Résultats : 22 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 193-243
Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Début :
Enfin, Madame, je passe à un Article dont je n'aurois [...]
Mots clefs :
Pierreries, Fontainebleau, Plaisirs, Cour, Habits, Roi, Château, Comédie, Hôtel de Bourgogone, Opéra, Musique, Reine, Habillement, Dames, Bals, Divertissement, Dauphin, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Enfin , Madame , je paſſe à
tin Article dont je n'aurois pas manqué à vous entretenir dés l'autre Mois , fi le Roy n'euft paffé que quinze jours à Fon- tainebleau , comme on l'avoit crû d'abord. Vous ſçavez qu'il n'en eſt party que le dernier de Septembre, &il nefaut pass'é- tonner s'il n'a pûquitter ſi toſt un ſi agreable ſejour. Ce fu- perbe &fpacieux Chaſteau qui en pourroit compoſer pluſieurs,
eſt une Maiſon vrayment Roya le. On ſe perd dans le grand nombre de Courts , d'Apartes mens , de Galeries , & de Jardins qui s'y rencontrent de tous coſtez ; & comme on y trouve par tout ſujet d'admirer , on a
dequoy exercer long-temps l'ad- miration. Ce fut dans ce magnifique Lieu , où le Chaſteau
!
2
Fiij
126 LE MERCVRE
ſeul pourroit eſtre pris pour une Ville ,qu'il plûr au Royd'aller paffer quelques - uns des der- niers beaux jours de l'Eté. Il avoit fait de grandes Conque- ſtes pendant l'Hyver. Sa pru- dence aidée de ſon Conſeil, à
qui nous n'avons jamais veu predrede fauſſes meſures, avoir diffipé les defſeins de toute l'Eu- rope , fait lever le Siege de Charleroy, & obligé les Impé- riaux à retourner ſur les bords.
du Rhin.. Il eſtoit bien juſte qu'apres des ſoins de cette im.
portance, cegrand Prince cher- chaſt à ſe delaffer , & il auroit
eu peine à le faire plus agrea- blement qu'à Fontainebleau.
Tout le temps qu'il réſolut d'y demeurer, fut deſtiné aux Plaifirs. On en prépara de toutes les fortes, & on ne chercha à
GALANT.. 127 - fenvy qu'à paroiſtre magnifique dans une Cour que la magnifi cence ne quite jamais.Monfieur le Prince de Marfillac Grand
Maiſtre de la Garderobe , ſça
chant qu'on devoit changer de Divertiſſemens chaque jour, &
quetoutlemonde ſongeoit à ſe mettre en étatde ſe faire remarquer , fit faire fans en rien dire auRoy, une douzaine d'Habits extraordinaires , outre ceux qui avoient eſté ordonnez. Sa Majeſté ayant veu le premier , les voulut voir tous , & les trouva
_auſſi beaux que galamment imaginez. Le Roy en eut encor d'autres qui auroient peur-eftre contribué quelque choſe à la bonne mine de l'Homme du
monde le mieux fait , mais qui ne pûrent augmenter l'admira-.
tion qu'on a pour un Monarque
Fij
128 LE MERCVRE
7
qui tire de luy-meſme tout fon eclat. Je croy , Madame , que vous n'attendez rien demoy fur ce qui regarde M' le Princede Marfillac, & que n'ignorantpas qu'il eſt Fils deMale Duc de la Rochefoucaut vous fçavez
qu'une fi glorieuſe naifſance ne luya pû inſpirer que des ſenti- mens dignes de luy. Onnepeut la mieux foûtenir qu'il a toû- jours fait. Iln'a pointeud'occa- fion de fignaler ſon courage &
de faire paroiſtre ſon eſprit, qu'il n'ait donné d'avantageuſes mar- quesde l'un &de l'autre,& il n'y a guére de Dames qui ne l'ayết trouvé auffi Galant que nosEn- nemis l'ont connu Brave. Jugez combien d'Avantures agreables nous ſçaurions de luy , s'il eſtoit auſſi peu difcret qu'il eſt favo- rablement reçeu du beau Sexe.
GALANT. 129 SesAmis ne l'employentjamais,
qu'il ne leur donne ſujer de ſe loüer de ſes ſoins ; &toutes ſes
belles qualitez ſont devenuës publiques &incontestables par l'eſtime qu'en fait un Roy ,qui ne voyant rien dans toute la Terre que la naiſſance puiſſe mettre au deſſus de luy , trouve tout au deſſous de la penetra- tionde fon eſprit &de la force de fon difcernement. Le pre- mierdes Divertiſſemens que Sa Majesté a voulu ſe donner à
Fontainebleau , fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec l'Opéra. Voicy les Pieces qu'y reprefenta l'Hoſtel de Bourgogne.
Iphigénie , avec Criſpin Me-.. decin.
Le Menteur.
Ev
230 LE MERCVRE
Mariane , avec l'Apres-Son- pédes Auberges.
L'Avare..
Pompée ,avec les Nican- dres.
Mitridate..
Le Miſantrope..
Horace , avec le Deüil.
Bajazer, avec les Fragmens deMoliere.. 2
Phedre & Hippolyte.. Oedipe, avec les Plaideurs.. Jodelet Maiſtre..
Venceflas , avec le Baron de
laCraffe.
1
Cinna , avec l'Ombrede Moliere.
L'Ecole desFemmes..
Nicomede , avec le Soupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies , on n'a repreſenté que trois Opéra,
àſçavoir, Alceste , Thesée &
GALANT. 131 Athis. Ils ont eſté chantez par la ſeule Muſique du Roy , aug- mentée exprés de plufieurs Per- fonnes, &entr'autres de Mademoiſelle de la Garde & deMa..
demoiselle Ferdinand. Elles ont
fait connoiſtre en peu dejours,
qu'on leur avoit rendu juſtice en les choiſiſſant pour en eſtre,
&on peut dire à leur avantage que c'eſt de plus d'unemaniere qu'elles ont plû. On.ne peut rien ajoûter aux applaudiffe- mens qu'a reçeuş M. de Saint Chriftophle , non ſeulement pour avoir bien chanté , mais poureſtreentrée dans la paffion rantoſt de la plus forte maniere,
&tantoft de la plus totichante,
felon que la diverfité du ſujet le demandoit. Le reſte de la
Muſique du Roy a fait àfon or- dinaire. Il eſt impoſſible qu'el Fvj
13.2 LE MERCVRE le faſſe mal. Elle eft compoſée des meilleures Voix de France,
&fous un Maiſtre tel que Mr de Lully , les moins habiles le deviennent en peu de temps.. Les Danfeurs qui s'y font fait admirer , ont extraordinairement fatisfait dans leurs Entrees; & ce qui n'en laiſſe pas douter , c'eſt que les SieursFa- vier,Letang, Faure, Magny , &
cinq autres , ont eu de grandes.
gratifications , outre leurs pen- fions ordinaires. De pareilsEco-- liers à qui de Beauchamp a
donné &donne encor tous les
jours des Leçons , quoy qu'ils foientdéja grands Maiſtres,font voir qu'il eſt dans ſon Art un
des plus habiles Hommes du
monde. Aufſi a -t- il eul'honneur de montrer autrefois à Sa
Majeſté. Les trois Maſcarades
GALANT. 133
remplies d'Entrées croteſques
qui ont paru parmy ces Diver- tiſſemens , estoient de fon in- vention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Re- préſentations des dernieres Co- médies qu'on joua ; &ceux qui en furent, ayant eu l'avantage de divertir le Royd'une manie- re auffi plaiſante qu'agreable,
reçeurent. beaucoup de louan- ges. M. Philibertdans le Recit d'un Suiffe qui veurparler Fra- çois ſans le ſçavoir, fitfort rire les plus ſérieux & par ces po- ſtures , & par ſon langage Suif- ſe Franciſé. Les Plaiſirs n'ont
pas eſté bornez à tout ce que je viens de vous dire. Il y a eu deux Bals où toute la Cour a
paru dans unéclat merveilleux.
LesPierreries ontbrille de tou
134 LE MERCVRE
ves parts , &jamais on n'ena
tant ver..
Le Roy s'y fir voir avec un Habitde lames d'or, fur lequel il y avoitune broderie or &ar- gent, l'arrangement de ſes Pier- reries eſtoit enboucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à
bien concevoirles brillans effets
qu'elles produiſentainſi arran- gées. La beauté en redouble d'autant plus , que cette maniere donne lieu de les meſſer ſelonlesgroffeurs;&quelque prix qu'ayent les choſesd'elles-mefmes, vous ſçavez que l'induſtrie desHommes nelaiffe pas quel quesfois d'y contribuer. Outre
toutes ces Pierreries , le Roy portoitune Epée ſur laquelleil y en avoit pour plus de quinze censmille livres..
GALANT. 135 La Reyne en ſembloit eſtre toute couverte. Elle en avoit
d'une groffeur extraordinaire.
Son Habit eſtoit noir , & fon
Etofe ne ſervantqu'àenrelever Héclat , on peut dire qu'elle ébloüiffoit..
L'ajustementde Monſeigneur leDauphin eſtoitd'une grande magnificence. Rien ne pouvoit eftre mieux imaginé ; & ce qu'il y avoitd'avantageux pour luy ,
e'eſt qu'il'en effaçoit l'éclat par la vivacité de ſon teint, &par les autres charmes de fa Per--
fonne..
Monfieur, qui réüffit entou- tes choſes , &àqui la galanterie eſt naturelle , ſe met toûjours d'un fi bon air , qu'il ne faut pas eſtre ſurpris s'il ſe fit admi rerde tout le monde. Son Habit eftoit tout couvert de Pier
136 LE MERCVRE reries arrangées , comme le font les longues Boutonnieres des Caſaques à la Brandebourg.
r. On ne peut eftre mieuxqu'e- ſtoient Madame & Mademoifelle. Tout brilloit en elles , tout
yeſtoit riche & bien enten.
du.
Je me fuis fervy juſqu'icydes termes de magnifique , de bril- lant, &d'éclatant, &j'encher- che inutilement quelqu'un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer cequ'eſtoitMademoi- felle de Blois dans l'ün & dans
l'autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands effets. Vous n'en douterez point , quand vous ſçaurez que cette jeune Prin- ceffe, quoy qu'elle foit une des plus belles Perſonnes du mon- de , laiſſa perdre des regards qu'attiroient de temps en temp's
GALANT. 137 la richeffe de ſon Habillement,
&l'air tout particulier dont elle
eftoit miſe. Ce fut un amas de
Pierreries le premier jour , qui ne ſe peut concevoir qu'en le voyant;&elle en eſtoit fi cou
verte , que lebas de ſa Robe en eſtoit chargé tout autour. Elle
parut en gris de lin dans le ſe- cond Bal , & toûjours avec
avantage.
Vous pouvez juger que les Dames en general n'avoient rien épargnépourparoiftrema- gnifiques. Elles eſtoient toutes coifées avec une groſſe nate fort large , ou avec une corde, ayant les cheveuxfriſez juſqu'au mi- lieu de la teſte , qui paroif- foit toute en boucles. Elles en
avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque coſté avec une autre ex
138 LE MERCVRE trémement longue. Toute la coifure eſtoit accompagnée de Poinçons de Pierreries , &d'au- tres faits de Perles. Des nœuds
de toutes fortes de Pierreries &
de Perles qui tenoient lieu de Rubans, en garnifſfoient les co- ſtez. D'autres y faifoient des Bouquets , & le Rond de quel- ques-unes eſtoit garny comme le devant. Celles dont les cheveux pouvoient s'accommoder de la poudre , en avoient beau- coup. Pour leurs Habits , comme en Campagne elles enpeu- vent porter de couleur à la Cour ,elles en avoient preſque toutes de gris , qui ne laiſſoient -pourtant pas d'eſtre diferens.Les uns eſtoient d'un gris perlé , &
les autres d'un gris cendré , avec de petites Broderies fines &des plus belles , ou de petits Bou
GALAN T. 139 quetsde broderie appliquez par leBrodeur, ou brodez ſur l'E
tofe mefme.Ces Habits estoient
tous chamarrezde Pierreries fur
- les Echarpes ouTailles , &elles en avoient de gros nœuds de- vant. Des Attaches de Pierre
ries , des Chatons , &des Boutons , ornoient leurs manches
de diférentes manieres.Toutle
devantde leurs Jupes eſtoit auſſi chamarré , & de groſſes Atta- ches de Diamans les retrouf
foient enquelques endroits.Plu- fieurs Pierreries formoient le
nœud de derriere , &il y avoit quelques Robes quien estoient chamarrées par demy lez Les manches de deſſous eſtoient de
Point de France , tailladées en
long , & relevées par le basavec un Point de France godronné.
Ily avoit des Pierreries entre les
140 LEMERCVRE
godrons , &des noœuds de Pier- reries deſſous les mancheres. La
plûpart enavoientdes Bracelets tout autour,&toutes des Co
lerêtes comme on enmet quand on eſt en Habitgris. Si ce mot deColerete n'eſt pas remis en vſage , corrigez-moy je vous prie. Jetraite une matiere où vous devez eſtre plus ſçavante que je ne fuis , &je ne répons pas que ce ſoit leſeul terme que jaye mal appliqué. LesDames n'ont pas eſte ſeulement ainfi parées pour les deux grands Bals , qui ont faitparoiſtre avec tant d'éclat la magnificence &
la galanterie de la premiere Courdu monde; elles ſe ſont
trouvées tous les ſoirs à la Co- médie , ou à l'Opéra , dans le meſme ajustement où je viens de vous les dépeindre , & il
GALAN T. 141
1
1
redoubla dans les jours de la Naiſſance duRoy &dela Rey- : ne , qui ſe rencontrerent le ( meſme Mois , ſur tout à l'égard des Pierreries. Le nombre en
eſtoitpreſque infiny ; &comme il n'y en avoit que de fines , on peut jugerdu merveilleux effet qu'elles firent toutes enſemble,
quand tous ceux qui s'eſtoient parez pourdanſer furent aſſemblez ; car vous remarquerez ,
Madame , que chez le Roy il n'yaperſonne de nommé pour le Bal , & qu'il ſuffit d'eſtre d'une Qualité conſidérable pour avoir la libertéd'y danſer.
Le Roy mena la Reyne ; mon- ſeigneur leDauphin , мадетоі- felle ; Monfieur , мадате ; м. le
Prince de Conty , Mademoiselle de Blois ; M. de мопmouth, маdame la Comteſſe de Gramont;
142 LE MERCVRE M. le Comte d'Armagnac , ма- dame la Princeſſe d'Elbeuf; м.
le Comte de Brionne , madame
la marquiſe de la Ferté ; M. de Tilladet, Madamede Soubiſe'; м.
le Comtede Louvigny,Madame de Louvois ; M' de Beaumont,
Madame de Ventadour ; м² le
Chevalier de Chaſtillon , Madame de S. Valier; & M. le
Comte de Fieſque , Mademoi- ſelle de Grance. Il ſeroit difficile de ſçavoir les noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals , & le rang qu'ils eurent à
danſer. Les uns ſe trouverent
au premier,les autres au ſecond,
&beaucoup àtous les deux.On y vit Madame la Ducheſſe de Chevreuſe , Mademoiselle de
Thiange , Mademoiſelle des
Adrets , & Mademoiselle de
Beauvais. Ces deux dernieres
{ GALANT. 143
ſont Filles d'Honneurde Madame. Onyvit encor M. le Duc de Vermandois , Monfieur le Chevalier de Lorraine M.
de Vendoſme , M. le marquis de мігероїх, м.Ле marquis de Rho- des , & quelques autres. Vous ſerez aiſément perfuadée que le Roy s'y fit diftinguer. Son grand air ,& la grace qui l'ac- compagne entoutes chofes, font des avantages qui ne ſont com- muns à perſonne; & quand il ne ſeroit point ce qu'il eſt , je vous jure , madame, que je ne m'empeſcherois point de vous dire qu'il donna ſujet de l'admi- rer au deſſus de tous les autres.
La Colation du premier Bal fut
fuperbe , la France augmente tous les jours en magnificence,
&peut- eſtre ne s'eſt-il jamais tien veude pareil. Comme je
144 LE MERCVRE ſçay que vous aimez tout ce qui marque de la grandeur, j'ay crû que vous me ſçauriez bon gré du Plan quejevous ay fait graver de cette Royale Cola-.
tion. Prenez la peine de jetter les yeux deſſus , le voicy; vous comprendrez plus aisément en le regardant, ce que j'ay àvous en dire. Les grands Quarrez qui font marquez Gradins, por- toient par le bas huit grandes Corbeilles de Fruit cru. Il y
avoit de petits Ronds de Con- fitures ſeches dans les encognures. Le ſecond rang portoit en- cor quatre Corbeilles , & les encognures eſtoient remplies comme celles du premier. Un grand Quarré de Fruit portant deux pieds de hauteur, faiſoit le deffus. Tous les Ronds &
Ovales marquez estoient de
Fruit
GALANT. 145 Fruit cru , &des Confitures ſe- ches rempliſſoient tous les
Quarrez qui font le tour de la Table. Par tout où vous voyez
de petits &de grāds Ronds noirs ( c ) maginez-vous des Flam- beaux dans les premiers , &des Girandoles dans les autres. La
meſime choſe des petits & des grands Ronds qui font blancs,
( OO ) Des Soucoupes de cri- ſtal garnies de quantité deGo- belets pleins d'Eaux glacées,te- noient la place des grands ; &
les petits que vous remarquez dans tout le tour de la Table ,
eſtoient des Porcelaines fines
en hors d'œuvre , remplies de toutes fortes de Compotes. Je puis abufer de quelques termes,
pardonnez- le moy. Une Balu- ſtrade un peu éloignée de la Table , la tenoit comme enferTome VIII. G
146 LE MERCVRE mée , &il y avoit des Bufets au delà. Je voudrois bien ſçavoir ce que voſtre imagination vous repreſente de toutes ces cho- ſes. Les yeux en devoient eſtre charmez , & je ne ſçay s'ils les pouvoient long-temps ſuporter.
Peignez-vous bien cet ébloüif- fant amas de Lumieres qui s'ai- doient les unes les autres,quand celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles, &
celles desGirandoles fur l'or des
Flambeaux, elles trouvoient encor à s'augmenter par ce qui réjallifſoit d'éclat des Caramels déja brillans d'eux-meſmes , &
du candy des Confitures per- lées. Adjoûtez - y ce que les Fruits diverſement colorez , les Rubans des Corbeilles , & le
Criftal des Soucoupes , en pou- voient avoir , &àtout cela joi
GALANT. 147
gnez l'effet que produiſoient les Pierreries de Leurs Maje- ſtez , & celles de quarante Da- mes qui estoient à table , &
qu'on en voyoit toutes couver- tes , il eſt impoſſible que vous ne conceviezquelque choſe au delà de tout ce qu'on a jamais veu de plus éclatant. LesHom- mes qui s'eſtoient mis tous en Juft-au-corps , ne brilloient pas moins de leur coſté. On n'en
pouvoit aſſez admirer la brode- rie , qui paroiſſoit d'autant plus,
que ce n'eſtoit que lumiere par tout. Ils eſtoient derriere les
Dames , & elles leur faifoient
partde tout ce qu'il y avoit fur laTable. Il faut rendre juſtice àM' BigotControlleur ordinai- redelaMaiſon du Roy. Il n'y a point d'Homme plus ineelli- gent, ny qui ſçache mieux re Gij
148 LE MERCVRE
gler ces fortes de choſes. Tout le temps qu'on a paffé à Fon- tainebleau, atellement eſté don- né aux Plaiſirs , que les jour de Media noche , quand l'Opéra ou la Comédie finiſſoit trop toſt , il y avoit de petits Bals particu- liers juſqu'à minuit. Vous ſca- vez , madame, ceque veut dire Medianoche,&que c'eſtunemo- dequinous eſt venuëd'Eſpagne,
où l'on attend àSouper en vian- de , que le Samedy ou un au -
tre jour d'abſtinence , s'il ſe ren- contre das quelque Semaine, ſoit expiré. Parmy tant de Divertif- ſemens , la Chaſſe n'a pas eſté oubliée. Ily en a eu tour à tour de pluſieurs fortes. Un jour apres que le Roy fut arrivé à
Fontainebleau , il les commen- ça par celle du Lievre avec la Meute deMonſeigneurleDau-
GALANT. 149 phin , commandée par M. de Selincourt. Sa Majeſté témoi- gna eſtre fort fatisfaite del'équi- page. Le lendemain Elle courut le Cerf avec une Meute nouvelle qu'Elle avoit faite Elle- meſme des trois meilleures
qu'on luy avoit pû choiſir. La Chaffe du Sanglier ſuivit. Le Roy entua trois à coupsd'Epée;
&ces diferentes Chaſſes ſuccederent pendant quelques jours .
lune à l'autre , tantoſt avec les
Chiens deMonfeigneurle Dau- phin , tantoſt avec les Chiens de Monfieur , & quelquefois ;
avec ceux de M. l'Abbé de
Sainte-Croix. En ſuite il ne fe
paſſa point de jour où l'on ne couruft le Cerf. Le's Chiens de
Sa majeſté on eu l'avantage. Ils en ont pris quinze; les Chiens de Monfieur , neuf; ceux de M.
Giij
IJO LE MERCVRE de Vendoſme , neuf; &ceux de
M. l'Abbé de Sainte-Croix,dix.
Le Roy a eſté tirerdes Faifans,
&couru une fois leChevreüil.
Il arriva unjour aux Toiles dans le temps qu'un Cerf que les Chiens de M. de Sainte-Croix
couroient fort loin de là , vint
s'y mettre , comme s'il euſt eu deſſeindedonnerle plaifir de ſa fin àSa Majefté. C'eſtoitle plus grand qui euſt eſté pris à Fon- minebleau. La teſte en a eſté
trouvée ſi belle , que le Roy l'a fait mettre dans la Galerie des
Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M. l'Abbé de SainteCroix, pourne vous le faire pas connoiftre. Il eſt Fils de feu M.
le Premier Prefident molé ,Garde des Sceaux , Frere de M. le
Prefident de Champlaſtreux ,
& maiſtre des Requeſtes. On ne
GALAN Τ. 151I
R
peut voir un plus honneſte- Homme, ny un meilleur Amy.
Toutes ſes manieres font enga- geantes , & ſes dépenſes d'un grand Seigneur. Dans la dernie- re Chaſſe le Roy laiſſa courre un Cerf à ſa troiſiéme teſte ,
qui dura preſque tout le jour. Il yen a eu detres-méchans &qui ont tuébien des Chiens. Il s'eſt
fait encor une Chafſe extraordinaire à l'occafion de Monfieur
deVerneüil, qui eſtantvenu au Leverdu Roy, eut l'honneurde
luydonner ſa Chemiſe. Sa Majeſté s'eſtant divertie àluy par- ler de pluſieurs choſes , tomba fur la Chaffe , & luy dit qu'Elle luy en vouloit donner le plaifir le lendemain. Monfieur deSoye- courGrand-Veneurde France,
reçeut l'ordre , & fit préparer
deux Cerfs au lieu d'un. La
Giiij
152 LE MERCVRE Reyne a veu une fois la Chaf- ſe en Carroffe , &Monſeigneur leDauphin les a fait toutes avec leRoy. Il n'y a rien de ſi ſurpre- nant que l'adreſſe &la vigueur qu'a fait paroiſtre cejeunePrin- ceau delà de ce que ſon âge luy devroit permettre. Mada- me s'est fait admirer à ſon ordinaire. C'eſt un Charme que de la voir à cheval. Rien ne
l'étonne , elle fait ſon plaifirde la fatigue ; & fon Sexe ne luy permettant pas d'aller àlaGuer- re , elle en va voir les Images ,
comme je l'ay déja marqué. Ce n'eſt pas ſeulementpar làqu'el- le merite d'eſtre estimée Tous
les Ouvrages d'eſprit la tou- chent. Elle carreſſe les Autheurs, &juge mieux que per- fonne de tout ce qu'on voit de
beau au Theatre. Madame la
GALANT. 153 Ducheffe de Toſcane s'eſt auſſi
trouvée à ces Parties. On ne
peutmontrer plus d'eſprit qu'el- le en fait paroiſtre. Elle fait tout avec grace , eft bonne , gené- reuſe , & fidelle Amie , &n'oublie jamais dans l'éloignement ceux qu'elle hon ore de ſa bien- veillance. Il n'est pas beſoin de vous dire qu'elle eft.Fille de feu
M. le Duc d'Orleans , Oncle du
Roy. Monfieur le Prince de Conty , quoy que jeune encor ,
n'a pas eſté un des moins ardens
pour cet Exercice.J'aurois peine àvous exprimer combien M.
le Duede Monmouth y amontré de vigueur. C'eſtoit quelque choſe de fi bouillant , qu'on l'en a veu quelquefois emporté juf- que parmy les Rochers. Il a
beaucoup paru au Bal , & on lny a trouvé un air tout-à-fair- G
154 LE MERCVRE digne de ce qu'il eſt. Vous pou- vez croire que Madame la Du- cheſſe de Boüillon aimant autant laChaffe qu'elle fait ,laiſſa échaper peu d'occaſionsd'y fui- vre le Roy. Elle a une adreſſe merveilleuſe en tout ce qu'elle
veut faire , & jamais on n'a mieux tiré en volant. Vous avez
eſté charmée des agrémens de ſa Perſonne , & de la vivacité
de ſon teint ; mais vous la ſeriez
encor davantage , fi vous con- noiſliez parfaitement la force &
la délicateſſe de ſon Eſprit. Elle l'a penetrant ; & comme il eſt
capablede toutes les belles con- noiffances , elle a un attachement inconcevable pourles Li- vres ,&va juſqu'à ce qui s'ap- pelle ſçavoir les chofes profon- dement. Mademoiſelle deGrancé a eſtédu nombre de ces Il-
GALANT. 155
:
:
Huſtres Chaſſereſſes. Elle eſt belle , ade la bonté , & un Efprit qui répond à ſa Naiſſance. Ma- demoiſelle des Adrets a fait auſſi
voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plaiſirs , ne l'étonne
pas. Je n'ay point ſçeu le nom des autres. J'ay apris feulement que les Dames ont eſté à la Chaſſe en Jupes , Juſt-au-corps de broderie , &Coifures de Plumes. Jenepuis m'empeſcherde vous dire encor que Mademoi- felle dança tres-bien , & fe fir admirer au Bal. Quelques autres , tant Hommes que Femmes , s'y firent auſſi diſtinguer.
Mais ma Lettre eſt déja ſi lon- gue , que je paſſe au Te-Deum de M. Lully , qui peut eſtre compté parmy les Plaiſirs de Fontainebleau. Ille fit chanter
devant le Roy le jour que Sa Gvj
136 LE MERCVRE Majesté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes
d'Inftrumens l'acompagnerent ;
les Tymbales & les Trompetes n'y furent point oubliez. Il eſtoit deMonfieur Luvy, c'eſt tout di-- re. Ce qu'on y admira particu- lierement , c'eſt que chaque Couplet eſtoit de diferente Mu- fique. Le Roy le trouva fi beau,
qu'il voulut l'entendre plus d'une fois.
tin Article dont je n'aurois pas manqué à vous entretenir dés l'autre Mois , fi le Roy n'euft paffé que quinze jours à Fon- tainebleau , comme on l'avoit crû d'abord. Vous ſçavez qu'il n'en eſt party que le dernier de Septembre, &il nefaut pass'é- tonner s'il n'a pûquitter ſi toſt un ſi agreable ſejour. Ce fu- perbe &fpacieux Chaſteau qui en pourroit compoſer pluſieurs,
eſt une Maiſon vrayment Roya le. On ſe perd dans le grand nombre de Courts , d'Apartes mens , de Galeries , & de Jardins qui s'y rencontrent de tous coſtez ; & comme on y trouve par tout ſujet d'admirer , on a
dequoy exercer long-temps l'ad- miration. Ce fut dans ce magnifique Lieu , où le Chaſteau
!
2
Fiij
126 LE MERCVRE
ſeul pourroit eſtre pris pour une Ville ,qu'il plûr au Royd'aller paffer quelques - uns des der- niers beaux jours de l'Eté. Il avoit fait de grandes Conque- ſtes pendant l'Hyver. Sa pru- dence aidée de ſon Conſeil, à
qui nous n'avons jamais veu predrede fauſſes meſures, avoir diffipé les defſeins de toute l'Eu- rope , fait lever le Siege de Charleroy, & obligé les Impé- riaux à retourner ſur les bords.
du Rhin.. Il eſtoit bien juſte qu'apres des ſoins de cette im.
portance, cegrand Prince cher- chaſt à ſe delaffer , & il auroit
eu peine à le faire plus agrea- blement qu'à Fontainebleau.
Tout le temps qu'il réſolut d'y demeurer, fut deſtiné aux Plaifirs. On en prépara de toutes les fortes, & on ne chercha à
GALANT.. 127 - fenvy qu'à paroiſtre magnifique dans une Cour que la magnifi cence ne quite jamais.Monfieur le Prince de Marfillac Grand
Maiſtre de la Garderobe , ſça
chant qu'on devoit changer de Divertiſſemens chaque jour, &
quetoutlemonde ſongeoit à ſe mettre en étatde ſe faire remarquer , fit faire fans en rien dire auRoy, une douzaine d'Habits extraordinaires , outre ceux qui avoient eſté ordonnez. Sa Majeſté ayant veu le premier , les voulut voir tous , & les trouva
_auſſi beaux que galamment imaginez. Le Roy en eut encor d'autres qui auroient peur-eftre contribué quelque choſe à la bonne mine de l'Homme du
monde le mieux fait , mais qui ne pûrent augmenter l'admira-.
tion qu'on a pour un Monarque
Fij
128 LE MERCVRE
7
qui tire de luy-meſme tout fon eclat. Je croy , Madame , que vous n'attendez rien demoy fur ce qui regarde M' le Princede Marfillac, & que n'ignorantpas qu'il eſt Fils deMale Duc de la Rochefoucaut vous fçavez
qu'une fi glorieuſe naifſance ne luya pû inſpirer que des ſenti- mens dignes de luy. Onnepeut la mieux foûtenir qu'il a toû- jours fait. Iln'a pointeud'occa- fion de fignaler ſon courage &
de faire paroiſtre ſon eſprit, qu'il n'ait donné d'avantageuſes mar- quesde l'un &de l'autre,& il n'y a guére de Dames qui ne l'ayết trouvé auffi Galant que nosEn- nemis l'ont connu Brave. Jugez combien d'Avantures agreables nous ſçaurions de luy , s'il eſtoit auſſi peu difcret qu'il eſt favo- rablement reçeu du beau Sexe.
GALANT. 129 SesAmis ne l'employentjamais,
qu'il ne leur donne ſujer de ſe loüer de ſes ſoins ; &toutes ſes
belles qualitez ſont devenuës publiques &incontestables par l'eſtime qu'en fait un Roy ,qui ne voyant rien dans toute la Terre que la naiſſance puiſſe mettre au deſſus de luy , trouve tout au deſſous de la penetra- tionde fon eſprit &de la force de fon difcernement. Le pre- mierdes Divertiſſemens que Sa Majesté a voulu ſe donner à
Fontainebleau , fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec l'Opéra. Voicy les Pieces qu'y reprefenta l'Hoſtel de Bourgogne.
Iphigénie , avec Criſpin Me-.. decin.
Le Menteur.
Ev
230 LE MERCVRE
Mariane , avec l'Apres-Son- pédes Auberges.
L'Avare..
Pompée ,avec les Nican- dres.
Mitridate..
Le Miſantrope..
Horace , avec le Deüil.
Bajazer, avec les Fragmens deMoliere.. 2
Phedre & Hippolyte.. Oedipe, avec les Plaideurs.. Jodelet Maiſtre..
Venceflas , avec le Baron de
laCraffe.
1
Cinna , avec l'Ombrede Moliere.
L'Ecole desFemmes..
Nicomede , avec le Soupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies , on n'a repreſenté que trois Opéra,
àſçavoir, Alceste , Thesée &
GALANT. 131 Athis. Ils ont eſté chantez par la ſeule Muſique du Roy , aug- mentée exprés de plufieurs Per- fonnes, &entr'autres de Mademoiſelle de la Garde & deMa..
demoiselle Ferdinand. Elles ont
fait connoiſtre en peu dejours,
qu'on leur avoit rendu juſtice en les choiſiſſant pour en eſtre,
&on peut dire à leur avantage que c'eſt de plus d'unemaniere qu'elles ont plû. On.ne peut rien ajoûter aux applaudiffe- mens qu'a reçeuş M. de Saint Chriftophle , non ſeulement pour avoir bien chanté , mais poureſtreentrée dans la paffion rantoſt de la plus forte maniere,
&tantoft de la plus totichante,
felon que la diverfité du ſujet le demandoit. Le reſte de la
Muſique du Roy a fait àfon or- dinaire. Il eſt impoſſible qu'el Fvj
13.2 LE MERCVRE le faſſe mal. Elle eft compoſée des meilleures Voix de France,
&fous un Maiſtre tel que Mr de Lully , les moins habiles le deviennent en peu de temps.. Les Danfeurs qui s'y font fait admirer , ont extraordinairement fatisfait dans leurs Entrees; & ce qui n'en laiſſe pas douter , c'eſt que les SieursFa- vier,Letang, Faure, Magny , &
cinq autres , ont eu de grandes.
gratifications , outre leurs pen- fions ordinaires. De pareilsEco-- liers à qui de Beauchamp a
donné &donne encor tous les
jours des Leçons , quoy qu'ils foientdéja grands Maiſtres,font voir qu'il eſt dans ſon Art un
des plus habiles Hommes du
monde. Aufſi a -t- il eul'honneur de montrer autrefois à Sa
Majeſté. Les trois Maſcarades
GALANT. 133
remplies d'Entrées croteſques
qui ont paru parmy ces Diver- tiſſemens , estoient de fon in- vention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Re- préſentations des dernieres Co- médies qu'on joua ; &ceux qui en furent, ayant eu l'avantage de divertir le Royd'une manie- re auffi plaiſante qu'agreable,
reçeurent. beaucoup de louan- ges. M. Philibertdans le Recit d'un Suiffe qui veurparler Fra- çois ſans le ſçavoir, fitfort rire les plus ſérieux & par ces po- ſtures , & par ſon langage Suif- ſe Franciſé. Les Plaiſirs n'ont
pas eſté bornez à tout ce que je viens de vous dire. Il y a eu deux Bals où toute la Cour a
paru dans unéclat merveilleux.
LesPierreries ontbrille de tou
134 LE MERCVRE
ves parts , &jamais on n'ena
tant ver..
Le Roy s'y fir voir avec un Habitde lames d'or, fur lequel il y avoitune broderie or &ar- gent, l'arrangement de ſes Pier- reries eſtoit enboucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à
bien concevoirles brillans effets
qu'elles produiſentainſi arran- gées. La beauté en redouble d'autant plus , que cette maniere donne lieu de les meſſer ſelonlesgroffeurs;&quelque prix qu'ayent les choſesd'elles-mefmes, vous ſçavez que l'induſtrie desHommes nelaiffe pas quel quesfois d'y contribuer. Outre
toutes ces Pierreries , le Roy portoitune Epée ſur laquelleil y en avoit pour plus de quinze censmille livres..
GALANT. 135 La Reyne en ſembloit eſtre toute couverte. Elle en avoit
d'une groffeur extraordinaire.
Son Habit eſtoit noir , & fon
Etofe ne ſervantqu'àenrelever Héclat , on peut dire qu'elle ébloüiffoit..
L'ajustementde Monſeigneur leDauphin eſtoitd'une grande magnificence. Rien ne pouvoit eftre mieux imaginé ; & ce qu'il y avoitd'avantageux pour luy ,
e'eſt qu'il'en effaçoit l'éclat par la vivacité de ſon teint, &par les autres charmes de fa Per--
fonne..
Monfieur, qui réüffit entou- tes choſes , &àqui la galanterie eſt naturelle , ſe met toûjours d'un fi bon air , qu'il ne faut pas eſtre ſurpris s'il ſe fit admi rerde tout le monde. Son Habit eftoit tout couvert de Pier
136 LE MERCVRE reries arrangées , comme le font les longues Boutonnieres des Caſaques à la Brandebourg.
r. On ne peut eftre mieuxqu'e- ſtoient Madame & Mademoifelle. Tout brilloit en elles , tout
yeſtoit riche & bien enten.
du.
Je me fuis fervy juſqu'icydes termes de magnifique , de bril- lant, &d'éclatant, &j'encher- che inutilement quelqu'un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer cequ'eſtoitMademoi- felle de Blois dans l'ün & dans
l'autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands effets. Vous n'en douterez point , quand vous ſçaurez que cette jeune Prin- ceffe, quoy qu'elle foit une des plus belles Perſonnes du mon- de , laiſſa perdre des regards qu'attiroient de temps en temp's
GALANT. 137 la richeffe de ſon Habillement,
&l'air tout particulier dont elle
eftoit miſe. Ce fut un amas de
Pierreries le premier jour , qui ne ſe peut concevoir qu'en le voyant;&elle en eſtoit fi cou
verte , que lebas de ſa Robe en eſtoit chargé tout autour. Elle
parut en gris de lin dans le ſe- cond Bal , & toûjours avec
avantage.
Vous pouvez juger que les Dames en general n'avoient rien épargnépourparoiftrema- gnifiques. Elles eſtoient toutes coifées avec une groſſe nate fort large , ou avec une corde, ayant les cheveuxfriſez juſqu'au mi- lieu de la teſte , qui paroif- foit toute en boucles. Elles en
avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque coſté avec une autre ex
138 LE MERCVRE trémement longue. Toute la coifure eſtoit accompagnée de Poinçons de Pierreries , &d'au- tres faits de Perles. Des nœuds
de toutes fortes de Pierreries &
de Perles qui tenoient lieu de Rubans, en garnifſfoient les co- ſtez. D'autres y faifoient des Bouquets , & le Rond de quel- ques-unes eſtoit garny comme le devant. Celles dont les cheveux pouvoient s'accommoder de la poudre , en avoient beau- coup. Pour leurs Habits , comme en Campagne elles enpeu- vent porter de couleur à la Cour ,elles en avoient preſque toutes de gris , qui ne laiſſoient -pourtant pas d'eſtre diferens.Les uns eſtoient d'un gris perlé , &
les autres d'un gris cendré , avec de petites Broderies fines &des plus belles , ou de petits Bou
GALAN T. 139 quetsde broderie appliquez par leBrodeur, ou brodez ſur l'E
tofe mefme.Ces Habits estoient
tous chamarrezde Pierreries fur
- les Echarpes ouTailles , &elles en avoient de gros nœuds de- vant. Des Attaches de Pierre
ries , des Chatons , &des Boutons , ornoient leurs manches
de diférentes manieres.Toutle
devantde leurs Jupes eſtoit auſſi chamarré , & de groſſes Atta- ches de Diamans les retrouf
foient enquelques endroits.Plu- fieurs Pierreries formoient le
nœud de derriere , &il y avoit quelques Robes quien estoient chamarrées par demy lez Les manches de deſſous eſtoient de
Point de France , tailladées en
long , & relevées par le basavec un Point de France godronné.
Ily avoit des Pierreries entre les
140 LEMERCVRE
godrons , &des noœuds de Pier- reries deſſous les mancheres. La
plûpart enavoientdes Bracelets tout autour,&toutes des Co
lerêtes comme on enmet quand on eſt en Habitgris. Si ce mot deColerete n'eſt pas remis en vſage , corrigez-moy je vous prie. Jetraite une matiere où vous devez eſtre plus ſçavante que je ne fuis , &je ne répons pas que ce ſoit leſeul terme que jaye mal appliqué. LesDames n'ont pas eſte ſeulement ainfi parées pour les deux grands Bals , qui ont faitparoiſtre avec tant d'éclat la magnificence &
la galanterie de la premiere Courdu monde; elles ſe ſont
trouvées tous les ſoirs à la Co- médie , ou à l'Opéra , dans le meſme ajustement où je viens de vous les dépeindre , & il
GALAN T. 141
1
1
redoubla dans les jours de la Naiſſance duRoy &dela Rey- : ne , qui ſe rencontrerent le ( meſme Mois , ſur tout à l'égard des Pierreries. Le nombre en
eſtoitpreſque infiny ; &comme il n'y en avoit que de fines , on peut jugerdu merveilleux effet qu'elles firent toutes enſemble,
quand tous ceux qui s'eſtoient parez pourdanſer furent aſſemblez ; car vous remarquerez ,
Madame , que chez le Roy il n'yaperſonne de nommé pour le Bal , & qu'il ſuffit d'eſtre d'une Qualité conſidérable pour avoir la libertéd'y danſer.
Le Roy mena la Reyne ; mon- ſeigneur leDauphin , мадетоі- felle ; Monfieur , мадате ; м. le
Prince de Conty , Mademoiselle de Blois ; M. de мопmouth, маdame la Comteſſe de Gramont;
142 LE MERCVRE M. le Comte d'Armagnac , ма- dame la Princeſſe d'Elbeuf; м.
le Comte de Brionne , madame
la marquiſe de la Ferté ; M. de Tilladet, Madamede Soubiſe'; м.
le Comtede Louvigny,Madame de Louvois ; M' de Beaumont,
Madame de Ventadour ; м² le
Chevalier de Chaſtillon , Madame de S. Valier; & M. le
Comte de Fieſque , Mademoi- ſelle de Grance. Il ſeroit difficile de ſçavoir les noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals , & le rang qu'ils eurent à
danſer. Les uns ſe trouverent
au premier,les autres au ſecond,
&beaucoup àtous les deux.On y vit Madame la Ducheſſe de Chevreuſe , Mademoiselle de
Thiange , Mademoiſelle des
Adrets , & Mademoiselle de
Beauvais. Ces deux dernieres
{ GALANT. 143
ſont Filles d'Honneurde Madame. Onyvit encor M. le Duc de Vermandois , Monfieur le Chevalier de Lorraine M.
de Vendoſme , M. le marquis de мігероїх, м.Ле marquis de Rho- des , & quelques autres. Vous ſerez aiſément perfuadée que le Roy s'y fit diftinguer. Son grand air ,& la grace qui l'ac- compagne entoutes chofes, font des avantages qui ne ſont com- muns à perſonne; & quand il ne ſeroit point ce qu'il eſt , je vous jure , madame, que je ne m'empeſcherois point de vous dire qu'il donna ſujet de l'admi- rer au deſſus de tous les autres.
La Colation du premier Bal fut
fuperbe , la France augmente tous les jours en magnificence,
&peut- eſtre ne s'eſt-il jamais tien veude pareil. Comme je
144 LE MERCVRE ſçay que vous aimez tout ce qui marque de la grandeur, j'ay crû que vous me ſçauriez bon gré du Plan quejevous ay fait graver de cette Royale Cola-.
tion. Prenez la peine de jetter les yeux deſſus , le voicy; vous comprendrez plus aisément en le regardant, ce que j'ay àvous en dire. Les grands Quarrez qui font marquez Gradins, por- toient par le bas huit grandes Corbeilles de Fruit cru. Il y
avoit de petits Ronds de Con- fitures ſeches dans les encognures. Le ſecond rang portoit en- cor quatre Corbeilles , & les encognures eſtoient remplies comme celles du premier. Un grand Quarré de Fruit portant deux pieds de hauteur, faiſoit le deffus. Tous les Ronds &
Ovales marquez estoient de
Fruit
GALANT. 145 Fruit cru , &des Confitures ſe- ches rempliſſoient tous les
Quarrez qui font le tour de la Table. Par tout où vous voyez
de petits &de grāds Ronds noirs ( c ) maginez-vous des Flam- beaux dans les premiers , &des Girandoles dans les autres. La
meſime choſe des petits & des grands Ronds qui font blancs,
( OO ) Des Soucoupes de cri- ſtal garnies de quantité deGo- belets pleins d'Eaux glacées,te- noient la place des grands ; &
les petits que vous remarquez dans tout le tour de la Table ,
eſtoient des Porcelaines fines
en hors d'œuvre , remplies de toutes fortes de Compotes. Je puis abufer de quelques termes,
pardonnez- le moy. Une Balu- ſtrade un peu éloignée de la Table , la tenoit comme enferTome VIII. G
146 LE MERCVRE mée , &il y avoit des Bufets au delà. Je voudrois bien ſçavoir ce que voſtre imagination vous repreſente de toutes ces cho- ſes. Les yeux en devoient eſtre charmez , & je ne ſçay s'ils les pouvoient long-temps ſuporter.
Peignez-vous bien cet ébloüif- fant amas de Lumieres qui s'ai- doient les unes les autres,quand celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles, &
celles desGirandoles fur l'or des
Flambeaux, elles trouvoient encor à s'augmenter par ce qui réjallifſoit d'éclat des Caramels déja brillans d'eux-meſmes , &
du candy des Confitures per- lées. Adjoûtez - y ce que les Fruits diverſement colorez , les Rubans des Corbeilles , & le
Criftal des Soucoupes , en pou- voient avoir , &àtout cela joi
GALANT. 147
gnez l'effet que produiſoient les Pierreries de Leurs Maje- ſtez , & celles de quarante Da- mes qui estoient à table , &
qu'on en voyoit toutes couver- tes , il eſt impoſſible que vous ne conceviezquelque choſe au delà de tout ce qu'on a jamais veu de plus éclatant. LesHom- mes qui s'eſtoient mis tous en Juft-au-corps , ne brilloient pas moins de leur coſté. On n'en
pouvoit aſſez admirer la brode- rie , qui paroiſſoit d'autant plus,
que ce n'eſtoit que lumiere par tout. Ils eſtoient derriere les
Dames , & elles leur faifoient
partde tout ce qu'il y avoit fur laTable. Il faut rendre juſtice àM' BigotControlleur ordinai- redelaMaiſon du Roy. Il n'y a point d'Homme plus ineelli- gent, ny qui ſçache mieux re Gij
148 LE MERCVRE
gler ces fortes de choſes. Tout le temps qu'on a paffé à Fon- tainebleau, atellement eſté don- né aux Plaiſirs , que les jour de Media noche , quand l'Opéra ou la Comédie finiſſoit trop toſt , il y avoit de petits Bals particu- liers juſqu'à minuit. Vous ſca- vez , madame, ceque veut dire Medianoche,&que c'eſtunemo- dequinous eſt venuëd'Eſpagne,
où l'on attend àSouper en vian- de , que le Samedy ou un au -
tre jour d'abſtinence , s'il ſe ren- contre das quelque Semaine, ſoit expiré. Parmy tant de Divertif- ſemens , la Chaſſe n'a pas eſté oubliée. Ily en a eu tour à tour de pluſieurs fortes. Un jour apres que le Roy fut arrivé à
Fontainebleau , il les commen- ça par celle du Lievre avec la Meute deMonſeigneurleDau-
GALANT. 149 phin , commandée par M. de Selincourt. Sa Majeſté témoi- gna eſtre fort fatisfaite del'équi- page. Le lendemain Elle courut le Cerf avec une Meute nouvelle qu'Elle avoit faite Elle- meſme des trois meilleures
qu'on luy avoit pû choiſir. La Chaffe du Sanglier ſuivit. Le Roy entua trois à coupsd'Epée;
&ces diferentes Chaſſes ſuccederent pendant quelques jours .
lune à l'autre , tantoſt avec les
Chiens deMonfeigneurle Dau- phin , tantoſt avec les Chiens de Monfieur , & quelquefois ;
avec ceux de M. l'Abbé de
Sainte-Croix. En ſuite il ne fe
paſſa point de jour où l'on ne couruft le Cerf. Le's Chiens de
Sa majeſté on eu l'avantage. Ils en ont pris quinze; les Chiens de Monfieur , neuf; ceux de M.
Giij
IJO LE MERCVRE de Vendoſme , neuf; &ceux de
M. l'Abbé de Sainte-Croix,dix.
Le Roy a eſté tirerdes Faifans,
&couru une fois leChevreüil.
Il arriva unjour aux Toiles dans le temps qu'un Cerf que les Chiens de M. de Sainte-Croix
couroient fort loin de là , vint
s'y mettre , comme s'il euſt eu deſſeindedonnerle plaifir de ſa fin àSa Majefté. C'eſtoitle plus grand qui euſt eſté pris à Fon- minebleau. La teſte en a eſté
trouvée ſi belle , que le Roy l'a fait mettre dans la Galerie des
Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M. l'Abbé de SainteCroix, pourne vous le faire pas connoiftre. Il eſt Fils de feu M.
le Premier Prefident molé ,Garde des Sceaux , Frere de M. le
Prefident de Champlaſtreux ,
& maiſtre des Requeſtes. On ne
GALAN Τ. 151I
R
peut voir un plus honneſte- Homme, ny un meilleur Amy.
Toutes ſes manieres font enga- geantes , & ſes dépenſes d'un grand Seigneur. Dans la dernie- re Chaſſe le Roy laiſſa courre un Cerf à ſa troiſiéme teſte ,
qui dura preſque tout le jour. Il yen a eu detres-méchans &qui ont tuébien des Chiens. Il s'eſt
fait encor une Chafſe extraordinaire à l'occafion de Monfieur
deVerneüil, qui eſtantvenu au Leverdu Roy, eut l'honneurde
luydonner ſa Chemiſe. Sa Majeſté s'eſtant divertie àluy par- ler de pluſieurs choſes , tomba fur la Chaffe , & luy dit qu'Elle luy en vouloit donner le plaifir le lendemain. Monfieur deSoye- courGrand-Veneurde France,
reçeut l'ordre , & fit préparer
deux Cerfs au lieu d'un. La
Giiij
152 LE MERCVRE Reyne a veu une fois la Chaf- ſe en Carroffe , &Monſeigneur leDauphin les a fait toutes avec leRoy. Il n'y a rien de ſi ſurpre- nant que l'adreſſe &la vigueur qu'a fait paroiſtre cejeunePrin- ceau delà de ce que ſon âge luy devroit permettre. Mada- me s'est fait admirer à ſon ordinaire. C'eſt un Charme que de la voir à cheval. Rien ne
l'étonne , elle fait ſon plaifirde la fatigue ; & fon Sexe ne luy permettant pas d'aller àlaGuer- re , elle en va voir les Images ,
comme je l'ay déja marqué. Ce n'eſt pas ſeulementpar làqu'el- le merite d'eſtre estimée Tous
les Ouvrages d'eſprit la tou- chent. Elle carreſſe les Autheurs, &juge mieux que per- fonne de tout ce qu'on voit de
beau au Theatre. Madame la
GALANT. 153 Ducheffe de Toſcane s'eſt auſſi
trouvée à ces Parties. On ne
peutmontrer plus d'eſprit qu'el- le en fait paroiſtre. Elle fait tout avec grace , eft bonne , gené- reuſe , & fidelle Amie , &n'oublie jamais dans l'éloignement ceux qu'elle hon ore de ſa bien- veillance. Il n'est pas beſoin de vous dire qu'elle eft.Fille de feu
M. le Duc d'Orleans , Oncle du
Roy. Monfieur le Prince de Conty , quoy que jeune encor ,
n'a pas eſté un des moins ardens
pour cet Exercice.J'aurois peine àvous exprimer combien M.
le Duede Monmouth y amontré de vigueur. C'eſtoit quelque choſe de fi bouillant , qu'on l'en a veu quelquefois emporté juf- que parmy les Rochers. Il a
beaucoup paru au Bal , & on lny a trouvé un air tout-à-fair- G
154 LE MERCVRE digne de ce qu'il eſt. Vous pou- vez croire que Madame la Du- cheſſe de Boüillon aimant autant laChaffe qu'elle fait ,laiſſa échaper peu d'occaſionsd'y fui- vre le Roy. Elle a une adreſſe merveilleuſe en tout ce qu'elle
veut faire , & jamais on n'a mieux tiré en volant. Vous avez
eſté charmée des agrémens de ſa Perſonne , & de la vivacité
de ſon teint ; mais vous la ſeriez
encor davantage , fi vous con- noiſliez parfaitement la force &
la délicateſſe de ſon Eſprit. Elle l'a penetrant ; & comme il eſt
capablede toutes les belles con- noiffances , elle a un attachement inconcevable pourles Li- vres ,&va juſqu'à ce qui s'ap- pelle ſçavoir les chofes profon- dement. Mademoiſelle deGrancé a eſtédu nombre de ces Il-
GALANT. 155
:
:
Huſtres Chaſſereſſes. Elle eſt belle , ade la bonté , & un Efprit qui répond à ſa Naiſſance. Ma- demoiſelle des Adrets a fait auſſi
voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plaiſirs , ne l'étonne
pas. Je n'ay point ſçeu le nom des autres. J'ay apris feulement que les Dames ont eſté à la Chaſſe en Jupes , Juſt-au-corps de broderie , &Coifures de Plumes. Jenepuis m'empeſcherde vous dire encor que Mademoi- felle dança tres-bien , & fe fir admirer au Bal. Quelques autres , tant Hommes que Femmes , s'y firent auſſi diſtinguer.
