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51
p. 2419-24[2]6
Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
Début :
HISTOIRE Litteraire de la France, où l'on traite de l'origine et du [...]
Mots clefs :
Histoire littéraire de la France, Villes, Savants, Marseille, Lettres, Auteurs, Langue, Historien, Ouvrage, Sujet, Connaissance , Éloquence, Philosophie, Poète, Gaules
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texteReconnaissance textuelle : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
ISTOIRE Litteraire de la France.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
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Résumé : Histoire Litteraire de la France, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Histoire Littéraire de la France' est rédigé par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur et publié à Paris. Il explore l'origine, le progrès, la décadence et le rétablissement des sciences parmi les Gaulois et les Français. Le premier volume se concentre sur les périodes antérieures à la naissance de Jésus-Christ et les quatre premiers siècles de l'Église. Cet ouvrage est le fruit d'une entreprise ambitieuse visant à compiler une histoire générale des savants de France. Les auteurs décrivent l'état des lettres dans les Gaules avant et durant l'époque des druides, qui étaient les hommes de lettres gaulois. Ils expliquent comment les sciences grecques se sont introduites en Gaule grâce aux Marseillois, une colonie grecque. Marseille est particulièrement soulignée pour son gouvernement politique et son académie, qui servaient de modèle aux autres villes gauloises. Les Marseillois ont fondé plusieurs villes en Gaule et ailleurs, répandant ainsi le goût des lettres et établissant des académies. L'ouvrage examine également les révolutions linguistiques en Gaule, mettant en avant l'importance de la langue grecque à Marseille et dans d'autres régions. Les Gaulois lettrés cultivaient l'éloquence et la jurisprudence, préférant servir leur patrie de vive voix plutôt que par écrit. Plusieurs savants gaulois sont mentionnés, tels que Pitheas, Eratosthène, et Trogue Pompée. Les auteurs encouragent les savants à signaler les erreurs et à partager leurs connaissances pour enrichir l'ouvrage. Ils expriment leur gratitude envers ceux qui les ont aidés dans cette entreprise.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 2495-2499
SUITE de la Relation du Siege et de la Prise du Fort de Kell, &c.
Début :
La nuit du 22. au 23. Octobre, la Tranchée fut relevée par le Marquis de Dreux, Lieutenant [...]
Mots clefs :
Garnison, Siège de Kehl, Fort de Kehl, Duc de Berwick, Régiment de Navarre, Roi, Lieutenant général, Maréchal de camp, Grenadiers, Ouvrage, Brigadier d'infanterie, Gendarmerie, Capitulation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Relation du Siege et de la Prise du Fort de Kell, &c.
SUITE de la Relation du Siege et da
la Prise du Fort de Kell , &c.
A nuit du 22. au 23 Octobre , la Tranchée
Lfut relevée par le Marquis de Dreux , Lieutenant
General , par le Marquis de la Fare ,
Maréchal de Camp , et par M. de Buckele , Brigadier
d'Infanterie ; les 250. Travailleurs ,
commandez pour les Ouvrages , furent soutenue
par les trois Bataillons du Régiment de la Marine,
par six Compagnies de Grenadiers du Régiment
de Navarre , d'Alsace et de Rouergue ,
et par des Détachemens de la Gendarmerie et
de la Cavalerie, et des Dragons, pareil à ceux des
jours précedens. Pendant cette nuit la Tranchée
fut poussée à so. toises du chemin couvert de
l'Ouvrage à corne , et on se logea dans une Lunette
de terre, que les Aseiegez n'avoient pas cu
le temps d'achever.
La nuit du 23. au 24. le Marquis de Nangis ,
Lieutenant General , le Comte de Saxe , Maréobal
de Camp , et le Comte de Bayiere , Briga
dier
2496 MERCURE DE FRANCE
dier , monterent la Tranchée avec les deux Ba-)
taillons du Régiment de Richelieu , et celui de
Gensac , six Compagnies de Grenadiers , un Dé.
tachement de la Gendarmerie , de la Cavalerie
et des Dragons , de 550 hommes et 1200 Travailleurs.
On poussa pendant cette nuit une sappe
entre le Rhin et la branche droite de l'Ouvrage à
corne. M. de la Serre , Capitaine des Grenadiers
dans le Régiment de Richelieu, fut tué avec deux
Grenadiers , et il y en eut deux autres de blessez.?
Le 25. M. de Quadt , Lieutenant General , le
Marquis de Clermont , Maréchal de Camp , et
M. de Chenelette , Brigadier d'Infanterie , étant
de Tranchée avec 400. Travailleurs et le même
nombre de Troupes que les jours précedens , les
Assiegez firent une sortie sur la sappe poussée
entre le Rhin et l'Ouvrage à corne , mais les
Grenadiers les obligerent de se retirer et la sapper
fut continuée.
Le Chevalier de Lamberval , Capitaine de Gre- :
nadiers , dans le Régiment de Bourbonnois , fut ?
blessé dans cette occasion , et M. de.Noyelles
Lieutenant des Grenadiers dans le même Régi
ment , fut tué.
Cette nuit la Tranchée fut relevée par le Duc t
de Duras , Lieutenant Géneral , M. de Sioujcat ,
Maréchal de Camp et M. Hosanussy , Brigadier
d'Infanterie , avec trois Bataillons , six Compagaies
de Grenadiers , le Détachement ordinaire
de la Gendarmerie , de la Cavalerie et des Dragons
, et roo, Travailleurs. On a fait pendang
cette nuit un logement dans la Contresparpe du
demi-Bastion de la droite de l'Ouvrage à corne,
et on se dispose à attacher le Mincur à la branche
droite de cet Ouvrage.
Le Marquis de Renel , Colonel du Régiment
de
NOVEMBRE . 1733. 2497 -
Sancerre , et gendre du Maréchal Duc de
Berwick , arriva à Fontainebleau le 31. Octobre
vers les 6. heures du soir, et il apporta au Roy la
nouvelle de la prise du Fort de Kell. Il étoit
parti le 28. a 9. heures du soir , dans le moment
que le General de Phall avoit fait battre la chamade
, et ce n'est que le 2. de ce mois que le Roy
a reçu les articles de la Capitulation accordée à
la Garnison, par le Maréchal Duc de Berwick,
Il a été convenu par cette Capitulation , que
le Fort de Kell et tous les Ouvrages qui en dépendent
, seroient rendus aux Troupes du Roy
le 29. au matin ; que le lendemain 30 la Garnison
sortireit avec armes et bagages , Tambour
battant , Enseignes déployées , deux Pieces de
Canon de bronze , et 12. coups de munition
pour chaque Soldat.
Qu'on donneroit la permission à tous les Offciers
Ecclesiastiques et Séculiers de toute Religion
et Profession , de la Garnison du Fort de
Kell , de se retirer où bon leur sembleroit.
Que les Vivandiers et les Commerçans de la
Garnison , pourroient sortir librement après
avoir vendu leurs meubles et effets , et que ceux
qui voudroient demeurer au Fort de Kell , seroient
traitez comme les Sujets du Roy .
Qu'il seroit permis à la Garnison de laisser
dans la Place les blessez et les malades , avec des
Officiers e tdes Chirurgiens pour en avoir soin.
Que tous les Baillifs et Sujets du Margrave de
Bade , domiciliez dans l'Ouvrage à corne du
Fort de Kell , seroient , ainsi que leurs effets
sous la protection de S. M. que la Garnison
mettroit le temps qu'elle jugeroit à propos pour
se rendre à Erlingheim , pourvû que ce terme
'excedât pas celui de 5. jours ; qu'elle seroit
*
H escortéct
2498 MERCURE DE FRANCE
escortée par les Troupes du Roy jusqu'à Etlingheim
, et qu'on lui donneroit pour aller jusqu'à
Ulm , un Passeport et un Trompette.
Que personne de la Garnison ne seroit inquié
té pour des dettes contractées au Fort de Kell ,
ou à Strasbourg , le General Phull s'en étant
rendu caution personnellement ; que ce General
donneroit les ordres qu'il jugeroit convenables ,
si pendant la marche de la Garnison pour se
rendre à Ulm , il arrivoit quelques desordres sur
la route , qu'il seroit donné des ôtages jusqu'au'
retour des Troupes du Roy qui auront escorté
la Garnison.
Que les Etats des munitions de guerre et de
bouche , seroient remis avec les clefs des Maga
Zins , aux Officiers préposez par le Maréchal Duc
de Berwick.
Qu'on fourniroit les vivres nécessaires pour
la subsistance de la Garnison pendant 3. ou 4.
jours de marche , et qu'il seroit donné un Passeport
à trois Officiers , Ingenieurs Prussiens ,
envoyez depuis 5. mois par l'Empire pour faire
réparer les Fortifications du Fort de Kell , ep
qui n'avoient pas eu
eu le temps de se retirer,
On a appris du Camp de Stolhoffen , que les
Troupes qui composoient la Garnison du Fort
de Kell , en sortirent le 13. du mois dernier , au
nombre de 1200. hommes; elles défilerent le long
de la ligne , l'Armée du Roy étant en bataille .
et conformément à un des articles de la Capitulation
, elles furent escortées jusqu'à Etlinghen
par un Détachement de Cavalerie.
Le même jour le Maréchal Duc de Berwick
fit entrer dans le Fort de Kell , le Régiment de
Gensac et celui de Rouergue , qui y doivent res
ser en garnison , et il nonma pour commander
dans
•
2499%
NOVEMBRE
. 1733
dans la Place M. de la Fitte , Commandant le
troisiéme Bataillon du Régiment de Navarre.
Le 2. de ce mois , le Chevalier de Givry , Ma
réchal de Camp , fut détaché de l'Armée avec
six Bataillons et un Régiment de Dragons ,
pour se rendre à Huningue , et pour y faire rétablir
le Pont de cette Ville. Le lendemain le
Maréchal Duc de Berwick partit avec une partie
de l'Armée du Roy , du Camp de Sundheem,
et il campa à Bichem ; il alla le 4. à Liectenaw
et il arriva le 5. vis-à- vis du Fort- Louis.
Le reste de l'Armée marcha le 4. sous les or¬
dres du Duc de Noailles ; et après avoir campé
le même jour à Bichem , il se rendit le s. à
Stolhoffen , où toute l'Armée est actuellement.
Le centre est à Selingue , la droite au Village de
Stolhoffen , et la gauche à celui d'Hugelsheim.
On travaille à rétablir le Pont de communication
du Fort - Louis à l'Ile du Marquisat et à
l'Ouvrage à corne qui doit le deffendre.
On apprend de Strasbourg , que le Maréchal
Duc de Berwick , fit le 9. de ce mois la Revûë
generale de l'Armée. Le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu , s'y trou
verent. Le 12. une partie de l'Armée repassa
le Rhin , le reste suivit le lendemain , et le 13 .
les Troupes commencerent à défiler pour se
rendre dans leurs quartiers . Les Régimens de la
Marine , d'Alsace , de Pont, de Sancerre , Royal
Baviere , et celui de Mortemart , qui composent
ro, Bataillons , sont campez dans l'Isle du Marquisat
, pour y achever les ouvrages qui y ont
été commencez , et les Régimens de Piémont ,
de Lionnois et celui d'Angoumois , sont à Humingue
, pour en faire rétablir le Pont.
la Prise du Fort de Kell , &c.
A nuit du 22. au 23 Octobre , la Tranchée
Lfut relevée par le Marquis de Dreux , Lieutenant
General , par le Marquis de la Fare ,
Maréchal de Camp , et par M. de Buckele , Brigadier
d'Infanterie ; les 250. Travailleurs ,
commandez pour les Ouvrages , furent soutenue
par les trois Bataillons du Régiment de la Marine,
par six Compagnies de Grenadiers du Régiment
de Navarre , d'Alsace et de Rouergue ,
et par des Détachemens de la Gendarmerie et
de la Cavalerie, et des Dragons, pareil à ceux des
jours précedens. Pendant cette nuit la Tranchée
fut poussée à so. toises du chemin couvert de
l'Ouvrage à corne , et on se logea dans une Lunette
de terre, que les Aseiegez n'avoient pas cu
le temps d'achever.
La nuit du 23. au 24. le Marquis de Nangis ,
Lieutenant General , le Comte de Saxe , Maréobal
de Camp , et le Comte de Bayiere , Briga
dier
2496 MERCURE DE FRANCE
dier , monterent la Tranchée avec les deux Ba-)
taillons du Régiment de Richelieu , et celui de
Gensac , six Compagnies de Grenadiers , un Dé.
tachement de la Gendarmerie , de la Cavalerie
et des Dragons , de 550 hommes et 1200 Travailleurs.
On poussa pendant cette nuit une sappe
entre le Rhin et la branche droite de l'Ouvrage à
corne. M. de la Serre , Capitaine des Grenadiers
dans le Régiment de Richelieu, fut tué avec deux
Grenadiers , et il y en eut deux autres de blessez.?
Le 25. M. de Quadt , Lieutenant General , le
Marquis de Clermont , Maréchal de Camp , et
M. de Chenelette , Brigadier d'Infanterie , étant
de Tranchée avec 400. Travailleurs et le même
nombre de Troupes que les jours précedens , les
Assiegez firent une sortie sur la sappe poussée
entre le Rhin et l'Ouvrage à corne , mais les
Grenadiers les obligerent de se retirer et la sapper
fut continuée.
Le Chevalier de Lamberval , Capitaine de Gre- :
nadiers , dans le Régiment de Bourbonnois , fut ?
blessé dans cette occasion , et M. de.Noyelles
Lieutenant des Grenadiers dans le même Régi
ment , fut tué.
Cette nuit la Tranchée fut relevée par le Duc t
de Duras , Lieutenant Géneral , M. de Sioujcat ,
Maréchal de Camp et M. Hosanussy , Brigadier
d'Infanterie , avec trois Bataillons , six Compagaies
de Grenadiers , le Détachement ordinaire
de la Gendarmerie , de la Cavalerie et des Dragons
, et roo, Travailleurs. On a fait pendang
cette nuit un logement dans la Contresparpe du
demi-Bastion de la droite de l'Ouvrage à corne,
et on se dispose à attacher le Mincur à la branche
droite de cet Ouvrage.
Le Marquis de Renel , Colonel du Régiment
de
NOVEMBRE . 1733. 2497 -
Sancerre , et gendre du Maréchal Duc de
Berwick , arriva à Fontainebleau le 31. Octobre
vers les 6. heures du soir, et il apporta au Roy la
nouvelle de la prise du Fort de Kell. Il étoit
parti le 28. a 9. heures du soir , dans le moment
que le General de Phall avoit fait battre la chamade
, et ce n'est que le 2. de ce mois que le Roy
a reçu les articles de la Capitulation accordée à
la Garnison, par le Maréchal Duc de Berwick,
Il a été convenu par cette Capitulation , que
le Fort de Kell et tous les Ouvrages qui en dépendent
, seroient rendus aux Troupes du Roy
le 29. au matin ; que le lendemain 30 la Garnison
sortireit avec armes et bagages , Tambour
battant , Enseignes déployées , deux Pieces de
Canon de bronze , et 12. coups de munition
pour chaque Soldat.
Qu'on donneroit la permission à tous les Offciers
Ecclesiastiques et Séculiers de toute Religion
et Profession , de la Garnison du Fort de
Kell , de se retirer où bon leur sembleroit.
Que les Vivandiers et les Commerçans de la
Garnison , pourroient sortir librement après
avoir vendu leurs meubles et effets , et que ceux
qui voudroient demeurer au Fort de Kell , seroient
traitez comme les Sujets du Roy .
Qu'il seroit permis à la Garnison de laisser
dans la Place les blessez et les malades , avec des
Officiers e tdes Chirurgiens pour en avoir soin.
Que tous les Baillifs et Sujets du Margrave de
Bade , domiciliez dans l'Ouvrage à corne du
Fort de Kell , seroient , ainsi que leurs effets
sous la protection de S. M. que la Garnison
mettroit le temps qu'elle jugeroit à propos pour
se rendre à Erlingheim , pourvû que ce terme
'excedât pas celui de 5. jours ; qu'elle seroit
*
H escortéct
2498 MERCURE DE FRANCE
escortée par les Troupes du Roy jusqu'à Etlingheim
, et qu'on lui donneroit pour aller jusqu'à
Ulm , un Passeport et un Trompette.
Que personne de la Garnison ne seroit inquié
té pour des dettes contractées au Fort de Kell ,
ou à Strasbourg , le General Phull s'en étant
rendu caution personnellement ; que ce General
donneroit les ordres qu'il jugeroit convenables ,
si pendant la marche de la Garnison pour se
rendre à Ulm , il arrivoit quelques desordres sur
la route , qu'il seroit donné des ôtages jusqu'au'
retour des Troupes du Roy qui auront escorté
la Garnison.
Que les Etats des munitions de guerre et de
bouche , seroient remis avec les clefs des Maga
Zins , aux Officiers préposez par le Maréchal Duc
de Berwick.
Qu'on fourniroit les vivres nécessaires pour
la subsistance de la Garnison pendant 3. ou 4.
jours de marche , et qu'il seroit donné un Passeport
à trois Officiers , Ingenieurs Prussiens ,
envoyez depuis 5. mois par l'Empire pour faire
réparer les Fortifications du Fort de Kell , ep
qui n'avoient pas eu
eu le temps de se retirer,
On a appris du Camp de Stolhoffen , que les
Troupes qui composoient la Garnison du Fort
de Kell , en sortirent le 13. du mois dernier , au
nombre de 1200. hommes; elles défilerent le long
de la ligne , l'Armée du Roy étant en bataille .
et conformément à un des articles de la Capitulation
, elles furent escortées jusqu'à Etlinghen
par un Détachement de Cavalerie.
Le même jour le Maréchal Duc de Berwick
fit entrer dans le Fort de Kell , le Régiment de
Gensac et celui de Rouergue , qui y doivent res
ser en garnison , et il nonma pour commander
dans
•
2499%
NOVEMBRE
. 1733
dans la Place M. de la Fitte , Commandant le
troisiéme Bataillon du Régiment de Navarre.
Le 2. de ce mois , le Chevalier de Givry , Ma
réchal de Camp , fut détaché de l'Armée avec
six Bataillons et un Régiment de Dragons ,
pour se rendre à Huningue , et pour y faire rétablir
le Pont de cette Ville. Le lendemain le
Maréchal Duc de Berwick partit avec une partie
de l'Armée du Roy , du Camp de Sundheem,
et il campa à Bichem ; il alla le 4. à Liectenaw
et il arriva le 5. vis-à- vis du Fort- Louis.
Le reste de l'Armée marcha le 4. sous les or¬
dres du Duc de Noailles ; et après avoir campé
le même jour à Bichem , il se rendit le s. à
Stolhoffen , où toute l'Armée est actuellement.
Le centre est à Selingue , la droite au Village de
Stolhoffen , et la gauche à celui d'Hugelsheim.
On travaille à rétablir le Pont de communication
du Fort - Louis à l'Ile du Marquisat et à
l'Ouvrage à corne qui doit le deffendre.
On apprend de Strasbourg , que le Maréchal
Duc de Berwick , fit le 9. de ce mois la Revûë
generale de l'Armée. Le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu , s'y trou
verent. Le 12. une partie de l'Armée repassa
le Rhin , le reste suivit le lendemain , et le 13 .
les Troupes commencerent à défiler pour se
rendre dans leurs quartiers . Les Régimens de la
Marine , d'Alsace , de Pont, de Sancerre , Royal
Baviere , et celui de Mortemart , qui composent
ro, Bataillons , sont campez dans l'Isle du Marquisat
, pour y achever les ouvrages qui y ont
été commencez , et les Régimens de Piémont ,
de Lionnois et celui d'Angoumois , sont à Humingue
, pour en faire rétablir le Pont.
Fermer
Résumé : SUITE de la Relation du Siege et de la Prise du Fort de Kell, &c.
En octobre 1733, le siège et la prise du Fort de Kell furent marqués par des travaux de tranchée dirigés par plusieurs officiers de haut rang, dont le Marquis de Dreux, le Marquis de la Fare et M. de Buckele, avec le soutien de divers régiments et détachements. Les travaux avancèrent rapidement, avec la construction d'une lunette de terre et une sappe entre le Rhin et l'ouvrage à corne. Plusieurs incidents notables se produisirent, notamment la mort du Capitaine M. de la Serre et du Lieutenant M. de Noyelles, ainsi que des blessures subies par le Chevalier de Lamberval. Le 31 octobre, le Marquis de Renel informa le roi de la prise du Fort de Kell. La capitulation stipulait que la garnison sortirait avec armes et bagages, tambour battant, et que les blessés et malades resteraient sous la protection du roi. La garnison fut escortée jusqu'à Etlingheim, et des passeports furent fournis pour leur voyage jusqu'à Ulm. Les troupes du roi prirent possession du fort, et les régiments de Gensac et de Rouergue y furent stationnés sous le commandement de M. de la Fitte. Par la suite, le Maréchal Duc de Berwick déplaça une partie de l'armée vers Huningue et le Fort-Louis, où des travaux de réparation furent entrepris. Le 9 novembre, le Maréchal Duc de Berwick effectua une revue générale de l'armée à Strasbourg. Le 12 et 13 novembre, les troupes commencèrent à se rendre dans leurs quartiers d'hiver. Les régiments de la Marine, d'Alsace, de Pont, de Sancerre, Royal Bavière et de Mortemart furent stationnés dans l'île du Marquisat pour achever les ouvrages, tandis que les régiments de Piémont, de Lionnois et d'Angoumois furent envoyés à Huningue pour rétablir le pont.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 2549-2556
DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
Début :
MESSIEURS, Vos nouveaux Confreres seroient fondez à demander que vous [...]
Mots clefs :
Amour, Sujet, Amitié, Ouvrage, Matière, Lettre, Réflexions, Goût, Esprits, Confrères, Académie des jeux floraux
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texteReconnaissance textuelle : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
DISCOURS de M. de Ponsan , Trésorier,
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
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Résumé : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, a prononcé un discours à l'Académie des Jeux Floraux peu après sa réception. Il commence par exprimer son respect pour les usages de l'Académie et sa volonté de s'y conformer. Ponsan reconnaît le danger de s'exprimer devant une assemblée critique mais affirme que subir cette critique est une forme de modestie. Il critique ceux qui, par excès de prudence, se privent de contribuer au public par peur de ne pas atteindre la perfection. Ponsan loue l'Académie pour son goût des Belles Lettres et ses travaux littéraires, citant Horace pour souligner la perfection des œuvres académiques. Il mentionne un dialogue sur l'imagination et la raison, ainsi qu'un ouvrage sur un projet chimérique de transformer le fer en cuivre, illustrant comment l'imagination peut égarer la raison. Le discours se poursuit avec la présentation d'un ouvrage sur le goût, suivi de regrets pour l'absence de deux confrères. Ponsan exprime ensuite sa difficulté à égaler les plaisirs des séances précédentes et présente une lettre adressée à une dame, qui est le sujet de son intervention. Cette dame, connue pour sa beauté et son esprit, a toujours privilégié l'amitié à l'amour. La lettre vise à discuter de l'amitié, à démasquer l'amour et à établir la supériorité de l'amitié. Ponsan justifie son choix de sujet en citant des exemples de l'Académie Française, qui traitait de thèmes similaires. Il conclut en lisant sa réponse à la lettre de la dame, malgré la présence de détails personnels qu'il n'a pas pu supprimer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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54
p. 2629-2632
LETTRE écrite le 30. Novembre 1733. au sujet de l'Ouvrage de M. Michel, intitulé, Systême Chronologique &c.
Début :
Je porte, Monsieur, à votre Tribunal un Procès Litteraire dans lequel le [...]
Mots clefs :
P. Tournemine, M. Michel, Histoire, Édition, Ouvrage, Dissertations , Système chronologique, Bible
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite le 30. Novembre 1733. au sujet de l'Ouvrage de M. Michel, intitulé, Systême Chronologique &c.
LETTRE écrite le 35. Novembre 1733.
au fujet de l'Ouvrage de M. Michel™,
intitulé , Systême Chronologique &c.
JE porte ,Monsieur , à votre Tribunal
un Procès Litteraire dans lequel lè
principal interessé ne veut point entrer ;
mais tout Homme de Lettres , tout Lecteur
est partie à son défaut. La discussion
dé ce Procès n'est pas difficile , l'exposi
tion du fait le décide.
J'ay lû avec plaisir dans l'ouvrage de
M. Michel , intitulé Systême Chronologique
sur les trois Textes de la Bible qui a paru
cette année , les principes Chronologiques
de l'Auteur : il fait sentir que le
calcul trop abregé des Juifs ne s'accorde ,
ni avec la vraisemblance , ni avec les
Monumens Historiques les moins contestés
, qu'il faut avoir recours aux Textes
Grecs et Samaritains pour les années écoulées
depuis le Déluge jusqu'à l'Epoque
d'Abraham , que cette methode autori-
I. Vol.
sec
2630 MERCURE DE FRANCE
sée par les Saints Peres , et suivie par de
fameux Interprétes et d'habiles Chronologistes
, est la seule qui réunisse l'Histoire
Profane à l'Histoire Sacrée. Mon
plaisir a fort augmenté quand j'ay trouvé
à la page onzième une voie de conciliation
de la Vulgate avec le Grec et le Samaritain
, indiquée, qui conserve à la Vulgate
toute son authorité .
Dans ce commencement de l'ouvrage
de M. Michel , la justesse des conjectures
est appuyée par une érudition choisie . La
marge est chargée d'un grand nombre de
citations. J'y ai cherché la citation des
Memoires de Trevoux , ou des Dissertations
chronologiques du R. P. Tournemine
, et je l'ay cherchée en vain , elle y
manque.
Cependant , Monsieur , la voie de conciliation
entre les trois Textes a été proposée
par le P. Tournemine , il y a trente
ans dans les Mémoires de Trevoux de mil
sept cent trois , au mois de Mars et au mois
d'Août ; il ne se contente pas de la proposer
, cette conjecture ingenieuse , il
l'établit par des preuves ausquelles il est
difficile de resister.
En mil sept cent six M. du Hamel , ce
sçavant Universel , Philosophe , Mathématicien
, Théologien , Interpréte de l'E-
1. Vol. criture
DECEMBRE. 1733. 2651
criture , versé dans toutes les Sciences
adopta avec éloge le sentiment du Pere
Tournemine dans sa belle Edition de la
Bible.
En mil sept cent dix- neuf, le P. Tournemine
expliqua encore plus cette voie de
conciliation dans ses Dissertations chronologiques
latines , jointes à la nouvelle
Edition de Menochius. Ses découvertes
sur l'Histoire d'Egypte , des Assiriens ,
des Médes , de Cyrus , de Judith et d'Ester
sur l'origine des Lacédémoniens ,
sur plusieurs Propheties , entr'autres sur
les semaines de Daniel , sur l'année de la
Naissance de Jesus Christ , contenues
dans ces Dissertations , ont été goutées et
adoptées par d'habiles Critiques.
-
En mil sept cent vingt deux la seconde
Edition des Dissertations du P. Tournemine
parut à Venise. Un docte Italien , attaqua
la voie de conciliation proposée par
ce Pere en mil sept cent vingt-huit. M.
l'Abbé Biacca , fameux Académicien de
Rome , la justifia dans son Trattenimento
istorico Cronologico . Sa Critique judicieuse,
nette , précise , a obtenu les suffrages de
toute l'Italie sçavante.
En mil sept cent vingt-neuf , M. Len
glet du Fresnoy, dans la nouvelle Edition
de sa Méthode pour étudier l'Histoire
I. Vol. Livre
2632 MERCURE DE FRANCE
+
Livre nécessaire à tous ceux qui veulent
la sçavoir , déja traduit en Allemand , en
Espagnol , en Italien , en Anglois , suit
et dévelope le sensiment du P. Tournemine
avec cette clarté et cet ordre qui
fait le caractere et le succès de ses Ou
vrages.
Enfin en mil sept cent trente-deux , la
sçavante Academie d'Angleterre qui s'applique
à éclaircir l'Histoire Universelle ,
et qui en fournit d'excellens materiaux ,
a cité le P. Tournemine et préferé son
sentiment aux autres. On a traduit en
François cet Ouvrage curieux .
Si l'idée , les preuves, les raisonnemens;
les citations que le P. Tournemine a pu
bliés, il y a trente ans , étoient venus dans
l'esprit de M. Michel , la rencontre seroit
merveilleuse , unique ; elle est in
croïable , et pour justifier M. Michel il
faut rejetter la faute de la citation omise
sur le Copiste ou sur l'Imprimeur..
au fujet de l'Ouvrage de M. Michel™,
intitulé , Systême Chronologique &c.
JE porte ,Monsieur , à votre Tribunal
un Procès Litteraire dans lequel lè
principal interessé ne veut point entrer ;
mais tout Homme de Lettres , tout Lecteur
est partie à son défaut. La discussion
dé ce Procès n'est pas difficile , l'exposi
tion du fait le décide.
J'ay lû avec plaisir dans l'ouvrage de
M. Michel , intitulé Systême Chronologique
sur les trois Textes de la Bible qui a paru
cette année , les principes Chronologiques
de l'Auteur : il fait sentir que le
calcul trop abregé des Juifs ne s'accorde ,
ni avec la vraisemblance , ni avec les
Monumens Historiques les moins contestés
, qu'il faut avoir recours aux Textes
Grecs et Samaritains pour les années écoulées
depuis le Déluge jusqu'à l'Epoque
d'Abraham , que cette methode autori-
I. Vol.
sec
2630 MERCURE DE FRANCE
sée par les Saints Peres , et suivie par de
fameux Interprétes et d'habiles Chronologistes
, est la seule qui réunisse l'Histoire
Profane à l'Histoire Sacrée. Mon
plaisir a fort augmenté quand j'ay trouvé
à la page onzième une voie de conciliation
de la Vulgate avec le Grec et le Samaritain
, indiquée, qui conserve à la Vulgate
toute son authorité .
Dans ce commencement de l'ouvrage
de M. Michel , la justesse des conjectures
est appuyée par une érudition choisie . La
marge est chargée d'un grand nombre de
citations. J'y ai cherché la citation des
Memoires de Trevoux , ou des Dissertations
chronologiques du R. P. Tournemine
, et je l'ay cherchée en vain , elle y
manque.
Cependant , Monsieur , la voie de conciliation
entre les trois Textes a été proposée
par le P. Tournemine , il y a trente
ans dans les Mémoires de Trevoux de mil
sept cent trois , au mois de Mars et au mois
d'Août ; il ne se contente pas de la proposer
, cette conjecture ingenieuse , il
l'établit par des preuves ausquelles il est
difficile de resister.
En mil sept cent six M. du Hamel , ce
sçavant Universel , Philosophe , Mathématicien
, Théologien , Interpréte de l'E-
1. Vol. criture
DECEMBRE. 1733. 2651
criture , versé dans toutes les Sciences
adopta avec éloge le sentiment du Pere
Tournemine dans sa belle Edition de la
Bible.
En mil sept cent dix- neuf, le P. Tournemine
expliqua encore plus cette voie de
conciliation dans ses Dissertations chronologiques
latines , jointes à la nouvelle
Edition de Menochius. Ses découvertes
sur l'Histoire d'Egypte , des Assiriens ,
des Médes , de Cyrus , de Judith et d'Ester
sur l'origine des Lacédémoniens ,
sur plusieurs Propheties , entr'autres sur
les semaines de Daniel , sur l'année de la
Naissance de Jesus Christ , contenues
dans ces Dissertations , ont été goutées et
adoptées par d'habiles Critiques.
-
En mil sept cent vingt deux la seconde
Edition des Dissertations du P. Tournemine
parut à Venise. Un docte Italien , attaqua
la voie de conciliation proposée par
ce Pere en mil sept cent vingt-huit. M.
l'Abbé Biacca , fameux Académicien de
Rome , la justifia dans son Trattenimento
istorico Cronologico . Sa Critique judicieuse,
nette , précise , a obtenu les suffrages de
toute l'Italie sçavante.
En mil sept cent vingt-neuf , M. Len
glet du Fresnoy, dans la nouvelle Edition
de sa Méthode pour étudier l'Histoire
I. Vol. Livre
2632 MERCURE DE FRANCE
+
Livre nécessaire à tous ceux qui veulent
la sçavoir , déja traduit en Allemand , en
Espagnol , en Italien , en Anglois , suit
et dévelope le sensiment du P. Tournemine
avec cette clarté et cet ordre qui
fait le caractere et le succès de ses Ou
vrages.
Enfin en mil sept cent trente-deux , la
sçavante Academie d'Angleterre qui s'applique
à éclaircir l'Histoire Universelle ,
et qui en fournit d'excellens materiaux ,
a cité le P. Tournemine et préferé son
sentiment aux autres. On a traduit en
François cet Ouvrage curieux .
Si l'idée , les preuves, les raisonnemens;
les citations que le P. Tournemine a pu
bliés, il y a trente ans , étoient venus dans
l'esprit de M. Michel , la rencontre seroit
merveilleuse , unique ; elle est in
croïable , et pour justifier M. Michel il
faut rejetter la faute de la citation omise
sur le Copiste ou sur l'Imprimeur..
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Résumé : LETTRE écrite le 30. Novembre 1733. au sujet de l'Ouvrage de M. Michel, intitulé, Systême Chronologique &c.
La lettre, datée du 35 novembre 1733, traite de l'ouvrage de M. Michel intitulé 'Système Chronologique', qui porte sur les textes bibliques. L'auteur de la lettre apprécie les principes chronologiques de M. Michel, qui critique le calcul des Juifs et propose d'utiliser les textes grecs et samaritains pour les périodes antérieures à Abraham. Cette approche est soutenue par les Saints Pères et des chronologistes renommés. L'auteur note une voie de conciliation entre la Vulgate, le grec et le samaritain à la page onze de l'ouvrage. Cependant, il souligne l'absence de citations des Mémoires de Trevoux ou des dissertations chronologiques du Père Tournemine, qui avait proposé cette conciliation trente ans auparavant. Le Père Tournemine avait établi cette conjecture avec des preuves solides, et elle avait été adoptée par des savants comme M. du Hamel et l'Abbé Biacca. La lettre mentionne également que des critiques et des académies, y compris l'Académie d'Angleterre, avaient validé les travaux du Père Tournemine. L'auteur conclut que la similitude entre les idées de M. Michel et celles du Père Tournemine est trop grande pour être une coïncidence, suggérant une possible omission de citation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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55
p. 2658-2659
Pour et contre, [titre d'après la table]
Début :
La Feüille du Pour et Contre, se soutient toujours et se fait lire avec plaisir, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Angleterre, Anglais, Ouvrages d'esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pour et contre, [titre d'après la table]
La Feuille du Pour et Contre , se- sousient
toujours et se fait lire avec plaisir ,
non-seulement par le choix des matieres,
presqu'aussi interessantes que variées ,
mais par lasmaniere fine , simple et ai
sée dont cet Ouvrage est écrit.
faire
On trouve à la page 82. de la 19. Letda
tre du II . Tome , un article trop avantageux
à la Nation , pour n'en pas
part à nos Lecteurs , d'autant plus que
l'Auteur a toujours paru avoir bien de la
prédilection pour l'Angleterre et pour
les Anglois ; en effet , après avoir vanté
leur disposition d'esprit avantageuse , qui
ne se fait pas un deshonneur de recevoir
des autres Nations ce qu'elles ont d'agréable
ou d'utile , il s'exprime en ces
termes :
.1
เล
เพ
» Il est vrai neanmoins que par rapport
aux Ouvrages d'esprit , les voisins
de l'Angleterre pourroient desirer
» que ce qu'elle emprunte d'eux fût pris
avec un peu plus de ménagement et
1. Vol. employé
→
DECEMBRE. 1733. 2659
employé , si je l'ose dire , avec des marques
un peu plus claires de reconnois-
» sance. Je touche un article délicat ;
» mais la verité m'oblige de déclarer que
» j'ai bien vû des Auteurs Anglois se pas.
» rer des dépouilles de la France , et ou-
» blier d'avertir leurs Compatriotes , que
»les richesses qu'ils leur offroient ne
» venoient pas de leur Isle. Il me seroit
» aisé d'entrer là -dessus dans un détail
» curieux ; mais la matiere mérite d'être
» traitée dans un Ouvrage plus important
que cette Feuille. C'est un pré-
» sent que je promets au Public. On
» sera surpris d'apprendre que non- seu-
» lement les meilleurs Ecrivains d'Angleterre
se sont fait quelquefois honneur
» du travail des François , sans faire semnblant
de leur avoir obligation ; mais
» qu'un grand nombre de bons Livres ,
traduits de notre Langue en Anglois
»passent dans le Pays pour l'Ouvrage
des Traducteurs , parce que les Titres
» sont déguisez , ou qu'il n'y paroit rien
qui fasse connoître que c'est une Tra-
» duction .
toujours et se fait lire avec plaisir ,
non-seulement par le choix des matieres,
presqu'aussi interessantes que variées ,
mais par lasmaniere fine , simple et ai
sée dont cet Ouvrage est écrit.
faire
On trouve à la page 82. de la 19. Letda
tre du II . Tome , un article trop avantageux
à la Nation , pour n'en pas
part à nos Lecteurs , d'autant plus que
l'Auteur a toujours paru avoir bien de la
prédilection pour l'Angleterre et pour
les Anglois ; en effet , après avoir vanté
leur disposition d'esprit avantageuse , qui
ne se fait pas un deshonneur de recevoir
des autres Nations ce qu'elles ont d'agréable
ou d'utile , il s'exprime en ces
termes :
.1
เล
เพ
» Il est vrai neanmoins que par rapport
aux Ouvrages d'esprit , les voisins
de l'Angleterre pourroient desirer
» que ce qu'elle emprunte d'eux fût pris
avec un peu plus de ménagement et
1. Vol. employé
→
DECEMBRE. 1733. 2659
employé , si je l'ose dire , avec des marques
un peu plus claires de reconnois-
» sance. Je touche un article délicat ;
» mais la verité m'oblige de déclarer que
» j'ai bien vû des Auteurs Anglois se pas.
» rer des dépouilles de la France , et ou-
» blier d'avertir leurs Compatriotes , que
»les richesses qu'ils leur offroient ne
» venoient pas de leur Isle. Il me seroit
» aisé d'entrer là -dessus dans un détail
» curieux ; mais la matiere mérite d'être
» traitée dans un Ouvrage plus important
que cette Feuille. C'est un pré-
» sent que je promets au Public. On
» sera surpris d'apprendre que non- seu-
» lement les meilleurs Ecrivains d'Angleterre
se sont fait quelquefois honneur
» du travail des François , sans faire semnblant
de leur avoir obligation ; mais
» qu'un grand nombre de bons Livres ,
traduits de notre Langue en Anglois
»passent dans le Pays pour l'Ouvrage
des Traducteurs , parce que les Titres
» sont déguisez , ou qu'il n'y paroit rien
qui fasse connoître que c'est une Tra-
» duction .
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Résumé : Pour et contre, [titre d'après la table]
La Feuille du Pour et Contre est une publication reconnue pour la diversité et l'intérêt de ses sujets, ainsi que pour son style élégant et accessible. Dans le dix-neuvième numéro du deuxième tome, à la page 82, un article se distingue par son soutien marqué à la Nation. L'auteur, bien que généralement favorable à l'Angleterre et aux Anglais, critique leur tendance à s'approprier les œuvres intellectuelles des autres nations sans toujours les reconnaître. Il souligne que les écrivains anglais empruntent fréquemment des œuvres françaises sans en créditer les auteurs originaux. L'auteur mentionne qu'il pourrait développer ce sujet, mais préfère le traiter dans un ouvrage plus important. Il promet de révéler que même les meilleurs écrivains anglais se sont parfois approprié le travail des Français sans les créditer. De plus, il indique que de nombreux livres traduits du français en anglais sont présentés comme des œuvres originales en raison de titres modifiés ou de l'absence de mention de la traduction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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56
p. 2857-2864
Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques &c. [titre d'après la table]
Début :
Il vient de paroître une feüille imprimée qui contient en Latin, le Plan d'un [...]
Mots clefs :
Bibliothèque, Manuscrits, Bibliothèques, Ouvrage, Savants, Bibliothèque du roi, Catalogue, Travail, Auteur, Italie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques &c. [titre d'après la table]
Il vient de paroître une feuille imprimée
qui contient en Latin , le Plan d'un
nouvel Ouvrage du R. P, de Montfaucon.
Nous avons crû par l'importance du sujet
, devoir en donner ici une Traduction .
PROJET d'un Ouvrage qui aura pour
titre : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques.
J'exposerai ici en peu de mots ( c'est
L'Auteur qui parle , le sujet qui m'a fait
entreprendre et publier cet Ouvrage.
Lorsque je visitois les Bibliotheques de
Rome et d'Italie , et que je parcourois
les Manuscrits qui m'étoient confiez
II. Vol. E v j'ai
2858 MERCURE DE FRANCE
j'ai remarqué ce qui m'a paru de plus interessant.
J'ai fait des Catalogues de ces
Bibliotheques , dont j'ai donné la plus
grande partie dans mon Journal d'Italie
en l'année 1702. Non seulement j'ai mis
dans mes Porte- feuilles les Notes que j'avois
faites sur ces Manuscrits , mais j'ai
encore pris avec toute l'exactitude possible,
des Catalogues de ces Bibliotheques
et des Manuscrits , de sorte que je suis re
venu en France amplement chargé de ce
Meuble Litteraire en l'année 1701 .
De retour à Paris , j'ai continué mon
Entreprise, et par le secours de mes Confreres
et de mes Amis , j'ai étendu mes
recherches dans toute la France avec un
tel succès que j'ai recueilli un nombre
presqu'infini de Manuscrits que nos Menasteres
, plusieurs Eglises , et les Cabi
nets des Gens de Lettres m'ont fournis.
Lorsque j'étois occupé à cette Collec
tion , Gosme III . Grand Duc de Toscane,
se rendit par un surcroît de bonheur , à
la priere que j'avois eu l'honneur de lui
faire , de m'envoyer le Catalogue origi
nal de la fameuse Bibliotheque Laurentine
, Ouvrage qui avoit coûté plus de
dix années de travail à deux personnes
d'une profonde Erudition. Enrichi de
ces Tresors , j'ai songé aux moyens de les
II. Vol. rendte
DECEMBRE. 1733. 2858
rendre ut.les , tant pour moi que pour
mes amis. Dom Jean le Maître, mon cher
Confrere , a bien voulu seconder mon
dessein en transcrivant lui - même toute
cette Collection , et en y joignant une
Table aussi ample qu'exacre , travail des
plus penibles qu'il a enfin achevé en
l'année 1720. La Collection contient
2 Vol. in fol.
,
>
C'est par ce moyen un grand avantage
pour moi , pour mes amis et pour tous
les Gens de Lettres , qui s'occupent à
corriger les Ouvrages des Auteurs anciens
et ceux d'un certain âge ; puisque
d'un coup d'oeil il est aisé de distinguer
combien il se trouve de Munuscrits d'un
même Auteur dans près de cent Bibliotheques
ou Cabinets de France et
d'Italie , en tout genre de Litterature ,
principalement en Grec et en Latin , sans
parler des autres Langues ou Idiomes ,
surtout pour ce qui regarde l'Histoire
ou les Moeurs de quelque Nation ou de
quelque siécle dont la plupart sont écrites
en François , d'autres le sont en Italien
et quelques - unes en Espagnol. Plusieurs
personnes tant de nôtre Nation qu'Etrangers
, qui sont venus consulter cette
Collection en ont déja fait l'épreuve. Ce
sont ces mêmes personnes qui m'ont sol-
II. Vol Evi licité
2860 MERCURE DE FRANCE
par
licité de publier l'Ouvrage en le faisant
imprimer. Cependant je ne leur ai pas
obr d'abord, soit parce que me trouvant
distrait d'autres affaires , je ne pou-
Vois pas travailler à cet Ouvrage , soit
parce que je croyois qu'il manquoit encore
quelque chose à sa perfection .
: Mais ils ont redoublé leurs instances
en me representant mon grand âge ,
et que si je venois à mourir, cet Ouvrage
resteroit dans l'obscurité . Enfin après
avoir achevé l'Ouvrage des Monuments
de l'Histoire de France , je me rendis
aux sollicitations de mes Amis , je mis
la main à l'oeuvre , et au commencement
du mois de Juin 1733. j'entrepris de relire,
de corriger et d'augmenter ce Recüeil.
Je disposai pour joindre à cet Ouvrage
plusieurs choses qui m'étoient encore
venues depuis l'année 1720. et ce qui
étoit le plus difficile , je parcourus tous
les Catalogues imprimez des Bibliotheques
, et j'en tirai ce qu'il y avoit de plus
choisi et de plus convenable en quelque
genre de science que ce fut ; omettant et
ce que l'on rencontre communément
dans toutes les Bibliotheques de Manuscrits
, et ce que les sçavans négligent or
dinairement comme les Menées et les
autres Livres qui regardent l'Office Di-
II. Vol.
vin
DECEMBRE. 1733. 2868
vin de l'Eglise Grecque ; les Commenta
teurs d'Aristote tant Grecs que Latins, qui
surpassent en nombre presque tous les
aut res Ouvrages Manuscrits qui se trouvent
dans les Bibliotheques. C'est dans
cet esprit que j'ai choisi dans les Bibliotheques
de l'Empereur , de Coislin, dans
celles d'Angleterre &c. ce qui étoit le
plus important et surtout ce qui m'a paru
le plus avantageux à ceux qui ont entrepris
de corriger les Ouvrages des Auteurs.
Il ne me restoit plus que la Bibliotheque
du Roy , laquelle sembloit demander
encore plus de travail ; Bibliothèque
la plus ample qui ait jamais été , et aussi
fameuse par l'excellence que par le nombre
de ses Manuscrits. François I. appellé
à juste titre le Pere et le Restaura
teur des Lettres , fut le premier de nos
Rois , qui l'enrichit de Manuscrits Grecs
et Latins et de quantité d'autres . Les Rois
qui lui ont succedé ont encore de beaucoup
augmenté ce Trésor Mais Lours
LE GRAND a ajoûté tant de nouvelles richesses
, qu'il n'est point de Bibliotheque
au monde avec qui elle ne puisse disputer
pour le nombre et pour la qualité des
Manuscrits. Au reste cette célébre Bibliotheque
n'a jamais eu d'accroissement
II. Vol.
plus
2862 MERCURE DE FRANCE
plus considerables
que celui que nous
avons vû et qui s'est fait dans l'espace
seulement de 3 années , graces aux soins
et à la vigilance de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , qui par ordre du Roy a envoyé
des Sçavans choisis dans l'Orient
gour rechercher
tout ce qu'il y auroit
encore de rare en Manuscrits
Grecs , et
dans les autres Langues Orientales
; ces
Sçavans sont revenus avec une riche moisson
. Par le conseil de ce grand Ministre,
le Roy a encore acquis la Bibliotheque
Colbert , considerée
avec raison comme
une des plus fameuses de l'Europe ; celle
de S. Martial de Limoges
et quelques
au
tres de moindre considération
qui ont
été jointes à la Bibliotheque
Royale ; en
sorte qu'en moins de 3 ans il a été mis
dans cette Bibliotheque
plus de dix mille
Manuscrits
, qui par leur nombre pourroient
composer une Bibliotheque
qui
iroit de pair avec les plus considérables
de
l'Europe , ainsi que par l'excellence
des
Manuscrits
, ce qui fait qu'on compte au.
jourd'hui plus de trente mille Manuscrits
dans la Bibliotheque
du Roy , parmi lesquels
il y en a plus de 4000 en Grec.
Jamais Bibliotheque
ne fut donc plus
abondante
et plus riche en Manuscrits
pas même celle , de Ptolomée
, ce qui se
1 Vol. roit
DECEMBRE , 1733. 2863
roit facile à prouver si l'on y vouloit
employer quelque tems. Je ne dis rien
en cela que de très conforme à la verité.
C'eut été un travail immense s'il avoit
fallu choisir scrupuleusement dans une
relle Bibliotheque ce qui a rapport à mort
dessein particulier . Mais comme depuis
47 ans j'avois fréquenté et la Bibliotheque
du Roy er celle de Colbert qui lui a
été unie , et comme j'avois déja tiré de
ces Bibliotheques beaucoup de choses ,
j'ai vu par là diminuer vû mon travail. J'ai
lû très- xactement le Catalogue de ces
deux Biblio heques , que les Sçavans , qui
en ont la garde , m'ont obligeamment
communiquez , j'en ai pris ce qui m'a
paru le plus important sans oublier les
Variantes des plus fameux Ecrivains que
j'offre aux Sçavans , avec d'autres remarques
singulieres qui regardent quelques
Manuscrits particuliers , afin qu'on s'en
puisse servir en attendant que les sçavans
Hommes qui ont entrepris de donner un
Catalogue plus parfait y ayent mis la der
niere main.
Car le premier Catalogue de la Bibliotheque
du Roy , quoiqu'ancien , n'a
pas été fait avec toute l'exactitude qui
étoit à désirer du moins en cettains articles.
C'est tout le contraire à l'égard
II. Vol.
du
2864 MERCURE DE FRANCE
du Catalogue de la Bibliotheque Colbert
, qui est sorti de la main du célébre
M. Baluze.
Le sçavant Lecteur pourra donc voir
dans quelles Bibliotheques de l'Europe
- sont les Manuscrits de chaque Auteur
en tout genre de Litterature, en Histoire
ancienne et moderne en celle des
Royaumes , des Provinces , des Villes
des Eglises , des Monasteres , des Maisons
Illustres , en un mot, sur toutes les espe
ces d'Arts et de discipline. Tout cela sera
déduit avec plus d'étendue pour la
commodité des Lecteurs dans une Préface
qui sera mise au commencement de
l'Ouvrage.
qui contient en Latin , le Plan d'un
nouvel Ouvrage du R. P, de Montfaucon.
Nous avons crû par l'importance du sujet
, devoir en donner ici une Traduction .
PROJET d'un Ouvrage qui aura pour
titre : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques.
J'exposerai ici en peu de mots ( c'est
L'Auteur qui parle , le sujet qui m'a fait
entreprendre et publier cet Ouvrage.
Lorsque je visitois les Bibliotheques de
Rome et d'Italie , et que je parcourois
les Manuscrits qui m'étoient confiez
II. Vol. E v j'ai
2858 MERCURE DE FRANCE
j'ai remarqué ce qui m'a paru de plus interessant.
J'ai fait des Catalogues de ces
Bibliotheques , dont j'ai donné la plus
grande partie dans mon Journal d'Italie
en l'année 1702. Non seulement j'ai mis
dans mes Porte- feuilles les Notes que j'avois
faites sur ces Manuscrits , mais j'ai
encore pris avec toute l'exactitude possible,
des Catalogues de ces Bibliotheques
et des Manuscrits , de sorte que je suis re
venu en France amplement chargé de ce
Meuble Litteraire en l'année 1701 .
De retour à Paris , j'ai continué mon
Entreprise, et par le secours de mes Confreres
et de mes Amis , j'ai étendu mes
recherches dans toute la France avec un
tel succès que j'ai recueilli un nombre
presqu'infini de Manuscrits que nos Menasteres
, plusieurs Eglises , et les Cabi
nets des Gens de Lettres m'ont fournis.
Lorsque j'étois occupé à cette Collec
tion , Gosme III . Grand Duc de Toscane,
se rendit par un surcroît de bonheur , à
la priere que j'avois eu l'honneur de lui
faire , de m'envoyer le Catalogue origi
nal de la fameuse Bibliotheque Laurentine
, Ouvrage qui avoit coûté plus de
dix années de travail à deux personnes
d'une profonde Erudition. Enrichi de
ces Tresors , j'ai songé aux moyens de les
II. Vol. rendte
DECEMBRE. 1733. 2858
rendre ut.les , tant pour moi que pour
mes amis. Dom Jean le Maître, mon cher
Confrere , a bien voulu seconder mon
dessein en transcrivant lui - même toute
cette Collection , et en y joignant une
Table aussi ample qu'exacre , travail des
plus penibles qu'il a enfin achevé en
l'année 1720. La Collection contient
2 Vol. in fol.
,
>
C'est par ce moyen un grand avantage
pour moi , pour mes amis et pour tous
les Gens de Lettres , qui s'occupent à
corriger les Ouvrages des Auteurs anciens
et ceux d'un certain âge ; puisque
d'un coup d'oeil il est aisé de distinguer
combien il se trouve de Munuscrits d'un
même Auteur dans près de cent Bibliotheques
ou Cabinets de France et
d'Italie , en tout genre de Litterature ,
principalement en Grec et en Latin , sans
parler des autres Langues ou Idiomes ,
surtout pour ce qui regarde l'Histoire
ou les Moeurs de quelque Nation ou de
quelque siécle dont la plupart sont écrites
en François , d'autres le sont en Italien
et quelques - unes en Espagnol. Plusieurs
personnes tant de nôtre Nation qu'Etrangers
, qui sont venus consulter cette
Collection en ont déja fait l'épreuve. Ce
sont ces mêmes personnes qui m'ont sol-
II. Vol Evi licité
2860 MERCURE DE FRANCE
par
licité de publier l'Ouvrage en le faisant
imprimer. Cependant je ne leur ai pas
obr d'abord, soit parce que me trouvant
distrait d'autres affaires , je ne pou-
Vois pas travailler à cet Ouvrage , soit
parce que je croyois qu'il manquoit encore
quelque chose à sa perfection .
: Mais ils ont redoublé leurs instances
en me representant mon grand âge ,
et que si je venois à mourir, cet Ouvrage
resteroit dans l'obscurité . Enfin après
avoir achevé l'Ouvrage des Monuments
de l'Histoire de France , je me rendis
aux sollicitations de mes Amis , je mis
la main à l'oeuvre , et au commencement
du mois de Juin 1733. j'entrepris de relire,
de corriger et d'augmenter ce Recüeil.
Je disposai pour joindre à cet Ouvrage
plusieurs choses qui m'étoient encore
venues depuis l'année 1720. et ce qui
étoit le plus difficile , je parcourus tous
les Catalogues imprimez des Bibliotheques
, et j'en tirai ce qu'il y avoit de plus
choisi et de plus convenable en quelque
genre de science que ce fut ; omettant et
ce que l'on rencontre communément
dans toutes les Bibliotheques de Manuscrits
, et ce que les sçavans négligent or
dinairement comme les Menées et les
autres Livres qui regardent l'Office Di-
II. Vol.
vin
DECEMBRE. 1733. 2868
vin de l'Eglise Grecque ; les Commenta
teurs d'Aristote tant Grecs que Latins, qui
surpassent en nombre presque tous les
aut res Ouvrages Manuscrits qui se trouvent
dans les Bibliotheques. C'est dans
cet esprit que j'ai choisi dans les Bibliotheques
de l'Empereur , de Coislin, dans
celles d'Angleterre &c. ce qui étoit le
plus important et surtout ce qui m'a paru
le plus avantageux à ceux qui ont entrepris
de corriger les Ouvrages des Auteurs.
Il ne me restoit plus que la Bibliotheque
du Roy , laquelle sembloit demander
encore plus de travail ; Bibliothèque
la plus ample qui ait jamais été , et aussi
fameuse par l'excellence que par le nombre
de ses Manuscrits. François I. appellé
à juste titre le Pere et le Restaura
teur des Lettres , fut le premier de nos
Rois , qui l'enrichit de Manuscrits Grecs
et Latins et de quantité d'autres . Les Rois
qui lui ont succedé ont encore de beaucoup
augmenté ce Trésor Mais Lours
LE GRAND a ajoûté tant de nouvelles richesses
, qu'il n'est point de Bibliotheque
au monde avec qui elle ne puisse disputer
pour le nombre et pour la qualité des
Manuscrits. Au reste cette célébre Bibliotheque
n'a jamais eu d'accroissement
II. Vol.
plus
2862 MERCURE DE FRANCE
plus considerables
que celui que nous
avons vû et qui s'est fait dans l'espace
seulement de 3 années , graces aux soins
et à la vigilance de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , qui par ordre du Roy a envoyé
des Sçavans choisis dans l'Orient
gour rechercher
tout ce qu'il y auroit
encore de rare en Manuscrits
Grecs , et
dans les autres Langues Orientales
; ces
Sçavans sont revenus avec une riche moisson
. Par le conseil de ce grand Ministre,
le Roy a encore acquis la Bibliotheque
Colbert , considerée
avec raison comme
une des plus fameuses de l'Europe ; celle
de S. Martial de Limoges
et quelques
au
tres de moindre considération
qui ont
été jointes à la Bibliotheque
Royale ; en
sorte qu'en moins de 3 ans il a été mis
dans cette Bibliotheque
plus de dix mille
Manuscrits
, qui par leur nombre pourroient
composer une Bibliotheque
qui
iroit de pair avec les plus considérables
de
l'Europe , ainsi que par l'excellence
des
Manuscrits
, ce qui fait qu'on compte au.
jourd'hui plus de trente mille Manuscrits
dans la Bibliotheque
du Roy , parmi lesquels
il y en a plus de 4000 en Grec.
Jamais Bibliotheque
ne fut donc plus
abondante
et plus riche en Manuscrits
pas même celle , de Ptolomée
, ce qui se
1 Vol. roit
DECEMBRE , 1733. 2863
roit facile à prouver si l'on y vouloit
employer quelque tems. Je ne dis rien
en cela que de très conforme à la verité.
C'eut été un travail immense s'il avoit
fallu choisir scrupuleusement dans une
relle Bibliotheque ce qui a rapport à mort
dessein particulier . Mais comme depuis
47 ans j'avois fréquenté et la Bibliotheque
du Roy er celle de Colbert qui lui a
été unie , et comme j'avois déja tiré de
ces Bibliotheques beaucoup de choses ,
j'ai vu par là diminuer vû mon travail. J'ai
lû très- xactement le Catalogue de ces
deux Biblio heques , que les Sçavans , qui
en ont la garde , m'ont obligeamment
communiquez , j'en ai pris ce qui m'a
paru le plus important sans oublier les
Variantes des plus fameux Ecrivains que
j'offre aux Sçavans , avec d'autres remarques
singulieres qui regardent quelques
Manuscrits particuliers , afin qu'on s'en
puisse servir en attendant que les sçavans
Hommes qui ont entrepris de donner un
Catalogue plus parfait y ayent mis la der
niere main.
Car le premier Catalogue de la Bibliotheque
du Roy , quoiqu'ancien , n'a
pas été fait avec toute l'exactitude qui
étoit à désirer du moins en cettains articles.
C'est tout le contraire à l'égard
II. Vol.
du
2864 MERCURE DE FRANCE
du Catalogue de la Bibliotheque Colbert
, qui est sorti de la main du célébre
M. Baluze.
Le sçavant Lecteur pourra donc voir
dans quelles Bibliotheques de l'Europe
- sont les Manuscrits de chaque Auteur
en tout genre de Litterature, en Histoire
ancienne et moderne en celle des
Royaumes , des Provinces , des Villes
des Eglises , des Monasteres , des Maisons
Illustres , en un mot, sur toutes les espe
ces d'Arts et de discipline. Tout cela sera
déduit avec plus d'étendue pour la
commodité des Lecteurs dans une Préface
qui sera mise au commencement de
l'Ouvrage.
Fermer
Résumé : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques &c. [titre d'après la table]
Le Père de Montfaucon a récemment annoncé un nouvel ouvrage intitulé 'Nouvelle Bibliothèque des Bibliothèques'. Lors de ses visites des bibliothèques de Rome, d'Italie et de France, il a collecté des manuscrits et des catalogues, enrichissant ainsi sa collection. Il a également obtenu le catalogue de la bibliothèque Laurentine de Toscane. De retour à Paris, il a poursuivi ses recherches avec l'aide de ses confrères et amis, recueillant de nombreux manuscrits provenant de monastères, d'églises et de cabinets de lettrés. La collection, transcrite par Dom Jean le Maître, comprend deux volumes in-folio et une table ample et exacte. Elle offre un avantage considérable pour les lettrés qui corrigent les œuvres des auteurs anciens, permettant de distinguer les manuscrits d'un même auteur dans près de cent bibliothèques ou cabinets en France et en Italie. Plusieurs personnes, tant françaises qu'étrangères, ont déjà consulté cette collection et sollicité sa publication. Après avoir achevé un ouvrage sur les monuments de l'histoire de France, l'auteur a entrepris de relire, corriger et augmenter cette collection au début du mois de juin 1733. Il a parcouru tous les catalogues imprimés des bibliothèques, sélectionnant les éléments les plus choisis et les plus convenables. La bibliothèque du Roi, enrichie par François Ier et Louis XIV, ainsi que par les acquisitions récentes sous le cardinal de Fleury, est particulièrement notable. Elle contient plus de trente mille manuscrits, dont plus de quatre mille en grec. L'ouvrage permettra aux lecteurs de voir dans quelles bibliothèques européennes se trouvent les manuscrits de chaque auteur, en tout genre de littérature et d'histoire. Une préface détaillera ces informations pour la commodité des lecteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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57
p. 59-72
LETTRE à M*** au sujet d'un Livre qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie en général, sur l'Eglogue, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, et sur les autres petits Poëmes.
Début :
Vous me demandés, Monsieur, ce que c'est qu'un Livre nouveau, intitulé [...]
Mots clefs :
Auteur, Fontenelle, Imagination, Poésie, Ouvrage, Raison, Esprit, Idées, La Motte, Goût, Sentiment, Sublime, Images, Plaisir, Ode
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à M*** au sujet d'un Livre qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie en général, sur l'Eglogue, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, et sur les autres petits Poëmes.
LETTRE à M *** au sujet d'un Livre
qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie
en général , sur l'Eglogue , sur la Fa
ble, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode,
et sur les autres petits Poëmes.
Vous
'Ous me demandés , Monsieur , ce
que c'est qu'un Livre nouveau , intitulé
: Réfléxions , &c ?C'est un Ouvrage
singulier, qui ne ressemble à rien de tout
ce que vous connoissez . L'Auteur tresdésinteressé
sur sa propre réputation
n'évite peut-être point assez le stile qu'il
condamne , il se tenoit en garde , mais
imperceptiblement et à son insçû, la contagion
l'aura gagné.
Le dessein de l'Auteur est de traitter
de la Poësie en général et des différens
genres de Poësie ; vous vous imaginez
peut- être qu'il se borne à en donner les
préceptes et les régles ; il va plus loin , il
remontejusqu'aux sources de notre plaisir. Se
flatte-t- il de les avoir découvertes ? Il s'égaye
en présentant toujours force images
Dij
et
to MERCURE DE FRANCE
et de temps à autre quelques idées qui lui
sont particulieres,
Le seul mot de Poësie le met d'abord .
en enthousiasme. Au nom de la Poësie
ne voyez vous pas s'animer tout ce qui
existe dans la nature ? L'Auteur qui croit
en devoir parler poëtiquement envoye
audevant de son Lecteur les Faunes et les
Dryades. Le murmure des Ruisseaux
vient se joindre à une autre sorte de concert
formé par les habitans des Airs . D'un
autre côté par respect et pour ne pas déplaire
, se retirent les Bêtes meurtrieres ,
qui ne veulent pas troubler nos plaisirs.
Tels sont les Privileges de la Poësie .
Ce n'étoit pas - là notre premier langage
; nous prîmes d'abord la forme de
nous exprimer la plus simple , mais il
nous falloit un langage de fête. La Poësie
nous en a servi . Elle devient pour nous
un plaisir de convention , que l'on ne goute
qu'à mesure que l'on se fait à la lecture
des Vers. Naissent en foule les images,
toujours agréables par deux endroits.
Elles servent à fixer nos idées , elles réveillent
nos passions ; la premiere de ces
raisons de notre plaisir , nous la sçavions;
la seconde , qui n'est pas connue de tout
le monde,est peut- être un peu trop aprofondie
par comparaison , avec le reste de
J'OuJANVIER.
1734
Zi
Ouvrage. Ne vous en étonnez pas ;
1'Auteur qui raporte tout au sentiment,
n'a voulu que sentir , et s'est moins sou
cié de raisonner.
Mais à l'égard de cet avantage de réveiller
les passions que l'on attribuë à la
Poësie et à ses images ; l'éloquence le partage
avec elle ; elle a ses peintures et ses
mouvemens. Quel est donc le grand plaisir
que produit la Poësie ? Celui de voir
la difficulté vaincuë. Un Poëte se gêne et
se contraint pour rendre ses idées , et malgré
la contrainte il parvient à les rendre ;
nous partageons avec lui cette petite victoire.
Que dis - je ? Petite victoire , c'est
une conquête importante , et c'étoit sagesse
de la part du Poëte de risquer à ce
prix le sacrifice de tout ce que l'imagi
nation et le génie pouvoient lui fournir.
Les Grands Poëtes ne perdront rien à la
gêne , l'Auteur s'en rend la caution. Mal
propos M. de la Motte se plaint- il de
ce que pour lui donner des Vers , on lui
enlève le plus souvent la justesse , la précision
, l'agrément , les convenances. L'Auteur
des Réfléxions veut des Vers à quelque
prix que ce soit , et sur sa parole vous
pouvez croire que c'est le propre du
grand Poëte de ne se ressentir en rien de
la gêne des Vers.
Diij Mais
62 MERCURE DE FRANCE!
Mais il y a Vers et Vers ; sa folie c'ese
l'Eglogue, et son malheur, c'est de n'en paint
trouver d'assez bonnes ; il aime les Prez ,
les Bois , les Fontaines ; il confesse sa foiblesse
, si vous en aviez envie , vous le séduiriez
avec le murmure d'une Fontaine.
Accourez Bergers et Bergeres , mais pre
nez bien garde au ton que vous allez
donner à vos Chalumeaux ; on ne veut
point de vos Airs rustiques, encore moins
de ces Airs rafinez que l'on chante dans
les Villes. Eloignez - vous également de
l'un et de l'autre ton , et vous aurez trouvé
le véritable . Rien que du sentiment ,
voilà tout ce qu'il nous faut. Si vous pouviez
ne faire que respirer , ce seroit encore
mieux; le fond de vos conversations ',
il est aisé de le regler . M. de Fontenelle
vous a fait parler de vos amours et de
votre tranquillité : ce ne sont point les
détails de la vie champêtre que nous aimons
; entretenez nous de votre bonheur
et de la paix profonde où vous vivez .
Quoique l'Auteur copie M. de Fontenelle
, ne croyez pas qu'il en soit trop épris,
il a fait l'anatomie de ses Eglogues ; ellos
lui avoient d'abord paru tendres , mais
il s'étoit trompé , ce n'est que le ton qui en
est tendre. Tout le monde en est la dupe,
l'Auteur en convient ; mais il nous avertit
JANVIER. 1734. 3
tit que nous nous méprenons, que nous
ne sentons point , que nous croyons sentir.
M. de Fontenelle va changer de
nom , ce n'est plus un grand Poëte , ce
n'est plus un esprit facile , tendre , naïf ,
délicat , sublime ; c'est un grand sorcier ,
qui a pris tous ces différens tons - là; l'Auteur
lui accorde seulement d'avoir dit des
choses fines et lui reproche de les avoir
dites trop fines pour l'Eglogue. Une chose
m'embarasse , c'est que la plupart des
femmes apprennent par coeur ces Eglogues
; elles qui se connoissent en sentiment
, pour le moins aussi bien que
nous, y sont trompées toutes les premiéres
; et loin de vouloir être désabusées ,
elles prient Messieurs les Auteurs de les
tromper toujours de la même façon.
De l'Eglogue , l'Auteur passe à la Fable,
c'est un genre de Poëme, où doit sur-tout
regner le naïf. Il faut choisir une verité
agréable, qui fasse un fond gay; que le récit
ne soit ni trop court, ni trop long. Semez-
le , si vous voulez , de réfléxions , mais
de réfléxions vives , et qui naissent du fond
du sujet.Sur tout, ayezgrand soin du choix
de vos personnages, car l'Auteur ne pardonne
point à M. de la Motte d'avoir fait parler
Dom Jugement , Dame Mémoire et
Demoiselle Imagination ; on ne sçait de
Diiij quelle
64 MERCURE DE FRANCE
quelle couleur les habiller. M. de la Motre
a eu grand tort de ne pas habiller Demoiselle
Imagination en couleur de Rose,
il auroit un procès de moins à essuyer
aussi l'Auteur aime t'il la Lime pour personnage
dans une Fable , parce qu'il connoît
la couleur d'une Lime . Pour ce qui est
de placer la Moralité , l'Auteur vous en
laisse le maître ; le commencement , la
fin de la Fable , toute place lui est également
bonne ; si vous placez la moralité
à la fin , chaque circonstance du fait sert
à l'annoncer ; si vous la placez au commencement
, au lieu de la deviner , on en
fait l'application à mesure que l'on avance
dans le fait , ce qui est une autre sorte
de plaisir . Par occasion , l'Auteur parle
des Contes , où il voudroit de la finesse,
mais ils en auroient plus de poison . A titre
de Philosophe , il nous conseille de
nous en passer.
C'est bien à regret que l'Auteur nous
parle de ces vilains petits Poëmes que l'on
appelle Elegies ; une bonne raison pour
laquelle il ne les goute point , c'est qu'il
veut vivre et qu'il ne veut point que les autres
meurent. La belle chanson que celle d'un
homme qui dit continuellement en vers qu'il
va mourir. Encore l'Elegie est- elle si courte
que l'on n'a pas le tems de faire connoisJANVIER
1734 65
noissance avec lui , et de devenir sensible
à ses maux ; du moins dans une Tragédie
où s'interresse davantage au sort de celui
qui gémit, parce qu'on le connoît et que
l'on a tout le cours de la piéce pour s'attendrir.
L'Auteur trouve un grand défaut
dans les Elegies , même les plus estimées
, c'est que l'on y répand des images
trop fortes et trop énergiques , il voudroit
plus de molesse dans le stile parce
qu'il présume que la douleur affoiblit le
plaignant.
,
L'Auteur glisse sur la Satyre , il y veut
du feu , du sel même des agrémens
étrangers,car peut s'en faut , dit l'Auteur,
qu'à l'égard de ce genre d'ouvrage , notre
inconstance ne l'emporte sur notre malignité
et que nous ne demandions des Satyres qui
ne soient plus satyres.
› Chemin faisant , il faut s'arrêter au sublime
avec l'Auteur , il en parle à propos
de l'Ode, et il n'en connoît que de deux
sortes , celui des Images et celui des Tours.
Ici il copie Boileau pendant plus de trois
pages pour le dédommager de ce qu'il
avoit dit de lui sur la Satyre , qu'il manquoit
de délicatesse. Le sublime des Images
c'est les differentes peintures qu'elles
présentent ; celui - ci ne lui paroît rien
par comparaison avec le sublime des Tours,
Dy 1212
66 MERCURE DE FRANCE
un qu'il mourût de Corneille lui paroît
un tour sublime,voyez ,je vous prie, comme
nous nous trompions . Vous croyez que'
lorsque l'on rapporte à Horace le pere la
fuite de son fils , que vous le voyez dans
l'indignation et qu'interrogé sur le parti'
qu'eut dû prendre le fils , le pere répond
qu'il mourut , vous croyez que c'est le
sentiment que vous admirez , point du
tout : c'est le tour. Que reste - t- il à dire
de l'Ode à présent , le sublime en fait
partie , on ne fait plus qu'attaquer les
Odes méthodiques , on y veut des écarts,
et ces écarts, au gré de l'Auteur, valent bien
tout ce que la raison peut produire avec tout
son orgueil ; à vous dire mon avis , j'avois
toujours crû l'imagination aussi orgüeilleuse
que la raison, mais que voulez vous ?
l'Auteur feint de se brouiller avec la raison.
Des écarts surtout, des écarts , voilà ce
qu'il demande à un Poëte lyrique. L'ordre
de l'Ode c'est le désordre, si M. de la Motte
revenoit , il auroit beau s'écrier , je voudrois
dans une Ode de la raison et du
feu. L'Auteur répondroit , je préfere mon
feu à toute votre raison. L'Auteur admet
par complaisance des Odes anacréontiques
, mais il y veut encore du désordre ,
il n'y a , selon lui , qu'une façon d'écrire
lans chaque genre , point d'Eglogue , si
elle
JANVIER 1734. 67
>
elle n'est simple , point de fable si elle
n'est naïve point d'Ode si vous n'y
mettez des écarts et si la foule des di
gressions n'y surpasse le fond de la chose .
D'un vol leger l'Auteur a couru sur
tous les genres ; voyez le se rabattre sur
les petits Poëmes , à commencer par le
Sonnet, et celui - ci c'est son favori , il a ,
si vous l'en croyez ,un raport parfait avec
Mlle Camargo ; comme elle , il est asservi
à la contrainte,et son mérite est d'être
libre comme elle. Vous craignez pour
l'Auteur et pour la Danseuse et l'un et
l'autre vous surprennent par les graces ;
par la même raison le Rondeau , la Ballade
et les Triolets lui plaisent infiniment , les
Stances ont le même avantage . Il est dif
ficile de réussir dans ces sortes d'ouvrages,
mais l'Auteur aimeroit mieux avoir fait
Pun des moindres d'entre ces petits Poëmes
que deux Ouvrages entiers de raisonnement ,
que quatre Tragédies. Il n'oublie le
Madrigal et l'Epigramme , et dans ces nouveaux
Poëmes- ci , l'Auteur veut encore
du naïf ; il nous surprend ce naïf , et il
n'est jamais l'effet de la colere ; par là il
porte des coups plus certains les Cantates
ne sont point du gout de l'Auteur
il passeroit les piéces marotiques , si elles
n'étoient pas en stile marotique.
D vj . Vous
pas
>
6.8 MERCURE DE FRANCE
६
Vous ne vous plaindrez pas , Monsieur,
d'être accablé par le grand nombre de
principes ; l'Auteur nous a instruit , le
voilà en droit de nous dire son avis sur
les causes de la corruption du gout.
Il en parle historiquement dans une
premiere lettre.Chez les Romains , comme
parmi nous la Paix a été l'époque de la
naissance et des progrez du gout ; et parmi
nous , comme chez les Romains , la
guerre a été le tombeau du gout . Mais
comme dit l'Auteur , après la décadence
du gout , l'ignorance est le grand remede
apparemment elle emporte les mauvaises
impressions de l'esprit , comme le grand
remede emporte le mauvais sang. Ne nous
chicannez pas, je vous prie , sur la comparaison
, car c'est ce que j'ai vû de plus
énergique dans l'ouvrage.
Dans une seconde lettre l'Auteur se
propose de parler philosophiquement ,
écoutez le Philosophe. Un homme a gâté
le gout chez les Romains , c'est Seneque,
et c'est parce qu'il avoit beaucoup d'esprit
qu'il a gâté le gout en fait d'éloquence ,
comme Ovide l'avoit gâté avant lui en
fait de Poësie ; les Seneques et les Ovides
de nôtre tems, c'est, dit- on , M. de Fontenelle
et M. de la Motte . M. de Fontenelle,
à ce que dit l'Auteur, a beaucoup de
délicatesse
JANVIER 17345 69
délicatesse dans l'imagination ; il ne dit pas
dans l'esprit. Vous me dites quelquefois
que M. de Fontenelle est sans contredit
un des plus grands Génies et un des plus
beaux Esprits que les siècles ayent produit
; l'Auteur ne lui en accorde pas tant,
il dit seulement que M. de Fontenelle est
capable de s'élever aux premiers principes ,
de mener à la verité par le chemin le plus
court et de semer ce chemin de fleurs . M. de
Fontenelle a de l'imagination et s'en rend le
maître , ce qui est un défaut selon l'Auteur
, car ce qui constitue le grand Génie ,
c'est de se laisser emporter par son imagination,
dès- là, point de chaleur chez M. de
Fontenelle et en supposant avec l'Auteur
que le sentiment dans un ouvrage doive
passer avant les vûës , on pourroit conclure
que tout ouvrage qui ne s'étayera
pas du sentiment, petilla t '-il de lumieres
philosophiques , ne doit pas tenir un
grand rang parmi les Ouvrages d'esprit.
Mais ce qui manque à M. de Fontenelle
du côté du désordre des idées , il le gagne du
côté de la précision , il surprend continuellement
et par ses idées et par le tour heureux
qu'il donne à ses idées : il en a de neuves et
de communes qu'il fait passer pour neuves ,
qu'il habille en paradoxes . L'Auteur a
jugé des paradoxes de M. de Fontenelle.
par
70
MERCURE
DE FRANCE
par comparaison
avec les siens . Ceux
qu'il a donnez au Public ont été trouvez
plus ingenieux que solides , et en lisant
ceux de M. de Fontenelle , on croit ne
faire qu'ouvrir les yeux sur un pays connu
; et vous entendez quel défaut c'est en
fait d'ouvrage d'esprit , de s'accorder avec
le Lecteur. Ce n'est pas là tout le merite
de M. de Fontenelle ; chez lui l'Art est
si caché, que quand vous attendez de lui
des ornemens , il vous donne des choses
simples qui vous surprennent
plus que
les ornemens n'eussent fait , et qu'en revanche
vous retrouvez avec la parure des
matieres qui sembloient ne la pas comporter.
En effet, quelle est l'idée de M. de
Fontenelle de badiner avec la Mort ? de
montrer de l'imagination
et même de la
plus enjouée dans une Oraison funebre ?
il a beau produire par son enjoument
l'effet qu'il lui demande , on seroit bien
plus content de voir M. de Fontenelle
gémir sur le sort d'un ami , cela feroit
preuve du bon coeur. Encore en matiere
de Géometrie les fleurs révoltent : M. de
Fontenelle réduit les Scavans au niveau
des autres hommes , qui, attirez par les
idées sensibles , se trouvent avoir recueilli
les principes comme les Géometres mêmes.
Tout le corps des Géometres devroit
s'élever
JANVIER 1734 71
s'élever contre un pareil attentat . M. de
Fontenelle a encore grand tort de tailler
une idée comme on taille un diamant ; on
l'aimeroit mieux brutte et moins brillante,
on le quitte de ses agrémens , c'est un
plaisir qu'il procure , à la verité , mais
c'est une illusion qu'il cause .
L'Auteur n'est pas plus favorable à M.
de la Motte , il ne manque pas d'esprit ,
mais l'Auteur trouve qu'il manque de
gout. Et il est à propos de faire une bonne
fois le procès à ce Public , qui a mis les
Odes de M. de la Motte à côté de celles
de Rousseau , qui a comparé ses Fables
à celles de la Fontaine , ses Tragédies à
celles des Corneilles et des Racines, et ses
Operas à ceux de Quinault , et qui a encore
assigné à ses discours l'éloquence et
à toute sa Frose une classe à part pour ne
le comparer en ce point qu'à lui - même .
Ce Public a le gout gâté, corrompu. Prenez
vous en à M. de Fontenelle que l'Auteur
compare à un Cuisinier. Et surquoi
fondée la comparaison? sur ce que M. de
Fontenelle a introduit dans le pays des
Lettres le gout de la précision , sur ce
qu'il a semé les Analises en tout genre.
d'ouvrages, et sur ce qu'il a réduit l'imagination
à n'aller jamais que de pair avec
la raison. M. de la Motte a aussi tourné
du
72
MERCURE DE FRANCE
›
du côté de cette Logique incommode , il
a été habile à tirer les conséquences , et c'étoit
sur le choix des principes qu'il falloit
l'être : éclairé par l'Auteur , il eut mieux
fait et n'eut cependant pas si bien réussi,
parce que le Public avoit le gout gâtẻ.
La conclusion de cet Ouvrage c'est
que nous devons consulter le sentiment ,
et ne pas nous en raporter à notre raison,
qui n'est par elle - même que sécheresse .
C'est dans notre coeur qu'est la source du
gout , et mal- à - propos à- t'on regardé
jusqu'ici le discernement comme une
qualité de l'esprit.
L'Auteur dans une troisiéme et derniere
Lettre observe heureusement qu'une des
causes de la corruption du gout , c'est
l'esprit de manege aujourd'hui , trop à la
mode parmi les gens de Lettres . Ce malheureux
talent énerve les qualitez de
Fame. Cette souplesse qui fait de bons
courtisans ne nous éleve point assez l'imagination
et nous rend au contraire incapables
de ces grandes et sublimes idées
qui n'appartiennent qu'à une imagination
indépendante. Je suis & c.
Je me propose de vous entretenir par
une seconde Lettre , des détails de l'Ouvrage
, et de rendre justice aux beautez
qui y sont répanduës, sans en dissimuler les
défauts
qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie
en général , sur l'Eglogue , sur la Fa
ble, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode,
et sur les autres petits Poëmes.
Vous
'Ous me demandés , Monsieur , ce
que c'est qu'un Livre nouveau , intitulé
: Réfléxions , &c ?C'est un Ouvrage
singulier, qui ne ressemble à rien de tout
ce que vous connoissez . L'Auteur tresdésinteressé
sur sa propre réputation
n'évite peut-être point assez le stile qu'il
condamne , il se tenoit en garde , mais
imperceptiblement et à son insçû, la contagion
l'aura gagné.
Le dessein de l'Auteur est de traitter
de la Poësie en général et des différens
genres de Poësie ; vous vous imaginez
peut- être qu'il se borne à en donner les
préceptes et les régles ; il va plus loin , il
remontejusqu'aux sources de notre plaisir. Se
flatte-t- il de les avoir découvertes ? Il s'égaye
en présentant toujours force images
Dij
et
to MERCURE DE FRANCE
et de temps à autre quelques idées qui lui
sont particulieres,
Le seul mot de Poësie le met d'abord .
en enthousiasme. Au nom de la Poësie
ne voyez vous pas s'animer tout ce qui
existe dans la nature ? L'Auteur qui croit
en devoir parler poëtiquement envoye
audevant de son Lecteur les Faunes et les
Dryades. Le murmure des Ruisseaux
vient se joindre à une autre sorte de concert
formé par les habitans des Airs . D'un
autre côté par respect et pour ne pas déplaire
, se retirent les Bêtes meurtrieres ,
qui ne veulent pas troubler nos plaisirs.
Tels sont les Privileges de la Poësie .
Ce n'étoit pas - là notre premier langage
; nous prîmes d'abord la forme de
nous exprimer la plus simple , mais il
nous falloit un langage de fête. La Poësie
nous en a servi . Elle devient pour nous
un plaisir de convention , que l'on ne goute
qu'à mesure que l'on se fait à la lecture
des Vers. Naissent en foule les images,
toujours agréables par deux endroits.
Elles servent à fixer nos idées , elles réveillent
nos passions ; la premiere de ces
raisons de notre plaisir , nous la sçavions;
la seconde , qui n'est pas connue de tout
le monde,est peut- être un peu trop aprofondie
par comparaison , avec le reste de
J'OuJANVIER.
1734
Zi
Ouvrage. Ne vous en étonnez pas ;
1'Auteur qui raporte tout au sentiment,
n'a voulu que sentir , et s'est moins sou
cié de raisonner.
Mais à l'égard de cet avantage de réveiller
les passions que l'on attribuë à la
Poësie et à ses images ; l'éloquence le partage
avec elle ; elle a ses peintures et ses
mouvemens. Quel est donc le grand plaisir
que produit la Poësie ? Celui de voir
la difficulté vaincuë. Un Poëte se gêne et
se contraint pour rendre ses idées , et malgré
la contrainte il parvient à les rendre ;
nous partageons avec lui cette petite victoire.
Que dis - je ? Petite victoire , c'est
une conquête importante , et c'étoit sagesse
de la part du Poëte de risquer à ce
prix le sacrifice de tout ce que l'imagi
nation et le génie pouvoient lui fournir.
Les Grands Poëtes ne perdront rien à la
gêne , l'Auteur s'en rend la caution. Mal
propos M. de la Motte se plaint- il de
ce que pour lui donner des Vers , on lui
enlève le plus souvent la justesse , la précision
, l'agrément , les convenances. L'Auteur
des Réfléxions veut des Vers à quelque
prix que ce soit , et sur sa parole vous
pouvez croire que c'est le propre du
grand Poëte de ne se ressentir en rien de
la gêne des Vers.
Diij Mais
62 MERCURE DE FRANCE!
Mais il y a Vers et Vers ; sa folie c'ese
l'Eglogue, et son malheur, c'est de n'en paint
trouver d'assez bonnes ; il aime les Prez ,
les Bois , les Fontaines ; il confesse sa foiblesse
, si vous en aviez envie , vous le séduiriez
avec le murmure d'une Fontaine.
Accourez Bergers et Bergeres , mais pre
nez bien garde au ton que vous allez
donner à vos Chalumeaux ; on ne veut
point de vos Airs rustiques, encore moins
de ces Airs rafinez que l'on chante dans
les Villes. Eloignez - vous également de
l'un et de l'autre ton , et vous aurez trouvé
le véritable . Rien que du sentiment ,
voilà tout ce qu'il nous faut. Si vous pouviez
ne faire que respirer , ce seroit encore
mieux; le fond de vos conversations ',
il est aisé de le regler . M. de Fontenelle
vous a fait parler de vos amours et de
votre tranquillité : ce ne sont point les
détails de la vie champêtre que nous aimons
; entretenez nous de votre bonheur
et de la paix profonde où vous vivez .
Quoique l'Auteur copie M. de Fontenelle
, ne croyez pas qu'il en soit trop épris,
il a fait l'anatomie de ses Eglogues ; ellos
lui avoient d'abord paru tendres , mais
il s'étoit trompé , ce n'est que le ton qui en
est tendre. Tout le monde en est la dupe,
l'Auteur en convient ; mais il nous avertit
JANVIER. 1734. 3
tit que nous nous méprenons, que nous
ne sentons point , que nous croyons sentir.
M. de Fontenelle va changer de
nom , ce n'est plus un grand Poëte , ce
n'est plus un esprit facile , tendre , naïf ,
délicat , sublime ; c'est un grand sorcier ,
qui a pris tous ces différens tons - là; l'Auteur
lui accorde seulement d'avoir dit des
choses fines et lui reproche de les avoir
dites trop fines pour l'Eglogue. Une chose
m'embarasse , c'est que la plupart des
femmes apprennent par coeur ces Eglogues
; elles qui se connoissent en sentiment
, pour le moins aussi bien que
nous, y sont trompées toutes les premiéres
; et loin de vouloir être désabusées ,
elles prient Messieurs les Auteurs de les
tromper toujours de la même façon.
De l'Eglogue , l'Auteur passe à la Fable,
c'est un genre de Poëme, où doit sur-tout
regner le naïf. Il faut choisir une verité
agréable, qui fasse un fond gay; que le récit
ne soit ni trop court, ni trop long. Semez-
le , si vous voulez , de réfléxions , mais
de réfléxions vives , et qui naissent du fond
du sujet.Sur tout, ayezgrand soin du choix
de vos personnages, car l'Auteur ne pardonne
point à M. de la Motte d'avoir fait parler
Dom Jugement , Dame Mémoire et
Demoiselle Imagination ; on ne sçait de
Diiij quelle
64 MERCURE DE FRANCE
quelle couleur les habiller. M. de la Motre
a eu grand tort de ne pas habiller Demoiselle
Imagination en couleur de Rose,
il auroit un procès de moins à essuyer
aussi l'Auteur aime t'il la Lime pour personnage
dans une Fable , parce qu'il connoît
la couleur d'une Lime . Pour ce qui est
de placer la Moralité , l'Auteur vous en
laisse le maître ; le commencement , la
fin de la Fable , toute place lui est également
bonne ; si vous placez la moralité
à la fin , chaque circonstance du fait sert
à l'annoncer ; si vous la placez au commencement
, au lieu de la deviner , on en
fait l'application à mesure que l'on avance
dans le fait , ce qui est une autre sorte
de plaisir . Par occasion , l'Auteur parle
des Contes , où il voudroit de la finesse,
mais ils en auroient plus de poison . A titre
de Philosophe , il nous conseille de
nous en passer.
C'est bien à regret que l'Auteur nous
parle de ces vilains petits Poëmes que l'on
appelle Elegies ; une bonne raison pour
laquelle il ne les goute point , c'est qu'il
veut vivre et qu'il ne veut point que les autres
meurent. La belle chanson que celle d'un
homme qui dit continuellement en vers qu'il
va mourir. Encore l'Elegie est- elle si courte
que l'on n'a pas le tems de faire connoisJANVIER
1734 65
noissance avec lui , et de devenir sensible
à ses maux ; du moins dans une Tragédie
où s'interresse davantage au sort de celui
qui gémit, parce qu'on le connoît et que
l'on a tout le cours de la piéce pour s'attendrir.
L'Auteur trouve un grand défaut
dans les Elegies , même les plus estimées
, c'est que l'on y répand des images
trop fortes et trop énergiques , il voudroit
plus de molesse dans le stile parce
qu'il présume que la douleur affoiblit le
plaignant.
,
L'Auteur glisse sur la Satyre , il y veut
du feu , du sel même des agrémens
étrangers,car peut s'en faut , dit l'Auteur,
qu'à l'égard de ce genre d'ouvrage , notre
inconstance ne l'emporte sur notre malignité
et que nous ne demandions des Satyres qui
ne soient plus satyres.
› Chemin faisant , il faut s'arrêter au sublime
avec l'Auteur , il en parle à propos
de l'Ode, et il n'en connoît que de deux
sortes , celui des Images et celui des Tours.
Ici il copie Boileau pendant plus de trois
pages pour le dédommager de ce qu'il
avoit dit de lui sur la Satyre , qu'il manquoit
de délicatesse. Le sublime des Images
c'est les differentes peintures qu'elles
présentent ; celui - ci ne lui paroît rien
par comparaison avec le sublime des Tours,
Dy 1212
66 MERCURE DE FRANCE
un qu'il mourût de Corneille lui paroît
un tour sublime,voyez ,je vous prie, comme
nous nous trompions . Vous croyez que'
lorsque l'on rapporte à Horace le pere la
fuite de son fils , que vous le voyez dans
l'indignation et qu'interrogé sur le parti'
qu'eut dû prendre le fils , le pere répond
qu'il mourut , vous croyez que c'est le
sentiment que vous admirez , point du
tout : c'est le tour. Que reste - t- il à dire
de l'Ode à présent , le sublime en fait
partie , on ne fait plus qu'attaquer les
Odes méthodiques , on y veut des écarts,
et ces écarts, au gré de l'Auteur, valent bien
tout ce que la raison peut produire avec tout
son orgueil ; à vous dire mon avis , j'avois
toujours crû l'imagination aussi orgüeilleuse
que la raison, mais que voulez vous ?
l'Auteur feint de se brouiller avec la raison.
Des écarts surtout, des écarts , voilà ce
qu'il demande à un Poëte lyrique. L'ordre
de l'Ode c'est le désordre, si M. de la Motte
revenoit , il auroit beau s'écrier , je voudrois
dans une Ode de la raison et du
feu. L'Auteur répondroit , je préfere mon
feu à toute votre raison. L'Auteur admet
par complaisance des Odes anacréontiques
, mais il y veut encore du désordre ,
il n'y a , selon lui , qu'une façon d'écrire
lans chaque genre , point d'Eglogue , si
elle
JANVIER 1734. 67
>
elle n'est simple , point de fable si elle
n'est naïve point d'Ode si vous n'y
mettez des écarts et si la foule des di
gressions n'y surpasse le fond de la chose .
D'un vol leger l'Auteur a couru sur
tous les genres ; voyez le se rabattre sur
les petits Poëmes , à commencer par le
Sonnet, et celui - ci c'est son favori , il a ,
si vous l'en croyez ,un raport parfait avec
Mlle Camargo ; comme elle , il est asservi
à la contrainte,et son mérite est d'être
libre comme elle. Vous craignez pour
l'Auteur et pour la Danseuse et l'un et
l'autre vous surprennent par les graces ;
par la même raison le Rondeau , la Ballade
et les Triolets lui plaisent infiniment , les
Stances ont le même avantage . Il est dif
ficile de réussir dans ces sortes d'ouvrages,
mais l'Auteur aimeroit mieux avoir fait
Pun des moindres d'entre ces petits Poëmes
que deux Ouvrages entiers de raisonnement ,
que quatre Tragédies. Il n'oublie le
Madrigal et l'Epigramme , et dans ces nouveaux
Poëmes- ci , l'Auteur veut encore
du naïf ; il nous surprend ce naïf , et il
n'est jamais l'effet de la colere ; par là il
porte des coups plus certains les Cantates
ne sont point du gout de l'Auteur
il passeroit les piéces marotiques , si elles
n'étoient pas en stile marotique.
D vj . Vous
pas
>
6.8 MERCURE DE FRANCE
६
Vous ne vous plaindrez pas , Monsieur,
d'être accablé par le grand nombre de
principes ; l'Auteur nous a instruit , le
voilà en droit de nous dire son avis sur
les causes de la corruption du gout.
Il en parle historiquement dans une
premiere lettre.Chez les Romains , comme
parmi nous la Paix a été l'époque de la
naissance et des progrez du gout ; et parmi
nous , comme chez les Romains , la
guerre a été le tombeau du gout . Mais
comme dit l'Auteur , après la décadence
du gout , l'ignorance est le grand remede
apparemment elle emporte les mauvaises
impressions de l'esprit , comme le grand
remede emporte le mauvais sang. Ne nous
chicannez pas, je vous prie , sur la comparaison
, car c'est ce que j'ai vû de plus
énergique dans l'ouvrage.
Dans une seconde lettre l'Auteur se
propose de parler philosophiquement ,
écoutez le Philosophe. Un homme a gâté
le gout chez les Romains , c'est Seneque,
et c'est parce qu'il avoit beaucoup d'esprit
qu'il a gâté le gout en fait d'éloquence ,
comme Ovide l'avoit gâté avant lui en
fait de Poësie ; les Seneques et les Ovides
de nôtre tems, c'est, dit- on , M. de Fontenelle
et M. de la Motte . M. de Fontenelle,
à ce que dit l'Auteur, a beaucoup de
délicatesse
JANVIER 17345 69
délicatesse dans l'imagination ; il ne dit pas
dans l'esprit. Vous me dites quelquefois
que M. de Fontenelle est sans contredit
un des plus grands Génies et un des plus
beaux Esprits que les siècles ayent produit
; l'Auteur ne lui en accorde pas tant,
il dit seulement que M. de Fontenelle est
capable de s'élever aux premiers principes ,
de mener à la verité par le chemin le plus
court et de semer ce chemin de fleurs . M. de
Fontenelle a de l'imagination et s'en rend le
maître , ce qui est un défaut selon l'Auteur
, car ce qui constitue le grand Génie ,
c'est de se laisser emporter par son imagination,
dès- là, point de chaleur chez M. de
Fontenelle et en supposant avec l'Auteur
que le sentiment dans un ouvrage doive
passer avant les vûës , on pourroit conclure
que tout ouvrage qui ne s'étayera
pas du sentiment, petilla t '-il de lumieres
philosophiques , ne doit pas tenir un
grand rang parmi les Ouvrages d'esprit.
Mais ce qui manque à M. de Fontenelle
du côté du désordre des idées , il le gagne du
côté de la précision , il surprend continuellement
et par ses idées et par le tour heureux
qu'il donne à ses idées : il en a de neuves et
de communes qu'il fait passer pour neuves ,
qu'il habille en paradoxes . L'Auteur a
jugé des paradoxes de M. de Fontenelle.
par
70
MERCURE
DE FRANCE
par comparaison
avec les siens . Ceux
qu'il a donnez au Public ont été trouvez
plus ingenieux que solides , et en lisant
ceux de M. de Fontenelle , on croit ne
faire qu'ouvrir les yeux sur un pays connu
; et vous entendez quel défaut c'est en
fait d'ouvrage d'esprit , de s'accorder avec
le Lecteur. Ce n'est pas là tout le merite
de M. de Fontenelle ; chez lui l'Art est
si caché, que quand vous attendez de lui
des ornemens , il vous donne des choses
simples qui vous surprennent
plus que
les ornemens n'eussent fait , et qu'en revanche
vous retrouvez avec la parure des
matieres qui sembloient ne la pas comporter.
En effet, quelle est l'idée de M. de
Fontenelle de badiner avec la Mort ? de
montrer de l'imagination
et même de la
plus enjouée dans une Oraison funebre ?
il a beau produire par son enjoument
l'effet qu'il lui demande , on seroit bien
plus content de voir M. de Fontenelle
gémir sur le sort d'un ami , cela feroit
preuve du bon coeur. Encore en matiere
de Géometrie les fleurs révoltent : M. de
Fontenelle réduit les Scavans au niveau
des autres hommes , qui, attirez par les
idées sensibles , se trouvent avoir recueilli
les principes comme les Géometres mêmes.
Tout le corps des Géometres devroit
s'élever
JANVIER 1734 71
s'élever contre un pareil attentat . M. de
Fontenelle a encore grand tort de tailler
une idée comme on taille un diamant ; on
l'aimeroit mieux brutte et moins brillante,
on le quitte de ses agrémens , c'est un
plaisir qu'il procure , à la verité , mais
c'est une illusion qu'il cause .
L'Auteur n'est pas plus favorable à M.
de la Motte , il ne manque pas d'esprit ,
mais l'Auteur trouve qu'il manque de
gout. Et il est à propos de faire une bonne
fois le procès à ce Public , qui a mis les
Odes de M. de la Motte à côté de celles
de Rousseau , qui a comparé ses Fables
à celles de la Fontaine , ses Tragédies à
celles des Corneilles et des Racines, et ses
Operas à ceux de Quinault , et qui a encore
assigné à ses discours l'éloquence et
à toute sa Frose une classe à part pour ne
le comparer en ce point qu'à lui - même .
Ce Public a le gout gâté, corrompu. Prenez
vous en à M. de Fontenelle que l'Auteur
compare à un Cuisinier. Et surquoi
fondée la comparaison? sur ce que M. de
Fontenelle a introduit dans le pays des
Lettres le gout de la précision , sur ce
qu'il a semé les Analises en tout genre.
d'ouvrages, et sur ce qu'il a réduit l'imagination
à n'aller jamais que de pair avec
la raison. M. de la Motte a aussi tourné
du
72
MERCURE DE FRANCE
›
du côté de cette Logique incommode , il
a été habile à tirer les conséquences , et c'étoit
sur le choix des principes qu'il falloit
l'être : éclairé par l'Auteur , il eut mieux
fait et n'eut cependant pas si bien réussi,
parce que le Public avoit le gout gâtẻ.
La conclusion de cet Ouvrage c'est
que nous devons consulter le sentiment ,
et ne pas nous en raporter à notre raison,
qui n'est par elle - même que sécheresse .
C'est dans notre coeur qu'est la source du
gout , et mal- à - propos à- t'on regardé
jusqu'ici le discernement comme une
qualité de l'esprit.
L'Auteur dans une troisiéme et derniere
Lettre observe heureusement qu'une des
causes de la corruption du gout , c'est
l'esprit de manege aujourd'hui , trop à la
mode parmi les gens de Lettres . Ce malheureux
talent énerve les qualitez de
Fame. Cette souplesse qui fait de bons
courtisans ne nous éleve point assez l'imagination
et nous rend au contraire incapables
de ces grandes et sublimes idées
qui n'appartiennent qu'à une imagination
indépendante. Je suis & c.
Je me propose de vous entretenir par
une seconde Lettre , des détails de l'Ouvrage
, et de rendre justice aux beautez
qui y sont répanduës, sans en dissimuler les
défauts
Fermer
Résumé : LETTRE à M*** au sujet d'un Livre qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie en général, sur l'Eglogue, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, et sur les autres petits Poëmes.
La lettre traite d'un ouvrage intitulé 'Réflexions sur la Poésie en général, sur l'Églogue, sur la Fable, sur l'Élégie, sur la Satyre, sur l'Ode, et sur les autres petits Poëmes'. L'auteur de la lettre répond à une demande concernant ce livre, qu'il décrit comme singulier et différent de tout ce que le destinataire connaît. L'auteur de l'ouvrage, bien que désintéressé par sa propre réputation, ne parvient pas toujours à éviter le style qu'il critique. L'ouvrage examine la poésie en général et ses différents genres. Contrairement à une simple présentation de préceptes et de règles, l'auteur explore les sources du plaisir poétique. Il utilise des images et des idées personnelles pour illustrer ses points, souvent avec enthousiasme. La poésie est présentée comme un langage de fête, un plaisir de convention qui fixe les idées et réveille les passions. L'auteur discute des privilèges de la poésie, qui anime la nature et contraint le poète à exprimer ses idées malgré les difficultés. Il critique certains poètes, comme M. de la Motte, pour leur manque de justesse et de précision dans les vers. Il apprécie les églogues, les fables, les odes et les petits poèmes, chacun ayant ses propres règles et contraintes. Par exemple, il préfère les églogues simples et les fables naïves, et il critique les élégies pour leur style trop énergique. L'auteur aborde également la corruption du goût, attribuant cette décadence à des figures comme Sénèque et Ovide chez les Romains, et à des contemporains comme M. de Fontenelle et M. de la Motte. Il conclut en discutant des causes historiques et philosophiques de cette corruption, soulignant l'impact de la paix et de la guerre sur le goût littéraire. Le texte critique les œuvres de M. de Fontenelle et M. de la Motte, tout en discutant du goût littéraire du public. M. de Fontenelle est loué pour sa précision et son habileté à surprendre par ses idées, mais ses paradoxes sont jugés plus ingénieux que solides. Son art est si caché qu'il surprend par des choses simples plutôt que par des ornements. Cependant, son enjouement dans une oraison funèbre et ses fleurs en géométrie sont critiqués. L'auteur compare M. de Fontenelle à un cuisinier, introduisant la précision et l'analyse dans les lettres. M. de la Motte est jugé manquant de goût, malgré son esprit. Le public est accusé d'avoir un goût corrompu, comparant les œuvres de M. de la Motte à celles de grands auteurs. La conclusion est que le goût réside dans le cœur et non dans la raison. L'auteur critique également l'esprit de manège parmi les gens de lettres, qui énerve les qualités de l'imagination.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
58
p. 279-283
ELOGE de M. l'Abbé de Longueruë.
Début :
Louis du Four de Longueruë nâquit à Charleville en 1652. de Pierre du [...]
Mots clefs :
Louis Dufour de Longuerue, Ouvrage, Abbé, Réputation, Paris, Charleville, Annales, Histoire, Instruction, Normandie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE de M. l'Abbé de Longueruë.
ELOGE de M. l'Abbé de Longuernë.
Ouis du Four de Longueruë nâquit
La Charleville en 1692. de Pierre du
n'a-
Four , Se gneur de Longuerue et de Goisel
, Gentilhomme de Normandie , Lieutenant
pour le Roy au Gouvernement de
Charleville et de Montolimpe , et de Dame
Barbe le Blanc de Clois. Son
pere
voit rien épargné pour son éducation , il
lui donna Richelet pour Précepteur ; et
Perrot d'Ablancourt , si connu dans le
monde litteraire , lequel étoit son parent ;
voulut aussi contribuer à l'instruction
d'un Enfant qui étoit un prodige à l'âge de
quatre ans. La réputation de cet Enfant
Dvj étoit
204
étoit si grande , que le feu Roy passant à
Charleville demanda à le voir , et le jeune
Longuerue présenté à S. M. augmenta
encore par ses réponses aux diverses questions
qui lui furent faites , la grande idée
qu'on avoit déja de lui.
Son ardeur pour l'étude dès l'âge de
quinze ans , étoit si grande qu'à peine se
donnoit- il le temps de manger et de dormir.
Il ne connois oit d'autre recréation
que le changement de travail ; aussi fit - il
des progrès si surprenans , qu'il se trouva
bien- tôt en état d'être consulté par
tous les Sçavans , et en tout genre de Littérature
.
•
Il étudia à fond les Langues , tant
les mortes que les vivantes , et il n'y
en a eu aucune qu'il n'ait sçu parfaitement.
Avec ce secours il avoit penetré
dans l'Histoire de tous les Peuples , et de
tous les siecles . Il étoit si heureusement
servi par sa Memoire , que rarement il se
méprenoit d'une date , il ne confondoit
presque jamais un fait avec un autre.
L'Histoire étoit la partie de la Litterature
à laquelle il s'étoit le plus particulierement
appliqué , mais il n'avoit pas négligé
pour cela la Theologie , la Philosophie
ancienne et moderne , la Geographie,
la Chronologie , les Antiquitez et les Bel-
Lettres. Cette
FEVRIER. 1734. 281
Cette vaste étenduë de connoissance ne
l'énorgueillissoit point. Il étoit extrêmement
communicatif , et son sçavoir étoit
sans ostentation . Il est vrai qu'il n'aimoit
point à être contredit , et que son amour
pour la verité ne le rendoit pas toûjours
maître de ses expressions dans la chaleur
de la dispute ; mais quand on étoit accoutumé
à lui , sa franchise n'avoit plus rien
de rebutant , et on ne lui sçavoit aucun
mauvais gré de ses vivacitez.
Il a composé une infinité d'ouvrages qui
n'ont point été imprimez . Il avoit extrêmement
aidé le R. P. Pagi dans sa Critique
des Annales de Baronius Il a com-
Folé un grand nombre de Dissertations
tant sur l'Histoire Ecclesiastique que suz
celles de France , d'Espagne , des Arabes
& c.
Le seul Ouvrage qu'il a donné sous son
nom est la Description Historique et
Geographique de la France ancienne et
moderne , en deux Parties , imprimée à
Paris chez Jacques- Henry Praflard en
1719. Ce Livre , qui dans sa premiere
destination n'avoit été fait que pour l'instruction
d'un de ses amis , n'avoit pas acquis,
quand il fut rendu public , le dégré
de perfection que la réputation de son
Auteur sembloit exiger, L'Abbé de Longuerue
282 MERCURE DE FRANCE
gueruë n'avoit pû résister aux pressantes
sollicitations de gens plus occupez de leur
propre interêt , que de ce qui pouvoit
contribuer ou nuire à la réputation de ce
sçavant Homme. La complaisance qu'il
cût de livrer trop tôt son Ouvrage , lui a
causé des chagrins qu'il a ressentis jusqu'à
la fin de sa vie .
Le Journal des Sçavans du mois de Jan-
» vier 1733 m'apprend page 61. » Que M.
» Schoepflin a publié à Strasbourg chez
» Doulssecker , pere ; une édition in - 4°..
» ds Annales des Arsacides dont M.
» l'Abbé de Longueruë est , ( dit le Jour-
» nal ) l'Auteur , Annales Arsacidarum
» Auctore Ludovico du Four de Longueruë ,
"
Abbate S. Joann . de Jardo , & c. 1732 .
» On ajoute que cette Edition est préfera-
» ble à celle du même Ouvrage qui a été
imprimé à Paris il y a long -temps , en
» ce que M. Schoepflin l'a donné sur
» un Exemplaire corrigé et augmenté par
l'Illustre Aureur , qui a bien voulu le
» lui communiquer et en permettre l'im-
» pression. C'est tout ce que je puis dire
ici de cet Ouvrage , que je ne connoîs
point d'ailleurs.
>
Mais l'amour de la verité , et la reconnoissance
m'engagent à profiter de cette
occasion , pour déclarer qu'un autre Ou.
vrage
FEVREK 1734. 203
vrage rempli de Recherches historiques , et
d'une solide érudition , dont j'ai enrichi
ma dixiéme et onzième Lettre du Voyage
de Normandie , inserées dans le Mercure
de France des mois d'Avril et May
derniers , que cet Ouvrage , dis je , est
tout entier du sçavant Abbé de Longueruë.
Il joüissoit pour tout bien de deux Abbayes
, sçavoir Sept Fontaines , Diocèse
de Kheims depuis 1674. et le Jard ,-Diocèse
de Sens , depuis 1684. cependant
avec un revenu mediocre , il avoit sçû
former une Bibliotheque très - bien choisie,
qui seroit fâcheux de voir disperser,
L'Abbé de Longuerue mourut à Paris
le 22. Novembre 1733. laissant un Frere
qui est Mestre de Camp de Cavalerie , et
Chevalier de Saint Louis . Il avoit eu un
autre Frere qui fut tué à la Bataille de
Ramilliez le 23. May 1796. et qui étoit
Lieutenant des Gardes du Corps , Maréchal
de Camp , et Chevalier de Saint
Loüis.
Ouis du Four de Longueruë nâquit
La Charleville en 1692. de Pierre du
n'a-
Four , Se gneur de Longuerue et de Goisel
, Gentilhomme de Normandie , Lieutenant
pour le Roy au Gouvernement de
Charleville et de Montolimpe , et de Dame
Barbe le Blanc de Clois. Son
pere
voit rien épargné pour son éducation , il
lui donna Richelet pour Précepteur ; et
Perrot d'Ablancourt , si connu dans le
monde litteraire , lequel étoit son parent ;
voulut aussi contribuer à l'instruction
d'un Enfant qui étoit un prodige à l'âge de
quatre ans. La réputation de cet Enfant
Dvj étoit
204
étoit si grande , que le feu Roy passant à
Charleville demanda à le voir , et le jeune
Longuerue présenté à S. M. augmenta
encore par ses réponses aux diverses questions
qui lui furent faites , la grande idée
qu'on avoit déja de lui.
Son ardeur pour l'étude dès l'âge de
quinze ans , étoit si grande qu'à peine se
donnoit- il le temps de manger et de dormir.
Il ne connois oit d'autre recréation
que le changement de travail ; aussi fit - il
des progrès si surprenans , qu'il se trouva
bien- tôt en état d'être consulté par
tous les Sçavans , et en tout genre de Littérature
.
•
Il étudia à fond les Langues , tant
les mortes que les vivantes , et il n'y
en a eu aucune qu'il n'ait sçu parfaitement.
Avec ce secours il avoit penetré
dans l'Histoire de tous les Peuples , et de
tous les siecles . Il étoit si heureusement
servi par sa Memoire , que rarement il se
méprenoit d'une date , il ne confondoit
presque jamais un fait avec un autre.
L'Histoire étoit la partie de la Litterature
à laquelle il s'étoit le plus particulierement
appliqué , mais il n'avoit pas négligé
pour cela la Theologie , la Philosophie
ancienne et moderne , la Geographie,
la Chronologie , les Antiquitez et les Bel-
Lettres. Cette
FEVRIER. 1734. 281
Cette vaste étenduë de connoissance ne
l'énorgueillissoit point. Il étoit extrêmement
communicatif , et son sçavoir étoit
sans ostentation . Il est vrai qu'il n'aimoit
point à être contredit , et que son amour
pour la verité ne le rendoit pas toûjours
maître de ses expressions dans la chaleur
de la dispute ; mais quand on étoit accoutumé
à lui , sa franchise n'avoit plus rien
de rebutant , et on ne lui sçavoit aucun
mauvais gré de ses vivacitez.
Il a composé une infinité d'ouvrages qui
n'ont point été imprimez . Il avoit extrêmement
aidé le R. P. Pagi dans sa Critique
des Annales de Baronius Il a com-
Folé un grand nombre de Dissertations
tant sur l'Histoire Ecclesiastique que suz
celles de France , d'Espagne , des Arabes
& c.
Le seul Ouvrage qu'il a donné sous son
nom est la Description Historique et
Geographique de la France ancienne et
moderne , en deux Parties , imprimée à
Paris chez Jacques- Henry Praflard en
1719. Ce Livre , qui dans sa premiere
destination n'avoit été fait que pour l'instruction
d'un de ses amis , n'avoit pas acquis,
quand il fut rendu public , le dégré
de perfection que la réputation de son
Auteur sembloit exiger, L'Abbé de Longuerue
282 MERCURE DE FRANCE
gueruë n'avoit pû résister aux pressantes
sollicitations de gens plus occupez de leur
propre interêt , que de ce qui pouvoit
contribuer ou nuire à la réputation de ce
sçavant Homme. La complaisance qu'il
cût de livrer trop tôt son Ouvrage , lui a
causé des chagrins qu'il a ressentis jusqu'à
la fin de sa vie .
Le Journal des Sçavans du mois de Jan-
» vier 1733 m'apprend page 61. » Que M.
» Schoepflin a publié à Strasbourg chez
» Doulssecker , pere ; une édition in - 4°..
» ds Annales des Arsacides dont M.
» l'Abbé de Longueruë est , ( dit le Jour-
» nal ) l'Auteur , Annales Arsacidarum
» Auctore Ludovico du Four de Longueruë ,
"
Abbate S. Joann . de Jardo , & c. 1732 .
» On ajoute que cette Edition est préfera-
» ble à celle du même Ouvrage qui a été
imprimé à Paris il y a long -temps , en
» ce que M. Schoepflin l'a donné sur
» un Exemplaire corrigé et augmenté par
l'Illustre Aureur , qui a bien voulu le
» lui communiquer et en permettre l'im-
» pression. C'est tout ce que je puis dire
ici de cet Ouvrage , que je ne connoîs
point d'ailleurs.
>
Mais l'amour de la verité , et la reconnoissance
m'engagent à profiter de cette
occasion , pour déclarer qu'un autre Ou.
vrage
FEVREK 1734. 203
vrage rempli de Recherches historiques , et
d'une solide érudition , dont j'ai enrichi
ma dixiéme et onzième Lettre du Voyage
de Normandie , inserées dans le Mercure
de France des mois d'Avril et May
derniers , que cet Ouvrage , dis je , est
tout entier du sçavant Abbé de Longueruë.
Il joüissoit pour tout bien de deux Abbayes
, sçavoir Sept Fontaines , Diocèse
de Kheims depuis 1674. et le Jard ,-Diocèse
de Sens , depuis 1684. cependant
avec un revenu mediocre , il avoit sçû
former une Bibliotheque très - bien choisie,
qui seroit fâcheux de voir disperser,
L'Abbé de Longuerue mourut à Paris
le 22. Novembre 1733. laissant un Frere
qui est Mestre de Camp de Cavalerie , et
Chevalier de Saint Louis . Il avoit eu un
autre Frere qui fut tué à la Bataille de
Ramilliez le 23. May 1796. et qui étoit
Lieutenant des Gardes du Corps , Maréchal
de Camp , et Chevalier de Saint
Loüis.
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Résumé : ELOGE de M. l'Abbé de Longueruë.
L'abbé de Longuerue, né en 1692 à Charleville, était le fils de Pierre du Four, seigneur de Longuerue et de Goisel, et de Dame Barbe le Blanc de Clois. Son éducation fut soutenue par son père et son parent Perrot d'Ablancourt, et le roi remarqua son prodige à l'âge de quatre ans. À quinze ans, Longuerue démontra une passion exceptionnelle pour l'étude, maîtrisant rapidement diverses disciplines littéraires telles que les langues mortes et vivantes, l'histoire, la théologie, la philosophie, la géographie, la chronologie, les antiquités et les belles-lettres. Sa mémoire était remarquable, lui permettant de ne presque jamais se tromper sur les dates ou les faits historiques. Longuerue était connu pour partager ses connaissances sans ostentation, bien qu'il puisse être franc et vif dans les disputes. Il composa de nombreux ouvrages non imprimés et aida le père Pagi dans sa critique des Annales de Baronius. Son unique ouvrage publié est la 'Description Historique et Géographique de la France ancienne et moderne' (1719), publié malgré ses réticences. Il possédait deux abbayes et avait constitué une bibliothèque bien choisie. Longuerue mourut à Paris le 22 novembre 1733. Il laissait un frère, maître de camp de cavalerie et chevalier de Saint-Louis, et un autre frère mort à la bataille de Ramillies en 1706.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
59
p. 644-657
LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
Début :
Je ne connois point personnellement, Monsieur, l'Auteur des Dons des Enfans [...]
Mots clefs :
Chasse, Cerf, Chiens, Temps, Ouvrage, Chasseurs, Chasse du cerf, Savary, Veneurs, Principes, Auteur, Poème, Connaissances
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
LETTRE écrite à M. D. L. R.
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
648 MERCURE DE FRANCE
. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
>
652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
648 MERCURE DE FRANCE
. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
>
652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
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Résumé : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
La correspondance entre deux individus traite d'un poème sur la chasse au cerf. Le premier auteur, inconnu de l'auteur des 'Dons des Enfants de Latone', envoie une lettre contenant ses réflexions sur le poème 'La Chasse du Cerf' à un destinataire pour qu'il l'insère dans le Mercure. Le second auteur, un chasseur de profession, félicite l'auteur du poème pour sa traduction libre du poème latin de Savary sur la chasse au cerf. Il souligne la difficulté de l'ouvrage et la qualité de la traduction en vers, ainsi que les poèmes sur la musique qui précèdent le poème principal. Le chasseur de profession exprime son admiration pour la chasse au cerf, qu'il considère comme un amusement noble et parfait pour les rois, princes et seigneurs, mais aussi comme un art difficile nécessitant une grande application et des connaissances approfondies. Il critique les jeunes chasseurs qui manquent de principes et de réflexions, se contentant souvent de suivre des piqueurs sans comprendre les secrets de la chasse. Il loue Savary, dont la traduction est considérée comme la meilleure dans ce genre, pour l'ordre, la précision et la clarté de ses explications. Il compare favorablement la traduction de l'auteur à celles de Fouilloux et Salnouë, jugées confuses ou mal organisées. Le poème est structuré en plusieurs chants qui couvrent divers aspects de la chasse : l'origine de la chasse dans les Gaules, la description des cerfs, les différentes parties des têtes de cerf, la connaissance des fumées, les lieux et les saisons pour chasser, la description des combats entre cerfs, le dressage des limiers, la disposition des relais, les ruses des cerfs, et enfin la curée représentée comme un sacrifice à Diane. Le chasseur de profession termine en soulignant que l'ouvrage n'est pas seulement destiné aux piqueurs, mais à tous les chasseurs, et qu'il est suffisamment clair pour être compris par tous, même en prose. Le texte, daté d'avril 1734, discute de l'œuvre de Savary sur la chasse au cerf. L'auteur imagine que Savary a voulu instruire la noblesse en adaptant son langage à leur éducation. Il loue la traduction en vers de l'ouvrage, soulignant que les vers se retiennent mieux que la prose. Il considère l'ouvrage de Savary comme admirable, bien structuré et complet, offrant une instruction éternelle pour ceux qui souhaitent acquérir des connaissances sur la chasse au cerf. L'auteur apprécie également la traduction, qui a embelli l'œuvre par des ajouts et des suppressions judicieuses, et loue la poésie pour sa noblesse et sa naturalité. Il mentionne ensuite le dictionnaire de chasse et le recueil des tons de chasse et fanfares, qualifiés de présents précieux pour le public. Le dictionnaire est salué pour son exactitude et son étendue, couvrant tous les termes anciens et nouveaux. Les fanfares, attribuées à M. de Dampierre, sont décrites comme charmantes et innovantes, servant de signaux pour informer les veneurs des mouvements et des ruses du cerf. Les parodies des fanfares ajoutent une touche divertissante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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60
p. 690-697
RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
Début :
Sçavez-vous bien, Monsieur, qu'il n'y a rien de plus flateur pour M. [...]
Mots clefs :
Auteur, Ouvrage, Critique, Lettre, Réflexions, Naturel, Principes, Critiquer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
REPONSE à la Lettre où l'on a
eu envie de critiquer un Livre qui a
pour titre Refléxions sur la Poësie ent
general , sur la Fable , sur l'Elegie ,
sur la Satyre , sur l'Ode , sur le Sonnet,
Rondeau , Madrigal . Suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût er
France. Par M. R. D. S. M.
S
Çavez - vous bien , Monsieur , qu'il
n'y a rien de plus flateur pour M.
nya rien
R. D. S. M. que la Critique que vous
avez faite de son Ouvrage. Aussi y a - t'il
quantité de gens fort raisonnables qui
n'ont point pris le change. Ils disent
hautement que vous êtes ami de l'Auteur
, et que pour ôter aux louanges la
fadeur qui en est presque inséparable ,
vous avez voulu donner à votre Lettre
un air de Critique ; qu'il est bien vrai
qu'on y voit par cy par là quelques
ironies , mais que vous sçaviez bien qu'on
les trouveroit mauvaises ; qu'à l'égard
des falsifications qui sont en fort grand
nombre , vous étiez bien sûr qu'elles ne
porteroient aucun préjudice à la réputation
de l'Auteur , parce que la lecture
de
AVRIL. 1734 691
de son Ouvrage les feroit bien-tôt disparoître.
Je ne vous rends compte , Monsieur ,
de l'effet de votre Lettre, que pour vous
faire sentir que le but n'en est pas net.
C'est trop peu pour un Eloge , ce n'est
pas assez pour une Critique. Il falloit aller
attaquer l'Auteur dans ses principes ,
les dépouiller des graces et de l'agrément
qu'il leur a donnés , les remettre
dans leur secheresse naturelle ; vous auriez
eu le mérite de les appercevoir , et ,
si vous aviez pû , l'honneur de les détruire
; mais il vous a parû plus commode
de dire que l'Auteur aimoit l'Eglogue
à la folie , qu'on le séduiroit
avec le murmure d'une Fontaine , quil
étoit bien aise que tout le monde vécût,
que quant à lui il n'avoit pas la moindre
envie de mourir ; et enfin pour achever
le dénombrement de ses goûts , vous
nous avez appris qu'il aimeroit mieux
avoir fait un Sonnet que quatre Tragédies.
Vous êtes un galant homme , Monsieur
, tout le monde le dit ; et après
une déposition si generale, il n'est point
permis d'en douter . Cependant permettez
moi de vous dire qu'il y a quelque
chose d'irrégulier dans votre conduite.
Tirer quelques paroles d'un Auteur , les
séparer
62 MERCURE DE FRANCE
séparer de ce qui les environne , de ce
qui en change ou modifie le sens , faire
un assortiment bizare de ce qu'il y a
dans un Ouvrage de sérieux et de badin,
charger l'Auteur d'un pareil assortiment;
et pour qu'il en soit plus sûrement chargé
, mettre le tout en lettres italiques ,
c'est un procedé qui n'a pas d'exemple
dans la République des Lettres , où l'on
ne se picque pas neanmoins d'une Morale
bien severe.
La même bonne foi , le même esprit
de sincerité regne dans votre Lettre d'un
bout à l'autre .
A l'imitation du pour et contre , dont
à cela près que vous êtes un peu plus
poli , vous suivez assez exactement les
traces , vous accusez l'Auteur des Reflé.
xions sur la Poësie , d'avoir pris dans son
Morceau sur le Sublime , trois pages entieres
de M. Despreaux. Il falloit donc
extraire ces trois pages. Dailleurs accordez
-vous avec l'Auteur du Pour et Contre
; il prétend lui que le Morceau du
Sublime est pris dans M. Nicole . Ne
sentez vous pas que cette accusation de
vol n'étant pas prouvée, il en résulte une
absolution entiere pour M. D. S. M. qui
n'a pas la réputation de s'être enrichi des
dépouilles d'autrui.
Voilà
AVRIL. 1734- 693
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai à
dire sur votre Lettie , car vous n'y dites
rien . Je sçai bien que vous avez à repliquer
que vous avez fait une espece
d'Extrait de chaque morceau de l'Ouvrage
en question ; mais si l'Extrait est
infidele , je ne dois point y répondre
parce qu'alors ce ne sera pas l'Ouvrage
que vous aurez critiqué ; parce que je ne
suis point obligé à prendre le parti d'un
fantôme que vous avez fait tel qu'il vous
le falloit pour vous ménager le plaisir
d'en triompher.
Il faut convenir , Monsieur , que vous
êtes bien malheureux. Vous avez eu envie
de critiquer l'Auteur des Refléxions
sur la Poësie , vous n'avez pû en venir à
bout , votre dessein étoit de loüer M. de
Fontenelle , et vous l'avez critiqué ; car
entre nous , c'est le critiquer et faire
pis encore , que de dire qu'on reproche
ce bel Esprit de manquer de génie.
Avec votre permission , M. D. S. M.
ne l'a point dit , et quand ( ce que je
ne sçai pas ) une pareille consequence
couleroit sourdement de ses principes ,
pourquoi , vous , Monsieur , avez - vous
la malice de la tirer ? D'ailleurs, pourquoi.
ne point mettre de distance entre M. de
la Motte et M. de Fontenelle ? L'Auteur
D des
694 MERCURE DE FRANCE
des Refléxions ne s'est point caché de
l'admiration qu'il avoit pour l'un , et
peut- être n'a- t'il que trop exprimé le
mépris qu'il avoit pour l'autre. Enfin ,
comment avez - vous osé dire en face au
» Public , qu'il a toujours comparé les
» Fables de M. de la Motte à celles de´la
» Fontaine , ses Tragédies à celles de Cor-
» neille et de Racine , ses Operas à ceux
» de Quinault , et qu'enfin il a assigné à
>> ses Discours d'Eloquence et à toute sa
» Prose , une classe à part , pour ne la
»comparer qu'à lui- même.
C'est au Public à vous donner sur cela
un démenti , s'il le juge à propos . Je reviens
moi au Livre qui a fait l'objet de votre
Critique , et c'est sur cela que j'ai quelques
refléxions à vous faire faire.
Si vous aviez sérieusement envie de
critiquer M. D. S. M. il falloit lire son
Ouvrage avec toute l'attention dont un
homme d'esprit comme vous est capable
, il falloit tâcher d'en penetrer les
principes , en bien embrasser toutes les
consequences , sur tout , et c'est ce qui
étoit le plus necessaire , il falloit vous
bien mettre son but dans la tête. Vous
auriez vû que l'Auteur , pour bien remplir
son projet , avoit été obligé de ne
prendre que la fleur de ce qu'il avoit à
dire;
AVRIL. 1734-
695
dire ; que dans le dessein où il étoit d'instruire
, sans pour cela renoncer à plaire ,
il avoit été réduit à ôter à ses principes.
le faste et la secheresse ordinaire qui les
accompagnent ; ce qui , en les adoucissant
peut quelquefois les avoir rendus méconnoissables.
N'en doutez point , Monsieur , une
attention sérieuse sur le but de l'Auteur
, vous auroit épargné bien des injustices
. Vous n'auriez pas dit, par exemple
, que l'Auteur des Refléxions s'est
dévoué tout entier au sentiment, et qu'il
trouve fort mauvais qu'on raisonne . Hé ,
Monsieur , lisez l'Ouvrage , vous verrez
qu'on y prêche par tout l'accord de la
raison et de l'imagination ; vous verrez
que de toutes les qualitez de l'esprit , celle
que l'Auteur estime le plus , celle qui lui
est la plus chere , c'est la justesse et la
précision ; mais à dire vrai , il la veut
ménagée et temperée par les graces , il
ne la croit point incompatible avec les
tours vifs et les expressions de génie. Y
a-t'il là en verité de quoi lui faire un
procès ?
Il me reste à justifier l'Auteur sur un
reproche que vous lui faites au commencement
de votre Lettre , c'est de s'être
un peu laissé gagner par la contagion ,
Dijet
496 MERCURE DE FRANCE
et comme il l'avoit prévû lui - même , de
n'avoir pas pû être toujours naturel. Je
suis de bonne foi , Monsieur , et je passe
volontiers condamnation sur cinq ou six
expressions , qui , dans le goût où nous
sommes du brillant , sont d'un mauvais
exemple. Mais je vous soutiens que le
stile de l'Ouvrage est en general fort naturel
; je soupçonne qu'on prend le chan
ge , et qu'on ne dit pas bien ce qu'on
veut dire quand on reproche à l'Auteur
de manquer quelquefois de naturel . Une
des grandes attentions de M. D. S. M.
autant que j'ai pû le remarquer , est d'être
serré sans en avoir l'air . Il arrive delà
qu'en certains cas le Lecteur peine ;
et comme ce qui le peine est quelquefois
couvert de fleurs assaisonnées de graces ,
il n'ose s'en prendre à l'idée qu'il voit
ainsi embellie. Il ne songe pas que l'idée
pour être ainsi parée , n'en est souvent
que plus fine et plus déliée ; que d'ailleurs
cette idée étant serrée , son rapport
avec les autres idées , n'est pas assez prononcé
pour lui , qu'on a trop compté
sur sa pénetration , et alors le petit embarras
qu'il éprouve n'étant pas bien analisé
dans son esprit , non plus que ce qui
le cause , il n'y sçait que dire que l'Auteur
n'est pas naturel , il s'en prend à
son
AVRIL 1734. 697
son stile , au lieu de s'en prendre à l'idée
qui , avec le défaut d'être fine , a quelquefois
celui de n'être pas assez épaissie
et assez étendue pour la petitesse de son
intelligence. Faites attention à ce que
j'ai l'honneur de vous dire , vous trouverez
la vraie cause des reproches que
quelques Gens ont fait à M. D. S. M.
pousurr moi je suis persuadé que vous ne
en ferez plus. Vous êtes homme d'esprit
, la prévention vous avoit gagné.
Le petit mal qu'on avoit dit de M. de
la Motte avoit excité votre colere. Vous
avez soulagé votre coeur , et je ne m'en
prends point à votre esprit. J'ay l'honneur
d'être , Monsieur , votre , &c.
eu envie de critiquer un Livre qui a
pour titre Refléxions sur la Poësie ent
general , sur la Fable , sur l'Elegie ,
sur la Satyre , sur l'Ode , sur le Sonnet,
Rondeau , Madrigal . Suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût er
France. Par M. R. D. S. M.
S
Çavez - vous bien , Monsieur , qu'il
n'y a rien de plus flateur pour M.
nya rien
R. D. S. M. que la Critique que vous
avez faite de son Ouvrage. Aussi y a - t'il
quantité de gens fort raisonnables qui
n'ont point pris le change. Ils disent
hautement que vous êtes ami de l'Auteur
, et que pour ôter aux louanges la
fadeur qui en est presque inséparable ,
vous avez voulu donner à votre Lettre
un air de Critique ; qu'il est bien vrai
qu'on y voit par cy par là quelques
ironies , mais que vous sçaviez bien qu'on
les trouveroit mauvaises ; qu'à l'égard
des falsifications qui sont en fort grand
nombre , vous étiez bien sûr qu'elles ne
porteroient aucun préjudice à la réputation
de l'Auteur , parce que la lecture
de
AVRIL. 1734 691
de son Ouvrage les feroit bien-tôt disparoître.
Je ne vous rends compte , Monsieur ,
de l'effet de votre Lettre, que pour vous
faire sentir que le but n'en est pas net.
C'est trop peu pour un Eloge , ce n'est
pas assez pour une Critique. Il falloit aller
attaquer l'Auteur dans ses principes ,
les dépouiller des graces et de l'agrément
qu'il leur a donnés , les remettre
dans leur secheresse naturelle ; vous auriez
eu le mérite de les appercevoir , et ,
si vous aviez pû , l'honneur de les détruire
; mais il vous a parû plus commode
de dire que l'Auteur aimoit l'Eglogue
à la folie , qu'on le séduiroit
avec le murmure d'une Fontaine , quil
étoit bien aise que tout le monde vécût,
que quant à lui il n'avoit pas la moindre
envie de mourir ; et enfin pour achever
le dénombrement de ses goûts , vous
nous avez appris qu'il aimeroit mieux
avoir fait un Sonnet que quatre Tragédies.
Vous êtes un galant homme , Monsieur
, tout le monde le dit ; et après
une déposition si generale, il n'est point
permis d'en douter . Cependant permettez
moi de vous dire qu'il y a quelque
chose d'irrégulier dans votre conduite.
Tirer quelques paroles d'un Auteur , les
séparer
62 MERCURE DE FRANCE
séparer de ce qui les environne , de ce
qui en change ou modifie le sens , faire
un assortiment bizare de ce qu'il y a
dans un Ouvrage de sérieux et de badin,
charger l'Auteur d'un pareil assortiment;
et pour qu'il en soit plus sûrement chargé
, mettre le tout en lettres italiques ,
c'est un procedé qui n'a pas d'exemple
dans la République des Lettres , où l'on
ne se picque pas neanmoins d'une Morale
bien severe.
La même bonne foi , le même esprit
de sincerité regne dans votre Lettre d'un
bout à l'autre .
A l'imitation du pour et contre , dont
à cela près que vous êtes un peu plus
poli , vous suivez assez exactement les
traces , vous accusez l'Auteur des Reflé.
xions sur la Poësie , d'avoir pris dans son
Morceau sur le Sublime , trois pages entieres
de M. Despreaux. Il falloit donc
extraire ces trois pages. Dailleurs accordez
-vous avec l'Auteur du Pour et Contre
; il prétend lui que le Morceau du
Sublime est pris dans M. Nicole . Ne
sentez vous pas que cette accusation de
vol n'étant pas prouvée, il en résulte une
absolution entiere pour M. D. S. M. qui
n'a pas la réputation de s'être enrichi des
dépouilles d'autrui.
Voilà
AVRIL. 1734- 693
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai à
dire sur votre Lettie , car vous n'y dites
rien . Je sçai bien que vous avez à repliquer
que vous avez fait une espece
d'Extrait de chaque morceau de l'Ouvrage
en question ; mais si l'Extrait est
infidele , je ne dois point y répondre
parce qu'alors ce ne sera pas l'Ouvrage
que vous aurez critiqué ; parce que je ne
suis point obligé à prendre le parti d'un
fantôme que vous avez fait tel qu'il vous
le falloit pour vous ménager le plaisir
d'en triompher.
Il faut convenir , Monsieur , que vous
êtes bien malheureux. Vous avez eu envie
de critiquer l'Auteur des Refléxions
sur la Poësie , vous n'avez pû en venir à
bout , votre dessein étoit de loüer M. de
Fontenelle , et vous l'avez critiqué ; car
entre nous , c'est le critiquer et faire
pis encore , que de dire qu'on reproche
ce bel Esprit de manquer de génie.
Avec votre permission , M. D. S. M.
ne l'a point dit , et quand ( ce que je
ne sçai pas ) une pareille consequence
couleroit sourdement de ses principes ,
pourquoi , vous , Monsieur , avez - vous
la malice de la tirer ? D'ailleurs, pourquoi.
ne point mettre de distance entre M. de
la Motte et M. de Fontenelle ? L'Auteur
D des
694 MERCURE DE FRANCE
des Refléxions ne s'est point caché de
l'admiration qu'il avoit pour l'un , et
peut- être n'a- t'il que trop exprimé le
mépris qu'il avoit pour l'autre. Enfin ,
comment avez - vous osé dire en face au
» Public , qu'il a toujours comparé les
» Fables de M. de la Motte à celles de´la
» Fontaine , ses Tragédies à celles de Cor-
» neille et de Racine , ses Operas à ceux
» de Quinault , et qu'enfin il a assigné à
>> ses Discours d'Eloquence et à toute sa
» Prose , une classe à part , pour ne la
»comparer qu'à lui- même.
C'est au Public à vous donner sur cela
un démenti , s'il le juge à propos . Je reviens
moi au Livre qui a fait l'objet de votre
Critique , et c'est sur cela que j'ai quelques
refléxions à vous faire faire.
Si vous aviez sérieusement envie de
critiquer M. D. S. M. il falloit lire son
Ouvrage avec toute l'attention dont un
homme d'esprit comme vous est capable
, il falloit tâcher d'en penetrer les
principes , en bien embrasser toutes les
consequences , sur tout , et c'est ce qui
étoit le plus necessaire , il falloit vous
bien mettre son but dans la tête. Vous
auriez vû que l'Auteur , pour bien remplir
son projet , avoit été obligé de ne
prendre que la fleur de ce qu'il avoit à
dire;
AVRIL. 1734-
695
dire ; que dans le dessein où il étoit d'instruire
, sans pour cela renoncer à plaire ,
il avoit été réduit à ôter à ses principes.
le faste et la secheresse ordinaire qui les
accompagnent ; ce qui , en les adoucissant
peut quelquefois les avoir rendus méconnoissables.
N'en doutez point , Monsieur , une
attention sérieuse sur le but de l'Auteur
, vous auroit épargné bien des injustices
. Vous n'auriez pas dit, par exemple
, que l'Auteur des Refléxions s'est
dévoué tout entier au sentiment, et qu'il
trouve fort mauvais qu'on raisonne . Hé ,
Monsieur , lisez l'Ouvrage , vous verrez
qu'on y prêche par tout l'accord de la
raison et de l'imagination ; vous verrez
que de toutes les qualitez de l'esprit , celle
que l'Auteur estime le plus , celle qui lui
est la plus chere , c'est la justesse et la
précision ; mais à dire vrai , il la veut
ménagée et temperée par les graces , il
ne la croit point incompatible avec les
tours vifs et les expressions de génie. Y
a-t'il là en verité de quoi lui faire un
procès ?
Il me reste à justifier l'Auteur sur un
reproche que vous lui faites au commencement
de votre Lettre , c'est de s'être
un peu laissé gagner par la contagion ,
Dijet
496 MERCURE DE FRANCE
et comme il l'avoit prévû lui - même , de
n'avoir pas pû être toujours naturel. Je
suis de bonne foi , Monsieur , et je passe
volontiers condamnation sur cinq ou six
expressions , qui , dans le goût où nous
sommes du brillant , sont d'un mauvais
exemple. Mais je vous soutiens que le
stile de l'Ouvrage est en general fort naturel
; je soupçonne qu'on prend le chan
ge , et qu'on ne dit pas bien ce qu'on
veut dire quand on reproche à l'Auteur
de manquer quelquefois de naturel . Une
des grandes attentions de M. D. S. M.
autant que j'ai pû le remarquer , est d'être
serré sans en avoir l'air . Il arrive delà
qu'en certains cas le Lecteur peine ;
et comme ce qui le peine est quelquefois
couvert de fleurs assaisonnées de graces ,
il n'ose s'en prendre à l'idée qu'il voit
ainsi embellie. Il ne songe pas que l'idée
pour être ainsi parée , n'en est souvent
que plus fine et plus déliée ; que d'ailleurs
cette idée étant serrée , son rapport
avec les autres idées , n'est pas assez prononcé
pour lui , qu'on a trop compté
sur sa pénetration , et alors le petit embarras
qu'il éprouve n'étant pas bien analisé
dans son esprit , non plus que ce qui
le cause , il n'y sçait que dire que l'Auteur
n'est pas naturel , il s'en prend à
son
AVRIL 1734. 697
son stile , au lieu de s'en prendre à l'idée
qui , avec le défaut d'être fine , a quelquefois
celui de n'être pas assez épaissie
et assez étendue pour la petitesse de son
intelligence. Faites attention à ce que
j'ai l'honneur de vous dire , vous trouverez
la vraie cause des reproches que
quelques Gens ont fait à M. D. S. M.
pousurr moi je suis persuadé que vous ne
en ferez plus. Vous êtes homme d'esprit
, la prévention vous avoit gagné.
Le petit mal qu'on avoit dit de M. de
la Motte avoit excité votre colere. Vous
avez soulagé votre coeur , et je ne m'en
prends point à votre esprit. J'ay l'honneur
d'être , Monsieur , votre , &c.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.
Le texte est une réponse à une lettre critique adressée à M. R. D. S. M., auteur des 'Réflexions sur la Poésie'. L'auteur de la réponse conteste les accusations portées contre M. R. D. S. M., les qualifiant de malveillantes et mal fondées. Il souligne que la lettre critique est ambiguë, ni vraiment un éloge ni une critique sérieuse. L'auteur reproche à son interlocuteur d'avoir mal interprété les propos de M. R. D. S. M. et d'avoir sorti des phrases de leur contexte pour les déformer. Il accuse également la critique de manquer de rigueur et de bonne foi, notamment en ce qui concerne l'accusation de plagiat concernant un passage sur le sublime. L'auteur défend le style et les intentions de M. R. D. S. M., affirmant que ses principes sont souvent mal compris et que ses expressions sont naturelles et soignées. Il conclut en suggérant que la critique est motivée par des préventions personnelles plutôt que par une analyse objective.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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61
p. 1090-1091
RÉPONSE de Mlle de Malcrais de la Vigne.
Début :
Dans l'utile Traité dont tu m'as fait un don, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Mérite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de Mlle de Malcrais de la Vigne.
REPONSE de Mlle de Malcrais
de la Vigne.
DAns l'utile Traité dont tu m'as fait un don
Claville j'ai trouvé des leçons bien sensées.
Un sel paisé dans Ciceron
I.Vol.
Ex
JUIN 1734.
1091
niveau de l'exacte raison ,
En assaisonne les pensées.
Par elles au
Je vois finement redressées
Les moeurs du genre humain, diversement tortų
So crate n'eût pas mieux instruit à la vertu
Le jeune , le brillant , l'aimable Alcibiade ,
Que tu fais ton cher nourrisson.
Ta puissante doctrine éclaire et persuade ,
Si son coeur fut docile à prendre ta façon ,
Il a du vrai merite atteint le plus haut grade.
Pour moi je n'ai point merité
Les éloges flatteurs dont m'honore ta muses
Ton Ouvrage me desabuse ,
Et m'ôte toute vanité.
Comme on sort d'un sermon dont la morale est
pzze ,
Pathétique , éloquent , entraînant sous sa loi
La revolte des sens trompés par la nature ,
Ainsi de ton Ouvrage en quittant la lecture
Je suis très- contente de toi ,
Mais très-mécontente de moi,
de la Vigne.
DAns l'utile Traité dont tu m'as fait un don
Claville j'ai trouvé des leçons bien sensées.
Un sel paisé dans Ciceron
I.Vol.
Ex
JUIN 1734.
1091
niveau de l'exacte raison ,
En assaisonne les pensées.
Par elles au
Je vois finement redressées
Les moeurs du genre humain, diversement tortų
So crate n'eût pas mieux instruit à la vertu
Le jeune , le brillant , l'aimable Alcibiade ,
Que tu fais ton cher nourrisson.
Ta puissante doctrine éclaire et persuade ,
Si son coeur fut docile à prendre ta façon ,
Il a du vrai merite atteint le plus haut grade.
Pour moi je n'ai point merité
Les éloges flatteurs dont m'honore ta muses
Ton Ouvrage me desabuse ,
Et m'ôte toute vanité.
Comme on sort d'un sermon dont la morale est
pzze ,
Pathétique , éloquent , entraînant sous sa loi
La revolte des sens trompés par la nature ,
Ainsi de ton Ouvrage en quittant la lecture
Je suis très- contente de toi ,
Mais très-mécontente de moi,
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Résumé : RÉPONSE de Mlle de Malcrais de la Vigne.
En juin 1734, Mlle de Malcrais de la Vigne remercie pour le traité de Claville, qu'elle juge instructif et clair. Elle compare ses leçons à celles de Cicéron et note leur pouvoir moralisateur. L'ouvrage la désabuse et la prive de toute vanité. Elle se déclare contente de l'auteur mais mécontente d'elle-même après lecture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 1175-1182
Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE, &c. Année M. DCC. XXIX. Tome XVII. et [...]
Mots clefs :
Édition, Enfant, Temps, Ouvrage, Dessein, Allemand, Relation, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , & c. Année
M. DCC . XXIX . Tome XVII . et
XVIII. 1. vol . 12. A Amsterdam , chez
Pierre Humbert M. DCC . XXIX .
On trouve dans le III . Article du premier
de ces deux Tomes , dequoi se dedommager
de la secheresse et du peu d'interêts
qui règne dans la plupart des autres
Articles . On y rend compte d'un Livre
Allemand , dont le Titre rendu François
, est RELATION d'un Enfant extraordinairement
avancé pour son âge , &c. vol.
in 4. A Leipsic , 1728. Cette Relation
contient aussi d'autres exemples d'Enfans
extraordinaires et distingués par leur sça-
F vj voit 1Vol.
T176 MERCURE DE FRANCE
voir , et des observations utiles et inte
ressantes sur le même sujet.
Jean - Philippe Baratier , Fils de M. Baratier
, Pasteur de la R. P. R. de Schwabach
, dans le Marquisat d'Anspach , est
le principal sujet de la Relation dont le
Pere même est l'Auteur ; mais comme
il a déja été parlé de cet Enfant dans notre
Mercure , nous passerons à un autre
qui paroîtra encore plus extraordinaire.
,
C'est Chrétien Henri Heinecken , fils
d'un Peintre de Lubeck , lequel nâquit
dans cette Ville- là le 6. Fevrier 1721.et
mourut le 27. Juin 1725. Dans ce court
espace de quatre ans et près de cinq mois ,
il donna des preuves si extraordinaires de
son esprit et de sa memoire , qu'on ne
pourroit presque se resoudre à les croire
si elles n'étoient pas attestées par unghd
nombre de témoins éclairés qui ont
eux-mêmes vû et admiré cet Enfant. Ce
fut à dix mois qu'il commença à parler ,
et cela à l'occasion de diverses figures
dont il parut souhaiter l'explication ; on
la lui donna , et tout d'un coup on remarqua
qu'il observoit avec une attention
fixe les mouvemens des levres de ceux
qui lui parloient , et il vint à bout , non
sans effort , de prononcer syllabe après
syllabe ce qu'on lui disoit. Ces progrès
IVol.
furent
JUI N. 1734 1177
furent depuis ce tems - là très- rapides ,
puisqu'à un an il sçavoit les principaux
évenemens du Pentateuque; à treize mois,
l'Histoire de l'Ancien Testament ,
quatorze celle du Nouveau .
et à
Au mois de Septembre 1723. le petit
Heinecken avoit acquis une connoissance
si exacte de l'Histoire ancienne et moderne
, et de la Géographie , qu'il répondoit
pertinemment aux questions qu'on lui
faisoit sur des sujets diversifiés. Il chargea
aussi sa memoire d'une grande quantité de
mots Latins , de sorte qu'il parvint à parler
cette Langue avec facilité , et il apprit
parcoeur en cette Langue les Institutes de
Justinien. Quelque tems après il apprit
aussi passablement le François , et avant
sa quatrième année il étoit bien avancé
dal connoissance de la Genealogie des
principales Maisons de l'Europe. Jamais
onne vit plus d'ardeur à acquerir de nouvelles
connoissances , et cela même est une
preuve du genie de cet Enfant. L'Auteur
de sa vie rapporte d'ailleurs un assez bon
nombre de traits qui marquent et de l'esprit
et du jugement ; l'un et l'autre paroissent
sur tout dans l'application qu'il
faisoit des Sentences et des Passages de
Ecriture Sainte qu'il avoit appris , aux
diverses circonstances où il se trouvoit.
1. Vol. Une
1178 MERCURE DE FRANCE
Une bonne partie de sa quatrième année
fut employée au voyage de Danemarck,
où il fut admiré de toute la Cour ; il harangua
de fort bonne grace le Roi et les
Princes du Sang . De retour à Lubeck il
y apprit à écrire en fort peu de tems ,
quoiqu'il eût à peine la force de tenir sa
plume. Enfin après avoir langui quelques
mois il mourut dans le tems marqué cidessus.
C'est une chose remarquable que cet
Enfant si extraordinaire , par rapport aux
talens de son esprit , fût en même - tems
d'une complexion très - délicate. Il est
d'autant plus étonnant qu'il sçût tant de
choses que des maladies très-fâcheuses qui
se suivirent de près , lui auroient dû ,
ce semble , ôter presque tout moyen de
bien apprendre. L'Auteur de sa vie attri
bue ses infirmités presque continuelles
et sa mort prématurée à sa délicatesse natutelle
, et aux passions de sa Nourrice ,
qui eurent plus d'influences sur lui qu'elles
n'en auroient eu sur un autre , parce
qu'il ne fut sevré que quelques mois avant
sa mort , ayant témoigné beaucoup de répugnance
pour toutes sortes d'alimens
excepté le lait , et en particulier celui
de cette Nourrice . Cette repugnance fut
cause qu'il ne mâchoit qu'avec une extrê
me difficulté. Au
JUIN. 1734
1179
Au reste , la maniere sage et chrétienne
dont le petit Heincken envisagea la
mort , est à proportion aussi extraordi
naire pour son âge , que le sont les connoissances
qu'il avoit acquises pendant sa
vie.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVII. Tome.
fille
De Strasbourg. Madame Linck
et femme de deux Professeurs en Droit
de cette Ville , a publié une Traduction
du Polyeucte de Corneille , en vers Allemands.
De Nuremberg. On débite une Brochu
re en forme de Dictionnaire , qui contient
la liste de tous les Bains et des Eaux
Minerales , sous le titre de Bibliotheca
cum Lexico Hydrologico.
M. Frederic Bothscholtz a formé le
projet de rassembler en deux Volumes in
folio , tous les Ouvrages qui traitent de
la Librairie et de l'Imprimerie. Chacun
paroîtra tel qu'il est , et même dans la
Langue où il a été imprimé , ou si c'est
un Ouvrage Manuscrit , dans celle où il
aura été composé.
D'Altorf.M. le Professeur Koehler, publie
toutes les semaines une Feuille qui
contient, l'explication et le dessein de
I. Vol. quel1180MERCURE
DE FRANCE
quelque Medaille. C'est à Nuremberg
que s'imprime ce nouvel Ouvrage Periodique
en Allemand .
De Goettingen. M. le Docteur Heumaun ,
Inspecteur du College de cette Ville , publiera
incessamment l'Ouvrage de Charlemagne
contre le second Concile de Nicée
, sur l'Edition que Jean du Tillet Evêque
de Meaux publia à Paris en 1549.
sans nom d'Auteur , et sans marquer le
lieu de l'impression . Cette Edition étoit
devenue extrêmement rare . M. Heumaun
joindra ses propres remarques aux corrections
de du Tillet et de Goldstat , et le
tout sera précedé d'une Dissertation dont
le dessein est de prouver que ce Traité
est de Charlemagne , et contient ses veritables
sentimens , tout au moins de la même
maniere que la Confession d'Ausbourg
doit être attribuée aux Princes qui la fignerent.
De Leipsic DISSERTATIO Epistolica ad
Eminentissimam atque Reverendissimum
Dominum Christianum Wormium , Diaceseos
Sialandica in Danuâ Episcopum, &c.
de scriptis quibusdam integris , fragmentisque
hactenus ineditis , que in itinere Gallico-
Anglico, atque Germanico reperire contigit et
nunc in lucem publicam edenda parat, virosque
eruditos insimul ad conferendas symbolas
IVol. humanisJUIN.
1734: 1181
humanissimè invitat Magnus Crusius Sles-
Wicensis V. D. M.
C'est le titre d'une Brochure de neuf
feuilles que
Gleditsch a imprimé . On
voit par ce titre que M. Crusius , ci- devant
Chapelain de l'Ambassade Danoise
en France et connu par la vie de Duplessis
Mornay qu'il a mis au jour sous ce titre:
Memorabilia Plessiaca , a ramassé de bons
materiaux dans ces voyages , et qu'il a
dessein de les communiquer au Public.
Le détail de ses acquisitions et de ses projets
se trouve dans la Lettre même . Il y
parle , entr'autres , d'une continuation
du Spicilegium Patrum de Grabe ; d'une
nouvelle Edition de S. Irenée , recommandable
par plusieurs Pieces , non imprimées
, de cet ancien Docteur , et par
des Remarques nouvelles de Thomas Aisler
, d'Edouard Bernard , de François du
Jon ou Junius , de Daniel Heinsius , et
de quelques autres Sçavans. M. Crusius
nous promet encore une Edition beaucoup
plus ample que les précedentes , des
Annales de Nicetas Choniate ; une Edition
d'Arnobe contre les Gentils , avec
'des notes de plusieurs Sçavans , lesquelles
n'ont point encore vû le jour ; et une
Histoire du Lutheranisme en France .
De Dresde. M. Mathieu Daniel Poep-
I. Vol.
pelmaun
1182 MERCURE DE FRANCE
pelmaun , Architecte du Roi de Pologne
, a publié une Description de divers
Bâtimens magnifiques de cette Ville et
des environs appartenans à Sa Majesté .
La Description est en Allemand et en
François , accompagnée de quantité de
figures qui font le principal de cet Ouvrage.
On y voit aussi le dessein de la
grande Cuve qu'on a placée depuis peu
à Koenigstein , et qui tient environ deux
cens Bariques de plus que celle de Heidelberg.
>
De Crossen. M. Samuel Ledel , Docteur
en Medecine , travaille à une Histoire de
Monstres. Il a aussi considerablement augmenté
la Centauriologia curiosa Ouvrage
que feu M. son Pere fit imprimer en
1694. à Francfort sur le Mein , et il a
dessein d'en publier une nouvelle Edition
,
M. DCC . XXIX . Tome XVII . et
XVIII. 1. vol . 12. A Amsterdam , chez
Pierre Humbert M. DCC . XXIX .
On trouve dans le III . Article du premier
de ces deux Tomes , dequoi se dedommager
de la secheresse et du peu d'interêts
qui règne dans la plupart des autres
Articles . On y rend compte d'un Livre
Allemand , dont le Titre rendu François
, est RELATION d'un Enfant extraordinairement
avancé pour son âge , &c. vol.
in 4. A Leipsic , 1728. Cette Relation
contient aussi d'autres exemples d'Enfans
extraordinaires et distingués par leur sça-
F vj voit 1Vol.
T176 MERCURE DE FRANCE
voir , et des observations utiles et inte
ressantes sur le même sujet.
Jean - Philippe Baratier , Fils de M. Baratier
, Pasteur de la R. P. R. de Schwabach
, dans le Marquisat d'Anspach , est
le principal sujet de la Relation dont le
Pere même est l'Auteur ; mais comme
il a déja été parlé de cet Enfant dans notre
Mercure , nous passerons à un autre
qui paroîtra encore plus extraordinaire.
,
C'est Chrétien Henri Heinecken , fils
d'un Peintre de Lubeck , lequel nâquit
dans cette Ville- là le 6. Fevrier 1721.et
mourut le 27. Juin 1725. Dans ce court
espace de quatre ans et près de cinq mois ,
il donna des preuves si extraordinaires de
son esprit et de sa memoire , qu'on ne
pourroit presque se resoudre à les croire
si elles n'étoient pas attestées par unghd
nombre de témoins éclairés qui ont
eux-mêmes vû et admiré cet Enfant. Ce
fut à dix mois qu'il commença à parler ,
et cela à l'occasion de diverses figures
dont il parut souhaiter l'explication ; on
la lui donna , et tout d'un coup on remarqua
qu'il observoit avec une attention
fixe les mouvemens des levres de ceux
qui lui parloient , et il vint à bout , non
sans effort , de prononcer syllabe après
syllabe ce qu'on lui disoit. Ces progrès
IVol.
furent
JUI N. 1734 1177
furent depuis ce tems - là très- rapides ,
puisqu'à un an il sçavoit les principaux
évenemens du Pentateuque; à treize mois,
l'Histoire de l'Ancien Testament ,
quatorze celle du Nouveau .
et à
Au mois de Septembre 1723. le petit
Heinecken avoit acquis une connoissance
si exacte de l'Histoire ancienne et moderne
, et de la Géographie , qu'il répondoit
pertinemment aux questions qu'on lui
faisoit sur des sujets diversifiés. Il chargea
aussi sa memoire d'une grande quantité de
mots Latins , de sorte qu'il parvint à parler
cette Langue avec facilité , et il apprit
parcoeur en cette Langue les Institutes de
Justinien. Quelque tems après il apprit
aussi passablement le François , et avant
sa quatrième année il étoit bien avancé
dal connoissance de la Genealogie des
principales Maisons de l'Europe. Jamais
onne vit plus d'ardeur à acquerir de nouvelles
connoissances , et cela même est une
preuve du genie de cet Enfant. L'Auteur
de sa vie rapporte d'ailleurs un assez bon
nombre de traits qui marquent et de l'esprit
et du jugement ; l'un et l'autre paroissent
sur tout dans l'application qu'il
faisoit des Sentences et des Passages de
Ecriture Sainte qu'il avoit appris , aux
diverses circonstances où il se trouvoit.
1. Vol. Une
1178 MERCURE DE FRANCE
Une bonne partie de sa quatrième année
fut employée au voyage de Danemarck,
où il fut admiré de toute la Cour ; il harangua
de fort bonne grace le Roi et les
Princes du Sang . De retour à Lubeck il
y apprit à écrire en fort peu de tems ,
quoiqu'il eût à peine la force de tenir sa
plume. Enfin après avoir langui quelques
mois il mourut dans le tems marqué cidessus.
C'est une chose remarquable que cet
Enfant si extraordinaire , par rapport aux
talens de son esprit , fût en même - tems
d'une complexion très - délicate. Il est
d'autant plus étonnant qu'il sçût tant de
choses que des maladies très-fâcheuses qui
se suivirent de près , lui auroient dû ,
ce semble , ôter presque tout moyen de
bien apprendre. L'Auteur de sa vie attri
bue ses infirmités presque continuelles
et sa mort prématurée à sa délicatesse natutelle
, et aux passions de sa Nourrice ,
qui eurent plus d'influences sur lui qu'elles
n'en auroient eu sur un autre , parce
qu'il ne fut sevré que quelques mois avant
sa mort , ayant témoigné beaucoup de répugnance
pour toutes sortes d'alimens
excepté le lait , et en particulier celui
de cette Nourrice . Cette repugnance fut
cause qu'il ne mâchoit qu'avec une extrê
me difficulté. Au
JUIN. 1734
1179
Au reste , la maniere sage et chrétienne
dont le petit Heincken envisagea la
mort , est à proportion aussi extraordi
naire pour son âge , que le sont les connoissances
qu'il avoit acquises pendant sa
vie.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVII. Tome.
fille
De Strasbourg. Madame Linck
et femme de deux Professeurs en Droit
de cette Ville , a publié une Traduction
du Polyeucte de Corneille , en vers Allemands.
De Nuremberg. On débite une Brochu
re en forme de Dictionnaire , qui contient
la liste de tous les Bains et des Eaux
Minerales , sous le titre de Bibliotheca
cum Lexico Hydrologico.
M. Frederic Bothscholtz a formé le
projet de rassembler en deux Volumes in
folio , tous les Ouvrages qui traitent de
la Librairie et de l'Imprimerie. Chacun
paroîtra tel qu'il est , et même dans la
Langue où il a été imprimé , ou si c'est
un Ouvrage Manuscrit , dans celle où il
aura été composé.
D'Altorf.M. le Professeur Koehler, publie
toutes les semaines une Feuille qui
contient, l'explication et le dessein de
I. Vol. quel1180MERCURE
DE FRANCE
quelque Medaille. C'est à Nuremberg
que s'imprime ce nouvel Ouvrage Periodique
en Allemand .
De Goettingen. M. le Docteur Heumaun ,
Inspecteur du College de cette Ville , publiera
incessamment l'Ouvrage de Charlemagne
contre le second Concile de Nicée
, sur l'Edition que Jean du Tillet Evêque
de Meaux publia à Paris en 1549.
sans nom d'Auteur , et sans marquer le
lieu de l'impression . Cette Edition étoit
devenue extrêmement rare . M. Heumaun
joindra ses propres remarques aux corrections
de du Tillet et de Goldstat , et le
tout sera précedé d'une Dissertation dont
le dessein est de prouver que ce Traité
est de Charlemagne , et contient ses veritables
sentimens , tout au moins de la même
maniere que la Confession d'Ausbourg
doit être attribuée aux Princes qui la fignerent.
De Leipsic DISSERTATIO Epistolica ad
Eminentissimam atque Reverendissimum
Dominum Christianum Wormium , Diaceseos
Sialandica in Danuâ Episcopum, &c.
de scriptis quibusdam integris , fragmentisque
hactenus ineditis , que in itinere Gallico-
Anglico, atque Germanico reperire contigit et
nunc in lucem publicam edenda parat, virosque
eruditos insimul ad conferendas symbolas
IVol. humanisJUIN.
1734: 1181
humanissimè invitat Magnus Crusius Sles-
Wicensis V. D. M.
C'est le titre d'une Brochure de neuf
feuilles que
Gleditsch a imprimé . On
voit par ce titre que M. Crusius , ci- devant
Chapelain de l'Ambassade Danoise
en France et connu par la vie de Duplessis
Mornay qu'il a mis au jour sous ce titre:
Memorabilia Plessiaca , a ramassé de bons
materiaux dans ces voyages , et qu'il a
dessein de les communiquer au Public.
Le détail de ses acquisitions et de ses projets
se trouve dans la Lettre même . Il y
parle , entr'autres , d'une continuation
du Spicilegium Patrum de Grabe ; d'une
nouvelle Edition de S. Irenée , recommandable
par plusieurs Pieces , non imprimées
, de cet ancien Docteur , et par
des Remarques nouvelles de Thomas Aisler
, d'Edouard Bernard , de François du
Jon ou Junius , de Daniel Heinsius , et
de quelques autres Sçavans. M. Crusius
nous promet encore une Edition beaucoup
plus ample que les précedentes , des
Annales de Nicetas Choniate ; une Edition
d'Arnobe contre les Gentils , avec
'des notes de plusieurs Sçavans , lesquelles
n'ont point encore vû le jour ; et une
Histoire du Lutheranisme en France .
De Dresde. M. Mathieu Daniel Poep-
I. Vol.
pelmaun
1182 MERCURE DE FRANCE
pelmaun , Architecte du Roi de Pologne
, a publié une Description de divers
Bâtimens magnifiques de cette Ville et
des environs appartenans à Sa Majesté .
La Description est en Allemand et en
François , accompagnée de quantité de
figures qui font le principal de cet Ouvrage.
On y voit aussi le dessein de la
grande Cuve qu'on a placée depuis peu
à Koenigstein , et qui tient environ deux
cens Bariques de plus que celle de Heidelberg.
>
De Crossen. M. Samuel Ledel , Docteur
en Medecine , travaille à une Histoire de
Monstres. Il a aussi considerablement augmenté
la Centauriologia curiosa Ouvrage
que feu M. son Pere fit imprimer en
1694. à Francfort sur le Mein , et il a
dessein d'en publier une nouvelle Edition
,
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Résumé : Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un compte rendu de la Bibliothèque Germanique, publié en 1729 à Amsterdam. Le troisième article du premier tome mentionne un livre allemand intitulé 'Relation d'un Enfant extraordinairement avancé pour son âge', publié à Leipzig en 1728. Ce livre relate les exploits de Jean-Philippe Baratier et de Chrétien Henri Heinecken, deux enfants prodiges. Chrétien Henri Heinecken, né à Lübeck le 6 février 1721 et décédé le 27 juin 1725, a démontré des capacités intellectuelles exceptionnelles. À dix mois, il a commencé à parler et a rapidement acquis des connaissances en histoire, géographie, et langues (latin et français). À quatre ans, il maîtrisait les Institutes de Justinien en latin et avait des connaissances en généalogie européenne. Malgré une santé fragile, il a continué à apprendre et à impressionner par son esprit et son jugement. Heinecken est décédé à l'âge de quatre ans et demi, après avoir été admiré par la cour danoise et avoir appris à écrire. Le texte mentionne également diverses publications et projets littéraires, notamment une traduction du 'Polyeucte' de Corneille en allemand par Madame Linck, un dictionnaire des bains et eaux minérales, et plusieurs ouvrages académiques et historiques en préparation ou récemment publiés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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63
p. 6-18
ELOGE HISTORIQUE DE MADAME DU CHASTELET ; PAR M. DE VOLTAIRE.
Début :
Cet éloge doit être mis à la tête de la traduction de Newton. [...]
Mots clefs :
Newton, Émilie du Châtelet, Langue, Traduction, Éloge, Ouvrage, Livre
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texteReconnaissance textuelle : ELOGE HISTORIQUE DE MADAME DU CHASTELET ; PAR M. DE VOLTAIRE.
ELOGE HISTORIQUE
DE MADAME DU CHASTELET;
PAR M. DE VOLTAIRE.
Cet éloge doit être mis à la tête de la traduction
de Newton.
Ette traduction que les plus fçavans
Cette
que les autres doivent étudier , une Dame
l'a entrepriſe & achevée , à l'étonnement
& à la gloire de fon pays. Gabrielle - Emilie
de Breteuil , époufe du Marquis du
Chaftelet- Lomont , Lieutenant général des
armées du Roi , eft l'auteur de cette traduction
, devenue néceffaire à tous ceux qui
voudront acquerir ces profondes connoiffances
dont le monde eft redevable au grand
Newton.
C'eût été beaucoup pour une femme de
fçavoir la Géométrie ordinaire , qui n'eſt
pas même une introduction aux vérités fublimes
enfeignées dans cet ouvrage im
mortel ; on fent affez qu'il falloit que Madame
la Marquife du Chaftelet fût entrée
DECEMBRE . 1754. 7
bien avant dans la carriere que Newton
avoit ouverte , & qu'elle poffedât ce que ce
grand homme avoit enfeigné. On a vu
deux prodiges ; l'un que Newton ait fait
cet ouvrage , l'autre qu'une Dame l'ait traduit
& l'ait éclairci.
Ce n'étoit pas fon coup d'effai ; elle
avoit auparavant donné au public une explication
de la Philofophie de Leibnits ,
fous le titre d'Inftitutions de Phyfique
adreffées à fon fils , auquel elle avoit enfeigné
elle - même la Géométrie.
Le difcours préliminaire qui eft à la tête
de ces inftitutions , eft un chef- d'oeuvre de
raifon & d'éloquence ; elle a répandu dans
le refte du livre une méthode & une clarté
que Leibnits n'eut jamais & dont fes idées
ont befoin , foit qu'on veuille feulement
les entendre , foit qu'on veuille les réfuter.
Après avoir rendu les imaginations de
Leibnits intelligibles , fon efprit qui avoit
acquis encore de la force & de la maturité
par ce travail même , comprit que cette
Métaphyfique fi hardie , mais fi peu fondée,
ne méritoit pas fes recherches : fon ame
étoit faite le fublime , mais
pour
vrai. Elle fentit que les monades & l'harmonie
préétablie devoient être mifes avec
les trois élémens de Defcartes , & que des
fyftêmes qui n'étoient qu'ingénieux , n'épour
le
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
toient pas dignes de l'occuper. Ainfi après
avoir eu le courage d'embellir Leibnits ,
elle eut celui de l'abandonner , courage
bien rare dans quiconque a embraffé une
opinion , mais qui ne couta gueres d'efforts
à une ame paffionnée pour la vérité.
Défaite de tout espoir de fyftême , elle
prit pour fa régle celle de la Société royale
de Londres , nullius in verba ; & c'eſt parce
que la bonté de fon efprit l'avoit rendue
ennemie des partis & des fyftêmes ,
qu'elle fe donna toute entiere à Newton.
En effet Newton ne fit jamais de fyftême ,
ne fuppofa jamais rien , n'enfeigna aucune
vérité qui ne fût fondée fur la plus fublime
Géométrie , ou fur des expériences
inconteftables. Les conjectures qu'il a hazardées
à la fin de fon livre , fous le nom
de recherches , ne font que des doutes ; il
ne les donne que pour tels , & il feroit
prefqu'impoffible que celui qui n'avoit jamais
affirmé que des vérités évidentes ,
n'eût pas douté de tout le refte.
Tout ce qui eft donné ici pour principe
eit en effet digne de ce nom ; ce font les
premiers refforts de la nature , inconnus
avant lui , & il n'eft plus permis de prétendre
à être Phyficien fans les connoître .
Il faut donc bien fe garder d'envifager
ce livre comme un fyftême , c'est - à - dire
DECEMBRE . 1754. 9
comme un amas de probabilités qui peuvent
fervir à expliquer bien ou mal queleffets
de la nature. ques
S'il y avoit encore quelqu'un affez abfurde
pour foutenir la matiere fubtile &
la matiere cannelée , pour dire que la terre
eft un foleil encrouté , que la lune a été
entraînée dans le tourbillon de la terre ,
que la matiere fubtile fait la pefanteur ,
pour foutenir toutes ces autres opinions
romanefques fubftituées à l'ignorance dest
anciens , on diroit , cet homme eft Cartéfien
; s'il croyoit aux monades , on diroit ,
il eft Leibnitien ; mais on ne dira pas de
celui qui fçait les élémens d'Euclide qu'il
eft Euclidien ; ni de celui qui fçait d'après
Galilée en quelle proportion les corps tombent
, qu'il eft Galiléifte : auffi en Angleterre
ceux qui ont appris le calcul infinitefimal
, qui ont fait les expériences de la
lumiere , qui ont appris les loix de la
vitation , ne font point appellés Newtoniens
; c'est le privilege de l'erreur de donner
fon nom à une fecte . Si Platon avoit
trouvé des vérités , il n'y auroit point eu
de Platoniciens , & tous les hommes auroient
appris peu-à-peu ce que Platon auroit
enfeigné ; mais parce que
dans l'ignorance
qui couvre la terre , les uns s'attachoient
à une erreur , les autres à une augra-
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
tre , on combattoit fous différens étendarts ;
il y avoit des Péripateticiens , des Platoniciens
, des Epicuriens , des Zénoniſtes , en
attendant qu'il y eût des Sages.
Si on appelle encore en France Newtoniens
les Philofophes qui ont joint leurs
connoiffances à celles dont Newton a gratifié
le genre humain , ce n'eft que par un
reſte d'ignorance & de préjugé. Ceux qui
fçavent peu & ceux qui fçavent mal , ce
qui compofe une multitude prodigieuſe ,
s'imaginerent que Newton n'avoit fait autre
chofe que combattre Defcartes , à peu
près comme avoit fait Gaffendi . Ils entendirent
parler de fes découvertes , & ils les
prirent pour un fyftême nouveau . C'eſt
ainfi que quand Harvée eut rendu palpable
la circulation du fang , on s'éleva en
France contre lui ; on appella Harvéiftes
& Circulateurs ceux qui ofoient embraſfer
la vérité nouvelle que le public ne prenoit
que pour une opinion. Il le faut
avouer , toutes les découvertes nous font
venues d'ailleurs , & toutes ont été combattues
. Il n'y a pas jufqu'aux expériences ,
que Newton avoit faites fur la lumiere ,
qui n'ayent effuyé parmi nous de violentes
contradictions. Il n'eftpas furprenant
après cela que la gravitation univerfelle
de la matiere ayant été démontrée , ait été
aufli combattue.
DECEMBRE. 1754. II
Les fublimes vérités que nous devons à
Newton , ne fe font pleinement établies en
France qu'après une génération entiere de
ceux qui avoient vieilli dans les erreurs
de Defcartes. Car toute vérité , comme
tout mérité , a les contemporains pour ennemis
.
Turpe putaverunt parere minoribus , & que
Imberbes didicere , fenes perdenda fateri.
Madame du Chaftelet a rendu un double
fervice à la pofterité en traduifant le livre
des Principes & en l'enrichiffant d'un commentaire.
Il eſt vrai que la langue latine
dans laquelle il est écrit , eft entendue de
tous les Sçavans ; mais il en coûte toujours
quelques fatigues à lire des chofes
abftraites dans une langue étrangere . D'ailleurs
le Latin n'a pas de termes pour exprimer
les vérités mathématiques & phyfiques
qui manquoient aux anciens .
Il a fallu que les modernes créaffent des
mots nouveaux pour rendre ces nouvelles
idées ; c'eſt un grand inconvénient dans les
livres de fcience , & il faut avouer que ce
n'eſt plus gueres la peine d'écrire ces livres
dans une langue morte , à laquelle il faut
toujours ajouter des expreffions inconnues
à l'antiquité & qui peuvent caufer de l'embarras.
Le François qui eft la langue cou-
A vj
12 MERCURE
DE FRANCE
.
rante de l'Europe , & qui s'eft enrichi de
toutes ces expreffions nouvelles & néceffaires
, eft beaucoup plus propre que le Latin
à répandre dans le monde toutes ces
connoiffances nouvelles.
A l'égard du Commentaire algébrique ,
c'est un ouvrage au - deffus de la traduction .
Madame du Chaftelet y travailla fur les
idées de M. Clairaut , elle fit tous les calculs
elle- même ; & quand elle avoit achevé
un chapitre , M. Clairaut l'examinoit &
le corrigeoit. Ce n'eft pas tout ; il peut
dans un travail fi pénible échapper quelque
méprife : il eft très- aifé de fubftituer
en écrivant un figne à un autre. M. Clairaut
faifoit encore revoir par un tiers les
calculs quand ils étoient mis au net , de
forte qu'il eft moralement impoffible qu'il
fe foit gliffé dans cet ouvrage une erreur
d'inattention ; & ce qui le feroit du moins
autant , c'eft qu'un ouvrage où M. Clairaut
a mis la main ne fût pas excellent en fon
genre.
Autant qu'on doit s'étonner qu'une femme
ait été capable d'une entrepriſe qui demandoit
de fi grandes lumieres & un travail
fi obſtiné , autant doit- on déplorer fa
perte prématurée : elle n'avoit pas encore
entierement terminé le commentaire , lorfqu'elle
prévit que la mort alloit l'enlever.
DECEMBRE. 1754. 13
Elle étoit jaloufe de fa gloire & n'avoit
point cet orgueil de la fauffe modeftie , qui
confifte à paroître méprifer ce qu'on fouhaite
, & à vouloir paroître fupérieur à cette
gloire véritable , la feule récompenfe de
ceux qui fervent le public , la feule digne
des grandes ames , qu'il eft beau de rechercher
& qu'on n'affecte de dédaigner que
quand on eft incapable d'y atteindre.
C'est ce foin qu'elle avoit de fa réputation
, qui la détermina quelques jours avant
fa mort à dépofer à la Bibliothèque du Roi
fon livre tout écrit de fa main.
Elle joignit à ce goût pour la gloire une
fimplicité qui ne l'accompagne pas toujours
, mais qui eft fouvent le fruit des études
férieuſes. Jamais femme ne fut fi fçavante
qu'elle , & jamais perfonne ne mérita
moins qu'on dît d'elle c'eſt une
femme fçavante. Elle ne parloit jamais de
fcience qu'à ceux avec qui elle croyoit
pouvoir s'inftruire , & jamais n'en parla
pour fe faire remarquer. On ne la vit point
raffembler de ces cercles où il fe fait une
guerre d'efprit , où l'on établit une efpece
de tribunal où l'on juge fon fiécle , par
lequel en récompenſe on eft jugé très-ſéverement.
Elle a vécu long- tems dans des
fociétés où l'on ignoroit ce qu'elle étoit ,
& elle ne prenoit pas garde à cette igno
rance.
14 MERCURE DE FRANCE.
Les Dames qui jouoient avec elle chez
la Reine , étoient bien loin de fe douter
qu'elles fuffent à côté du Commentateur
de Newton on la prenoit pour une perfonne
ordinaire , feulement on s'étonnoit
quelquefois de la rapidité & de la juſteſſe
avec laquelle on la voyoit faire les comptes
& terminer les différends ; dès qu'il y
avoit quelques combinaiſons à faire , la
Philofophe ne pouvoit plus fe cacher. Je
l'ai vûe un jour divifer jufqu'à neuf chiffres
par neuf autres chiffres , de tête &
fans aucun fecours , en préſence d'un Géometre
étonné , qui ne pouvoit la fuivre.
Née avec une éloquence finguliere , cette
éloquence ne fe déployoit que quand
elle avoit des objets dignes d'elle ; ces
lettres où il ne s'agit que de montrer de
l'efprit , ces petites fineffes , ces tours délicats
que l'on donne à des penfées ordinaires
, n'entroient pas dans l'immenfité
de fes talens. Le mot propre , la préciſion ,
la jufteffe & la force étoient le caractere
de fon éloquence. Elle eût plutôt écrit
comme Paſcal & Nicole que comme Madame
de Sévigné. Mais cette fermeté févere
& cette trempe vigoureufe de fon efprit
ne la rendoit pas inacceffible aux
beautés de fentiment. Les charmes de la
poësie & de l'éloquence la pénétroient , &
DECEMBRE. 1754.
15
jamais oreille ne fut plus fenfible à l'harmonie.
Elle fçavoit par coeur les meilleurs
vers , & ne pouvoit fouffrir les médiocres.
C'étoit un avantage qu'elle eut fur Newton
, d'unir à la profondeur de la Philofophie
le goût le plus vif & le plus délicat
pour les Belles - Lettres. On ne peut que
plaindre un Philofophe réduit à la féchereffe
des vérités , & pour qui les beautés
de l'imagination & du fentiment font perdues.
Dès fa tendre jeuneffe elle avoit nourri
fon efprit de la lecture des bons Auteurs
en plus d'une langue . Elle avoit commencé
une traduction de l'Eneïde , dont j'ai vû
plufieurs morceaux remplis de l'ame de
fon auteur ; elle apprit depuis l'Italien &
l'Anglois. Le Taffe & Milton lui étoient
familiers comme Virgile . Elle fit moins de
progrès dans l'Eſpagnol , parce qu'on lui
dit qu'il n'y a gueres dans cette langue
qu'un livre célebre , & que ce livre eft frivole.
L'étude de fa langue fut une de fes prin-,
cipales occupations. Il y a d'elle des remarques
manufcrites , dans lesquelles on
découvre , au milieu de l'incertitude & de
la bizarrerie de la grammaire , cet eſprit
philofophique qui doit dominer par- tout ,
& qui eft le fil de tous les labyrinthes.
16 MERCURE DE FRANCE.
Parmi tant de travaux , que le fçavant le
plus laborieux eût à peine entrepris , qui
croiroit qu'elle trouvât du tems , non feulement
pour remplir tous les devoirs de la
fociété , mais pour en rechercher avec avidité
tous les amuſemens ? Elle fe livroit au
plus grand nombre comme à l'étude . Tout
ce qui occupe la fociété étoit de fon ref
fort , hors la médifance . Jamais on ne
l'entendit relever un ridicule. Elle n'avoit
ni le tems ni la volonté de s'en appercevoir
; & quand on lui difoit que quelques
perfonnes ne lui avoient pas rendu juftice
, elle répondoit qu'elle vouloit l'ignorer.
On lui montra un jour je ne fçais
quelle miférable brochure dans laquelle
un auteur , qui n'étoit pas à portée de la
connoître , avoit ofé mal parler d'elle ; elle
dit que fi l'Auteur avoit perdu fon tems à
écrire ces inutilités , elle ne vouloit pas
perdre le fien à les lire ; & le lendemain
ayant fçu qu'on avoit renfermé l'auteur de
ce libelle , elle écrivit en fa faveur fans
qu'il l'ait jamais fçu .
Elle fut regrettée à la Cour de France
autant qu'on peut l'être dans un pays où
les intérêts perfonnels font fi aifément oublier
tout le refte . Sa mémoire a été précieuſe
à tous ceux qui l'ont connue particulierement
, & qui ont été à portée de
!
DECEMBRE. 1754. 17
voir l'étendue de fon efprit & la grandeur
de fon ame.
Il eût été heureux pour fes amis qu'elle
n'eût pas entrepris cet ouvrage dont les
Sçavans vont jouir. On peut dire d'elle , en
déplorant fa deftinée , periit arte fuâ.
Elle fe crut frappée à mort long - tems
avant le coup qui nous l'a enlevée dèslors
elle ne fongea plus qu'à employer le
peu de tems qu'elle prévoyoit lui rester à
finir ce qu'elle avoit entrepris , & à dérober
à la mort ce qu'elle regardoit comme
la plus belle partie d'elle-même. L'ardeur
& l'opiniâtreté du travail , des veilles continuelles
dans un tems où le repos l'auroit
fauvée , amenerent enfin cette mort qu'elle
avoit prévûe. Elle fentit fa fin approcher ,
& par un mêlange fingulier de fentimens
qui fembloient fe combattre , on la vit regretter
la vie & regarder la mort avec intrépidité.
La douleur d'une féparation éternelle
affligeoit fenfiblement fon ame ; & la
Philofophie dont cette ame étoit remplie lui
laiffoit tout fon courage. Un homme qui
s'arrache triftement à fa famille defolée ,
& qui fait tranquillement les préparatifs
d'un long voyage , n'eft que le foible portrait
de fa douleur & de fa fermeté , de forte
que ceux qui furent les témoins de fes derniers
momens , fentoient doublement fa
18 MERCURE DE FRANCE.
perte par
leur affliction & propre
par
fes
regrets , & admiroient en même tems la
force de fon efprit , qui mêloit à des regrets
fi touchans une conftance fi inébranlable .
Elle eft morte au Palais de Luneville , le
10 Août 1749 , à l'âge de 43 ans & demi ,
& a été inhumée dans la Chapelle voiſine .
Cet éloge a paru dans la Bibliothèque impartiale
: nous l'avons pris de cet ouvrage
périodique , qui s'imprime en Allemagne , &
qui , quoique bon , est tout-à-fait inconnu ca
France.
DE MADAME DU CHASTELET;
PAR M. DE VOLTAIRE.
Cet éloge doit être mis à la tête de la traduction
de Newton.
Ette traduction que les plus fçavans
Cette
que les autres doivent étudier , une Dame
l'a entrepriſe & achevée , à l'étonnement
& à la gloire de fon pays. Gabrielle - Emilie
de Breteuil , époufe du Marquis du
Chaftelet- Lomont , Lieutenant général des
armées du Roi , eft l'auteur de cette traduction
, devenue néceffaire à tous ceux qui
voudront acquerir ces profondes connoiffances
dont le monde eft redevable au grand
Newton.
C'eût été beaucoup pour une femme de
fçavoir la Géométrie ordinaire , qui n'eſt
pas même une introduction aux vérités fublimes
enfeignées dans cet ouvrage im
mortel ; on fent affez qu'il falloit que Madame
la Marquife du Chaftelet fût entrée
DECEMBRE . 1754. 7
bien avant dans la carriere que Newton
avoit ouverte , & qu'elle poffedât ce que ce
grand homme avoit enfeigné. On a vu
deux prodiges ; l'un que Newton ait fait
cet ouvrage , l'autre qu'une Dame l'ait traduit
& l'ait éclairci.
Ce n'étoit pas fon coup d'effai ; elle
avoit auparavant donné au public une explication
de la Philofophie de Leibnits ,
fous le titre d'Inftitutions de Phyfique
adreffées à fon fils , auquel elle avoit enfeigné
elle - même la Géométrie.
Le difcours préliminaire qui eft à la tête
de ces inftitutions , eft un chef- d'oeuvre de
raifon & d'éloquence ; elle a répandu dans
le refte du livre une méthode & une clarté
que Leibnits n'eut jamais & dont fes idées
ont befoin , foit qu'on veuille feulement
les entendre , foit qu'on veuille les réfuter.
Après avoir rendu les imaginations de
Leibnits intelligibles , fon efprit qui avoit
acquis encore de la force & de la maturité
par ce travail même , comprit que cette
Métaphyfique fi hardie , mais fi peu fondée,
ne méritoit pas fes recherches : fon ame
étoit faite le fublime , mais
pour
vrai. Elle fentit que les monades & l'harmonie
préétablie devoient être mifes avec
les trois élémens de Defcartes , & que des
fyftêmes qui n'étoient qu'ingénieux , n'épour
le
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
toient pas dignes de l'occuper. Ainfi après
avoir eu le courage d'embellir Leibnits ,
elle eut celui de l'abandonner , courage
bien rare dans quiconque a embraffé une
opinion , mais qui ne couta gueres d'efforts
à une ame paffionnée pour la vérité.
Défaite de tout espoir de fyftême , elle
prit pour fa régle celle de la Société royale
de Londres , nullius in verba ; & c'eſt parce
que la bonté de fon efprit l'avoit rendue
ennemie des partis & des fyftêmes ,
qu'elle fe donna toute entiere à Newton.
En effet Newton ne fit jamais de fyftême ,
ne fuppofa jamais rien , n'enfeigna aucune
vérité qui ne fût fondée fur la plus fublime
Géométrie , ou fur des expériences
inconteftables. Les conjectures qu'il a hazardées
à la fin de fon livre , fous le nom
de recherches , ne font que des doutes ; il
ne les donne que pour tels , & il feroit
prefqu'impoffible que celui qui n'avoit jamais
affirmé que des vérités évidentes ,
n'eût pas douté de tout le refte.
Tout ce qui eft donné ici pour principe
eit en effet digne de ce nom ; ce font les
premiers refforts de la nature , inconnus
avant lui , & il n'eft plus permis de prétendre
à être Phyficien fans les connoître .
Il faut donc bien fe garder d'envifager
ce livre comme un fyftême , c'est - à - dire
DECEMBRE . 1754. 9
comme un amas de probabilités qui peuvent
fervir à expliquer bien ou mal queleffets
de la nature. ques
S'il y avoit encore quelqu'un affez abfurde
pour foutenir la matiere fubtile &
la matiere cannelée , pour dire que la terre
eft un foleil encrouté , que la lune a été
entraînée dans le tourbillon de la terre ,
que la matiere fubtile fait la pefanteur ,
pour foutenir toutes ces autres opinions
romanefques fubftituées à l'ignorance dest
anciens , on diroit , cet homme eft Cartéfien
; s'il croyoit aux monades , on diroit ,
il eft Leibnitien ; mais on ne dira pas de
celui qui fçait les élémens d'Euclide qu'il
eft Euclidien ; ni de celui qui fçait d'après
Galilée en quelle proportion les corps tombent
, qu'il eft Galiléifte : auffi en Angleterre
ceux qui ont appris le calcul infinitefimal
, qui ont fait les expériences de la
lumiere , qui ont appris les loix de la
vitation , ne font point appellés Newtoniens
; c'est le privilege de l'erreur de donner
fon nom à une fecte . Si Platon avoit
trouvé des vérités , il n'y auroit point eu
de Platoniciens , & tous les hommes auroient
appris peu-à-peu ce que Platon auroit
enfeigné ; mais parce que
dans l'ignorance
qui couvre la terre , les uns s'attachoient
à une erreur , les autres à une augra-
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
tre , on combattoit fous différens étendarts ;
il y avoit des Péripateticiens , des Platoniciens
, des Epicuriens , des Zénoniſtes , en
attendant qu'il y eût des Sages.
Si on appelle encore en France Newtoniens
les Philofophes qui ont joint leurs
connoiffances à celles dont Newton a gratifié
le genre humain , ce n'eft que par un
reſte d'ignorance & de préjugé. Ceux qui
fçavent peu & ceux qui fçavent mal , ce
qui compofe une multitude prodigieuſe ,
s'imaginerent que Newton n'avoit fait autre
chofe que combattre Defcartes , à peu
près comme avoit fait Gaffendi . Ils entendirent
parler de fes découvertes , & ils les
prirent pour un fyftême nouveau . C'eſt
ainfi que quand Harvée eut rendu palpable
la circulation du fang , on s'éleva en
France contre lui ; on appella Harvéiftes
& Circulateurs ceux qui ofoient embraſfer
la vérité nouvelle que le public ne prenoit
que pour une opinion. Il le faut
avouer , toutes les découvertes nous font
venues d'ailleurs , & toutes ont été combattues
. Il n'y a pas jufqu'aux expériences ,
que Newton avoit faites fur la lumiere ,
qui n'ayent effuyé parmi nous de violentes
contradictions. Il n'eftpas furprenant
après cela que la gravitation univerfelle
de la matiere ayant été démontrée , ait été
aufli combattue.
DECEMBRE. 1754. II
Les fublimes vérités que nous devons à
Newton , ne fe font pleinement établies en
France qu'après une génération entiere de
ceux qui avoient vieilli dans les erreurs
de Defcartes. Car toute vérité , comme
tout mérité , a les contemporains pour ennemis
.
Turpe putaverunt parere minoribus , & que
Imberbes didicere , fenes perdenda fateri.
Madame du Chaftelet a rendu un double
fervice à la pofterité en traduifant le livre
des Principes & en l'enrichiffant d'un commentaire.
Il eſt vrai que la langue latine
dans laquelle il est écrit , eft entendue de
tous les Sçavans ; mais il en coûte toujours
quelques fatigues à lire des chofes
abftraites dans une langue étrangere . D'ailleurs
le Latin n'a pas de termes pour exprimer
les vérités mathématiques & phyfiques
qui manquoient aux anciens .
Il a fallu que les modernes créaffent des
mots nouveaux pour rendre ces nouvelles
idées ; c'eſt un grand inconvénient dans les
livres de fcience , & il faut avouer que ce
n'eſt plus gueres la peine d'écrire ces livres
dans une langue morte , à laquelle il faut
toujours ajouter des expreffions inconnues
à l'antiquité & qui peuvent caufer de l'embarras.
Le François qui eft la langue cou-
A vj
12 MERCURE
DE FRANCE
.
rante de l'Europe , & qui s'eft enrichi de
toutes ces expreffions nouvelles & néceffaires
, eft beaucoup plus propre que le Latin
à répandre dans le monde toutes ces
connoiffances nouvelles.
A l'égard du Commentaire algébrique ,
c'est un ouvrage au - deffus de la traduction .
Madame du Chaftelet y travailla fur les
idées de M. Clairaut , elle fit tous les calculs
elle- même ; & quand elle avoit achevé
un chapitre , M. Clairaut l'examinoit &
le corrigeoit. Ce n'eft pas tout ; il peut
dans un travail fi pénible échapper quelque
méprife : il eft très- aifé de fubftituer
en écrivant un figne à un autre. M. Clairaut
faifoit encore revoir par un tiers les
calculs quand ils étoient mis au net , de
forte qu'il eft moralement impoffible qu'il
fe foit gliffé dans cet ouvrage une erreur
d'inattention ; & ce qui le feroit du moins
autant , c'eft qu'un ouvrage où M. Clairaut
a mis la main ne fût pas excellent en fon
genre.
Autant qu'on doit s'étonner qu'une femme
ait été capable d'une entrepriſe qui demandoit
de fi grandes lumieres & un travail
fi obſtiné , autant doit- on déplorer fa
perte prématurée : elle n'avoit pas encore
entierement terminé le commentaire , lorfqu'elle
prévit que la mort alloit l'enlever.
DECEMBRE. 1754. 13
Elle étoit jaloufe de fa gloire & n'avoit
point cet orgueil de la fauffe modeftie , qui
confifte à paroître méprifer ce qu'on fouhaite
, & à vouloir paroître fupérieur à cette
gloire véritable , la feule récompenfe de
ceux qui fervent le public , la feule digne
des grandes ames , qu'il eft beau de rechercher
& qu'on n'affecte de dédaigner que
quand on eft incapable d'y atteindre.
C'est ce foin qu'elle avoit de fa réputation
, qui la détermina quelques jours avant
fa mort à dépofer à la Bibliothèque du Roi
fon livre tout écrit de fa main.
Elle joignit à ce goût pour la gloire une
fimplicité qui ne l'accompagne pas toujours
, mais qui eft fouvent le fruit des études
férieuſes. Jamais femme ne fut fi fçavante
qu'elle , & jamais perfonne ne mérita
moins qu'on dît d'elle c'eſt une
femme fçavante. Elle ne parloit jamais de
fcience qu'à ceux avec qui elle croyoit
pouvoir s'inftruire , & jamais n'en parla
pour fe faire remarquer. On ne la vit point
raffembler de ces cercles où il fe fait une
guerre d'efprit , où l'on établit une efpece
de tribunal où l'on juge fon fiécle , par
lequel en récompenſe on eft jugé très-ſéverement.
Elle a vécu long- tems dans des
fociétés où l'on ignoroit ce qu'elle étoit ,
& elle ne prenoit pas garde à cette igno
rance.
14 MERCURE DE FRANCE.
Les Dames qui jouoient avec elle chez
la Reine , étoient bien loin de fe douter
qu'elles fuffent à côté du Commentateur
de Newton on la prenoit pour une perfonne
ordinaire , feulement on s'étonnoit
quelquefois de la rapidité & de la juſteſſe
avec laquelle on la voyoit faire les comptes
& terminer les différends ; dès qu'il y
avoit quelques combinaiſons à faire , la
Philofophe ne pouvoit plus fe cacher. Je
l'ai vûe un jour divifer jufqu'à neuf chiffres
par neuf autres chiffres , de tête &
fans aucun fecours , en préſence d'un Géometre
étonné , qui ne pouvoit la fuivre.
Née avec une éloquence finguliere , cette
éloquence ne fe déployoit que quand
elle avoit des objets dignes d'elle ; ces
lettres où il ne s'agit que de montrer de
l'efprit , ces petites fineffes , ces tours délicats
que l'on donne à des penfées ordinaires
, n'entroient pas dans l'immenfité
de fes talens. Le mot propre , la préciſion ,
la jufteffe & la force étoient le caractere
de fon éloquence. Elle eût plutôt écrit
comme Paſcal & Nicole que comme Madame
de Sévigné. Mais cette fermeté févere
& cette trempe vigoureufe de fon efprit
ne la rendoit pas inacceffible aux
beautés de fentiment. Les charmes de la
poësie & de l'éloquence la pénétroient , &
DECEMBRE. 1754.
15
jamais oreille ne fut plus fenfible à l'harmonie.
Elle fçavoit par coeur les meilleurs
vers , & ne pouvoit fouffrir les médiocres.
C'étoit un avantage qu'elle eut fur Newton
, d'unir à la profondeur de la Philofophie
le goût le plus vif & le plus délicat
pour les Belles - Lettres. On ne peut que
plaindre un Philofophe réduit à la féchereffe
des vérités , & pour qui les beautés
de l'imagination & du fentiment font perdues.
Dès fa tendre jeuneffe elle avoit nourri
fon efprit de la lecture des bons Auteurs
en plus d'une langue . Elle avoit commencé
une traduction de l'Eneïde , dont j'ai vû
plufieurs morceaux remplis de l'ame de
fon auteur ; elle apprit depuis l'Italien &
l'Anglois. Le Taffe & Milton lui étoient
familiers comme Virgile . Elle fit moins de
progrès dans l'Eſpagnol , parce qu'on lui
dit qu'il n'y a gueres dans cette langue
qu'un livre célebre , & que ce livre eft frivole.
L'étude de fa langue fut une de fes prin-,
cipales occupations. Il y a d'elle des remarques
manufcrites , dans lesquelles on
découvre , au milieu de l'incertitude & de
la bizarrerie de la grammaire , cet eſprit
philofophique qui doit dominer par- tout ,
& qui eft le fil de tous les labyrinthes.
16 MERCURE DE FRANCE.
Parmi tant de travaux , que le fçavant le
plus laborieux eût à peine entrepris , qui
croiroit qu'elle trouvât du tems , non feulement
pour remplir tous les devoirs de la
fociété , mais pour en rechercher avec avidité
tous les amuſemens ? Elle fe livroit au
plus grand nombre comme à l'étude . Tout
ce qui occupe la fociété étoit de fon ref
fort , hors la médifance . Jamais on ne
l'entendit relever un ridicule. Elle n'avoit
ni le tems ni la volonté de s'en appercevoir
; & quand on lui difoit que quelques
perfonnes ne lui avoient pas rendu juftice
, elle répondoit qu'elle vouloit l'ignorer.
On lui montra un jour je ne fçais
quelle miférable brochure dans laquelle
un auteur , qui n'étoit pas à portée de la
connoître , avoit ofé mal parler d'elle ; elle
dit que fi l'Auteur avoit perdu fon tems à
écrire ces inutilités , elle ne vouloit pas
perdre le fien à les lire ; & le lendemain
ayant fçu qu'on avoit renfermé l'auteur de
ce libelle , elle écrivit en fa faveur fans
qu'il l'ait jamais fçu .
Elle fut regrettée à la Cour de France
autant qu'on peut l'être dans un pays où
les intérêts perfonnels font fi aifément oublier
tout le refte . Sa mémoire a été précieuſe
à tous ceux qui l'ont connue particulierement
, & qui ont été à portée de
!
DECEMBRE. 1754. 17
voir l'étendue de fon efprit & la grandeur
de fon ame.
Il eût été heureux pour fes amis qu'elle
n'eût pas entrepris cet ouvrage dont les
Sçavans vont jouir. On peut dire d'elle , en
déplorant fa deftinée , periit arte fuâ.
Elle fe crut frappée à mort long - tems
avant le coup qui nous l'a enlevée dèslors
elle ne fongea plus qu'à employer le
peu de tems qu'elle prévoyoit lui rester à
finir ce qu'elle avoit entrepris , & à dérober
à la mort ce qu'elle regardoit comme
la plus belle partie d'elle-même. L'ardeur
& l'opiniâtreté du travail , des veilles continuelles
dans un tems où le repos l'auroit
fauvée , amenerent enfin cette mort qu'elle
avoit prévûe. Elle fentit fa fin approcher ,
& par un mêlange fingulier de fentimens
qui fembloient fe combattre , on la vit regretter
la vie & regarder la mort avec intrépidité.
La douleur d'une féparation éternelle
affligeoit fenfiblement fon ame ; & la
Philofophie dont cette ame étoit remplie lui
laiffoit tout fon courage. Un homme qui
s'arrache triftement à fa famille defolée ,
& qui fait tranquillement les préparatifs
d'un long voyage , n'eft que le foible portrait
de fa douleur & de fa fermeté , de forte
que ceux qui furent les témoins de fes derniers
momens , fentoient doublement fa
18 MERCURE DE FRANCE.
perte par
leur affliction & propre
par
fes
regrets , & admiroient en même tems la
force de fon efprit , qui mêloit à des regrets
fi touchans une conftance fi inébranlable .
Elle eft morte au Palais de Luneville , le
10 Août 1749 , à l'âge de 43 ans & demi ,
& a été inhumée dans la Chapelle voiſine .
Cet éloge a paru dans la Bibliothèque impartiale
: nous l'avons pris de cet ouvrage
périodique , qui s'imprime en Allemagne , &
qui , quoique bon , est tout-à-fait inconnu ca
France.
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Résumé : ELOGE HISTORIQUE DE MADAME DU CHASTELET ; PAR M. DE VOLTAIRE.
Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, est célébrée par Voltaire pour ses contributions significatives à la science. Sa traduction des œuvres de Newton est particulièrement saluée, car elle permet d'accéder aux nouvelles connaissances apportées par ce dernier. Madame du Châtelet avait déjà démontré ses compétences en traduisant et expliquant la philosophie de Leibniz dans ses 'Institutions de Physique'. Son travail sur Newton est loué pour sa clarté et sa rigueur scientifique, évitant les systèmes spéculatifs et se basant sur des vérités géométriques et des expériences incontestables. Voltaire admire son courage intellectuel à abandonner les idées de Leibniz pour adopter celles de Newton, qui sont fondées sur des principes solides. La traduction de Newton par Madame du Châtelet est enrichie d'un commentaire algébrique, réalisé en collaboration avec Clairaut, garantissant ainsi l'exactitude des calculs. Voltaire déplore la perte prématurée de Madame du Châtelet, qui n'avait pas terminé son commentaire au moment de sa mort. Il admire son dévouement à la science, sa modestie et son éloquence, ainsi que son goût pour les belles-lettres et la poésie. Madame du Châtelet était également connue pour sa simplicité et son refus de se vanter de ses connaissances scientifiques. Le texte mentionne également une femme dont l'identité n'est pas précisée. Après la publication d'un libelle, elle écrivit en faveur de son auteur emprisonné sans qu'il le sache. Elle fut regrettée à la Cour de France, où les intérêts personnels dominent. Sa mémoire est précieuse pour ceux qui l'ont connue et ont pu apprécier son esprit et son âme. Elle entreprit un ouvrage dont les savants profiteront, mais cette tâche accéléra sa fin. Elle sentit sa mort approcher et consacra ses dernières forces à achever son travail. Sa mort, survenue le 10 août 1749 à l'âge de 43 ans et demi au Palais de Lunéville, fut marquée par un mélange de regret pour la vie et de courage face à la mort. Elle fut inhumée dans la chapelle voisine. Cet éloge fut publié dans la Bibliothèque impartiale, un périodique allemand peu connu en France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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64
p. 49-62
SEANCE PUBLIQUE De l'Académie de Montauban.
Début :
L'Académie des Belles-Lettres de Montauban a célébré à son ordinaire, le [...]
Mots clefs :
Académie des belles-lettres de Montauban, Montauban, Dictionnaires, Lecteurs, Lettres, Hommes, Femmes, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie de Montauban.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie de Montauban.
'Académie des Belles- Lettres de Mon-
L'auban a célébré à fon ordinaire , le
25 Août , la fête de S. Louis ; elle aſſiſta
le matin à une Meffe qui fut fuivie de
l'Exaudiat , pour le Roi , & du panégyrique
du Saint , prononcé par M. Court ,
Curé de Montricoux , Diocèſe de Cahors.
Elle tint l'après-midi une affemblée publique
dans la grande falle de l'Hôtel de
ville ; & M. Saint-Hubert de Gaujac , ancien
Capitaine de Cavalerie , Chevalier de
l'Ordre militaire de S. Louis , Directeur de
quartier , ouvrit la féance par un difcours
, où il ſe propoſa d'examiner fi
c'eft à leur coeur ou à leur efprit que
les femmes doivent la fupériorité qu'elles
ont fur les hommes dans plufieurs genres
d'écrire , & principalement dans le ſtyle
léger & épikolaire. Il prouva d'abord cette
C
60 MERCURE DE FRANCE.
fupériorité par des exemples décisifs , &
par des autorités refpectables. Il effaya
enfuite de l'expliquer , en obfervant qu'on
ne fçauroit difputer aux femmes qui ſe
font mêlées d'écrire , l'heureux choix des
expreffions , la délicateffe des fentimens ,
l'élégance , la précifion , &c. » Qui dou-
» te , ajouta-t- il , que l'imagination n'ouvre
une fource inépuifable d'agrémens
» & de beautés raviffantes , & que la vi-
» vacité , la variété & la fineffe de fon
ود
pinceau ne donnent au fujet qu'elle trai-
» te , l'air le plus noble , & les graces
les plus touchantes ? Or les femmes ont
» porté en naiffant un don fi précieux :
» auffi tout devient- il fous leurs mains ,
» fertile , gracieux & riant . .. .. . Si nous
»
ne les trouvons pas toujours propres à
» faire de grands tableaux & des ftatues
» coloffales , nous devons au moins convenir
que pour les ouvrages de petit
» point & de miniature , elles furpaſſent
» les Raphaël & les Phidias .... J'avoue
» qu'elles ont quelquefois un ftyle dé-
» coufu , plein de négligence & de faillies ,
» je dirois prefque un ftyle intermittent ;
mais c'eft ce qui en fait le charme , &
l'on feroit fâché d'y trouver plus d'or-
» dre & de méthode « . Quoique M. Saint-
Hubert fe fut plaint au commencement de
MARS. 1755.
S4
33
fon ouvrage , de manquer
des fecours
que
la lecture fournit aux auteurs de profeffion
, n'ayant pour lui difoit-il ., que
» le Code militaire , un peu d'imagina-
» tion , & malheureufement
beaucoup
trop
d'ufage du monde , « il ne laiffa pas de
répandre
dans fon difcours
plufieurs
traits
intéreffans
, qui montroient
que ce qu'il
avoit eu le tems ou l'occafion
de lire , il
l'avoit lû avec goût & avec réflexion
. C'eſt
par là qu'il tira un parti ingénieux
de quelques
lettres de Madame
de Sévigné
: mais
venant à rechercher
la caufe de cette fupériorité
qu'il reconnoiffoit
dans les femmes
il tenta de recourir , pour en indiquer la
fource , au méchaniſme
de la nature. » Les
»femmes , difoit- il , ont un corps plus dé-
» licatement
organifé ; c'eſt par là que la
» beauté , que les graces extérieures
leur
appartiennent
de droit. Ne feroit-ce point
auffi par là que leur imagination
eft plus
vive , & plus facile à remuer ? « Mais il
revint bientôt fur fes pas , en faifant réflexion
que dans les femmes , leur coeur
& leur efprit doivent
fe reffentir
égaledu
partage que la nature leur a fait
en ce genre. Il fe tourna alors du côté
de l'éducation
, & il demanda
fi la mariere
différente
dont on éleve les jeunes
perfonnes
de l'un & de l'autre fexe , n'of
ment
}
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
friroit pas la véritable caufe des différen
ces qui les diftinguent. Il caractériſa l'éducation
que les femmes reçoivent communément
, & il conjectura affez vraiſemblablement
, foit de la bienféance , de la
réferve & de la modeftie qu'on leur infpire
, foit du préjugé qui leur interdit les
études fortes & férieufes , qu'il eft naturel
d'une part qu'elles foient plus faites
& plus habiles que les hommes à trouver
ces tours ingénieux , où le fentiment ne paroît
fe cacher que pour être mieux apperçu ;
d'un autre côté , que leur imagination fe
trouvant débarraffée de la féchereffe d'un
travail long , affujettiffant & pénible , elle
conferve tout fon feu pour les objets agréables
& legers . Il abandonna cependant encore
cette explication , parce que l'éducation
, ajouta- t-il , influe également fur l'efprit
fur le coeur. Il fe borna donc à balancer
ici les raifons contradictoires qui forment
la difficulté de la queftion qu'il s'étoit
propofée ; & après avoir infinué que les
premieres apparences le portoient à penfer
que les femmes doivent à leur efprit
leur fupériorité fur les hommes dans les
ouvrages qui fortent de leur plume , parce
que c'eft leur efprit qui enfante ces ou
vrages ; que c'eft la maniere dont l'efprit
enviſage les objets qui décide de la maMARS.
1755.
53
niere dont on les peint ; & que les femmes
n'excellent dans le ftyle epiftolaire
que parce qu'elles ont fingulierement l'ef
prit de la converfation : il conclut enfin
» qu'en elles c'eſt le coeur qui donne le ton
» à l'efprit. En effet
En effet , continua- t- il , les
» ouvrages des femmes portent tous l'em-
»preinte du fentiment , qui eft chez elles
" fi vif & fi délicat. Les hommes raiſon-
» nent , mais les femmes fentent : voilà
» pourquoi les écrits de ceux -là font.com-
» munément plus fecs , plus arides , &c ...
» Le coeur eft la partie qui a plus d'action
dans les femmes ; il vivifie en quel-
» que forte tout ce qu'elles font , tout ce
qu'elles difent , tout ce qu'elles écri-
» vent .... D'où vient que les écrits des
femmes nous affectent d'une maniere
» particuliere ? ... c'eft qu'il n'y a que le
coeur qui ait droit de parler au coeur :
le coeur eft froid , il eft fourd , pour
» ainfi dire , au langage de l'efprit ....
Quand eft-ce que la lyre a rendu des
fons plus animés & plus tendres , fi ce
n'eft quand elle a été entre les mains
des femmes ? C'eft la nature elle -même
qui parie dans les poëfies des Sapho ,
des La Suze , des Deshoulieres , &c.
»On ne trouve nulle part des fentimens
fi vifs , fi variés , fi foutenus , fi déli-
"
"
"
»
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE .
» cats , fi touchans. Les hommes qui ont
voulu elfayer ce genre , fe font prefque
tous attirés le reproche d'avoir mis dans
leurs ouvrages un art capable de déceler
la violence qu'ils faifoient à leur
efprit , pour lui faire parler le langage
» du coeur , & c.
M. Bernoy lut enfuite deux odes , l'une
firée du Pfeaume CI . & l'autre du Pfeaume
CXLII. Il faudroit les tranfcrire ici en
entier , pour faire connoître avec quelle
fidélité l'auteur a fçu rendre les profonds
gémiffemens & la vive douleur du faint
Roi pénitent .
M. l'Abbé de Verthamon ; dans un
difcours contre l'envie , Sattacha à montrer
avec quel acharnement cette paffion
pourfuit ordinairement les grands hommes.
Après avoir fait un tableau de fes
fureurs , il entra dans le détail des funef
res effets qu'elle produit communément
parmi les gens de lettres. Il fit voir enfin
que dans tous les lieux & dans tous les
fiécles , les plus grands Poëtes & les plus
grands Orateurs ont été expofés aux traits
empoifonnés de l'envie .
M. de Claris , Préfident de la Chambre
des Comptes , Cour des Aides &
Finances de Montpellier Académicien
affocié , avoit envoyé à l'Académie des
,
MARS. 1755 .
vers qu'il avoit faits fur le mariage de M.
de **fous ce titre : le Triomphe de l'hymen
, & M. de Cathala en fit la lecture.
Depuis quelques années , nul genre
d'ouvrage ne s'eft autant multiplié que
les Dictionnaires ; & c'eft ce qui donna
lieu à M. l'Abbé Bellet d'examiner s'ilsfe
multiplient aujourd'hui pour le progrès ou
pour la ruine des lettres . Jamais , felon cer
Académicien , il ne fut plus vrai de dire
qu'on pourroit faire un Dictionnaire des
noms de tous les Dictionnaires qui exiftent.
Après avoir obfervé que chaque fcience ,
chaque art a le fien , il fe propofa de déterminer
le dégré de gloire qu'ils font ent
état de procurer à leurs auteurs , & les
avantages que les lecteurs peuvent en retirer……………
. Un dictionnaire n'eft point une
production du génie ..... c'eſt communé
ment un recueil , un registre , un magafir
d'actions ou de pensées étrangeres ... On
peut dire abfolument de la compofition
de ces fortes d'ouvrages , ce que La Bruyere
n'a dit de la critique qu'avec reftriction :
que c'est un métier où il faut plus de fanté
que d'efprit , plus de travail que de capacité
, plus d'habitude que de génie..... Le
choix des penfées eft une forte d'inven
tion , difoit encore l'auteur des Caracteres.
» Mais dans un dictionnaire on fe déter-
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
» mine plutôt à rapporter beaucoup de cho-
» fes que d'excellentes chofes ...... On
» diroit que l'auteur d'un dictionnaire
ود
craint de n'avoir pas le tems d'être diffus ,
» comme un bon auteur craint de n'avoir
→ pas le loifir d'être court ..... c'eſt le
chef- d'oeuvre de l'art de fçavoir cacher
»fon art. Mais il femble que l'auteur d'un
» dictionnaire faffe profeffion de bannir
toute forte d'art de fa compofition & de
fon ouvrage. Toujours uniforme dans fes
»tours & dans fes expreffions , il ſe borne à
» une forte de monotonie qui forme ſon ca-
» ractere .... il lui fuffit de coudre , pour
»ainfi dire , bout-à-bout ce qu'il a remar-
» qué dans le cours de, fes lectures.... En
» un mot , il n'a point l'honneur de l'in-
» vention dans ce qu'il dit , & il ne fonge
gueres à mettre les graces du ftyle dans
» la maniere dont il le dit. . ... M. l'Abbé
Bellet ne laiffa pas de rendre juftice au
genre de mérite qu'on ne peut s'empêcher
de reconnoître dans les auteurs de quelques
utiles compilations que nous avons ,
mais il crut devoir relever en même tems
les défauts effentiels qui dégradent plufieurs
dictionnaires ; il les caractériſa chacun
en particulier , il ajouta qu'un bon
vocabulaire eft la feule efpéce de dictionnaire
dont la compofition paroît exiger
>
My
MAR S. 1755. 57
un mérite plus réel & plus rare , & il en
donna plufieurs raifons .... » C'eſt ainsi ,
» continua-t- il , que l'auteur d'un Poë-
"me , prefque digne de Virgile * > avoit
» commencé un Dictionnaire latin deſtiné
» à effacer tous les autres. Nous lui avons
entendu dire qu'il ne fe propofoit pas
» moins que de faire fentir , fous chaque
mot françois , la fignification préciſe
& l'ufage particulier de ce grand nom-,
» bre de mots latins que le commun des
lecteurs regarde comme de parfaits fy
» nonimes. Un tel deffein fuppofoit en lui
autant de fineffe de goût que de lecture.
» Pour continuer fon ouvrage , en entrant
» dans fes vûes , on avoit befoin de l'hom-
» me ** d'efprit qui s'en eft chargé , &
» dont les talens font atteftés par une foule
de lauriers académiques ... " . Pallant
enfuite au fruit que l'on peut tirer de la
lecture des Dictionnaires , M. L. B. diſtingua
deux fortes de lecteurs ; des lecteurs
fuperficiels , & des lecteurs qui approfondiffent
tout : il en conclut que les dictionnaires
font un écueil pour l'ignorance
& pour la pareffe , & qu'ils ne font de
quelque fecours que pour ceux qui aiment
véritablement le travail. Il prouva
Le P. Vaniere.
** Le P. Lombard,
fucceffi-
Cv
$8 MERCURE DE FRANCE .
vement ces deux vérités , en montrant que
tous les dictionnaires font plus ou moins
fautifs ; qu'aux erreurs qu'on eft en droit
de leur reprocher , ils joignent , ainfi que
Bayle le difoit du fien , une infinité de péchés
d'omiffion , & que ce qu'ils rapportent
fe trouvant détaché de ce qui précéde &
de ce qui fait dans les auteurs qui l'ont
fourni , ou ils donnent de fauffes vûes ,
ou ils n'en donnent aucune qui foit bien
nette & bien précife ..... Si les dictionnairės
nuifent à celui dont ils bornent le
travail & les vues , ils font utiles à ceux
qui s'en fervent pour aller plus loin. ...
Dans le cours de fes études , un litté-
» rateur a ſouvent befoin , tantôt de préci-
» piter fa marche , tantôt de revenir en
quelque forte fur fes pas , pour recou-
» vrer ce que le tems enleve quelquefois à
» ſa mémoire . On ménage fon loifit , fon
» application , fes forces , en lui indiquant
, à mefure qu'il le fouhaite , la
route qu'il peut fuivre , en le remettant
fur la voie , & c. ... On peut comparer
un dictionnaire à la table d'un livre ;
elle eft utile à un écrivain laborieux
qui , pour ne point perdre de tems , veut
is quelquefois qu'on lui indique au plus
"vite la page précife où il eft queftion
» de l'objet dont il eſt actuellement occuMARS.
17556 59
pé ; mais cette table feroit évidemment
» un obftacle à la connoiffance de la vé-
» rité , pour quiconque fe contenteroit
و د
"3
de cette indication fuperficielle , &c……….
» Les dictionnaires peuvent donc être fu-
» neftes aux lecteurs indolens & fuperfi-
» ciels , parce qu'ils les arrêtent , pour
» ainfi dire , au milieu de leur courfe ;
» qu'ils les retiennent mal à propos endeça
des bornes qu'ils devroient fran-
» chir ; qu'ils leur perfuadent que de plus
amples recherches font inutiles ; qu'ils
»les accoutument à s'en rapporter à la pa-
» role d'un auteur unique , dont les inf
» tructions font communément imparfai-
»tes , &c. Mais après tout , la fortune des
» lettres dépend t -elle du commun des lecteurs
, qui ont moins recours aux livres
par le defir fincere d'augmenter leurs con
noiffances , que par le befoin preffant
» d'étourdir leur ennemi , & d'amufer leur
oifiveté ? L'avancement des ſciences &
des arts eft l'ouvrage de ceux qui les
cultivent. Les lettres font redevables de
leurs progrès & de leur gloire aux
productions des génies fupérieurs. Or
» ceux- ci ne feront jamais tentés de s'en
» tenir à des dictionnaires : on peut donc ,
» vis - à- vis d'eux , les varier , les multiplier
impunément ..... On ne dira donc
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
t
» pas précisément qu'on multiplie les dictionnaires
, ni pour la ruine ni pour le
»progrès des lettres : on craindroit d'un
» côté de leur faire trop de tort , & de
•
l'autre de leur faire trop d'honneur.
>> On ne les croit pas capables de caufer
»jamais , ni en bien , ni en mal , une ré-
» volution générale dans l'empire des let-
» tres , &c.
M. de la Mothe lut un dialogue en vers
intitulé : l'Hymen & l'Amour ; & M. P : adal
, Procureur Général à la Cour des Aides
, fit la lecture d'une Idylle qu'il adreffa
à M. de la Mothe , en lui donnant le titre
flateur d'Anacreon du Querci.
M. de Cathala , qui s'eft chargé du ſoin
de faire connoître les grands hommes que
cette province a produits , lut un effai fur
la langue gafconne , & fur quelques auteurs
* Gafcons. » Selon cet Académicien ,
» l'idiome qui eft en ufage dans les pro-
» vinces méridionales , & fur- tout à Touloufe
& à Montpellier , femble réunir
tous les caracteres des langues mortes &
» vivantes les plus eftimées. A l'abondance
de la grecque , il joint la cadence &
* M. de Mondonville vient d'en augmenter le
nombre , & va mettre cette langue à la mode
par fon Opéra Languedocien , que Paris applaudit.
MARS. 1755 61 . .
n
» oeuvre.
33
le
prefque la tournure de la latine ; à la
précifion & à la fageffe de la françoiſe ,
» il allie fans peine la légereté , la douceur
» & la molleffe de l'italienne . Propre à
tout , il offre fans effort des tours & des
» expreffions différentes , felon les diffé-
» rens befoins de ceux qui le mettent en
Pendant que la langue fran-
» çoiſe étoit plongée dans la barbarie ,
langage moundi brilloit dans les arts ,
» dans la chaire & au barreau ..... On a
» des fragmens d'une hiftoire manufcrite
» de la guerre des Albigeois , écrite en
» cette langue par un auteur contempo-
» rain ; il feroit à fouhaiter que les hifto-
» riens de la nation l'euffent connue ....
» Mais la langue gaſconne , ajouta M. de
» Cathala , eft encore plus propre à la
poësie qu'à tout autre genre. C'eft dans
» les vers qu'elle étale tous fes avantages ;
» fa poëfie eft bien antérieure à la françoife
long- tems avant les Meuns & les
» Lorris , une foule de Troubadours ou
» poëtes Provençaux , que quelques auteurs
ont dit être les inventeurs de la
» rime , brilloient dans les Cours des Souverains
.... « M. de Cathala donna enfuite
une notice de plufieurs Poëtes Gaf
cons , natifs du Querci ou du Rouergue ,
comme Raimond Jourdan , Hugues Bru-
و د
62 MERCURE DE FRANCE.
net , Albuzon , Pierre Vidal , Maître Mathieu
, & c. Il n'eut garde d'oublier la célébre
Clémence Ifaure , reftauratrice des
Jeux Floraux. Il fit une mention honorable
de Goudouli , nâtif de Toulouſe ; mais il
s'étendit davantage fur Valès , né en 1593
à Montech , petite ville du Languedoc ,
dans le Diocèfe de Montauban , & mort
Curé de cette Paroiffe , après avoir fait
en langage moundi deux traductions de
l'Eneïde , l'une en vers héroïques , & l'autre
en vers burlefques , toutes les deux
d'un mérite fingulier . Il avoit encore traduit
dans le même idiome les fept Pleaumes
de la Pénitence , & compofé une infinité
de pieces fugitives adreffées aux amis
qu'il avoit à Touloufe & à Montauban .
L'effai dont on rend compte eft deſtiné à
fervir de préface à ces divers ouvrages
quand on les donnera au public .
M. Saint-Hubert de Gaujac , Direc
teur , lut enfin des vers adreffés à l'affemblée
, aufquels tout le monde applaudit.
ON inférera le mois prochain la ſéance
de la Société royale des Sciences & Bel
les- Lettres de Nanci , & celle de la Société
littéraire d'Arras ; ainfi des autres fucceffivement
, par ordre de date .
De l'Académie de Montauban.
'Académie des Belles- Lettres de Mon-
L'auban a célébré à fon ordinaire , le
25 Août , la fête de S. Louis ; elle aſſiſta
le matin à une Meffe qui fut fuivie de
l'Exaudiat , pour le Roi , & du panégyrique
du Saint , prononcé par M. Court ,
Curé de Montricoux , Diocèſe de Cahors.
Elle tint l'après-midi une affemblée publique
dans la grande falle de l'Hôtel de
ville ; & M. Saint-Hubert de Gaujac , ancien
Capitaine de Cavalerie , Chevalier de
l'Ordre militaire de S. Louis , Directeur de
quartier , ouvrit la féance par un difcours
, où il ſe propoſa d'examiner fi
c'eft à leur coeur ou à leur efprit que
les femmes doivent la fupériorité qu'elles
ont fur les hommes dans plufieurs genres
d'écrire , & principalement dans le ſtyle
léger & épikolaire. Il prouva d'abord cette
C
60 MERCURE DE FRANCE.
fupériorité par des exemples décisifs , &
par des autorités refpectables. Il effaya
enfuite de l'expliquer , en obfervant qu'on
ne fçauroit difputer aux femmes qui ſe
font mêlées d'écrire , l'heureux choix des
expreffions , la délicateffe des fentimens ,
l'élégance , la précifion , &c. » Qui dou-
» te , ajouta-t- il , que l'imagination n'ouvre
une fource inépuifable d'agrémens
» & de beautés raviffantes , & que la vi-
» vacité , la variété & la fineffe de fon
ود
pinceau ne donnent au fujet qu'elle trai-
» te , l'air le plus noble , & les graces
les plus touchantes ? Or les femmes ont
» porté en naiffant un don fi précieux :
» auffi tout devient- il fous leurs mains ,
» fertile , gracieux & riant . .. .. . Si nous
»
ne les trouvons pas toujours propres à
» faire de grands tableaux & des ftatues
» coloffales , nous devons au moins convenir
que pour les ouvrages de petit
» point & de miniature , elles furpaſſent
» les Raphaël & les Phidias .... J'avoue
» qu'elles ont quelquefois un ftyle dé-
» coufu , plein de négligence & de faillies ,
» je dirois prefque un ftyle intermittent ;
mais c'eft ce qui en fait le charme , &
l'on feroit fâché d'y trouver plus d'or-
» dre & de méthode « . Quoique M. Saint-
Hubert fe fut plaint au commencement de
MARS. 1755.
S4
33
fon ouvrage , de manquer
des fecours
que
la lecture fournit aux auteurs de profeffion
, n'ayant pour lui difoit-il ., que
» le Code militaire , un peu d'imagina-
» tion , & malheureufement
beaucoup
trop
d'ufage du monde , « il ne laiffa pas de
répandre
dans fon difcours
plufieurs
traits
intéreffans
, qui montroient
que ce qu'il
avoit eu le tems ou l'occafion
de lire , il
l'avoit lû avec goût & avec réflexion
. C'eſt
par là qu'il tira un parti ingénieux
de quelques
lettres de Madame
de Sévigné
: mais
venant à rechercher
la caufe de cette fupériorité
qu'il reconnoiffoit
dans les femmes
il tenta de recourir , pour en indiquer la
fource , au méchaniſme
de la nature. » Les
»femmes , difoit- il , ont un corps plus dé-
» licatement
organifé ; c'eſt par là que la
» beauté , que les graces extérieures
leur
appartiennent
de droit. Ne feroit-ce point
auffi par là que leur imagination
eft plus
vive , & plus facile à remuer ? « Mais il
revint bientôt fur fes pas , en faifant réflexion
que dans les femmes , leur coeur
& leur efprit doivent
fe reffentir
égaledu
partage que la nature leur a fait
en ce genre. Il fe tourna alors du côté
de l'éducation
, & il demanda
fi la mariere
différente
dont on éleve les jeunes
perfonnes
de l'un & de l'autre fexe , n'of
ment
}
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
friroit pas la véritable caufe des différen
ces qui les diftinguent. Il caractériſa l'éducation
que les femmes reçoivent communément
, & il conjectura affez vraiſemblablement
, foit de la bienféance , de la
réferve & de la modeftie qu'on leur infpire
, foit du préjugé qui leur interdit les
études fortes & férieufes , qu'il eft naturel
d'une part qu'elles foient plus faites
& plus habiles que les hommes à trouver
ces tours ingénieux , où le fentiment ne paroît
fe cacher que pour être mieux apperçu ;
d'un autre côté , que leur imagination fe
trouvant débarraffée de la féchereffe d'un
travail long , affujettiffant & pénible , elle
conferve tout fon feu pour les objets agréables
& legers . Il abandonna cependant encore
cette explication , parce que l'éducation
, ajouta- t-il , influe également fur l'efprit
fur le coeur. Il fe borna donc à balancer
ici les raifons contradictoires qui forment
la difficulté de la queftion qu'il s'étoit
propofée ; & après avoir infinué que les
premieres apparences le portoient à penfer
que les femmes doivent à leur efprit
leur fupériorité fur les hommes dans les
ouvrages qui fortent de leur plume , parce
que c'eft leur efprit qui enfante ces ou
vrages ; que c'eft la maniere dont l'efprit
enviſage les objets qui décide de la maMARS.
1755.
53
niere dont on les peint ; & que les femmes
n'excellent dans le ftyle epiftolaire
que parce qu'elles ont fingulierement l'ef
prit de la converfation : il conclut enfin
» qu'en elles c'eſt le coeur qui donne le ton
» à l'efprit. En effet
En effet , continua- t- il , les
» ouvrages des femmes portent tous l'em-
»preinte du fentiment , qui eft chez elles
" fi vif & fi délicat. Les hommes raiſon-
» nent , mais les femmes fentent : voilà
» pourquoi les écrits de ceux -là font.com-
» munément plus fecs , plus arides , &c ...
» Le coeur eft la partie qui a plus d'action
dans les femmes ; il vivifie en quel-
» que forte tout ce qu'elles font , tout ce
qu'elles difent , tout ce qu'elles écri-
» vent .... D'où vient que les écrits des
femmes nous affectent d'une maniere
» particuliere ? ... c'eft qu'il n'y a que le
coeur qui ait droit de parler au coeur :
le coeur eft froid , il eft fourd , pour
» ainfi dire , au langage de l'efprit ....
Quand eft-ce que la lyre a rendu des
fons plus animés & plus tendres , fi ce
n'eft quand elle a été entre les mains
des femmes ? C'eft la nature elle -même
qui parie dans les poëfies des Sapho ,
des La Suze , des Deshoulieres , &c.
»On ne trouve nulle part des fentimens
fi vifs , fi variés , fi foutenus , fi déli-
"
"
"
»
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE .
» cats , fi touchans. Les hommes qui ont
voulu elfayer ce genre , fe font prefque
tous attirés le reproche d'avoir mis dans
leurs ouvrages un art capable de déceler
la violence qu'ils faifoient à leur
efprit , pour lui faire parler le langage
» du coeur , & c.
M. Bernoy lut enfuite deux odes , l'une
firée du Pfeaume CI . & l'autre du Pfeaume
CXLII. Il faudroit les tranfcrire ici en
entier , pour faire connoître avec quelle
fidélité l'auteur a fçu rendre les profonds
gémiffemens & la vive douleur du faint
Roi pénitent .
M. l'Abbé de Verthamon ; dans un
difcours contre l'envie , Sattacha à montrer
avec quel acharnement cette paffion
pourfuit ordinairement les grands hommes.
Après avoir fait un tableau de fes
fureurs , il entra dans le détail des funef
res effets qu'elle produit communément
parmi les gens de lettres. Il fit voir enfin
que dans tous les lieux & dans tous les
fiécles , les plus grands Poëtes & les plus
grands Orateurs ont été expofés aux traits
empoifonnés de l'envie .
M. de Claris , Préfident de la Chambre
des Comptes , Cour des Aides &
Finances de Montpellier Académicien
affocié , avoit envoyé à l'Académie des
,
MARS. 1755 .
vers qu'il avoit faits fur le mariage de M.
de **fous ce titre : le Triomphe de l'hymen
, & M. de Cathala en fit la lecture.
Depuis quelques années , nul genre
d'ouvrage ne s'eft autant multiplié que
les Dictionnaires ; & c'eft ce qui donna
lieu à M. l'Abbé Bellet d'examiner s'ilsfe
multiplient aujourd'hui pour le progrès ou
pour la ruine des lettres . Jamais , felon cer
Académicien , il ne fut plus vrai de dire
qu'on pourroit faire un Dictionnaire des
noms de tous les Dictionnaires qui exiftent.
Après avoir obfervé que chaque fcience ,
chaque art a le fien , il fe propofa de déterminer
le dégré de gloire qu'ils font ent
état de procurer à leurs auteurs , & les
avantages que les lecteurs peuvent en retirer……………
. Un dictionnaire n'eft point une
production du génie ..... c'eſt communé
ment un recueil , un registre , un magafir
d'actions ou de pensées étrangeres ... On
peut dire abfolument de la compofition
de ces fortes d'ouvrages , ce que La Bruyere
n'a dit de la critique qu'avec reftriction :
que c'est un métier où il faut plus de fanté
que d'efprit , plus de travail que de capacité
, plus d'habitude que de génie..... Le
choix des penfées eft une forte d'inven
tion , difoit encore l'auteur des Caracteres.
» Mais dans un dictionnaire on fe déter-
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
» mine plutôt à rapporter beaucoup de cho-
» fes que d'excellentes chofes ...... On
» diroit que l'auteur d'un dictionnaire
ود
craint de n'avoir pas le tems d'être diffus ,
» comme un bon auteur craint de n'avoir
→ pas le loifir d'être court ..... c'eſt le
chef- d'oeuvre de l'art de fçavoir cacher
»fon art. Mais il femble que l'auteur d'un
» dictionnaire faffe profeffion de bannir
toute forte d'art de fa compofition & de
fon ouvrage. Toujours uniforme dans fes
»tours & dans fes expreffions , il ſe borne à
» une forte de monotonie qui forme ſon ca-
» ractere .... il lui fuffit de coudre , pour
»ainfi dire , bout-à-bout ce qu'il a remar-
» qué dans le cours de, fes lectures.... En
» un mot , il n'a point l'honneur de l'in-
» vention dans ce qu'il dit , & il ne fonge
gueres à mettre les graces du ftyle dans
» la maniere dont il le dit. . ... M. l'Abbé
Bellet ne laiffa pas de rendre juftice au
genre de mérite qu'on ne peut s'empêcher
de reconnoître dans les auteurs de quelques
utiles compilations que nous avons ,
mais il crut devoir relever en même tems
les défauts effentiels qui dégradent plufieurs
dictionnaires ; il les caractériſa chacun
en particulier , il ajouta qu'un bon
vocabulaire eft la feule efpéce de dictionnaire
dont la compofition paroît exiger
>
My
MAR S. 1755. 57
un mérite plus réel & plus rare , & il en
donna plufieurs raifons .... » C'eſt ainsi ,
» continua-t- il , que l'auteur d'un Poë-
"me , prefque digne de Virgile * > avoit
» commencé un Dictionnaire latin deſtiné
» à effacer tous les autres. Nous lui avons
entendu dire qu'il ne fe propofoit pas
» moins que de faire fentir , fous chaque
mot françois , la fignification préciſe
& l'ufage particulier de ce grand nom-,
» bre de mots latins que le commun des
lecteurs regarde comme de parfaits fy
» nonimes. Un tel deffein fuppofoit en lui
autant de fineffe de goût que de lecture.
» Pour continuer fon ouvrage , en entrant
» dans fes vûes , on avoit befoin de l'hom-
» me ** d'efprit qui s'en eft chargé , &
» dont les talens font atteftés par une foule
de lauriers académiques ... " . Pallant
enfuite au fruit que l'on peut tirer de la
lecture des Dictionnaires , M. L. B. diſtingua
deux fortes de lecteurs ; des lecteurs
fuperficiels , & des lecteurs qui approfondiffent
tout : il en conclut que les dictionnaires
font un écueil pour l'ignorance
& pour la pareffe , & qu'ils ne font de
quelque fecours que pour ceux qui aiment
véritablement le travail. Il prouva
Le P. Vaniere.
** Le P. Lombard,
fucceffi-
Cv
$8 MERCURE DE FRANCE .
vement ces deux vérités , en montrant que
tous les dictionnaires font plus ou moins
fautifs ; qu'aux erreurs qu'on eft en droit
de leur reprocher , ils joignent , ainfi que
Bayle le difoit du fien , une infinité de péchés
d'omiffion , & que ce qu'ils rapportent
fe trouvant détaché de ce qui précéde &
de ce qui fait dans les auteurs qui l'ont
fourni , ou ils donnent de fauffes vûes ,
ou ils n'en donnent aucune qui foit bien
nette & bien précife ..... Si les dictionnairės
nuifent à celui dont ils bornent le
travail & les vues , ils font utiles à ceux
qui s'en fervent pour aller plus loin. ...
Dans le cours de fes études , un litté-
» rateur a ſouvent befoin , tantôt de préci-
» piter fa marche , tantôt de revenir en
quelque forte fur fes pas , pour recou-
» vrer ce que le tems enleve quelquefois à
» ſa mémoire . On ménage fon loifit , fon
» application , fes forces , en lui indiquant
, à mefure qu'il le fouhaite , la
route qu'il peut fuivre , en le remettant
fur la voie , & c. ... On peut comparer
un dictionnaire à la table d'un livre ;
elle eft utile à un écrivain laborieux
qui , pour ne point perdre de tems , veut
is quelquefois qu'on lui indique au plus
"vite la page précife où il eft queftion
» de l'objet dont il eſt actuellement occuMARS.
17556 59
pé ; mais cette table feroit évidemment
» un obftacle à la connoiffance de la vé-
» rité , pour quiconque fe contenteroit
و د
"3
de cette indication fuperficielle , &c……….
» Les dictionnaires peuvent donc être fu-
» neftes aux lecteurs indolens & fuperfi-
» ciels , parce qu'ils les arrêtent , pour
» ainfi dire , au milieu de leur courfe ;
» qu'ils les retiennent mal à propos endeça
des bornes qu'ils devroient fran-
» chir ; qu'ils leur perfuadent que de plus
amples recherches font inutiles ; qu'ils
»les accoutument à s'en rapporter à la pa-
» role d'un auteur unique , dont les inf
» tructions font communément imparfai-
»tes , &c. Mais après tout , la fortune des
» lettres dépend t -elle du commun des lecteurs
, qui ont moins recours aux livres
par le defir fincere d'augmenter leurs con
noiffances , que par le befoin preffant
» d'étourdir leur ennemi , & d'amufer leur
oifiveté ? L'avancement des ſciences &
des arts eft l'ouvrage de ceux qui les
cultivent. Les lettres font redevables de
leurs progrès & de leur gloire aux
productions des génies fupérieurs. Or
» ceux- ci ne feront jamais tentés de s'en
» tenir à des dictionnaires : on peut donc ,
» vis - à- vis d'eux , les varier , les multiplier
impunément ..... On ne dira donc
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
t
» pas précisément qu'on multiplie les dictionnaires
, ni pour la ruine ni pour le
»progrès des lettres : on craindroit d'un
» côté de leur faire trop de tort , & de
•
l'autre de leur faire trop d'honneur.
>> On ne les croit pas capables de caufer
»jamais , ni en bien , ni en mal , une ré-
» volution générale dans l'empire des let-
» tres , &c.
M. de la Mothe lut un dialogue en vers
intitulé : l'Hymen & l'Amour ; & M. P : adal
, Procureur Général à la Cour des Aides
, fit la lecture d'une Idylle qu'il adreffa
à M. de la Mothe , en lui donnant le titre
flateur d'Anacreon du Querci.
M. de Cathala , qui s'eft chargé du ſoin
de faire connoître les grands hommes que
cette province a produits , lut un effai fur
la langue gafconne , & fur quelques auteurs
* Gafcons. » Selon cet Académicien ,
» l'idiome qui eft en ufage dans les pro-
» vinces méridionales , & fur- tout à Touloufe
& à Montpellier , femble réunir
tous les caracteres des langues mortes &
» vivantes les plus eftimées. A l'abondance
de la grecque , il joint la cadence &
* M. de Mondonville vient d'en augmenter le
nombre , & va mettre cette langue à la mode
par fon Opéra Languedocien , que Paris applaudit.
MARS. 1755 61 . .
n
» oeuvre.
33
le
prefque la tournure de la latine ; à la
précifion & à la fageffe de la françoiſe ,
» il allie fans peine la légereté , la douceur
» & la molleffe de l'italienne . Propre à
tout , il offre fans effort des tours & des
» expreffions différentes , felon les diffé-
» rens befoins de ceux qui le mettent en
Pendant que la langue fran-
» çoiſe étoit plongée dans la barbarie ,
langage moundi brilloit dans les arts ,
» dans la chaire & au barreau ..... On a
» des fragmens d'une hiftoire manufcrite
» de la guerre des Albigeois , écrite en
» cette langue par un auteur contempo-
» rain ; il feroit à fouhaiter que les hifto-
» riens de la nation l'euffent connue ....
» Mais la langue gaſconne , ajouta M. de
» Cathala , eft encore plus propre à la
poësie qu'à tout autre genre. C'eft dans
» les vers qu'elle étale tous fes avantages ;
» fa poëfie eft bien antérieure à la françoife
long- tems avant les Meuns & les
» Lorris , une foule de Troubadours ou
» poëtes Provençaux , que quelques auteurs
ont dit être les inventeurs de la
» rime , brilloient dans les Cours des Souverains
.... « M. de Cathala donna enfuite
une notice de plufieurs Poëtes Gaf
cons , natifs du Querci ou du Rouergue ,
comme Raimond Jourdan , Hugues Bru-
و د
62 MERCURE DE FRANCE.
net , Albuzon , Pierre Vidal , Maître Mathieu
, & c. Il n'eut garde d'oublier la célébre
Clémence Ifaure , reftauratrice des
Jeux Floraux. Il fit une mention honorable
de Goudouli , nâtif de Toulouſe ; mais il
s'étendit davantage fur Valès , né en 1593
à Montech , petite ville du Languedoc ,
dans le Diocèfe de Montauban , & mort
Curé de cette Paroiffe , après avoir fait
en langage moundi deux traductions de
l'Eneïde , l'une en vers héroïques , & l'autre
en vers burlefques , toutes les deux
d'un mérite fingulier . Il avoit encore traduit
dans le même idiome les fept Pleaumes
de la Pénitence , & compofé une infinité
de pieces fugitives adreffées aux amis
qu'il avoit à Touloufe & à Montauban .
L'effai dont on rend compte eft deſtiné à
fervir de préface à ces divers ouvrages
quand on les donnera au public .
M. Saint-Hubert de Gaujac , Direc
teur , lut enfin des vers adreffés à l'affemblée
, aufquels tout le monde applaudit.
ON inférera le mois prochain la ſéance
de la Société royale des Sciences & Bel
les- Lettres de Nanci , & celle de la Société
littéraire d'Arras ; ainfi des autres fucceffivement
, par ordre de date .
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Résumé : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie de Montauban.
Le 25 août, l'Académie des Belles-Lettres de Montauban a célébré la fête de Saint Louis. La journée a débuté par une messe suivie de prières pour le roi et d'un panégyrique du saint, prononcé par M. Court, curé de Montricoux. L'après-midi, une assemblée publique s'est tenue dans la grande salle de l'Hôtel de ville. M. Saint-Hubert de Gaujac, ancien capitaine de cavalerie et chevalier de l'Ordre militaire de Saint-Louis, a ouvert la séance en discutant de la supériorité des femmes dans certains genres d'écriture, notamment le style léger et épistolaire. Il a souligné leur choix des expressions, la délicatesse des sentiments, l'élégance et la précision, tout en reconnaissant que leur style peut parfois être décousu et négligent, ce qui en fait le charme. M. Bernoy a ensuite lu deux odes inspirées des Psaumes. L'abbé de Verthamon a prononcé un discours contre l'envie, décrivant ses effets destructeurs parmi les gens de lettres. M. de Claris, président de la Chambre des Comptes de Montpellier, a présenté des vers sur le mariage de M. de ** sous le titre 'Le Triomphe de l'hymen'. L'abbé Bellet a examiné la prolifération des dictionnaires, soulignant qu'ils ne sont pas des productions du génie mais des recueils de pensées étrangères. Il a critiqué leur monotonie et leur manque de grâce stylistique, tout en reconnaissant leur utilité pour les lecteurs sérieux. Les dictionnaires peuvent être nuisibles aux lecteurs superficiels, les empêchant d'approfondir leurs recherches. M. de la Mothe a lu un dialogue en vers intitulé 'L'Hymen & l'Amour', et M. Padal a présenté une idylle dédiée à M. de la Mothe. M. de Cathala a lu un essai sur la langue gasconne, soulignant ses richesses et son histoire. Il a également parlé de plusieurs poètes gascons, comme Raimond Jourdan, Hugues Brunet, et Clémence Isaure. M. de Cathala a particulièrement mis en avant Valès, qui a traduit l'Énéide et les sept Psaumes de la Pénitence en langue gasconne. M. Saint-Hubert de Gaujac a conclu la séance par des vers applaudis par l'assemblée. Le texte annonce la publication des comptes rendus des séances de la Société royale des Sciences et Belles-Lettres de Nancy et de la Société littéraire d'Arras.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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65
p. 112-119
« MÉLANGES de Poësie, de Littérature & d'Histoire, par l'Académie des [...] »
Début :
MÉLANGES de Poësie, de Littérature & d'Histoire, par l'Académie des [...]
Mots clefs :
Académie des belles-lettres de Montauban, Poème, Roi, Ouvrage
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texteReconnaissance textuelle : « MÉLANGES de Poësie, de Littérature & d'Histoire, par l'Académie des [...] »
MELANGES de Poëlie , de Littérature
& d'Hiftoire , par l'Académie des
Belles Lettres de Montauban , pour les
années 1747 , 1748 , 1749 & 1750. A
Moutauban , chez J. F. Teulieres , Imprimeur
du Roi & de l'Académie . On le trouve
à Paris , chez Chaubert , quai des Auguftins
, à la Renommée.
Voici une table ou notice des différens
écrits qui compofent ces mêlanges .
Hiftoire de l'Académie. :
J
OCTOBRE . 1755. 113
Eloge hiftorique de feu M. l'Abbé Le
Franc , premier Préfident de la Cour des
Aides par M. l'Abbé Bellet.
Examen de la tragédie de Didon , de M.
Le Franc , avec des réflexions fur la tragédie
en général , par M. Enlart de Grandval
, Confeiller au Confeil d'Artois .
Obfervations de M. Le Franc fur les ré
flexions précédentes.
Voyage de Claudius Rutilius Numatianus
, Gaulois de naiffance , homme confulaire
, Gouverneur de Rome , Tribun d'une
légion , Préfet du Prétoire ; traduit du Latin
en François , avec des remarques. Par
M. Le Franc .
Cette élégante traduction doit nous faire
regretter ce qui nous manque du poëme
de Rutilius . Si nousavions Horace & Virgile
auffi- bien rendus dans notre langue ,
nous n'aurions plus de plaintes à faire , ni
de voeux à former fur ce fujet. M. Le Franc,
à l'exemple de Defpreaux , ne fe borné
point à faire de bons vers , il traduit encore
fi heureufement les écrits des anciens,
que leur poëfie même ne perd rien dans fa
profe. Peut-être y gagne- t- elle. Chez lui
l'érudition tourne au profit du talent , &
fert à nourrir le génie. Tels étoient avant
lui l'auteur de Phédre , dont il a fi bien
imité l'élégance dans fa Didon , & le tra
114 MERCURE DE FRANCE.
ducteur de Longin , que nous venons de
nommer.
Voyage d'Horace de Rome à Brindes , traduit
en vers François ; par le même.
Difcoursfurles paffions . Par M. Dubreuil,
Tréforier de France .
Leçons aux meres pour l'inftruction des
enfans . Par M. de la Mothe , Doyen de la
Cour des Aides & de l'Académie. Ce difcours
utile eft mêlé de profe & de vers.
L'auteur conferve encore de la verve au
fein de la vieilleffe : on en peut juger par
ces vers qui terminent l'ouvrage, & que ne
defavoueroit pas une Mufe de vingt - cinq
ans , s'ils pouvoient convenir à cet âge.
Vous nous pardonnez , tendres meres
Si , pour vos enfans précieux ,
Nous ofons offrir à vos yeux
Quelques remontrances légeres ;
Le devoir m'en fait une loi.
Nous cherchons , il faut vous le dire ;
Moins à plaire qu'à vous inftruire :
De nos Mufes , voilà l'emploi.
Trop proche de notre naiffance ,
Nous avons befoin des fecours
Que vous prêterez tous les jours.
A la foibleffe de l'enfance.
Dans l'âge de maturité
Nos leçons auront plus de grace §
1
OCTOBRE.
1755 15
Plus fort alors , notre Parnaffe
Imitera l'antiquité.
Mais puis -je au bout de ma carriere ;
A ces jours heureux afpirer ?
Les neuffoeurs viennent m'éclairer
Quand je vais perdre la lumiere.
Le trifte déclin de mes ans
Devroit arrêter mon audace ,
L'hyver ne laiffe point de trace ,
Des beaux jours que fit le printems.
Compliment au nom de l'Académie à M.
Le Franc , lorfqu'il fut reçu premier Préfident
de la Cour des Aides ; par M. de Saint-
Bear.
Effai fur les Combats littéraires . Par M.
l'Abbé Beller .
Stances à Meffieurs de la Société Littéraire
, le jour que l'auteur fur admis à leurs
Séances , 9 Juillet 1730. Pár M. de Ber
noy.
Les defagrémens de la campagne . Difcours
en vers par le même.
Obfervations fur le reproche de foibleffe
& de ftérilité , que l'on a cru pouvoir
faire à la langue Françoife pour le poëme
épique ; par M. l'Abbé Bellet.
1
L'Art de la Guerre . Poëme , par M. L.
M. D. M. L'auteur s'annonce fi bien qu'il
L
116 MERCURE DE FRANCE.
ne doit pas s'en tenir
à fon premier
chant
.
Nous ofons l'inviter à continuer comme
il a commencé . L'art de la Guerre ne peut
être mieux célébré que par un favori de
Mars, qui l'eft auffi d'Apollon . Qu'on juge
par les vers fuivans du talent de l'auteur ,
& du ton de l'ouvrage .
Rois , qui pour les humains montrez un coeur de
pere ,
Rois , que le ciel fit naître au jour de fa colere ;
Mon devoir eft de vaincre & de vous obéir ,
Mon courage m'entraîne , & ne peut me trahir.
Mais , vous qui m'ordonnez de ravager la terre ,
Qui mettez dans mes mains les torches de la
guerre ,
Je fere aveuglément votre pouvoir jaloux ,
Et vous répondez feuls de l'effet de mes conps.
La honte fuit de près une gloire coupable ,
Aux mains d'un roi cruel , d'un maître inexorable ,
La palme perd bientôt fon éclat le plus beau ,
Et des filles d'Enfer n'eft plus que le flambeau.
Un tyran exécrable , entouré de victimes ,
Trace en lignes de fang la lifte de ſes crimes ,
Et la haine & la rage en parcourent les traits :
Chaque jour qu'il voit naître ajoute à fes forfaits ,
Il porte en cent climats la mort & l'esclavage .
La difette , la faim , le défefpoir , la rage ,
Se voilant fous fes pas de lambeaux déchirés ,
Foulent des corps ſanglans à demi dévorés.
OCTOBRE.
1755. 117
Tel eft d'un conquérant le cortége effroyable.
Mais, Princes, l'autre excès n'eft pas moins , condamnable
:
Un roi foible & fans foins fous la pourpre endormi
,
Un Roi gêné de l'être , eft fon propre ennemi.
Sans confeils , fans deffeins , & fans expérience ,
En de ferviles mains il remet fa puiffauce ,
Et bientôt de la fraude elle devient l'appui.
Le favori d'un lâche eft lâche comme lui ,
Le traître en le flattant par un honteux hommage,
De fon maître trompé prolonge l'esclavage .
Tout homme ami du vrai , loin du Prince eft
chané :
Bientôt un peuple efclave autour de lui placé ,
Pour le précipiter au fein de la molleffe ,
Des bras de la vertu l'arrache avec adreffe.
Sous les pas égarés , femant partout des fleurs ,
Du peuple gémiffant on lui cache les pleurs .
Un roi qui fait régner fuivant d'autres maximes
,
Connoît de fon pouvoir les bornes légitimes.
De fes derniers fujets , il écoute les voeux ,
Et ne fe croit puiffant que pour les rendre heureux.
Le fer eft dans les mains , mais c'eſt pour les défendre.
L'impofteur les redoute , & n'ofe les furprendre.
Tout mérite fes dons difpenfés avec choix ,
118 MERCURE DE FRANCE.
Et fes foldats vainqueurs ne craignent que les
loix.
Eloge hiftorique d'Antoine d'Hauteferre
par M. de Cathalacoture .
Eloge hiftorique d'Antoine d'Hauteferre
par le même.
Difcours en vers à la fortune par M. de
Claris , Préfident de la Chambre des Comp
tes , Cour des aydes & finances de Montpellier.
Réflexions fur le goût , par M. l'abbé
Bellet.
Les Graces , Ode imitée de la quator
zieme Olympique de Pindare , par M. le
Franc. Ode trente - quatrième du premier
livre des Odes d'Horace , & Retour à Dieu ,
par le même.
>
Conjectures fur le tems , où une partię
du pays appellée aujourd'hui le Rouergue ,
fut unie & incorporée à la Province Narbonnoife
, par le même.
Ce Recueil fait honneur à l'Académie
de Montauban , & prouve que de toutes
les Sociétés littéraires de Province nouvellement
établies , elle eft celle qui travaille
dans fa partie , avec le plus de goût
& de diftinction.On trouve aufli chez Chaubert
, le Recueil de 1744 1745 1746
publié en 1750.
›
OCTOBRE. 1759 119
MÉMOIRES de Michel de Marolles , abbé
de Villeloin , avec des notes hiftoriques &
critiques , trois volumes in- 12.
On les trouve chez Nyon & Guillyn ,
quay des Auguftins. C'eft le feul ouvrage.
qu'on puiffe lire de cet auteur abondant.
Les notes font de M. l'abbé Goujet, auteur
de la Bibliotheque françoiſe.
ESSAI fur les grandes opérations de la
guerre , ou Recueil des obfervations des
différens auteurs fur la maniere de les
perfectionner
, par M. le Baron d'Efpagnac ,
Brigadier des armées du Roi , 4 vol. A
Paris , chez Ganeau , rue S. Severin , aux
armes de Dombes , 1755.
C'eſt une fuite de l'Effai fur la guerre
que l'auteur a fait paroître il y a trois ans ,
chez le même Libraire , & dont le Mercure
a parlé avec tout l'éloge qu'il mérite . Cette
feconde partie n'eft pas moins inftructive
ni moins intéreffante . M. le Baron d'Efpagnac
fe propofe d'y joindre dans la fuite un
fupplément qui traitera de tout ce qui a
rapport aux fiéges , avec un extrait des réglemens
pour le fervice de campagne &
pour les évolutions ; ce qui rendra fon
ouvrage complet .
& d'Hiftoire , par l'Académie des
Belles Lettres de Montauban , pour les
années 1747 , 1748 , 1749 & 1750. A
Moutauban , chez J. F. Teulieres , Imprimeur
du Roi & de l'Académie . On le trouve
à Paris , chez Chaubert , quai des Auguftins
, à la Renommée.
Voici une table ou notice des différens
écrits qui compofent ces mêlanges .
Hiftoire de l'Académie. :
J
OCTOBRE . 1755. 113
Eloge hiftorique de feu M. l'Abbé Le
Franc , premier Préfident de la Cour des
Aides par M. l'Abbé Bellet.
Examen de la tragédie de Didon , de M.
Le Franc , avec des réflexions fur la tragédie
en général , par M. Enlart de Grandval
, Confeiller au Confeil d'Artois .
Obfervations de M. Le Franc fur les ré
flexions précédentes.
Voyage de Claudius Rutilius Numatianus
, Gaulois de naiffance , homme confulaire
, Gouverneur de Rome , Tribun d'une
légion , Préfet du Prétoire ; traduit du Latin
en François , avec des remarques. Par
M. Le Franc .
Cette élégante traduction doit nous faire
regretter ce qui nous manque du poëme
de Rutilius . Si nousavions Horace & Virgile
auffi- bien rendus dans notre langue ,
nous n'aurions plus de plaintes à faire , ni
de voeux à former fur ce fujet. M. Le Franc,
à l'exemple de Defpreaux , ne fe borné
point à faire de bons vers , il traduit encore
fi heureufement les écrits des anciens,
que leur poëfie même ne perd rien dans fa
profe. Peut-être y gagne- t- elle. Chez lui
l'érudition tourne au profit du talent , &
fert à nourrir le génie. Tels étoient avant
lui l'auteur de Phédre , dont il a fi bien
imité l'élégance dans fa Didon , & le tra
114 MERCURE DE FRANCE.
ducteur de Longin , que nous venons de
nommer.
Voyage d'Horace de Rome à Brindes , traduit
en vers François ; par le même.
Difcoursfurles paffions . Par M. Dubreuil,
Tréforier de France .
Leçons aux meres pour l'inftruction des
enfans . Par M. de la Mothe , Doyen de la
Cour des Aides & de l'Académie. Ce difcours
utile eft mêlé de profe & de vers.
L'auteur conferve encore de la verve au
fein de la vieilleffe : on en peut juger par
ces vers qui terminent l'ouvrage, & que ne
defavoueroit pas une Mufe de vingt - cinq
ans , s'ils pouvoient convenir à cet âge.
Vous nous pardonnez , tendres meres
Si , pour vos enfans précieux ,
Nous ofons offrir à vos yeux
Quelques remontrances légeres ;
Le devoir m'en fait une loi.
Nous cherchons , il faut vous le dire ;
Moins à plaire qu'à vous inftruire :
De nos Mufes , voilà l'emploi.
Trop proche de notre naiffance ,
Nous avons befoin des fecours
Que vous prêterez tous les jours.
A la foibleffe de l'enfance.
Dans l'âge de maturité
Nos leçons auront plus de grace §
1
OCTOBRE.
1755 15
Plus fort alors , notre Parnaffe
Imitera l'antiquité.
Mais puis -je au bout de ma carriere ;
A ces jours heureux afpirer ?
Les neuffoeurs viennent m'éclairer
Quand je vais perdre la lumiere.
Le trifte déclin de mes ans
Devroit arrêter mon audace ,
L'hyver ne laiffe point de trace ,
Des beaux jours que fit le printems.
Compliment au nom de l'Académie à M.
Le Franc , lorfqu'il fut reçu premier Préfident
de la Cour des Aides ; par M. de Saint-
Bear.
Effai fur les Combats littéraires . Par M.
l'Abbé Beller .
Stances à Meffieurs de la Société Littéraire
, le jour que l'auteur fur admis à leurs
Séances , 9 Juillet 1730. Pár M. de Ber
noy.
Les defagrémens de la campagne . Difcours
en vers par le même.
Obfervations fur le reproche de foibleffe
& de ftérilité , que l'on a cru pouvoir
faire à la langue Françoife pour le poëme
épique ; par M. l'Abbé Bellet.
1
L'Art de la Guerre . Poëme , par M. L.
M. D. M. L'auteur s'annonce fi bien qu'il
L
116 MERCURE DE FRANCE.
ne doit pas s'en tenir
à fon premier
chant
.
Nous ofons l'inviter à continuer comme
il a commencé . L'art de la Guerre ne peut
être mieux célébré que par un favori de
Mars, qui l'eft auffi d'Apollon . Qu'on juge
par les vers fuivans du talent de l'auteur ,
& du ton de l'ouvrage .
Rois , qui pour les humains montrez un coeur de
pere ,
Rois , que le ciel fit naître au jour de fa colere ;
Mon devoir eft de vaincre & de vous obéir ,
Mon courage m'entraîne , & ne peut me trahir.
Mais , vous qui m'ordonnez de ravager la terre ,
Qui mettez dans mes mains les torches de la
guerre ,
Je fere aveuglément votre pouvoir jaloux ,
Et vous répondez feuls de l'effet de mes conps.
La honte fuit de près une gloire coupable ,
Aux mains d'un roi cruel , d'un maître inexorable ,
La palme perd bientôt fon éclat le plus beau ,
Et des filles d'Enfer n'eft plus que le flambeau.
Un tyran exécrable , entouré de victimes ,
Trace en lignes de fang la lifte de ſes crimes ,
Et la haine & la rage en parcourent les traits :
Chaque jour qu'il voit naître ajoute à fes forfaits ,
Il porte en cent climats la mort & l'esclavage .
La difette , la faim , le défefpoir , la rage ,
Se voilant fous fes pas de lambeaux déchirés ,
Foulent des corps ſanglans à demi dévorés.
OCTOBRE.
1755. 117
Tel eft d'un conquérant le cortége effroyable.
Mais, Princes, l'autre excès n'eft pas moins , condamnable
:
Un roi foible & fans foins fous la pourpre endormi
,
Un Roi gêné de l'être , eft fon propre ennemi.
Sans confeils , fans deffeins , & fans expérience ,
En de ferviles mains il remet fa puiffauce ,
Et bientôt de la fraude elle devient l'appui.
Le favori d'un lâche eft lâche comme lui ,
Le traître en le flattant par un honteux hommage,
De fon maître trompé prolonge l'esclavage .
Tout homme ami du vrai , loin du Prince eft
chané :
Bientôt un peuple efclave autour de lui placé ,
Pour le précipiter au fein de la molleffe ,
Des bras de la vertu l'arrache avec adreffe.
Sous les pas égarés , femant partout des fleurs ,
Du peuple gémiffant on lui cache les pleurs .
Un roi qui fait régner fuivant d'autres maximes
,
Connoît de fon pouvoir les bornes légitimes.
De fes derniers fujets , il écoute les voeux ,
Et ne fe croit puiffant que pour les rendre heureux.
Le fer eft dans les mains , mais c'eſt pour les défendre.
L'impofteur les redoute , & n'ofe les furprendre.
Tout mérite fes dons difpenfés avec choix ,
118 MERCURE DE FRANCE.
Et fes foldats vainqueurs ne craignent que les
loix.
Eloge hiftorique d'Antoine d'Hauteferre
par M. de Cathalacoture .
Eloge hiftorique d'Antoine d'Hauteferre
par le même.
Difcours en vers à la fortune par M. de
Claris , Préfident de la Chambre des Comp
tes , Cour des aydes & finances de Montpellier.
Réflexions fur le goût , par M. l'abbé
Bellet.
Les Graces , Ode imitée de la quator
zieme Olympique de Pindare , par M. le
Franc. Ode trente - quatrième du premier
livre des Odes d'Horace , & Retour à Dieu ,
par le même.
>
Conjectures fur le tems , où une partię
du pays appellée aujourd'hui le Rouergue ,
fut unie & incorporée à la Province Narbonnoife
, par le même.
Ce Recueil fait honneur à l'Académie
de Montauban , & prouve que de toutes
les Sociétés littéraires de Province nouvellement
établies , elle eft celle qui travaille
dans fa partie , avec le plus de goût
& de diftinction.On trouve aufli chez Chaubert
, le Recueil de 1744 1745 1746
publié en 1750.
›
OCTOBRE. 1759 119
MÉMOIRES de Michel de Marolles , abbé
de Villeloin , avec des notes hiftoriques &
critiques , trois volumes in- 12.
On les trouve chez Nyon & Guillyn ,
quay des Auguftins. C'eft le feul ouvrage.
qu'on puiffe lire de cet auteur abondant.
Les notes font de M. l'abbé Goujet, auteur
de la Bibliotheque françoiſe.
ESSAI fur les grandes opérations de la
guerre , ou Recueil des obfervations des
différens auteurs fur la maniere de les
perfectionner
, par M. le Baron d'Efpagnac ,
Brigadier des armées du Roi , 4 vol. A
Paris , chez Ganeau , rue S. Severin , aux
armes de Dombes , 1755.
C'eſt une fuite de l'Effai fur la guerre
que l'auteur a fait paroître il y a trois ans ,
chez le même Libraire , & dont le Mercure
a parlé avec tout l'éloge qu'il mérite . Cette
feconde partie n'eft pas moins inftructive
ni moins intéreffante . M. le Baron d'Efpagnac
fe propofe d'y joindre dans la fuite un
fupplément qui traitera de tout ce qui a
rapport aux fiéges , avec un extrait des réglemens
pour le fervice de campagne &
pour les évolutions ; ce qui rendra fon
ouvrage complet .
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Résumé : « MÉLANGES de Poësie, de Littérature & d'Histoire, par l'Académie des [...] »
Le document présente les 'Mélanges de Poésie, de Littérature & d'Histoire' publiés par l'Académie des Belles Lettres de Montauban pour les années 1747 à 1750. Ces recueils sont disponibles à Montauban chez J. F. Teulieres et à Paris chez Chaubert. La table des matières inclut divers écrits historiques et littéraires, tels que des éloges historiques, des traductions de poèmes latins, des discours et des observations sur la tragédie. Parmi les auteurs notables figurent M. l'Abbé Le Franc, M. Enlart de Grandval et M. Dubreuil. Le texte souligne la qualité des traductions et des œuvres poétiques, comparant certains auteurs à des figures classiques comme Horace et Virgile. Les recueils incluent également des discours utiles, des compliments académiques et des poèmes sur divers sujets. Le document mentionne d'autres publications, comme les 'Mémoires de Michel de Marolles' et un 'Essai sur les grandes opérations de la guerre' par le Baron d'Espagnac. L'Académie de Montauban est louée pour son travail distingué et son goût littéraire.
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66
p. 77-124
Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Début :
L'intérêt que les bons citoyens prennent à l'Encyclopédie, & le grand nombre de [...]
Mots clefs :
Montesquieu, Encyclopédie, Gloire, Moeurs, Ouvrage, Auteur, Esprit, Hommes, Académie, Parlement de Bordeaux, Académie française, Éloge, De l'esprit des lois, Lettres persanes, Amour, Nations, Malheur, Commerce, Intérêt, Honneur, Étude, Citoyen, Philosophie, Religion, Gouvernement, Roi, Sciences, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Ous ne pouvons mieux ouvrir cet arpar
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
Fermer
Résumé : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Le texte présente un volume de l'Encyclopédie, dans lequel Voltaire a travaillé sur les articles concernant les mots 'esprit', 'éloquence' et 'élégance'. Ce volume inclut également un éloge de Montesquieu écrit par d'Alembert, jugé d'une grande beauté. Une note analysant 'L'Esprit des Lois' est réservée pour le premier Mercure de décembre. Montesquieu, bienfaiteur de l'humanité par ses écrits, a contribué à cet ouvrage, motivant ainsi la reconnaissance des auteurs. Charles de Secondat, Baron de la Brede et de Montesquieu, naquit au Château de la Brede près de Bordeaux le 18 janvier 1689. Sa famille, noble de Guyenne, acquit la terre de Montesquieu grâce à des services rendus à la couronne. Dès son jeune âge, Montesquieu montra des aptitudes remarquables, cultivées par son père. Il préparait déjà les matériaux de 'L'Esprit des Lois' à vingt ans. En parallèle de ses études juridiques, il approfondissait des matières philosophiques. En 1716, il devint Président à Mortier au Parlement de Bordeaux et se distingua par ses remontrances courageuses contre un nouvel impôt. Il fut également membre de l'Académie de Bordeaux et contribua à la création de l'Académie des Sciences. En 1721, il publia les 'Lettres persanes', un ouvrage satirique des mœurs françaises sous le prétexte de la peinture des mœurs orientales. Malgré le succès de cet ouvrage, Montesquieu resta discret sur son authorship pour éviter les critiques littéraires. Les 'Lettres persanes' furent attaquées pour leurs réflexions sur des sujets religieux et ecclésiastiques, provoquant des réactions hostiles. Montesquieu fut accusé et réhabilité concernant ses 'Lettres persanes'. Il rencontra le ministre, déclarant qu'il n'avouait pas les 'Lettres persanes' mais ne les désavouait pas non plus, et demanda que l'ouvrage soit jugé sur sa lecture plutôt que sur des délations. Le ministre lut le livre, apprécia l'auteur et permit à Montesquieu d'être reçu à l'Académie française. Le maréchal d'Estrées soutint Montesquieu avec courage et intégrité. Montesquieu fut reçu à l'Académie le 24 janvier 1728 avec un discours remarquable, où il évita les formules conventionnelles pour traiter de sujets plus larges. Il entreprit des voyages pour étudier les lois et constitutions de divers pays, rencontrer des savants et des artistes célèbres. Ses voyages l'amenèrent en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse, aux Provinces-Unies et en Angleterre. De retour en France, Montesquieu se retira à la Brede pour achever son ouvrage sur 'La grandeur et la décadence des Romains', publié en 1734. Il analysa les causes de la grandeur et de la décadence de Rome, mettant en avant des facteurs comme l'amour de la liberté, la discipline militaire et la politique d'expansion. Le texte loue ensuite l'œuvre de Montesquieu, notamment 'L'Esprit des Lois', qui offre une analyse approfondie et vaste de la politique et des lois. Montesquieu a préparé cet ouvrage pendant vingt ans, étudiant divers peuples et lois à travers l'Europe. 'L'Esprit des Lois' est présenté comme un livre destiné aux hommes d'État et aux philosophes, embrassant un grand nombre de matières avec brièveté et profondeur. Le texte défend la structure et la clarté de l'ouvrage, affirmant que l'apparente absence de méthode est en réalité une invitation à la réflexion. Il souligne également l'importance des sources utilisées par Montesquieu, notamment Tacite et Plutarque, et la manière dont il a su rendre l'ouvrage à la fois utile et agréable. Enfin, le texte mentionne les critiques et les attaques subies par 'L'Esprit des Lois' lors de sa publication, mais note que l'œuvre a finalement été reconnue pour sa valeur et son impact sur la pensée politique et philosophique. Montesquieu est accusé d'irréligion et de semer des principes d'irréligion dans son œuvre. Il est comparé à des auteurs de nouvelles hebdomadaires sans autorité ni effet. Ses adversaires, dépourvus de zèle mais cherchant à en montrer, ont utilisé diverses stratégies pour le discréditer. Montesquieu décide de répondre à l'un de ses critiques les plus virulents, auteur d'une feuille anonyme périodique, en le rendant ridicule plutôt que furieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 177-187
PEINTURE. Réflexions sommaires sur les ouvrages exposés au Louvre cette année.
Début :
C'est à l'émulation que les artistes doivent leurs succès, mais c'est des [...]
Mots clefs :
Louvre, Tableaux, Ouvrage, Beauté, Portrait, Succès, Dessin, Composition, Public
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texteReconnaissance textuelle : PEINTURE. Réflexions sommaires sur les ouvrages exposés au Louvre cette année.
PEINTURE.
Réflexionsfommaires fur les ouvrages expofes
C
au Louvre cette année.
EST à l'émulation que les artiſtes
doivent leurs fuccès , mais c'eſt des
connoiffeurs qu'ils en attendent la récompenfe.
Peu flattés des éloges que leur prodigue
l'ignorance , parce qu'elle admire
tout fans choix , & qu'elle confond dans
le tribut injurieux qu'elle offre aux talens ,
le beau & le médiocre , peu touchés des
efforts de la malignité & de l'envie , qui
fufcitent contr'eux des écrivains plus indigens
qu'éclairés , ils méprifent également
les louanges immoderées des panégyriſtes ,
& la licence effrénée de leurs Zoïles . Trop
grands pour être agités par ces petites paffions
qui ne caracterifentque les hommes
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
médiocres , ils n'emploient point un tems
entierement dévoué aux arts , à écouter
ces rumeurs inutiles , ou à y répondre le
génie , le gout enfante leurs travaux ; c'eſt
du genie , c'est du gout qu'ils s'efforcent
de mériter l'hommage. L'encens dont ils
les honorent eft précieux , la critique épurée
à ces rayons eft utile à la perfection
de leur art . L'un leur fert à marcher avec
encore plus de fuccès dans la route heureufe
qu'ils fe font tracée , l'autre leur
fait éviter dans la fuite les écueils où ils
font tombés. Ainfi tout jufqu'à leurs fautes
même leur devient utile. C'est dans cette
vue que fe fait l'expofition des peintures ,
fculptures & gravures . Dans les éloges que
l'on donne ici aux chefs -d'oeuvre en tout
genre qui s'y font faits remarquer , on a
le bonheur d'être à la fois l'interprete du
public & l'organe de la verité.
On a vu avec plaifir dans les tableaux de
M. Reftout ce même feu qui diftingue fi
bien tous fes ouvrages ; cette chaleur dans
la compofition digne de l'illuftre Jouvenet
fon oncle , cette grande ordonnance ,
cette belle difpofition fe font admirer dans
un grand tableau de cet auteur , repréfentant
Jesus-Chrift qui lave les pieds aux
Apôtres. Tout y eft digne de la grandeur
du fujer .
NOVEMBRE. 1755. 179
M. Carlo- Vanloo , déja fi connu par la
beauté de fon pinceau , & la vigueur de fon
coloris , eft digne des plus grands éloges.
Qu'on trouve de dignité dans fes deux
grands tableaux , dont l'an repréfente le
Baptême de S. Auguftin , celui d'Alipe
fon ami , & d'Adeodat fon fils ; l'autre le
même Docteur prechant devant Valere ,
Evêque d'Hyppone ! Le caractere de nobletfe
qui paroît fur le front des deux Evêques
qui font dans ce tableau , eft tel qu'on
fe fent pénetré de refpect & de veneration
à leur vue. Dans le premier de ces tableaux
on a reconnu facilement l'auteur
fous la figure d'un Acolyte , tenant un livre
à la main. Le public , quoiqu'accoutumé
depuis long- tems à ne rien voir que
d'admirable fortir des mains de ce maître ,
n'a vu cependant qu'avec furprife un tableau
de chevalet , réprefentant une converſation
. Il n'eft pas poffible de faire un
tableau mieux peint , plus galant & plus
gracieufement traité . Ce tableau auroit
fait honneur à Wandeik pour la couleur ,
& à Netfcher pour le fini. On peut donner
les mêmes éloges à deux deffus de porte
du même auteur , dont l'un reprefente
deux Sultanes travaillant à la tapifferie , &
l'autre une Sultane prenant du caffé.
MM. Collin de Vermont & Natoire fou-
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
tiennent dignement la réputation qu'ils fe
font acquife par la nobleffe de leur compofition
, & par l'élegance & la préciſion
de leur deffein .
On ne peut donner que
des
applaudiffemens
à M. Jeaurat . Semblable aux
grands Poëtes tragiques, qui ne dédaignent
point de prendre le brodequin après avoir
long- tems chauffé le Cothurne , on l'a vu
avec plaifir remporter la palme dans un
genre moins élevé que le fien , mais qui
n'a cependant pas moins de difficultés . Il
a rendu avec verité ces petits évenemens
qui fe multiplient fi fouvent dans la vie
populaire . Dans l'un de fes tableaux on
voit un Commiffaire vengeur de l'honnêteté
publique violée ; dans l'autre , un demenagement
troublé par des créanciers
importuns ; l'attelier du Peintre n'a pas
été moins applaudi.
M. Halle parcourt fa carriere avec
gloire. Il foutient avec fuccès un nom
déja cher aux amateurs . Le tableau de cet
auteur reprefentant les Difciples d'Emmaüs
eft bien compofé , & fait un bel
effet.
Le merite de M. Vien a peut - être été
encore plutôt connu que fa perfonne A
peine fes premiers ouvrages ont-ils paruque
le fuccès les a couronnés ? La repuNOVEMBRE
. 1755. 181
tation de cet artifte eft déja faite dans un
âge , où il eſt beau de l'avoir commencée.
Chacun de ſes tableaux a réuni les fuftrages
. On a rendu juftice à la beauté du
deffein , & à la fageffe de la compofition
dans le tableau repréfentant S. Germain &
S. Vincent. Sa maniere de traiter l'hiftoire
nous paroît la meilleure : elle eft vraie &
fimple .
L'illufion ne fe diffipe qu'à peine en
touchant le tableau de M. Chardin , imitant
un bas- relief de bronze.
Dans la foule des portaits dont le fallon
étoit decoré , celui de M. Elvetius , par M.
Louis- Michel Vanloo , m'a frappé ainfi que
la multitude . Il a le merite de la reffemblance
; on peut dire qu'il eft bien portrait
. On apperçoit d'ailleurs dans le deffein
une jufteffe qui décele aux yeux des
connoiffeurs le peintre d'hiftoire. Le portrait
de feue Madame Henriette de France
eft auffi parfaitement reffemblant , & fait
honneur au pinceau de M. Nattier. M.
Tocqué a foutenu fa grande réputation par
le portrait de M. le Duc de Chartres &
par celui de M. le Marquis de Marigny.
L'un eft d'une verité exacte , & l'autre
d'une force de pinceau finguliere. M. Jelyotte
peint en Apollon , ajoute un nouveau
rayon à la gloire de ce Maître. M.
182 MERCURE DE FRANCE.
de la Tour dans le portrait de Madame de
Pompadour , a montré la fuperiorité de
fes talens déja tant de fois applaudis . Il a
égalé fon fujet par la maniere habile dont
il l'a traité. Plus on a vu ce portrait, plus
on l'a eftimé. Il forme un tableau de la
plus grande beauté , & qui gagne à l'examen.
Tous les détails & les ornemens en
font finis .
M. Aved ne s'eft pas moins diftingué.
On a trouvé l'ordonnance & la compofition
du portrait de M. l'Evêque de Meaux
noble & belle , l'exécution heureufe , le
coloris vigoureux & la reffemblance parfaite.
Les regards du public fe font auth
arrêtés fur fes autres tableaux auxquels on
a rendu la juftice qu'ils meritoient.
Un grand tableau peint en cire , fuivant
la découverte ou procedé de M. Bachelier
, qu'il appelle inuftion , c'eſt-àdire
cire brulée , a recueilli toutes les voix .
Deja connu par des talens précieux , mais
moins grands, moins developpés que ceux
qu'il préfente aujourd'hui , il rend la perte
de M. Oudry moins amere ; & la peinture
defolée d'avoir perdu fou la Fontaine
féche fes pleurs en trouvant fon fucceffeur
dans M. Bachelier. Ce tableau repréſente
la fable du cheval & du loup.
L'oeil s'eft fixé avec bien de la fatisfacNOVEMBRE.
1755. 183
tion fur cinq tableaux de M. Vernet. Deux
d'entr'eux reprefentent deux différentes
vues du port du Marfeille ; le troiſieme
une vue du port neuf , ou de l'arfenal de
Toulon ; le quatrieme une pêche du thon ;
& le dernier une tempête. Que de beautés
dans tous ces tableaux , & qu'ils font ingénieufement
variés ! Ce n'eft point une
peinture , ce n'eft plus une repréfentation
d'objets , c'eft l'exiftence , c'eft la réalité
même. Vous y voyez ces ouvrages admirables
fi utiles au commerce de la nation .
Vous y voyez les habitans des quatre parties
du monde reunis par l'interêt & le
bien public agir , commercer enſemble. Le
deffein de l'auteur eft digne du Pouffin . Le
fpectateur eft effrayé à la vue de la tempê
te & du naufrage . Les vagues irritées engloutiffent
les débris d'un vaiffeau dont
quelques hommes s'échappent à peine. Les
figures de ce tableau paroiffent être de la
main de Salvator Roze.
L'art de la miniature s'embellit , & devient
un grand talent dans celles de M.
Venevault .
M. de La Grenée , jeune peintre d'hiftoire
, expofe dans une âge où l'on ne donne
guere que de grandes efperances , des
ouvrages qui font deja les fruits de la maturité
du genie.
184 MERCURE DE FRANCE.
MM. Roflin & Dronais le fils , tiennerit
un rang dittingué dans leur genre.
Dans fes payfages M. Juliard rend bien
les effets de la nature .
M. Antoine Le Bel a auffi fon merite.
M. de la Rue marche fur les pas du fameux
Parrocel , dont les connoiffeurs regretteront
long- tems la perte. M. Greuze
nourri par l'étude des Peintres Flamans ,
ces hommes fi habiles à faifir la nature ,
& fi propres à arracher de la bouche du
fpectateur ce cri d'admiration , qu'on ne
peut refufer à la verité de l'expreffion &
de l'imitation , n'eft point inférieur à ces
grands Maîtres. Il eft tout-à- la fois imitateur
heureux , & créateur aimable .
La Sculpture n'a montré que peu d'ouvrages.
Le bufte de M. le Marechal de
Coigny nous a paru d'une grande vérité ,
& digne de M. Confton.
Dans le Milon Crotoniate de M.Falconnet
, on a admiré la beauté du deffein , la
jufteffe des contours & la force du cifeau .
Ce morceau de fculpture repréſente un
lion devorant l'athlete . Il remplit à la fois
de terreur & de compaffion . M. Michel-
Ange Slodiz a expofé l'efquiffe d'un grouppe
de la victoire qui ramene la paix ,
d'une très- belle compofition , ainfi que le
projet d'une chaire de Prédicateur pour S.
NOVEMBRE . 1755. 185
Sulpice , qui en fait fouhaiter l'exécution.
Par quelle fatalité les Bouchardons , les
Pigalles fe refufent- ils à nos applaudiffemens
? Faits pour les obtenir tous , nous
priveront- ils encore long- tems des fruits
de leurs cifeaux ? *
* Nous fommes également fondés à former
cette plainte à l'égard de la peinture . M. Boucher
nous a tenu rigueur à ce fallon , de même que M.
Pierre. La plus belle moitié du public a foupiré de
n'y rien voir de ce Peintre aimable , qui eft le fien ,
puifqu'il eft celui des graces & de la beauté. On
foupçonne que ces petits écrits furtifs , que l'envie
ou le befoin produifent contre le talent à chaque
expofition , en font la caufe fecrete . On craint
même que les autres artiftes du premier ordre
comme lui , ne fuivent fon exemple. Tous fe plaignent
, dit- on , que ces fatyres , quelques méprifables
qu'elles foient, font impreffion dans la province
, & y nuifent à leur gloire , comme à leur
intérêt . On voit bien que les Peintres ne font pas
aguerris ainfi que les auteurs. Il est vrai qu'ils
difent pour leurs raifons que les ouvrages de ces
derniers vont partout en même tems que leurs
critiques , & leur fervent de contre-poifon ; au
lieu que leurs tableaux reſtent dans les cabinets
de la capitale , & que les libelles qui les déchirent
, courent feuls la province. La crainte que
j'ai de nous voir privés par là des nouveaux tréfors
dont ces grands Maîtres peuvent nous enrichir
, m'oblige à leur répondre , pour les raffurer,
que la gravure vient à leur fecours . Elle devient
chaque jour fi parfaite , qu'on peut l'appeller une
traduction auffi fidelle qu'élégante de leurs ta
186, MERCURE DE FRANCE.
Le genie de M. Cochin fait pour les délices
de la nation , l'enchante fans l'étonner.
L'imagination & l'agrément animent
à la fois fon crayon & fon burin .
MM. Cars, Surugue , Le Bas , Tardieu ;
Dupuis, & autres artistes anffi diftingués par
leurs talens , ne laiffent rien à defirer
que
de nouvelles productions de leur part. M.
Guay fait revivre le gout antique dont fes
ouvrages ont toute la beauté. Il excelle
dans un art négligé depuis long-tems, mais
cultivé auparavant avec fuccès par ces
bleaux. Elle en rend l'efprit avec les traits ; les
eftampes que fon burin met au jour d'après leur
pinceau , fe répandent dans toute la France , &
font partout leur apologie. Ces Meffieurs m'objecteront
peut-être que leurs grands tableaux ne
font pas traduits , & que d'ailleurs il refte toujours
une partie effentielle fur laquelle ils ne
font pas juftifiés , qui eft la couleur que la gravure
ne peut jamais rendre. Mais pour y fuppléer
les Journaux publics avertiffent les provinces &
même les pays étrangers où ils parviennent , du
mépris qu'on doit faire de ces critiques informes,
& du difcrédit où elles font à Paris . Tous ces petits
faifeurs de brochures peuvent inquietter un
moment nos Appelles françois , ou leur faire
tout au plus une piquure paflagere ; mais ces infectes
n'exiftent qu'un Automne. Le premier
froid de Phyver les tue heureufement & nous en
délivre , tandis que les chefs - d'oeuvres qu'ils attaquent
font confacrés par les années , & durent
éternellement.
NOVEMBRE . 1755. 187
hommes rares qui confacroient leurs travaux
à immortalifer les traits d'un Cefar ,
d'un Trajan . Il en fait un auffi bel ufage
qu'eux. Il les confacre à retracer à la pofterité
ceux d'un Monarque auffi grand que
ces heros. Siecle heureux , où tout concourt
à la gloire des arts , où il fe trouve
des hommes qui les cultivent , des connoiffeurs
qui les aiment , un Mecene qui
les encourage , & un Prince qui les recompenſe
!
Réflexionsfommaires fur les ouvrages expofes
C
au Louvre cette année.
EST à l'émulation que les artiſtes
doivent leurs fuccès , mais c'eſt des
connoiffeurs qu'ils en attendent la récompenfe.
Peu flattés des éloges que leur prodigue
l'ignorance , parce qu'elle admire
tout fans choix , & qu'elle confond dans
le tribut injurieux qu'elle offre aux talens ,
le beau & le médiocre , peu touchés des
efforts de la malignité & de l'envie , qui
fufcitent contr'eux des écrivains plus indigens
qu'éclairés , ils méprifent également
les louanges immoderées des panégyriſtes ,
& la licence effrénée de leurs Zoïles . Trop
grands pour être agités par ces petites paffions
qui ne caracterifentque les hommes
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
médiocres , ils n'emploient point un tems
entierement dévoué aux arts , à écouter
ces rumeurs inutiles , ou à y répondre le
génie , le gout enfante leurs travaux ; c'eſt
du genie , c'est du gout qu'ils s'efforcent
de mériter l'hommage. L'encens dont ils
les honorent eft précieux , la critique épurée
à ces rayons eft utile à la perfection
de leur art . L'un leur fert à marcher avec
encore plus de fuccès dans la route heureufe
qu'ils fe font tracée , l'autre leur
fait éviter dans la fuite les écueils où ils
font tombés. Ainfi tout jufqu'à leurs fautes
même leur devient utile. C'est dans cette
vue que fe fait l'expofition des peintures ,
fculptures & gravures . Dans les éloges que
l'on donne ici aux chefs -d'oeuvre en tout
genre qui s'y font faits remarquer , on a
le bonheur d'être à la fois l'interprete du
public & l'organe de la verité.
On a vu avec plaifir dans les tableaux de
M. Reftout ce même feu qui diftingue fi
bien tous fes ouvrages ; cette chaleur dans
la compofition digne de l'illuftre Jouvenet
fon oncle , cette grande ordonnance ,
cette belle difpofition fe font admirer dans
un grand tableau de cet auteur , repréfentant
Jesus-Chrift qui lave les pieds aux
Apôtres. Tout y eft digne de la grandeur
du fujer .
NOVEMBRE. 1755. 179
M. Carlo- Vanloo , déja fi connu par la
beauté de fon pinceau , & la vigueur de fon
coloris , eft digne des plus grands éloges.
Qu'on trouve de dignité dans fes deux
grands tableaux , dont l'an repréfente le
Baptême de S. Auguftin , celui d'Alipe
fon ami , & d'Adeodat fon fils ; l'autre le
même Docteur prechant devant Valere ,
Evêque d'Hyppone ! Le caractere de nobletfe
qui paroît fur le front des deux Evêques
qui font dans ce tableau , eft tel qu'on
fe fent pénetré de refpect & de veneration
à leur vue. Dans le premier de ces tableaux
on a reconnu facilement l'auteur
fous la figure d'un Acolyte , tenant un livre
à la main. Le public , quoiqu'accoutumé
depuis long- tems à ne rien voir que
d'admirable fortir des mains de ce maître ,
n'a vu cependant qu'avec furprife un tableau
de chevalet , réprefentant une converſation
. Il n'eft pas poffible de faire un
tableau mieux peint , plus galant & plus
gracieufement traité . Ce tableau auroit
fait honneur à Wandeik pour la couleur ,
& à Netfcher pour le fini. On peut donner
les mêmes éloges à deux deffus de porte
du même auteur , dont l'un reprefente
deux Sultanes travaillant à la tapifferie , &
l'autre une Sultane prenant du caffé.
MM. Collin de Vermont & Natoire fou-
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
tiennent dignement la réputation qu'ils fe
font acquife par la nobleffe de leur compofition
, & par l'élegance & la préciſion
de leur deffein .
On ne peut donner que
des
applaudiffemens
à M. Jeaurat . Semblable aux
grands Poëtes tragiques, qui ne dédaignent
point de prendre le brodequin après avoir
long- tems chauffé le Cothurne , on l'a vu
avec plaifir remporter la palme dans un
genre moins élevé que le fien , mais qui
n'a cependant pas moins de difficultés . Il
a rendu avec verité ces petits évenemens
qui fe multiplient fi fouvent dans la vie
populaire . Dans l'un de fes tableaux on
voit un Commiffaire vengeur de l'honnêteté
publique violée ; dans l'autre , un demenagement
troublé par des créanciers
importuns ; l'attelier du Peintre n'a pas
été moins applaudi.
M. Halle parcourt fa carriere avec
gloire. Il foutient avec fuccès un nom
déja cher aux amateurs . Le tableau de cet
auteur reprefentant les Difciples d'Emmaüs
eft bien compofé , & fait un bel
effet.
Le merite de M. Vien a peut - être été
encore plutôt connu que fa perfonne A
peine fes premiers ouvrages ont-ils paruque
le fuccès les a couronnés ? La repuNOVEMBRE
. 1755. 181
tation de cet artifte eft déja faite dans un
âge , où il eſt beau de l'avoir commencée.
Chacun de ſes tableaux a réuni les fuftrages
. On a rendu juftice à la beauté du
deffein , & à la fageffe de la compofition
dans le tableau repréfentant S. Germain &
S. Vincent. Sa maniere de traiter l'hiftoire
nous paroît la meilleure : elle eft vraie &
fimple .
L'illufion ne fe diffipe qu'à peine en
touchant le tableau de M. Chardin , imitant
un bas- relief de bronze.
Dans la foule des portaits dont le fallon
étoit decoré , celui de M. Elvetius , par M.
Louis- Michel Vanloo , m'a frappé ainfi que
la multitude . Il a le merite de la reffemblance
; on peut dire qu'il eft bien portrait
. On apperçoit d'ailleurs dans le deffein
une jufteffe qui décele aux yeux des
connoiffeurs le peintre d'hiftoire. Le portrait
de feue Madame Henriette de France
eft auffi parfaitement reffemblant , & fait
honneur au pinceau de M. Nattier. M.
Tocqué a foutenu fa grande réputation par
le portrait de M. le Duc de Chartres &
par celui de M. le Marquis de Marigny.
L'un eft d'une verité exacte , & l'autre
d'une force de pinceau finguliere. M. Jelyotte
peint en Apollon , ajoute un nouveau
rayon à la gloire de ce Maître. M.
182 MERCURE DE FRANCE.
de la Tour dans le portrait de Madame de
Pompadour , a montré la fuperiorité de
fes talens déja tant de fois applaudis . Il a
égalé fon fujet par la maniere habile dont
il l'a traité. Plus on a vu ce portrait, plus
on l'a eftimé. Il forme un tableau de la
plus grande beauté , & qui gagne à l'examen.
Tous les détails & les ornemens en
font finis .
M. Aved ne s'eft pas moins diftingué.
On a trouvé l'ordonnance & la compofition
du portrait de M. l'Evêque de Meaux
noble & belle , l'exécution heureufe , le
coloris vigoureux & la reffemblance parfaite.
Les regards du public fe font auth
arrêtés fur fes autres tableaux auxquels on
a rendu la juftice qu'ils meritoient.
Un grand tableau peint en cire , fuivant
la découverte ou procedé de M. Bachelier
, qu'il appelle inuftion , c'eſt-àdire
cire brulée , a recueilli toutes les voix .
Deja connu par des talens précieux , mais
moins grands, moins developpés que ceux
qu'il préfente aujourd'hui , il rend la perte
de M. Oudry moins amere ; & la peinture
defolée d'avoir perdu fou la Fontaine
féche fes pleurs en trouvant fon fucceffeur
dans M. Bachelier. Ce tableau repréſente
la fable du cheval & du loup.
L'oeil s'eft fixé avec bien de la fatisfacNOVEMBRE.
1755. 183
tion fur cinq tableaux de M. Vernet. Deux
d'entr'eux reprefentent deux différentes
vues du port du Marfeille ; le troiſieme
une vue du port neuf , ou de l'arfenal de
Toulon ; le quatrieme une pêche du thon ;
& le dernier une tempête. Que de beautés
dans tous ces tableaux , & qu'ils font ingénieufement
variés ! Ce n'eft point une
peinture , ce n'eft plus une repréfentation
d'objets , c'eft l'exiftence , c'eft la réalité
même. Vous y voyez ces ouvrages admirables
fi utiles au commerce de la nation .
Vous y voyez les habitans des quatre parties
du monde reunis par l'interêt & le
bien public agir , commercer enſemble. Le
deffein de l'auteur eft digne du Pouffin . Le
fpectateur eft effrayé à la vue de la tempê
te & du naufrage . Les vagues irritées engloutiffent
les débris d'un vaiffeau dont
quelques hommes s'échappent à peine. Les
figures de ce tableau paroiffent être de la
main de Salvator Roze.
L'art de la miniature s'embellit , & devient
un grand talent dans celles de M.
Venevault .
M. de La Grenée , jeune peintre d'hiftoire
, expofe dans une âge où l'on ne donne
guere que de grandes efperances , des
ouvrages qui font deja les fruits de la maturité
du genie.
184 MERCURE DE FRANCE.
MM. Roflin & Dronais le fils , tiennerit
un rang dittingué dans leur genre.
Dans fes payfages M. Juliard rend bien
les effets de la nature .
M. Antoine Le Bel a auffi fon merite.
M. de la Rue marche fur les pas du fameux
Parrocel , dont les connoiffeurs regretteront
long- tems la perte. M. Greuze
nourri par l'étude des Peintres Flamans ,
ces hommes fi habiles à faifir la nature ,
& fi propres à arracher de la bouche du
fpectateur ce cri d'admiration , qu'on ne
peut refufer à la verité de l'expreffion &
de l'imitation , n'eft point inférieur à ces
grands Maîtres. Il eft tout-à- la fois imitateur
heureux , & créateur aimable .
La Sculpture n'a montré que peu d'ouvrages.
Le bufte de M. le Marechal de
Coigny nous a paru d'une grande vérité ,
& digne de M. Confton.
Dans le Milon Crotoniate de M.Falconnet
, on a admiré la beauté du deffein , la
jufteffe des contours & la force du cifeau .
Ce morceau de fculpture repréſente un
lion devorant l'athlete . Il remplit à la fois
de terreur & de compaffion . M. Michel-
Ange Slodiz a expofé l'efquiffe d'un grouppe
de la victoire qui ramene la paix ,
d'une très- belle compofition , ainfi que le
projet d'une chaire de Prédicateur pour S.
NOVEMBRE . 1755. 185
Sulpice , qui en fait fouhaiter l'exécution.
Par quelle fatalité les Bouchardons , les
Pigalles fe refufent- ils à nos applaudiffemens
? Faits pour les obtenir tous , nous
priveront- ils encore long- tems des fruits
de leurs cifeaux ? *
* Nous fommes également fondés à former
cette plainte à l'égard de la peinture . M. Boucher
nous a tenu rigueur à ce fallon , de même que M.
Pierre. La plus belle moitié du public a foupiré de
n'y rien voir de ce Peintre aimable , qui eft le fien ,
puifqu'il eft celui des graces & de la beauté. On
foupçonne que ces petits écrits furtifs , que l'envie
ou le befoin produifent contre le talent à chaque
expofition , en font la caufe fecrete . On craint
même que les autres artiftes du premier ordre
comme lui , ne fuivent fon exemple. Tous fe plaignent
, dit- on , que ces fatyres , quelques méprifables
qu'elles foient, font impreffion dans la province
, & y nuifent à leur gloire , comme à leur
intérêt . On voit bien que les Peintres ne font pas
aguerris ainfi que les auteurs. Il est vrai qu'ils
difent pour leurs raifons que les ouvrages de ces
derniers vont partout en même tems que leurs
critiques , & leur fervent de contre-poifon ; au
lieu que leurs tableaux reſtent dans les cabinets
de la capitale , & que les libelles qui les déchirent
, courent feuls la province. La crainte que
j'ai de nous voir privés par là des nouveaux tréfors
dont ces grands Maîtres peuvent nous enrichir
, m'oblige à leur répondre , pour les raffurer,
que la gravure vient à leur fecours . Elle devient
chaque jour fi parfaite , qu'on peut l'appeller une
traduction auffi fidelle qu'élégante de leurs ta
186, MERCURE DE FRANCE.
Le genie de M. Cochin fait pour les délices
de la nation , l'enchante fans l'étonner.
L'imagination & l'agrément animent
à la fois fon crayon & fon burin .
MM. Cars, Surugue , Le Bas , Tardieu ;
Dupuis, & autres artistes anffi diftingués par
leurs talens , ne laiffent rien à defirer
que
de nouvelles productions de leur part. M.
Guay fait revivre le gout antique dont fes
ouvrages ont toute la beauté. Il excelle
dans un art négligé depuis long-tems, mais
cultivé auparavant avec fuccès par ces
bleaux. Elle en rend l'efprit avec les traits ; les
eftampes que fon burin met au jour d'après leur
pinceau , fe répandent dans toute la France , &
font partout leur apologie. Ces Meffieurs m'objecteront
peut-être que leurs grands tableaux ne
font pas traduits , & que d'ailleurs il refte toujours
une partie effentielle fur laquelle ils ne
font pas juftifiés , qui eft la couleur que la gravure
ne peut jamais rendre. Mais pour y fuppléer
les Journaux publics avertiffent les provinces &
même les pays étrangers où ils parviennent , du
mépris qu'on doit faire de ces critiques informes,
& du difcrédit où elles font à Paris . Tous ces petits
faifeurs de brochures peuvent inquietter un
moment nos Appelles françois , ou leur faire
tout au plus une piquure paflagere ; mais ces infectes
n'exiftent qu'un Automne. Le premier
froid de Phyver les tue heureufement & nous en
délivre , tandis que les chefs - d'oeuvres qu'ils attaquent
font confacrés par les années , & durent
éternellement.
NOVEMBRE . 1755. 187
hommes rares qui confacroient leurs travaux
à immortalifer les traits d'un Cefar ,
d'un Trajan . Il en fait un auffi bel ufage
qu'eux. Il les confacre à retracer à la pofterité
ceux d'un Monarque auffi grand que
ces heros. Siecle heureux , où tout concourt
à la gloire des arts , où il fe trouve
des hommes qui les cultivent , des connoiffeurs
qui les aiment , un Mecene qui
les encourage , & un Prince qui les recompenſe
!
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Résumé : PEINTURE. Réflexions sommaires sur les ouvrages exposés au Louvre cette année.
En 1755, le Louvre a accueilli des expositions de peintures, sculptures et gravures, où les artistes cherchaient l'émulation et la reconnaissance des connaisseurs, valorisant les critiques constructives et les éloges mérités. Plusieurs artistes ont été particulièrement remarqués pour leurs œuvres. M. Restout a été loué pour son tableau représentant Jésus-Christ lavant les pieds des Apôtres. M. Carlo Vanloo a été admiré pour ses tableaux du Baptême de Saint Augustin et de Saint Augustin prêchant devant Valère. M. Jeaurat a été apprécié pour ses scènes de la vie populaire. M. Halle a été salué pour son tableau des Disciples d'Emmaüs. M. Vien a été reconnu pour son tableau de Saint Germain et Saint Vincent. M. Chardin a impressionné avec son imitation de bas-relief en bronze. Les portraits de M. Elvetius par Louis-Michel Vanloo, de Madame Henriette de France par Nattier, et de Madame de Pompadour par La Tour ont également été remarqués pour leur ressemblance et leur qualité. M. Bachelier a été félicité pour son tableau en cire représentant la fable du cheval et du loup. M. Vernet a été acclamé pour ses tableaux de vues maritimes et de tempêtes. En sculpture, les œuvres de M. Falconet et de M. Michel-Ange Slodtz ont été admirées. Le texte déplore l'absence de certaines figures emblématiques comme Boucher et Pigalle, attribuant cela à des critiques malveillantes. La gravure a été saluée pour sa capacité à diffuser les œuvres des peintres et à contrer les critiques provinciales. Enfin, le texte célèbre un siècle où les arts sont cultivés, aimés, encouragés et récompensés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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68
p. *220-220
« Il paroît un livre intéressant: mais comme il nous a été envoyé [...] »
Début :
Il paroît un livre intéressant: mais comme il nous a été envoyé [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Nouvelle parution
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Il paroît un livre intéressant: mais comme il nous a été envoyé [...] »
IL paroît un livre intéreſſant : mais comme
il nous a été envoyé trop tard pour être
annoncé dans la partie littéraire de ce Mercure,
nous avons cru devoir l'indiquer dans
les nouvelles. Il a pour titre , La Conduite
des François juftifiée , ou Obſervations fur un
écrit Anglois intitulé , Conduite des François
à l'égard de la nouvelle Ecoffe , depuis
fon premier établiſſement juſqu'à nos jours ;
par le S. D. L. G. D. C. Avocat en Parlement
. Prix 2 liv. A Utrecht , & il fe trouve
à Paris , chez le Breton , rue de la Harpe.
il nous a été envoyé trop tard pour être
annoncé dans la partie littéraire de ce Mercure,
nous avons cru devoir l'indiquer dans
les nouvelles. Il a pour titre , La Conduite
des François juftifiée , ou Obſervations fur un
écrit Anglois intitulé , Conduite des François
à l'égard de la nouvelle Ecoffe , depuis
fon premier établiſſement juſqu'à nos jours ;
par le S. D. L. G. D. C. Avocat en Parlement
. Prix 2 liv. A Utrecht , & il fe trouve
à Paris , chez le Breton , rue de la Harpe.
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Résumé : « Il paroît un livre intéressant: mais comme il nous a été envoyé [...] »
Le livre 'La Conduite des François juftifiée' de l'avocat S. D. L. G. D. C. répond à un écrit anglais critiquant la conduite des Français en Nouvelle-Écosse. Prix : deux livres. Disponible à Utrecht et Paris chez le libraire Breton. Annonce tardive dans la section des nouvelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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69
p. *231-231
SUPPLÉMENT AUX NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Début :
Jean-Thomas Hérissant, Libraire, rue S. Jacques, à Saint Paul & [...]
Mots clefs :
Nouvelle parution, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT AUX NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SUPPLEMENT
AUX NOUVELLES LITTÉRAIres .
EAN - THOMAS Hériſſant , Libraire , rue
S. Jacques , à Saint Paul & à Saint Hilaire,
vient de mettre fous- preffe l'Abrégé chronologique
de l'Hiftoire d'Espagne & de Portugal
, ouvrage fort avancé par M. le Préfident
Hénault , & continué par M. Macquer
, à qui M. le Préfident Hénault a
remis fon manufcrit.
AUX NOUVELLES LITTÉRAIres .
EAN - THOMAS Hériſſant , Libraire , rue
S. Jacques , à Saint Paul & à Saint Hilaire,
vient de mettre fous- preffe l'Abrégé chronologique
de l'Hiftoire d'Espagne & de Portugal
, ouvrage fort avancé par M. le Préfident
Hénault , & continué par M. Macquer
, à qui M. le Préfident Hénault a
remis fon manufcrit.
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70
p. 205
LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
Début :
L'ouvrage que j'ai donné au Public, Monsieur, est trop étendu pour qu'il ne s'y [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Supplément, Libraire, Corrections, Familles nobles, Édition
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire béraldique
, chronologique & hiftorique, à l'Auteur
du Mercure , fur la Maifon du Chaftel.
L'OUVRAG
' OUVRAGE que j'ai donné au Public , Mon
fieur , eft trop érendu pour qu'il ne s'y trouve pas
beaucoup de fautes , & trop intéreffant pour que
je ne m'empreffe pas de les réparer. C'est pour
remplir cette vue , que je vais faire imprimer un
fupplément , qui contiendra un nombre affez confidérable
de corrections néceffaires , & de nouveaux
articles de beaucoup de familles Nobles de
différens endroits du Royaume , qui me font
parvenus par la voie du Libraire . Mais comme
Pédition demande encore quelque temps pour
être achevée , je ne dois pas attendre jufques- là à'
reconnoître publiquement entr'autres erreurs ,
celle dans laquelle je fuis tombé fur une des plus
illuftres Maifons du Royaume , que j'avois crue
éteinte fur la foi de quelques mauvais Mémoires,
Celui que j'ai l'honneur de vous envoyer eft plus
correct ; il eft prouvé fur des titres dont il feroit
aifé de prouver l'authenticité. Je vous prie de l'inférer
dans le Mercure prochain .
J'ai l'honneur d'être , &c.
· A Paris , ce 21 Novembre 1757-
, chronologique & hiftorique, à l'Auteur
du Mercure , fur la Maifon du Chaftel.
L'OUVRAG
' OUVRAGE que j'ai donné au Public , Mon
fieur , eft trop érendu pour qu'il ne s'y trouve pas
beaucoup de fautes , & trop intéreffant pour que
je ne m'empreffe pas de les réparer. C'est pour
remplir cette vue , que je vais faire imprimer un
fupplément , qui contiendra un nombre affez confidérable
de corrections néceffaires , & de nouveaux
articles de beaucoup de familles Nobles de
différens endroits du Royaume , qui me font
parvenus par la voie du Libraire . Mais comme
Pédition demande encore quelque temps pour
être achevée , je ne dois pas attendre jufques- là à'
reconnoître publiquement entr'autres erreurs ,
celle dans laquelle je fuis tombé fur une des plus
illuftres Maifons du Royaume , que j'avois crue
éteinte fur la foi de quelques mauvais Mémoires,
Celui que j'ai l'honneur de vous envoyer eft plus
correct ; il eft prouvé fur des titres dont il feroit
aifé de prouver l'authenticité. Je vous prie de l'inférer
dans le Mercure prochain .
J'ai l'honneur d'être , &c.
· A Paris , ce 21 Novembre 1757-
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Résumé : LETTRE de l'Auteur du Dictionnaire héraldique, chronologique & historique, à l'Auteur du Mercure, sur la Maison du Chastel.
Un auteur de dictionnaire béraldique, chronologique et historique écrit à l'auteur du Mercure pour signaler des erreurs dans son ouvrage. Il reconnaît que son livre, bien que volumineux et intéressant, contient des fautes qu'il souhaite corriger. Pour ce faire, il prépare un supplément incluant des corrections et de nouveaux articles sur des familles nobles de diverses régions du royaume, obtenus via le libraire. Cependant, l'édition du supplément nécessitant du temps, l'auteur décide de corriger publiquement certaines erreurs dès à présent. Il mentionne une erreur concernant une illustre maison du royaume qu'il croyait éteinte, basée sur des mémoires erronés. Il fournit une version corrigée, appuyée par des titres authentiques, et demande à l'auteur du Mercure de l'insérer dans la prochaine édition. La lettre est datée du 21 novembre 1757.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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71
p. 215-216
AVIS DIVERS.
Début :
L'Auteur de l'ouvrage qui a pour titre l'Architecture des Anciens, [...]
Mots clefs :
Auteur, Ouvrage, Souscriptions, Architecture
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texteReconnaissance textuelle : AVIS DIVERS.
AVIS DIVERS,
L'AUTEUR de l'ouvrage qui a pour titre l'Archi
tecture des Anciens, développée dans les vraies pro216
MERCURE DE FRANCE.
portions , qui doit s'imprimer par foufcription
chez Jombert Imprimeur & Libraire rue Dauphine
, donne avis au Public , que les deniers des
foufcriptions jufqu'à préfent reçus , n'étant pas
fuffifant pour remplir l'objet des planches & gravures
de cet important ouvrage , on continuera
de recevoir les foufcriptions chez ledit fieur Jombert
, juſqu'au premier Mai prochain.
L'AUTEUR de l'ouvrage qui a pour titre l'Archi
tecture des Anciens, développée dans les vraies pro216
MERCURE DE FRANCE.
portions , qui doit s'imprimer par foufcription
chez Jombert Imprimeur & Libraire rue Dauphine
, donne avis au Public , que les deniers des
foufcriptions jufqu'à préfent reçus , n'étant pas
fuffifant pour remplir l'objet des planches & gravures
de cet important ouvrage , on continuera
de recevoir les foufcriptions chez ledit fieur Jombert
, juſqu'au premier Mai prochain.
Fermer
Résumé : AVIS DIVERS.
L'auteur de 'L'Architecture des Anciens, développée dans les vraies proportions' annonce que les fonds recueillis par souscription sont insuffisants pour les planches et gravures. Les souscriptions sont prolongées jusqu'au 1er mai chez Jombert, rue Dauphine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 216
« Le Sieur Laigle, Marchand, rue des Carmes à Rouen avertit Messieurs [...] »
Début :
Le Sieur Laigle, Marchand, rue des Carmes à Rouen avertit Messieurs [...]
Mots clefs :
Marchand, Musique, Ouvrage
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texteReconnaissance textuelle : « Le Sieur Laigle, Marchand, rue des Carmes à Rouen avertit Messieurs [...] »
LE SIEUR Laigle , Marchand , rue des Carme à
Rouen avertit Meffieurs les Auteurs de Mufique ,
que depuis vingt années il fait feul le commerce
de la Mufique , dans ladite Ville , & que pour
rendre fon Magazin plus complet & plus général
, & leur procurer par- là un plus grand débit
de leurs ouvrages , il recevra pour.leur compte ,
celle qu'ils voudront lui envoyer. Ils auront la
bonté de s'adreffer à Paris , à M. Bordet , Maître
de Flute Traverfiere , rue S. Denys , prefque vià-
vis le paffage de l'ancien Grand - Cerf , la porte
cochere à côté d'un Epinglier , à qui l'on adreſfera
les lettres ou paquets francs de portspour
Rouen avertit Meffieurs les Auteurs de Mufique ,
que depuis vingt années il fait feul le commerce
de la Mufique , dans ladite Ville , & que pour
rendre fon Magazin plus complet & plus général
, & leur procurer par- là un plus grand débit
de leurs ouvrages , il recevra pour.leur compte ,
celle qu'ils voudront lui envoyer. Ils auront la
bonté de s'adreffer à Paris , à M. Bordet , Maître
de Flute Traverfiere , rue S. Denys , prefque vià-
vis le paffage de l'ancien Grand - Cerf , la porte
cochere à côté d'un Epinglier , à qui l'on adreſfera
les lettres ou paquets francs de portspour
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Résumé : « Le Sieur Laigle, Marchand, rue des Carmes à Rouen avertit Messieurs [...] »
Le sieur Laigle, marchand de musique à Rouen, propose d'enrichir son magasin en vendant les compositions des auteurs. Ces derniers peuvent contacter M. Bordet, maître de flûte traversière à Paris, pour envoyer leurs œuvres sans frais de port.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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73
p. 209-210
« Le sieur Laigle Marchand rue Carmes à Rouen, avertit Messieurs les Auteurs [...] »
Début :
Le sieur Laigle Marchand rue Carmes à Rouen, avertit Messieurs les Auteurs [...]
Mots clefs :
Marchand, Auteurs de musique, Magasin, Ouvrage
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texteReconnaissance textuelle : « Le sieur Laigle Marchand rue Carmes à Rouen, avertit Messieurs les Auteurs [...] »
Le ſieur Laigle Marchand rue des Carmes à
Rouen, avertit Meſſieurs les Auteurs de Muſique,
que depuis vingt années il fait ſeul ce commerce
dans ladite, Ville & que pour rendre ſon Ma
gaſin plus complet & plus général, & leur pro
curer par-la un plus grand débit de leurs Ou- .
vrages, il recevra pour leur compte celle qu'ils
voudront lui envoyer , ils auront la bonté de
s'adreſſer à Paris à M. Bordet Maître de Flute
Traverſiere, rue S. Denis, preſque vis-à-vis le
paſſage de l'ancien Grand-Cerf, la porte Cochere
-
2 I o M E R C U R E DE F RAN C E.
à côté d'un † à qui l'on adreſſera les Let
tTeS Ou paquets trancs de ports.
Rouen, avertit Meſſieurs les Auteurs de Muſique,
que depuis vingt années il fait ſeul ce commerce
dans ladite, Ville & que pour rendre ſon Ma
gaſin plus complet & plus général, & leur pro
curer par-la un plus grand débit de leurs Ou- .
vrages, il recevra pour leur compte celle qu'ils
voudront lui envoyer , ils auront la bonté de
s'adreſſer à Paris à M. Bordet Maître de Flute
Traverſiere, rue S. Denis, preſque vis-à-vis le
paſſage de l'ancien Grand-Cerf, la porte Cochere
-
2 I o M E R C U R E DE F RAN C E.
à côté d'un † à qui l'on adreſſera les Let
tTeS Ou paquets trancs de ports.
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Résumé : « Le sieur Laigle Marchand rue Carmes à Rouen, avertit Messieurs les Auteurs [...] »
Le sieur Laigle, résidant à Rouen, est le seul commerçant de musique depuis vingt ans. Il propose aux auteurs de musique de lui envoyer leurs œuvres pour enrichir son magasin. Les auteurs doivent contacter M. Bordet, maître de flûte, à Paris, rue Saint-Denis, pour envoyer leurs lettres ou paquets, frais de port inclus.
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74
p. 223-224
« Le nouveau Systême que j'ai déja annoncé au mois de Novembre 1758, pour apprendre la Langue [...] »
Début :
Le nouveau Systême que j'ai déja annoncé au mois de Novembre 1758, pour apprendre la Langue [...]
Mots clefs :
Apprentissage, Latin, Raisonnement, Jeux, Entretien, Méthode, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le nouveau Systême que j'ai déja annoncé au mois de Novembre 1758, pour apprendre la Langue [...] »
Le nouveau Syſtême que j'ai déja annoncé au
224 MERCURE DE FRANCE.
mois de Novembre 1758 , pour apprendre la
Langue Latine de trois manieres différentes ,
par raifonnement , par jeux , & par entretiens ,
&c. Se vend actuellement à Paris chez Defpilly
Libraire , rue Saint Jacques , ' à la vieille
Pofte , vis-a- vis la rue du Plâtre; & à Troyes chez
Jean Garnier , Imprimeur Libraire rue du Temple.
Je parlerai dans la fuite plus amplement de
cette méthode , en faiſant part au Public d'une
differtation que M. le Roux Auteur de ce Syſtême
m'a remiſe , & dont il a fait mention dans la
réponſe à la critique de fon Livre.
224 MERCURE DE FRANCE.
mois de Novembre 1758 , pour apprendre la
Langue Latine de trois manieres différentes ,
par raifonnement , par jeux , & par entretiens ,
&c. Se vend actuellement à Paris chez Defpilly
Libraire , rue Saint Jacques , ' à la vieille
Pofte , vis-a- vis la rue du Plâtre; & à Troyes chez
Jean Garnier , Imprimeur Libraire rue du Temple.
Je parlerai dans la fuite plus amplement de
cette méthode , en faiſant part au Public d'une
differtation que M. le Roux Auteur de ce Syſtême
m'a remiſe , & dont il a fait mention dans la
réponſe à la critique de fon Livre.
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Résumé : « Le nouveau Systême que j'ai déja annoncé au mois de Novembre 1758, pour apprendre la Langue [...] »
Le texte présente un nouveau système pour apprendre le latin par raisonnement, jeux et entretiens. Il est disponible à Paris chez Defpilly, rue Saint Jacques, et à Troyes chez Jean Garnier, rue du Temple. L'auteur prévoit de détailler cette méthode via une dissertation de M. le Roux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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75
p. 225
« L'Europe vivante & mourante, ou Tableau annuel des principales Cours de [...] »
Début :
L'Europe vivante & mourante, ou Tableau annuel des principales Cours de [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Nouvelle parution, Suite, Europe, États
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Europe vivante & mourante, ou Tableau annuel des principales Cours de [...] »
L'Europe vivante & mourante , ои Tableau
annuel des principales Cours de l'Europe , ſuite du
Memorial de Chronologie , généalogique & hiftorique.
Année 1719. A Bruxelles , chez Erançois
Foppens , au Saint - Elprit , & ſe trouve à
Paris chez Debure l'aîné , Quai des Auguftins.
Ce petit Ouvrage n'eft qu'une fuite du Livre
qui a paru annuellement en 1747, 1748 & 1749,
fous le titre d'Almanach généalogique & hiftorique
, & qui a été continué depuis 1752 ju
qu'en 1755 , fous celui de Mémorial de Chronologie,
généalogique & hiftorique ; mais avec des
différences qui en ont fait chaque année un Livre
différent.
annuel des principales Cours de l'Europe , ſuite du
Memorial de Chronologie , généalogique & hiftorique.
Année 1719. A Bruxelles , chez Erançois
Foppens , au Saint - Elprit , & ſe trouve à
Paris chez Debure l'aîné , Quai des Auguftins.
Ce petit Ouvrage n'eft qu'une fuite du Livre
qui a paru annuellement en 1747, 1748 & 1749,
fous le titre d'Almanach généalogique & hiftorique
, & qui a été continué depuis 1752 ju
qu'en 1755 , fous celui de Mémorial de Chronologie,
généalogique & hiftorique ; mais avec des
différences qui en ont fait chaque année un Livre
différent.
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Résumé : « L'Europe vivante & mourante, ou Tableau annuel des principales Cours de [...] »
Le document 'L'Europe vivante & mourante' est une publication annuelle sur les principales cours européennes. Il succède au 'Mémorial de Chronologie, généalogique & historique' et a été publié pour la première fois en 1719 à Bruxelles et Paris. Il a également été édité sous le titre 'Almanach généalogique & historique' en 1747, 1748 et 1749, puis de 1752 à 1755. Chaque édition diffère, rendant chaque livre unique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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76
p. 212-215
« L[e] sieur Keyser a l'honneur de prévenir le Public, qu'ayant été attaqué de nouveau dans [...] »
Début :
L[e] sieur Keyser a l'honneur de prévenir le Public, qu'ayant été attaqué de nouveau dans [...]
Mots clefs :
M. Keyser, Attaque, Ouvrage, Défense, Vérité, Remède, Académie des sciences, Composants, Effets secondaires, Certificats, Cure, Palliatif, Maréchal de Biron, Témoignages de patients, Dragées
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L[e] sieur Keyser a l'honneur de prévenir le Public, qu'ayant été attaqué de nouveau dans [...] »
Lfeur
Keyfer
a
l'honneur
de
prévenir
le
P
blic
,
qu'ayant
été
attaqué
de nouveau
dans
un
Livre
,
qui a
pour
titre
,
Traité
des
Tumeurs
&
Ulceres
,
de
la
façon
la
plus
injufte
&
la
pl
légere
,
il
vient d'y
répondre par
un
écrit
part
culier
qui
fe
trouve chez
le fieur
Delornel
Mar
chand
Libraire
,
rue du
Foin
;
il
le ſupplie
de
lit
attentivement
les
objets
de
défenſes
, d'obfervet
la
vérité
&
l'autenticité
des
Certificats
qu'il
a
pro
duit
,
&
d'être
perfuadé
qu'il
n'y a
rien
avant
qu'il
ne
foit
en
état
de prouver
aux
yeux
de
tou
l'Univers
: il
n'a
jufqu'ici
combattu
tous
fes
Ad
verfaires
qu'avec
les
armes de
la
vérité
; il
cre
être
au
moment de
les faire taire
pour
toujours
,
AOUST
.
1759
.
213
&
l'Académie
des
Sciences
,
qui veut
bien être
ſon
Juge
,
prononcera
bientôt
fur
la
compofition
defon
remède
,
fur
les
effets
&
fon
efficacité
;
cette
Académie
ayant
déja
nominé
pour
cela
des
Com-
miffaires
dont
les
talens
,
les
lumières
&
la
haute
réputation
ne
lui
laiſſent
rien
à
defirer
.
En
atten-
´
dant
il
croit
devoir
donner
ici
l'Extrait
court
&
fuccinct
de
la
dernière attaque qui
lui
a
été
faite
de
la
part
de
l'Auteur
anonyme du
Traité des
Tumeurs
,
&
celui
de
la
réponſe
qu'il
a
faite
.
Premièrement
,
fon
Aggrelleur
foupçonne
,
préfume
,
&
quoiqu'il
n'en
convienne
point
,
conclut
même
qu'il
doit
entrer
du
Sublimé
cor-
rofif
dans
la
compofition
de
fon
remède
.
Il
rap-
porte
pour
appuyer
les
conjectures
&
les
foupçons
une
expérience
frivole
; il
donne
les
raisons
les
plus
fuperficielles
;
il
cherche
à
perfuader
,
&
par
conféquent
il
effraye
injuftement
le
Public
.
A cela le fieur Keyſer répond par des analyſes
aurentiques faites à Paris & dans les Provinces par
les plus habiles Gens de l'Art. Tous atteſtent n'a-
voir trouvé dans la décompofition de fon reméde,
aucun atôme de Sublimé. Par conféquent l'impu-
tation tombe d'elle-même. On a fçu meme depuis
que l'Anonyme s'en étoit affuré par fes propres
expériences , & qu'il étoit convenu qu'il n'y avoit
point de Sublimé.
Secondement , l'Anonyme fe déchaîne contre
les effets du reméde. A le croire ce ne font que
nauſies , vomiſlemens , coliques , inflammations ,
effets pernicieux , funefles &c.
A cela le fieur Keyſer répond en offrant de
-préfenter à l'Anonime ( ne pouvant citer mille au❤
tres malades qu'il a traités , qu'il a bien guéris ,
& qui fe portent à merveille j 400 Soldats guéris
dans l'Hôpital de Monfi ur le Maréchal de Bi-
ron ; il produir les Certificats les plus autenti-
ques de Paris , & de la Province. Tous les Gens
£
14
MERCURE
DE
FRANCE
.
de
l'Art
qui
les
ont
donnés
atteſtent après
avoit
traité
avec
fon
reméde
les
uns to
Malades
,
les autres
30
,
ainſi
du
reſte
,
n'en
avoir
jamzi
vû
réſulter
le
moindre
accident
.
Par
conséquen
F'Anonyme
qui
ne
connoît point
le
reméde
,
qui
n'a jamais
traité
avec
,
qui
n'a
même
vû
traiter
perfonne
,
a
feul
vû
tous ces
mauvais
effets
.
Que
répondre à
cela
? Le
Public
jugera
fi
les
témoigna
ges
de
plus
de
cent perfonnes
habiles
dans
l'Ar
de
la
Médecine
,
&
de
la
Chirurgie
,
connues
pour
les plus
honnêtes
gens
,
peuvent
avoir
été
toutes
gagnées pour
s'accorder
à
dire
un
bien
général
d'une chofe
auffi
dangereufe
,
&
furtout
lorfque
l'on
prouve
qu'il
n'eft
pas
mort
en
feul
homme
far quatre
cens
.
D'ailleurs
comme
il
vient
d'être
démontré
dans
l'Article
précédent
qu'il n'y a
pas
de Sublimé
corrofif
,
il
eſt
clair
que
les
effets da
reméde
ne
peuvent
être
tels
que
l'Anonyme
les
fuppofe
.
Troifiémement
,
l'Anonyme
ne
s'en
tient
pas
là
,
il
veut encore
que
le
reméde
foit
infuffifant
,
que
les
cures
prétendues
ne
foient
que
palliatives
,
&
qu'il
faut
en
revenir
aux
frictions
&
c
.
A
cela
le fieur
Keyſer
offre
encore de
préfente
fes
400
Soldats
pour
fubir
l'examen
de
l'Anonyme
lui
-
même
,
il
produit
les
Certificats
de
perfonne
habiles
qui
atteftent
qu'il
s'en
eft fait
chaque
an
née
depuis quatre ans
une
revue générale
,
que
les guérifons
fe
font trouvées conftantes
&
foli-
des
que
les
Soldats
jouiffent
de
la
meilleure
fanté
.
Tous
les
Correfpóndans
du
feur
Keyſer
qui
ont
traité
une
multitude
de Malades
,
difent
la
même
choſe
;
perfonne ne
vient
le
plaindre
d'avoir
été
manqué
.
M.
le Maréchal de Biron
,
fi
connu par
fon
amour
pour
la vérité
,
pour
la
juftice
&
pour
le
bien public
,
veut bien appuyer
toutes ces preuves
AOUST
.
1759
.
211de
fon
témoignage
.
Il
a
en
main
les
originaux
de
tous
les
Certificats
;
il
va
les
dépofer
de
la
part
du
Roi
entre
les
mains
de l'Académie
.
Enfin
le
feur
Keyſer
offre
à
l'Anonyme
de
traiter
ſous
les
yeur
douze Malades
qu'il
choifira
lui
-
même
,
&
de
ne
pas
leur
donner une
ſeule
dragée
qu'en ſa
préſence
:
il
ſupplie
l'Académie
de
nommer
des
Commiflaires
pour
en
faire
autant
fous
leurs
yeux
.
Que
peut
-
il
faire
de
plus
?
&
comment
ſe
refuſer
à
des preuves
de
cette
force
?
Keyfer
a
l'honneur
de
prévenir
le
P
blic
,
qu'ayant
été
attaqué
de nouveau
dans
un
Livre
,
qui a
pour
titre
,
Traité
des
Tumeurs
&
Ulceres
,
de
la
façon
la
plus
injufte
&
la
pl
légere
,
il
vient d'y
répondre par
un
écrit
part
culier
qui
fe
trouve chez
le fieur
Delornel
Mar
chand
Libraire
,
rue du
Foin
;
il
le ſupplie
de
lit
attentivement
les
objets
de
défenſes
, d'obfervet
la
vérité
&
l'autenticité
des
Certificats
qu'il
a
pro
duit
,
&
d'être
perfuadé
qu'il
n'y a
rien
avant
qu'il
ne
foit
en
état
de prouver
aux
yeux
de
tou
l'Univers
: il
n'a
jufqu'ici
combattu
tous
fes
Ad
verfaires
qu'avec
les
armes de
la
vérité
; il
cre
être
au
moment de
les faire taire
pour
toujours
,
AOUST
.
1759
.
213
&
l'Académie
des
Sciences
,
qui veut
bien être
ſon
Juge
,
prononcera
bientôt
fur
la
compofition
defon
remède
,
fur
les
effets
&
fon
efficacité
;
cette
Académie
ayant
déja
nominé
pour
cela
des
Com-
miffaires
dont
les
talens
,
les
lumières
&
la
haute
réputation
ne
lui
laiſſent
rien
à
defirer
.
En
atten-
´
dant
il
croit
devoir
donner
ici
l'Extrait
court
&
fuccinct
de
la
dernière attaque qui
lui
a
été
faite
de
la
part
de
l'Auteur
anonyme du
Traité des
Tumeurs
,
&
celui
de
la
réponſe
qu'il
a
faite
.
Premièrement
,
fon
Aggrelleur
foupçonne
,
préfume
,
&
quoiqu'il
n'en
convienne
point
,
conclut
même
qu'il
doit
entrer
du
Sublimé
cor-
rofif
dans
la
compofition
de
fon
remède
.
Il
rap-
porte
pour
appuyer
les
conjectures
&
les
foupçons
une
expérience
frivole
; il
donne
les
raisons
les
plus
fuperficielles
;
il
cherche
à
perfuader
,
&
par
conféquent
il
effraye
injuftement
le
Public
.
A cela le fieur Keyſer répond par des analyſes
aurentiques faites à Paris & dans les Provinces par
les plus habiles Gens de l'Art. Tous atteſtent n'a-
voir trouvé dans la décompofition de fon reméde,
aucun atôme de Sublimé. Par conféquent l'impu-
tation tombe d'elle-même. On a fçu meme depuis
que l'Anonyme s'en étoit affuré par fes propres
expériences , & qu'il étoit convenu qu'il n'y avoit
point de Sublimé.
Secondement , l'Anonyme fe déchaîne contre
les effets du reméde. A le croire ce ne font que
nauſies , vomiſlemens , coliques , inflammations ,
effets pernicieux , funefles &c.
A cela le fieur Keyſer répond en offrant de
-préfenter à l'Anonime ( ne pouvant citer mille au❤
tres malades qu'il a traités , qu'il a bien guéris ,
& qui fe portent à merveille j 400 Soldats guéris
dans l'Hôpital de Monfi ur le Maréchal de Bi-
ron ; il produir les Certificats les plus autenti-
ques de Paris , & de la Province. Tous les Gens
£
14
MERCURE
DE
FRANCE
.
de
l'Art
qui
les
ont
donnés
atteſtent après
avoit
traité
avec
fon
reméde
les
uns to
Malades
,
les autres
30
,
ainſi
du
reſte
,
n'en
avoir
jamzi
vû
réſulter
le
moindre
accident
.
Par
conséquen
F'Anonyme
qui
ne
connoît point
le
reméde
,
qui
n'a jamais
traité
avec
,
qui
n'a
même
vû
traiter
perfonne
,
a
feul
vû
tous ces
mauvais
effets
.
Que
répondre à
cela
? Le
Public
jugera
fi
les
témoigna
ges
de
plus
de
cent perfonnes
habiles
dans
l'Ar
de
la
Médecine
,
&
de
la
Chirurgie
,
connues
pour
les plus
honnêtes
gens
,
peuvent
avoir
été
toutes
gagnées pour
s'accorder
à
dire
un
bien
général
d'une chofe
auffi
dangereufe
,
&
furtout
lorfque
l'on
prouve
qu'il
n'eft
pas
mort
en
feul
homme
far quatre
cens
.
D'ailleurs
comme
il
vient
d'être
démontré
dans
l'Article
précédent
qu'il n'y a
pas
de Sublimé
corrofif
,
il
eſt
clair
que
les
effets da
reméde
ne
peuvent
être
tels
que
l'Anonyme
les
fuppofe
.
Troifiémement
,
l'Anonyme
ne
s'en
tient
pas
là
,
il
veut encore
que
le
reméde
foit
infuffifant
,
que
les
cures
prétendues
ne
foient
que
palliatives
,
&
qu'il
faut
en
revenir
aux
frictions
&
c
.
A
cela
le fieur
Keyſer
offre
encore de
préfente
fes
400
Soldats
pour
fubir
l'examen
de
l'Anonyme
lui
-
même
,
il
produit
les
Certificats
de
perfonne
habiles
qui
atteftent
qu'il
s'en
eft fait
chaque
an
née
depuis quatre ans
une
revue générale
,
que
les guérifons
fe
font trouvées conftantes
&
foli-
des
que
les
Soldats
jouiffent
de
la
meilleure
fanté
.
Tous
les
Correfpóndans
du
feur
Keyſer
qui
ont
traité
une
multitude
de Malades
,
difent
la
même
choſe
;
perfonne ne
vient
le
plaindre
d'avoir
été
manqué
.
M.
le Maréchal de Biron
,
fi
connu par
fon
amour
pour
la vérité
,
pour
la
juftice
&
pour
le
bien public
,
veut bien appuyer
toutes ces preuves
AOUST
.
1759
.
211de
fon
témoignage
.
Il
a
en
main
les
originaux
de
tous
les
Certificats
;
il
va
les
dépofer
de
la
part
du
Roi
entre
les
mains
de l'Académie
.
Enfin
le
feur
Keyſer
offre
à
l'Anonyme
de
traiter
ſous
les
yeur
douze Malades
qu'il
choifira
lui
-
même
,
&
de
ne
pas
leur
donner une
ſeule
dragée
qu'en ſa
préſence
:
il
ſupplie
l'Académie
de
nommer
des
Commiflaires
pour
en
faire
autant
fous
leurs
yeux
.
Que
peut
-
il
faire
de
plus
?
&
comment
ſe
refuſer
à
des preuves
de
cette
force
?
Fermer
Résumé : « L[e] sieur Keyser a l'honneur de prévenir le Public, qu'ayant été attaqué de nouveau dans [...] »
Le sieur Keyfer a publié une déclaration en réponse à une attaque dans un livre intitulé 'Traité des Tumeurs & Ulcères'. Il a rédigé une réponse disponible chez le libraire Delornel et invite le public à examiner les preuves et certificats qu'il a fournis pour appuyer ses affirmations. Keyfer affirme n'avoir jamais utilisé d'autres moyens que la vérité pour se défendre et se dit prêt à faire taire ses détracteurs. L'Académie des Sciences, chargée de juger de la composition et de l'efficacité de son remède, a nommé des commissaires compétents. En attendant leur verdict, Keyfer présente un extrait de la dernière attaque et de sa réponse. L'auteur anonyme du 'Traité des Tumeurs' accuse Keyfer d'utiliser du sublimé corrosif dans son remède. Keyfer réfute cette accusation en produisant des analyses authentiques réalisées par des experts, confirmant l'absence de sublimé. L'anonyme critique également les effets du remède, les qualifiant de pernicieux et funestes. Keyfer répond en offrant de présenter 400 soldats guéris à l'hôpital de Montsurr, sous la supervision du Maréchal de Biron, ainsi que des certificats authentiques de médecins et chirurgiens attestant de l'efficacité et de la sécurité de son remède. Il propose également de traiter douze malades choisis par l'anonyme sous la supervision de l'Académie des Sciences pour prouver l'efficacité de son remède.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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77
p. 215-216
« Le favorable accueil que l'on fait à l'objet de ce Catalogue [...] »
Début :
Le favorable accueil que l'on fait à l'objet de ce Catalogue [...]
Mots clefs :
Intérêt, Ouvrage, Mémoires, Histoire, Généalogie, Catalogue, Titre de noblesse
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texteReconnaissance textuelle : « Le favorable accueil que l'on fait à l'objet de ce Catalogue [...] »
Le favorable accueil que l'on fait à l'objet de
ce Catalogue engage l'Auteur à rendre publics
fes Mémoires pour fervir à l'Hiftoire générale &
particulière du Royaume & à l'Hiftoire généalogique
des familles il eft garant de tous les
faits qui fe trouvent dans l'ouvrage , & il n'y en
aucun dont il ne produife le titre original, tou
tes les fois qu'il en fera befoin .
1
Cet ouvrage que l'on tranfcrit à préfent , contient
le Catalogue d'un grand nombre d'Archevêques
, Evêques , Abbés , Abbeffes , Prieurs ,
Prieures , Gentilshommes ordinaires de la Cham-
-bre & de la Maifon de nos Rois , de leurs Gentilshommes
fervans, de leurs Ecuyers ordinaires
des Ecuyers de leur écurie , de leurs Panetiers or
dinaires , de leurs Valets tranchans , des Gouverneurs
ou Capitaines de Provinces , de Villes
& de Châteaux forts , des Baillifs d'Épée , des
Châtelains , des Maîtres des Eaux & Forêts , des
· Médecins de nos Rois , des Intendans de leurs
écuries & livrées , des grands Fauconniers & des
Gentilshommes & Tréforiers de la Fauconnerie
-de France , des Sénéchaux , des Verdiers & des
Viguiers. Cer Ouvrage fera encore enrichi d'anecdotes
curieufes & intéreffantes prifes dans les
216 MERCURE DE FRANCE.
titres originaux ou dans les ouvrages des meil
leurs Auteurs qui feront cités exactement ; l'Auteur
fe propofe d'en faire imprimer le premier '
volume dans le courant du mois de Février prochain
les Familles qui ont droit d'y être nommées
pourront s'adreffer à lui : Sa demeure eft
à Paris , vielle rue du Temple , près de l'Hôtel de
Soubife dans la maifon de M.Tallart Apothicaire ;
l'Auteur ne recevra à ce fujet ni mémoires ni copies
quoiqu'en forme probante . Il les reſpecte ,
mais il n'en fera pas ufage ; il exige néceffairement
les titres originaux. Le Public éclairé connoit
combien cette précaution eft indifpenfable , &
combien un femblable ouvrage eft intéreffant.
On s'apperçoit que ce qui le rend encore recommandable
, c'eft qu'on n'y trouvera aucun fait
qui ne foit fondé en preuve autentique.
ce Catalogue engage l'Auteur à rendre publics
fes Mémoires pour fervir à l'Hiftoire générale &
particulière du Royaume & à l'Hiftoire généalogique
des familles il eft garant de tous les
faits qui fe trouvent dans l'ouvrage , & il n'y en
aucun dont il ne produife le titre original, tou
tes les fois qu'il en fera befoin .
1
Cet ouvrage que l'on tranfcrit à préfent , contient
le Catalogue d'un grand nombre d'Archevêques
, Evêques , Abbés , Abbeffes , Prieurs ,
Prieures , Gentilshommes ordinaires de la Cham-
-bre & de la Maifon de nos Rois , de leurs Gentilshommes
fervans, de leurs Ecuyers ordinaires
des Ecuyers de leur écurie , de leurs Panetiers or
dinaires , de leurs Valets tranchans , des Gouverneurs
ou Capitaines de Provinces , de Villes
& de Châteaux forts , des Baillifs d'Épée , des
Châtelains , des Maîtres des Eaux & Forêts , des
· Médecins de nos Rois , des Intendans de leurs
écuries & livrées , des grands Fauconniers & des
Gentilshommes & Tréforiers de la Fauconnerie
-de France , des Sénéchaux , des Verdiers & des
Viguiers. Cer Ouvrage fera encore enrichi d'anecdotes
curieufes & intéreffantes prifes dans les
216 MERCURE DE FRANCE.
titres originaux ou dans les ouvrages des meil
leurs Auteurs qui feront cités exactement ; l'Auteur
fe propofe d'en faire imprimer le premier '
volume dans le courant du mois de Février prochain
les Familles qui ont droit d'y être nommées
pourront s'adreffer à lui : Sa demeure eft
à Paris , vielle rue du Temple , près de l'Hôtel de
Soubife dans la maifon de M.Tallart Apothicaire ;
l'Auteur ne recevra à ce fujet ni mémoires ni copies
quoiqu'en forme probante . Il les reſpecte ,
mais il n'en fera pas ufage ; il exige néceffairement
les titres originaux. Le Public éclairé connoit
combien cette précaution eft indifpenfable , &
combien un femblable ouvrage eft intéreffant.
On s'apperçoit que ce qui le rend encore recommandable
, c'eft qu'on n'y trouvera aucun fait
qui ne foit fondé en preuve autentique.
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Résumé : « Le favorable accueil que l'on fait à l'objet de ce Catalogue [...] »
Le texte présente un catalogue et des mémoires visant à documenter l'histoire générale et particulière du Royaume ainsi que l'histoire généalogique des familles. L'auteur assure l'authenticité des faits relatés et s'engage à fournir les titres originaux si nécessaire. L'ouvrage inclut un catalogue de diverses personnalités, telles que des archevêques, évêques, abbés, abbesses, prieurs, prieures, gentilshommes de la chambre et de la maison des rois, écuyers, gouverneurs, baillis, châtelains, médecins, intendants, fauconniers, sénéchaux, verdiers et viguiers. Il sera enrichi d'anecdotes tirées des titres originaux ou des œuvres des meilleurs auteurs. Le premier volume doit être imprimé en février. Les familles concernées peuvent contacter l'auteur à Paris, rue du Temple, près de l'Hôtel de Soubise. L'auteur exige les titres originaux pour garantir l'authenticité des informations, refusant les mémoires ou copies. Le public est informé de l'importance de cette précaution et de l'intérêt de l'ouvrage, qui ne contient que des faits fondés sur des preuves authentiques.
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78
p. 205-206
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
Début :
Monsieur, L'avertissement amphibologique du Libraire de Madame R. ... Auteur des Mémoires [...]
Mots clefs :
Mémoire, Auteur, Lettres, Ouvrage, Livre, Libraire, Public
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR ,
L'avertiffement amphibologique du Libraire de
Madame R.... Auteur des Mémoires de Milady
2C6 MERCURE
DE FRANCE
>
B.... meforce à vous prier inftamment de vou-.
loir bien inftruire le Public , que l'Auteur des
Lettres de Fanny Butler , & de celles de Milady
Juliette Catesby n'a aucune prétention fur un
Quvrage, qui fans doute feroit beaucoup d'honpas
même
neur à fa plume ; mais qui ne lui eft
connu . Un de mes amis m'apporta hier une copie
de ce fingulier avertillement , & ne put me,
rendre compte de l'hiftoire de Milady B .... Mon génie peu fertile en événemens , & l'extrême
parelle de mon efprit , ne me permettront
jamais , je crois , d'entreprendre
un Livre en
quatre parties. Le Libraire de Madame R.... par
fa mal adroite façon de s'exprimer , a riſqué de lui enlever un avantage qu'elle a fur moi.Je lui en
reconnoîtrois bien d'autres , peut- être,fi j'avois le
temps de lirefon Livre. Jele penfe , & j'ai d'autang
plus de raifon de me le perfuader , qu'il n'eft,
pas ordinaire de rappeller au Public des Ouvra
ges,qui ont eu le bonheur d'obtenir fon fuffrage,
fans être bien für de l'agrément , de celui qu'on
préfente à leur fuite. J'en juge par moi -même,
Le fuccès de Milady Catesby m'a fi fort éffrayée, que je n'ai encore olé tenter un nouvel éffai. Il
elt fi rare de plaire deux fois ! R.
ONSIEUR ,
L'avertiffement amphibologique du Libraire de
Madame R.... Auteur des Mémoires de Milady
2C6 MERCURE
DE FRANCE
>
B.... meforce à vous prier inftamment de vou-.
loir bien inftruire le Public , que l'Auteur des
Lettres de Fanny Butler , & de celles de Milady
Juliette Catesby n'a aucune prétention fur un
Quvrage, qui fans doute feroit beaucoup d'honpas
même
neur à fa plume ; mais qui ne lui eft
connu . Un de mes amis m'apporta hier une copie
de ce fingulier avertillement , & ne put me,
rendre compte de l'hiftoire de Milady B .... Mon génie peu fertile en événemens , & l'extrême
parelle de mon efprit , ne me permettront
jamais , je crois , d'entreprendre
un Livre en
quatre parties. Le Libraire de Madame R.... par
fa mal adroite façon de s'exprimer , a riſqué de lui enlever un avantage qu'elle a fur moi.Je lui en
reconnoîtrois bien d'autres , peut- être,fi j'avois le
temps de lirefon Livre. Jele penfe , & j'ai d'autang
plus de raifon de me le perfuader , qu'il n'eft,
pas ordinaire de rappeller au Public des Ouvra
ges,qui ont eu le bonheur d'obtenir fon fuffrage,
fans être bien für de l'agrément , de celui qu'on
préfente à leur fuite. J'en juge par moi -même,
Le fuccès de Milady Catesby m'a fi fort éffrayée, que je n'ai encore olé tenter un nouvel éffai. Il
elt fi rare de plaire deux fois ! R.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure.
Cette lettre vise à clarifier l'attribution de certaines œuvres littéraires. L'auteur nie être l'auteur des 'Mémoires de Milady', des 'Lettres de Fanny Butler' et des 'Lettres de Milady Juliette Catesby'. Bien qu'elle reconnaisse la qualité potentielle de ces ouvrages, elle affirme ne pas en être l'auteure. L'auteur mentionne avoir reçu une copie d'un avertissement du libraire de Madame R., qui a suggéré qu'elle pourrait être l'auteure de ces œuvres. Elle exprime son incapacité à écrire un livre en quatre parties en raison de son manque d'imagination et de la paresse de son esprit. Le succès de 'Milady Catesby' l'a dissuadée de tenter une nouvelle œuvre, craignant de ne pas pouvoir reproduire un tel succès. Elle souligne également qu'il est rare de plaire deux fois au public avec des œuvres successives.
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Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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79
p. 209-210
Avis au Public.
Début :
On vient d'attribuer, dans l'Avant-Coureur, l'ouvrage de l'Art du Chant, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Art du chant, Conseil, Droits d'auteur, Privilège, Avocat au parlement, Défense, Auteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avis au Public.
Avis au Public.
On vient d'attribuer , dans l'Avant - Coureur ,
T'ouvrage de l'Art du Chant , à M. Berard , fur la
foi d'un Arrêt du Conſeil du 2 Mai 1757. On croit
devoir avertir,que le Confeil n'y a point prononcé
fur les droits d'Auteur , mais fur la validité du
privilége de M. Berard. On peut en juger par l'at
teftation fuivante.
Je fouffigné , Avocat au Parlement & ès Confeils
du Roi , certifie avoir été chargé , en l'année
1757 , de la défenſe de M. Blancher , contre
le fieur Berard , dans un Procès , au Confeil d'Etat
privé du Roi , jugé le 2 Mai , fur l'avis de MM .
les Commiffaires du Bureau de la Chancellerie &
Librairie . L'objet de difcuffion , étoit les Brevets
que chacune des Parties , avoit obtenus pour l'im
preffion d'un livre intitulé : l'Art du Chant. Le fieur
Berard argumentoit de la datte du fien , anterieur
à celui du fieur Blanchet , & fontenoit avoir rempli
fes conventions avec lui . Le fieur Blanchet
foutenoit le contraire de ce dernier moyen , &
demandoit fix Commiffaires de l'Académie , afin .
d'entendre les Parties , les interroger fur l'ouvrage
, & examiner les manufcrits. Ce qui ne fut
point accordé Je certifie de plus , que l'Arrêt n'a
point condamné le fieur Blanchet en cent liv. d'amendes
: ce que j'aicependant lû dans plufieurs Imprimés
du difpofitif de l'Arrêt, qui furent affichés ,
difpofition contre laquelle , j'avois confeillé ledit Sr
Blanchet de fe pourvoir , foit contre le fieur Berard
, foit contre l'Auteur defdites affiches . En foi
de quoi j'ai délivré le préfent Certificat , pour fervir
& valoir ce que de raiſon. A Paris , ce 7 Juillet
PENOL
3760.
210 MERCURE DE FRANCE
C'eft au Public éclairé & impartial , d'apprécier
les raifons , fur lefquelles M. Blancher, Auteur de
la Logique de l'efprit & du coeur , & Membre de
l'Académie Royale & Militaire de Besançon , fe
fonde pour revendiquer le traité de l'art du chant ?
elles font exposées, dans l'avertiffement qui est à
la tête des Principes Philofophiques du Chant 2 .
Edition corrigée & augmentée.
On vient d'attribuer , dans l'Avant - Coureur ,
T'ouvrage de l'Art du Chant , à M. Berard , fur la
foi d'un Arrêt du Conſeil du 2 Mai 1757. On croit
devoir avertir,que le Confeil n'y a point prononcé
fur les droits d'Auteur , mais fur la validité du
privilége de M. Berard. On peut en juger par l'at
teftation fuivante.
Je fouffigné , Avocat au Parlement & ès Confeils
du Roi , certifie avoir été chargé , en l'année
1757 , de la défenſe de M. Blancher , contre
le fieur Berard , dans un Procès , au Confeil d'Etat
privé du Roi , jugé le 2 Mai , fur l'avis de MM .
les Commiffaires du Bureau de la Chancellerie &
Librairie . L'objet de difcuffion , étoit les Brevets
que chacune des Parties , avoit obtenus pour l'im
preffion d'un livre intitulé : l'Art du Chant. Le fieur
Berard argumentoit de la datte du fien , anterieur
à celui du fieur Blanchet , & fontenoit avoir rempli
fes conventions avec lui . Le fieur Blanchet
foutenoit le contraire de ce dernier moyen , &
demandoit fix Commiffaires de l'Académie , afin .
d'entendre les Parties , les interroger fur l'ouvrage
, & examiner les manufcrits. Ce qui ne fut
point accordé Je certifie de plus , que l'Arrêt n'a
point condamné le fieur Blanchet en cent liv. d'amendes
: ce que j'aicependant lû dans plufieurs Imprimés
du difpofitif de l'Arrêt, qui furent affichés ,
difpofition contre laquelle , j'avois confeillé ledit Sr
Blanchet de fe pourvoir , foit contre le fieur Berard
, foit contre l'Auteur defdites affiches . En foi
de quoi j'ai délivré le préfent Certificat , pour fervir
& valoir ce que de raiſon. A Paris , ce 7 Juillet
PENOL
3760.
210 MERCURE DE FRANCE
C'eft au Public éclairé & impartial , d'apprécier
les raifons , fur lefquelles M. Blancher, Auteur de
la Logique de l'efprit & du coeur , & Membre de
l'Académie Royale & Militaire de Besançon , fe
fonde pour revendiquer le traité de l'art du chant ?
elles font exposées, dans l'avertiffement qui est à
la tête des Principes Philofophiques du Chant 2 .
Edition corrigée & augmentée.
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Résumé : Avis au Public.
L'Avant-Coureur a attribué l'ouvrage 'L'Art du Chant' à M. Berard suite à un arrêt du Conseil du 2 mai 1757, qui concernait la validité du privilège de M. Berard et non les droits d'auteur. Un avocat a défendu M. Blanchet contre M. Berard dans un procès au Conseil d'État privé du Roi, portant sur les brevets d'impression du livre. Les deux auteurs revendiquaient la priorité de leur brevet. Blanchet a demandé l'examen des manuscrits par les commissaires de l'Académie, ce qui a été refusé. L'avocat a également clarifié que l'arrêt n'a pas condamné Blanchet à une amende de cent livres, contrairement à certaines publications. Le public est invité à consulter les raisons pour lesquelles M. Blanchet, auteur de 'La Logique de l'esprit et du cœur' et membre de l'Académie Royale et Militaire de Besançon, revendique la paternité du traité 'L'Art du Chant'. Ces raisons sont détaillées dans l'avertissement des 'Principes Philosophiques du Chant', deuxième édition corrigée et augmentée.
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80
s. p.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
Début :
M. De Saint-Foix va donner incessamment un Supplément à ses Essais [...]
Mots clefs :
Mousquetaires, Ouvrage, Ennemi, Attaque, Cavalerie, Gouverneur, Compagnies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
M.De Saint-Foixva donner inceffamment
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
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Résumé : HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES DES MOUSQUETAIRES.
Un supplément aux Essais historiques sur Paris de M. de Saint-Foix a été publié, incluant un article sur les hôtels des Mousquetaires. L'auteur de ce texte salue la clarté et la précision de Saint-Foix, qui cite toujours ses sources. L'article aborde les deux compagnies des Mousquetaires, créées en 1622 et 1665. La première compagnie se distingua notamment au siège de Suze et à la bataille des Dunes. En 1667, lors de la guerre entre la France et l'Espagne, les Mousquetaires suivirent le roi en Flandres et participèrent à plusieurs sièges, comme ceux de Lille et de Dole. En 1669, ils combattirent en Candie aux côtés du duc de Navailles. En 1672, ils traversèrent le Rhin à la nage lors de la guerre contre la Hollande et participèrent à divers sièges, tels que ceux de Mastrick et de Besançon. En 1676, ils assiégèrent Condé et en 1677, Valenciennes, où ils montrèrent une grande bravoure et une stratégie efficace, permettant la prise rapide de la ville. Les Mousquetaires se distinguèrent par leur bravoure et leur discipline. Le 17 mars 1677, ils prirent Valenciennes et le 11 avril, ils jouèrent un rôle crucial dans la bataille de Cassel, où ils chargèrent à pied et repoussèrent les troupes ennemies malgré une forte résistance. Leur intervention permit de renverser le cours de la bataille. Ils se distinguèrent également lors des sièges d'Ypres, de Courtrai, de Philisbourg, de Mons et de Namur. Lors de la bataille de Ramillies en 1706, ils perçèrent les lignes ennemies mais furent finalement repoussés en raison de mauvaises dispositions stratégiques. À Malplaquet, ils montrèrent une grande discipline en restant immobiles sous le feu ennemi pendant cinq heures. Leur courage et leur dévouement furent également notables lors du siège de Philisbourg en 1734. Le texte met en avant leur valeur et leur capacité à surmonter les dangers, illustrant ainsi leur rôle essentiel dans les victoires militaires françaises.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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81
p. 98
LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
Début :
J'apprends, Monsieur, avec beaucoup de surprise que quelques personnes, [...]
Mots clefs :
Renommée littéraire, Auteurs, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
LETTRE de M. le Brun , Secrétaire
des Commandemens de S. A. S. Mgr
le Prince de Conti , à l'Auteur du Mercure.
:
J'apprends , Monfieur,avec beaucoup
de furprife que quelques perfonnes ,
dont fans doute je n'ai pas l'honneur
d'être connu , croyent , ou feignent de
croire que je fuis un des Auteurs du
nouveau Journal de la Renommée Littéraire.
Je vous prie de vouloir bien
rendre publique cette Lettre , où je déclare
que je n'aurai jamais de part à aucun
Ouvrage de ce genre d'ailleurs trèseftimable
, mais dont je n'ai ni le temps
ni le goût , ni le talent .
J'ai l'honneur d'être , &c .
des Commandemens de S. A. S. Mgr
le Prince de Conti , à l'Auteur du Mercure.
:
J'apprends , Monfieur,avec beaucoup
de furprife que quelques perfonnes ,
dont fans doute je n'ai pas l'honneur
d'être connu , croyent , ou feignent de
croire que je fuis un des Auteurs du
nouveau Journal de la Renommée Littéraire.
Je vous prie de vouloir bien
rendre publique cette Lettre , où je déclare
que je n'aurai jamais de part à aucun
Ouvrage de ce genre d'ailleurs trèseftimable
, mais dont je n'ai ni le temps
ni le goût , ni le talent .
J'ai l'honneur d'être , &c .
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Résumé : LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
M. le Brun, secrétaire du Prince de Conti, réfute des rumeurs le liant au Journal de la Renommée Littéraire. Il nie toute implication, affirmant manquer de temps, de goût et de talent pour ce journal. Il demande la publication de sa lettre pour clarifier sa position.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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82
p. 178-181
SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Début :
L'ACADÉMIE Royale de Musique a remis au Théâtre le Mardi 22 Février [...]
Mots clefs :
Opéra, Musique, Prologue, Ouvrage, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
Fermer
Résumé : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Le 22 février, l'opéra 'Titon et l'Aurore' a été représenté à l'Académie Royale de Musique à Paris. Cet opéra pastoral héroïque en trois actes, précédé d'un prologue, raconte l'histoire de Prométhée animant des statues avec le feu du ciel. Créé en janvier 1753, il a connu un succès retentissant et fut le dernier opéra dans lequel M. GELIOTE chanta à Paris. Le public a apprécié l'œuvre pour son mérite propre, indépendamment des circonstances. M. PILLOT, interprétant Titon, fut acclamé, bien que comparé à M. GELIOTE. Mlle LE MIERRE, épouse de M. LARRIVÉE, a également reçu des éloges pour son rôle d'Aurore. Les rôles de Palès et d'Éole, joués par Mlle CHEVALIER et M. GELIN, furent bien accueillis, ce dernier étant particulièrement applaudi pour son interprétation des 'Vents furieux'. M. MUGUET fut remarqué pour son interprétation de l'ariette 'Dieu des cœurs'. Les vers du prologue sont de M. de la MOTHE, le poème de M. de la MARRE, et la musique de M. de MONDONVILLE. Les fêtes grecques et romaines continuent les jeudis, avec des performances notables de M. LARRIVÉE dans les rôles d'Alcibiade et de Prométhée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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83
p. 181-182
COMÉDIE FRANÇOISE.
Début :
LE 26 Février on joua pour la 17e représentation Dupuis & des Ronais [...]
Mots clefs :
Éloge, Édition, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE FRANÇOISE.
COMÉDIE
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
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Résumé : COMÉDIE FRANÇOISE.
Le texte évoque la 17e représentation de la comédie 'Françoise' le 26 février, un exploit rare pour ce théâtre. Il propose une analyse pour les lecteurs absents, tout en déconseillant les résumés étendus pour préserver le plaisir de la découverte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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84
p. 109-123
ANNONCES DE LIVRES.
Début :
DICTIONNAIRE domestique portatif, contenant toutes les connoissances relatives à l'œconomie domestique [...]
Mots clefs :
Libraire, Académie, Ouvrage, Imprimeur, Édition, Dynamique, Mouvement, Volumes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANNONCES DE LIVRES.
ANNONCES DE LIVRES.
DICTIONNAIRE domeftique portatif
, contenant toutes les connoiffances
relatives à l'oeconomie domestique &
rurale ; où l'on détaille les différentes
110 MERCURE DE FRANCE.
branches de l'agriculture , la manière
de foigner les chevaux , celle de nourrir
& de conferver toute forte de beftiaux
, celle d'élever les abeilles , les
vers à foie ; & dans lequel on trouve
les inftructions néceffaires fur la Chaffe,
la Pêche , les Arts , le Commerce , la
Procédure , l'Office la Cuifine & c .
Ouvrage également utile à ceux qui vivent
de leurs rentes ou qui ont des terres
, comme aux Fermiers , aux Jardi
niers , aux Commerçans & aux Artiſtes.
Par une Société de gens de Lettres . In-
8° . Paris , 1763. Chez Vincent , Imprimeur-
Libraire , rue S. Severin .
,
Nous avons annoncé , l'année dernière
, la première partie du premier volume
de cet Ouvrage utile , contenant
les lettres A & B. Celle que nous annonçons
aujourd'hui , renferme la lettre
C.
LE GENTILHOMME CULTIVATEUR
, ou Corps complet d'Agriculture
, traduit de l'Anglois de M. Hall ,
& tiré des Auteurs qui ont le mieux
écrit fur cet Art. Par M. Dupuy d'Emportes
,
de l'Académie de Florence.
Tome 5. in-4°. Paris , 1763.. Chez
P. G. Simon , Imprimeur du Parlement,
AVRIL. 1763.
rue de la Harpe ; Durand , Libraire,
rue du Foin ; Bauche , Libraire , quai
des Auguftins ; & à Bordeaux , chez
Chapuis l'aîné.
din ,
HISTOIRE DE SALADIN , Sultan
d'Egypte & de Syrie ; avec une Introduction
, ou Hiftoire abrégée de la dynaftie
des Ayoubites fondée par Salades
notes critiques , hiftoriques ,
géographiques , & quelques piéces juftificatives.
Par M. Marin , de la Société
Royale des Sciences & Belles -Lettres
de Lorraine , de l'Académie de
Marſeille , & Cenfeur Royal.
Quis nefcit primam effe hiftoriæ legem , he
quid falfi dicere audeat , deinde ne quid
veri non audeat ?
Cic. de Orat. Lib . II,
Pont
2 volumes in- 12 . Paris , 1763. Chez
Grangé , Imprimeur- Libraire
Notre- Dame , près la Pompé , au Cabinet
de la Nouveauté ; Bauche , quai
des Auguftins ; & Dufour , quai de
Gêvres , à l'Ange Gardien ."
Le fuccès de la première Edition de
cet Ouvrage garantit celui de la feconde.
ESPRIT , Saillies & Singularités du
112 MERCURE DE FRANCE.
P. Caftel. In- 12 . Amfterdam , 1763. Et
fe trouve à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin .
Nous rendrons compte avec plaifir
de cet Ouvrage rempli d'idées auffi fingulières
qu'amufantes.
MANDEMENT & Inftruction paſtorale
de Mgr l'Archevêque de Lyon ,
portant condamnation des trois parties
de l'hiftoire du Peuple de Dieu , compofée
par le F. Berruyer, de la Compagnie
de Jefus , des écrits imprimés
pour la défenſe de ladite hiftoire , & du
Commentaire latin du F. Hardouin , de
da même Compagnie , fur le Nouveau
Teftament. In- 12. Lyon , 1763. de
l'Imprimerie & chez Aimé de la Roche ,
Imprimeur de Mgr l'Archevêque & du
Clergé aux Halles de la Grenette ;
chez Claude Cizeron , Libraire , à la
defcente du pont de pierre , du côté de
S. Nizier. Et fe trouve à Paris , chez
Pankoucke , Libraire , rue & à côté de
la Comédie Françoife.
RECUEIL DE PIECES en Profe &
en Vers , lues dans les Affemblées publiques
de l'Académie Royale de la
Rochelle dédié à S. A. S. Mgr. leAVRIL.
1763. 113
Et
e
Prince de Conti , Protecteur de ladite
Académie . Tome 3. in- 8° . A La Rochel
le , 1763. Chez Jérôme Legier , Imprimeur
de l'Académie , au Canton des
Flamands ; & fe trouve à Paris , chez
Merigot Père , quai des Auguftins . Prix,
31. 10 f. broché , 4 1. 10 f. relié.
On trouve chez le même Libraire
l'Ordonnance de la Marine commentée
par M. Valier. In-4°. 2 vol . Prix ,
24 liv. relié.
LE LANGAGE DE LA RAISON ;
par l'Auteur de la jouillance de foimême.
Venitefilii , audite me ; timorem Domini
docebo vos.
Pf. 33. V. II .
Paris , 1763. Chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , à l'Occafion .
HISTOIRE Univerfelle , Sacrée &
Profane , compofée par ordre de Mefdames
de France. Tomes 15 & 16. in-
12. Paris , 1763. Chez Louis Cellot
Imprimeur - Libraire Grand'Salle du
Palais , à l'Ecu de France & rue Dauphine.
Ces deux nouveaux volumes ne font
•
114 MERCURE DE FRANCE.
que confirmer la réputation juftement
acquife de leur Auteur ( M. Hardion
de l'Académie Françoife ) dont l'Ouvrage
traduit en Italien fe trouve chez
le même Libraire .
VOYAGE Pittorefque des environs
de Paris , ou defcription des Maifons.
Royales , Châteaux , & autres lieux de
plaifance , fituées à quinze lieues aux
environs de cette Ville . Par M. D ***.
Nouvelle Edition , corrigée & augmentée.
In- 12. Paris , 1763. Chez Debure
Père , quai des Auguftins , à l'Image
S. Paul ; & Debure , fils aîné , même
quai , à la Bible d'or .
MELANGE de Maximes , de Réfléxions
& de Caractères. Par M. Durey
d'Harnoncourt , Licentié en Droit. On
y a joint une Traduction des Conclufioni
d'Amore de Scipion Maffei , avec
le Texte à côté. Nouv. Edition , revue
& corrigée par l'Auteur;in -8 °; Bruxelles,
1763 ; & fe vend à Paris , chez Valleyrefils
, Imprimeur-Libraire , rue de la
vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jeffé.
L'Auteur dit , dans fa Préface , qu'il
s'eft propofé les deux grands modéles
qui font nos maîtres dans l'art de peinAVRIL.
1763. 115
dre les hommes , la Rochefoucault &
la Bruyere ; mais fans fe flatter de les
atteindre , & fans s'affujettir à leur manière
, c'est-à-dire à la précifion du premier
, & à la méthode de l'autre. On
trouvera ( dit - il ) ici , comme l'annonce
le titre , des maximes , des réfléxions
& des portraits ; mais ce ne font que
des découpures jettées fans ordre fur
le papier. On a cru que la diverfité qui
fait le prix de ces fortes d'Ouvrages
demandoit cette efpéce de négligence .
On peut comparer , ce me femble , les
écrits de ce caractère à ces bofquets
dont les arbres , plantés irréguliérement
par les feules mains de la Nature , donnent
à la vue un plaifir plus touchant ,
que ces jardins fomptueux , dont tous
les plans font alignés & tirés au cordeau
, & c.
Nous ne tarderons pas à rendre compte
de cet Ouvrage , qui fait honneur
à fon Auteur.
NOUVELLES Obfervations théoriques
& pratiques fur la Goutte , avec
le détail des plantes , &c , qui forment
le reméde fpécifique calmant la goutte ;
dédiées à M. le Marquis de Marigny
Commandeur des Ordres du Roi , Di116
MERCURE DE FRANCE.
recteur général de fes Bâtimens , &c.
Par M. Chavy de Mongerbet , Médecin
des Bâtimens du Roi. On a joint , à la
fin de ce Traité celui des hernies
avec le traitement de ces maladies &
de celles des relâchemens de matrice &
de fondement.
,
Hic non agitur de verbis , fed de rebus.
In-12. Paris , 1763. Chez Michel Lambert
, rue & à côté de la Comédie Françoife.
LA LOUISIADE , ou le Voyage de
la Terre-Sainte , Poëme héroïque . Par
M. Moline , Avocaten Parlement.
Dùmnumerat palmas , credidit eſſe ſenem. Mart.
in-8° . Paris , 1763. Chez Defaint , junior
, à la Bonne-foi.
CONTES MORAUX dans le goût de
ceux de M. Marmontel , tirés de divers
Auteurs , & publiés par Mlle Uncy ; tomes
III & IV , chez Vincent , rue S. Severin.
Nous rendrons compte à la fois de
ces deux nouveaux volumes, & des deux
qui les ont précédés.
ODE SUR LA PAIX , par M. Pioger,
Capitaine de Cavalerie. In -8 °, Paris
1763. Chez Cuiſſart , Libraire , Pont au
AVRIL. 1763. 117
1
1
1
Change , à la Harpe. Nous en rendrons
compte dans le Mercure prochain .
LE BUCHERON , ou les trois Souhaits
, Comédie en un Acte , mêlée d'ariettes
. Repréfentée pour la première
fois par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi , le Lundi 28 Février 1763 ,
in-8° . à Paris , chez Claude Hériffant,
Imprimeur-Libraire , rue Neuve Notre
- Dame , à la Croix d'or . Prix , 1 liv.
4 f. Mufique de M. Philidor. Voyez
L'Article des Spectacles,
NOUVEAUX Elémens de Dynamique
& de Méchanique , par M. Mathon
de la Cour , de l'Académie Royale
des Sciences & Belles - Lettres de
Lyon ; à Paris chez les Frères Periffe ;
& fe trouve à Paris , chez Rollin
rue S. Jacques , vol. in -8 ° de 130
pages avec figures. 2 liv. 10 f. broché,
Les Principes de la Méchanique & de
la Dynamique font abftraits difficiles
, même pour les Géométres ; les
plus habiles n'ont pas dédaigné de s'en
occuper de la manière , ce femble , la
plus élémentaire , & ils ne font pas
toujours d'accord fur les premières vérités
d'où il s'agit de partir.
118 MERCURE DE FRANCE.
L'ouvrage de M. Mathon eft traite
d'une manière nouvelle , & fa méthode
n'avoit point encore paru ; elle fe
réduit à l'équilibre ou à l'oppofition
qu'il y a dans les forces motrices ; jointe
à la réfiftance que l'Auteur fuppofe
dans la matière pour toute efpéce de
mouvement.
Les propriétés de l'équilibre font 1º.
l'égalité qu'il y a néceffairement entre
les fommes des forces oppofées, en quelque
fens que ce foit qu'on les décompofe.
2. L'égalité entre les fommes
des momens oppofés par rapport
à un point quelconque du plan dans
lequel font les directions des forces ,
ou par rapport à un axe quelconque
qu'on peut imaginer à volonté dans le
cas où les directions des forces ne feroient
pas toutes dans un même plan .
M. Mathon tire de ces deux propriétés
plufieurs équations algébriques qu'il
applique aux principaux problêmes de
la Dynamique ; ceux qui ont le plus de
rapport avec les grandes queftions qui
ont ététraitées par les Géométres; il s'agit
par exemple de trouver le mouvement
que recevra un fyftême de corps agité
par des forces quelconques ; de trouver
le mouvement que doivent prendre
L
AVRIL. 1763. 119
?
plufieurs corps frappés à la fois par
un autre ; la plupart des problêmes de
Dynamique viennent fe placer comme
de fimples corollaires des principes lumineux
que l'Auteur y établit tels
font les théories des centres d'ofcillations
des centres de rotations
des plans inclinés , des poulies , des
frottemens ; la charge que fupportent
ces points d'appui , ces léviers
& plufieurs autres queftions importantes
& délicates. Ce Traité quoique fort
court , ne laiffe pas de développer les
élémens de cette Science avec plus de
netteté qu'on ne l'a fait en même
temps qu'il s'éléve à des recherches
très-fçavantes ; on y voit l'efprit mathé
matique , c'eft-à-dire d'ordre, de fimplification
, de déduction , les nouveaux
théorêmes donnés par M. le Chevalier
d'Arcy , y font démontrés d'une ma
nière très-fimple. Et cet Ouvrage paroît
fort néceffaire à ceux qui voudroient
entreprendre de lire feuls ce
qu'ont écrit fur la Dynamique les Auteurs
illuftres qui s'en font occupés , tels
que MM. Bernoulli , Herman , Euler,
Clairaut , d'Alembert , &c .
,
CHARPENTIER , Libraire , quai des
120 MERCURE DE FRANCE
Auguftins , près le Pont S. Michel , à
S. Chryfoftome , a acheté de M. Prault,
petit-fils , les OEuvres de Nivelle de la
Chauffée , de l'Académie Françoiſe ,
nouvelle Edition , corrigée & augmentée
de plufieurs Piéces qui n'avoient
point encore paru . 1763.5 vol. in-12.
petit format. Cette Edition mérite à
toutes fortes d'égards d'être recherchée .
On la doit à un ami de l'Auteur,M . Sablier
, Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de Marfeille. Les OEuvres de
Deftouches , 10 vol . in- 12. petit format.
Les OEuvres de Théâtre de M. de Saint-
Foix , nouvelle Edition revue , corrigée
& augmentée de plufieurs Comédies
4 vol. in-12. 1762 . ,
AVIS AU PUBLIC,
SUR le Mémoire de M. DEPARCIEUX.
Nous avons dit dans notre dernier
Mercure, qu'on n'avoit tiré du Mémoire
de M. Deparcieux , fur le moyen
' d'amener la riviere d'Yvette à Paris ,
à la porte S. Michel , que le nombre
d'exemplaires qu'on vouloit donner ,
& cela étoit vrai ; mais on avoit eu
la précaution de ne pas rompre les
formes ; & voyant que bien des perfonnes
AVRIL. 1763.
121
fonnes le demandoient , on en a tiré
depuis quelques exemplaires qui fe
vendent chez M. Durand , Libraire ,
rue du Foin .
Quelques perfonnes,mais en petit nombre
, ont marqué de l'inquiétude fur le
goût de vafe ou de Marais , dont M.
Dep. parle dans fon Mémoire. Il a'oublié
de faire obferver que l'eau fur
laquelle ont été faites toutes les épreuves
, a été puifée dans le temps que les
feuilles des arbres achevoient de tomber
, encore toutes vertes & pleines de
fuc , qu'elles ne pouvoient manquer de
communiquer à l'eau , joint à ce qu'elle
doit néceffairement enlever des dépôts
qui font dans prèfque tout le cours de
cette rivière , qu'on ne cure jamais
ou que par parties , & de loin en loin
y ayant tels endroits que perfonne du
lieu n'a jamais vu curer ; goût qu'elle
ne prendra plus quand on fera obferver
le réglement pour le curage de la
rivière. Car il ne faut pas être grand
Phyficien pour fentir que l'eau ne peut
avoir ce goût en fortant de la terre &
après avoir été filtrée par un terrein qui
eft prèfque partout de fable vitrifiable
qu'elle lave depuis des Siétles ' ;
terrein de même nature que ceux des
I. Vol. F
>
122 MERCURE DE FRANCE.
hauts de S. Cloud , ville Davré , Ro
quencourt , Meudon , Vanvres Clamart
, Buc , & c. dont les eaux font
pourtant excellentes.
,
Pour ne laiffer aucun doute fur un
projet auffi important pour la Ville de
Paris , M. Dep. fe propofe de lever plus
expreffement toutes ces difficultés , quí
dans le fond ne peuvent guères faire
d'impreffion fur l'efprit des Magiſtrats
éclairés que cela regarde , qui s'en rapporteront
au jugement des perfonnes
capables d'examiner , qui affurent que
l'eau expofée à l'air libre , fans chaleur
& fans mouvement , a entièrement
perdu ce goût au bout de quelques
jours. On pourroit dire d'après cela ,
qu'importeroit-il qu'elle eût ce goût
en fortant de terre , puifqu'elle le perd ?
( fuppofition gratuite. ) Au furplus, c'eft
un goût qu'elle a de commun avec
l'eau de toutes les rivières plus ou
moins fort ; la Seine elle -même n'en
eft pas exempte quand elle eft baffe
en Automne ; on n'y fait pas attention
parce que perfonne n'en parle , &
cela parce que perfonne ne boit l'eau
de la Seine qu'après qu'elle a repofé
dans un réfervoir ou qu'elle a paffé par
une fontaine fablée ; il faudroit dans
AVRIL. 1763: 123
le's comparaifons mettre toujours toutes
chofes égales.
DICTIONNAIRE domeftique portatif
, contenant toutes les connoiffances
relatives à l'oeconomie domestique &
rurale ; où l'on détaille les différentes
110 MERCURE DE FRANCE.
branches de l'agriculture , la manière
de foigner les chevaux , celle de nourrir
& de conferver toute forte de beftiaux
, celle d'élever les abeilles , les
vers à foie ; & dans lequel on trouve
les inftructions néceffaires fur la Chaffe,
la Pêche , les Arts , le Commerce , la
Procédure , l'Office la Cuifine & c .
Ouvrage également utile à ceux qui vivent
de leurs rentes ou qui ont des terres
, comme aux Fermiers , aux Jardi
niers , aux Commerçans & aux Artiſtes.
Par une Société de gens de Lettres . In-
8° . Paris , 1763. Chez Vincent , Imprimeur-
Libraire , rue S. Severin .
,
Nous avons annoncé , l'année dernière
, la première partie du premier volume
de cet Ouvrage utile , contenant
les lettres A & B. Celle que nous annonçons
aujourd'hui , renferme la lettre
C.
LE GENTILHOMME CULTIVATEUR
, ou Corps complet d'Agriculture
, traduit de l'Anglois de M. Hall ,
& tiré des Auteurs qui ont le mieux
écrit fur cet Art. Par M. Dupuy d'Emportes
,
de l'Académie de Florence.
Tome 5. in-4°. Paris , 1763.. Chez
P. G. Simon , Imprimeur du Parlement,
AVRIL. 1763.
rue de la Harpe ; Durand , Libraire,
rue du Foin ; Bauche , Libraire , quai
des Auguftins ; & à Bordeaux , chez
Chapuis l'aîné.
din ,
HISTOIRE DE SALADIN , Sultan
d'Egypte & de Syrie ; avec une Introduction
, ou Hiftoire abrégée de la dynaftie
des Ayoubites fondée par Salades
notes critiques , hiftoriques ,
géographiques , & quelques piéces juftificatives.
Par M. Marin , de la Société
Royale des Sciences & Belles -Lettres
de Lorraine , de l'Académie de
Marſeille , & Cenfeur Royal.
Quis nefcit primam effe hiftoriæ legem , he
quid falfi dicere audeat , deinde ne quid
veri non audeat ?
Cic. de Orat. Lib . II,
Pont
2 volumes in- 12 . Paris , 1763. Chez
Grangé , Imprimeur- Libraire
Notre- Dame , près la Pompé , au Cabinet
de la Nouveauté ; Bauche , quai
des Auguftins ; & Dufour , quai de
Gêvres , à l'Ange Gardien ."
Le fuccès de la première Edition de
cet Ouvrage garantit celui de la feconde.
ESPRIT , Saillies & Singularités du
112 MERCURE DE FRANCE.
P. Caftel. In- 12 . Amfterdam , 1763. Et
fe trouve à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin .
Nous rendrons compte avec plaifir
de cet Ouvrage rempli d'idées auffi fingulières
qu'amufantes.
MANDEMENT & Inftruction paſtorale
de Mgr l'Archevêque de Lyon ,
portant condamnation des trois parties
de l'hiftoire du Peuple de Dieu , compofée
par le F. Berruyer, de la Compagnie
de Jefus , des écrits imprimés
pour la défenſe de ladite hiftoire , & du
Commentaire latin du F. Hardouin , de
da même Compagnie , fur le Nouveau
Teftament. In- 12. Lyon , 1763. de
l'Imprimerie & chez Aimé de la Roche ,
Imprimeur de Mgr l'Archevêque & du
Clergé aux Halles de la Grenette ;
chez Claude Cizeron , Libraire , à la
defcente du pont de pierre , du côté de
S. Nizier. Et fe trouve à Paris , chez
Pankoucke , Libraire , rue & à côté de
la Comédie Françoife.
RECUEIL DE PIECES en Profe &
en Vers , lues dans les Affemblées publiques
de l'Académie Royale de la
Rochelle dédié à S. A. S. Mgr. leAVRIL.
1763. 113
Et
e
Prince de Conti , Protecteur de ladite
Académie . Tome 3. in- 8° . A La Rochel
le , 1763. Chez Jérôme Legier , Imprimeur
de l'Académie , au Canton des
Flamands ; & fe trouve à Paris , chez
Merigot Père , quai des Auguftins . Prix,
31. 10 f. broché , 4 1. 10 f. relié.
On trouve chez le même Libraire
l'Ordonnance de la Marine commentée
par M. Valier. In-4°. 2 vol . Prix ,
24 liv. relié.
LE LANGAGE DE LA RAISON ;
par l'Auteur de la jouillance de foimême.
Venitefilii , audite me ; timorem Domini
docebo vos.
Pf. 33. V. II .
Paris , 1763. Chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , à l'Occafion .
HISTOIRE Univerfelle , Sacrée &
Profane , compofée par ordre de Mefdames
de France. Tomes 15 & 16. in-
12. Paris , 1763. Chez Louis Cellot
Imprimeur - Libraire Grand'Salle du
Palais , à l'Ecu de France & rue Dauphine.
Ces deux nouveaux volumes ne font
•
114 MERCURE DE FRANCE.
que confirmer la réputation juftement
acquife de leur Auteur ( M. Hardion
de l'Académie Françoife ) dont l'Ouvrage
traduit en Italien fe trouve chez
le même Libraire .
VOYAGE Pittorefque des environs
de Paris , ou defcription des Maifons.
Royales , Châteaux , & autres lieux de
plaifance , fituées à quinze lieues aux
environs de cette Ville . Par M. D ***.
Nouvelle Edition , corrigée & augmentée.
In- 12. Paris , 1763. Chez Debure
Père , quai des Auguftins , à l'Image
S. Paul ; & Debure , fils aîné , même
quai , à la Bible d'or .
MELANGE de Maximes , de Réfléxions
& de Caractères. Par M. Durey
d'Harnoncourt , Licentié en Droit. On
y a joint une Traduction des Conclufioni
d'Amore de Scipion Maffei , avec
le Texte à côté. Nouv. Edition , revue
& corrigée par l'Auteur;in -8 °; Bruxelles,
1763 ; & fe vend à Paris , chez Valleyrefils
, Imprimeur-Libraire , rue de la
vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jeffé.
L'Auteur dit , dans fa Préface , qu'il
s'eft propofé les deux grands modéles
qui font nos maîtres dans l'art de peinAVRIL.
1763. 115
dre les hommes , la Rochefoucault &
la Bruyere ; mais fans fe flatter de les
atteindre , & fans s'affujettir à leur manière
, c'est-à-dire à la précifion du premier
, & à la méthode de l'autre. On
trouvera ( dit - il ) ici , comme l'annonce
le titre , des maximes , des réfléxions
& des portraits ; mais ce ne font que
des découpures jettées fans ordre fur
le papier. On a cru que la diverfité qui
fait le prix de ces fortes d'Ouvrages
demandoit cette efpéce de négligence .
On peut comparer , ce me femble , les
écrits de ce caractère à ces bofquets
dont les arbres , plantés irréguliérement
par les feules mains de la Nature , donnent
à la vue un plaifir plus touchant ,
que ces jardins fomptueux , dont tous
les plans font alignés & tirés au cordeau
, & c.
Nous ne tarderons pas à rendre compte
de cet Ouvrage , qui fait honneur
à fon Auteur.
NOUVELLES Obfervations théoriques
& pratiques fur la Goutte , avec
le détail des plantes , &c , qui forment
le reméde fpécifique calmant la goutte ;
dédiées à M. le Marquis de Marigny
Commandeur des Ordres du Roi , Di116
MERCURE DE FRANCE.
recteur général de fes Bâtimens , &c.
Par M. Chavy de Mongerbet , Médecin
des Bâtimens du Roi. On a joint , à la
fin de ce Traité celui des hernies
avec le traitement de ces maladies &
de celles des relâchemens de matrice &
de fondement.
,
Hic non agitur de verbis , fed de rebus.
In-12. Paris , 1763. Chez Michel Lambert
, rue & à côté de la Comédie Françoife.
LA LOUISIADE , ou le Voyage de
la Terre-Sainte , Poëme héroïque . Par
M. Moline , Avocaten Parlement.
Dùmnumerat palmas , credidit eſſe ſenem. Mart.
in-8° . Paris , 1763. Chez Defaint , junior
, à la Bonne-foi.
CONTES MORAUX dans le goût de
ceux de M. Marmontel , tirés de divers
Auteurs , & publiés par Mlle Uncy ; tomes
III & IV , chez Vincent , rue S. Severin.
Nous rendrons compte à la fois de
ces deux nouveaux volumes, & des deux
qui les ont précédés.
ODE SUR LA PAIX , par M. Pioger,
Capitaine de Cavalerie. In -8 °, Paris
1763. Chez Cuiſſart , Libraire , Pont au
AVRIL. 1763. 117
1
1
1
Change , à la Harpe. Nous en rendrons
compte dans le Mercure prochain .
LE BUCHERON , ou les trois Souhaits
, Comédie en un Acte , mêlée d'ariettes
. Repréfentée pour la première
fois par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi , le Lundi 28 Février 1763 ,
in-8° . à Paris , chez Claude Hériffant,
Imprimeur-Libraire , rue Neuve Notre
- Dame , à la Croix d'or . Prix , 1 liv.
4 f. Mufique de M. Philidor. Voyez
L'Article des Spectacles,
NOUVEAUX Elémens de Dynamique
& de Méchanique , par M. Mathon
de la Cour , de l'Académie Royale
des Sciences & Belles - Lettres de
Lyon ; à Paris chez les Frères Periffe ;
& fe trouve à Paris , chez Rollin
rue S. Jacques , vol. in -8 ° de 130
pages avec figures. 2 liv. 10 f. broché,
Les Principes de la Méchanique & de
la Dynamique font abftraits difficiles
, même pour les Géométres ; les
plus habiles n'ont pas dédaigné de s'en
occuper de la manière , ce femble , la
plus élémentaire , & ils ne font pas
toujours d'accord fur les premières vérités
d'où il s'agit de partir.
118 MERCURE DE FRANCE.
L'ouvrage de M. Mathon eft traite
d'une manière nouvelle , & fa méthode
n'avoit point encore paru ; elle fe
réduit à l'équilibre ou à l'oppofition
qu'il y a dans les forces motrices ; jointe
à la réfiftance que l'Auteur fuppofe
dans la matière pour toute efpéce de
mouvement.
Les propriétés de l'équilibre font 1º.
l'égalité qu'il y a néceffairement entre
les fommes des forces oppofées, en quelque
fens que ce foit qu'on les décompofe.
2. L'égalité entre les fommes
des momens oppofés par rapport
à un point quelconque du plan dans
lequel font les directions des forces ,
ou par rapport à un axe quelconque
qu'on peut imaginer à volonté dans le
cas où les directions des forces ne feroient
pas toutes dans un même plan .
M. Mathon tire de ces deux propriétés
plufieurs équations algébriques qu'il
applique aux principaux problêmes de
la Dynamique ; ceux qui ont le plus de
rapport avec les grandes queftions qui
ont ététraitées par les Géométres; il s'agit
par exemple de trouver le mouvement
que recevra un fyftême de corps agité
par des forces quelconques ; de trouver
le mouvement que doivent prendre
L
AVRIL. 1763. 119
?
plufieurs corps frappés à la fois par
un autre ; la plupart des problêmes de
Dynamique viennent fe placer comme
de fimples corollaires des principes lumineux
que l'Auteur y établit tels
font les théories des centres d'ofcillations
des centres de rotations
des plans inclinés , des poulies , des
frottemens ; la charge que fupportent
ces points d'appui , ces léviers
& plufieurs autres queftions importantes
& délicates. Ce Traité quoique fort
court , ne laiffe pas de développer les
élémens de cette Science avec plus de
netteté qu'on ne l'a fait en même
temps qu'il s'éléve à des recherches
très-fçavantes ; on y voit l'efprit mathé
matique , c'eft-à-dire d'ordre, de fimplification
, de déduction , les nouveaux
théorêmes donnés par M. le Chevalier
d'Arcy , y font démontrés d'une ma
nière très-fimple. Et cet Ouvrage paroît
fort néceffaire à ceux qui voudroient
entreprendre de lire feuls ce
qu'ont écrit fur la Dynamique les Auteurs
illuftres qui s'en font occupés , tels
que MM. Bernoulli , Herman , Euler,
Clairaut , d'Alembert , &c .
,
CHARPENTIER , Libraire , quai des
120 MERCURE DE FRANCE
Auguftins , près le Pont S. Michel , à
S. Chryfoftome , a acheté de M. Prault,
petit-fils , les OEuvres de Nivelle de la
Chauffée , de l'Académie Françoiſe ,
nouvelle Edition , corrigée & augmentée
de plufieurs Piéces qui n'avoient
point encore paru . 1763.5 vol. in-12.
petit format. Cette Edition mérite à
toutes fortes d'égards d'être recherchée .
On la doit à un ami de l'Auteur,M . Sablier
, Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de Marfeille. Les OEuvres de
Deftouches , 10 vol . in- 12. petit format.
Les OEuvres de Théâtre de M. de Saint-
Foix , nouvelle Edition revue , corrigée
& augmentée de plufieurs Comédies
4 vol. in-12. 1762 . ,
AVIS AU PUBLIC,
SUR le Mémoire de M. DEPARCIEUX.
Nous avons dit dans notre dernier
Mercure, qu'on n'avoit tiré du Mémoire
de M. Deparcieux , fur le moyen
' d'amener la riviere d'Yvette à Paris ,
à la porte S. Michel , que le nombre
d'exemplaires qu'on vouloit donner ,
& cela étoit vrai ; mais on avoit eu
la précaution de ne pas rompre les
formes ; & voyant que bien des perfonnes
AVRIL. 1763.
121
fonnes le demandoient , on en a tiré
depuis quelques exemplaires qui fe
vendent chez M. Durand , Libraire ,
rue du Foin .
Quelques perfonnes,mais en petit nombre
, ont marqué de l'inquiétude fur le
goût de vafe ou de Marais , dont M.
Dep. parle dans fon Mémoire. Il a'oublié
de faire obferver que l'eau fur
laquelle ont été faites toutes les épreuves
, a été puifée dans le temps que les
feuilles des arbres achevoient de tomber
, encore toutes vertes & pleines de
fuc , qu'elles ne pouvoient manquer de
communiquer à l'eau , joint à ce qu'elle
doit néceffairement enlever des dépôts
qui font dans prèfque tout le cours de
cette rivière , qu'on ne cure jamais
ou que par parties , & de loin en loin
y ayant tels endroits que perfonne du
lieu n'a jamais vu curer ; goût qu'elle
ne prendra plus quand on fera obferver
le réglement pour le curage de la
rivière. Car il ne faut pas être grand
Phyficien pour fentir que l'eau ne peut
avoir ce goût en fortant de la terre &
après avoir été filtrée par un terrein qui
eft prèfque partout de fable vitrifiable
qu'elle lave depuis des Siétles ' ;
terrein de même nature que ceux des
I. Vol. F
>
122 MERCURE DE FRANCE.
hauts de S. Cloud , ville Davré , Ro
quencourt , Meudon , Vanvres Clamart
, Buc , & c. dont les eaux font
pourtant excellentes.
,
Pour ne laiffer aucun doute fur un
projet auffi important pour la Ville de
Paris , M. Dep. fe propofe de lever plus
expreffement toutes ces difficultés , quí
dans le fond ne peuvent guères faire
d'impreffion fur l'efprit des Magiſtrats
éclairés que cela regarde , qui s'en rapporteront
au jugement des perfonnes
capables d'examiner , qui affurent que
l'eau expofée à l'air libre , fans chaleur
& fans mouvement , a entièrement
perdu ce goût au bout de quelques
jours. On pourroit dire d'après cela ,
qu'importeroit-il qu'elle eût ce goût
en fortant de terre , puifqu'elle le perd ?
( fuppofition gratuite. ) Au furplus, c'eft
un goût qu'elle a de commun avec
l'eau de toutes les rivières plus ou
moins fort ; la Seine elle -même n'en
eft pas exempte quand elle eft baffe
en Automne ; on n'y fait pas attention
parce que perfonne n'en parle , &
cela parce que perfonne ne boit l'eau
de la Seine qu'après qu'elle a repofé
dans un réfervoir ou qu'elle a paffé par
une fontaine fablée ; il faudroit dans
AVRIL. 1763: 123
le's comparaifons mettre toujours toutes
chofes égales.
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Résumé : ANNONCES DE LIVRES.
En avril 1763, le Mercure de France publie plusieurs annonces de livres. Parmi eux, un 'DICTIONNAIRE DOMESTIQUE PORTATIF' traite de divers aspects de l'économie domestique et rurale, édité par une société de gens de lettres. Le 'GENTILHOMME CULTIVATEUR', traduit de l'anglais par M. Dupuy d'Emportes, est annoncé dans son cinquième tome. L''HISTOIRE DE SALADIN' par M. Marin, membre de plusieurs académies, est publiée en deux volumes. D'autres ouvrages mentionnés incluent 'ESPRIT, Saillies & Singularités' de P. Castel, un 'MANDEMENT & INSTRUCTION PASTORALE' de l'Archevêque de Lyon condamnant certains écrits, et un 'RECUEIL DE PIECES' de l'Académie Royale de la Rochelle. Le texte évoque également des publications sur la dynamique, la médecine, la poésie, et des recueils de maximes. Plusieurs de ces ouvrages sont disponibles chez divers libraires à Paris et dans d'autres villes. Par ailleurs, le texte aborde les propriétés de l'eau et sa perception gustative. Il observe que l'eau exposée à l'air libre, sans chaleur ni mouvement, perd son goût au bout de quelques jours. Cette observation remet en question l'importance du goût de l'eau lorsqu'elle sort de terre, car elle le perd rapidement. Le texte considère cette idée comme une supposition gratuite. Il note également que ce goût est partagé par l'eau de toutes les rivières, plus ou moins fortement. Par exemple, la Seine peut avoir ce goût en automne lorsqu'elle est basse, mais cela passe inaperçu car les gens boivent l'eau après qu'elle a reposé dans un réservoir ou passé par une fontaine filtrée. Le texte insiste sur l'importance de comparer des conditions égales pour évaluer ces caractéristiques.
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85
p. 163-167
MUSIQUE.
Début :
MÉTHODE ou Principes pour enseigner & apprendre facilement l'accompagnement du Clavecin [...]
Mots clefs :
Flûte, Auteur, Méthode, Adresse, Ouvrage, Clavecin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MUSIQUE.
MUSIQUE...
METHODE THODE ou Principes pour enfeigner
& apprendre facilement l'accompagnement
du Clavecin ou l'harmonie
, le raifonnement , ou la théorie
de baffe fondamentale avec les
paffages de baffe- continue quelcon--
ques , & la façon de les accompagner
à coup-für , même fans chiffres & une.
Planche gravée à la fin du Livre pour
les exemples ; par M. Bertheau , Organifte
de la Métropole de Tours. Cette
méthode coûte 12 fols , & fe trouve à
Paris aux adreffes ordinaires de Mufique
; à Orléans , chez Chevillon , Li-.
braire , rue Royale ; à Angers chez
Boutemy ; à Tours , chez Lambert.
•
L'ART de la Flute Traverfière , par
M. de Luffe. Prix , 7 liv . 4 f. Se vend
aux adreffes ordinaires de Mufique , &
chez l'Auteur , rue S. Jacques , près S..
164 MERCURE DE FRANCE.
Yves , maifon de l'Univerfité à Paris.
L'Auteur a eu pour but dans cet ouvrage
de tirer des ténébres le principe
théorique & pratique de la flute , & de
l'expofer au grand jour avec toute la
précifion & la clarté dont il étoit fufceptible.
Par là ce principe devient à la
portée même de ceux qui n'ont aucune
connoiffance de la Mufique.
M. D. L, dans fon Difcours préliminaire
enfeigne à bien placer les mains
fur la flute donne la vraie façon de
l'emboucher , & démontre enfuite les
divers tacs ou coups de langue , leurs
différentes propriétés , la manière de les
articuler , les pofitions des doigts pour
former tous les tons des gammes naturelle,
diézée & bémolifée , & leurs tremblemens
appellés cadences.
Nous pouvons affurer que ces démonftrations
font faites plus nettement
qu'elles ne l'ont encore été.
L'Auteur entre fçavamment dans le
détail inftructif des agrémens , dans celui
de leur genre & du caractère d'expreffion
auquel ils font propres . Il parle
très-bien de la fixation des phraſes muficales
, du lieu & des momens confacrés
à la refpiration . Cet Article nous
paroît important pour la confervation
AVRIL 1763. 165
•
des poulmons. Si on eût pris ces mefures-
là plutôt , les Médecins n'auroient
pas affuré que la flute eft contraire aux
petites fantés ; la méthode victorieuſe
de M. D. L. doit faire évanouir ce préjugé.
Qu'on fçache ménager fa refpiration
, alors l'un des plus agréable inftrumens
de la Mufique reprendra vigueur
parmi nous. Un foufle doux & léger ne
ruinera jamais la poitrine. Nous confeillons
aux Amateurs de la flute de fe procurer
le Livre eſtimable de M. D. L. il
leur développera ce que nous ne faifons
qu'indiquer ici.
Après une tablature des fons harmoniques
, fuivent plufieurs leçons en forme
de petites Sonates avec la baffe , mais
proportionnées aux forces des Commencans.
L'ouvrage fe termine par douze
Caprices ou cadences finales remplis de
traits & de difficultés propres à faciliter
l'exercice de l'embouchure & des
doigts . On peut les inférer dans les Concertos
pour la flute .
Nous ne pouvons qu'applaudir à cette
nouvelle méthode ; elle jette de la
lumiére fur un art agréable , & foulage
les Maîtres en les difpenfant de la rebu-
´tante occupation d'écrire eux-mêmes des
principes ; mais fon plus grand mérite
166 MERCURE DE FRANCE .
eft de conduire leurs éléves à des fuc
cès auffi certains que rapides.
SEI SINFONIE , con violini , alto
viola , baffo , & corni da caccia a
piacimento , da Gio Battifta Cirri da
Forlir Opera feconda. Prix 9 liv . Chez
PAuteur , rue Croix des Petits - Champs ,
chez le fieur Mique , Perruquier , &
aux Adreffes ordinaires. Ces Symphonies
font d'un nouveau genre & fort
goûtées .
SONATES DE CLAVECIN , Premier
Livre. Par J. P. le Grand , Maître
de Clavecin & Organifte de l'Abbaye
S. Germain des Près. Chez l'Auteur
, rue S. Honoré , vis-à -vis la rue
neuve du Luxembourg ; & chez le fieur
le Menu , Marchand de Mufique , rue
du Roule , à la Clef d'Or, Prix 19 liv.
Cet Ouvrage fait honneur à fon
Auteur.
RÉFLEXIONS fur la Mufique ,
& la vraie manière de l'exécuter fur
le violon ; Par M. Brijon. Prix en blanc ,
avec les exemples & les airs gravés ,
3 liv . 12 f. à Paris chez l'Auteur , logé
chez M. Prudent , Profeffeur de Mu
fique & d'Inftrumens , rue du Petit
AVRIL. 1763 . 167
Pont , au bas de la rue S. Jacques , la
porte cochere à côté d'un Marchand
Papetier. On en trouve auffi des Exemplaires
chez M. Vaudemont , rue Beaurepaire
, près la rue Montorgueil , &
aux Adreffes ordinaires de Mufique.
Cet Ouvrage renferme des idées neuves
, auffi heureufement que clairement
exprimées. Nous en donnerons
ipceffamment l'Extrait.
METHODE THODE ou Principes pour enfeigner
& apprendre facilement l'accompagnement
du Clavecin ou l'harmonie
, le raifonnement , ou la théorie
de baffe fondamentale avec les
paffages de baffe- continue quelcon--
ques , & la façon de les accompagner
à coup-für , même fans chiffres & une.
Planche gravée à la fin du Livre pour
les exemples ; par M. Bertheau , Organifte
de la Métropole de Tours. Cette
méthode coûte 12 fols , & fe trouve à
Paris aux adreffes ordinaires de Mufique
; à Orléans , chez Chevillon , Li-.
braire , rue Royale ; à Angers chez
Boutemy ; à Tours , chez Lambert.
•
L'ART de la Flute Traverfière , par
M. de Luffe. Prix , 7 liv . 4 f. Se vend
aux adreffes ordinaires de Mufique , &
chez l'Auteur , rue S. Jacques , près S..
164 MERCURE DE FRANCE.
Yves , maifon de l'Univerfité à Paris.
L'Auteur a eu pour but dans cet ouvrage
de tirer des ténébres le principe
théorique & pratique de la flute , & de
l'expofer au grand jour avec toute la
précifion & la clarté dont il étoit fufceptible.
Par là ce principe devient à la
portée même de ceux qui n'ont aucune
connoiffance de la Mufique.
M. D. L, dans fon Difcours préliminaire
enfeigne à bien placer les mains
fur la flute donne la vraie façon de
l'emboucher , & démontre enfuite les
divers tacs ou coups de langue , leurs
différentes propriétés , la manière de les
articuler , les pofitions des doigts pour
former tous les tons des gammes naturelle,
diézée & bémolifée , & leurs tremblemens
appellés cadences.
Nous pouvons affurer que ces démonftrations
font faites plus nettement
qu'elles ne l'ont encore été.
L'Auteur entre fçavamment dans le
détail inftructif des agrémens , dans celui
de leur genre & du caractère d'expreffion
auquel ils font propres . Il parle
très-bien de la fixation des phraſes muficales
, du lieu & des momens confacrés
à la refpiration . Cet Article nous
paroît important pour la confervation
AVRIL 1763. 165
•
des poulmons. Si on eût pris ces mefures-
là plutôt , les Médecins n'auroient
pas affuré que la flute eft contraire aux
petites fantés ; la méthode victorieuſe
de M. D. L. doit faire évanouir ce préjugé.
Qu'on fçache ménager fa refpiration
, alors l'un des plus agréable inftrumens
de la Mufique reprendra vigueur
parmi nous. Un foufle doux & léger ne
ruinera jamais la poitrine. Nous confeillons
aux Amateurs de la flute de fe procurer
le Livre eſtimable de M. D. L. il
leur développera ce que nous ne faifons
qu'indiquer ici.
Après une tablature des fons harmoniques
, fuivent plufieurs leçons en forme
de petites Sonates avec la baffe , mais
proportionnées aux forces des Commencans.
L'ouvrage fe termine par douze
Caprices ou cadences finales remplis de
traits & de difficultés propres à faciliter
l'exercice de l'embouchure & des
doigts . On peut les inférer dans les Concertos
pour la flute .
Nous ne pouvons qu'applaudir à cette
nouvelle méthode ; elle jette de la
lumiére fur un art agréable , & foulage
les Maîtres en les difpenfant de la rebu-
´tante occupation d'écrire eux-mêmes des
principes ; mais fon plus grand mérite
166 MERCURE DE FRANCE .
eft de conduire leurs éléves à des fuc
cès auffi certains que rapides.
SEI SINFONIE , con violini , alto
viola , baffo , & corni da caccia a
piacimento , da Gio Battifta Cirri da
Forlir Opera feconda. Prix 9 liv . Chez
PAuteur , rue Croix des Petits - Champs ,
chez le fieur Mique , Perruquier , &
aux Adreffes ordinaires. Ces Symphonies
font d'un nouveau genre & fort
goûtées .
SONATES DE CLAVECIN , Premier
Livre. Par J. P. le Grand , Maître
de Clavecin & Organifte de l'Abbaye
S. Germain des Près. Chez l'Auteur
, rue S. Honoré , vis-à -vis la rue
neuve du Luxembourg ; & chez le fieur
le Menu , Marchand de Mufique , rue
du Roule , à la Clef d'Or, Prix 19 liv.
Cet Ouvrage fait honneur à fon
Auteur.
RÉFLEXIONS fur la Mufique ,
& la vraie manière de l'exécuter fur
le violon ; Par M. Brijon. Prix en blanc ,
avec les exemples & les airs gravés ,
3 liv . 12 f. à Paris chez l'Auteur , logé
chez M. Prudent , Profeffeur de Mu
fique & d'Inftrumens , rue du Petit
AVRIL. 1763 . 167
Pont , au bas de la rue S. Jacques , la
porte cochere à côté d'un Marchand
Papetier. On en trouve auffi des Exemplaires
chez M. Vaudemont , rue Beaurepaire
, près la rue Montorgueil , &
aux Adreffes ordinaires de Mufique.
Cet Ouvrage renferme des idées neuves
, auffi heureufement que clairement
exprimées. Nous en donnerons
ipceffamment l'Extrait.
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Résumé : MUSIQUE.
Le texte présente divers ouvrages et méthodes liés à la musique. La 'Méthode Thode' de M. Bertheau, organiste de Tours, se concentre sur l'accompagnement au clavecin et l'harmonie, avec des exemples illustrés. Ce livre est disponible à Paris, Orléans, Angers et Tours pour un coût de 12 francs. L'ouvrage 'L'Art de la Flûte Traversière' de M. de Luffe, vendu 7 livres 4 francs, expose les principes théoriques et pratiques de la flûte. Il couvre la position des mains, l'embouchure, les coups de langue, et les positions des doigts. Il aborde également les agréments, la respiration, et les soins des poumons, contredisant l'idée que la flûte est nuisible aux enfants. Le livre inclut des sonates et des caprices pour exercer l'embouchure et les doigts. Les 'Sei Sinfonie' de Gio Battista Cirri sont des symphonies d'un nouveau genre, vendues 9 livres. Les 'Sonates de Clavecin' de J. P. le Grand, maître de clavecin, sont également mentionnées. Enfin, les 'Réflexions sur la Musique' de M. Brijon, à 3 livres 12 francs, proposent des idées nouvelles sur l'exécution musicale au violon.
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86
p. 35-37
VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Début :
AINSI de tes écrits les charmes ravissans, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Tendre, Heureux, Malheurs, Génie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
VERS à Mde RICCO BONI ,Auteur
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
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Résumé : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Le poème est adressé à Madame Riccoboni, auteure de l'œuvre 'Amélie'. Il met en lumière la vivacité et la délicatesse de son style, capable de toucher les cœurs et de susciter des émotions. Le texte mentionne des personnages des romans de Fielding, tels que Catesby, Fanny et Amélie, en soulignant les sentiments qu'ils inspirent. Il exprime l'admiration pour la manière dont Riccoboni adapte et améliore les œuvres de Fielding, rendant les personnages et leurs histoires plus touchants. Le poème se termine par une admiration pour Riccoboni, qualifiée de 'mère des Grâces et des Talents', dont la voix adoucit les douleurs et rend les malheurs moins accablants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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87
p. 94-103
HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
Début :
L'OUVRAGE que nous annonçons est d'un genre singulier ; & le nom de [...]
Mots clefs :
Homme, Grand, Héros, Femme, Grandeur, Ouvrage, Innocent
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
HISTOIRE de JONATHAN WILD
le Grand , traduit de l'Anglois de
M. FIELDING, Auteur de JOSEPH
ANDREWS & de TOM JONES , &c
A Londres , & fe trouve à Paris chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques,
au Temple du Goût , 1763 ; deux volumes
in- 12.
L'OUVRAGE que nous annonçons
eft d'un genre fingulier ; & le nom de
fon Auteur , fi connu en France par les
AVRIL. 1763. 95
Traductions qui ont été faites de plufieurs
de fesromans , prévient d'avance
en faveur de celui- ci. Sous le voile d'une
ironie foutenue depuis le commencement
jufqu'à la fin de l'Ouvrage, l'Au
teur cherche à défabufer les hommes
des idées fauffes & prèfque toujours
dangereufes , qu'ils fe forment communément
de la grandeur. Un infigne Scélérat
que des crimes de toute efpéce
conduifent enfin au dernier fupplice , eft
le héros qu'il a choifi pour relever &
cenfurer les préjugés , le mauvais goût,
l'efprit de parti & différens autres défauts
de fes compatriotes ; & quoique,
l'ouvrage foit fait principalement pour
la Nation Angloife , il n'y a point de
Peuple qui ne puiffe s'y reconnoître, ni
de Lecteur qui ne puiffe en profiter. On
ne s'attend pas que nous faffions le récit
des attentats horribles que l'on fait
commettre au fameux Scélérat qui joue
le premier rôle dans ce roman. Il n'eft
question que de vols , d'affaffinats & de
perfidies les plus atroces ; contentonsnous
d'en citer quelques exemples pour
faire connoître le genre de critique de
notre Auteur , toujours préfenté fous le
-voile de l'ironie.
Jonathan Wild , dit Legrand , chef
96 MERCURE DE FRANCE .
»
d'une troupe de voleurs , étoit iffu de
parens diftingués dans cette profeffion .
On l'envoya à l'école avec les autres
enfans de fon âge ; mais il montra
» pour l'étude la répugnance la plus
» marquée . Son Maître , homme de
» beaucoup de fens & de mérite , le
» difpenfa bientôt de toute peine à cet
» égard ; & tandis qu'il affuroit à fes
parens qu'il faifoit les plus grands
» progrès , il lui permettoit de fe livrer
» entiérement à fes inclinations , parce
» qu'il fentoit bien qu'elles le porte-
» roient à des objets plus nobles que les
» fciences , qui , comme on en convient
généralement , ne rendent aucun pró-
» fit , & ne font propres , qu'à empêcher
» un galant homme de s'avancer dans
» le monde. "
Wild y débuta par quelques traits de
friponnerie qui donnerent dès - lors de
grandes efpérances de fon talent. Il fit
connoiffance avec le Comte de la Rufe,
Chevalier d'induftrie ; & ils eurent enfemble
de fréquentes conférences fur
les principes fondamentaux de leur art.
On croit communément que les voleurs
confervent entr'eux une forte de probité
qui les empêche de fe nuire mutuellement.
Le grand. Wild étoit bien audeffus
AVRIL 1763: 97
deffus de ces petites foibleffes : nonfeulement
il croyoit qu'il eft indigne
d'un grand coeur de refpecter la bourfe
de fes camarades ; » mais il n'étoit pas
» même de ces hommes mal -nés , qui
» rougiroient de voir un ami , après
» l'avoir volé ou trahi. Ce caractère
» pufillanime a fouvent produit dans le
» monde les crimes les plus monstrueux .
" Un excès de modeftie dans ce genre
» a porté bien des gens à affaffiner , ou
» du moins à ruiner fans reffource ceux
>> contre qui leur confcience leur repro-
" choit d'avoir commis quelque pecca-
» dille , foit en débauchant leurs fem-
» mes on leurs filles , foit en trahiffant
» leur confiance , foit en rendant contre
>> eux un faux témoignage. Mais dans
» notre héros , tout étoit véritablement
» grand. Toujours maître de lui , il ne
"
craignoit point d'aller boire avec un
» homme qu'il avoit dévalifé le mo-
» ment d'auparavant. »
Sa conduite à l'égard de fon ami
Francoeur fut un chef- d'oeuvre d'héroïfme
en ce genre. Ce dernier étoit
un Marchand Jouiallier , qui affervi aux
idées populaires avoit la foibleffe d'être
compatiffant , fenfible & généreux . Il
portoit la fimplicité au point de ne jamais
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
tirer avantage de l'ignorance de ceux
~ qui venoient acheter chez lui , & de fe
contenter du profit le plus modique.
Sa femme étoit une ame commune
efpèce d'animal domeftique , qui avoit
la petiteffe de fe borner aux foins de
fa famille & de fe faire un devoir de
plaire à fon mari & de bien élever fes
enfans. Ce fut à cette femme , fi peu
manièrée , que Francoeur. préfenta le
grand Wild comme le meilleur de fes
amis. Les premières preuves que notre
héros lui donna de fon amitié , furent
de lui faire efcamoter fes bijoux , tirer
de lui des lettres de change , de le faire
mettre en prifon , de lui enlever fa femme
, &c. &c . & à chaque trait de perfidie
, il avoit la force & le courage de
fe préfenter à lui , tandis que des âmes
vulgaires fe feroient fait un devoir d'éviter
fa rencontre. » Il n'avoit ni l'ex-
» térieur foumis d'un Curé qui aborde
» fon Seigneur après s'être oppofé à
» fon élection , ni l'air, qu'affecte un
» un Médecin , qui apprend à la porte
» de fon malade , que , graces à fes foins ,
» le pauvre patient eft parti pour l'autre
» monde, nila contenance abbattue d'un
» homme, qui , après avoir long-temps
» lutté entre la vertu & le vice , &
»
AVRIL 1763.
TOPHEQUE
Gron
DE
LA
ה ד ו
s'être enfin
déterminé
pour le dern
» eft malheureufement
pris fur le fa
» dans fa première friponnerie
: Mais
» fon maintien noble , hardi , magna-
» nime & plein de confiance , étoit
» celui d'un homme en place , lorſqu'il
" affure un des fes protégés
, que le
» pofte qu'il lui avoit promis n'eft plus
» vacant , & qu'il eft actuellement
rem-
» pli par un autre qui le lui avoit de-
» mandé avant lui . Car de même que
» l'homme en place ne manque pas de
» vous reprocher aigrement
, que vous
» n'avez perdu l'emploi que vous fou: -
haitiez , que par votre négligence
» de même auffi notre héros commen-
» çoit par blâmer fon ami fans lui don-
» ner le tems de répondre ; & c . »
Wild ne croit pas avoir affez fait
contre Francoeur , s'il ne vient à bout
de le conduire à la potence . Déjà il á
trouvé le moyen de le repréfenter comme
un banqueroutier frauduleux , &
de faire arrêter fa femme comme complice.
Wild en impofe tellement aux
Juges de fon ami , qu'un Arrêt définitif
condamne enfin au dernier fupplice
l'infortuné Francoeur , qui , tout innocent
& tout honnête homme qu'il eft ,
eft fur le point de voir fa fentencé
E ij
100 MERCURE DE FRANCE
à
éxécutée. Il eft vrai que lorfqueJonathan
apprit le fort de fon ami , il eut un
un inftant de foibleffe. Il pâlit pour la
première fois ; il faillit de fuccomber
fous le poids des horreurs que lui caufoit
la destinée d'un innocent que luimême
avoit fait condamner injuftement.
Mais fa grandeur d'âme vint toutà-
coup à fon fecours , & lui fir blâmer
ces penfées ignobles , qui s'étoient élevées
malgré lui dans fon efprit. » Quoi !
» difoit-il , femblable à un enfant
» une femme , je perdrois en un inf
tant cet honneur que j'ai acquis avec
» tant de gloire ? .... Qu'est - ce après
tout que la vie d'un homme ? Des
armées , des nations entiéres n'ont-
» elles pas été fouvent immolées à la
» fantaifie d'un grand homme ? Et fans
» parler ici de cette première claffe de
» la grandeur , qui comprend les con
» quérans du genre- humain , combien
» de gens n'ont-ils pas été facrifiés fous
» de vains prétextes pour fatisfaire le
" reffentiment particulier , ou même
» pour exercer le génie d'un héros du
» fecond ordre ? Mais qu'ai-je fait après
tout ? J'ai ruiné une famille ; j'ai con-
» duit un innocent à la potence. Loin
de m'en repentir , je devrois pleurer
AVRIL 1763.
ΤΟΙ
?
comme Alexandre de n'en avoir
» pas ruiné davantage , ou fait pendre
un plus grand nombre.
Francoeur n'eut cependant pas le fort
qui fembloit l'attendre. Son innocence
fut reconnue de fes Juges ; & le grand
Wild reçut enfin la récompenfe dûe à
fon héroïfme. Il fut convaincu & condamné
à une mort qu'on ne pourra
s'empêcher d'appeller honorable , fi on
confidére les grands hommes qui ont
eu l'honneur de la mériter.
6
??
par
Jamais ce héros ne fut arrêté.
aucune de ces foibleffes qui déconcertent
les petites âmes , & qui font
» généralement comprifes fous la dé-
» nomination d'honnêteté. Il avoit entiérement
renoncé à toute pudeur ,
à tout fentiment de compaffion &
» d'humanité ; défauts , qui , comme il
» ne craignoit pas de le dire , étoient
» directement contraires à la grandeur ,
" & fuffifoient pour rendre un homme
» abfolument incapable de faire dans le
» monde une figure un peu honnête ...
» Il avoit compofé des maximes qu'il
» regardoit comme autant de moyens
» fùrs pour parvenir à la grandeur , &
» qu'il obferva conftamment dans toutes
fes démarches. En voici quelques-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» unes. Ne faire jamais à perfonne plus
» de mal qu'il n'eft néceffaire pour
» l'éxécution de fon projet ; parce que
le mal eft quelque chofe de trop
précieux pour le prodiguer inutile-
"
» ment.
» N'admettre parmi les hommes au-
» cune diftinction fondée fur l'amitié
» ou fur quelqu'autre raifon que ce foit ,
mais les facrifier tous également à ſon
» intérêt.
2
» Éviter la pauvreté & la mifére , &
» ne s'attacher , autant qu'il eft poffible ,
» qu'au pouvoir & aux richeffes.
» Ne jamais récompenfer perſonne
" felon fon mérité , & lui infinuer ce-
» pendant toujours que la récompenfe
» eft fort au- deffus de ce qu'on lui doit.
» Une bonne réputation eft comme
» l'argent ; on peut s'en défaire , ou
,, du moins la rifquer pour fe procurer
» quelqu'avantage.
" Les vertus , femblables à des pièrres
» précieuſes , fon aifément contrefaites.
» Parmi les unes & les autres , les fauf-
» fes parent également ceux qui les
" poffedent , & il y a bien ly. peu de con-
» noiffeurs affez habiles pour diftinguer
le vrai diamant du diamant factice.
Eien des fripons fe font perdus pour
AVRIL. 1763 . 103
»ne s'être pas livrés fans réferve à la
» friponnerie. Un homme qui ne joue
» pas tout fon jeu doit naturellement
» perdre ».
En voilà affez pour faire connoître
le genre de critique contenu dans ce
Roman , & le tour d'efprit qu'employe
l'Auteur pour reprendre les défauts qui
font l'objet de fa cenfure. On doit
fçavoir gré au Traducteur de nous avoir
procuré la connoiffance de cet Ouvrage
agréable & plaifant. Sa verfion nous a
paru fidéle fans fervitude , fon ftyle
aifé , mais fans négligence :
le Grand , traduit de l'Anglois de
M. FIELDING, Auteur de JOSEPH
ANDREWS & de TOM JONES , &c
A Londres , & fe trouve à Paris chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques,
au Temple du Goût , 1763 ; deux volumes
in- 12.
L'OUVRAGE que nous annonçons
eft d'un genre fingulier ; & le nom de
fon Auteur , fi connu en France par les
AVRIL. 1763. 95
Traductions qui ont été faites de plufieurs
de fesromans , prévient d'avance
en faveur de celui- ci. Sous le voile d'une
ironie foutenue depuis le commencement
jufqu'à la fin de l'Ouvrage, l'Au
teur cherche à défabufer les hommes
des idées fauffes & prèfque toujours
dangereufes , qu'ils fe forment communément
de la grandeur. Un infigne Scélérat
que des crimes de toute efpéce
conduifent enfin au dernier fupplice , eft
le héros qu'il a choifi pour relever &
cenfurer les préjugés , le mauvais goût,
l'efprit de parti & différens autres défauts
de fes compatriotes ; & quoique,
l'ouvrage foit fait principalement pour
la Nation Angloife , il n'y a point de
Peuple qui ne puiffe s'y reconnoître, ni
de Lecteur qui ne puiffe en profiter. On
ne s'attend pas que nous faffions le récit
des attentats horribles que l'on fait
commettre au fameux Scélérat qui joue
le premier rôle dans ce roman. Il n'eft
question que de vols , d'affaffinats & de
perfidies les plus atroces ; contentonsnous
d'en citer quelques exemples pour
faire connoître le genre de critique de
notre Auteur , toujours préfenté fous le
-voile de l'ironie.
Jonathan Wild , dit Legrand , chef
96 MERCURE DE FRANCE .
»
d'une troupe de voleurs , étoit iffu de
parens diftingués dans cette profeffion .
On l'envoya à l'école avec les autres
enfans de fon âge ; mais il montra
» pour l'étude la répugnance la plus
» marquée . Son Maître , homme de
» beaucoup de fens & de mérite , le
» difpenfa bientôt de toute peine à cet
» égard ; & tandis qu'il affuroit à fes
parens qu'il faifoit les plus grands
» progrès , il lui permettoit de fe livrer
» entiérement à fes inclinations , parce
» qu'il fentoit bien qu'elles le porte-
» roient à des objets plus nobles que les
» fciences , qui , comme on en convient
généralement , ne rendent aucun pró-
» fit , & ne font propres , qu'à empêcher
» un galant homme de s'avancer dans
» le monde. "
Wild y débuta par quelques traits de
friponnerie qui donnerent dès - lors de
grandes efpérances de fon talent. Il fit
connoiffance avec le Comte de la Rufe,
Chevalier d'induftrie ; & ils eurent enfemble
de fréquentes conférences fur
les principes fondamentaux de leur art.
On croit communément que les voleurs
confervent entr'eux une forte de probité
qui les empêche de fe nuire mutuellement.
Le grand. Wild étoit bien audeffus
AVRIL 1763: 97
deffus de ces petites foibleffes : nonfeulement
il croyoit qu'il eft indigne
d'un grand coeur de refpecter la bourfe
de fes camarades ; » mais il n'étoit pas
» même de ces hommes mal -nés , qui
» rougiroient de voir un ami , après
» l'avoir volé ou trahi. Ce caractère
» pufillanime a fouvent produit dans le
» monde les crimes les plus monstrueux .
" Un excès de modeftie dans ce genre
» a porté bien des gens à affaffiner , ou
» du moins à ruiner fans reffource ceux
>> contre qui leur confcience leur repro-
" choit d'avoir commis quelque pecca-
» dille , foit en débauchant leurs fem-
» mes on leurs filles , foit en trahiffant
» leur confiance , foit en rendant contre
>> eux un faux témoignage. Mais dans
» notre héros , tout étoit véritablement
» grand. Toujours maître de lui , il ne
"
craignoit point d'aller boire avec un
» homme qu'il avoit dévalifé le mo-
» ment d'auparavant. »
Sa conduite à l'égard de fon ami
Francoeur fut un chef- d'oeuvre d'héroïfme
en ce genre. Ce dernier étoit
un Marchand Jouiallier , qui affervi aux
idées populaires avoit la foibleffe d'être
compatiffant , fenfible & généreux . Il
portoit la fimplicité au point de ne jamais
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
tirer avantage de l'ignorance de ceux
~ qui venoient acheter chez lui , & de fe
contenter du profit le plus modique.
Sa femme étoit une ame commune
efpèce d'animal domeftique , qui avoit
la petiteffe de fe borner aux foins de
fa famille & de fe faire un devoir de
plaire à fon mari & de bien élever fes
enfans. Ce fut à cette femme , fi peu
manièrée , que Francoeur. préfenta le
grand Wild comme le meilleur de fes
amis. Les premières preuves que notre
héros lui donna de fon amitié , furent
de lui faire efcamoter fes bijoux , tirer
de lui des lettres de change , de le faire
mettre en prifon , de lui enlever fa femme
, &c. &c . & à chaque trait de perfidie
, il avoit la force & le courage de
fe préfenter à lui , tandis que des âmes
vulgaires fe feroient fait un devoir d'éviter
fa rencontre. » Il n'avoit ni l'ex-
» térieur foumis d'un Curé qui aborde
» fon Seigneur après s'être oppofé à
» fon élection , ni l'air, qu'affecte un
» un Médecin , qui apprend à la porte
» de fon malade , que , graces à fes foins ,
» le pauvre patient eft parti pour l'autre
» monde, nila contenance abbattue d'un
» homme, qui , après avoir long-temps
» lutté entre la vertu & le vice , &
»
AVRIL 1763.
TOPHEQUE
Gron
DE
LA
ה ד ו
s'être enfin
déterminé
pour le dern
» eft malheureufement
pris fur le fa
» dans fa première friponnerie
: Mais
» fon maintien noble , hardi , magna-
» nime & plein de confiance , étoit
» celui d'un homme en place , lorſqu'il
" affure un des fes protégés
, que le
» pofte qu'il lui avoit promis n'eft plus
» vacant , & qu'il eft actuellement
rem-
» pli par un autre qui le lui avoit de-
» mandé avant lui . Car de même que
» l'homme en place ne manque pas de
» vous reprocher aigrement
, que vous
» n'avez perdu l'emploi que vous fou: -
haitiez , que par votre négligence
» de même auffi notre héros commen-
» çoit par blâmer fon ami fans lui don-
» ner le tems de répondre ; & c . »
Wild ne croit pas avoir affez fait
contre Francoeur , s'il ne vient à bout
de le conduire à la potence . Déjà il á
trouvé le moyen de le repréfenter comme
un banqueroutier frauduleux , &
de faire arrêter fa femme comme complice.
Wild en impofe tellement aux
Juges de fon ami , qu'un Arrêt définitif
condamne enfin au dernier fupplice
l'infortuné Francoeur , qui , tout innocent
& tout honnête homme qu'il eft ,
eft fur le point de voir fa fentencé
E ij
100 MERCURE DE FRANCE
à
éxécutée. Il eft vrai que lorfqueJonathan
apprit le fort de fon ami , il eut un
un inftant de foibleffe. Il pâlit pour la
première fois ; il faillit de fuccomber
fous le poids des horreurs que lui caufoit
la destinée d'un innocent que luimême
avoit fait condamner injuftement.
Mais fa grandeur d'âme vint toutà-
coup à fon fecours , & lui fir blâmer
ces penfées ignobles , qui s'étoient élevées
malgré lui dans fon efprit. » Quoi !
» difoit-il , femblable à un enfant
» une femme , je perdrois en un inf
tant cet honneur que j'ai acquis avec
» tant de gloire ? .... Qu'est - ce après
tout que la vie d'un homme ? Des
armées , des nations entiéres n'ont-
» elles pas été fouvent immolées à la
» fantaifie d'un grand homme ? Et fans
» parler ici de cette première claffe de
» la grandeur , qui comprend les con
» quérans du genre- humain , combien
» de gens n'ont-ils pas été facrifiés fous
» de vains prétextes pour fatisfaire le
" reffentiment particulier , ou même
» pour exercer le génie d'un héros du
» fecond ordre ? Mais qu'ai-je fait après
tout ? J'ai ruiné une famille ; j'ai con-
» duit un innocent à la potence. Loin
de m'en repentir , je devrois pleurer
AVRIL 1763.
ΤΟΙ
?
comme Alexandre de n'en avoir
» pas ruiné davantage , ou fait pendre
un plus grand nombre.
Francoeur n'eut cependant pas le fort
qui fembloit l'attendre. Son innocence
fut reconnue de fes Juges ; & le grand
Wild reçut enfin la récompenfe dûe à
fon héroïfme. Il fut convaincu & condamné
à une mort qu'on ne pourra
s'empêcher d'appeller honorable , fi on
confidére les grands hommes qui ont
eu l'honneur de la mériter.
6
??
par
Jamais ce héros ne fut arrêté.
aucune de ces foibleffes qui déconcertent
les petites âmes , & qui font
» généralement comprifes fous la dé-
» nomination d'honnêteté. Il avoit entiérement
renoncé à toute pudeur ,
à tout fentiment de compaffion &
» d'humanité ; défauts , qui , comme il
» ne craignoit pas de le dire , étoient
» directement contraires à la grandeur ,
" & fuffifoient pour rendre un homme
» abfolument incapable de faire dans le
» monde une figure un peu honnête ...
» Il avoit compofé des maximes qu'il
» regardoit comme autant de moyens
» fùrs pour parvenir à la grandeur , &
» qu'il obferva conftamment dans toutes
fes démarches. En voici quelques-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» unes. Ne faire jamais à perfonne plus
» de mal qu'il n'eft néceffaire pour
» l'éxécution de fon projet ; parce que
le mal eft quelque chofe de trop
précieux pour le prodiguer inutile-
"
» ment.
» N'admettre parmi les hommes au-
» cune diftinction fondée fur l'amitié
» ou fur quelqu'autre raifon que ce foit ,
mais les facrifier tous également à ſon
» intérêt.
2
» Éviter la pauvreté & la mifére , &
» ne s'attacher , autant qu'il eft poffible ,
» qu'au pouvoir & aux richeffes.
» Ne jamais récompenfer perſonne
" felon fon mérité , & lui infinuer ce-
» pendant toujours que la récompenfe
» eft fort au- deffus de ce qu'on lui doit.
» Une bonne réputation eft comme
» l'argent ; on peut s'en défaire , ou
,, du moins la rifquer pour fe procurer
» quelqu'avantage.
" Les vertus , femblables à des pièrres
» précieuſes , fon aifément contrefaites.
» Parmi les unes & les autres , les fauf-
» fes parent également ceux qui les
" poffedent , & il y a bien ly. peu de con-
» noiffeurs affez habiles pour diftinguer
le vrai diamant du diamant factice.
Eien des fripons fe font perdus pour
AVRIL. 1763 . 103
»ne s'être pas livrés fans réferve à la
» friponnerie. Un homme qui ne joue
» pas tout fon jeu doit naturellement
» perdre ».
En voilà affez pour faire connoître
le genre de critique contenu dans ce
Roman , & le tour d'efprit qu'employe
l'Auteur pour reprendre les défauts qui
font l'objet de fa cenfure. On doit
fçavoir gré au Traducteur de nous avoir
procuré la connoiffance de cet Ouvrage
agréable & plaifant. Sa verfion nous a
paru fidéle fans fervitude , fon ftyle
aifé , mais fans négligence :
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Résumé : HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
L'ouvrage 'Histoire de Jonathan Wild le Grand' est une traduction de l'anglais par Henry Fielding, également auteur de 'Joseph Andrews' et 'Tom Jones'. Publié à Paris en 1763, ce roman utilise l'ironie pour critiquer les idées fausses et dangereuses que les hommes se forment sur la grandeur. Le héros, Jonathan Wild, est un scélérat dont les crimes variés le mènent au supplice. L'auteur choisit ce personnage pour dénoncer les préjugés, le mauvais goût et l'esprit de parti. Jonathan Wild, issu d'une famille de voleurs, montre dès l'enfance une aversion pour l'étude. Son maître, reconnaissant ses inclinations, le laisse se livrer à ses véritables aspirations. Wild commence sa carrière criminelle en collaborant avec le Comte de la Rufe, un autre voleur. Contrairement aux autres voleurs, Wild n'hésite pas à trahir ses camarades pour son propre intérêt. Un exemple notable de sa perfidie est sa relation avec Francoeur, un marchand joaillier compatissant et généreux. Wild escamote les bijoux de Francoeur, tire des lettres de change à son nom, le fait emprisonner et enlever sa femme. Malgré ces trahisons, Wild continue de se présenter à Francoeur avec assurance. Wild parvient même à faire condamner Francoeur à la potence pour banqueroute frauduleuse, bien que son innocence soit finalement reconnue. Wild est finalement condamné à une mort honorable pour ses crimes. Wild suit des maximes strictes pour atteindre la grandeur, évitant la pauvreté, sacrifiant ses amis à son intérêt et manipulant les perceptions des autres. L'auteur utilise ce personnage pour critiquer les défauts humains et les préjugés sociaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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88
p. 106-114
L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
Début :
CET ouvrage traite de plusieurs matières toutes fort intéressantes pour la Société [...]
Mots clefs :
Auteur, Page, Économe, Politique, Ouvrage, Espèce humaine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet
21your
pour enrichir & pour perfectionner
l'efpèce humaine , in- 12 . à Paris ,
chez Moreau, rue Galande , Pilot ,
• Quai de Conti , &c . 1763 , brochure
-1 en tout 224 pages , prix 26 fols
broché.
olallo ob quolla paltor
CET ouvrage traite de plufieurs matiè
res toutes fort intéreffantes pour la Société.
L'Auteur anonyme propofe d'abord
un moyen tres-fimple d'affarer une honnête
fubfiftance aux domeftiques ,aux ar
tifans , & aux laboureurs dans leur vieik
leffe , moyen également propre à mettre
à l'aife tous ceux qui voudroient l'eme
ployer; viennent enfuite quelques pros
jets relatifs au perfectionnement de l'ef
pèce humaine , matière trop grave pour
ne pas mériter l'attention du Gouver
ment. On trouve après cela des ré
(
AVRIL. 1763. 107
fléxions fur les abus des Maîtrifes &
des Réceptions dans les Mêtiers & dans
le Négoce.
En lifant ce que l'Auteur expofe fur
fur ce dernier objet , on voit que tous
ce qu'il a traité précédemment forme
un tout intimément lié . En effet , notre
Econome Politique ne s'occupe partie
culiérement jufqu'ici que des intérêts
du petit peuple , toujours auffi dépourvu
de fortune que de lumières. Cet Ouvrage
eft terminé par quelques nouvelles vues
relatives à l'éducation . Nous ne ferons
qu'indiquer ce qué penfe l'Auteur , &
nous renverrons à fon Livre pour les
détails.
Afin de mettre à l'aife les gens de la
plus baffe condition , notre Auteur qui
reléve avec beaucoup de jugement le
mérite d'une vie économe & laborieufe
fuppofe que chacun des Domeftiques ,
Artifáns & Laboureurs , peut épargner
par an guarante-huit livres en renonçant
pour cela , s'il le faut , au tabac ,
au vin , au jeu .
» Cette fomme remife , dit - il , * ă
» quelque Compagnie folide & com-
» merçante , portera fept & demi pour
» cent d'intérêt viager , mais intérêt.
* Page 7 & 8..
Τ
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
» qui demeurera entre les mains des
» Preneurs pendant le cours de vingt
» ans , & qui fervira pour groffir le capital
, fi ce n'eft que le bailleur vienne
à fe marier avant ce terme , auquel
» cas on lui fera , s'il le veut , la rente
» des fonds qu'il aura livrés à la condition
de fept & demi pour cent
» pendant les premiers vingt ans.
On ne voit qu'avec furprife les produits
qui résultent de l'emploi fage &
bien fuivi qu'un travailleur peut faire
de fes épargnes , & l'on eft forcé de
convenir avec notre Économe que la
pierre philofophale eft trouvée , le
moyen de faire une fortune honnête
puifqu'il ne s'agit pour cela
que d'être
fobre & laborieux .
Les preuves de ces produits font bien
expofées par l'Auteur : il fait voir que
fi celui qui pendant vingt ans a fourni
quarante- huit livres par années ( ce qui
fera 960 liv. ) n'en reçoit pas l'intêret
durant ces vingt années , fon capital lui
produira 218 liv. 14 f. de rente viagere ,
fur le pied de dix pour cent après ces
vingt ans . Une mife plus ou moins forte
produiroit un viager plus ou moins con
fidérable après le même nombre d'années
, & toujours à proportion en conAVRIL
1763. 109 .
tinuant plus long-tems. Les calculs qui
fondent ce projet font aifés à vérifier
pour peu qu'on foit attentif en les li
fant.
L'Auteur qui déplore les ravages du
luxe , de la prodigalité & du défoeuvrement
dans toutes les conditions , réunit
ici les fages motifs qui doivent engager
nos concitoyens à fe réformer. Selon
lui les Prédicateurs fans craindre d'avilir
la dignité de la Chaire , devroient furtout
remontrer les maux qui résultent
de la pareffe & des vaines dépenses en
faifant voir les avantages inestimables
que produit l'économie jointe à des
Occupations utiles & conftantes . Il penfe
que comme rien n'eft vil ou petit que
ce qui eft mauvais ou inutile , nos Orateurs
facrés ne devroient pas craindre
de defcendre fur cette matière à certains
détails feuls capables d'inftruire le
petit peuple de ſes vrais intérêts ,
Le goût du peuple pour les chanfons
fournit un autre moyen de le corriger.
» Je youdrois , dit * l'Auteur , que l'A-
» cadémie Françoife , de concert avec
» celles qui lui font les plus unies , def-
» tinât au moins fix cens livres tous les
» ans pour une chanfon faite avec
* Page go.
*
110 MERCURE DE FRANCE .
» efprit fur un air agréable & connu ,
» chanfon qui enfeigneroit une morale
utile , raifonnable , tendant à l'enri-
» chiffement du public & des particu
liers , & qui préfentant le travail & la
parcimonie comme les vrais fonde-
» mens de l'honneur & du plaifir , ex-
» poferoit par un contrafte habilement
» tracé , les fuites honteufes & funeftes
de la pareffe & de la diffipation . »
Quelques pages auparavant , on voit
les Dames chargées de l'honorable
emploi de la réformation des moeurs.
» Si de jeunes beautés , chacune dans
» fa fphère , témoignoient à leurs fou
» pirans certains mépris pour les frivolités
, les jeux , les momeries , pour
toute dépenfe infructueufe & mat
placée , qu'elles marquaffent une ef-
» time de préférence pour ceux qui
» montreroient des fruits fenfibles de
» l'économie , d'un travail continu
"
*
d'une application perfévérante , c'eſt
alors que nous verrions les change-
» mens les plus heureux & les plus
inefpérés. »
30.
Terminons l'extrait de cette partie
de l'ouvrage , en renvoyant le Lecteur
aux occupations fubfidiaires que PAu-
Page 88,
^ " AVRIL. 1763. 13
F
teur donne aux gens aifés page 64.
Leur amour-propre n'eft qu'une vaine
délicateffe aux yeux de notre Econome
Politique , auffi le traite - t'il très -philofophiquement
en voulant qu'ils ayent
tous quelque petite occupation manuelle
pour remplacer le jeu , les fpectacles ;
Les vifutes & les lectures inutiles..
Dans la feconde partie , l'Auteur affigne
d'abord les différentes caufes phyfiques
de la foibleffe de l'efpèce hu
maine. Elles ne nous ont para que trop
vraies , contentons -nous d'en rapporter
une feule , le Lecteur la trouvera fuivie
de l'une de ces grandes vérités qu'on
ne peut trop inculquer à la jeuneffe.
» Une autre caufe * d'affoibliffement
" parmi nous , c'eft que les travailleurs.
» en petit nombre , écrafés des fatigues.
néceffaires pour foutenir tant de gens.
» oifeux , accablés d'ailleurs par les mis
39 lices & les corvées , felvoyent encore
arracher de mille manières une fub-
» fiftance dont ils auroient befoin pour
» éléver leurs enfans ..... C'eſt ainfi
» qu'on perd ou qu'on affoiblit fans ' y
penfer les meilleurs fujets du Royau-
» me car enfin hous l'avouerons fi
" nous fommes de bonne foi ; un la
Page 126,917, xton ollut sup
112 MERCURE DE FRANCE.
" boureur , un ouvrier de campagne ,
» un manoeuvre font conftamment plus
» précieux & plus à ménager que tant
» de citadins , artiſtes de moleffe & de
» luxe , à qui nous prodiguons notre
» eftime. Ces hommes de fatigue & de
» peine , injuftement avilis , nous procu-
» rent l'abondant néceffaire & nous
» comblent en un mot de biens folides
» & durables , tandis qu'un frifoneur
» s'exerce vingt ans fur nos têtes fans
qu'il nous laiffe au bout du terme le
» moindre fruit d'un fi long travail,
" Qu'on n'oublie donc jamais que les
» fimples villageois , les travailleurs les
plus groffiers , font proprement les
peres nourriciers de notre efpège , &
qu'ainfi nous fommes tous intéreffés
» à ce qu'on ne les fatigue pas au point
" de ne pouvoir remplir leur haute def
» tination. "
"
Quant au moyen de perfectionner
notre espéce , l'Auteur en indique plufieurs
qu'il faut voir à la page 130 &
fuivantes de fon Ouvrage. Ils nous ont
parut très -fimples ; mais ici comme dans
ce qui regarde le public , le fuccès dépend
des foins du Gouvernement,
Difons un mot des deux autres ebjets
que traite notre Auteur. Il parle
AVRIL. 1763. * 113
avec force contre les abus des maîtrifes
& fait voir que les droits auxquels
font affujettis la plupart des Récipiendaires,
écartent un grand nombre
de Sujets capables d'être utiles en public.
Faute d'argent pour être admis
dans les Corps des Métiers ou dans le
Négoce , plufieurs de ceux que leurs
talens appellent à la perfection , paffent
leur vie dans la détreffe , attachée à
l'état d'apprentifs ou de compagnons, &
par conféquent reftent malgré eux dans
le célibat ; ou ce qui eft encore pis
portent leur courage & leur habileté
chez les Etrangers nos ennemis ou nos
rivaux. Ceux qui ofent fe marier chez
nous fans obtenir la Maîtrife , rampent
toute leur vie dans la mifere avec leur
famille
, double caufe de la dépo
pulation & de l'affoibliffement de notre
efpéce.
L'Auteur approfondit cette matière
importante ; & après avoir montré tous
les inconviens de l'état actuel des Maitrifes
, il expofe les moyens de remédier
à un mal dont les effets font beaucoup
plus nuifibles à la nation , qu'on
ne le croit communément.
Le même goût pour l'utilité qui di114
MERCURE DE FRANCE .
rige toujours les vues de notre Econome
politique , lui fait defirer que l'écriture
& le calcul foient enfeignés à
la jeuneffe avec le plus grand foin dans
le cours des études ; il propofe encore
quelques autres projets relatifs à l'éducation.
Du refte cette brochure écrite
d'un ftyle clair & coulant , eft pleine
d'idées neuves & intéreffantes , & tout
y refpire l'amour de la Patrie & le
goût de l'aifance nationale . C'est ce
que l'Auteur a bien caractérise par ce
beau Quatrain où il s'eft peint lui-même
page 153 .
Indulgent pour autrui , pour lui-même ſévère ,
Damis au bien commun dirigea ſes travaux ,
Et fenfible pour tous à l'humaine mifère ,
Chercha l'art d'éviter ou d'alléger nos maux.
21your
pour enrichir & pour perfectionner
l'efpèce humaine , in- 12 . à Paris ,
chez Moreau, rue Galande , Pilot ,
• Quai de Conti , &c . 1763 , brochure
-1 en tout 224 pages , prix 26 fols
broché.
olallo ob quolla paltor
CET ouvrage traite de plufieurs matiè
res toutes fort intéreffantes pour la Société.
L'Auteur anonyme propofe d'abord
un moyen tres-fimple d'affarer une honnête
fubfiftance aux domeftiques ,aux ar
tifans , & aux laboureurs dans leur vieik
leffe , moyen également propre à mettre
à l'aife tous ceux qui voudroient l'eme
ployer; viennent enfuite quelques pros
jets relatifs au perfectionnement de l'ef
pèce humaine , matière trop grave pour
ne pas mériter l'attention du Gouver
ment. On trouve après cela des ré
(
AVRIL. 1763. 107
fléxions fur les abus des Maîtrifes &
des Réceptions dans les Mêtiers & dans
le Négoce.
En lifant ce que l'Auteur expofe fur
fur ce dernier objet , on voit que tous
ce qu'il a traité précédemment forme
un tout intimément lié . En effet , notre
Econome Politique ne s'occupe partie
culiérement jufqu'ici que des intérêts
du petit peuple , toujours auffi dépourvu
de fortune que de lumières. Cet Ouvrage
eft terminé par quelques nouvelles vues
relatives à l'éducation . Nous ne ferons
qu'indiquer ce qué penfe l'Auteur , &
nous renverrons à fon Livre pour les
détails.
Afin de mettre à l'aife les gens de la
plus baffe condition , notre Auteur qui
reléve avec beaucoup de jugement le
mérite d'une vie économe & laborieufe
fuppofe que chacun des Domeftiques ,
Artifáns & Laboureurs , peut épargner
par an guarante-huit livres en renonçant
pour cela , s'il le faut , au tabac ,
au vin , au jeu .
» Cette fomme remife , dit - il , * ă
» quelque Compagnie folide & com-
» merçante , portera fept & demi pour
» cent d'intérêt viager , mais intérêt.
* Page 7 & 8..
Τ
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
» qui demeurera entre les mains des
» Preneurs pendant le cours de vingt
» ans , & qui fervira pour groffir le capital
, fi ce n'eft que le bailleur vienne
à fe marier avant ce terme , auquel
» cas on lui fera , s'il le veut , la rente
» des fonds qu'il aura livrés à la condition
de fept & demi pour cent
» pendant les premiers vingt ans.
On ne voit qu'avec furprife les produits
qui résultent de l'emploi fage &
bien fuivi qu'un travailleur peut faire
de fes épargnes , & l'on eft forcé de
convenir avec notre Économe que la
pierre philofophale eft trouvée , le
moyen de faire une fortune honnête
puifqu'il ne s'agit pour cela
que d'être
fobre & laborieux .
Les preuves de ces produits font bien
expofées par l'Auteur : il fait voir que
fi celui qui pendant vingt ans a fourni
quarante- huit livres par années ( ce qui
fera 960 liv. ) n'en reçoit pas l'intêret
durant ces vingt années , fon capital lui
produira 218 liv. 14 f. de rente viagere ,
fur le pied de dix pour cent après ces
vingt ans . Une mife plus ou moins forte
produiroit un viager plus ou moins con
fidérable après le même nombre d'années
, & toujours à proportion en conAVRIL
1763. 109 .
tinuant plus long-tems. Les calculs qui
fondent ce projet font aifés à vérifier
pour peu qu'on foit attentif en les li
fant.
L'Auteur qui déplore les ravages du
luxe , de la prodigalité & du défoeuvrement
dans toutes les conditions , réunit
ici les fages motifs qui doivent engager
nos concitoyens à fe réformer. Selon
lui les Prédicateurs fans craindre d'avilir
la dignité de la Chaire , devroient furtout
remontrer les maux qui résultent
de la pareffe & des vaines dépenses en
faifant voir les avantages inestimables
que produit l'économie jointe à des
Occupations utiles & conftantes . Il penfe
que comme rien n'eft vil ou petit que
ce qui eft mauvais ou inutile , nos Orateurs
facrés ne devroient pas craindre
de defcendre fur cette matière à certains
détails feuls capables d'inftruire le
petit peuple de ſes vrais intérêts ,
Le goût du peuple pour les chanfons
fournit un autre moyen de le corriger.
» Je youdrois , dit * l'Auteur , que l'A-
» cadémie Françoife , de concert avec
» celles qui lui font les plus unies , def-
» tinât au moins fix cens livres tous les
» ans pour une chanfon faite avec
* Page go.
*
110 MERCURE DE FRANCE .
» efprit fur un air agréable & connu ,
» chanfon qui enfeigneroit une morale
utile , raifonnable , tendant à l'enri-
» chiffement du public & des particu
liers , & qui préfentant le travail & la
parcimonie comme les vrais fonde-
» mens de l'honneur & du plaifir , ex-
» poferoit par un contrafte habilement
» tracé , les fuites honteufes & funeftes
de la pareffe & de la diffipation . »
Quelques pages auparavant , on voit
les Dames chargées de l'honorable
emploi de la réformation des moeurs.
» Si de jeunes beautés , chacune dans
» fa fphère , témoignoient à leurs fou
» pirans certains mépris pour les frivolités
, les jeux , les momeries , pour
toute dépenfe infructueufe & mat
placée , qu'elles marquaffent une ef-
» time de préférence pour ceux qui
» montreroient des fruits fenfibles de
» l'économie , d'un travail continu
"
*
d'une application perfévérante , c'eſt
alors que nous verrions les change-
» mens les plus heureux & les plus
inefpérés. »
30.
Terminons l'extrait de cette partie
de l'ouvrage , en renvoyant le Lecteur
aux occupations fubfidiaires que PAu-
Page 88,
^ " AVRIL. 1763. 13
F
teur donne aux gens aifés page 64.
Leur amour-propre n'eft qu'une vaine
délicateffe aux yeux de notre Econome
Politique , auffi le traite - t'il très -philofophiquement
en voulant qu'ils ayent
tous quelque petite occupation manuelle
pour remplacer le jeu , les fpectacles ;
Les vifutes & les lectures inutiles..
Dans la feconde partie , l'Auteur affigne
d'abord les différentes caufes phyfiques
de la foibleffe de l'efpèce hu
maine. Elles ne nous ont para que trop
vraies , contentons -nous d'en rapporter
une feule , le Lecteur la trouvera fuivie
de l'une de ces grandes vérités qu'on
ne peut trop inculquer à la jeuneffe.
» Une autre caufe * d'affoibliffement
" parmi nous , c'eft que les travailleurs.
» en petit nombre , écrafés des fatigues.
néceffaires pour foutenir tant de gens.
» oifeux , accablés d'ailleurs par les mis
39 lices & les corvées , felvoyent encore
arracher de mille manières une fub-
» fiftance dont ils auroient befoin pour
» éléver leurs enfans ..... C'eſt ainfi
» qu'on perd ou qu'on affoiblit fans ' y
penfer les meilleurs fujets du Royau-
» me car enfin hous l'avouerons fi
" nous fommes de bonne foi ; un la
Page 126,917, xton ollut sup
112 MERCURE DE FRANCE.
" boureur , un ouvrier de campagne ,
» un manoeuvre font conftamment plus
» précieux & plus à ménager que tant
» de citadins , artiſtes de moleffe & de
» luxe , à qui nous prodiguons notre
» eftime. Ces hommes de fatigue & de
» peine , injuftement avilis , nous procu-
» rent l'abondant néceffaire & nous
» comblent en un mot de biens folides
» & durables , tandis qu'un frifoneur
» s'exerce vingt ans fur nos têtes fans
qu'il nous laiffe au bout du terme le
» moindre fruit d'un fi long travail,
" Qu'on n'oublie donc jamais que les
» fimples villageois , les travailleurs les
plus groffiers , font proprement les
peres nourriciers de notre efpège , &
qu'ainfi nous fommes tous intéreffés
» à ce qu'on ne les fatigue pas au point
" de ne pouvoir remplir leur haute def
» tination. "
"
Quant au moyen de perfectionner
notre espéce , l'Auteur en indique plufieurs
qu'il faut voir à la page 130 &
fuivantes de fon Ouvrage. Ils nous ont
parut très -fimples ; mais ici comme dans
ce qui regarde le public , le fuccès dépend
des foins du Gouvernement,
Difons un mot des deux autres ebjets
que traite notre Auteur. Il parle
AVRIL. 1763. * 113
avec force contre les abus des maîtrifes
& fait voir que les droits auxquels
font affujettis la plupart des Récipiendaires,
écartent un grand nombre
de Sujets capables d'être utiles en public.
Faute d'argent pour être admis
dans les Corps des Métiers ou dans le
Négoce , plufieurs de ceux que leurs
talens appellent à la perfection , paffent
leur vie dans la détreffe , attachée à
l'état d'apprentifs ou de compagnons, &
par conféquent reftent malgré eux dans
le célibat ; ou ce qui eft encore pis
portent leur courage & leur habileté
chez les Etrangers nos ennemis ou nos
rivaux. Ceux qui ofent fe marier chez
nous fans obtenir la Maîtrife , rampent
toute leur vie dans la mifere avec leur
famille
, double caufe de la dépo
pulation & de l'affoibliffement de notre
efpéce.
L'Auteur approfondit cette matière
importante ; & après avoir montré tous
les inconviens de l'état actuel des Maitrifes
, il expofe les moyens de remédier
à un mal dont les effets font beaucoup
plus nuifibles à la nation , qu'on
ne le croit communément.
Le même goût pour l'utilité qui di114
MERCURE DE FRANCE .
rige toujours les vues de notre Econome
politique , lui fait defirer que l'écriture
& le calcul foient enfeignés à
la jeuneffe avec le plus grand foin dans
le cours des études ; il propofe encore
quelques autres projets relatifs à l'éducation.
Du refte cette brochure écrite
d'un ftyle clair & coulant , eft pleine
d'idées neuves & intéreffantes , & tout
y refpire l'amour de la Patrie & le
goût de l'aifance nationale . C'est ce
que l'Auteur a bien caractérise par ce
beau Quatrain où il s'eft peint lui-même
page 153 .
Indulgent pour autrui , pour lui-même ſévère ,
Damis au bien commun dirigea ſes travaux ,
Et fenfible pour tous à l'humaine mifère ,
Chercha l'art d'éviter ou d'alléger nos maux.
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Résumé : L'ÉCONOME POLITIQUE ; Projet pour enrichir & pour perfectionner l'espèce humaine, in-12. à Paris, chez Moreau, rue Galande, Pissot , Quai de Conti , &c. 1763, brochure en tout 224 pages, prix 26 sols broché.
L'ouvrage 'L'ÉCONOME POLITIQUE', publié en 1763 à Paris, est une brochure de 224 pages écrite par un auteur anonyme. Elle propose des solutions pour améliorer la condition des domestiques, artisans et laboureurs en les encourageant à épargner et à investir. L'auteur suggère que ces groupes puissent économiser 48 livres par an en renonçant au tabac, au vin et au jeu, et investir cette somme dans une compagnie solide pour obtenir un intérêt viager de 7,5 % sur 20 ans. L'auteur critique les abus des maîtres et des réceptions dans les métiers et le négoce, soulignant que ces pratiques empêchent de nombreux talents de s'épanouir. Il déplore également les ravages du luxe, de la prodigalité et du désœuvrement, et propose que les prédicateurs et les dames influentes encouragent l'économie et le travail. L'ouvrage aborde également les causes physiques de la faiblesse de l'espèce humaine, notamment la surcharge de travail des paysans et des ouvriers. L'auteur propose des moyens pour perfectionner l'espèce humaine, soulignant l'importance de l'éducation et de l'apprentissage de l'écriture et du calcul. Enfin, l'auteur dénonce les abus des maîtrises et des réceptions, qui empêchent de nombreux sujets capables de contribuer à la société de s'épanouir. Il propose des solutions pour remédier à ces problèmes et améliorer l'éducation. La brochure est écrite dans un style clair et est remplie d'idées nouvelles et intéressantes, reflétant l'amour de la patrie et le goût de l'utilité nationale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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89
p. 99-106
LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
Début :
VOUS avez eu la bonté, Monsieur, de faire mention dans le Mercure d'Avril [...]
Mots clefs :
Avocats, Bureau, Pauvres, Conseil, Consultations , Histoire, Ouvrage, Honneur, Syrie
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
LETTRE de M. MARIN à M. DE LA
PLACE , fur l'Hiftoire de SALA
& c. DIN ,
VOUS Ous avez eu la bonté , Monfieur .
de faire mention dans le Mercure d'Avril
de l'Hiftoire de Saladin , & vous
l'avez annoncée comme une nouvelle
édition. Je fuis fort éloigné d'approuver
ces petites rufes de Libraires , & je
vous prie d'apprendre au Public que j'ai
fait quelques légers changemens dans
cet écrit , mais qu'il n'a point été réimprimé
de nouveau .
Cet Ouvrage qui m'a couté dix années
de travail , dont j'ai puifé les matériaux
dans tous les Auteurs du temps ,
Chrétiens & Mufulmans , que j'ai écrit
avec le plus de foin qu'il m'a été poffible
, & que j'avois cru rendre intéreſfant
par le développement & l'Hiftoire
abrégée des Dynafties Arabes , par le
tableau des moeurs & des opinions des
!
qu'on pouvoit donner une fauffe interprétation
au premier vers de fon Ode à Hiéron ; c'eſt
pourquoi il répéte enfuite cette même comparaifon
, & donne la correction néceffaire .
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
+
Mahometans , & en préfentant fous une
face nouvelle , une de ces expéditions .
malheureufes qui firent de la Syrie un
gouffre où l'Europe venoit s'engloutir ;
cet Ouvrage , dis-je , traité avec ce ton
de vérité que quelques critiques ont
blâme , & que je regarde comme le premier
devoir impofe à l'Hiftorien , obtint
le fuffrage des gens de lettres ; mais
les femmes qui font dans notre fiécle le
fuccès des livres nouveaux , & dont
plufieurs méritent cet honneur ; mais
le commun des Lecteurs François furent
rebutés des noms barbares qu'on y rencontre
à chaque page. On étoit accoutumé
à lire dans Maimbourg , ( dont je
viens d'imiter la prolixité dans la phraſe
précédente ) dans Vertot , & tant d'autres
, les noms de Noradin , d'Adile ,
de Saladin , & on a été effrayé d'y voir
fubftituer ceux de Zenghi , de Kara-
Arflan , de Schirgouht , de Schaour ,
de Kamstegghin , & c ; vous penfez bien ' ,
Monfieur , que cet affemblage de lettres
qu'il falloit , pour ainfi dire , épeler chaque
fois pour leur faire produire deз
fons ; que ces fons bizarres qui venoient
à chaque inftant irriter les oreilles délicates
, ont dû laffer la patience des perfonnes
qui lifent plus pour s'amufer que
M A I. 1763.
ΤΟΥ
pour s'inftruire . J'ai eu tort fans doute
de ne point animer leur conftance en
les avertiffant dans la Préface , qu'après
le troifiéme ou le quatriéme livre , elles
n'auroient rencontré que des noms trèsconnus
, des noms de leurs ancêtres
des détails peut- être intéreffans & des
anecdotes que très-fùrement elles ne
trouveront point ailleurs ainfi raffemblés.
C'étoient , s'il m'eft permis de le dire
, les déferts qui conduifent dans l'Arabie
heureuſe. Mais je m'apperçois qu'à
l'occafion de votre annonce , je me
charge du ridicule de faire moi - même
l'éloge de mon Ouvrage , & c'eſt ſans
donte là une rufe de l'amour- propre
moins pardonnable que celle de mes
Libraires.
Dans le même volume , vous avez
inféré une Lettre pleine de réflexions .
judicieuses , à l'occafion du projet que
j'avois imaginé, & auquel vous avez bien
vou'u applaudir . On a eu tort de confondre
cet établiffement avec les confultations
gratuites des Avocats. Je propofe
une affemblée ou bureau de perfonnes
inftruites & autorifées à pourfuivre
avec vigueur les intérêts des pauvres
contre la tyrannie des débiteurs puiffans
& de mauvaife foi. Je n'ai cité
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qu'un exemple dans ma Lettre , mais.
j'aurois pu en appeller plufieurs à l'appui
de mes idées , fi je n'avois craint des.
applications. Je les développerois & je
leur donnerois plus d'étendue , fi ce
projet pouvoit avoir lieu. On fentiroit
par la multiplicité d'injuftices criantes.
qu'on pourroit dévoiler , combien il feroit
important de réprimer la cruauté de
certains hommes qui infultent dans des
voitures magnifiques , aux malheureux
dont ils traînent les dépouilles.
Mais ce qu'il faut dire ici pour l'honneur
de l'humanité , c'eft que ma Lettre
adreffée à M. le P. de.... a occafionné
plufieurs bonnes oeuvres. On a recherché
les infortunés de l'efpéce de ceuxdont
j'ai parlé , & on s'eft difputé la
gloire de les fecourir, Un Avocat eftimable
que je ne puis nommer fans fon
aveu , a offert de fe charger de toutes
les caufes des pauvres & de faire les
avances néceffaires ; & fans doute plufieurs
de fes Confrères font dans la
même difpofition . Ainfi dans ce fiécle
que nos Moraliftes ne ceffent de rabaiffer
dans leurs déclamations , l'humanité:
n'a rien perdu de fes droits. Elle n'eft
point éteinte dans le coeur des hommes
& il fuffit de réveiller leur fenfibilité :
M A I. 1763. 103
pour les ramener à cette compaffion
bienfaifante que la Nature nous infpire
pour nos femblables .
Il est encore queftion de moi , Monfieur
, dans le même Mercure. En lifant
le manufcrit de l'Anglois à Bordeaux ,
Piéce qu'on ne fauroit trop louer ; j'ajoutai
un couplet à ceux du Vaudeville
qui termine cette Comédie . Ce
couplet destiné feulement pour M.
Favart , eft tombé entre les mains du
Libraire , qui l'a mêlé avec d'autres jolis
vers . Imprimé ainfi féparément il a un
air de prétention qu'il ne mérite pas , &
que je n'ai jamais eu deffein de luidonner.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris ce Avril 1763 . MARIN.
P.S. Comme le projet que j'avois
propofé n'aura peut-être jamais lieu , je
crois devoir ajouter ici quelques éclairciffemens
fur ce qui fe pratique à Paris ,
à Lyon & à Nancy.
Henri IV, qui s'occupoit fans ceffe
du bonheur de fes Sujets , avoit voulu
quelque temps avant fa mort, procurer
aux pauvres les fecours dont ils pourroient
avoir befoin pour l'inftruction &
la défenfe de leurs affaires. Il rendit à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet effet le 6 Mars 1610 , un Arrêt de
fon Confeil d'Etat, qui ordonnoit que
dans toutes les Cours tant fouveraines
que fubalternes , il feroit commis des
Avocats & Procureurs , lefquels feroient
tenus d'affifter de leur confeil , labeur
& vacations , les Veuves , Orphelins ,
Pauvres Gentilshommes , Marchands
Laboureurs & autres qui feroient dépourvus
de confeils & d'argent , &c . La
mort prématurée de ce grand Roi empêcha
l'éxécution d'une fi belle entreprife.
Elle eft demeurée depuis fans
effet ; mais les Avocats y ont fuppléé
en partie , en établiffant des Confultations
de charité qui fe tiennent dans la
Bibliothéque que fen M. de Riparfond
a laiffée à l'Ordre des Avocats . Cette
Bibliothéque eft dans une des Salles de
l'Archevêché. Il s'y affemble une fois
la femaine , plufieurs anciens & jeunes
Avocats nommés par Meffieurs les Avocats
Généraux du Parlement , pour donner
leur avis fur les affaires qui font
propofées. Un d'entre les jeunes rend
compte a l'ancien des Mémoires , &
rédige les Confultations fans en recevoir
aucun honoraire. Meffieurs les
Avocats Généraux & M. le Procureur
Général áffiftoient anciennement à ces
M A I. 1763. TOS
affemblées & y viennent encore quelquefois.
Je tiens ces éclairciffemens d'un Avocat
( M. A. de M... ) qui m'a dit les
avoir envoyés également au Journal de
Jurifprudence. A Lyon il y a un Bureau ,
ou Confeil charitable. Ce Bureau doit
fon établiffement à M. de Rochebonne ,
Archevêque de Lyon , qui affecta 2000 1 .
à prendre fur les revenus de l'Archevêché.
Tous ces Succeffeurs ont continué
cette bonne oeuvre . La Ville ena
augmenté les revenus.
M. l'Archevêque préfide à ce Bureau,
en fon abfence c'eftfon premier Grand
Vicaire , ou un Comte de Lyon. Il y
affifte des Magiftrats de la Cour des
Monnoyes , Maréchauffée & Préfidial
de Lyon , des Avocats , des Procureurs,
des Négocians & notables Bourgeois .
On y régle à l'amiable toutes les conteftations
lorsque les parties veulent bien
s'en rapporter à ce Confeil. On fe charge
des procès des pauvres , où on leur
fournit des fecours , c'eſt-à - dire de l'argent
pour les pourfuivre eux - mêmes.
On y donne auffi des confultations gratuies
.
Ce Bureau s'affemble à l'Archevêché
tous les Samedis.
Ev
106 MERCURE DE FRANCE
Ce Bureau éxerce encore une bonne
oeuvre. Les loyers fe payent à Lyon
tous les fix mois , c'eft- à- dire , à la S.
Jean & à Noël. Quand un ouvrier ou ,
un autre pauvre particulier eft dans l'impuiffance
de payer fon terme , on s'en
charge. On met la femme en condition
, on a foin des enfans & on aide
le mari.
A Nancy , Saniflas le bienfaisant ,
qui mérite ce nom à tant de titres , a
établi un , Confeil d'Avocats qui éxaminent
toutes les conteftations & les.
décident. Ces Avocats font payés par
le Roi & il n'en coûte rien aux Parties
qui vont les confulter,
PLACE , fur l'Hiftoire de SALA
& c. DIN ,
VOUS Ous avez eu la bonté , Monfieur .
de faire mention dans le Mercure d'Avril
de l'Hiftoire de Saladin , & vous
l'avez annoncée comme une nouvelle
édition. Je fuis fort éloigné d'approuver
ces petites rufes de Libraires , & je
vous prie d'apprendre au Public que j'ai
fait quelques légers changemens dans
cet écrit , mais qu'il n'a point été réimprimé
de nouveau .
Cet Ouvrage qui m'a couté dix années
de travail , dont j'ai puifé les matériaux
dans tous les Auteurs du temps ,
Chrétiens & Mufulmans , que j'ai écrit
avec le plus de foin qu'il m'a été poffible
, & que j'avois cru rendre intéreſfant
par le développement & l'Hiftoire
abrégée des Dynafties Arabes , par le
tableau des moeurs & des opinions des
!
qu'on pouvoit donner une fauffe interprétation
au premier vers de fon Ode à Hiéron ; c'eſt
pourquoi il répéte enfuite cette même comparaifon
, & donne la correction néceffaire .
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
+
Mahometans , & en préfentant fous une
face nouvelle , une de ces expéditions .
malheureufes qui firent de la Syrie un
gouffre où l'Europe venoit s'engloutir ;
cet Ouvrage , dis-je , traité avec ce ton
de vérité que quelques critiques ont
blâme , & que je regarde comme le premier
devoir impofe à l'Hiftorien , obtint
le fuffrage des gens de lettres ; mais
les femmes qui font dans notre fiécle le
fuccès des livres nouveaux , & dont
plufieurs méritent cet honneur ; mais
le commun des Lecteurs François furent
rebutés des noms barbares qu'on y rencontre
à chaque page. On étoit accoutumé
à lire dans Maimbourg , ( dont je
viens d'imiter la prolixité dans la phraſe
précédente ) dans Vertot , & tant d'autres
, les noms de Noradin , d'Adile ,
de Saladin , & on a été effrayé d'y voir
fubftituer ceux de Zenghi , de Kara-
Arflan , de Schirgouht , de Schaour ,
de Kamstegghin , & c ; vous penfez bien ' ,
Monfieur , que cet affemblage de lettres
qu'il falloit , pour ainfi dire , épeler chaque
fois pour leur faire produire deз
fons ; que ces fons bizarres qui venoient
à chaque inftant irriter les oreilles délicates
, ont dû laffer la patience des perfonnes
qui lifent plus pour s'amufer que
M A I. 1763.
ΤΟΥ
pour s'inftruire . J'ai eu tort fans doute
de ne point animer leur conftance en
les avertiffant dans la Préface , qu'après
le troifiéme ou le quatriéme livre , elles
n'auroient rencontré que des noms trèsconnus
, des noms de leurs ancêtres
des détails peut- être intéreffans & des
anecdotes que très-fùrement elles ne
trouveront point ailleurs ainfi raffemblés.
C'étoient , s'il m'eft permis de le dire
, les déferts qui conduifent dans l'Arabie
heureuſe. Mais je m'apperçois qu'à
l'occafion de votre annonce , je me
charge du ridicule de faire moi - même
l'éloge de mon Ouvrage , & c'eſt ſans
donte là une rufe de l'amour- propre
moins pardonnable que celle de mes
Libraires.
Dans le même volume , vous avez
inféré une Lettre pleine de réflexions .
judicieuses , à l'occafion du projet que
j'avois imaginé, & auquel vous avez bien
vou'u applaudir . On a eu tort de confondre
cet établiffement avec les confultations
gratuites des Avocats. Je propofe
une affemblée ou bureau de perfonnes
inftruites & autorifées à pourfuivre
avec vigueur les intérêts des pauvres
contre la tyrannie des débiteurs puiffans
& de mauvaife foi. Je n'ai cité
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qu'un exemple dans ma Lettre , mais.
j'aurois pu en appeller plufieurs à l'appui
de mes idées , fi je n'avois craint des.
applications. Je les développerois & je
leur donnerois plus d'étendue , fi ce
projet pouvoit avoir lieu. On fentiroit
par la multiplicité d'injuftices criantes.
qu'on pourroit dévoiler , combien il feroit
important de réprimer la cruauté de
certains hommes qui infultent dans des
voitures magnifiques , aux malheureux
dont ils traînent les dépouilles.
Mais ce qu'il faut dire ici pour l'honneur
de l'humanité , c'eft que ma Lettre
adreffée à M. le P. de.... a occafionné
plufieurs bonnes oeuvres. On a recherché
les infortunés de l'efpéce de ceuxdont
j'ai parlé , & on s'eft difputé la
gloire de les fecourir, Un Avocat eftimable
que je ne puis nommer fans fon
aveu , a offert de fe charger de toutes
les caufes des pauvres & de faire les
avances néceffaires ; & fans doute plufieurs
de fes Confrères font dans la
même difpofition . Ainfi dans ce fiécle
que nos Moraliftes ne ceffent de rabaiffer
dans leurs déclamations , l'humanité:
n'a rien perdu de fes droits. Elle n'eft
point éteinte dans le coeur des hommes
& il fuffit de réveiller leur fenfibilité :
M A I. 1763. 103
pour les ramener à cette compaffion
bienfaifante que la Nature nous infpire
pour nos femblables .
Il est encore queftion de moi , Monfieur
, dans le même Mercure. En lifant
le manufcrit de l'Anglois à Bordeaux ,
Piéce qu'on ne fauroit trop louer ; j'ajoutai
un couplet à ceux du Vaudeville
qui termine cette Comédie . Ce
couplet destiné feulement pour M.
Favart , eft tombé entre les mains du
Libraire , qui l'a mêlé avec d'autres jolis
vers . Imprimé ainfi féparément il a un
air de prétention qu'il ne mérite pas , &
que je n'ai jamais eu deffein de luidonner.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris ce Avril 1763 . MARIN.
P.S. Comme le projet que j'avois
propofé n'aura peut-être jamais lieu , je
crois devoir ajouter ici quelques éclairciffemens
fur ce qui fe pratique à Paris ,
à Lyon & à Nancy.
Henri IV, qui s'occupoit fans ceffe
du bonheur de fes Sujets , avoit voulu
quelque temps avant fa mort, procurer
aux pauvres les fecours dont ils pourroient
avoir befoin pour l'inftruction &
la défenfe de leurs affaires. Il rendit à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet effet le 6 Mars 1610 , un Arrêt de
fon Confeil d'Etat, qui ordonnoit que
dans toutes les Cours tant fouveraines
que fubalternes , il feroit commis des
Avocats & Procureurs , lefquels feroient
tenus d'affifter de leur confeil , labeur
& vacations , les Veuves , Orphelins ,
Pauvres Gentilshommes , Marchands
Laboureurs & autres qui feroient dépourvus
de confeils & d'argent , &c . La
mort prématurée de ce grand Roi empêcha
l'éxécution d'une fi belle entreprife.
Elle eft demeurée depuis fans
effet ; mais les Avocats y ont fuppléé
en partie , en établiffant des Confultations
de charité qui fe tiennent dans la
Bibliothéque que fen M. de Riparfond
a laiffée à l'Ordre des Avocats . Cette
Bibliothéque eft dans une des Salles de
l'Archevêché. Il s'y affemble une fois
la femaine , plufieurs anciens & jeunes
Avocats nommés par Meffieurs les Avocats
Généraux du Parlement , pour donner
leur avis fur les affaires qui font
propofées. Un d'entre les jeunes rend
compte a l'ancien des Mémoires , &
rédige les Confultations fans en recevoir
aucun honoraire. Meffieurs les
Avocats Généraux & M. le Procureur
Général áffiftoient anciennement à ces
M A I. 1763. TOS
affemblées & y viennent encore quelquefois.
Je tiens ces éclairciffemens d'un Avocat
( M. A. de M... ) qui m'a dit les
avoir envoyés également au Journal de
Jurifprudence. A Lyon il y a un Bureau ,
ou Confeil charitable. Ce Bureau doit
fon établiffement à M. de Rochebonne ,
Archevêque de Lyon , qui affecta 2000 1 .
à prendre fur les revenus de l'Archevêché.
Tous ces Succeffeurs ont continué
cette bonne oeuvre . La Ville ena
augmenté les revenus.
M. l'Archevêque préfide à ce Bureau,
en fon abfence c'eftfon premier Grand
Vicaire , ou un Comte de Lyon. Il y
affifte des Magiftrats de la Cour des
Monnoyes , Maréchauffée & Préfidial
de Lyon , des Avocats , des Procureurs,
des Négocians & notables Bourgeois .
On y régle à l'amiable toutes les conteftations
lorsque les parties veulent bien
s'en rapporter à ce Confeil. On fe charge
des procès des pauvres , où on leur
fournit des fecours , c'eſt-à - dire de l'argent
pour les pourfuivre eux - mêmes.
On y donne auffi des confultations gratuies
.
Ce Bureau s'affemble à l'Archevêché
tous les Samedis.
Ev
106 MERCURE DE FRANCE
Ce Bureau éxerce encore une bonne
oeuvre. Les loyers fe payent à Lyon
tous les fix mois , c'eft- à- dire , à la S.
Jean & à Noël. Quand un ouvrier ou ,
un autre pauvre particulier eft dans l'impuiffance
de payer fon terme , on s'en
charge. On met la femme en condition
, on a foin des enfans & on aide
le mari.
A Nancy , Saniflas le bienfaisant ,
qui mérite ce nom à tant de titres , a
établi un , Confeil d'Avocats qui éxaminent
toutes les conteftations & les.
décident. Ces Avocats font payés par
le Roi & il n'en coûte rien aux Parties
qui vont les confulter,
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Résumé : LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
M. Marin adresse une lettre à M. de La Place pour clarifier des informations concernant son ouvrage sur l'histoire de Saladin. Il précise que cet ouvrage, résultant de dix années de travail, n'a pas été réimprimé mais a subi quelques modifications. Il compile des matériaux provenant d'auteurs chrétiens et musulmans et se concentre sur une expédition malheureuse en Syrie. Malgré des critiques sur son style, l'ouvrage a été bien accueilli par les gens de lettres, mais a rebuté le commun des lecteurs français en raison des noms barbares utilisés. M. Marin mentionne également une lettre publiée dans le Mercure de France, qui traite d'un projet visant à protéger les intérêts des pauvres contre la tyrannie des débiteurs puissants. Ce projet, bien que confondu avec les consultations gratuites des avocats, propose la création d'une assemblée de personnes instruites pour défendre les pauvres. Cette initiative a déjà suscité des bonnes œuvres et des actions de soutien. Enfin, M. Marin explique qu'il a ajouté un couplet à une pièce de théâtre, qui a été imprimé séparément et de manière inappropriée. Il fournit également des éclaircissements sur des initiatives similaires à Paris, Lyon et Nancy, où des avocats et des magistrats offrent des consultations gratuites et des aides financières aux pauvres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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90
p. 119-120
TRAITE historique des Plantes qui croissent dans la Lorraine & les 3 Evêchés, contenant leur description, leur figure, leur nom, l'endroit où elles croissent, leur culture, leur analyse & leurs propriétés, tant pour la Médecine, que pour les arts & métiers, par M. P. J. BUCHOZ, Avocat au Parlement de Metz, Docteur en Philosophie & en Médecine, Agrégé du Collége Royal des Médecins dé Nancy. A Nancy chez MESSIN, Marchand Libraire, rue de la Hache ; 1762. in-12 , ou petit in-8°.
Début :
CE Livre qui aura une suite, n'est encore qu'au premier volume. On y [...]
Mots clefs :
Plante, Médecine, Volume, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAITE historique des Plantes qui croissent dans la Lorraine & les 3 Evêchés, contenant leur description, leur figure, leur nom, l'endroit où elles croissent, leur culture, leur analyse & leurs propriétés, tant pour la Médecine, que pour les arts & métiers, par M. P. J. BUCHOZ, Avocat au Parlement de Metz, Docteur en Philosophie & en Médecine, Agrégé du Collége Royal des Médecins dé Nancy. A Nancy chez MESSIN, Marchand Libraire, rue de la Hache ; 1762. in-12 , ou petit in-8°.
TRAITE hiftorique des Plantes qui croif
fent dans la Lorraine & les 3 Evêchés ,
contenant leur defcription , leurfigu
re , leur nom , l'endroit où elles croif--
fent , leur culture , leur analyfe &
leurs propriétés , tant pour la Médecine
, quepour les arts & métiers , par
M. P. J. BUCHOZ , Avocat au Parlement
de Metz , Docteur en Philofophie
& en Médecine , Agrégé du Collége
Royal des Médecins dé Nancy.
A Nancy chez MESSIN , Marchand
Libraire , rue de la Hache ; 1762. in-
12 , ou petit in-8° .
CEE Livre qui aura une fuite , n'eſt
encore qu'au premier volume. On y
traite des Plantes en général, de leur anatomie
, de leur végétation , de leur générati
on , & des différens fyftêmes de
Botanique ; ce qui fait le fujet de fix difcours
qui fervent d'introduction à tout
l'Ouvrage. Mais comme ces notions préliminaires
ne fuffifoient pas pour former
un volume , l'Auteur y a joint deux
120 MERCURE DE FRANCE .
·
théfes qu'il a foutenues dans la Faculté
de Médecine de Pont -à-Mouffon , & dont
la première traite de l'inoculation de la
petite vérole ; la feconde , de la manière
de connoître le pouls par la mufique . Ces
deux théfes font en latin & en françois.
M. Buchoz, promet que les volumes
fuivans feront plus étendus , & ornés
de beaucoup de Planches en taille- douce
, qui repréfenteront les figures des
plantes au naturel . L'Ouvrage ne fe diftribuera
toujours que par foufcription ,
ainfi qu'il a été annoncé.
fent dans la Lorraine & les 3 Evêchés ,
contenant leur defcription , leurfigu
re , leur nom , l'endroit où elles croif--
fent , leur culture , leur analyfe &
leurs propriétés , tant pour la Médecine
, quepour les arts & métiers , par
M. P. J. BUCHOZ , Avocat au Parlement
de Metz , Docteur en Philofophie
& en Médecine , Agrégé du Collége
Royal des Médecins dé Nancy.
A Nancy chez MESSIN , Marchand
Libraire , rue de la Hache ; 1762. in-
12 , ou petit in-8° .
CEE Livre qui aura une fuite , n'eſt
encore qu'au premier volume. On y
traite des Plantes en général, de leur anatomie
, de leur végétation , de leur générati
on , & des différens fyftêmes de
Botanique ; ce qui fait le fujet de fix difcours
qui fervent d'introduction à tout
l'Ouvrage. Mais comme ces notions préliminaires
ne fuffifoient pas pour former
un volume , l'Auteur y a joint deux
120 MERCURE DE FRANCE .
·
théfes qu'il a foutenues dans la Faculté
de Médecine de Pont -à-Mouffon , & dont
la première traite de l'inoculation de la
petite vérole ; la feconde , de la manière
de connoître le pouls par la mufique . Ces
deux théfes font en latin & en françois.
M. Buchoz, promet que les volumes
fuivans feront plus étendus , & ornés
de beaucoup de Planches en taille- douce
, qui repréfenteront les figures des
plantes au naturel . L'Ouvrage ne fe diftribuera
toujours que par foufcription ,
ainfi qu'il a été annoncé.
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Résumé : TRAITE historique des Plantes qui croissent dans la Lorraine & les 3 Evêchés, contenant leur description, leur figure, leur nom, l'endroit où elles croissent, leur culture, leur analyse & leurs propriétés, tant pour la Médecine, que pour les arts & métiers, par M. P. J. BUCHOZ, Avocat au Parlement de Metz, Docteur en Philosophie & en Médecine, Agrégé du Collége Royal des Médecins dé Nancy. A Nancy chez MESSIN, Marchand Libraire, rue de la Hache ; 1762. in-12 , ou petit in-8°.
Le texte présente un ouvrage intitulé 'Traité historique des Plantes qui croissent en Lorraine & les 3 Evêchés', rédigé par M. P. J. Buchoz, avocat au Parlement de Metz, docteur en philosophie et en médecine, et agrégé du Collège Royal des Médecins de Nancy. Publié à Nancy en 1762, ce livre est le premier volume d'une série dédiée aux plantes. Il couvre leur description, leur figure, leur nom, leur habitat, leur culture, leur analyse et leurs propriétés médicinales, ainsi que leurs usages dans les arts et métiers. Le premier volume traite des plantes en général, de leur anatomie, de leur végétation, de leur génération et des différents systèmes de botanique. L'auteur a ajouté deux thèses soutenues à la Faculté de Médecine de Pont-à-Mousson : l'une sur l'inoculation de la petite vérole et l'autre sur la manière de connaître le pouls par la musique, rédigées en latin et en français. Buchoz prévoit que les volumes suivants seront plus étendus et illustrés de planches en taille-douce représentant les plantes au naturel. L'ouvrage sera distribué uniquement par souscription.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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90
TRAITE historique des Plantes qui croissent dans la Lorraine & les 3 Evêchés, contenant leur description, leur figure, leur nom, l'endroit où elles croissent, leur culture, leur analyse & leurs propriétés, tant pour la Médecine, que pour les arts & métiers, par M. P. J. BUCHOZ, Avocat au Parlement de Metz, Docteur en Philosophie & en Médecine, Agrégé du Collége Royal des Médecins dé Nancy. A Nancy chez MESSIN, Marchand Libraire, rue de la Hache ; 1762. in-12 , ou petit in-8°.
91
p. 208-210
« Le Sieur Bresson De Maillard, Marchand d'Estampes, & Privilégié des Enfans de [...] »
Début :
Le Sieur Bresson De Maillard, Marchand d'Estampes, & Privilégié des Enfans de [...]
Mots clefs :
Estampes , Dessins, Vignettes, Ouvrage, Alphabet, Livre, Papiers, Emblèmes, Marchands, Libraires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Sieur Bresson De Maillard, Marchand d'Estampes, & Privilégié des Enfans de [...] »
LE Sieur BRESSON DE MAILLARD , Marchand
d'Eftampes , & Privilégié des Enfans de France ,
en ouvrages de Caractères , Deffeins , Vignettes ,
demeurant rue S. Jacques , Maifon de M. de Lambon
, Avocat , proche M. Duchefne , Marchand
Libraire à Paris , tient un affortiment de Caractères,
Vignettes , & de différentes Fleurs , qu'il a
deffinées d'après nature, & exécutées fur des Planches
de cuivre , avec lefquelles on peut, avec faci
JANVIER . 1764. 209
lité & fur le champ , faire divers Deffeins pour
meubles , & c .
Ledit Sieur exécute pareillement à jour nombre
d'autres ouvrages utiles , & d'une même facilité
dans l'ufage , comme des Adreſſes , Alphabeths
pour apprendre les Enfans à lire , Notes , Etiquettes
, Noms à laiffer en vifite , ou pour mettre fur
les Livres , Marques & Chiffres , Deffeins au fimple
trait pour broder ou peindre d'après.
Il dient auffi un alfortiment de toutes fortes de
Papiers peints en Vignettes , & entreprend de noter
les Livres de Plein- chant.
Il grave auffi en Taille-douce des Adreſſes avec
les attributs des différentes Profeffions , & autres
fujets.
L'Epoufe du Sieur MAILLARD deffine & colore
très - proprement les Fleurs , Emblêmes & Armoiries
, Ecrans. Elle montre aux Dames la manière
de fe fervir des Planches à jour , que l'on peut
qualifier d'Art de deffiner & de peindrefans Maitres
& fournit les Couleurs & autres chofes qui y font
relatives.
On trouvera auffi chez ledit Sieur une fuite affez
confidérable de petites Eftampes en Emblèmes ,
Deviles , Fables choilies , Prières , Bouquets & Sou
haits de bonnes Fêtes , Etrennes brochées en forme
de Calendrier, Emblématiques & Chantantes , pour
la nouvelle Année , préfentées aux Enjans de France..
Ceux qui defireront acheter & connoitre plus
particulièrement toutes lefdites Marchan difes d'Eltampes
, Caractères & Deffeins , & qui fouhaiteront
les vrais Originaux , s'adrefferont directement à
Paris au Sieur MAILLARD ; & en Province à MM.
les Libraires & Marchands d'Eftampes qu'il fournit.
Sçavoir ,
A Lyon , M. Daudet.
Rouen , M. Frere , fur le Port.
2TO MERCURE DE FRANCE.
Toulouſe , M. Jouques , rue S. Rome.
Tours , M. Jagus , Marchand Papetier.
Poitiers , M, Fatour.
Bordeaux , M. Noblet.
La Rochelle , M. Pavie , Marchand, Libraire.
A Nantes , M. Tancrer.
Liege , M. Soer , Marchand Libraire.
Dijon , M. Desventes , Marchand Libraire .
d'Eftampes , & Privilégié des Enfans de France ,
en ouvrages de Caractères , Deffeins , Vignettes ,
demeurant rue S. Jacques , Maifon de M. de Lambon
, Avocat , proche M. Duchefne , Marchand
Libraire à Paris , tient un affortiment de Caractères,
Vignettes , & de différentes Fleurs , qu'il a
deffinées d'après nature, & exécutées fur des Planches
de cuivre , avec lefquelles on peut, avec faci
JANVIER . 1764. 209
lité & fur le champ , faire divers Deffeins pour
meubles , & c .
Ledit Sieur exécute pareillement à jour nombre
d'autres ouvrages utiles , & d'une même facilité
dans l'ufage , comme des Adreſſes , Alphabeths
pour apprendre les Enfans à lire , Notes , Etiquettes
, Noms à laiffer en vifite , ou pour mettre fur
les Livres , Marques & Chiffres , Deffeins au fimple
trait pour broder ou peindre d'après.
Il dient auffi un alfortiment de toutes fortes de
Papiers peints en Vignettes , & entreprend de noter
les Livres de Plein- chant.
Il grave auffi en Taille-douce des Adreſſes avec
les attributs des différentes Profeffions , & autres
fujets.
L'Epoufe du Sieur MAILLARD deffine & colore
très - proprement les Fleurs , Emblêmes & Armoiries
, Ecrans. Elle montre aux Dames la manière
de fe fervir des Planches à jour , que l'on peut
qualifier d'Art de deffiner & de peindrefans Maitres
& fournit les Couleurs & autres chofes qui y font
relatives.
On trouvera auffi chez ledit Sieur une fuite affez
confidérable de petites Eftampes en Emblèmes ,
Deviles , Fables choilies , Prières , Bouquets & Sou
haits de bonnes Fêtes , Etrennes brochées en forme
de Calendrier, Emblématiques & Chantantes , pour
la nouvelle Année , préfentées aux Enjans de France..
Ceux qui defireront acheter & connoitre plus
particulièrement toutes lefdites Marchan difes d'Eltampes
, Caractères & Deffeins , & qui fouhaiteront
les vrais Originaux , s'adrefferont directement à
Paris au Sieur MAILLARD ; & en Province à MM.
les Libraires & Marchands d'Eftampes qu'il fournit.
Sçavoir ,
A Lyon , M. Daudet.
Rouen , M. Frere , fur le Port.
2TO MERCURE DE FRANCE.
Toulouſe , M. Jouques , rue S. Rome.
Tours , M. Jagus , Marchand Papetier.
Poitiers , M, Fatour.
Bordeaux , M. Noblet.
La Rochelle , M. Pavie , Marchand, Libraire.
A Nantes , M. Tancrer.
Liege , M. Soer , Marchand Libraire.
Dijon , M. Desventes , Marchand Libraire .
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Résumé : « Le Sieur Bresson De Maillard, Marchand d'Estampes, & Privilégié des Enfans de [...] »
Le document présente le Sieur Bresson de Maillard, un marchand d'Etampes et privilégié des Enfants de France, résidant rue Saint-Jacques à Paris. Spécialisé dans les ouvrages de caractères, dessins et vignettes, Maillard propose une variété de produits gravés sur des planches de cuivre, tels que des caractères, vignettes, fleurs, dessins pour meubles, adresses, alphabets pour enfants, notes, étiquettes, marques, chiffres, et dessins pour broder ou peindre. Il offre également des papiers peints en vignettes et propose de noter les livres de plain-chant. Maillard grave en taille-douce des adresses avec les attributs des différentes professions. Son épouse dessine et colore des fleurs, emblèmes et armoiries, et enseigne aux dames l'art de dessiner et peindre à l'aide de planches à jour. Maillard vend aussi des petites estampes en emblèmes, devises, fables choisies, prières, bouquets et souhaits pour les bonnes fêtes. Les produits peuvent être achetés directement à Paris ou auprès de divers libraires et marchands d'estampes en province, comme M. Daudet à Lyon, M. Frere à Rouen, M. Jouques à Toulouse, et d'autres dans diverses villes françaises et belges.
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92
p. 199-200
« Le 31 du mois dernier, la Marquis de Louvois fut présentée à Leurs [...] »
Début :
Le 31 du mois dernier, la Marquis de Louvois fut présentée à Leurs [...]
Mots clefs :
Marquise , Cardinal, Famille royale, Duc, Ambassadeur, Machine, Invention , Ouvrage, Horloger, Montres
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texteReconnaissance textuelle : « Le 31 du mois dernier, la Marquis de Louvois fut présentée à Leurs [...] »
L E 31 du mois dernier , la Marquiſe de Louvois
fut préſentée à Leurs Majeſtés & à la Famille
Royale par la Marquiſe de Montmirel.
Le Cardinal de Bernis eſt arrivé ici le 9 de ce
mois & a eu l'honneur de faire , le même jour ,
ſa révérence à Leurs Majeſtés & à la Famille
Royale : il eſt reparti le lendemain pour retourner
à la même Campagne où il étoit.
Le Duc de Barwick , Grand d'Eſpagne , fut
préſenté le 10 au Roi par l'Ambaſſadeur de Naples.
Le 2 , le ſieur de Coteneuve a eu l'honneur de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
,
préſenter au Roi une machine de ſon invention,
au moyen de laquelle la même perſonne peut
écrire trois copies à la fois du même ouvrage.
L'Auteur lui donne le nomde Polygraphe , ou Copiste
habile. Il y a quelques mois qu'on annonça
dans les papiers publics une machine de ce genre
préſentée à l'Impératrice Reine & inventée :
par le Comte de Neuperg. Le ſieur de Coteneuve
avoit achevé la ſienne & l'avoit miſe en uſage
devant le Marquis de Marigny le 21 Octobre dernier.
Il la préſenta à l'Académie Royale des
Sciences le 23 Novembre ſuivant. Les Commiſ
faires nommés pour l'examiner en ont fait un
rapport avantageux , & ont jugé cette machine
très- ingénieuſe & digne de l'approbation de l'Asadémie.
Parmi ſes différens avantages , elle a
celui d'être facile à tranſporter.
Le fieur Coupſon fils , Horloger à Paris , a eu
l'honneur de préſenter au Roi , le 10 de ce mois ,
une montre nouvelle de ſon invention. Elle est
compoſée de cinq roues comme les montres ordinaires
; mais l'Auteur a ſubſtitué au barillet , au
grand reffort , à la chaîne & à la fuſée , un ſimple
reffort qui opère le même effet que ces différentes
piéces , ſans en avoir les inconvéniens. On la met
en mouvement ſans clef pour vingt-quatre heures
, en preſſant feulement ſur un pouſſoir ſemblable
à celui d'une montre à répétition.
fut préſentée à Leurs Majeſtés & à la Famille
Royale par la Marquiſe de Montmirel.
Le Cardinal de Bernis eſt arrivé ici le 9 de ce
mois & a eu l'honneur de faire , le même jour ,
ſa révérence à Leurs Majeſtés & à la Famille
Royale : il eſt reparti le lendemain pour retourner
à la même Campagne où il étoit.
Le Duc de Barwick , Grand d'Eſpagne , fut
préſenté le 10 au Roi par l'Ambaſſadeur de Naples.
Le 2 , le ſieur de Coteneuve a eu l'honneur de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
,
préſenter au Roi une machine de ſon invention,
au moyen de laquelle la même perſonne peut
écrire trois copies à la fois du même ouvrage.
L'Auteur lui donne le nomde Polygraphe , ou Copiste
habile. Il y a quelques mois qu'on annonça
dans les papiers publics une machine de ce genre
préſentée à l'Impératrice Reine & inventée :
par le Comte de Neuperg. Le ſieur de Coteneuve
avoit achevé la ſienne & l'avoit miſe en uſage
devant le Marquis de Marigny le 21 Octobre dernier.
Il la préſenta à l'Académie Royale des
Sciences le 23 Novembre ſuivant. Les Commiſ
faires nommés pour l'examiner en ont fait un
rapport avantageux , & ont jugé cette machine
très- ingénieuſe & digne de l'approbation de l'Asadémie.
Parmi ſes différens avantages , elle a
celui d'être facile à tranſporter.
Le fieur Coupſon fils , Horloger à Paris , a eu
l'honneur de préſenter au Roi , le 10 de ce mois ,
une montre nouvelle de ſon invention. Elle est
compoſée de cinq roues comme les montres ordinaires
; mais l'Auteur a ſubſtitué au barillet , au
grand reffort , à la chaîne & à la fuſée , un ſimple
reffort qui opère le même effet que ces différentes
piéces , ſans en avoir les inconvéniens. On la met
en mouvement ſans clef pour vingt-quatre heures
, en preſſant feulement ſur un pouſſoir ſemblable
à celui d'une montre à répétition.
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Résumé : « Le 31 du mois dernier, la Marquis de Louvois fut présentée à Leurs [...] »
Le 31 du mois dernier, la Marquise de Louvois fut présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la Marquise de Montmirel. Le Cardinal de Bernis arriva le 9 du mois, rendit hommage à Leurs Majestés et à la Famille Royale, puis repartit le lendemain pour sa campagne. Le Duc de Barwick, Grand d'Espagne, fut présenté au Roi le 10 par l'Ambassadeur de Naples. Le 2, le sieur de Coteneuve présenta au Roi une machine appelée Polygraphe, capable d'écrire trois copies simultanément. Cette invention avait déjà été approuvée par le Marquis de Marigny et l'Académie Royale des Sciences. Le 10 du mois, le sieur Coupson fils, horloger à Paris, présenta au Roi une montre innovante fonctionnant avec un simple ressort, sans clef, pour une durée de vingt-quatre heures.
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93
p. 196-200
LETTRE à l'Auteur du MERCURE.
Début :
J'espere, Monsieur, que dans la partie de votre Journal que vous réservez [...]
Mots clefs :
Lettre, Ouvrage, M. Turmeau, Maison des Turmea, Noblesse, Fortune, Médiocrité, Mariage, Famille, Énonciation, Vérité, Succession
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du MERCURE.
LETTRE à l'Auteur du MERCURE. *
A Paris , le 24 Mars 1764.
J''EESSPPEERREE ,, Monfieur , que dans la partie de votre
Journal que vous réservez aux Annonces généalogiques
, vous voudrez bien inférer cette Lettre.
L'intérêt que je prends à M. Turmeau de la Morandiere
, mon parent , me fait fouhaiter de détruire
la furprife que bien des perfonnes ont reffentie à
l'occafion de ce qu'il dit de fes Ayeux dans fon
* L'abondance des matières eft caufe que cette
Lettre n'a point paru plutôt dans le Mercure.
JUILLET . 1764. 197
Ouvrage intitulé , Principes politiques fur le rap- .
pel des Proteftans en France.
Son nom eft Turmeau : le furnom de la Morandiere
eft celui d'un petit Fief fitué à deux lieues
de Romorantin , fur le bord du Cher , dont les
Turmeau ont communément porté le nom par
préférence à leur propre nom & a celui des autres
Fiefs qui leur appartenoient : tels que la Grande-.
Maifon de Parpeçay , la Jarrerie , &c . Il y a cependant
eu des Turmeau des Beraudières & des
Turmeau de la Grange.
Les Turmeau font du nombre des anciennes
Nobleffes ils font compris dans le Catalogue des
Familles nobles de Blois , fait par Bernier en
1682. Il eft vrai que commé il y a plus de cent
cinquante ans qu'ils font pauvres , ils ont été
tellement ignorés , que Bernier les a cru éteints .
On ne connoît pas leur origine : il y a lieu de
croire qu'ils ons été appellés avec les Brachet dans
le Bléfois en 151s par Louife , Ducheffe d' Angou
lême , lorfque François I. fon fils monta fur le
Trône. Un fait conftant , c'eft que Jean Brachet,,
qui avoit été Précepteur de François I , donna
l'une de fes filles en mariage à un des Aïeux, pa-,
ternels de M. de la Morandiere , avec une portion
du Fief fis à Romorantin , qui lui avoit été donné
par Madame d' Angoulême , de forte que ce Fief
s'appella le Fief de Turmeau. Il fubfifte encore
fous ce nom , quoique très dénaturé.
La médiocrité de la fortune de fes defcendans ,
les Guerres Civiles , le peu de durée de la faveur,
des Brachet , ont été autant de caufes d'éloignement
& d'oubli . Malgré ces contre temps , les.
Turmeau & les Brachet ont fouvent renouvellé
par des mariages leur ancienne alliance , & c'eft
de ces mariages que M. de la Morandiere tire lon
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
droit au Collège de Boily pour y placer fes en
fans , comme parens du Fondateur.
Il eft à obferver que dans la généalogie des
Chartier, qui eft commune aux Maifons de Gefres
, de Molé , d'Ormefon , de Montholon , &
autres qui ont , comme lui , droit au Collège au
même titre de parenté , il eft ignoré , fi Françoife
Chartier dont il defcend , a eu postérité.
Quelque pauvre que foit cette Famille , on ne
peut lui reprocher comme à beaucoup d'autres
qui figurent aujourd'hui , qu'elle ait un feul rejetton
qui ait exercé aucune profeffion méchanique
ou humiliante. Tous ont été voués depuis un
remps immémorial à la Magiftrature ou au Barreau.
Les uns ont été Châtelains ou Procureurs du
Roi de Romorantin , oa Juges Royaux ; les autres
ont été Avocats au Parlement ou dans d'autres
Places analogues , & tous ont fait de grandes
Alliances. Il y a fort peu de Maiſons à la Cour
auxquelles cette Famille n'ait l'honneur d'apparrenir.
La mère de fon père étoit Charlotte de Bafoges
de Boismaitre , laquelle étoit petite-fille de
Marguerite de Caftelnau , foeur du Marquis de-
Caftelnau , Ambaffadeur en Angleterre , &
grande- tante du Maréchal de France . L'Abbé
Te Laboureur a dit à l'Article de Marguerite de Caf
telnau , qu'elle mourut fans poſtérité.
Heft , Monfieur , bien fingulier , que dans une
même Généalogie , on trouve trois énonciations
auffi peu éxactes . Bernier a dit que les Turmeau
étoient éteints ; l'ancien Rédacteur de la généalogie
du Collège de Boiffy paroît faire conjecturer
que Françoife Chartier étoit morte fans postérité ;
& le Laboureur annonce le même fait contre les
enfans de Madame de Boismaitre .
Aujourd'hui M. de la Morandiere rapporte des
JUILLET. 1764. 199
L
titres non équivoques pour prouver le peu d'éxactitude
de ces trois énonciations. Il eft fans contredit
de la Famille Turmeau de Blois ; il vient de
prouver fon droit au Collège de Boiffy , comme
defcendant de Françoife Chartier , mariée à
Etienne Bracher , & il a le contrat de mariage
de Charlotte de Bafoges , Dame de Boismaitre
fon aïeule paternelle , petite-fille de Marguerite
de Caftelnau.
D'après cet expofé , la furpriſe du Public difparoîtra
en fentant que dans ce qu'a dit M. de laMorandiere
dans fon Ouvrage , il a eu principalement
en vue fes Aieux maternels . Il a donc été fondé à
dire que les Aïeux ( Brachet , Chartier , Caftelnau
& beaucoup d'autres que ces mêmes alliances lui
ont donné , ) ont rempli pendant cinq fiécles de
très-grandes places à la Cour. La médiocrité de
la fortune de fes Aïeux paternels depuis plus
d'un fiécle ne doit rien faire contre lui. On fait
qu'il y a des Maiſons illuftres dont plufieurs rejettons
font tombés dans l'oubli par le défaut de
fortune. On peut encore ajouter en faveur des
Turmeau que s'ils ont eu l'honneur de s'allier
conftamment avec les bonnes Maifons de la Province
qu'ils ont habitée , plufieurs Gentilshommes
ont pris alliance dans cette famille. La Bifaïeule
de M. le Comte de Riocourt étoit une Turmeau ,
de la branche des Seigneurs de Monteaux , &c .
Les alliances ont été fréquentes & réciproques
avec les Familles Gallus de Rioubert Brachet
de la Milletiere & de Pormoran , Pajon Devillai
mes, Dauvergne , Leclerc de Douy , &c.
Meffieurs de Montmorency & de Fains , ont
recueilli la fucceffion d'un Montmorency , Seigneur
de Neavy- le-Palliou , au partage de laquelle fe
préfenta comme parent il y a vingt einq ans le
Iiv
200 MERCURE DE FRANCE.
père de M. de la Morandiere . A la vérité il n'y
eur aucune portion , parce qu'on lui fit croire qu'il
étoit parent plus éloigné du défunt que les copartageans.
Je fais qu'il eſt dans l'intention d'examiner
s'il ne pourroit pas revenir également
contre cette exclufion à la fucceffion de cette
branche Montmorency , comme il revient aujour
d'hui contre les énonciations qui fembloient détruire
fes Aïeuls tant paternels que maternels.
J'ai l'honneur d'être &c.
PAJON DE MONCATS.
Lafuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
A Paris , le 24 Mars 1764.
J''EESSPPEERREE ,, Monfieur , que dans la partie de votre
Journal que vous réservez aux Annonces généalogiques
, vous voudrez bien inférer cette Lettre.
L'intérêt que je prends à M. Turmeau de la Morandiere
, mon parent , me fait fouhaiter de détruire
la furprife que bien des perfonnes ont reffentie à
l'occafion de ce qu'il dit de fes Ayeux dans fon
* L'abondance des matières eft caufe que cette
Lettre n'a point paru plutôt dans le Mercure.
JUILLET . 1764. 197
Ouvrage intitulé , Principes politiques fur le rap- .
pel des Proteftans en France.
Son nom eft Turmeau : le furnom de la Morandiere
eft celui d'un petit Fief fitué à deux lieues
de Romorantin , fur le bord du Cher , dont les
Turmeau ont communément porté le nom par
préférence à leur propre nom & a celui des autres
Fiefs qui leur appartenoient : tels que la Grande-.
Maifon de Parpeçay , la Jarrerie , &c . Il y a cependant
eu des Turmeau des Beraudières & des
Turmeau de la Grange.
Les Turmeau font du nombre des anciennes
Nobleffes ils font compris dans le Catalogue des
Familles nobles de Blois , fait par Bernier en
1682. Il eft vrai que commé il y a plus de cent
cinquante ans qu'ils font pauvres , ils ont été
tellement ignorés , que Bernier les a cru éteints .
On ne connoît pas leur origine : il y a lieu de
croire qu'ils ons été appellés avec les Brachet dans
le Bléfois en 151s par Louife , Ducheffe d' Angou
lême , lorfque François I. fon fils monta fur le
Trône. Un fait conftant , c'eft que Jean Brachet,,
qui avoit été Précepteur de François I , donna
l'une de fes filles en mariage à un des Aïeux, pa-,
ternels de M. de la Morandiere , avec une portion
du Fief fis à Romorantin , qui lui avoit été donné
par Madame d' Angoulême , de forte que ce Fief
s'appella le Fief de Turmeau. Il fubfifte encore
fous ce nom , quoique très dénaturé.
La médiocrité de la fortune de fes defcendans ,
les Guerres Civiles , le peu de durée de la faveur,
des Brachet , ont été autant de caufes d'éloignement
& d'oubli . Malgré ces contre temps , les.
Turmeau & les Brachet ont fouvent renouvellé
par des mariages leur ancienne alliance , & c'eft
de ces mariages que M. de la Morandiere tire lon
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
droit au Collège de Boily pour y placer fes en
fans , comme parens du Fondateur.
Il eft à obferver que dans la généalogie des
Chartier, qui eft commune aux Maifons de Gefres
, de Molé , d'Ormefon , de Montholon , &
autres qui ont , comme lui , droit au Collège au
même titre de parenté , il eft ignoré , fi Françoife
Chartier dont il defcend , a eu postérité.
Quelque pauvre que foit cette Famille , on ne
peut lui reprocher comme à beaucoup d'autres
qui figurent aujourd'hui , qu'elle ait un feul rejetton
qui ait exercé aucune profeffion méchanique
ou humiliante. Tous ont été voués depuis un
remps immémorial à la Magiftrature ou au Barreau.
Les uns ont été Châtelains ou Procureurs du
Roi de Romorantin , oa Juges Royaux ; les autres
ont été Avocats au Parlement ou dans d'autres
Places analogues , & tous ont fait de grandes
Alliances. Il y a fort peu de Maiſons à la Cour
auxquelles cette Famille n'ait l'honneur d'apparrenir.
La mère de fon père étoit Charlotte de Bafoges
de Boismaitre , laquelle étoit petite-fille de
Marguerite de Caftelnau , foeur du Marquis de-
Caftelnau , Ambaffadeur en Angleterre , &
grande- tante du Maréchal de France . L'Abbé
Te Laboureur a dit à l'Article de Marguerite de Caf
telnau , qu'elle mourut fans poſtérité.
Heft , Monfieur , bien fingulier , que dans une
même Généalogie , on trouve trois énonciations
auffi peu éxactes . Bernier a dit que les Turmeau
étoient éteints ; l'ancien Rédacteur de la généalogie
du Collège de Boiffy paroît faire conjecturer
que Françoife Chartier étoit morte fans postérité ;
& le Laboureur annonce le même fait contre les
enfans de Madame de Boismaitre .
Aujourd'hui M. de la Morandiere rapporte des
JUILLET. 1764. 199
L
titres non équivoques pour prouver le peu d'éxactitude
de ces trois énonciations. Il eft fans contredit
de la Famille Turmeau de Blois ; il vient de
prouver fon droit au Collège de Boiffy , comme
defcendant de Françoife Chartier , mariée à
Etienne Bracher , & il a le contrat de mariage
de Charlotte de Bafoges , Dame de Boismaitre
fon aïeule paternelle , petite-fille de Marguerite
de Caftelnau.
D'après cet expofé , la furpriſe du Public difparoîtra
en fentant que dans ce qu'a dit M. de laMorandiere
dans fon Ouvrage , il a eu principalement
en vue fes Aieux maternels . Il a donc été fondé à
dire que les Aïeux ( Brachet , Chartier , Caftelnau
& beaucoup d'autres que ces mêmes alliances lui
ont donné , ) ont rempli pendant cinq fiécles de
très-grandes places à la Cour. La médiocrité de
la fortune de fes Aïeux paternels depuis plus
d'un fiécle ne doit rien faire contre lui. On fait
qu'il y a des Maiſons illuftres dont plufieurs rejettons
font tombés dans l'oubli par le défaut de
fortune. On peut encore ajouter en faveur des
Turmeau que s'ils ont eu l'honneur de s'allier
conftamment avec les bonnes Maifons de la Province
qu'ils ont habitée , plufieurs Gentilshommes
ont pris alliance dans cette famille. La Bifaïeule
de M. le Comte de Riocourt étoit une Turmeau ,
de la branche des Seigneurs de Monteaux , &c .
Les alliances ont été fréquentes & réciproques
avec les Familles Gallus de Rioubert Brachet
de la Milletiere & de Pormoran , Pajon Devillai
mes, Dauvergne , Leclerc de Douy , &c.
Meffieurs de Montmorency & de Fains , ont
recueilli la fucceffion d'un Montmorency , Seigneur
de Neavy- le-Palliou , au partage de laquelle fe
préfenta comme parent il y a vingt einq ans le
Iiv
200 MERCURE DE FRANCE.
père de M. de la Morandiere . A la vérité il n'y
eur aucune portion , parce qu'on lui fit croire qu'il
étoit parent plus éloigné du défunt que les copartageans.
Je fais qu'il eſt dans l'intention d'examiner
s'il ne pourroit pas revenir également
contre cette exclufion à la fucceffion de cette
branche Montmorency , comme il revient aujour
d'hui contre les énonciations qui fembloient détruire
fes Aïeuls tant paternels que maternels.
J'ai l'honneur d'être &c.
PAJON DE MONCATS.
Lafuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
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Résumé : LETTRE à l'Auteur du MERCURE.
La lettre datée du 24 mars 1764, adressée à l'auteur du Mercure, vise à rectifier des informations erronées concernant la famille de M. Turmeau de la Morandiere. L'auteur souhaite clarifier les origines et la noblesse de cette famille, souvent méconnues ou mal interprétées. La famille Turmeau porte le surnom de la Morandiere, issu d'un fief près de Romorantin. Elle est une ancienne famille noble, mentionnée dans le catalogue des familles nobles de Blois en 1682. Leur origine exacte est inconnue, mais il est probable qu'ils aient été appelés en Berry par Louise d'Angoulême au début du XVIe siècle. Un fait avéré est que Jean Brachet, précepteur de François Ier, a marié l'une de ses filles à un ancêtre de M. de la Morandiere, lui transmettant ainsi un fief. Malgré des périodes de pauvreté et d'oubli, les Turmeau ont maintenu leur noblesse et ont souvent renouvelé leurs alliances avec d'autres familles nobles par des mariages. M. de la Morandiere revendique ainsi des droits au Collège de Boily grâce à ces alliances. La lettre souligne que, bien que la famille soit modeste, elle n'a jamais exercé de professions méprisables. Les Turmeau ont traditionnellement été impliqués dans la magistrature ou le barreau, et ont fait de nombreuses alliances prestigieuses. La mère du père de M. de la Morandiere était Charlotte de Bafoges de Boismaitre, petite-fille de Marguerite de Castelnau, sœur du Marquis de Castelnau, ambassadeur en Angleterre. L'auteur critique les erreurs trouvées dans diverses généalogies, notamment celles de Bernier, du rédacteur du Collège de Boily, et de l'Abbé Te Laboureur. M. de la Morandiere a fourni des preuves pour corriger ces erreurs, démontrant ainsi la continuité de sa lignée et ses droits nobles. Enfin, la lettre mentionne que la famille Turmeau a souvent été alliée à des maisons illustres et que des gentilshommes ont pris des alliances dans cette famille. Elle conclut en exprimant l'intention de M. de la Morandiere de réexaminer une exclusion de succession dans la branche Montmorency.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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94
p. 200-204
LETTRE de M. DE LA DIXMERIE à M. DE LA PLACE.
Début :
J'ai lu, Monsieur, dans votre Mercure du mois de Juillet dernier, Article [...]
Mots clefs :
Mémoire, Histoire de France, Anecdotes, Ouvrage, Historiens, Bibliothèque, Saint-Esprit, Ordres, Naples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. DE LA DIXMERIE à M. DE LA PLACE.
LETTRE de M. DE LA DIXMERIE
à M. DE LA PLACE.
J'AI lu , Monfieur , dans votre Mercure
du mois de Juillet dernier , Article
des Nouvelles Littéraires , cette annonce
: Mémoire pour fervir à l'Hiftoire
de France du quatorziéme fiécle , contenant
les Statuts de l'Ordre du S. Efprit
AU DROIT DESIROU DU NOEU , inf
titué à Naples , en 1352 , par Louis
Premier du Nom , Roi de Jerufalem ,
JUILLET. 1764. 201
de Naples & de Sicile , & renouvellé en
1579 par Henri III , Roi de France
,fous le titre de l'ORDRE DU S. Es-
PRIT , avec une notice fur le manufcrit
original qui renferme les anciens Statuts
, & des Remarques Hiftoriques fur
cet Ordre , par M. LEFEVRE , Prétre
de la Doctrine Chrétienne. Brochure
de quatre vingt-deux pages.
J'ai cru fur ce titre , que je trouverois
dans cette petite brochure quelques
Anecdotes & quelques faits concernant
notre Ordre du S. Efprit ; il n'y
en a pas un feul , excepté que l'Auteur
dit qu'il a été renouvellé d'après
celui de Naples.
M. de Saintfoix , en 1758 , fit imprimer
un petit Ouvrage fur notre
Ordre du S. Efprit ; il le préfenta même
au Roi ; il y rapporte les Statuts
de celui de Naples avec des notes &
quelques Anecdotes fur cet Ordre qui
font à- peu-près les mêmes que celles
de M. Le Fevre. Je ne prétends pas
dire que M. Le Fevre ait vù ce petit
Ouvrage de M. de Saintfoix ; j'ai même
des raifons pour ne le pas croire ;
mais voici ce que M. de Saintfoix y
dit : Louis d'Anjou , Roi de Jérufalem
& de Naples , inflitua , en 1352 ,
I v
202 MERCURE DE FRANCE .
un Ordre du S. Efprit. Plufieurs dé
nos Hiftoriens difent qu'attendu les
troubles dont fon régne fut agité dès
l'an 1354 , cet Ordre du S. Efprit
ne putfe foutenir, & que peut - être igno
reroit-on qu'il eût exifté , fi le hafard
n'avoit pas fait tomber le titre original
de fon inflitution entre les mains d'un
Noble Vénitien qui en fit préfent a
Henri III , lorfqu'il paffa par Venife
à fon retour de Pologne ; que ce
Prince voulant s'en approprier l'idée,
le tint fort caché , & qu'après avoir
fait extraire par Chiverni , Chancelier
de France , ce qu'il en vouloit tirer
pour fon nouvel Ordre , il lui ordonna
de le briller ; que Chiverni conferva
cette pièce rare & curieufe , en
partie à caufe des belles mignatures
dont elle étoit ornée ; qu'après fa mort ,
elle paffa dans la Bibliothèque de fon
Fils , & de cette Bibliothèque dans celle
du Président de Maifons . Si ces Hiftoriens
avoient confronté les Statuts de
rOrdre du S. Efprit de Naples , inftituée
en 1352 ; avec ceux de l'Ordre
de l'Etoile , inftitué à Paris un an
auparavant , en 1351 , par le Roi
Jean , ils auroient vu qu'ils font les
mêmes , & qu'étant les mêmes , & ceux
JUILLET. 1764. 203
de l'Ordre de l'Etoile étant très connus
en France , Henri III par conséquent
n'avoit pas pu penfer à s'en approprier
l'idée. D'ailleurs parmi les Statuts de
notre Ordre du S. Efprit , il n'y en
a' au que ou
femblent à ceux de cinq qui refl'Ordre
S.
prit de Naples , & ces quatre ou cinq
Statuts fe trouvent auffi parmi ceux de
S. Michel inftitué par Louis XI: ainfi
ce ne feroit pas de l'Ordre du S. Ef
prit de Naples que Henri III les auroit
pris, mais de celui de S. Michel. Enfin
fi ces Hiftoriens avoient la les Statuts
de nos Ordres de S. Michel & du
S. Efprit , ils auroient vu que le fond
eft entierement le même , & qu'il n'y
a que les changemens qu'exigeoient les
temps différens ; le droit féodal par
rapport a la convocation des grands
& petits Vaffaux , fubfiftoit encore du
temps de Louis XI , au lieu qu'il ne
fubfiftoit plus du temps de Henri III.
Voilà ce qu'avoit dit M. de Saintfoix
& ce que nous retrouverons fans
doute dans fon Hiftoire des Ordres
du Roi . On peut juger à préfent fis
M. Le Fevre a raifon de mettre dans
le titre de fa Brochure que Henri III
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE.
n'a fait que renouveller l'Ordre du
S. Efprit de Naples.
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA DIX MERIE,
A Paris , le 7 Juillet 1764.
à M. DE LA PLACE.
J'AI lu , Monfieur , dans votre Mercure
du mois de Juillet dernier , Article
des Nouvelles Littéraires , cette annonce
: Mémoire pour fervir à l'Hiftoire
de France du quatorziéme fiécle , contenant
les Statuts de l'Ordre du S. Efprit
AU DROIT DESIROU DU NOEU , inf
titué à Naples , en 1352 , par Louis
Premier du Nom , Roi de Jerufalem ,
JUILLET. 1764. 201
de Naples & de Sicile , & renouvellé en
1579 par Henri III , Roi de France
,fous le titre de l'ORDRE DU S. Es-
PRIT , avec une notice fur le manufcrit
original qui renferme les anciens Statuts
, & des Remarques Hiftoriques fur
cet Ordre , par M. LEFEVRE , Prétre
de la Doctrine Chrétienne. Brochure
de quatre vingt-deux pages.
J'ai cru fur ce titre , que je trouverois
dans cette petite brochure quelques
Anecdotes & quelques faits concernant
notre Ordre du S. Efprit ; il n'y
en a pas un feul , excepté que l'Auteur
dit qu'il a été renouvellé d'après
celui de Naples.
M. de Saintfoix , en 1758 , fit imprimer
un petit Ouvrage fur notre
Ordre du S. Efprit ; il le préfenta même
au Roi ; il y rapporte les Statuts
de celui de Naples avec des notes &
quelques Anecdotes fur cet Ordre qui
font à- peu-près les mêmes que celles
de M. Le Fevre. Je ne prétends pas
dire que M. Le Fevre ait vù ce petit
Ouvrage de M. de Saintfoix ; j'ai même
des raifons pour ne le pas croire ;
mais voici ce que M. de Saintfoix y
dit : Louis d'Anjou , Roi de Jérufalem
& de Naples , inflitua , en 1352 ,
I v
202 MERCURE DE FRANCE .
un Ordre du S. Efprit. Plufieurs dé
nos Hiftoriens difent qu'attendu les
troubles dont fon régne fut agité dès
l'an 1354 , cet Ordre du S. Efprit
ne putfe foutenir, & que peut - être igno
reroit-on qu'il eût exifté , fi le hafard
n'avoit pas fait tomber le titre original
de fon inflitution entre les mains d'un
Noble Vénitien qui en fit préfent a
Henri III , lorfqu'il paffa par Venife
à fon retour de Pologne ; que ce
Prince voulant s'en approprier l'idée,
le tint fort caché , & qu'après avoir
fait extraire par Chiverni , Chancelier
de France , ce qu'il en vouloit tirer
pour fon nouvel Ordre , il lui ordonna
de le briller ; que Chiverni conferva
cette pièce rare & curieufe , en
partie à caufe des belles mignatures
dont elle étoit ornée ; qu'après fa mort ,
elle paffa dans la Bibliothèque de fon
Fils , & de cette Bibliothèque dans celle
du Président de Maifons . Si ces Hiftoriens
avoient confronté les Statuts de
rOrdre du S. Efprit de Naples , inftituée
en 1352 ; avec ceux de l'Ordre
de l'Etoile , inftitué à Paris un an
auparavant , en 1351 , par le Roi
Jean , ils auroient vu qu'ils font les
mêmes , & qu'étant les mêmes , & ceux
JUILLET. 1764. 203
de l'Ordre de l'Etoile étant très connus
en France , Henri III par conséquent
n'avoit pas pu penfer à s'en approprier
l'idée. D'ailleurs parmi les Statuts de
notre Ordre du S. Efprit , il n'y en
a' au que ou
femblent à ceux de cinq qui refl'Ordre
S.
prit de Naples , & ces quatre ou cinq
Statuts fe trouvent auffi parmi ceux de
S. Michel inftitué par Louis XI: ainfi
ce ne feroit pas de l'Ordre du S. Ef
prit de Naples que Henri III les auroit
pris, mais de celui de S. Michel. Enfin
fi ces Hiftoriens avoient la les Statuts
de nos Ordres de S. Michel & du
S. Efprit , ils auroient vu que le fond
eft entierement le même , & qu'il n'y
a que les changemens qu'exigeoient les
temps différens ; le droit féodal par
rapport a la convocation des grands
& petits Vaffaux , fubfiftoit encore du
temps de Louis XI , au lieu qu'il ne
fubfiftoit plus du temps de Henri III.
Voilà ce qu'avoit dit M. de Saintfoix
& ce que nous retrouverons fans
doute dans fon Hiftoire des Ordres
du Roi . On peut juger à préfent fis
M. Le Fevre a raifon de mettre dans
le titre de fa Brochure que Henri III
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE.
n'a fait que renouveller l'Ordre du
S. Efprit de Naples.
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA DIX MERIE,
A Paris , le 7 Juillet 1764.
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Résumé : LETTRE de M. DE LA DIXMERIE à M. DE LA PLACE.
M. de La Dixmerie écrit à M. de La Place au sujet d'une brochure de M. Lefèvre intitulée 'Mémoire pour servir à l'histoire de France du quatorzième siècle'. Cette brochure traite des Statuts de l'Ordre du Saint-Esprit, institué à Naples en 1352 par Louis Ier, Roi de Jérusalem, de Naples et de Sicile, et renouvelé en 1579 par Henri III. La brochure ne contient aucune autre information sur l'Ordre du Saint-Esprit, sauf la mention de son renouvellement par Henri III. M. de La Dixmerie compare cette brochure à un ouvrage de M. de Saintfoix publié en 1758. Saintfoix relate que Louis d'Anjou a institué l'Ordre du Saint-Esprit en 1352, mais que les troubles de son règne ont empêché sa pérennité. Henri III a redécouvert cet ordre grâce à un titre original trouvé par un noble vénitien et a décidé de le renouveler. Saintfoix souligne que les Statuts de l'Ordre du Saint-Esprit de Naples sont identiques à ceux de l'Ordre de l'Étoile, institué en 1351 par le Roi Jean. Il note également des similitudes avec les Statuts de l'Ordre de Saint-Michel, institué par Louis XI. Saintfoix conclut que Henri III a probablement repris les Statuts de l'Ordre de Saint-Michel pour renouveler l'Ordre du Saint-Esprit. M. de La Dixmerie conclut que M. Lefèvre a raison de mentionner dans le titre de sa brochure que Henri III a renouvelé l'Ordre du Saint-Esprit de Naples.
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95
p. 193-194
SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
Début :
Le Roi vient de nommer quatre Commissaires à l'effet d'examiner [...]
Mots clefs :
Nomination, Commissaires, Ouvrage, Académie royale des belles-lettres, Membres, Censeur royal, Assemblée, Jugement, Public
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texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles
Littéraires .
De Compiegne , le 17 Juillet 1764.
LE Rol vient de nommer quatre
Commiſſaires à l'effet d'examiner un
Ouvrage immenfe auquel travaille depuis
long-temps M. Barletti de Saint-
Paul * , & dont voici le titre.
Inſtitutions néceſſaires , ou Corps com
plet d'éducation pratique & relative
dans lequel on trouve la vraie méthode
d'étudier & d'enſeigner les différentes
Sciences convenables aux deux ſexes ,
à tous les âges & à tous les états.
Les Commiſſaires choiſis font MM.
Bonamy , Hiſtoriographe & Bibliothécaire
de la ville de Paris , Membre de
l'Académie Royale des Belles-Lettres ,
&c.
DeGuignes, de la même Académie ,
Profeſſeur Royal de la Société Royale de
*Ancien Secrétaire du Protectorat de France
en Cour de Rome , & Membre de pluſieurs Académies
.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
Londres , Interprète à la Bibliothéque
du Roi pour les Langues Orientales ,
&c.
De Montcarville , Cenſeur Royal
pour les Mathématiques.
De Paffe , Cenfeur Royal pour l'Hiftoire
ancienne , Gouverneur de M. de
S. Farjeau .
V
La première Aſſemblée ſe tiendra
Lundi 30 de ce mois , chez M. de Montcarville.
On fera paffer également dans le Public
le Jugement qu'auront rendu MM.
les Commiffaires .
Littéraires .
De Compiegne , le 17 Juillet 1764.
LE Rol vient de nommer quatre
Commiſſaires à l'effet d'examiner un
Ouvrage immenfe auquel travaille depuis
long-temps M. Barletti de Saint-
Paul * , & dont voici le titre.
Inſtitutions néceſſaires , ou Corps com
plet d'éducation pratique & relative
dans lequel on trouve la vraie méthode
d'étudier & d'enſeigner les différentes
Sciences convenables aux deux ſexes ,
à tous les âges & à tous les états.
Les Commiſſaires choiſis font MM.
Bonamy , Hiſtoriographe & Bibliothécaire
de la ville de Paris , Membre de
l'Académie Royale des Belles-Lettres ,
&c.
DeGuignes, de la même Académie ,
Profeſſeur Royal de la Société Royale de
*Ancien Secrétaire du Protectorat de France
en Cour de Rome , & Membre de pluſieurs Académies
.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
Londres , Interprète à la Bibliothéque
du Roi pour les Langues Orientales ,
&c.
De Montcarville , Cenſeur Royal
pour les Mathématiques.
De Paffe , Cenfeur Royal pour l'Hiftoire
ancienne , Gouverneur de M. de
S. Farjeau .
V
La première Aſſemblée ſe tiendra
Lundi 30 de ce mois , chez M. de Montcarville.
On fera paffer également dans le Public
le Jugement qu'auront rendu MM.
les Commiffaires .
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Résumé : SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
Le 17 juillet 1764, à Compiègne, le Roi a nommé quatre commissaires pour examiner l'ouvrage de M. Barletti de Saint-Paul intitulé 'Institutions nécessaires, ou Corps complet d'éducation pratique & relative'. Cet ouvrage propose une méthode d'étude et d'enseignement des sciences adaptée aux deux sexes, à tous les âges et à tous les états. Les commissaires désignés sont M. Bonamy, historiographe et bibliothécaire de Paris, membre de l'Académie Royale des Belles-Lettres, M. DeGuignes, membre de cette académie et professeur royal, M. Londres, interprète à la Bibliothèque du Roi pour les langues orientales, M. De Montcarville, censeur royal pour les mathématiques, et M. De Passe, censeur royal pour l'histoire ancienne et gouverneur de M. de Saint-Farjeau. La première assemblée des commissaires est prévue pour le lundi 30 juillet chez M. De Montcarville. Le jugement des commissaires sera également rendu public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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96
p. 168-170
De VERSAILLES, le 3 Octobre 1764.
Début :
Le Roi de Pologne, Duc de Lorraine & de Bar, [...]
Mots clefs :
Roi de Pologne, Duc de Lorraine, Chevalier, Colonie, Commandant, Contrat de mariage, Ambassadeur, Ouvrage, Professeur, Capitaines, Lieutenant, Marquis, Vicomte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 3 Octobre 1764.
De VERSAILLES , le 3.Octobre 1764.
La Roi de Pologne , Duc de Lorraine & de Bar ,
eft arrivé de Lunéville ici , le 15 du mois dernier,
& il eft parti aujourd'hui pour retourner à Lunéville.
Le Chevalier Turgot , Gouverneur , Lieutenant-
Général de la Guyane , & le fieur de Béhague
, Commandant en Chef dans cette Colonie ,
ont eu l'honneur de prendre congé le 9 de Leurs
Majeftés & de la Famille Royale : ils fe difpolent
à partir inceffamment pour Rochefort , où ils doiyent
s'embarquer pour paller à Cayenne,
La
NOVEMBRE. 1764. 1fg
le
La Comteffe de Bercheny , nominée Dame
our accompagner Mefdames à la place de la
Marquife de Soulanges , a été en cette qualité
préfentée au Roi le 20 .
Le Roi a accordé les entrées de fa Chambre au
Duc de Villars , Pair de France , Gouverneur &
Commandant en Provence.
Leurs Majeſtés & la Famille Royale ont figné le
30 le contrat de mariage du Marquis de Rochechouart
avec Demoiſelle de Courteille . Le même
jour le fieur de S. Prieft , Intendant de Languedoc
, qui a obtenu la Place de Conſeiller d'Etat
vacante par la mort du fieur de Lucé , Intendant,
d'Alface , a eu l'honneur d'être préfenté au Roi
en cette qualité.
Le même jour le Comte de Guerchy , Ambaf
fadeur du Roi auprès de Sa Majefté Britannique ,
& la Comteffe de Guerchy , fon époufe , ont pris
congé de Leurs Majeftés & de la Famille Royale ,
pour retourner à Londres,
Le 29 , le fieur de Fleury , ancien Profeffeur
Royal de Mathématique , de Génie & d'Artillerie
a eu l'honneur de préfenter à Leurs Majeftés & à
la Famille Royale , ainſi qu'au Roi de Pologne
Duc de Lorraine & de Bar , un Ouvrage intitulé : .,
Effaifur les moyens de réformer l'éducation particu
Lière & générale.
"
Le koi a nommé Lieutenans - Généraux des Armées
Navales le Prince de Beauffremont - Liftenois
, le Comte de Blenac , le Chevalier d'Aubigny .
& le fieur de Bompar , Chefs d'Eſcadre. Le Marquis
de Saint Aignan, le Comte de Coufages , les
fieurs Rofily , Maurville , Keruforet & le Borgne
le Chevalier d'Eaux de Raimondis le fieur de
Sabran , le Vicomte d'Urtubie , les fieurs Beauffiers
de l'Ifle , de Rochemore & de Panat , le
H
•
1-0 MERCURE DE FRANCE.
Vicomte de Bouville , les fieurs d'Orvilliers , du
Chaffault & le Chevalier de Rohan , Capitaines de
Vaiffeaux , ont été faits Chefs d'Efcadre. Sa Ma➡
jefté ayant rétabli le grade de Capitaine de Frégate
, a avancé à ce grade cinquante Lieutenans
de Va fleau, Elle a accordé le grade de Lieutenant
de Vaiſeau à foixante- deux Enfeignes , & celui
d'Enfeigne de Vaiffeau à quatre - vingt - fix Gardes
du Pavillon & de la Marine . Elle a auſſi fait un
remplacement de fix Gardes de la Marine.
Sa Majefté a rendu le 14 du mois dernier
deux Ordonnances ; l'une concernant les régles
qu'elle prefcrit pour l'avancement aux différens
grades de la Marine & fur l'uniforme des Officiers
de la Marine ; l'autre , fur la compofition , le fervice
, la difcipline & l'inftruction des Compagnies
des Gardes du Pavillon & de la Marine , & fur
l'admiffion des Volontaires qui feront agréés pour
fervir fur les Vaiffeaux de Sa Majesté.
Le Roi a difpofé de fa Lieutenance des Gardes
du Corps dans la Compagnie de Luxembourg
vacante par la retraite du Marquis de Vareille ,
en faveur du Marquis de Laubepin , qui étoit
premier Enfeigne de la même Compagnie , &
qui a été remplacé par le Marquis de Floreffac,
Le fieur de Bonfol a obtenu le Bâton d'Exempt.
La Roi de Pologne , Duc de Lorraine & de Bar ,
eft arrivé de Lunéville ici , le 15 du mois dernier,
& il eft parti aujourd'hui pour retourner à Lunéville.
Le Chevalier Turgot , Gouverneur , Lieutenant-
Général de la Guyane , & le fieur de Béhague
, Commandant en Chef dans cette Colonie ,
ont eu l'honneur de prendre congé le 9 de Leurs
Majeftés & de la Famille Royale : ils fe difpolent
à partir inceffamment pour Rochefort , où ils doiyent
s'embarquer pour paller à Cayenne,
La
NOVEMBRE. 1764. 1fg
le
La Comteffe de Bercheny , nominée Dame
our accompagner Mefdames à la place de la
Marquife de Soulanges , a été en cette qualité
préfentée au Roi le 20 .
Le Roi a accordé les entrées de fa Chambre au
Duc de Villars , Pair de France , Gouverneur &
Commandant en Provence.
Leurs Majeſtés & la Famille Royale ont figné le
30 le contrat de mariage du Marquis de Rochechouart
avec Demoiſelle de Courteille . Le même
jour le fieur de S. Prieft , Intendant de Languedoc
, qui a obtenu la Place de Conſeiller d'Etat
vacante par la mort du fieur de Lucé , Intendant,
d'Alface , a eu l'honneur d'être préfenté au Roi
en cette qualité.
Le même jour le Comte de Guerchy , Ambaf
fadeur du Roi auprès de Sa Majefté Britannique ,
& la Comteffe de Guerchy , fon époufe , ont pris
congé de Leurs Majeftés & de la Famille Royale ,
pour retourner à Londres,
Le 29 , le fieur de Fleury , ancien Profeffeur
Royal de Mathématique , de Génie & d'Artillerie
a eu l'honneur de préfenter à Leurs Majeftés & à
la Famille Royale , ainſi qu'au Roi de Pologne
Duc de Lorraine & de Bar , un Ouvrage intitulé : .,
Effaifur les moyens de réformer l'éducation particu
Lière & générale.
"
Le koi a nommé Lieutenans - Généraux des Armées
Navales le Prince de Beauffremont - Liftenois
, le Comte de Blenac , le Chevalier d'Aubigny .
& le fieur de Bompar , Chefs d'Eſcadre. Le Marquis
de Saint Aignan, le Comte de Coufages , les
fieurs Rofily , Maurville , Keruforet & le Borgne
le Chevalier d'Eaux de Raimondis le fieur de
Sabran , le Vicomte d'Urtubie , les fieurs Beauffiers
de l'Ifle , de Rochemore & de Panat , le
H
•
1-0 MERCURE DE FRANCE.
Vicomte de Bouville , les fieurs d'Orvilliers , du
Chaffault & le Chevalier de Rohan , Capitaines de
Vaiffeaux , ont été faits Chefs d'Efcadre. Sa Ma➡
jefté ayant rétabli le grade de Capitaine de Frégate
, a avancé à ce grade cinquante Lieutenans
de Va fleau, Elle a accordé le grade de Lieutenant
de Vaiſeau à foixante- deux Enfeignes , & celui
d'Enfeigne de Vaiffeau à quatre - vingt - fix Gardes
du Pavillon & de la Marine . Elle a auſſi fait un
remplacement de fix Gardes de la Marine.
Sa Majefté a rendu le 14 du mois dernier
deux Ordonnances ; l'une concernant les régles
qu'elle prefcrit pour l'avancement aux différens
grades de la Marine & fur l'uniforme des Officiers
de la Marine ; l'autre , fur la compofition , le fervice
, la difcipline & l'inftruction des Compagnies
des Gardes du Pavillon & de la Marine , & fur
l'admiffion des Volontaires qui feront agréés pour
fervir fur les Vaiffeaux de Sa Majesté.
Le Roi a difpofé de fa Lieutenance des Gardes
du Corps dans la Compagnie de Luxembourg
vacante par la retraite du Marquis de Vareille ,
en faveur du Marquis de Laubepin , qui étoit
premier Enfeigne de la même Compagnie , &
qui a été remplacé par le Marquis de Floreffac,
Le fieur de Bonfol a obtenu le Bâton d'Exempt.
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Résumé : De VERSAILLES, le 3 Octobre 1764.
En octobre 1764, plusieurs événements marquants eurent lieu à la cour de Versailles. Le 3 octobre, le roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, arriva de Lunéville et repartit le même jour. Le 9 octobre, le chevalier Turgot et le sieur de Béhague prirent congé pour se rendre à Rochefort avant d'embarquer pour Cayenne. En novembre, la comtesse de Bercheny fut présentée au roi pour remplacer la marquise de Soulanges auprès de Mesdames. Le duc de Villars devint gouverneur de Provence. Le 30 novembre, le contrat de mariage du marquis de Rochechouart fut signé. Le sieur de Saint-Priest fut présenté comme conseiller d'État et intendant de Languedoc. Le comte et la comtesse de Guerchy prirent congé pour retourner à Londres. Le sieur de Fleury présenta un ouvrage sur la réforme de l'éducation. Le roi nomma plusieurs lieutenants-généraux des armées navales et rendit des ordonnances sur l'avancement et l'uniforme des officiers de la marine. Le marquis de Laubepin succéda au marquis de Vareille comme lieutenant des gardes du corps, et le sieur de Bonfol obtint le bâton d'exempt.
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97
p. 173-174
MORTS.
Début :
Jacques le Febvre du Quesnois, Evêque de Coutances, Abbé Comendataire [...]
Mots clefs :
Évêque, Abbé commandataire, Abbaye royale, Ordre, Marquis, Maréchal de camp, Compositeur, Ouvrage, Décès
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texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORT S.
Jacques le Febvre du Quefnois , Evêque de
Coutances , Abbé Commendataire de l'Abbaye
Royale de Saint Sauveur -le - Vicomte , Ordre de
S. Benoît , Diocèle de Courances , eft morten fon
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
Abbaye , le 9 Septembre , âgé de cinquante- fept
ans .
L'Abbé de Bragelongne , ancien Doyen &
Grand- Vicaire de Beauvais , Abbé Commendataire
de l'Abbaye Royale de Longuai , Ordre de
Citeaux , Diocèle de Langres , eft mort en cette
Ville le 23 âgé de foixante- quatre ans. 7
Le fieur de Bertet , Marquis de la Clue , &
Lieutenant- Général des Armées Navales , elt
mort à Paily le 3 Octobre , âgé de foixante-huit
ans.
Le fieur de la Broue de Vareille , Maréchal de
Camp, Lieutenant des Gardes du Corps & Commandant
de la Compagnie de Luxembourg , eft
mort le premier Octobre , âgé de cinquante- fix
ans.
Jean - Philippe Rameau , Compofiteur de la
Mulique du Cabinet du Roi , dont le nom & les
Ouvrages feront une époque dans l'Hiftoire de la
Mufique , eft mort ici le 12 Septembre dans la
quatre-vingt- deuxième année de fon âge.
Jacques le Febvre du Quefnois , Evêque de
Coutances , Abbé Commendataire de l'Abbaye
Royale de Saint Sauveur -le - Vicomte , Ordre de
S. Benoît , Diocèle de Courances , eft morten fon
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE .
Abbaye , le 9 Septembre , âgé de cinquante- fept
ans .
L'Abbé de Bragelongne , ancien Doyen &
Grand- Vicaire de Beauvais , Abbé Commendataire
de l'Abbaye Royale de Longuai , Ordre de
Citeaux , Diocèle de Langres , eft mort en cette
Ville le 23 âgé de foixante- quatre ans. 7
Le fieur de Bertet , Marquis de la Clue , &
Lieutenant- Général des Armées Navales , elt
mort à Paily le 3 Octobre , âgé de foixante-huit
ans.
Le fieur de la Broue de Vareille , Maréchal de
Camp, Lieutenant des Gardes du Corps & Commandant
de la Compagnie de Luxembourg , eft
mort le premier Octobre , âgé de cinquante- fix
ans.
Jean - Philippe Rameau , Compofiteur de la
Mulique du Cabinet du Roi , dont le nom & les
Ouvrages feront une époque dans l'Hiftoire de la
Mufique , eft mort ici le 12 Septembre dans la
quatre-vingt- deuxième année de fon âge.
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Résumé : MORTS.
Le texte relate le décès de plusieurs personnalités notables. Jacques le Febvre du Quefnois, Évêque de Coutances et Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale de Saint-Sauveur-le-Vicomte, est décédé à l'âge de cinquante-sept ans le 9 septembre. L'Abbé de Bragelongne, ancien Doyen et Grand-Vicaire de Beauvais, Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale de Longuai, est mort à Langres à l'âge de soixante-quatre ans le 23 septembre. Le sieur de Bertet, Marquis de la Clue et Lieutenant-Général des Armées Navales, est décédé à Paily à l'âge de soixante-huit ans le 3 octobre. Le sieur de la Broue de Vareille, Maréchal de Camp, Lieutenant des Gardes du Corps et Commandant de la Compagnie de Luxembourg, est mort à l'âge de cinquante-six ans le 1er octobre. Jean-Philippe Rameau, compositeur de la Musique du Cabinet du Roi, est décédé à Paris à l'âge de quatre-vingt-deux ans le 12 septembre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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98
p. 211-212
AVIS très-intéressant au Public.
Début :
Les accidens funestes dont on entend parler continuellement, surtout dans la saison [...]
Mots clefs :
Chasse, Canons, Ouvrage, Ruban, Poudre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS très-intéressant au Public.
Av.1s très-intéreffant au Public
Las accidens funeftes dont on entend parler
continuellement , furtout dans la faifon des Chaf
fes , ont fair faire des réfléxions férieuſes pours.
mettre le Public à l'abri de toute eſpèce d'inconvénient
Il y a longtemps qu'on parle de Canons à rubans
, mais le temps qu'il faut employer pour les
bien faire , les frais qui en font la fuite & la difficulté
de l'Ouvrage y ont fait renoncer ; de forte
que les Artiftes ont préféré les fufils bientôt faits
à la fureté des Gitoyens. On le contente de les
faire à platebande , & par extraordinaire on en
fait de fer torts qu'on fait paffer poor rubans , &
qui , pour peu qu'on y réfléchiffe , font encore
plus défectueux que lespremiers.
Qn a donc établi dans la Cour de la Corderies
212 MERCURE DE FRANCE
du Temple à Paris une Fabrique de Canons à
rubans , forgés de vieilles férailles qui reçoivent
une fi prodigieufe quantité de chaudes , que le
fer le trouve tout - à - fait dépuré & auſſi doux que
le plomb. Plufieurs de ces Canons à qui on a fair
éprouver la triple charge fe font courbés & ont
été redreffés avec un fimple mandrin de bois fans
effort & fans qu'il y paroiffe. Ces Canons font fins ,.
légers , parfaitement dreffés , portent très-bien
le plomb , & on ofe affurer qu'il eft impoffible
qu'ils crévent ; leur folidité couronne leur perfection
. On n'en diftribue aucun qui n'ait fubi plufieurs
fois l'épreuve de deux fortes charges de la
meilleure poudre & d'autant de plomb ; & pour
mettre les gens curieux de leur fanté en état de
n'être pas trompés , ils font invités à prendre la
peine d'aller dans quelque temps & à quelque
heure que ce foit dans ladite Cour du Temple :
ils les verront forger , & ne pourront s'empêcher
de reconnoître avec étonnement la folidité de ce
travail. Avec demie charge de poudre ils portent
auffi loin que les autres avec la charge ordinaire.
L'Auteur a auffi imaginé une Machine curieufe
qui en perfore fix à la fois . Le Magalin
de ces Canons eft chez M. Defcourtieux , Marchand
, rue S. Denys , Porte cochère vis-à- vis
l'ancien grand Cerf à Paris.
Las accidens funeftes dont on entend parler
continuellement , furtout dans la faifon des Chaf
fes , ont fair faire des réfléxions férieuſes pours.
mettre le Public à l'abri de toute eſpèce d'inconvénient
Il y a longtemps qu'on parle de Canons à rubans
, mais le temps qu'il faut employer pour les
bien faire , les frais qui en font la fuite & la difficulté
de l'Ouvrage y ont fait renoncer ; de forte
que les Artiftes ont préféré les fufils bientôt faits
à la fureté des Gitoyens. On le contente de les
faire à platebande , & par extraordinaire on en
fait de fer torts qu'on fait paffer poor rubans , &
qui , pour peu qu'on y réfléchiffe , font encore
plus défectueux que lespremiers.
Qn a donc établi dans la Cour de la Corderies
212 MERCURE DE FRANCE
du Temple à Paris une Fabrique de Canons à
rubans , forgés de vieilles férailles qui reçoivent
une fi prodigieufe quantité de chaudes , que le
fer le trouve tout - à - fait dépuré & auſſi doux que
le plomb. Plufieurs de ces Canons à qui on a fair
éprouver la triple charge fe font courbés & ont
été redreffés avec un fimple mandrin de bois fans
effort & fans qu'il y paroiffe. Ces Canons font fins ,.
légers , parfaitement dreffés , portent très-bien
le plomb , & on ofe affurer qu'il eft impoffible
qu'ils crévent ; leur folidité couronne leur perfection
. On n'en diftribue aucun qui n'ait fubi plufieurs
fois l'épreuve de deux fortes charges de la
meilleure poudre & d'autant de plomb ; & pour
mettre les gens curieux de leur fanté en état de
n'être pas trompés , ils font invités à prendre la
peine d'aller dans quelque temps & à quelque
heure que ce foit dans ladite Cour du Temple :
ils les verront forger , & ne pourront s'empêcher
de reconnoître avec étonnement la folidité de ce
travail. Avec demie charge de poudre ils portent
auffi loin que les autres avec la charge ordinaire.
L'Auteur a auffi imaginé une Machine curieufe
qui en perfore fix à la fois . Le Magalin
de ces Canons eft chez M. Defcourtieux , Marchand
, rue S. Denys , Porte cochère vis-à- vis
l'ancien grand Cerf à Paris.
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Résumé : AVIS très-intéressant au Public.
Le texte aborde les accidents fréquents liés à l'utilisation des fusils, notamment lors des chasses, et les réflexions sur la sécurité du public. Les canons à rubans, bien que connus depuis longtemps, n'ont pas été adoptés en raison de leur temps de fabrication, de leur coût élevé et des difficultés techniques. Les artisans ont préféré les fusils à platine, souvent en fer, qui sont encore plus défectueux. Une fabrique de canons à rubans a été créée dans la cour des Corderies du Temple à Paris. Ces canons sont forgés à partir de vieilles ferrailles chauffées à haute température, ce qui les rend doux et sans impuretés. Ils sont légers, bien dressés et résistent aux charges de poudre et de plomb. Leur solidité est prouvée par des épreuves répétées avec des charges importantes. Le public est invité à visiter la fabrique pour constater la solidité de ces canons. Une machine permet de percer six canons simultanément. Les canons sont disponibles chez M. Defcourtieux, marchand rue Saint-Denis à Paris.
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