ODE
SUR LA NAISSANCE
DE LA SAINTE VIERGE.
Q
U'elle est cette brillante Aurore ,
Qui vient arrêter mes regards ?
Dans les Airs que sa lueur dore
Je ne vois que Rubis épars.
Vois-je l'Etoile matiniere ?
Elle paroît sur la barriere ,
Et brille de cent feux divers ;
1. Vol A i Le
2696 MERCURE DE FRANCE
La vive splendeur qu'elle entraîne ,
Semble annoncer la Souveraine ,
Des Cieux, de la Terre , et des Mers
Quel charme ! est - ce une vaine image
Mortels , j'abandonne ces lieux;
Un chant mélodieux m'engage ,
A prendre un essor vers les Cieux,
Me voici porté dans les nuës ;
Ah ! de Terres inconnuës ?
que
Je passe , je franchis les Mers ;
Compagnon d'une Troupe aîlée ,
Je plane sur la Galilée ;
Je plonge , j'ay quitté les Airs.
*
Que yeut ce Choeur d'Esprits Celestes ,
Ministres Saints du Dieu de paix ,
Qui respectueux
et modestes ,
D'Anne environnent le Palais ?
Le Dieu , qui ses oeuvres contemple ,
A-t'il fait choix d'un nouveau Temple ,
Qu'il remplit de sa Majesté ?
Oui , des Lys l'odeur ravissante ,
M'assure déja qu'Anne enfante
Le Temple de la Trinité,
1. Vol
C'est
DECEMBRE . 1731. 2697
C'est donc vous , tant de fois prédite ,
'Auguste Fille d'un saint Roy ,
Du Roy des Rois la Favorite,
Des Enfers la rage et l'effroy;
Espoir , amour de tous les âges ,
Des Peuples , des Rois et des Sages ,
Par ma voix recevez sa foy ;
Purs Esprits , souffrez ma presence ;
Les fruits d'une telle Naissance ,
Ne sont pas pour vous , mais
讚
pour
Anges du Ciel , Troupe fidelle ,
Zelez Champions du Très- Haut
Qui du Chefdu Parti rebelle
Jadis repoussâtes l'assaut ,
Honorez cette Chair naissante ;
Révérez cette Arche vivante ,
Où le Saint des Saints entrera ;
Celui qui commande aux tempêtes
Et qui fait tonner sur nos têtes ,
Dans son sein se reposera.
moit
Grand Dieu , que de profond's Misteres
Dévoile un saint ravissement !
Exempt des sentimens vulgaires ,
Que vois-je sur le Firmament-
I. Vol.
A iij Je
2698 MERCURE DE FRANCE
Je prôneray seul Adorable ,
L'Alliance à jamais durable ,
Que tu fais avec les Mortels :
Peuples heureux , venez entendre ,
Quels trésors le Ciel va répandre ,
Sur la Terre et sur vos Autels.
M
L'oeil ne l'a vûë : eh ! qui l'a peinte,
La Majesté du Dieu vivant ?
Gloire , splendeur , terreur et crainte ,
Peignent mal son Trône éclatant.
Qu'elle est brillante cette lame "
Empreinte d'un Burin de flâme ,
Au sein de la Divinité ?
Son Image me représente ,
Qu'après quatre mille ans d'attente
Israël sera visité.
Sacrée Image es- tu fidelle ?
Celui qui meut l'Astre du jour ,
D'une Ambassade solemnelle ,
Honore-t'il l'humain séjour ?
Le divin Messager s'envole ;
Il a de son Dieu la parole ,
D'une Vierge il veut l'agrément ,
Du haut de la Voute azurée ,
I. Vol. L'auguste
DECEMBRE . 1731. 2699
L'auguste Cour de l'Empirée ,
En suspens , le voit et l'attend .
Salut , ô divine allegresse !
L'état de l'homme est immortel ,
Marie a rempli la promesse ,
Qu'autrefois nous fit l'Eternel.
Mais, ô l'inéfable Mistere !
Mere de son Dieu , Vierge et Mere ,
C'est ton sort , Fleur de chasteté ;
Non , non , le Soleil de Justice ,
Aux chastes desirs si propice ,
Ne peut souiller ta pureté.
*
Quel bruit , quel siflement horrible ,
Sort de l'abîme tenebreux ?
Quel Monstre , quel Serpent horrible ,
Fait mugir ces cachots affreux ?
#
Roy du Ciel , lance ton Tonnerres
Ce Dragon ébranle la Terre ,
La terreur saisit les Humains ;
Mais non , le doux fruit de Maric ,
Brise la tête à la Furie ;
Calmons- nous , ses efforts sont vains
味
Sacrez Flancs d'une Vierge pure ,
I. Vol. A iiij
Dont
2700 MERCURE DE FRANCE
Dont l'heureuse fécondité ,
·
Eleve l'humaine Nature
Au rang de la Divinité ;
C'est par vous que l'homme rebelle ,
Rentre en ses droits , devient fidelle ,
Son Dieu présent reçoit ses voeux ;
Quelle bonté ! si le coupable ,
Eût pû n'être pas miserable ,
Il auroit été moins heureux .
Par M. Julien , fuge de Montblanc