Mais ma Lettre eſt déja ſi lon- gue , que je paſſe au Te-Deum de M. Lully , qui peut eſtre compté parmy les Plaiſirs de Fontainebleau. Ille fit chanter
devant le Roy le jour que Sa Gvj
136 LE MERCVRE Majesté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes
d'Inftrumens l'acompagnerent ;
les Tymbales & les Trompetes n'y furent point oubliez. Il eſtoit deMonfieur Luvy, c'eſt tout di-- re. Ce qu'on y admira particu- lierement , c'eſt que chaque Couplet eſtoit de diferente Mu- fique. Le Roy le trouva fi beau,
qu'il voulut l'entendre plus d'une fois.
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est passé à Fontainebleau pendant le Sejour que Leurs Majestez y ont fait. Cet Article contient ceux des Comedies, Opéra, Bals, Plan d'une Collation, Chasses, & la maniere dont les Dames ont esté parées dans tous ces Divertissemens. [titre d'après la table]
Le texte relate le séjour prolongé du roi à Fontainebleau, initialement prévu pour quinze jours et étendu jusqu'au 30 septembre. Le château, vaste et somptueux, impressionne par ses nombreuses cours, appartements, galeries et jardins. Après des conquêtes hivernales et des décisions stratégiques, le roi cherchait à se détendre. Son séjour fut marqué par divers divertissements préparés avec magnificence. Le Prince de Marillac, Grand Maître de la Garderobe, fit confectionner des habits extraordinaires pour le roi, qui les apprécia. Les divertissements incluaient des représentations théâtrales et des opéras à l'Hôtel de Bourgogne, avec des pièces comme 'Iphigénie', 'Le Menteur' et 'L'Avare'. La musique du roi, augmentée de nouvelles voix, fut particulièrement applaudie. Les danseurs reçurent des gratifications pour leurs performances. Des mascarades et des spectacles comiques, comme celui de M. Philibert, ajoutèrent à l'ambiance festive. Deux bals magnifiques furent organisés, où la cour apparut dans des tenues somptueuses ornées de pierreries. Le roi, la reine, le Dauphin, Monseigneur, Madame et Mademoiselle portèrent des habits richement décorés. Les dames se parèrent de nattes, de boucles et de pierreries, avec des habits gris brodés. Les bals furent l'occasion de montrer l'éclat et la magnificence de la cour, avec une participation libre pour ceux de qualité considérable. Le roi se distingua par son air et sa grâce. La collation du premier bal à Fontainebleau fut particulièrement somptueuse, soulignant la magnificence croissante de la France. La table était ornée de fruits frais et de confitures, avec des flambeaux et des girandoles illuminant l'ensemble. Les convives, y compris le roi et quarante dames, étaient parés de pierreries, et les hommes en justaucorps brodé admiraient la broderie. M. Bigot, contrôleur ordinaire de la Maison du Roi, est loué pour son intelligence et son savoir-faire dans l'organisation de ces événements. Pendant le séjour à Fontainebleau, les plaisirs étaient nombreux, avec des bals jusqu'à minuit et diverses chasses, notamment celles du lièvre, du cerf et du sanglier. Le roi et plusieurs nobles, dont le Dauphin et Madame, participèrent activement à ces activités. La présence de Madame la Duchesse de Toscane et de Monsieur le Prince de Conti, ainsi que la vigueur de Monsieur le Duc de Monmouth, furent notées. La Duchesse de Bouillon et Mademoiselle de Grancey se distinguèrent par leur adresse et leur esprit. Le Te Deum de Monsieur Lully, composé pour l'occasion, fut particulièrement apprécié par le roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 20-23
Reception faite par Mr le Duc de la Rochefoucault aux Ambassadeurs, les Chevaux & les Chiens qu'ils virent au Chenil, & la Curée faite devant eux. [titre d'après la table]
Début :
Mr le Duc de la Roche foucaut estoit accompagné de la [...]
Mots clefs :
François VII de La Rochefoucauld, Roi, Chiens, Curée, Chevaux, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception faite par Mr le Duc de la Rochefoucault aux Ambassadeurs, les Chevaux & les Chiens qu'ils virent au Chenil, & la Curée faite devant eux. [titre d'après la table]
M² le Duc de
la Roche foucaut eſtoit accompagné
de la plus grande
partie de cette Nobleſſe , lors
qu'il receut lesAmbaſſadeurs
à la porte de ſon Logement.
Ils y entrerent , & en admirerent
la magnificence & le
bon ordre. Ils remarquerent
une Tapifſſerie qui repreſente
'Hiſtoire de Leandre & de
Hero , & la trouverent fort
belle . Mª de la Roche- foucaut
leur fit voir enſuite les
Equipages du Roy , & les
Ecuries où la propreté avec
laquelle on tient cent cin.
des Amb de Siam. 21
quante Chevaux qui ne font
que pour la Chaſſe du Cerf,
leur fit donner de grandes
loüanges à ceux qui en ont
le ſoin. De la ils entrerent
dans la court où ſont les Loges
des Chiens , dont ils virentdeux
à trois cens ſur de
la paille fraiſche. Ils examinerent
la fimetrie des Baftimens
, & dirent , Qu'à tous
momens ils voyoient de nouveaux
miracles , & que l'homme ſeul
ne pouvoit concevoir la moitié de
ce qu'ils avoient veu. Mr. de la
Rochefoucaut fit fortir les
chiens ,& on leur fit faire la
22 III.P. du Voyage.
curée devant les Ambaffadeurs
, pour leſquels on apporta
des Fauteüils , où ils ſe
mirent. Ce Duc avoit fait
auffi aprêter une magnifique
Colation. Elle fut accompa
gnée de toutes fortes de liqueurs
, dont ils bûrent ſeulement.
Comme ils avoient
ſceu ſa naiſſance , le rang
confiderable de ſa Charge, &
l'eſtime particuliere dont le
Roy l'honore, ils dirent qu'ils
connoiffoient bien l'amitié & la
confideration qu'on avoir pour le
Roy de Siam , puis qu'un auſſi
grand Seigneur que M² de la
des Amb de Siam. 23
Rochefoucaut , distingué par tant
d'endroits , ſe donnoit la peine de
leur montrer luy- mesme tout ce
qu'il avoit eu la bonté de leur
faire voir. Ils joignirent à cela
de grands remerciemens de
la maniere dumonde la plus
honneſte.
la Roche foucaut eſtoit accompagné
de la plus grande
partie de cette Nobleſſe , lors
qu'il receut lesAmbaſſadeurs
à la porte de ſon Logement.
Ils y entrerent , & en admirerent
la magnificence & le
bon ordre. Ils remarquerent
une Tapifſſerie qui repreſente
'Hiſtoire de Leandre & de
Hero , & la trouverent fort
belle . Mª de la Roche- foucaut
leur fit voir enſuite les
Equipages du Roy , & les
Ecuries où la propreté avec
laquelle on tient cent cin.
des Amb de Siam. 21
quante Chevaux qui ne font
que pour la Chaſſe du Cerf,
leur fit donner de grandes
loüanges à ceux qui en ont
le ſoin. De la ils entrerent
dans la court où ſont les Loges
des Chiens , dont ils virentdeux
à trois cens ſur de
la paille fraiſche. Ils examinerent
la fimetrie des Baftimens
, & dirent , Qu'à tous
momens ils voyoient de nouveaux
miracles , & que l'homme ſeul
ne pouvoit concevoir la moitié de
ce qu'ils avoient veu. Mr. de la
Rochefoucaut fit fortir les
chiens ,& on leur fit faire la
22 III.P. du Voyage.
curée devant les Ambaffadeurs
, pour leſquels on apporta
des Fauteüils , où ils ſe
mirent. Ce Duc avoit fait
auffi aprêter une magnifique
Colation. Elle fut accompa
gnée de toutes fortes de liqueurs
, dont ils bûrent ſeulement.
Comme ils avoient
ſceu ſa naiſſance , le rang
confiderable de ſa Charge, &
l'eſtime particuliere dont le
Roy l'honore, ils dirent qu'ils
connoiffoient bien l'amitié & la
confideration qu'on avoir pour le
Roy de Siam , puis qu'un auſſi
grand Seigneur que M² de la
des Amb de Siam. 23
Rochefoucaut , distingué par tant
d'endroits , ſe donnoit la peine de
leur montrer luy- mesme tout ce
qu'il avoit eu la bonté de leur
faire voir. Ils joignirent à cela
de grands remerciemens de
la maniere dumonde la plus
honneſte.
Fermer
Résumé : Reception faite par Mr le Duc de la Rochefoucault aux Ambassadeurs, les Chevaux & les Chiens qu'ils virent au Chenil, & la Curée faite devant eux. [titre d'après la table]
Le Duc de la Rochefoucault reçut les ambassadeurs de Siam à l'entrée de son logement, entouré de nombreux nobles. Les ambassadeurs furent impressionnés par la magnificence et l'ordre des lieux, notant particulièrement une tapisserie illustrant l'histoire de Léandre et Héro. Le Duc leur fit visiter les équipages du roi et les écuries, où ils découvrirent cent cinquante chevaux destinés à la chasse au cerf. Ils apprécièrent la propreté des lieux et la qualité des soins apportés aux animaux. Ils visitèrent également les loges des chiens, où deux à trois cents chiens reposaient sur de la paille fraîche. Les ambassadeurs exprimèrent leur admiration pour la fierté des bâtiments et les miracles observés. Le Duc organisa une curée de chiens à leur intention, et ils assistèrent à la scène depuis des fauteuils. Une collation somptueuse fut servie, accompagnée de diverses liqueurs. Connaissant la naissance et le rang élevé du Duc, ainsi que l'estime du roi à son égard, les ambassadeurs reconnurent l'amitié et la considération portées au roi de Siam et exprimèrent leur gratitude de manière honnête.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 213-215
PAR MR DE MESSANGE. SUR ME L. D. D. B. en habit de Chasse.
Début :
Quand la brillante Adelaide, [...]
Mots clefs :
Frère, Habit, Chasse, Soeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PAR MR DE MESSANGE. SUR ME L. D. D. B. en habit de Chasse.
PAR
MRDE MESSANGE,
SURMEL.D.D. B.
en habit de Chasse.
Quand la brillante
Adelaide,
SurlefierCoursierqu'elle
guide,
Semblevoler dansce va*
lon,
Est-ceDiane, ejl-ceA
pollon.
Ah!jedevine le mystere,
La Soeur a pris l'habit
du Frere,
Ou le Frere à la Soeur a
derobé cesyeux
Qui font les delices des
Dieux.
tXi
Un Cerffuyantpour l'évitery
Semble d'un Dieucraindre
l'adresse ;
Un Chevreuilparoist
s'arrejter
Pour contempler Déesse. une
!?!
Enfin dansson Palais la
evoilàde retour,
Je la vois changerde pa,.
rure,
Ce nesi plus Apollon,
déja leDieu
aujour
Luy laijfiantfes rayons y
a reprissacoëffure*
MRDE MESSANGE,
SURMEL.D.D. B.
en habit de Chasse.
Quand la brillante
Adelaide,
SurlefierCoursierqu'elle
guide,
Semblevoler dansce va*
lon,
Est-ceDiane, ejl-ceA
pollon.
Ah!jedevine le mystere,
La Soeur a pris l'habit
du Frere,
Ou le Frere à la Soeur a
derobé cesyeux
Qui font les delices des
Dieux.
tXi
Un Cerffuyantpour l'évitery
Semble d'un Dieucraindre
l'adresse ;
Un Chevreuilparoist
s'arrejter
Pour contempler Déesse. une
!?!
Enfin dansson Palais la
evoilàde retour,
Je la vois changerde pa,.
rure,
Ce nesi plus Apollon,
déja leDieu
aujour
Luy laijfiantfes rayons y
a reprissacoëffure*
Fermer
Résumé : PAR MR DE MESSANGE. SUR ME L. D. D. B. en habit de Chasse.
Le poème décrit une scène de chasse avec une figure féminine, Adelaide, comparée à Diane ou Apollon. Elle évite un cerf et attire un chevreuil. De retour au palais, elle change d'apparence, perdant ses traits divins. Apollon reprend sa coiffure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 212-242
HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
Début :
Zaczer fils de Sam Prince Persan, ayant fait une partie [...]
Mots clefs :
Zaczer, Bouladabas, Chasse, Kaboul, Prince, Amants, Princesse, Perse, Fête galante, Orient, Mariage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
HISTOIRE
de Zaczer & de
Bouladabas.
ZAczer fils de Sam
Prince Perſan , ayant fait If
une partie de chaffe , c'eſtà- dire un petit voyage de
quelques femaines , pour
chaffer dans le Kalleſtan,
qui eft la Province de Kabul aux Indes , qui confine avec la Perfe du cofé du Nord. Mecherab
Gouverneur de cette Pro-
GALANT 213
vince alla au devant du
fils de Sam pour luy faire honneur , & fut tellement charmé des belles
& grandes qualitez de ce
jeunePrince , que retournant dans fa famille il ne
pouvoit ceffer d'en parler , & fur ce recit une
de fes filles nommée Bouladabas en devint amou-,
reufe ; elle envoya quel-
-unes de fes filles
ſous prétexte de cueillir
des fleurs autour d'une
ques
214 MERCURE
fontaine où elle fceut que
Zaczer alloit fe rafraif
chir pendantla chaffe.
Zaczer ayant apperceu
ces filles , ne manqua pas
de les aborder , de s'informer qui elles eftoient.
Elles prirent occaſion de
luy dire tant de bien de
leur jeune maiſtreſſe ,
qu'il conceut dès ce jourlà beaucoup d'eftime
pour elle , & fut impatient de retourner le lendemain pour voir files
GALANT. 215
cueilleufes de fleurs ne
reviendroient point à la
fontaine : elles ne manquerent pas d'y revenir ,
& Zaczel paffa avec elles
tout le temps de la chaſſe,
& devint amoureux de
Bouladabas fur l'idée que
ces filles luy en donnerent , comme elle eftoit
devenue amoureufe de
luy fur les recits que fon
pere en faifoit tous les
jours.
Il faut remarquer que
216 MERCURE
Zaczer avoit une de ces
phifionomies qui ne plaifent pas d'abord , mais
qui fe font aimer dans la
fuite par l'efprit & par les
fentiments qui les animent; cependant les filles
de Bouladabas luy en
avoient fait un Adonis ;
& d'un autre coſté en
faifant à Zaczer le por
trait de leur maiftreffe ,
chacune d'elles y adjouſ
toit tousjours quelque
trait de beauté pour éncherir
GALANT. 217
3
cherir fur fa compagne ,
& cela formoit dans l'imagination de Zaczer
une beauté , finon plus
grande au moins toute
differente de celle de Bouladabas. Ces deux Amants furent quelque
temps fans pouvoir trouyer les moyens de ſe voir,
& ne pouvant appuyer
leur amour que fur l'idée
qu'ils s'eſtoient formée
l'un del'autre, ils auroient
juré que ce qu'ils aiOctobre. 1712. T
218 MERCURE
moient reffembloit parfaitement à l'image où
leur amour les avoit accouſtumeż. ‹ Un jour
Bouladabas ayant trouvé moyen de fe dérober
aux foins de ceux qui la
gardoient , vintà la fontaine , & y arriva quelques heures avant Zaczer. Pendant que fes filles l'entretenoient àa l'ordinaire des charmes de
celuy qu'elle alloit voir ,
elle fut long - temps ré-
GALANT. 219
veuſe , & rompit enfuite
le filence pour leur dire
qu'elle craignoit deux
chofes dans cette entre
veuë : la premiere de ne
pas paroistre auxyeux de
Zaczer digne du portrait
qu'elles luy avoient fait
d'elle; & la feconde, de ne
pas trouver Zaczer fi aimable qu'elle fe l'eftoit
imaginé : Etfi l'un de ces
deux malheurs m'arrive,
leur difoit- eller, que deviendray- je après toutes
Tij
220 MERCURE
ces avances que nous nous
fommes faites indifcretement fans nous efire veus.
Une de fes filles luy dit
qu'en effet il eftoit fouvent dangereux de prévenir trop avantageufement, & que c'eſtoit mefmeunepolitique des fem- .
mes jaloufes de profner
exceffivement les beautez qu'onannonçoit dans
le monde , afin qu'on les
trouvaſt moins belles : je
ne crains point cela pour
GALANT. 221
vous , Madame , continua - elle , moy je le
crains , interrompt Bouladabas , mais , Madame , reprit la fille qui eftoit vive &
ingenieuſe ,
faites une chofe , je nefuis
point encore venue à la
fontaine avec mes compagnes, ainfi Zaczer ne m'a
point encore veuë , je fuis
"brune comme vous , &je
puis reffembler àpeu près
en laid auportrait qu'on
luy a fait , je vais me
Tiij
222 MERCURE
parerde vospierreries , &
faire icy vofire perfonnage , cela produira plufleurs bons effets. Premierement ma vene détruira
dans fon imagination ce
phantofme de beauté qu'il
s'est fait ,
craignez la comparaifon ,
ce ne fera plus qu'à moy
dont vous
qu'il vous comparera
quand vous vous ferez
connoiftre à luy dans la
fuite , commejefuis infiniment moins belle que
. GALANT. 223
vous , &que l'idée qu'il
s'eft faite , cette premiere
furprife le difpofera à une
feconde tres- avantageuſe
pour vous.
Une autre raifon encore que cette fille réprefenta à Bouladabas , fut
que cette fuppofition lụy
donneroit lieu d'exaininer incognito & à loifir , fi
Zaczer eftoit digne de
l'idée qu'elle avoit de luy
Bouladabas accepta le
parti pour une troifiéme
Tiiij
224 MERCURE
raifon encore : j'éprouveraypar là , dit- elle , s'il
m'auroit aimée naturellement fans la prévention.
>
qu'on luy a donnée pour
moy , ma delicateſſe fe-·
roit bien plus touchée de cet
amour & s'il venoit à
t'aimerparhazardje n'en
ferois point jaloufe , cela
me prouveroit que nous
n'eftions pas deftinez l'un
pour l'autre. A peine
cette converfation fut- elle
finié , qu'on entendit de
GALANT. 225
loin le bruit de la chaffe ,
la fauffe Bouladabas eut
à peine le temps de ſe parer , que Zaczer parut
feul , percer le bois avec
impatience pour venir
joindre les filles. Elles
coururent toutes au devant de luy , & la fauſſe
Bouladabas reſta ſur un
fiege de verdure & de
fleurs , accompagnée de
la veritable , qu'on annonça à Zaczer comme
une parente de Boulada-
226 MERCURE
bas dont elle s'eftoit fait
accompagner. La fauffe
Bouladabas fe leva à l'arrivée de Zaczer , qui tout
plein de fa beauté divine
&imaginaire , accouroit
avec ardeur ; mais cette
ardeur fut bien rallentie
quand il vit une perfonne
qui n'eftoit en effet que
mediocrement belle , &
qui luy parut encore fort
au deffous de ce qu'elle
eftoit ; il refta immobile
&prefque muet, l'amour
GALANT. 227
de Bouladabas fut encore
plus refroidi que le fien ,
car Zaczer , comme nous
avons dit. ,
n'avoit pas
pour luy le premier abord ; toutes les graces
qui euffent pûanimer fon
vilage eftoient effacées
par la froideur & la furprife dont il avoit eſté
frappé : en un mot Bouladabas , bien loin de le
trouver aimable , ne fongea qu'à abbreger l'entreveue, & fit fouvenir la
228 MERCURE
fauſſe Bouladabas qu'il
falloit retourner au plus
viſte , de peur qu'on ne
s'apperceuſt au Palais de
fon Pere qu'elle en eſtoit
fortie ; on parla de ſe ſeparer , & Zaczer ne s'en
plaignit que par politeſſe.
Dansce moment les filles
de Bouladabas connurent
le tort qu'ils avoient eu
de prévenir ces Amants
trop
P'un
avantageuſement
pour l'autre ; car felon toutes les apparences
GALANT. 229
fi Zaczer avoit veu Bouladabas naturellement
d'abord en Princeſſe, leur
amour ſe fuſt peut - eſtre
efteint tout-à- fait , au
lieu que comme vous allez voir , la froideur de
cette premiere entreveuë
ne fervit qu'à rallumer
plus vivement un fond
d'amour qu'ils avoient
réellement pour le merite
l'un de l'autre.
Dans le temps que les
compliments de ſepara-
230 MERCURE
tion fe faifoient , Zaczer
qui avoit eu preſque tousjours les yeux baiffez ,
les jetta fur Bouladabas ;
& fon imagination n'eſtant plus occupée d'aucune fauffe image , la
beautéde Bouladabas s'en
empara , le premier coup
d'oeil le frappa fi vive
ment, que fa phifionomie
en fut ranimée , & Bou
ladabas qui s'apperçut
qu'elle plaifoit , commença à le trouver moins
GALANT 231 4
1
choquant , elle cuft bien
voulu refter encore , mais
Zaczer partit bruſquement,"& Bouladabas s'en
retourna avec fes filles.
La raiſon qui fit partir
Zaczer fi brufquement ,
fut une raifon de delicateffe & de conftance.
orientale , il craignit que
celle qu'il ne croyoit qu'
une parente de Bouladabas , ne luy pluſt trop ,
& ne s'eftant pas encore
apperceu qu'il l'aimoit
232 MERCURE
désja , il vouloit conferver l'amour qui luy ref
toit pour le merite de
Bouladabas , dont il ne
pouvoit douter , parce
qu'il eftoit conneu dans
toute la Perfe , & ce
>
jeune Prince qui s'eſtoit
dévoué hautement à cette Princeffe , avant que
de l'avoir veuë , voulant
fouftenir par honneur
le party qu'il avoit prit
revint le lendemain à
la fontaine , où la Princeffe
GALANT. 233
ceffe devoit revenir , il
s'imaginoit craindre d'y
retrouver fa parente
mais dans le fond du
cœur il n'y venoit que
pour elle , & il eut une
joye fecrette , lorſque
Bouladabas fous le nom
de parente parut fans
la Princeffe , qui l'avoit
chargée luy difoit- elle de:
venir luy témoigner la
douleur qu'elle avoit de
n'avoir pu s'y trouver
ce jour- là , Zaczer luy
Octobre. 1712 Y
234 MERCURE
répondit d'un air tres
content , qu'il en eftoit
fafché , & elle luy dit
que Bouladabas l'avoit
chargée de venir luy
parler d'elle le plus
long- temps qu'elle pourroit cette converfation
fut longue , & Zaczer
ne la pouvoit finir ; elle
roula toutefur la conftance , & Bouladabas le
mettoit exprés fur ce fujet , pour connoître s'il
en eftoit capable. Zac-
GALANT. 235
zer eut, tant de pouvoir,
fur luy- mefme dans cette
entreveuë , que jamais il
ne luy eſchapa aucun
mot qui luy marquaft fon
amour , au contraire , il
juroit qu'il feroit toufjours fidelle à Bouladabas , mais en jurant fidelité à celle qu'il croyoit ne
pas voir, il foupiroit pour
celle qu'il voyoit : quel
plaifir pour Bouladabas
de fe voir ainfi doublement aimée. Celjeu
L3
V ij
236 MERCURE
continua quelques jours ,
& la Princeffe ne paroiffant point , Bouladabas
pouffa l'épreuve de la conftance de Zaczer jufqu'à
luy declarer qu'elle l'aimoit ; & qu'eftant auffi
grande Princeffe que fa
parente, &beaucoup plus
riche , il auroit dû penſer
à l'époufer. Que ne ſouffrit point Zaczer dans cet
te épreuve , il alloit peut-
}
eftre fuccomber : mais
Bouladabas craignant de
"
GALANT. 237
pour tousle voir infidelle, le prévint
par un dépit & un adieu
qu'elle luy dit
jours ; & fans luy donner
le temps de luy répondre,
elle luy dit ſeulement que
Bouladabas viendroit elle- mefme le lendemain
pour le recompenfer defa
conſtance.
Zaczerrefta au mefme
endroit où on l'avoit laiffé , fans avoir la force ni
de parler ni de ſe ſouſtenir , & fe laiffa tomber
238 MERCURE
fur un gazon où il feroit
refté long-temps , fi fes
gens ne fuſſent venus le
joindre : il fe trouva mal
& on l'emporta chez luy,
où il paſſa la nuit dans un
eftat fi violent qu'il prit
le party de ne fe jamais
marier , ne voulant pas
3
donner à Bouladabas un
coeur fi rempli d'amour
pour une autre , ni épou¬
fer cette autre en manquant de fidelité à Boula
dabas min 51 38
GALANT. 239
Le lendemain , Zaczer.
feur de trouver Boulada--
bas au rendez- vous , y retourna à deffein de luy
avoüer de bonne foy les
raifon's qu'il avoit de ne
jamais voir ni elle ni fa
parente. Quel fpectacles
pourluy ! lorfque le lendomain la Princeffe parut
de loin magnifiquement
parée, avec plufieurs Maures qui la portoient ſur un
Palanquin de fleurs , entourée d'un grand nom
240 MERCURE
bre de filles tenant des
guirlandes , & de quantité de petits enfants repreſentants les Amours ;
en un mot avec tout l'appareil d'uneFeſte galante,
qui a pourbutle mariage.
Plufieurs Cavaliers parez
comme pour un Tournoy fe détacherent de la
Troupe; &le pere deBouladabas à leur tefte vint
offrir fa fille à Zaczer , qui
eftoit preſt à la refuſer &
àfuir. Lorfquevoyant de
plus
GALANT. 241
plus près la Princeffe qui
s'avançoit , il vit à ſa place celle dont il eftoit fi
amoureux. Quelle fut fa
furpriſe je croy qu'une
peinture de tout ce quife
paſſa en ce moment , ne
feroit qu'affoiblir celle
que chacun s'en peut faire. Bouladabas dit à Zaccer quefon pere avoit eſté
touché de fa conſtance ,
& avoit voulu venir la
couronner luy - meſme ,
les noces fe celebrerent
Octobre.
1712. X
242 MERCURE
peu après , & au bout
de neuf mois fortit de ce
mariage le fameux Roftam furnommé Oaſtam
le plus vaillant guerrier
que les Perfans ayent jamais eu , & qui fert encore aujourd'huy de modelle à tous les grands
hommes de l'Orient
de Zaczer & de
Bouladabas.
ZAczer fils de Sam
Prince Perſan , ayant fait If
une partie de chaffe , c'eſtà- dire un petit voyage de
quelques femaines , pour
chaffer dans le Kalleſtan,
qui eft la Province de Kabul aux Indes , qui confine avec la Perfe du cofé du Nord. Mecherab
Gouverneur de cette Pro-
GALANT 213
vince alla au devant du
fils de Sam pour luy faire honneur , & fut tellement charmé des belles
& grandes qualitez de ce
jeunePrince , que retournant dans fa famille il ne
pouvoit ceffer d'en parler , & fur ce recit une
de fes filles nommée Bouladabas en devint amou-,
reufe ; elle envoya quel-
-unes de fes filles
ſous prétexte de cueillir
des fleurs autour d'une
ques
214 MERCURE
fontaine où elle fceut que
Zaczer alloit fe rafraif
chir pendantla chaffe.
Zaczer ayant apperceu
ces filles , ne manqua pas
de les aborder , de s'informer qui elles eftoient.
Elles prirent occaſion de
luy dire tant de bien de
leur jeune maiſtreſſe ,
qu'il conceut dès ce jourlà beaucoup d'eftime
pour elle , & fut impatient de retourner le lendemain pour voir files
GALANT. 215
cueilleufes de fleurs ne
reviendroient point à la
fontaine : elles ne manquerent pas d'y revenir ,
& Zaczel paffa avec elles
tout le temps de la chaſſe,
& devint amoureux de
Bouladabas fur l'idée que
ces filles luy en donnerent , comme elle eftoit
devenue amoureufe de
luy fur les recits que fon
pere en faifoit tous les
jours.
Il faut remarquer que
216 MERCURE
Zaczer avoit une de ces
phifionomies qui ne plaifent pas d'abord , mais
qui fe font aimer dans la
fuite par l'efprit & par les
fentiments qui les animent; cependant les filles
de Bouladabas luy en
avoient fait un Adonis ;
& d'un autre coſté en
faifant à Zaczer le por
trait de leur maiftreffe ,
chacune d'elles y adjouſ
toit tousjours quelque
trait de beauté pour éncherir
GALANT. 217
3
cherir fur fa compagne ,
& cela formoit dans l'imagination de Zaczer
une beauté , finon plus
grande au moins toute
differente de celle de Bouladabas. Ces deux Amants furent quelque
temps fans pouvoir trouyer les moyens de ſe voir,
& ne pouvant appuyer
leur amour que fur l'idée
qu'ils s'eſtoient formée
l'un del'autre, ils auroient
juré que ce qu'ils aiOctobre. 1712. T
218 MERCURE
moient reffembloit parfaitement à l'image où
leur amour les avoit accouſtumeż. ‹ Un jour
Bouladabas ayant trouvé moyen de fe dérober
aux foins de ceux qui la
gardoient , vintà la fontaine , & y arriva quelques heures avant Zaczer. Pendant que fes filles l'entretenoient àa l'ordinaire des charmes de
celuy qu'elle alloit voir ,
elle fut long - temps ré-
GALANT. 219
veuſe , & rompit enfuite
le filence pour leur dire
qu'elle craignoit deux
chofes dans cette entre
veuë : la premiere de ne
pas paroistre auxyeux de
Zaczer digne du portrait
qu'elles luy avoient fait
d'elle; & la feconde, de ne
pas trouver Zaczer fi aimable qu'elle fe l'eftoit
imaginé : Etfi l'un de ces
deux malheurs m'arrive,
leur difoit- eller, que deviendray- je après toutes
Tij
220 MERCURE
ces avances que nous nous
fommes faites indifcretement fans nous efire veus.
Une de fes filles luy dit
qu'en effet il eftoit fouvent dangereux de prévenir trop avantageufement, & que c'eſtoit mefmeunepolitique des fem- .
mes jaloufes de profner
exceffivement les beautez qu'onannonçoit dans
le monde , afin qu'on les
trouvaſt moins belles : je
ne crains point cela pour
GALANT. 221
vous , Madame , continua - elle , moy je le
crains , interrompt Bouladabas , mais , Madame , reprit la fille qui eftoit vive &
ingenieuſe ,
faites une chofe , je nefuis
point encore venue à la
fontaine avec mes compagnes, ainfi Zaczer ne m'a
point encore veuë , je fuis
"brune comme vous , &je
puis reffembler àpeu près
en laid auportrait qu'on
luy a fait , je vais me
Tiij
222 MERCURE
parerde vospierreries , &
faire icy vofire perfonnage , cela produira plufleurs bons effets. Premierement ma vene détruira
dans fon imagination ce
phantofme de beauté qu'il
s'est fait ,
craignez la comparaifon ,
ce ne fera plus qu'à moy
dont vous
qu'il vous comparera
quand vous vous ferez
connoiftre à luy dans la
fuite , commejefuis infiniment moins belle que
. GALANT. 223
vous , &que l'idée qu'il
s'eft faite , cette premiere
furprife le difpofera à une
feconde tres- avantageuſe
pour vous.
Une autre raifon encore que cette fille réprefenta à Bouladabas , fut
que cette fuppofition lụy
donneroit lieu d'exaininer incognito & à loifir , fi
Zaczer eftoit digne de
l'idée qu'elle avoit de luy
Bouladabas accepta le
parti pour une troifiéme
Tiiij
224 MERCURE
raifon encore : j'éprouveraypar là , dit- elle , s'il
m'auroit aimée naturellement fans la prévention.
>
qu'on luy a donnée pour
moy , ma delicateſſe fe-·
roit bien plus touchée de cet
amour & s'il venoit à
t'aimerparhazardje n'en
ferois point jaloufe , cela
me prouveroit que nous
n'eftions pas deftinez l'un
pour l'autre. A peine
cette converfation fut- elle
finié , qu'on entendit de
GALANT. 225
loin le bruit de la chaffe ,
la fauffe Bouladabas eut
à peine le temps de ſe parer , que Zaczer parut
feul , percer le bois avec
impatience pour venir
joindre les filles. Elles
coururent toutes au devant de luy , & la fauſſe
Bouladabas reſta ſur un
fiege de verdure & de
fleurs , accompagnée de
la veritable , qu'on annonça à Zaczer comme
une parente de Boulada-
226 MERCURE
bas dont elle s'eftoit fait
accompagner. La fauffe
Bouladabas fe leva à l'arrivée de Zaczer , qui tout
plein de fa beauté divine
&imaginaire , accouroit
avec ardeur ; mais cette
ardeur fut bien rallentie
quand il vit une perfonne
qui n'eftoit en effet que
mediocrement belle , &
qui luy parut encore fort
au deffous de ce qu'elle
eftoit ; il refta immobile
&prefque muet, l'amour
GALANT. 227
de Bouladabas fut encore
plus refroidi que le fien ,
car Zaczer , comme nous
avons dit. ,
n'avoit pas
pour luy le premier abord ; toutes les graces
qui euffent pûanimer fon
vilage eftoient effacées
par la froideur & la furprife dont il avoit eſté
frappé : en un mot Bouladabas , bien loin de le
trouver aimable , ne fongea qu'à abbreger l'entreveue, & fit fouvenir la
228 MERCURE
fauſſe Bouladabas qu'il
falloit retourner au plus
viſte , de peur qu'on ne
s'apperceuſt au Palais de
fon Pere qu'elle en eſtoit
fortie ; on parla de ſe ſeparer , & Zaczer ne s'en
plaignit que par politeſſe.
Dansce moment les filles
de Bouladabas connurent
le tort qu'ils avoient eu
de prévenir ces Amants
trop
P'un
avantageuſement
pour l'autre ; car felon toutes les apparences
GALANT. 229
fi Zaczer avoit veu Bouladabas naturellement
d'abord en Princeſſe, leur
amour ſe fuſt peut - eſtre
efteint tout-à- fait , au
lieu que comme vous allez voir , la froideur de
cette premiere entreveuë
ne fervit qu'à rallumer
plus vivement un fond
d'amour qu'ils avoient
réellement pour le merite
l'un de l'autre.
Dans le temps que les
compliments de ſepara-
230 MERCURE
tion fe faifoient , Zaczer
qui avoit eu preſque tousjours les yeux baiffez ,
les jetta fur Bouladabas ;
& fon imagination n'eſtant plus occupée d'aucune fauffe image , la
beautéde Bouladabas s'en
empara , le premier coup
d'oeil le frappa fi vive
ment, que fa phifionomie
en fut ranimée , & Bou
ladabas qui s'apperçut
qu'elle plaifoit , commença à le trouver moins
GALANT 231 4
1
choquant , elle cuft bien
voulu refter encore , mais
Zaczer partit bruſquement,"& Bouladabas s'en
retourna avec fes filles.
La raiſon qui fit partir
Zaczer fi brufquement ,
fut une raifon de delicateffe & de conftance.
orientale , il craignit que
celle qu'il ne croyoit qu'
une parente de Bouladabas , ne luy pluſt trop ,
& ne s'eftant pas encore
apperceu qu'il l'aimoit
232 MERCURE
désja , il vouloit conferver l'amour qui luy ref
toit pour le merite de
Bouladabas , dont il ne
pouvoit douter , parce
qu'il eftoit conneu dans
toute la Perfe , & ce
>
jeune Prince qui s'eſtoit
dévoué hautement à cette Princeffe , avant que
de l'avoir veuë , voulant
fouftenir par honneur
le party qu'il avoit prit
revint le lendemain à
la fontaine , où la Princeffe
GALANT. 233
ceffe devoit revenir , il
s'imaginoit craindre d'y
retrouver fa parente
mais dans le fond du
cœur il n'y venoit que
pour elle , & il eut une
joye fecrette , lorſque
Bouladabas fous le nom
de parente parut fans
la Princeffe , qui l'avoit
chargée luy difoit- elle de:
venir luy témoigner la
douleur qu'elle avoit de
n'avoir pu s'y trouver
ce jour- là , Zaczer luy
Octobre. 1712 Y
234 MERCURE
répondit d'un air tres
content , qu'il en eftoit
fafché , & elle luy dit
que Bouladabas l'avoit
chargée de venir luy
parler d'elle le plus
long- temps qu'elle pourroit cette converfation
fut longue , & Zaczer
ne la pouvoit finir ; elle
roula toutefur la conftance , & Bouladabas le
mettoit exprés fur ce fujet , pour connoître s'il
en eftoit capable. Zac-
GALANT. 235
zer eut, tant de pouvoir,
fur luy- mefme dans cette
entreveuë , que jamais il
ne luy eſchapa aucun
mot qui luy marquaft fon
amour , au contraire , il
juroit qu'il feroit toufjours fidelle à Bouladabas , mais en jurant fidelité à celle qu'il croyoit ne
pas voir, il foupiroit pour
celle qu'il voyoit : quel
plaifir pour Bouladabas
de fe voir ainfi doublement aimée. Celjeu
L3
V ij
236 MERCURE
continua quelques jours ,
& la Princeffe ne paroiffant point , Bouladabas
pouffa l'épreuve de la conftance de Zaczer jufqu'à
luy declarer qu'elle l'aimoit ; & qu'eftant auffi
grande Princeffe que fa
parente, &beaucoup plus
riche , il auroit dû penſer
à l'époufer. Que ne ſouffrit point Zaczer dans cet
te épreuve , il alloit peut-
}
eftre fuccomber : mais
Bouladabas craignant de
"
GALANT. 237
pour tousle voir infidelle, le prévint
par un dépit & un adieu
qu'elle luy dit
jours ; & fans luy donner
le temps de luy répondre,
elle luy dit ſeulement que
Bouladabas viendroit elle- mefme le lendemain
pour le recompenfer defa
conſtance.
Zaczerrefta au mefme
endroit où on l'avoit laiffé , fans avoir la force ni
de parler ni de ſe ſouſtenir , & fe laiffa tomber
238 MERCURE
fur un gazon où il feroit
refté long-temps , fi fes
gens ne fuſſent venus le
joindre : il fe trouva mal
& on l'emporta chez luy,
où il paſſa la nuit dans un
eftat fi violent qu'il prit
le party de ne fe jamais
marier , ne voulant pas
3
donner à Bouladabas un
coeur fi rempli d'amour
pour une autre , ni épou¬
fer cette autre en manquant de fidelité à Boula
dabas min 51 38
GALANT. 239
Le lendemain , Zaczer.
feur de trouver Boulada--
bas au rendez- vous , y retourna à deffein de luy
avoüer de bonne foy les
raifon's qu'il avoit de ne
jamais voir ni elle ni fa
parente. Quel fpectacles
pourluy ! lorfque le lendomain la Princeffe parut
de loin magnifiquement
parée, avec plufieurs Maures qui la portoient ſur un
Palanquin de fleurs , entourée d'un grand nom
240 MERCURE
bre de filles tenant des
guirlandes , & de quantité de petits enfants repreſentants les Amours ;
en un mot avec tout l'appareil d'uneFeſte galante,
qui a pourbutle mariage.
Plufieurs Cavaliers parez
comme pour un Tournoy fe détacherent de la
Troupe; &le pere deBouladabas à leur tefte vint
offrir fa fille à Zaczer , qui
eftoit preſt à la refuſer &
àfuir. Lorfquevoyant de
plus
GALANT. 241
plus près la Princeffe qui
s'avançoit , il vit à ſa place celle dont il eftoit fi
amoureux. Quelle fut fa
furpriſe je croy qu'une
peinture de tout ce quife
paſſa en ce moment , ne
feroit qu'affoiblir celle
que chacun s'en peut faire. Bouladabas dit à Zaccer quefon pere avoit eſté
touché de fa conſtance ,
& avoit voulu venir la
couronner luy - meſme ,
les noces fe celebrerent
Octobre.
1712. X
242 MERCURE
peu après , & au bout
de neuf mois fortit de ce
mariage le fameux Roftam furnommé Oaſtam
le plus vaillant guerrier
que les Perfans ayent jamais eu , & qui fert encore aujourd'huy de modelle à tous les grands
hommes de l'Orient
Fermer
Résumé : HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
L'histoire narre les amours entre Zaccher, fils du prince persan Sam, et Bouladabas, fille du gouverneur Mecherab du Kallestan. Zaccher, de retour d'une chasse, est captivé par les qualités de Bouladabas, dont il entend parler par son gouverneur. Les servantes de Bouladabas, envoyées cueillir des fleurs, rencontrent Zaccher et lui vantent les mérites de leur maîtresse, éveillant ainsi son intérêt. Les deux amants, sans se connaître, développent une passion basée sur des descriptions idéalisées. Bouladabas, craignant de ne pas correspondre à l'image que Zaccher s'est faite d'elle, envoie une de ses servantes se faire passer pour elle lors de leur première rencontre. Cette ruse échoue, car Zaccher est déçu par la fausse Bouladabas. Cependant, lors d'une seconde rencontre, Zaccher découvre la véritable Bouladabas et en tombe amoureux. Bouladabas, de son côté, apprécie Zaccher après avoir observé sa constance. Leur amour est mis à l'épreuve par des séparations et des malentendus. Malgré ces obstacles, ils finissent par se marier. Leur union donne naissance à Rostam, un célèbre guerrier persan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 145-214
Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Début :
Une personne de ma connoissance qui a vescu pendant 9. [...]
Mots clefs :
Dissertation philosophique, Âme, Bêtes, Castors, Sociétés animales , Éducation des petits , Remèdes naturels , Prévoyance , Société, Instinct, Architectures animales, Médecine animale , Machines, Liberté, Intelligence, Fidélité, Reconnaissance, Chien, Observation, Vertus animales, Chasse, Perfection, Construction, Architecture, Géométrie, Abeilles, Taons , Fourmis, Pigeons, Mouches à miel, Diligence, Enfants animaux, Jeux, Éducation, Perception
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Suite de la DijjertationPhilofopbiquesur
lame des befles.
w Une personne de ma
connoissance qui a vescu
pendant9.années dans la
Loüiziane au Canada,m'a
assuré que rien n'etf plus
certain,que ce que Lahontan
& autres Auteurs rapportent
des Castors de ce
Pays; sçavoir
, que ces
animaux s'assemblent en
quantité, & rongent par le
pied,des arbres qui font le
long des bords des ruisseaux
, en telle forte qu'ils
les font tomber dans le
travers de l'eau pour en arrester
le cours, & soustenir
la terre qu'ils jettent
ensuite dedans au devant
de ces arbres,& dontils
font des Chaussées. Et pour
cet effet la societé de ces..,
ouvriers est commandée
par un chef; les uns cernent
& arrachent à belles
dents des gazons, & les
chargent ensuite sur les
queuës des autres ,
qui
font faites comme une
fole ; ceux-cy marchant
gravement & droits sur
leurs jambes de derriere,
traifnent leur charge jusques
surces arbres, &la
déchargent ensuite dans
l'eau. A mesure que la digue
s'esleve il y a des ouvriers
qui ont soin d'y pratiquer
des appartements
pour se loger
,
des greniers
pour conserverl'écorce
d'arbre qu'ils y amassent
pour leur nourriture; & des
galleries souterraines pour
aller à la pesche dans les
estangs formez par ces digues.
Ily a jusqu'à des hospitaux
pour retirer leurs
malades fatiguez du travail
; & d'un autre costéles
faineants qui se couchent
sur le dos pour sereposer,
sans avoir le dessous de la
queuë écorché,à force de
charier des gazons, y sont
rigoureusement punis &
chassez. Les digues sontartissement
recouverres de
gazon,ensorteque la pluye
ne peut les endommager,
&qu'on passe aifémenc desfus
sans se douter de rien.
Beaux exemples que les
stupides bestes nous fournissent,
nonseulement pour
avoir soin des malheureux,
mais encore pour ne point
souffrir dans les Etats de
ces gens qui se croyent
uniquement faits pour vivre
& joüir du travail d'autruy.
f
4. On sçait assez que les
bestes ontaussil'instinctde
chercher des remedes pour
leurs malades; que les
Chiens mangent du chiendant
pour s'exciter à vomir;
que les Gruës se donnent
des lavements;que
les Macreuses qui n'ont
pointde jabot avalent force
petits cailloux, pour broyer
dans leur gozier les petits
coquillages dont elles se
nourrissent
, & quantité
d'autres singularitez qui
regardent leur santé. Et
peut estre les hommessont
ils encore redevables aux
bestes des premieres régles,
de la Medecine.
Prétendra-t-on donc en-»
core que les machines font
aussi capables de prévoyance
& de crainte, de former
des societez, de bastir des
domicilles, d'avoir pitié
des malheureux,de punir
les vauriens,& en un mot
1
de trouver des remedes
contre ce qui peut les endommager?
Il vaut mieux
penser que les premiersAuteurs
de ce beau systesme
n'avoient pasune parfaite
connoissance des proprietez
des bestes, & que leurs
Sectateurs ont mieux aimé
s'attacher servilement à
leur opinion; que dese
donner la peine d'examiner
eux mêmes la question
avec toute rexaaitlldeù'loo
elle demande,comme ce
n'est que trop l'ordinaire.
5. A l'égard de rinfiind:
des belles pour ce qui regarde
l'éducation de leurs
petits, qu'yac-il de plus
admirable que de voir cette
méprisable & stupide
Araignée, dont nousavons
déjà parle, s'ourdir un sac
d'une toiletres-fine& trèsforte,
pour y pondre & y
conserver ses oeufs. & ses
petits : Un Loriot suspendre
son nid à 3. branches
d'arbre par trois fils de plus
d'une demie aulne-de longueur
chacun, de crainte
apparemment que les Ecureuils
ou les Belettes ne.
viennent manger les oeufs,
ou ses petits; & qui fçaic
aussi si ce n'est point en^-
core pour bercer ces nouveaux
nez, & les endor*-
mir, tandis que leurs pa.
rens leur cherchent la vie?
UnTirarache ou Moineau
aquatique attache le ben
librement à deux ou trois
roseaux
,
afin qu'il puisse
flotter sur l'eau-, hausser &
baisser comme eUe, rani
en estré emporré, c'estce
que j'ay vû plusieurs fois
avec beaucoup d'admiration.
On raconteaussi
Jes stupides Hiboux ont
foin decasser les pattesaux
souris qu'ils apportent à
leurs petits, & qu'ils la-if.
sent en reserve dans leurs
trous, ôc mesme d'appor.
ter dubledà ces souris pour
vivre, afin que leurs jeunes
éleves ayent le plaisir de
lescroquertoutesvivantes^
quand la faim les prend
e qu'ils trouvent tousjours,
par ce moyen dela viande
fraischeàmanger.Sur tout
les Aigles ont grand foin
de plumer ôc çl'a^acher le
poil des animaux qu'ils apportent
à leurs petits, de
crainte qu'un peu trop de
gloutonnerie ne les sasse
étrangler. Jeneparle point
des Guenons qui portent
leurs petits sur leurs épau*
les jusques au haut des
toits & des arbres, pour
leur apprendre à grimperr
& peut estreaussiàmépris
ser les dangers.
Mais je ne fçauroisassez
admirerlirft'nd: qui don
ne une intrépidité & un
courage surprenant
, ( &
qui va quelquefois jusqu'à
la sureur)aux animaux qui
ont des petits, pourenoser
attaquer d'autres d'ailleurs
beaucoup plus méchants
qu'eux,& les chasser, lorsqu'ils
s'en veulent approcher
; ny cette tendresse
plus que maternelle qui
porte les Perd rix à se jetter
pour ainsi dire dans la
gueule des chiens de chasse
pour les amuser,& don
ner lieu à leur petits de
sévader; cVil ce que j'ay
veu cent fois, non
lins
un
veritible estonnement.
Qu'y a t il deplusconstante.
& en mesme temps
de plus inconcevable que
l'histoire des Pigeons qu'on
emporte d'Alep à Alexandrette
en Syrie( ou tout au
contraire) par l'espace de
50. ou 60. lieuës, & qu'on
lasche ensuite avec une lettre
aucol, sitostqu'on est
arrive; car ces courriers
de l'air prennent aussitost
leur essor jurques au dessus
des nuées, & montent tant
qu'ils apperçoivent leur
chere patrie, & le lieu de
leurs petits,& de leurcompagne,
où ils se rendent en
trois ou quatre heures de
temps au plus. Par ce moyen
on apprend des nouvelles
toutes recentes, quon
ne pourroit sçavoir,que
plusieurs jours aprés. Ilest
évident aussi que les différentes
especes de Mouches
à miel, comme les Abeilles,
lesGuespes, les Freflons
,
Bourdons) Taons
,
&c. doivent avoir une sagacité
pareille à celle des
oiseaux,pourreconnoistre
le lieu de leur domicile &
leurs rusches. Goedart écrit
dans son Livre des insectes,
qu'il a eu chez luy
unetaniereouil aobserve
que les Taons, lorsqu'ils
travaillent aux cellules devinées
pour leurs oeufs, ont
aussi un Commandant
comme les Castors, lequel
a soind'eveillerles ouvriers
dès la pointe du jour par le
bruit de Ces ailes. Qu'auuitost
chacun s'en va à son
ouvrage , ceux qui ont un
an paffé vont chercher la
cire & le miel, pour bastir
les cellules ou nids, & pour
vivre, & outre cela de l'eau
pour détrem per de la terre
& en former des voûtes.
Les jeunes Taons comme
aides maçons,détrempent
cette terre, & en font des
boulins ou rouleaux qu'ils
roulent ensuite avec leurs
pieds dederrière jusqu'aux
sommets des ouvrages, ou
les plus anciens qui ne sont
plus propres qu'à bastir les
reçoivent, & en forment
des voutes au dessus deces
nids, de crainte qu'il ne
tombe de la terre dedans.
Les plus vigoureux ont foin
de faire la chatTe) & d'étrangler
sans misericorde
les vauriens, qui non contens
tens dene pointtravailler,
vont encore manger la
nourriture des leur, ouvriers en absence,;
Sil'ontraittoit ainsitous
ceux qui en usent de mesme
dans les Estars policez,
il n'y auroit pas tant
de faineants& de voleurs
& l'abondance y regneroic
en la place du brigandage.
Au reste quoyque je n'aye
pas de témoin oculaire des
merveilles des Taons, il
n'y a pas
@
cependant plus
de peine à les-croire que
celles des;Fourmis& dee
Castors dont je suis certain,
ou que celles des Abeilles
qui les surpassent
peut-estre encore de bien
loin, comme on laveudans
le Mercure de Paris de fan.
née1712.. au mois d'Avril.
Car on peut asseurer qu'il
n'y a peut-estrepasd'animal
si brute qu'il foit
;
qui ne devienne comme
sensé &intelligent lorsqu'il
s'agit de sa conservation,
ou de la production
de ses petits. Est- il rien
qi4i paroiiflcplustbFute ql.Í.
ui* Limaçon?ilcreuse cc*
pendant un nid en terre
pour y pondte ses oettfs; il
les couvre ensuite d'une
especedecole quise durcit
extrêmement, & qui les
conserve contre les insectes
& contre toutes les injures
du temps. Qu'estildeplus
pefanc qu'une Tortue, elle
fort néanmoins du fond de
la mer, elle vient creuser
un nid dans le fable où elle
fait sa ponte,& recouvre
ensuite ses oeufs de ce met
me fable,afin que la chaleur
du soleil suppléé au
deffaut de lasienne
, qui
ne feroit pas suffisante pour
les faire éclorre. Les Saumons
& plusieurs autres
poissons remontent les ri.
vieres jusqu'à leur source,
& fouvenc par. respace de
plus de cent cinquante
lieues
, pour femer leurs
oeufs sur la bouë Ôc dans
une eau peu profonde afin
que la chaleur du Soleil
puisse les faire éclorre.
Faut-il que desbestes
pour qui nous avons tant
de mépris., surpassent la
,
pluspart des Peres & Meres
en tendresse &.. en soins
1
pour l'éducation de leurs
enfants?
•
Quoy donc les Machines
opereront-elles aussi des
prodiges pour enfanter
d'autres Machines, pour
les conserver, & pour leur
sauverla vie; & a pprendront-
elles à nos amesraisonnables
à avoir des sentimens
de rendresse & de
crainte;àestrelaborieuses,
soigneuses , courageuses ,
& tantd'autres vertus necessaires
à l'éducation des
pietits?Mais auparavant que
de quitter ce sujet,considerons
un peu quel plaisir
nos bestes brutes prennent
à exercer leurs jeunes adul.A
Ks, désqu'ils commencent
à courir, voler, ou
nager. Ne diroit-on pas
qu'elles ont recouvert une
nouvelle jeunesse pour
jouër & folastreravec eux?
Que ne doit.on point penser
aussi des jeux de ces
jeunes animaux,qui sont
remplis de feintises,d'imitations
,
& de singeries ;
tantost ils feignent d'estre
fort en colere ; & dese
mordre tantost de fuïr tantost de poursuivre,tan-r
tost de flatter
,
tantost
-
de
craindre,en un mot ils imitent
parfaitement les jeux
des enfants, qui ne font
jeux qu'en ce qu'ils ne sont,
comme ceux- là
, que de
pures fictions. Il n'est pas
jusques aux plus stupides
animaux,dont les amufementis
de jeunesse ne eausent
beaucou p d'admiration
,
& de plaisir à ceux
qui les observent. Si quelqu'un
en doute,iln'a qu'à
considerer pendant quelque
beau jour de Printems,
les jeux des jeunes Arai-r gnées des jardins. On les
trouve au iixleil contre les
muraillesqui selivrent mita
le combats,moitié feints,
moitié san g lants
; là elles
(e mordent
,
se précipitent.
s'arrachent les pattes, 5e..
tranglent, & surpassent de
bien loin,tout ce qu'on rapporte
des gladiateuts sur les
arenes.
Les Machines seront-elles
donc encore capables
de fictions
,
& d'imitation
comme les enfants, & produiront-
elles
duiront-elles des opera»
tions pour lesquelles e lles
ne sont pas veritablement
montées? Une montre par
exemple qui est montée
pour marquer deux fois
douze heures par jour, s'a).
visera-t-elle, pour se divertir
, & pour nous jouër, de
les marquer en une heure,
& reprendra telle ensuite
d'elle-mesme son serieux,
& son veritable train. J'avouë
qu'on entrevoit des
étincelles de liberté dans le
delire des enfants, par la
communication qu'ils ont
avec nous de leurs pensées
, & que nous ne pouvons
rien appercevoir de
semblable dans les animaux,
avec lesquels nous ne
pouvons point avoir cette
sorte de commerce. Mais
avantd'entrer plus avant
dans cette discussion, examinons
encore quc!qucs
vertus des bef.l:e)q.ui nous
aideront à prendre parti
plusseurement.
7. Tout le monde sçait
assez l'arrache,la fidélité,
la soumission & la reconnoissance
, que les Chiens
ont pour leurs maistres,leur
docilité,l'impatience qu'ils
ont de les revoir quand
ils sont absens
,
la tristesse
que cette absence leurcause
,& la joye qu'ils marquent
quand ils les retrouvent,
ou lorsqu'ils peuvent
leur rendre quelque service;
avec quelle chaleur ils
prennent leur deffense,
leur patience à en souffrir,
leur perseverance à leur
estresoumis,leur contrain- te&leurcomplaisance pour
eux. Undemesamisayant
fait emporter à dix lieuës
de Paris un vilain Chien ,
qui s'estoit addonné chez
luy
5
& qu'on n'avoit pû en
estranger à force de coups
de baston; ce Chien revintà
samaison aprésquelques
jours.Le maistre las de
lemaltraiter luy fit lier les
quatre pattes, attacher une
pierre au col, & lefit jetter
de dessus le pont Marie
dans la Seine. Le Chien ne
laissa pas de se sauver, ( ce
que j'aurois toutes les peines
du monde à croire,s'il
ne m'estoit arrivé une chose
toute pareille, ) & s en
revint au plus viste donner
de nouveaux tefmoignages
d'une fidélité & d'une foumission
inviolables à son
maistre adoptif, lequel en
fut tellement touché d'estonnement,
qu'il changea
dans le moment toute sa
rigueur enaffection.Tout
Paris a veu avec surprise, il
y a eennYvilrroonncfi.:nlnqquuaannttec 'ilnn's)
la constanceinvincible
d'un Chien,qui demeura
pendant plusieurs années
collé sur la fosse de son maistre,
dans le cimetiere des
saints Innocens , sans que
"Dy flatteries, ny nlrnaces.
ny lâFhecelïite peussent l'en
tirer. Ayantblesséunefois
un Lievre,il k sauva dans
tuàfe vigne
y
oùje le suivis
à lâ vbix de mes Chiens;
peu dete-n, psaprês;les voix
ayant etffé-,jc&urav
qu'ils*T-avoientafrêïïé-,<K
comme je les clltrèhÓisa
costé & d'autre
,
j'en ap -
perceus un qui venoit à
moyen grande diligence;
me flattant & thc caressant
,
aprés quoy il s'en
retourna avec beaucoup
-V
d'em pressement,ce qui me
fit comprendre qu'il falloir
le suivre: pendant que je
marchois, il prenoit le devant,
& revenoit fouvenc
sur ses pas, marquant tousjours
de l'im patience; à la
fin il ne revint plus, &
m'estant un peu avancé,
j'entendis mes deuxChiens
( d'ailleurs tousjours tresbons
amis) qui se mangeoient
l'un l'autre.Dés que
le second m'aperceut il prit
aussitost la suite
,
fentané
apparemment que ficatifë
n'estoit pas bonne. 1c vis
effectivement que le sujet
de leur querelle estoit que
le second avoit fort endommage
le Lievre pendantl'absence
dupremier,
lequel au contraire me caressoit
avec beaucoup de
confiance,comme pour me
marquer son innocence de
sa Cfiodmélibtiée.n
de belles regles
de morale ne peut-on
pas tirer de tousces exemples
; mais il vaut mieux
que chacun aitle plaisir de
les endeduire, que d'ennuyer
icy le kdieur par des
reflexions qu'il peut faire
aisément luy-mesme.
Je ne sçaurois cependant
m'empescher de luy
faire observer,que ces marques
de fidelité, de complaisance
& de retenuë,
n'ont gueres de compatibilité
avec l'idée que nous
avons d'une machine, qui
doit tousjours aller son
train, & tendre droit à sa
fin, dez qu'elle est une fois
desmontée d'une certaine
façon.
8. Que ne devons. nous
point penser encore de la
réglé que la pluspart des
belles observent dans toutes
leurs actions; les unes
ne sortent jamais qu'à une
certaine heure de nuit pour
chercher leur vie, ou une
com pagne,comme les Becasses,
les Lapins,les Limaces
,
les Herissons
,
les
Hiboux, & quantité d'autres
animaufc nocturnes
& sauvages qui rentrent
tous constamment à une
certaine heure du matin;
D'autres au contraire tid
manquent jamais de s'éJ
Veiller au lever du soleilJ
&de se rendormir à ion
coucher, ne perdanr pas
pour ainsi dire un seul ravon
de sa lumiere. En
Jquoy certes ils font beaucoup
plus dignes de louanges
que tant d'hommes déréglées,
qui paissentléurvie
comme les Hiboux, veillant
toute la nuit, & dormant
tout le jour.
On sçaicaussi que quan
tité d'oiseauxpassent tous
les ans des pays chauds:
dans des contrées plus temperées,
pour se sauver de
l'ardeurdusoleil. D'autres
au contraire
, vont des
paysfroids dans les mesmes
comrees, pour eviter
la rigueur de l'hyver, & les
uns & les autres s'en retournent
tous les ans d'où
ils font venus; sans que la
distance decinq ousixcens,
lieuës de pays, ny les trajets
des mers,soient capables
de leur faire Interrompre
leur réglé ( passant airtsi
toute leur vie comme des
voyageurs .& des étrangers
sur la rerre) Entre les differens
oisèaux les uns se
marient pour un temps,
d'autres mesme pour toute
leur vie) comme les
Tourterelles. Ils ne connoissent
point le divorce,
&. leurs mariages demeurent
inviolables, jusques à
ce que leurs petits n'ayent
plus besoin de leur secours.
Quel sujet de confusion
pour tant d'hommes d'ailleurs
raisonnables, mais
certainement inférieurs en
cecy aux bestes. De plus
le mariage n'est point en
eux une lubricitépuisqu'il
ne se contracte unique.
ment que pour la generation.
C'est pour cela que
leur rut dure si peu,&qu'il
ne vient que dans des tems
reglez& propres pour l'é.
ducatiori des petits; au lieu
que la lubricité des hommes
débauchez est perpetuelle.
«>. Disons encore un mot
de la chanté, de l'honnes.
teté & de lajustice que les
belles exercent entre elles,
outre ce que nous avons
remarqué des Cerfs à l'égard
de leurs compagnons
fatiguez, des Castors, des
Taons,& des peres &meres
a regard de leurs petits.
Plusieurs, ont apparemment
entendu dire un ancien
Proverbe, asinus asinum
fricat, mais peu en
gavent la vericable raison,
& peut estre que çeluy qui
la mis au jour ne la sçavoit
pas bien IUY.tesme. Pour
donc l'entendre
,
il faut
considererque quandun
Cheval, Asne ouMulet ne
sçauroit se gratter en quel.
que partie de son corps qui
: hlY démange, comme sur
le dos, le col, ou la teste, ils'approche de son cama.
rade, & le grate al'endroit
pareil à celuy quiluy démange.
Aussitost ce compagnon
charitable ne manque
pas, comme comprenant
le besoin de son camarade
, de le grater au
mesme endroit où il a esté
graté, & souventmesme
de l'avertir d'un endroit
qui luy demange aussi
> ôc
c'est alors qu'il est vray de
dire (qu'un Cheval grate
un autre Cheval, ) ces animaux
se prellant alors un
secours mutuel, dont chacun
a bes•oin, & dans l'en. k droic
droit qu'il souhaine. Qui
est-ce qui n'a pas veu les
Chiens d'un logis, & mesme
d'une rue, courir à la
deffense d'un de leurs camarades
attaque par quelqu'autre?
Qui ne sçait pas
la complaisance & les égards
qu'un animal a pour
un autre de mesme espece
plus jeune, ou plus foible
que luy
, & celle que les
masles en general ont pour
toutes les femelles? Qui
est:ce qui n'a pas remarque
le soin que les Chats
ont de cacher leur ordure,
ôc de nettoyer leur toison ?
Les oiseaux ont le mesme
foin de nettoyer les nids de
leurs petits, & les fourmis
leurs fourmillieresOnsçait
assez que les animaux corrigent
leurs perirs,-& quemesme
cespetits ont pour
létor^merèstoute'sa fbumissionpossible,
mais peutestre
tout le rriendenè sçait
f>rs queles Fôùrrftfa àidenif
courêS en : tbminun 'ccllè&:.
quiviennent s'estabmordans
fëurvôisinàge^Icdnftrmfé
fài/tfelji^iltiere*, qu'elfes
tfeÂir1 ^rêft?entdateur'graiiï
pendant ce temps-là, &
que celles-cy le leur rendent
fidellement
,
quand
leurestablissement est fini.
Que les Fourmis exercent
en rigoureux supplice contre
les Fourmis larronnefses
ou paresseuses, en les
déchirant à quatre. Mais
on ne finiroit jamais, si l'on
vouloit ra pporter toutes les
singularitez morales qu'on
remarque dans la conduite
des animaux;& peut-estre
arriveroit- on à s'asseurer
un repos & un bonheur
parfait dés cette vie, si on
estoit allez prudent pour
en bien profiter.
Qui pourra penser aprés
cela que les belles soient
de pures Machines, toutes
matérielles, meuës feule-
X ment par des loix du mouvement
générales & estoignées
J
dépendemment
d'une organisation de parties.
Il vaudroit autant faire
tout d'un cou p de la raison
& de la prudence hu-,
maine une espece de Ma-,
chine, necessitée aussipar
les mesmes loix, & par consequent
aveugle & sans li.
berté; mais dans quel excez
d'aveuglement faudroit-
il tomber pour imaginer
une telle chimere;
& quand mesme uneraison
dérangée pourroit y consentir,
nostre sentiment intérieur
ladementiroittousjours.
10. Que penser donc
maintenant sur la nature
du principe qui meut les
bestes, voyant qu'il est
pourveu de tant de belles
& bonnes qualirez ; qu'il
cft si judicieux, si vigilant,
si prudent, & si reglé dans
toutes ses opérations; tandis
que nostre amé au contraire
est sujette à tant
d'imperëfdibns&devices;
à T-éVréur5 à linjtTftice; à
l'ingràtitude, à l'infidélité,
àl'oisivetéà l'inhumanité,
à: l'impicte,a I'hypocrifie&
au dereglementdes moeurs.
Mais cette différence est
encore peu de chose, (s'il
rit permis de le dire) en
comparaison de cettequi
setire de la sagacité des
bestes à executer leursou.
vrages sans aucune estude,
&mesme sans aucun inftrument
étranger; tandis
que nos ouvriers font au
contraire obligez de faire
dé longs apprentissages,
d'où souvent ils sortent encore
fort ignorants, quelquefois
mesme font-ils
tout-à-fair incapables dé
rien apprendre. Nos Architectes
( par exemple) ne
sçatiroient bastirsansavoir
âppris avec bien du temps
&des peines les réglés dé
la Geornerrie& de l'Archirecture.
Cependant les Gac.
tors duCanada font des
digues&desappartements
pourse loger, conformes
à la droite architeaure sans
avoirappris aucunes réglés.;
Les Taons font de
mesme leurs voûtes sans le.
secours d'aucuns precepres,
que de leur bon genie. En
un mot les animaux construisent
leurs ouvrages de
la maniere qu! est tousjours
la plus parfaite en
chaque espece, comme
nous l'avons fait voir par
l'examen des raïons des Abeilles;
dans le mémoire
cite cy- devant, article l.
J'avoue qu'en cela mesme
me les bestes paroissent
bornées dans leurs operations;
elles ne sçavent point
varier leurs ouvrages en
uneinfinité de manieres.
comme l'homme, elles
sont, pour ainsi dire, asservies
à leur sujet ;au lieu que
l'homme travailleen maistre
dans ce qu'il possede.
Outre qu'il rassemble, pour
ainsi dire, éminemment en
luy toutes les inventions
dont les différents animaux
sont capables;& quoyqu'ii
n'y parvienne qu'à force
de travail&de temps,cela
ne laisse pas de prouver
parfaitement la fecondité
de son genie. Mais cette
secondité ne suffit pas pour
luy donner la Préférence
du codé de la perfection;
d'autant plus que les bestes
sont aussi capables par leur
docilité, d'apprendre une
infinité dechosestrès singuliere,
outre celles qu'elles
tiennent de leur inClinét
naturel. Ensorte que si les
bestes pouvoient le communiquer
leurs idées comme
les hommes font entre
eux, & si elles avoient des
mains, & des instruments
propres à tout executer
comme nous, peut-estre
auroient-elles aussi chez elles
des arts beaucoup plus
parfairs que lesnostres.J'ay
veu il y a environ dix ans
à la foire de saint Germain
un animal appelle Fecan,
assez semblable à un Renard
,
excepté qu'il a les
pattes d'un Singe, il se fervoit
de celles de devant
avec une adresse surprenante.
Au contraire les animaux
les plus stupides ont
les pieds ordinairement les
moins divitez. Il y a plusieurs
animaux qui ont la
partie de l'oreille appellée
le labyrinthe, semblable à
celle de l'homme, comme
les Chiens
J
les Chevaux,
les Elephans, les oiseaux
,
&c. lesquels sont tres- sensïbles
à la musique;ôc ceux
au contraire qui en font
privez y sont tout-a-fait in.
sensibles, furquoy l'on peut
voir nostre discours de l'oreille
imprimé en 1711.
dans le Mercure de Février,
d'où l'on pourroit inferer,
que si les bestes paroissent
si bornées, c'est du moins
en partie, parce que les instruments
leur manquent.
Mais du costé de la perfection
il ne faut qu'examiner
leurs ouvrages avec exactitude
, pour voir qu'elles
remportent de bien loin
sur nous. Si l'on se donne
la peine, par exemple,de
considerer la figure du
fond des cellules des Abeil.
les, & de quelle maniere
cescellules sontassemble'es
&oppocées les unes aux autres,
on fera forcé d'avouer
que l'intelligence qui les
conduit,est naturellement
pourveuë des connoissances
de la Géométrie,& de
l'Architeâure, & que pour
donner la mesure la plus
parfaite aux angles plans
ôc solides qui s'y rencontrent,
il faut qu'ellesçache
non seulementle calcu l des
triangles, mais mesme l'Algebre
; qu'elle possede les
proprietez de la sphere, &
des polyedres in scrits ôc
circonscrits; & en un mot
tout ce que nos plus habiles
Architectes ne sçavent
que fort mediocrement;
puisque ces cellules admirables
renferment toute la
perfeaion quecessciences
demandent,tant pour avoir
de la solidité & de la régularité
, que pour s'assembler
les unes avec les autres,&
pour s'y loger commodément
& seurement j ôc je
ne douté nullement que si
l'on faisoit un examen pareil
à celuy-cy des ouvrages
des Castors, des Taons ôc
des autres animaux archicettes)
on y trouveroit la
mesme perfection que dans
les raïons desAbeilles.
11. Nous voicy donc forcez
par nostre propre experience
d'avouer que l'intelligence
qui guide les animaux,
de quelque nature
qu'elle foit, est infiniment
plus parfaite en son essence
, que l'esprit de l'homme.
Maisenmesmetemps
quelle honte n'est
- ce pas
pour nous, si nous faisons
cet aveu en faveur de créatures,
que nous traittons de
stupides, & pour lesquelles
nous avons le dernier mépris-
N'est-ce pas la nous
précipiter nous-mesmes de
ce throne de gloire ou nous
nous estions placez au def-
-
fus detoutce quirespire?
- Quel parti prendré dans
une telle conjoncture,ne
pouvant ny osterla raison
aux belles pour en faire de
pures Machines, sans tomber
dans un ridicule intolérable
; ny leur donner un
principe spirituel sans estre
obligezd'abbaisser nostre
amour proprejusquà consentir
de le faire infiniment
plus parfait que nostre
ame.
Je ne voy plus d'autre
parti que de reconnoistre
dans tous ces effets singuliers,
oùla raison & le jugement
reluisent, le doigt
de l'Autheur de la nature,
( vereeniimdigitus Dei hi,cess )
ôc d'avouer que c'est sa
main qui se fert alors librement
des bestes, comme
d'un instrument sensible
pour se faire admirer, 0&
pour nous enseigner les leçons
de sa sagesse & de sa
justice. Voilàcetteintelligence
toujours libre, & infiniment
estevée au dessus
dela nostre, qui n'a besoin
ny de regles,ny d'apprentissage,
ny d'instruments,
pour operer tous ses miracles;
qui est toute en toutes
ses créatures,& toute en
chacune, sans leur estre aucunement
asservie,,& sans
estre déterminée par leurs
organizations presentes,
comme les Carthesiens le
prétendent, puisque c'est
elle au contraire qui en
produit librement tous les
mouven ens judicieux,selon
les differentes conjonétures
où elles se trouvent; le
tout uniquement pour leur
conservation
, pour nostre
utilité, 6c pour sa gloire.
Et si elle ne tire pas de chaque
sujettout ce qu'elle
pourroiten tirer, c'est quelle
a voulu manifester sa
secondité, en multipliant
& variant ses sujets indefiniment,
afin d'exciter davantage
nostre admiration,
&de lareveiller continuellement
; au lieu qu'elle languiroit
bien tost, si nous
trouvions les mesmes operations
dans coures les bestes.
Par ce moyen toutes
les difficultez sont levées;
nous nous délivrons du ridicule,
de vouloir tirer une
raison ( & une raison tressuperieure
à la nostre ) d'une
Machine purement materielle;
& ceux à quila propre
conscience de leur libertédans
les operations
intellectuelles,nefuflitpas
pour les sauver de la terreur
panique de devenir aussi de
pures Machines,files bestes
estoient telles, font entièrement
rasseurez. Nous
ne nous dégradons point
de nostre estat,en nous mettant
au dessous de l'intelli*
gence qui meut les bestes;
puisque nous y reconnoissons
l'Auteur de la nature,
qui se dévoile, pour ainsi
dire, librement & de luymesme
à nos yeux; nous
confondons aussi l'endurcissement
des Athées, en
adorant sa providence, &
nous trouvons un moyen
facile pour expliquer tout
ce qui paroist de plusmerveilleux
dans les actions
des bestes, sans qu'il nous
en couste aucun travail, ny
aucune estude.
12. Je ne prérends pas
cependant par là osteraux
belles une espece d'ame
materielle
,
qui préside à
leurs operations vitales, &
qui soit mesme susceptible
desentiments,&de perceptions,
de plaisir,de douleur,
de joye,de tristesse,de colere,
d'amour,decrainte, de
haine, de jalousie,&de toutes
les autres passionsqu'on
remarque dans les bestes;
même encore si on le veut,
d'imagination, de memoire&
d'action,parce que ces
operations sont encore infiniment
esloignées de la raison.
Je soustiens au contraire
que toutes ces passions
ou actions se passent
uniquement dans les esprits
animaux,qui sont contenus
dans leur cerveau, ans leurs nerfs, & dans
leurs membranes. Car il
suffit pour cela que ces cCprits
coulent continuellement
dans le sang, dans les
autres humeurs, & dans
toutes les parties de leur
corps; & que de plus ils
soient capables de recevoir
les impressions des objets
extérieurs par les sens, d'en
conserver
conserver les motions ou
images, & que ces images
ayenc communication les
unes avec les autres, pour
produire toutes les actions
destituées de jugement ôc
de raison
, ce que je n'ay
pas entrepris d'expliquer
icy en détail. Je dis seulement
icy que ces esprits
animaux sont la feule ame
matérielle
,
sensitive & animale,
Ôc la forme substantielle
des bestes, dont l'Autheur
de la nature se sert librement
pour produire
tout ce qui est au dessus de
la nature, je veux dire ce
qui tient de la raison & du
jugementsans qu'il soitnecessaire
de leur donner encoreune
ame spirituelle,qui
compare ces images formées
dans les esprits,qui
conçoive des idées & des
partions à leuroccasionqui
reflechissesur elle
-
mesme,
& sursesoperations,qui soit
capabledese déterminer la
première,&quisoitsusceptible
de rtgles.)ou de connoissances
universelles &
âb'ftriiittcs,comme la nostre,&
cela par lesraisons
que nous avons rapportées.
Il est évident que nous
ostons par là toute connoissance
aux bestes, pour leur
laisser feulement la vie, la
perception, & le mouvement
, comme font les CarteGens;
parce que cela
suffit pour leurs opérations
naturelles & vitales; &
qu'à l'égard des autres ope- A rations, cette âme materielle
,
sensitive & animale
, cette forme substantielle
n'enest que l'organe
& l'instrument
,
qui bien
loin de déterminer l'Auteur
de la nature à agir d'ue maniere
machinale&fcrvile,
comme le prétendent ces
Messieurs,est au contraire
déterminée par ce mesme
Auteur àsuivre ses impressions,
& à produire les actions
dont la matière est incapable
par elle.'-mefnJc.
Ainsi nous devons bien distinguer
deux especes d'operations
de Dieu dans les
bestes; la premiere qui est
leur vie est generale& éloignée
,
elle est déterminée
par les loix qu'il a establies
en formant le monde&a
parconsequent une connexion
necessaire avec tous
les autres mouvemens qui
s'y font; on peut l'appeller
à cause de cela naturelle &
necessaire; la secon de au
contraire estlibre & comme
surnaturelle,elle ne dépend
au plus que des conjonctures
presentes, & nullement
des organes ou des
loix gencrales. La première
est ce qu'on entend par
le simple concours de Dieu;
la feconde est l'effet d'une
Providence qui ne differe
du miracle, qu'en ce
qu'il ne produit aucun dé..
rangement sensible dans la
nature, &qu'il ne manque
jamais de se faire dans IC4
mesmescirconstances, parce
que Dieu est toujours le,
mesme;c'est si l'on veut un*
miracle naturel & ordinaire>
qui n'est méconnu ôc
ignoré
, que parce qu'il est
tousjours present aux yeux
detous les hommes.
lame des befles.
w Une personne de ma
connoissance qui a vescu
pendant9.années dans la
Loüiziane au Canada,m'a
assuré que rien n'etf plus
certain,que ce que Lahontan
& autres Auteurs rapportent
des Castors de ce
Pays; sçavoir
, que ces
animaux s'assemblent en
quantité, & rongent par le
pied,des arbres qui font le
long des bords des ruisseaux
, en telle forte qu'ils
les font tomber dans le
travers de l'eau pour en arrester
le cours, & soustenir
la terre qu'ils jettent
ensuite dedans au devant
de ces arbres,& dontils
font des Chaussées. Et pour
cet effet la societé de ces..,
ouvriers est commandée
par un chef; les uns cernent
& arrachent à belles
dents des gazons, & les
chargent ensuite sur les
queuës des autres ,
qui
font faites comme une
fole ; ceux-cy marchant
gravement & droits sur
leurs jambes de derriere,
traifnent leur charge jusques
surces arbres, &la
déchargent ensuite dans
l'eau. A mesure que la digue
s'esleve il y a des ouvriers
qui ont soin d'y pratiquer
des appartements
pour se loger
,
des greniers
pour conserverl'écorce
d'arbre qu'ils y amassent
pour leur nourriture; & des
galleries souterraines pour
aller à la pesche dans les
estangs formez par ces digues.
Ily a jusqu'à des hospitaux
pour retirer leurs
malades fatiguez du travail
; & d'un autre costéles
faineants qui se couchent
sur le dos pour sereposer,
sans avoir le dessous de la
queuë écorché,à force de
charier des gazons, y sont
rigoureusement punis &
chassez. Les digues sontartissement
recouverres de
gazon,ensorteque la pluye
ne peut les endommager,
&qu'on passe aifémenc desfus
sans se douter de rien.
Beaux exemples que les
stupides bestes nous fournissent,
nonseulement pour
avoir soin des malheureux,
mais encore pour ne point
souffrir dans les Etats de
ces gens qui se croyent
uniquement faits pour vivre
& joüir du travail d'autruy.
f
4. On sçait assez que les
bestes ontaussil'instinctde
chercher des remedes pour
leurs malades; que les
Chiens mangent du chiendant
pour s'exciter à vomir;
que les Gruës se donnent
des lavements;que
les Macreuses qui n'ont
pointde jabot avalent force
petits cailloux, pour broyer
dans leur gozier les petits
coquillages dont elles se
nourrissent
, & quantité
d'autres singularitez qui
regardent leur santé. Et
peut estre les hommessont
ils encore redevables aux
bestes des premieres régles,
de la Medecine.
Prétendra-t-on donc en-»
core que les machines font
aussi capables de prévoyance
& de crainte, de former
des societez, de bastir des
domicilles, d'avoir pitié
des malheureux,de punir
les vauriens,& en un mot
1
de trouver des remedes
contre ce qui peut les endommager?
Il vaut mieux
penser que les premiersAuteurs
de ce beau systesme
n'avoient pasune parfaite
connoissance des proprietez
des bestes, & que leurs
Sectateurs ont mieux aimé
s'attacher servilement à
leur opinion; que dese
donner la peine d'examiner
eux mêmes la question
avec toute rexaaitlldeù'loo
elle demande,comme ce
n'est que trop l'ordinaire.
5. A l'égard de rinfiind:
des belles pour ce qui regarde
l'éducation de leurs
petits, qu'yac-il de plus
admirable que de voir cette
méprisable & stupide
Araignée, dont nousavons
déjà parle, s'ourdir un sac
d'une toiletres-fine& trèsforte,
pour y pondre & y
conserver ses oeufs. & ses
petits : Un Loriot suspendre
son nid à 3. branches
d'arbre par trois fils de plus
d'une demie aulne-de longueur
chacun, de crainte
apparemment que les Ecureuils
ou les Belettes ne.
viennent manger les oeufs,
ou ses petits; & qui fçaic
aussi si ce n'est point en^-
core pour bercer ces nouveaux
nez, & les endor*-
mir, tandis que leurs pa.
rens leur cherchent la vie?
UnTirarache ou Moineau
aquatique attache le ben
librement à deux ou trois
roseaux
,
afin qu'il puisse
flotter sur l'eau-, hausser &
baisser comme eUe, rani
en estré emporré, c'estce
que j'ay vû plusieurs fois
avec beaucoup d'admiration.
On raconteaussi
Jes stupides Hiboux ont
foin decasser les pattesaux
souris qu'ils apportent à
leurs petits, & qu'ils la-if.
sent en reserve dans leurs
trous, ôc mesme d'appor.
ter dubledà ces souris pour
vivre, afin que leurs jeunes
éleves ayent le plaisir de
lescroquertoutesvivantes^
quand la faim les prend
e qu'ils trouvent tousjours,
par ce moyen dela viande
fraischeàmanger.Sur tout
les Aigles ont grand foin
de plumer ôc çl'a^acher le
poil des animaux qu'ils apportent
à leurs petits, de
crainte qu'un peu trop de
gloutonnerie ne les sasse
étrangler. Jeneparle point
des Guenons qui portent
leurs petits sur leurs épau*
les jusques au haut des
toits & des arbres, pour
leur apprendre à grimperr
& peut estreaussiàmépris
ser les dangers.
Mais je ne fçauroisassez
admirerlirft'nd: qui don
ne une intrépidité & un
courage surprenant
, ( &
qui va quelquefois jusqu'à
la sureur)aux animaux qui
ont des petits, pourenoser
attaquer d'autres d'ailleurs
beaucoup plus méchants
qu'eux,& les chasser, lorsqu'ils
s'en veulent approcher
; ny cette tendresse
plus que maternelle qui
porte les Perd rix à se jetter
pour ainsi dire dans la
gueule des chiens de chasse
pour les amuser,& don
ner lieu à leur petits de
sévader; cVil ce que j'ay
veu cent fois, non
lins
un
veritible estonnement.
Qu'y a t il deplusconstante.
& en mesme temps
de plus inconcevable que
l'histoire des Pigeons qu'on
emporte d'Alep à Alexandrette
en Syrie( ou tout au
contraire) par l'espace de
50. ou 60. lieuës, & qu'on
lasche ensuite avec une lettre
aucol, sitostqu'on est
arrive; car ces courriers
de l'air prennent aussitost
leur essor jurques au dessus
des nuées, & montent tant
qu'ils apperçoivent leur
chere patrie, & le lieu de
leurs petits,& de leurcompagne,
où ils se rendent en
trois ou quatre heures de
temps au plus. Par ce moyen
on apprend des nouvelles
toutes recentes, quon
ne pourroit sçavoir,que
plusieurs jours aprés. Ilest
évident aussi que les différentes
especes de Mouches
à miel, comme les Abeilles,
lesGuespes, les Freflons
,
Bourdons) Taons
,
&c. doivent avoir une sagacité
pareille à celle des
oiseaux,pourreconnoistre
le lieu de leur domicile &
leurs rusches. Goedart écrit
dans son Livre des insectes,
qu'il a eu chez luy
unetaniereouil aobserve
que les Taons, lorsqu'ils
travaillent aux cellules devinées
pour leurs oeufs, ont
aussi un Commandant
comme les Castors, lequel
a soind'eveillerles ouvriers
dès la pointe du jour par le
bruit de Ces ailes. Qu'auuitost
chacun s'en va à son
ouvrage , ceux qui ont un
an paffé vont chercher la
cire & le miel, pour bastir
les cellules ou nids, & pour
vivre, & outre cela de l'eau
pour détrem per de la terre
& en former des voûtes.
Les jeunes Taons comme
aides maçons,détrempent
cette terre, & en font des
boulins ou rouleaux qu'ils
roulent ensuite avec leurs
pieds dederrière jusqu'aux
sommets des ouvrages, ou
les plus anciens qui ne sont
plus propres qu'à bastir les
reçoivent, & en forment
des voutes au dessus deces
nids, de crainte qu'il ne
tombe de la terre dedans.
Les plus vigoureux ont foin
de faire la chatTe) & d'étrangler
sans misericorde
les vauriens, qui non contens
tens dene pointtravailler,
vont encore manger la
nourriture des leur, ouvriers en absence,;
Sil'ontraittoit ainsitous
ceux qui en usent de mesme
dans les Estars policez,
il n'y auroit pas tant
de faineants& de voleurs
& l'abondance y regneroic
en la place du brigandage.
Au reste quoyque je n'aye
pas de témoin oculaire des
merveilles des Taons, il
n'y a pas
@
cependant plus
de peine à les-croire que
celles des;Fourmis& dee
Castors dont je suis certain,
ou que celles des Abeilles
qui les surpassent
peut-estre encore de bien
loin, comme on laveudans
le Mercure de Paris de fan.
née1712.. au mois d'Avril.
Car on peut asseurer qu'il
n'y a peut-estrepasd'animal
si brute qu'il foit
;
qui ne devienne comme
sensé &intelligent lorsqu'il
s'agit de sa conservation,
ou de la production
de ses petits. Est- il rien
qi4i paroiiflcplustbFute ql.Í.
ui* Limaçon?ilcreuse cc*
pendant un nid en terre
pour y pondte ses oettfs; il
les couvre ensuite d'une
especedecole quise durcit
extrêmement, & qui les
conserve contre les insectes
& contre toutes les injures
du temps. Qu'estildeplus
pefanc qu'une Tortue, elle
fort néanmoins du fond de
la mer, elle vient creuser
un nid dans le fable où elle
fait sa ponte,& recouvre
ensuite ses oeufs de ce met
me fable,afin que la chaleur
du soleil suppléé au
deffaut de lasienne
, qui
ne feroit pas suffisante pour
les faire éclorre. Les Saumons
& plusieurs autres
poissons remontent les ri.
vieres jusqu'à leur source,
& fouvenc par. respace de
plus de cent cinquante
lieues
, pour femer leurs
oeufs sur la bouë Ôc dans
une eau peu profonde afin
que la chaleur du Soleil
puisse les faire éclorre.
Faut-il que desbestes
pour qui nous avons tant
de mépris., surpassent la
,
pluspart des Peres & Meres
en tendresse &.. en soins
1
pour l'éducation de leurs
enfants?
•
Quoy donc les Machines
opereront-elles aussi des
prodiges pour enfanter
d'autres Machines, pour
les conserver, & pour leur
sauverla vie; & a pprendront-
elles à nos amesraisonnables
à avoir des sentimens
de rendresse & de
crainte;àestrelaborieuses,
soigneuses , courageuses ,
& tantd'autres vertus necessaires
à l'éducation des
pietits?Mais auparavant que
de quitter ce sujet,considerons
un peu quel plaisir
nos bestes brutes prennent
à exercer leurs jeunes adul.A
Ks, désqu'ils commencent
à courir, voler, ou
nager. Ne diroit-on pas
qu'elles ont recouvert une
nouvelle jeunesse pour
jouër & folastreravec eux?
Que ne doit.on point penser
aussi des jeux de ces
jeunes animaux,qui sont
remplis de feintises,d'imitations
,
& de singeries ;
tantost ils feignent d'estre
fort en colere ; & dese
mordre tantost de fuïr tantost de poursuivre,tan-r
tost de flatter
,
tantost
-
de
craindre,en un mot ils imitent
parfaitement les jeux
des enfants, qui ne font
jeux qu'en ce qu'ils ne sont,
comme ceux- là
, que de
pures fictions. Il n'est pas
jusques aux plus stupides
animaux,dont les amufementis
de jeunesse ne eausent
beaucou p d'admiration
,
& de plaisir à ceux
qui les observent. Si quelqu'un
en doute,iln'a qu'à
considerer pendant quelque
beau jour de Printems,
les jeux des jeunes Arai-r gnées des jardins. On les
trouve au iixleil contre les
muraillesqui selivrent mita
le combats,moitié feints,
moitié san g lants
; là elles
(e mordent
,
se précipitent.
s'arrachent les pattes, 5e..
tranglent, & surpassent de
bien loin,tout ce qu'on rapporte
des gladiateuts sur les
arenes.
Les Machines seront-elles
donc encore capables
de fictions
,
& d'imitation
comme les enfants, & produiront-
elles
duiront-elles des opera»
tions pour lesquelles e lles
ne sont pas veritablement
montées? Une montre par
exemple qui est montée
pour marquer deux fois
douze heures par jour, s'a).
visera-t-elle, pour se divertir
, & pour nous jouër, de
les marquer en une heure,
& reprendra telle ensuite
d'elle-mesme son serieux,
& son veritable train. J'avouë
qu'on entrevoit des
étincelles de liberté dans le
delire des enfants, par la
communication qu'ils ont
avec nous de leurs pensées
, & que nous ne pouvons
rien appercevoir de
semblable dans les animaux,
avec lesquels nous ne
pouvons point avoir cette
sorte de commerce. Mais
avantd'entrer plus avant
dans cette discussion, examinons
encore quc!qucs
vertus des bef.l:e)q.ui nous
aideront à prendre parti
plusseurement.
7. Tout le monde sçait
assez l'arrache,la fidélité,
la soumission & la reconnoissance
, que les Chiens
ont pour leurs maistres,leur
docilité,l'impatience qu'ils
ont de les revoir quand
ils sont absens
,
la tristesse
que cette absence leurcause
,& la joye qu'ils marquent
quand ils les retrouvent,
ou lorsqu'ils peuvent
leur rendre quelque service;
avec quelle chaleur ils
prennent leur deffense,
leur patience à en souffrir,
leur perseverance à leur
estresoumis,leur contrain- te&leurcomplaisance pour
eux. Undemesamisayant
fait emporter à dix lieuës
de Paris un vilain Chien ,
qui s'estoit addonné chez
luy
5
& qu'on n'avoit pû en
estranger à force de coups
de baston; ce Chien revintà
samaison aprésquelques
jours.Le maistre las de
lemaltraiter luy fit lier les
quatre pattes, attacher une
pierre au col, & lefit jetter
de dessus le pont Marie
dans la Seine. Le Chien ne
laissa pas de se sauver, ( ce
que j'aurois toutes les peines
du monde à croire,s'il
ne m'estoit arrivé une chose
toute pareille, ) & s en
revint au plus viste donner
de nouveaux tefmoignages
d'une fidélité & d'une foumission
inviolables à son
maistre adoptif, lequel en
fut tellement touché d'estonnement,
qu'il changea
dans le moment toute sa
rigueur enaffection.Tout
Paris a veu avec surprise, il
y a eennYvilrroonncfi.:nlnqquuaannttec 'ilnn's)
la constanceinvincible
d'un Chien,qui demeura
pendant plusieurs années
collé sur la fosse de son maistre,
dans le cimetiere des
saints Innocens , sans que
"Dy flatteries, ny nlrnaces.
ny lâFhecelïite peussent l'en
tirer. Ayantblesséunefois
un Lievre,il k sauva dans
tuàfe vigne
y
oùje le suivis
à lâ vbix de mes Chiens;
peu dete-n, psaprês;les voix
ayant etffé-,jc&urav
qu'ils*T-avoientafrêïïé-,<K
comme je les clltrèhÓisa
costé & d'autre
,
j'en ap -
perceus un qui venoit à
moyen grande diligence;
me flattant & thc caressant
,
aprés quoy il s'en
retourna avec beaucoup
-V
d'em pressement,ce qui me
fit comprendre qu'il falloir
le suivre: pendant que je
marchois, il prenoit le devant,
& revenoit fouvenc
sur ses pas, marquant tousjours
de l'im patience; à la
fin il ne revint plus, &
m'estant un peu avancé,
j'entendis mes deuxChiens
( d'ailleurs tousjours tresbons
amis) qui se mangeoient
l'un l'autre.Dés que
le second m'aperceut il prit
aussitost la suite
,
fentané
apparemment que ficatifë
n'estoit pas bonne. 1c vis
effectivement que le sujet
de leur querelle estoit que
le second avoit fort endommage
le Lievre pendantl'absence
dupremier,
lequel au contraire me caressoit
avec beaucoup de
confiance,comme pour me
marquer son innocence de
sa Cfiodmélibtiée.n
de belles regles
de morale ne peut-on
pas tirer de tousces exemples
; mais il vaut mieux
que chacun aitle plaisir de
les endeduire, que d'ennuyer
icy le kdieur par des
reflexions qu'il peut faire
aisément luy-mesme.
Je ne sçaurois cependant
m'empescher de luy
faire observer,que ces marques
de fidelité, de complaisance
& de retenuë,
n'ont gueres de compatibilité
avec l'idée que nous
avons d'une machine, qui
doit tousjours aller son
train, & tendre droit à sa
fin, dez qu'elle est une fois
desmontée d'une certaine
façon.
8. Que ne devons. nous
point penser encore de la
réglé que la pluspart des
belles observent dans toutes
leurs actions; les unes
ne sortent jamais qu'à une
certaine heure de nuit pour
chercher leur vie, ou une
com pagne,comme les Becasses,
les Lapins,les Limaces
,
les Herissons
,
les
Hiboux, & quantité d'autres
animaufc nocturnes
& sauvages qui rentrent
tous constamment à une
certaine heure du matin;
D'autres au contraire tid
manquent jamais de s'éJ
Veiller au lever du soleilJ
&de se rendormir à ion
coucher, ne perdanr pas
pour ainsi dire un seul ravon
de sa lumiere. En
Jquoy certes ils font beaucoup
plus dignes de louanges
que tant d'hommes déréglées,
qui paissentléurvie
comme les Hiboux, veillant
toute la nuit, & dormant
tout le jour.
On sçaicaussi que quan
tité d'oiseauxpassent tous
les ans des pays chauds:
dans des contrées plus temperées,
pour se sauver de
l'ardeurdusoleil. D'autres
au contraire
, vont des
paysfroids dans les mesmes
comrees, pour eviter
la rigueur de l'hyver, & les
uns & les autres s'en retournent
tous les ans d'où
ils font venus; sans que la
distance decinq ousixcens,
lieuës de pays, ny les trajets
des mers,soient capables
de leur faire Interrompre
leur réglé ( passant airtsi
toute leur vie comme des
voyageurs .& des étrangers
sur la rerre) Entre les differens
oisèaux les uns se
marient pour un temps,
d'autres mesme pour toute
leur vie) comme les
Tourterelles. Ils ne connoissent
point le divorce,
&. leurs mariages demeurent
inviolables, jusques à
ce que leurs petits n'ayent
plus besoin de leur secours.
Quel sujet de confusion
pour tant d'hommes d'ailleurs
raisonnables, mais
certainement inférieurs en
cecy aux bestes. De plus
le mariage n'est point en
eux une lubricitépuisqu'il
ne se contracte unique.
ment que pour la generation.
C'est pour cela que
leur rut dure si peu,&qu'il
ne vient que dans des tems
reglez& propres pour l'é.
ducatiori des petits; au lieu
que la lubricité des hommes
débauchez est perpetuelle.
«>. Disons encore un mot
de la chanté, de l'honnes.
teté & de lajustice que les
belles exercent entre elles,
outre ce que nous avons
remarqué des Cerfs à l'égard
de leurs compagnons
fatiguez, des Castors, des
Taons,& des peres &meres
a regard de leurs petits.
Plusieurs, ont apparemment
entendu dire un ancien
Proverbe, asinus asinum
fricat, mais peu en
gavent la vericable raison,
& peut estre que çeluy qui
la mis au jour ne la sçavoit
pas bien IUY.tesme. Pour
donc l'entendre
,
il faut
considererque quandun
Cheval, Asne ouMulet ne
sçauroit se gratter en quel.
que partie de son corps qui
: hlY démange, comme sur
le dos, le col, ou la teste, ils'approche de son cama.
rade, & le grate al'endroit
pareil à celuy quiluy démange.
Aussitost ce compagnon
charitable ne manque
pas, comme comprenant
le besoin de son camarade
, de le grater au
mesme endroit où il a esté
graté, & souventmesme
de l'avertir d'un endroit
qui luy demange aussi
> ôc
c'est alors qu'il est vray de
dire (qu'un Cheval grate
un autre Cheval, ) ces animaux
se prellant alors un
secours mutuel, dont chacun
a bes•oin, & dans l'en. k droic
droit qu'il souhaine. Qui
est-ce qui n'a pas veu les
Chiens d'un logis, & mesme
d'une rue, courir à la
deffense d'un de leurs camarades
attaque par quelqu'autre?
Qui ne sçait pas
la complaisance & les égards
qu'un animal a pour
un autre de mesme espece
plus jeune, ou plus foible
que luy
, & celle que les
masles en general ont pour
toutes les femelles? Qui
est:ce qui n'a pas remarque
le soin que les Chats
ont de cacher leur ordure,
ôc de nettoyer leur toison ?
Les oiseaux ont le mesme
foin de nettoyer les nids de
leurs petits, & les fourmis
leurs fourmillieresOnsçait
assez que les animaux corrigent
leurs perirs,-& quemesme
cespetits ont pour
létor^merèstoute'sa fbumissionpossible,
mais peutestre
tout le rriendenè sçait
f>rs queles Fôùrrftfa àidenif
courêS en : tbminun 'ccllè&:.
quiviennent s'estabmordans
fëurvôisinàge^Icdnftrmfé
fài/tfelji^iltiere*, qu'elfes
tfeÂir1 ^rêft?entdateur'graiiï
pendant ce temps-là, &
que celles-cy le leur rendent
fidellement
,
quand
leurestablissement est fini.
Que les Fourmis exercent
en rigoureux supplice contre
les Fourmis larronnefses
ou paresseuses, en les
déchirant à quatre. Mais
on ne finiroit jamais, si l'on
vouloit ra pporter toutes les
singularitez morales qu'on
remarque dans la conduite
des animaux;& peut-estre
arriveroit- on à s'asseurer
un repos & un bonheur
parfait dés cette vie, si on
estoit allez prudent pour
en bien profiter.
Qui pourra penser aprés
cela que les belles soient
de pures Machines, toutes
matérielles, meuës feule-
X ment par des loix du mouvement
générales & estoignées
J
dépendemment
d'une organisation de parties.
Il vaudroit autant faire
tout d'un cou p de la raison
& de la prudence hu-,
maine une espece de Ma-,
chine, necessitée aussipar
les mesmes loix, & par consequent
aveugle & sans li.
berté; mais dans quel excez
d'aveuglement faudroit-
il tomber pour imaginer
une telle chimere;
& quand mesme uneraison
dérangée pourroit y consentir,
nostre sentiment intérieur
ladementiroittousjours.
10. Que penser donc
maintenant sur la nature
du principe qui meut les
bestes, voyant qu'il est
pourveu de tant de belles
& bonnes qualirez ; qu'il
cft si judicieux, si vigilant,
si prudent, & si reglé dans
toutes ses opérations; tandis
que nostre amé au contraire
est sujette à tant
d'imperëfdibns&devices;
à T-éVréur5 à linjtTftice; à
l'ingràtitude, à l'infidélité,
àl'oisivetéà l'inhumanité,
à: l'impicte,a I'hypocrifie&
au dereglementdes moeurs.
Mais cette différence est
encore peu de chose, (s'il
rit permis de le dire) en
comparaison de cettequi
setire de la sagacité des
bestes à executer leursou.
vrages sans aucune estude,
&mesme sans aucun inftrument
étranger; tandis
que nos ouvriers font au
contraire obligez de faire
dé longs apprentissages,
d'où souvent ils sortent encore
fort ignorants, quelquefois
mesme font-ils
tout-à-fair incapables dé
rien apprendre. Nos Architectes
( par exemple) ne
sçatiroient bastirsansavoir
âppris avec bien du temps
&des peines les réglés dé
la Geornerrie& de l'Archirecture.
Cependant les Gac.
tors duCanada font des
digues&desappartements
pourse loger, conformes
à la droite architeaure sans
avoirappris aucunes réglés.;
Les Taons font de
mesme leurs voûtes sans le.
secours d'aucuns precepres,
que de leur bon genie. En
un mot les animaux construisent
leurs ouvrages de
la maniere qu! est tousjours
la plus parfaite en
chaque espece, comme
nous l'avons fait voir par
l'examen des raïons des Abeilles;
dans le mémoire
cite cy- devant, article l.
J'avoue qu'en cela mesme
me les bestes paroissent
bornées dans leurs operations;
elles ne sçavent point
varier leurs ouvrages en
uneinfinité de manieres.
comme l'homme, elles
sont, pour ainsi dire, asservies
à leur sujet ;au lieu que
l'homme travailleen maistre
dans ce qu'il possede.
Outre qu'il rassemble, pour
ainsi dire, éminemment en
luy toutes les inventions
dont les différents animaux
sont capables;& quoyqu'ii
n'y parvienne qu'à force
de travail&de temps,cela
ne laisse pas de prouver
parfaitement la fecondité
de son genie. Mais cette
secondité ne suffit pas pour
luy donner la Préférence
du codé de la perfection;
d'autant plus que les bestes
sont aussi capables par leur
docilité, d'apprendre une
infinité dechosestrès singuliere,
outre celles qu'elles
tiennent de leur inClinét
naturel. Ensorte que si les
bestes pouvoient le communiquer
leurs idées comme
les hommes font entre
eux, & si elles avoient des
mains, & des instruments
propres à tout executer
comme nous, peut-estre
auroient-elles aussi chez elles
des arts beaucoup plus
parfairs que lesnostres.J'ay
veu il y a environ dix ans
à la foire de saint Germain
un animal appelle Fecan,
assez semblable à un Renard
,
excepté qu'il a les
pattes d'un Singe, il se fervoit
de celles de devant
avec une adresse surprenante.
Au contraire les animaux
les plus stupides ont
les pieds ordinairement les
moins divitez. Il y a plusieurs
animaux qui ont la
partie de l'oreille appellée
le labyrinthe, semblable à
celle de l'homme, comme
les Chiens
J
les Chevaux,
les Elephans, les oiseaux
,
&c. lesquels sont tres- sensïbles
à la musique;ôc ceux
au contraire qui en font
privez y sont tout-a-fait in.
sensibles, furquoy l'on peut
voir nostre discours de l'oreille
imprimé en 1711.
dans le Mercure de Février,
d'où l'on pourroit inferer,
que si les bestes paroissent
si bornées, c'est du moins
en partie, parce que les instruments
leur manquent.
Mais du costé de la perfection
il ne faut qu'examiner
leurs ouvrages avec exactitude
, pour voir qu'elles
remportent de bien loin
sur nous. Si l'on se donne
la peine, par exemple,de
considerer la figure du
fond des cellules des Abeil.
les, & de quelle maniere
cescellules sontassemble'es
&oppocées les unes aux autres,
on fera forcé d'avouer
que l'intelligence qui les
conduit,est naturellement
pourveuë des connoissances
de la Géométrie,& de
l'Architeâure, & que pour
donner la mesure la plus
parfaite aux angles plans
ôc solides qui s'y rencontrent,
il faut qu'ellesçache
non seulementle calcu l des
triangles, mais mesme l'Algebre
; qu'elle possede les
proprietez de la sphere, &
des polyedres in scrits ôc
circonscrits; & en un mot
tout ce que nos plus habiles
Architectes ne sçavent
que fort mediocrement;
puisque ces cellules admirables
renferment toute la
perfeaion quecessciences
demandent,tant pour avoir
de la solidité & de la régularité
, que pour s'assembler
les unes avec les autres,&
pour s'y loger commodément
& seurement j ôc je
ne douté nullement que si
l'on faisoit un examen pareil
à celuy-cy des ouvrages
des Castors, des Taons ôc
des autres animaux archicettes)
on y trouveroit la
mesme perfection que dans
les raïons desAbeilles.
11. Nous voicy donc forcez
par nostre propre experience
d'avouer que l'intelligence
qui guide les animaux,
de quelque nature
qu'elle foit, est infiniment
plus parfaite en son essence
, que l'esprit de l'homme.
Maisenmesmetemps
quelle honte n'est
- ce pas
pour nous, si nous faisons
cet aveu en faveur de créatures,
que nous traittons de
stupides, & pour lesquelles
nous avons le dernier mépris-
N'est-ce pas la nous
précipiter nous-mesmes de
ce throne de gloire ou nous
nous estions placez au def-
-
fus detoutce quirespire?
- Quel parti prendré dans
une telle conjoncture,ne
pouvant ny osterla raison
aux belles pour en faire de
pures Machines, sans tomber
dans un ridicule intolérable
; ny leur donner un
principe spirituel sans estre
obligezd'abbaisser nostre
amour proprejusquà consentir
de le faire infiniment
plus parfait que nostre
ame.
Je ne voy plus d'autre
parti que de reconnoistre
dans tous ces effets singuliers,
oùla raison & le jugement
reluisent, le doigt
de l'Autheur de la nature,
( vereeniimdigitus Dei hi,cess )
ôc d'avouer que c'est sa
main qui se fert alors librement
des bestes, comme
d'un instrument sensible
pour se faire admirer, 0&
pour nous enseigner les leçons
de sa sagesse & de sa
justice. Voilàcetteintelligence
toujours libre, & infiniment
estevée au dessus
dela nostre, qui n'a besoin
ny de regles,ny d'apprentissage,
ny d'instruments,
pour operer tous ses miracles;
qui est toute en toutes
ses créatures,& toute en
chacune, sans leur estre aucunement
asservie,,& sans
estre déterminée par leurs
organizations presentes,
comme les Carthesiens le
prétendent, puisque c'est
elle au contraire qui en
produit librement tous les
mouven ens judicieux,selon
les differentes conjonétures
où elles se trouvent; le
tout uniquement pour leur
conservation
, pour nostre
utilité, 6c pour sa gloire.
Et si elle ne tire pas de chaque
sujettout ce qu'elle
pourroiten tirer, c'est quelle
a voulu manifester sa
secondité, en multipliant
& variant ses sujets indefiniment,
afin d'exciter davantage
nostre admiration,
&de lareveiller continuellement
; au lieu qu'elle languiroit
bien tost, si nous
trouvions les mesmes operations
dans coures les bestes.
Par ce moyen toutes
les difficultez sont levées;
nous nous délivrons du ridicule,
de vouloir tirer une
raison ( & une raison tressuperieure
à la nostre ) d'une
Machine purement materielle;
& ceux à quila propre
conscience de leur libertédans
les operations
intellectuelles,nefuflitpas
pour les sauver de la terreur
panique de devenir aussi de
pures Machines,files bestes
estoient telles, font entièrement
rasseurez. Nous
ne nous dégradons point
de nostre estat,en nous mettant
au dessous de l'intelli*
gence qui meut les bestes;
puisque nous y reconnoissons
l'Auteur de la nature,
qui se dévoile, pour ainsi
dire, librement & de luymesme
à nos yeux; nous
confondons aussi l'endurcissement
des Athées, en
adorant sa providence, &
nous trouvons un moyen
facile pour expliquer tout
ce qui paroist de plusmerveilleux
dans les actions
des bestes, sans qu'il nous
en couste aucun travail, ny
aucune estude.
12. Je ne prérends pas
cependant par là osteraux
belles une espece d'ame
materielle
,
qui préside à
leurs operations vitales, &
qui soit mesme susceptible
desentiments,&de perceptions,
de plaisir,de douleur,
de joye,de tristesse,de colere,
d'amour,decrainte, de
haine, de jalousie,&de toutes
les autres passionsqu'on
remarque dans les bestes;
même encore si on le veut,
d'imagination, de memoire&
d'action,parce que ces
operations sont encore infiniment
esloignées de la raison.
Je soustiens au contraire
que toutes ces passions
ou actions se passent
uniquement dans les esprits
animaux,qui sont contenus
dans leur cerveau, ans leurs nerfs, & dans
leurs membranes. Car il
suffit pour cela que ces cCprits
coulent continuellement
dans le sang, dans les
autres humeurs, & dans
toutes les parties de leur
corps; & que de plus ils
soient capables de recevoir
les impressions des objets
extérieurs par les sens, d'en
conserver
conserver les motions ou
images, & que ces images
ayenc communication les
unes avec les autres, pour
produire toutes les actions
destituées de jugement ôc
de raison
, ce que je n'ay
pas entrepris d'expliquer
icy en détail. Je dis seulement
icy que ces esprits
animaux sont la feule ame
matérielle
,
sensitive & animale,
Ôc la forme substantielle
des bestes, dont l'Autheur
de la nature se sert librement
pour produire
tout ce qui est au dessus de
la nature, je veux dire ce
qui tient de la raison & du
jugementsans qu'il soitnecessaire
de leur donner encoreune
ame spirituelle,qui
compare ces images formées
dans les esprits,qui
conçoive des idées & des
partions à leuroccasionqui
reflechissesur elle
-
mesme,
& sursesoperations,qui soit
capabledese déterminer la
première,&quisoitsusceptible
de rtgles.)ou de connoissances
universelles &
âb'ftriiittcs,comme la nostre,&
cela par lesraisons
que nous avons rapportées.
Il est évident que nous
ostons par là toute connoissance
aux bestes, pour leur
laisser feulement la vie, la
perception, & le mouvement
, comme font les CarteGens;
parce que cela
suffit pour leurs opérations
naturelles & vitales; &
qu'à l'égard des autres ope- A rations, cette âme materielle
,
sensitive & animale
, cette forme substantielle
n'enest que l'organe
& l'instrument
,
qui bien
loin de déterminer l'Auteur
de la nature à agir d'ue maniere
machinale&fcrvile,
comme le prétendent ces
Messieurs,est au contraire
déterminée par ce mesme
Auteur àsuivre ses impressions,
& à produire les actions
dont la matière est incapable
par elle.'-mefnJc.
Ainsi nous devons bien distinguer
deux especes d'operations
de Dieu dans les
bestes; la premiere qui est
leur vie est generale& éloignée
,
elle est déterminée
par les loix qu'il a establies
en formant le monde&a
parconsequent une connexion
necessaire avec tous
les autres mouvemens qui
s'y font; on peut l'appeller
à cause de cela naturelle &
necessaire; la secon de au
contraire estlibre & comme
surnaturelle,elle ne dépend
au plus que des conjonctures
presentes, & nullement
des organes ou des
loix gencrales. La première
est ce qu'on entend par
le simple concours de Dieu;
la feconde est l'effet d'une
Providence qui ne differe
du miracle, qu'en ce
qu'il ne produit aucun dé..
rangement sensible dans la
nature, &qu'il ne manque
jamais de se faire dans IC4
mesmescirconstances, parce
que Dieu est toujours le,
mesme;c'est si l'on veut un*
miracle naturel & ordinaire>
qui n'est méconnu ôc
ignoré
, que parce qu'il est
tousjours present aux yeux
detous les hommes.
Fermer
Résumé : Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Le texte explore les comportements remarquables et les capacités des animaux, illustrant leur intelligence et leur organisation sociale. Les castors, par exemple, construisent des digues et des logements en abattant des arbres et en travaillant en société organisée. Ils prennent soin de leurs malades et punissent les fainéants. Les animaux cherchent également des remèdes pour leurs maladies, comme les chiens qui mangent du chiendent pour vomir. Les araignées construisent des sacs pour leurs œufs, les loriots suspendent leurs nids pour protéger leurs petits, et les hiboux cassent les pattes des souris pour les conserver. Les pigeons voyageurs sont capables de retrouver leur domicile après avoir été transportés sur de longues distances. Les fourmis et les abeilles démontrent une organisation sociale complexe, avec des rôles spécifiques pour chaque membre de la colonie. Le texte souligne la fidélité et la soumission des chiens envers leurs maîtres, illustrées par des exemples de chiens revenant chez eux malgré les obstacles. Les animaux montrent également des comportements admirables dans l'éducation de leurs petits, comme les chats qui cachent leur ordure et nettoient leur toison, et les oiseaux et les fourmis qui entretiennent leurs nids et fourmilières. Les animaux corrigent leurs petits et leur montrent de la soumission. Les fourmis, par exemple, aident celles qui déménagent et punissent les paresseuses. Le texte insiste sur le fait que les animaux ne sont pas de simples machines, mais possèdent des qualités morales et une intelligence remarquable. Ils construisent des ouvrages parfaits sans étude ni instruments, comme les castors et les taons. Les abeilles, par exemple, construisent des cellules géométriquement parfaites, démontrant une connaissance avancée de la géométrie et de l'architecture. Le texte conclut que l'intelligence qui guide les animaux est supérieure à celle des humains, qui sont sujets à des imperfections morales. Il propose que cette intelligence est l'œuvre de l'Auteur de la nature, qui se manifeste librement à travers les animaux. Enfin, il reconnaît que les animaux possèdent une âme matérielle capable de sentiments et de perceptions, mais sans raison ni jugement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 217-232
RELATION de ce qui s'est passé de plus considérable é Fontainebleau depuis le 31. Aoust jusques au 11. Octobre.
Début :
Le Roy estant parti le 30. de Marly alla coucher [...]
Mots clefs :
Fontainebleau, Roi, Duchesse de Berry, Cérémonies, Chasse, Jeux, Audiences, Capucins
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RELATION de ce qui s'est passé de plus considérable é Fontainebleau depuis le 31. Aoust jusques au 11. Octobre.
RELATION
de ce qui s'efl passé de plus
consîderable à Fontainebleau
adeupu1is1l.eO3Û1.oAbroeu.jljufqucs
» LE Roy estant parti le
30. de Marly alla couch
r à Petitbourg
,
& le 31.
à Fontainebleau, accompa-
,
gné de Monseigneur le
Duc & de Madame la Duchesse
de Berry
,
des autres
Pinces &PnnccflV$!3 Cour
y a esté tres-nombruse &
tres-magnifique. Il y a capresque
tous les jours chatte
de Cerf
,
duSanglier ou du
Loup
,
trois fois la fClTIJÍnc
Comedie, les autres jours an
a joüé chez Madame la Duchesse
de Berry un fort gros
jeu depuis sept heurcs
soir jusques à dit. Il y avoit
ordinairement douze ou
quinzeCoupeurs, Monseigneur
leDuc& Madamela
Duchesse de Berry, Madame
la Duchesse, Monsieur PE.--
lecteur de Baviere, Monsieur
le Comte de Toulouse
étoient de ce nombre: Il y
a eu deux fois la semaine
pesche des Cormorans &
promenade Royale le long
du Canal. Le Roy menoit
lui-mêmesaCalèche,ainsi
que Madame la Duchesse de
Berry la sienne, qui marchoit
toujours à costé de celle du
Roy, & qui estoit route dorée
,
de même que les harnois
des chevaux. L'habit de
cette Princesseestoit toujour
d'une étoffe fort riche,
& tout couvert de rubis
d'émeraudes, ou de diamanso
Sa coëssure en estoit si remplie,
qu'on peut dire sans
exageration que la vûë en
pouvoic à peine supporter
l'éclat. Ces deux Caléches
estoient entourées de Monseigneur
le Duc de Berry, de
Monsieur le Duc d'Orléans,
de Monsieur le Conue de
Charolois, de Madame .si
Princesse de Conti, de Mademoicelle
de Charolois, de
pbluesmieeunrtsvaêuttureëss Dames superen
habit de
Chasse à cheval
,
de même
que la pluspartdes Seigneurs
de la Cour. Immédiatement
après fuivoicnt plus de cent
Carosses à six & à huit chevaux,
dans lesquels on voyoit
Madame,Madame la Ducheflc
d'Orléans, Madame
la Duchesse
,
Madame la
Princesse de Conti ancienne
Doüairiere, Madame la Princesse
de Conti, Monsieur
l'Electeur de Baviere, Monsieur
le Prince Ragotzi, Mr
le Grand, Mr le Prince de
Vaudemont
j
Mr le Prince
d'Enrichement
,
Mrs les
Cardinaux Gualtieri, de
Rohan & de Polignac, Mrs
le Nonce, Mrsles Ambassadeurs,
Mrs les Envoyez
ou Ministres qui sont en
France, & pluficurs autres
Seigneurs & Dames de la
Cour.
Je n'entreprendray point
la description de la ric hesse
& de la diversité des habits;
il suffit de vous dire que l'imagination
ne peut aller plus
loin, & que les yeux en
estoient ébloüis, & à mesure
que le Roy montoit ou descendoit
, on voyoit deux
gondolestoutes dorées que
des Matelots habillez d'un
gros dma.. bleu avec une
frange d,'or) faisoit suivre
cette Royale Troupe. La
fouledes Spectateurs estoit
tres grande. oLe 7. Sa Majesté donna
Audiance aux Dépurez des
jiratsdc la Province de LangwApç.
, ayans à leur reste
Monsieur le Duc du Maine,
Gouverneur de la Province,
& Mr le Marquis de la Vnl-P
liere, Secrétaired'Etat Mr
l'Evesque de Mande harangua.
Ils allerent en fuite chez
Monseigneur le Duc de Berry.
Le8. jour de la Nativité
de la Vierge, le Roy fit rendre
le Pain bénit al'Eglise Paroissiale
de Fontainebleau par
MMrrl'lAAbbbbéédd'E'EnDtragues, l'un , de ses Aumôniers,en Rochet.
Cet Abbé estoit precedé de
douze Suisses de la Garde qui
portoient six Pains bénits
sur lesquels estoient plusieurs
Banderolles aux Armes de
..f'ance,
ayans à leur reste les
Hauts bois, Trompcttes &
autres Instrumens, & estant
arrivé à I'Eglise, à l'Offertoire,
il allaàl'Offrande renant
un cierge où estoient
- huitdemi Louis d'or. Le même
jour à midy & demi, les
Députez des Etats de Languedoc
curent Audience de
Madame la DuchessedeBerry
,
qui porroit ce jour-là un
habit d'étoffe d'argent chamarré
derubis,de perles&de
diamants. La juppe étoit chamarréeenplein
d'un Point
d'Espagne d'argent, sa coef*
fure estoit toute couverte dè
pierreries. Le Cercle estoit
tres grand ce jour-là, où se
trouva un grand nombre de
Duchesses, &quantité de Seigneurs
&de Dames fuperbcment
vêtuës, & routes brillantes
de pierreries sur leurs
habits & dansleurs coëffures.
L'Evesquede Mandeharang
™:
Le 1 0. Monseigneur le Duc
de Berry fit rendre le Painbenit
par Monsieurl'Abbé
Berard, l'un de ses Aumôniers.
Le même jour le Generaldes
Capucins qui eil venu
faire lavisirede sonOrdreen
France eur Audiance du Roy,
acompngnéde 2 5. Religieux
de son Ordre, ensuite Ill) ut
de Monseigneur le Duc ÔC
de Madame la Duchesse de
Beiry. L'habit decettePrin-r
te..Ífe étoit ce jour-là d'une
étosse d'or avec une garniture
de diamants, dans laquelle
ainsi que dans sa coeffure entroienc
les plus belles pierreries
qu'on puisse voir,le Cercle
étoit des plus beaux, &
les Dames qui le composoit
étoient generalement habillées
ou d'étoffes d'or garnis
d'agréments d'or & d'argent
ou de soye de routes couleurs
brodez, & elles estoient brillantes
de pierreries sur leurs
habits & dans leurs coëffures.
L'Evesque de Mande harangua.
Le Dimanche 17. Madame
la Duchesse de Berry fit
rendre le Pain benit àl'Eglise
Paroissiale de Fontainebleau
par Mr l'Abbé Rouget l'un
de ses Aumoniers, en rochet.
Cet Abbé traversala Cour
des cuisines & la granderuë,
précedé de douze Suisses qui
portoient six Pains, sur les-
-
quels estoient plusieurs banderoles
aux Armes decette
Princesse, à la teste marchoit
plusieurs Haut- bois, Tromperes
& autres Instrumens
qui se firent entendre pendant
toute la marche jusques
mêmedansl'Eglise où ccc
Abbé alla à l'Offrande, tenant
un cierge à la main où
estoient plusieurs demi Louis
d'or: Madame fit faire la
même Ceremonie le 21.jour
de S. Mathieu par Mr l'Abbé
Lagors, un de ses Aumo.
niers,
Le 24- on presenta à l'issuë
de la Messe un homme
au Roy,âgé de cent un an
& huit mois, né en 1612.
au mois de Février, & fait
Capitaine en 1636. comme
il paroist par le Brevet. Le
même jour à midy & demi
Mr de Boiffieux porta la
nouvelle que nous avions forcé
les retranchemens des ennemis
prés Fribourg.
Le a.. Octobre Don Félix
Corneïo, Secrétaire de
l'Ambassade d'Espagne arriva
avec l'agréable nouvelle que
la Reine d'Espagne étoit accouchée
d'un Prince, & le
4. on apprit par un Courier
qu'on avoit ouvert la tranchée
devant Fribourg la nuit
du dernier Septembre au i'
Octobre.
Le 11. le Roy accompagné
de Monseigneur le Duc
&de Madame la Duchcffc de
Bcrry partit de Fontaines
bleau pour aller coucher à
Petit- bourg & le 12 à Versailles:
On peut dire que la
Cour n'a jamais cité ny plus
nombreuse ny plus brillante
& quelle ne s'est jamais
mieux divertie à Fontainebleau.
La Saison qui y a esté
tres belle, & le nombre des
Ecrangers tres- grand. Ils ne
pouvoient se lasser d'admirer
la grandeur dela Cour de
France. Ils estoient charmez
de voir tous les jours Madame
la Duchesse de Berry,
Madame la Princesse de Conti,
MademoiselledeCharollois
& les autres DJHICSvêtuës
en habit de chasse ayans
des just au - corps tous chamarrez
ou brodez d'or &
d'argent, avec des chapeaux
couverts de plumes, courir le
Cei fou le Sanglier, comme
les plus adroits Cavaliers.
de ce qui s'efl passé de plus
consîderable à Fontainebleau
adeupu1is1l.eO3Û1.oAbroeu.jljufqucs
» LE Roy estant parti le
30. de Marly alla couch
r à Petitbourg
,
& le 31.
à Fontainebleau, accompa-
,
gné de Monseigneur le
Duc & de Madame la Duchesse
de Berry
,
des autres
Pinces &PnnccflV$!3 Cour
y a esté tres-nombruse &
tres-magnifique. Il y a capresque
tous les jours chatte
de Cerf
,
duSanglier ou du
Loup
,
trois fois la fClTIJÍnc
Comedie, les autres jours an
a joüé chez Madame la Duchesse
de Berry un fort gros
jeu depuis sept heurcs
soir jusques à dit. Il y avoit
ordinairement douze ou
quinzeCoupeurs, Monseigneur
leDuc& Madamela
Duchesse de Berry, Madame
la Duchesse, Monsieur PE.--
lecteur de Baviere, Monsieur
le Comte de Toulouse
étoient de ce nombre: Il y
a eu deux fois la semaine
pesche des Cormorans &
promenade Royale le long
du Canal. Le Roy menoit
lui-mêmesaCalèche,ainsi
que Madame la Duchesse de
Berry la sienne, qui marchoit
toujours à costé de celle du
Roy, & qui estoit route dorée
,
de même que les harnois
des chevaux. L'habit de
cette Princesseestoit toujour
d'une étoffe fort riche,
& tout couvert de rubis
d'émeraudes, ou de diamanso
Sa coëssure en estoit si remplie,
qu'on peut dire sans
exageration que la vûë en
pouvoic à peine supporter
l'éclat. Ces deux Caléches
estoient entourées de Monseigneur
le Duc de Berry, de
Monsieur le Duc d'Orléans,
de Monsieur le Conue de
Charolois, de Madame .si
Princesse de Conti, de Mademoicelle
de Charolois, de
pbluesmieeunrtsvaêuttureëss Dames superen
habit de
Chasse à cheval
,
de même
que la pluspartdes Seigneurs
de la Cour. Immédiatement
après fuivoicnt plus de cent
Carosses à six & à huit chevaux,
dans lesquels on voyoit
Madame,Madame la Ducheflc
d'Orléans, Madame
la Duchesse
,
Madame la
Princesse de Conti ancienne
Doüairiere, Madame la Princesse
de Conti, Monsieur
l'Electeur de Baviere, Monsieur
le Prince Ragotzi, Mr
le Grand, Mr le Prince de
Vaudemont
j
Mr le Prince
d'Enrichement
,
Mrs les
Cardinaux Gualtieri, de
Rohan & de Polignac, Mrs
le Nonce, Mrsles Ambassadeurs,
Mrs les Envoyez
ou Ministres qui sont en
France, & pluficurs autres
Seigneurs & Dames de la
Cour.
Je n'entreprendray point
la description de la ric hesse
& de la diversité des habits;
il suffit de vous dire que l'imagination
ne peut aller plus
loin, & que les yeux en
estoient ébloüis, & à mesure
que le Roy montoit ou descendoit
, on voyoit deux
gondolestoutes dorées que
des Matelots habillez d'un
gros dma.. bleu avec une
frange d,'or) faisoit suivre
cette Royale Troupe. La
fouledes Spectateurs estoit
tres grande. oLe 7. Sa Majesté donna
Audiance aux Dépurez des
jiratsdc la Province de LangwApç.
, ayans à leur reste
Monsieur le Duc du Maine,
Gouverneur de la Province,
& Mr le Marquis de la Vnl-P
liere, Secrétaired'Etat Mr
l'Evesque de Mande harangua.
Ils allerent en fuite chez
Monseigneur le Duc de Berry.
Le8. jour de la Nativité
de la Vierge, le Roy fit rendre
le Pain bénit al'Eglise Paroissiale
de Fontainebleau par
MMrrl'lAAbbbbéédd'E'EnDtragues, l'un , de ses Aumôniers,en Rochet.
Cet Abbé estoit precedé de
douze Suisses de la Garde qui
portoient six Pains bénits
sur lesquels estoient plusieurs
Banderolles aux Armes de
..f'ance,
ayans à leur reste les
Hauts bois, Trompcttes &
autres Instrumens, & estant
arrivé à I'Eglise, à l'Offertoire,
il allaàl'Offrande renant
un cierge où estoient
- huitdemi Louis d'or. Le même
jour à midy & demi, les
Députez des Etats de Languedoc
curent Audience de
Madame la DuchessedeBerry
,
qui porroit ce jour-là un
habit d'étoffe d'argent chamarré
derubis,de perles&de
diamants. La juppe étoit chamarréeenplein
d'un Point
d'Espagne d'argent, sa coef*
fure estoit toute couverte dè
pierreries. Le Cercle estoit
tres grand ce jour-là, où se
trouva un grand nombre de
Duchesses, &quantité de Seigneurs
&de Dames fuperbcment
vêtuës, & routes brillantes
de pierreries sur leurs
habits & dansleurs coëffures.
L'Evesquede Mandeharang
™:
Le 1 0. Monseigneur le Duc
de Berry fit rendre le Painbenit
par Monsieurl'Abbé
Berard, l'un de ses Aumôniers.
Le même jour le Generaldes
Capucins qui eil venu
faire lavisirede sonOrdreen
France eur Audiance du Roy,
acompngnéde 2 5. Religieux
de son Ordre, ensuite Ill) ut
de Monseigneur le Duc ÔC
de Madame la Duchesse de
Beiry. L'habit decettePrin-r
te..Ífe étoit ce jour-là d'une
étosse d'or avec une garniture
de diamants, dans laquelle
ainsi que dans sa coeffure entroienc
les plus belles pierreries
qu'on puisse voir,le Cercle
étoit des plus beaux, &
les Dames qui le composoit
étoient generalement habillées
ou d'étoffes d'or garnis
d'agréments d'or & d'argent
ou de soye de routes couleurs
brodez, & elles estoient brillantes
de pierreries sur leurs
habits & dans leurs coëffures.
L'Evesque de Mande harangua.
Le Dimanche 17. Madame
la Duchesse de Berry fit
rendre le Pain benit àl'Eglise
Paroissiale de Fontainebleau
par Mr l'Abbé Rouget l'un
de ses Aumoniers, en rochet.
Cet Abbé traversala Cour
des cuisines & la granderuë,
précedé de douze Suisses qui
portoient six Pains, sur les-
-
quels estoient plusieurs banderoles
aux Armes decette
Princesse, à la teste marchoit
plusieurs Haut- bois, Tromperes
& autres Instrumens
qui se firent entendre pendant
toute la marche jusques
mêmedansl'Eglise où ccc
Abbé alla à l'Offrande, tenant
un cierge à la main où
estoient plusieurs demi Louis
d'or: Madame fit faire la
même Ceremonie le 21.jour
de S. Mathieu par Mr l'Abbé
Lagors, un de ses Aumo.
niers,
Le 24- on presenta à l'issuë
de la Messe un homme
au Roy,âgé de cent un an
& huit mois, né en 1612.
au mois de Février, & fait
Capitaine en 1636. comme
il paroist par le Brevet. Le
même jour à midy & demi
Mr de Boiffieux porta la
nouvelle que nous avions forcé
les retranchemens des ennemis
prés Fribourg.
Le a.. Octobre Don Félix
Corneïo, Secrétaire de
l'Ambassade d'Espagne arriva
avec l'agréable nouvelle que
la Reine d'Espagne étoit accouchée
d'un Prince, & le
4. on apprit par un Courier
qu'on avoit ouvert la tranchée
devant Fribourg la nuit
du dernier Septembre au i'
Octobre.
Le 11. le Roy accompagné
de Monseigneur le Duc
&de Madame la Duchcffc de
Bcrry partit de Fontaines
bleau pour aller coucher à
Petit- bourg & le 12 à Versailles:
On peut dire que la
Cour n'a jamais cité ny plus
nombreuse ny plus brillante
& quelle ne s'est jamais
mieux divertie à Fontainebleau.
La Saison qui y a esté
tres belle, & le nombre des
Ecrangers tres- grand. Ils ne
pouvoient se lasser d'admirer
la grandeur dela Cour de
France. Ils estoient charmez
de voir tous les jours Madame
la Duchesse de Berry,
Madame la Princesse de Conti,
MademoiselledeCharollois
& les autres DJHICSvêtuës
en habit de chasse ayans
des just au - corps tous chamarrez
ou brodez d'or &
d'argent, avec des chapeaux
couverts de plumes, courir le
Cei fou le Sanglier, comme
les plus adroits Cavaliers.
Fermer
Résumé : RELATION de ce qui s'est passé de plus considérable é Fontainebleau depuis le 31. Aoust jusques au 11. Octobre.
Du 31 mars au 11 octobre, le roi séjourna à Fontainebleau en compagnie de Monseigneur le Duc et de Madame la Duchesse de Berry, ainsi que d'autres princes et princesses de la cour. La cour, très nombreuse et magnifiquement vêtue, se livra à diverses activités quotidiennes telles que des chasses au cerf, au sanglier ou au loup, des représentations de comédie, et des jeux chez Madame la Duchesse de Berry. Des promenades royales en calèche le long du canal étaient également organisées, accompagnées d'une escorte impressionnante de carrosses et de personnalités notables. Le 7 avril, le roi reçut les députés des États de la province de Languedoc. Le 8 avril, à l'occasion de la Nativité de la Vierge, le roi assista à la distribution du pain bénit à l'église paroissiale de Fontainebleau. Le 10 avril, le Duc de Berry organisa une cérémonie similaire et le général des Capucins fut reçu par le roi. Le 17 avril, Madame la Duchesse de Berry fit rendre le pain bénit. Le 24 avril, un homme âgé de cent un ans et huit mois fut présenté au roi. Des nouvelles militaires et diplomatiques furent également annoncées, notamment la prise de Fribourg et la naissance d'un prince en Espagne. Le 11 octobre, le roi quitta Fontainebleau pour Versailles, marquant la fin d'un séjour caractérisé par la grandeur et la brillance de la cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 1610-1612
Recueil des Pieces du Chevalier Thomas Brown, Docteur en Medecine, [titre d'après la table]
Début :
RECUEIL de diverses Pieces, composées par le Chevalier Thomas Brown, [...]
Mots clefs :
Fauconnier, Fauconnerie, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil des Pieces du Chevalier Thomas Brown, Docteur en Medecine, [titre d'après la table]
RECUEIL de diverfes Pieces , compo
fées par le Chevalier Thomas Brown ,
Docteur en Medecine . A Londres , 1684.
in 8 ° . de 215 pages .
8
Dans le Difcours , l'Auteur parle des
Oifeaux de Chaffe & de la Fauconnerie
ancienne & moderne.
Cette Chaffe n'étoit prefque point connuë
des Anciens . A proprement parler
Julius Firmicus qui a vécu fous le regne
de l'Empereur Conftance , eft le premier
qui en ait fait mention.
Après cet Auteur , on peut confulter
Démétrius de Conftantinople & Albert
le Grand . Ces Ecrivains n'employent
qu'un petit nombre de termes d'Art. Ils
expriment d'une maniere fimple les maladies
des Oifeaux , & les remedes qu'on
y apportoit . Les François qui font les plus
habiles
JUILLET . 1730. 161F
و
habiles Fauconniers de l'Europe , ont introduit
un grand nombre de termes d'Art.
Cependant , dit l'Auteur , ils n'ont aucun
mot dans leur langue , qui fignifie en general
le mot Anglois , Hawk. Les Anciens
Ecrivains ne nous ont rien dit de la viteffe
des Oifeaux de chaffe . Heresbachius
nous apprend que Guillaume Duc de
Cléves , en avoit un qui alla en un jour
de Weftphalie en Pruffe. M. Brown affure
qu'un de ces Oifeaux , dans la Province
de Norfolk , pourfuivit une Beccaffe
pendant près de 30 milles en une heure.
On ne fait point certainement avec quelle
viteffe volent les Faucons , les Emerillons
, &c. qui viennent en Angleterre par
un vent du Nord - Weft . M. Brown dit
qu'il en a vu arriver fur les côtes de ce
pays , & qu'ils étoient fi fatiguez , qu'on
fes prenoit avec des Chiens , & qu'on les
tuoit à coups de baton & de pierre . Les
Fauconniers de nos jours , continue l'Auteur
, font mille fermens & mille imprécations
; mais Démétrius nous apprend
qu'autrefois ces Chaffeurs commençoient
feur chaffe par invoquer Dieu. Le fçavant
Rigault a cru que fi les Romains avoient
connu la chaffe , dont il s'agit icy , ils au
roient eu moins d'ardeur pour les diver
tiffemens du Cirque.
Ariftote connoiffait fi peu la Faucon✩
nerie ,
1612 MERCURE DE FRANCE
nerie , qu'il croyoit que les Faucons nė
mangeoient point le coeur des Oifeaux.
Ce Philofophe affure que les Faucons &
les autres Oifeaux de Proye ne boivent ja
mais. L'Auteur remarque à cette occafion
qu'il a eu chez lui pendant deux ans une
Aigle qui fe nourriffoit de petits Chats ,
de petits Chiens & de Rats, fans boire une
feule goute.
M. Brown , dans le 6 Difcours , parle
des Cymbales ; des Vers qu'on nomme
Rhopalici ; des Langues , & particulierement
de la Saxonne; de certaines éminences
que l'on voit en divers lieux d'Angleterre
; de Troas , & de la fituation de
Sodôme , de Gomorrhe, &c . de la Réponfe
que l'Oracle de Delphes fit à Crafus ,
Roy de Lydie , &c.
fées par le Chevalier Thomas Brown ,
Docteur en Medecine . A Londres , 1684.
in 8 ° . de 215 pages .
8
Dans le Difcours , l'Auteur parle des
Oifeaux de Chaffe & de la Fauconnerie
ancienne & moderne.
Cette Chaffe n'étoit prefque point connuë
des Anciens . A proprement parler
Julius Firmicus qui a vécu fous le regne
de l'Empereur Conftance , eft le premier
qui en ait fait mention.
Après cet Auteur , on peut confulter
Démétrius de Conftantinople & Albert
le Grand . Ces Ecrivains n'employent
qu'un petit nombre de termes d'Art. Ils
expriment d'une maniere fimple les maladies
des Oifeaux , & les remedes qu'on
y apportoit . Les François qui font les plus
habiles
JUILLET . 1730. 161F
و
habiles Fauconniers de l'Europe , ont introduit
un grand nombre de termes d'Art.
Cependant , dit l'Auteur , ils n'ont aucun
mot dans leur langue , qui fignifie en general
le mot Anglois , Hawk. Les Anciens
Ecrivains ne nous ont rien dit de la viteffe
des Oifeaux de chaffe . Heresbachius
nous apprend que Guillaume Duc de
Cléves , en avoit un qui alla en un jour
de Weftphalie en Pruffe. M. Brown affure
qu'un de ces Oifeaux , dans la Province
de Norfolk , pourfuivit une Beccaffe
pendant près de 30 milles en une heure.
On ne fait point certainement avec quelle
viteffe volent les Faucons , les Emerillons
, &c. qui viennent en Angleterre par
un vent du Nord - Weft . M. Brown dit
qu'il en a vu arriver fur les côtes de ce
pays , & qu'ils étoient fi fatiguez , qu'on
fes prenoit avec des Chiens , & qu'on les
tuoit à coups de baton & de pierre . Les
Fauconniers de nos jours , continue l'Auteur
, font mille fermens & mille imprécations
; mais Démétrius nous apprend
qu'autrefois ces Chaffeurs commençoient
feur chaffe par invoquer Dieu. Le fçavant
Rigault a cru que fi les Romains avoient
connu la chaffe , dont il s'agit icy , ils au
roient eu moins d'ardeur pour les diver
tiffemens du Cirque.
Ariftote connoiffait fi peu la Faucon✩
nerie ,
1612 MERCURE DE FRANCE
nerie , qu'il croyoit que les Faucons nė
mangeoient point le coeur des Oifeaux.
Ce Philofophe affure que les Faucons &
les autres Oifeaux de Proye ne boivent ja
mais. L'Auteur remarque à cette occafion
qu'il a eu chez lui pendant deux ans une
Aigle qui fe nourriffoit de petits Chats ,
de petits Chiens & de Rats, fans boire une
feule goute.
M. Brown , dans le 6 Difcours , parle
des Cymbales ; des Vers qu'on nomme
Rhopalici ; des Langues , & particulierement
de la Saxonne; de certaines éminences
que l'on voit en divers lieux d'Angleterre
; de Troas , & de la fituation de
Sodôme , de Gomorrhe, &c . de la Réponfe
que l'Oracle de Delphes fit à Crafus ,
Roy de Lydie , &c.
Fermer
Résumé : Recueil des Pieces du Chevalier Thomas Brown, Docteur en Medecine, [titre d'après la table]
Le texte est un recueil de pièces du Chevalier Thomas Brown, Docteur en Médecine, publié à Londres en 1684. Brown y discute des oiseaux de chasse et de la fauconnerie ancienne et moderne. La chasse aux oiseaux de proie était peu connue des Anciens. Julius Firmicus, Démétrius de Constantinople et Albert le Grand ont écrit sur les maladies des oiseaux et les remèdes. Les Français, reconnus comme les meilleurs fauconniers d'Europe, ont introduit de nombreux termes techniques mais n'ont pas de mot équivalent à 'Hawk'. Les Anciens n'ont pas décrit la vitesse des oiseaux de chasse. Heresbachius mentionne un oiseau capable de voler de Westphalie à la Prusse en une journée. Brown rapporte qu'un oiseau de Norfolk a poursuivi une bécasse sur près de 30 milles en une heure. Il note également la vitesse des faucons et des émerillons arrivant en Angleterre par un vent du nord-ouest. Les fauconniers modernes utilisent des serments et des imprécations, contrairement aux anciens qui invoquaient Dieu. Aristote croyait que les faucons ne mangeaient pas le cœur des oiseaux et ne buvaient jamais. Brown contredit cette croyance en mentionnant une aigle observée pendant deux ans, se nourrissant de petits animaux sans boire. Dans un autre discours, Brown aborde divers sujets comme les cymbales, certains vers, les langues, notamment la saxonne, et des lieux en Angleterre, ainsi que des réponses d'oracles antiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1881-1888
« Le 20. du mois dernier, M. d'Angervilliers, Ministre & Secretaire d'Etat de la Guerre, [...] »
Début :
Le 20. du mois dernier, M. d'Angervilliers, Ministre & Secretaire d'Etat de la Guerre, [...]
Mots clefs :
Artillerie, Canon, Roi, Cérémonies, Concert, Musique, Chasse, Académies, Ministre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 20. du mois dernier, M. d'Angervilliers, Ministre & Secretaire d'Etat de la Guerre, [...] »
E 20. du mois dernier , M. d'Angervilliers ,
Miniftre & Secretaire d'Etat de la Guerre ,
accompagné du Comte de Saint Florentin & du
Marquis de Pezé , Colonel , Meftre de Camp du
Régiment du Roi , fe rendit de Compiegne à la
Fere , pour voir le fiege auquel l'Ecole de l'Artillerie
, établie dans cette Ville fous les ordres du
Chevalier d'Abouville , eft actuellement occupée.
Le 21 , M. de Valliere , Maréchal de Camp ,
Directeur & Infpecteur General des mêmes
Ecoles , conduifit ce Miniftre à un demi quart de
lieuë de la Ville , pour lui faire voir differentes
manoeuvres ; & après que le Bataillon de M. de
la Perelle, du Régiment Royal Artillerie, & celui
de Pequigny , eurent paffé en revûë devant M.
d'Angervilliers , on jetta un Pont fur la Riviere
d'Oife , avec la même promptitude que lorfqu'il
s'agit de faire paffer une Armée. On fe rendit
enfuite à la Batterie , où on fit l'exercice du Canon.
M. d'Angervilliers parut fort fatisfait de l'adreffe
des Canoniers. Vers les neuf heures , les
Troupes deftinées à la défenfe du Fort fe rendi-
I rent
1882 MERCURE DE FRANCE
-
?
rent à leurs poftes fous les ordres de M. Lucas ,
Capitaine dans Royal Artillerie , qui commande
en chef dans la Place. Dès que les Afliegeans
monterent la tranchée , on fit fur eux un grand
feu du Canon & de la Moufqueterie de la Place;
les Affiegeans étoient logés fur la Contrefcarpe ,
où ils avoient établi le jour précedent huit Batteries
de Canon pour battre les dehors & le corps
de la Place . La principale action de cette journée
fut la prife de deux Tenaillons,conftruits fur une
Demi-Lune. Après bien des forties & des chicanes
de guerre de part & d'autre , toutes fort fingulieres
, ceux de la Place firent fauter , à l'attaque
de la droite , par les Mines , une Batterie de
Canon des Ennemis fur le chemin couvert.
A une heure après midi , M. de Valliere qui
commandoit en chef la Tranchée, y fit fervir un
magnifique diner. Indépendamment de la Table
du Miniftre , il y en avoit d'autres pour plus de
300. perfonnes.
A trois heures le feu recommença plus vivement
que jamais , & la Batterie qu'on avoit fait
fauter le matin fe trouva rétablie par les Affiegeans
en moins de deux heures & demie. Dès
qu'on y eut fait conduire le Canon , les Affiegés
la firent fauter pour la feconde fois . Le Canon &
les affuts furent jettés vers les foffés de la Place ,
ainfi que M. d'Antonnazzi , Capitaine des Mineurs,
fe l'étoit propofé , ce qui lui attira, auffibien
qu'aux autres Officiers de fa Compagnie ,
l'applaudiffement du Miniftre. Peu de tems après
on donna le fignal pour faire jouer les Mines que
les Affiegeans avoient faites fous les Tenaillons
dès qu'ils furent ouverts par deux breches , les
Grenadiers , fuivis des Ingenieurs avec les Travailleurs
deftinés à la prife de ces Ouvrages ,
monterent à l'affaut
à l'affaut pour ſe loger fur le haut des
breches
A O
UST .
1730. 1883
breches : ce fut alors qu'on vit une image bien
naturelle de la Guerre & des Sieges .
Les fix Chiens de Chaffe & les Oiseaux de
proye que l'Abbé de S. Hubert eft obligé d'envoyer
tous les ans au Roi , furent prefentés à
S. M. à Compiegne au commencement de ce
mois .
La Meute que le Roi a préfentement à Compiegne
est de 250. Chiens ; fçavoir , 143. pour
le Cerf, 60. pour le Chevreuil & 47. pour le
Sanglier , fans y comprendre la Meute du Loup,
qui eft reftée à Verſailles. On renouvelle tous les
fix mois trente Chiens de la Meute de S. M. qui
en donne les vieux à des Seigneurs qui ont des
équipages de chaffe . On a fait depuis peu des
couvertures & des houffes neuves de drap bleu
brodées d'un nouveau deffein
pour les Chevaux
de Chaffe.
Sur la fin du mois dernier , le Roi chaffa un
Cerftout gris dans la Forêt de Compiegne , qu'on
fut obligé d'abandonner aprés l'avoir pourfuivi
fix ou fept lieues. On affure que le même Cerf
fut auffi chaffé inutilement plufieurs fois l'année
derniere ; on ajoûte qu'il a 200. ans , & qu'il a
été chaffé par Louis XIII. & par Louis XIV .
Le 15 de ce mois , Fête de l'Affomption de la
Sainte Vierge , le Roi , accompagné du Duc
d'Orleans , du Comte d'Eu , & du Comte de
Toulouſe , fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe du
Château , où S. M. entendit la Grand' - Meffe
célebrée pontificalement par l'Evêque de Soiffons.
L'après - midi le Roi alla entendre les Vêpres
dans l'Eglife de l'Abbaye Royale de S. Corneille
: S. M. y aſſiſta à la Proceſſion & au Salut¸
où le même Prélat officia
Į įj
Lc
1884 MERCURE DE FRANCE
Le même jour , la Proceffion folemnelle de
Eglife Métropolitaine , qui fe fait tous les ans
à pareil jour , en execution du Vou de Louis
XIII. fe fit à Paris avec les cérémonies accoutumées.
L'Archevêque de Paris y officia , & le Parlement
, la Chambre des Comptes , la Cour des
Aydes & le Corps de Ville y affifterent fuivant
la coutume.
Le 21. vers les 8. heures du foir , le Roi arriva
du Château de Compiegne à Versailles .
Il a été fondu à Paris depuis peu par le fieur
Martin , deux très - grandes Coches , & quatre
beaucoup moindres pour le Roi de Portugal
qu'on va voir fur le Port S Nicolas par curiofité
, Pouvrage ayant parfaitement réuffi . On a
appris de Gennes qu'on y avoit auffi fondu huit
groffes Cloches pour le Roi de Portugal , qu'on
devoit embarquer pour Lisbonne.
M. L'Abbé Sevin eft de retour de Conſtantinople
depuis le commencement de ce mois. Il a
rapporté quantité de Manufcrits en diverfes
Langues Orientales pour la Bibliotheque du
Roy.
;
>
Le 15 , Fête de l'Aſſomption de la Vierge , il
y eut Concert Spirituel au Château des Tuilleries
M. Mouret fit chanter le Benedi&us , Motet
de M. de la Lande , dont l'éxecution fut parfaite.
Les Diles Erremens, Le Maure , & Petitpas ,
chanterent differens Motets à une & à deux voix ,
avec fimphonie,qui furent très - applaudis par une
très- nombreufe Affemblée , de même que les
Srs Blavet & Madonis dans l'éxecution de deux
Concerto fur la Flute & le Violon. Le Concert
fut
A O UST . 1730. 1885
fut terminé par Dominús regnavit , autre Moter
de M. de la Lande.
Dans l'Affemblée Generale du Corps de Ville ,
tenue le 16 de ce mois , le Prefident Turgot fut
continué Prevoft des Marchands , & les nouveaux
Echevins furent élus à l'ordinaire. On
fçait qu'il y a toujours quatre Echevins en fonction
; que les deux plus anciens fortent tous les
ans d'Echevinage , & que l'on en choifit deux
nouveaux pour remplir leur place . Au refte , ces
places ne font remplies que par des perfonnes
d'une probité reconnue ; les Statuts font trèsrigoureux
là deffus : un homme qui auroit été
arrêté prifonnier , quoi qu'injuftement , ne peut
être élu Echevin. On doit avant que d'y parvenir
avoir paffé par beaucoup d'Emplois , qui
font connoître le merite & la droiture des
Sujets .
>
Le 23 , le Corps de Ville , le Duc de Gevres.
Gouverneur de Paris , étant à la tête , enc
Verfailles Audience du Roy , avec les cerémonies
accoutumées. Il fut préfenté à S. M. par
le Comte de Maurepas , Secretaire d'Etat , &
conduit par le Marquis de Dreux , Grand-Maître
des Cerémonies , & par M. Defgranges, Maître
des Cerémonies . Ms Roffignol & Lagnau ,
nouveaux Echevins , prêterent entre les mains
du Roy le Serment de fidelité , dont le Comte
de Maurepas Secretaire d'Etat , fit la lecture ;
le Scrutin ayant été préſenté par M. Bignon ,
Avocat General du Grand Confeil , qui fit un
Difcours très -éloquent. Le même jour , le Corps
de Ville rendit fes refpects à Monfeigneur le
Dauphin , & à Mefdames de France.
I iij
Le
1886 MERCURE DE FRANCE
Le 25 , Fête de S. Louis , la Proceffion des
Carmes du Grand Convent , à laquelle le Corps
de Ville affifta , alla , fuivant la coûtume , à la
Chapelle du Château des Tuilleries , où ces Religieux
celébrerent la Meffe , pendant laquelle le
Duc de Gêvres , Gouverneur de Paris , fit rendre
les Pains- Benis , avec les cerémonies accoutumées.
Le même jour , l'Académie Françoiſe celébra
la Fête de S. Louis dans la Chapelle du Louvre.
On chanta pendant la Meffe un très -beau Motet
en Mufique , de la compofition de M. Dornel
après laquelle l'Abbé Ragon , Chapelain du Duc
d'Orleans , prononça le Panegyrique du Saint.
Le même jour , l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles - Lettres , & celle des Sciences ,
celébrerent la même Fête dans l'Eglife des Peres
de l'Oratoire ; on y chanta auffi un Motet en
Mufique pendant la Meffe de la compofition de
M. du Bouffet , & le Panegyrique de S. Louis
fut prononcé par Dom Léandre Pertuiſet , Religieux
Reformé de l'Ordre de Clugny , qui a
prêché avec fuccès dans plufieurs Eglifes de
Paris.
Le Concert d'Inftrumens que l'Académie
Royale de Mufique donne tous les ans au Château
des Tuilleries , à l'occafion de la Fête du
Roi , a été executé le 25 par un grand nombre
d'excellens Simphoniſtes de la même Académie ,
qui jouerent differens beaux morceaux de Mufique
de M. de Lully & de M. Rebel.
Le 3 Juillet , M. de Blamont , Sur-Intendant
de la Mufique du Roi , de Semeftre , fit chanter
devant
"
AOUST . 1730. 1887
devant la Reine , le Prologue & le premier Acte
de l'Opera de Roland , dans lequel la D'le Du- ,
clos & le fieur Godonnefche chanterent les
principaux Rôles dans le Prologue , & ceux de
la Piéce furent remplis par la Die Lenner &
par les Sieurs Guedon & Chaffé .
,
Le , on chanta le fecond & le troifiéme
Acte du même Opera , qu'on continua le ro
& qu'on finit le 12. La Die Duclos chanta dans
le dernier Acte le Rôle de Logistille .
Le 17 ว on executa avec un applaudiffement
general , l'Impromptu de Labyrinte de Verfailles
, de la compofition de M. de Blamont.
Le 24 , on chanta chez la Reine le Prologue
& le premier Acte de Bellerophon.
>
Le 27 , la Reine voulut entendre , à Trianon ,
le dernier Divertiffement de M. de Blamont
fait à l'occafion de la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin. C'eft le même qui fut executé l'année
derniere au Soupé de L. M. & enfuite dans
les grands Appartemens. Les Dite. Erremens ,
& le Maure , & le fieur d'Angerville , chanterent
les principaux Rôies .
Le 31. on continua Bellerophon , & on le finit
le 2 Août. La Dle Antier chanta le Rôle de
Stenobée , la D'te Lenner celui de Philonoé , &
le fieur Chaffé celui d'Amifodar.
Le 7
>
& le 21 Août , on chanta Amadis de
Gaule. La Dlle Pithron & le fieur d'Angerville
chanterent les principaux Rôles du Prologue
& dans la Piéce , la Dle Antier chanta le Rôle
d'Arcabone , la Dile Pichou celui de Corifande
, le fieur Godennefche celui de Floreftan , &
le fieur d'Angerville celui d'Arcelaus . La D'le
Antier chanta enfuite la Nymphe de la Seine ,
Cantate de M. de Blamont.
Le 25 , le même Auteur fit executer par les
I j 24
1888 MERCURE DE FRANCE
24 Violons du Roy , plufieurs Piéces de Simphonie
de fa compofition pendant le dîné de
S. M.
Le 26. la Lotterie de la Compagnie des Indes
pour le rembourſement des Actions , fut tirée en
la maniere accoûtumée , à l'Hôtel de la Compagnie ;
on a publié la Lifte des Numeros des Actions &
Dixièmes d'Actions , qui feront rembourſés , faifant
en tout le nombre de 300. Actions .
Le 21. Juillet, le Duc de Lorraine alla voir le
Camp de la Meufe , le Comte de Bellifle donna
à S. A. R. un repas où fe trouverent 93. perſonnes
en quatre tables , fervies avec toute la délicateffe
poffible; & après le repas il fit faire à la
Cavalerie toutes les évolutions en preſence de ce
Prince , qui admira l'adreffe & la belle taille des
Cavaliers , ainfi que la beauté des Chevaux.
Miniftre & Secretaire d'Etat de la Guerre ,
accompagné du Comte de Saint Florentin & du
Marquis de Pezé , Colonel , Meftre de Camp du
Régiment du Roi , fe rendit de Compiegne à la
Fere , pour voir le fiege auquel l'Ecole de l'Artillerie
, établie dans cette Ville fous les ordres du
Chevalier d'Abouville , eft actuellement occupée.
Le 21 , M. de Valliere , Maréchal de Camp ,
Directeur & Infpecteur General des mêmes
Ecoles , conduifit ce Miniftre à un demi quart de
lieuë de la Ville , pour lui faire voir differentes
manoeuvres ; & après que le Bataillon de M. de
la Perelle, du Régiment Royal Artillerie, & celui
de Pequigny , eurent paffé en revûë devant M.
d'Angervilliers , on jetta un Pont fur la Riviere
d'Oife , avec la même promptitude que lorfqu'il
s'agit de faire paffer une Armée. On fe rendit
enfuite à la Batterie , où on fit l'exercice du Canon.
M. d'Angervilliers parut fort fatisfait de l'adreffe
des Canoniers. Vers les neuf heures , les
Troupes deftinées à la défenfe du Fort fe rendi-
I rent
1882 MERCURE DE FRANCE
-
?
rent à leurs poftes fous les ordres de M. Lucas ,
Capitaine dans Royal Artillerie , qui commande
en chef dans la Place. Dès que les Afliegeans
monterent la tranchée , on fit fur eux un grand
feu du Canon & de la Moufqueterie de la Place;
les Affiegeans étoient logés fur la Contrefcarpe ,
où ils avoient établi le jour précedent huit Batteries
de Canon pour battre les dehors & le corps
de la Place . La principale action de cette journée
fut la prife de deux Tenaillons,conftruits fur une
Demi-Lune. Après bien des forties & des chicanes
de guerre de part & d'autre , toutes fort fingulieres
, ceux de la Place firent fauter , à l'attaque
de la droite , par les Mines , une Batterie de
Canon des Ennemis fur le chemin couvert.
A une heure après midi , M. de Valliere qui
commandoit en chef la Tranchée, y fit fervir un
magnifique diner. Indépendamment de la Table
du Miniftre , il y en avoit d'autres pour plus de
300. perfonnes.
A trois heures le feu recommença plus vivement
que jamais , & la Batterie qu'on avoit fait
fauter le matin fe trouva rétablie par les Affiegeans
en moins de deux heures & demie. Dès
qu'on y eut fait conduire le Canon , les Affiegés
la firent fauter pour la feconde fois . Le Canon &
les affuts furent jettés vers les foffés de la Place ,
ainfi que M. d'Antonnazzi , Capitaine des Mineurs,
fe l'étoit propofé , ce qui lui attira, auffibien
qu'aux autres Officiers de fa Compagnie ,
l'applaudiffement du Miniftre. Peu de tems après
on donna le fignal pour faire jouer les Mines que
les Affiegeans avoient faites fous les Tenaillons
dès qu'ils furent ouverts par deux breches , les
Grenadiers , fuivis des Ingenieurs avec les Travailleurs
deftinés à la prife de ces Ouvrages ,
monterent à l'affaut
à l'affaut pour ſe loger fur le haut des
breches
A O
UST .
1730. 1883
breches : ce fut alors qu'on vit une image bien
naturelle de la Guerre & des Sieges .
Les fix Chiens de Chaffe & les Oiseaux de
proye que l'Abbé de S. Hubert eft obligé d'envoyer
tous les ans au Roi , furent prefentés à
S. M. à Compiegne au commencement de ce
mois .
La Meute que le Roi a préfentement à Compiegne
est de 250. Chiens ; fçavoir , 143. pour
le Cerf, 60. pour le Chevreuil & 47. pour le
Sanglier , fans y comprendre la Meute du Loup,
qui eft reftée à Verſailles. On renouvelle tous les
fix mois trente Chiens de la Meute de S. M. qui
en donne les vieux à des Seigneurs qui ont des
équipages de chaffe . On a fait depuis peu des
couvertures & des houffes neuves de drap bleu
brodées d'un nouveau deffein
pour les Chevaux
de Chaffe.
Sur la fin du mois dernier , le Roi chaffa un
Cerftout gris dans la Forêt de Compiegne , qu'on
fut obligé d'abandonner aprés l'avoir pourfuivi
fix ou fept lieues. On affure que le même Cerf
fut auffi chaffé inutilement plufieurs fois l'année
derniere ; on ajoûte qu'il a 200. ans , & qu'il a
été chaffé par Louis XIII. & par Louis XIV .
Le 15 de ce mois , Fête de l'Affomption de la
Sainte Vierge , le Roi , accompagné du Duc
d'Orleans , du Comte d'Eu , & du Comte de
Toulouſe , fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe du
Château , où S. M. entendit la Grand' - Meffe
célebrée pontificalement par l'Evêque de Soiffons.
L'après - midi le Roi alla entendre les Vêpres
dans l'Eglife de l'Abbaye Royale de S. Corneille
: S. M. y aſſiſta à la Proceſſion & au Salut¸
où le même Prélat officia
Į įj
Lc
1884 MERCURE DE FRANCE
Le même jour , la Proceffion folemnelle de
Eglife Métropolitaine , qui fe fait tous les ans
à pareil jour , en execution du Vou de Louis
XIII. fe fit à Paris avec les cérémonies accoutumées.
L'Archevêque de Paris y officia , & le Parlement
, la Chambre des Comptes , la Cour des
Aydes & le Corps de Ville y affifterent fuivant
la coutume.
Le 21. vers les 8. heures du foir , le Roi arriva
du Château de Compiegne à Versailles .
Il a été fondu à Paris depuis peu par le fieur
Martin , deux très - grandes Coches , & quatre
beaucoup moindres pour le Roi de Portugal
qu'on va voir fur le Port S Nicolas par curiofité
, Pouvrage ayant parfaitement réuffi . On a
appris de Gennes qu'on y avoit auffi fondu huit
groffes Cloches pour le Roi de Portugal , qu'on
devoit embarquer pour Lisbonne.
M. L'Abbé Sevin eft de retour de Conſtantinople
depuis le commencement de ce mois. Il a
rapporté quantité de Manufcrits en diverfes
Langues Orientales pour la Bibliotheque du
Roy.
;
>
Le 15 , Fête de l'Aſſomption de la Vierge , il
y eut Concert Spirituel au Château des Tuilleries
M. Mouret fit chanter le Benedi&us , Motet
de M. de la Lande , dont l'éxecution fut parfaite.
Les Diles Erremens, Le Maure , & Petitpas ,
chanterent differens Motets à une & à deux voix ,
avec fimphonie,qui furent très - applaudis par une
très- nombreufe Affemblée , de même que les
Srs Blavet & Madonis dans l'éxecution de deux
Concerto fur la Flute & le Violon. Le Concert
fut
A O UST . 1730. 1885
fut terminé par Dominús regnavit , autre Moter
de M. de la Lande.
Dans l'Affemblée Generale du Corps de Ville ,
tenue le 16 de ce mois , le Prefident Turgot fut
continué Prevoft des Marchands , & les nouveaux
Echevins furent élus à l'ordinaire. On
fçait qu'il y a toujours quatre Echevins en fonction
; que les deux plus anciens fortent tous les
ans d'Echevinage , & que l'on en choifit deux
nouveaux pour remplir leur place . Au refte , ces
places ne font remplies que par des perfonnes
d'une probité reconnue ; les Statuts font trèsrigoureux
là deffus : un homme qui auroit été
arrêté prifonnier , quoi qu'injuftement , ne peut
être élu Echevin. On doit avant que d'y parvenir
avoir paffé par beaucoup d'Emplois , qui
font connoître le merite & la droiture des
Sujets .
>
Le 23 , le Corps de Ville , le Duc de Gevres.
Gouverneur de Paris , étant à la tête , enc
Verfailles Audience du Roy , avec les cerémonies
accoutumées. Il fut préfenté à S. M. par
le Comte de Maurepas , Secretaire d'Etat , &
conduit par le Marquis de Dreux , Grand-Maître
des Cerémonies , & par M. Defgranges, Maître
des Cerémonies . Ms Roffignol & Lagnau ,
nouveaux Echevins , prêterent entre les mains
du Roy le Serment de fidelité , dont le Comte
de Maurepas Secretaire d'Etat , fit la lecture ;
le Scrutin ayant été préſenté par M. Bignon ,
Avocat General du Grand Confeil , qui fit un
Difcours très -éloquent. Le même jour , le Corps
de Ville rendit fes refpects à Monfeigneur le
Dauphin , & à Mefdames de France.
I iij
Le
1886 MERCURE DE FRANCE
Le 25 , Fête de S. Louis , la Proceffion des
Carmes du Grand Convent , à laquelle le Corps
de Ville affifta , alla , fuivant la coûtume , à la
Chapelle du Château des Tuilleries , où ces Religieux
celébrerent la Meffe , pendant laquelle le
Duc de Gêvres , Gouverneur de Paris , fit rendre
les Pains- Benis , avec les cerémonies accoutumées.
Le même jour , l'Académie Françoiſe celébra
la Fête de S. Louis dans la Chapelle du Louvre.
On chanta pendant la Meffe un très -beau Motet
en Mufique , de la compofition de M. Dornel
après laquelle l'Abbé Ragon , Chapelain du Duc
d'Orleans , prononça le Panegyrique du Saint.
Le même jour , l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles - Lettres , & celle des Sciences ,
celébrerent la même Fête dans l'Eglife des Peres
de l'Oratoire ; on y chanta auffi un Motet en
Mufique pendant la Meffe de la compofition de
M. du Bouffet , & le Panegyrique de S. Louis
fut prononcé par Dom Léandre Pertuiſet , Religieux
Reformé de l'Ordre de Clugny , qui a
prêché avec fuccès dans plufieurs Eglifes de
Paris.
Le Concert d'Inftrumens que l'Académie
Royale de Mufique donne tous les ans au Château
des Tuilleries , à l'occafion de la Fête du
Roi , a été executé le 25 par un grand nombre
d'excellens Simphoniſtes de la même Académie ,
qui jouerent differens beaux morceaux de Mufique
de M. de Lully & de M. Rebel.
Le 3 Juillet , M. de Blamont , Sur-Intendant
de la Mufique du Roi , de Semeftre , fit chanter
devant
"
AOUST . 1730. 1887
devant la Reine , le Prologue & le premier Acte
de l'Opera de Roland , dans lequel la D'le Du- ,
clos & le fieur Godonnefche chanterent les
principaux Rôles dans le Prologue , & ceux de
la Piéce furent remplis par la Die Lenner &
par les Sieurs Guedon & Chaffé .
,
Le , on chanta le fecond & le troifiéme
Acte du même Opera , qu'on continua le ro
& qu'on finit le 12. La Die Duclos chanta dans
le dernier Acte le Rôle de Logistille .
Le 17 ว on executa avec un applaudiffement
general , l'Impromptu de Labyrinte de Verfailles
, de la compofition de M. de Blamont.
Le 24 , on chanta chez la Reine le Prologue
& le premier Acte de Bellerophon.
>
Le 27 , la Reine voulut entendre , à Trianon ,
le dernier Divertiffement de M. de Blamont
fait à l'occafion de la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin. C'eft le même qui fut executé l'année
derniere au Soupé de L. M. & enfuite dans
les grands Appartemens. Les Dite. Erremens ,
& le Maure , & le fieur d'Angerville , chanterent
les principaux Rôies .
Le 31. on continua Bellerophon , & on le finit
le 2 Août. La Dle Antier chanta le Rôle de
Stenobée , la D'te Lenner celui de Philonoé , &
le fieur Chaffé celui d'Amifodar.
Le 7
>
& le 21 Août , on chanta Amadis de
Gaule. La Dlle Pithron & le fieur d'Angerville
chanterent les principaux Rôles du Prologue
& dans la Piéce , la Dle Antier chanta le Rôle
d'Arcabone , la Dile Pichou celui de Corifande
, le fieur Godennefche celui de Floreftan , &
le fieur d'Angerville celui d'Arcelaus . La D'le
Antier chanta enfuite la Nymphe de la Seine ,
Cantate de M. de Blamont.
Le 25 , le même Auteur fit executer par les
I j 24
1888 MERCURE DE FRANCE
24 Violons du Roy , plufieurs Piéces de Simphonie
de fa compofition pendant le dîné de
S. M.
Le 26. la Lotterie de la Compagnie des Indes
pour le rembourſement des Actions , fut tirée en
la maniere accoûtumée , à l'Hôtel de la Compagnie ;
on a publié la Lifte des Numeros des Actions &
Dixièmes d'Actions , qui feront rembourſés , faifant
en tout le nombre de 300. Actions .
Le 21. Juillet, le Duc de Lorraine alla voir le
Camp de la Meufe , le Comte de Bellifle donna
à S. A. R. un repas où fe trouverent 93. perſonnes
en quatre tables , fervies avec toute la délicateffe
poffible; & après le repas il fit faire à la
Cavalerie toutes les évolutions en preſence de ce
Prince , qui admira l'adreffe & la belle taille des
Cavaliers , ainfi que la beauté des Chevaux.
Fermer
Résumé : « Le 20. du mois dernier, M. d'Angervilliers, Ministre & Secretaire d'Etat de la Guerre, [...] »
Le 20 du mois dernier, M. d'Angervilliers, ministre et secrétaire d'État de la Guerre, accompagné du Comte de Saint Florentin et du Marquis de Pezé, inspecta l'École de l'Artillerie à La Fère, dirigée par le Chevalier d'Abouville. Le lendemain, M. de Valliere, Maréchal de Camp et Directeur Général des Écoles, guida M. d'Angervilliers pour observer diverses manœuvres, incluant des revues de bataillons et la construction rapide d'un pont sur la rivière d'Oise. Les exercices de canonnerie impressionnèrent M. d'Angervilliers. Les troupes, sous les ordres de M. Lucas, se préparèrent à défendre le fort face aux assiégeants, qui établirent huit batteries de canon. La principale action de la journée fut la prise de deux tenaillons. Après des escarmouches, les défenseurs firent sauter une batterie ennemie. Un dîner somptueux fut offert dans la tranchée par M. de Valliere. Les combats reprirent, et une batterie ennemie fut détruite à plusieurs reprises. Les grenadiers montèrent à l'assaut des brèches. À Compiègne, les chiens de chasse et les oiseaux de proie envoyés par l'Abbé de Saint-Hubert furent présentés au Roi. La meute royale, comptant 250 chiens, participa à une chasse au cerf. Le 15 du mois, le Roi assista à la grand-messe à l'église paroissiale du Château et aux vêpres à l'Abbaye Royale de Saint-Corneille. Une procession solennelle eut lieu à Paris. Le 21, le Roi se rendit à Versailles. Deux grandes coches et quatre plus petites furent fondues pour le Roi de Portugal. L'Abbé Sevin revint de Constantinople avec des manuscrits orientaux pour la bibliothèque du Roi. Un concert spirituel eut lieu aux Tuileries. Le 23, le Corps de Ville rendit audience au Roi à Versailles. Le 25, à la fête de Saint Louis, diverses processions et messes furent célébrées, et l'Académie Française prononça un panégyrique. Des concerts et des opéras furent exécutés en l'honneur du Roi. Le 26, la loterie de la Compagnie des Indes fut tirée. Le 21 juillet, le Duc de Lorraine visita le camp de la Meuse et admira les évolutions de la cavalerie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 2057-2066
SUITE du Camp de Mulhberg & Radwitz.
Début :
Le 24. Juin, jour de S. Jean Baptiste, le Roi de Pologne voulut celebrer cette Fête avec [...]
Mots clefs :
Officiers, Chasse, Roi, Tables, Princes, Repas, Infanterie, Armée, Canon, Maréchal
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE du Camp de Mulhberg & Radwitz.
SUITE du Camp de Mulhberg
& Radwiz
E 24. Juin , jour de S. Jean Baptifte , le Roi
Lie
fa magnificence ordinaire. Elle commença à 6.
heures du foir par un grand fouper au Quar
tier du Roi , les Feux de joye enfuite , & à neuf
heures les Troupes fortirent de leurs lignes & fe
mirent en bataille à la tête du Camp. Après qu'on
leur cut donné le fignal du Quartier du Roi , on
fit
2058 MERCURE DE FRANCE
fit trois falves confécutives du Canon , fuivie
chaque fois d'un feu de toute la Moufqueterie.
Ce Feu marqua le temps pour allumer l'Illumination
préparée au-delà de l'Elbe , près du Village
de Riffa , vis -à-vis du Château de Premniz.
L. M. monterent auffi- tôt en Caroffe pour fe
rendre à ce Château . L. A. R. les Princes & la
Princeffe , les autres Princes & toutes les autres
perfonnes de diftinction , de l'un & l'autre fexe ,
les fuivirent.
Les deux Rois arrivez à Promniz , & dès qu'ils
parurent dans la Loge , on donna le premier fignal
par 60. pieces de Canon, au bruit des Trompettes
& Timballes. Entre ce premier fignal & le
fecond , qui fe fit de la même maniere , il ſe paſſa
un quart d'heure pour donner aux Spectateurs le
temps de confiderer les beautez de l'Illumination ,
qui , au dire des Connoiffeurs , étoit des mieux
entendues & des plus fuperbes qu'on eut vû en
Allemagne.
On avoit conftruit exprès un vafte Edifice de
charpente , long de 400. pieds , & au milieu où
étoit repréfenté le Temple de la Paix , un de 160.
piés de hauteur, une toile très-fine en couvroit toute
la façade .On y avoit peint l'Illumination & l'on
avoit appliqué fur la pemture un certain Vernis
qui en la rendant tranfparente , donnoit en même
temps aux couleurs une force & un éclat des
plus virs qui réjouiffoit infiniment l'oeil du Spectate
ur.
La Loge Royale étoit dreflée vis- à-vis & à
450. pas de ' Ilumination , compofée de 40000 .
millest ampes ,qui furent allumées en 15. minutes.
Le Temple de laPaix , d'ordre Ionique , en faifoit
le principal fujet. On y voyoit plufieurs Colom
nes & Pilaftres efpacez avec art & des Peintures
SEPTEMBRE. 1730. 2059
tures des mieux entenduûës , enrichies de Lapis ,
&c. avec des Trophées de Marbre blanc & autres
Ornemens ; les Chapiteaux étoient en Bronze , &
le tout enſemble faifoit un effet admirable ; les
autres parties & les dehors du Temple paroiffoient
conftruits de Marbre d'Egypte de differente couleur
, & tout l'Edifice étoit fi bien difpofé , fuivant
les Regles de l'Architecture & de la Perfpective
, qu'on avoit peine à décider lequel on
devoit le plus admirer , de la magnificence, ou de
la fymétrie.
Ďu milieu du Temple , au- deffus du Sanctuaire
s'élevoit une espece de Piedeltal , fur lequel on
voyoit la Déeffe de la Paix , figure gigantefque
de 22.
pieds de hauteur. Mars la tenoit entre
fes bras. Au-deffus de ces Divinitez , on lifoit fur
une table de bronze , l'Infcription fuivante : Sic
fulta manebit On voyoit au-deffus de l'Infcription
un Trophée pofé fur un Piédeſtal avec une
Lyre , deux Cornes d'abondance , des branches de
Palmier & d'Olivier liées enfemble pour reprefenter
l'affluence de tous les biens , fruits précieux
de la Paix.
Aux deux côtez du Sanctuaire étoient des Arcades
féparées par de doubles Pilaftres , ornez de
Trophées de Marbre blanc : au milieu de ces Arcades
on voyoit en perfpective de chaque côté
une Galerie , dont chacune conduifoit à un Salon.
Ces Salons paroiffoient être en deux Pavillons
foutenus par des Colones ifolées : au- deffus des
Corniches il y avoit plufieurs Trophées attachez
à des Palmiers , & de chaque côté des Renommées
fonnant de la Trompette. Enfin un grand Perron
au bas de l'Edifice , contribuoit becaucoup à en
relever la nobleffe.
Un quart d'heure après avoir donné le fecond
fignal & tiré 1100. coups de fufil , on alluma
τους
2060 MERCURE DE FRANCE
tout à la fois quinze Lettres , placées au bas
-de l'Illumination , formant la Devife dont on
vient de parler. Ces Lettres brillerent durant
plufieurs minutes d'un feu blanc & extrémement
vif. On alluma en même temps les feux courans
à terre , & on fit partir 6000. Fuſées jettées en
partie par des Caiffes , & en partie par des Girandoles
, 30. à la fois de chaque Caiffe & 100. de
chaque Girandole : toutes ces Fufées atteignirent
une hauteur très- confiderable , & firent tout l'ef
fet qu'on en pouvoit attendre.
Durant ce feu des Fufées , des Mortiers de 8.
16. 32. & 64. livres de bale , jetterent 100. Boëtes
remplies de feu de pluye, de Fufées à étoiles &
autres de chacune de 12. roues horifontales &
autant de perpendiculaires , fortirent 70. Fufées
d'une autre forte , & on mit le feu à 1200. Cartouches
& 200. Mortiers de nouvelle efpece , qui
n'ont point d'affut , mais pofez fur leur Trépié
: chaque Cartouche étoit rempli de 22. Fuſées
& chaque Mortier de 21. de deux onces chacune,
& d'une grande quantité d'autres Fufées à terre.
Ce fecond Spectacle dura une bonne demie heure
, après quoi on donna un nouveau ſignal , accompagné
de 2000. coups de Moufquets , & on
vit auffi -tôt le feu Gregeois : 200. Cartouches
chargez chacun de 22. Fufées , 200. Rejettons
fimples & doubles , remplis de 60. Fufées de 2. &
3. onces chacune,& 100. Tonneaux , dont les uns
étoient remplis de 60. Cones , & les autres de 30.
Fufées.Tout ce Feu Gregeois fut jetté dans l'eau
par 12. Bateaux fur terre on tira encore 2000.
Fufées de 6. 12. 25. 50. 75. & de 100. liv. pefant,
zo. Boëtes remplies de feu à étoiles & de pluye
chacune remplie d'autres Boetes , furent tirées ·par
des Mortiers de 45. 96. & 121. livres de bale. 24.
Girandes jetterent chacune 200. Fufées à la fois ,
:
&
SEPTEMBRE . 1730. 206 F
& cent Mortiers de la nouvelle invention dont on
a parlé , en jetterent 21. chacun.
Après ce Feu qui dura autant que le précedent
une nouvelle décharge de 60. Pieces de Canon, fut
donné le fignal pour une feconde efpece d'Illumination.
On vit auffi- tôt la Riviere couverte de 48.
Bâtimens éclairez & remplis de Mufique de guerre
; c'étoit des Chaloupes , des Brigantins , des
Frégates & de très -belles Gondoles parmi ces
Bâtimens brilloit principalement le Bucentaure ,
fuperbe & grand Bâtiment Royal , richement
meublé & illuminé par 30000.Lampions , qui attachez
artiſtement, & jufqu'aux Mats & aux Cordages
, formoient diverfes figures.
Après quelque temps on vit ces Bâtimens defcen-
'dre laRiviere les uns après les autres. Ils étoient précedez
par d'autres Bâtimens, dont quelques - uns repréfentant
des Dauphins,une autre une Baleine jettant
du feu , & c . & à mefure que chaque Batiment
paffa devant les deux Rois , il falua L. M. de fon
Canon & de fes Mortiers , & réïtera encore deux
fois ce falut ; l'un en paffant le Pont de Tonneaux
& l'autre en abordant près du Village de Bober-
Jen.Le Bucentaure s'arrêta devant la Loge Royale.'
L'Orchestre du Roy & les Chanteurs de l'Opera
Italien , qui y étoient , firent la clôture de cette
Fête par une très- belle Serenade . Cette Fête ne
finit que lorfque le jour commença à paroître ,
& il y eut abondance de toutes fortes de Rafraichiffemens
, & c.
Le 25. il n'y eut rien de remarquable , mais le
lendemain 26. jour deſtiné pour le Régal que le
Roi vouloit faire à toute l'armée , on fit diftribuer
la veille à tous les Régimens d'Infanterie & de
Cavalerie les Boeufs , le Pain , le Vin & la Biere'
neceffaires : les Boeufs furent coupez & rôtis par
quartiers ; il y avoit outre cela des Repas particu
liers
2062 MERCURE DE FRANCE
liers que les Chefs de chaque Régiment ou Corps
avoient fait préparer pour régaler leurs Officiers .
Vers les 11. heures du matin , on donna le premier
fignal ; fur quoi toute l'Armée fortit du
Camp fur deux lignes & en bon ordre , fans armes
, les Officiers à là tête . On porta devant chaque
Régiment les Viandes rôties , le Pain , le Vin
& la Biere jufqu'à la grande Place d'Armes devant
le Camp , où chaque Régiment fe rangeoit
fur deux lignes , dans le même ordre qu'il étoit
campé ; chaque Compagnie rangeoit devant fon
front les Viandes rôties , &c. qui lui étoient deftinées
& tous s'étant affis par terre , fe mirent
en devoir de prendre un ample & joyeux Repas.
:
Derriere chaque Régiment on avoit creusé la
terre pour y pratiquer des bancs & une longue
table , à laquelle chaque Chef & Colonel fit fervir
à part de très -bons mets à tous fes Officiers
qui après le fignal donné fe mirent à table ; ces
tables étoient difpofées fur deux lignes , à la diftance
de 100. pas l'une de l'autre ; & les Soldats
étoient affis à une égale distance les uns des autres
, ce qui fit un fort beau Spectacle.
Les deux Rois , qui de la hauteur du Quartier
Royal , avoient pu découvrir cet arrange ment,
en partirent avec toute leur fuite & pafferent les
deux lignes devant les tables des Officiers , pour
les voir manger. L. M. furent faluées par les Officiers
, les verres à la main , & les Soldats firent
éclater leur joye par des acclâmations de Vivent
les Rois , jettant leurs chapeaux en l'air , au bruit
des Tambours & au fon de divers Inftrumens de
M ufique.
Pendant cette Promenade des deux Rois & de
leur Suite , on fit fervir au Quartier du Roi , trois
tables , dont l'une qui étoit ovale , au milieu de
deux autres , & fur une élevation , étoit de 20 .
CouSEPTEMBRE
. 1730. 2063
Couverts pour les deux Rois , leur Famille Roya
le & les Princes Etrangers. Les deux autres tables
qui étoient en long , bordoient tout le Parapet de
deux côtez ,èlles étoient de 100. Couverts chacune,
pour tous les Generaux de l'Armée & pour les
Officiers & autres Etrangers qui fe trouvoient au
Camp.
Derriere la table ovale du milieu , fous une
magnifique Tente Turque , on avoit fait dreffer
une quatriéme table , longue de 40. à so. pieds
& large de dix à couze , fur laquelle il Y avoit
un Gâteau de la même grandeur que la table , &
de 36. Quintaux de poids ; ce Gâteau fut diftri→
bué à la fin du Repas à quiconque en fouhaitoit.
Après que les deux Rois eurent paffé les deux
lignes & vû dîner l'Amée , L. M. retournerent
au Quartier Royal & fe mirent à table , de même
que le Velt- Maréchal , les Officiers Generaux ,
les Officiers Etrangers & autres perfonnes de dif
tinction. Pendant le Repas on but plufieurs fois
au bruit des Canons , qui , au nombre de 48.
étoient rangez fur les Terraffes aux deux côtez .
Vers la fin du Repas , le Velt - Maréchal fe leva
& prefenta au Roi de Pruffe une Lettre au nom
& de la part de toute l'Armée , par laquelle elle
remercoit S. M. Pr. de la bonté qu'elle avoit euë
de ſe trouver à ſes Exercices Militaires , en lui
demandant en même temps la grace de la vouloir
congedier. Le Roi de Pruffe y répondit par toutes
fortes d'expreffions de politeffe , & lui accorda
le congé demandé avec tous les témoignages
d'une entiere fatisfaction.
Là-deffus le Velt-Maréchal & tous les Gene
raux de l'Armée fortirent de table & fe rendirent
au Quartier du Velt -Maréchal , ils y trouverent
tous les Officiers de l'Armée affemblez & formez
en bataillon , dont l'Infanterie tenoit le milieu
avec
2064 MERCURE DE FRANCE
avec 12 pelotons à quatre de hauteur , ayant à
chaque afle neuf pelotons de la Cavalerie à trois
de hauteur. Les Capitaines formerent le premier
rang , les Lieutenans le fecond ; les Sous - Lieutenans
le troifiéme , & les Enfeignes le quatrième.
Les Majors fe rangerent comme Caporaux , aux
aîles de leurs pelotons ; les Lieutenans - Colonels ,
comme Sergens , derriere leurs pelotons , & les
Colonels , comme Officiers , devant les pelotons :
les Generaux fe rangerent devant le Bataillon ,
chacun à fa place , felon fon ancienneté , ayant le
Velt-Maréchal à la tête . Les Officiers de l'Infanterie
marchoient avec leurs Efpontons , & ceux
de la Cavalerie , l'épée haute.
Le Bataillon s'étant mis en marche dans cet
ordre , le Velt - Maréchal le mena aux deux Terraffes
devant le Quartier Royal , où il ſe mit en
deux lignes ; la Cavalerie forma la premiere , &
l'Infanterie la feconde : Ils faluerent tous enfemble
les deux Rois ; les deux lignes s'étant enfuite
remifes en marche par pelotons , elles pafferent
en revûë au pied de la premiere Terraffe , où les
deux Rois s'étoient poftez avec toute leur Cour
& faluerent de nouveau L. M.par pelotons.Le Roi
de Pruffe les remercia fort gracieuſement ; &
comme S. M. Pr. pour donner une marque de
fon entiere fatisfaction , buvoit à chaque General
& à chaque Colonel -Commandant des Régimens,
on fit donner à tous les Officiers , à mesure qu'ils
paffoient par pelotons , des verres qu'ils vuiderent
à la fanté du Roi de Pruffe , au bruit de tout
le Canon ; & après avoir jetté les verres , ils pafferent
de cette façon les uns après les autres , &
le Canon ne ceffa de tirer qu'aprés qu'ils furent
tous paffez. C'eft ainfi que l'Armée prit congé
du Roi de Pruffe , qui la congedia.
Les deux Rois avec toute leur Cour , s'embarquerent
SEPTEMBRE . 1730. 2065
querent
fur l'Elbe le 27. & arriverent au Château
de Lichtembourg , où ils coucherent . Le lendemain
28. L. M. accompagnées des Princes leurs
fils , partirent de Lichtembourg avec toute leur
fuite pour fe rendre à l'endroit de la Chauffée
près de Zulhtsdorff , elles y trouverent d'abord
des gens de la Chaffe en habits verds galonaez
d'argent, avec leurs Chiens, rangez en haye. L'endroit
de la Chaffe & fes avenues étoient embellis
par plufieurs grandes & magnifiques Loges ,
conftruites de verdure. On avoit pris toutes les
précautions pour empêcher qu'il n'arrivât aucun
accident par des coups tirez . Le grand Veneur
à la tête du Veneur de la Cour , des Grands - Maî
tres des Forêts , des Gentilshommes & de tous les
autres Officiers qui dépendent de la Chaffe, étoient
auffi en habits verds richement l'odez .
2
Ils reçurent L. M. en defcendant de leur Chaife
, au fon des Cors de Chaffe & des Hautbois .
Il fe préfenta d'abord une Chaife de Chaffe , tirée
par fix Cerfs apprivoifez , & menée avec beau
coup d'adreffe par deux Garçons de Chaffe , ce
que le Roi de Pruffe ne put s'empêcher d'admirer.
On fit enfuite les préparatifs pour commencer
la Chaffe: Les Chevaliers & autres de la fuite
des deux Rois à cheval & munis de Lances , fe
rangerent à droite & à gauche. L. M. & L. A. R.
avec toutes les perfonnes de diftinction de leur
fuite , s'étant partagez , fe pofterent aux deux côtez
pour tirer. Le Grand Veneur rangea en ordre
tous ceux qui dépendent de la Chaffe , & s'étant
mis à la tête , il paffa avec eux devant les
deux Rois , & alors la Chaffe commença au fon
des Cors & des Hautbois. Il fut tué un grand
nombre de toutes fortes de bêtes fauves & autre
gibier , partie avec des Lances & en forçant avec
des Chiens , & partie par des armes à feu. Il fe
trour
2066 MERCURE DE FRANCE
trouva en tout 1124. Pieces; fçavoir, 804. Cerfs,
203. Sangliers , 97. Chevreuils & Dains , 18.
Lievres & 2. Renards , le tout porté à une Place
& rangé en ordre par les Gens de la Chaffe. Ainfi
finit cette grande & fuperbe Chaffe qui fut faite
avec beaucoup d'ordre & fans aucun accident.
On ſe retira enfuite vers les Loges , où les Tables
étoient couvertes & fervies pour le dîner. Il
y avoit trois tables , dont la premiere deſtinée
pour L. M. L. A. R. les Princes & autres perfon-
Tonnes de diftinction , étoit de 24. Couverts ; &
les deux autres de 20. Couverts chacune , pour
les Miniftres & autres Officiers. Il y avoit outre
cela deux autres tables de 48. Couverts chacune
pour les Gens de la Chaffe. La joye generale &
les deux Rois parurent fort contens ; lorfqu'on
fut hors de table , les deux Rois pafferent encore
quelque temps en converfation , après quoi L. M.
s'embrafferent & fe féparerent avec toutes les
marques poffibles de tendreffe. Le Roi de Pruffe
partit pour Poftdam & le Roi de Pologne retourna
au Camp de Radewitz.
& Radwiz
E 24. Juin , jour de S. Jean Baptifte , le Roi
Lie
fa magnificence ordinaire. Elle commença à 6.
heures du foir par un grand fouper au Quar
tier du Roi , les Feux de joye enfuite , & à neuf
heures les Troupes fortirent de leurs lignes & fe
mirent en bataille à la tête du Camp. Après qu'on
leur cut donné le fignal du Quartier du Roi , on
fit
2058 MERCURE DE FRANCE
fit trois falves confécutives du Canon , fuivie
chaque fois d'un feu de toute la Moufqueterie.
Ce Feu marqua le temps pour allumer l'Illumination
préparée au-delà de l'Elbe , près du Village
de Riffa , vis -à-vis du Château de Premniz.
L. M. monterent auffi- tôt en Caroffe pour fe
rendre à ce Château . L. A. R. les Princes & la
Princeffe , les autres Princes & toutes les autres
perfonnes de diftinction , de l'un & l'autre fexe ,
les fuivirent.
Les deux Rois arrivez à Promniz , & dès qu'ils
parurent dans la Loge , on donna le premier fignal
par 60. pieces de Canon, au bruit des Trompettes
& Timballes. Entre ce premier fignal & le
fecond , qui fe fit de la même maniere , il ſe paſſa
un quart d'heure pour donner aux Spectateurs le
temps de confiderer les beautez de l'Illumination ,
qui , au dire des Connoiffeurs , étoit des mieux
entendues & des plus fuperbes qu'on eut vû en
Allemagne.
On avoit conftruit exprès un vafte Edifice de
charpente , long de 400. pieds , & au milieu où
étoit repréfenté le Temple de la Paix , un de 160.
piés de hauteur, une toile très-fine en couvroit toute
la façade .On y avoit peint l'Illumination & l'on
avoit appliqué fur la pemture un certain Vernis
qui en la rendant tranfparente , donnoit en même
temps aux couleurs une force & un éclat des
plus virs qui réjouiffoit infiniment l'oeil du Spectate
ur.
La Loge Royale étoit dreflée vis- à-vis & à
450. pas de ' Ilumination , compofée de 40000 .
millest ampes ,qui furent allumées en 15. minutes.
Le Temple de laPaix , d'ordre Ionique , en faifoit
le principal fujet. On y voyoit plufieurs Colom
nes & Pilaftres efpacez avec art & des Peintures
SEPTEMBRE. 1730. 2059
tures des mieux entenduûës , enrichies de Lapis ,
&c. avec des Trophées de Marbre blanc & autres
Ornemens ; les Chapiteaux étoient en Bronze , &
le tout enſemble faifoit un effet admirable ; les
autres parties & les dehors du Temple paroiffoient
conftruits de Marbre d'Egypte de differente couleur
, & tout l'Edifice étoit fi bien difpofé , fuivant
les Regles de l'Architecture & de la Perfpective
, qu'on avoit peine à décider lequel on
devoit le plus admirer , de la magnificence, ou de
la fymétrie.
Ďu milieu du Temple , au- deffus du Sanctuaire
s'élevoit une espece de Piedeltal , fur lequel on
voyoit la Déeffe de la Paix , figure gigantefque
de 22.
pieds de hauteur. Mars la tenoit entre
fes bras. Au-deffus de ces Divinitez , on lifoit fur
une table de bronze , l'Infcription fuivante : Sic
fulta manebit On voyoit au-deffus de l'Infcription
un Trophée pofé fur un Piédeſtal avec une
Lyre , deux Cornes d'abondance , des branches de
Palmier & d'Olivier liées enfemble pour reprefenter
l'affluence de tous les biens , fruits précieux
de la Paix.
Aux deux côtez du Sanctuaire étoient des Arcades
féparées par de doubles Pilaftres , ornez de
Trophées de Marbre blanc : au milieu de ces Arcades
on voyoit en perfpective de chaque côté
une Galerie , dont chacune conduifoit à un Salon.
Ces Salons paroiffoient être en deux Pavillons
foutenus par des Colones ifolées : au- deffus des
Corniches il y avoit plufieurs Trophées attachez
à des Palmiers , & de chaque côté des Renommées
fonnant de la Trompette. Enfin un grand Perron
au bas de l'Edifice , contribuoit becaucoup à en
relever la nobleffe.
Un quart d'heure après avoir donné le fecond
fignal & tiré 1100. coups de fufil , on alluma
τους
2060 MERCURE DE FRANCE
tout à la fois quinze Lettres , placées au bas
-de l'Illumination , formant la Devife dont on
vient de parler. Ces Lettres brillerent durant
plufieurs minutes d'un feu blanc & extrémement
vif. On alluma en même temps les feux courans
à terre , & on fit partir 6000. Fuſées jettées en
partie par des Caiffes , & en partie par des Girandoles
, 30. à la fois de chaque Caiffe & 100. de
chaque Girandole : toutes ces Fufées atteignirent
une hauteur très- confiderable , & firent tout l'ef
fet qu'on en pouvoit attendre.
Durant ce feu des Fufées , des Mortiers de 8.
16. 32. & 64. livres de bale , jetterent 100. Boëtes
remplies de feu de pluye, de Fufées à étoiles &
autres de chacune de 12. roues horifontales &
autant de perpendiculaires , fortirent 70. Fufées
d'une autre forte , & on mit le feu à 1200. Cartouches
& 200. Mortiers de nouvelle efpece , qui
n'ont point d'affut , mais pofez fur leur Trépié
: chaque Cartouche étoit rempli de 22. Fuſées
& chaque Mortier de 21. de deux onces chacune,
& d'une grande quantité d'autres Fufées à terre.
Ce fecond Spectacle dura une bonne demie heure
, après quoi on donna un nouveau ſignal , accompagné
de 2000. coups de Moufquets , & on
vit auffi -tôt le feu Gregeois : 200. Cartouches
chargez chacun de 22. Fufées , 200. Rejettons
fimples & doubles , remplis de 60. Fufées de 2. &
3. onces chacune,& 100. Tonneaux , dont les uns
étoient remplis de 60. Cones , & les autres de 30.
Fufées.Tout ce Feu Gregeois fut jetté dans l'eau
par 12. Bateaux fur terre on tira encore 2000.
Fufées de 6. 12. 25. 50. 75. & de 100. liv. pefant,
zo. Boëtes remplies de feu à étoiles & de pluye
chacune remplie d'autres Boetes , furent tirées ·par
des Mortiers de 45. 96. & 121. livres de bale. 24.
Girandes jetterent chacune 200. Fufées à la fois ,
:
&
SEPTEMBRE . 1730. 206 F
& cent Mortiers de la nouvelle invention dont on
a parlé , en jetterent 21. chacun.
Après ce Feu qui dura autant que le précedent
une nouvelle décharge de 60. Pieces de Canon, fut
donné le fignal pour une feconde efpece d'Illumination.
On vit auffi- tôt la Riviere couverte de 48.
Bâtimens éclairez & remplis de Mufique de guerre
; c'étoit des Chaloupes , des Brigantins , des
Frégates & de très -belles Gondoles parmi ces
Bâtimens brilloit principalement le Bucentaure ,
fuperbe & grand Bâtiment Royal , richement
meublé & illuminé par 30000.Lampions , qui attachez
artiſtement, & jufqu'aux Mats & aux Cordages
, formoient diverfes figures.
Après quelque temps on vit ces Bâtimens defcen-
'dre laRiviere les uns après les autres. Ils étoient précedez
par d'autres Bâtimens, dont quelques - uns repréfentant
des Dauphins,une autre une Baleine jettant
du feu , & c . & à mefure que chaque Batiment
paffa devant les deux Rois , il falua L. M. de fon
Canon & de fes Mortiers , & réïtera encore deux
fois ce falut ; l'un en paffant le Pont de Tonneaux
& l'autre en abordant près du Village de Bober-
Jen.Le Bucentaure s'arrêta devant la Loge Royale.'
L'Orchestre du Roy & les Chanteurs de l'Opera
Italien , qui y étoient , firent la clôture de cette
Fête par une très- belle Serenade . Cette Fête ne
finit que lorfque le jour commença à paroître ,
& il y eut abondance de toutes fortes de Rafraichiffemens
, & c.
Le 25. il n'y eut rien de remarquable , mais le
lendemain 26. jour deſtiné pour le Régal que le
Roi vouloit faire à toute l'armée , on fit diftribuer
la veille à tous les Régimens d'Infanterie & de
Cavalerie les Boeufs , le Pain , le Vin & la Biere'
neceffaires : les Boeufs furent coupez & rôtis par
quartiers ; il y avoit outre cela des Repas particu
liers
2062 MERCURE DE FRANCE
liers que les Chefs de chaque Régiment ou Corps
avoient fait préparer pour régaler leurs Officiers .
Vers les 11. heures du matin , on donna le premier
fignal ; fur quoi toute l'Armée fortit du
Camp fur deux lignes & en bon ordre , fans armes
, les Officiers à là tête . On porta devant chaque
Régiment les Viandes rôties , le Pain , le Vin
& la Biere jufqu'à la grande Place d'Armes devant
le Camp , où chaque Régiment fe rangeoit
fur deux lignes , dans le même ordre qu'il étoit
campé ; chaque Compagnie rangeoit devant fon
front les Viandes rôties , &c. qui lui étoient deftinées
& tous s'étant affis par terre , fe mirent
en devoir de prendre un ample & joyeux Repas.
:
Derriere chaque Régiment on avoit creusé la
terre pour y pratiquer des bancs & une longue
table , à laquelle chaque Chef & Colonel fit fervir
à part de très -bons mets à tous fes Officiers
qui après le fignal donné fe mirent à table ; ces
tables étoient difpofées fur deux lignes , à la diftance
de 100. pas l'une de l'autre ; & les Soldats
étoient affis à une égale distance les uns des autres
, ce qui fit un fort beau Spectacle.
Les deux Rois , qui de la hauteur du Quartier
Royal , avoient pu découvrir cet arrange ment,
en partirent avec toute leur fuite & pafferent les
deux lignes devant les tables des Officiers , pour
les voir manger. L. M. furent faluées par les Officiers
, les verres à la main , & les Soldats firent
éclater leur joye par des acclâmations de Vivent
les Rois , jettant leurs chapeaux en l'air , au bruit
des Tambours & au fon de divers Inftrumens de
M ufique.
Pendant cette Promenade des deux Rois & de
leur Suite , on fit fervir au Quartier du Roi , trois
tables , dont l'une qui étoit ovale , au milieu de
deux autres , & fur une élevation , étoit de 20 .
CouSEPTEMBRE
. 1730. 2063
Couverts pour les deux Rois , leur Famille Roya
le & les Princes Etrangers. Les deux autres tables
qui étoient en long , bordoient tout le Parapet de
deux côtez ,èlles étoient de 100. Couverts chacune,
pour tous les Generaux de l'Armée & pour les
Officiers & autres Etrangers qui fe trouvoient au
Camp.
Derriere la table ovale du milieu , fous une
magnifique Tente Turque , on avoit fait dreffer
une quatriéme table , longue de 40. à so. pieds
& large de dix à couze , fur laquelle il Y avoit
un Gâteau de la même grandeur que la table , &
de 36. Quintaux de poids ; ce Gâteau fut diftri→
bué à la fin du Repas à quiconque en fouhaitoit.
Après que les deux Rois eurent paffé les deux
lignes & vû dîner l'Amée , L. M. retournerent
au Quartier Royal & fe mirent à table , de même
que le Velt- Maréchal , les Officiers Generaux ,
les Officiers Etrangers & autres perfonnes de dif
tinction. Pendant le Repas on but plufieurs fois
au bruit des Canons , qui , au nombre de 48.
étoient rangez fur les Terraffes aux deux côtez .
Vers la fin du Repas , le Velt - Maréchal fe leva
& prefenta au Roi de Pruffe une Lettre au nom
& de la part de toute l'Armée , par laquelle elle
remercoit S. M. Pr. de la bonté qu'elle avoit euë
de ſe trouver à ſes Exercices Militaires , en lui
demandant en même temps la grace de la vouloir
congedier. Le Roi de Pruffe y répondit par toutes
fortes d'expreffions de politeffe , & lui accorda
le congé demandé avec tous les témoignages
d'une entiere fatisfaction.
Là-deffus le Velt-Maréchal & tous les Gene
raux de l'Armée fortirent de table & fe rendirent
au Quartier du Velt -Maréchal , ils y trouverent
tous les Officiers de l'Armée affemblez & formez
en bataillon , dont l'Infanterie tenoit le milieu
avec
2064 MERCURE DE FRANCE
avec 12 pelotons à quatre de hauteur , ayant à
chaque afle neuf pelotons de la Cavalerie à trois
de hauteur. Les Capitaines formerent le premier
rang , les Lieutenans le fecond ; les Sous - Lieutenans
le troifiéme , & les Enfeignes le quatrième.
Les Majors fe rangerent comme Caporaux , aux
aîles de leurs pelotons ; les Lieutenans - Colonels ,
comme Sergens , derriere leurs pelotons , & les
Colonels , comme Officiers , devant les pelotons :
les Generaux fe rangerent devant le Bataillon ,
chacun à fa place , felon fon ancienneté , ayant le
Velt-Maréchal à la tête . Les Officiers de l'Infanterie
marchoient avec leurs Efpontons , & ceux
de la Cavalerie , l'épée haute.
Le Bataillon s'étant mis en marche dans cet
ordre , le Velt - Maréchal le mena aux deux Terraffes
devant le Quartier Royal , où il ſe mit en
deux lignes ; la Cavalerie forma la premiere , &
l'Infanterie la feconde : Ils faluerent tous enfemble
les deux Rois ; les deux lignes s'étant enfuite
remifes en marche par pelotons , elles pafferent
en revûë au pied de la premiere Terraffe , où les
deux Rois s'étoient poftez avec toute leur Cour
& faluerent de nouveau L. M.par pelotons.Le Roi
de Pruffe les remercia fort gracieuſement ; &
comme S. M. Pr. pour donner une marque de
fon entiere fatisfaction , buvoit à chaque General
& à chaque Colonel -Commandant des Régimens,
on fit donner à tous les Officiers , à mesure qu'ils
paffoient par pelotons , des verres qu'ils vuiderent
à la fanté du Roi de Pruffe , au bruit de tout
le Canon ; & après avoir jetté les verres , ils pafferent
de cette façon les uns après les autres , &
le Canon ne ceffa de tirer qu'aprés qu'ils furent
tous paffez. C'eft ainfi que l'Armée prit congé
du Roi de Pruffe , qui la congedia.
Les deux Rois avec toute leur Cour , s'embarquerent
SEPTEMBRE . 1730. 2065
querent
fur l'Elbe le 27. & arriverent au Château
de Lichtembourg , où ils coucherent . Le lendemain
28. L. M. accompagnées des Princes leurs
fils , partirent de Lichtembourg avec toute leur
fuite pour fe rendre à l'endroit de la Chauffée
près de Zulhtsdorff , elles y trouverent d'abord
des gens de la Chaffe en habits verds galonaez
d'argent, avec leurs Chiens, rangez en haye. L'endroit
de la Chaffe & fes avenues étoient embellis
par plufieurs grandes & magnifiques Loges ,
conftruites de verdure. On avoit pris toutes les
précautions pour empêcher qu'il n'arrivât aucun
accident par des coups tirez . Le grand Veneur
à la tête du Veneur de la Cour , des Grands - Maî
tres des Forêts , des Gentilshommes & de tous les
autres Officiers qui dépendent de la Chaffe, étoient
auffi en habits verds richement l'odez .
2
Ils reçurent L. M. en defcendant de leur Chaife
, au fon des Cors de Chaffe & des Hautbois .
Il fe préfenta d'abord une Chaife de Chaffe , tirée
par fix Cerfs apprivoifez , & menée avec beau
coup d'adreffe par deux Garçons de Chaffe , ce
que le Roi de Pruffe ne put s'empêcher d'admirer.
On fit enfuite les préparatifs pour commencer
la Chaffe: Les Chevaliers & autres de la fuite
des deux Rois à cheval & munis de Lances , fe
rangerent à droite & à gauche. L. M. & L. A. R.
avec toutes les perfonnes de diftinction de leur
fuite , s'étant partagez , fe pofterent aux deux côtez
pour tirer. Le Grand Veneur rangea en ordre
tous ceux qui dépendent de la Chaffe , & s'étant
mis à la tête , il paffa avec eux devant les
deux Rois , & alors la Chaffe commença au fon
des Cors & des Hautbois. Il fut tué un grand
nombre de toutes fortes de bêtes fauves & autre
gibier , partie avec des Lances & en forçant avec
des Chiens , & partie par des armes à feu. Il fe
trour
2066 MERCURE DE FRANCE
trouva en tout 1124. Pieces; fçavoir, 804. Cerfs,
203. Sangliers , 97. Chevreuils & Dains , 18.
Lievres & 2. Renards , le tout porté à une Place
& rangé en ordre par les Gens de la Chaffe. Ainfi
finit cette grande & fuperbe Chaffe qui fut faite
avec beaucoup d'ordre & fans aucun accident.
On ſe retira enfuite vers les Loges , où les Tables
étoient couvertes & fervies pour le dîner. Il
y avoit trois tables , dont la premiere deſtinée
pour L. M. L. A. R. les Princes & autres perfon-
Tonnes de diftinction , étoit de 24. Couverts ; &
les deux autres de 20. Couverts chacune , pour
les Miniftres & autres Officiers. Il y avoit outre
cela deux autres tables de 48. Couverts chacune
pour les Gens de la Chaffe. La joye generale &
les deux Rois parurent fort contens ; lorfqu'on
fut hors de table , les deux Rois pafferent encore
quelque temps en converfation , après quoi L. M.
s'embrafferent & fe féparerent avec toutes les
marques poffibles de tendreffe. Le Roi de Pruffe
partit pour Poftdam & le Roi de Pologne retourna
au Camp de Radewitz.
Fermer
Résumé : SUITE du Camp de Mulhberg & Radwitz.
Le 24 juin, à l'occasion de la Saint-Jean-Baptiste, le roi organisa une célébration à Mulhberg et Radwitz. La journée débuta par un grand souper au quartier du roi, suivi de feux de joie et d'une mise en bataille des troupes à 9 heures. Trois salves de canon et des feux de mousqueterie marquèrent le début d'une illumination près du village de Riffa, en face du château de Premniz. Le roi et les princes se rendirent au château où une illumination spectaculaire fut allumée, représentant un temple de la Paix de 400 pieds de long et 160 pieds de haut, orné de peintures et de trophées. L'illumination, composée de 40 000 millest ampes, fut allumée en 15 minutes. Le temple, de style ionique, était richement décoré de colonnes, de pilastres, et de peintures enrichies de lapis. Au centre du temple, une déesse de la Paix, tenue par Mars, surplombait une inscription en latin. Des arcades et des galeries complétaient la scène, avec des trophées et des renommées sonnant de la trompette. Après un quart d'heure, 15 lettres formant une devise furent allumées, accompagnées de feux courants à terre et de 6 000 fusées. Des mortiers tirèrent des boîtes remplies de feux d'artifice, et un feu grégeois fut allumé dans l'eau par des bateaux. Une seconde illumination vit la rivière couverte de 48 bâtiments éclairés et remplis de musique de guerre, incluant le Bucentaure, un grand bâtiment royal illuminé par 30 000 lampions. Le 26 juin, le roi offrit un repas à toute l'armée. Les régiments se rangèrent en ordre, et les viandes rôties, le pain, le vin et la bière furent distribués. Les rois passèrent en revue les troupes, qui les saluèrent avec des acclamations et des musiques. Après le repas, le maréchal présenta une lettre de remerciement au roi de Prusse, qui accorda le congé à l'armée. Les officiers, formés en bataillon, saluèrent les rois avant de se disperser. Les deux rois s'embarquèrent sur l'Elbe le 27 juin et arrivèrent au château de Lichtembourg, où ils passèrent la nuit. Le lendemain, ils se rendirent près de Zulhtsdorff. Le texte décrit également une grande chasse organisée avec une préparation minutieuse pour éviter les accidents. Les participants, vêtus de habits verts galonnés d'argent, incluaient des gens de la Chasse, des chiens, et divers officiers. L'endroit était embelli par des loges magnifiques construites de verdure. La chasse débuta avec une présentation d'une chaise tirée par six cerfs apprivoisés, admirée par le Roi de Prusse. Les préparatifs incluaient des chevaliers et autres cavaliers munis de lances, se rangeant de chaque côté. Les rois et les personnes de distinction se positionnèrent pour tirer. La chasse se déroula avec ordre, au son des cors et des hautbois, et un grand nombre de bêtes fauves et de gibier furent tuées, totalisant 1124 pièces. Après la chasse, un dîner fut servi dans les loges, avec trois tables pour les personnes de distinction et deux autres pour les gens de la Chasse. La joie générale et la satisfaction des rois furent notables. Après le dîner, les rois conversèrent brièvement avant que Leurs Majestés ne s'embrassent et se séparèrent avec tendresse. Le Roi de Prusse partit pour Potsdam, et le Roi de Pologne retourna au camp de Radewitz.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 2920-2922
Châsse d'argent de S. Aignan, [titre d'après la table]
Début :
Nous sommes trop attentifs à celebrer le progrès des beaux Arts en France, [...]
Mots clefs :
Chasse, Tombeau de Saint-Aignan, Orléans
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Châsse d'argent de S. Aignan, [titre d'après la table]
Nous fommes trop attentifs à celebrer
le progrès des beaux Arts en France,
pour ne pas dire quelque chofe d'un
grand Ouvrage d'Orfévrerie , fait depuis
peu par M. Meiffonniere , & que quantité
de Curieux ont été voir chez lui avec
une tres- grande fatisfaction .
و
C'eft la Châffe ou Tombeau de S. Aignan
qui doit être pofée à Orleans
dans l'Eglife érigée fous l'invocation de
ce Saint. Elle a la forme d'une efpece
de Tombe antique. Au deffus font
deux Cherubins , dont les aîles entrelaffées
foutiennent une Croix , & des
Rayons au bas des Cherubins ; le long
des deux côtez tombent des Fef
tons de fleurs izolées. Au corps du
deffous de cette Tombe font deux basreliefs
, couronnez par deux frontons
ceintrez ; un devant , l'autre derriere
haut de 20 pouces , où font repréſenteż
deux fujets de la vie de S. Aignan ; on
voit à celui de devant le Saint en priere,
11. Vol.
au
DECEMBRE. 1730. 2921
au bas d'un Autel , pour implorer la délivrance
d'Orleans , pour lors affiégé par
Atila ; à l'autre , S. Aignan qui guérit
Agripin , General des Romains , d'une
bleffure à la tête . Les principales figures
de ces deux bas- reliefs ont 15 pouces de
proportion , & font prefque izolées . Le
pourtour eft orné de Palmes , & au deffus
du fronton fortent des Guirlandes de
Feuilles de Chêne , qui entourent le
Corps de la Châffe . Aux deux bouts font
des Cartelles , où font d'un côté les Armes
de l'Evêque d'Orleans & de M. le
Coadjuteur; & de l'autre , les Armes de
la Ville & du Chapitre. La Châffe a cinq
pieds de haut , fur quatre pieds & demi
de long & deux pieds & demi de large .
Voicy la Defcription de l'Autel & la
décoration magnifique où la Châffe fera
pofée , pour pouvoir juger de l'effet
qu'elle fera.
.
L'Eglife eft gotique , le fond du Chour
eft angulaire , & chaque Angle eft percé
d'une arcade qui éclaire les bas côtez :
l'Autel eft izolé a huit pieds de diftance
du fond de la Nef, & élevé au
deffus de fept marches , dont la forme eft
circulaire , & foutenu par deux Confoles
de marbre de ferrancolin ; au deffus eft
pofée une Croix , formée par quatre
rayons ; au centre eft une Couronne d'EII.
Vol.
Govj - pine
2922 MERCURE DE FRANCE
pine , & au deffous un Groupe de Cherubins
& de nuages d'argent , pofez fur
un pied deftail , en partie doré , & fix
Chandeliers d'une belle forme ; le Retable
eft de Bréche violette, orné de bronze
doré .
L'Arcade du milieu du fond de la
Nef eft ceintrée fur fon plan , & s'éleve
en vouffure , dont le couronnement eft
de deux pieds & demi , plus élevé du percé
de l'Arcade , qui eft revêtu de marbre
Verdcampam , de même que les pieds
droits & les bandeaux des deux Arcades
des côtez , au deffus de la vouffure;
qui a trois pieds de fallie fur le nu du
mur , il y aun Socle haut de deux pieds;
au deffus du Socle eft la Châffe d'argent.
On voit derriere un Globe de verre
jaune, qui recevra le jour , entouré d'une
Gloire d'Anges & de nuages , d'où fortent
plufieurs rayons dorez , qui paffent derriere
des Anges qui font aux 2 côtez de
la Châffe, affis fur la vouffure. Ces Anges
qui ont fix pieds de proportion , ainfi
que la Gloire , feront de marbre blanc.
Au deffous de la vouffure eft un Ange
qui tient une Lampe ; & aux deux Arcades
des côtez , le long des deux pieds
droits de celle du milieu , font fufpendues
des Confoles ou Cartalames ,
tiennent chacune une Lampe.
le progrès des beaux Arts en France,
pour ne pas dire quelque chofe d'un
grand Ouvrage d'Orfévrerie , fait depuis
peu par M. Meiffonniere , & que quantité
de Curieux ont été voir chez lui avec
une tres- grande fatisfaction .
و
C'eft la Châffe ou Tombeau de S. Aignan
qui doit être pofée à Orleans
dans l'Eglife érigée fous l'invocation de
ce Saint. Elle a la forme d'une efpece
de Tombe antique. Au deffus font
deux Cherubins , dont les aîles entrelaffées
foutiennent une Croix , & des
Rayons au bas des Cherubins ; le long
des deux côtez tombent des Fef
tons de fleurs izolées. Au corps du
deffous de cette Tombe font deux basreliefs
, couronnez par deux frontons
ceintrez ; un devant , l'autre derriere
haut de 20 pouces , où font repréſenteż
deux fujets de la vie de S. Aignan ; on
voit à celui de devant le Saint en priere,
11. Vol.
au
DECEMBRE. 1730. 2921
au bas d'un Autel , pour implorer la délivrance
d'Orleans , pour lors affiégé par
Atila ; à l'autre , S. Aignan qui guérit
Agripin , General des Romains , d'une
bleffure à la tête . Les principales figures
de ces deux bas- reliefs ont 15 pouces de
proportion , & font prefque izolées . Le
pourtour eft orné de Palmes , & au deffus
du fronton fortent des Guirlandes de
Feuilles de Chêne , qui entourent le
Corps de la Châffe . Aux deux bouts font
des Cartelles , où font d'un côté les Armes
de l'Evêque d'Orleans & de M. le
Coadjuteur; & de l'autre , les Armes de
la Ville & du Chapitre. La Châffe a cinq
pieds de haut , fur quatre pieds & demi
de long & deux pieds & demi de large .
Voicy la Defcription de l'Autel & la
décoration magnifique où la Châffe fera
pofée , pour pouvoir juger de l'effet
qu'elle fera.
.
L'Eglife eft gotique , le fond du Chour
eft angulaire , & chaque Angle eft percé
d'une arcade qui éclaire les bas côtez :
l'Autel eft izolé a huit pieds de diftance
du fond de la Nef, & élevé au
deffus de fept marches , dont la forme eft
circulaire , & foutenu par deux Confoles
de marbre de ferrancolin ; au deffus eft
pofée une Croix , formée par quatre
rayons ; au centre eft une Couronne d'EII.
Vol.
Govj - pine
2922 MERCURE DE FRANCE
pine , & au deffous un Groupe de Cherubins
& de nuages d'argent , pofez fur
un pied deftail , en partie doré , & fix
Chandeliers d'une belle forme ; le Retable
eft de Bréche violette, orné de bronze
doré .
L'Arcade du milieu du fond de la
Nef eft ceintrée fur fon plan , & s'éleve
en vouffure , dont le couronnement eft
de deux pieds & demi , plus élevé du percé
de l'Arcade , qui eft revêtu de marbre
Verdcampam , de même que les pieds
droits & les bandeaux des deux Arcades
des côtez , au deffus de la vouffure;
qui a trois pieds de fallie fur le nu du
mur , il y aun Socle haut de deux pieds;
au deffus du Socle eft la Châffe d'argent.
On voit derriere un Globe de verre
jaune, qui recevra le jour , entouré d'une
Gloire d'Anges & de nuages , d'où fortent
plufieurs rayons dorez , qui paffent derriere
des Anges qui font aux 2 côtez de
la Châffe, affis fur la vouffure. Ces Anges
qui ont fix pieds de proportion , ainfi
que la Gloire , feront de marbre blanc.
Au deffous de la vouffure eft un Ange
qui tient une Lampe ; & aux deux Arcades
des côtez , le long des deux pieds
droits de celle du milieu , font fufpendues
des Confoles ou Cartalames ,
tiennent chacune une Lampe.
Fermer
Résumé : Châsse d'argent de S. Aignan, [titre d'après la table]
Le texte décrit une œuvre d'orfèvrerie réalisée par M. Meiffonniere, la châsse de Saint Aignan, destinée à l'église d'Orléans dédiée à ce saint. La châsse, en forme de tombe antique, est ornée de divers éléments décoratifs. Au-dessus, deux chérubins soutiennent une croix et des rayons, avec des festons de fleurs le long des côtés. Sur le corps de la châsse, deux bas-reliefs représentent des épisodes de la vie de Saint Aignan : le saint en prière pour la délivrance d'Orléans assiégée par Attila, et Saint Aignan guérissant Agripin, général romain. Les figures mesurent 15 pouces et sont entourées de palmes et de guirlandes de feuilles de chêne. Aux extrémités, des cartouches affichent les armes de l'évêque, du coadjuteur, de la ville et du chapitre. La châsse mesure cinq pieds de haut, quatre pieds et demi de long, et deux pieds et demi de large. L'église est de style gothique, avec un chœur angulaire éclairant les bas-côtés. L'autel est isolé et élevé sur sept marches, soutenu par des consoles de marbre. Au-dessus se trouve une croix avec une couronne d'épines et des chérubins. Le retable est en brèche violette, orné de bronze doré. La châsse est placée sur un socle de marbre blanc, entourée d'une gloire d'anges et de nuages, avec des rayons dorés et des lampes tenues par des anges et des consoles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 156-164
FESTES données à la Cour de S. Alt-Electorale Palatine, à l'occasion du Mariage du Prince de Sultzbach avec la Princesse de Hesse - Rheinfels. Extrait d'une Lettre écrite de Landau le 24. Janvier 1731. par M. Frezier, Ingenieur en chef.
Début :
Vous avez, sans doute, appris, Monsieur, par les nouvelles publiques [...]
Mots clefs :
Mariage, Chasse, Festivités, Cour, Spectacle, Prince de Soulzbach, Princesse de Hesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : FESTES données à la Cour de S. Alt-Electorale Palatine, à l'occasion du Mariage du Prince de Sultzbach avec la Princesse de Hesse - Rheinfels. Extrait d'une Lettre écrite de Landau le 24. Janvier 1731. par M. Frezier, Ingenieur en chef.
V
Electorale Palatine , à l'occasion du Mariage
du Prince de Sulzbach avec la
Princesse de Hesse - Rheinfels. Extrait
d'une Lettre écrite de Landau le 24. Janvier
1731. par M. Frezier , Ingenieur
en chef.
>
Ous avez , sans doute , appris , Monsieur ,
par les nouvelles publiques , que le Prince
de Sultzbach , heritier présomptif du Palatinat
vient d'épouser une Princesse de Hesse- Rhinfels ,
qui est soeur de la Reine de Sardaigne , et
de la Duchesse de Bourbon. M. de Josseau
Commandant de cette Place est allé complimenter
ce Prince sur son Mariage , et il a bien
voulu que j'eusse l'honneur de l'accompagner.
Je ne pouvois trouver une occasion plus favorable
pour voir la Cour de S. A. E. le Prince Palatin
et je ne pouvois être présenté à ce Prince par une
personne qui lui fut plus agréable que M. de
Josseau , qu'il considere et qu'il aime. La bonté
avec laquelle S. A. E. l'a reçu , et le bon accueil
qu'il a fait aux Officiers qui l'accompagnoient
cn sont des preuves certaines.
›
Nous arrivâmes trop tard à Manheim pour
voir la Ceremonie du Mariage. Elle fut faite le
11. et nous ne partîmes de Landau que deux
jours après ; mais nous avons vû pendant six
jours une partie des Fêtes qui en sont la suite
et qui doivent durer tout le Carnaval . La plus
singuliere a été une Chasse d'une invention extraordinaire
, qui merite bien qu'on en fasse la
description. Le Lundy 15. de ce mois la Cour
s'embarqua sur le Rhin , au son des Timballes ,
TromJANVIER.
1731. -157
Trompettes et Corps de chasse , dans un Yack
qui contenoit deux chambres magnifiquement
décorées , et debarqua à trois quarts de lieue de
la ville , à deux portées de fusil du lieu où la
chasse s'est faite. C'étoit un Parc de 1400. pas
de longueur sur 200. pas de largeur , fermé de
toilles et de filets bien alignez : le tout formoit
un quarré long.
Au fond de ce Parc étoit un retranchement
orné de décorations peintes sur toilles comme
celle des Theatres , lequel étoit destiné pour la
chasse à pied , et pour le spectacle de la Berne ,
et de la Mascarade des animaux.
- La separation des deux Scenes étoit formée
par un Corps de bâtimens , dont le milieu étoit
une Tente octogone de 32 pieds de diametre ,
qui servoit de vestibule à deux Sales , à droite
et à gauche , dont l'une fort ornée étoit destinée
pour placer la Cour pendant la chasse , qu'elle
pouvoit voir dans l'un et l'autre Parc ; Pautre
Salle étoit occupée par une grande Table où la
Cour vint se rafraîchir. Aux deux côtez de ces
Salles étoient des échafaudages en façon de plateformes
, pour placer les Spectateurs qui n'étoient
pas de la Cour.
La Décoration du petit Parc étoit un Portique
avec des Arcades à jour , dont le fond représensoit
en perspective le plan de la moitié d'un
decagone , au milieu duquel s'élevoient les Armes
de l'Electeur qui en faisoient le point de
vue. Ce Portique étoit élevé sur un Perron formé
par des planches en talud , sur lesquelles les
marches n'étoiens marquées que par des tringles
de bois peu saillantes , afin que les sangliers
n'y pussent monter que très-difficilement. Dans
les deux Angles étoient deux Portes sur un Pan
coupé , où étoient aussi deux Perrons de même
figure.
H
158 MERCURE DE FRANCE
Au dessus des Arcades du fond regnoit un
Cours de tablettes en saillie , d'un pied de large,
destinées pour faire courir le gibier , pour le
donner en spectacle à l'Assemblée , et aux deux
aîles. Il regnoit un pareil Cours au-dessus des
Impostes des Arcades , avec des Rampes pour
y monter , dont celles du fond étoient apparentes
, et celles des aîles étoient cachées derriere la
Décoration . Le gibier y venoit par une porte
pratiquée dans une représentation de nues
il paroissoit tout d'un coup élevé à vingt- cinq
pieds de hauteur , afin qu'il fut dit qu'on avoit
fait sortir des sangliers et des biches des nuës
on auroit pû dire aussi qu'il en pleuvoit ; car
ces animaux en tomboient ondement.
›
> οι
On commença la Chasse par plusieurs troupes
de dix ou douze sangliers , qu'on faisoit entrer
par les portes des angles. Ces animaux effrayez
de voir tant de monde cherchoient à se sauver
du côté des bâtimens , ils étoient repoussez par
des gens armez de fourches ; et du côté de la
Décoration ils cherchoient inutilement à grimper
sur les perrons ; ils glissoient toûjours ,
retomboient les uns sur les autres ; les plus hårdis
alloient attaquer les Chasseurs qui les attendoient
, l'épée à la main , et les tuoient.
et
Après en avoir fait ainsi entrer par les portes
d'enbas ,on en faisoit passer d'autres par les portes
des nuës , par le moyen des rampes cachées. Ces
animaux se trouvant alors sur un chemin trop
étroit , n'osoient avancer ; mais en leur jettant
des serpentaux et des petards; on les effarouchoit
tellement , qu'ils se précipitoient ; les plus adroits
tâchoient de gagner les rampes qui descendoient
au grand Parc , mais ils y parvenoient rarement
sans tomber.
Aprés avoir ainsi diversifié le spectacle , en
haur
JANVIER. 1721. 159
haut et en bas , en faisant perir les bêtes par le
fer ou par les chutes , on rangea au pied du Perron
plus de cent sangliers qui avoient été tuez
pour donner une autre sorte de spectacle moins
sanglant,
On lâcha par les trois portes du fond et par
celles des nues une quantité prodigieuse de renards
et de liévres, tous masquez avec des cartons
et des toilles peintes ; la plupart des renards
étoient déguisez en coqs , avec des becs , des
aîles et des queües de coqs. Ces animaux que
leurs ajustemens rendoient , pour ainsi dire , tout,
sots et fort embarrassez de leur accoutrement
cherchoient de tous côtez à s'enfuïr ; mais le
Parc étant tout couvert de Bernes , ils ne pouvoient
poser les pieds qu'ils ne donnassent dans
les pieges , par lesquels on les faisoit sauter à
douze ou quinze pieds de hauteur. En se relevant
d'une chute ils passoient sur une autre Berne
où on leur jouoit le même tour , jusqu'à ce
qu'à force de tomber et de se blesser , ils restoient
morts sur la place : on en fit perir ainsi
,trois cens de chaque espece , liévres et renards.
Il est necessaire d'expliquer icy- ce qu'il fant
entendre par le terine de Bernes : ce sont des especes
dd'échelles à quatre rangs de cordes de 15.
ou 20. échelons de bois , qui sont des mailles de
six à huit pouces ; deux hommes , un à chaque
bout , les tiennent lâches par terre , et dès que
l'animal passe dessus , ils donnent subitement une
secousse qui l'élance en l'air .
La moyenne grosseur des liévres et des renards
paroissoit assez propre à ce jeu : mais il
est étonnant qu'on ait ainsi fait sauter des sangliers
et des biches. Trente hommes autour d'une
toille , qu'ils tiroient par secousses , élevoient en
l'air les sangliers aussi haut quelquefois que les
Hij licyres &
165 MERCURE DE FRANCE
lievres , et on voyoit ces pesants animaux s'agiter
en l'air comme nos Sauteurs et danseurs de
corde.
5
Après le divertissement de la Berne , la Cour
passa dans la Salle où l'on avoit servi une Halte
de viandes chaudes et froides . Les Dames se mirent
à table , et les Cavaliers mangerent debout
la plus grande partie sous la tente ou un grand
nombre de Valets de pied,magnifiquement vêtus,
servoient abondamment de toutes sortes de vins.
Cet utile intermede dura près d'une heure ,
après quoy le Spectacle recommença par un loup
vétu en Arlequin ; mais comme il faisoit le méchant
, on fut obligé de mettre les chiens à ses
trousses , et de le faire tuer.
On lácha ensuite des plus fiers sangliers , que
fes Cavaliers combattirent , l'épée à la main ; et
parce qu'on avoit ouvert les portes de communication
au grand Parc , les plus farouches s'échappoient
par ces portes , et fournissoient
aux Chasseurs , à cheval , et aux Dames
phaetons , guidez par des Cavaliers , le plaisir de
courir après , et de les combattre à coups de pistolets
, ou de les faire arrêter par les chiens .
>
en
On en tua ainsi plusieurs , et enfin on revint
à la Mascarade. On vit paroître huit ou dix traineaux
en forme de chars , dans chacun desquels
il y avoit un lievre masqué ly en Demoiselle , qui
avoit pour cocher un renard attaché sur son
siege , comme la demoiselle l'étoit sur son
fauteuil ; mais le malin cocher profitant de la liberté
qu'il avoit de tourner la tête , perdoit nonseulement
le respect à sa dame par de mauvaises
grimaces , mais lui lâchoit encore de bons coups
de dents quand il pouvoit l'atteindre. L'animal
attelé à ce char étoit un jeune sanglier , qui conduisoit
sa voiture un peu irregulierement , suiyant
JANVIER . 1731. 161
vant ses caprices , qui donnoient beaucoup à rire
aux Spectateurs : tels avoient déja paru d'autres
sangliers , harnachez comme des élephans portant
de petites figures de carton , peintes de differentes
couleurs.
Enfin on vit de toutes sortes d'animaux masquez
differemment : six bleraux parurent deguisez
en carpes , et une troupe de cocqs -d'Inde
avoient les plumes peintes des couleurs de celles
de cocqs de Bruyere.Ceux-ci furent les seuls qui
s'en retournerent la vie sauve ; car la Princesse
ne voulut pas qu'on tirât , soit par crainte des
accidens qui pourroient arriver , ou de l'incommodité
du bruit.
>
des
Pendant qu'on bernoit les renards , quelquesuns
d'entr'eux plus ruzez que les autres , pour
éviter cette danse forcée , qui aboutissoit à la
mort se refugierent sur les hauteurs des Décorations
, et allerent par le moyen des rampes
sentiers , se percher sur les vases d'Orangers qui
en faisoient le Couronnement . Ceux qui n'y
purent atteindre se blotirent sur les sentiers
S'accumulant les uns sur les autres ; delà ils regardoient
leurs camarades sauter et voltiger en
Pair par les secoussés des bernes ; mais ils se crurent
envain en sureté , on les dénicha à grands
coups de fusils , qui
abatirent les plus élevez , et
laisserent les autres morts sur les sentiers.
Ainsi finit cette ingenieuse et nouvelle Chasse,
de l'invention de M.le Baron deWack, Grand-VCneur
de S.A.E. qui en donne tous les ans , et les
sçait varier d'une infinité de manieres. Tout s'y
passa avec beaucoup d'ordre , les Pages et les
Seigneurs de la Cour , en habits verds galonnez
d'or , en furent les principaux Acteurs , et il n'y
eut que trois hommes de blessez , quoiqu'une
infinité se fussent exposez à l'être. M. le Comte
H iij de
ཐདྷཱ
162 MERCURE DE FRANCE
de Nassau , seigneur d'une aimable figure , pour
qui toutes les Dames s'interessoient , y combatit
plusieurs sangliers avec une adresse extrême , er
´s'en retira sans accident.
Nous vîmes les jours suivans des Divertissemens
de differentes especes se succeder les uns
aux autres. Il y eut deux Bals précedez par un
Soupé de 80. Couverts au premier , et de plus
de cent au second : dans celui - ci les Dames et les
Cavaliers furent alternativement rangez , suivant
P'ordre dont le sort avoit décidé par des billets
numerotez qu'on avoit tirés au hazard, et qui se
trouvoient attachez à chaque couvert , où chacun
alloit reconnoître sa place. J'eus le bonheur
d'y être associé à une des plus belles Dames de
la Cour , appellée Madame la Baronne de Feningre
, dont la conversation me fit connoître que
la nature ne l'avoit pas moins bien partagée en
esprit qu'en beauté et en naissance. Lorsque
j'eus l'honneur de lui donner la main pour enzrer
dans la Salle , je me souvins de la pensée de
ce Grand d'Espagne , qui en pareille rencontre
s'écria : que les Etoilles disparoissent , voici le
Soleil , Apartense las Estrellas , viene el Sol.
Aprés le Soupé , S. A. E. ordonna que chacun
prit le rang de son numero avec sa Dame , et il
commença lui - même le Bal à la tête de
quarante
quatre Couples , par une Danse Polonoise , qui
n'est qu'une espece de marche assez grave. Le
Prince de Sultbach suivoit S. A. E. avec les jeunes
Princesses , pendant que la Princesse son
Epouse , qui n'aime pas la Danse , demeura dans
un fauteuil , d'où elle la voyoit tranquillement.
Après cette ouverture du Bal S. A. E. dansa le
Menuet avec une grace et une noblesse admirable
, je dois même ajoûter avec une legereté surprenante
à l'âge de 70. A voir cet aimable Prince,
sans
JANVIER. 1731. 163
sans le connoître , il n'est pas difficile de deviner
qu'il est le premier de la Cour. Le jour suivant
on joua la Comedie de Tartuffe , en François :
cette Langue n'est guere moins commune à la
Cour que l'Allemande,qui est la naturelle du pays .
La Langue Italienne n'y est pas ignorée , mais
ellest entenduë d'un petit nombre de personnes
je le remarquai le le jour suivant , lorsqu'on joua
une Pastorale en Musique , où je servois d'Interprete
à plusieurs de mes voisins. La plus grande
partie des Danseurs de ce Ballet étoient les Pages
de la Cour , les Acteurs étoient les Musiciens de
S. A. E.
Je n'ai parlé jusqu'à present que des plaisirs
qui terminoient la journée , je ne dois pas
oublier
ceux de la bonne chere que nous avons faite à
cette Cour. Les Seigneurs animez par l'exemple
du Prince , et par l'estime qu'ils ont pour M. de
Josseau , qui n'est guere moins aimé dans les
Cours des Princes voisins de Landau , que dans
Landau même , nous regalerent magnifiquement.
M. le Comte de Nassau qui soutient la grandeur
de sa Naissance par tout ce qui peut le distinguer ,
nous donna un Repas superbe. Mrs le Baron de
Bevren , Grand- Maréchal , et le Baron Deschal ,
Grand-Ecuyer de la Princesse , nous firent connoître
que les meilleurs vins du monde et tes
mets les plus exquis fe trouvoient rassemblez
Manheim ,
Enfin notre cher Commandant rappellé par fon
devoir , revint à Landau comblé des bontez du
Prince & des politesses de toute la Cour ; chacun
de nous partageoit avec lui cette fatisfaction , car
S. A. E. nous avoit aussi donné des marques de
sa bonté. Il me fit l'honneur de m'adresser plusieurs
fois la parole ; et reconnoissant par la naïveté
de mes réponses la sincerité dont je fais pro-
Hiiij
fession ,
164 MERCURE DE FRANCE
fession , il me dit qu'il aimoit les François ;
parce qu'ils disoient naturellement leur pensée ,
sur quoy il releva un trait de Morale qui m'étoit
échapé d'une maniere qui me fit connoître la
justesse de son esprit et la droiture de son coeur.
Le tems de retourner à notre garnison étant
arrivé , je priai le Gouverneur de la Place de me
permettre d'en voir les Fortifications , quoiqu'il
me connut pour être l'Ingenieur en chef de Landau
; il me l'accorda de si bonne grace , qu'il
'voulut que l'Ingenieur subalterne , qui sçait parler
français , nous servit de guide. Je remarquai
une situation des plus avantageuses pour une Place
de guerre, par le confluent de deux grandes
rivieres , le Rhin et le Necre , qui en défendent
les approches , et une Fortification très - proprement
executée sur le sistême de Cocorn , que
nous n'avons point suivi en France , quoiqu'il
soit public depuis près de trente ans .
Je parcourus aussi l'interieur de la ville qui est
nouvellement bâtie , très- propre et très-reguliere
dans l'alignement de ses rues. Les maisons qui
n'ont ordinairement qu'un étage , rarement deux,
sont propres au dehors , mais l'interieur n'a pas
été distribué par de bons Architectes , particulierement
pour les escaliers.
Je vis aussi le nouveau Palais de l'Electeur qui
n'est pas achevé , et deux cabinets de tableaux,
parmi lesquels il y en a d'un grand prix , que S. A.
E. a fait apporter depuis peu de Dusseldort , ou
l'on dit qu'il en a de merveilleux , particulierement
de Rubens. J'ai l'honneur d'être &c.à Lang
dau le 24. Janvier 1731 .
Electorale Palatine , à l'occasion du Mariage
du Prince de Sulzbach avec la
Princesse de Hesse - Rheinfels. Extrait
d'une Lettre écrite de Landau le 24. Janvier
1731. par M. Frezier , Ingenieur
en chef.
>
Ous avez , sans doute , appris , Monsieur ,
par les nouvelles publiques , que le Prince
de Sultzbach , heritier présomptif du Palatinat
vient d'épouser une Princesse de Hesse- Rhinfels ,
qui est soeur de la Reine de Sardaigne , et
de la Duchesse de Bourbon. M. de Josseau
Commandant de cette Place est allé complimenter
ce Prince sur son Mariage , et il a bien
voulu que j'eusse l'honneur de l'accompagner.
Je ne pouvois trouver une occasion plus favorable
pour voir la Cour de S. A. E. le Prince Palatin
et je ne pouvois être présenté à ce Prince par une
personne qui lui fut plus agréable que M. de
Josseau , qu'il considere et qu'il aime. La bonté
avec laquelle S. A. E. l'a reçu , et le bon accueil
qu'il a fait aux Officiers qui l'accompagnoient
cn sont des preuves certaines.
›
Nous arrivâmes trop tard à Manheim pour
voir la Ceremonie du Mariage. Elle fut faite le
11. et nous ne partîmes de Landau que deux
jours après ; mais nous avons vû pendant six
jours une partie des Fêtes qui en sont la suite
et qui doivent durer tout le Carnaval . La plus
singuliere a été une Chasse d'une invention extraordinaire
, qui merite bien qu'on en fasse la
description. Le Lundy 15. de ce mois la Cour
s'embarqua sur le Rhin , au son des Timballes ,
TromJANVIER.
1731. -157
Trompettes et Corps de chasse , dans un Yack
qui contenoit deux chambres magnifiquement
décorées , et debarqua à trois quarts de lieue de
la ville , à deux portées de fusil du lieu où la
chasse s'est faite. C'étoit un Parc de 1400. pas
de longueur sur 200. pas de largeur , fermé de
toilles et de filets bien alignez : le tout formoit
un quarré long.
Au fond de ce Parc étoit un retranchement
orné de décorations peintes sur toilles comme
celle des Theatres , lequel étoit destiné pour la
chasse à pied , et pour le spectacle de la Berne ,
et de la Mascarade des animaux.
- La separation des deux Scenes étoit formée
par un Corps de bâtimens , dont le milieu étoit
une Tente octogone de 32 pieds de diametre ,
qui servoit de vestibule à deux Sales , à droite
et à gauche , dont l'une fort ornée étoit destinée
pour placer la Cour pendant la chasse , qu'elle
pouvoit voir dans l'un et l'autre Parc ; Pautre
Salle étoit occupée par une grande Table où la
Cour vint se rafraîchir. Aux deux côtez de ces
Salles étoient des échafaudages en façon de plateformes
, pour placer les Spectateurs qui n'étoient
pas de la Cour.
La Décoration du petit Parc étoit un Portique
avec des Arcades à jour , dont le fond représensoit
en perspective le plan de la moitié d'un
decagone , au milieu duquel s'élevoient les Armes
de l'Electeur qui en faisoient le point de
vue. Ce Portique étoit élevé sur un Perron formé
par des planches en talud , sur lesquelles les
marches n'étoiens marquées que par des tringles
de bois peu saillantes , afin que les sangliers
n'y pussent monter que très-difficilement. Dans
les deux Angles étoient deux Portes sur un Pan
coupé , où étoient aussi deux Perrons de même
figure.
H
158 MERCURE DE FRANCE
Au dessus des Arcades du fond regnoit un
Cours de tablettes en saillie , d'un pied de large,
destinées pour faire courir le gibier , pour le
donner en spectacle à l'Assemblée , et aux deux
aîles. Il regnoit un pareil Cours au-dessus des
Impostes des Arcades , avec des Rampes pour
y monter , dont celles du fond étoient apparentes
, et celles des aîles étoient cachées derriere la
Décoration . Le gibier y venoit par une porte
pratiquée dans une représentation de nues
il paroissoit tout d'un coup élevé à vingt- cinq
pieds de hauteur , afin qu'il fut dit qu'on avoit
fait sortir des sangliers et des biches des nuës
on auroit pû dire aussi qu'il en pleuvoit ; car
ces animaux en tomboient ondement.
›
> οι
On commença la Chasse par plusieurs troupes
de dix ou douze sangliers , qu'on faisoit entrer
par les portes des angles. Ces animaux effrayez
de voir tant de monde cherchoient à se sauver
du côté des bâtimens , ils étoient repoussez par
des gens armez de fourches ; et du côté de la
Décoration ils cherchoient inutilement à grimper
sur les perrons ; ils glissoient toûjours ,
retomboient les uns sur les autres ; les plus hårdis
alloient attaquer les Chasseurs qui les attendoient
, l'épée à la main , et les tuoient.
et
Après en avoir fait ainsi entrer par les portes
d'enbas ,on en faisoit passer d'autres par les portes
des nuës , par le moyen des rampes cachées. Ces
animaux se trouvant alors sur un chemin trop
étroit , n'osoient avancer ; mais en leur jettant
des serpentaux et des petards; on les effarouchoit
tellement , qu'ils se précipitoient ; les plus adroits
tâchoient de gagner les rampes qui descendoient
au grand Parc , mais ils y parvenoient rarement
sans tomber.
Aprés avoir ainsi diversifié le spectacle , en
haur
JANVIER. 1721. 159
haut et en bas , en faisant perir les bêtes par le
fer ou par les chutes , on rangea au pied du Perron
plus de cent sangliers qui avoient été tuez
pour donner une autre sorte de spectacle moins
sanglant,
On lâcha par les trois portes du fond et par
celles des nues une quantité prodigieuse de renards
et de liévres, tous masquez avec des cartons
et des toilles peintes ; la plupart des renards
étoient déguisez en coqs , avec des becs , des
aîles et des queües de coqs. Ces animaux que
leurs ajustemens rendoient , pour ainsi dire , tout,
sots et fort embarrassez de leur accoutrement
cherchoient de tous côtez à s'enfuïr ; mais le
Parc étant tout couvert de Bernes , ils ne pouvoient
poser les pieds qu'ils ne donnassent dans
les pieges , par lesquels on les faisoit sauter à
douze ou quinze pieds de hauteur. En se relevant
d'une chute ils passoient sur une autre Berne
où on leur jouoit le même tour , jusqu'à ce
qu'à force de tomber et de se blesser , ils restoient
morts sur la place : on en fit perir ainsi
,trois cens de chaque espece , liévres et renards.
Il est necessaire d'expliquer icy- ce qu'il fant
entendre par le terine de Bernes : ce sont des especes
dd'échelles à quatre rangs de cordes de 15.
ou 20. échelons de bois , qui sont des mailles de
six à huit pouces ; deux hommes , un à chaque
bout , les tiennent lâches par terre , et dès que
l'animal passe dessus , ils donnent subitement une
secousse qui l'élance en l'air .
La moyenne grosseur des liévres et des renards
paroissoit assez propre à ce jeu : mais il
est étonnant qu'on ait ainsi fait sauter des sangliers
et des biches. Trente hommes autour d'une
toille , qu'ils tiroient par secousses , élevoient en
l'air les sangliers aussi haut quelquefois que les
Hij licyres &
165 MERCURE DE FRANCE
lievres , et on voyoit ces pesants animaux s'agiter
en l'air comme nos Sauteurs et danseurs de
corde.
5
Après le divertissement de la Berne , la Cour
passa dans la Salle où l'on avoit servi une Halte
de viandes chaudes et froides . Les Dames se mirent
à table , et les Cavaliers mangerent debout
la plus grande partie sous la tente ou un grand
nombre de Valets de pied,magnifiquement vêtus,
servoient abondamment de toutes sortes de vins.
Cet utile intermede dura près d'une heure ,
après quoy le Spectacle recommença par un loup
vétu en Arlequin ; mais comme il faisoit le méchant
, on fut obligé de mettre les chiens à ses
trousses , et de le faire tuer.
On lácha ensuite des plus fiers sangliers , que
fes Cavaliers combattirent , l'épée à la main ; et
parce qu'on avoit ouvert les portes de communication
au grand Parc , les plus farouches s'échappoient
par ces portes , et fournissoient
aux Chasseurs , à cheval , et aux Dames
phaetons , guidez par des Cavaliers , le plaisir de
courir après , et de les combattre à coups de pistolets
, ou de les faire arrêter par les chiens .
>
en
On en tua ainsi plusieurs , et enfin on revint
à la Mascarade. On vit paroître huit ou dix traineaux
en forme de chars , dans chacun desquels
il y avoit un lievre masqué ly en Demoiselle , qui
avoit pour cocher un renard attaché sur son
siege , comme la demoiselle l'étoit sur son
fauteuil ; mais le malin cocher profitant de la liberté
qu'il avoit de tourner la tête , perdoit nonseulement
le respect à sa dame par de mauvaises
grimaces , mais lui lâchoit encore de bons coups
de dents quand il pouvoit l'atteindre. L'animal
attelé à ce char étoit un jeune sanglier , qui conduisoit
sa voiture un peu irregulierement , suiyant
JANVIER . 1731. 161
vant ses caprices , qui donnoient beaucoup à rire
aux Spectateurs : tels avoient déja paru d'autres
sangliers , harnachez comme des élephans portant
de petites figures de carton , peintes de differentes
couleurs.
Enfin on vit de toutes sortes d'animaux masquez
differemment : six bleraux parurent deguisez
en carpes , et une troupe de cocqs -d'Inde
avoient les plumes peintes des couleurs de celles
de cocqs de Bruyere.Ceux-ci furent les seuls qui
s'en retournerent la vie sauve ; car la Princesse
ne voulut pas qu'on tirât , soit par crainte des
accidens qui pourroient arriver , ou de l'incommodité
du bruit.
>
des
Pendant qu'on bernoit les renards , quelquesuns
d'entr'eux plus ruzez que les autres , pour
éviter cette danse forcée , qui aboutissoit à la
mort se refugierent sur les hauteurs des Décorations
, et allerent par le moyen des rampes
sentiers , se percher sur les vases d'Orangers qui
en faisoient le Couronnement . Ceux qui n'y
purent atteindre se blotirent sur les sentiers
S'accumulant les uns sur les autres ; delà ils regardoient
leurs camarades sauter et voltiger en
Pair par les secoussés des bernes ; mais ils se crurent
envain en sureté , on les dénicha à grands
coups de fusils , qui
abatirent les plus élevez , et
laisserent les autres morts sur les sentiers.
Ainsi finit cette ingenieuse et nouvelle Chasse,
de l'invention de M.le Baron deWack, Grand-VCneur
de S.A.E. qui en donne tous les ans , et les
sçait varier d'une infinité de manieres. Tout s'y
passa avec beaucoup d'ordre , les Pages et les
Seigneurs de la Cour , en habits verds galonnez
d'or , en furent les principaux Acteurs , et il n'y
eut que trois hommes de blessez , quoiqu'une
infinité se fussent exposez à l'être. M. le Comte
H iij de
ཐདྷཱ
162 MERCURE DE FRANCE
de Nassau , seigneur d'une aimable figure , pour
qui toutes les Dames s'interessoient , y combatit
plusieurs sangliers avec une adresse extrême , er
´s'en retira sans accident.
Nous vîmes les jours suivans des Divertissemens
de differentes especes se succeder les uns
aux autres. Il y eut deux Bals précedez par un
Soupé de 80. Couverts au premier , et de plus
de cent au second : dans celui - ci les Dames et les
Cavaliers furent alternativement rangez , suivant
P'ordre dont le sort avoit décidé par des billets
numerotez qu'on avoit tirés au hazard, et qui se
trouvoient attachez à chaque couvert , où chacun
alloit reconnoître sa place. J'eus le bonheur
d'y être associé à une des plus belles Dames de
la Cour , appellée Madame la Baronne de Feningre
, dont la conversation me fit connoître que
la nature ne l'avoit pas moins bien partagée en
esprit qu'en beauté et en naissance. Lorsque
j'eus l'honneur de lui donner la main pour enzrer
dans la Salle , je me souvins de la pensée de
ce Grand d'Espagne , qui en pareille rencontre
s'écria : que les Etoilles disparoissent , voici le
Soleil , Apartense las Estrellas , viene el Sol.
Aprés le Soupé , S. A. E. ordonna que chacun
prit le rang de son numero avec sa Dame , et il
commença lui - même le Bal à la tête de
quarante
quatre Couples , par une Danse Polonoise , qui
n'est qu'une espece de marche assez grave. Le
Prince de Sultbach suivoit S. A. E. avec les jeunes
Princesses , pendant que la Princesse son
Epouse , qui n'aime pas la Danse , demeura dans
un fauteuil , d'où elle la voyoit tranquillement.
Après cette ouverture du Bal S. A. E. dansa le
Menuet avec une grace et une noblesse admirable
, je dois même ajoûter avec une legereté surprenante
à l'âge de 70. A voir cet aimable Prince,
sans
JANVIER. 1731. 163
sans le connoître , il n'est pas difficile de deviner
qu'il est le premier de la Cour. Le jour suivant
on joua la Comedie de Tartuffe , en François :
cette Langue n'est guere moins commune à la
Cour que l'Allemande,qui est la naturelle du pays .
La Langue Italienne n'y est pas ignorée , mais
ellest entenduë d'un petit nombre de personnes
je le remarquai le le jour suivant , lorsqu'on joua
une Pastorale en Musique , où je servois d'Interprete
à plusieurs de mes voisins. La plus grande
partie des Danseurs de ce Ballet étoient les Pages
de la Cour , les Acteurs étoient les Musiciens de
S. A. E.
Je n'ai parlé jusqu'à present que des plaisirs
qui terminoient la journée , je ne dois pas
oublier
ceux de la bonne chere que nous avons faite à
cette Cour. Les Seigneurs animez par l'exemple
du Prince , et par l'estime qu'ils ont pour M. de
Josseau , qui n'est guere moins aimé dans les
Cours des Princes voisins de Landau , que dans
Landau même , nous regalerent magnifiquement.
M. le Comte de Nassau qui soutient la grandeur
de sa Naissance par tout ce qui peut le distinguer ,
nous donna un Repas superbe. Mrs le Baron de
Bevren , Grand- Maréchal , et le Baron Deschal ,
Grand-Ecuyer de la Princesse , nous firent connoître
que les meilleurs vins du monde et tes
mets les plus exquis fe trouvoient rassemblez
Manheim ,
Enfin notre cher Commandant rappellé par fon
devoir , revint à Landau comblé des bontez du
Prince & des politesses de toute la Cour ; chacun
de nous partageoit avec lui cette fatisfaction , car
S. A. E. nous avoit aussi donné des marques de
sa bonté. Il me fit l'honneur de m'adresser plusieurs
fois la parole ; et reconnoissant par la naïveté
de mes réponses la sincerité dont je fais pro-
Hiiij
fession ,
164 MERCURE DE FRANCE
fession , il me dit qu'il aimoit les François ;
parce qu'ils disoient naturellement leur pensée ,
sur quoy il releva un trait de Morale qui m'étoit
échapé d'une maniere qui me fit connoître la
justesse de son esprit et la droiture de son coeur.
Le tems de retourner à notre garnison étant
arrivé , je priai le Gouverneur de la Place de me
permettre d'en voir les Fortifications , quoiqu'il
me connut pour être l'Ingenieur en chef de Landau
; il me l'accorda de si bonne grace , qu'il
'voulut que l'Ingenieur subalterne , qui sçait parler
français , nous servit de guide. Je remarquai
une situation des plus avantageuses pour une Place
de guerre, par le confluent de deux grandes
rivieres , le Rhin et le Necre , qui en défendent
les approches , et une Fortification très - proprement
executée sur le sistême de Cocorn , que
nous n'avons point suivi en France , quoiqu'il
soit public depuis près de trente ans .
Je parcourus aussi l'interieur de la ville qui est
nouvellement bâtie , très- propre et très-reguliere
dans l'alignement de ses rues. Les maisons qui
n'ont ordinairement qu'un étage , rarement deux,
sont propres au dehors , mais l'interieur n'a pas
été distribué par de bons Architectes , particulierement
pour les escaliers.
Je vis aussi le nouveau Palais de l'Electeur qui
n'est pas achevé , et deux cabinets de tableaux,
parmi lesquels il y en a d'un grand prix , que S. A.
E. a fait apporter depuis peu de Dusseldort , ou
l'on dit qu'il en a de merveilleux , particulierement
de Rubens. J'ai l'honneur d'être &c.à Lang
dau le 24. Janvier 1731 .
Fermer
Résumé : FESTES données à la Cour de S. Alt-Electorale Palatine, à l'occasion du Mariage du Prince de Sultzbach avec la Princesse de Hesse - Rheinfels. Extrait d'une Lettre écrite de Landau le 24. Janvier 1731. par M. Frezier, Ingenieur en chef.
Le 24 janvier 1731, M. Frezier, ingénieur en chef, rédige une lettre relatant les événements entourant le mariage du Prince de Sulzbach avec la Princesse de Hesse-Rheinfels. Le Prince de Sulzbach, héritier présomptif du Palatinat, a épousé la sœur de la Reine de Sardaigne et de la Duchesse de Bourbon. M. de Josseau, commandant de la place de Landau, a félicité le Prince et a invité M. Frezier à l'accompagner. La cérémonie du mariage a eu lieu le 11 janvier. M. Frezier et M. de Josseau sont partis de Landau deux jours plus tard pour assister à diverses fêtes et divertissements durant le Carnaval. Une chasse remarquable a été organisée le 15 janvier. La Cour s'est embarquée sur le Rhin et a débarqué près d'un parc aménagé pour l'occasion, mesurant 1400 pas sur 200 pas. Ce parc était décoré de toiles et de filets et contenait des scènes de chasse à pied et des mascarades d'animaux. La chasse a débuté avec des sangliers, effrayés par des chasseurs armés de fourches. Des renards et des lièvres, déguisés en coqs et autres animaux, ont été lâchés et forcés de sauter grâce à des dispositifs appelés 'bernes'. Après la chasse, la Cour a pris un repas suivi d'autres spectacles, dont une mascarade avec des animaux déguisés. La chasse a été organisée par M. le Baron de Wack, Grand-Veneur du Prince Palatin, et s'est déroulée sans incident majeur. Les jours suivants, divers divertissements ont eu lieu, incluant des bals, des soupers et des représentations théâtrales. M. Frezier a noté la polyglossie de la Cour, où le français, l'allemand et l'italien étaient parlés. Il a également mentionné les repas somptueux offerts par les seigneurs, inspirés par l'exemple du Prince et l'estime pour M. de Josseau. Le narrateur a visité Mannheim, où le Comte de Nassau a offert un repas somptueux. Les Barons de Bevren et Deschal ont souligné la qualité des vins et des mets. Le Commandant a partagé sa satisfaction pour les marques de bonté du Prince et les politesses de la Cour. Le narrateur a reçu des attentions du Prince, qui a apprécié sa sincérité et a discuté de morale avec lui. Avant de retourner à sa garnison, le narrateur a visité les fortifications de Mannheim, notant leur situation avantageuse grâce au confluent du Rhin et du Neckar, ainsi que l'exécution des fortifications selon le système de Cocorn. Il a également observé la ville, nouvellement construite, avec des rues régulières mais des maisons mal conçues intérieurement. Le narrateur a vu le palais inachevé de l'Électeur et deux cabinets de tableaux, incluant des œuvres de grand prix récemment transférées de Düsseldorf, notamment des œuvres de Rubens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1615-1618
Nouvelle de la Cour, de Paris, &c.
Début :
La Cour est toûjours trés-nombreuse à Fontainebleau, où les plaisirs et [...]
Mots clefs :
Fontainebleau, Plaisirs et amusements, Comédie française et italienne, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelle de la Cour , de Paris , &c...
L
A Cour est toûjours trés -nombreuse
à Fontainebleau , où les plaisirs et
les amusemens se succedent & regnent
tour à tour divers jours de la Semaine sont
marqués pour le Jeu , le Concert , la
Comédie Françoise et Italienne , & d'au
tres pour la Promenade à pied , à cheval ,
en carosse & carioles découvertes , et pour
la Chasse du Vol , du Cerf , du Sanglier ,
du Loup , du Chevreuil , &c .
Le 26. de ce mois , le Roy prit le Deüil
pour la mort de la Princesse Douairiere de
Toscane , Veuve du Prince Ferdinand de
Medicis .
Le Roi a accordé au Chevalier de Ni
colaï le Regiment de Dragons , vacant par
la démission volontaire de son Frere aîné,
Le 18. Juin , il y eût concert à Fontaine-
Beau , on chanta dans l'Antichambre de la
Reine , le Prologue et le premier Acte
Amadis de Gaule.
Le 20. M. Destouches , Sur-Intendant ™
BL Volt
I vi de
1616 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy , fit executer par
ordre de la Reine , le Prologue , le premier
et le second Acte du Ballet des Elemens ,
qu'on continua le 25. L'éxecution de ce
Divertissement fut très- brillante . Les De
moiselles Courvasier , Lenners , et Bar
bier , chanterent avec succès les Rôles de
Funon et de Leucosie dans le Prologue . Le
fieur d'Angerville chanta ceux du Destin
et d'Ixion , et le St Guesdon celui d'Arion
La Demoiselle Lenner rendit parfaite
ment le Rôle d'Emilie , dans le troisiéme
Acte , ainsi que celui de Valere , chanté
par le fieur d'Angerville. Le sieur le
Prince fit avec applaudissement le Rôle
de Vertumne au quatriéme Acte , de même
que la Demoiselle Barbier dans celui de
Pomone. Les Choeurs et toutes les sim
phonies furent si bien exécutez , que la
Reine eût la bonté d'en marquer sa sa
tisfaction à M. Destouches.
Le 27. on chanta devant la Reine ;
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Roland.
Le 19. Juin , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau , la Tra
gedie d'Amasis qui fut suivie de la petite
Piece du Concert Ridicule ; le 21 la Co
médie de l'Etourdi ; le 26. le Trage
die d'Andromaque , et la Comédie des
II. Vol. Fâcheux
JUIN. 1731. 1617
Fâcheux ; et le 28. le Dépit Amoureux..
Ces Pieces furent très bien exécutées et .
firent beaucoup de plaisir.
>
>
›
Le vingt-trois Juin , les Comédiens
Italiens représenterent Démocrite , pré
tendu Fou ,Comedie en Vers , de M. Au.
treau les De et pour petite Piéce
buts suivie de l'Intermede ou Paro
die de Lesbina et Dom Micco jouée
sur le Théatre de l'Opera , au mois
d'Aoust 1729. laquelle n'avoit pas en
core été représentée à la Cour. La De
moiselle Silvia et le fieur Theveneau qui
jouent ces deux Rôles , les exécuterent
en perfection .
Le 30 ?
ils représenterent la Tragi
Comedie de Samson , qui fut fort goû
tée. La Chûte du Temple fut parfaite
ment bien executée par le fieur le Maire
qui en est l'Auteur.
د
Le 25. la Lotterie de la Compagnie
des Indes pour le remboursement des
Actions , fut tirée en la maniere accou
tumée à l'Hôtel de la Compagnie. La
Liste des Numero gagnans des Actions.
et dixiéme d'Actions qui doivent être
remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 294. Ac
tions qui ont été remboursées..
II. Vol. M.
1618 MERCURE DE FRANCE
M. Bonnier de Lamosson , ancien
Colonel du Régiment de Dragons Dau
phin , ayant
, ayant obtenu du Roy l'agrément
pour la Charge de Capitaine des Chasses
de la Plaine de S. Denis , autrement dite
là Varenne des Thuilleries , dont il a traité
avec le Comte de Sainte Maure , qui
étoit pourvû de cette Charge , eut l'hon
neur d'en remercier S. Mi le 2. de ce
mois , et le 8 il tint sa premiere audiènce
en qualité de Capitaine des Chasses
aprés avoir été reçu par les Officiers de
la Capitainerie , dans la Galerie du Châs
teau des Thailleries , où les Audiences
se tiendront dorénavant.
On écrit de Bayeux qu'il y a fait surs
fa fin du mois de Juin des Tonnerres
et des Eclairs si épouvantables , que de
mémoire d'homme on n'en a vû de
pareils,
et sans qu'il soit tombé une goute de
pluye. Le Tonnerre , tombé plusieurs fois >
sur divers Bâtimens de la Ville , a causé
beaucoup de dommage , et a tué même
et blessé plusieurs personnes.
a
On apprend de Liege , que le Couvent
des Franciscains de cette Ville avoits
été réduit en cendre par le Tonnerre .
L
A Cour est toûjours trés -nombreuse
à Fontainebleau , où les plaisirs et
les amusemens se succedent & regnent
tour à tour divers jours de la Semaine sont
marqués pour le Jeu , le Concert , la
Comédie Françoise et Italienne , & d'au
tres pour la Promenade à pied , à cheval ,
en carosse & carioles découvertes , et pour
la Chasse du Vol , du Cerf , du Sanglier ,
du Loup , du Chevreuil , &c .
Le 26. de ce mois , le Roy prit le Deüil
pour la mort de la Princesse Douairiere de
Toscane , Veuve du Prince Ferdinand de
Medicis .
Le Roi a accordé au Chevalier de Ni
colaï le Regiment de Dragons , vacant par
la démission volontaire de son Frere aîné,
Le 18. Juin , il y eût concert à Fontaine-
Beau , on chanta dans l'Antichambre de la
Reine , le Prologue et le premier Acte
Amadis de Gaule.
Le 20. M. Destouches , Sur-Intendant ™
BL Volt
I vi de
1616 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy , fit executer par
ordre de la Reine , le Prologue , le premier
et le second Acte du Ballet des Elemens ,
qu'on continua le 25. L'éxecution de ce
Divertissement fut très- brillante . Les De
moiselles Courvasier , Lenners , et Bar
bier , chanterent avec succès les Rôles de
Funon et de Leucosie dans le Prologue . Le
fieur d'Angerville chanta ceux du Destin
et d'Ixion , et le St Guesdon celui d'Arion
La Demoiselle Lenner rendit parfaite
ment le Rôle d'Emilie , dans le troisiéme
Acte , ainsi que celui de Valere , chanté
par le fieur d'Angerville. Le sieur le
Prince fit avec applaudissement le Rôle
de Vertumne au quatriéme Acte , de même
que la Demoiselle Barbier dans celui de
Pomone. Les Choeurs et toutes les sim
phonies furent si bien exécutez , que la
Reine eût la bonté d'en marquer sa sa
tisfaction à M. Destouches.
Le 27. on chanta devant la Reine ;
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Roland.
Le 19. Juin , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau , la Tra
gedie d'Amasis qui fut suivie de la petite
Piece du Concert Ridicule ; le 21 la Co
médie de l'Etourdi ; le 26. le Trage
die d'Andromaque , et la Comédie des
II. Vol. Fâcheux
JUIN. 1731. 1617
Fâcheux ; et le 28. le Dépit Amoureux..
Ces Pieces furent très bien exécutées et .
firent beaucoup de plaisir.
>
>
›
Le vingt-trois Juin , les Comédiens
Italiens représenterent Démocrite , pré
tendu Fou ,Comedie en Vers , de M. Au.
treau les De et pour petite Piéce
buts suivie de l'Intermede ou Paro
die de Lesbina et Dom Micco jouée
sur le Théatre de l'Opera , au mois
d'Aoust 1729. laquelle n'avoit pas en
core été représentée à la Cour. La De
moiselle Silvia et le fieur Theveneau qui
jouent ces deux Rôles , les exécuterent
en perfection .
Le 30 ?
ils représenterent la Tragi
Comedie de Samson , qui fut fort goû
tée. La Chûte du Temple fut parfaite
ment bien executée par le fieur le Maire
qui en est l'Auteur.
د
Le 25. la Lotterie de la Compagnie
des Indes pour le remboursement des
Actions , fut tirée en la maniere accou
tumée à l'Hôtel de la Compagnie. La
Liste des Numero gagnans des Actions.
et dixiéme d'Actions qui doivent être
remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 294. Ac
tions qui ont été remboursées..
II. Vol. M.
1618 MERCURE DE FRANCE
M. Bonnier de Lamosson , ancien
Colonel du Régiment de Dragons Dau
phin , ayant
, ayant obtenu du Roy l'agrément
pour la Charge de Capitaine des Chasses
de la Plaine de S. Denis , autrement dite
là Varenne des Thuilleries , dont il a traité
avec le Comte de Sainte Maure , qui
étoit pourvû de cette Charge , eut l'hon
neur d'en remercier S. Mi le 2. de ce
mois , et le 8 il tint sa premiere audiènce
en qualité de Capitaine des Chasses
aprés avoir été reçu par les Officiers de
la Capitainerie , dans la Galerie du Châs
teau des Thailleries , où les Audiences
se tiendront dorénavant.
On écrit de Bayeux qu'il y a fait surs
fa fin du mois de Juin des Tonnerres
et des Eclairs si épouvantables , que de
mémoire d'homme on n'en a vû de
pareils,
et sans qu'il soit tombé une goute de
pluye. Le Tonnerre , tombé plusieurs fois >
sur divers Bâtimens de la Ville , a causé
beaucoup de dommage , et a tué même
et blessé plusieurs personnes.
a
On apprend de Liege , que le Couvent
des Franciscains de cette Ville avoits
été réduit en cendre par le Tonnerre .
Fermer
Résumé : Nouvelle de la Cour, de Paris, &c.
Le texte décrit la vie à la cour de Fontainebleau, marquée par une succession de plaisirs et de divertissements. Les activités varient selon les jours de la semaine et incluent des jeux, des concerts, des comédies françaises et italiennes, ainsi que des promenades et des chasses. Le 26 juin, le roi a observé un deuil pour la mort de la princesse douairière de Toscane. Il a également nommé le chevalier de Nicolaï à la tête du régiment de dragons, vacant après la démission de son frère aîné. Le 18 juin, un concert a présenté le prologue et le premier acte d'Amadis de Gaule. Le 20 juin, M. Destouches, sur-intendant de la musique du roi, a exécuté le prologue, le premier et le second acte du ballet des Éléments, sur ordre de la reine. Cette performance a été poursuivie le 25 juin. Les demoiselles Courvasier, Lenners et Barbier, ainsi que les sieurs d'Angerville et Saint-Guesdon, ont interprété divers rôles avec succès, suscitant la satisfaction de la reine. Le 27 juin, le prologue et le premier acte de l'opéra de Roland ont été chantés devant la reine. Les comédiens français ont joué plusieurs pièces à Fontainebleau, notamment la tragédie d'Amasis, la comédie de l'Étourdi, la tragédie d'Andromaque, la comédie des Fâcheux et le Dépit Amoureux. Les comédiens italiens ont présenté Démocrite, prétendu fou, suivie de la parodie de Lesbina et Dom Micco, ainsi que la tragicomédie de Samson. Le 25 juin, la lotterie de la Compagnie des Indes pour le remboursement des actions a été tirée. M. Bonnier de Lamosson a obtenu l'agrément du roi pour la charge de capitaine des chasses de la plaine de Saint-Denis et a tenu sa première audience le 8 juin. Des phénomènes météorologiques violents, incluant des tonnerres et des éclairs, ont causé des dommages à Bayeux et tué plusieurs personnes. À Liège, le couvent des Franciscains a été détruit par le tonnerre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 2822-2830
Poësies du P. Vaniere, Jesuite, &c. [titre d'après la table]
Début :
On ne sçauroit trop multiplier les bons Livres, Robert, Libraire à Toulouze, [...]
Mots clefs :
Chasse, Poules, Jeunesse, Inaction, Ménage des champs, Agriculture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Poësies du P. Vaniere, Jesuite, &c. [titre d'après la table]
On ne sçauroit trop multiplier les
bons Livres , Robert , Libraire à Toulouze,
a réimprimé les Poësies du R. P. Vaniere
Jesuite , sur l'Agriculture , et le Ménage
des Champs. Cette Edition surpasse de
beaucoup les précedentes , non- seulement
à cause de l'augmentation de deux Livres,
P'une sur les Maladies des Arbres , l'autre
sur les Abeilles , mais parce que l'Auteur
a retouché beaucoup d'endroits , et qu'il
a répandu d'ailleurs dans tout l'Ouvrage
des Digressions , qui en rendent la lectu
re plus agréable par la beauté et par la
varieté des images.
Les bornes qui nous resserrent , nous
permettent à peine d'indiquer quelques-
I. Fol. unes
DECEMBRE 1731. 2823
unes de ces agréables Additions. Dans la
Digression sur la maniere dont il faut se
loger à la Campagne , l'Auteur , après
avoir preferé l'ancienne mode à la nou
velle , qui est d'éclairer extrémement les
Bâtimens , conclud que les François sont
si fort tyrannisez par les modes que in
morem sit venerit , aurum argentumque levi
placeat mutare papyro , &c . ce que l'Histoire
ne confirmera que trop un jour.
Dans le second Livre , rempli d'excellens
préceptes et d'images brillantes , on
trouve un trait réjouissant sur les Paniers
des Dames , qu'un Vilageois obligé de
faire un voyage à la Ville , voit pour
premiere fois. On ne peut guere mieux
exprimer le ridicule de cette mode que
par ce trait,
Obstupet in primis cum spectat in urbe puellas ,
Purpureis grandes intexere vestibus orbes ,
Qualibus ille solet sua cingere dolia vinclis :
Occupat una vias , laxosque Canephora vicos ,
Vixque suas intrat foribus bipatentibus ædes ;
Protensis latè tunicis , inflantur ut Austro ,
Carbusa , cum plenis sulcat ratis æquora velis.
la
Une Nôce de Village , morceau travaillé
avec soin finit agreablement ce
Livre.
*
1. Vol.
F vj
Le
2824 MERCURE DE FRANCE
Le troisiéme contient une Digression
bien differente , et non moins artistement
maniée ; elle est sur la Peste de Marseille ,
dont le Poëte fait le triomphe de notre Religion
, qui seule peut apprendre aux hommes
à exposer leur vie pour sauver celle de
leur Prochain. Les Ministres du Seigneur
accourent en foule pour ce pieux sujet ,
jusqu'à traverser à la nâge un Fleuve ra
pide pour arriver plutôt à Marseille.
Iter per Alumina quærunt ,
Nec dubitant ( via quæ sibi visa brevissima }
vastos ,
Amnis inexpertinando perrumpere fluctus ,
Et duplici fortes animas committere fato.
Ce grand exemple de courage et de
charité fut donné par deux PP. Capucins.
Le P. Vaniere n'oublie pas le grand
mobile de l'oeuvre de Dieu dans Marseille
, durant tout le temps que dura
cette affreuse calamité , c'est- à - dire M. l'Evêque
, dont le nom seul sera toujours un
grand Eloge.
Fecerat hos animos vitæ qui Præsul et auri ,
Prodigus , assiduis animas et corpora curis ,
Sustinuit , mortem visus calcare metumque ,
latrepida vadens per strata cadavera passu .
I. Fol.. Less
1
"
(
DECEMBRE 1731. 2825
Les justes louanges dues en cette occasion
à M les Officiers des Galeres ne
sont pas non- plus omises. Ils ne convien
dront cependant pas eux-mêmes de tout
ce que l'enthousiasme poëtique fait dire
à notre Auteur de ces combats de Mer ,
ausquels ils se sont , dit-il , auparavant
trouvez , &c. On sçait que les Galéres
n'en ont point donné depuis près 'd'un ·
siecle , faure d'occasion , mais cela ne fair
aucun tort à leur veritable gloire sur le
sujet dont il s'agit ici ..
Necisque Ministram ,
Inter bella manum vitæ admovere tuendæ ;
Afflatam neque peste magis timuere , cruentam -
Quam prius horruerant media inter prælia mor-
Iem ..
Nous passons bien des choses agréables
et utiles , par la raison que nous
avons dite , pour ne point omettre quelques
endroits qui méritent d'être particu
lierement remarquez ; par exemple , dans
le dixiéme Livre le Poëte s'exprime ainsi
sur les Larmes de la Vigne , utiles pour :
le soulagement des douleurs de la Pierre,
et your faire passer l'yvresse .
Si largius olim ,
Hausta nocent quæ vina dabit , præsaga futuri , )
I. Vol. Pro
2826 MERCURE DE FRANCE
Providet auxilium succo lacrymosa salubri ,
Vulnus opemque ferens uno de stipite vitis.
Dans le XII . la peinture et tout ce qu'il
dit du Paon , a quelque chose qui frappe
et qui doit contenter les Connoisseurs les
plus difficiles.
En pictas ut in orbem gemineus alas ,
Explicat ; et caudæ longo quasi syrmate verrens,
Atria , gallinas inter gallumque minorem ,
Atque humiles inter capos , anatumque cohortem
Fluctivagam , cunctis mirantibus , altior unus ,
Ingreditur , plumisque tumens , cristâque su
perbus ,
Regia fastosa jactat diademata frontis.
Et un peu plus bas sur l'usage des Plu
mes de ce superbe Oyseau.
Pictæ det gemmea caudæ ,
Ornamenta Ducum Galeis , det et aurea Flabra
Queis molles animant Zephiros æstate Puellæ,
L'empressement qu'ont les meres ambitieuses
des jeunes Paons , de les produire
avant qu'elles ayent suffisamment couvé
tous les oeufs , donne ici lieu au P. Vaniere
de les comparer , avec son énergie
ordinaire , aux Poëtes trop avides de gloi-
> qui ne prennent pas assez de peine
I. Vol. • pous
DECEMBRE. 1731. 4 2827
pour rendre leurs Ouvrages finis et parfaits
, avant que de les exposer au grand
jour.
Ce qu'il a ajoûté dans le même Livre
au sujet des Poules , est également d'un
excellent Poëte et d'un bon Physicien .
Quoique les Poules se levent et se couchent
ordinairement avec le Soleil , l'Auteur
les a vûës se retirer à Midi pendant
l'Eclipse du mois de May 1715.
et sortir incessamment après que le Soleil'
eut reparû .
Obstupuere breues tenebras , er solis oborti ,
Præcipitem , Gallo non compellante, recursum
Le XIII. Livre destiné à chanter les Colombes
, a reçû aussi des changemens et des
Additions heureuses de la main de l'habile
Auteur. Par exemple , sur l'attachement
qu'ont les Pigeons pour leur ancienne
demeure , il n'a pas oublié l'avantage que
les Romains en tirerent pendant le Siege
de la Ville de Modene. Ils avoient transporté
au Camp des Pigeons de la Ville ,
et ils avoient envoyé au Gouverneur de
la Place des Pigeons de la Campagne
qu'on lâchoit de part et d'autre , quand
il y avoit quelque chose d'important à
faire sçavoir.
I. Vol
-
Ob
2828 MERCURE DE FRANCE
Obsessis tellure viis , it nuncia Coelo ,
Sub pennis nexas ultro citroque tabellas ;
Telorum secura ferens.
Notre Poëté a sans doute ignoré , car
il en auroit dit un mot , que la mêmé
chose se pratique encore tous les jours
entre nos Marchands François d'Alep ;
et leurs Correspondans d'Alexandrete ,
lesquels par le moyen des Pigeons , se
donnent réciproquement avis de l'arrivée
des Vaisseaux d'Europe , de leurs charges
mens, du prix courant des Marchandises ,
du passage des Caravannes et de tout ce
qui peut interesser leur Commerce."
Nous finirons par une Digression heu
reuse et des mieux travaillées , sur les Chasses
du Roi , ajoutée au seiziéme Livre .
Ce noble exercice donne à la Jeunesse
des avantages,sur lesquels le Poëte préludè
d'abord en ces termes :
Nobilium labor ille virum est, bellique cruenti ,
Dulce rudimentum : Juvenes exercita cursu ,
Corpora venando durant ad frigus et æstum ,
Corda sibi generosa parant, animamque capacem3.
Mortis et expertem media inter tela pavoris :
Exercent et ad arma manus ; astuque ferarum ,
At nemorum insidiis et bellica furte docentur , 1
Is Vol. HostilesDECEMBRE.
1731. 2825
Hostilesque dolos ; domitorum strage Luporum ,
Nobile Martis opus discunt ; et ab hoste tuentur ,
Defensos Apris à vastatoribus agros.
Il n'y a que la Chasse , ajoûte- t'il , qui
puisse disposer la Jeunesse aux penibles
travaux de la guerre , et suppléer à l'utilité
des Carousels et des autres exercices
depuis long- temps abandonnez , les .
quels fortifioient le corps en délassant
Besprit.
Fluxit in hos juvenum nunc mollis inertia mores
Ut nisi venandi studium firmaverit artus
Torpeat enervi cum corpore bellicus ardor :
Deservere pilam, simulacraque ludricæ pugnæ ,
Et celeres in equo cursus , &c....
Vestitu indulgent muliebrite , oraque fuco
Dedecorant , speculumque magis quàm ferrea
tractant
Tela manu : dant vel choreis vel amoribus unum ,
Dulcibus aut epulis ludum ; resolutaque luxu
Corpora militiæ tradunt ; nisi forte Dianæ .
Quam Veneri servire , ferisque nivosa sequendis,
Per loca maluerint acri praludere bello.
Pour remedier à l'inaction , source des
desordres du temps,que le Poëte vient de
remarquer ; un grand Roy , continuë- t'il ,
L.. Vol. yeut
2830 MERCURE DE FRANCE
veut tacher par son exemple d'inspirer
l'amour de la Chasse à la Noblesse Françoise
et empêcher par ce laborieux exercice
qu'une longue Paix n'énerve enfin
son courage.
Exemplo mores et tempora Princeps
Emendare volens , ubi magna negotia Regni
Explicuit ; vacuas rerum venatibus horas
Dans Lodoix , bellum Gallos desuescere longâ ,
Pace vetat : juvenum ftoremper acerba Locorum
Indefessus agit vaga post vestigia cervi :
Et soles hyememque pati , Martisque labores
Ferre docet,presensque levat : duce Principe sudor
Erroresque placent ; neque jam palatia curant ,
Cum populi Lodoix amor inde recedit , et
Aulæ
Delicias secum montes transmutat in altos,
bons Livres , Robert , Libraire à Toulouze,
a réimprimé les Poësies du R. P. Vaniere
Jesuite , sur l'Agriculture , et le Ménage
des Champs. Cette Edition surpasse de
beaucoup les précedentes , non- seulement
à cause de l'augmentation de deux Livres,
P'une sur les Maladies des Arbres , l'autre
sur les Abeilles , mais parce que l'Auteur
a retouché beaucoup d'endroits , et qu'il
a répandu d'ailleurs dans tout l'Ouvrage
des Digressions , qui en rendent la lectu
re plus agréable par la beauté et par la
varieté des images.
Les bornes qui nous resserrent , nous
permettent à peine d'indiquer quelques-
I. Fol. unes
DECEMBRE 1731. 2823
unes de ces agréables Additions. Dans la
Digression sur la maniere dont il faut se
loger à la Campagne , l'Auteur , après
avoir preferé l'ancienne mode à la nou
velle , qui est d'éclairer extrémement les
Bâtimens , conclud que les François sont
si fort tyrannisez par les modes que in
morem sit venerit , aurum argentumque levi
placeat mutare papyro , &c . ce que l'Histoire
ne confirmera que trop un jour.
Dans le second Livre , rempli d'excellens
préceptes et d'images brillantes , on
trouve un trait réjouissant sur les Paniers
des Dames , qu'un Vilageois obligé de
faire un voyage à la Ville , voit pour
premiere fois. On ne peut guere mieux
exprimer le ridicule de cette mode que
par ce trait,
Obstupet in primis cum spectat in urbe puellas ,
Purpureis grandes intexere vestibus orbes ,
Qualibus ille solet sua cingere dolia vinclis :
Occupat una vias , laxosque Canephora vicos ,
Vixque suas intrat foribus bipatentibus ædes ;
Protensis latè tunicis , inflantur ut Austro ,
Carbusa , cum plenis sulcat ratis æquora velis.
la
Une Nôce de Village , morceau travaillé
avec soin finit agreablement ce
Livre.
*
1. Vol.
F vj
Le
2824 MERCURE DE FRANCE
Le troisiéme contient une Digression
bien differente , et non moins artistement
maniée ; elle est sur la Peste de Marseille ,
dont le Poëte fait le triomphe de notre Religion
, qui seule peut apprendre aux hommes
à exposer leur vie pour sauver celle de
leur Prochain. Les Ministres du Seigneur
accourent en foule pour ce pieux sujet ,
jusqu'à traverser à la nâge un Fleuve ra
pide pour arriver plutôt à Marseille.
Iter per Alumina quærunt ,
Nec dubitant ( via quæ sibi visa brevissima }
vastos ,
Amnis inexpertinando perrumpere fluctus ,
Et duplici fortes animas committere fato.
Ce grand exemple de courage et de
charité fut donné par deux PP. Capucins.
Le P. Vaniere n'oublie pas le grand
mobile de l'oeuvre de Dieu dans Marseille
, durant tout le temps que dura
cette affreuse calamité , c'est- à - dire M. l'Evêque
, dont le nom seul sera toujours un
grand Eloge.
Fecerat hos animos vitæ qui Præsul et auri ,
Prodigus , assiduis animas et corpora curis ,
Sustinuit , mortem visus calcare metumque ,
latrepida vadens per strata cadavera passu .
I. Fol.. Less
1
"
(
DECEMBRE 1731. 2825
Les justes louanges dues en cette occasion
à M les Officiers des Galeres ne
sont pas non- plus omises. Ils ne convien
dront cependant pas eux-mêmes de tout
ce que l'enthousiasme poëtique fait dire
à notre Auteur de ces combats de Mer ,
ausquels ils se sont , dit-il , auparavant
trouvez , &c. On sçait que les Galéres
n'en ont point donné depuis près 'd'un ·
siecle , faure d'occasion , mais cela ne fair
aucun tort à leur veritable gloire sur le
sujet dont il s'agit ici ..
Necisque Ministram ,
Inter bella manum vitæ admovere tuendæ ;
Afflatam neque peste magis timuere , cruentam -
Quam prius horruerant media inter prælia mor-
Iem ..
Nous passons bien des choses agréables
et utiles , par la raison que nous
avons dite , pour ne point omettre quelques
endroits qui méritent d'être particu
lierement remarquez ; par exemple , dans
le dixiéme Livre le Poëte s'exprime ainsi
sur les Larmes de la Vigne , utiles pour :
le soulagement des douleurs de la Pierre,
et your faire passer l'yvresse .
Si largius olim ,
Hausta nocent quæ vina dabit , præsaga futuri , )
I. Vol. Pro
2826 MERCURE DE FRANCE
Providet auxilium succo lacrymosa salubri ,
Vulnus opemque ferens uno de stipite vitis.
Dans le XII . la peinture et tout ce qu'il
dit du Paon , a quelque chose qui frappe
et qui doit contenter les Connoisseurs les
plus difficiles.
En pictas ut in orbem gemineus alas ,
Explicat ; et caudæ longo quasi syrmate verrens,
Atria , gallinas inter gallumque minorem ,
Atque humiles inter capos , anatumque cohortem
Fluctivagam , cunctis mirantibus , altior unus ,
Ingreditur , plumisque tumens , cristâque su
perbus ,
Regia fastosa jactat diademata frontis.
Et un peu plus bas sur l'usage des Plu
mes de ce superbe Oyseau.
Pictæ det gemmea caudæ ,
Ornamenta Ducum Galeis , det et aurea Flabra
Queis molles animant Zephiros æstate Puellæ,
L'empressement qu'ont les meres ambitieuses
des jeunes Paons , de les produire
avant qu'elles ayent suffisamment couvé
tous les oeufs , donne ici lieu au P. Vaniere
de les comparer , avec son énergie
ordinaire , aux Poëtes trop avides de gloi-
> qui ne prennent pas assez de peine
I. Vol. • pous
DECEMBRE. 1731. 4 2827
pour rendre leurs Ouvrages finis et parfaits
, avant que de les exposer au grand
jour.
Ce qu'il a ajoûté dans le même Livre
au sujet des Poules , est également d'un
excellent Poëte et d'un bon Physicien .
Quoique les Poules se levent et se couchent
ordinairement avec le Soleil , l'Auteur
les a vûës se retirer à Midi pendant
l'Eclipse du mois de May 1715.
et sortir incessamment après que le Soleil'
eut reparû .
Obstupuere breues tenebras , er solis oborti ,
Præcipitem , Gallo non compellante, recursum
Le XIII. Livre destiné à chanter les Colombes
, a reçû aussi des changemens et des
Additions heureuses de la main de l'habile
Auteur. Par exemple , sur l'attachement
qu'ont les Pigeons pour leur ancienne
demeure , il n'a pas oublié l'avantage que
les Romains en tirerent pendant le Siege
de la Ville de Modene. Ils avoient transporté
au Camp des Pigeons de la Ville ,
et ils avoient envoyé au Gouverneur de
la Place des Pigeons de la Campagne
qu'on lâchoit de part et d'autre , quand
il y avoit quelque chose d'important à
faire sçavoir.
I. Vol
-
Ob
2828 MERCURE DE FRANCE
Obsessis tellure viis , it nuncia Coelo ,
Sub pennis nexas ultro citroque tabellas ;
Telorum secura ferens.
Notre Poëté a sans doute ignoré , car
il en auroit dit un mot , que la mêmé
chose se pratique encore tous les jours
entre nos Marchands François d'Alep ;
et leurs Correspondans d'Alexandrete ,
lesquels par le moyen des Pigeons , se
donnent réciproquement avis de l'arrivée
des Vaisseaux d'Europe , de leurs charges
mens, du prix courant des Marchandises ,
du passage des Caravannes et de tout ce
qui peut interesser leur Commerce."
Nous finirons par une Digression heu
reuse et des mieux travaillées , sur les Chasses
du Roi , ajoutée au seiziéme Livre .
Ce noble exercice donne à la Jeunesse
des avantages,sur lesquels le Poëte préludè
d'abord en ces termes :
Nobilium labor ille virum est, bellique cruenti ,
Dulce rudimentum : Juvenes exercita cursu ,
Corpora venando durant ad frigus et æstum ,
Corda sibi generosa parant, animamque capacem3.
Mortis et expertem media inter tela pavoris :
Exercent et ad arma manus ; astuque ferarum ,
At nemorum insidiis et bellica furte docentur , 1
Is Vol. HostilesDECEMBRE.
1731. 2825
Hostilesque dolos ; domitorum strage Luporum ,
Nobile Martis opus discunt ; et ab hoste tuentur ,
Defensos Apris à vastatoribus agros.
Il n'y a que la Chasse , ajoûte- t'il , qui
puisse disposer la Jeunesse aux penibles
travaux de la guerre , et suppléer à l'utilité
des Carousels et des autres exercices
depuis long- temps abandonnez , les .
quels fortifioient le corps en délassant
Besprit.
Fluxit in hos juvenum nunc mollis inertia mores
Ut nisi venandi studium firmaverit artus
Torpeat enervi cum corpore bellicus ardor :
Deservere pilam, simulacraque ludricæ pugnæ ,
Et celeres in equo cursus , &c....
Vestitu indulgent muliebrite , oraque fuco
Dedecorant , speculumque magis quàm ferrea
tractant
Tela manu : dant vel choreis vel amoribus unum ,
Dulcibus aut epulis ludum ; resolutaque luxu
Corpora militiæ tradunt ; nisi forte Dianæ .
Quam Veneri servire , ferisque nivosa sequendis,
Per loca maluerint acri praludere bello.
Pour remedier à l'inaction , source des
desordres du temps,que le Poëte vient de
remarquer ; un grand Roy , continuë- t'il ,
L.. Vol. yeut
2830 MERCURE DE FRANCE
veut tacher par son exemple d'inspirer
l'amour de la Chasse à la Noblesse Françoise
et empêcher par ce laborieux exercice
qu'une longue Paix n'énerve enfin
son courage.
Exemplo mores et tempora Princeps
Emendare volens , ubi magna negotia Regni
Explicuit ; vacuas rerum venatibus horas
Dans Lodoix , bellum Gallos desuescere longâ ,
Pace vetat : juvenum ftoremper acerba Locorum
Indefessus agit vaga post vestigia cervi :
Et soles hyememque pati , Martisque labores
Ferre docet,presensque levat : duce Principe sudor
Erroresque placent ; neque jam palatia curant ,
Cum populi Lodoix amor inde recedit , et
Aulæ
Delicias secum montes transmutat in altos,
Fermer
Résumé : Poësies du P. Vaniere, Jesuite, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente une réimpression des 'Poësies' du Père Vaniere, jésuite, spécialisées dans l'agriculture et le ménage des champs. Cette édition, réalisée par Robert, libraire à Toulouse, est enrichie par l'ajout de deux nouveaux livres : l'un sur les maladies des arbres et l'autre sur les abeilles. De plus, l'auteur a apporté des retouches et des digressions qui enrichissent le contenu original. Parmi les digressions notables, l'auteur critique les nouvelles modes d'éclairage des bâtiments, comparant les changements fréquents des modes françaises aux changements de papyrus. Dans le second livre, une description humoristique des paniers des dames est mise en avant. Le troisième livre contient une digression sur la peste de Marseille, soulignant le courage et la charité des ministres du Seigneur, notamment deux pères capucins et l'évêque de Marseille. Le texte mentionne également des louanges pour les officiers des galères, bien que leur rôle dans les combats de mer soit discuté. D'autres digressions traitent des larmes de la vigne, utiles pour soulager les douleurs de la pierre, et des caractéristiques du paon. Le treizième livre, dédié aux colombes, inclut des anecdotes historiques sur l'utilisation des pigeons pour la communication. Enfin, une digression sur les chasses du roi est ajoutée au seizième livre. Cette digression souligne les avantages de cet exercice pour la jeunesse et son utilité pour préparer à la guerre. Le roi est présenté comme un modèle pour inspirer la noblesse française à pratiquer la chasse et à maintenir leur courage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 489-494
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
Début :
Je n'ai pas de meilleur moïen pour prévenir les accès de l'ennui que de [...]
Mots clefs :
Châlons-en-Champagne, Plaisir, Esprit, Ouvrages, Chasse, Peintres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Chálons
en Champagne , au mois de Decembre
1732. dans laquelle il est parlé des
Ouvrages de differens Peintres renammez.
E n'ai pas de meilleur moïen pour
prévenir les accès de l'ennui que de
me rappeller ces beaux jours dont nous
avons passé ensemble la plus grande
partie. Je me transporte en esprit auprès
de vous . Il me semble que nous allons encore
, avec M. le Chevalier Dorigny, voir
le riche Cabinet de M. de Julienne aux
Gobelins. L'esprit également rempli des
idées riantes , que nous ont données les
Ouvrages de Katean, et de celles lais
J ledeche de
que
D v sept
490 MERCURE DE FRANCE
•
sent les manieres gracieuses de l'illustre
Curieux qui travaille avec tant de succès
à l'immortaliser ; nous courons chercher
de nouveaux plaisirs chez M. d'Argenville.
Il nous ouvre le Porte - feü: lle qui
contient un grand nombre de desseins
Originaux des meilleurs Maîtres des
Païs bas. Alors je ne me crois plus renfermé
dans l'enceinte de son appartement.
Je me promene avec vous dans les agréa
bles Païsages de Brugbel. Herman Svavenwelt
nous conduit auprès des Ruines
et des Solitudes des environs de Rome ,
dans lesquelles il se retiroit pour étudier
plus tranquillement la nature. Fosse de
Mompré nous égare quelquefois dans de
vastes Déserts , er du Sommet d'un Montagne
escarpée , où son génie nous transport
, il nous fait découvrir une prodigieuse
étendue de Païs . Ici nous voïons
des Vallées profondes ; là des Forêts de
Chênes et de Sapins , qui les couvrent de
leur ombre ; un amas de Cabannes nous
présente un peu plus loin l'Image de la
retraite de l'Innocence .
ť
A quelque distance s'éleve un Château
, dont les Jardins délicieux s'étendent
jusqu'aux bords d'un Fleuve , qui
serpente en formant plusieurs Isles . Ne
diroit- on pas que ses Eaux portent l'abonMAR
S. 1733 . 491
bondance dans les Campagnes qu'il ar-
Fose , et qu'elles facilitent le commerce
d'un nombre de Villes et de Bourgades
qui se perdent dans l'éloignement ? A
peine sommes - nous descendus de la Mon
tagne de Mompré , que Bloemaert nous
invite à nous reposer avec ses Bergers.
Appuyez contre le Tronc noüeux d'un
vieux Chesne , nous les considerons quel
que- temps ; leur simplicité , leur candeur
nous disposent à trouver du plaisir dans
une Chaumine enfumée , dans laquelle
Rinbrant nous conduit.
Après que nous avons raisonné sur la
Phisionomie d'un vieux Pere de famille
qui fixe Pattention de son Epouse et de
ses Enfans , par la lecture qu'il leur fait ,
à la clarté d'une Lampe. D. Teniers , nous
tire de ce réduit , pour nous donner le
Spectacle d'une . Fête de Village, Pierre
de Laert , Brauver et Van Ostade , nous
font entrer au Cabaret : par bonheur malgré
ce qu'ils nous y montrent de divertissant
nous n'aimons pas à y rester autant
qu'eux ; nous sortons pour prendre
dans les Champs un plaisir plus digne de
nous. Bergheim nous le Procure ; nous
entendons le Bêlement de ses Brebis , et le
Mugissement de ses Boeufs , auprès d'une
Cascade qui se précipite à travers des Ro
Dvj chers
492 MERCURE DE FRANCE
chers qui ne paroissent accessibles qu'aux
Chévres qui vont y dépouiller les Buissons.
Cette vûë nous porte à d'agréables réveries
; mais tout à'coup nous voïons accourir
une troupe de Dames et de Cavaliers
, montez sur les plus beaux Chevaux
de l'Ecurie de Vanverman. Ils reviennent
ensemble de la Chasse ; nous
nous en appercevons aux Veneurs , aux
Fauconniers , aux Chiens , aux Оyseaux
de Proye , aux Valets chargez de Gibier ,
qui les suivent. Les Païsans sortent de
feurs Maisons pour admirer leur Equipage
leste et galant ; d'un côté les Meres
font remarquer à leurs Enfans la grosseur
énorme du Sanglier qui vient d'être
pris ; et d'un autre elles retirent avec
précipitation ceux qu'une curiosité témeraire
expose trop à la vivacité des
Chevaux .
Que dirai - je du Regal dont nous sommes
redevables aux attentions de Jean
Bol? Rien ne lui a échappé dans la nature
de tout ce qui pouvoit nous réjouir
la Chasse , la Pêche , les Occupations
, les Amusemens de la Campagne ,
les Oyseaux , les Animaux , les Poissons ,
les Insectes , les Reptiles , les Fleurs , les
Fruits , les Plantes et les Coquillages
pous
MAR S. 1733-
493
nous sont offerts dans le petit espace de
son Domaine. Enfin Corneille Poclenbourg
permet à Diane et à ses Nimphes de se
baigner devant nous , et Rotenhamer n'a
pas moins de complaisance.
Voilà , Monsieur , les douces illusions
que je ne cesse d'entretenir ; voilà les temedes
les plus efficaces que j'employe
pour détourner la mélancolie , qui pourroit
répandre sur mon esprit autant de
nuages que la triste saison de l'Hyver répand
autour de moi de Brouillars et de
Frimats. C'est ainsi que j'écarte l'ennui
de ma solitude je suis aidé par quelques:
Estampes que je viens de recevoir d'Allemagne
, le dessein et la gravure ne les
rendent pas recommandables . Qu'importe
? Elles m'ainusent par la variété des objets
qu'elles représentent , et, mon imagination
prend plaisir à finir ce qu'ellės:
n'ont fait qu'ébaucher ; je m'y promene
dans de vastes Jardins sans me lasser, j'en
parcours les Labyrintes sans m'égarer , je
m'y retire dans des Grottes dont je ne
crains pas que l'humidité m'incommode
; j'y vois de près les Ours et les Sangliers
sans redouter ni les Grifes des uns ,
ni les Deffenses meutrieres des autres; j'y
partage les travaux des Païsans de Souabe
sans me fatiguer , et leurs divertissemens
Sans
494 MERCURE
DE FRANCE
sans me compromettre
; enfin il me sems
ble ( n'est- ce pas ce que l'on peut penser
de plus flateur ? ) que je fais l'amour aux
plus jolies Bergeres sans avoir rien à
craindre , ni de la satire des envieux , ni
de la persécution des jaloux.
en Champagne , au mois de Decembre
1732. dans laquelle il est parlé des
Ouvrages de differens Peintres renammez.
E n'ai pas de meilleur moïen pour
prévenir les accès de l'ennui que de
me rappeller ces beaux jours dont nous
avons passé ensemble la plus grande
partie. Je me transporte en esprit auprès
de vous . Il me semble que nous allons encore
, avec M. le Chevalier Dorigny, voir
le riche Cabinet de M. de Julienne aux
Gobelins. L'esprit également rempli des
idées riantes , que nous ont données les
Ouvrages de Katean, et de celles lais
J ledeche de
que
D v sept
490 MERCURE DE FRANCE
•
sent les manieres gracieuses de l'illustre
Curieux qui travaille avec tant de succès
à l'immortaliser ; nous courons chercher
de nouveaux plaisirs chez M. d'Argenville.
Il nous ouvre le Porte - feü: lle qui
contient un grand nombre de desseins
Originaux des meilleurs Maîtres des
Païs bas. Alors je ne me crois plus renfermé
dans l'enceinte de son appartement.
Je me promene avec vous dans les agréa
bles Païsages de Brugbel. Herman Svavenwelt
nous conduit auprès des Ruines
et des Solitudes des environs de Rome ,
dans lesquelles il se retiroit pour étudier
plus tranquillement la nature. Fosse de
Mompré nous égare quelquefois dans de
vastes Déserts , er du Sommet d'un Montagne
escarpée , où son génie nous transport
, il nous fait découvrir une prodigieuse
étendue de Païs . Ici nous voïons
des Vallées profondes ; là des Forêts de
Chênes et de Sapins , qui les couvrent de
leur ombre ; un amas de Cabannes nous
présente un peu plus loin l'Image de la
retraite de l'Innocence .
ť
A quelque distance s'éleve un Château
, dont les Jardins délicieux s'étendent
jusqu'aux bords d'un Fleuve , qui
serpente en formant plusieurs Isles . Ne
diroit- on pas que ses Eaux portent l'abonMAR
S. 1733 . 491
bondance dans les Campagnes qu'il ar-
Fose , et qu'elles facilitent le commerce
d'un nombre de Villes et de Bourgades
qui se perdent dans l'éloignement ? A
peine sommes - nous descendus de la Mon
tagne de Mompré , que Bloemaert nous
invite à nous reposer avec ses Bergers.
Appuyez contre le Tronc noüeux d'un
vieux Chesne , nous les considerons quel
que- temps ; leur simplicité , leur candeur
nous disposent à trouver du plaisir dans
une Chaumine enfumée , dans laquelle
Rinbrant nous conduit.
Après que nous avons raisonné sur la
Phisionomie d'un vieux Pere de famille
qui fixe Pattention de son Epouse et de
ses Enfans , par la lecture qu'il leur fait ,
à la clarté d'une Lampe. D. Teniers , nous
tire de ce réduit , pour nous donner le
Spectacle d'une . Fête de Village, Pierre
de Laert , Brauver et Van Ostade , nous
font entrer au Cabaret : par bonheur malgré
ce qu'ils nous y montrent de divertissant
nous n'aimons pas à y rester autant
qu'eux ; nous sortons pour prendre
dans les Champs un plaisir plus digne de
nous. Bergheim nous le Procure ; nous
entendons le Bêlement de ses Brebis , et le
Mugissement de ses Boeufs , auprès d'une
Cascade qui se précipite à travers des Ro
Dvj chers
492 MERCURE DE FRANCE
chers qui ne paroissent accessibles qu'aux
Chévres qui vont y dépouiller les Buissons.
Cette vûë nous porte à d'agréables réveries
; mais tout à'coup nous voïons accourir
une troupe de Dames et de Cavaliers
, montez sur les plus beaux Chevaux
de l'Ecurie de Vanverman. Ils reviennent
ensemble de la Chasse ; nous
nous en appercevons aux Veneurs , aux
Fauconniers , aux Chiens , aux Оyseaux
de Proye , aux Valets chargez de Gibier ,
qui les suivent. Les Païsans sortent de
feurs Maisons pour admirer leur Equipage
leste et galant ; d'un côté les Meres
font remarquer à leurs Enfans la grosseur
énorme du Sanglier qui vient d'être
pris ; et d'un autre elles retirent avec
précipitation ceux qu'une curiosité témeraire
expose trop à la vivacité des
Chevaux .
Que dirai - je du Regal dont nous sommes
redevables aux attentions de Jean
Bol? Rien ne lui a échappé dans la nature
de tout ce qui pouvoit nous réjouir
la Chasse , la Pêche , les Occupations
, les Amusemens de la Campagne ,
les Oyseaux , les Animaux , les Poissons ,
les Insectes , les Reptiles , les Fleurs , les
Fruits , les Plantes et les Coquillages
pous
MAR S. 1733-
493
nous sont offerts dans le petit espace de
son Domaine. Enfin Corneille Poclenbourg
permet à Diane et à ses Nimphes de se
baigner devant nous , et Rotenhamer n'a
pas moins de complaisance.
Voilà , Monsieur , les douces illusions
que je ne cesse d'entretenir ; voilà les temedes
les plus efficaces que j'employe
pour détourner la mélancolie , qui pourroit
répandre sur mon esprit autant de
nuages que la triste saison de l'Hyver répand
autour de moi de Brouillars et de
Frimats. C'est ainsi que j'écarte l'ennui
de ma solitude je suis aidé par quelques:
Estampes que je viens de recevoir d'Allemagne
, le dessein et la gravure ne les
rendent pas recommandables . Qu'importe
? Elles m'ainusent par la variété des objets
qu'elles représentent , et, mon imagination
prend plaisir à finir ce qu'ellės:
n'ont fait qu'ébaucher ; je m'y promene
dans de vastes Jardins sans me lasser, j'en
parcours les Labyrintes sans m'égarer , je
m'y retire dans des Grottes dont je ne
crains pas que l'humidité m'incommode
; j'y vois de près les Ours et les Sangliers
sans redouter ni les Grifes des uns ,
ni les Deffenses meutrieres des autres; j'y
partage les travaux des Païsans de Souabe
sans me fatiguer , et leurs divertissemens
Sans
494 MERCURE
DE FRANCE
sans me compromettre
; enfin il me sems
ble ( n'est- ce pas ce que l'on peut penser
de plus flateur ? ) que je fais l'amour aux
plus jolies Bergeres sans avoir rien à
craindre , ni de la satire des envieux , ni
de la persécution des jaloux.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Châlons en Champagne, au mois de Decembre 1732. dans laquelle il est parlé des Ouvrages de differens Peintres renommez.
En décembre 1732, à Châlons en Champagne, une lettre évoque les souvenirs agréables partagés entre l'auteur et un ami. Ils se remémorent la visite du riche cabinet de M. de Julienne aux Gobelins, où ils ont admiré les œuvres de peintres tels que Katean et Le Deche de Septembre. Par la suite, ils se rendent chez M. d'Argenville pour contempler des dessins originaux des maîtres des Pays-Bas. La lettre décrit ensuite des promenades imaginaires à travers divers paysages et œuvres d'art. Ils se promènent dans les paysages de Brughel, explorent les ruines romaines de Herman Svavenwelt, et traversent les vastes déserts de Fosse de Mompré. Ils visitent également des scènes pastorales de Bloemaert, des intérieurs de Rembrandt, et des fêtes de village de David Teniers. La lettre se conclut par des scènes de chasse et des paysages campagnards, illustrant comment l'auteur utilise son imagination pour échapper à l'ennui et à la mélancolie hivernale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 992-993
Autres d'après Wauvermans, [titre d'après la table]
Début :
PHILIPPE WAUVERMANS, Peintre Hollandois, en petites Figures, grand Paysagiste, qui a excellé [...]
Mots clefs :
Philips Wouwerman, Cabinet, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autres d'après Wauvermans, [titre d'après la table]
PHILIPPE WAUVERMANS , Peintre Hollandois ,
en petites Figures , grand Paysagiste , qui a excellé
pour les Batailles , les Chasses , les Animaux
et sur tout pour les Chevaux , sembloit avoir été
negligé par les Graveurs de notre siecle , de quoi il
y a lieu de s'étonner ; car peu de Tableaux de
Chevalet des meilleurs Maîtres sont si bien
composez , si agréables , si estimez et si chéris
parr les Curieux .
>
Il paroît depuis peu six belles Estampes d'après
Wauvermans , gravées par le sieur Moyreau, et
qui ont un fort grand débit chez lui où elles se
vendent , rue Galande , vis - à - vis la Chapelle de
saint Blaise.
Le principal Morceau et une GRANDI
CHASSE A L'OISEAU , riche et abondante Composition
d'après le Tableau original du fameux
Cabinet de la Comtesse de Verrue , de 42. pouces
de large sur 28. pouces de haut.
D'EPART POUR LA CHASSE , d'après l'Original
du Cabinet de M. Crosat , 30 pouces de
large sur 14. et demi de haut.
R
" M A Y.
993 1733.
RETOUR DE CHASSE ET CURE'E , du Cabinet
de Monseigneur le Duc d'Orleans , 24.
pouces de large , sur 18 .
ABREVOIR , du Cabinet de la Comtesse de
Verrue , mêmes dimentions.
CHASSE AUX CANARDS , du Cabinet de
M. Crosat , 15. pouces de haut , sur 12 .
LA MARCHANDE DE MARE'E ; du même
Cabinet et mêmes dimentions.
en petites Figures , grand Paysagiste , qui a excellé
pour les Batailles , les Chasses , les Animaux
et sur tout pour les Chevaux , sembloit avoir été
negligé par les Graveurs de notre siecle , de quoi il
y a lieu de s'étonner ; car peu de Tableaux de
Chevalet des meilleurs Maîtres sont si bien
composez , si agréables , si estimez et si chéris
parr les Curieux .
>
Il paroît depuis peu six belles Estampes d'après
Wauvermans , gravées par le sieur Moyreau, et
qui ont un fort grand débit chez lui où elles se
vendent , rue Galande , vis - à - vis la Chapelle de
saint Blaise.
Le principal Morceau et une GRANDI
CHASSE A L'OISEAU , riche et abondante Composition
d'après le Tableau original du fameux
Cabinet de la Comtesse de Verrue , de 42. pouces
de large sur 28. pouces de haut.
D'EPART POUR LA CHASSE , d'après l'Original
du Cabinet de M. Crosat , 30 pouces de
large sur 14. et demi de haut.
R
" M A Y.
993 1733.
RETOUR DE CHASSE ET CURE'E , du Cabinet
de Monseigneur le Duc d'Orleans , 24.
pouces de large , sur 18 .
ABREVOIR , du Cabinet de la Comtesse de
Verrue , mêmes dimentions.
CHASSE AUX CANARDS , du Cabinet de
M. Crosat , 15. pouces de haut , sur 12 .
LA MARCHANDE DE MARE'E ; du même
Cabinet et mêmes dimentions.
Fermer
Résumé : Autres d'après Wauvermans, [titre d'après la table]
Philippe Wauvermans est un peintre hollandais célèbre pour ses petites figures, ses paysages et ses scènes de batailles, de chasses et d'animaux, notamment les chevaux. Ses œuvres sont bien composées, agréables et appréciées des amateurs d'art. Cependant, il a été peu représenté par les graveurs de son époque. Récemment, six estampes d'après Wauvermans ont été gravées par le sieur Moyreau. Ces estampes sont très populaires et se vendent bien chez Moyreau, rue Galande, en face de la Chapelle de saint Blaise. Parmi les œuvres gravées, on trouve 'Grand Chasse à l'oiseau' d'après un tableau du cabinet de la Comtesse de Verrue, mesurant 42 pouces de large sur 28 pouces de haut. D'autres œuvres notables incluent 'Départ pour la chasse' du cabinet de M. Crosat, 'Retour de chasse et cure' du cabinet du Duc d'Orléans, 'Abrevoir' du cabinet de la Comtesse de Verrue, 'Chasse aux canards' et 'La marchande de marée' du cabinet de M. Crosat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 2266
GRANDE BRETAGNE.
Début :
On écrit de Londres, que sur la fin du mois dernier, un Cerf que Leurs Majestez chassoient, [...]
Mots clefs :
Cerf, Chasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres , que sur la fin du mois -
dernier , un Cerf que Leurs Majestez chassoient
, étant entré dans un Champ, auquel on ne
pouvoit arriver que par un passage fort étroit,
le Proprietaire ferma ce passage avec une chaîne,
et: déclara qu'il ne souffriroit point que les
Chasseurs suivissent le Cerf , à moins qu'on ne
le dédommageât du dégât qu'ils feroient sur sa
terre ; quelques jeunes Seigneurs , qui étoient à
la suite du Roy , voulurent passer malgré l'oppofition
du Paysan , mais le Roy le leur déf
fendit , et fit donner plusieurs guinées à cet hommes
qui moyennant ce présent , consentit qu'on
ôtât cette chaîne..
Le Chevalier Ossorio , Envoyé extraordinaire
du Roy de Sardaigne , a ed depuis peu une Audience
particuliere du Roy , à qui il donna part
2
du Traité d'alliance conclu entre le Roy de Franca
et le Roy son Maître.
N écrit de Londres , que sur la fin du mois -
dernier , un Cerf que Leurs Majestez chassoient
, étant entré dans un Champ, auquel on ne
pouvoit arriver que par un passage fort étroit,
le Proprietaire ferma ce passage avec une chaîne,
et: déclara qu'il ne souffriroit point que les
Chasseurs suivissent le Cerf , à moins qu'on ne
le dédommageât du dégât qu'ils feroient sur sa
terre ; quelques jeunes Seigneurs , qui étoient à
la suite du Roy , voulurent passer malgré l'oppofition
du Paysan , mais le Roy le leur déf
fendit , et fit donner plusieurs guinées à cet hommes
qui moyennant ce présent , consentit qu'on
ôtât cette chaîne..
Le Chevalier Ossorio , Envoyé extraordinaire
du Roy de Sardaigne , a ed depuis peu une Audience
particuliere du Roy , à qui il donna part
2
du Traité d'alliance conclu entre le Roy de Franca
et le Roy son Maître.
Fermer
Résumé : GRANDE BRETAGNE.
En Grande-Bretagne, un cerf chassé par le roi s'est réfugié dans un champ privé. Le propriétaire a bloqué l'accès et exigé une compensation. Le roi a offert plusieurs guinées pour retirer la chaîne. Par ailleurs, le Chevalier Ossorio a informé le roi de Grande-Bretagne d'un traité d'alliance entre la France et la Sardaigne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 2868-2869
« Jean Dessaint, Libraire à Paris, va débiter un Ouvrage qui paroît mériter l'attention [...] »
Début :
Jean Dessaint, Libraire à Paris, va débiter un Ouvrage qui paroît mériter l'attention [...]
Mots clefs :
Basse, Poème, Musique, Éloges, Chasse, Oraisons funèbres, Poésies spirituelles et morales
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Jean Dessaint, Libraire à Paris, va débiter un Ouvrage qui paroît mériter l'attention [...] »
Jean Dessaint , Libraire à Paris , va débiter
un Ouvrage qui paroît mériter l'at
tention des Curieux . C'est un Poëme sur
la Musique , et un autre sur la Chasse.
Une partie du premier Poëme a déja paru
à Lyon et en Hollande , et a reçu des
II.Vol.
éloges
DECEMBRE. 1733. 2869
éloges tres flateurs pour l'Auteur. Nous
ne doutons pas que ce que l'on donne de
nouveau ne soit favorablement
accueilli
par le Public. On n'a rien négligé du côté
de l'exécution
pour flater agréablement
les yeux . On y trouvera plusieurs Estampes
dessinées par Mrs de Troyes et Oudry
et gravées par M. Debats.Le Papier d'ailleurs
, le Caractere et l'Impression
vont
de pair avec ce que nous avons de mieux
en ce genre.
Le même Libraire débite une nouvelle
Edition de ce que nous avons de meilleur
en Oraisons Funebres ; c'est- à - dire
celles de Mrs Bossuet , Fléchier et Mascaron
, en 3 vol. in 12. avec le Portrait de
ces deux derniers , gravé par Edelinck. Le
prix de chaque vol . de ces Oraisons Funebres
est de 2 liv . 1o f. relié.
2
›
NOUVELLES POESIES SPIRITUELLES ct
Morales sur les plus beaux Airs de la
Musique Françoise et Italienne , avec la
Basse . A Paris , chez P. N. Lottin rue
S. Jacques 1733. in 4 en large de 44 pages
et 12 pages pour les Fables sur de
petits Airs et sur des Vaudevilles choisis ,
avec la Basse et une Basse en musette ,
prix 3 livres .
un Ouvrage qui paroît mériter l'at
tention des Curieux . C'est un Poëme sur
la Musique , et un autre sur la Chasse.
Une partie du premier Poëme a déja paru
à Lyon et en Hollande , et a reçu des
II.Vol.
éloges
DECEMBRE. 1733. 2869
éloges tres flateurs pour l'Auteur. Nous
ne doutons pas que ce que l'on donne de
nouveau ne soit favorablement
accueilli
par le Public. On n'a rien négligé du côté
de l'exécution
pour flater agréablement
les yeux . On y trouvera plusieurs Estampes
dessinées par Mrs de Troyes et Oudry
et gravées par M. Debats.Le Papier d'ailleurs
, le Caractere et l'Impression
vont
de pair avec ce que nous avons de mieux
en ce genre.
Le même Libraire débite une nouvelle
Edition de ce que nous avons de meilleur
en Oraisons Funebres ; c'est- à - dire
celles de Mrs Bossuet , Fléchier et Mascaron
, en 3 vol. in 12. avec le Portrait de
ces deux derniers , gravé par Edelinck. Le
prix de chaque vol . de ces Oraisons Funebres
est de 2 liv . 1o f. relié.
2
›
NOUVELLES POESIES SPIRITUELLES ct
Morales sur les plus beaux Airs de la
Musique Françoise et Italienne , avec la
Basse . A Paris , chez P. N. Lottin rue
S. Jacques 1733. in 4 en large de 44 pages
et 12 pages pour les Fables sur de
petits Airs et sur des Vaudevilles choisis ,
avec la Basse et une Basse en musette ,
prix 3 livres .
Fermer
Résumé : « Jean Dessaint, Libraire à Paris, va débiter un Ouvrage qui paroît mériter l'attention [...] »
Jean Dessaint, libraire à Paris, propose deux ouvrages notables. Le premier est un poème sur la musique, dont une partie a déjà été publiée à Lyon et en Hollande avec des éloges. Cette édition inclut des estampes dessinées par les sieurs de Troyes et Oudry, et gravées par M. Debats, sur un papier de haute qualité. Le second ouvrage est une nouvelle édition des meilleures oraisons funèbres, incluant celles de Bossuet, Fléchier et Mascaron, en trois volumes in-12. Cette édition contient les portraits de Fléchier et Mascaron gravés par Edelinck, et chaque volume est vendu 2 livres 10 sols, relié. Par ailleurs, P. N. Lottin publie des 'Nouvelles Poésies Spirituelles et Morales' sur les plus beaux airs de la musique française et italienne, avec la basse. Cet ouvrage, en format in-4, comprend 44 pages de poésies et 12 pages de fables sur des petits airs et des vaudevilles choisis, avec une basse en musette, au prix de 3 livres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 612-615
« Le premier Mars, il y eut Concert à Marly chez la Reine, qui fut continué [...] »
Début :
Le premier Mars, il y eut Concert à Marly chez la Reine, qui fut continué [...]
Mots clefs :
Reine, Concert, Demoiselle, Marly, Reine, Musique, Roi, Destouches, Opéra, Marie Pélissier, Chasse, Église paroissiale de Saint-Sulpice, Fête de l'Annonciation de la Vierge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le premier Mars, il y eut Concert à Marly chez la Reine, qui fut continué [...] »
Le premier Mars , il y eut Concert à
Marly chez la Reine , qui fut continué
3 et le 6. M. Destouches Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
l'Opéra de Pirame et Thisbé , mis en
Musique par les Sieurs Rebel et Francoeur,
le premier, Sur- Intendant de la Musique
en Survivance de M. Destouches , et le
second, Compositeur de la Chambre. Les
Diles Lenner , d'Aigremont et Roblin ,
chanterent lesRolles du Prologue; ceux de
Zoroastre, de Ninus, et de Pirame , furent
chantez dans laTragédie par les SrsChassé,
d'Angerville etJelior, la voix de ce dernier
parut
MARS 1734: 613
parut très touchante . Les Dlles Erremens et
Pelissier remplirent les Rolles deZoraïde et
de Thisbé avec beaucoup de précision .
La Reine eut la bonté de marquer aux
Auteurs sa satisfaction , et de louer leurs
talens. Le Poëme est de M. de la Serre.
›
Le 8 et le 9 , S. M. souhaita d'entendre
le Ballet du Carnaval et de la Folie ,
dont l'exécution parut très- brillante . Le
Rolle de la Folie fut rempli avec applaudissement
par la Dlle Pelissier , celui du
Carnaval par le Sieur d'Angerville ; la
Dlle Mathieu et le Sr Petillot , chanterent
ceux de Plutus , et de la Jeunesse. Cet
Opéra,de la composition de M. Destouches
, plut beaucoup à la Reine , S. M.
ordonna qu'on le chanteroit tous les
ahs pendant le Carnaval .
2
Le 15 , 17 et 22 , on chanta l'Opéra
·de Telemaque du même Auteur. Le Rolle
de Minerve dans le Prologue et dans la
Piéce , fut chanté par la Dlle Lenner ;
celui de Calipso par la Dlle Anuer , et
ceux d'Eucharis et de Telemaque furent
remplis d'une façon très interessante par
la Dile Pelissier et par le Sr Jeliot.
Le 11 de ce mois , le Roy étant allé
chasser sur Lotti , le cerf mena la chasse
jusqu'au près de Magni , d'où le Roy
ICVC614
MERCURE DE FRANCE
revenant à Marly , la nuit le surprit à
Meulan , et Sa Majesté prévoyant qu'il
arriveroit trop tard à Marly , alla demander
à souper à l'Abbé Bignon, qui se trouvoit
par hazard dans sa Maison de l'Isle - Belle.
Au sortir de table , le Roy partit vers les
dix heures un quart pour retourner à
Marly , témoignant beaucoup de satisfaction
de la maniere dont il avoit éte reçu .
S.M.n'étoit accompagnée que du Duc de
Richelieu , du Comte d'Ayen , du Marquis
de Coigny et du Marquis de Sourches.
Le 20 Mars on consacra solemnellement
le Grand Autel de l'Eglise Paroissiale
de Saint Sulpice ; M. l'Archevêque
de Sens en fit la cérémonie : la Reine
d'Espagne y assista avec plusieurs personnes
de considération . La cérémonie finit
par une décharge d'un grand nombre
de boëtes, et par les Aumônes que M. le
Curé fit distribuer à quantité de Pauvres
.
Le 25 Mars , Fête de l'Anronciation de
la Vierge , il y eut Concert Spirituel au
Chateau des Thuilleries . M. Mouret y
fit chanter le Magnus Dominus , excelent
Motet de M. de la Lande. La Dlle Petite .
pas
MARS 1734.
619
pas , et le Sr Jeliot en chanterent un au
tre à deux voix , qui fut très applaudi
par une très nombreuse Assemblée ; de
même que les Concerto exécutez par les
Srs Blavet et le Clair . Le Concert fut
terminé par le Motet Cantate du même
Auteur dans lequel la Dlle Erremens
chanta le beau verset Viderunt avec toute
la précision que demande un si beau
morceau de Musique .
Marly chez la Reine , qui fut continué
3 et le 6. M. Destouches Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
l'Opéra de Pirame et Thisbé , mis en
Musique par les Sieurs Rebel et Francoeur,
le premier, Sur- Intendant de la Musique
en Survivance de M. Destouches , et le
second, Compositeur de la Chambre. Les
Diles Lenner , d'Aigremont et Roblin ,
chanterent lesRolles du Prologue; ceux de
Zoroastre, de Ninus, et de Pirame , furent
chantez dans laTragédie par les SrsChassé,
d'Angerville etJelior, la voix de ce dernier
parut
MARS 1734: 613
parut très touchante . Les Dlles Erremens et
Pelissier remplirent les Rolles deZoraïde et
de Thisbé avec beaucoup de précision .
La Reine eut la bonté de marquer aux
Auteurs sa satisfaction , et de louer leurs
talens. Le Poëme est de M. de la Serre.
›
Le 8 et le 9 , S. M. souhaita d'entendre
le Ballet du Carnaval et de la Folie ,
dont l'exécution parut très- brillante . Le
Rolle de la Folie fut rempli avec applaudissement
par la Dlle Pelissier , celui du
Carnaval par le Sieur d'Angerville ; la
Dlle Mathieu et le Sr Petillot , chanterent
ceux de Plutus , et de la Jeunesse. Cet
Opéra,de la composition de M. Destouches
, plut beaucoup à la Reine , S. M.
ordonna qu'on le chanteroit tous les
ahs pendant le Carnaval .
2
Le 15 , 17 et 22 , on chanta l'Opéra
·de Telemaque du même Auteur. Le Rolle
de Minerve dans le Prologue et dans la
Piéce , fut chanté par la Dlle Lenner ;
celui de Calipso par la Dlle Anuer , et
ceux d'Eucharis et de Telemaque furent
remplis d'une façon très interessante par
la Dile Pelissier et par le Sr Jeliot.
Le 11 de ce mois , le Roy étant allé
chasser sur Lotti , le cerf mena la chasse
jusqu'au près de Magni , d'où le Roy
ICVC614
MERCURE DE FRANCE
revenant à Marly , la nuit le surprit à
Meulan , et Sa Majesté prévoyant qu'il
arriveroit trop tard à Marly , alla demander
à souper à l'Abbé Bignon, qui se trouvoit
par hazard dans sa Maison de l'Isle - Belle.
Au sortir de table , le Roy partit vers les
dix heures un quart pour retourner à
Marly , témoignant beaucoup de satisfaction
de la maniere dont il avoit éte reçu .
S.M.n'étoit accompagnée que du Duc de
Richelieu , du Comte d'Ayen , du Marquis
de Coigny et du Marquis de Sourches.
Le 20 Mars on consacra solemnellement
le Grand Autel de l'Eglise Paroissiale
de Saint Sulpice ; M. l'Archevêque
de Sens en fit la cérémonie : la Reine
d'Espagne y assista avec plusieurs personnes
de considération . La cérémonie finit
par une décharge d'un grand nombre
de boëtes, et par les Aumônes que M. le
Curé fit distribuer à quantité de Pauvres
.
Le 25 Mars , Fête de l'Anronciation de
la Vierge , il y eut Concert Spirituel au
Chateau des Thuilleries . M. Mouret y
fit chanter le Magnus Dominus , excelent
Motet de M. de la Lande. La Dlle Petite .
pas
MARS 1734.
619
pas , et le Sr Jeliot en chanterent un au
tre à deux voix , qui fut très applaudi
par une très nombreuse Assemblée ; de
même que les Concerto exécutez par les
Srs Blavet et le Clair . Le Concert fut
terminé par le Motet Cantate du même
Auteur dans lequel la Dlle Erremens
chanta le beau verset Viderunt avec toute
la précision que demande un si beau
morceau de Musique .
Fermer
Résumé : « Le premier Mars, il y eut Concert à Marly chez la Reine, qui fut continué [...] »
En mars 1734, plusieurs événements musicaux et cérémoniels marquèrent le mois. Du 1er au 6 mars, l'opéra 'Pirame et Thisbé' de Rebel et Francoeur fut interprété à Marly chez la Reine, avec des rôles principaux chantés par les demoiselles Lenner, d'Aigremont, Roblin, Erremens et Pelissier, ainsi que par les sieurs Chassé, d'Angerville et Jeliot. La Reine exprima sa satisfaction. Les 8 et 9 mars, le roi écouta le ballet 'Le Carnaval et la Folie' de Destouches, interprété par la demoiselle Pelissier, le sieur d'Angerville, la demoiselle Mathieu et le sieur Petillot. La Reine ordonna que cet opéra soit chanté quotidiennement pendant le Carnaval. Du 15 au 22 mars, l'opéra 'Télémaque' de Destouches fut chanté, avec les rôles de Minerve, Calypso, Eucharis et Télémaque interprétés par les demoiselles Lenner, Anuer, Pelissier et le sieur Jeliot. Le 11 mars, le roi chassa sur l'île de Loiti avec plusieurs nobles et soupa à Meulan chez l'abbé Bignon. Le 20 mars, l'archevêque de Sens consacra solennellement le grand autel de l'église paroissiale de Saint-Sulpice en présence de la reine d'Espagne et de personnes de considération. Le 25 mars, à l'occasion de la fête de l'Annonciation de la Vierge, un concert spirituel eut lieu au château des Tuileries. M. Mouret dirigea le 'Magnus Dominus' de M. de la Lande, et les demoiselles Petitepas et Erremens, ainsi que le sieur Jeliot, chantèrent d'autres morceaux applaudis. Les concerts furent exécutés par les sieurs Blavet et le Clair.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 644-657
LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
Début :
Je ne connois point personnellement, Monsieur, l'Auteur des Dons des Enfans [...]
Mots clefs :
Chasse, Cerf, Chiens, Temps, Ouvrage, Chasseurs, Chasse du cerf, Savary, Veneurs, Principes, Auteur, Poème, Connaissances
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
LETTRE écrite à M. D. L. R.
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
648 MERCURE DE FRANCE
. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
>
652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
E ne connois point personnellement ,
Monsieur , l'Auteur des Dons des Eng
fans de Latone , cependant je vous adresse
une Lettre , contenant les Réfléxions que
j'ai faites sur son Poëme de la Chasse du
Cerf. Vous me ferez plaisir de l'inserer
dans le premier Mercure. Je serai bienaise
de lui faire part et au public , par
votre entremise, de la justice que je rends
à son Ouvrage. J'ai l'honneur d'être, &c.
A MONSIEUR ***
Auteur des Dons des Enfans de Latone,
Poëme sur la Musique , et sur
la Chasse du Cerf.
U
pour
N Chasseur de profession hazarde
Monsieur , de prendre la plume
vous faire part de ses Réfléxions sur
la traduction libre que vous venez de
donner au public , du Poëme Latin de
Savary , sur la Chasse du Cerf ; c'est un
Auteur que j'ai étudié il y a long- temps,
et que j'ai toujours souhaité de voir traduit
en François, pour le rendre plus à la
portée des jeunes Chasseurs, à qui la Langue
A VRIL. 1734. 645
gue Latine est devenue moins familiere
qu'elle ne l'étoit de son temps .
L'Ouvrage étoit difficile , et vous avez
surpassé mes souhaits , en le rendant en
Vers , et en le faisant précéder par deux
autres Poëmes sur la Musique. Je les ai
lûs avec tout le plaisir imaginable ; mais
comme je suis moins Musicien que Chas-,
seur , je laisse le soin d'en faire l'éloge à
gens plus connoisseurs que moi en Musique
, et je me renferme uniquement dans
l'examen de votre Poëme sur la Chasse.
- J'ai toujours regardé la Chasse du Cerf
comme le plus noble , et le plus parfait
* amusement, dont les Rois , les Princes et
les Seigneurs pouvoient s'occuper ; mais
en même temps je l'ai regardé comme un
Art difficile , où 20 ans d'étude et une
grande aplication suffiroient à peine pour
découvrir tous les secrets qui en font
partie ; j'ai cru qu'il étoit indigne d'un
homme raisonnable d'y perdre son tems,
s'il ne se mettoit en état d'en acquerir.
toutes les connoissances , sans lesquelles il
ne peut trouver qu'un plaisir chimerique,
beaucoup d'ennuis, de dégoût et un
vuide aussi languissant que fatiguant,
Car est- ce en effet avoir du plaisir que
de n'être au fait de rien ? de voir passer
un Cerf sans en peuvoir rendre compte ?
B d'en
646 MERCURE DE FRANCE
d'en revoir du pied sans pouvoir juger
ni de son espece , ni de son âge ? d'être
dans l'embarras , ou se porter par l'ignorance
où l'on est des refuites du Cerf, de
ses faux rembuchemens, de ses retours et
de ses ruzes ? de ne point sçavoir comment
on s'y prend pour relever un deffaut
de ne point suivre la voix des
Chiens ? de ne point distinguer les bons
cris d'avec les mauvais ? enfin de ne faire
aucun usage de sa raison dans les occasions
embarrassantes ? Suffit- il, en verité, de
s'en rapporter à des Piqueurs, dont les lumieres
sont souvent médiocres , et le raisonnement
peu solide et un homme
d'esprit peut-il borner tous ses amusemens
à être bien monté, à enfiler de longues
routes , à courir toute une journée
sans sçavoir ce qui se passe , ce qu'on a
fait , ce qu'on peut faire , où on doit aller
, si la Meute est dans la bonne voïe ,
ou si elle a pris le change? C'est- là cependant
la situation où se trouvent les jeunes
Chasseurs pendant long- temps , et
souvent toute leur vie ; ils n'ont acquis
aucuns principes ; ils ne font que balbutier
les termes qu'ils n'ont point étudiez ; ils
n'ont fait aucunes réfléxions sur la diversité
des connoissances , faute de sçavoir où
aller,ils ne voyent rien, n'entendent rien,
perAVRIL.
1734- 647
perdent la Chasse et mettent toute leur
fortune à suivre quelquefois un bon Chasseur,
comme un Postillon qui leur procure
par hazard l'avantage de se trouver à
un Halali , ou à la mort du Cerf, C'est-là
le grand triomphe ; car tout fiers d'une
victoire où ils n'ont point contribué , ils
se croyent les plus habiles Chasseurs du
monde , et s'imaginent avoir goûté tous
les plaisirs imaginables , lorsque réellement
ils n'ont eu que beaucoup d'ennuis
et de fatigues. Ce n'est pas la maniere
dont chassoit Charles IX. et Louis
XIV. ce dernier sçavoit tout , jugeoit par
lui -même , décidoit, vouloit qu'on suivit
ses décisions , et ne se trompoit pas.
Charles IX. dans le Livre qu'il a composé
lui - même, fait voir quelles étoient
ses connoissances , par le détail où il est
entré , et de la nature des Cerfs , et de
toutes les parties de laChasse.Le sage Roi
qui nous gouverne aujourd'hui, suit parfaitement
les traces de ses deux Prédècesseurs
, et rien n'est plus juste, Monsieur ,
que quatre Vers qui se voïent dans
votre Epître.
les
La Déesse n'a plus de secret à t'apprendre ;
De ses sçavantes Loix , Interprête encor tendre,
Tu rens des jugemens sages et raisonnez ,
Que n'oseroient porter des Veneurs surannez .
Bij
Mais
648 MERCURE DE FRANCE
. Mais est-il imité dans son application ?
je n'ose l'assurer ; ce qu'il y a de certain
c'est que Savary que vous avez traduit est
le seul Auteur capable d'apprendre tous
les secrets de l'Art à ceux qui l'ignorent,
non seulement les François , mais encore
tous les Etrangers conviennent qu'il n'a
paru dans ce genre aucun Ouvrage comparable
au sien , pour l'ordre , la suite , la
précision , l'arrangement des matieres , et
la netteté avec laquelle elles sont expliquées,
toutes les idées y sont placées , raprochées
et rendues sensibles ; y a-t-il
quelqu'apprentilf chasseur,qui n'ait voulu
lire et Fouilloux et Salnouë ? en est-on
devenu plus habile ? s'y est- on fait des
principes certains , les différentes matieres
y sont- elles traitées dans un ordre
propre à se faire retenir ?
Fouilloux est confus et plein de verbiages
; Salnouë à tout dit , mais il ne l'a pas
arrangé , et les matiéres y sont souvent
transposées ; Savary qui a écrit après lui,
y a mis l'ordre qu'elles demandoient ; il a
réduit à 2500 Vers latins , la moitié d'un
volume in 4° . fait par Salnoue sur la
Chasse du Cerf; et vous , Monsieur , dans
votre Traduction vous avez encore plus
fait que Savary , puisqu'en n'obmettant
rien de tout ce qui étoit nécessaire, vous
avez
AVRIL. 1734 649
avez dit en 1500 Vers François , ce que
Savari n'avoit pû faire en latin qu'en
2500 ; quelle précision ; aussi n'y voit- on
pas un Vers qui n'ait son sens et son instruction
. On n'y trouve rien d'inutile
et de superflu ; c'est un véritable Poëme
didactique , mais ennobli par Diane
qu'on y fait parler avec dignité , enrichi
d'images et de comparaisons élevées , et
où mille traits d'une Poësie élégante rendent
parfaitement votre original . Quelles
graces n'ont point les six premieres pages
de votre premier Chant , où après votre
invocation , vous détaillez l'origine de la
Chasse dans les Gaules , les exercices des
Gaulois , et la maniere qu'ils avoient de
conserver la connoissance des Arts et des
Sciences ?
Peut- on expliquer avec plus de nettcté
l'âge des Cerfs , depuis le Faon , jusqu'aux
vieuxCerfs , avec les noms différens *
qu'on leur a donnez , par rapport à leur
Tête .
Est-il permis à quelqu'un de ne pas entendre
clairement toutes les différentes .
parties des quatre especes de têtes dont
vous donnez le modele , et sur lesquelles
il ne reste aucun doute ? Pour en sentir la
différence , la connoissance des pieds ne
devient - elle pas sensible par le détail
Biij heus
so MERCURE DE FRANCE
heureux des quatre pieds, relatifs aux parties
des figures , si exactement dessinées ?
et 20 pages de lecture des autres Auteurs
les peuvent- elles faire comprendre avec
autant de facilité ? La connoissance des
fumées n'est pas moins bien éclaircie dans
le second Chant, par rapport aux saisons,
par rapport aux Biches , et à l'âge des différens
Cerfs , et vous terminez enfin toutes
les lumieres qu'on peut tirer du corps
du Fauve , par l'explication des abbatures
, des portées , du raire et du frayoir
où vous marquez précisément le dégré
de foy que l'on peut ajouter à des témoignages
aussi incertains.
Après avoir établi ces principes generaux
, vous déterminez les lieux où l'on
doit chercher les Cerfs , pour les détourner
selon les différentes saisons ; sçavoir
dans l'Hyver , au fond des Forêts , où
vous expliquez et la maniere dont ils se
nourrissent et dont ils se garentissent du
froid ; et comment dans les autres saisons
ils se séparent , prennent leur Buisson à
l'extrémité des grands Païs, pour se nourrir
avec plus de facilité , et mettre bas
leurs têtes dont vous expliquez la chute,
et les causes que les Naturalistes y attribuent.
Des lieux , vous passez au temps que
l'on
AVRIL. 1734.
l'on doit prendre pour les détourner ;
l'agitation continuelle où ils sont pendant
le rut , l'embarras de les trouver
pendant ce temps , où toutes leurs démarches
sont incertaines .
Peut- on assez admirer la description
charmante que vous en faites , sous l'Image
d'un Tournoy , leurs Combats, leur
Victoire , le prix dont elle est suivie , et le
nombre des Spectateurs qui en sont les
témoins? Pouvoit- on distraire plus agréablement
le Lecteur du Didactique , qui a
précédé, que par des Images aussi noblement
imaginées ?
Quel heureux détail du Limier qu'on
veut dresser dans le troisiémeChant! Tous
les termes de l'art y sont si heureusement
employez qu'ils ne pourroient être substituez
par d'autres , il semble qu'ils se
soient venus offrir à la rime , sans qu'il
vous en ait rien couté. On y voit quel
doit être le nombre de Picqueurs; en quoi
consistent leurs devoirs, la qualité et l'espece
des differens Chiens , leurs bontez
ou leurs défauts , l'instruction donnée
aux Valets de Limier pour détourner, les
précautions qu'ils doivent prendre , et les
observations qu'ils doivent faire.
Ce détail est terminé par l'appareil de
eette assemblée générale où se font les
B iiij dif-
>
652 MERCURE DE FRANCE
·
différens rapports. Pouvoit on décrire
avec plus d'élevation ce celebre conseil ,
où tous les Veneurs décident du Cerf
que
l'on doit lancer , par les principes que
vous établissez ?
Le quatrième Chant regarde la disposition
des Relais , les noms différens qu'on
leur donne , l'espece et la nature des
Chiens qui les doivent composer , les
postes où il les faut placer , l'usage que
les Valets de Chiens en doivent faire
l'arrivée au laissez - coure , la verification
qu'on y doit faire du rapport , la maniere
dont on lance aujourd'hui , différente
de celle où on lançoit autrefois à trait de
Limier, ce que les Veneurs dispersez doivent
observer quand le Cerf est lancé ; la
crainte d'un faux rembuchement , la nécessité
de laisser agir les Chiens sans les
presser de trop près ; la deffense de Diane
, d'enlever la Meute , comme l'impatience
Françoise ne force que trop
souvent de le faire , et enfin les temps
et les précautions nécessaires que doivent
prendre les Valets de Chiens pour
ne donner les Relais qu'à propos et
quand ils sont demandez .
L'heureux trait de morale par où vous
commencez le cinquième Chant , est une
juste application des inconveniens qui
sura
AVRIL. 1734. 653
surviennent dans le cours de la Chasse ,
soit pour les Chiens , soit pour les Veneurs
; on y voit toutes les différentes
ruses des Cerfs , le désordre que causent
les jeunes Chiens , la sagesse des vieux ,
les lumieres qu'ils donnent pour sortir
d'embarras , pour relever les deffauts et
relancer le Cerf , comment on le suit.
dans l'eau , comment on découvre s'il y
est resté , s'il en est sorti , les secrets pour
en retrouver seurement la voye , et enfin
l'halali et la mort du Cerf, dont vous faites
un détail aussi - vrai qu'interessant.
Je finirai , Monsieur , par l'éloge que
mérite votre dernier Chant,d'autant plus
que sa principale beauté est bien moins
dûë à votre original qu'à vos heureuses
idées ; Pouviez - vous relever plus noblement
le bas Didactique où vous étiez forcé
d'entrer par le détail de la Curée, qu'en
le représentant sous l'image d'un Sacrifice
offert à Diane . Comment avez - vous
pû ennoblir un pareil carnage par tant
de richesses d'expressions ? Pouviez - vous
mieux établir les droits qui appartiennent
au Maître ,auxVeneurs ,aux Limiers et aux
Chiens dans les différentes parties du
Cerf. C'étoit une connoissance fondée de
temps immémorial que vous ne pouviez
omettre , et qui servira de loi immuable
dans
B v
654 MERCURE DE FRANCE
dans tous les temps pour les Chasseurs.
Enfin pouviez-vous mieux terminer tous
les Préceptes que renferme votre Ouvrage
que par cette Fête qu'un retour general
de la Chasse attire dans le Parvis du
Temple de Diane , où tous les Chasseurs
réunis dans un jour fameux , consacré
plus particulierement à sa gloire , passent
la nuit à celebrer ses loüanges et à chanter
les victoires que les différens Chasseurs
ont remportées ?
On voit bien , Monsieur, que vous n'avez
pas voulu travailler pour des Picqueurs
seulement ; ce ne sont pas eux en
effet qui avoient besoin de vos leçons , leur
application , la routine , la longue expérience
leur donnent à la fin toutes les
connoissances qui leur sont nécessaires ;
cependant votre ouvrage est si clair par
lui -même qu'il leur sera aisé d'y apprendre
tous les principes aussi - aisément qu'ils
l'auroienr pû faire s'il avoit été en Prose ;
mais je m'imagine que l'intention de Savary
a été d'endoctriner la Noblesse et de
la tirer agréablement de l'ignorance où
elle croupit ordinairement ; il a voulu
leur parler un langage conforme à leur
éducation en les instruisant.
Et vous , Monsieur , vous leur avez encore
abrégé la peine en le mettant en
Vers
AVRIL 1734. 655
Vers François , qui se retiennent incomparablement
mieux que la Prose.
, Je finirai , Monsieur , mes Réfléxions
en vous répétant que votre Ouvrage par
lui- même , est admirable ; jamais Auteur
n'a pû former un plus beau plan , et suivre
un meilleur ordre que Savary ; ce sera
une instruction éternelle pour tous ceux
qui voudront acquerir des connoissances
dans la Chasse du Cerf , chasser avec esprit
et goûter les parfaits plaisirs qu'un
homme raisonnable y doit rechercher ; il
dit tout ce qu'il faut dire , renferme tout
ce qu'il faut sçavoir , et éclaircit tout ce
que les autres Auteurs dans de gros volumes
entiers n'avoient traité qu'avec
confusion .
Votre traduction l'a considérablement
embelli , par ce que vous y avez ajouté, et
par ce que vous en avez sagement retranché;
vous l'avez rendu avec clarté et précision
, votre Poësie est noble, naturelle,
non entortillée , ni louche ; elle ne sent ni
l'huile, ni la lime , et fait sentir quelque
chose de supérieur à celle d'un Poëte de
profession.
Il ne me reste plus , Monsieur , qu'à
vous parler de votre Dictionnaire et du
Recueil des Tons de Chasse et Fanfares
qui terminent votre Livre ; ce sont les
B vj deux
656 MERCURE DE FRANCE
deux plus beaux et plus utiles présens
que vous pouviez faire au Public ; personne
ne s'étoit encore avisé de faire un
Dictionnaire de Chasse aussi exact et aussi
étendu que le vôtre. Il ne vous a rien
échapé des termes tant anciens que
nouveaux, répandus dans tous les Livres,
ou de ceux que l'usage a consacrés ; c'est
une instruction admirable , soit pour les
Picqueurs, soit pour les jeunes Chasseurs
qui auront la curiosité de sçavoir. A l'égard
des Tons de chasse et Fanfares ,
vous en avez l'obligation à M. de Dampierre,
Gentilhomme des Plaisirs du Roy,
il a l'avantage d'être excellent Musicien
et grand Chasseur ; ses Fanfares sont d'un
goût charmant , mais on ne peut trop
admirer l'application merveilleuse et nouvelle
qu'il a inventée pour les faire servir
de signaux, qui apprennent aux Veneurs
dispersez , l'espece du Cerf que l'on court,
+
ses mouvemens et toutes ses ruses.
C'est un moyen facile pour mettre au
蜜
fait de ce qui se passe , et une pareille
Méthode doit passer non seulement dans
toutes les Provinces , mais encore chez
les Etrangers . Les Parodies des Fanfares
que vous avez ramassées , y donnent encore
une nouvelle grace , et peuvent extrêmement
divertir dans un retour de
Chasse. • Le
AVRIL 1734
657
Le Public doit de grands remercimens
à M. de Dampierre , de vous avoir bien
voulu communiquer son travail. Et vous ,
Monsieur , vous lui en devez beaucoup ,
pour les Eloges qu'il ne cesse de donner
à ce qu'on m'a dit , à votre Ouvrage ;
témoignages
seuls capables d'en relever infiniment
le prix. J'ai l'honneur d'être ,
Monsieur , & c .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite [à] M. D. L. R. / A MONSIEUR *** Auteur des Dons des Enfans de Latone, Poëme sur la Musique, et sur la Chasse du Cerf.
La correspondance entre deux individus traite d'un poème sur la chasse au cerf. Le premier auteur, inconnu de l'auteur des 'Dons des Enfants de Latone', envoie une lettre contenant ses réflexions sur le poème 'La Chasse du Cerf' à un destinataire pour qu'il l'insère dans le Mercure. Le second auteur, un chasseur de profession, félicite l'auteur du poème pour sa traduction libre du poème latin de Savary sur la chasse au cerf. Il souligne la difficulté de l'ouvrage et la qualité de la traduction en vers, ainsi que les poèmes sur la musique qui précèdent le poème principal. Le chasseur de profession exprime son admiration pour la chasse au cerf, qu'il considère comme un amusement noble et parfait pour les rois, princes et seigneurs, mais aussi comme un art difficile nécessitant une grande application et des connaissances approfondies. Il critique les jeunes chasseurs qui manquent de principes et de réflexions, se contentant souvent de suivre des piqueurs sans comprendre les secrets de la chasse. Il loue Savary, dont la traduction est considérée comme la meilleure dans ce genre, pour l'ordre, la précision et la clarté de ses explications. Il compare favorablement la traduction de l'auteur à celles de Fouilloux et Salnouë, jugées confuses ou mal organisées. Le poème est structuré en plusieurs chants qui couvrent divers aspects de la chasse : l'origine de la chasse dans les Gaules, la description des cerfs, les différentes parties des têtes de cerf, la connaissance des fumées, les lieux et les saisons pour chasser, la description des combats entre cerfs, le dressage des limiers, la disposition des relais, les ruses des cerfs, et enfin la curée représentée comme un sacrifice à Diane. Le chasseur de profession termine en soulignant que l'ouvrage n'est pas seulement destiné aux piqueurs, mais à tous les chasseurs, et qu'il est suffisamment clair pour être compris par tous, même en prose. Le texte, daté d'avril 1734, discute de l'œuvre de Savary sur la chasse au cerf. L'auteur imagine que Savary a voulu instruire la noblesse en adaptant son langage à leur éducation. Il loue la traduction en vers de l'ouvrage, soulignant que les vers se retiennent mieux que la prose. Il considère l'ouvrage de Savary comme admirable, bien structuré et complet, offrant une instruction éternelle pour ceux qui souhaitent acquérir des connaissances sur la chasse au cerf. L'auteur apprécie également la traduction, qui a embelli l'œuvre par des ajouts et des suppressions judicieuses, et loue la poésie pour sa noblesse et sa naturalité. Il mentionne ensuite le dictionnaire de chasse et le recueil des tons de chasse et fanfares, qualifiés de présents précieux pour le public. Le dictionnaire est salué pour son exactitude et son étendue, couvrant tous les termes anciens et nouveaux. Les fanfares, attribuées à M. de Dampierre, sont décrites comme charmantes et innovantes, servant de signaux pour informer les veneurs des mouvements et des ruses du cerf. Les parodies des fanfares ajoutent une touche divertissante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 205-206
Avis aux Chasseurs.
Début :
Le sieur Santiny, Italien, Plombier Privilégié & Pensionnaire du Roi [...]
Mots clefs :
Chasse, Plomb, Balle, Charge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avis aux Chasseurs.
Avis aux Chaffeurs .
Le fieur SANTINY , Italien , Plombier Privilégié
& Penfionnaire du Roi pour les Chaffes , fabrique
dans la derniere des perfections , toute forte de
plomb a giboyer, bien rond, bien égal , fans cavité
& fans être compofé d'aucune drogue venimeufe ,
ni apprêté avec aucune mine de plomb : ce plomb
eft très-propre &auffi blanc que de l'argent , de forte
qu'il ne falit ni les mains ni les gibecieres ; il porte
les coups fans s'écarter , plus ferré & plus loin de
1 à 15 pas que tout autre plomb ; il eſt trèsnécellaire
de ne charger que les trois quarts de la
charge ordinaire. Le fieur Santini a l'honneur d'en
fournir avec fuccès , pour les plaifirs des Chaſſes
de Sa Majesté & de toute la Cour.
Comme le Public paroît lui donner fon aprobation
par les demandes réitérées qu'on lui fait ,
le fieur Santiny , pour répondre à l'empreflement
206 MERCURE DE FRANCE.
de ceux qui veulent de fon plomb , les avertit qu'il
établit fon Magafin général à Paris , chez M. Duchauffour
, Marchand de fer , rue Saint Martin
proche Saint Julien , à la Tête d'or , où toutes les
perfonnes de Province qui en defireront pourront
s'adreffer.
Pour la facilité publique , l'on en débitera à
l'adreffe ci- deffus & chez le fieur Regnard , Marchand
Epicier rue Dauphine , à côté du Caffé de
Conty , au bas du Pont- Neuf.
A Verfailles , chez le fieur Tortel , Marchand
Epicier , rue Satory au bas de la Rampe.
A Saint Germain-en-Laye , chez le fieur Metayer
, Marchand, à la Gerbe d'or , dans le Marché,
vis-à- vis le Poids à la Farine .
Pour empêcher l'abus qui pourra fe commettre,
F'on donnera aux Domeftiques qui viendront chercher
du Plomb fabriqué par Santiny , une facture
fignée du Marchand où ledit plomb aura été
pris , & l'on n'en débitera que dans les endroits
indiqués ci-deffus. Le prix eft de fept fols la livre.
Le fieur SANTINY , Italien , Plombier Privilégié
& Penfionnaire du Roi pour les Chaffes , fabrique
dans la derniere des perfections , toute forte de
plomb a giboyer, bien rond, bien égal , fans cavité
& fans être compofé d'aucune drogue venimeufe ,
ni apprêté avec aucune mine de plomb : ce plomb
eft très-propre &auffi blanc que de l'argent , de forte
qu'il ne falit ni les mains ni les gibecieres ; il porte
les coups fans s'écarter , plus ferré & plus loin de
1 à 15 pas que tout autre plomb ; il eſt trèsnécellaire
de ne charger que les trois quarts de la
charge ordinaire. Le fieur Santini a l'honneur d'en
fournir avec fuccès , pour les plaifirs des Chaſſes
de Sa Majesté & de toute la Cour.
Comme le Public paroît lui donner fon aprobation
par les demandes réitérées qu'on lui fait ,
le fieur Santiny , pour répondre à l'empreflement
206 MERCURE DE FRANCE.
de ceux qui veulent de fon plomb , les avertit qu'il
établit fon Magafin général à Paris , chez M. Duchauffour
, Marchand de fer , rue Saint Martin
proche Saint Julien , à la Tête d'or , où toutes les
perfonnes de Province qui en defireront pourront
s'adreffer.
Pour la facilité publique , l'on en débitera à
l'adreffe ci- deffus & chez le fieur Regnard , Marchand
Epicier rue Dauphine , à côté du Caffé de
Conty , au bas du Pont- Neuf.
A Verfailles , chez le fieur Tortel , Marchand
Epicier , rue Satory au bas de la Rampe.
A Saint Germain-en-Laye , chez le fieur Metayer
, Marchand, à la Gerbe d'or , dans le Marché,
vis-à- vis le Poids à la Farine .
Pour empêcher l'abus qui pourra fe commettre,
F'on donnera aux Domeftiques qui viendront chercher
du Plomb fabriqué par Santiny , une facture
fignée du Marchand où ledit plomb aura été
pris , & l'on n'en débitera que dans les endroits
indiqués ci-deffus. Le prix eft de fept fols la livre.
Fermer
Résumé : Avis aux Chasseurs.
Le plombier italien Santini fabrique des plombs de chasse de haute qualité, décrits comme bien ronds, égaux, sans cavité ni substance venimeuse, et blancs comme l'argent. Ces plombs ne salissent ni les mains ni les gibecières et portent les coups plus loin que les autres. Santini recommande de n'utiliser que les trois quarts de la charge ordinaire. Ses plombs sont utilisés pour les chasses du roi et de la cour, et sont approuvés par le public. Pour répondre à la demande, Santini ouvre un magasin général à Paris chez M. Duchauffour, marchand de fer, rue Saint-Martin. Le plomb est également disponible chez le sieur Regnard, épicier rue Dauphine, le sieur Tortel à Versailles, et le sieur Metayer à Saint-Germain-en-Laye. Pour éviter les abus, une facture signée du marchand sera remise aux domestiques venant chercher le plomb, qui ne sera vendu que dans les endroits indiqués. Le prix est de sept sols la livre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 203-204
« Le Sieur LANGUIGNEUX, Fils, Marchand Tapissier, qui s'est fait annoncer dans les [...] »
Début :
Le Sieur LANGUIGNEUX, Fils, Marchand Tapissier, qui s'est fait annoncer dans les [...]
Mots clefs :
Marchand tapissier, Siège portatif, Inventeur, Vente, Promenade, Amélioration, Tabouret, Chasse, Acier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Sieur LANGUIGNEUX, Fils, Marchand Tapissier, qui s'est fait annoncer dans les [...] »
Le Sieur LANGUIGNEUX , Fils , Marchand
Tapiffier , qui s'eft fait annoncer dans les Papiers
publics au mois de Mars dernier , avec Fermiffion,
pour un Siége portatif dont il eft le premier &
le feul Inventeur , & qu'il continue de vendre , lequel
fert dans les Parterres des Spectacles , fans
craindre les flux & reflux ; l'on ne perd point de fa
hauteur , vû que l'on jouit de plufieurs dégrés , &
au moyen d'une augmentation fimple il devient
commode pour la Promenade. Il a fimplifié fondit
Siége par la fuppreflion d'un Ecrou & par la
légéreré du Strapontin qui fe met dans la Poche &
s'adapte fur une Canne dans fon entier , de groffeur
ordinaire , imitant le Jai ; l'on peut auffi y
placer un parafol .
De plus , avec une nouvelle Permiſſion du 31
Juillet , il fait fçavoir qu'il vient d'imaginer un
nouveau Tabouret portatif, utile pour la Promenade
, la Campagne & autres Lieux , lequel fe
démonte en trois & fe renfermedans un Sac moins
gros que celui d'un Paraíol ; ceTabouret étant trèsléger
, donne la facilité de le porter dans la
Poche , fous le bras ou dans un Sac à Ouvrage ;
les Dames y trouveront une affife commode &
folide.
Il a encore trouvé le moyen de placer un Siége
fur un Fufil , fans l'endommager , ce qui devient
très -utile pour les Perfonnes qui vont à la Chaffe .
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
On trouvera desdits Siéges propres à tous Fufils.
Il vend auffi un Siége en Acier très -folide for--
mant un triangle , qui fe renferme tout entier
dans une Canne, dont le poids eft très- léger les
prix font à la portée de tout le monde , & l'on
trouvera à choifir.
:
Ildemeurechezfon Père , Marchand Tapiffier , rue
de la Harpe , vis à- vis celle des Mathurins , àla
VILLE DE ROME ; qui fait , vend , loue , troque ,
achete & tient Magafin de toutes fortes de Meubles
tant neufs que de rencontre : le tout à juſte prix.
A PARIS.
Tapiffier , qui s'eft fait annoncer dans les Papiers
publics au mois de Mars dernier , avec Fermiffion,
pour un Siége portatif dont il eft le premier &
le feul Inventeur , & qu'il continue de vendre , lequel
fert dans les Parterres des Spectacles , fans
craindre les flux & reflux ; l'on ne perd point de fa
hauteur , vû que l'on jouit de plufieurs dégrés , &
au moyen d'une augmentation fimple il devient
commode pour la Promenade. Il a fimplifié fondit
Siége par la fuppreflion d'un Ecrou & par la
légéreré du Strapontin qui fe met dans la Poche &
s'adapte fur une Canne dans fon entier , de groffeur
ordinaire , imitant le Jai ; l'on peut auffi y
placer un parafol .
De plus , avec une nouvelle Permiſſion du 31
Juillet , il fait fçavoir qu'il vient d'imaginer un
nouveau Tabouret portatif, utile pour la Promenade
, la Campagne & autres Lieux , lequel fe
démonte en trois & fe renfermedans un Sac moins
gros que celui d'un Paraíol ; ceTabouret étant trèsléger
, donne la facilité de le porter dans la
Poche , fous le bras ou dans un Sac à Ouvrage ;
les Dames y trouveront une affife commode &
folide.
Il a encore trouvé le moyen de placer un Siége
fur un Fufil , fans l'endommager , ce qui devient
très -utile pour les Perfonnes qui vont à la Chaffe .
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
On trouvera desdits Siéges propres à tous Fufils.
Il vend auffi un Siége en Acier très -folide for--
mant un triangle , qui fe renferme tout entier
dans une Canne, dont le poids eft très- léger les
prix font à la portée de tout le monde , & l'on
trouvera à choifir.
:
Ildemeurechezfon Père , Marchand Tapiffier , rue
de la Harpe , vis à- vis celle des Mathurins , àla
VILLE DE ROME ; qui fait , vend , loue , troque ,
achete & tient Magafin de toutes fortes de Meubles
tant neufs que de rencontre : le tout à juſte prix.
A PARIS.
Fermer
Résumé : « Le Sieur LANGUIGNEUX, Fils, Marchand Tapissier, qui s'est fait annoncer dans les [...] »
Le document décrit les inventions et activités commerciales du Sieur LANGUIGNEUX, Fils, Marchand Tapissier. En mars, il a présenté un siège portatif adapté aux parterres des spectacles, résistant aux mouvements de la foule. Ce siège offre plusieurs niveaux de hauteur et peut être utilisé pour la promenade. Il est simplifié par la suppression d'un écrou et la légèreté du strapontin, qui se range dans une poche et s'adapte sur une canne. Le 31 juillet, LANGUIGNEUX a obtenu une nouvelle permission pour un tabouret portatif démontable en trois parties, se rangeant dans un sac plus petit qu'un parapluie. Ce tabouret est léger et pratique pour les dames, pouvant être porté dans une poche, sous le bras ou dans un sac à ouvrage. Il a également inventé un siège adaptable sur un fusil sans l'endommager, utile pour les chasseurs. De plus, il vend un siège en acier solide formant un triangle, se rangeant dans une canne légère. Les prix de ces sièges sont accessibles à tous. LANGUIGNEUX réside chez son père, également Marchand Tapissier, rue de la Harpe, vis-à-vis de celle des Mathurins, à Rome. Il achète, vend, loue et troque divers meubles, neufs ou d'occasion, à des prix justes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 211-212
AVIS très-intéressant au Public.
Début :
Les accidens funestes dont on entend parler continuellement, surtout dans la saison [...]
Mots clefs :
Chasse, Canons, Ouvrage, Ruban, Poudre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS très-intéressant au Public.
Av.1s très-intéreffant au Public
Las accidens funeftes dont on entend parler
continuellement , furtout dans la faifon des Chaf
fes , ont fair faire des réfléxions férieuſes pours.
mettre le Public à l'abri de toute eſpèce d'inconvénient
Il y a longtemps qu'on parle de Canons à rubans
, mais le temps qu'il faut employer pour les
bien faire , les frais qui en font la fuite & la difficulté
de l'Ouvrage y ont fait renoncer ; de forte
que les Artiftes ont préféré les fufils bientôt faits
à la fureté des Gitoyens. On le contente de les
faire à platebande , & par extraordinaire on en
fait de fer torts qu'on fait paffer poor rubans , &
qui , pour peu qu'on y réfléchiffe , font encore
plus défectueux que lespremiers.
Qn a donc établi dans la Cour de la Corderies
212 MERCURE DE FRANCE
du Temple à Paris une Fabrique de Canons à
rubans , forgés de vieilles férailles qui reçoivent
une fi prodigieufe quantité de chaudes , que le
fer le trouve tout - à - fait dépuré & auſſi doux que
le plomb. Plufieurs de ces Canons à qui on a fair
éprouver la triple charge fe font courbés & ont
été redreffés avec un fimple mandrin de bois fans
effort & fans qu'il y paroiffe. Ces Canons font fins ,.
légers , parfaitement dreffés , portent très-bien
le plomb , & on ofe affurer qu'il eft impoffible
qu'ils crévent ; leur folidité couronne leur perfection
. On n'en diftribue aucun qui n'ait fubi plufieurs
fois l'épreuve de deux fortes charges de la
meilleure poudre & d'autant de plomb ; & pour
mettre les gens curieux de leur fanté en état de
n'être pas trompés , ils font invités à prendre la
peine d'aller dans quelque temps & à quelque
heure que ce foit dans ladite Cour du Temple :
ils les verront forger , & ne pourront s'empêcher
de reconnoître avec étonnement la folidité de ce
travail. Avec demie charge de poudre ils portent
auffi loin que les autres avec la charge ordinaire.
L'Auteur a auffi imaginé une Machine curieufe
qui en perfore fix à la fois . Le Magalin
de ces Canons eft chez M. Defcourtieux , Marchand
, rue S. Denys , Porte cochère vis-à- vis
l'ancien grand Cerf à Paris.
Las accidens funeftes dont on entend parler
continuellement , furtout dans la faifon des Chaf
fes , ont fair faire des réfléxions férieuſes pours.
mettre le Public à l'abri de toute eſpèce d'inconvénient
Il y a longtemps qu'on parle de Canons à rubans
, mais le temps qu'il faut employer pour les
bien faire , les frais qui en font la fuite & la difficulté
de l'Ouvrage y ont fait renoncer ; de forte
que les Artiftes ont préféré les fufils bientôt faits
à la fureté des Gitoyens. On le contente de les
faire à platebande , & par extraordinaire on en
fait de fer torts qu'on fait paffer poor rubans , &
qui , pour peu qu'on y réfléchiffe , font encore
plus défectueux que lespremiers.
Qn a donc établi dans la Cour de la Corderies
212 MERCURE DE FRANCE
du Temple à Paris une Fabrique de Canons à
rubans , forgés de vieilles férailles qui reçoivent
une fi prodigieufe quantité de chaudes , que le
fer le trouve tout - à - fait dépuré & auſſi doux que
le plomb. Plufieurs de ces Canons à qui on a fair
éprouver la triple charge fe font courbés & ont
été redreffés avec un fimple mandrin de bois fans
effort & fans qu'il y paroiffe. Ces Canons font fins ,.
légers , parfaitement dreffés , portent très-bien
le plomb , & on ofe affurer qu'il eft impoffible
qu'ils crévent ; leur folidité couronne leur perfection
. On n'en diftribue aucun qui n'ait fubi plufieurs
fois l'épreuve de deux fortes charges de la
meilleure poudre & d'autant de plomb ; & pour
mettre les gens curieux de leur fanté en état de
n'être pas trompés , ils font invités à prendre la
peine d'aller dans quelque temps & à quelque
heure que ce foit dans ladite Cour du Temple :
ils les verront forger , & ne pourront s'empêcher
de reconnoître avec étonnement la folidité de ce
travail. Avec demie charge de poudre ils portent
auffi loin que les autres avec la charge ordinaire.
L'Auteur a auffi imaginé une Machine curieufe
qui en perfore fix à la fois . Le Magalin
de ces Canons eft chez M. Defcourtieux , Marchand
, rue S. Denys , Porte cochère vis-à- vis
l'ancien grand Cerf à Paris.
Fermer
Résumé : AVIS très-intéressant au Public.
Le texte aborde les accidents fréquents liés à l'utilisation des fusils, notamment lors des chasses, et les réflexions sur la sécurité du public. Les canons à rubans, bien que connus depuis longtemps, n'ont pas été adoptés en raison de leur temps de fabrication, de leur coût élevé et des difficultés techniques. Les artisans ont préféré les fusils à platine, souvent en fer, qui sont encore plus défectueux. Une fabrique de canons à rubans a été créée dans la cour des Corderies du Temple à Paris. Ces canons sont forgés à partir de vieilles ferrailles chauffées à haute température, ce qui les rend doux et sans impuretés. Ils sont légers, bien dressés et résistent aux charges de poudre et de plomb. Leur solidité est prouvée par des épreuves répétées avec des charges importantes. Le public est invité à visiter la fabrique pour constater la solidité de ces canons. Une machine permet de percer six canons simultanément. Les canons sont disponibles chez M. Defcourtieux, marchand rue Saint-Denis à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer