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1
p. 108-126
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
Il est dangereux de forcer l'amour à se tourner en fureur ; [...]
Mots clefs :
Belle, Cavalier, Amour, Mariage, Demoiselle, Amants, Adorateur, Coeur, Destin funeste, Scrupule, Charme, Passion, Obstacle, Promesses, Gloire, Désespoir, Jalousie, Honneur, Blessures , Malheur, Peine
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texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
Il eſt dangereux de forcer
l'amour à le tourner en fu
reur ; il en arrive ordinairement
des fuites funeftes , &
ce qui s'eft paffé depuis peu
de temps dans une des plus
grandes Villes du Royaume,.
confirme les fanglans exemples
que nous en trouvons
dans les Hiftoires. Une jeu
ne Demoiselle naturellement
fenfible à la gloire , & pleine
de cette louable & noble
fierté , qui donne un nouveau
merite aux belles Perfonnes
, vivoit dans une con--
duite qui la mettoit à cou
GALANT. 109
vert de toute cenfure. L'agrément
de ſes manieres , joint
à un brillant d'efprit qui la
diftinguoit avec beaucoup
d'avantage , luy attiroit des
Amans de tous côtez . Elle
recevoit leurs foins , fans
marquer de préférence , &
confervoit une égalité , qui
n'en rebutant aucun leur
faifoit connoître qu'elle vouloit
fe donner le temps de
choifir. C'eftoit en effet fon
but ; elle gardoit avec eux
la plus éxacte regularité ; ne
leur permettant ny vifites
affidues , ny empreffemens
110 MERCURE
trop remarquables
. Ainſi la
bienséance
régloit tous les
égards complaifans
qu'elle
croyoit leur devoir ; & la raifon
demeurant
toûjours maîtreffe
de fes fentimens
, elle
attendoit qu'elle connût aſſez
bien leurs differens caractepour
pouvoir faire un
res
-
heureux , fans fe rendre
malheureuſe , ou qu'il s'offrist
un Party plus confiderable
, qui déterminaft fon
choix. Elle approchoit de
vingt ans , quand un Cavalier
affez bienfait vint fe méler
parmy fes Adorateurs
GALANT. I
Comme il n'avoit ny plus de
naiffance , ny plus de bien
que les autres il ne reçût
la mefme honne .
d'elle
que
fteté
qu'elle
avoit
pour
tous
;
& cette
maniere
trop
indifferente
l'auroit
fans
doute
obligé
de
renoncer
à la voir
,
fi par
une
vanité
que
quelques
bonnes
fortunes
luy
avoient
fait
prendre
, il n'euſt
trouvé
de
la
honte
à ne
pas
venir
à bout
de
toucher
un
coeur
qui
avoit
toûjours
paru
infenfible
. C'eftoit
un
homme
d'un
efprit
infinuant
, &
qui
fçavoit
les
moyens
de
112 MERCURE
plaire mieux que perfonne
du monde , quand il vouloit
les mettre en ufage. Il feignit
d'eftre content des conditions
que luy préſcrivit la
Belle , & fans fe plaindre du
peu de liberté qu'elle luy laiffoit
pour les vifites , il la vit
encore plus rarement qu'elle
ne parut le fouhaiter. Il eſt
vray qu'il repara
le manque
d'empreffement qu'il fembloit
avoir pour elle , par le
foin qu'il prit de ſe trouver
aux lieux de devotion où elle
alloit ordinairement . Il la faluoit
fans luy parler que des
GALANT. 113
1
yeux , & ne manquoit pas .
dans la premiere entreveuë ,
de faire valoir d'une maniere
galante le facrifice qu'il luy
avoit fait en s'impofant la
contrainte de ne luy rien dire
, pour ne pas donner ma--
tiere à fes fcrupules. Il prenoit
d'ailleurs un plaifir par--
ticulier à élever fon merite :
devant tous ceux qui la connoiffoient
, & ce qu'elle en
apprenoit la flatoit en même
temps , & luy donnoir de l'e
ftime pour le Cavalier . Tou--
tes ces chofes firent l'effet
qu'il avoit prévû. On fou-
Mars 1685. KA
114 MERCURE
haita de s'en faire aimer. I
s'en apperçût ; & rendit des
foins un peu plus frequens,
en proteſtant que fon refpect
luy en feroit toûjours retrancher
ce qu'on trouveroit contre
les regles . La Belle qui
commençoit à eftre touchée,
adoucit en fa faveur la feve
rité de fes maximes . Elle apprehenda
qu'il n'euft trop d'exactitude
à luy, obéir , fi elle
vouloit s'opposer à ſes affi
duitez & trouvant dans fa
converfation un charme fecret
qu'elle n'avoit point fen
ty dans celle des autres , elle
GALANT. 115
crût que ce feroit ufer de:
trop de rigueur envers eile .
même , que de fe refoudre à
s'en priver. Tous fes Amans
eurent bientôt remarqué le
progrés avantageux que le
Cavalier faifoit dans fon
coeur. Ils le voyoient applaudy
fur toutes chofes ; & le
dépit les forçant d'éteindre
leur paffion , ils fe retirerent,
& laifferent leur Rival fansaucun
obftacle qui puft troubler
fes deffeins . Ce fut alors
la Belle ouvrit les yeuxque
fur le pas qu'elle avoit fait.
Le Cavalier demeuré feul au-
Kij
116 MERCURE
prés d'elle , fit examiner le
changement que l'Amour
mettoit dans fa conduite .
Toute la Ville en parla ; &
ce murmure l'ayant obligée
à s'expliquer avec luy , il
luy répondit qu'elle devoit
peu s'embaraffer de ce qu'on
penfoit de l'un & de l'autre ,
fi elle l'aimoit affez pour
vouloir bien devenir fa Fem-
; que c'eftoit dans cette
veuë qu'il avoit pris de l'attachement
pour elle ; & que·
ne fouhaitant rien avec plus
d'ardeur que de l'époufer , il
luy demandoit feulement un
me
GALANT. 117
peu
de temps pour obtenir
le confentement d'un Oncle
dont il efperoit quelque a .
vantage . Je ne puis vous dire
s'il parloit fincerement ; ce
qu'il y a de certain , c'est que
la Belle fe laiffa perfuader ..
Les promeffes que luy fit le:
Cavalier la fatisfirent &%
croyant n'avoir befoin de reputation
que pour luy , elle
fe mit peu en peine d'eftre
juftifiée envers le Public
pourvûqu'un homme qu'elle
regardoit comme fon Mary,
n'euft point fujet de fe plaindre.
Une année entiere fe
;
118 MERCURE
paffa de cette forte . Elle par
la plufieurs fois d'accomplir
le Mariage , & le fâcheux
obftacle d'un Oncle difficile
à ménager empéchoit toû
jours qu'on n'éxecutaft ce
qu'on luy avoit promis . Cependant
le Cavalier qui ne
s'eftoit obftiné à cette conquefte
, que par un vain ſentiment
de gloire , s'en dégoûta
quand elle fut faite.
L'amour de la Belle ne pouvant
plus s'augmenter , il
ceffa d'avoir pour elle les
mêmes empreffemens qui
faifoient d'abord tout fon
GALANT. 119
bonheur. Elle s'en plaignit ,
& il rejetta fur fes plaintes
trop continuelles les manie
res froides qu'il ne pouvoit
s'empécher de laiffer paroître.
Elles luy fervirent même
de prétexte pour eftre moins
affidu. Les reproches redoublerent
; & leurs converfations
n'eftant plus remplies
que de chofes chagrinantes
,
le Cavalier s'éloigna entierement.
Ce fut pour la Belle un
fujet de defefpoir qu'on ne
fçauroit exprimer . Elle envoya
plufieurs perfonnes
chez luy , elle y alla elle mê120
MERCURE
me ; & fes réponſes eſtant
toûjours qu'il l'épouferoit fitôt
qu'il auroit gagné l'efprit
de fon Oncle , elle luy fit
propofer un mariage fecret .
Il rejetta cette propofition
d'une maniere qui fit connoiſtre
à la Belle , qu'elle
efperoit inutilement luy faire
tenir parole . L'excés de fon
déplaifir égala celuy de fon
amour. Elle aimoit le Cavalier
éperdument ; & quand
elle cuft pû changer cet amour
en haine , aprés l'éclat
qu'avoient fait les chofes ,
l'intereft de fon honneur l'auroit
GALANT. 121
roit obligé à l'époufer. Toutes
les voyes de douceur
ayant manqué de fuccez,
elle forma une refolution qui
n'eftoit pas de fon fexe . Elle
employa quelque temps à
s'y affermir , & s'informa cependant
de ce que faiſoit ſon
Infidele. Elle découvrit qu'il
voyoit ſouvent une jeune
Veuve , chez qui il paffoit la
plupart des foirs. La jaloufie
augmentant fa rage , elle prit
un habit d'homme , & encouragée
par fon amour &
par la juftice de fa cauſe , elle
alla l'attendre un foir dans
Mars 1685.
L
{
122 MERCURE
une affez large ruë où elle
fçavoit qu'il devoit paffer. La
Lune eftoit alors dans fon
༣ ་
plein , & favorifoit fon entre
prife. Le Cavalier revenant
chez luy comme de coûtume
, elle l'aborda ; & à peine
luy euft- elle dit quelques paroles
, qu'il la connût à fa
voix. Il plaifanta fur cette
metamorphofe ; & la Belle .
luy déclarant d'un ton refo
lu , qu'il faloit fur l'heure ve
nir luy figner un contract de
mariage , ou luy arracher la
vie , il continua de plaifanter .
La Belle outrée de fes raille
GALANT. 123
3
ries , éxecuta ce qu'elle avoit
refolu . Elle mit l'épée à la
main ; & le contraignant de
l'y mettre auffi , elle l'attaqua
avec tant de force , que
quelque foin qu'il prît de
parer , il fut percé de deux
coups qui le jetterent par
terre. Il tomba , en difant
qu'il eftoit mort. La Belle fa.
tisfaite & defefperée en méme
temps de fa vengeance ,
cria au fecours fans vouloir
prendre la fuite . Les Voifins
parurent , & on porta
Bleffé chez un Chirurgien
qui demeuroit à vingt pas
·le
Lij
124 MERCURE
de là. Les bleffures du Cava
lier eftant mortelles , il n'eut
que le temps de déclarer
qu'il meritoit fon malheur;
qu'il avoit voulu tromper la
Belle , & qu'il en eſtoit juftement
puny. Il ajouta qu'-
elle eftoit fa Femme par la
promeffe qu'il luy avoit faite
plufieurs fois de l'époufer;
qu'il vouloit qu'on la reconnuft
pour telle , & qu'il la
prioit de luy pardonner les
déplaifirs que fon injuſtice
luy avoit caufez. Il mourut
en achevant ces paroles , &
la laiffa dans une douleur qui
GALANT. 125
paffe tout ce qu'on peut s'en
imaginer. Le repentir qu'il
avoit marqué luy rendit tout
fon amour ; & le defefpoir
où elle tomba , ne fit que
trop voir combien il avoit de
violence. Jugez de la ſurpriſe
de ceux qui eftoient preſens,
dé voir une Fille ` déguifée en
Homme , & qui demandoit
par grace qu'on vängeaſt ſur
elle la mort d'un Amant qu'
elle avoit dû facrifier à fa
gloire. Elle dit les chofes du
monde les plus touchantes ;
& il n'y eut perfonne qui ne
partageât la peine . Je n'ay
Liij
126 MERCURE
point fçeû ce que la Justice
avoit ordonné contre elle .
Son crime eft de ceux que
l'honneur fait faire , & il en
eft peu qui ne femblent excufables
, quand ils partent
d'une caufe dont on n'a point
les
à rougir.
l'amour à le tourner en fu
reur ; il en arrive ordinairement
des fuites funeftes , &
ce qui s'eft paffé depuis peu
de temps dans une des plus
grandes Villes du Royaume,.
confirme les fanglans exemples
que nous en trouvons
dans les Hiftoires. Une jeu
ne Demoiselle naturellement
fenfible à la gloire , & pleine
de cette louable & noble
fierté , qui donne un nouveau
merite aux belles Perfonnes
, vivoit dans une con--
duite qui la mettoit à cou
GALANT. 109
vert de toute cenfure. L'agrément
de ſes manieres , joint
à un brillant d'efprit qui la
diftinguoit avec beaucoup
d'avantage , luy attiroit des
Amans de tous côtez . Elle
recevoit leurs foins , fans
marquer de préférence , &
confervoit une égalité , qui
n'en rebutant aucun leur
faifoit connoître qu'elle vouloit
fe donner le temps de
choifir. C'eftoit en effet fon
but ; elle gardoit avec eux
la plus éxacte regularité ; ne
leur permettant ny vifites
affidues , ny empreffemens
110 MERCURE
trop remarquables
. Ainſi la
bienséance
régloit tous les
égards complaifans
qu'elle
croyoit leur devoir ; & la raifon
demeurant
toûjours maîtreffe
de fes fentimens
, elle
attendoit qu'elle connût aſſez
bien leurs differens caractepour
pouvoir faire un
res
-
heureux , fans fe rendre
malheureuſe , ou qu'il s'offrist
un Party plus confiderable
, qui déterminaft fon
choix. Elle approchoit de
vingt ans , quand un Cavalier
affez bienfait vint fe méler
parmy fes Adorateurs
GALANT. I
Comme il n'avoit ny plus de
naiffance , ny plus de bien
que les autres il ne reçût
la mefme honne .
d'elle
que
fteté
qu'elle
avoit
pour
tous
;
& cette
maniere
trop
indifferente
l'auroit
fans
doute
obligé
de
renoncer
à la voir
,
fi par
une
vanité
que
quelques
bonnes
fortunes
luy
avoient
fait
prendre
, il n'euſt
trouvé
de
la
honte
à ne
pas
venir
à bout
de
toucher
un
coeur
qui
avoit
toûjours
paru
infenfible
. C'eftoit
un
homme
d'un
efprit
infinuant
, &
qui
fçavoit
les
moyens
de
112 MERCURE
plaire mieux que perfonne
du monde , quand il vouloit
les mettre en ufage. Il feignit
d'eftre content des conditions
que luy préſcrivit la
Belle , & fans fe plaindre du
peu de liberté qu'elle luy laiffoit
pour les vifites , il la vit
encore plus rarement qu'elle
ne parut le fouhaiter. Il eſt
vray qu'il repara
le manque
d'empreffement qu'il fembloit
avoir pour elle , par le
foin qu'il prit de ſe trouver
aux lieux de devotion où elle
alloit ordinairement . Il la faluoit
fans luy parler que des
GALANT. 113
1
yeux , & ne manquoit pas .
dans la premiere entreveuë ,
de faire valoir d'une maniere
galante le facrifice qu'il luy
avoit fait en s'impofant la
contrainte de ne luy rien dire
, pour ne pas donner ma--
tiere à fes fcrupules. Il prenoit
d'ailleurs un plaifir par--
ticulier à élever fon merite :
devant tous ceux qui la connoiffoient
, & ce qu'elle en
apprenoit la flatoit en même
temps , & luy donnoir de l'e
ftime pour le Cavalier . Tou--
tes ces chofes firent l'effet
qu'il avoit prévû. On fou-
Mars 1685. KA
114 MERCURE
haita de s'en faire aimer. I
s'en apperçût ; & rendit des
foins un peu plus frequens,
en proteſtant que fon refpect
luy en feroit toûjours retrancher
ce qu'on trouveroit contre
les regles . La Belle qui
commençoit à eftre touchée,
adoucit en fa faveur la feve
rité de fes maximes . Elle apprehenda
qu'il n'euft trop d'exactitude
à luy, obéir , fi elle
vouloit s'opposer à ſes affi
duitez & trouvant dans fa
converfation un charme fecret
qu'elle n'avoit point fen
ty dans celle des autres , elle
GALANT. 115
crût que ce feroit ufer de:
trop de rigueur envers eile .
même , que de fe refoudre à
s'en priver. Tous fes Amans
eurent bientôt remarqué le
progrés avantageux que le
Cavalier faifoit dans fon
coeur. Ils le voyoient applaudy
fur toutes chofes ; & le
dépit les forçant d'éteindre
leur paffion , ils fe retirerent,
& laifferent leur Rival fansaucun
obftacle qui puft troubler
fes deffeins . Ce fut alors
la Belle ouvrit les yeuxque
fur le pas qu'elle avoit fait.
Le Cavalier demeuré feul au-
Kij
116 MERCURE
prés d'elle , fit examiner le
changement que l'Amour
mettoit dans fa conduite .
Toute la Ville en parla ; &
ce murmure l'ayant obligée
à s'expliquer avec luy , il
luy répondit qu'elle devoit
peu s'embaraffer de ce qu'on
penfoit de l'un & de l'autre ,
fi elle l'aimoit affez pour
vouloir bien devenir fa Fem-
; que c'eftoit dans cette
veuë qu'il avoit pris de l'attachement
pour elle ; & que·
ne fouhaitant rien avec plus
d'ardeur que de l'époufer , il
luy demandoit feulement un
me
GALANT. 117
peu
de temps pour obtenir
le confentement d'un Oncle
dont il efperoit quelque a .
vantage . Je ne puis vous dire
s'il parloit fincerement ; ce
qu'il y a de certain , c'est que
la Belle fe laiffa perfuader ..
Les promeffes que luy fit le:
Cavalier la fatisfirent &%
croyant n'avoir befoin de reputation
que pour luy , elle
fe mit peu en peine d'eftre
juftifiée envers le Public
pourvûqu'un homme qu'elle
regardoit comme fon Mary,
n'euft point fujet de fe plaindre.
Une année entiere fe
;
118 MERCURE
paffa de cette forte . Elle par
la plufieurs fois d'accomplir
le Mariage , & le fâcheux
obftacle d'un Oncle difficile
à ménager empéchoit toû
jours qu'on n'éxecutaft ce
qu'on luy avoit promis . Cependant
le Cavalier qui ne
s'eftoit obftiné à cette conquefte
, que par un vain ſentiment
de gloire , s'en dégoûta
quand elle fut faite.
L'amour de la Belle ne pouvant
plus s'augmenter , il
ceffa d'avoir pour elle les
mêmes empreffemens qui
faifoient d'abord tout fon
GALANT. 119
bonheur. Elle s'en plaignit ,
& il rejetta fur fes plaintes
trop continuelles les manie
res froides qu'il ne pouvoit
s'empécher de laiffer paroître.
Elles luy fervirent même
de prétexte pour eftre moins
affidu. Les reproches redoublerent
; & leurs converfations
n'eftant plus remplies
que de chofes chagrinantes
,
le Cavalier s'éloigna entierement.
Ce fut pour la Belle un
fujet de defefpoir qu'on ne
fçauroit exprimer . Elle envoya
plufieurs perfonnes
chez luy , elle y alla elle mê120
MERCURE
me ; & fes réponſes eſtant
toûjours qu'il l'épouferoit fitôt
qu'il auroit gagné l'efprit
de fon Oncle , elle luy fit
propofer un mariage fecret .
Il rejetta cette propofition
d'une maniere qui fit connoiſtre
à la Belle , qu'elle
efperoit inutilement luy faire
tenir parole . L'excés de fon
déplaifir égala celuy de fon
amour. Elle aimoit le Cavalier
éperdument ; & quand
elle cuft pû changer cet amour
en haine , aprés l'éclat
qu'avoient fait les chofes ,
l'intereft de fon honneur l'auroit
GALANT. 121
roit obligé à l'époufer. Toutes
les voyes de douceur
ayant manqué de fuccez,
elle forma une refolution qui
n'eftoit pas de fon fexe . Elle
employa quelque temps à
s'y affermir , & s'informa cependant
de ce que faiſoit ſon
Infidele. Elle découvrit qu'il
voyoit ſouvent une jeune
Veuve , chez qui il paffoit la
plupart des foirs. La jaloufie
augmentant fa rage , elle prit
un habit d'homme , & encouragée
par fon amour &
par la juftice de fa cauſe , elle
alla l'attendre un foir dans
Mars 1685.
L
{
122 MERCURE
une affez large ruë où elle
fçavoit qu'il devoit paffer. La
Lune eftoit alors dans fon
༣ ་
plein , & favorifoit fon entre
prife. Le Cavalier revenant
chez luy comme de coûtume
, elle l'aborda ; & à peine
luy euft- elle dit quelques paroles
, qu'il la connût à fa
voix. Il plaifanta fur cette
metamorphofe ; & la Belle .
luy déclarant d'un ton refo
lu , qu'il faloit fur l'heure ve
nir luy figner un contract de
mariage , ou luy arracher la
vie , il continua de plaifanter .
La Belle outrée de fes raille
GALANT. 123
3
ries , éxecuta ce qu'elle avoit
refolu . Elle mit l'épée à la
main ; & le contraignant de
l'y mettre auffi , elle l'attaqua
avec tant de force , que
quelque foin qu'il prît de
parer , il fut percé de deux
coups qui le jetterent par
terre. Il tomba , en difant
qu'il eftoit mort. La Belle fa.
tisfaite & defefperée en méme
temps de fa vengeance ,
cria au fecours fans vouloir
prendre la fuite . Les Voifins
parurent , & on porta
Bleffé chez un Chirurgien
qui demeuroit à vingt pas
·le
Lij
124 MERCURE
de là. Les bleffures du Cava
lier eftant mortelles , il n'eut
que le temps de déclarer
qu'il meritoit fon malheur;
qu'il avoit voulu tromper la
Belle , & qu'il en eſtoit juftement
puny. Il ajouta qu'-
elle eftoit fa Femme par la
promeffe qu'il luy avoit faite
plufieurs fois de l'époufer;
qu'il vouloit qu'on la reconnuft
pour telle , & qu'il la
prioit de luy pardonner les
déplaifirs que fon injuſtice
luy avoit caufez. Il mourut
en achevant ces paroles , &
la laiffa dans une douleur qui
GALANT. 125
paffe tout ce qu'on peut s'en
imaginer. Le repentir qu'il
avoit marqué luy rendit tout
fon amour ; & le defefpoir
où elle tomba , ne fit que
trop voir combien il avoit de
violence. Jugez de la ſurpriſe
de ceux qui eftoient preſens,
dé voir une Fille ` déguifée en
Homme , & qui demandoit
par grace qu'on vängeaſt ſur
elle la mort d'un Amant qu'
elle avoit dû facrifier à fa
gloire. Elle dit les chofes du
monde les plus touchantes ;
& il n'y eut perfonne qui ne
partageât la peine . Je n'ay
Liij
126 MERCURE
point fçeû ce que la Justice
avoit ordonné contre elle .
Son crime eft de ceux que
l'honneur fait faire , & il en
eft peu qui ne femblent excufables
, quand ils partent
d'une caufe dont on n'a point
les
à rougir.
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Résumé : Histoire, [titre d'après la table]
Le texte narre l'histoire d'une jeune demoiselle résidant dans une grande ville du royaume. Réputée pour sa sensibilité à la gloire et sa fierté, elle attire de nombreux admirateurs grâce à son charme et son esprit brillant. Elle veille à maintenir une conduite irréprochable, évitant les visites fréquentes et les démonstrations excessives, tout en laissant le temps à ses admirateurs de la convaincre. Parmi ses admirateurs, un cavalier se distingue par son esprit fin et ses bonnes fortunes. Bien qu'il feigne de se conformer aux règles de la jeune femme, il utilise divers stratagèmes pour gagner son affection, tels que la fréquenter dans des lieux de dévotion et la flatter publiquement. La jeune femme finit par s'attacher à lui, adoucissant ses principes. Ses autres admirateurs, jaloux, se retirent, laissant le champ libre au cavalier. Après une année de promesses de mariage, le cavalier, lassé par son succès, commence à négliger la jeune femme. Elle tente de le retenir, mais il refuse de s'engager. Désespérée, elle décide de le confronter déguisée en homme et le blesse mortellement lors d'un duel. Avant de mourir, le cavalier reconnaît ses torts et demande pardon, confirmant leur union par promesse. La jeune femme, dévastée, est laissée dans un état de profond désespoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 36-41
REFLEXIONS CHRÉTIENNES.
Début :
Vous vous souvenez Madame que Mademelle des Houlieres / Au milieu des ennuis, au milieu des alarmes, [...]
Mots clefs :
Prix de poésie, Académie française, Calme, Seigneur, Adversité, Désespoir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS CHRÉTIENNES.
Vous vous fouvcncz, Mada-
-tnc)que Mademclle des Houlicrcs, Fille de l'Illuftrc Madame
dcs Houlicres dont vous avez
vu tant de beaux Ouvrages,
remporta le Prix de Pocfie il y
a
quelques années, par le jugement de i'Academie Françoifc. La beauté de cette Piecc
vous a
saic Souvent souhaiter
d'en voir d'autres de sa fçon.,
& c'est ce qui m'oblige aujourdthuyà vous envoyer celle que vous allez lire. La perte
quelle a
faite depuis quelques
mois par la mort de Mion
Pcre, & la patience dont elle
à besoin dans une santé fort
chancelante,luyont inspiré
les sentimens qui font la matiere de ses Vers.
REFLEXIONS
CHRETIENNES.
AV milieu des ennuir, au milieu
des atarmtst
Où de nouveaux malheurs me plongent tous les jours,
Quelle puissante main pAr d'inviftbles charmes
Des pleursqueje répans vientfujl
pendre le cours ?
Qufuis-je? & dans mon coeur quel
calme vient de naijlre
jgjti
me rappelleenfin alatranquillité?
Helas!cesstoy-.Seigneur* dont l'extrême bonté
M'arfache au dififpoir quifait te méconnoifire
Dans Cexcèsdel'adversité.
Daigneachever cegrandOuvrage,
Ou,sijedois toujours foufrit,
Fais que de mon salut mes peines
soient le gage ;
Ne m'accablede maux que pour te les
offrIr.
Affermissi bien mon courage,
.!!<..u'au milieudespérils
»
qu'auplus
fort de l'orâge,
Jeconftrvelapaix queje viens d'acquérir.
L4 raisson qui de thomme efl le plus
beau partage,
Etdont ilse paretoujours> --
Efi quelquefois cheZ leplssfage
)ans les vives douleurs d'un difficile
Nflge,
Si tu ne viensasonsecours.
établis dans mon ame une vertu confiantei
ïpatgne-moy, Seigneur, Usdouloureux umords
Que me donnentsouvent les coupables transports
D'une douleur impatiente.x
hfuisfiible, & je sens que je ne
puissans loy
Soutenir toutlepoids du malheurqui
maccable.
Tout ce quil a
d'affreux, de plut
insupportable,
Se preftnte sans cejft a moj.
Sans ceffe le coeur plein d'une daintt
mortelle,
Le CŒHr déjàpercé des plus funejles
coups) le
croy te voir Arme aunrigoureux
courouxi
Et quoy qu'à,tes ordrts/idelle,
Je croytoujours me voir traiter en
criminelle.
Eh!qui ne le croiroit?Par de nouveaux malheurs
La fortune & la mort à me nuire
obfiinées,
Ontsur moysansrelâcheexercéleurs
fureursy
Btjc n'ay pu trouver au milieu des
douceurs
J>)uoffrent les plus belles années,
Le lotjîr d'effiyer mespleurs.
'rifles réflexions qui revener. fins
ce-jji,
':tfut-it qui vu lurrttirs mon cccut
foit immoléi
:/oigncz
- vous de woy> dévorante
ttijlefe,
:,ijflt;moJ le refis que le Seigneur
me laisse,
Etcejjez,d'accabler mon writ défilé.
Mais quoy, vous redoublentJefins
que je friffinne.
Quel abtmede maux a mesyeux si
fait voir?
Àh!fl tagrâce niabandonne,
jefuis
encor, Seigneur, en proye au
desespoir.
-tnc)que Mademclle des Houlicrcs, Fille de l'Illuftrc Madame
dcs Houlicres dont vous avez
vu tant de beaux Ouvrages,
remporta le Prix de Pocfie il y
a
quelques années, par le jugement de i'Academie Françoifc. La beauté de cette Piecc
vous a
saic Souvent souhaiter
d'en voir d'autres de sa fçon.,
& c'est ce qui m'oblige aujourdthuyà vous envoyer celle que vous allez lire. La perte
quelle a
faite depuis quelques
mois par la mort de Mion
Pcre, & la patience dont elle
à besoin dans une santé fort
chancelante,luyont inspiré
les sentimens qui font la matiere de ses Vers.
REFLEXIONS
CHRETIENNES.
AV milieu des ennuir, au milieu
des atarmtst
Où de nouveaux malheurs me plongent tous les jours,
Quelle puissante main pAr d'inviftbles charmes
Des pleursqueje répans vientfujl
pendre le cours ?
Qufuis-je? & dans mon coeur quel
calme vient de naijlre
jgjti
me rappelleenfin alatranquillité?
Helas!cesstoy-.Seigneur* dont l'extrême bonté
M'arfache au dififpoir quifait te méconnoifire
Dans Cexcèsdel'adversité.
Daigneachever cegrandOuvrage,
Ou,sijedois toujours foufrit,
Fais que de mon salut mes peines
soient le gage ;
Ne m'accablede maux que pour te les
offrIr.
Affermissi bien mon courage,
.!!<..u'au milieudespérils
»
qu'auplus
fort de l'orâge,
Jeconftrvelapaix queje viens d'acquérir.
L4 raisson qui de thomme efl le plus
beau partage,
Etdont ilse paretoujours> --
Efi quelquefois cheZ leplssfage
)ans les vives douleurs d'un difficile
Nflge,
Si tu ne viensasonsecours.
établis dans mon ame une vertu confiantei
ïpatgne-moy, Seigneur, Usdouloureux umords
Que me donnentsouvent les coupables transports
D'une douleur impatiente.x
hfuisfiible, & je sens que je ne
puissans loy
Soutenir toutlepoids du malheurqui
maccable.
Tout ce quil a
d'affreux, de plut
insupportable,
Se preftnte sans cejft a moj.
Sans ceffe le coeur plein d'une daintt
mortelle,
Le CŒHr déjàpercé des plus funejles
coups) le
croy te voir Arme aunrigoureux
courouxi
Et quoy qu'à,tes ordrts/idelle,
Je croytoujours me voir traiter en
criminelle.
Eh!qui ne le croiroit?Par de nouveaux malheurs
La fortune & la mort à me nuire
obfiinées,
Ontsur moysansrelâcheexercéleurs
fureursy
Btjc n'ay pu trouver au milieu des
douceurs
J>)uoffrent les plus belles années,
Le lotjîr d'effiyer mespleurs.
'rifles réflexions qui revener. fins
ce-jji,
':tfut-it qui vu lurrttirs mon cccut
foit immoléi
:/oigncz
- vous de woy> dévorante
ttijlefe,
:,ijflt;moJ le refis que le Seigneur
me laisse,
Etcejjez,d'accabler mon writ défilé.
Mais quoy, vous redoublentJefins
que je friffinne.
Quel abtmede maux a mesyeux si
fait voir?
Àh!fl tagrâce niabandonne,
jefuis
encor, Seigneur, en proye au
desespoir.
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Résumé : REFLEXIONS CHRÉTIENNES.
Le texte relate une correspondance concernant Mademoiselle des Houlières, lauréate du Prix de Poésie. L'auteur admire ses œuvres et lui envoie une nouvelle pièce, inspirée par la perte récente de son père et sa santé fragile. Mademoiselle des Houlières exprime ses souffrances et ses questionnements face à l'adversité. Elle se demande quelle puissance peut apaiser ses pleurs et lui apporter la tranquillité. Elle reconnaît la bonté de Dieu et le supplie de l'aider à supporter ses peines, espérant qu'elles soient un gage de son salut. Elle aspire à la paix malgré les périls et les douleurs. Elle réfléchit sur la raison, le plus beau partage de l'homme, mais reconnaît qu'elle est parfois insuffisante face aux douleurs. Elle demande à Dieu une vertu confiante et de la soulager des douleurs intenses et des transports impatients. Elle se sent accablée par des malheurs incessants et croit voir Dieu armé de colère, malgré ses efforts pour suivre ses ordres. Elle exprime son désespoir face à la persistance des malheurs et à l'absence de douceur dans sa vie, malgré les belles années. Elle se sent immolée et dévorée par une douleur ardente, mais espère que le Seigneur ne l'abandonnera pas.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1-38
LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Début :
L'Esté dernier un riche Bourgeois de Paris alla faire [...]
Mots clefs :
Médecin, Amant, Amour, Dame, Mariage, Mari, Fille, Maladie, Malade, Désespoir, Enceinte, Rupture, Femme grosse, Colère, Rouen, Paris, Père
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texteReconnaissance textuelle : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
ieJnt7iue1rnetMçoiéiimsdoainreslseuyrumnoeavanture,
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
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Résumé : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Le texte relate l'histoire d'une jeune fille parisienne dont le père, un riche bourgeois, part en voyage à Rouen. Pendant son absence, la fille, qui apprécie de gérer le ménage, développe des sentiments pour un voisin. Ils s'aiment et envisagent de se marier, espérant obtenir le consentement du père à son retour. Cependant, la fille reçoit une lettre de son père annonçant qu'il lui a trouvé un mari à Rouen. Désespérée, elle envisage de mourir pour éviter ce mariage. Son amant, plus raisonnable, imagine un plan. Il se déguise en femme enceinte et se rend chez un médecin de Rouen, frère d'un médecin parisien, pour obtenir son aide. Le médecin, croyant que la 'fille' est enceinte d'un autre homme, accepte de l'aider à éviter le mariage. Le père, de retour, trouve sa fille malade et accepte la rupture du mariage arrangé. Le médecin et la fille ont une conversation équivoque, révélant finalement la vérité. Le père, l'amant et le médecin sont tous surpris. L'amant, désespéré, veut se suicider, mais la fille le chasse. Le médecin, comprenant la situation, propose de marier les deux jeunes gens. Le père accepte, et le médecin prescrit ce mariage comme remède à leur malheur.
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p. 9
LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis un être affreux, horrible, extravagant, [...]
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Désespoir