne
qu'un si grand Roy veut mettre sur la tête
de sa Fille. Androclide lui répond
Fiij qu'îïl
11. Vol.
3038 MERCURE DE FRANCE
qu'il doit préferer les interêts de sa Patrie
à l'aggrandissement de sa Maison , et
qu'il importe au salut ,de l'Epire que le-
Roy de Créte épouse Erigone.
Attale ne pouvant cacher l'amour qu'il
a pour cette Reine , se plaint à son Pere
de l'obstacle qu'une main aussi chere
que la sienne oppose à son bonheur.
Androclide lui répond que cet Hymen
qu'il souhaite avec tant d'ardeur , seroit
le plus grand malheur qui pût arriver à
fun et à l'autre ; il lui annonce que la
Reine doit les consulter tous deux sur le
choix d'un Epoux , et l'exhorte vivement
à la faire pancher du côté de Stenclus .
Stenelus et Nerée commencent le sea
cond Acte ; comme ils s'aiment réciproquement
, ils sont également affligez du
refus d'Androclide ; mais la vertu de l'Amante
lui fait rejetter comme un crime ,
ce que l'amour suggere à l'Amant.
Erigone ne fait connoître qu'à demi à
Nerée ce que produira le conseil d'Androclide
et d'Attale sur le choix d'un
nouveau Roy que ses Sujets lui demandent
avec empressement
.
La Scene deliberative qui suit est des
plus nouvelles au Theatre ; deux personnes
seules sont consultées , et sembleroient
ne devoir faire qu'un suffrage, si l'amour
II. Vol. ne
DECEMBR E. 1731. 3039
ne s'en mêloit pas ; le Pere et le Fils se
trouvent directement opposez , parce
qu'ils agissent par des motifs tout-à- fait
differens. Erigone expose en peu de mots
le sujet pour lequel elle les rassemble.Androclide
tâche de la porter à l'Hymen de
Stenelus , par des raisons tres - plausibles , et
Attale s'oppose respectueusement aux
avis de son Pere ; il dit tendrement à Erigone
que sans s'exposer à perdre un Sceptre
hereditaire , pour en chercher un
étranger , elle peut trouver un sujet , qui
toujours soumis à ses loix , raffermisse le
Trône où les Dieux l'ont placée. Erigone
dit à Androclide que ses conseils sont
plus prudens que ceux de son Fils ; mais
que ceux de son Fils sont plus flatteurs
pour elle. Son choix se détermine pour
Attale ; elle dit que l'appui d'un Trône.
est digne d'y monter. Elle ordonne à Androclide
d'aller tout préparer pour cette
grande fête , et d'assembler ses Etats pour
la rendre plus solemnelle : Elle se retire..
Androclide reproche à son fils son peu
de defference pour ses avis . Attale de son
côté se plaint de la rigueur d'un Pere
qui veut empêcher son Fils de s'élever à
la grandeur suprême. Androclide ne peut
plus lui cacher le fatal secfet ; il lui apprend
qu'Erigone est sa soeur , et lui ex-
II. Vot.
Fiiij pose
3040 MERCURE DE FRANCE
pose en peu de mots ce qui l'a obligé à
faire l'échange de sa fille contre celle du
dernier Roy du sang d'Achille ; il prie
Attale de s'absenter pour empêcher un
Hymen incestueux, et pour se guérir d'un
amour funeste ; Attale au désespoir s'y
détermine; ils sortent pour aller exécuter
ce qu'ils viennent de résoudre..
Au troisiéme Acte Stenelus implore le
secours d'Erigone pour fléchir la dureté
d'Androclide , qui lui refuse sa fille . Erigone
lui promet d'appuyer un projet si
glorieux pour le Pere et pour la Fille.
Nerée en pleurs , vient apprendre à Erigone
que son frere Attale est prêt à quisrer
l'Epire , et que le Vaisseau qui doit
l'en éloigner , ne tardera pas à mettre à la
voile. Erigone , aussi offensée que surprise
d'un départ si peu attendu , ordonne
qu'on s'y oppose ; Stenelus va lui -même
faire exécuter les ordres de cette Reime
affligée. Attale vient peu de temps
aprés ; et ne pouvant soutenir les reproches
qu'Erigone lui fait , il ne peut plus
s'empêcher de lui revéler l'affreux mystere
qui le force à renoncer à tout son
bonheur.
Androclide arrive au même instant et
lui coupe la parole.
Attale reconnoît la faute qu'il alloit fai-
II. Vol.
DECEMBRE. 1731. 3041
ee , si son Pere ne fut venu à son secours;
il aime mieux s'avoiier coupable de tous
les crimes que la colere d'Erigone lui impute
: Elle le traite en criminel d'Etat, et
ordonne qu'on l'arrête. Androclide jugeant
la fuite de son Fils plus necessaire
que jamais , interesse pour lui un fidele
ami , avec qui il va prendre des mesures
pour rompre les fers de son Fils et lui
ouvrir un chemin à la fuite.
Au quatriéme Acte , Nerée demande
la grace de son Frere à Erigone ; cette
Reine se croyant trahie , ou du moins
offensée,lui répond qu'Attale ne peut sauver
sa tête qu'en lui donnant la main.
Un Garde vient lui apporter un billet ;
qu'on a intercepté ; il est d'Androclide à
son Fils ; il l'exhorte. à fuir une soeuz
qu'il aime, et dont il est aimé. L'équivo
que produit par le nom de soeur , attire
les plus sanglans reproches à la vertueu
se Nerée; elle ne peut les soutenir et se re
tire , frappée d'un mortel désespoir.
On amene Attale à Erigone ; elle lui reproche
des crimes qu'il ignore , et dont
il n'est instruit que par le fatal billet que
la Reine lui met entre les mains ; la nécessité
où il se trouve de disculper sa
soeur , et de lui rendre toute sa gloire ,
L'oblige à ne plus rien,cacher. Il apprend
1. Vob .
Ev
3042 MERCURE DE FRANCE
à Erigone que c'est elle -même qu'Andro
clide a voulu désignerpar le nom de soeur;
ce coup est tout des plus frappans pour
elle , l'amour a beau gemir dans son coeur,
il faut l'immoler au devoir ; elle fait plus,
elle forme la noble résolution de rendreà
Nerée un Trône qu'elle croit lui ap .
partenir par les droits de la naissance.
5.
Erigone , qui à la fin du second Acte
a ordonné à Androclide d'assembler les
Grands de son Royaume , déclare au cinquiéme
Acte , en leur présence , que Nerée
est la légitime heritiere du Trône
d'Epire; cette déclaration est suivie d'une
contestation également noble et genereuse,
entre Nerée et Erigone ; elle est terminée
par l'arrivée d'Attale , dont la mere , jus .
qu'alors captive chez les Crétois , -vient
d'être renduë à sa patrie ; elle lui a déclaré
, que par un second échange qu'elle a
fait à l'insçu de son époux Androclide ,
elle a remis les choses dans l'ordre que la
justice demandoit : par ce second échange
qui fait le dénouement d'une Piece , dont
le premier avoit fait le noud , Erigone
Cessant d'être soeur d'Attale , le place sur-
Son Trône , et Stenelus partage celui de
Créte avec sa chere Netée.
Il ne nous reste plus qu'à faite part à nos
Lecteurs du jugement que le public a porté
1. Vole sur
DECEMBRE. 1731. 3043
presur
cette Tragedie.On en a trouvé le
mier Acte fort clair , par rapport à l'exposition
de ce qui s'est passé avant l'ac
tion Théatrale.
:
>
Le second a été généralement applaudi
et a paru un des plus interressans que M.
de la Grange ait encore mis sur la Scene :
le coup de Théatre du troisiéme n'a
pass
paru aussi frappant qu'il l'auroit été , si
Auteur ne nous en eut pas donné un
- semblable dans sa belle Tragédie d'Amasis.
La Lettre qui fait le plus bel incident
du quatrième , n'a pas eu tout le succès
que l'Auteur s'en étoit promis ; les Critiques
les plus séveres ne l'ont pris que
pour du remplissage ; cependant on est
convenu qu'il sert au progrès de l'action
principale , puisqu'il engage Attale à déclarer
à Erigone quelle est sa soeur. On a
admiré la cession du Trône , mais on auroit
voulu qu'Erigone fut sûre que Nerée
est celle avec qui elle a été échangée dans
le berceau , il n'auroit tenu qu'à l'Auteur
de l'en mieux instruire par Attale. Au
reste la versification a paruë négligée en
beaucoup d'endroits . Ces diverses observations
du public n'empêchent pas que:
M. de la Grande n'ait acquis une nouvelle
gloire , mais elles ont diminué le succès ,
de son ouvrage..
LL. Vol..
Avji
Au
3044 MERCURE DE FRANCE
Au reste cette Piece est fort bien représ
sentée. La Dlle Labat y joue le principal
Rôle avec toute l'intelligence , les graces
et la noblesse possible. La Dlle Gossin y
remplit très - bien celui de Nerée ; et ceux
d'Attale, d'Androclide et de Stenelus , sont
joüez , par les sieurs Dufresne , Sarrazin , et
Grandval
Les Comediens François représenterent à Vers
sailles le Mardi 4. Décembre , le Chevalier
Bayard et la réunion des Amours.
Le Jeudi 6. Britannicus et Crispin bel esprit.
Le 11. Démocrite et les Vacances .
Le
13. Andronic et le Baron de la Crasse.
Le 18. Jodelet Maître et Valet , et le Flo
rentin.
Le 20. Erigone , Tragedie , et l'Aveugle
Clairvoyant.
Le 29. L'homme à bonne fortune , et l'Usurier
Gentilhomme.
Lẹ 31. Mithridate , et le Port de Mer.
Le premier Decembre les Comédiens Italiensreprésenterent
à la Cour , le Faucon ou les Oyes
de Bocace , Comédie en trois Actes , qui fut sui
vie de la petite Piece de la Verité Fabuliste ,
qu'on a autant goutée à la Cour qu'à la Ville.
.
Le 15. ils y jouerent la Femme Jalouse , et
pour petite Piece , le Philosophe Dupe de l'Amour.
Le 22.
la Grange , auroit eu un plus grand nombre
de Représentations , si l'Auteur eut
été à Paris , lorsqu'on a mis cette Piece
au Tréatre. Le cinquiéme Acte avoit bescin
de quelques changemens que le public
souhaitoit, ce qui n'auroit pas été bien
difficile à une main aussi habile et à un
genie aussi fécond en inventions Théatra-
II. Vol. les
1
S
DECEMBRE . 173. 3937
Ies ; nous allons remplir nos engagemens
avec le Public , par une courte Analyse
de ce Poëme.
Stenelus , Roy de Crete , et Androclide,
Ministre du Royaume d'Epire , ouvrent
La Scene . Ce premier a été fait prisonnier
par Attale , General des Epirotes & Fils
d'Androclide. Ce Roy captif a doublement
perdu sa liberté , il est devenu
amoureux de Nerée , fille d'Androclide.
Il la demande en mariage à son Pere, qui
refuse l'honneur qu'il lui fait par des rai
sons de politique. Il lui représente que
la guerre qui regne depuis si long- temps
entre les Crétois et les Epirotes , ne peut
se terminer plus heureusement que par
un Hymen , qui réunisse à jamais les Rois.
et les Sujets. Stenelus ne peut consentir à
cet hymen de politique ; l'Amour parle
plus haut que l'Ambition , et Nerée l'emporte
dans son coeur sur Erigone , toute
aimable et toute Reine qu'elle est.
Ce Prince ne pouvant obtenir d'An
droclide l'aveu qu'il lui demande en fa
veur de son amour , a recours à son Fils
Attale , et le prie de fléchir son Pere.
Attale témoigne son étonnement à Androclide
, sur le refus d'une Couronne
qu'un si grand Roy veut mettre sur la tête
de sa Fille. Androclide lui répond
Fiij qu'îïl
11. Vol.
3038 MERCURE DE FRANCE
qu'il doit préferer les interêts de sa Patrie
à l'aggrandissement de sa Maison , et
qu'il importe au salut ,de l'Epire que le-
Roy de Créte épouse Erigone.
Attale ne pouvant cacher l'amour qu'il
a pour cette Reine , se plaint à son Pere
de l'obstacle qu'une main aussi chere
que la sienne oppose à son bonheur.
Androclide lui répond que cet Hymen
qu'il souhaite avec tant d'ardeur , seroit
le plus grand malheur qui pût arriver à
fun et à l'autre ; il lui annonce que la
Reine doit les consulter tous deux sur le
choix d'un Epoux , et l'exhorte vivement
à la faire pancher du côté de Stenclus .
Stenelus et Nerée commencent le sea
cond Acte ; comme ils s'aiment réciproquement
, ils sont également affligez du
refus d'Androclide ; mais la vertu de l'Amante
lui fait rejetter comme un crime ,
ce que l'amour suggere à l'Amant.
Erigone ne fait connoître qu'à demi à
Nerée ce que produira le conseil d'Androclide
et d'Attale sur le choix d'un
nouveau Roy que ses Sujets lui demandent
avec empressement
.
La Scene deliberative qui suit est des
plus nouvelles au Theatre ; deux personnes
seules sont consultées , et sembleroient
ne devoir faire qu'un suffrage, si l'amour
II. Vol. ne
DECEMBR E. 1731. 3039
ne s'en mêloit pas ; le Pere et le Fils se
trouvent directement opposez , parce
qu'ils agissent par des motifs tout-à- fait
differens. Erigone expose en peu de mots
le sujet pour lequel elle les rassemble.Androclide
tâche de la porter à l'Hymen de
Stenelus , par des raisons tres - plausibles , et
Attale s'oppose respectueusement aux
avis de son Pere ; il dit tendrement à Erigone
que sans s'exposer à perdre un Sceptre
hereditaire , pour en chercher un
étranger , elle peut trouver un sujet , qui
toujours soumis à ses loix , raffermisse le
Trône où les Dieux l'ont placée. Erigone
dit à Androclide que ses conseils sont
plus prudens que ceux de son Fils ; mais
que ceux de son Fils sont plus flatteurs
pour elle. Son choix se détermine pour
Attale ; elle dit que l'appui d'un Trône.
est digne d'y monter. Elle ordonne à Androclide
d'aller tout préparer pour cette
grande fête , et d'assembler ses Etats pour
la rendre plus solemnelle : Elle se retire..
Androclide reproche à son fils son peu
de defference pour ses avis . Attale de son
côté se plaint de la rigueur d'un Pere
qui veut empêcher son Fils de s'élever à
la grandeur suprême. Androclide ne peut
plus lui cacher le fatal secfet ; il lui apprend
qu'Erigone est sa soeur , et lui ex-
II. Vot.
Fiiij pose
3040 MERCURE DE FRANCE
pose en peu de mots ce qui l'a obligé à
faire l'échange de sa fille contre celle du
dernier Roy du sang d'Achille ; il prie
Attale de s'absenter pour empêcher un
Hymen incestueux, et pour se guérir d'un
amour funeste ; Attale au désespoir s'y
détermine; ils sortent pour aller exécuter
ce qu'ils viennent de résoudre..
Au troisiéme Acte Stenelus implore le
secours d'Erigone pour fléchir la dureté
d'Androclide , qui lui refuse sa fille . Erigone
lui promet d'appuyer un projet si
glorieux pour le Pere et pour la Fille.
Nerée en pleurs , vient apprendre à Erigone
que son frere Attale est prêt à quisrer
l'Epire , et que le Vaisseau qui doit
l'en éloigner , ne tardera pas à mettre à la
voile. Erigone , aussi offensée que surprise
d'un départ si peu attendu , ordonne
qu'on s'y oppose ; Stenelus va lui -même
faire exécuter les ordres de cette Reime
affligée. Attale vient peu de temps
aprés ; et ne pouvant soutenir les reproches
qu'Erigone lui fait , il ne peut plus
s'empêcher de lui revéler l'affreux mystere
qui le force à renoncer à tout son
bonheur.
Androclide arrive au même instant et
lui coupe la parole.
Attale reconnoît la faute qu'il alloit fai-
II. Vol.
DECEMBRE. 1731. 3041
ee , si son Pere ne fut venu à son secours;
il aime mieux s'avoiier coupable de tous
les crimes que la colere d'Erigone lui impute
: Elle le traite en criminel d'Etat, et
ordonne qu'on l'arrête. Androclide jugeant
la fuite de son Fils plus necessaire
que jamais , interesse pour lui un fidele
ami , avec qui il va prendre des mesures
pour rompre les fers de son Fils et lui
ouvrir un chemin à la fuite.
Au quatriéme Acte , Nerée demande
la grace de son Frere à Erigone ; cette
Reine se croyant trahie , ou du moins
offensée,lui répond qu'Attale ne peut sauver
sa tête qu'en lui donnant la main.
Un Garde vient lui apporter un billet ;
qu'on a intercepté ; il est d'Androclide à
son Fils ; il l'exhorte. à fuir une soeuz
qu'il aime, et dont il est aimé. L'équivo
que produit par le nom de soeur , attire
les plus sanglans reproches à la vertueu
se Nerée; elle ne peut les soutenir et se re
tire , frappée d'un mortel désespoir.
On amene Attale à Erigone ; elle lui reproche
des crimes qu'il ignore , et dont
il n'est instruit que par le fatal billet que
la Reine lui met entre les mains ; la nécessité
où il se trouve de disculper sa
soeur , et de lui rendre toute sa gloire ,
L'oblige à ne plus rien,cacher. Il apprend
1. Vob .
Ev
3042 MERCURE DE FRANCE
à Erigone que c'est elle -même qu'Andro
clide a voulu désignerpar le nom de soeur;
ce coup est tout des plus frappans pour
elle , l'amour a beau gemir dans son coeur,
il faut l'immoler au devoir ; elle fait plus,
elle forme la noble résolution de rendreà
Nerée un Trône qu'elle croit lui ap .
partenir par les droits de la naissance.
5.
Erigone , qui à la fin du second Acte
a ordonné à Androclide d'assembler les
Grands de son Royaume , déclare au cinquiéme
Acte , en leur présence , que Nerée
est la légitime heritiere du Trône
d'Epire; cette déclaration est suivie d'une
contestation également noble et genereuse,
entre Nerée et Erigone ; elle est terminée
par l'arrivée d'Attale , dont la mere , jus .
qu'alors captive chez les Crétois , -vient
d'être renduë à sa patrie ; elle lui a déclaré
, que par un second échange qu'elle a
fait à l'insçu de son époux Androclide ,
elle a remis les choses dans l'ordre que la
justice demandoit : par ce second échange
qui fait le dénouement d'une Piece , dont
le premier avoit fait le noud , Erigone
Cessant d'être soeur d'Attale , le place sur-
Son Trône , et Stenelus partage celui de
Créte avec sa chere Netée.
Il ne nous reste plus qu'à faite part à nos
Lecteurs du jugement que le public a porté
1. Vole sur
DECEMBRE. 1731. 3043
presur
cette Tragedie.On en a trouvé le
mier Acte fort clair , par rapport à l'exposition
de ce qui s'est passé avant l'ac
tion Théatrale.
:
>
Le second a été généralement applaudi
et a paru un des plus interressans que M.
de la Grange ait encore mis sur la Scene :
le coup de Théatre du troisiéme n'a
pass
paru aussi frappant qu'il l'auroit été , si
Auteur ne nous en eut pas donné un
- semblable dans sa belle Tragédie d'Amasis.
La Lettre qui fait le plus bel incident
du quatrième , n'a pas eu tout le succès
que l'Auteur s'en étoit promis ; les Critiques
les plus séveres ne l'ont pris que
pour du remplissage ; cependant on est
convenu qu'il sert au progrès de l'action
principale , puisqu'il engage Attale à déclarer
à Erigone quelle est sa soeur. On a
admiré la cession du Trône , mais on auroit
voulu qu'Erigone fut sûre que Nerée
est celle avec qui elle a été échangée dans
le berceau , il n'auroit tenu qu'à l'Auteur
de l'en mieux instruire par Attale. Au
reste la versification a paruë négligée en
beaucoup d'endroits . Ces diverses observations
du public n'empêchent pas que:
M. de la Grande n'ait acquis une nouvelle
gloire , mais elles ont diminué le succès ,
de son ouvrage..
LL. Vol..
Avji
Au
3044 MERCURE DE FRANCE
Au reste cette Piece est fort bien représ
sentée. La Dlle Labat y joue le principal
Rôle avec toute l'intelligence , les graces
et la noblesse possible. La Dlle Gossin y
remplit très - bien celui de Nerée ; et ceux
d'Attale, d'Androclide et de Stenelus , sont
joüez , par les sieurs Dufresne , Sarrazin , et
Grandval
Les Comediens François représenterent à Vers
sailles le Mardi 4. Décembre , le Chevalier
Bayard et la réunion des Amours.
Le Jeudi 6. Britannicus et Crispin bel esprit.
Le 11. Démocrite et les Vacances .
Le
13. Andronic et le Baron de la Crasse.
Le 18. Jodelet Maître et Valet , et le Flo
rentin.
Le 20. Erigone , Tragedie , et l'Aveugle
Clairvoyant.
Le 29. L'homme à bonne fortune , et l'Usurier
Gentilhomme.
Lẹ 31. Mithridate , et le Port de Mer.
Le premier Decembre les Comédiens Italiensreprésenterent
à la Cour , le Faucon ou les Oyes
de Bocace , Comédie en trois Actes , qui fut sui
vie de la petite Piece de la Verité Fabuliste ,
qu'on a autant goutée à la Cour qu'à la Ville.
.
Le 15. ils y jouerent la Femme Jalouse , et
pour petite Piece , le Philosophe Dupe de l'Amour.
Le 22.
Fermer
Résumé : Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
La tragédie 'Erigone' de M. de la Grange aurait pu connaître plus de représentations si l'auteur avait été présent à Paris lors de sa mise en scène. Le cinquième acte nécessitait quelques modifications que le public souhaitait, ce qui aurait été facile à réaliser pour un auteur aussi habile et inventif. L'intrigue commence avec Stenelus, roi de Crète, captif d'Attale, général des Épirotes et fils d'Androclide, ministre du royaume d'Épire. Stenelus est amoureux de Nerée, fille d'Androclide, mais son père refuse le mariage pour des raisons politiques. Stenelus préfère Nerée à Erigone, la reine des Crétois. Il demande l'aide d'Attale pour convaincre son père, mais Androclide insiste sur l'importance de l'union entre Stenelus et Erigone pour la paix entre les Crétois et les Épirotes. Dans le deuxième acte, Stenelus et Nerée, malgré leur amour réciproque, sont affligés par le refus d'Androclide. Erigone révèle à Nerée les conseils d'Androclide et d'Attale concernant le choix d'un nouvel époux. Erigone choisit Attale, jugeant son soutien au trône digne de monter sur celui-ci. Au troisième acte, Stenelus implore l'aide d'Erigone pour fléchir Androclide. Nerée apprend qu'Attale est prêt à quitter l'Épire, ce qui surprend Erigone. Attale révèle à Erigone un secret funeste : Erigone est en réalité sa sœur. Androclide confirme cette révélation et ordonne à Attale de fuir pour éviter un mariage incestueux. Dans le quatrième acte, Nerée demande la grâce d'Attale à Erigone, qui exige qu'Attale se marie avec elle pour sauver sa tête. Un billet intercepté d'Androclide à Attale cause une confusion. Attale révèle qu'Erigone est sa sœur, ce qui la pousse à rendre le trône à Nerée. Au cinquième acte, Erigone déclare devant les grands du royaume que Nerée est l'héritière légitime du trône d'Épire. Une contestation noble et généreuse s'ensuit entre Nerée et Erigone. L'arrivée d'Attale, dont la mère captive chez les Crétois a été libérée, révèle un second échange qui rétablit l'ordre. Erigone, n'étant plus la sœur d'Attale, le place sur le trône, et Stenelus partage le trône de Crète avec Nerée. Le public a trouvé le premier acte clair et le second très intéressant. Le coup de théâtre du troisième acte a été jugé moins frappant en raison d'une similitude avec une autre tragédie de l'auteur. La lettre du quatrième acte, bien que critiquée, a été reconnue utile pour le progrès de l'action. La cession du trône a été admirée, mais on aurait souhaité plus de certitude sur l'identité de Nerée. La versification a été jugée négligée par endroits. Malgré ces critiques, M. de la Grange a acquis une nouvelle gloire avec cette pièce. La représentation a été bien accueillie, avec des acteurs tels que la Dlle Labat, la Dlle Gossin, et les sieurs Dufresne, Sarrazin, et Grandval.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
295
p. 212-215
PLUTON AMOUREUX, CANTATE.
Début :
Arbitre souverain de la Terre et des Cieux, [...]
Mots clefs :
Amour, Pluton, Hymen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLUTON AMOUREUX, CANTATE.
PLUTON AMOUREUX,
CANTATE.
Arbitre souverain de la Terre et des Cieux ;
L'Amour voulut tenter des conquêtes nouvelles
Et perçant des Enfers les voutes éternelles ,
Porter au sein des Morts ses Traits victorieux :
Ce Projet n'a rien qui l'étonne ;
Il quitte le séjour de l'aimable Paphos ,
Et volant vers les bords que l'Erebe environne,
De l'éternelle nuit il perce le cahos ;
Là bientôt par ses soins le Dieu des sombres Rives ,
Trouble par ces clameurs plaintives ,
Des Manes effrayés l'immuable repos.
L'Amour a triomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles Humains ¿→
Je ne regne plus sur moi- même.
Je n'ose recouvrer ma liberté ravie ;
L'aimable erreur qui me séduit ,
Fait
FEVRIER. 1732 213
Fait seule ma plus douce envie ;
Loin de fuir l'esclavage où je me vois réduit
J'aime la chaîne qui me lie.
L'Amour, atriomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,-
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles humains
Je ne regne plus sur moi- même.
Idit , et Cupidon fait naître dans son cœur
D'un Hymen fortuné les desirs légitimes ,
Et docile à la voix de ce tendre vainqueur,
De la Terre entr'ouverte il franchit les abîmes ;
Bien- tôt laissant les Bords , où le Pere du jour
Répand ses feux féconds sur tout ce qui respire
Il atteint le sommet du Celeste séjour ,
Où Jupiter exerce un souverain Empire ,
Et ne connoît de Loix que celles de l'Amour.'
Il arrive ; on se tait , on l'écoute , il soupire ;
Et déclare en ces mots ce que son cœur desire.
Lorsque l'Hymen , d'une main liberale ›
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs ?
Maitre
214 MERCURE DE FRANCE
Maître des Dieux , que ta bonté propice ,/
Consente enfin à ma felicité ;
Ou si tu veux prolonger mon supplice ,
Délivre-moi de l'immortalité.
Lorsque l'Hymen d'une main liberale ,
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs ,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs. "
Le Dieu qui lance le Tonnere ,
De son frere amoureux approuve les projets 3
Pluton vole et des Cieux descendu sur la Terre,
Il penetre soudain Pasile de Cerés ;
Proserpine d'abord se présente à sa vûë;
I hésite , il approche ; elle fuit éperduë ;
La peur la précipite à travers les Forêts;
C'est en vain qu'elle espere éviter sa furie , ›
Il la suit , il l'attend , il l'enleve , elle crië ; ·
Mais , ô cris ! ô pleurs superflus !
Elle part, et déja Cerés ne l'entend plus.
L'Amour veut nous attendrir;
Ne tardons pas à nous rendre ;
S'est s'exposer à souffrir,
Que de vouloir s'en deffendre.
Mais
FEVRIER. 1732. 215
Mais quand on suit la douceur ,
Du penchant qui nous entraîne ,
On sçait tirer son bonheur ,
Du sein même de sa peine.
L'Amour veut nous attendrir ,
Ne tardons pas a nous rendre ;
C'est s'exposer àતે souffrir,
Que de vouloir s'en deffendre.
Par J. M. GAULTIER , Auteur de Valsain Vangé , Cantate , inserée dans le Mer
cure de May 1731%
CANTATE.
Arbitre souverain de la Terre et des Cieux ;
L'Amour voulut tenter des conquêtes nouvelles
Et perçant des Enfers les voutes éternelles ,
Porter au sein des Morts ses Traits victorieux :
Ce Projet n'a rien qui l'étonne ;
Il quitte le séjour de l'aimable Paphos ,
Et volant vers les bords que l'Erebe environne,
De l'éternelle nuit il perce le cahos ;
Là bientôt par ses soins le Dieu des sombres Rives ,
Trouble par ces clameurs plaintives ,
Des Manes effrayés l'immuable repos.
L'Amour a triomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles Humains ¿→
Je ne regne plus sur moi- même.
Je n'ose recouvrer ma liberté ravie ;
L'aimable erreur qui me séduit ,
Fait
FEVRIER. 1732 213
Fait seule ma plus douce envie ;
Loin de fuir l'esclavage où je me vois réduit
J'aime la chaîne qui me lie.
L'Amour, atriomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,-
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles humains
Je ne regne plus sur moi- même.
Idit , et Cupidon fait naître dans son cœur
D'un Hymen fortuné les desirs légitimes ,
Et docile à la voix de ce tendre vainqueur,
De la Terre entr'ouverte il franchit les abîmes ;
Bien- tôt laissant les Bords , où le Pere du jour
Répand ses feux féconds sur tout ce qui respire
Il atteint le sommet du Celeste séjour ,
Où Jupiter exerce un souverain Empire ,
Et ne connoît de Loix que celles de l'Amour.'
Il arrive ; on se tait , on l'écoute , il soupire ;
Et déclare en ces mots ce que son cœur desire.
Lorsque l'Hymen , d'une main liberale ›
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs ?
Maitre
214 MERCURE DE FRANCE
Maître des Dieux , que ta bonté propice ,/
Consente enfin à ma felicité ;
Ou si tu veux prolonger mon supplice ,
Délivre-moi de l'immortalité.
Lorsque l'Hymen d'une main liberale ,
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs ,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs. "
Le Dieu qui lance le Tonnere ,
De son frere amoureux approuve les projets 3
Pluton vole et des Cieux descendu sur la Terre,
Il penetre soudain Pasile de Cerés ;
Proserpine d'abord se présente à sa vûë;
I hésite , il approche ; elle fuit éperduë ;
La peur la précipite à travers les Forêts;
C'est en vain qu'elle espere éviter sa furie , ›
Il la suit , il l'attend , il l'enleve , elle crië ; ·
Mais , ô cris ! ô pleurs superflus !
Elle part, et déja Cerés ne l'entend plus.
L'Amour veut nous attendrir;
Ne tardons pas à nous rendre ;
S'est s'exposer à souffrir,
Que de vouloir s'en deffendre.
Mais
FEVRIER. 1732. 215
Mais quand on suit la douceur ,
Du penchant qui nous entraîne ,
On sçait tirer son bonheur ,
Du sein même de sa peine.
L'Amour veut nous attendrir ,
Ne tardons pas a nous rendre ;
C'est s'exposer àતે souffrir,
Que de vouloir s'en deffendre.
Par J. M. GAULTIER , Auteur de Valsain Vangé , Cantate , inserée dans le Mer
cure de May 1731%
Fermer
Résumé : PLUTON AMOUREUX, CANTATE.
La cantate 'Pluton Amoureux' narre la décision de l'Amour de conquérir les Enfers. L'Amour perturbe le repos des âmes et provoque Pluton, le dieu des Enfers, qui ressent alors des désirs légitimes de mariage. Vaincu par l'Amour, Pluton se rend sur Terre et enlève Proserpine, la fille de Cérès, malgré ses tentatives de fuite. La cantate explore les sentiments de Pluton, prêt à abandonner son pouvoir suprême et son immortalité pour connaître les douceurs de l'Hymen, comme les autres dieux. Jupiter, le maître des dieux, approuve les projets amoureux de Pluton. Le texte se conclut par une réflexion sur la nature de l'amour, soulignant qu'il est préférable de se rendre à ses charmes plutôt que de tenter de s'en défendre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
296
p. 294-297
LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
Début :
Jeune enfant de seize ans, drû comme pere et mere; [...]
Mots clefs :
Hymen, Jeunesse, Art de plaire, Amour, Amant, Époux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
LES FINES EGUILLES.
A Mlle D. M.... sous le nom de
C'élimene.
J
TEXT E.
Eune enfant de seize ans , dru comme pere et mere ;
» Aimable comme un Ange , ou deux
Que le fils de celui qui sera ton beau-pers
Se pourra dire heureux ! *
GLOS E.
Jeune et tendre Céliméne
C'est une prédiction ,
Que l'agréable Scaron
Vous cut appliqué sans peine ;
Et , sans doute , avec raison,
Ces quatre Vers sont de Scaron.
Fille
FEVRIER 1732. 295
Fille d'une aimable Mere ,
Dont l'amour forma les traits,
Belle , mais de ses attraits ;
Et qui joint à l'art de plaire
Les graces , et l'enjoüment
Rare et précieux talent,
Dont vous êtes Légataire ,
De ce Legs héréditaire
Vous jouissez pleinement.
Sous les yeux d'une Parènte
Qu'on ne sçauroit trop lover ;
Vous croissez , aimable Plante ;
Et lui faites avoüer ,
Qu'en remplissant son attente ,
Ses travaux sont couronnez.
Que ses jours soient épargnez ,
Que d'une santé constante
Ils soient tous accompagnez,
Mais , que vois-je ! L'Himen
De Festons la tête ornée ,
Vous invite chaque jour ,
A vous joindre à votre tour
A sa troupe fortunée ;
Autant vous en dit l'amour.
E ij Cc
E MERCURE DE FRANCE
Ce Dieu vous offre l'hommage ,
Des cœurs soumis à vos loix,
Enfaveur du moins volage
Déterminez votre choix.
L'Hymen , à vos chastes flammes
Allumera son flambeau ;
L'Amour lui rendra les armes ;
Quoi de plus doux , de plus beau !
Tous les deux d'intelligence ,
Vous conduisans à l'Autel,
Vous donneront l'assurance
D'un bonheur toujours réel,
Les jeux , les ris , la Jeunesse
Par des chants pleins d'allégresse
Seconderont vos désirs ;
Les Silvains et les Bergeres
Par mille danses légères ,
Animeront vos plaisirs.
Jouissez-en sans allarmes & 2
Puisque la danse a des charmes
Qui flatent vos jeunes ans ,
Exercez-y les talens
Qu'en vous admirent les Graces ;
Qui vous servent à genoux ;
Quoi-
FEVRIER. 1732 297
Quoiqu'elles suivent vos traces ,
Dansent-elles mieux que vous ?
O! qu'heureux l'Amant fidele ;
De qui recevant les vœux ,
Vous couronnerez les feux ,
Lorsqu'une chaîne éternelle
yous unira tous les deux !
Prenez-le enjoüé , mais sage ,
Tendre , sans être jaloux ;
Et qu'il ait tout en partage ,
Pour être digne de vous.
ΕΝΤΟΥ.
Recevez donc , Célimene ,
D'un Buveur de l'Hypocrène
La foible production';
Des Muses ce Nourrisson ,
Pour fille ne sçauroit faire.
De souhait qui soit plus doux ,
Ni plus certain de lui plaire ,
Que le souhait d'un Epoux.
V.
A Mlle D. M.... sous le nom de
C'élimene.
J
TEXT E.
Eune enfant de seize ans , dru comme pere et mere ;
» Aimable comme un Ange , ou deux
Que le fils de celui qui sera ton beau-pers
Se pourra dire heureux ! *
GLOS E.
Jeune et tendre Céliméne
C'est une prédiction ,
Que l'agréable Scaron
Vous cut appliqué sans peine ;
Et , sans doute , avec raison,
Ces quatre Vers sont de Scaron.
Fille
FEVRIER 1732. 295
Fille d'une aimable Mere ,
Dont l'amour forma les traits,
Belle , mais de ses attraits ;
Et qui joint à l'art de plaire
Les graces , et l'enjoüment
Rare et précieux talent,
Dont vous êtes Légataire ,
De ce Legs héréditaire
Vous jouissez pleinement.
Sous les yeux d'une Parènte
Qu'on ne sçauroit trop lover ;
Vous croissez , aimable Plante ;
Et lui faites avoüer ,
Qu'en remplissant son attente ,
Ses travaux sont couronnez.
Que ses jours soient épargnez ,
Que d'une santé constante
Ils soient tous accompagnez,
Mais , que vois-je ! L'Himen
De Festons la tête ornée ,
Vous invite chaque jour ,
A vous joindre à votre tour
A sa troupe fortunée ;
Autant vous en dit l'amour.
E ij Cc
E MERCURE DE FRANCE
Ce Dieu vous offre l'hommage ,
Des cœurs soumis à vos loix,
Enfaveur du moins volage
Déterminez votre choix.
L'Hymen , à vos chastes flammes
Allumera son flambeau ;
L'Amour lui rendra les armes ;
Quoi de plus doux , de plus beau !
Tous les deux d'intelligence ,
Vous conduisans à l'Autel,
Vous donneront l'assurance
D'un bonheur toujours réel,
Les jeux , les ris , la Jeunesse
Par des chants pleins d'allégresse
Seconderont vos désirs ;
Les Silvains et les Bergeres
Par mille danses légères ,
Animeront vos plaisirs.
Jouissez-en sans allarmes & 2
Puisque la danse a des charmes
Qui flatent vos jeunes ans ,
Exercez-y les talens
Qu'en vous admirent les Graces ;
Qui vous servent à genoux ;
Quoi-
FEVRIER. 1732 297
Quoiqu'elles suivent vos traces ,
Dansent-elles mieux que vous ?
O! qu'heureux l'Amant fidele ;
De qui recevant les vœux ,
Vous couronnerez les feux ,
Lorsqu'une chaîne éternelle
yous unira tous les deux !
Prenez-le enjoüé , mais sage ,
Tendre , sans être jaloux ;
Et qu'il ait tout en partage ,
Pour être digne de vous.
ΕΝΤΟΥ.
Recevez donc , Célimene ,
D'un Buveur de l'Hypocrène
La foible production';
Des Muses ce Nourrisson ,
Pour fille ne sçauroit faire.
De souhait qui soit plus doux ,
Ni plus certain de lui plaire ,
Que le souhait d'un Epoux.
V.
Fermer
Résumé : LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
Le texte présente une série de poèmes et de commentaires dédiés à Célimène, une jeune fille de seize ans. Le premier poème la décrit comme aimable et prédit qu'elle apportera bonheur à son futur mari. Un glossaire attribue ces vers à Scaron. Un autre poème, daté de février 1732, loue Célimène pour sa beauté, ses charmes et son talent hérité de sa mère. Il mentionne également l'attention et l'amour de sa parente, ainsi que l'imminence de son mariage. Le texte évoque ensuite l'Hymen et l'Amour, qui guideront Célimène vers le bonheur conjugal, accompagné de jeux et de danses. Il conseille à Célimène de choisir un époux fidèle, tendre et sage. Enfin, un dernier poème souhaite à Célimène de trouver un époux aimant et exprime l'espoir que ses vœux se réalisent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
297
p. 426-429
IDILE.
Début :
Plus mon coeur amoureux vous presse de vous rendre, [...]
Mots clefs :
Tircis, Aminte, Bergère, Amour, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IDILE.
I DILE.-
Tircis.
Lus mon cœur amoureux vous presse de vous s
rendre ,
Plus le vôtre abusé , s'obstine à se deffendre ,
Ainsi coulent nos plus beaux jours ;
Aminte.
Le Dieu d'amour fait trop verser de larmes;
Tircis.
Pour échapper au pouvoir de ses charmes
Vous cherchez mille vains détours.
Aminte.
Du doux Tyran qui cherche à me surprend
Je crains le dangereux poison ;
Je le fuis ; ai-je tort d'opposer ma raison ,
Auxpieges qu'il voudroit me tendre ?
Tircis
MARS. 17328 427
Tircis.
Bergere , craignez moins de vous y laisser
prendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et tendre !
L'Amour a des attraits qu'il faut avoir goutez
Pour pouvoir les comprendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et
tendre!
Ensemble.
Il faut chercher à se guérir ,
Des maux que cause une inhumaine ?
Plutôt que de mourir ,
On doit briser sa chaîne.
Tircis.
Mais si le puissant Dieu , Maître de l'Univers
Qui d'un coup de sa foudre,
Mit les Titans en poudre ,-
Tout inconstant qu'il est , vouloit porter vos fers
Pour venir sur l'herbette ,
Vous parler d'amourette ,
S'il quittoit sa brillante Cour;
Si pour gage dé son'amour ,
Il vous offroit un Sceptre au lieu d'une houlette,
Al'attrait d'un bonheur si doux, si glorieux,
Votre cœur pourroit- il ... , .
Aminte
428 MERCURE DE FRANCE
Aminte.
Ah! s'il étoit possible ,
Qu'Amour rendît mon cœur sensible ,
Le plus puissant de tous les Dieux,
Ne seroit pas l'Amant qui me plairoit le mieux,
Tircis
Que cet aveu flatte mon ame !
Le doux et tendre espoir qui conduit au plaisir ,
Aidé par l'amoureux desir ,
S'efforce à s'expliquer en faveur de ma flamme ;
Mais ce n'est point de l'espoir séducteur >
Aminte, c'est de vous que je voudrois apprendre
Qui seroit ce Rival si rempli de bonheur ,
Qui mieux que Jupiter auroit droit de prétendre
A l'Empire de votre cœur.
Aminte.
Un Berger fidele et tendre ,
S'il me pouvoit jurer une éternelle ardeur.
Tircis.
Je ne connoissois pas mon plus parfait bonheur ;
Aminte , vous m'aimiez vous chérissiez ma flamme !
Et je vous accusois d'une injuste rigueur 1
Ah ! si j'avois plutôt reconnu mon erreur
Que j'aurois épargné de tourmens à mon amèr
Mortelle Divinité,
Bergere
MARS. 1732. 429
Bergere que j'adore ,
'Ah ! vous m'ôtez ma liberté ,
Par des charmes plus doux encore,
Que l'éclat de la beauté.
Aminte.
In vous plaignant de ma froideurextrême ,
Berger , vous parliez autrement.
Tircis.
Si je ne parlois pas de même ;
C'est dans l'excès de mon toutment.
Ensemble.
Ledoux Ruisseau qui coule dans la Plaine ,
Suit son penchant , s'abandonne à son cours;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine ;
Aimons , allons où le desir nous mene;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours ;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine;
Aimons , allons où le desir nous mene ;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours.
Par M. de Balmary de Cabors,
Tircis.
Lus mon cœur amoureux vous presse de vous s
rendre ,
Plus le vôtre abusé , s'obstine à se deffendre ,
Ainsi coulent nos plus beaux jours ;
Aminte.
Le Dieu d'amour fait trop verser de larmes;
Tircis.
Pour échapper au pouvoir de ses charmes
Vous cherchez mille vains détours.
Aminte.
Du doux Tyran qui cherche à me surprend
Je crains le dangereux poison ;
Je le fuis ; ai-je tort d'opposer ma raison ,
Auxpieges qu'il voudroit me tendre ?
Tircis
MARS. 17328 427
Tircis.
Bergere , craignez moins de vous y laisser
prendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et tendre !
L'Amour a des attraits qu'il faut avoir goutez
Pour pouvoir les comprendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et
tendre!
Ensemble.
Il faut chercher à se guérir ,
Des maux que cause une inhumaine ?
Plutôt que de mourir ,
On doit briser sa chaîne.
Tircis.
Mais si le puissant Dieu , Maître de l'Univers
Qui d'un coup de sa foudre,
Mit les Titans en poudre ,-
Tout inconstant qu'il est , vouloit porter vos fers
Pour venir sur l'herbette ,
Vous parler d'amourette ,
S'il quittoit sa brillante Cour;
Si pour gage dé son'amour ,
Il vous offroit un Sceptre au lieu d'une houlette,
Al'attrait d'un bonheur si doux, si glorieux,
Votre cœur pourroit- il ... , .
Aminte
428 MERCURE DE FRANCE
Aminte.
Ah! s'il étoit possible ,
Qu'Amour rendît mon cœur sensible ,
Le plus puissant de tous les Dieux,
Ne seroit pas l'Amant qui me plairoit le mieux,
Tircis
Que cet aveu flatte mon ame !
Le doux et tendre espoir qui conduit au plaisir ,
Aidé par l'amoureux desir ,
S'efforce à s'expliquer en faveur de ma flamme ;
Mais ce n'est point de l'espoir séducteur >
Aminte, c'est de vous que je voudrois apprendre
Qui seroit ce Rival si rempli de bonheur ,
Qui mieux que Jupiter auroit droit de prétendre
A l'Empire de votre cœur.
Aminte.
Un Berger fidele et tendre ,
S'il me pouvoit jurer une éternelle ardeur.
Tircis.
Je ne connoissois pas mon plus parfait bonheur ;
Aminte , vous m'aimiez vous chérissiez ma flamme !
Et je vous accusois d'une injuste rigueur 1
Ah ! si j'avois plutôt reconnu mon erreur
Que j'aurois épargné de tourmens à mon amèr
Mortelle Divinité,
Bergere
MARS. 1732. 429
Bergere que j'adore ,
'Ah ! vous m'ôtez ma liberté ,
Par des charmes plus doux encore,
Que l'éclat de la beauté.
Aminte.
In vous plaignant de ma froideurextrême ,
Berger , vous parliez autrement.
Tircis.
Si je ne parlois pas de même ;
C'est dans l'excès de mon toutment.
Ensemble.
Ledoux Ruisseau qui coule dans la Plaine ,
Suit son penchant , s'abandonne à son cours;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine ;
Aimons , allons où le desir nous mene;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours ;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine;
Aimons , allons où le desir nous mene ;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours.
Par M. de Balmary de Cabors,
Fermer
Résumé : IDILE.
Le texte relate un dialogue entre Tircis et Aminte, deux personnages amoureux. Tircis souhaite rejoindre Aminte, mais celle-ci hésite, craignant les dangers de l'amour. Tircis vante les plaisirs de l'amour avec un berger fidèle et tendre. Aminte, bien que touchée, exprime ses doutes. Tircis imagine ensuite Jupiter déclarant son amour à Aminte, mais elle préfère un berger fidèle. Tircis, flatté, demande qui est ce rival. Aminte souhaite un berger capable de lui jurer un amour éternel. Tircis regrette ses erreurs passées et avoue son amour. Le dialogue se conclut par une réflexion sur la liberté et le désir, les personnages souhaitant suivre leurs penchants naturels et vivre leurs amours librement, loin des contraintes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
298
p. 453-457
EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Début :
Un jour, las d'écouter les plaintes et les voeux, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Minerve, Bragny, Déesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
EPITH ALAME,
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
Fermer
Résumé : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Le poème épithalame célèbre le mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, petite-fille et nièce du Cardinal de Bissy, avec le Comte de la Magdelaine Ragny. Il commence par une plainte de Jupiter à Hyménée, qui reproche à ce dernier de sacrifier les sentiments des époux au profit de la richesse. L'Amour et Minerve interviennent alors. L'Amour suggère de laisser les époux choisir leurs partenaires, tandis que Minerve met en garde contre les dangers de suivre uniquement la passion. Jupiter décide que l'Amour et Hyménée doivent suivre les conseils de la sagesse incarnée par Minerve. Minerve descend sur Terre et annonce au Comte de Ragny qu'il est destiné à épouser une jeune femme sage et vertueuse, Mademoiselle de Tyard-Bragny. Elle vante les mérites de Bragny, soulignant son origine noble et ses vertus. Minerve conduit ensuite l'Amour et Hyménée auprès de Bragny, qui accepte les hommages de Ragny. L'Amour les blesse de ses flèches, et Hyménée les unit par une chaîne symbolisant leur amour et leur sagesse. Le poème se termine par une bénédiction pour les époux, assurant que leur union sera heureuse et durable grâce à la combinaison de l'amour et de la sagesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
299
p. 485-487
LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
Début :
Un Serein, jeune, beau, chantoit dans un bocage; [...]
Mots clefs :
Serein, Linotte, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
LE SEREIN ET LA LINOTE,
FABLE.
UN Sereim , jeune , beau , chantoit dans un
bocage ;
Les Rossignols étoient jaloux
De la douceur de son ramage.
Malgré leur dépit et leur rage ,
Pour l'entendre , ils se taisoient tous.
Il apperçut une Linote ,
Dont l'air étoit vif, tendre et doux ;'
Dans ce Bois , lui dit-il , belle , que faites vous ?
Je ne fais rien ; si je sçavois la notte
Que je chanterois tendrement !
Lui répondit, en soûpirant , la belle ,
Avec un désir si charmant ,
Repliqua le Serein , brúlant d'amour pour elle
Que vous apprendrez promptement !
Sij'osois vous prier que sous ce verd feüillage
Je vous donnasse des leçons , 8
Bientôt vous charmeriez par vos tendres
chansons
Tous les Oiseaux du voisinage ,
Ah ! dit-elle , d'un ton flateur ,
Sera-ce assez de ma reconnoissance
Dij Pour
486 MERCURE DE FRANCE
Pour vous payer d'une telle faveur
C'est-là , je crois , la récompense
Que vous devez attendre de mon cœur.
Le Serein généreux et tendre ,
Par ses soupirs lui fit comprendre ,
Qu'il souhaittoit lui plaire seulement;
Qu'il ne vouloit d'autre païment
Que le doux plaisir de l'entendre
Chanter mélodieusement.
L'accord fut fait dans le moment.
En peu de temps elle scut la Musique ,
L'Amour est un Maître charmant ;
Quand à montrer , ce Dieu s'applique,
Que l'on apprend facilement !
D'abord que le Serein vit l'aimable Linotte
Se servir avec sentiment
Des charmes touchans de la notte ,
Vous chantez aussi-bien que moi,
Lui dit-il , recevez ma foy ,
C'est le prix que je veux , d'avoir scû vous inse
truire ;
La Linotte se prit à rire.
Cet aveu , lui dit- elle , est tout-à- fait nouveau ¿
Je vous croyois plus de cerveau ;
Grand mercy de votre Musique.
Adicu. Mon tendre coeur s'explique
En faveur d'un jeune Moineau,
Aux Champs , dans les Cours , dans les
Villes Tandis
MARS. 11327 487
Tandis que nous sommes utiles ,
Nous sommes toujours bien reçus ,
Mais d'abord que notre présence,
Semble exiger de la reconnoissance ,
On nous fuir , nous ne plaisons plus
M. L'AFFICHARD.
FABLE.
UN Sereim , jeune , beau , chantoit dans un
bocage ;
Les Rossignols étoient jaloux
De la douceur de son ramage.
Malgré leur dépit et leur rage ,
Pour l'entendre , ils se taisoient tous.
Il apperçut une Linote ,
Dont l'air étoit vif, tendre et doux ;'
Dans ce Bois , lui dit-il , belle , que faites vous ?
Je ne fais rien ; si je sçavois la notte
Que je chanterois tendrement !
Lui répondit, en soûpirant , la belle ,
Avec un désir si charmant ,
Repliqua le Serein , brúlant d'amour pour elle
Que vous apprendrez promptement !
Sij'osois vous prier que sous ce verd feüillage
Je vous donnasse des leçons , 8
Bientôt vous charmeriez par vos tendres
chansons
Tous les Oiseaux du voisinage ,
Ah ! dit-elle , d'un ton flateur ,
Sera-ce assez de ma reconnoissance
Dij Pour
486 MERCURE DE FRANCE
Pour vous payer d'une telle faveur
C'est-là , je crois , la récompense
Que vous devez attendre de mon cœur.
Le Serein généreux et tendre ,
Par ses soupirs lui fit comprendre ,
Qu'il souhaittoit lui plaire seulement;
Qu'il ne vouloit d'autre païment
Que le doux plaisir de l'entendre
Chanter mélodieusement.
L'accord fut fait dans le moment.
En peu de temps elle scut la Musique ,
L'Amour est un Maître charmant ;
Quand à montrer , ce Dieu s'applique,
Que l'on apprend facilement !
D'abord que le Serein vit l'aimable Linotte
Se servir avec sentiment
Des charmes touchans de la notte ,
Vous chantez aussi-bien que moi,
Lui dit-il , recevez ma foy ,
C'est le prix que je veux , d'avoir scû vous inse
truire ;
La Linotte se prit à rire.
Cet aveu , lui dit- elle , est tout-à- fait nouveau ¿
Je vous croyois plus de cerveau ;
Grand mercy de votre Musique.
Adicu. Mon tendre coeur s'explique
En faveur d'un jeune Moineau,
Aux Champs , dans les Cours , dans les
Villes Tandis
MARS. 11327 487
Tandis que nous sommes utiles ,
Nous sommes toujours bien reçus ,
Mais d'abord que notre présence,
Semble exiger de la reconnoissance ,
On nous fuir , nous ne plaisons plus
M. L'AFFICHARD.
Fermer
Résumé : LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
La fable 'Le Serein et la Linote' narre l'histoire d'un serein, un oiseau jeune et talentueux, qui chante dans un bocage. Les rossignols, jaloux de son talent, se taisent pour l'écouter. Le serein remarque une linote et lui propose de lui apprendre à chanter. La linote accepte sans montrer de reconnaissance. Après quelques leçons, la linote chante aussi bien que le serein, mais refuse de reconnaître ses efforts. Elle avoue préférer un jeune moineau. La morale de la fable est que tant que l'on est utile, on est bien reçu, mais dès que l'on attend de la reconnaissance, on est fui et ne plaît plus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
300
p. *554-554
CHANSON.
Début :
Bacchus et Cupidn, cessez d'être ennemis, [...]
Mots clefs :
Amour, Boire, Vin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Acchus et Cupidon , cessez d'être ennemis,
Er ne vous séparez jamais pour votre gloire.
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ,
Le jus divin fit entrer dans mon ame;
Les feux qui partoient de ses yeux.3
L'Amour , au vin qui fit naître ma flâme,
Me fit trouver le goût de la boisson des Dieux;
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ;
Bacchus et Cupidon , cessez d'être ennemis ;
Et ne vous séparez jamais pour votre gloire.
L. C. D. N. D. M.
Acchus et Cupidon , cessez d'être ennemis,
Er ne vous séparez jamais pour votre gloire.
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ,
Le jus divin fit entrer dans mon ame;
Les feux qui partoient de ses yeux.3
L'Amour , au vin qui fit naître ma flâme,
Me fit trouver le goût de la boisson des Dieux;
J'étois indifferent , Aminthe m'a fait boire ;
Le vin à l'Amour m'a soumis ;
Bacchus et Cupidon , cessez d'être ennemis ;
Et ne vous séparez jamais pour votre gloire.
L. C. D. N. D. M.
Fermer
Résumé : CHANSON.
Le narrateur, initialement indifférent, est transformé par Aminthe qui lui fait boire du vin. Cette boisson, associée à l'amour, allume une flamme en lui et révèle les feux des yeux d'Aminthe. Il découvre ainsi le plaisir de la boisson des dieux grâce à l'amour. La chanson appelle à l'union de Bacchus et de Cupidon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer