Résultats : 23 texte(s)
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1
p. [5]-10
SUR LA PARESSE.
Début :
HEUREUX Loisir, douce Indolence, [...]
Mots clefs :
Plaisir, Âge, Guide, Liberté, Ambition, Paresse
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texteReconnaissance textuelle : SUR LA PARESSE.
SUR LA PARESSE.
f
HEUREUX Loifir , douce Indolence ,
Dans la paix & dans le filence
Que j'aime à goûter tes appas !
Que j'aime à dormir dans tes bras
Sans m'appercevoir que je penfe ,
Ne fongeant qu'à mon éxiſtence ,
N'y fongeant même prèſque pas !
ravaux & foins de difparoître
I. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Dès que tu t'approches de nous
Ne rien fçavoir , c'eſt te connoître.
Arts pénibles , éloignez-vous :
Ce n'eft qu'en vous ignorant tous ,
Que j'apprendrai bien celui d'être,
Inftruis- moi dans cet art fi doux ,
Dieu du repos , fois mon ſeul maître g
Qui n'en a point d'autre que toi
Se fait une aimable habitude
De jouir doucement de ſoi.
A l'abri de l'inquiétude ,
La fuir eft toute ſon étude ,'
Et te goûter tout ſon emploi.
Viens être mon guide & mon Roi
Je veux me jetter dans ta chaîne,
Loin qu'on en redoute la gêne ,
On aime à tomber fous ſon poids
La liberté qui fuit les loix
Se plaît à plier ſous la tienne.
Mais , ô ma chere Qiliveté !
Tandis qu'en ton fein je fommeille
Quelle voix frappe mon oreille ,
Et trouble ma tranquillité ?
Baillant , à demi je m'éveille :
J'entr'ouvre un oeil déconcerté.
Quel objet tout-à-coup l'étonne ?
Que vois-je ? où fuis-je tranſporté ?
J'apperçois fur un même trône
Et portant femblable couronne
AVRIL 1763.
Une double Divinité
Qu'un peuple de Fous environne ,
Et qu'encenſe la Vanité.
D'un air inquiet , agité ;
S'avance une foule importune :
L'ambition & la fortune
Sont l'une & l'autre Déité.
Leurs mains font pleines de largeffes ;
Et fi j'en crois à leurs promeſſes ,
Crédit , puiſſance , dignité ,
Titres , honneurs , emplois , richeffes ,
Au gré de mon avidité
Viendront me prouver leurs tendreffes ,
Pourvû que laiffant tes careffes ,
Je me range de leur sôté.....
Vaines & trompeuſes idoles !
Par vos féduifantes paroles
Croyez-vous que je fois tenté ?
Gardez pour vous vos dons frivoles ,
Mon coeur n'en peut être flatté.
La gloire la plus éclatante
Ne vaut point la douceur charmante
De cette oifive obfcurité
Où végére ma nonchalance :
Riches , fiers de votre opulence ,
Je le fuis de ma pauvreté.
De cette fuperbe affluence
L'avantage eft trop acheté ;
Nul de vous dans fon abondance
7
A iy
MERCURE DE FRANCE .
Ne peut dire avec vérité ,
Comme moi dans mon indigence ?
Mon bonheur ne m'a rien coûté.
Que me veut cette Mufé affable bukk
Qui m'attireau facré vallon
Sa main de la spart Apollon
Me préfente un laurier durable
Mais un travail infatigable
De ce laurier fera le prix :
Il ne doit être le
partage
Que de celui dont les écrits
Dignes de paffer d'âge en âge
Avec un affidu courage
Seront polis , & repolis ?...
Retourne , 'Mufe enchantereſſe ;
Et n'interromps plus mon repos :
Remporte tes brillans rameaux
J'aime cent fois mieux ma pareffe.
Si quelquefois avec tes foeurs!
Errant fur les bords du Permeffe ,
Je veux moiſſonner quelques fleurs ,
Ce n'eſt point au prix des douceurs
Qu'on goûte au fein de la moleffe :
Pour elles volontiers je laiffe
Mules , Phabus & leurs faveurs."
Bien fou quiconque fe confume
En écrivant pour éffacer ;
Je veux que les vers fous ma plume
Viennent d'eux-mêmes fe placer :
?
I
AVRIL. 1763.
Ainfi que l'eau de l'hypochrene
De la fource dont elle fort"
Jaillit fans obftacle & fans peine ,
D'une heureuſe & facile veine
Je veux qu'ils coulent fans effort.
Je ne veux point , ô Renommée !
• Te facrifier mon loiſir
Et changer contre ta fumée
Et mon bonheur & mon plaifir.
Que dis -je ? le Plaifir lui-même
Des ris , des jeux environné ,
Ceint d'un tranſparent diadême jin A
Et de guirlandes couronné ,
S'offre à mes yyeux fart un nuage
Dans les vague des airs traîné . ) and
Ce jeune Dieu paroît orné des ho'l
De tous les attraits du bel âge :
Il eſt léger , il eft volage ;
Son oeil eft vif , fon front , ferein ;) .
Le caprice & le badinage
T
Le tiennent tous deux par la main, g
Les fleurs qui tombent de fon "fein
Jonchent les lieux de fon paffage :
Des amours le brillant effain
Devant lui vole à tire d'aîle ,
Et lui prépare le chemin.
Il vient à moi ; fa voix m'appelle :
A fa voix , je marche , je cours.
Adieu , charmante létargie ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Où tantôt mon âme affoupie
Eûr voulu fommeiller toujours,
Pour me féparer de tes charmes ,
La fortune & l'ambition
N'ont point eu d'affez fortes armes :
L'éclat d'un immortel renom
N'a pu me vaincre & me féduire :
J'ai préféré ton doux empire
Aux vains honneurs de l'Hélicon.
Le plaifir feul a l'avantage
De m'arracher à tes appas ;
Mais s'il m'entraîne ſur ſes
pas ,
Ce n'eft que pour un court voyage
Dont tu me verras revenir
Plus épris de mon éſclavage
Sur tes genoux me rendormir.
Se livrer trop à l'allégreſſe ,
Ce n'eft point en ſçavoir jouir.
Qui veut agir avec fageffe ,
Donne fa vie à la pareſſe ,
Et quelques momens au plaifir.
Par le nouveau venu au Parnaffe.
f
HEUREUX Loifir , douce Indolence ,
Dans la paix & dans le filence
Que j'aime à goûter tes appas !
Que j'aime à dormir dans tes bras
Sans m'appercevoir que je penfe ,
Ne fongeant qu'à mon éxiſtence ,
N'y fongeant même prèſque pas !
ravaux & foins de difparoître
I. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Dès que tu t'approches de nous
Ne rien fçavoir , c'eſt te connoître.
Arts pénibles , éloignez-vous :
Ce n'eft qu'en vous ignorant tous ,
Que j'apprendrai bien celui d'être,
Inftruis- moi dans cet art fi doux ,
Dieu du repos , fois mon ſeul maître g
Qui n'en a point d'autre que toi
Se fait une aimable habitude
De jouir doucement de ſoi.
A l'abri de l'inquiétude ,
La fuir eft toute ſon étude ,'
Et te goûter tout ſon emploi.
Viens être mon guide & mon Roi
Je veux me jetter dans ta chaîne,
Loin qu'on en redoute la gêne ,
On aime à tomber fous ſon poids
La liberté qui fuit les loix
Se plaît à plier ſous la tienne.
Mais , ô ma chere Qiliveté !
Tandis qu'en ton fein je fommeille
Quelle voix frappe mon oreille ,
Et trouble ma tranquillité ?
Baillant , à demi je m'éveille :
J'entr'ouvre un oeil déconcerté.
Quel objet tout-à-coup l'étonne ?
Que vois-je ? où fuis-je tranſporté ?
J'apperçois fur un même trône
Et portant femblable couronne
AVRIL 1763.
Une double Divinité
Qu'un peuple de Fous environne ,
Et qu'encenſe la Vanité.
D'un air inquiet , agité ;
S'avance une foule importune :
L'ambition & la fortune
Sont l'une & l'autre Déité.
Leurs mains font pleines de largeffes ;
Et fi j'en crois à leurs promeſſes ,
Crédit , puiſſance , dignité ,
Titres , honneurs , emplois , richeffes ,
Au gré de mon avidité
Viendront me prouver leurs tendreffes ,
Pourvû que laiffant tes careffes ,
Je me range de leur sôté.....
Vaines & trompeuſes idoles !
Par vos féduifantes paroles
Croyez-vous que je fois tenté ?
Gardez pour vous vos dons frivoles ,
Mon coeur n'en peut être flatté.
La gloire la plus éclatante
Ne vaut point la douceur charmante
De cette oifive obfcurité
Où végére ma nonchalance :
Riches , fiers de votre opulence ,
Je le fuis de ma pauvreté.
De cette fuperbe affluence
L'avantage eft trop acheté ;
Nul de vous dans fon abondance
7
A iy
MERCURE DE FRANCE .
Ne peut dire avec vérité ,
Comme moi dans mon indigence ?
Mon bonheur ne m'a rien coûté.
Que me veut cette Mufé affable bukk
Qui m'attireau facré vallon
Sa main de la spart Apollon
Me préfente un laurier durable
Mais un travail infatigable
De ce laurier fera le prix :
Il ne doit être le
partage
Que de celui dont les écrits
Dignes de paffer d'âge en âge
Avec un affidu courage
Seront polis , & repolis ?...
Retourne , 'Mufe enchantereſſe ;
Et n'interromps plus mon repos :
Remporte tes brillans rameaux
J'aime cent fois mieux ma pareffe.
Si quelquefois avec tes foeurs!
Errant fur les bords du Permeffe ,
Je veux moiſſonner quelques fleurs ,
Ce n'eſt point au prix des douceurs
Qu'on goûte au fein de la moleffe :
Pour elles volontiers je laiffe
Mules , Phabus & leurs faveurs."
Bien fou quiconque fe confume
En écrivant pour éffacer ;
Je veux que les vers fous ma plume
Viennent d'eux-mêmes fe placer :
?
I
AVRIL. 1763.
Ainfi que l'eau de l'hypochrene
De la fource dont elle fort"
Jaillit fans obftacle & fans peine ,
D'une heureuſe & facile veine
Je veux qu'ils coulent fans effort.
Je ne veux point , ô Renommée !
• Te facrifier mon loiſir
Et changer contre ta fumée
Et mon bonheur & mon plaifir.
Que dis -je ? le Plaifir lui-même
Des ris , des jeux environné ,
Ceint d'un tranſparent diadême jin A
Et de guirlandes couronné ,
S'offre à mes yyeux fart un nuage
Dans les vague des airs traîné . ) and
Ce jeune Dieu paroît orné des ho'l
De tous les attraits du bel âge :
Il eſt léger , il eft volage ;
Son oeil eft vif , fon front , ferein ;) .
Le caprice & le badinage
T
Le tiennent tous deux par la main, g
Les fleurs qui tombent de fon "fein
Jonchent les lieux de fon paffage :
Des amours le brillant effain
Devant lui vole à tire d'aîle ,
Et lui prépare le chemin.
Il vient à moi ; fa voix m'appelle :
A fa voix , je marche , je cours.
Adieu , charmante létargie ,
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Où tantôt mon âme affoupie
Eûr voulu fommeiller toujours,
Pour me féparer de tes charmes ,
La fortune & l'ambition
N'ont point eu d'affez fortes armes :
L'éclat d'un immortel renom
N'a pu me vaincre & me féduire :
J'ai préféré ton doux empire
Aux vains honneurs de l'Hélicon.
Le plaifir feul a l'avantage
De m'arracher à tes appas ;
Mais s'il m'entraîne ſur ſes
pas ,
Ce n'eft que pour un court voyage
Dont tu me verras revenir
Plus épris de mon éſclavage
Sur tes genoux me rendormir.
Se livrer trop à l'allégreſſe ,
Ce n'eft point en ſçavoir jouir.
Qui veut agir avec fageffe ,
Donne fa vie à la pareſſe ,
Et quelques momens au plaifir.
Par le nouveau venu au Parnaffe.
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Résumé : SUR LA PARESSE.
Le poème 'Sur la paresse', publié en avril 1763 dans le Mercure de France, exalte la paresse et l'indolence comme sources de paix et de tranquillité. L'auteur exprime son désir de repos et de ne penser à rien, trouvant dans la paresse une douce habitude protectrice contre l'inquiétude. Il rejette les arts pénibles et les activités exigeantes, préférant l'ignorance et le repos. Cependant, sa tranquillité est perturbée par l'apparition de l'ambition et de la fortune, représentées comme des divinités entourées de fous et encensées par la vanité. Ces figures tentent de le séduire avec des promesses de crédit, de puissance et de richesses, mais il les rejette, préférant la douceur de son obscurité et de sa nonchalance. Une muse lui offre un laurier durable, symbole de gloire littéraire, mais il refuse, trouvant le prix trop élevé. Il aspire à écrire sans effort, comme l'eau jaillissant d'une source. Il rejette également la renommée et le plaisir, bien que ce dernier parvienne à l'arracher temporairement à sa paresse. L'auteur conclut que se livrer trop à l'allégresse n'est pas savoir jouir de la vie, et qu'il vaut mieux donner sa vie à la paresse et quelques moments au plaisir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 11-12
Un Officier Général , étoit sur le point d'épouser Mlle .... lorsqu'il fut blessé à mort à la fin de la Campagne de 1759. Il est censé écrire à sa Maîtresse dans l'instant où expirant sur le champ de bataille , il se sert du fer d'une picque qu'il trempe dans son sang pour tracer ces Vers.
Début :
O MA chère Julie ! adore les destins ; [...]
Mots clefs :
Ignominie, Amant, Abîme
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texteReconnaissance textuelle : Un Officier Général , étoit sur le point d'épouser Mlle .... lorsqu'il fut blessé à mort à la fin de la Campagne de 1759. Il est censé écrire à sa Maîtresse dans l'instant où expirant sur le champ de bataille , il se sert du fer d'une picque qu'il trempe dans son sang pour tracer ces Vers.
Un Officier Général , étoit fur le point
d'époufer Mlle .... lorſqu'il fut bleffé
à mort à la fin de la Campagne
de 1759. Il eft cenfé écrire à fa
Maîtreffe dans l'inftant où expirant
fur le champ de bataille , il fe fert du
fer d'une picque qu'il trempe dans
fon fang pour tracer ces Vers.
MA chère Julie ! adore les deftins ;
Ils font naître & mourir nos projets incertains .
Une lance acérée , inſtrument du carnage ,
Eft aux bords du cercueil , pour moi d'un autre
uſage.
Arme de la fureur , tu deviens , en ce jour ,
Dans mes débiles mains , le pinceau de l'Amour
!!....i
Mon fang forme à longs traits , fur l'arène fusi
cu mante ,
Des fignes interdits à ma voix expirante.
Hélas ! s'il fut verfé , fans regret pour mon Rois
Il m'eft doux de fentir qu'il coule encor pour
toi ! .....
Je t'aimai : je t'adore ; ( excufe ma foibleffe : ) ;
Mais foit tranſports jaloux , foit orgueil , fojt
vreffe ;
Aviat
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
Ciel pourquoi redouté-je en ce fatal moment ,
Qu'un autre après ' ma mort puiffe être tom
Amant ?
Ah ! pardonne à ma crainte injufte , téméraire 7
Non ,tu n'as point brulé d'une flamme ordinaire ;
Non ; je fçais qu'aifément ton coeur ferme &
conftant
Peut donner à ton Sexe un exemple éclatant.
Lechemin tortueux que tient la perfidie,
( Tu me l'as dit cent fois ) , méne à l'ignominie...
Hélas ! il m'en fouvient : quand aux bords Champenois,
on
Ton amant t'embraffa pour la derniere fois :
» Cher époux , m'as-tu dit , tu vois de l'hyménée
» Eteindré les flambeaux ; mais ma foi t'eft done.
» née ;
» Et quel que foit ton fort , fois für que ce lien .
» Enchaîne pour jamais & mon être & le tien ....
Au moins ce foible eſpoir en mourant , me ſoulage......
Mais je touche à l'inftant , que craint même le
Sage 179 707 mm & erbror i åingi a T
Le jour fuit & fe change en d'épaiffes vapeurs....
L'abîme s'ouvre : adieu , fois fidéle....je meurs.
d'époufer Mlle .... lorſqu'il fut bleffé
à mort à la fin de la Campagne
de 1759. Il eft cenfé écrire à fa
Maîtreffe dans l'inftant où expirant
fur le champ de bataille , il fe fert du
fer d'une picque qu'il trempe dans
fon fang pour tracer ces Vers.
MA chère Julie ! adore les deftins ;
Ils font naître & mourir nos projets incertains .
Une lance acérée , inſtrument du carnage ,
Eft aux bords du cercueil , pour moi d'un autre
uſage.
Arme de la fureur , tu deviens , en ce jour ,
Dans mes débiles mains , le pinceau de l'Amour
!!....i
Mon fang forme à longs traits , fur l'arène fusi
cu mante ,
Des fignes interdits à ma voix expirante.
Hélas ! s'il fut verfé , fans regret pour mon Rois
Il m'eft doux de fentir qu'il coule encor pour
toi ! .....
Je t'aimai : je t'adore ; ( excufe ma foibleffe : ) ;
Mais foit tranſports jaloux , foit orgueil , fojt
vreffe ;
Aviat
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
Ciel pourquoi redouté-je en ce fatal moment ,
Qu'un autre après ' ma mort puiffe être tom
Amant ?
Ah ! pardonne à ma crainte injufte , téméraire 7
Non ,tu n'as point brulé d'une flamme ordinaire ;
Non ; je fçais qu'aifément ton coeur ferme &
conftant
Peut donner à ton Sexe un exemple éclatant.
Lechemin tortueux que tient la perfidie,
( Tu me l'as dit cent fois ) , méne à l'ignominie...
Hélas ! il m'en fouvient : quand aux bords Champenois,
on
Ton amant t'embraffa pour la derniere fois :
» Cher époux , m'as-tu dit , tu vois de l'hyménée
» Eteindré les flambeaux ; mais ma foi t'eft done.
» née ;
» Et quel que foit ton fort , fois für que ce lien .
» Enchaîne pour jamais & mon être & le tien ....
Au moins ce foible eſpoir en mourant , me ſoulage......
Mais je touche à l'inftant , que craint même le
Sage 179 707 mm & erbror i åingi a T
Le jour fuit & fe change en d'épaiffes vapeurs....
L'abîme s'ouvre : adieu , fois fidéle....je meurs.
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Résumé : Un Officier Général , étoit sur le point d'épouser Mlle .... lorsqu'il fut blessé à mort à la fin de la Campagne de 1759. Il est censé écrire à sa Maîtresse dans l'instant où expirant sur le champ de bataille , il se sert du fer d'une picque qu'il trempe dans son sang pour tracer ces Vers.
Le texte décrit les derniers instants d'un Officier Général blessé mortellement à la fin de la campagne de 1759. Avant de mourir, il écrit une lettre à sa maîtresse, Julie, pour lui exprimer son amour et sa crainte qu'elle puisse aimer un autre homme après sa mort. Il la supplie de pardonner ses doutes et affirme sa confiance en sa fidélité. L'officier se remémore leur dernier moment ensemble, où Julie lui avait juré fidélité. Il conclut en exprimant son amour éternel et en prenant congé, conscient de sa mort imminente.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
3
p. 12-13
L'AMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
Début :
LE Tout-Puissant Dieu de l'Amour, [...]
Mots clefs :
Amour, Dieu, Haine, Satire
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texteReconnaissance textuelle : L'AMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
L'ÀMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
LA Tout-Puiffant Dieu de l'Amour ,
Avoit un jour bleſſé mon âme,
AVRIL. 1763 : 13
Moi, je voulois le bleffer à mon tour ,
Et j'aiguifois les traits d'une Epigramme ;
Quand ce Dieu , pour guérir mon mal ,
Vint me trouver avec Thémire .
Adieu ma haine & ma fatyre ,
Je ne fis plus qu'un Madrigal……… . }
Par M. B. P. D. GRA..... de Lyan.
LA Tout-Puiffant Dieu de l'Amour ,
Avoit un jour bleſſé mon âme,
AVRIL. 1763 : 13
Moi, je voulois le bleffer à mon tour ,
Et j'aiguifois les traits d'une Epigramme ;
Quand ce Dieu , pour guérir mon mal ,
Vint me trouver avec Thémire .
Adieu ma haine & ma fatyre ,
Je ne fis plus qu'un Madrigal……… . }
Par M. B. P. D. GRA..... de Lyan.
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4
p. 13
ÉPIGRAMME A l'Auteur d'une mauvaise Epître, qu'il finissoit par des adieux à la Raison.
Début :
PAR tes adieux à la Raison, [...]
Mots clefs :
Épître, Raison, Adieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉPIGRAMME A l'Auteur d'une mauvaise Epître, qu'il finissoit par des adieux à la Raison.
É PIGRAMME
A l'Auteur d'une mauvaise Epître, qu'il
finiffoit par
des adieux à la Raifon .
PAR tes adieux à la Raiſon ,
Pourquoi terminer ton Epître ? .
Il eût été plus de ſaiſon ,
De les mettre à côté du titre :
Car long-temps après fon départ
Lui dire adieu , c'eſt un peu tard.
Par le même.
A l'Auteur d'une mauvaise Epître, qu'il
finiffoit par
des adieux à la Raifon .
PAR tes adieux à la Raiſon ,
Pourquoi terminer ton Epître ? .
Il eût été plus de ſaiſon ,
De les mettre à côté du titre :
Car long-temps après fon départ
Lui dire adieu , c'eſt un peu tard.
Par le même.
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5
p. 13-14
AIR : Je te revois, charmante Lise. JUSTIFICATION. A une Amie.
Début :
J'AI senti rechauffer ma cendre, [...]
Mots clefs :
Amie, Cœur, Amour, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR : Je te revois, charmante Lise. JUSTIFICATION. A une Amie.
AIR : Je te revois , charmante Life.
JUSTIFICATION.
A'une Amie.
J'A fenti rechauffer ma cendre ,
J'ai cru reconnoître l'ardeur
A qui ma jeuneffe trop tendre
14 MERCURE . DE FRANCE.
Dut la moitié de fon bonheur.
Eglé , votre voix me rappelle ;
Pour un coeur trifte & malheureux ,
L'Amour n'a plus qu'une étincelle
Et l'Amitié feule a des feux.
Gardez mon coeur , je vous le laiſſe,
Soutenez fa fragilité,
Et des piéges de ma foibleffe
Sauvez encor ma liberté.
Il eft für que toute la vie
Je vous aimerai tendrement ;
Et fi vous êtes mon Amie ,
De qui pourrai -je être l'Amant ?
JUSTIFICATION.
A'une Amie.
J'A fenti rechauffer ma cendre ,
J'ai cru reconnoître l'ardeur
A qui ma jeuneffe trop tendre
14 MERCURE . DE FRANCE.
Dut la moitié de fon bonheur.
Eglé , votre voix me rappelle ;
Pour un coeur trifte & malheureux ,
L'Amour n'a plus qu'une étincelle
Et l'Amitié feule a des feux.
Gardez mon coeur , je vous le laiſſe,
Soutenez fa fragilité,
Et des piéges de ma foibleffe
Sauvez encor ma liberté.
Il eft für que toute la vie
Je vous aimerai tendrement ;
Et fi vous êtes mon Amie ,
De qui pourrai -je être l'Amant ?
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Résumé : AIR : Je te revois, charmante Lise. JUSTIFICATION. A une Amie.
L'auteur exprime son émotion en revoyant une personne chère, qualifiée de 'charmante Life'. Il évoque la reconnaissance d'une ardeur qui a marqué sa jeunesse et lui a apporté du bonheur. La voix de son amie Eglé lui rappelle des souvenirs et lui apporte du réconfort. Il demande à son amie de garder son cœur et de le soutenir, afin de le protéger des pièges de sa faiblesse et de préserver sa liberté. Il affirme qu'il l'aimera tendrement toute sa vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 14-35
LES MARIAGES HEUREUX ET MALHEUREUX, CONTE MORAL.
Début :
RIEN n'est si rare que les mariages heureux, depuis qu'on n'exige plus que [...]
Mots clefs :
Cœur, Âme, Malheureux, Fortune, Épouse, Vertu, Solitude, Bonheur, Chagrin, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES MARIAGES HEUREUX ET MALHEUREUX, CONTE MORAL.
LES MARIAGES HEUREUX ET
MALHEUREUX ,
CONTE MORAL.
RIEN n'eft fi rare que les mariages
heureux , depuis qu'on n'exige plus que
des convenances bizarres établies par
l'opinion & le préjugé. La conformité
des goûts , l'union des cours paroiffent
aux parens des conditions inutiles . La
naiffance ou le bien font les feules qui
méritent leur attention ; ils ne font déterminés
que par l'un ou par l'autre. Ces
AVRIL. 1763. 15
injuftes Loix du monde , ces funeftes
préjugés portent la corruption dans
fe fein des familles en détruifant l'union
qui doit y régner ; ou fi l'union
y paroît encore , c'eſt une eſpèce de
tréve convenue que la dépravation mutuelle
a rendue néceffaire.
Azelim , fu d'une famille illuftre par
l'ancienneté de fa nobleffe & les charges
honorables qu'elle avoit toujours
occupées , s'étoit retiré de la Cour pour
finir fa carrière dans une maifon de
campagne aux environs de Paris . Il y
raffembloit la Société la plus brillante.
Le chemin étoit couvert de voitures
qui alloient ou qui revenoient de la
folitude d'Azelim . C'étoit là que les Pétits
-Maîtres & les Coquettes inventoient
les modes , traitoient d'originaux les
hommes vertueux , & de prudes les femmes
raisonnables , décidoient du mérite
d'un jeune Auteur , critiquoient la piéce
nouvelle , l'élevoient jufqu'aux nues,
ou la condamnoient à l'oubli. Une jeune
perfonne dont Azelim avoit acheté
les complaifances , & dont il avoit cru
pouvoir acheter le coeur , augmentoit
encore par fes talens les charmes de
cette retraite. On ne parloit à Paris que
du féjour délicieux d'Azelim ; la variété
16 MERCURE DE FRANCE.
des plaifirs qu'il procuroit à fes convives
faifoit l'entretien de toutes les Sociétés
. On le regardoit comme l'homme
du monde le plus heureux mais
ceux qui ne jugent point fur de trompeux
dehors appercevoient l'indigence
& le chagrin qui la fuit , à travers le
fafte & l'opulence de cette maifon ; au
milieu de la joie , le Maître paroiffoit
quelquefois accablé de trifteffe .
Azelim avoit deux enfans qui paffoient
dans le monde pour les Cavaliers
les mieux faits & les plus aimables .Tous
deux avoient une heureufe phyfionomie
, une démarche noble & affurée
un maintien décent & modefte ; mais
leur caractére étoit bien différent. L'un
étoit férieux , tranquille & mélancolique
; infenfible aux frivoles amuſemens
du monde , il n'avoit d'amour que pour
les Sciences. L'autre , vif & léger , couroit
avidement après les plaifirs. L'aîné ,
qui s'appelloit Linias , gémiffoit en fer
cret fur les dépenfes exceffives de fon
père ; il ne participoit point à cette
joie tumultueufe qui menaçoit fa famille
d'une ruine prochaine. Il voyoit
avec indignation Azelim entouré d'une
multitude de flateurs qui le méprifoient
intérieurement , & qui n'atten-
1
AVRIL. 1763 . 17
doient que fa perte pour infulter à fa
mifére. Dorville au contraire fe livroit
avec tranfport aux charmes féduifans
du plaifir ; fon coeur amolli par la volupté
ne pouvoit plus s'enyvrer que de
fa dangereufe vapeur ; fon âme n'étoit
fatisfaite qu'au milieu du défordre d'une
vie diffipée.
Il y avoit à quelque diftance de la
maifon d'Azelim un Gentilhomme appellé
Daubincourt, qui, fans ambition &
fans defirs , jouiffoit en paix du bien
qu'il avoit reçu de fes ayeux. Ennemi
du fafte & de la fomptuofité , fa maifon
n'étoit point remplie d'une troupe
d'efclaves inutiles qui ne fervent qu'à
la vanité du Maître . Les meubles étoient
antiques , mais propres ; fa table n'étoit
couverte que de viandes communes &
de légumes de fon jardin : à peine étoitil
connu des grands dont il étoit environné.
Mais cette heureufe fimplicité
lui procuroit des jours plus fereins
un fommeil plus tranquille que n'au
roient pu faire l'opulence & les plaifirs.
Rapproché par fes moeurs & fa façon
de vivre des habitans du Village
où il demeuroit , il en étoit adoré ; ces
bonnes gens faifoient tous les jours des
voeux pour fon bonheur. Si la médiocri18
MERCURE DE FRANCE.
té de fa fortune ne lui permettoit pas de
leur faire de grandes largeffes , il les
aidoit de fes confeils , il exhortoit les
malheureux à la patience , il leur apprenoit
à fouffrir. Son époufe auffi compatiffante
que lui , fe rendoit chez les
malades , elle leur donnoit fes foins &
fon temps ; le defir d'être utile à fes
femblables la mettoit au-deffus de ces
foibleffes , que la grandeur qui veut tirer
avantage des fervices mêmes , appelle
fenfibilité. Ces heureux époux avoient
une fille appellée Julie , qui joignoit
à la beauté la plus touchante , un efprit
droit & pénétrant qui faififoit toujours
le vrai , un coeur fenfible & bon
qui le lui faifoit aimer ; élevée fous les
yeux de ces parens adorables , elle avoit
pris dans leurs leçons les notions les
plus éxactes de la vertu .
Linias fe promenant un jour , en
rêvant fur les malheurs que le luxe préparoit
à fa famille , avançoit toujours
fans penfer à l'éloignement où il étoit
de la maifon de fon père : la vue d'un
homme qui lifoit à l'ombre d'une touffe
de faules fur le bord d'un ruiffeau , le
tira tout-à-coup de fes rêveries. Etonné
de fe trouver dans un lieu qu'il ne connoît
pas , il aborde l'Etranger , lui deAVRIL.
1763 . 19
mande où il eft ? Daubincourt, furpris
à fon tour , de voir à deux pas de fa
maiſon le fils aîné d'Azelim , fatisfait à
fes demandes , & le prie enfuite de venir
fe repofer , & prendre chez lui quelques
rafraîchiffemens.
Linias qui n'avoit jamais vu Daubincourt
, mais qui fouvent avoit entendu
faire l'éloge de fes vertus , fut
charmé de connoître un homme dont
les moeurs étoient en vénération dans
tout le voisinage ; il fentit même dans
ce moment l'empire de la vertu fur fon
âme : fon coeur qui n'avoit encore trouvé
perfonne dans le fein de qui il pût
s'épancher , cherchoit à s'échapper vers
celui du fage Daubincourt ; un penchant
invincible & fecret l'entraînoit
vers cet homme extraordinaire . Il entre
dans une maifon dont la fimplicité répondoit
à celle du Maître ; tout reſpiroit
cette heureufe médiocrité qui
fait les délices des âmes vertueufes.
Cette maifon dont la propreté faifoit
tout l'ornement , avoit quelque chofe
de plus riant que ces Palais magnifiques,
où les richeffes de l'art ne préfentent aux
yeux du fpectateur que l'idée affligeante
d'une injufte inégalité. Daubincourt
fit fervir à Linias les rafraîchifle20
MERCURE DE FRANCE .
mens dont il avoit befoin . N'imaginez
pas un buffet couvert de porcelaines
qu'un efclave attentif étale aux yeux
des étrangers pour fatisfaire l'orgueil
du Maître : on ne lui préfenta que les
fruits de la faifon & du vin tel que le
pays le produifoit ; mais la fimplicité de
ce repas avoit plus de charmes que les
profufions d'un grand , à travers lefquelles
on apperçoit l'avarice. Linias , lui´
dit Daubincourt , vous ne verrez pas mon
époufe & ma fille ; elles font allées au
hameau voifin porter du fecours à un
malheureux que l'indigence & la maladie
réduisent à la plus affreufe extrémité:
il ne faudra pas moins qu'une action
auffi louable pour les confoler de leur
abfence; car votre mérite leur eft connu .
Linias , ramené par Daubincourt au
Village le plus voifin de la maifon d'Azelim
, lui demanda la permiffion de
venir quelquefois le voir dans fa folitude
& jouir de fa converfation. Mais à
cette demande fes yeux fe mouillerent
de larmes , fon coeur oppreffé par le
fardeau de fes peines , cherchoit à s'en
décharger dans celui de cet homme de
bien. Daubincourt , lui dit-il , il y a
vingt ans paffés que j'ai vu le jour ; depuis
ce temps je n'ai trouvé perfonne
AVRIL. 1763. 21
dont j'aie pu faire un véritable ami. Le
monde n'a été pour moi qu'une vafte
folitude où j'ai toujours érré fans rencontrer
un homme dont l'âme attirât la
mienne ; je n'ai vu dans la Société qu'orgueil
, corruption , & méchanceté. Si
vous aimez la vertu vous devez être.
fenfible & compatiffant ; vous ferez
touché de mes maux ; je vous regarde
comme un ami tendre & fincère que
la fortune m'envoie pour nie confoler.
Vertueux jeune homme , lui dit Dau-
-bincourt , je connois l'état où vous êtes :
´un coeur contraint de foupirer en fecret
eft un pénible fardeau . Je l'ai fenti
quelquefois ; mais ce que vous n'avez
point encore heureufement éprouvé
c'eft la perfidie d'un traître qui fe joue
de la confiance d'un ami. Dans ces
cruelles circonstances , l'éfpèce humaine
fe peint à l'efprit fous les couleurs les
plus odieufes ; le monde n'eft qu'un
cahos où le vice honoré triomphe de
la vertu qui languit dans l'oppreffion &
le mépris.Le coeur abbatu par la trifteffe,
fe concentre en lui-même & fait des
efforts pour ſe détacher de tout ; une
funefte mifantropie s'en empare ; & de
l'homme le plus doux & le plus fenfible
, elle en fait l'ennemi le plus cruel
22 MERCURE DE FRANCE.
du genre humain. Linias , j'ai paffé par
ces terribles états ; l'enthouſiaſme de la
vertu me fit abandonner les hommes
que je jugeois indignes de ma tendreſſe ;
je vins dans cette retraite avec la réfolution
de ne plus retourner dans la fociété
qui me paroiffoit le féjour du crime :
la haine de mes femblables que je nourriffois
dans mon coeur , mefoutint quelques
années contre le defir de revenir
parmi eux. Chaque fois qu'il s'élevoit
dans mon âme , je me repréfentois pour
le détruire le repos de ma folitude , l'indépendance
où j'étois du caprice & de
la méchanceté des hommes . Mais je me
faifois illufion à moi-même : mon coeur
vuide , étoit en proie à des agitations intérieures
qui renverfoient cette tranquillité
dont je croyois jouir ; la mauvaiſe
humeur & le chagrin me faifoient fentir
à chaque inftant que je n'étois pas à ma
place. Des affaires vinrent heureuſement
à mon fecours . Rentré dans le monde ,
j'y trouvai des gens de bien ; le hazard
amena vers moi de vrais amis dont le
commerce enchanteur effaça peu- à-peu
les idées triftes qui me rendoient fombre
& chagrin. J'enviſageai le monde
fous un afpect plus favorable ; le défordre
que j'avois apperçu fe diffipa ; la
AVRIL. 1763. 23
>
,
la
vertu me parut avoir des adorateurs Je
vis alors que le vice à qui j'avois attribué
le droit injufte de faire des heureux
faifoit au contraire le fupplice
de fes partifans. Remis à la place que
Nature m'avoit deſtinée mon coeur
fentit une joie qu'il n'avoit point encore
éprouvée ; je crus jouir d'une nouvelle
éxiftence . Des noeuds formés par
la vertu , mirent le comble à mon bonheur.
Je m'unis aux pieds des autels avec
une jeune perfonne,dont la fortune étoit
médiocre à la vérité ; mais qui poffédoit
des richeffes plus réelles & d'un plus
grand prix les qualités de fon âme la
rendoient plus eftimable à mes yeux que
des biens qui ne fervent fouvent qu'à
nous avilir. Elevée dans la retraite , elle
préféra le féjour de la campagne à la
vie diffipée des Villes. Je me rendis avec
elle dans cette folitude ; mais j'y apportai
un coeur fatisfait & tranquille;& je connus
alors qu'il faut être bien avec foi-même,
pour goûter les plaifirs de la retraite.
C'eft à cette femme adorable que je dois
les plus beaux jours de ma vie ; C'eſt
à notre union que je dois cette volupté
pure dont mon âme eft remplie. Linias,
votre coeur brifé par la douleur vous empêche
de voir les chofes telles qu'elles
24 MERCURE DE FRANCE .
font ; le chagrin qui vous dévore leur
donne néceffairement une teinte qui les
défigure : les objets fe peignent confufément
dans une rivière agitée par la
tempête ; ce n'eft que dans le cryſtal
d'une eau pure & tranquille qu'on voit
l'azur d'un ciel fans nuages. Lorfque
le calme vous aura rendu la tranquillité,
vous ferez moins injufte envers les hommes
; ils vous paroîtront alors plus dignes
de compaffion que de haine . Linias
, venez quelquefois dans ma folitude
; fi l'amitié peut adoucir vos maux,
vous devez tout attendre de la mienne :
je connois depuis longtemps votre
amour pour la vertu ; c'eft à lui que
vous devez mon eftime & ma confiance.
Linias , qui pendant ce difcours étoit
refté immobile & penfif , pouffa un
profond foupir ; prenant enfuite une
des mains du généreux Daubincourt
il l'arrofoit de fes pleurs. Ah ! Daubincourt
lui dit -il vous me rendez la
vie. Je ceffe d'être malheureux , puifque
je trouve un ami fenfible & compatiffant.
Il acheva le chemin qui leur reftoit
à faire enfemble, en lui parlant de fa
famille ; il verfoit dans le fein de cet ami
fincère & vertueux les fentimens dont
fon âme cherchoit depuis longtemps à fe
> λ
délivrer .
1
AVRIL. 1763. 25
délivrer. Quoique Daubincourt ne pût
apporter aucun reméde aux malheurs
dont il étoit menacé , les paroles confolantes
de cet homme vrai calmoient fes
craintes & faifoient renaître l'efpérance
au fond de fon coeur. Arrivés au village
dont ils étoient convenus , Daubincourt
fe fépara de Linias , en arrêtant avec
lui un rendés-vous au même endroit .
, Linias de retour chez fon pére ,
trouva la cour remplie de voitures qui
venoient d'amener une compagnie nouvelle
. Azelim , entouré d'un cercle nombreux
, avaloit à longs traits le funefte
poifon de la flatterie. Il recevoit avec une
orgueilleufe fatisfaction les hommages
de ces vils efclaves dont le coeur démentoit
en fecret les louanges qu'ils
lui donnoient à haute voix ; une foule
de domeftiques augmentoit encore le
tumulte & le defordre de cette maiſon ;
on l'auroit crue livrée au pillage d'une
troupe ennemie . Linias , retiré dans fa
chambre, comparoit tout ce fracas avec
la paix & la tranquillité qui régnoient
chez Daubincourt. Malheureux Azelim !'
difoit- il , il n'y a donc que l'infortune qui
puiffe arracher le bandeau qui t'aveugle
Enyvré de ta chimérique grandeur & de
ta fauffe opulence , tu ne refpires que
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
le plaifir & la joie. Tu t'en rapportes
plutôt aux âmes baffes qui t'environnent
& te vantent ta félicité , qu'à ton propre
coeur que le trouble agite ! Porte tes
regards fur le funefte avenir que tu
prepares à ta malheureufe famille : tu
verras cette multitude de Créanciers
qui t'obféde inutilement chaque jour,
s'emparer de ce Palais magnifique , de
ces meubles précieux , de ces tableaux
rares qui te méritent le titre de connoiffeur
, partager entre eux tes dépouilles
& te plonger dans la mifère la plus
affreufe.Tu verras ces infâmes adulateurs,
qui font aujourd'hi l'éloge de ta magnificence
, blâmer hautement ta folie
& déchirer ton coeur par les outrages
les plus humilians . Ah , Daubincourt !
c'eft chez toi que le bonheur habite :
la frugalité te procure l'abondance ;
l'obfcurité t'affure le repos .
Cependant Linias fe livroit moins
à la trifteffe ; fon coeur étoit devenu
plus tranquille. Préparé par les difcours
de fon ami aux coups de la néceffité ,
il attendoit avec impatience la triſte
révolution de fa fortune. Mais lorsqu'il
penfoit que les biens d'Azelim feroient
beaucoup au - deffous des dettes immenfes
qu'il avoit contractées , fon couAVRIL.
1763. 27
rage s'évanouiffoit ; il croyoit voir les
victimes infortunées du luxe d'Azelim
apporter à fes pieds leurs juftes plaintes ;
il entendoit leurs gémiffemens & leurs
reproches.
Le jour marqué par Daubincourt
étant arrivé , Linias fe rendit dès le
matin au rendés-vous . La préfence de
cet ami pouvoit feule diminuer le poids
accablant de fes peines & rendre à fon
coeur allarmé la confiance & la paix . Linias
, lui dit Daubincourt , vous devez
juger à mon exactitude , de l'intérêt que
je prends à votre malheureux fort. Il
n'eft rien que je ne faffe pour l'adoucir:
fi je ne puis vous remettre dans
l'opulence où vous avez toujours vêcu,je
puis du moins vous apprendre à fupporter
l'indigence & peut-être les moyens d'en
fortir. Mais venez , Linias , ma famille
vous attend ; vous trouverez dans ces
coeurs fenfibles un plus fûr appui , que
dans les vaines promeffes d'un Grand
qui ne s'occupe que de lui- même . L'amitié-
vous dédommagera des biens de
la fortune , qui ne peuvent remplir une
âme épriſe de la vertu ; les larmes que
vous verrez couler de nos yeux , vous
feront goûter un plaifir que n'éprouvent
Bij
28 MERCURE DE FRANCE .
་ས་ ་
jamais les hommes puiffans qui ne font
entourés que d'envieux & d'ennemis ,
Linias , en entrant chez Daubincourt ,
trouva fon époufe & fa fille à l'ouvrage.
L'une tenoit une toile groffière deſtinée
aux malheureux du Village ; l'autre travailloit
au linge de la maifon . Quel
Spectacle pour Linias , qui n'avoit jamais
vu que des femmes occupées de
leur parure ou du jeu ! elles fe leverent
& le reçurent avec une politeffe obligeante
. Linias étoit amené par Daubincourt
; il étoit malheureux à ces deux
titres , il fut auffitôt de la famille. Mais
lorfqu'il eut jetté les yeux fur la fille de
fon ami , fon coeur qui jufqu'alors avoit
été confumé par le chagrin , devint en
un moment la victime d'une paffion
nouvelle qui lui fit oublier tous fes
maux . Les regards attachés fur Julie ,
il contemploit avec une efpèce de raviffement
ce vifage qui portoit l'empreinte
de l'innocence & de la candeur. Les graces
touchantes de cette jeune fille le tenoient
dans une douce yvreffe qui le
tranfportoit chacune de fes paroles étoit
un trait de feu dont fon âme étoit embrafée.
Il regardoit par intervalle Daubincourt
& fon époufe qui lui parloient ;
AVRIL. 1763. 29
mais fes yeux revenoient malgré lui fur
l'adorable Julie ; rien ne pouvoit l'en
détacher. Si les affaires de la maiſon appelloient
cette aimable fille dans une autre
chambre , il prêtoit l'oreille pour
entendre le fon flatteur de cette voix
qui portoit dans fon coeur un trouble
délicieux. Cependant, revenu de cet enchantement,
il auroit voulu cacher à fon
ami le défordre de fon âme ; mais il
n'étoit plus temps : Daubincourt & fon
époufe l'avoient pénétré. Tous deux attentifs
au mouvement du vifage de Linias
, ils ne doutoient plus de l'impref
fion qu'avoit fait fur fon coeur la préfence
de Julie. Linias , obligé de fe
rendre ' chez fon père , fe fépara les farmes
aux yeux dé cette aimable famille ;
il ne pouvoit s'arracher de cette maifon
où fon coeur étoit enchaîné par l'amour
le plus violent. Daubincourt ne lui propofa
point comme la première fois de
l'accompagner une partie de chemin ;
il fçavoit qu'il ne pouvoit encore être
le confident des tranfports de fon ami ,
& qu'un entretien étranger à cet objet
feroit déplacé. Suis -je affez malheureux ?
difoit Linias , occupé de fa nouvelle
paffion. N'avois - je pas affez de mes
maux fans y ajoûter un amour qu'il
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
faudra facrifier aux Loix injuftes de la
focieté ? Mon père exigera que je m'u
niffe à quelque femme ambitieufe &
riche qui voudra couvrir d'un beau nom
la baffeffe de fon origine ; fes biens feront
peut-être tout fon mérite ; ou s'il
approuve mes defirs , puis je eſpérer
que Daubincourt , qui ne jouit que
d'une
fortune médiocre , veuille m'accorder
fa fille à qui je ne pourrai donner
que mon coeur & ma main ? Oferai-je
la lui demander ? ... De quelque côté
que je me tourne , je ne vois que des
obftacles ; il femble que tout s'oppose à
mon bonheur. Ah ! Julie ! fi je ne puis
vous obtenir , s'il faut renoncer à la
feule femme que mon coeur ait jamais
aimée , pour en époufer une autre que
mon coeur n'aimerà jamais ; je foupirerai
chaque jour après le terme de ma
- carrière : je n'aurai d'autre confolation
que de m'en approcher par mes defirs .
Azelim , ayant appris le retour de
Linias , le fit appeller. Mon fils , lui ditil
, des lettres que j'ai reçues de Paris
m'annoncent pour vous l'établiſſement
le plus avantageux. Une Famille , à la
vérité peu connue , mais dont la fortu
ne eft confidérable , vous demande pour
gendre. J'aurois voulu pouvoir vous
AVRIL. 1763. 31
donner une époufe de votre naiffance
& de votre rang ; mais ce rang même
qui m'obligeoit à de grandes dépenfes ,
a dérangé ma fortune & m'impofe la
trifte néceffité d'accepter une fille opulente
dont les richeffes foutiennent l'éclat
de notre maifon , & vous fourniffent
les moyens d'acheter à la Cour un
emploi convenable au nom que vous
portez. Il eft des temps malheureux où
s'oubliant foi-même on ne doit confulter
que les conjonctures ; il faut defcendre
en quelque forte de fon état
pour s'élever enfuite beaucoup plus
haut. Mais je ne veux point uſer de mon
autorité ; je ne ferai jamais le tyran de
mes enfans. Si vous aviez pour ce mariage
une répugnance invincible , Dorville
prendra votre place avec joie : cette
fortune lui fera peut-être même plus
utile qu'à vous. Il a des connoiffances
chez le Prince , des amis puiffans , des
talens agréables ; votre amour pour la
folitude vous a de tout temps éloigné
du monde ; vous préférez une vie tranquille
aux intrigues de la Cour. Cependant
, Linias , c'eſt l'aîné qu'on demande
je ne ferai ma réponſe , je ne verrai
Dorville que lorfque vous ferez décidé.
Ah ! mon père , dit Linias , que
Biv
32 MERCURE DE FRANCE .
Dorville jouiffe de la fortune qui m'eſt
offerte ; je n'afpire point au bonheur
d'être riche , encore moins à celui d'époufer
une fille inconnue qui tireroit
peut-être de fon opulence le droit de me
rendre malheureux. Vous connoiffez
mes goûts ; ils exigent une vie privée :
la folitude a pour moi plus de charmes
que les plaifirs bruyans du monde.
Azelim , qui panchoit en fecret pour
Dorville , dont l'efprit étoit agréable &
petillant , conclut à la hâte un hymen
qui devoit rendre à fa famille un éclat
que la mifére étoit fur le point d'obfcurcir.
Dorville , enchanté , fit de nouveaux
emprunts pour fatisfaire le luxe
& la vanité de fon époufe , qui recevoit
fes préfens d'un air vain & dédaigneux,
Née dans l'abondance , elle ne mit
point de bornes à fes defirs ; les chofes
n'avoient de mérite à fes yeux qu'autant
qu'elles étoient rares : devenues
communes , il falloit s'en défaite à vil
prix. Son mari , dont le goût pour la
dépenfe ne s'accordoit malheureuſement
que trop avec le fien , applaudiffoit à fes
profufions. Mais fa complaifance ne fit,
que la rendre plus fière & plus hautaine
rien ne fe faifoit chez elle que par
fes ordres ; ceux du Maître n'étoient
*
AVRIL. 1763 . 33
jamais exécutés . Non contente du mépris
& des reproches humilians dont elle
l'accabloit chaque jour , elle imagina
qu'une femme de fon rang devoit avoir
un ami qui la dédommageât en fecret
de l'ennui qu'elle éprouvoit avec fon
mari. Cet heureux confident l'accompagnoit
aux Spectacles & aux promenades
, fans que l'infortuné Dorville
pût s'y oppofer. S'il s'en plaignoit , on
lui repréfentoit avec aigreur que la
jaloufie le couvriroit de ridicule ; que
les femmes les plus vertueufes tenoient
la même conduite ; & il n'y avoit qu'un
efprit bizarre & jaloux qui pût taxer
de licence une pareille liberté .
...
Dorville indigné de voir fon fort uni
pour toujours à celui d'une femme
qui le méprifoit , chercha bientôt à s'en
confoler , en fe livrant à la débauche.
Mais revenons à Linias.
>
Heureufement échappé au danger de
former des noeuds mal affortis , il étoit
encore agité par de nouvelles craintes .
Daubincourt & fon Epoufe voudroientils
lui accorder leur fille ? Cet hymen
qui feroit fon bonheur , feroit - il celui
de l'aimable Julie ? Lui a-t-il infpiré
cé penchant qui l'entraîne vers elle ?
Son choix n'eft-il peut -être pas déja
By
34 MERCURE DE FRANCE .
fait au fond de fon coeur ? .... Ces:
idées l'affligent & le tourmentent. Son
efprit incertain érre de tout côté fans
pouvoir fe fixer. Il retourne chez Daubincourt
; cette retraite étoit pour lui
le féjour le plus délicieux. Eloigné de
Julie , fon âme inquiette n'étoit fenfi-.
ble à rien . Il ne put cacher à fon
ami le trouble de fon coeur ; fa trifteffe
le trahiffoit. Linias , lui dit Daubincourt
, ce n'eft plus fur le luxe
d'Azelim que vous pleurez aujourd'hui :
vous portez dans votre âme un chagrin
fecret que vous cachez à votre
ami ! En eft-il que je puiffe ignorer
& que je ne partage ? Si vous avez
de nouveaux chagrins, répandez- les dans
le fein d'un homme dont la fenfibilité
vous eft connue : vos réferves font injurieufes
à ma tendreffe. Ah ! Daubincourt
vous m'arrachez mon fecret.
Père de l'aimable Julie , fachez qu'il
n'y a plus de bonheur pour moi , fi
je n'obtiens pour époufe cette fille adorable
dont l'image toujours préfente à
mon efprit , n'en fera jamais effacée ! .... :
Vivez heureux , Linias : vos vertus ont
fait fur l'âme de Julie la même impreffion
que fur la mienne ; vos coeurs que
la Nature forma l'un pour l'autre , ne
feront point féparés & malheureux ;
,
AVRIL. 1763 . 35
c'est une injuftice dont nous n'aurons
point à rougir. Linias paffant de la
douleur aux tranfports de la joie la plus
vive , fe jetta au col de fon ami , &
ne lui répondit que par ces larmes
précieufes que la reconnoiffance fait répandre
; & cet hymen auquel Azelim
donna fon confentement , fit le bonheur
de ces époux qui toujours charmés
l'un de l'autre , goûterent cette
félicité pure dont ils étoient dignes ,
& qui ne peut naître que de l'union
des coeurs. Des bords de la Conie.
MALHEUREUX ,
CONTE MORAL.
RIEN n'eft fi rare que les mariages
heureux , depuis qu'on n'exige plus que
des convenances bizarres établies par
l'opinion & le préjugé. La conformité
des goûts , l'union des cours paroiffent
aux parens des conditions inutiles . La
naiffance ou le bien font les feules qui
méritent leur attention ; ils ne font déterminés
que par l'un ou par l'autre. Ces
AVRIL. 1763. 15
injuftes Loix du monde , ces funeftes
préjugés portent la corruption dans
fe fein des familles en détruifant l'union
qui doit y régner ; ou fi l'union
y paroît encore , c'eſt une eſpèce de
tréve convenue que la dépravation mutuelle
a rendue néceffaire.
Azelim , fu d'une famille illuftre par
l'ancienneté de fa nobleffe & les charges
honorables qu'elle avoit toujours
occupées , s'étoit retiré de la Cour pour
finir fa carrière dans une maifon de
campagne aux environs de Paris . Il y
raffembloit la Société la plus brillante.
Le chemin étoit couvert de voitures
qui alloient ou qui revenoient de la
folitude d'Azelim . C'étoit là que les Pétits
-Maîtres & les Coquettes inventoient
les modes , traitoient d'originaux les
hommes vertueux , & de prudes les femmes
raisonnables , décidoient du mérite
d'un jeune Auteur , critiquoient la piéce
nouvelle , l'élevoient jufqu'aux nues,
ou la condamnoient à l'oubli. Une jeune
perfonne dont Azelim avoit acheté
les complaifances , & dont il avoit cru
pouvoir acheter le coeur , augmentoit
encore par fes talens les charmes de
cette retraite. On ne parloit à Paris que
du féjour délicieux d'Azelim ; la variété
16 MERCURE DE FRANCE.
des plaifirs qu'il procuroit à fes convives
faifoit l'entretien de toutes les Sociétés
. On le regardoit comme l'homme
du monde le plus heureux mais
ceux qui ne jugent point fur de trompeux
dehors appercevoient l'indigence
& le chagrin qui la fuit , à travers le
fafte & l'opulence de cette maifon ; au
milieu de la joie , le Maître paroiffoit
quelquefois accablé de trifteffe .
Azelim avoit deux enfans qui paffoient
dans le monde pour les Cavaliers
les mieux faits & les plus aimables .Tous
deux avoient une heureufe phyfionomie
, une démarche noble & affurée
un maintien décent & modefte ; mais
leur caractére étoit bien différent. L'un
étoit férieux , tranquille & mélancolique
; infenfible aux frivoles amuſemens
du monde , il n'avoit d'amour que pour
les Sciences. L'autre , vif & léger , couroit
avidement après les plaifirs. L'aîné ,
qui s'appelloit Linias , gémiffoit en fer
cret fur les dépenfes exceffives de fon
père ; il ne participoit point à cette
joie tumultueufe qui menaçoit fa famille
d'une ruine prochaine. Il voyoit
avec indignation Azelim entouré d'une
multitude de flateurs qui le méprifoient
intérieurement , & qui n'atten-
1
AVRIL. 1763 . 17
doient que fa perte pour infulter à fa
mifére. Dorville au contraire fe livroit
avec tranfport aux charmes féduifans
du plaifir ; fon coeur amolli par la volupté
ne pouvoit plus s'enyvrer que de
fa dangereufe vapeur ; fon âme n'étoit
fatisfaite qu'au milieu du défordre d'une
vie diffipée.
Il y avoit à quelque diftance de la
maifon d'Azelim un Gentilhomme appellé
Daubincourt, qui, fans ambition &
fans defirs , jouiffoit en paix du bien
qu'il avoit reçu de fes ayeux. Ennemi
du fafte & de la fomptuofité , fa maifon
n'étoit point remplie d'une troupe
d'efclaves inutiles qui ne fervent qu'à
la vanité du Maître . Les meubles étoient
antiques , mais propres ; fa table n'étoit
couverte que de viandes communes &
de légumes de fon jardin : à peine étoitil
connu des grands dont il étoit environné.
Mais cette heureufe fimplicité
lui procuroit des jours plus fereins
un fommeil plus tranquille que n'au
roient pu faire l'opulence & les plaifirs.
Rapproché par fes moeurs & fa façon
de vivre des habitans du Village
où il demeuroit , il en étoit adoré ; ces
bonnes gens faifoient tous les jours des
voeux pour fon bonheur. Si la médiocri18
MERCURE DE FRANCE.
té de fa fortune ne lui permettoit pas de
leur faire de grandes largeffes , il les
aidoit de fes confeils , il exhortoit les
malheureux à la patience , il leur apprenoit
à fouffrir. Son époufe auffi compatiffante
que lui , fe rendoit chez les
malades , elle leur donnoit fes foins &
fon temps ; le defir d'être utile à fes
femblables la mettoit au-deffus de ces
foibleffes , que la grandeur qui veut tirer
avantage des fervices mêmes , appelle
fenfibilité. Ces heureux époux avoient
une fille appellée Julie , qui joignoit
à la beauté la plus touchante , un efprit
droit & pénétrant qui faififoit toujours
le vrai , un coeur fenfible & bon
qui le lui faifoit aimer ; élevée fous les
yeux de ces parens adorables , elle avoit
pris dans leurs leçons les notions les
plus éxactes de la vertu .
Linias fe promenant un jour , en
rêvant fur les malheurs que le luxe préparoit
à fa famille , avançoit toujours
fans penfer à l'éloignement où il étoit
de la maifon de fon père : la vue d'un
homme qui lifoit à l'ombre d'une touffe
de faules fur le bord d'un ruiffeau , le
tira tout-à-coup de fes rêveries. Etonné
de fe trouver dans un lieu qu'il ne connoît
pas , il aborde l'Etranger , lui deAVRIL.
1763 . 19
mande où il eft ? Daubincourt, furpris
à fon tour , de voir à deux pas de fa
maiſon le fils aîné d'Azelim , fatisfait à
fes demandes , & le prie enfuite de venir
fe repofer , & prendre chez lui quelques
rafraîchiffemens.
Linias qui n'avoit jamais vu Daubincourt
, mais qui fouvent avoit entendu
faire l'éloge de fes vertus , fut
charmé de connoître un homme dont
les moeurs étoient en vénération dans
tout le voisinage ; il fentit même dans
ce moment l'empire de la vertu fur fon
âme : fon coeur qui n'avoit encore trouvé
perfonne dans le fein de qui il pût
s'épancher , cherchoit à s'échapper vers
celui du fage Daubincourt ; un penchant
invincible & fecret l'entraînoit
vers cet homme extraordinaire . Il entre
dans une maifon dont la fimplicité répondoit
à celle du Maître ; tout reſpiroit
cette heureufe médiocrité qui
fait les délices des âmes vertueufes.
Cette maifon dont la propreté faifoit
tout l'ornement , avoit quelque chofe
de plus riant que ces Palais magnifiques,
où les richeffes de l'art ne préfentent aux
yeux du fpectateur que l'idée affligeante
d'une injufte inégalité. Daubincourt
fit fervir à Linias les rafraîchifle20
MERCURE DE FRANCE .
mens dont il avoit befoin . N'imaginez
pas un buffet couvert de porcelaines
qu'un efclave attentif étale aux yeux
des étrangers pour fatisfaire l'orgueil
du Maître : on ne lui préfenta que les
fruits de la faifon & du vin tel que le
pays le produifoit ; mais la fimplicité de
ce repas avoit plus de charmes que les
profufions d'un grand , à travers lefquelles
on apperçoit l'avarice. Linias , lui´
dit Daubincourt , vous ne verrez pas mon
époufe & ma fille ; elles font allées au
hameau voifin porter du fecours à un
malheureux que l'indigence & la maladie
réduisent à la plus affreufe extrémité:
il ne faudra pas moins qu'une action
auffi louable pour les confoler de leur
abfence; car votre mérite leur eft connu .
Linias , ramené par Daubincourt au
Village le plus voifin de la maifon d'Azelim
, lui demanda la permiffion de
venir quelquefois le voir dans fa folitude
& jouir de fa converfation. Mais à
cette demande fes yeux fe mouillerent
de larmes , fon coeur oppreffé par le
fardeau de fes peines , cherchoit à s'en
décharger dans celui de cet homme de
bien. Daubincourt , lui dit-il , il y a
vingt ans paffés que j'ai vu le jour ; depuis
ce temps je n'ai trouvé perfonne
AVRIL. 1763. 21
dont j'aie pu faire un véritable ami. Le
monde n'a été pour moi qu'une vafte
folitude où j'ai toujours érré fans rencontrer
un homme dont l'âme attirât la
mienne ; je n'ai vu dans la Société qu'orgueil
, corruption , & méchanceté. Si
vous aimez la vertu vous devez être.
fenfible & compatiffant ; vous ferez
touché de mes maux ; je vous regarde
comme un ami tendre & fincère que
la fortune m'envoie pour nie confoler.
Vertueux jeune homme , lui dit Dau-
-bincourt , je connois l'état où vous êtes :
´un coeur contraint de foupirer en fecret
eft un pénible fardeau . Je l'ai fenti
quelquefois ; mais ce que vous n'avez
point encore heureufement éprouvé
c'eft la perfidie d'un traître qui fe joue
de la confiance d'un ami. Dans ces
cruelles circonstances , l'éfpèce humaine
fe peint à l'efprit fous les couleurs les
plus odieufes ; le monde n'eft qu'un
cahos où le vice honoré triomphe de
la vertu qui languit dans l'oppreffion &
le mépris.Le coeur abbatu par la trifteffe,
fe concentre en lui-même & fait des
efforts pour ſe détacher de tout ; une
funefte mifantropie s'en empare ; & de
l'homme le plus doux & le plus fenfible
, elle en fait l'ennemi le plus cruel
22 MERCURE DE FRANCE.
du genre humain. Linias , j'ai paffé par
ces terribles états ; l'enthouſiaſme de la
vertu me fit abandonner les hommes
que je jugeois indignes de ma tendreſſe ;
je vins dans cette retraite avec la réfolution
de ne plus retourner dans la fociété
qui me paroiffoit le féjour du crime :
la haine de mes femblables que je nourriffois
dans mon coeur , mefoutint quelques
années contre le defir de revenir
parmi eux. Chaque fois qu'il s'élevoit
dans mon âme , je me repréfentois pour
le détruire le repos de ma folitude , l'indépendance
où j'étois du caprice & de
la méchanceté des hommes . Mais je me
faifois illufion à moi-même : mon coeur
vuide , étoit en proie à des agitations intérieures
qui renverfoient cette tranquillité
dont je croyois jouir ; la mauvaiſe
humeur & le chagrin me faifoient fentir
à chaque inftant que je n'étois pas à ma
place. Des affaires vinrent heureuſement
à mon fecours . Rentré dans le monde ,
j'y trouvai des gens de bien ; le hazard
amena vers moi de vrais amis dont le
commerce enchanteur effaça peu- à-peu
les idées triftes qui me rendoient fombre
& chagrin. J'enviſageai le monde
fous un afpect plus favorable ; le défordre
que j'avois apperçu fe diffipa ; la
AVRIL. 1763. 23
>
,
la
vertu me parut avoir des adorateurs Je
vis alors que le vice à qui j'avois attribué
le droit injufte de faire des heureux
faifoit au contraire le fupplice
de fes partifans. Remis à la place que
Nature m'avoit deſtinée mon coeur
fentit une joie qu'il n'avoit point encore
éprouvée ; je crus jouir d'une nouvelle
éxiftence . Des noeuds formés par
la vertu , mirent le comble à mon bonheur.
Je m'unis aux pieds des autels avec
une jeune perfonne,dont la fortune étoit
médiocre à la vérité ; mais qui poffédoit
des richeffes plus réelles & d'un plus
grand prix les qualités de fon âme la
rendoient plus eftimable à mes yeux que
des biens qui ne fervent fouvent qu'à
nous avilir. Elevée dans la retraite , elle
préféra le féjour de la campagne à la
vie diffipée des Villes. Je me rendis avec
elle dans cette folitude ; mais j'y apportai
un coeur fatisfait & tranquille;& je connus
alors qu'il faut être bien avec foi-même,
pour goûter les plaifirs de la retraite.
C'eft à cette femme adorable que je dois
les plus beaux jours de ma vie ; C'eſt
à notre union que je dois cette volupté
pure dont mon âme eft remplie. Linias,
votre coeur brifé par la douleur vous empêche
de voir les chofes telles qu'elles
24 MERCURE DE FRANCE .
font ; le chagrin qui vous dévore leur
donne néceffairement une teinte qui les
défigure : les objets fe peignent confufément
dans une rivière agitée par la
tempête ; ce n'eft que dans le cryſtal
d'une eau pure & tranquille qu'on voit
l'azur d'un ciel fans nuages. Lorfque
le calme vous aura rendu la tranquillité,
vous ferez moins injufte envers les hommes
; ils vous paroîtront alors plus dignes
de compaffion que de haine . Linias
, venez quelquefois dans ma folitude
; fi l'amitié peut adoucir vos maux,
vous devez tout attendre de la mienne :
je connois depuis longtemps votre
amour pour la vertu ; c'eft à lui que
vous devez mon eftime & ma confiance.
Linias , qui pendant ce difcours étoit
refté immobile & penfif , pouffa un
profond foupir ; prenant enfuite une
des mains du généreux Daubincourt
il l'arrofoit de fes pleurs. Ah ! Daubincourt
lui dit -il vous me rendez la
vie. Je ceffe d'être malheureux , puifque
je trouve un ami fenfible & compatiffant.
Il acheva le chemin qui leur reftoit
à faire enfemble, en lui parlant de fa
famille ; il verfoit dans le fein de cet ami
fincère & vertueux les fentimens dont
fon âme cherchoit depuis longtemps à fe
> λ
délivrer .
1
AVRIL. 1763. 25
délivrer. Quoique Daubincourt ne pût
apporter aucun reméde aux malheurs
dont il étoit menacé , les paroles confolantes
de cet homme vrai calmoient fes
craintes & faifoient renaître l'efpérance
au fond de fon coeur. Arrivés au village
dont ils étoient convenus , Daubincourt
fe fépara de Linias , en arrêtant avec
lui un rendés-vous au même endroit .
, Linias de retour chez fon pére ,
trouva la cour remplie de voitures qui
venoient d'amener une compagnie nouvelle
. Azelim , entouré d'un cercle nombreux
, avaloit à longs traits le funefte
poifon de la flatterie. Il recevoit avec une
orgueilleufe fatisfaction les hommages
de ces vils efclaves dont le coeur démentoit
en fecret les louanges qu'ils
lui donnoient à haute voix ; une foule
de domeftiques augmentoit encore le
tumulte & le defordre de cette maiſon ;
on l'auroit crue livrée au pillage d'une
troupe ennemie . Linias , retiré dans fa
chambre, comparoit tout ce fracas avec
la paix & la tranquillité qui régnoient
chez Daubincourt. Malheureux Azelim !'
difoit- il , il n'y a donc que l'infortune qui
puiffe arracher le bandeau qui t'aveugle
Enyvré de ta chimérique grandeur & de
ta fauffe opulence , tu ne refpires que
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
le plaifir & la joie. Tu t'en rapportes
plutôt aux âmes baffes qui t'environnent
& te vantent ta félicité , qu'à ton propre
coeur que le trouble agite ! Porte tes
regards fur le funefte avenir que tu
prepares à ta malheureufe famille : tu
verras cette multitude de Créanciers
qui t'obféde inutilement chaque jour,
s'emparer de ce Palais magnifique , de
ces meubles précieux , de ces tableaux
rares qui te méritent le titre de connoiffeur
, partager entre eux tes dépouilles
& te plonger dans la mifère la plus
affreufe.Tu verras ces infâmes adulateurs,
qui font aujourd'hi l'éloge de ta magnificence
, blâmer hautement ta folie
& déchirer ton coeur par les outrages
les plus humilians . Ah , Daubincourt !
c'eft chez toi que le bonheur habite :
la frugalité te procure l'abondance ;
l'obfcurité t'affure le repos .
Cependant Linias fe livroit moins
à la trifteffe ; fon coeur étoit devenu
plus tranquille. Préparé par les difcours
de fon ami aux coups de la néceffité ,
il attendoit avec impatience la triſte
révolution de fa fortune. Mais lorsqu'il
penfoit que les biens d'Azelim feroient
beaucoup au - deffous des dettes immenfes
qu'il avoit contractées , fon couAVRIL.
1763. 27
rage s'évanouiffoit ; il croyoit voir les
victimes infortunées du luxe d'Azelim
apporter à fes pieds leurs juftes plaintes ;
il entendoit leurs gémiffemens & leurs
reproches.
Le jour marqué par Daubincourt
étant arrivé , Linias fe rendit dès le
matin au rendés-vous . La préfence de
cet ami pouvoit feule diminuer le poids
accablant de fes peines & rendre à fon
coeur allarmé la confiance & la paix . Linias
, lui dit Daubincourt , vous devez
juger à mon exactitude , de l'intérêt que
je prends à votre malheureux fort. Il
n'eft rien que je ne faffe pour l'adoucir:
fi je ne puis vous remettre dans
l'opulence où vous avez toujours vêcu,je
puis du moins vous apprendre à fupporter
l'indigence & peut-être les moyens d'en
fortir. Mais venez , Linias , ma famille
vous attend ; vous trouverez dans ces
coeurs fenfibles un plus fûr appui , que
dans les vaines promeffes d'un Grand
qui ne s'occupe que de lui- même . L'amitié-
vous dédommagera des biens de
la fortune , qui ne peuvent remplir une
âme épriſe de la vertu ; les larmes que
vous verrez couler de nos yeux , vous
feront goûter un plaifir que n'éprouvent
Bij
28 MERCURE DE FRANCE .
་ས་ ་
jamais les hommes puiffans qui ne font
entourés que d'envieux & d'ennemis ,
Linias , en entrant chez Daubincourt ,
trouva fon époufe & fa fille à l'ouvrage.
L'une tenoit une toile groffière deſtinée
aux malheureux du Village ; l'autre travailloit
au linge de la maifon . Quel
Spectacle pour Linias , qui n'avoit jamais
vu que des femmes occupées de
leur parure ou du jeu ! elles fe leverent
& le reçurent avec une politeffe obligeante
. Linias étoit amené par Daubincourt
; il étoit malheureux à ces deux
titres , il fut auffitôt de la famille. Mais
lorfqu'il eut jetté les yeux fur la fille de
fon ami , fon coeur qui jufqu'alors avoit
été confumé par le chagrin , devint en
un moment la victime d'une paffion
nouvelle qui lui fit oublier tous fes
maux . Les regards attachés fur Julie ,
il contemploit avec une efpèce de raviffement
ce vifage qui portoit l'empreinte
de l'innocence & de la candeur. Les graces
touchantes de cette jeune fille le tenoient
dans une douce yvreffe qui le
tranfportoit chacune de fes paroles étoit
un trait de feu dont fon âme étoit embrafée.
Il regardoit par intervalle Daubincourt
& fon époufe qui lui parloient ;
AVRIL. 1763. 29
mais fes yeux revenoient malgré lui fur
l'adorable Julie ; rien ne pouvoit l'en
détacher. Si les affaires de la maiſon appelloient
cette aimable fille dans une autre
chambre , il prêtoit l'oreille pour
entendre le fon flatteur de cette voix
qui portoit dans fon coeur un trouble
délicieux. Cependant, revenu de cet enchantement,
il auroit voulu cacher à fon
ami le défordre de fon âme ; mais il
n'étoit plus temps : Daubincourt & fon
époufe l'avoient pénétré. Tous deux attentifs
au mouvement du vifage de Linias
, ils ne doutoient plus de l'impref
fion qu'avoit fait fur fon coeur la préfence
de Julie. Linias , obligé de fe
rendre ' chez fon père , fe fépara les farmes
aux yeux dé cette aimable famille ;
il ne pouvoit s'arracher de cette maifon
où fon coeur étoit enchaîné par l'amour
le plus violent. Daubincourt ne lui propofa
point comme la première fois de
l'accompagner une partie de chemin ;
il fçavoit qu'il ne pouvoit encore être
le confident des tranfports de fon ami ,
& qu'un entretien étranger à cet objet
feroit déplacé. Suis -je affez malheureux ?
difoit Linias , occupé de fa nouvelle
paffion. N'avois - je pas affez de mes
maux fans y ajoûter un amour qu'il
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
faudra facrifier aux Loix injuftes de la
focieté ? Mon père exigera que je m'u
niffe à quelque femme ambitieufe &
riche qui voudra couvrir d'un beau nom
la baffeffe de fon origine ; fes biens feront
peut-être tout fon mérite ; ou s'il
approuve mes defirs , puis je eſpérer
que Daubincourt , qui ne jouit que
d'une
fortune médiocre , veuille m'accorder
fa fille à qui je ne pourrai donner
que mon coeur & ma main ? Oferai-je
la lui demander ? ... De quelque côté
que je me tourne , je ne vois que des
obftacles ; il femble que tout s'oppose à
mon bonheur. Ah ! Julie ! fi je ne puis
vous obtenir , s'il faut renoncer à la
feule femme que mon coeur ait jamais
aimée , pour en époufer une autre que
mon coeur n'aimerà jamais ; je foupirerai
chaque jour après le terme de ma
- carrière : je n'aurai d'autre confolation
que de m'en approcher par mes defirs .
Azelim , ayant appris le retour de
Linias , le fit appeller. Mon fils , lui ditil
, des lettres que j'ai reçues de Paris
m'annoncent pour vous l'établiſſement
le plus avantageux. Une Famille , à la
vérité peu connue , mais dont la fortu
ne eft confidérable , vous demande pour
gendre. J'aurois voulu pouvoir vous
AVRIL. 1763. 31
donner une époufe de votre naiffance
& de votre rang ; mais ce rang même
qui m'obligeoit à de grandes dépenfes ,
a dérangé ma fortune & m'impofe la
trifte néceffité d'accepter une fille opulente
dont les richeffes foutiennent l'éclat
de notre maifon , & vous fourniffent
les moyens d'acheter à la Cour un
emploi convenable au nom que vous
portez. Il eft des temps malheureux où
s'oubliant foi-même on ne doit confulter
que les conjonctures ; il faut defcendre
en quelque forte de fon état
pour s'élever enfuite beaucoup plus
haut. Mais je ne veux point uſer de mon
autorité ; je ne ferai jamais le tyran de
mes enfans. Si vous aviez pour ce mariage
une répugnance invincible , Dorville
prendra votre place avec joie : cette
fortune lui fera peut-être même plus
utile qu'à vous. Il a des connoiffances
chez le Prince , des amis puiffans , des
talens agréables ; votre amour pour la
folitude vous a de tout temps éloigné
du monde ; vous préférez une vie tranquille
aux intrigues de la Cour. Cependant
, Linias , c'eſt l'aîné qu'on demande
je ne ferai ma réponſe , je ne verrai
Dorville que lorfque vous ferez décidé.
Ah ! mon père , dit Linias , que
Biv
32 MERCURE DE FRANCE .
Dorville jouiffe de la fortune qui m'eſt
offerte ; je n'afpire point au bonheur
d'être riche , encore moins à celui d'époufer
une fille inconnue qui tireroit
peut-être de fon opulence le droit de me
rendre malheureux. Vous connoiffez
mes goûts ; ils exigent une vie privée :
la folitude a pour moi plus de charmes
que les plaifirs bruyans du monde.
Azelim , qui panchoit en fecret pour
Dorville , dont l'efprit étoit agréable &
petillant , conclut à la hâte un hymen
qui devoit rendre à fa famille un éclat
que la mifére étoit fur le point d'obfcurcir.
Dorville , enchanté , fit de nouveaux
emprunts pour fatisfaire le luxe
& la vanité de fon époufe , qui recevoit
fes préfens d'un air vain & dédaigneux,
Née dans l'abondance , elle ne mit
point de bornes à fes defirs ; les chofes
n'avoient de mérite à fes yeux qu'autant
qu'elles étoient rares : devenues
communes , il falloit s'en défaite à vil
prix. Son mari , dont le goût pour la
dépenfe ne s'accordoit malheureuſement
que trop avec le fien , applaudiffoit à fes
profufions. Mais fa complaifance ne fit,
que la rendre plus fière & plus hautaine
rien ne fe faifoit chez elle que par
fes ordres ; ceux du Maître n'étoient
*
AVRIL. 1763 . 33
jamais exécutés . Non contente du mépris
& des reproches humilians dont elle
l'accabloit chaque jour , elle imagina
qu'une femme de fon rang devoit avoir
un ami qui la dédommageât en fecret
de l'ennui qu'elle éprouvoit avec fon
mari. Cet heureux confident l'accompagnoit
aux Spectacles & aux promenades
, fans que l'infortuné Dorville
pût s'y oppofer. S'il s'en plaignoit , on
lui repréfentoit avec aigreur que la
jaloufie le couvriroit de ridicule ; que
les femmes les plus vertueufes tenoient
la même conduite ; & il n'y avoit qu'un
efprit bizarre & jaloux qui pût taxer
de licence une pareille liberté .
...
Dorville indigné de voir fon fort uni
pour toujours à celui d'une femme
qui le méprifoit , chercha bientôt à s'en
confoler , en fe livrant à la débauche.
Mais revenons à Linias.
>
Heureufement échappé au danger de
former des noeuds mal affortis , il étoit
encore agité par de nouvelles craintes .
Daubincourt & fon Epoufe voudroientils
lui accorder leur fille ? Cet hymen
qui feroit fon bonheur , feroit - il celui
de l'aimable Julie ? Lui a-t-il infpiré
cé penchant qui l'entraîne vers elle ?
Son choix n'eft-il peut -être pas déja
By
34 MERCURE DE FRANCE .
fait au fond de fon coeur ? .... Ces:
idées l'affligent & le tourmentent. Son
efprit incertain érre de tout côté fans
pouvoir fe fixer. Il retourne chez Daubincourt
; cette retraite étoit pour lui
le féjour le plus délicieux. Eloigné de
Julie , fon âme inquiette n'étoit fenfi-.
ble à rien . Il ne put cacher à fon
ami le trouble de fon coeur ; fa trifteffe
le trahiffoit. Linias , lui dit Daubincourt
, ce n'eft plus fur le luxe
d'Azelim que vous pleurez aujourd'hui :
vous portez dans votre âme un chagrin
fecret que vous cachez à votre
ami ! En eft-il que je puiffe ignorer
& que je ne partage ? Si vous avez
de nouveaux chagrins, répandez- les dans
le fein d'un homme dont la fenfibilité
vous eft connue : vos réferves font injurieufes
à ma tendreffe. Ah ! Daubincourt
vous m'arrachez mon fecret.
Père de l'aimable Julie , fachez qu'il
n'y a plus de bonheur pour moi , fi
je n'obtiens pour époufe cette fille adorable
dont l'image toujours préfente à
mon efprit , n'en fera jamais effacée ! .... :
Vivez heureux , Linias : vos vertus ont
fait fur l'âme de Julie la même impreffion
que fur la mienne ; vos coeurs que
la Nature forma l'un pour l'autre , ne
feront point féparés & malheureux ;
,
AVRIL. 1763 . 35
c'est une injuftice dont nous n'aurons
point à rougir. Linias paffant de la
douleur aux tranfports de la joie la plus
vive , fe jetta au col de fon ami , &
ne lui répondit que par ces larmes
précieufes que la reconnoiffance fait répandre
; & cet hymen auquel Azelim
donna fon confentement , fit le bonheur
de ces époux qui toujours charmés
l'un de l'autre , goûterent cette
félicité pure dont ils étoient dignes ,
& qui ne peut naître que de l'union
des coeurs. Des bords de la Conie.
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Résumé : LES MARIAGES HEUREUX ET MALHEUREUX, CONTE MORAL.
Le texte 'Les Mariages heureux et malheureux' examine les contrastes entre les apparences et la réalité dans la société, critiquant les mariages fondés sur les convenances sociales plutôt que sur l'amour. Les préjugés et les lois injustes corrompent les familles en détruisant l'union nécessaire. Azelim, issu d'une famille noble, vit retiré dans une maison de campagne près de Paris, où il reçoit une société brillante. Malgré les apparences de bonheur, Azelim cache une indigence et un chagrin profonds. Il a deux fils, Linias et Dorville, aux caractères opposés. Linias, sérieux et mélancolique, s'intéresse aux sciences et s'inquiète des dépenses excessives de son père. Dorville, au contraire, est vif et léger, recherchant les plaisirs. À proximité vit Daubincourt, un gentilhomme vivant simplement et en paix, respecté pour sa bonté et sa vertu. Il a une fille, Julie, belle et vertueuse. Linias rencontre Daubincourt et est charmé par sa simplicité et sa vertu. Daubincourt partage avec Linias ses expériences passées de misanthropie et de retour à la société grâce à de vrais amis. Il conseille à Linias de voir le monde sous un jour plus favorable et de trouver la tranquillité intérieure. Linias trouve en Daubincourt un ami sincère et compatissant. Linias compare le tumulte et le désordre de la maison d'Azelim à la paix régnant chez Daubincourt. Il critique Azelim pour sa fausse opulence, prédisant que ses créanciers s'empareront de ses biens. Linias attend avec impatience la révolution de sa fortune, mais craint que les biens d'Azelim ne suffisent pas à couvrir ses dettes. Linias se rend chez Daubincourt et tombe amoureux de Julie. Daubincourt et son épouse remarquent l'attachement de Linias pour Julie. Linias se demande comment obtenir la main de Julie, sachant que son père exigera un mariage avantageux. Azelim propose un mariage avec une famille riche mais peu connue. Linias refuse, préférant une vie tranquille. Azelim conclut alors le mariage avec Dorville, qui contracte de nouveaux emprunts pour satisfaire les désirs de son épouse, hautaine et infidèle. Dorville se console dans la débauche. Linias, échappé au danger de ce mariage, avoue son amour pour Julie à Daubincourt, qui révèle que Julie partage ses sentiments. Ils décident de se marier, avec le consentement d'Azelim, et vivent heureux ensemble.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 35-37
VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Début :
AINSI de tes écrits les charmes ravissans, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Tendre, Heureux, Malheurs, Génie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
VERS à Mde RICCO BONI ,Auteur
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
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Résumé : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Le poème est adressé à Madame Riccoboni, auteure de l'œuvre 'Amélie'. Il met en lumière la vivacité et la délicatesse de son style, capable de toucher les cœurs et de susciter des émotions. Le texte mentionne des personnages des romans de Fielding, tels que Catesby, Fanny et Amélie, en soulignant les sentiments qu'ils inspirent. Il exprime l'admiration pour la manière dont Riccoboni adapte et améliore les œuvres de Fielding, rendant les personnages et leurs histoires plus touchants. Le poème se termine par une admiration pour Riccoboni, qualifiée de 'mère des Grâces et des Talents', dont la voix adoucit les douleurs et rend les malheurs moins accablants.
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8
p. 38-39
PORTRAIT ALLEGORIQUE A Mademoiselle A * * *.
Début :
SÇAVANTE Minerve, [...]
Mots clefs :
Minerve, Verve, Amour, Volupté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT ALLEGORIQUE A Mademoiselle A * * *.
PORTRAIT ALLEGORIQUE
*
A Mademoiſelle A * * *
SÇAVANTE Minerve,
Pour peindre Clio ,
Inſpire à ma verve
Les vers de Sapho !
Puiffant Amour ! guide
Mon foible pinceau :
Que ne fuis - je Ovide
Pour faire un tableau !
La fimple Nature ,
Les ris & les jeux
Ornent la figure;
D'un air gracieur ,
La Volupté pure
Brille dans fes yeux.
Vénus & les Graces ,
Marchent fur ſes traces ;
Son port eft divin :
Rivale de Flore ,
La rofe colore
L'éclat de fon tein.
Sa bouche vermeille
Nous peint le corail ;
Sa gorge naifante
AVRIL. 1763. 39
D'albâtre éclatante
Efface l'émail.
Son tendre fourire
Pénetre le coeur ;
Lorſqu'elle foupire
On fent la fraîcheur
Qu'exhale Zéphire.
Ses doigts raviffans
Forment fur la lyre
Mille accords touchants
Qui jettent les fens
Dans un doux delire.
Le Docte Apollon
Defcend du vallon ,
Pour prêter l'oreille
A l'amoureux fon
De fa voix pareille
Aux chants d'Amphion.
Par M. P. L. M *** de Montpellier.
*
A Mademoiſelle A * * *
SÇAVANTE Minerve,
Pour peindre Clio ,
Inſpire à ma verve
Les vers de Sapho !
Puiffant Amour ! guide
Mon foible pinceau :
Que ne fuis - je Ovide
Pour faire un tableau !
La fimple Nature ,
Les ris & les jeux
Ornent la figure;
D'un air gracieur ,
La Volupté pure
Brille dans fes yeux.
Vénus & les Graces ,
Marchent fur ſes traces ;
Son port eft divin :
Rivale de Flore ,
La rofe colore
L'éclat de fon tein.
Sa bouche vermeille
Nous peint le corail ;
Sa gorge naifante
AVRIL. 1763. 39
D'albâtre éclatante
Efface l'émail.
Son tendre fourire
Pénetre le coeur ;
Lorſqu'elle foupire
On fent la fraîcheur
Qu'exhale Zéphire.
Ses doigts raviffans
Forment fur la lyre
Mille accords touchants
Qui jettent les fens
Dans un doux delire.
Le Docte Apollon
Defcend du vallon ,
Pour prêter l'oreille
A l'amoureux fon
De fa voix pareille
Aux chants d'Amphion.
Par M. P. L. M *** de Montpellier.
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Résumé : PORTRAIT ALLEGORIQUE A Mademoiselle A * * *.
Le poème 'Portrait allégorique' dédié à Mademoiselle A*** décrit une jeune femme comparée à diverses figures mythologiques. Inspirée par Minerve et Sapho, elle est naturelle, gracieuse et pure. Vénus et les Grâces la suivent, et elle est comparée à Flore. Sa beauté est soulignée par sa bouche en corail et sa gorge en albâtre. Elle joue de la lyre, attirant Apollon par ses chants. L'auteur, M. P. L. M *** de Montpellier, date le poème d'avril 1763.
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9
p. 39-43
ÉPITRE Adressée à une jeune personne qui, au sortir de l'Abbaye de S. CYR, avoit demandé à l'Auteur ce que c'étoit l'Amour ?
Début :
O vous, jeune Eglé, dont le cœur [...]
Mots clefs :
Amour, Dieu, Tendre, Repentir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ÉPITRE Adressée à une jeune personne qui, au sortir de l'Abbaye de S. CYR, avoit demandé à l'Auteur ce que c'étoit l'Amour ?
ÉPITRE
Adreffée à une jeune perfonne qui , au
fortir de l'Abbaye de S. CYR , avoit
demandé à l'Auteur ce que c'étoit
l'Amour?
vous , jeune Eglé , dont le coeur
que
40 MERCURE DE FRANCE.
Content de fon indifférence ,
Ne connoît point ce Dieu vainqueur ,
Ce Dieu que tout le monde encenſe :
Ah ! puiffiez -vous ainfi toujours
Ignorer que ce Traître aimable
Peut obfcurcir vos plus beaux jours !
C'eſt un Dieu qui n'eſt redoutable
Que parce que les Ris , les Jeux ,
Sont fes plus ordinaires armes ,
Et qu'il ne paroît à nos yeux
Que revêtu de tous fes charmes.
Quoique ce Dieu jamais n'émouffe
Les traits dont il perce nos coeurs ;
S'il frappe , la bleflure eft douce :
On chérit jufqu'à fes fureurs.
Belle Eglé , puiſque dans votre âme
L'Amour encore eſt inconnu ,
Craignez d'y voir naître une flâme
Dont gémiroit votre vertu.
Veillez fans ceffe fur vous- même ;
Défiez-vous de vos appas ;
Surtout avec un foin extrême
Voyez qui s'offre fur vos pas.
Peut-être du Dieu de Cythère
Eprouverez-vous la noirceur ;
11 fçait toujours le contrefaire
Quand il veut entrer dans un coeır.
Souvent pour tromper l'Innocence
AVRIL. 1763. 41
Et Aétrir toute fa beauté ,
L'Amour de la naïve enfance
Emprunte l'Ingénuité.
Son air intéreffant & rendre
N'épouvante plus la Padeur ;
Alors à peine on peut le prendre
Pour cet Amour fi féducteur.
Son abord n'elt plus redoutable ;
Son flambeau , fon arc , & fes traits ,
Ne font plus dans fa main coupable :
On ne voit plus que fes attraits.
Eglés que vous devez le craindre
S'il vient fous ce déguiſement s
Car l'Impofteur fçaura tout feindre
Pour vous tromper plas aifèment.
Séduite par fa douceur feinte ,
Et plus encor par vos defirs ,
Vous vous livrerez fans contrainte
A l'eſpoir flatteur des Plaiſirs,
Mais de la trifte Expérience
Tôt ou tard le flambeau laira ;
A votre aveugle confiance
Le Repentir fuccédera .
Sonmile enfin à fon empire ,
Vous croirez trouver le repos ;
Mais ce ne fera qu'un délire ,
Trop fenfible image des Bots.
Tout pour vous changera de face ;
42 MERCURE DE FRANCE.
Les chagrins , les foins , les foucis
De la Gaîté prendront la place :
Vos yeux par les pleurs obfcurcis
Perdront lear tendreffe , leurs charmes;
Et victime de vos defirs ,
Vous languirez dans les allarmes
Qu'entraîne l'abus des plaifirs..
Hélas ! tendre Eglé , dans votre âme
En vain vous chercherez la paix !
Vous n'y trouverez que la flâme
Qui l'en a chaffée à jamais .
En vain , en vain triſte & plaintive ,
Vous chercherez la liberté ;
L'amour vous retiendra captive
Par l'attrait de la Volupté.
Telle la tendre tourterelle
A l'ombre d'un feuillage épais ,
Pleure fa compagne fidelle
Qu'elle ne reverra jamais.
!
Jeune Eglé , dont la tendre Aurore
A le vif éclat de ces fleurs
Qu'au matin le Soleil décore
Des plus agréables couleurs ;
Ah ! quelle perte ! quel dommage
Si tant d'appas en vous unis
Etoient au printemps de votre âge.
Par les triftes chagr ins flétris....
Mais trop crédule un jour peut-être
AVRIL. 1763 . 43
Sous les traits chéris d'un Amant
Ne voudrez- vous plus reconnoître
Le Dieu que j'ai peint foiblement !
Séduite par votre tendreffe ,
Vous fuivrez un penchant trop doux ,
Sans voir dans cette aveugle ivreffe
Que c'eft l'amour qui s'offre à
Sous un aſpect fi favorable,
Eglé , que ne fera -t-il pas ?
vous.
Vous croirez dans un trouble aimable
Voir naître des fleurs fous les pas.
Mais hélas ! ce feront des roſes
Dont la beauté s'éclipfera
Sitôt qu'elles feront éclofes :
L'épine feule reftera.
Par M. le Dr ... de B .. : 3
Adreffée à une jeune perfonne qui , au
fortir de l'Abbaye de S. CYR , avoit
demandé à l'Auteur ce que c'étoit
l'Amour?
vous , jeune Eglé , dont le coeur
que
40 MERCURE DE FRANCE.
Content de fon indifférence ,
Ne connoît point ce Dieu vainqueur ,
Ce Dieu que tout le monde encenſe :
Ah ! puiffiez -vous ainfi toujours
Ignorer que ce Traître aimable
Peut obfcurcir vos plus beaux jours !
C'eſt un Dieu qui n'eſt redoutable
Que parce que les Ris , les Jeux ,
Sont fes plus ordinaires armes ,
Et qu'il ne paroît à nos yeux
Que revêtu de tous fes charmes.
Quoique ce Dieu jamais n'émouffe
Les traits dont il perce nos coeurs ;
S'il frappe , la bleflure eft douce :
On chérit jufqu'à fes fureurs.
Belle Eglé , puiſque dans votre âme
L'Amour encore eſt inconnu ,
Craignez d'y voir naître une flâme
Dont gémiroit votre vertu.
Veillez fans ceffe fur vous- même ;
Défiez-vous de vos appas ;
Surtout avec un foin extrême
Voyez qui s'offre fur vos pas.
Peut-être du Dieu de Cythère
Eprouverez-vous la noirceur ;
11 fçait toujours le contrefaire
Quand il veut entrer dans un coeır.
Souvent pour tromper l'Innocence
AVRIL. 1763. 41
Et Aétrir toute fa beauté ,
L'Amour de la naïve enfance
Emprunte l'Ingénuité.
Son air intéreffant & rendre
N'épouvante plus la Padeur ;
Alors à peine on peut le prendre
Pour cet Amour fi féducteur.
Son abord n'elt plus redoutable ;
Son flambeau , fon arc , & fes traits ,
Ne font plus dans fa main coupable :
On ne voit plus que fes attraits.
Eglés que vous devez le craindre
S'il vient fous ce déguiſement s
Car l'Impofteur fçaura tout feindre
Pour vous tromper plas aifèment.
Séduite par fa douceur feinte ,
Et plus encor par vos defirs ,
Vous vous livrerez fans contrainte
A l'eſpoir flatteur des Plaiſirs,
Mais de la trifte Expérience
Tôt ou tard le flambeau laira ;
A votre aveugle confiance
Le Repentir fuccédera .
Sonmile enfin à fon empire ,
Vous croirez trouver le repos ;
Mais ce ne fera qu'un délire ,
Trop fenfible image des Bots.
Tout pour vous changera de face ;
42 MERCURE DE FRANCE.
Les chagrins , les foins , les foucis
De la Gaîté prendront la place :
Vos yeux par les pleurs obfcurcis
Perdront lear tendreffe , leurs charmes;
Et victime de vos defirs ,
Vous languirez dans les allarmes
Qu'entraîne l'abus des plaifirs..
Hélas ! tendre Eglé , dans votre âme
En vain vous chercherez la paix !
Vous n'y trouverez que la flâme
Qui l'en a chaffée à jamais .
En vain , en vain triſte & plaintive ,
Vous chercherez la liberté ;
L'amour vous retiendra captive
Par l'attrait de la Volupté.
Telle la tendre tourterelle
A l'ombre d'un feuillage épais ,
Pleure fa compagne fidelle
Qu'elle ne reverra jamais.
!
Jeune Eglé , dont la tendre Aurore
A le vif éclat de ces fleurs
Qu'au matin le Soleil décore
Des plus agréables couleurs ;
Ah ! quelle perte ! quel dommage
Si tant d'appas en vous unis
Etoient au printemps de votre âge.
Par les triftes chagr ins flétris....
Mais trop crédule un jour peut-être
AVRIL. 1763 . 43
Sous les traits chéris d'un Amant
Ne voudrez- vous plus reconnoître
Le Dieu que j'ai peint foiblement !
Séduite par votre tendreffe ,
Vous fuivrez un penchant trop doux ,
Sans voir dans cette aveugle ivreffe
Que c'eft l'amour qui s'offre à
Sous un aſpect fi favorable,
Eglé , que ne fera -t-il pas ?
vous.
Vous croirez dans un trouble aimable
Voir naître des fleurs fous les pas.
Mais hélas ! ce feront des roſes
Dont la beauté s'éclipfera
Sitôt qu'elles feront éclofes :
L'épine feule reftera.
Par M. le Dr ... de B .. : 3
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Résumé : ÉPITRE Adressée à une jeune personne qui, au sortir de l'Abbaye de S. CYR, avoit demandé à l'Auteur ce que c'étoit l'Amour ?
L'épître est adressée à Églé, une jeune femme qui a interrogé l'auteur sur la nature de l'amour. L'auteur, conscient de son innocence, la met en garde contre les dangers de l'amour, qu'il décrit comme un dieu trompeur et séduisant. Il explique que l'amour utilise les rires et les jeux comme armes, et bien que ses blessures soient douces, elles peuvent obscurcir les plus beaux jours. L'auteur conseille à Églé de se méfier de ses attraits, car l'amour peut se déguiser pour tromper l'innocence. Il prévient qu'Églé pourrait être séduite par la douceur feinte de l'amour et ses désirs, mais que l'expérience amère viendra plus tard. L'amour transformera alors sa vie en chagrin et en soucis, la laissant captive de la volupté. L'auteur compare cette situation à une tourterelle pleurant sa compagne perdue. Il exprime son inquiétude que, malgré ses avertissements, Églé puisse un jour être séduite par l'amour sous un aspect favorable, ne voyant pas le danger derrière cette apparence trompeuse.
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10
p. 43-44
VERS adressés à M. le Marquis DE BRÉHAND par les Troupes Irlandoises & Ecossoises que cet Inspecteur a été chargé de réformer.
Début :
PATRICE, que nous révérons [...]
Mots clefs :
Dieu, Apôtre, Bretons
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texteReconnaissance textuelle : VERS adressés à M. le Marquis DE BRÉHAND par les Troupes Irlandoises & Ecossoises que cet Inspecteur a été chargé de réformer.
VERS adrefes à M. le Marquis DE
BRÉH AND par les Troupes Irlandoifes
& Ecoffoifes que cet Infpecteur
a été chargé de réformer..
PATRICE , que nous révérons
Comme notre premier Apôtre ,
Bréhand , ainfi que vous nâquit chez les Bretons 3
Le Ciel yous a choifis pour être nos patrons,
44 MERCURE DE FRANCE.
Vous dans ce monde , & lui dans l'autre.
17 *Cette réforme s'est faite à Valenciennes le
Mars ,jour de S. Patrice, très-révéré par lés Irlandois
& les Ecofois.
BRÉH AND par les Troupes Irlandoifes
& Ecoffoifes que cet Infpecteur
a été chargé de réformer..
PATRICE , que nous révérons
Comme notre premier Apôtre ,
Bréhand , ainfi que vous nâquit chez les Bretons 3
Le Ciel yous a choifis pour être nos patrons,
44 MERCURE DE FRANCE.
Vous dans ce monde , & lui dans l'autre.
17 *Cette réforme s'est faite à Valenciennes le
Mars ,jour de S. Patrice, très-révéré par lés Irlandois
& les Ecofois.
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11
p. 44-45
A Son Excellence MARIE PAWLOVNA NARISKIN VERS à l'occasion des Fêtes pour le Couronnement de CATHERINE II, Impératrice de toutes les Russies.
Début :
EST- CE Vénus, ou Terpsicore, [...]
Mots clefs :
Vénus, Amours, Terpsichore, Volupté, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Son Excellence MARIE PAWLOVNA NARISKIN VERS à l'occasion des Fêtes pour le Couronnement de CATHERINE II, Impératrice de toutes les Russies.
A Son Excellence MARIE PAWLOVNA
NARISKIN
VERS à l'occafion des Fêtes pour le
Couronnement de CATHERINE II ,
Impératrice de toutes les Ruffies.
EST- CE ST - Cв Vénus , ou Terpficore ,
Qui frappe nos regards dans ce cercle enchanté ?
Sous les pas elle fait éclore
Les Amours & la Volupté.
C'eft la taille d'Hébé , la fraîcheur de l'Aurore ,
La vivacité de Flore ,
D'Eglé la légéreté.
C'eft Nariskin , c'eft plus encore :
Elle unit tout , les grâces , la beauté.
Sous quelque forme différente ,
Qu'elle cherche à le déguifer ,
Toujours noble , toujours charmante ,
Rien ne fauroit la métamorphofer.
Chacun s'écrie , en la voyant paroître ,
Le mafque en vain veut nous cacher les traits
AVRIL. 1763. 45
" C'eſt Nariskin ! qui peut la méconnoître ?
Nulle autre n'a fon air & fes attraits .
Par M. RAOULT.
NARISKIN
VERS à l'occafion des Fêtes pour le
Couronnement de CATHERINE II ,
Impératrice de toutes les Ruffies.
EST- CE ST - Cв Vénus , ou Terpficore ,
Qui frappe nos regards dans ce cercle enchanté ?
Sous les pas elle fait éclore
Les Amours & la Volupté.
C'eft la taille d'Hébé , la fraîcheur de l'Aurore ,
La vivacité de Flore ,
D'Eglé la légéreté.
C'eft Nariskin , c'eft plus encore :
Elle unit tout , les grâces , la beauté.
Sous quelque forme différente ,
Qu'elle cherche à le déguifer ,
Toujours noble , toujours charmante ,
Rien ne fauroit la métamorphofer.
Chacun s'écrie , en la voyant paroître ,
Le mafque en vain veut nous cacher les traits
AVRIL. 1763. 45
" C'eſt Nariskin ! qui peut la méconnoître ?
Nulle autre n'a fon air & fes attraits .
Par M. RAOULT.
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Résumé : A Son Excellence MARIE PAWLOVNA NARISKIN VERS à l'occasion des Fêtes pour le Couronnement de CATHERINE II, Impératrice de toutes les Russies.
Le poème de M. Raoult, daté d'avril 1763, est dédié à Marie Pawlovna Nariskin lors du couronnement de Catherine II. Il la compare à des figures divines, soulignant sa grâce, beauté, fraîcheur, vivacité et légèreté. Nariskin est décrite comme noble et charmante, unique en son genre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 45-60
ESSAI Philosophique sur les Caractères distinctifs du vrai Philosophe. Ævo rarissima nostro simplicitas. Ovid. arte amandi, l. 1. v. 241. Réfléxions préliminaires.
Début :
LA Philosophie n'a jamais été plus vantée que dans ce Siécle, où ses loix [...]
Mots clefs :
Vérité, Philosophe, Vertus, Sentiments, Mensonge, Amitié, Mœurs , Erreurs, Candeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ESSAI Philosophique sur les Caractères distinctifs du vrai Philosophe. Ævo rarissima nostro simplicitas. Ovid. arte amandi, l. 1. v. 241. Réfléxions préliminaires.
ESSAI Philofophique fur les Caractè
res diftinctifs du vrai Philofophe.
Evo rariffima noftro fimplicitas.
Ovid. arte amandi , l. 1. v . 241.
Réfléxions préliminaires .
LA Philofophie n'a jamais été plus
vantée que dans ce Siécle , où fes loix
cependant
& fes maximes font moins
fuivies & plus négligées. Enfut- il en
effet un plus fécond en prétendus Philofophes
dont les moeurs font fi éloignées
de cette fimplicité , de cette droiture
de coeur qui caractériſent
ſi parfaitement
le vrai Sage ?
» Des prétentions , dit M. le Franc
» de Pompignan , ne font pas des titres.
» On n'eft pas toujours Philofophe pour
» avoir fait des Traités de Morale , fon-
» dé les profondeurs de la Métaphyfi-
"
que , atteint les hauteurs de la plus
» fublime Géométrie , révélé les fecrets
» de l'Hiftoire Naturelle , deviné le fyf-
» tême de l'Univers.
46 MERCURE DE FRANCE.
כ
"
» Le Sçavant inftruit & rendu meilleur
par fes Livres voilà l'homme
» de Lettres ; le Sage vertueux & chré-
» tien , voilà le Philofophe . Ce n'eft
> donc pas la profeffion feule des Let-
» tres & des Sciences qui en fait la gloi-
» re & l'utilité.
Ouvrons les yeux fur les érreurs de
notre Siécle , cherchons à connoître
cette vraie Philofophie ; qu'elle foit l'objet
de notre étude & de nos defirs ; &
que fes difciples zélés , fes fectateurs fidéles
foient nos modéles & nos maîtres.
Regarderai -je comme Philofophe ce
Stoïcien aveugle & indifférent à tous
les événemens heureux ou malheureux
qui fe paffent fur la Scène du monde ?
qui contemple d'un oeil fec & tranquille
cette mer orageufe fi féconde en écueils
& en naufrages ? L'humanité gémit dans
l'accablement & l'oppreffion ; la Nature
fouffre .... Il eft fourd aux cris de la douleur
; fon âme barbare eft inacceffible à
tout fentiment de pitié. L'innocence
perfécutée implore en vain fon fecours;
il détourne les yeux pour fuir un fpectacle
qui pourroit l'attendrir : il fe fait
gloire de fe rendre maître des mouvemens
de fon coeur & de triompher des
affections de fon âme . Malheureux ! tu
AVRIL 1763. 47
te prives du feul plaifir des gens de
bien ; celui de partager les pleurs & les
peines de tes femblables.
Je ne m'occupe point des Rois, de leurs querelles
Que me fait le fuccès d'an fiége ou d'un combat?
Je laiffe à nos oififs ces affaires d'Etat :
Je m'embarraffe peu da Pays que j'habite ;
Le véritable Sage eft un Cofmopolite.
On tient à la Patrie & c'eft le feul lien ?
Fi donc ! c'eft fe borner que d'être Citoyen.
Loin de ces grands rever s qui défolent le monde ,
Le Sage vit chez lui dans une paix profondes
Il détourne les yeux de ces objets d'horreur ;
Il eſt fon feul Monarque & fon Légiflateur :
Rien ne peut altérer le bonheur de fon Etre ;
C'eſt aux Grands à calmer les troubles qu'ils font
naître.
L'efprit Philofophique,
Ne doit point déroger jufqu'à la politique.
Ces Guerres , ces Traités , tous ces riens importans,
S'enfoncent par degrésdans l'abîme des temps.
Quels monftres dans la Nature &
pour la Société , que des hommes revêtus
d'un pareil caractère !
48 MERCURE DE FRANCE.
Accorderai-je le titre de Philofophe
cet Auteur licentieux & téméraire , qui
ne laiffe rien échapper à la malignité
de fa plume , aux faillies déréglées de
fon efprit ; qui voulant tout foumettre
à l'empire abfolu de fa Raifon orgueilleufe
, profcrit , renverſe , détruit tout
ce qui eft au-deffus de fon impérieuſe
intelligence ?
Sera-ce à cet homme envieux & jaloux
du mérite d'autrui , qui flétrit
l'honneur même dans fa noble carrière ;
qui s'efforce d'obfcurcir les vertus & le
mérite de l'homme de bien , & d'établir
fur les ruines & les débris de fa fortune ,
fa propre grandeur , fa réputation & fa
gloire ?
maux
Sera- ce enfin à celui qui par un paradoxe
auffi
abfurde.qu'extravagant , réduit
l'homme à la condition des anile
dégrade & fe dégrade luimême
? Qui voudroit anéantir cette
feule Raifon même qui le diftingue des
animaux ftupides & groffiers ? ....
L'indignation qu'il fait éclater contre elle ,
eft lapreuve la plus authentique de fa
foibleffe & de fon impuiffance.
9 Corriger l'homme de fes défauts
profcrire les érreurs , s'élever contre fes
égaremens, lui faire connoître l'étendue
de
AVRIL. 1763. 49
de fes devoirs , lui repréfenter la grandeur
de fa deftination , blâmer l'abus
de fes paffions , lui dévoiler la dépravation
de fon coeur , rappeller enfin
l'homme à l'homme même ; voilà ce qui
caractériſe le vrai Philofophe , ce Philofophe
éclairé , cet ami de l'humanité
ce Maître du Monde , ce vrai Sage fi
digne de nos hommages & de nos fentimens
. Peignons-le ce vrai Philofophe ;
& pour imiter un modéle fi précieux ,
appliquons-nous à le connoître.
•
Le vrai Philofophe , par la droiture
de fon coeur , par les reffources d'une
raifon mûre & réfléchie , cherche à acquerir
les lumières fi néceffaires à
l'homme pour connoître la verité.
Sourd aux prejugés du fiécle , il triomphe
aifément des fiens : c'eft , dit
Platon , un ouvrage de patience dont
le temps amène le fuccès. La patience
qui fert à l'acquifition de la véritable
gloire , eft la feule vertu qui puiffe en
faire jouir , & qui tranquilife l'âme au
milieu des orages de la vie.
Quoi de plus digne en effet de la
fpeculation d'un vrai Philofophe , que
cet amour du vrai , que cet attrait puiffant
pour la vertu , ce commerce tendre
& précieux de l'amitié
II. Vol.
cette aimable
C
So MERCURE DE FRANCE .
candeur de moeurs , ce défintéreffement
noble & généreux ?
Philofophes vertueux ! mes modéles
& mes Maîtres ne font- ce pas là vos
obligations & les loix que vous vous
êtes préfcrites à-vous mêmes ? La verité
qui vous guide, perce & diffipe les nuages
de l'erreur & de l'ignorance. L'Incertitude
du coeur & de l'efprit trouve
au milieu de vous fes doutes éclaircis ;
le libertinage voit fes déréglemens profcrits
la décence & la pureté de vos
moeurs eft une critique en action de la
corruption du fiécle. Cette ftupide indifférence
, de l'âme ou plutôt cet orgueil
ftoïque & monstrueux eft forcé
par votre exemple d'abjurer fon infenfibilité
dure & opiniâtre. Amitié ! vertu !
générofité ! Il eft encore pour vous des
afyles privilégiés fur la terre ; on trouve
encore des coeurs dignes de vous en fervir
, & capables d'apprécier vos bienfaits.
Le Philofophe à l'abri de l'erreur,
parce qu'il marche avec précaution , le
Philofophe ne fe laiffe point éblouir par
les preftiges de l'illufion : le préjugé qui
régle & motive les jugemens de la plupart
des hommes , lui oppofe en vain fes voiles
ténébreux , pour derober à fa fagacité
& à fa pénétration des connoiffances
AVRIL. 1763. SI
utiles & lumineufes fon génie les déchire
, diffipe , perce leur obſcurité ;
c'eft le foleil qui chaffe les nuages.
-Les plaifirs bruyans ne font pas du
goût du vrai Philofophe ; leur frivolité
fixe à peine fon attention : ils ne font à
fes yeux que des bijoux fragiles. Il fcait
réprimer fes paffions, contenir fes defirs ,
recevoir le plaifir avec réfléxion , le
ménager avec économie , en ufer avec
difcrétion , & en jouir plus long - temps .
L'ambition , la feule permife à l'homme
, eft de chercher à s'inftruire & à fe
rendre utile à la focieté, à préférer le bien
public à fon bien particulier. L'héroïfme
de la vertu peut lui préfcrire des facrifices
qui coûtent à l'amour- propre &
quelquefois aux fentimens de la Nature ,
aux liens du fang & de l'amitié la plus
tendre en s'y foumettant , la gloire &
l'honneur deviennent fa récompenfe.
Caton le dévoue au falut de la patrie;
Brutus immole fa tendreffe paternelle à
la jufte févérité des loix : ces grands
hommes étoient citoyens avant que
d'être pères & maîtres de leurs actions
& de leurs fentimens. Ces traits frappans
& fublimes ne font point au- deffus
de notre fphère, Tous les grands hommes
qui nous ont précédés , eurent des
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
2
C
foibleffes & des vertus. l'Expérience
que nous fournit l'hiftoire d'une longue
fuite de fiécles , nous a appris à éviter
leurs foibleffes ; la Religion hous apprend
à rectifier les motifs de nos actions
, & nous procure l'avantage précieux
de furpaffer même leurs vertus.
"
Eh , pourquoi nous croire dégénérés
des vertus de nos ancêtres ? Ne furent-
-ils pas des hommes comme nous , fujets
aux mêmes paffions & aux mêmes foibleffes
?... Devenons moins légers , tâchons
de réfléchir , cherchons & chériffons
le bien , refpectons la vértu ,
favourons les douceurs de l'amitié , prévenons
les befoins des hommes , fou-
-venons- nous enfin que nous fommes
citoyens de l'Univers , que notre patrie
eft partout , & que nos obligations fe
multiplient à proportion que le nombre.
de nos femblables s'étend , & que leurs
befoins s'augmentent
LE PHILOSOPHÉ AMI DE LA VÉRITÉ,
Premier Caractère.
Le vrai Philofophe n'eft autre chofe
que l'homme honnête , l'ami du vrai &
de toutes les vertus , re
AVRIL 1763.1 53
Inviolablement attaché a fes devoirs ,
la vérité régle toutes fes démarches . La
droiture de fon coeur eft la premiere
verru qui éclate dans fes actions. Ennei
du menfonge & de tout artifice , il
en ignore les obliques détours. Il ne
cherche point les tenébres de la nuit
pour cacher à la lumiere la honte d'une
conduite irrégulière ou criminelle ; il
cherche le grand jour parce qu'il eft
ennemi du crime ; nul reproche fecret
ne le trouble ; il marche & fe préfente à
découvert ; fon extérieur annonce la
candeur & la paix de fon âme . Tout ce
qui offenfe la droiture de fon coeur , a
feul droit de le révolter. C'eſt dans ce cas
feulement , qu'il permet à fon âme de
franchir les bornes de la modération.
Véhément, plein de feu dans fes difcours,
c'eft Demofthene qui foudroye l'incré
dulité des Athéniens.
1
- Les fentimens de l'homme vrai font
des Oracles du monde. Roi de lui -même,
habile furveillant , il commande en
Souverain à fes paffions. La vérité feule
l'intéreffe : l'impreffion que la vérité
fait fur fon efprit & fur fon coeur , eſt un
fentiment de plaifir. Sagement avare
des mouvemens de fon âme , il ne les
prodigue point avec légéreté ; une mé-
C iij
$4 MERCURE DE FRANCE .
thode fare dirige toutes fes opérations :
Il combine , il choifit , il réfléchit : fes
fentimens enfin prennent l'éffor avec
cette mâle fécurité que donne la conviction
.
Vérité généreuſe ! es- tu donc ignorée
Et du féjour des Rois à jamais retirée ?
31
Nourri loin du menfonge & de l'efprit des Cours;
J'ignore de tout art les obliques détours :
Mais libré également d'eſpérance & de crainte
J'agirai fans foibleffe & parlerai fans feinte :
On expofe toujours avec autorité
La caufe de l'honneur & de la vérité.
GRESSET .
2
L'eftime de l'homme vrai fait néceffairement
notre apologie ; elle fait
préfumer notre mérite , nous fuppofe
des vertus , & nous fait juger dignes
de l'eftime des autres.
L'élévation de l'âme eft auffi l'appanage
du vrai Philofphe. Tout eft grand ;
tout eft noble & fublime dans les âmes
généreufes. L'homme vrai eft l'ami de
Toutes les vertus , parce que les vertus
feules peuvent produire la véritable
gloire il ne s'enorgueillit point de fon
excellence & de fa fupériorité. Sa modeftie
fert de contrepoids à fon amourAVRIL.
1763. 55
propre. Sa cenfure n'eft pas amère : il
plaint les érreurs ; il fe rappelle qu'il eſt
homme , & que par la corruption de
fa nature, il n'eft point inacceffible aux
foibleffes de l'humanité. La douceur de
fon caractère, la candeur de fes moeurs,
cette fage défiance de lui-même , cette
réferve fcrupuleufe font pour fes fières
un motif de confolation , de joie , &
d'inftruction .
La jufteffe & la folidité de l'efprit
font également le partage du vrai Philofophe.
Les objets qui nous environ
nent , intéreffent plus ou moins l'home
me fpéculatif : l'homme vrai & judicieux
ne fe laiffe frapper qu'avec raifon
; il ne voit jamais par les yeux de
la prévention ; examinateur fcrupuleux
il épure les chofes dans le creufet du bon
fens , & lorfqu'il eft convaincu qu'elles
font exemptes d'alliage & d'infidélité , il
prononce avec cette fermeté de courage
qu'infpire la certitude. Il n'a lieu ni de
craindre , ni de fe repentir ; les fages précautions
qu'il a prifes , les recherches
exactes qu'il a faites , les lumières qu'il a
confultées , le mettent à l'abri de toute
erreur.
A cet efprit jufte & folide je n'oppoferai
point une forte d'efprit de frivolité ;
Civ
36 MERCURE DE FRANCE.
un efprit leger & volage qui comme lë
papillon voltige d'objets en objets fans
jamais fixer fon inconftance ; un efprit
d'Ergotifme qui ne fe plaît que dans la
difpute & foutient avec le même enthoufiafme
le vrai & le faux ; un efprit
de paradoxe qui fe fingularife par une
façon de penfer extraordinaire & qui ne
peut être propre qu'à lui ; un efprit de
perfifflage qui toujours monté fur des
échaffes , toujours guindé , fe laiffe
éblouir de tout ce qu'il voit : les moindres
objets fe métamorphofent dans fon
imagination extravagante , en images
gigantefques : c'eft un affemblage confus
d'idées neuves , bizarres & burlefques
, des traits de lumière avec d'épaiffes
tenébres , des écarts de génie &
de raifon. Il n'eft point furpris , mais
il eft pétrifié ; il n'eft point fâché , mais
défefperé ; il n'eft point fatigué , mais
excédé ; il n'aime point avec paffion ,
mais avec fureur ; on n'eft point aimable
, mais adorable : en un mot le langage
du bel- efprit à la mode , fon maintien
, fes attitudes , fes démarches , fes
actions font des mouvemens convulfifs
qui demandent un reméde prompt
& néceffaire , l'inoculation du bon fens.
Le Philofophe ami du vrai , fçait facrifier
l'efprit à ſon devoir. Son eſprit
AVRIL. 1763. 57
lui préfente une faillie qui peut bleffer l'amitié
ou flétrir la réputation; il l'étouffe ,
il la rejette généreufement , perfuadé que
cette fureur de l'efprit n'eft que frivolité
; frivolité fouvent très- dangereufe !
L'efprit folide n'eft donc autre chofe
que le bon efprit . Son étude eft la recherche
de la vérité ; fes productions
ne refpirent que l'amour du bien public
, le bonheur de fes femblables .
l'agrément & la joie de la Société.
Le Philofophe eft également vrai
dans fes paroles . Le Grand Corneille
en nous tranfmettant dans fa Comédie
du Menteur cette belle maxime de
Phédre : Mendaci ne verum quidem di
centi creditur ; nous fait fentir combien
la Vérité perd , lorfqu'elle paffe par une
bouche impure .
Quand un Menteur la dit ,
En paffant par fa bouche elle perd fon crédit .
Le vrai Sage n'ouvre la bouche que
pour rendre témoignage à la Vérité. Fidéle
dans fes promeffes , vrai dans fes
paroles , la lâche crainte , la baffe flaterie,
le refpect humain ne peuvent étouf
fer la Vérité dans fa bouche , qui en
eft l'organe pur & refpectable.
Cy
$538 MERCURE DE FRANCE.
En toute occafion la Vérité m'enchante ;
Et je l'aime encor mieux fière & déföbligeante
Qu'un menfonge flateur dont le miel empefté
Par un coeur délicat eſt toujours déteſté.
DESTOUCHES.
耙
La Vérité , dit M. de la Rochefou
cault , eft l'aliment des efprits ; elle fait
plus que les nourrir , elle les échauffe ,
elle eft le premier moteur de leur activité
; elle eft le rayon du Soleil , qui
n'étant que lumière & que feu par fa
nature , développe & met en mouvement
les germes renfermés dans notre
âme fur laquelle il agit.
Le menfonge eft une apoftafie du
coeur & de l'efprit. Celui qui fe déshonore
par le menfonge , renonce authentiquement
au titre d'honnête homme ; il
viole les loix les plus facrées , il infulte
au genre humain , fe couvre d'opprobre
, & devient l'objet de la déteftation
publique. La naiffance ne donne point
le privilége de cotoyer à fon gré la Vérité
; le bel- efprit celui d'avancer certaines
anecdotes médifantes ou fuppofées
, fous prétexte d'amufer la Société.
La valeur n'apprendpoint la fourbe à ſon Ecole.
Tout homme de courage eft homme de parole ;
AVRIL. 1763: 59
A des vices fi bas il ne peut confentir ;
Et fuit plus que la mort la honte de mentir.
Mais laiffe-moi parler , toi de qui l'impoſture
Souille honteuſement le don de la Nature :
Qui fe dit Gentilhomme & ment comme tu fais
Il ment , quand il le dit , & ne le fut jamais.
Eft- il vice plus bas ? Eft-il tache plus noire ?
Plus indigne d'un homme élevé pour la gloire ?
Eft-il quelque foibleſſe , eſt-il quelqu'action
Dont un coeur vraiment noble ait plus d'averfion?
P. CORNEILLE.
Le fordide intérêt , ce motif fi bas ,
pouroit-il fermer la bouche à l'honnête
homme? lui feroit-il trahir la caufe de
la Vérité ? Son honneur lui eft plus cher
que toutes les fortunes du monde . Un
appas fi humiliant eft indigne de lui.
Trop grand , trop vrai , trop généreux ,
il eft à l'abri de la féduction , Des moyens
fi déshonorans , des motifs fi vils & fi
bas font le partage des âmes mercenaires
qui font trafic de leur fentimens ; le
menfonge & la fourberie font pour
elles une reffource de fubfiftance & une
forte de bien -être.
Le respect humain eft un vain prétexte
pour cacher aux autres la vérité . La
crainte de déplaire eft un motif injufte
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
qui n'excitera jamais l'homme de bien
à la trahir ; & le filence de la flaterie
n'eft pas moins condamnable que fon
langage. La complaifance en pareil cas
n'eft infpirée que par l'amour de foimême
: c'est beaucoup moins chercher
ce qui eft vertueux & honnête , que ce
qui eft agréable & utile.
Loin d'ici ces précautions d'une fauffe
prudence , ces ménagemens cruels fi
préjudiciables au bien de la Société. Les
Rois , les Grands de la Tèrre ont encore
plus befoin que le commun des hommes
d'entendre la vérité. Plus ils font élevés
, plus ils ont d'orages à craindre ,
de tempêtes à redouter. L'homme vrai
le Philofophe vertueux eft le feul
Pilote auquel on doit avoir recours. Lui
feul peutfürement diriger notre courſe ,
& nous conduire heureuſement au port.
DAGUES DE CLAIRFONTAINE.
La fuite au Mercure prochain.
res diftinctifs du vrai Philofophe.
Evo rariffima noftro fimplicitas.
Ovid. arte amandi , l. 1. v . 241.
Réfléxions préliminaires .
LA Philofophie n'a jamais été plus
vantée que dans ce Siécle , où fes loix
cependant
& fes maximes font moins
fuivies & plus négligées. Enfut- il en
effet un plus fécond en prétendus Philofophes
dont les moeurs font fi éloignées
de cette fimplicité , de cette droiture
de coeur qui caractériſent
ſi parfaitement
le vrai Sage ?
» Des prétentions , dit M. le Franc
» de Pompignan , ne font pas des titres.
» On n'eft pas toujours Philofophe pour
» avoir fait des Traités de Morale , fon-
» dé les profondeurs de la Métaphyfi-
"
que , atteint les hauteurs de la plus
» fublime Géométrie , révélé les fecrets
» de l'Hiftoire Naturelle , deviné le fyf-
» tême de l'Univers.
46 MERCURE DE FRANCE.
כ
"
» Le Sçavant inftruit & rendu meilleur
par fes Livres voilà l'homme
» de Lettres ; le Sage vertueux & chré-
» tien , voilà le Philofophe . Ce n'eft
> donc pas la profeffion feule des Let-
» tres & des Sciences qui en fait la gloi-
» re & l'utilité.
Ouvrons les yeux fur les érreurs de
notre Siécle , cherchons à connoître
cette vraie Philofophie ; qu'elle foit l'objet
de notre étude & de nos defirs ; &
que fes difciples zélés , fes fectateurs fidéles
foient nos modéles & nos maîtres.
Regarderai -je comme Philofophe ce
Stoïcien aveugle & indifférent à tous
les événemens heureux ou malheureux
qui fe paffent fur la Scène du monde ?
qui contemple d'un oeil fec & tranquille
cette mer orageufe fi féconde en écueils
& en naufrages ? L'humanité gémit dans
l'accablement & l'oppreffion ; la Nature
fouffre .... Il eft fourd aux cris de la douleur
; fon âme barbare eft inacceffible à
tout fentiment de pitié. L'innocence
perfécutée implore en vain fon fecours;
il détourne les yeux pour fuir un fpectacle
qui pourroit l'attendrir : il fe fait
gloire de fe rendre maître des mouvemens
de fon coeur & de triompher des
affections de fon âme . Malheureux ! tu
AVRIL 1763. 47
te prives du feul plaifir des gens de
bien ; celui de partager les pleurs & les
peines de tes femblables.
Je ne m'occupe point des Rois, de leurs querelles
Que me fait le fuccès d'an fiége ou d'un combat?
Je laiffe à nos oififs ces affaires d'Etat :
Je m'embarraffe peu da Pays que j'habite ;
Le véritable Sage eft un Cofmopolite.
On tient à la Patrie & c'eft le feul lien ?
Fi donc ! c'eft fe borner que d'être Citoyen.
Loin de ces grands rever s qui défolent le monde ,
Le Sage vit chez lui dans une paix profondes
Il détourne les yeux de ces objets d'horreur ;
Il eſt fon feul Monarque & fon Légiflateur :
Rien ne peut altérer le bonheur de fon Etre ;
C'eſt aux Grands à calmer les troubles qu'ils font
naître.
L'efprit Philofophique,
Ne doit point déroger jufqu'à la politique.
Ces Guerres , ces Traités , tous ces riens importans,
S'enfoncent par degrésdans l'abîme des temps.
Quels monftres dans la Nature &
pour la Société , que des hommes revêtus
d'un pareil caractère !
48 MERCURE DE FRANCE.
Accorderai-je le titre de Philofophe
cet Auteur licentieux & téméraire , qui
ne laiffe rien échapper à la malignité
de fa plume , aux faillies déréglées de
fon efprit ; qui voulant tout foumettre
à l'empire abfolu de fa Raifon orgueilleufe
, profcrit , renverſe , détruit tout
ce qui eft au-deffus de fon impérieuſe
intelligence ?
Sera-ce à cet homme envieux & jaloux
du mérite d'autrui , qui flétrit
l'honneur même dans fa noble carrière ;
qui s'efforce d'obfcurcir les vertus & le
mérite de l'homme de bien , & d'établir
fur les ruines & les débris de fa fortune ,
fa propre grandeur , fa réputation & fa
gloire ?
maux
Sera- ce enfin à celui qui par un paradoxe
auffi
abfurde.qu'extravagant , réduit
l'homme à la condition des anile
dégrade & fe dégrade luimême
? Qui voudroit anéantir cette
feule Raifon même qui le diftingue des
animaux ftupides & groffiers ? ....
L'indignation qu'il fait éclater contre elle ,
eft lapreuve la plus authentique de fa
foibleffe & de fon impuiffance.
9 Corriger l'homme de fes défauts
profcrire les érreurs , s'élever contre fes
égaremens, lui faire connoître l'étendue
de
AVRIL. 1763. 49
de fes devoirs , lui repréfenter la grandeur
de fa deftination , blâmer l'abus
de fes paffions , lui dévoiler la dépravation
de fon coeur , rappeller enfin
l'homme à l'homme même ; voilà ce qui
caractériſe le vrai Philofophe , ce Philofophe
éclairé , cet ami de l'humanité
ce Maître du Monde , ce vrai Sage fi
digne de nos hommages & de nos fentimens
. Peignons-le ce vrai Philofophe ;
& pour imiter un modéle fi précieux ,
appliquons-nous à le connoître.
•
Le vrai Philofophe , par la droiture
de fon coeur , par les reffources d'une
raifon mûre & réfléchie , cherche à acquerir
les lumières fi néceffaires à
l'homme pour connoître la verité.
Sourd aux prejugés du fiécle , il triomphe
aifément des fiens : c'eft , dit
Platon , un ouvrage de patience dont
le temps amène le fuccès. La patience
qui fert à l'acquifition de la véritable
gloire , eft la feule vertu qui puiffe en
faire jouir , & qui tranquilife l'âme au
milieu des orages de la vie.
Quoi de plus digne en effet de la
fpeculation d'un vrai Philofophe , que
cet amour du vrai , que cet attrait puiffant
pour la vertu , ce commerce tendre
& précieux de l'amitié
II. Vol.
cette aimable
C
So MERCURE DE FRANCE .
candeur de moeurs , ce défintéreffement
noble & généreux ?
Philofophes vertueux ! mes modéles
& mes Maîtres ne font- ce pas là vos
obligations & les loix que vous vous
êtes préfcrites à-vous mêmes ? La verité
qui vous guide, perce & diffipe les nuages
de l'erreur & de l'ignorance. L'Incertitude
du coeur & de l'efprit trouve
au milieu de vous fes doutes éclaircis ;
le libertinage voit fes déréglemens profcrits
la décence & la pureté de vos
moeurs eft une critique en action de la
corruption du fiécle. Cette ftupide indifférence
, de l'âme ou plutôt cet orgueil
ftoïque & monstrueux eft forcé
par votre exemple d'abjurer fon infenfibilité
dure & opiniâtre. Amitié ! vertu !
générofité ! Il eft encore pour vous des
afyles privilégiés fur la terre ; on trouve
encore des coeurs dignes de vous en fervir
, & capables d'apprécier vos bienfaits.
Le Philofophe à l'abri de l'erreur,
parce qu'il marche avec précaution , le
Philofophe ne fe laiffe point éblouir par
les preftiges de l'illufion : le préjugé qui
régle & motive les jugemens de la plupart
des hommes , lui oppofe en vain fes voiles
ténébreux , pour derober à fa fagacité
& à fa pénétration des connoiffances
AVRIL. 1763. SI
utiles & lumineufes fon génie les déchire
, diffipe , perce leur obſcurité ;
c'eft le foleil qui chaffe les nuages.
-Les plaifirs bruyans ne font pas du
goût du vrai Philofophe ; leur frivolité
fixe à peine fon attention : ils ne font à
fes yeux que des bijoux fragiles. Il fcait
réprimer fes paffions, contenir fes defirs ,
recevoir le plaifir avec réfléxion , le
ménager avec économie , en ufer avec
difcrétion , & en jouir plus long - temps .
L'ambition , la feule permife à l'homme
, eft de chercher à s'inftruire & à fe
rendre utile à la focieté, à préférer le bien
public à fon bien particulier. L'héroïfme
de la vertu peut lui préfcrire des facrifices
qui coûtent à l'amour- propre &
quelquefois aux fentimens de la Nature ,
aux liens du fang & de l'amitié la plus
tendre en s'y foumettant , la gloire &
l'honneur deviennent fa récompenfe.
Caton le dévoue au falut de la patrie;
Brutus immole fa tendreffe paternelle à
la jufte févérité des loix : ces grands
hommes étoient citoyens avant que
d'être pères & maîtres de leurs actions
& de leurs fentimens. Ces traits frappans
& fublimes ne font point au- deffus
de notre fphère, Tous les grands hommes
qui nous ont précédés , eurent des
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
2
C
foibleffes & des vertus. l'Expérience
que nous fournit l'hiftoire d'une longue
fuite de fiécles , nous a appris à éviter
leurs foibleffes ; la Religion hous apprend
à rectifier les motifs de nos actions
, & nous procure l'avantage précieux
de furpaffer même leurs vertus.
"
Eh , pourquoi nous croire dégénérés
des vertus de nos ancêtres ? Ne furent-
-ils pas des hommes comme nous , fujets
aux mêmes paffions & aux mêmes foibleffes
?... Devenons moins légers , tâchons
de réfléchir , cherchons & chériffons
le bien , refpectons la vértu ,
favourons les douceurs de l'amitié , prévenons
les befoins des hommes , fou-
-venons- nous enfin que nous fommes
citoyens de l'Univers , que notre patrie
eft partout , & que nos obligations fe
multiplient à proportion que le nombre.
de nos femblables s'étend , & que leurs
befoins s'augmentent
LE PHILOSOPHÉ AMI DE LA VÉRITÉ,
Premier Caractère.
Le vrai Philofophe n'eft autre chofe
que l'homme honnête , l'ami du vrai &
de toutes les vertus , re
AVRIL 1763.1 53
Inviolablement attaché a fes devoirs ,
la vérité régle toutes fes démarches . La
droiture de fon coeur eft la premiere
verru qui éclate dans fes actions. Ennei
du menfonge & de tout artifice , il
en ignore les obliques détours. Il ne
cherche point les tenébres de la nuit
pour cacher à la lumiere la honte d'une
conduite irrégulière ou criminelle ; il
cherche le grand jour parce qu'il eft
ennemi du crime ; nul reproche fecret
ne le trouble ; il marche & fe préfente à
découvert ; fon extérieur annonce la
candeur & la paix de fon âme . Tout ce
qui offenfe la droiture de fon coeur , a
feul droit de le révolter. C'eſt dans ce cas
feulement , qu'il permet à fon âme de
franchir les bornes de la modération.
Véhément, plein de feu dans fes difcours,
c'eft Demofthene qui foudroye l'incré
dulité des Athéniens.
1
- Les fentimens de l'homme vrai font
des Oracles du monde. Roi de lui -même,
habile furveillant , il commande en
Souverain à fes paffions. La vérité feule
l'intéreffe : l'impreffion que la vérité
fait fur fon efprit & fur fon coeur , eſt un
fentiment de plaifir. Sagement avare
des mouvemens de fon âme , il ne les
prodigue point avec légéreté ; une mé-
C iij
$4 MERCURE DE FRANCE .
thode fare dirige toutes fes opérations :
Il combine , il choifit , il réfléchit : fes
fentimens enfin prennent l'éffor avec
cette mâle fécurité que donne la conviction
.
Vérité généreuſe ! es- tu donc ignorée
Et du féjour des Rois à jamais retirée ?
31
Nourri loin du menfonge & de l'efprit des Cours;
J'ignore de tout art les obliques détours :
Mais libré également d'eſpérance & de crainte
J'agirai fans foibleffe & parlerai fans feinte :
On expofe toujours avec autorité
La caufe de l'honneur & de la vérité.
GRESSET .
2
L'eftime de l'homme vrai fait néceffairement
notre apologie ; elle fait
préfumer notre mérite , nous fuppofe
des vertus , & nous fait juger dignes
de l'eftime des autres.
L'élévation de l'âme eft auffi l'appanage
du vrai Philofphe. Tout eft grand ;
tout eft noble & fublime dans les âmes
généreufes. L'homme vrai eft l'ami de
Toutes les vertus , parce que les vertus
feules peuvent produire la véritable
gloire il ne s'enorgueillit point de fon
excellence & de fa fupériorité. Sa modeftie
fert de contrepoids à fon amourAVRIL.
1763. 55
propre. Sa cenfure n'eft pas amère : il
plaint les érreurs ; il fe rappelle qu'il eſt
homme , & que par la corruption de
fa nature, il n'eft point inacceffible aux
foibleffes de l'humanité. La douceur de
fon caractère, la candeur de fes moeurs,
cette fage défiance de lui-même , cette
réferve fcrupuleufe font pour fes fières
un motif de confolation , de joie , &
d'inftruction .
La jufteffe & la folidité de l'efprit
font également le partage du vrai Philofophe.
Les objets qui nous environ
nent , intéreffent plus ou moins l'home
me fpéculatif : l'homme vrai & judicieux
ne fe laiffe frapper qu'avec raifon
; il ne voit jamais par les yeux de
la prévention ; examinateur fcrupuleux
il épure les chofes dans le creufet du bon
fens , & lorfqu'il eft convaincu qu'elles
font exemptes d'alliage & d'infidélité , il
prononce avec cette fermeté de courage
qu'infpire la certitude. Il n'a lieu ni de
craindre , ni de fe repentir ; les fages précautions
qu'il a prifes , les recherches
exactes qu'il a faites , les lumières qu'il a
confultées , le mettent à l'abri de toute
erreur.
A cet efprit jufte & folide je n'oppoferai
point une forte d'efprit de frivolité ;
Civ
36 MERCURE DE FRANCE.
un efprit leger & volage qui comme lë
papillon voltige d'objets en objets fans
jamais fixer fon inconftance ; un efprit
d'Ergotifme qui ne fe plaît que dans la
difpute & foutient avec le même enthoufiafme
le vrai & le faux ; un efprit
de paradoxe qui fe fingularife par une
façon de penfer extraordinaire & qui ne
peut être propre qu'à lui ; un efprit de
perfifflage qui toujours monté fur des
échaffes , toujours guindé , fe laiffe
éblouir de tout ce qu'il voit : les moindres
objets fe métamorphofent dans fon
imagination extravagante , en images
gigantefques : c'eft un affemblage confus
d'idées neuves , bizarres & burlefques
, des traits de lumière avec d'épaiffes
tenébres , des écarts de génie &
de raifon. Il n'eft point furpris , mais
il eft pétrifié ; il n'eft point fâché , mais
défefperé ; il n'eft point fatigué , mais
excédé ; il n'aime point avec paffion ,
mais avec fureur ; on n'eft point aimable
, mais adorable : en un mot le langage
du bel- efprit à la mode , fon maintien
, fes attitudes , fes démarches , fes
actions font des mouvemens convulfifs
qui demandent un reméde prompt
& néceffaire , l'inoculation du bon fens.
Le Philofophe ami du vrai , fçait facrifier
l'efprit à ſon devoir. Son eſprit
AVRIL. 1763. 57
lui préfente une faillie qui peut bleffer l'amitié
ou flétrir la réputation; il l'étouffe ,
il la rejette généreufement , perfuadé que
cette fureur de l'efprit n'eft que frivolité
; frivolité fouvent très- dangereufe !
L'efprit folide n'eft donc autre chofe
que le bon efprit . Son étude eft la recherche
de la vérité ; fes productions
ne refpirent que l'amour du bien public
, le bonheur de fes femblables .
l'agrément & la joie de la Société.
Le Philofophe eft également vrai
dans fes paroles . Le Grand Corneille
en nous tranfmettant dans fa Comédie
du Menteur cette belle maxime de
Phédre : Mendaci ne verum quidem di
centi creditur ; nous fait fentir combien
la Vérité perd , lorfqu'elle paffe par une
bouche impure .
Quand un Menteur la dit ,
En paffant par fa bouche elle perd fon crédit .
Le vrai Sage n'ouvre la bouche que
pour rendre témoignage à la Vérité. Fidéle
dans fes promeffes , vrai dans fes
paroles , la lâche crainte , la baffe flaterie,
le refpect humain ne peuvent étouf
fer la Vérité dans fa bouche , qui en
eft l'organe pur & refpectable.
Cy
$538 MERCURE DE FRANCE.
En toute occafion la Vérité m'enchante ;
Et je l'aime encor mieux fière & déföbligeante
Qu'un menfonge flateur dont le miel empefté
Par un coeur délicat eſt toujours déteſté.
DESTOUCHES.
耙
La Vérité , dit M. de la Rochefou
cault , eft l'aliment des efprits ; elle fait
plus que les nourrir , elle les échauffe ,
elle eft le premier moteur de leur activité
; elle eft le rayon du Soleil , qui
n'étant que lumière & que feu par fa
nature , développe & met en mouvement
les germes renfermés dans notre
âme fur laquelle il agit.
Le menfonge eft une apoftafie du
coeur & de l'efprit. Celui qui fe déshonore
par le menfonge , renonce authentiquement
au titre d'honnête homme ; il
viole les loix les plus facrées , il infulte
au genre humain , fe couvre d'opprobre
, & devient l'objet de la déteftation
publique. La naiffance ne donne point
le privilége de cotoyer à fon gré la Vérité
; le bel- efprit celui d'avancer certaines
anecdotes médifantes ou fuppofées
, fous prétexte d'amufer la Société.
La valeur n'apprendpoint la fourbe à ſon Ecole.
Tout homme de courage eft homme de parole ;
AVRIL. 1763: 59
A des vices fi bas il ne peut confentir ;
Et fuit plus que la mort la honte de mentir.
Mais laiffe-moi parler , toi de qui l'impoſture
Souille honteuſement le don de la Nature :
Qui fe dit Gentilhomme & ment comme tu fais
Il ment , quand il le dit , & ne le fut jamais.
Eft- il vice plus bas ? Eft-il tache plus noire ?
Plus indigne d'un homme élevé pour la gloire ?
Eft-il quelque foibleſſe , eſt-il quelqu'action
Dont un coeur vraiment noble ait plus d'averfion?
P. CORNEILLE.
Le fordide intérêt , ce motif fi bas ,
pouroit-il fermer la bouche à l'honnête
homme? lui feroit-il trahir la caufe de
la Vérité ? Son honneur lui eft plus cher
que toutes les fortunes du monde . Un
appas fi humiliant eft indigne de lui.
Trop grand , trop vrai , trop généreux ,
il eft à l'abri de la féduction , Des moyens
fi déshonorans , des motifs fi vils & fi
bas font le partage des âmes mercenaires
qui font trafic de leur fentimens ; le
menfonge & la fourberie font pour
elles une reffource de fubfiftance & une
forte de bien -être.
Le respect humain eft un vain prétexte
pour cacher aux autres la vérité . La
crainte de déplaire eft un motif injufte
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
qui n'excitera jamais l'homme de bien
à la trahir ; & le filence de la flaterie
n'eft pas moins condamnable que fon
langage. La complaifance en pareil cas
n'eft infpirée que par l'amour de foimême
: c'est beaucoup moins chercher
ce qui eft vertueux & honnête , que ce
qui eft agréable & utile.
Loin d'ici ces précautions d'une fauffe
prudence , ces ménagemens cruels fi
préjudiciables au bien de la Société. Les
Rois , les Grands de la Tèrre ont encore
plus befoin que le commun des hommes
d'entendre la vérité. Plus ils font élevés
, plus ils ont d'orages à craindre ,
de tempêtes à redouter. L'homme vrai
le Philofophe vertueux eft le feul
Pilote auquel on doit avoir recours. Lui
feul peutfürement diriger notre courſe ,
& nous conduire heureuſement au port.
DAGUES DE CLAIRFONTAINE.
La fuite au Mercure prochain.
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Résumé : ESSAI Philosophique sur les Caractères distinctifs du vrai Philosophe. Ævo rarissima nostro simplicitas. Ovid. arte amandi, l. 1. v. 241. Réfléxions préliminaires.
Le texte explore la véritable philosophie et les caractéristiques du vrai philosophe, soulignant que, bien que la philosophie soit valorisée de nos jours, ses principes sont souvent ignorés. Le vrai philosophe se distingue par sa simplicité et sa droiture de cœur, contrairement à ceux qui se prétendent philosophes mais manquent de vertu et de droiture. Ces derniers peuvent avoir écrit des traités de morale ou exploré des domaines scientifiques, mais ils ne possèdent pas les qualités morales nécessaires. Le vrai philosophe est décrit comme instruit et amélioré par ses lectures, vertueux et chrétien. Il ne se contente pas de la profession des lettres et des sciences pour se glorifier ou être utile. Le texte met en garde contre les erreurs du siècle et appelle à connaître et à étudier la véritable philosophie. Il critique les stoïciens indifférents aux événements du monde et les auteurs licencieux qui détruisent tout par orgueil. Le vrai philosophe corrige les défauts des hommes, proscrit les erreurs et élève les âmes vers la vertu. Il est caractérisé par la droiture de cœur, la raison mûre et réfléchie, et la patience nécessaire pour acquérir les lumières nécessaires à la connaissance de la vérité. Il est sourd aux préjugés du siècle, triomphe de ses propres préjugés, et cherche à acquérir les lumières nécessaires pour connaître la vérité. Il est patient, vertueux, et aime la vérité et la vertu. Il est un modèle de droiture, de candeur, et de désintéressement noble et généreux. Le texte conclut en soulignant que le vrai philosophe est honnête, ami de la vérité et des vertus, attaché à ses devoirs, et régit toutes ses démarches par la vérité. Il est ennemi du mensonge et de tout artifice, cherche la lumière pour annoncer la candeur et la paix de son âme, et est véhément et plein de feu dans ses discours. Il critique également le langage affecté et les comportements excessifs de l'esprit à la mode, qualifiés de convulsifs et nécessitant un remède prompt. Le philosophe ami du vrai sacrifie l'esprit à son devoir et rejette les frivolités dangereuses. L'esprit solide, ou bon esprit, se distingue par la recherche de la vérité et l'amour du bien public. La vérité est présentée comme essentielle et purifiante, contrairement au mensonge qui déshonore et insulte le genre humain. La valeur et le courage sont associés à l'honnêteté et à la parole donnée. Le respect humain et la flatterie sont condamnés, car ils masquent la vérité et sont motivés par l'amour-propre. Les rois et les grands ont besoin de la vérité pour éviter les dangers, et seul le philosophe vertueux peut les guider.
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13
p. 61-62
A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
Début :
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire, [...]
Mots clefs :
Amour, Docteur, Académie française, Arts
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texteReconnaissance textuelle : A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
'A M. l'Abbé DE VOISENON ,
de l'Académie Françoife.
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire ,
Aimable éléve de l'Amour
Et le favori de ſa mère ,
Le Dieu des Arts vient en ce jour .
De vous ouvrir fon fanctuaire :
Sur vos pas au facré vallon
Ónt marché les Grâces légères;
Vous fuccédez à Crébillon
Quoique différens dans leur ton
Chez nous tous les talens font frères.
On l'a vu fous des traits nouveaux
Rendre fon luftre à Melpomène ,
Suivre les maîtres fur la fcène
Et comme eux refter fans égaux.
Le rideau s'ouvre , on voit la Haine
Secouer les fombres flambeaux ;
Les mânes quittent leur tombeaux ,
Et les Dieux leur féjour fuprême.
Le Spectateur pleure & frémir ;
Tout tremble , la critique même
Ferme les yeux , & l'applaudit.
Sous une plus riante image.
Vous nous préfentez le Plaifir :
L'Amour rit au fond d'un boccage ;
62 MERCURE DE FRANCE.
Les Ris , les Jeux & le zéphir
Folâtrent fous le verd feuillage ;.
Climène écoute vos chanfons ;
L'Amour dans vos vers l'intéreffe ;
Souvent elle interrompt vos fons
Pour fe livrer à fon ivreffe.
Crébillon plaît en éffrayant 3
Vous nous charmez par l'agréable :
Je ne fçais pas s'il eft plus grand ,
Mais je fçais qu'il eft moins aimable .
Par M. L. M. de V....
de l'Académie Françoife.
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire ,
Aimable éléve de l'Amour
Et le favori de ſa mère ,
Le Dieu des Arts vient en ce jour .
De vous ouvrir fon fanctuaire :
Sur vos pas au facré vallon
Ónt marché les Grâces légères;
Vous fuccédez à Crébillon
Quoique différens dans leur ton
Chez nous tous les talens font frères.
On l'a vu fous des traits nouveaux
Rendre fon luftre à Melpomène ,
Suivre les maîtres fur la fcène
Et comme eux refter fans égaux.
Le rideau s'ouvre , on voit la Haine
Secouer les fombres flambeaux ;
Les mânes quittent leur tombeaux ,
Et les Dieux leur féjour fuprême.
Le Spectateur pleure & frémir ;
Tout tremble , la critique même
Ferme les yeux , & l'applaudit.
Sous une plus riante image.
Vous nous préfentez le Plaifir :
L'Amour rit au fond d'un boccage ;
62 MERCURE DE FRANCE.
Les Ris , les Jeux & le zéphir
Folâtrent fous le verd feuillage ;.
Climène écoute vos chanfons ;
L'Amour dans vos vers l'intéreffe ;
Souvent elle interrompt vos fons
Pour fe livrer à fon ivreffe.
Crébillon plaît en éffrayant 3
Vous nous charmez par l'agréable :
Je ne fçais pas s'il eft plus grand ,
Mais je fçais qu'il eft moins aimable .
Par M. L. M. de V....
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Résumé : A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
L'auteur adresse une lettre à l'Abbé de Voisenon, membre de l'Académie Française, pour le féliciter de ses talents littéraires. Il compare Voisenon à Crébillon, soulignant que leurs styles diffèrent mais que tous les talents sont frères. Voisenon est décrit comme un maître charmant dans l'art de plaire, un élève aimable de l'Amour et le favori de sa mère, le Dieu des Arts. Il a renouvelé l'art dramatique en rendant son lustre à Melpomène, la muse de la tragédie, et en suivant les maîtres sur scène sans jamais les égaler. Voisenon est loué pour sa capacité à représenter la Haine et les Dieux de manière poignante, faisant pleurer et frémir le spectateur, même la critique fermant les yeux pour l'applaudir. En contraste, il présente également le Plaisir, avec l'Amour riant dans un bocage, les Rires, les Jeux et le Zéphyr folâtrant sous le feuillage vert. Climène écoute ses chants, l'Amour l'intéressant souvent au point qu'elle interrompt ses sons pour se livrer à son ivresse. Le texte conclut en affirmant que Crébillon plaît en effrayant, tandis que Voisenon charme par l'agréable, sans juger lequel est plus grand, mais notant que Crébillon est moins aimable.
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14
p. 62
VERS faits pour une Estampe du Médaillon de Mgr le Prince DE CONDÉ, envoyée chez plusieurs Dames.
Début :
SOIT qu'il combatte ou qu'il soupire, [...]
Mots clefs :
Médaillon, Estampe, Dames, Sort, Plaisir, Gloire, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS faits pour une Estampe du Médaillon de Mgr le Prince DE CONDÉ, envoyée chez plusieurs Dames.
VERS faits pour une Eftampe du
Médaillon de Mgr le Prince DE
CONDÉ , envoyée chez plufieurs
Dames.
Soir qu'il combatte on qu'il ſoupire ,
Il eſt également heureux :
Le Sort s'empreffe à lui fourire ,
Le Plaifir à combler fes voeux.
1
Sa voix foumet les plus cruelles ,
La Gloire fuit fes étendarts :
Il est l'Amour auprès des Belles ,
Dans fon camp il eft le Dieu Mars.
Par l'Auteur des Versprécédens.
Médaillon de Mgr le Prince DE
CONDÉ , envoyée chez plufieurs
Dames.
Soir qu'il combatte on qu'il ſoupire ,
Il eſt également heureux :
Le Sort s'empreffe à lui fourire ,
Le Plaifir à combler fes voeux.
1
Sa voix foumet les plus cruelles ,
La Gloire fuit fes étendarts :
Il est l'Amour auprès des Belles ,
Dans fon camp il eft le Dieu Mars.
Par l'Auteur des Versprécédens.
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15
p. 63
RÉPONSE de Madame BL. à une déclaration d'amour.
Début :
EN vain tu me peins ta tendresse : [...]
Mots clefs :
Tendresse, Cœur, Devoir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de Madame BL. à une déclaration d'amour.
RÉPONSE de Madame BL. à une
déclaration d'amour.
En vain tu me peins ta tendreffe :
Non , cette image enchantereffe
Sur moi ne prend aucun pouvoir.
Mon coeur content , mon coeur paiſible ,
Eft heureux au fein du devoir.
Imite-moi , s'il eft poffible.
B. a P ....
déclaration d'amour.
En vain tu me peins ta tendreffe :
Non , cette image enchantereffe
Sur moi ne prend aucun pouvoir.
Mon coeur content , mon coeur paiſible ,
Eft heureux au fein du devoir.
Imite-moi , s'il eft poffible.
B. a P ....
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16
p. 63-64
VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
Début :
EMULE & digne Successeur [...]
Mots clefs :
Digne, Noble, Mausolée, Poète, Louis, Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
VERS fur le Maufolée que S. M. a ordonné
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
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Résumé : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
L'éloge funèbre en vers est dédié à Prosper Jolyot de Crébillon, un dramaturge français renommé. Il est comparé à Racine et Corneille pour sa capacité à créer des œuvres originales et sublimes sans les imiter. Crébillon est également loué pour son talent à exprimer le désespoir et la terreur de manière éloquente. En tant que citoyen, il est apprécié pour son caractère égal et sa douceur. La Société regrette profondément sa perte. Melpomène, la muse de la tragédie, pleure sa mort. Le roi Louis XIV, par un geste de bienveillance, ordonne l'érection d'un mausolée en son honneur dans l'église Saint-Gervais. Cette décision est saluée par la sagesse, la patrie et le Parnasse, tandis que l'envie et le faux zèle réagissent avec regret et murmures. L'auteur de ce texte est l'abbé Dangerville.
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17
p. 64-65
A CLIMENE****. qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
Début :
OUI, je ferai pour vous des Vers ; [...]
Mots clefs :
Vers, Feux, Amants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A CLIMENE****. qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
A CLIMENE
**** . qui avoit demandé
des Vers à l'Auteur.
Our , je ferai pour vous des Vers ;
Oui , je prétens faire connaître
AVRIL. 1763: 65
Aux quatre coins de l'Univers ;
Que les feux que vous faites naître ,
De leurs langeurs , de leurs tourmens
Font chaque jour expirer mille Amans.
Je parlerai de vos mains adorables ,
De votre bouche , de vos yeux ,
Que l'on peut dire inimitables ,
Et dignes de charmer les Mortels & les Dieur.
Certain point cependant me retient & me gêne ,
Me force à réfléchir fur ce que je promets
C'eft (vous le dirai - je , Climene ? )
C'eft que j'ai fait ferment ... de ne mentir jamais.
Par M. D. L ....
**** . qui avoit demandé
des Vers à l'Auteur.
Our , je ferai pour vous des Vers ;
Oui , je prétens faire connaître
AVRIL. 1763: 65
Aux quatre coins de l'Univers ;
Que les feux que vous faites naître ,
De leurs langeurs , de leurs tourmens
Font chaque jour expirer mille Amans.
Je parlerai de vos mains adorables ,
De votre bouche , de vos yeux ,
Que l'on peut dire inimitables ,
Et dignes de charmer les Mortels & les Dieur.
Certain point cependant me retient & me gêne ,
Me force à réfléchir fur ce que je promets
C'eft (vous le dirai - je , Climene ? )
C'eft que j'ai fait ferment ... de ne mentir jamais.
Par M. D. L ....
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Résumé : A CLIMENE****. qui avoit demandé des Vers à l'Auteur.
L'auteur écrit à Climène pour promettre des vers en son honneur, célébrant ses mains, sa bouche et ses yeux inimitables. Il évoque la souffrance des amants et les effets de ses charmes sur les mortels et les dieux. Il est retenu par un serment de ne jamais mentir. La lettre est signée M. D. L. et datée d'avril 1763.
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18
p. 65
« LE mot de la premiere Enigme du premier vol. du Mercure d'Avril est [...] »
Début :
LE mot de la premiere Enigme du premier vol. du Mercure d'Avril est [...]
Mots clefs :
Fourreau d'épée, Rien, Écolier, Orgue, Noël
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « LE mot de la premiere Enigme du premier vol. du Mercure d'Avril est [...] »
LE
,
mot de la premiere Enigme du
premier vol. du Mercure d'Avril eft
Fourreau d'Epée. Celui de la feconde eft
Rien. Celui du premier Logogryphe
eft Ecolier , où l'on trouve Roc , or ,
Ecole , Ciel , Roi , Eloi , Loire oie
Elie , re , colier , oeil , lire > cor. Celui
du fecond eft Orgue , dans lequel on
trouve or , ego , or , (adverbe) grue, nue.
Celui du troifiéme eſt Noël , dont l'inverfion
eft Léon. Il y a eu des Saints ,
des Rois , des Papes & des Empereurs
du nom de Léon.
,
mot de la premiere Enigme du
premier vol. du Mercure d'Avril eft
Fourreau d'Epée. Celui de la feconde eft
Rien. Celui du premier Logogryphe
eft Ecolier , où l'on trouve Roc , or ,
Ecole , Ciel , Roi , Eloi , Loire oie
Elie , re , colier , oeil , lire > cor. Celui
du fecond eft Orgue , dans lequel on
trouve or , ego , or , (adverbe) grue, nue.
Celui du troifiéme eſt Noël , dont l'inverfion
eft Léon. Il y a eu des Saints ,
des Rois , des Papes & des Empereurs
du nom de Léon.
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19
p. 66
ENIGME.
Début :
Mon Etre est très-particulier, [...]
Mots clefs :
Noix
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
ON Etre eft très-particulier ,
J'ai les deux fexes en partage ;
Mais ce qui rend mon fort encor plus fingulier ;
C'eft d'en changer , en changeant d'âge.
Je fais du genre mafculin ,
Pendant que dure ma jeuneffe ;
Mais je deviens du féminin
Aux approches de la vieilleffe..
Mon fexe dépend des Humains ;
Tantôt mâle , tantôr fémelle ,
Je reçois mon fort de leurs mains
Sans leur être jamais rebelle.
Lorfque , coupés en deux , mes membres font
épars ,
Chacun d'eux montre un mâle au goût de tout
le monde ;
Mais s'ils reftent unis , ils n'offrent aux regards
Q'u'une femelle route ronde.
Par M. D. V.......
ON Etre eft très-particulier ,
J'ai les deux fexes en partage ;
Mais ce qui rend mon fort encor plus fingulier ;
C'eft d'en changer , en changeant d'âge.
Je fais du genre mafculin ,
Pendant que dure ma jeuneffe ;
Mais je deviens du féminin
Aux approches de la vieilleffe..
Mon fexe dépend des Humains ;
Tantôt mâle , tantôr fémelle ,
Je reçois mon fort de leurs mains
Sans leur être jamais rebelle.
Lorfque , coupés en deux , mes membres font
épars ,
Chacun d'eux montre un mâle au goût de tout
le monde ;
Mais s'ils reftent unis , ils n'offrent aux regards
Q'u'une femelle route ronde.
Par M. D. V.......
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20
p. 67
AUTRE.
Début :
Je suis nuit & jour sur pieds, toujours prêt à être utile. Je travaille pour [...]
Mots clefs :
Moulin à vent
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
E fuis nuit & jour fur pieds , toujours
prêt à être utile . Je travaille pour
les pauvres & pour les riches ; & je fuis
eftimé des grands & des petits ; je fais
bien des tours , fans avancer d'un pas ;
& quand j'irois toute l'année fans marrêter
, je me trouverois toujours à ma
place. Je fuis d'une grandeur affez confidérable
, & mes appartemens font
proportionnés à ma grandeur. Je reçois
beaucoup de vifites & je n'en rends aucune.
Bien différent des hommes dont
la tête commande le corps , c'eft ma
queue qui commande ma tête & la met
en état de bien remplir fon devoir.
E fuis nuit & jour fur pieds , toujours
prêt à être utile . Je travaille pour
les pauvres & pour les riches ; & je fuis
eftimé des grands & des petits ; je fais
bien des tours , fans avancer d'un pas ;
& quand j'irois toute l'année fans marrêter
, je me trouverois toujours à ma
place. Je fuis d'une grandeur affez confidérable
, & mes appartemens font
proportionnés à ma grandeur. Je reçois
beaucoup de vifites & je n'en rends aucune.
Bien différent des hommes dont
la tête commande le corps , c'eft ma
queue qui commande ma tête & la met
en état de bien remplir fon devoir.
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21
p. 67-68
LOGOGRYPHE.
Début :
Au Luxe je dois l'éxistence ; [...]
Mots clefs :
Tapisserie
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOG RY PH E.
Au Luxe je dois l'éxiſtence ;
Auſſi jamais ne me vit- on
De ceux qui font dans l'indigence
Habiter la trifte maiſon.
Pour me faire paroître avec bien plus de grace ,
Dans un haut rang avec foin l'on me place ;
Mon frère plus petit que moi̟ ,
68 MERCURE DE FRANCE.
N'a pas un fi brillant emploi >
Car on le foule aux pieds , & dans cette poſture
Heft ſouvent couvert de pouffiere & d'ordure.
Cependant nous vivons de fi bonne amitié ,
Qu'en nous défuniffant je péris de moitié ;
Et mon plus grand chagrin d'être ainfi divifée ,
Eft que dans cet état on me tourne en rifée .
Remets-nous enſemble , Lecteur ,
Et change moitié de mon être
Tu me verras fouvent paroître ;
Sur la boutique du Traiteur.-
Par Mlle DU VERGER , d'Angers
Au Luxe je dois l'éxiſtence ;
Auſſi jamais ne me vit- on
De ceux qui font dans l'indigence
Habiter la trifte maiſon.
Pour me faire paroître avec bien plus de grace ,
Dans un haut rang avec foin l'on me place ;
Mon frère plus petit que moi̟ ,
68 MERCURE DE FRANCE.
N'a pas un fi brillant emploi >
Car on le foule aux pieds , & dans cette poſture
Heft ſouvent couvert de pouffiere & d'ordure.
Cependant nous vivons de fi bonne amitié ,
Qu'en nous défuniffant je péris de moitié ;
Et mon plus grand chagrin d'être ainfi divifée ,
Eft que dans cet état on me tourne en rifée .
Remets-nous enſemble , Lecteur ,
Et change moitié de mon être
Tu me verras fouvent paroître ;
Sur la boutique du Traiteur.-
Par Mlle DU VERGER , d'Angers
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22
p. 68-70
AUTRE.
Début :
Je peins une fleur du jeune âge, [...]
Mots clefs :
Innocence
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
E peins une fleur du jeune âge ,
Que l'on n'a plus après quinze ans ,
A moins que l'on ne foit bien fage.
On dit que chez nos vieux parens ,
On la portoit dans le ménage ;
Mais par malheur dep is longtemps
Nous avons banni cet ufage.
En voyant ce tableau , ce tableau , Lecteur ,
Vous croyez déja , je le gage ,
Trouver le nom de cette fleur
Et dans le fond de votre coeur ,
Vous croyez qu'elle rime en áge?
AVRIL. 1763. 6g
་
Ainfi dans ce fiécle volage and
L'efprit de la légéreté 4 Nuo sit
Sait tourner tout en badinage ,
Et l'on préfére ce langage
A celui de la Vérité.
Mon cher Lecteur , foyez plus fage ;
Et loin de la frivolité ,
Cherchez l'objet de mon ouvrage .
Neuf lettres compofent fon nom.
On trouve en en faiſant uſage ,
Une nymphe qui de Junon
Autre fois brouilla le ménage ,
Et lui fit faire un grand tapage
Ce que fait toujours un fripon .,
Si ce n'eft à la queſtion ,
A moins qu'il n'ait bien du courage ;
Le nom qu'on donne à ce beau jour ,
Qui devroit couronner l'Amour ,
Et fixer les Amans volages ;
Un mot qu'on voudroit avoir dit ,
Dans bien des honnêtes ménages
Où de bon coeur on fe maudit ;
Une fille du dernier âge ,
De qui les attraits , les talens ,
L'efprit & le libertinage
Charmoit tour - à-tour les Savans
Les Voluptueux & les Sages ;
Un Seigneur qui fait les meffages
70 MERCURE DE FRANCE,
D'un Prince qui bénit les gens ;
Une fille en faint équipage ,
Qui ſouvent malgré ſes vertus
Voudroit bien craindre le veuvage ;
Un vieux mot que l'on ne dit plus ;
Une ville fur le rivage
De la ...... mais il me faut ceffer :
Je cráins , Lecteur , de vous laſſer
Par la longueur de cet ouvrage ,
Où je peins en foible langage ,
Un Sujet facile à trouver.
Chaque homme l'a dans ſon jeune âge ;
Heureux qui peut le conſerver !
Par M. BRONDEX.
E peins une fleur du jeune âge ,
Que l'on n'a plus après quinze ans ,
A moins que l'on ne foit bien fage.
On dit que chez nos vieux parens ,
On la portoit dans le ménage ;
Mais par malheur dep is longtemps
Nous avons banni cet ufage.
En voyant ce tableau , ce tableau , Lecteur ,
Vous croyez déja , je le gage ,
Trouver le nom de cette fleur
Et dans le fond de votre coeur ,
Vous croyez qu'elle rime en áge?
AVRIL. 1763. 6g
་
Ainfi dans ce fiécle volage and
L'efprit de la légéreté 4 Nuo sit
Sait tourner tout en badinage ,
Et l'on préfére ce langage
A celui de la Vérité.
Mon cher Lecteur , foyez plus fage ;
Et loin de la frivolité ,
Cherchez l'objet de mon ouvrage .
Neuf lettres compofent fon nom.
On trouve en en faiſant uſage ,
Une nymphe qui de Junon
Autre fois brouilla le ménage ,
Et lui fit faire un grand tapage
Ce que fait toujours un fripon .,
Si ce n'eft à la queſtion ,
A moins qu'il n'ait bien du courage ;
Le nom qu'on donne à ce beau jour ,
Qui devroit couronner l'Amour ,
Et fixer les Amans volages ;
Un mot qu'on voudroit avoir dit ,
Dans bien des honnêtes ménages
Où de bon coeur on fe maudit ;
Une fille du dernier âge ,
De qui les attraits , les talens ,
L'efprit & le libertinage
Charmoit tour - à-tour les Savans
Les Voluptueux & les Sages ;
Un Seigneur qui fait les meffages
70 MERCURE DE FRANCE,
D'un Prince qui bénit les gens ;
Une fille en faint équipage ,
Qui ſouvent malgré ſes vertus
Voudroit bien craindre le veuvage ;
Un vieux mot que l'on ne dit plus ;
Une ville fur le rivage
De la ...... mais il me faut ceffer :
Je cráins , Lecteur , de vous laſſer
Par la longueur de cet ouvrage ,
Où je peins en foible langage ,
Un Sujet facile à trouver.
Chaque homme l'a dans ſon jeune âge ;
Heureux qui peut le conſerver !
Par M. BRONDEX.
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23
p. 70-72
COUPLETS A mettre en chant.
Début :
Dans ces bois où le sort m'amène, [...]
Mots clefs :
Chant, Douceur, Appas, Amour, Maîtresse, Bergère
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texteReconnaissance textuelle : COUPLETS A mettre en chant.
COUPLETS
DANS
A mettre en chant.
ANS ces bois où le fort m'amène ,
Sous ces ombrages frais ,
Tout me parle de l'inhumaine
Dont la beauté m'enchaîne ,
Tout m'en offre les traits.
Ce matin , en voyant éclore
Les rayons du Soleil ,
Je difois : ô riante Aurore ,
AVRIL. 1763. 71
De celle que j'adore
Tu me peins le réveil !
Tu charmes en vain ce boccage,
Roffignol enchanteur ;
Tu ne fçaurois dans ton ramage,
Dé fon brillant langage
Egaler lá douceur.
Il fort de fa bouche vermeille
Un miel plus précieux
Que ne l'eft celui de l'abeille ;
Elle charme l'oreille
Auffi bien que les
yeux.
Son efprit , fa raiſon égale
Ses appas féducteurs.
Outre la beauté qu'elle étale ,
Ainfi la rofe exhale
Les plus douces odeurs.
Hélas ! que cette fleur cruelle
Dont on craint d'approcher ,
Nous peint fidélement ma belle !
On foupire pour elle,
Et l'on n'ofe y toucher.
Viens fléchir fon coeur intraitable ,
Amour puis- je eſpérer :
72 MERCURE DE FRANCE.
Que tu la rende un jour capable
Du fentiment aimable
Qu'elle fçait inſpirer ?
Près de fa compagne charmante
Un jeune Tourtereau ,
(
Brulé du feu qui me tourmente ,
De fa voix gémiffante
Attriftoit ce coteau.
J'ai vu la farouche maîtreſſe
Méprifer les foupirs.
Touchée enfin de fa tendreffe
Voilà qu'elle s'empreſſe
De combler fes defirs.
Par cette agréable avanture
Mon fort femble éclairci.
Faut- il en accepter l'augure ?
Et les maux que j'endure
Finiront-ils ainfi ?
Oui , je fléchirai ma Bergère ;
Mes maux n'auront qu'un temps.
Quand l'hyver nous a fait la guerre,
Il laiffe en paix la Tèrre ,
Et fait place au Printemps.
Par M. GERMAIN DE CRAIN.
DANS
A mettre en chant.
ANS ces bois où le fort m'amène ,
Sous ces ombrages frais ,
Tout me parle de l'inhumaine
Dont la beauté m'enchaîne ,
Tout m'en offre les traits.
Ce matin , en voyant éclore
Les rayons du Soleil ,
Je difois : ô riante Aurore ,
AVRIL. 1763. 71
De celle que j'adore
Tu me peins le réveil !
Tu charmes en vain ce boccage,
Roffignol enchanteur ;
Tu ne fçaurois dans ton ramage,
Dé fon brillant langage
Egaler lá douceur.
Il fort de fa bouche vermeille
Un miel plus précieux
Que ne l'eft celui de l'abeille ;
Elle charme l'oreille
Auffi bien que les
yeux.
Son efprit , fa raiſon égale
Ses appas féducteurs.
Outre la beauté qu'elle étale ,
Ainfi la rofe exhale
Les plus douces odeurs.
Hélas ! que cette fleur cruelle
Dont on craint d'approcher ,
Nous peint fidélement ma belle !
On foupire pour elle,
Et l'on n'ofe y toucher.
Viens fléchir fon coeur intraitable ,
Amour puis- je eſpérer :
72 MERCURE DE FRANCE.
Que tu la rende un jour capable
Du fentiment aimable
Qu'elle fçait inſpirer ?
Près de fa compagne charmante
Un jeune Tourtereau ,
(
Brulé du feu qui me tourmente ,
De fa voix gémiffante
Attriftoit ce coteau.
J'ai vu la farouche maîtreſſe
Méprifer les foupirs.
Touchée enfin de fa tendreffe
Voilà qu'elle s'empreſſe
De combler fes defirs.
Par cette agréable avanture
Mon fort femble éclairci.
Faut- il en accepter l'augure ?
Et les maux que j'endure
Finiront-ils ainfi ?
Oui , je fléchirai ma Bergère ;
Mes maux n'auront qu'un temps.
Quand l'hyver nous a fait la guerre,
Il laiffe en paix la Tèrre ,
Et fait place au Printemps.
Par M. GERMAIN DE CRAIN.
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Résumé : COUPLETS A mettre en chant.
Le poème 'Couplets' de M. Germain de Crain, écrit en avril 1763, relate une promenade dans un bois où le narrateur observe des signes de la beauté d'une femme aimée. Il compare cette beauté à celle de l'aube et à la douceur du chant des oiseaux. Le narrateur admire l'esprit, la raison et la beauté de cette femme, mais la compare également à une fleur cruelle dont on craint de s'approcher. Il exprime son désir de voir son amour réciproque et raconte l'histoire d'un jeune tourtereau méprisé qui finit par voir sa maîtresse céder à ses avances. Le narrateur espère que son propre sort s'éclaircira de la même manière, que ses maux prendront fin, comme l'hiver laisse place au printemps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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