Résultats : 3 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 15-31
LA FRANCE AU ROY, SUR L'EXTIRPATION DE L'HERESIE.
Début :
On ne doit point s'étonner apres tous ces soins, / Grand Roy, qui dans l'Eglise avez le Droit d'Ainesse, [...]
Mots clefs :
Louanges, Monarque, Chevalier de Longueil, Hérésie, Lois, Église, Couronne, Honneur, Grandeur, Monstres, Conversion, Tyrans, Vérité, Auteurs, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FRANCE AU ROY, SUR L'EXTIRPATION DE L'HERESIE.
On ne doit point s'étonner
apres tous ces foins , qui font
fuivis tous les jours de fuccez
tres- favorables , fi l'on entend
retentir de toutes parts les
loüanges de noftre augufte
Monarque. Je croy ne pouvoir
vous les faire entendre
16 MERCURE
d'une maniére plus agréable ,
qu'en vous envoyant les Vers
que vous allez lire . Ils font de
M'le Chevalier de Longueil,
qui ſe diſtingue autant par les
belles Lettres que par les Mathématiques
. Če Gentilhomme
qui demeure en Anjou ,
eft de l'Illuftre Maifon de
Longueil , qui a l'honneur de
voir encore aujourd'huy M¹
le Préfident de Maifons, exercer
une des premiéres Charges
de la Juſtice , avec toute
la réputation que ſes Ance
ftres ont acquife pendant les
trois derniers Siécles , & fen
GALANT.
17
3
>
M' le Préfident de Maiſons.
fon Pere , Surintendant des
Finances en celuy- cy. Il
femble que M' le Chevalier
de Longueil ait voulu imiter
dans ces vers le zéle de Chriftophe
de Longueil , le plus
celebre Orateur Latin , que las
France ait eu jufques à luy ,,
lequel déclama dans l'Eglife
de S. Pierre , en prefence dus
Pape Leon X. cette éloquente
Oraifon , qu'il avoit compofée
contre l'Heréfie de Luther
alors naiffante , & qui fe:
trouve dans fes Ouvrages.
Février
1685-
B
18 MERCURE
SZ-SSSESES:S22SSSS
LA FRANCE
AU ROY,
SUR L'EXTIRPATION
DE L'HERESIE.
G
·RAND ROT , quidas l'Eglife
avez le Droit d' Aineffe ,
Et aans fesfaintes Loixpuifez voftre
Sageffe,
Pour régir des François l'Empire
glorieux,
Qu'a fignalé la Foy de vos premiers
Aуeux;
Cher Prince, à qui le Ciel adonné ma
Couronne,
Pourtenir en vos mains tous les ordres
qu'il donne,
GALANT rep
Rétablir des Autels les bonneurs méprifez
Réunir tant de coeurs fi long- temps
divifex, A
Et pour rendre à mes Lys cette pure
innocence,
Qu'ils reçûrent du lien de leurfainte
naiffance.
Apres m'avoirportée à ce baut point:
d'honneur,
Qui refléchitfur- moy vostre propre
Grandeur;
M'avoir donné du Rhin la Barriere
fameuse,
Faitcoulerfous mesLoix , & l'Efcaur »
& la Meufe;
Avoirpour le Commerce ouvert de
nouveaux Ports ,
De Pinde & du Couchant attiré les
tréfors;
Et pour joindre les Mers, prodiguanst
Les miracles ,
20 MERCURE
Des Rochers & des Eauxforcé tous les
obftacles;
Apresm'avoir donné, par lefecours
des Arts,
Defuperbes Palais , & defameux
Ramparts,
Et par tant de travaux, qu'en tous
lieux on renomme,
Eait voir qu'eftre François, c'eft eftre
plus qu'un Homme;
Par un reffentiment digne de vos
bienfaits,
Je viens du Monde entier vous offrir
les refpects,
Et donner pour Garans de ma reconnoiffance,
Les coeurs de vos Sujets,& mon obeïf
fance.
De mefme que la Terre au retour du
Printemps
Découvre defes Fleurs les Rubis éclas
tans.ક
GALANT 20
Etpourenfaire hommage au Roy de la
Nature,
Semble luy présenter la naiffante
verdure;
Telle, &plus redevable à vos ſoins
glorieux,
Jétale mon bonheur & mapompe à
vos yeux
Mais le Ciel a voulu qu'à de plus
nobles marques akt
Vousfuffiez reconnu le plus grand
des Monarques,
Et qu'un pieux Héros dans la prospé
rité,
Travaillantfans relâche à l'immortalité,
Extirpast l'Heréfie, & coupantfes
racines,
Enfin d'avec mes Lys feparast les
Epines..
Depuis unfiécle, on plus, mes Peuples
vas Sujets
22 MERCURE
Ont pour ce grand deſcin formé de.
vains projets...
Les Charles , les Henrys, & voftre
auguste Pere,
Ontcombatu ce,Monftre , & n'ontpú
le défaires
Et P.Universconnoist,fans en estre
jaloux,
Qu'il n'eftoitréfervé
qu'à vos illu .
ftres coups.
QuelSpectacle de voir mon Roy cou
vert degloire,
Faire de Conftantin revivre lamémoire
,
Elevercomme luy l'Etendart de la
Croix,
Faireregnerceluy qui fait regner les.
Roys ,
Contrefes Ennemisprendre en main.
fa quercite,
Et vanger en Chrétien fon Eglife
fidelle!
GALANT. 23
4
Oxy , Dicu mefmejaloux deſespra..
pres honneurs.
S'estfait en tous les temps de pieux:
Défenfeurs;
Lug - mefme a foûtenu le coeur des
Macabées,
Pour vaincre d'un Tyran les nom
breufes Armées;
Et l'heureufe valeur du Berger d'If
raël,
Pour délivrer les Iuifs , fut l'ouvrage
du Ciel."
Voftre tour eft venu, Grand Prince, il
vous appelle,
Pour eftre l'Héritier de leur glaire
immortelle..
Oquej'aime à vous voir, épris de
cette ardeur,
Chercher tous les moyens de diffiper
L'erreur;
Dufameux Bofsüet emprunter l'élo-
∙quence,
24 MERCURE
Et dujufte Tellier confulter lapru
dence;
Exciter Chanvallon, dont lafainte
ferveur,
D'Aurele & d Auguſtin imitant la
douceur,
Propofe du Clergé la Lettre Paftorale, -
Pour attirer les coeurs que retient la
Cabale,
Etjoindre àleurs travaux la libéra--
lité,
Lamajefté des Loix, l'exemple, & -
L'équités
Des Nouveaux Convertis foûtenirl'indigence,
Etpunirdes Relaps l'odieufe incon--
Stance!
D'unfage & puiffant Roy falutaire
rigueur,
Qui détermine au Bien la liberté du
coeur
maiss
GALANT. 25
Mais quey ! doit-on ainfi nommer
voftrejustice,
Qui pardonne à tous ceux qui renoncentau
vice?
Elle qui n'interdit les emplois glorieux
Quejufques au moment que l'Homme
ouvre les yeux.
Quand par voftre bonté, dont elle est
prévenuë,
De ceux qui la craignoient le nombre
diminuë;
Lorsque vous adoptez cesgenéreux
Enfans,
Dont les Peres, fans vous, deviendroient
les Tyrans;
On quand vos foins heureux, cherchant
avec tendreffe
Ceux que la Grace touche, & la Verité
preſſe,
Font voir avec éclat d'illuftres Déferteurs,
Fevrier 1685. C
26 MERCURE
Minifires de Satan , abjurer leurs »
erreurs.
Puiffe du GrandLOVIS l'infatiga
ble zéle
Aux Héros à venir eftre un parfait
modelle;
Ou fi de l'imiter on tâche vaincment,
Que du moins on l'admire avec étonnement,
Dans le défir de voir réunis à l'Eglife
Les coeurs defes Sujets, que le Schifme
divife,
S'eftimer fortuné, fi defon Bras un
jour
Il payoit la valeur de cet heureux
retour.
Maisformez d'autres voeux, Prince
trop magnanime,
Le Ciel ne veut de vous qu'un tribut
légitime:
Gardez ce Bras vainqueur, que craint
tout l'Univers,
GALANT 27
Pour punir les Mechans, & leur donnerdes
fers.
Ce Bras, par qui la Foy de fes droits
refaifie,
Ajufque dans Strasbourg détrôné ››
PHeréfie ;
Et qui pour la détruire enfes Retranchemens,
then war
Renverse d'unſignalfes plus chers
monumens:
Pourfuir voftrejuftice, oùfe cachera-telle?
Lefameux Montauban,
l'orgueilleufe
Rochelle,
Nifmes & Montpellier, avec tant
d'autres
Lieux ,
Où l'audace Herétique a bravé vos
Ayeux,
Ont vû tomber les Murs qui lay fervoient
d'azile.
L'Anglois, qui lafoûtint, luy devient
inutile.
28 MERCURE
L'Union d'Allemagne &defes Novateurs
Est le Phantome vain de nos Réfor
mateurs,
Et leur ambition clairement décou
verte,
Enfaveur de l'Etat doit avancer leur
perte.
Sans répandre leurfang, vousfçavez,
m'en vanger;
Fousles traitez en Perc, & l'onles
voit changer;
Mais
pour
les coeurs d'airain ayez
moins de clémence.
De cet illuftre Grec imitez la pru
.
dence,
Qui ne pouvoit fouffrir le dernier.
Rejetton
Qui pust de Troye un jour refufciter
le
nom,
Et rangerfur les Grecs la bonte de
Afie.
GALANT. 29
Vous connoiffez, Grand Roy, ce que
peut l'Heréfie;
Cet Hydre renaissant, de monfang
alteré,
Monftre des coeursféduits follement
revéré.
Et vous, Sujets ingrats, rebelles
Herétiques,
Quejay vus les Autheurs des miferes
publiques,
Volontaires Profcrits , ambitieuxTitans,
Nourris du mefme lait de mes plus
chers Enfans;
De quel Démon pouffez , de quelle
barbarie,
Avez - vous déchiré le fein de la
Patrie?
Mes Fleuves teints defang, & mes
Roys méprifez,
LesTemples mis en cendre , & les
Autels brifez,
30 MERCURE
Sont les affreux effets de ces triftes
journées,
oùjay vi mafortune &ma gloire
bornées,
Quandl'erreur populaire infectant
les grands coeurs,
De mes pres Hérosfaifoitfes Protecicurs.
Dreux, S. Deni ,Farnac, font les têmoins
fidelles
Des premieres horreurs de ces Guerres
cruelles,
où j'ay, quand vostre fer ne me refpectoir
plus,
Couronné les Vainqueurs, &pleuré
les Vaincus.
Soit de tels attentats l'audace terminée;
Mon Roytientfous ſes pieds la Difcorde
enchaînée.
Pourriez - vousfoûtenir; impuiſſans
Factieux,
GALANT 31
Les regards d'un Héros toûjours
victorieux,
Etfaire foulever les Cevennesfidel
les?
Non, a Religion ne fait point de
rebelles.
Grand Monarque, achevez la Conqueftedes
coeurs,
Elle doit égaler les vaincus aux Vainqucurs;
Etfaites avouer à la plus noire envie,
Que le Nom de LOVIS ,fatal à
l'Heréfie,
Dans l'Eglife & l'Etat rétablit l'u
nité;
Et que celuy de GRAND, tantdefois
mérité,
Vientmoins de vos Exploits , qu'honore
la Vistoire,
Que de la Pieté que marque voftre
Hiftoire.
apres tous ces foins , qui font
fuivis tous les jours de fuccez
tres- favorables , fi l'on entend
retentir de toutes parts les
loüanges de noftre augufte
Monarque. Je croy ne pouvoir
vous les faire entendre
16 MERCURE
d'une maniére plus agréable ,
qu'en vous envoyant les Vers
que vous allez lire . Ils font de
M'le Chevalier de Longueil,
qui ſe diſtingue autant par les
belles Lettres que par les Mathématiques
. Če Gentilhomme
qui demeure en Anjou ,
eft de l'Illuftre Maifon de
Longueil , qui a l'honneur de
voir encore aujourd'huy M¹
le Préfident de Maifons, exercer
une des premiéres Charges
de la Juſtice , avec toute
la réputation que ſes Ance
ftres ont acquife pendant les
trois derniers Siécles , & fen
GALANT.
17
3
>
M' le Préfident de Maiſons.
fon Pere , Surintendant des
Finances en celuy- cy. Il
femble que M' le Chevalier
de Longueil ait voulu imiter
dans ces vers le zéle de Chriftophe
de Longueil , le plus
celebre Orateur Latin , que las
France ait eu jufques à luy ,,
lequel déclama dans l'Eglife
de S. Pierre , en prefence dus
Pape Leon X. cette éloquente
Oraifon , qu'il avoit compofée
contre l'Heréfie de Luther
alors naiffante , & qui fe:
trouve dans fes Ouvrages.
Février
1685-
B
18 MERCURE
SZ-SSSESES:S22SSSS
LA FRANCE
AU ROY,
SUR L'EXTIRPATION
DE L'HERESIE.
G
·RAND ROT , quidas l'Eglife
avez le Droit d' Aineffe ,
Et aans fesfaintes Loixpuifez voftre
Sageffe,
Pour régir des François l'Empire
glorieux,
Qu'a fignalé la Foy de vos premiers
Aуeux;
Cher Prince, à qui le Ciel adonné ma
Couronne,
Pourtenir en vos mains tous les ordres
qu'il donne,
GALANT rep
Rétablir des Autels les bonneurs méprifez
Réunir tant de coeurs fi long- temps
divifex, A
Et pour rendre à mes Lys cette pure
innocence,
Qu'ils reçûrent du lien de leurfainte
naiffance.
Apres m'avoirportée à ce baut point:
d'honneur,
Qui refléchitfur- moy vostre propre
Grandeur;
M'avoir donné du Rhin la Barriere
fameuse,
Faitcoulerfous mesLoix , & l'Efcaur »
& la Meufe;
Avoirpour le Commerce ouvert de
nouveaux Ports ,
De Pinde & du Couchant attiré les
tréfors;
Et pour joindre les Mers, prodiguanst
Les miracles ,
20 MERCURE
Des Rochers & des Eauxforcé tous les
obftacles;
Apresm'avoir donné, par lefecours
des Arts,
Defuperbes Palais , & defameux
Ramparts,
Et par tant de travaux, qu'en tous
lieux on renomme,
Eait voir qu'eftre François, c'eft eftre
plus qu'un Homme;
Par un reffentiment digne de vos
bienfaits,
Je viens du Monde entier vous offrir
les refpects,
Et donner pour Garans de ma reconnoiffance,
Les coeurs de vos Sujets,& mon obeïf
fance.
De mefme que la Terre au retour du
Printemps
Découvre defes Fleurs les Rubis éclas
tans.ક
GALANT 20
Etpourenfaire hommage au Roy de la
Nature,
Semble luy présenter la naiffante
verdure;
Telle, &plus redevable à vos ſoins
glorieux,
Jétale mon bonheur & mapompe à
vos yeux
Mais le Ciel a voulu qu'à de plus
nobles marques akt
Vousfuffiez reconnu le plus grand
des Monarques,
Et qu'un pieux Héros dans la prospé
rité,
Travaillantfans relâche à l'immortalité,
Extirpast l'Heréfie, & coupantfes
racines,
Enfin d'avec mes Lys feparast les
Epines..
Depuis unfiécle, on plus, mes Peuples
vas Sujets
22 MERCURE
Ont pour ce grand deſcin formé de.
vains projets...
Les Charles , les Henrys, & voftre
auguste Pere,
Ontcombatu ce,Monftre , & n'ontpú
le défaires
Et P.Universconnoist,fans en estre
jaloux,
Qu'il n'eftoitréfervé
qu'à vos illu .
ftres coups.
QuelSpectacle de voir mon Roy cou
vert degloire,
Faire de Conftantin revivre lamémoire
,
Elevercomme luy l'Etendart de la
Croix,
Faireregnerceluy qui fait regner les.
Roys ,
Contrefes Ennemisprendre en main.
fa quercite,
Et vanger en Chrétien fon Eglife
fidelle!
GALANT. 23
4
Oxy , Dicu mefmejaloux deſespra..
pres honneurs.
S'estfait en tous les temps de pieux:
Défenfeurs;
Lug - mefme a foûtenu le coeur des
Macabées,
Pour vaincre d'un Tyran les nom
breufes Armées;
Et l'heureufe valeur du Berger d'If
raël,
Pour délivrer les Iuifs , fut l'ouvrage
du Ciel."
Voftre tour eft venu, Grand Prince, il
vous appelle,
Pour eftre l'Héritier de leur glaire
immortelle..
Oquej'aime à vous voir, épris de
cette ardeur,
Chercher tous les moyens de diffiper
L'erreur;
Dufameux Bofsüet emprunter l'élo-
∙quence,
24 MERCURE
Et dujufte Tellier confulter lapru
dence;
Exciter Chanvallon, dont lafainte
ferveur,
D'Aurele & d Auguſtin imitant la
douceur,
Propofe du Clergé la Lettre Paftorale, -
Pour attirer les coeurs que retient la
Cabale,
Etjoindre àleurs travaux la libéra--
lité,
Lamajefté des Loix, l'exemple, & -
L'équités
Des Nouveaux Convertis foûtenirl'indigence,
Etpunirdes Relaps l'odieufe incon--
Stance!
D'unfage & puiffant Roy falutaire
rigueur,
Qui détermine au Bien la liberté du
coeur
maiss
GALANT. 25
Mais quey ! doit-on ainfi nommer
voftrejustice,
Qui pardonne à tous ceux qui renoncentau
vice?
Elle qui n'interdit les emplois glorieux
Quejufques au moment que l'Homme
ouvre les yeux.
Quand par voftre bonté, dont elle est
prévenuë,
De ceux qui la craignoient le nombre
diminuë;
Lorsque vous adoptez cesgenéreux
Enfans,
Dont les Peres, fans vous, deviendroient
les Tyrans;
On quand vos foins heureux, cherchant
avec tendreffe
Ceux que la Grace touche, & la Verité
preſſe,
Font voir avec éclat d'illuftres Déferteurs,
Fevrier 1685. C
26 MERCURE
Minifires de Satan , abjurer leurs »
erreurs.
Puiffe du GrandLOVIS l'infatiga
ble zéle
Aux Héros à venir eftre un parfait
modelle;
Ou fi de l'imiter on tâche vaincment,
Que du moins on l'admire avec étonnement,
Dans le défir de voir réunis à l'Eglife
Les coeurs defes Sujets, que le Schifme
divife,
S'eftimer fortuné, fi defon Bras un
jour
Il payoit la valeur de cet heureux
retour.
Maisformez d'autres voeux, Prince
trop magnanime,
Le Ciel ne veut de vous qu'un tribut
légitime:
Gardez ce Bras vainqueur, que craint
tout l'Univers,
GALANT 27
Pour punir les Mechans, & leur donnerdes
fers.
Ce Bras, par qui la Foy de fes droits
refaifie,
Ajufque dans Strasbourg détrôné ››
PHeréfie ;
Et qui pour la détruire enfes Retranchemens,
then war
Renverse d'unſignalfes plus chers
monumens:
Pourfuir voftrejuftice, oùfe cachera-telle?
Lefameux Montauban,
l'orgueilleufe
Rochelle,
Nifmes & Montpellier, avec tant
d'autres
Lieux ,
Où l'audace Herétique a bravé vos
Ayeux,
Ont vû tomber les Murs qui lay fervoient
d'azile.
L'Anglois, qui lafoûtint, luy devient
inutile.
28 MERCURE
L'Union d'Allemagne &defes Novateurs
Est le Phantome vain de nos Réfor
mateurs,
Et leur ambition clairement décou
verte,
Enfaveur de l'Etat doit avancer leur
perte.
Sans répandre leurfang, vousfçavez,
m'en vanger;
Fousles traitez en Perc, & l'onles
voit changer;
Mais
pour
les coeurs d'airain ayez
moins de clémence.
De cet illuftre Grec imitez la pru
.
dence,
Qui ne pouvoit fouffrir le dernier.
Rejetton
Qui pust de Troye un jour refufciter
le
nom,
Et rangerfur les Grecs la bonte de
Afie.
GALANT. 29
Vous connoiffez, Grand Roy, ce que
peut l'Heréfie;
Cet Hydre renaissant, de monfang
alteré,
Monftre des coeursféduits follement
revéré.
Et vous, Sujets ingrats, rebelles
Herétiques,
Quejay vus les Autheurs des miferes
publiques,
Volontaires Profcrits , ambitieuxTitans,
Nourris du mefme lait de mes plus
chers Enfans;
De quel Démon pouffez , de quelle
barbarie,
Avez - vous déchiré le fein de la
Patrie?
Mes Fleuves teints defang, & mes
Roys méprifez,
LesTemples mis en cendre , & les
Autels brifez,
30 MERCURE
Sont les affreux effets de ces triftes
journées,
oùjay vi mafortune &ma gloire
bornées,
Quandl'erreur populaire infectant
les grands coeurs,
De mes pres Hérosfaifoitfes Protecicurs.
Dreux, S. Deni ,Farnac, font les têmoins
fidelles
Des premieres horreurs de ces Guerres
cruelles,
où j'ay, quand vostre fer ne me refpectoir
plus,
Couronné les Vainqueurs, &pleuré
les Vaincus.
Soit de tels attentats l'audace terminée;
Mon Roytientfous ſes pieds la Difcorde
enchaînée.
Pourriez - vousfoûtenir; impuiſſans
Factieux,
GALANT 31
Les regards d'un Héros toûjours
victorieux,
Etfaire foulever les Cevennesfidel
les?
Non, a Religion ne fait point de
rebelles.
Grand Monarque, achevez la Conqueftedes
coeurs,
Elle doit égaler les vaincus aux Vainqucurs;
Etfaites avouer à la plus noire envie,
Que le Nom de LOVIS ,fatal à
l'Heréfie,
Dans l'Eglife & l'Etat rétablit l'u
nité;
Et que celuy de GRAND, tantdefois
mérité,
Vientmoins de vos Exploits , qu'honore
la Vistoire,
Que de la Pieté que marque voftre
Hiftoire.
Fermer
Résumé : LA FRANCE AU ROY, SUR L'EXTIRPATION DE L'HERESIE.
Le poème adressé au roi Louis XIV, écrit par le Chevalier de Longueil, membre d'une famille distinguée par ses contributions aux lettres et aux mathématiques, célèbre les exploits du roi et ses efforts pour extirper l'hérésie en France. Le texte loue le roi pour ses actions en faveur de la foi catholique, comparant ses efforts à ceux des grands rois et héros du passé. Il met en avant les succès militaires du roi ainsi que ses réformes administratives, telles que l'ouverture de nouveaux ports et la construction de palais et de remparts. Le poème souligne la détermination du roi à éradiquer l'hérésie et à réunir les cœurs divisés, soulignant son rôle de défenseur de la foi et de l'unité nationale. Le texte se termine par une exhortation au roi de continuer ses efforts pour maintenir la paix et la justice dans le royaume.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 2587-2609
DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Début :
Les premiers hommes, avec la seule faculté du langage par les organes [...]
Mots clefs :
Hiéroglyphes, Figures, Hiéroglyphe, Marques, Hommes, Animaux, Religion, Écriture, Sciences, Marque, Monstres, Caractères, Homme, Figure, Chevaux, Terre, Explication, Connaissance , Symbole, Poètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
DES HIEROGLYPHES , et de
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
Fermer
Résumé : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Le texte 'Des hiéroglyphes, et de leurs usages dans l'Antiquité' de M. Beneton de Perrin explore l'origine et l'évolution des hiéroglyphes. Les premiers hommes, limités par la communication orale, inventèrent des figures pour représenter leurs pensées, appelées hiéroglyphes. Ces figures servaient à exprimer les actions et les passions, formant un langage muet. Les Grecs nommèrent ces figures hiéroglyphes, dérivant du terme 'sacra sculptura' car les prêtres les utilisaient pour écrire sur la religion et envelopper les mystères. Les hiéroglyphes se multiplièrent avec le perfectionnement du langage et des sciences. Ils sont distingués en deux classes : les hiéroglyphes animés, représentant des formes de bêtes ou de plantes, et les hiéroglyphes inanimés, ou hiérogrammes, qui étaient des figures fantaisistes formant souvent les lettres alphabétiques. Les Chaldéens, observant les cieux, traçaient des figures correspondant aux constellations, nommant des amas d'étoiles comme le Sagittaire ou la Vierge. Les Grecs nommèrent également des constellations d'après leurs héros, notamment les Argonautes. Cette personnification des astres conduisit à l'idolatrie, où les figures taillées et les symboles hiéroglyphiques devinrent respectables. L'idolatrie s'intensifia avec la déification des hommes illustres, comme Apollon ou Esculape, et des arts qu'ils inventèrent. Les hiéroglyphes devinrent complexes, signifiant parfois trois choses différentes : sacrée, mécanique, et personnelle. Par exemple, une hache sur un tombeau pouvait désigner un ouvrier ou une personne protégée par un dieu. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour conserver la connaissance de la religion, des sciences et de l'histoire. Leur interprétation est rendue difficile par le mélange des hiéroglyphes et des hiérogrammes. Le texte souligne l'importance de distinguer ces figures pour éviter les erreurs historiques et les interprétations trompeuses. Les hiéroglyphes représentaient des concepts complexes et des principes philosophiques, comme Orimase et Arimane chez les Perses, et Osiris et Tiphon chez les Égyptiens, symbolisant les forces du bien et du mal. Les hiérogrammes, des marques plus simples comme le cercle, le triangle, et la croix, ont évolué pour former des caractères littéraires utilisés dans l'écriture courante. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour représenter des idées abstraites et des concepts religieux, souvent difficiles à interpréter et nécessitant une grande connaissance pour être compris. Les Arabes, en raison de leurs restrictions religieuses, ont conservé les hiérogrammes pour des usages philosophiques et chimiques, une pratique adoptée par les physiciens modernes. Le texte mentionne également un hiéroglyphe particulier, un globe ailé avec des serpents, souvent trouvé sur les obélisques, symbolisant l'univers et ses mouvements. Les Phéniciens, les Égyptiens et les Chinois sont cités comme les premiers peuples à avoir utilisé les hiéroglyphes de manière méthodique. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour diverses applications, comme le commerce et la médecine. Par exemple, une figure d'un animal ou d'une partie du corps pouvait indiquer une maladie ou une demande de traitement. Les hiéroglyphes étaient également utilisés pour représenter des passions humaines, des vertus et des vices, souvent symbolisés par des animaux. Le texte explore également les hiéroglyphes liés à la fortune, représentée par une divinité capricieuse et instable, souvent figurée avec une roue, des ailes et un bandeau sur les yeux. Les passions actives et passives étaient symbolisées par des marques simples ou composées, respectivement. Enfin, le texte compare les héros grecs, comme Hercule et Thésée, aux chevaliers errants de la chevalerie médiévale, notant les similitudes dans leurs quêtes pour secourir les faibles et combattre les monstres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
3
p. 623-626
IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
Début :
Mercure, inspire-moi ; docile à tes maximes, [...]
Mots clefs :
Horace, Mercure, Époux, Monstres, Dessein
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
IMITATION
"
De l'Ode d'Horace , qui commences
Mercuri , nam te docilis magistro , &c.
M
Ercure , inspire-moi , docile à tes
maximes ,
Amphion ton Eleve eut jadis le
pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux, sublimes,
Les Rochers même à se mouvoir.
A ij
By
624 MERCURE DE FRANCE
Et toi , Lyre autrefois triste et presque muette ,
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi-tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept Cordes t'eut fait présent.
柒
Toi qui combles les coeurs d'un plaisir indicible,
A la Table des Grands , dans les Temples des
Dieux ,
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours ;
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
M
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde affreux d'un séjour aux Vivans interdit
Herissé de Serpens , le terrible Cerbere
A tes sons flateurs se rendit.
Ixion , Tityus , que leurs appas touche rent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se secherent ,
Immobiles quelques momens.
Qu'au
AVRIL. 1734 625
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide ,
Et la juste rigueur du châtiment divin
Qui les force à remplir un tonneau toujours
vuide ,
Et rend leur travail toujours vain.
Ces Monstres (que peut - on oser de plus atroce?)
Ces Monstres que le Ciel poursuit jusqu'aux Enfers
,
Oserent , ô noirceur ! ô cruauté féroce !
Perdre leurs Maris par le fer.
Pour conserver le sien , une entre autres insigne,
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial scule se montra digne ,
Et rendit son nom éternel.
諾
"Leve-toi , cher Epoux , d'un long sommeil ,
dit - elle ,
» Hâte- toi , malheureux , d'éviter les horreurs ,
Leve toi , trompe ainsi ton beau - pere infidele,
» Trompe ainsi mes barbares Soeurs .
» Hélas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux
,
A iij >> Telles
626 MERCURE DE FRANCE
» Telles en ce moment elles soüillent leurs couches
ni
» Du sang de leurs jeunes Epoux.
» Ah ! je suis plus humaine , et j'ai trop de tendresse
,
-50
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein ;
Qui ! moi , trancher tes jours ! si j'en fis la
promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein .
» Cher Epoux , que mon Pere en me chargeant
de chaînes ,
» Me punisse demain de t'avoir épargné :
" Qu'il m'éxile , s'il veut, dans les arides Plaines,
» Du climat le plus éloigné .
dérobe ta vie ,
Et par terre et par mer va ,
→ Á l'inhumanité d'un attentat affreux ;
La nuit te favorise et Venus t'y convie :
Va , fui sous un auspice heureux . "3
Adieu . Mais daigne au moins conserver la mémoire
,
De ma tendre pitié, de ma constante foi;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'histoire
,
).
De ce qu'ici je fais pour toi.
F. M , F.
"
De l'Ode d'Horace , qui commences
Mercuri , nam te docilis magistro , &c.
M
Ercure , inspire-moi , docile à tes
maximes ,
Amphion ton Eleve eut jadis le
pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux, sublimes,
Les Rochers même à se mouvoir.
A ij
By
624 MERCURE DE FRANCE
Et toi , Lyre autrefois triste et presque muette ,
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi-tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept Cordes t'eut fait présent.
柒
Toi qui combles les coeurs d'un plaisir indicible,
A la Table des Grands , dans les Temples des
Dieux ,
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours ;
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
M
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde affreux d'un séjour aux Vivans interdit
Herissé de Serpens , le terrible Cerbere
A tes sons flateurs se rendit.
Ixion , Tityus , que leurs appas touche rent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se secherent ,
Immobiles quelques momens.
Qu'au
AVRIL. 1734 625
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide ,
Et la juste rigueur du châtiment divin
Qui les force à remplir un tonneau toujours
vuide ,
Et rend leur travail toujours vain.
Ces Monstres (que peut - on oser de plus atroce?)
Ces Monstres que le Ciel poursuit jusqu'aux Enfers
,
Oserent , ô noirceur ! ô cruauté féroce !
Perdre leurs Maris par le fer.
Pour conserver le sien , une entre autres insigne,
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial scule se montra digne ,
Et rendit son nom éternel.
諾
"Leve-toi , cher Epoux , d'un long sommeil ,
dit - elle ,
» Hâte- toi , malheureux , d'éviter les horreurs ,
Leve toi , trompe ainsi ton beau - pere infidele,
» Trompe ainsi mes barbares Soeurs .
» Hélas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux
,
A iij >> Telles
626 MERCURE DE FRANCE
» Telles en ce moment elles soüillent leurs couches
ni
» Du sang de leurs jeunes Epoux.
» Ah ! je suis plus humaine , et j'ai trop de tendresse
,
-50
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein ;
Qui ! moi , trancher tes jours ! si j'en fis la
promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein .
» Cher Epoux , que mon Pere en me chargeant
de chaînes ,
» Me punisse demain de t'avoir épargné :
" Qu'il m'éxile , s'il veut, dans les arides Plaines,
» Du climat le plus éloigné .
dérobe ta vie ,
Et par terre et par mer va ,
→ Á l'inhumanité d'un attentat affreux ;
La nuit te favorise et Venus t'y convie :
Va , fui sous un auspice heureux . "3
Adieu . Mais daigne au moins conserver la mémoire
,
De ma tendre pitié, de ma constante foi;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'histoire
,
).
De ce qu'ici je fais pour toi.
F. M , F.
Fermer
Résumé : IMITATION De l'Ode d'Horace, qui commence : Mercuri, nam te docilis magistro, &c.
Le texte est une imitation de l'Ode d'Horace dédiée à Mercure, le dieu des arts et des voyageurs. Le poète sollicite l'inspiration de Mercure, évoquant Amphion, élève de Mercure, qui déplaçait les rochers par ses chants. Mercure a perfectionné la lyre en lui ajoutant sept cordes. Le poète souhaite que Lyde, une femme fière, soit sensible aux accords de la lyre. Cette lyre est décrite comme capable de déplacer les montagnes, les forêts, et même d'apaiser des créatures féroces comme les tigres et les ours. Elle ralentit le cours des fleuves et a apaisé Cerbère, le chien des Enfers, ainsi que des figures mythologiques telles qu'Ixion et Tityus. Le texte mentionne aussi les Danaïdes, condamnées à remplir un tonneau percé. Le poème se concentre ensuite sur Lyde, qui écoute les histoires de monstres ayant tué leurs maris. Une femme trahit le dessein paternel pour sauver son époux, préférant être punie par son père. Elle supplie son mari de fuir les horreurs et l'inhumanité de ses sœurs, lui demandant de se souvenir de sa tendresse et de graver cette histoire sur son tombeau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer