Résultats : 4 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 202-227
Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Début :
Je viens à l'Article que je vous ay promis du Carnaval [...]
Mots clefs :
Monseigneur le Dauphin, Mademoiselle , Marquis, Avocat, Mascarade, Duc de Bourbon, Carnaval, Habits, Cour, Prince, Trompettes, Timbales, Course, Comte, Divertissement, Quadrille, Opéra, Bal, Comédie, Madame la Dauphine, Déguisements, Richesse, Mademoiselle , Armes, Cortège, Couleur, Foire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Je viens à l'Article que je
vous ay promis du Carnaval
de la Cour , pendant les mois
GALANT. 203.
de Janvier & de Fevrier. Les
Divertiffemens n'y ont point
ceffé. L'Opera de Roland y
a efté repreſenté une fois cha
que Semaine , & il y avoit al
ternativement Bal , Comedie
& Opera. Toute la Cour a
maſqué ſept fois , & auroit
continué à fe donner ce plaifir
, fi la mort du Roy d'Angleterre
n'euft interrompu
pour quelques jours tous les
Divertiffemens. Chaque jour
de Maſcarade , Monſeigneur
le Dauphin changeoit quatre
ou cinq fois d'habits , où l'on
n'oublioit rien pour empef
204 MERCURE
cher qu'il ne fuft reconnu. I
furprit toute l'Affemblée dans
la premiere Mafcarade , avec
un habit de Chauve fouris ..
La magnificence & l'invention
ont paru dans tous les
déguiſemens de Monſieur le
Duc. Les habits de fa Troupe.
eſtoient à cette premiereMafcarade
de grandes Robes , de
differentes couleurs , diverfement
& richement chamarées
, d'où fortoit un Col qui
s'élevoit fort haut , & s'abaiſ
foit , & fur lequel paroiffoit
une tefte d'Animal , coeffée
en Chauve fouris. Monfieur
GALANT. 205
le Duc de Bourbon , qui étoit
fous l'une de ces Machines,
avoit un habit de Femme de
Strasbourg. Mademoiſelle de
Bourbon , qui eftoit ſous une
autre , en avoit un de Magicienne,
& les Filles d'honneur
de Madame la Dauphine,
qui en rempliffoient d'autres,
eftoient diverſement vétuës .
Je ne dois pas oublier icy à
vous dire , que Monfieur le
Duc de Bourbon n'avoit encor
fait de fejour à la Cour,
que pendant ce Carnaval , &
qu'il y a paru au fortir de fes
Etudes , avec un air , des ma
206 MERCURE
nieres , & un eſprit auffi libre
que s'il y euft paffé fes premieres
années , & qu'il cust
eu un âge plus avancé . Le
fecond jour qu'on maſqua,
la Maſcarade
de Monſeigneur
le Dauphin repreſentoit toute
la Troupe Italienne . Ce Prin
ce eftoit veſtu en Docteur.
Ceux qui formoient cette
Mafcarade , eftoient Monfieur
le Prince de Conty,
Monfieur le Prince de la
Roche-fur-Yon , M' le Prince
de Turenne , M' le Duc de
Roquelaure , Miles Marquis
de Bellefonds
, d'Alincour
,
GALANT. 207
& de Liancour. Madame la
Dauphine , fit ce jour là une
Mafcarade de Perroquets
,
Monfieur le Duc de Bourbon
parut avec un riche habit
de Seigneur Hongrois , &
Mademoiſelle de Bourbon,
avec un habit de Païfane,
d'une proprieté furprenante.
Monfieur le Duc du Maine,
fe fit admirer le mefme jour,
avec une Maſcarade de petits
vieillards & de petites vieilles.
Rien n'a paru plus beau , &
l'on ne pouvoit ſe laſſer de
les regarder. Ceux qui compofoient
cette Mafcarade ་་
208 MERCURE
eftoient , Monfieur le Duc
du Mayne , Monfieur le
Comte de Thoulouſe , M' de
Manfini , Mi le Marquis de
la Vrilliere , Mademoiſelle de
Nantes , Mademoiſelle de
Blois , & Mademoiſelle de
Château - neuf.
Dans la troifiéme Maſcarade
, Monſeigneur le Dauphin
parut d'abort déguisé
avec quatre vifages. Enfuite,
prit un habit de Flamande
avec un Mafque de Perroquet
, & changea à fon ordinaire
quatre ou cinq fois
d'habit. Monfieur le Duc de
GALANT. 209
Bourbon , parut ce foir là..
avec un habit de Noble Venitien
, & Mademoiſelle de :
Bourbon s'y fit remarquer
par la propreté , & la richeffe
d'un habit magnifique. Toute
la Cour maſqua ce foir là ,,
& le mélange des habits gro
tefques , & fuperbes , eftant
fort agréable à la vuë , divertit
beaucoup.
Le quatrième jour qu'on
mafqua , Monfeigneur le
Dauphin mit pour premier:
habit celuy d'un Operateur,
& tirant feulement un petit
cordon , il parut en un inftant
Mars 1685, Si
210 MERCURE
vétu en grand Seigneur Chinois
. Des changemens auffi
furprenans le firent paroiftre
encore le mefme foir avec
deux autres habits . Monfieur
le Duc de Bourbon mit ce
foir-là un habit de Païfan,
auffi riche que bien entendu .
Monfieur le Duc de Mortemar
, qui fe diftingue en tout
ce qu'il fait , vint à l'Affemblée
du mefme jour avec un
habit tout formé de Manchons
jufqu'à la coëffure. Ils
étoient de differentes couleurs
. Il avoit une Palatine
pour Cravate , & un Mafque
GALANT. 211
qui imitoit le vifage d'un
homme tout tranfi de froid .
Sa barbe paroiffoit toute ge
lée , & les glaçons y pen
doient . Il euft eſté impoflibie
de le reconnoiftre s'il ne te
fuft pas découvert luy- même.
Neuf Quilles & la Boulle fe
trouverent dans le Balle jour
de la cinquiéme Affemblée;
c'eftoit la Mafcarade de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux
qui reprefentoient ces Quilles.
eftoient affis deffous , & de
petites feneftres leur donnoient
de l'air ; jugez par la
de leur contour , & de leur
Sij
212 MERCURE
hauteur ; elles eftoient peintes
de diverfes couleurs . Monſeigneur
le Dauphin fit paroiftrebeaucoup
d'agilité dans quelques-
uns des habits qu'il prit
le refte de la Soirée , les uns,
n'en demandant pas tant que:
les autres . Monfieur le Comte
de Thouloufe fe fit adinirer
en Scaramouche, & l'on n'au
roit pas eu de peine à le pren
dre pour un Amour déguiſé.
Monfieur le Duc de Bourbon
, Mademoiſelle de Bourbon
ne maſquerent ce foir- là
qu'en Avocats , mais ce fut
avec une propreté qui faifoit
GALANT 213
affez connoiftre que les Robes
de ces Avocats - là n'avoient
jamais effuyé la pouf
frere du Palais .
La Mafcarade des Cris de
Paris fut la fixiéme de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux,
qui accompagnoient ce Prince,
étoient Monfieur le Prince.
de Conty, Monfieur le Prince:
de la Roche-fur-Yon , M' le
Grand Prieur, M' le Prince de
Türenne , M le Comte de
Brienne , M' le Prince de
Thingry, M' le Marquis d'Alincourt
, M' le Marquis de:
Courtenyau M de la Roche214
MERCURE
guion , M' de Liencourt, M
de Grignan , & M ' du S.
Efteve. Selon les Meftiers
qu'ils
reprefentoient , ils por
toient ce qu'il y avoit de plus
delicat à boire & à manger, &
quelques uns portoient jufqu'à
des Boutiques garnies.
de ce qui regardoit leur Perfonage
. Monfieur le Duc de
Bourbon , & Mademoiſelle
de Bourbon vinrent ce foirlà
au Bal avec une Troupe de
huit Perfonnnes , dont les ha
bits reprefentoient des Pavil
lons . La Mafcarade de Monfieur
le Duc du Mayne , qui
GALANT. 215
Voicy
parut le mefme foir , étoit de
dix Seigneurs Chinois , & de
cinq Dames Chinoiſes , avec
des habits auſſi magnifiques
,
que bien imaginez .
les Noms de ceux qui compofoient
cette Mafcarade ;
Monfieur le Duc du Mayne,
Monfieur le Comte de Thouloufe
M' de Mancini , M' le
Comte de Cruffol , M de Duras,
M ' de Sully , M' de Gri
gnan , M' le Marquis de la
Vrilliere , M' de Soyecourt,
M' Bontemps, Mademoiſelle
de Nantes , Mademoiſelle de
Blois , Mademoiſelle d'Ufez ,
216 MERCURE
Mademoiſelle de Senneterre,
Mademoiſelle de Chafteauneuf.
Quelques jours avant la
fin du Carnaval Monfeigneur
le Dauphin ayant refolu de
faire une Courſe de Teftes
en maniere de petit Carouſel,
avec des Quadriles , on cher
cha un Sujet, on imagina des
Habits, on les fit, on s'exerça,
& l'on courut enfin fix
jours apres qu'on cut refolu
ce divertiffement . La France
feule eft capable d'executer
des chofes de cette nature en
fi peu de temps . Vous en ſe-.
rez furpriſe , quand vous au
rezz
GALANT. 217
rez ſçeu ce que j'ay à vous en
dire . Le Dimanche de Fevrier,
le
4.
Roy,Madame la Dauphine,
& toute la Cour fe ren-,
dirent à trois heures apres
midy fur les Amphitheatres
du Manege découvert de
Verfailles. La Quadrille de
Monfeigneur le Dauphin entra
auffi- toft dans la Carriere,
au fon des Timbales & des
Trompettes , les Armes de
cette Quadrille eftoient noir
& or , les habits de deffous
noirs & brodez d'or , & toutes
les plumes tant des Hom
mes que des Chevaux étoient
Mars 1685.
T
218 MERCURE
blanches , & les garnitures de
mefme. M le Marquis de
Dangeau , fous le nom de
Charlemagne , entra le premier
comme luge du Camp.
Monfeigneur le Dauphin,
eftoit fous le nom de Zerbin;
Mr le Prince de Tingry, fous
celuy de Renaud ; M' de la
Roche Guyon , fous celuy
d'Aquilan le noir , M' le
Marquis de Liancour , fous
celuy de Grifon le blanc ;
& M' le Marquis d'Antin ,
fous celuy de Roland. La feconde
Quadrille entra auffitoft
apres , précedée de fes
GALANT. 219
Trompettes , & de ſes Timbales
. Les couleurs de cette
Quadrille eftoient or & vert,
avec des plumes blanches, &
mouchetées de vert . M' le
Duc de Gramont eftoit Juge
du Camp. Il entra le premier
fous le nom d'Agra
mant . Monfieur le Prince de
la Roche-fur-Yon , avoit celuy
de Mandricard; M le Duc
de Vandofme , celuy de Gradaffe
, M' le Prince de Turenne
, celuy de Roger ; M' le
Comte de Briône , celuy de
Rodomont
; & M' le Marquis
d'Alincour , celuy de Sacri-
Tij
220 MERCURE
"
pant. On ne peut avoir plus
de fatisfaction
que cette
Courſe en donna aux Spectateurs
, ny meriter plus d'aplaudiffemens
que Monfeigneur
le Dauphin , qui eft le
Prince du Monde , qui a la
meilleure grace les Armes à
la main. Apres une fort
longue difpute , le Prix de
meura à la feconde Quadrille,
& ceux qui la compofoient
le difputerent long - temps entr'eux
; mais enfin , M' le
Prince de Turenne l'emporta
, & reçut de la main du
Roy , au fon des Timbales,
GALANT. 221
& des Trompettes , une Epée
d'or avec de riches Boucles .
Mr du Mont Ecuyer de Monfeigneur
le Dauphin , montoit
un Cheval nud qu'il gouvernoit
, comme auroit pû
faire le plus habile Ecuyer à
qui rien n'auroit manqué,
pour bien manier un Cheval,
fur lequel il auroit eſtémonté.
Je croy que vous fçavez
de quelle maniere fe fait cette
Courſe de teftes. Il faut .
d'abord enemporter une avec
la Lance ; puis on en darde
une autre , on ſe retourne en
faite vers la Meduſe que l'on
T iij
222 MERCURE
darde auffi , apres quoy on
emporte
à l'épée la derniere
tefte , qui eft plus baffe que
les autres. Ie vous
envoyeray
le mois prochain
les Devife's
de tous ceux qui eftoient
de
cette Courſe. Le lendemain
on reprefenta
l'Opera
d'Amadis
à Verſailles . Le Roy
ne l'avoit point encore veu ,
parce que cet Opera
avoit
paru dans l'année de la mort
de la Reyne , & vous fçavez
que pendant
ce temps , le
Roy n'a pris aucun divertiſ
fement. Le jour ſuivant
qui
eftoit le dernier du Carnaval,
GALANT. 223
la Mafcarade deMonfeigneur
le Dauphin , eftoit d'un Marquis
de Mafcarille porté en
Chaife , avec un équipage
convenable à fon fracas d'ajuſtement,
Monfieur le Comte
de Thoulouſe maſqua ce
foir là avec un habit de Perfan,
& charma toute la Cour.
Parmy les Maſcarades qui ont
le plus diverty , il y en a cu
une de Suiffes , qui a donué
un fort grand plaifir , & dont
l'invention caufa beaucoup
de furprife. Toutes les fois
que Madame la Dauphine a
dancé , pendant les jours de-
T iiij
224 MERCURE
ftinez aux Mafcarades , fa
bonne grace & la jufteſſe de
fon oreille ont toûjours paru ."
Madame la Princeffe de Conty
s'y eft fouvent fait admirer
fous plufieurs habits , mais
fur tout avec un habit Grec,
dont on fut tellement charmé
, que plufieurs en firent
faire de femblables pour les
Bals fuivans . Mes Dames les
Marquifes de Richelieu & de
Bellefonds, fe font fort diftinguées
par divers habits auffi
riches que bien entendus , &
Madame la Marquiſe de Seignelay
a auffi brillé de la mef
1
GALANT. 229
me forte , & fur tout avec un
habit à la Hongroiſe . Je ferois
trop long fi j'entrois dans le
detail de toutes celles qui en
ont eu de tres riches en maf
quant. Quoy que ces habits
n'euffent le Caractere d'aucune
Nation , ils n'en eftoient
ny moins beaux , ny moins
magnifiques , ny moins bien
entendus , & n'en paroient
pas moins les Dames qui les
portoient. Il y a eu encore
un divertiffement , qui pour
n'avoir pas efté du nombre
des Mafcarades qui fe
font faites chez le Roy , n'a
226 MERCURE
pas laiffé d'eftre un des plus
agréables , dont on ayt ja
mais entendu parler. Le Roy
eftant entré un foir chez Madame
de Montefpan , fut furpris
de voir
partement repreſentoit la
Foire de S. Germain. Ce n'étoit
par tout que Boutiques.
remplies de Marchands , &
l'on voyoit mefme des Compagnies
entieres de Perfon
nes qui fe promenoient dans
cette Foire , & qui faifoient
converſation , ou entr'elles,
ou avec les Marchands & les
Marchandes. Enfin , tout ce
que tout fon apGALANT
227
que l'on a couftume de voir
à la Foire, y paroiffoit dépeint
au naturel. C'est ainsi qu'on
doit furprendre pour bien divertir
, & tous ces fortes de
divertiffemens font de bon
gouft.
vous ay promis du Carnaval
de la Cour , pendant les mois
GALANT. 203.
de Janvier & de Fevrier. Les
Divertiffemens n'y ont point
ceffé. L'Opera de Roland y
a efté repreſenté une fois cha
que Semaine , & il y avoit al
ternativement Bal , Comedie
& Opera. Toute la Cour a
maſqué ſept fois , & auroit
continué à fe donner ce plaifir
, fi la mort du Roy d'Angleterre
n'euft interrompu
pour quelques jours tous les
Divertiffemens. Chaque jour
de Maſcarade , Monſeigneur
le Dauphin changeoit quatre
ou cinq fois d'habits , où l'on
n'oublioit rien pour empef
204 MERCURE
cher qu'il ne fuft reconnu. I
furprit toute l'Affemblée dans
la premiere Mafcarade , avec
un habit de Chauve fouris ..
La magnificence & l'invention
ont paru dans tous les
déguiſemens de Monſieur le
Duc. Les habits de fa Troupe.
eſtoient à cette premiereMafcarade
de grandes Robes , de
differentes couleurs , diverfement
& richement chamarées
, d'où fortoit un Col qui
s'élevoit fort haut , & s'abaiſ
foit , & fur lequel paroiffoit
une tefte d'Animal , coeffée
en Chauve fouris. Monfieur
GALANT. 205
le Duc de Bourbon , qui étoit
fous l'une de ces Machines,
avoit un habit de Femme de
Strasbourg. Mademoiſelle de
Bourbon , qui eftoit ſous une
autre , en avoit un de Magicienne,
& les Filles d'honneur
de Madame la Dauphine,
qui en rempliffoient d'autres,
eftoient diverſement vétuës .
Je ne dois pas oublier icy à
vous dire , que Monfieur le
Duc de Bourbon n'avoit encor
fait de fejour à la Cour,
que pendant ce Carnaval , &
qu'il y a paru au fortir de fes
Etudes , avec un air , des ma
206 MERCURE
nieres , & un eſprit auffi libre
que s'il y euft paffé fes premieres
années , & qu'il cust
eu un âge plus avancé . Le
fecond jour qu'on maſqua,
la Maſcarade
de Monſeigneur
le Dauphin repreſentoit toute
la Troupe Italienne . Ce Prin
ce eftoit veſtu en Docteur.
Ceux qui formoient cette
Mafcarade , eftoient Monfieur
le Prince de Conty,
Monfieur le Prince de la
Roche-fur-Yon , M' le Prince
de Turenne , M' le Duc de
Roquelaure , Miles Marquis
de Bellefonds
, d'Alincour
,
GALANT. 207
& de Liancour. Madame la
Dauphine , fit ce jour là une
Mafcarade de Perroquets
,
Monfieur le Duc de Bourbon
parut avec un riche habit
de Seigneur Hongrois , &
Mademoiſelle de Bourbon,
avec un habit de Païfane,
d'une proprieté furprenante.
Monfieur le Duc du Maine,
fe fit admirer le mefme jour,
avec une Maſcarade de petits
vieillards & de petites vieilles.
Rien n'a paru plus beau , &
l'on ne pouvoit ſe laſſer de
les regarder. Ceux qui compofoient
cette Mafcarade ་་
208 MERCURE
eftoient , Monfieur le Duc
du Mayne , Monfieur le
Comte de Thoulouſe , M' de
Manfini , Mi le Marquis de
la Vrilliere , Mademoiſelle de
Nantes , Mademoiſelle de
Blois , & Mademoiſelle de
Château - neuf.
Dans la troifiéme Maſcarade
, Monſeigneur le Dauphin
parut d'abort déguisé
avec quatre vifages. Enfuite,
prit un habit de Flamande
avec un Mafque de Perroquet
, & changea à fon ordinaire
quatre ou cinq fois
d'habit. Monfieur le Duc de
GALANT. 209
Bourbon , parut ce foir là..
avec un habit de Noble Venitien
, & Mademoiſelle de :
Bourbon s'y fit remarquer
par la propreté , & la richeffe
d'un habit magnifique. Toute
la Cour maſqua ce foir là ,,
& le mélange des habits gro
tefques , & fuperbes , eftant
fort agréable à la vuë , divertit
beaucoup.
Le quatrième jour qu'on
mafqua , Monfeigneur le
Dauphin mit pour premier:
habit celuy d'un Operateur,
& tirant feulement un petit
cordon , il parut en un inftant
Mars 1685, Si
210 MERCURE
vétu en grand Seigneur Chinois
. Des changemens auffi
furprenans le firent paroiftre
encore le mefme foir avec
deux autres habits . Monfieur
le Duc de Bourbon mit ce
foir-là un habit de Païfan,
auffi riche que bien entendu .
Monfieur le Duc de Mortemar
, qui fe diftingue en tout
ce qu'il fait , vint à l'Affemblée
du mefme jour avec un
habit tout formé de Manchons
jufqu'à la coëffure. Ils
étoient de differentes couleurs
. Il avoit une Palatine
pour Cravate , & un Mafque
GALANT. 211
qui imitoit le vifage d'un
homme tout tranfi de froid .
Sa barbe paroiffoit toute ge
lée , & les glaçons y pen
doient . Il euft eſté impoflibie
de le reconnoiftre s'il ne te
fuft pas découvert luy- même.
Neuf Quilles & la Boulle fe
trouverent dans le Balle jour
de la cinquiéme Affemblée;
c'eftoit la Mafcarade de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux
qui reprefentoient ces Quilles.
eftoient affis deffous , & de
petites feneftres leur donnoient
de l'air ; jugez par la
de leur contour , & de leur
Sij
212 MERCURE
hauteur ; elles eftoient peintes
de diverfes couleurs . Monſeigneur
le Dauphin fit paroiftrebeaucoup
d'agilité dans quelques-
uns des habits qu'il prit
le refte de la Soirée , les uns,
n'en demandant pas tant que:
les autres . Monfieur le Comte
de Thouloufe fe fit adinirer
en Scaramouche, & l'on n'au
roit pas eu de peine à le pren
dre pour un Amour déguiſé.
Monfieur le Duc de Bourbon
, Mademoiſelle de Bourbon
ne maſquerent ce foir- là
qu'en Avocats , mais ce fut
avec une propreté qui faifoit
GALANT 213
affez connoiftre que les Robes
de ces Avocats - là n'avoient
jamais effuyé la pouf
frere du Palais .
La Mafcarade des Cris de
Paris fut la fixiéme de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux,
qui accompagnoient ce Prince,
étoient Monfieur le Prince.
de Conty, Monfieur le Prince:
de la Roche-fur-Yon , M' le
Grand Prieur, M' le Prince de
Türenne , M le Comte de
Brienne , M' le Prince de
Thingry, M' le Marquis d'Alincourt
, M' le Marquis de:
Courtenyau M de la Roche214
MERCURE
guion , M' de Liencourt, M
de Grignan , & M ' du S.
Efteve. Selon les Meftiers
qu'ils
reprefentoient , ils por
toient ce qu'il y avoit de plus
delicat à boire & à manger, &
quelques uns portoient jufqu'à
des Boutiques garnies.
de ce qui regardoit leur Perfonage
. Monfieur le Duc de
Bourbon , & Mademoiſelle
de Bourbon vinrent ce foirlà
au Bal avec une Troupe de
huit Perfonnnes , dont les ha
bits reprefentoient des Pavil
lons . La Mafcarade de Monfieur
le Duc du Mayne , qui
GALANT. 215
Voicy
parut le mefme foir , étoit de
dix Seigneurs Chinois , & de
cinq Dames Chinoiſes , avec
des habits auſſi magnifiques
,
que bien imaginez .
les Noms de ceux qui compofoient
cette Mafcarade ;
Monfieur le Duc du Mayne,
Monfieur le Comte de Thouloufe
M' de Mancini , M' le
Comte de Cruffol , M de Duras,
M ' de Sully , M' de Gri
gnan , M' le Marquis de la
Vrilliere , M' de Soyecourt,
M' Bontemps, Mademoiſelle
de Nantes , Mademoiſelle de
Blois , Mademoiſelle d'Ufez ,
216 MERCURE
Mademoiſelle de Senneterre,
Mademoiſelle de Chafteauneuf.
Quelques jours avant la
fin du Carnaval Monfeigneur
le Dauphin ayant refolu de
faire une Courſe de Teftes
en maniere de petit Carouſel,
avec des Quadriles , on cher
cha un Sujet, on imagina des
Habits, on les fit, on s'exerça,
& l'on courut enfin fix
jours apres qu'on cut refolu
ce divertiffement . La France
feule eft capable d'executer
des chofes de cette nature en
fi peu de temps . Vous en ſe-.
rez furpriſe , quand vous au
rezz
GALANT. 217
rez ſçeu ce que j'ay à vous en
dire . Le Dimanche de Fevrier,
le
4.
Roy,Madame la Dauphine,
& toute la Cour fe ren-,
dirent à trois heures apres
midy fur les Amphitheatres
du Manege découvert de
Verfailles. La Quadrille de
Monfeigneur le Dauphin entra
auffi- toft dans la Carriere,
au fon des Timbales & des
Trompettes , les Armes de
cette Quadrille eftoient noir
& or , les habits de deffous
noirs & brodez d'or , & toutes
les plumes tant des Hom
mes que des Chevaux étoient
Mars 1685.
T
218 MERCURE
blanches , & les garnitures de
mefme. M le Marquis de
Dangeau , fous le nom de
Charlemagne , entra le premier
comme luge du Camp.
Monfeigneur le Dauphin,
eftoit fous le nom de Zerbin;
Mr le Prince de Tingry, fous
celuy de Renaud ; M' de la
Roche Guyon , fous celuy
d'Aquilan le noir , M' le
Marquis de Liancour , fous
celuy de Grifon le blanc ;
& M' le Marquis d'Antin ,
fous celuy de Roland. La feconde
Quadrille entra auffitoft
apres , précedée de fes
GALANT. 219
Trompettes , & de ſes Timbales
. Les couleurs de cette
Quadrille eftoient or & vert,
avec des plumes blanches, &
mouchetées de vert . M' le
Duc de Gramont eftoit Juge
du Camp. Il entra le premier
fous le nom d'Agra
mant . Monfieur le Prince de
la Roche-fur-Yon , avoit celuy
de Mandricard; M le Duc
de Vandofme , celuy de Gradaffe
, M' le Prince de Turenne
, celuy de Roger ; M' le
Comte de Briône , celuy de
Rodomont
; & M' le Marquis
d'Alincour , celuy de Sacri-
Tij
220 MERCURE
"
pant. On ne peut avoir plus
de fatisfaction
que cette
Courſe en donna aux Spectateurs
, ny meriter plus d'aplaudiffemens
que Monfeigneur
le Dauphin , qui eft le
Prince du Monde , qui a la
meilleure grace les Armes à
la main. Apres une fort
longue difpute , le Prix de
meura à la feconde Quadrille,
& ceux qui la compofoient
le difputerent long - temps entr'eux
; mais enfin , M' le
Prince de Turenne l'emporta
, & reçut de la main du
Roy , au fon des Timbales,
GALANT. 221
& des Trompettes , une Epée
d'or avec de riches Boucles .
Mr du Mont Ecuyer de Monfeigneur
le Dauphin , montoit
un Cheval nud qu'il gouvernoit
, comme auroit pû
faire le plus habile Ecuyer à
qui rien n'auroit manqué,
pour bien manier un Cheval,
fur lequel il auroit eſtémonté.
Je croy que vous fçavez
de quelle maniere fe fait cette
Courſe de teftes. Il faut .
d'abord enemporter une avec
la Lance ; puis on en darde
une autre , on ſe retourne en
faite vers la Meduſe que l'on
T iij
222 MERCURE
darde auffi , apres quoy on
emporte
à l'épée la derniere
tefte , qui eft plus baffe que
les autres. Ie vous
envoyeray
le mois prochain
les Devife's
de tous ceux qui eftoient
de
cette Courſe. Le lendemain
on reprefenta
l'Opera
d'Amadis
à Verſailles . Le Roy
ne l'avoit point encore veu ,
parce que cet Opera
avoit
paru dans l'année de la mort
de la Reyne , & vous fçavez
que pendant
ce temps , le
Roy n'a pris aucun divertiſ
fement. Le jour ſuivant
qui
eftoit le dernier du Carnaval,
GALANT. 223
la Mafcarade deMonfeigneur
le Dauphin , eftoit d'un Marquis
de Mafcarille porté en
Chaife , avec un équipage
convenable à fon fracas d'ajuſtement,
Monfieur le Comte
de Thoulouſe maſqua ce
foir là avec un habit de Perfan,
& charma toute la Cour.
Parmy les Maſcarades qui ont
le plus diverty , il y en a cu
une de Suiffes , qui a donué
un fort grand plaifir , & dont
l'invention caufa beaucoup
de furprife. Toutes les fois
que Madame la Dauphine a
dancé , pendant les jours de-
T iiij
224 MERCURE
ftinez aux Mafcarades , fa
bonne grace & la jufteſſe de
fon oreille ont toûjours paru ."
Madame la Princeffe de Conty
s'y eft fouvent fait admirer
fous plufieurs habits , mais
fur tout avec un habit Grec,
dont on fut tellement charmé
, que plufieurs en firent
faire de femblables pour les
Bals fuivans . Mes Dames les
Marquifes de Richelieu & de
Bellefonds, fe font fort diftinguées
par divers habits auffi
riches que bien entendus , &
Madame la Marquiſe de Seignelay
a auffi brillé de la mef
1
GALANT. 229
me forte , & fur tout avec un
habit à la Hongroiſe . Je ferois
trop long fi j'entrois dans le
detail de toutes celles qui en
ont eu de tres riches en maf
quant. Quoy que ces habits
n'euffent le Caractere d'aucune
Nation , ils n'en eftoient
ny moins beaux , ny moins
magnifiques , ny moins bien
entendus , & n'en paroient
pas moins les Dames qui les
portoient. Il y a eu encore
un divertiffement , qui pour
n'avoir pas efté du nombre
des Mafcarades qui fe
font faites chez le Roy , n'a
226 MERCURE
pas laiffé d'eftre un des plus
agréables , dont on ayt ja
mais entendu parler. Le Roy
eftant entré un foir chez Madame
de Montefpan , fut furpris
de voir
partement repreſentoit la
Foire de S. Germain. Ce n'étoit
par tout que Boutiques.
remplies de Marchands , &
l'on voyoit mefme des Compagnies
entieres de Perfon
nes qui fe promenoient dans
cette Foire , & qui faifoient
converſation , ou entr'elles,
ou avec les Marchands & les
Marchandes. Enfin , tout ce
que tout fon apGALANT
227
que l'on a couftume de voir
à la Foire, y paroiffoit dépeint
au naturel. C'est ainsi qu'on
doit furprendre pour bien divertir
, & tous ces fortes de
divertiffemens font de bon
gouft.
Fermer
Résumé : Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Le texte décrit les divertissements de la cour pendant les mois de janvier et février, marqués par une série de mascarades et de spectacles. Chaque semaine, l'opéra de Roland était représenté, alternant avec des bals, des comédies et des opéras. La cour a participé à sept mascarades, brièvement interrompues par la mort du roi d'Angleterre. Le Dauphin a changé plusieurs fois d'habits lors de chaque mascarade, se déguisant notamment en docteur, en Flamande et en opérateur. Le Duc de Bourbon et Mademoiselle de Bourbon ont également participé avec des déguisements variés, tels que des habits de magicienne, de seigneur hongrois et de païfane. Les thèmes des mascarades incluaient la troupe italienne, les perroquets et les petits vieillards. Le Duc du Maine a impressionné avec une mascarade de petits vieillards et vieilles. Ces événements étaient caractérisés par une grande magnificence et inventivité dans les déguisements. Le Carnaval s'est conclu par une course de têtes, un spectacle équestre où le Dauphin et d'autres nobles ont participé, déguisés en personnages célèbres. Cette course a été suivie par une représentation de l'opéra d'Amadis à Versailles. D'autres divertissements incluaient une mascarade de Suisses et une représentation de la foire de Saint-Germain chez Madame de Montespan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 227-229
« L'Opera de Roland qui avoit esté fait pour le Roy, [...] »
Début :
L'Opera de Roland qui avoit esté fait pour le Roy, [...]
Mots clefs :
Opéra, Divertissement, Paris, Public, Machines, Décorations, Déguisements, Acteurs, Troupe italienne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Opera de Roland qui avoit esté fait pour le Roy, [...] »
L'Opera de Roland qui
avoit efté fait pour le Roy,
n'ayant pû eftre reprefenté à
Paris , avant que les divertif
femens de Verfailles euffent.
ceffé , fut donné pour la premiere
fois au Public , le huitiéme
de ce mois , accompagné
des Machines & des Décorations
qui n'avoient pû
228 MERCURE
luy fervir d'ornement à la
Cour , parce que le fuperbe
Théatre où ces grands fpe-
&tacles doivent paroiftre, n'ef
pas encore achevé . Ces Dé.
corations & ces Machines,
ont donné un nouvel éclat à
cet Opera. Ils font de M ' Berrin
, auffi bien que les deffeins
des habits des Maſcarades
& du Carouſel , dont je
viens de vous parler. La .
Troupe Italienne eît augmentée
d'un Acteur nouveau
, qui attire les applaudiffemens
de tout Paris , &
qui n'a pas moins plû à la
GALANT. 229
3 Cour qu'à la Ville . Il a une
agilité de corps furprenante,
& feconde admirablement
l'incomparable Arlequin.
avoit efté fait pour le Roy,
n'ayant pû eftre reprefenté à
Paris , avant que les divertif
femens de Verfailles euffent.
ceffé , fut donné pour la premiere
fois au Public , le huitiéme
de ce mois , accompagné
des Machines & des Décorations
qui n'avoient pû
228 MERCURE
luy fervir d'ornement à la
Cour , parce que le fuperbe
Théatre où ces grands fpe-
&tacles doivent paroiftre, n'ef
pas encore achevé . Ces Dé.
corations & ces Machines,
ont donné un nouvel éclat à
cet Opera. Ils font de M ' Berrin
, auffi bien que les deffeins
des habits des Maſcarades
& du Carouſel , dont je
viens de vous parler. La .
Troupe Italienne eît augmentée
d'un Acteur nouveau
, qui attire les applaudiffemens
de tout Paris , &
qui n'a pas moins plû à la
GALANT. 229
3 Cour qu'à la Ville . Il a une
agilité de corps furprenante,
& feconde admirablement
l'incomparable Arlequin.
Fermer
Résumé : « L'Opera de Roland qui avoit esté fait pour le Roy, [...] »
L'Opéra de Roland, initialement prévu pour le roi, a été représenté à Paris après les divertissements de Versailles. La première a eu lieu le huitième jour du mois, avec des machines et des décorations inédites conçues par Monsieur Berrin. La troupe italienne a été renforcée par un nouvel acteur acclamé pour son rôle d'Arlequin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 80-87
LETTRE De M. le Chev. de P*** sur un petit vol fait chez Payen, Traiteur, ruë des Bourdonnois, le 21. Decembre 1711.
Début :
MONSIEUR, Je vous avois promis des memoires sur certaine avanture galante [...]
Mots clefs :
Vol, Bal masqué, Fuite , Dissimulation, Poursuite, Fourberie, Déguisements
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE De M. le Chev. de P*** sur un petit vol fait chez Payen, Traiteur, ruë des Bourdonnois, le 21. Decembre 1711.
LETTRE
De M. le Chev. de p***
sur un petit vol fait chez
Payen, Traiteur, ruë
des Bourdonnois, le 21. Décembre 171u
MONSIEUR,
Je vous avois promis des
mémoires surcertaineavanturegalantedontjejustémoin
au
bal qui s'ejl donné il y a
huitjours, à l'Hôtel des Am-
bassadeurs, ruë de Tournon:
mais comme rvOllS- ne ¥lommeZ,
jamais les masques dans vôtre
Mercure, CT que les noms,
les caracteres, & l'âge des
deux personnes quevoussça-
'Ve,:\ font tout le plaisant de
cette avauture, je ne vous en
parlerai pas davantage:contentezvous du recit d'un petit njol quifutfait en mapre,
ftnce ce même soir.
Deux ; de mes amis &moy
en ayantrassemblé quatre autres ponr aller souper chez
Payen, un Filou,qui étoit apparemment dégtttjé prés de
nous dans ce même bal, &
qui entendit de quoy il s'agissoit,prit les devants, & avec
un habit de laquais ,tenant à
samain une épée & unecanne
fort belle, qu'il avoit peutêtre volée à ce mêmebal, entra chezle Traiteur, (g) contrefausanttyvrogne, lui annonça septconvives,du nombre desquels, disoit-ily étoit
son maître, Cfit allumer du
jeu dans une chambre qu'il
choisit: peu de temps après il
appela un des garçons, qu'il
pria de le mettre dans quelque petit endroit caché, de
peur que son maître ne levît
jvie, & ne l'assommât de
coups. Le garçoncharitable le
fit entrerdansunpetitcabinet
sur le degré proche la chambre, & c'est où il desiroit être
pour pouvoir prendre son
temps
,
comme vous AlleZ
voir.
Nousarrivâmeseffectivement au nombre de sept
avecplusieurs laquais ; on mit
la nape avec sept couverts&
un buffêt garni
,
comme on
jfait qu'ilslesontchezPayen,
de eva-iflègedargent tréspropre:notre couvert mis, &
lesouper commandé, les garçons nous lasserent,& e'etf
le moment qu'attendoit nôtre
Filouauguet danssa cachette: ils'etoit deguisélui-même
en garçon de cabaret, un tablier blanc en écharpe,laveste
grasse, C9* le bonnet de caprice;
il entre en feignant de
pestercontresescamarades qui
nous avoient donné une table
trop petite, & nous pria de
permettre qu'il nous en donnât
une plus grande, parce que
celle-ci leur étoit necessaire
pour un autre écot: aussitôt,
avec uneadressemerveilleuse
que nous admirâmes, ilfit tenir danssa maingauchesept
coûteaux,sept cuillieres,sept
fourchettes, &deuxsalieres,
sanslesrenvtrfer,depeur9
disoit'-',jl,de nous portermaL
heur:ilnousremarquer
.la capacité de sa main gauche
& l'agilité de sa droite, lors
quilentendit quelqu'un de
nous qui dusoit bas à un autre:
Voula un nouveau garçon que
je neconnaispas,.& cependant
jesoupe tous les joursici depuis
que l.e)(atu marié Nôtre Filou
aussitotfaisant le folâtre,capriola de la table à la porte,
qu'il tirasur lui, CTfuidan
la rue en trois entambees: 01
criaaussitotauvoleur, & l'ot
fut dans la ruépresqu'aussito
que lui;cependant il dtsparut,
cYon le chercha inutilementt
l'on napprit qu'une heure
après qu'il s'étoitréfugié dam
une boutique,en priant qu'on
ne le décelât point à cesjeunes
Officiers quivouloient l'enroler de force.
Le Maître de la boutique
a
dit que le Filou étoit entré
cht'Z lut ne tenantrien asa
main, (2* avecun habit tout
différent de celui d'un garçon
de cabaret. C'eflce qui ma
paru ddeplus surprenant dans
tavanture, car de la vitesse
dont il fut poursuïvi, ilfaut
quen courantilait changédû
décoration pluspromptement,
quArlequin hote & hotelle*•
rie n'en changesur le theatre,
De M. le Chev. de p***
sur un petit vol fait chez
Payen, Traiteur, ruë
des Bourdonnois, le 21. Décembre 171u
MONSIEUR,
Je vous avois promis des
mémoires surcertaineavanturegalantedontjejustémoin
au
bal qui s'ejl donné il y a
huitjours, à l'Hôtel des Am-
bassadeurs, ruë de Tournon:
mais comme rvOllS- ne ¥lommeZ,
jamais les masques dans vôtre
Mercure, CT que les noms,
les caracteres, & l'âge des
deux personnes quevoussça-
'Ve,:\ font tout le plaisant de
cette avauture, je ne vous en
parlerai pas davantage:contentezvous du recit d'un petit njol quifutfait en mapre,
ftnce ce même soir.
Deux ; de mes amis &moy
en ayantrassemblé quatre autres ponr aller souper chez
Payen, un Filou,qui étoit apparemment dégtttjé prés de
nous dans ce même bal, &
qui entendit de quoy il s'agissoit,prit les devants, & avec
un habit de laquais ,tenant à
samain une épée & unecanne
fort belle, qu'il avoit peutêtre volée à ce mêmebal, entra chezle Traiteur, (g) contrefausanttyvrogne, lui annonça septconvives,du nombre desquels, disoit-ily étoit
son maître, Cfit allumer du
jeu dans une chambre qu'il
choisit: peu de temps après il
appela un des garçons, qu'il
pria de le mettre dans quelque petit endroit caché, de
peur que son maître ne levît
jvie, & ne l'assommât de
coups. Le garçoncharitable le
fit entrerdansunpetitcabinet
sur le degré proche la chambre, & c'est où il desiroit être
pour pouvoir prendre son
temps
,
comme vous AlleZ
voir.
Nousarrivâmeseffectivement au nombre de sept
avecplusieurs laquais ; on mit
la nape avec sept couverts&
un buffêt garni
,
comme on
jfait qu'ilslesontchezPayen,
de eva-iflègedargent tréspropre:notre couvert mis, &
lesouper commandé, les garçons nous lasserent,& e'etf
le moment qu'attendoit nôtre
Filouauguet danssa cachette: ils'etoit deguisélui-même
en garçon de cabaret, un tablier blanc en écharpe,laveste
grasse, C9* le bonnet de caprice;
il entre en feignant de
pestercontresescamarades qui
nous avoient donné une table
trop petite, & nous pria de
permettre qu'il nous en donnât
une plus grande, parce que
celle-ci leur étoit necessaire
pour un autre écot: aussitôt,
avec uneadressemerveilleuse
que nous admirâmes, ilfit tenir danssa maingauchesept
coûteaux,sept cuillieres,sept
fourchettes, &deuxsalieres,
sanslesrenvtrfer,depeur9
disoit'-',jl,de nous portermaL
heur:ilnousremarquer
.la capacité de sa main gauche
& l'agilité de sa droite, lors
quilentendit quelqu'un de
nous qui dusoit bas à un autre:
Voula un nouveau garçon que
je neconnaispas,.& cependant
jesoupe tous les joursici depuis
que l.e)(atu marié Nôtre Filou
aussitotfaisant le folâtre,capriola de la table à la porte,
qu'il tirasur lui, CTfuidan
la rue en trois entambees: 01
criaaussitotauvoleur, & l'ot
fut dans la ruépresqu'aussito
que lui;cependant il dtsparut,
cYon le chercha inutilementt
l'on napprit qu'une heure
après qu'il s'étoitréfugié dam
une boutique,en priant qu'on
ne le décelât point à cesjeunes
Officiers quivouloient l'enroler de force.
Le Maître de la boutique
a
dit que le Filou étoit entré
cht'Z lut ne tenantrien asa
main, (2* avecun habit tout
différent de celui d'un garçon
de cabaret. C'eflce qui ma
paru ddeplus surprenant dans
tavanture, car de la vitesse
dont il fut poursuïvi, ilfaut
quen courantilait changédû
décoration pluspromptement,
quArlequin hote & hotelle*•
rie n'en changesur le theatre,
Fermer
Résumé : LETTRE De M. le Chev. de P*** sur un petit vol fait chez Payen, Traiteur, ruë des Bourdonnois, le 21. Decembre 1711.
Le 21 décembre 171u, un incident de vol a eu lieu chez Payen, un traiteur situé rue des Bourdonnois. Le Chevalier de p*** relate cet événement dans une lettre, après avoir mentionné une aventure galante dont il a été témoin lors d'un bal à l'Hôtel des Ambassadeurs, rue de Tournon, sans en révéler les détails. L'auteur et deux de ses amis avaient prévu de souper chez Payen avec quatre autres personnes. Un individu malintentionné, déguisé en laquais et portant des objets volés, les devança et se fit passer pour le maître de sept convives. Il demanda au traiteur de l'aider à se cacher pour éviter des coups de son supposé maître. Le garçon du traiteur le cacha dans un petit cabinet. À leur arrivée, sept personnes et plusieurs laquais furent servis. Le filou, déguisé en garçon de cabaret, entra et demanda à changer la table, prétextant qu'elle était nécessaire pour un autre écot. Profitant de la situation, il vola sept couteaux, sept cuillères, sept fourchettes et deux salières sans être remarqué. Il s'enfuit ensuite en criant au voleur et disparut dans une boutique où il changea rapidement de déguisement pour échapper à ses poursuivants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 143-166
AVANTURE du Bal.
Début :
Un jeune Officier fort amoureux d'une femme fort verteuse, en fut rebuté [...]
Mots clefs :
Infidélité, Déguisements, Lettre compromettante, Femme jalouse, Vengeance, Mari trompeur, Déception amoureuse, Rendez-vous secret
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE du Bal.
A VANTVRË duBaL
Elleefldefraifche.date y
l'une des personnesinteressees dans l'Avanture
me la vient de conter; elle
est de la Semaine passée.
-
Un jeune Officier fort
amoureux d'une femme
fort vercueuse, en fut rebuté plusieurs fois,& de
tres-bonne foy car elle
fut prested'en avertir son
mary. Elle en menaça
l'Officier qui luy repre-
senta qu'elle avoit grapd!
tort d'estre si fidelle à un
mary qui avoit une maistresse.Une maistresse!
s'écria la Dame qui estois
encore- plus jalouse que
vertuéuse. Ah Jsi vous
pouvez meprouvercelaw
a-aa. Achevez, Madame,,
achevez, luy dit TOfÉcier ; vous avez voulu
dire que sije pouvoisvous
prouver l'infideliré de
vostre mary
,
vous vous
en vengeriez.J'avoue
reprit
*
reprit vivement la Dame, que j'ay voulu dire
cela dans mon premier
mouvement
,
mais la
raison me revient bien
viste comme vous voyez, car je n'ay pas
achevé, il en feroit de
mesme si je voyois réellement l'infidelité de
mon mary, mon premier
mouvement feroit de me
vanger
,
mais la raison
me reviendroit si viste
que vous n'auriez pas le
loisir de profiter de ce
moment-laJe me le tiens
pour dit3 reprit le Cavalier,la question n'estdonc
plus que de vous prendre
dans un moment de colere qui dure assèz pour
vous déterminer à la
vengeance, la question
fèroit encore, repliquat'elle, en le quittant bruC.
quement, si cette vangeance ne le tourneroit
point contre vous
plustostquecontremonmari.
-
Le Cavalier estoit de
ceux qui expliquent tout
à leur avantage, parce
qu'ils jugent desavantageusement de toutes les
femmes3 il conceut de
grandes esperances s'il
pouvoit trouver l'occasion favorable, il la chercha avec foin; enfin ayant
gagné à force d'argent
la femme de Chambre
de la maistressè du mary,
il sceut que le foir mes.
me ils dévoient se trou-
ver à un bal, 06 cette
femme de Chambre luy
monstra la lettre que sa
maistresseécrivoit au mary pour ce rendez-vous,
Voicy ce qu'elle contenoit.
Trop infortunémary
d'une femme jalouse je
ne pourray te consoler ce
soir dans mon appariemil'
5
car j'y reçois des
Dames qui.sj viennent
deguiser pour un bal qui
Je donne dans le grand
Appartement bas qui est
au dessous du mien tu
m'y trouveras deguisée
simplement en chauvesouris, avec deuxjuppes
noires, un ruban jaune
:
autour du col, (jf un
rougesurla teste, viens-y
avec la mesme robe a"Arménien que tu aVOIS aux
deux derniers balsyÇtfc*
LeCavalier copia cette lettre en
écriturede
femme, & y
adjoufta
feulement cecy :
C'est la
seconde fois aujcurai.ry
que je t'écris la nicj;>ie
close
,
jet'envoye cette
secondeinsiruction en cas
que tu n'ayespas receu la
premiere.
La femme de Chambre
recacheta l'original de
cette lettre, & l'envoya
naturellement au mary
dès le matin comme elle
en avoit l'ordre, & le
Cavalier envoya la sienne par un laquais fort
adroit,qui faisoit le niais
a merveille, 6C qui alla
droit au logis de la Dame
jalouse
,
où feignantde
n'avoir trouvé en bas aucunlaquais de Monsieur,
il montachez la femmede
Chambre de Madame
,
à qui il demanda niaiièment., si Monsieur n'estoit point au logis, il
tenoit negligemment à
sa main la lettre que cette
femme de Chambre-cy
cofidentede la jaloufiede
sa maistresse, se sceut bon
gréd'avoir attrapée à
nostre faux niais, qui la
pria bonnement de la remettre entre les mains de
Monsieur sans que Madame en sceust rien, elle
fit tout le contraire com-
,
me vous pouvez penser,
&c'estoit l'intention du
Cavalier qui se doutoit
bien que la femme jalouse feroit suivre son mari,
& seroit convaincuë de
son infidelité,c'est tout
ce qu'il souhaitoit, mais
le hasard pouffa la chose
plus loin.
Le mari voulant aller
au bal àl'insceu de sa
femme, feignit le foir un
mal de teste,elle comprit
d'abord qu'ayant receu
la lettre dont elle avoit
le double
,
il se disposoit
à se derober d'elle pour
aller au rendez-vous, Se
pour luy donner beau,
elle feignit aussi une migraine, & se retira de
bonne heure dans sots
appartement, sa confidente eut foin de luy
trouver pour le bal un
habit de chauve souris
pareil à celuy que devoit
avoir sa rivale, avec le
signal des rubans marquez dans lalettre.
Le mari sortit en secret sur les dix heures du
-
foir pour aller se deguiser je ne scay où; la femme prit le carrose un peu
aprés, & se rendit au bal
avec safemme de Cham-
re qu'elle fit aussimaiquer, le bal ne faisoit
que de commencer, elle
leposta dans un coin, où
elle ne fut remarquée
que <lefonjeune Amant, ui voyant la Chauve
Fouris de ii bonne heure
m rendezvous, & sçabhantquelle ne devoit
i'j trouver que fort tard,
devina que cette Chauve -
souris-cy pourroit
bien estre la femme jalousequi prenoit les de-
vants pour donner le
change à son mari
,
cC
le convaincrede perfidie,
ce soupçon fut bien tost
confirmépar la femme de]
Chambre avec qui il estoit d'intelligence, jfbuvenez vous que c'est celle de la maistresse du ma1
ri, & qu'estant de la maison où le bal se donnoit,
elle y
pouvoitestre naturellement, elle y
cherchoit le mari Amant de
sa maistresse qu'elle ve-
soit prier de ne point
impatienter, parce qu'-
elle ne pouvoit venir que
sur la fin du bal. Comme
cette femme deChambre
sec nostre Amantmasqué
s'entretenoient ensemble,l'Armenien ,c'està
dire, le mari en robbe
d'Armenien, parut, 6L
fut aussitost reconnu par
sa femme
,
qui chercha
l'occasion de l'attirer
dans quelque coinpour
le confondre. Nostre
Amant qui les observoit
pour voir le denoüement
de cette Scene
,
en imagina unequi pourroic luy
estre plus favorable, il
concerta impromptu avec
la femme de Chambre ,
qui voulut bien sacrifier
sa maistresse à cet Amant
passionné & liberal
:
voicy comment elle sy prit.
Elle aborda l'Armenien, & luy dit ,-que fin
maistresse le prioit de j
changer son deguise-
ment, parce qu'on l'avoit trop remarqué au dernierbal, & le pria de
lasuivre jusqu'à une petite chambre où elle luy
donneroit un autre ha-
;
bit: voilà donc la femme
:
de Chambre qui marche
;
la première,l'Arménien
la suit, la Chauve souris
fuit l'Arménien, & l'Amant fuit la Chauve-souris, marche mysterieuse
& interessante dont je ne
vous tracerai point icy
*, !..Jr,m
tous les detours, car je
n'ay point sceu exactement quel estoit le plan
de ces appartemens; mais
enfin à la faveur de quelque obscurité chacun allant à ses fins nos quatre
personnages se trouverent postez comme vous
allez voir le mari entre
d'abord avec la femme
de Chambre dans un cabinet, y
quitta son habit
d'Armenien pour en
prendre un autre avec un
masque
masque different, & retourna au bal attendre sa
maistresse. L'Amant à
quilafemmedeChambre
donna l'habit que venoit
de quitter le mari, resta
dans le cabinet pour y
estre pris pour luy si l'occasson devenoit favorable & elle le devint, car la femme jalouse trou-
| vant la porte ouverte, Se
voyant l'Amant Armenien qu'elle prit pourson
mari
,
crut avoir trouvé
le moment de le confondre. Elle entre, ne doutant point qu'il ne fust là
pour y
attendre la Chauve souris sarivale, l'Amant Armenien feignit
-
-
de s'y méprendre comme auroit fait le mari
,
-& cela produisit une icene que je prie le Lecteur
de nepointdeviner trop
tost, il feroittort à l'honneur du mari, à la vertu
de la femme, oC à celuy
qui écrit cette avanture,
car il se garderoit bien
d'en faire le récit si le dénouement en estoit vi- cieux.
A Cette femme par malheur pour l'Amant n'aimoit pas assez son mari
pour se foncier qu'il la
prit en ce moment pour
sa maistresse, elle se demanqua d'abord pour
l'accabler de reproches
6c d'injures, le faux mari feignant un repentir
sincerer voulut reparer
son infidélité par un raccommodement des plus
tendres, maisil la trouva
inflexible: ah, Madame,
s'écria-t-il, en le démarquant, puisque vous ne
voulez pas pardonner à
un mari perside, vengezvous-en donc dans ce
premier mouvement de
colere où la vengeance
est si pardonnable »
la
vertueuse femme luy respondit avec sa vivacité
ordinaire qu'unautrepre-
mier mouvement avoit
desja succèdéà celuy de
la vengeance
,
& quelle
se sentoitsiindignée contre luy que s'il paroissoit
jamais en sa presenceelle
luy mettrait en telle un
mari qui sçavoit aussi
bien se vanger d'un suborneur qu'estre infidellelIa femme.
Apres - cette menace
elle laissa nostre jeune
présomptueux convaicu
pour la première fois de
sa vie que ses charmes
avoient bien peu de force, puisqu'ils n'avoient
pas pû vaincre une fClnme desja affoiblie
par le
desir naturel de punir un
mari infidelle.
Elleefldefraifche.date y
l'une des personnesinteressees dans l'Avanture
me la vient de conter; elle
est de la Semaine passée.
-
Un jeune Officier fort
amoureux d'une femme
fort vercueuse, en fut rebuté plusieurs fois,& de
tres-bonne foy car elle
fut prested'en avertir son
mary. Elle en menaça
l'Officier qui luy repre-
senta qu'elle avoit grapd!
tort d'estre si fidelle à un
mary qui avoit une maistresse.Une maistresse!
s'écria la Dame qui estois
encore- plus jalouse que
vertuéuse. Ah Jsi vous
pouvez meprouvercelaw
a-aa. Achevez, Madame,,
achevez, luy dit TOfÉcier ; vous avez voulu
dire que sije pouvoisvous
prouver l'infideliré de
vostre mary
,
vous vous
en vengeriez.J'avoue
reprit
*
reprit vivement la Dame, que j'ay voulu dire
cela dans mon premier
mouvement
,
mais la
raison me revient bien
viste comme vous voyez, car je n'ay pas
achevé, il en feroit de
mesme si je voyois réellement l'infidelité de
mon mary, mon premier
mouvement feroit de me
vanger
,
mais la raison
me reviendroit si viste
que vous n'auriez pas le
loisir de profiter de ce
moment-laJe me le tiens
pour dit3 reprit le Cavalier,la question n'estdonc
plus que de vous prendre
dans un moment de colere qui dure assèz pour
vous déterminer à la
vengeance, la question
fèroit encore, repliquat'elle, en le quittant bruC.
quement, si cette vangeance ne le tourneroit
point contre vous
plustostquecontremonmari.
-
Le Cavalier estoit de
ceux qui expliquent tout
à leur avantage, parce
qu'ils jugent desavantageusement de toutes les
femmes3 il conceut de
grandes esperances s'il
pouvoit trouver l'occasion favorable, il la chercha avec foin; enfin ayant
gagné à force d'argent
la femme de Chambre
de la maistressè du mary,
il sceut que le foir mes.
me ils dévoient se trou-
ver à un bal, 06 cette
femme de Chambre luy
monstra la lettre que sa
maistresseécrivoit au mary pour ce rendez-vous,
Voicy ce qu'elle contenoit.
Trop infortunémary
d'une femme jalouse je
ne pourray te consoler ce
soir dans mon appariemil'
5
car j'y reçois des
Dames qui.sj viennent
deguiser pour un bal qui
Je donne dans le grand
Appartement bas qui est
au dessous du mien tu
m'y trouveras deguisée
simplement en chauvesouris, avec deuxjuppes
noires, un ruban jaune
:
autour du col, (jf un
rougesurla teste, viens-y
avec la mesme robe a"Arménien que tu aVOIS aux
deux derniers balsyÇtfc*
LeCavalier copia cette lettre en
écriturede
femme, & y
adjoufta
feulement cecy :
C'est la
seconde fois aujcurai.ry
que je t'écris la nicj;>ie
close
,
jet'envoye cette
secondeinsiruction en cas
que tu n'ayespas receu la
premiere.
La femme de Chambre
recacheta l'original de
cette lettre, & l'envoya
naturellement au mary
dès le matin comme elle
en avoit l'ordre, & le
Cavalier envoya la sienne par un laquais fort
adroit,qui faisoit le niais
a merveille, 6C qui alla
droit au logis de la Dame
jalouse
,
où feignantde
n'avoir trouvé en bas aucunlaquais de Monsieur,
il montachez la femmede
Chambre de Madame
,
à qui il demanda niaiièment., si Monsieur n'estoit point au logis, il
tenoit negligemment à
sa main la lettre que cette
femme de Chambre-cy
cofidentede la jaloufiede
sa maistresse, se sceut bon
gréd'avoir attrapée à
nostre faux niais, qui la
pria bonnement de la remettre entre les mains de
Monsieur sans que Madame en sceust rien, elle
fit tout le contraire com-
,
me vous pouvez penser,
&c'estoit l'intention du
Cavalier qui se doutoit
bien que la femme jalouse feroit suivre son mari,
& seroit convaincuë de
son infidelité,c'est tout
ce qu'il souhaitoit, mais
le hasard pouffa la chose
plus loin.
Le mari voulant aller
au bal àl'insceu de sa
femme, feignit le foir un
mal de teste,elle comprit
d'abord qu'ayant receu
la lettre dont elle avoit
le double
,
il se disposoit
à se derober d'elle pour
aller au rendez-vous, Se
pour luy donner beau,
elle feignit aussi une migraine, & se retira de
bonne heure dans sots
appartement, sa confidente eut foin de luy
trouver pour le bal un
habit de chauve souris
pareil à celuy que devoit
avoir sa rivale, avec le
signal des rubans marquez dans lalettre.
Le mari sortit en secret sur les dix heures du
-
foir pour aller se deguiser je ne scay où; la femme prit le carrose un peu
aprés, & se rendit au bal
avec safemme de Cham-
re qu'elle fit aussimaiquer, le bal ne faisoit
que de commencer, elle
leposta dans un coin, où
elle ne fut remarquée
que <lefonjeune Amant, ui voyant la Chauve
Fouris de ii bonne heure
m rendezvous, & sçabhantquelle ne devoit
i'j trouver que fort tard,
devina que cette Chauve -
souris-cy pourroit
bien estre la femme jalousequi prenoit les de-
vants pour donner le
change à son mari
,
cC
le convaincrede perfidie,
ce soupçon fut bien tost
confirmépar la femme de]
Chambre avec qui il estoit d'intelligence, jfbuvenez vous que c'est celle de la maistresse du ma1
ri, & qu'estant de la maison où le bal se donnoit,
elle y
pouvoitestre naturellement, elle y
cherchoit le mari Amant de
sa maistresse qu'elle ve-
soit prier de ne point
impatienter, parce qu'-
elle ne pouvoit venir que
sur la fin du bal. Comme
cette femme deChambre
sec nostre Amantmasqué
s'entretenoient ensemble,l'Armenien ,c'està
dire, le mari en robbe
d'Armenien, parut, 6L
fut aussitost reconnu par
sa femme
,
qui chercha
l'occasion de l'attirer
dans quelque coinpour
le confondre. Nostre
Amant qui les observoit
pour voir le denoüement
de cette Scene
,
en imagina unequi pourroic luy
estre plus favorable, il
concerta impromptu avec
la femme de Chambre ,
qui voulut bien sacrifier
sa maistresse à cet Amant
passionné & liberal
:
voicy comment elle sy prit.
Elle aborda l'Armenien, & luy dit ,-que fin
maistresse le prioit de j
changer son deguise-
ment, parce qu'on l'avoit trop remarqué au dernierbal, & le pria de
lasuivre jusqu'à une petite chambre où elle luy
donneroit un autre ha-
;
bit: voilà donc la femme
:
de Chambre qui marche
;
la première,l'Arménien
la suit, la Chauve souris
fuit l'Arménien, & l'Amant fuit la Chauve-souris, marche mysterieuse
& interessante dont je ne
vous tracerai point icy
*, !..Jr,m
tous les detours, car je
n'ay point sceu exactement quel estoit le plan
de ces appartemens; mais
enfin à la faveur de quelque obscurité chacun allant à ses fins nos quatre
personnages se trouverent postez comme vous
allez voir le mari entre
d'abord avec la femme
de Chambre dans un cabinet, y
quitta son habit
d'Armenien pour en
prendre un autre avec un
masque
masque different, & retourna au bal attendre sa
maistresse. L'Amant à
quilafemmedeChambre
donna l'habit que venoit
de quitter le mari, resta
dans le cabinet pour y
estre pris pour luy si l'occasson devenoit favorable & elle le devint, car la femme jalouse trou-
| vant la porte ouverte, Se
voyant l'Amant Armenien qu'elle prit pourson
mari
,
crut avoir trouvé
le moment de le confondre. Elle entre, ne doutant point qu'il ne fust là
pour y
attendre la Chauve souris sarivale, l'Amant Armenien feignit
-
-
de s'y méprendre comme auroit fait le mari
,
-& cela produisit une icene que je prie le Lecteur
de nepointdeviner trop
tost, il feroittort à l'honneur du mari, à la vertu
de la femme, oC à celuy
qui écrit cette avanture,
car il se garderoit bien
d'en faire le récit si le dénouement en estoit vi- cieux.
A Cette femme par malheur pour l'Amant n'aimoit pas assez son mari
pour se foncier qu'il la
prit en ce moment pour
sa maistresse, elle se demanqua d'abord pour
l'accabler de reproches
6c d'injures, le faux mari feignant un repentir
sincerer voulut reparer
son infidélité par un raccommodement des plus
tendres, maisil la trouva
inflexible: ah, Madame,
s'écria-t-il, en le démarquant, puisque vous ne
voulez pas pardonner à
un mari perside, vengezvous-en donc dans ce
premier mouvement de
colere où la vengeance
est si pardonnable »
la
vertueuse femme luy respondit avec sa vivacité
ordinaire qu'unautrepre-
mier mouvement avoit
desja succèdéà celuy de
la vengeance
,
& quelle
se sentoitsiindignée contre luy que s'il paroissoit
jamais en sa presenceelle
luy mettrait en telle un
mari qui sçavoit aussi
bien se vanger d'un suborneur qu'estre infidellelIa femme.
Apres - cette menace
elle laissa nostre jeune
présomptueux convaicu
pour la première fois de
sa vie que ses charmes
avoient bien peu de force, puisqu'ils n'avoient
pas pû vaincre une fClnme desja affoiblie
par le
desir naturel de punir un
mari infidelle.
Fermer
Résumé : AVANTURE du Bal.
Le texte raconte une aventure impliquant un jeune officier amoureux d'une femme vertueuse et jalouse. L'officier, repoussé à plusieurs reprises, cherche à la séduire en exploitant sa jalousie. Il obtient une lettre de la maîtresse du mari de la dame, décrivant un rendez-vous déguisé en chauve-souris. L'officier copie cette lettre et l'envoie à la dame jalouse, espérant la convaincre de l'infidélité de son mari. La dame, après avoir reçu la lettre, se déguise en chauve-souris et se rend à un bal. Elle y rencontre son mari déguisé en Arménien et son amant, également déguisé. Grâce à la complicité de la femme de chambre, l'amant et le mari échangent leurs déguisements. La dame, croyant confondre son mari avec sa maîtresse, se retrouve face à l'amant. Ce dernier feint le repentir, mais la dame, ne reconnaissant pas son mari, l'accable de reproches. L'amant, démasqué, comprend que ses charmes n'ont pas suffi à séduire la dame.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer