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701
p. 1148-1151
LES CRITIQUES DU MERCURE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Début :
Non, loin des bords charmans, où la Loire écumeuse, [...]
Mots clefs :
Critiques du Mercure, Auteurs, Article des morts, Article des Arrêts
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texteReconnaissance textuelle : LES CRITIQUES DU MERCURE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
LES CRITIQUES DU MERCURE.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisie,
en Bretagne.
On , loin des bords charmans , où la Loire
S'enfile , et s'enorgueillit de porter des Vais seaux ,
S'éleve une Ville fameuse
Par les biens que chez elle ont apporté les eaux
Là ( comme on nous en fait l'histoire 】
Chez certain Imprimeur , aux sourcis rechignés ,
Fier de quelques Ecus , à la hâte gagnez ,
S'assemble un plaisant Consistoire.
Medecins Damoiseaux , Avocats bien peignez,
Auprès des Ignorans , s'en faisant fort à croire ,
A vingt-cinq ou trente ans , Docteurs interli→
gnez,
Tiennent dans sa Boutique un nombreux Audi- toire.
1
Là, se passent par le Tamis ,
Auteur moderne , Auteur antique ;
Tout à leur sentiment , sans appel est soûmis ;
Sur l'Etiquette on juge , on déclare Hérétique ,
Poëte , Prosateur ; et leur caprice inique ,
Veut regler à son gré , sans connoître le Marc ,
1.Vol.
La
A JUIN. 1732. 1149
.2 La Balance de la critique.
Un jour sur le Mercure ils exerçoient leur arc.
-Parlez-moi , s'écrioit un Batard d'Hypocrate ,"
S'addressant au Seigneur Pergen ,
Ce Livre , à votre avis , contient- il rien de bon
Y trouvez-vous rien qui vous flatte ?
Qui , moi ? Vous vous mocquez , lui répond
l'autre : Non.
Mais sur tout ce qui me chagrine ,"
Me fait monter la bile , en un mot m'assassine ;
C'est que dans l'article des Morts ,
2
On n'y met point la maladie ;
Qui du dernier hoquet , leur causa les efforts.
Si l'Auteur avoit du gémie ,
Il feroit un détail , dont la douce armonie
Surpasseroit la mélodie,
D'un Cigne réduit aux abois
Il nous diroit combien de fois ,
Le malade a passé par la Phlébotomie ;
Combien il eut d'accès et de redoublemens .
Combien il prit de Lavemens.
Oh ! le Mercure alors , grace à ces agrémens ,
Sesoûtiendroit , malgré l'en vie.
Pour moi , dit Cujaton , qui se tait au Palais ,
Mais grand parleur en compagnie ,
Le Mercure , à mon sens , auroit beaucoup d'at- traits ,
I. Vol.
E i Si
1150 MERCURE DE FRANCE
Si dans l'article des Arrêts
On déploïoit les Plaidoiries.
Il faudroit commencer , d'abord par les Exploits,
Les petites Ecorcheries he
Sommations viendroient gentiment trois à trois ;
Puis marchant à grands pas , de vieux papiers
chargées , ใน ป
Par ordre paroîtroient vastes Productions',
Incidens supposez , fines inductions..
Ainsi ces pieces arrangées ,
Feroient par tout valoir ce Livre recherché ,
M
En ces mots nos Messieurs expliquoient leurs
pensées
Quand quelqu'un , dans un coin caché
S'en tira tout à coup ; et d'un ton très- fâché ,
Ces paroles par lui leur furent addressées.
Allez vous purger le cerveau ,
Avortons de la Medecine ;
Et vous, Avocats sans doctrine ,
Allez moucher , tousser , et cracher au Bareau.
Terminez des discours qu'à bon droit je comparc
A ceux d'une Bigote Ignare ,"
Qui se trouve au Sermon du Roy ,
Puis étant de retour chez soi j
Blâme , approuve , examine et croit en sa cere velle ,
I.Vol. Mêlant
JUIN. 1732. 1Isr
Mêlant et le Dogme , et la Foy ,.
Que ce docte Sermon fut fait exprès pour elle.
fat tist:statate
Par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisie,
en Bretagne.
On , loin des bords charmans , où la Loire
S'enfile , et s'enorgueillit de porter des Vais seaux ,
S'éleve une Ville fameuse
Par les biens que chez elle ont apporté les eaux
Là ( comme on nous en fait l'histoire 】
Chez certain Imprimeur , aux sourcis rechignés ,
Fier de quelques Ecus , à la hâte gagnez ,
S'assemble un plaisant Consistoire.
Medecins Damoiseaux , Avocats bien peignez,
Auprès des Ignorans , s'en faisant fort à croire ,
A vingt-cinq ou trente ans , Docteurs interli→
gnez,
Tiennent dans sa Boutique un nombreux Audi- toire.
1
Là, se passent par le Tamis ,
Auteur moderne , Auteur antique ;
Tout à leur sentiment , sans appel est soûmis ;
Sur l'Etiquette on juge , on déclare Hérétique ,
Poëte , Prosateur ; et leur caprice inique ,
Veut regler à son gré , sans connoître le Marc ,
1.Vol.
La
A JUIN. 1732. 1149
.2 La Balance de la critique.
Un jour sur le Mercure ils exerçoient leur arc.
-Parlez-moi , s'écrioit un Batard d'Hypocrate ,"
S'addressant au Seigneur Pergen ,
Ce Livre , à votre avis , contient- il rien de bon
Y trouvez-vous rien qui vous flatte ?
Qui , moi ? Vous vous mocquez , lui répond
l'autre : Non.
Mais sur tout ce qui me chagrine ,"
Me fait monter la bile , en un mot m'assassine ;
C'est que dans l'article des Morts ,
2
On n'y met point la maladie ;
Qui du dernier hoquet , leur causa les efforts.
Si l'Auteur avoit du gémie ,
Il feroit un détail , dont la douce armonie
Surpasseroit la mélodie,
D'un Cigne réduit aux abois
Il nous diroit combien de fois ,
Le malade a passé par la Phlébotomie ;
Combien il eut d'accès et de redoublemens .
Combien il prit de Lavemens.
Oh ! le Mercure alors , grace à ces agrémens ,
Sesoûtiendroit , malgré l'en vie.
Pour moi , dit Cujaton , qui se tait au Palais ,
Mais grand parleur en compagnie ,
Le Mercure , à mon sens , auroit beaucoup d'at- traits ,
I. Vol.
E i Si
1150 MERCURE DE FRANCE
Si dans l'article des Arrêts
On déploïoit les Plaidoiries.
Il faudroit commencer , d'abord par les Exploits,
Les petites Ecorcheries he
Sommations viendroient gentiment trois à trois ;
Puis marchant à grands pas , de vieux papiers
chargées , ใน ป
Par ordre paroîtroient vastes Productions',
Incidens supposez , fines inductions..
Ainsi ces pieces arrangées ,
Feroient par tout valoir ce Livre recherché ,
M
En ces mots nos Messieurs expliquoient leurs
pensées
Quand quelqu'un , dans un coin caché
S'en tira tout à coup ; et d'un ton très- fâché ,
Ces paroles par lui leur furent addressées.
Allez vous purger le cerveau ,
Avortons de la Medecine ;
Et vous, Avocats sans doctrine ,
Allez moucher , tousser , et cracher au Bareau.
Terminez des discours qu'à bon droit je comparc
A ceux d'une Bigote Ignare ,"
Qui se trouve au Sermon du Roy ,
Puis étant de retour chez soi j
Blâme , approuve , examine et croit en sa cere velle ,
I.Vol. Mêlant
JUIN. 1732. 1Isr
Mêlant et le Dogme , et la Foy ,.
Que ce docte Sermon fut fait exprès pour elle.
fat tist:statate
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Résumé : LES CRITIQUES DU MERCURE. Par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Le poème satirique 'Les Critiques du Mercure' est écrit par Mlle de Malcrais de la Vigne du Croisie en Bretagne. Il relate une réunion dans une ville connue pour ses eaux bénéfiques, où des médecins et des avocats se rassemblent chez un imprimeur. Ces individus, se prétendant docteurs, critiquent les auteurs modernes et antiques sans réelle connaissance. Ils jugent les œuvres littéraires uniquement sur leur apparence et déclarent hérétiques ceux qui ne correspondent pas à leurs goûts. Lors d'une réunion, ils critiquent le Mercure, une publication. Un médecin, s'adressant au Seigneur Pergen, regrette l'absence de détails médicaux dans les articles sur les décès, souhaitant des descriptions précises des maladies et des traitements. Un autre, Cujaton, propose que le Mercure inclue des détails sur les plaidoiries et les procédures judiciaires. Un observateur caché interrompt la réunion, critiquant les médecins et les avocats pour leur ignorance et leur manque de compétence. Il compare leurs discours à ceux d'une bigote ignorante analysant un sermon royal, mélangeant dogme et foi selon ses propres croyances.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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702
p. 1158-1174
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans [...]
Mots clefs :
Mémoires, République des Lettres, Table alphabétique, Savants, Écrivains, République littéraire, Jean Regnault de Segrais, Catalogue d'ouvrages
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texteReconnaissance textuelle : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &C.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire dèsHimmes Illustres dans la République
des Lettres , &c. T. XVI. de 410. pages
J. Vol. sang
JUIN. 1732. 1859
sans les Tables. A Paris , chez Briasson ,
rue S. Facques, à la Science. M. DCC. XXXI.
Ce seizième Tome des Memoires , recueillis par le R. P. Niceron , presente d'a
bord une Table Alphabetique de quatante Sçavans , dont il y est fait mention , et dont voici les noms.
7
George Abbot, Robert Abbot. Dominique
de Angelis. Joachim du Bellay. Flavia
Biondo. Etienne du Bois. Jean du Bois.
Philippe du Bois. Balthazar Bonifacio.
Pierre Brissot. Conrad Celtes Protucius.
Pierre Charron. Florent Carton d'Ancourt.
Jean Doujat. Nicolas. Everard. Thomas
Farnabe. Pierre- Sylvestre du Foin. Marie
de Fars de Gournay. Nicolas Grudius. Maurice Hofman. Jean Maurice Hoftman.
François Junius. François Junius le fils.
Jean Marot. Clement Marot. Michel de
Montaigne. Gerard Nood. Jean Owen..
Aonius Palearius. Onuphre Panvini. Gui
Riedlinus. Jean Rotrou. Henry Savile. Jean
Second Jean Renaud de Segrais. ThomasSydenham. Frederic Taubman. Antoine Vallisnieri. Blaise de Vigenere.
Quoique les Memoires en question ne
doivent regarder , selon le veritable objet de l'entreprise de l'Editeur , et selon
le titre même de son Recueil , que des
Hommes Illustres dans la République des
L.. Vol Lettres
T160 MERCURE DE FRANCE
Lettres , il s'en faut beaucoup que tous
les Ecrivains dont on nous parle ici , ayent
le même degré d'illustration ; quelquesuns même auront de la peine à passer
pour sçavans dans l'esprit de tous les Lecteurs. Tel est plus particulierement Florent Carton d'Ancourt , dont on trouve
PEloge et les Ouvrages , à la page 287.
et 291, de ce volume. Que le sieur d'Ancourt n'ait eu des talens considerables.
dans sa Profession de Comédien , et ensa qualité d'Auteur de plusieurs Pieces.
de Théatre , personne ne sçauroit le nier ;
mais qu'il doive être placé et consideré
parmi les Membres illustres et légitimes.
de la République Litteraire ; c'est ce qu'on
ne pourra que très difficilement accorder..
Comme cet Article peut faire cependant une très bonne figure dans l'Histoire du Théatre François t dans celle
des fameux Comédiens où il ne sera point
déplacé , il seroit peut-être bon de le retoucher , tant à cause des augmentations
qu'on peut y faire , que pour réparer quelques négligences de style , et certains em
barras de construction , qui se trouvent
quelquefois dans ces Mémoires , plutôt
de la part de ceux qui les ont fournis, que
de celle de notre Auteur ; à propos de
quoi nous ajoûterons qu'il seroit bon aus-,
I. Vol.
si
JUIN. 1732. 1167
si de mettre à la fin de chaque volume
un bon Errata , comme on l'a fait à l'égard des premiers.
Pour donner à nos Lecteurs , selon notre coûtume , une idée des Memoirescontenus dans ce Volume , nous insererons ici l'article entier de M. de Segrais .
homme veritablement illustre dans la
belle Litterature , et Sçavant de notre
temps.
EAN Renaud de Segrais , naquit à
Caën le 22. Août 1624. et y fit ses études dans le College des Jesuites. Après
sa Philosophie , il fut quelques années
sans se déterminer à aucun état. Pendant
ce temps là il s'occupa à la Poësie Fran
çoise qu'il cultiva jusqu'à la fin de sa vie,
et qui ne lui fut pas infructueuse , puisqu'elle lui servit , aussi bien qu'à ses qua
tre freres et à ses deux sœurs , pour les
tirer du mauvais état où la bonté ruineuse d'un Pere dissipateur , les avoit
laissez.
Une Tragédie sur la mort d'Hyppolite , le Roman de Berenice , dont il hazarda seulement les deux premieres parties , et plusieurs petits Ouvrages de Poësie sur divers sujets , furent les prémices
de son esprit qui parurent dans sa Province.
I. Vol. IL
1162 MERCURE DE FRANCE
Il n'avoit encore que 19. ou 20. ans
lorsque le Comte de Fiesque , fils de la.
Gouvernante de Mademoiselle , fille ainée du Duc d'Orleans Gaston , fut éloigné de la Cour et se retira à Caen; pendant le séjour qu'il y'fit , il prit du goût
pour lui et l'emmena à la Cour forsqu'ily
fut rappellé. Ce fut là qu'il acheva de
se former, et qu'il acquit la politesse et
le bon goût , qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages.
t
Le Comte de Fiesque le fit entrer en
1648. au service de Mademoiselle , en
qualité de Gentilhomme ordinaire , et il
y demeura jusques vers l'an 1672. que
cette Princesse croyant avoir quelque sujet de se plaindre de sa conduite , le fit
rayer de l'Etat de sa Maison. Elle nous
apprend elle-même dans ses Mémoires le
sujet qui lui attira sa disgrace. Elle y rapporte que Segrais ne vouloit point qu'elle
se mariât avec M. de Lauzun , et qu'il
aimoit mieux que ce fût avec M. de Longueville ; que quand l'affaire de M. de
Lauzun eut été rompuë , il alla avec
M: Guilloire , Secretaire de ses commandemens , voir M. de Chanvalon , Archevêque de Paris , pour lui dire que c'étoit
un scandale que Mademoiselle vît toûjour M. de Lauzun , et qu'il étoit obligé La Vela en
JUIN. 1732 116:3
en conscience d'y mettre ordre'; ce que
ee Prélat lui ayant dit , elle donna ordre
à Segrais de sortir de chez elle.
M. de Segrais ne manqua pas alors de
ressources. Madame de la Fayette eut la
generosité de lui donner un Appartement
chez elle , et il nous apprend lui- même
que M. le Duc de Longueville lui envoya aussi-tôt après zoo. pistoles , en le
chargeant très- expressement de n'en rien
dire à personne.
Lasse enfin de vivre dans le grand
Monde il se retira à Caën , résolu d'y
passer le reste de ses jours. Il y épousa
une riche heritiere , qui étoit sa parente,
et ce mariage le mit en état de vivre à son
aise , selon sa qualité , et de faire un établissement considerable. Personne ne remarque l'année où il se maria , mais on
peut juger que ce fut en 1679. par ce
Passage du Segraisiana, p. 75. qui contient une particularité de sa vie , qui doit
trouver ici sa place.
» Madame de Maintenon , dit- il en
>> cet endroit , a voulu me mettre auprès
» de M. le Duc du Maine , en la même
qualité que M.de Court , qui fut apellé,
Ȉ mon deffaut. Je venois de me marier
»j'avois par mon mariage honnêtement
de quoi vivre dans l'indépendance , er
1. Vol.
» même
1164 MERCURE DE FRANCE
»même mon beau- pere et ma belle - mere
qui étoient fort âgez , que je consultai
» là- dessus , me représenterent que j'avois
» de quoi raisonnablement me contenter,
» qu'ils étoient d'un âge à croire que Dieu
» les appelleroit bien- rôt , et qu'alors je
»pourrois vivre sans avoir rien à souhaiter; je considerois encore que j'avois en
ce temps là cinquante- cinq ans , et qu'il
»falloit au moins pour attendre la récom-
»pense des services que je pouvois rendre à M. le Duc du Maine , une dixaine
»d'années , et je n'avois aucune certitude
» de vivre si long- temps ; de plus , j'a-
» vois déja un peu de surdité , et ce fut
»le prétexte que je pris pour m'excuser.
» Madame de Fontevrault , sœur de Ma-
» dame de Montespan , me manda qu'il
ne s'agissoit pas d'écouter le Prince , mais
»de lui parlers je fis réponse queje sça-
» vois par experience que dans un Pays
comme celui- là , il falloit avoir bons
» yeux et bonnes oreilles. En effet il faut
y connoître parfaitement son monde
» et parler plus souvent à l'oreille qu'à
haute voix. Ainsi je demeurai comme
j'étois.
n
M. de Segrais avoit été reçû à l'Académie Françoise dès l'année 1662. et comme celle de Caën étoit demeurée sans Pro-
>
1.Vol. *Lecteur
JUIN.. 1732. 1165
گی
tecteur depuis la mort de François , de
Matignon , Lieutenant de Roy en Normandie , .arrivée en 1675. il en recueillit
les Membres chez lui , où il fit accommoder un Appartement fort propre pour y
tenir leurs Assemblées.
Il fut affligé pendant les derniers mois
de sa vie d'une langueur causée par une
hydropisie , qu'il regarda comme une faveur du Ciel , et dont il sçut profiter
en Chrétien.
Il mourut le 25. Mars 1701. dans sa
77. année.
Ses talens ne se bornoient pas à bien
écrire ; il avoit encore beaucoup d'agrémens dans la conversation; il sçavoit mille
choses agréables , et il les racontoit d'une
maniere qui faisoit autant de plaisir que
les choses mêmes. Quand il avoit une fois
commencé il ne finissoit pas aisément ;
et M. de Matignon disoit à ce sujet qu'il
n'y avoit qu'à monterSegrais , et à le lais
ser aller. Il ne parloit pourtant jamais
trop au gré de ceux qui l'écoutoient , et
l'extrême surdité où il étoit tombé sur
la fin de ses jours , n'empêchoit pas que
les personnes les plus distinguées ne l'ale
lassent voir pour le plaisir seul de l'entendre. C'étoit un homme doux , complaisant , aimant à faire plaisir , et ne di1.Vol sant
166 MERCURE DE FRANCE
sant jamais rien de desobligeant de
sonne.
perM. de la Monnoye fit à l'occasion de
sa mort cette Epigramme , qu'on attribuë
mal-à- propos, à l'Abbé Testu , dans un
Recueil d'Epigrammes , publié en 1720.
Quand Segrais affranchi de terrestres liens ,
Descendit plein de gloire aux Champs Elisiens
Virgile en beau François lui fit une Harangue;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris ;
Si je sçais , lui dit- il , le fin de votre Langue,
Cest vous qui me l'avez appris.
par
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Athis. Pastorale. Paris , 1653. in 4.
Cette Piece de Poësie que M. de Segrais
fit en l'honneur de son Pays , a merité
l'Approbation de M. Huet , qui la
trouve préferable à ses autres Ouvrages
la nouveauté de l'invention et par
l'agrément de la fiction , quoique l'obscurité des lieux que Segrais a choisis pour
être le Théatre des avantures qu'il décrit,
et qui ne sont connus que par ceux qui
les habitent , ayent fait perdre à cet Ouvrage une partie des applaudissemens qu'il méritoit.
2. Les Nouvelles Françoises , ou les Divertissemens de la Princesse Aurelie. Paris,
I.Vol 3657
1 JUIN. 1732. 1167
1657. in 8. z. vol. Ce sont des Historiettes qu'il avoit composées pour amuser
Mademoiselle à S. Fargeau , où elle étoit
retirée . Comme il n'en avoit fait tirer
que peu d'exemplaires , le Livre étoit rare
avant la réimpression qu'on en a faite en
1722. Paris , in 12. 2. vol.
3. Diverses Poësies. Paris , 1658. in 4.
4. L'Eneide de Virgile, traduite en Vers
François. Paris , in 4. 2. vol. Le premier
en 1668. et le second en 1681. Idem.
2. Edition. Amsterdam, 1700. in 8. 2. vol.
et depuis à Lyon.
5. Les Georgiques de Virgile , traduites
enVers François Ouvrage postume. Paris ,
1711. in 8. Ces deux Traductions de Vir
gile sont estimées des connoisseurs , qui
trouvent que Segrais a eu l'art de rendre
en notre Langue toutes les beautez , les
graces et l'agrément qui se trouvent dans
Le Poëte Latin , du moins autant que cela
est possible.
- 6. Segraisiana , ou Melange d'Histoire et
de Litterature , recueilli des Entretiens de
M. Segrais. Les Eglogues et l'Amour gueri
par le Temps, Tragédie- Ballet du même Auteur, non imprimés. Ensemble la Relation
de l'Isle imaginaire et l'Histoire de la Prin
cesse de Paphlagonie , imprimées en 1646.
par l'ordre de MADEMOISELLE. La Haye ,
J.Ꮧ. Val. F 1722
1168 MERCURE DE FRANCE
*
1722. in 8. Cette premiere Edition a éte
faite à Paris , a été suivie d'une autre faite
en 1723. à Amsterdam in 12. qui est beau
coup plus belle.
La Préface qu'on voit à la tête de l'une
et de l'autre , est de M. de la Monnoye.
On y dit que les particularitez contenues
dans le Segraisiana , ont été recueillies
par les soins d'un illustre Conseiller d'Etat , ( c'est-à- dire M. Foucault , Intendant de Caën ) dont la Maison étoit le
rendez- vous de tout ce qu'il y avoit à
Caen de personnes de mérite et de qualité M. de Segrais y étoit reçû avec distinction ; lorsque sa santé lui permettoit
de s'y trouver , il y avoit pour lui une
place de réserve auprès d'une Tapisserie,
derriere laquelle un homme de confiance
étoit caché, qui écrivoit ce qu'il disoit ;
et c'est de-là qu'a été tiré le Segraisiana ,
dans lequel il y a plusieurs faits singuliers et curieux , quoiqu'on ne puisse nier
qu'il n'y en ait aussi plusieurs qui ne méritoient pas d'être conservez à la posterité , et d'autres même évidemment faux.
Les Eglogues sont au nombre de sept ,
et on y a joint une Lettre de M. Ogier
sur la premiere , avec la Réponse de M.de
Segrais , qui excelloit principalement en
ce genre de Poësie . Tout le monde conI. Vol.
vient
JUIN. 17320 1169
avient , dit Baillet , Jugement des Sçavans,
» qu'il a pris le caractere de l'Eglogue ,
et qu'il a sçû attraper ce point de la
simplicité et de la pudeur que les An-
» ciens avoient sçû exprimer, sans pourtant
»avoir rien de la bassesse et des manieres
» niaises où sont tombez plusieurs de nos
22
faiseurs d'Eglogues Françoises , qui ont
» voulu imiter cette naïveté ancienne ,
»pour ne pas sortir du caractere Buco-
» lique. Ses figures sont douces , ses mou-
» vemens y sont temperez et formez sur
»les mœurs que doivent avoir les personnages qu'il employe. Les pensées y
sont ingénues , la diction y est pure et
»sans affectation , les Vers y sont coulans.
Ce sont des manieres toutes unies, et des
» discours tout naturels Enfin on juge qu'il
»est très- difficile de rien écrire en ce gen
» re avec plus de douceur , de tendresse
»et d'agrément. C'est ce qui a fait dire
à Despreaux , en invitant les Poëtes à ce
lebrer la gloire de Louis le Grand :
Que Segrais dans l'Eglogue en charme les Forêts. ”
Il avoit cette simplicité et cette naïveté de Malherbe , qu'il avoit beaucoup
étudié , et pour lequel il avoit une estime
si particuliere , qu'il fit faire en pierre sa
Statue plus grande que le nature , li fit
A VOL Fij élever
1170 MERCURE DE FRANCE
4
élever dans une niche faite exprès à la
façade de sa Maison de Caën , et fit graver au-dessous sur un Marbre noir ces
quatre Vers.
Malherbe , de la France éternel ornement ,
Pour rendre hommage à ta mémoire,
Segrais , enchanté de ta gloire ,
Te consacre ce Monument.
L'Amour gueri par le Temps , n'avoit
pas encore été imprimé. M. de Segrais
avoit composé cette Piece pour être mişe
en chant , et l'avoit donnée à M. Lully
pour cela ; mais ce Musicien se souvenant
d'un petit chagrin qu'il croyoit avoir autrefois reçû de M. Segrais chez Mademoiselle, la garda trois mois entiers , après
lesquels il la renvoya comme ne pouvant
y travailler, parce que les Vers, disoit- il ,
en étoient durs et rebelles au chant.
7. La Princesse de Cleves, Paris , 1678.
in. 12. 4. vol. Item. Paris , .1689. et 1700.
in 12. 2. Tom. » Trois beaux esprits , die
le P. le Long, dans sa Bibliotheque His-
»torique de la France , ont contribué à la
»composition de ce Roman, qui est bien
écrit et a eu beaucoup de succès. Fran-
ȍois VI. Duc de la Rochefoucault , more
en 1680, en a fourni les sentimens; les
maximes et les intrigues sont de l'inven1. Vol. tion
JUIN. 1732.
»tion de Marie-Magdeleine de la Vergne,
» Comtesse dé la Fayette , morte en 1693.
et le tout a été mis en œuvre avec au-
>> tant d'esprit que de délicatesse, par Jean
»Renaud de Segrais. Il est vrai que M.de
»Segrais lui- même paroît dans le Sagrai-
»siana , p. 9. attribuer entierement ceg
Ouvrage à Madame de la Fayette, lors-
» qu'il y dit; la Princesse de Cleves est
» de Madame de la Fayette , qui a méprisé de répondre à la Critique que le
»P. Bouhours en a faite. Mais il s'explique autrement plus bas , p. 73. où il en
parle comme d'un Ouvrage qui étoit de lui. »
Celui , dit- il , qui a critiqué la
» Princesse de Cleves , a trouvé mauvais,
&c. La raison pourquoi je ne voulus
»point prendre la peine de lui répondre,
c'est qu'il n'avoit aucune connoissance
» des regles de ces sortes d'Ouvrages, ni
» de l'usage du monde , et que je ferois
beaucoup plus d'état de l'approbation
»de Madame la Comtesse de la Fayette
» et de M. de la Rochefoucault , qui
>> avoient ces connoissances en perfection.
33
8. Zayde , Histoire Espagnole. Paris ,
in 12. Ce petit Roman qui a été imprimé plusieurs fois avec le Traité de l'Origine des Romans de M. Huet , porte
par tout dans le Titre le nom de M. ScJ. Vol. F iij grais
1172 MERCURE DE FRANCE
grais. M. Huet veut cependant dans ses
Origines de Caën , p. 409. qu'il soit de
la Comtesse de la Fayette.» Je l'ai vû, ditnil , souvent occupée à ce travail , et elle
>me le communiqua tout entier , piece à.
»piece , avant que de le rendre public. Et
commece fut pour cet Ouvrage que je
aje composai leTraité de l'origine des Ro
mans qui fut mis à la tête , elle me disoit
»Souventque nous avions mariénos enfans.
»ensemble. M. de Segrais ne disconvient
point de ce fait , mais il nous apprend
qu'il a contribué en quelque chose à ce
Livre. Zayde , dit- il , dans le Segraisia-
»na , qui a paru sans mon nom , est de
» Madame de la Fayete. Il est vrai que
»j'y ai eu quelque part , mais seulement
»pour la disposition du Roman où
>> les regles de l'Art sont observées avec
> exactitude.
>
Voyez , Huet, les Origines de la Ville
de Caen ; la Préface du Segraisiana ; la
Description du Parnasse François ; Baillet,
Jugement des Sçavans , sur les Poëtes.
Le Public nous sçaura , sans doute ,
quelque gré, si nous ajoûtons ici deux ou
trois Epitaphes de M. de Segrais , qui ne
sont apparemment pas venues à la connoissance de l'Editeur de ces Memoires.
La premiere est de la composition de
1. Vol.
M.
JUIN. 1732. 1173
M. de Segrais même , et ne consiste qu'en
ces deux Vers Latins , imitez de Virgile.
Mantua megenuit , &c.
MeCadomusgenuit : tenet Aula et pulchra Liquoris
Fecit blandus amor vatem , mens lata beatum;
Celle qui suit est de M. du Bourget de
Chaulieu , Gentilhomme de Caën. On y
fait allusion ' au temps de sa mort , qui
arrivala nuit du Jeudi auVendredi Saint.
Segrais des beaux Esprits si justement chéri ,
Et
qui fut des
neuf
Sœurs
le tendre
Favori
,
Achevant
de ses jours
l'innocente
carriere
,
Adressoit à son Dieu cette ardente Priere :*
Seigneur , accordez-moi qu'au tems de mon trépas ,
Vers la nuit du Tombeau j'accompagne vos pas.
Il dit et s'apperçut qu'une même journée,
A celle du Sauveur , unit sa destinée ; ·
Son esprit dégagé par un effort pieux ,
'Au gré de ses desirs s'élance vers les Cieux :
Segrais ne peut survivre à l'Auteur de la vie ;
Quelsort est plus heureux et plus digne d'envie ?
La derniere a été faite par Madame
d'Osseville , aussi de la Ville de Caën.
Ne cherchons plus , helas ! Segrais dans ces bas Lieux ,
I. Vol.
Mille Fiiij
1174 MERCURE DE FRANCE
Mille Vertus , ses Compagnes fideles
Tour-à-tour ont prêté leurs aîles ,
Pour élever son ame aux Cieux.
Ce qui nous reste ici d'un bien si précieux ;
Sous ce Marbre n'est plus que cendre,
Les Sçavans auront soin d'apprendre
Par des traits immortels à la Posterité ,
Quel fut ce Favori des Filles de Memoire ;
Mais gravons dans nos cœurs le fond de probite
Dont il fit son unique gloire
DES BEAUX ARTS , &C.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire dèsHimmes Illustres dans la République
des Lettres , &c. T. XVI. de 410. pages
J. Vol. sang
JUIN. 1732. 1859
sans les Tables. A Paris , chez Briasson ,
rue S. Facques, à la Science. M. DCC. XXXI.
Ce seizième Tome des Memoires , recueillis par le R. P. Niceron , presente d'a
bord une Table Alphabetique de quatante Sçavans , dont il y est fait mention , et dont voici les noms.
7
George Abbot, Robert Abbot. Dominique
de Angelis. Joachim du Bellay. Flavia
Biondo. Etienne du Bois. Jean du Bois.
Philippe du Bois. Balthazar Bonifacio.
Pierre Brissot. Conrad Celtes Protucius.
Pierre Charron. Florent Carton d'Ancourt.
Jean Doujat. Nicolas. Everard. Thomas
Farnabe. Pierre- Sylvestre du Foin. Marie
de Fars de Gournay. Nicolas Grudius. Maurice Hofman. Jean Maurice Hoftman.
François Junius. François Junius le fils.
Jean Marot. Clement Marot. Michel de
Montaigne. Gerard Nood. Jean Owen..
Aonius Palearius. Onuphre Panvini. Gui
Riedlinus. Jean Rotrou. Henry Savile. Jean
Second Jean Renaud de Segrais. ThomasSydenham. Frederic Taubman. Antoine Vallisnieri. Blaise de Vigenere.
Quoique les Memoires en question ne
doivent regarder , selon le veritable objet de l'entreprise de l'Editeur , et selon
le titre même de son Recueil , que des
Hommes Illustres dans la République des
L.. Vol Lettres
T160 MERCURE DE FRANCE
Lettres , il s'en faut beaucoup que tous
les Ecrivains dont on nous parle ici , ayent
le même degré d'illustration ; quelquesuns même auront de la peine à passer
pour sçavans dans l'esprit de tous les Lecteurs. Tel est plus particulierement Florent Carton d'Ancourt , dont on trouve
PEloge et les Ouvrages , à la page 287.
et 291, de ce volume. Que le sieur d'Ancourt n'ait eu des talens considerables.
dans sa Profession de Comédien , et ensa qualité d'Auteur de plusieurs Pieces.
de Théatre , personne ne sçauroit le nier ;
mais qu'il doive être placé et consideré
parmi les Membres illustres et légitimes.
de la République Litteraire ; c'est ce qu'on
ne pourra que très difficilement accorder..
Comme cet Article peut faire cependant une très bonne figure dans l'Histoire du Théatre François t dans celle
des fameux Comédiens où il ne sera point
déplacé , il seroit peut-être bon de le retoucher , tant à cause des augmentations
qu'on peut y faire , que pour réparer quelques négligences de style , et certains em
barras de construction , qui se trouvent
quelquefois dans ces Mémoires , plutôt
de la part de ceux qui les ont fournis, que
de celle de notre Auteur ; à propos de
quoi nous ajoûterons qu'il seroit bon aus-,
I. Vol.
si
JUIN. 1732. 1167
si de mettre à la fin de chaque volume
un bon Errata , comme on l'a fait à l'égard des premiers.
Pour donner à nos Lecteurs , selon notre coûtume , une idée des Memoirescontenus dans ce Volume , nous insererons ici l'article entier de M. de Segrais .
homme veritablement illustre dans la
belle Litterature , et Sçavant de notre
temps.
EAN Renaud de Segrais , naquit à
Caën le 22. Août 1624. et y fit ses études dans le College des Jesuites. Après
sa Philosophie , il fut quelques années
sans se déterminer à aucun état. Pendant
ce temps là il s'occupa à la Poësie Fran
çoise qu'il cultiva jusqu'à la fin de sa vie,
et qui ne lui fut pas infructueuse , puisqu'elle lui servit , aussi bien qu'à ses qua
tre freres et à ses deux sœurs , pour les
tirer du mauvais état où la bonté ruineuse d'un Pere dissipateur , les avoit
laissez.
Une Tragédie sur la mort d'Hyppolite , le Roman de Berenice , dont il hazarda seulement les deux premieres parties , et plusieurs petits Ouvrages de Poësie sur divers sujets , furent les prémices
de son esprit qui parurent dans sa Province.
I. Vol. IL
1162 MERCURE DE FRANCE
Il n'avoit encore que 19. ou 20. ans
lorsque le Comte de Fiesque , fils de la.
Gouvernante de Mademoiselle , fille ainée du Duc d'Orleans Gaston , fut éloigné de la Cour et se retira à Caen; pendant le séjour qu'il y'fit , il prit du goût
pour lui et l'emmena à la Cour forsqu'ily
fut rappellé. Ce fut là qu'il acheva de
se former, et qu'il acquit la politesse et
le bon goût , qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages.
t
Le Comte de Fiesque le fit entrer en
1648. au service de Mademoiselle , en
qualité de Gentilhomme ordinaire , et il
y demeura jusques vers l'an 1672. que
cette Princesse croyant avoir quelque sujet de se plaindre de sa conduite , le fit
rayer de l'Etat de sa Maison. Elle nous
apprend elle-même dans ses Mémoires le
sujet qui lui attira sa disgrace. Elle y rapporte que Segrais ne vouloit point qu'elle
se mariât avec M. de Lauzun , et qu'il
aimoit mieux que ce fût avec M. de Longueville ; que quand l'affaire de M. de
Lauzun eut été rompuë , il alla avec
M: Guilloire , Secretaire de ses commandemens , voir M. de Chanvalon , Archevêque de Paris , pour lui dire que c'étoit
un scandale que Mademoiselle vît toûjour M. de Lauzun , et qu'il étoit obligé La Vela en
JUIN. 1732 116:3
en conscience d'y mettre ordre'; ce que
ee Prélat lui ayant dit , elle donna ordre
à Segrais de sortir de chez elle.
M. de Segrais ne manqua pas alors de
ressources. Madame de la Fayette eut la
generosité de lui donner un Appartement
chez elle , et il nous apprend lui- même
que M. le Duc de Longueville lui envoya aussi-tôt après zoo. pistoles , en le
chargeant très- expressement de n'en rien
dire à personne.
Lasse enfin de vivre dans le grand
Monde il se retira à Caën , résolu d'y
passer le reste de ses jours. Il y épousa
une riche heritiere , qui étoit sa parente,
et ce mariage le mit en état de vivre à son
aise , selon sa qualité , et de faire un établissement considerable. Personne ne remarque l'année où il se maria , mais on
peut juger que ce fut en 1679. par ce
Passage du Segraisiana, p. 75. qui contient une particularité de sa vie , qui doit
trouver ici sa place.
» Madame de Maintenon , dit- il en
>> cet endroit , a voulu me mettre auprès
» de M. le Duc du Maine , en la même
qualité que M.de Court , qui fut apellé,
Ȉ mon deffaut. Je venois de me marier
»j'avois par mon mariage honnêtement
de quoi vivre dans l'indépendance , er
1. Vol.
» même
1164 MERCURE DE FRANCE
»même mon beau- pere et ma belle - mere
qui étoient fort âgez , que je consultai
» là- dessus , me représenterent que j'avois
» de quoi raisonnablement me contenter,
» qu'ils étoient d'un âge à croire que Dieu
» les appelleroit bien- rôt , et qu'alors je
»pourrois vivre sans avoir rien à souhaiter; je considerois encore que j'avois en
ce temps là cinquante- cinq ans , et qu'il
»falloit au moins pour attendre la récom-
»pense des services que je pouvois rendre à M. le Duc du Maine , une dixaine
»d'années , et je n'avois aucune certitude
» de vivre si long- temps ; de plus , j'a-
» vois déja un peu de surdité , et ce fut
»le prétexte que je pris pour m'excuser.
» Madame de Fontevrault , sœur de Ma-
» dame de Montespan , me manda qu'il
ne s'agissoit pas d'écouter le Prince , mais
»de lui parlers je fis réponse queje sça-
» vois par experience que dans un Pays
comme celui- là , il falloit avoir bons
» yeux et bonnes oreilles. En effet il faut
y connoître parfaitement son monde
» et parler plus souvent à l'oreille qu'à
haute voix. Ainsi je demeurai comme
j'étois.
n
M. de Segrais avoit été reçû à l'Académie Françoise dès l'année 1662. et comme celle de Caën étoit demeurée sans Pro-
>
1.Vol. *Lecteur
JUIN.. 1732. 1165
گی
tecteur depuis la mort de François , de
Matignon , Lieutenant de Roy en Normandie , .arrivée en 1675. il en recueillit
les Membres chez lui , où il fit accommoder un Appartement fort propre pour y
tenir leurs Assemblées.
Il fut affligé pendant les derniers mois
de sa vie d'une langueur causée par une
hydropisie , qu'il regarda comme une faveur du Ciel , et dont il sçut profiter
en Chrétien.
Il mourut le 25. Mars 1701. dans sa
77. année.
Ses talens ne se bornoient pas à bien
écrire ; il avoit encore beaucoup d'agrémens dans la conversation; il sçavoit mille
choses agréables , et il les racontoit d'une
maniere qui faisoit autant de plaisir que
les choses mêmes. Quand il avoit une fois
commencé il ne finissoit pas aisément ;
et M. de Matignon disoit à ce sujet qu'il
n'y avoit qu'à monterSegrais , et à le lais
ser aller. Il ne parloit pourtant jamais
trop au gré de ceux qui l'écoutoient , et
l'extrême surdité où il étoit tombé sur
la fin de ses jours , n'empêchoit pas que
les personnes les plus distinguées ne l'ale
lassent voir pour le plaisir seul de l'entendre. C'étoit un homme doux , complaisant , aimant à faire plaisir , et ne di1.Vol sant
166 MERCURE DE FRANCE
sant jamais rien de desobligeant de
sonne.
perM. de la Monnoye fit à l'occasion de
sa mort cette Epigramme , qu'on attribuë
mal-à- propos, à l'Abbé Testu , dans un
Recueil d'Epigrammes , publié en 1720.
Quand Segrais affranchi de terrestres liens ,
Descendit plein de gloire aux Champs Elisiens
Virgile en beau François lui fit une Harangue;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris ;
Si je sçais , lui dit- il , le fin de votre Langue,
Cest vous qui me l'avez appris.
par
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Athis. Pastorale. Paris , 1653. in 4.
Cette Piece de Poësie que M. de Segrais
fit en l'honneur de son Pays , a merité
l'Approbation de M. Huet , qui la
trouve préferable à ses autres Ouvrages
la nouveauté de l'invention et par
l'agrément de la fiction , quoique l'obscurité des lieux que Segrais a choisis pour
être le Théatre des avantures qu'il décrit,
et qui ne sont connus que par ceux qui
les habitent , ayent fait perdre à cet Ouvrage une partie des applaudissemens qu'il méritoit.
2. Les Nouvelles Françoises , ou les Divertissemens de la Princesse Aurelie. Paris,
I.Vol 3657
1 JUIN. 1732. 1167
1657. in 8. z. vol. Ce sont des Historiettes qu'il avoit composées pour amuser
Mademoiselle à S. Fargeau , où elle étoit
retirée . Comme il n'en avoit fait tirer
que peu d'exemplaires , le Livre étoit rare
avant la réimpression qu'on en a faite en
1722. Paris , in 12. 2. vol.
3. Diverses Poësies. Paris , 1658. in 4.
4. L'Eneide de Virgile, traduite en Vers
François. Paris , in 4. 2. vol. Le premier
en 1668. et le second en 1681. Idem.
2. Edition. Amsterdam, 1700. in 8. 2. vol.
et depuis à Lyon.
5. Les Georgiques de Virgile , traduites
enVers François Ouvrage postume. Paris ,
1711. in 8. Ces deux Traductions de Vir
gile sont estimées des connoisseurs , qui
trouvent que Segrais a eu l'art de rendre
en notre Langue toutes les beautez , les
graces et l'agrément qui se trouvent dans
Le Poëte Latin , du moins autant que cela
est possible.
- 6. Segraisiana , ou Melange d'Histoire et
de Litterature , recueilli des Entretiens de
M. Segrais. Les Eglogues et l'Amour gueri
par le Temps, Tragédie- Ballet du même Auteur, non imprimés. Ensemble la Relation
de l'Isle imaginaire et l'Histoire de la Prin
cesse de Paphlagonie , imprimées en 1646.
par l'ordre de MADEMOISELLE. La Haye ,
J.Ꮧ. Val. F 1722
1168 MERCURE DE FRANCE
*
1722. in 8. Cette premiere Edition a éte
faite à Paris , a été suivie d'une autre faite
en 1723. à Amsterdam in 12. qui est beau
coup plus belle.
La Préface qu'on voit à la tête de l'une
et de l'autre , est de M. de la Monnoye.
On y dit que les particularitez contenues
dans le Segraisiana , ont été recueillies
par les soins d'un illustre Conseiller d'Etat , ( c'est-à- dire M. Foucault , Intendant de Caën ) dont la Maison étoit le
rendez- vous de tout ce qu'il y avoit à
Caen de personnes de mérite et de qualité M. de Segrais y étoit reçû avec distinction ; lorsque sa santé lui permettoit
de s'y trouver , il y avoit pour lui une
place de réserve auprès d'une Tapisserie,
derriere laquelle un homme de confiance
étoit caché, qui écrivoit ce qu'il disoit ;
et c'est de-là qu'a été tiré le Segraisiana ,
dans lequel il y a plusieurs faits singuliers et curieux , quoiqu'on ne puisse nier
qu'il n'y en ait aussi plusieurs qui ne méritoient pas d'être conservez à la posterité , et d'autres même évidemment faux.
Les Eglogues sont au nombre de sept ,
et on y a joint une Lettre de M. Ogier
sur la premiere , avec la Réponse de M.de
Segrais , qui excelloit principalement en
ce genre de Poësie . Tout le monde conI. Vol.
vient
JUIN. 17320 1169
avient , dit Baillet , Jugement des Sçavans,
» qu'il a pris le caractere de l'Eglogue ,
et qu'il a sçû attraper ce point de la
simplicité et de la pudeur que les An-
» ciens avoient sçû exprimer, sans pourtant
»avoir rien de la bassesse et des manieres
» niaises où sont tombez plusieurs de nos
22
faiseurs d'Eglogues Françoises , qui ont
» voulu imiter cette naïveté ancienne ,
»pour ne pas sortir du caractere Buco-
» lique. Ses figures sont douces , ses mou-
» vemens y sont temperez et formez sur
»les mœurs que doivent avoir les personnages qu'il employe. Les pensées y
sont ingénues , la diction y est pure et
»sans affectation , les Vers y sont coulans.
Ce sont des manieres toutes unies, et des
» discours tout naturels Enfin on juge qu'il
»est très- difficile de rien écrire en ce gen
» re avec plus de douceur , de tendresse
»et d'agrément. C'est ce qui a fait dire
à Despreaux , en invitant les Poëtes à ce
lebrer la gloire de Louis le Grand :
Que Segrais dans l'Eglogue en charme les Forêts. ”
Il avoit cette simplicité et cette naïveté de Malherbe , qu'il avoit beaucoup
étudié , et pour lequel il avoit une estime
si particuliere , qu'il fit faire en pierre sa
Statue plus grande que le nature , li fit
A VOL Fij élever
1170 MERCURE DE FRANCE
4
élever dans une niche faite exprès à la
façade de sa Maison de Caën , et fit graver au-dessous sur un Marbre noir ces
quatre Vers.
Malherbe , de la France éternel ornement ,
Pour rendre hommage à ta mémoire,
Segrais , enchanté de ta gloire ,
Te consacre ce Monument.
L'Amour gueri par le Temps , n'avoit
pas encore été imprimé. M. de Segrais
avoit composé cette Piece pour être mişe
en chant , et l'avoit donnée à M. Lully
pour cela ; mais ce Musicien se souvenant
d'un petit chagrin qu'il croyoit avoir autrefois reçû de M. Segrais chez Mademoiselle, la garda trois mois entiers , après
lesquels il la renvoya comme ne pouvant
y travailler, parce que les Vers, disoit- il ,
en étoient durs et rebelles au chant.
7. La Princesse de Cleves, Paris , 1678.
in. 12. 4. vol. Item. Paris , .1689. et 1700.
in 12. 2. Tom. » Trois beaux esprits , die
le P. le Long, dans sa Bibliotheque His-
»torique de la France , ont contribué à la
»composition de ce Roman, qui est bien
écrit et a eu beaucoup de succès. Fran-
ȍois VI. Duc de la Rochefoucault , more
en 1680, en a fourni les sentimens; les
maximes et les intrigues sont de l'inven1. Vol. tion
JUIN. 1732.
»tion de Marie-Magdeleine de la Vergne,
» Comtesse dé la Fayette , morte en 1693.
et le tout a été mis en œuvre avec au-
>> tant d'esprit que de délicatesse, par Jean
»Renaud de Segrais. Il est vrai que M.de
»Segrais lui- même paroît dans le Sagrai-
»siana , p. 9. attribuer entierement ceg
Ouvrage à Madame de la Fayette, lors-
» qu'il y dit; la Princesse de Cleves est
» de Madame de la Fayette , qui a méprisé de répondre à la Critique que le
»P. Bouhours en a faite. Mais il s'explique autrement plus bas , p. 73. où il en
parle comme d'un Ouvrage qui étoit de lui. »
Celui , dit- il , qui a critiqué la
» Princesse de Cleves , a trouvé mauvais,
&c. La raison pourquoi je ne voulus
»point prendre la peine de lui répondre,
c'est qu'il n'avoit aucune connoissance
» des regles de ces sortes d'Ouvrages, ni
» de l'usage du monde , et que je ferois
beaucoup plus d'état de l'approbation
»de Madame la Comtesse de la Fayette
» et de M. de la Rochefoucault , qui
>> avoient ces connoissances en perfection.
33
8. Zayde , Histoire Espagnole. Paris ,
in 12. Ce petit Roman qui a été imprimé plusieurs fois avec le Traité de l'Origine des Romans de M. Huet , porte
par tout dans le Titre le nom de M. ScJ. Vol. F iij grais
1172 MERCURE DE FRANCE
grais. M. Huet veut cependant dans ses
Origines de Caën , p. 409. qu'il soit de
la Comtesse de la Fayette.» Je l'ai vû, ditnil , souvent occupée à ce travail , et elle
>me le communiqua tout entier , piece à.
»piece , avant que de le rendre public. Et
commece fut pour cet Ouvrage que je
aje composai leTraité de l'origine des Ro
mans qui fut mis à la tête , elle me disoit
»Souventque nous avions mariénos enfans.
»ensemble. M. de Segrais ne disconvient
point de ce fait , mais il nous apprend
qu'il a contribué en quelque chose à ce
Livre. Zayde , dit- il , dans le Segraisia-
»na , qui a paru sans mon nom , est de
» Madame de la Fayete. Il est vrai que
»j'y ai eu quelque part , mais seulement
»pour la disposition du Roman où
>> les regles de l'Art sont observées avec
> exactitude.
>
Voyez , Huet, les Origines de la Ville
de Caen ; la Préface du Segraisiana ; la
Description du Parnasse François ; Baillet,
Jugement des Sçavans , sur les Poëtes.
Le Public nous sçaura , sans doute ,
quelque gré, si nous ajoûtons ici deux ou
trois Epitaphes de M. de Segrais , qui ne
sont apparemment pas venues à la connoissance de l'Editeur de ces Memoires.
La premiere est de la composition de
1. Vol.
M.
JUIN. 1732. 1173
M. de Segrais même , et ne consiste qu'en
ces deux Vers Latins , imitez de Virgile.
Mantua megenuit , &c.
MeCadomusgenuit : tenet Aula et pulchra Liquoris
Fecit blandus amor vatem , mens lata beatum;
Celle qui suit est de M. du Bourget de
Chaulieu , Gentilhomme de Caën. On y
fait allusion ' au temps de sa mort , qui
arrivala nuit du Jeudi auVendredi Saint.
Segrais des beaux Esprits si justement chéri ,
Et
qui fut des
neuf
Sœurs
le tendre
Favori
,
Achevant
de ses jours
l'innocente
carriere
,
Adressoit à son Dieu cette ardente Priere :*
Seigneur , accordez-moi qu'au tems de mon trépas ,
Vers la nuit du Tombeau j'accompagne vos pas.
Il dit et s'apperçut qu'une même journée,
A celle du Sauveur , unit sa destinée ; ·
Son esprit dégagé par un effort pieux ,
'Au gré de ses desirs s'élance vers les Cieux :
Segrais ne peut survivre à l'Auteur de la vie ;
Quelsort est plus heureux et plus digne d'envie ?
La derniere a été faite par Madame
d'Osseville , aussi de la Ville de Caën.
Ne cherchons plus , helas ! Segrais dans ces bas Lieux ,
I. Vol.
Mille Fiiij
1174 MERCURE DE FRANCE
Mille Vertus , ses Compagnes fideles
Tour-à-tour ont prêté leurs aîles ,
Pour élever son ame aux Cieux.
Ce qui nous reste ici d'un bien si précieux ;
Sous ce Marbre n'est plus que cendre,
Les Sçavans auront soin d'apprendre
Par des traits immortels à la Posterité ,
Quel fut ce Favori des Filles de Memoire ;
Mais gravons dans nos cœurs le fond de probite
Dont il fit son unique gloire
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Résumé : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Le seizième tome des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres', compilé par le R. P. Niceron, présente une table alphabétique de quarante savants, incluant George Abbot, Joachim du Bellay, Michel de Montaigne, et Jean Renaud de Segrais. Tous les écrivains mentionnés ne partagent pas le même degré d'illustration, Florent Carton d'Ancourt étant un exemple d'auteur dont le statut de savant est discutable. Le texte met en avant Jean Renaud de Segrais, né à Caen en 1624, qui se distingua par ses talents en poésie française. Après des études chez les Jésuites, il fut introduit à la cour grâce au Comte de Fiesque. Segrais servit Mademoiselle, fille du Duc d'Orléans, jusqu'à sa disgrâce en 1672 pour des raisons politiques. Il se retira ensuite à Caen, où il se maria et vécut confortablement. Segrais fut membre de l'Académie Française dès 1662 et accueillit les membres de l'Académie de Caen chez lui après la mort de François de Matignon. Ses œuvres notables incluent 'Athis', une pastorale, 'Les Nouvelles Françoises', et des traductions des œuvres de Virgile. Segrais était également apprécié pour ses talents conversationnels et sa douceur. Il mourut en 1701 à l'âge de 77 ans. Le texte se conclut par une épigramme de M. de la Monnoye et un catalogue des œuvres de Segrais. Segrais est décrit comme un auteur capable d'écrire avec douceur, tendresse et agrément, ce qui lui valut des éloges, notamment de la part de Boileau. Il admirait Malherbe et fit ériger une statue en son honneur sur sa maison de Caen. Segrais composa 'L'Amour guéri par le Temps', une pièce destinée à être mise en musique par Lully, mais celle-ci fut retardée en raison d'un différend entre les deux hommes. Le texte mentionne également la collaboration de Segrais sur des œuvres littéraires notables. Il contribua à 'La Princesse de Cleves', un roman bien écrit et à succès, en collaboration avec François VI de La Rochefoucauld et Marie-Madeleine de La Vergne, Comtesse de La Fayette. Segrais et Huet discutèrent de la paternité de 'Zayde', un autre roman, chacun reconnaissant l'implication de l'autre mais attribuant principalement l'œuvre à La Fayette. Enfin, plusieurs épitaphes en l'honneur de Segrais soulignent ses qualités littéraires et morales, et mentionnent sa mort le jour de la nuit du Jeudi au Vendredi Saint.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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703
p. 1193-1195
« Les Embellissemens qu'on a faits depuis peu dans la [...] »
Début :
Les Embellissemens qu'on a faits depuis peu dans la [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Salle de l'Opéra, Loges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Embellissemens qu'on a faits depuis peu dans la [...] »
SPECTACLE S.
Es Embellissemens qu'on a faits deLpuis peu dans la Sale de l'Opera , ordonnez par le Directeur de l'Académie
Royale de Musique , aux quarante- cinq
Loges , premieres , secondes et troisiémes , aux quatre Balcons et à l'Avant-.
Scene , qui font la distribution de cette
Sale , consistent sçavoir , au - dessus.
de la premiere Loge à droite , qui est
celle du Roy , on y a peint le Buste
d'Apollon ; à celle de la Reine , qui est
vis-à-vis , celui de Minerve ; ils sont suivis, sur la même ligne , des Panneaux des
secondes Loges , des Bustes des plus celebres Poëtes et des Muses , alternativement , ornez de Bas-reliefs , relatifs aux
Bustes en Médailles , qui forment le milieu superieur de chacune des premieres
Loges , peints en camaïeu ,
enfermez par
1. Vol. Gij des
1194 MERCURE DE FRANCE
des Guirlandes de fleurs de coloris , et
soutenus par des ornemens rehaussez d'or.
On voit sur les bases des premieres
Loges des Cartouches , entremêlez d'ornemens rehaussez d'or , aussi ornez de
Festons de fleurs de coloris , dans lesquels
sont des Trophées , des Attributs d'Apollon , de Minerve , des Muses et des
Poëtes , &c. Ce sont les principales parties qui font la Décoration des premieres
et secondes Loges ; les troisièmes sont
décorées d'ornemens convenables et dans
le même goût des autres ornemens.
Toutes les Loges sont séparées par des
Palmiers sur les montans , qui s'élevent
des Consoles et des Agrafes de Sculpture ;
le.tout rehaussé d'or ou doré en plein.
Les dedans et les Plafonds des Loges
sont feints de Damas et autres riches Etoffes , de même que les Plafonds des Compartimens , au milieu desquels sont des
Rosettes en saillie dorées en plein.
4
Le grand Rideau qui ferme le Théatre
presente à la vie un grand morceau de
coloris , dont les figures sont de la proportion d'environ sept pieds , la Bordure est rehaussée d'or , composée des
parties convenables au sujet. Apollon
y paroît au milieu d'une Gloire , sur
le devant de l'Autel des Sacrifices ; il
Lo Vol Y
JUIN. 1732. 1197
y est accompagné de differents Génies,
des Muses , &c. Le Dieu des Vers semble ordonner au Génie de l'Invention
désigné par le flambeau qu'il porte , d'alTer échauffer l'imagination de ses differens Génies , à qui Melpomene , Thalie ,
Erato et Terpsicore , ont confié leurs at
tributs.
Les Armes du Roy font le couronnement de la Bordure , elles sont accompagnées de branches de deux Palmiers ,
dont les troncs prennent leurs racines des
ornemens de la base de cette Bordure ,
et en montant forment un Plan circu
laire , varié au pourtour du Tableau ; aux
troncs des Palmiers qui sont entourez de
branches et de feuilles de Lauriers , sont
attachez quatre differens Trophées 3 sça -
voir, à droite ceux qui désignent l'Héroïque et le Pastoral , et au côté opposé
ceux du Lyrique et du Satirique. Le Serpent Pithon paroît sortir des ornemens
de cette Base , vaincu et rampant , ce qui
forme le milieu du Tableau.
Le Public a fort applaudi à ces nouveaux embellissemens , dont l'invention
et la prompte execution est dûë au sieur
le Maire , Peintre fort entendu , et qui
a déja réussi bien des fois dans ces sortes
d'Ouvrages.
1. Vol.
Es Embellissemens qu'on a faits deLpuis peu dans la Sale de l'Opera , ordonnez par le Directeur de l'Académie
Royale de Musique , aux quarante- cinq
Loges , premieres , secondes et troisiémes , aux quatre Balcons et à l'Avant-.
Scene , qui font la distribution de cette
Sale , consistent sçavoir , au - dessus.
de la premiere Loge à droite , qui est
celle du Roy , on y a peint le Buste
d'Apollon ; à celle de la Reine , qui est
vis-à-vis , celui de Minerve ; ils sont suivis, sur la même ligne , des Panneaux des
secondes Loges , des Bustes des plus celebres Poëtes et des Muses , alternativement , ornez de Bas-reliefs , relatifs aux
Bustes en Médailles , qui forment le milieu superieur de chacune des premieres
Loges , peints en camaïeu ,
enfermez par
1. Vol. Gij des
1194 MERCURE DE FRANCE
des Guirlandes de fleurs de coloris , et
soutenus par des ornemens rehaussez d'or.
On voit sur les bases des premieres
Loges des Cartouches , entremêlez d'ornemens rehaussez d'or , aussi ornez de
Festons de fleurs de coloris , dans lesquels
sont des Trophées , des Attributs d'Apollon , de Minerve , des Muses et des
Poëtes , &c. Ce sont les principales parties qui font la Décoration des premieres
et secondes Loges ; les troisièmes sont
décorées d'ornemens convenables et dans
le même goût des autres ornemens.
Toutes les Loges sont séparées par des
Palmiers sur les montans , qui s'élevent
des Consoles et des Agrafes de Sculpture ;
le.tout rehaussé d'or ou doré en plein.
Les dedans et les Plafonds des Loges
sont feints de Damas et autres riches Etoffes , de même que les Plafonds des Compartimens , au milieu desquels sont des
Rosettes en saillie dorées en plein.
4
Le grand Rideau qui ferme le Théatre
presente à la vie un grand morceau de
coloris , dont les figures sont de la proportion d'environ sept pieds , la Bordure est rehaussée d'or , composée des
parties convenables au sujet. Apollon
y paroît au milieu d'une Gloire , sur
le devant de l'Autel des Sacrifices ; il
Lo Vol Y
JUIN. 1732. 1197
y est accompagné de differents Génies,
des Muses , &c. Le Dieu des Vers semble ordonner au Génie de l'Invention
désigné par le flambeau qu'il porte , d'alTer échauffer l'imagination de ses differens Génies , à qui Melpomene , Thalie ,
Erato et Terpsicore , ont confié leurs at
tributs.
Les Armes du Roy font le couronnement de la Bordure , elles sont accompagnées de branches de deux Palmiers ,
dont les troncs prennent leurs racines des
ornemens de la base de cette Bordure ,
et en montant forment un Plan circu
laire , varié au pourtour du Tableau ; aux
troncs des Palmiers qui sont entourez de
branches et de feuilles de Lauriers , sont
attachez quatre differens Trophées 3 sça -
voir, à droite ceux qui désignent l'Héroïque et le Pastoral , et au côté opposé
ceux du Lyrique et du Satirique. Le Serpent Pithon paroît sortir des ornemens
de cette Base , vaincu et rampant , ce qui
forme le milieu du Tableau.
Le Public a fort applaudi à ces nouveaux embellissemens , dont l'invention
et la prompte execution est dûë au sieur
le Maire , Peintre fort entendu , et qui
a déja réussi bien des fois dans ces sortes
d'Ouvrages.
1. Vol.
Fermer
Résumé : « Les Embellissemens qu'on a faits depuis peu dans la [...] »
Le Directeur de l'Académie Royale de Musique a ordonné des embellissements récents dans la salle de l'Opéra. Les modifications concernent les loges, les balcons et l'avant-scène. Les loges du Roi et de la Reine sont ornées de bustes d'Apollon et de Minerve. Les secondes loges présentent des bustes de poètes célèbres et de Muses, accompagnés de bas-reliefs et de médailles en camaïeu. Les décorations incluent des guirlandes de fleurs, des ornements dorés et des cartouches avec des trophées et des attributs des divinités et des poètes. Les troisièmes loges sont décorées de manière similaire. Les loges sont séparées par des palmiers sculptés et dorés, et leurs intérieurs imitent des étoffes riches. Le grand rideau du théâtre montre Apollon entouré de génies et de Muses, avec les armes du Roi couronnant la bordure. Des palmiers et des trophées symbolisant différents genres poétiques sont présents, ainsi qu'un serpent Python vaincu. Le public a apprécié ces nouveaux embellissements, attribués au sieur le Maire, un peintre compétent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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704
p. 1196-1210
Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique, donna le 5. de ce [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Ballet des sens, Musique, Théâtre, Entrées, Prologue, Dessein, Camargo, Mademoiselle Sallé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique , donna le 5. de ce mois la premiere Repré
sentation du Ballet des Sens le Pu- , que
blic vit avec plaisir. Des cinq Entrées qui
composent ce Ballet , on n'en a joué que
trois , on fair esperer que les autres viendront successivement. M. Mouret en a
fait la Musique , dont on a parû très- sa◄
tisfait. Quantà l'Auteur du Poëme , comme il ne juge pas encore à propos de se
nommer , nous ne l'annoncerons que
lorsqu'il voudra bien jouir de sa gloire ;
en attendant , instruisons le Public de ce
qui concerne ce Ballet.
Au Prologue , le Théatre représente
l'Assemblée des Dieux ; ils s'unissent tous
en faveur des Mortels , assujettis aux infirmitez de la vie et à la fatalité de la
mort ; Venus est la Divinité qui paroît
s'interesser le plus dans leur sort ; voici
comme elle parle au Maître des Dieux :
Ton bras soutient contre l'effort des ans.
Les Arbres , les Rochers , de ta vaste puissance ,
Trop insensibles Monumens ;
Des Mers et des Forêts les divers habitans ,
Jouissent de tes dons , mais sans reconnoissance ;
Les Humains t'adressent leurs vœux ;
Ta gloire chaque jour s'accroît par leur hom mage ,
1. Vol. Pour
JUIN. 1732. 1197
Pourquoi ton plus parfait Ouvrage ,
Est-il le moins cher à tes yeux ?
Jupiter lui répond , que tel est l'ordre
du Destin , qui n'a pas voulu leur donner l'immortalité , de peur qu'ils ne bravassent les Dieux par ingratitude , au lieu
de les encenser par reconnoissance .
Mercure se joint à Venus pour obtenir du moins en faveur des Mortels , un
usage agréable des Sens. Jupiter leur répond qu'il craint qu'ils ne rendent ce don
pernicieux par d'injustes caprices ; il ne
laisse pas d'accorder ce qu'on lui demande , et s'explique ainsi :
Volez, charmans plaisirs , volez de toutes parts
Suivez chez les Mortels la Reine de Cythere ;
Brillez , enchantez leurs regards ;
Regnez, et que le Dieu des Arts ,
Vous embellisse et vous éclaire.
leurs Tous les Dieux témoignent par
danses la part qu'ils prennent au bonheur des hommes.
L'ODORAT. Premiere Entrée.
La Scene présente aux yeux les Jardins des Rois de Babilone. Clytie , Reine
de Babylone , commence par se plaindre
de l'inconstance du Soleil , qui après l'aI. Vol.
voir Giiij
1198 MERCURE DE FRANCE
voir quelque temps aimée , a porté ses
vœux à Leucothoé , sa sœur ; Enone , sa
Confidente , vient augmenter la haine
qu'elle a déja pour sa Řivale , en lui
prenant que l'ingrat dont elle se plaint
apva rendre sa nouvelle Maîtresse immortelle. Ce dernier trait porte le désespoir
dans le cœur de Clytie , et la fait parler
ainsi :
Prevenons cet affront ; seconde ma fúrie ;
Que le fer , le poison en délivre mes yeux ;
Il vient : elle se croit au comble de ses vœux ;
Mais ce plaisir sera le dernier de sa vie.
Leucothoć se plaint au Soleil de ce qu'il
la quitte si- tôt :il lui dit qu'il ne remonte
aux Cieuxque pour son propre interêt yet
que le Destin lui a promis de la rendre
immortelle; il ajoûte tendrement et galamment :
Nous unir à jamais , est le bien ou j'aspire ;
Non; dans tout l'Univers j'allume moins de feux
Que dans mon cœur n'en répandent vos yeux :
Pour les voir plus long- temps , ces beaux yeux
que j'adore ,
Je descends plus tard dans les Mers,
J'éveille plus matin l'Aurore ,
J'abbrege les nuits des hyvers.
I. Vol.
Ce
JUIN. 1732. 1199
Ce bel étalage que le Soleil fait de ses
feux , ne rassure pas Leucothoé ; ello lui
fait sentir qu'il a déja aimé sa sœur et
qu'il pourroit bien retourner à ses premieres chaînes ; le Soleil ne veut pas convenir qu'il ait déja été infidele , et par
un aveù tout des plus suspects, il lui div:
Clytie est votre sœuret votre Souveraine ;
Four votre sûreté j'adoucissois sa haine ;
Mais les Dieux vont enfin vous ouvrir leur séjour
Et vous ne craindrez plus une foible Mortelle ;
Je vais marquer au Ciel votre place nouvelle.
Le Soleil remonte aux Cieux , au grand
regret de la tendre Leucothoé. Elle fait
un. Monologue par lequel elle exprime
le desir empressé qu'elle a de revoir l'ob
jet de son amour.
Clytie vient faire avec elle une Scene
de dissimulation ; elle lui fait entendre
qu'elle ne songe plus au Soleil par ces
quatre Vers:
Pour rappeller un infidelle ,
Devons-nous perdre des soupirs ?
C'est nous couvrir d'une honte nouvelle
Et du volage encor redoubler les plaisirs.
Elle ne laisse pas de faire sentir à sa RIvale , qu'elle doit craindre le même sott
I. Kal. GAV qu'elle
1200 MERCURE DE FRANCE
qu'elle a éprouvés Leucothoé en est frappée. Clytie lui dit de l'aller attendre au
Temple , où elles se jureront une amitiééternelle ; et de peur que le Public ne
prenne le change sur sa prétendue sincerité , elle l'instruit de ses vrais sentimens.
par ce Vers :
Rivale que je hais , tu cours à ton supplice.
1
Enone vient lui montrer comme un
dépôt précieux , le Vase empoisonné qui
doit donner la mort à sa sœur ; Clytie
s'applaudit de sa prochaine vengeance
elle apperçoit la clarté renaissante du Soleil ; c'est ce qui la détermine à aller pres
ser l'execution de son barbare projet.
Le Soleil descend des Cieux ; les Heures qui forment sa Cour , forment aussi
la fête de cette premiere Entrée ; le So
leil y appelle les Babyloniens par ces quatre Vers :
Peuples de ces climats , celebrez ma conquête ;.
Dressez-lui les premiers Autels ;
Plaisirs , Amours , à cette Fête ,
Interessez les Dieux et les Mortels.
Pendant que le Soleil ordonne tranquil
lement l'Apothéose de son Amante ; Ĉlytie employe bien mieux des momens si
I. Vol. chers
JUIN. 1732. 1201
chers à sa vengeance ; il semble même
que le Soleil soit de concert avec elle ,
puisqu'il ne s'apperçoit de l'absence de
Leucothoé , que lorsqu'il n'est plus temps
d'empêcher sa mort ; voici quelle est sa
tardive reflexion :
Leucothoé devoit ici m'attendre ;
Qui peut la ravir à mes yeux ?
Cessez vos chants ; je ne puis les entendre ,
OCiel ! en quel état me la rendent les Dieux.
Ce qui donne lieu à ce dernier Vers ,
c'est l'arrivée de Leucothoé empoisonnée et expirante. Le Soleil ne reçoit plus
que ses derniers soupirs , et l'immortalité
que le Destin lui avoit promise pour elle,
se réduit à une métamorphose en l'Arbre
qui porte l'encens.
LE TOUCHER. Seconde Entrée.
Le Théatre représente le Temple de
Proserpine , au milieu duquel est la Statuë de Protesilas , Lardamie est aux pieds
de la Statue. Une Prêtresse de Proserpine
euvre la Scene par ces quatreVers :
Digne fille de Cerès ,
Reçoi les vœux d'un cœur tendre ;
Que l'objet de nos regrets ,
Puisse aujourd'hui les entendre
J. Vola G vj OFF
1202 MERCURE DE FRANCE
On voit bien que ce cœur tendre , c'èst
Laodamie , et que c'est Protesilas qui est
T'objet de ces tristes vœux. Après quelques autres Vers chantez alternativement
par la Prêtresse et par les Chœurs,et animez par des danses , Laodamie s'avance
sur le bord du Théatre , et expose le
sujet par ces. Vers.:
Illustre et cher Epour, non , non , la morg
cruelle ,
Ne sçauroit séparer nos cœurs ;
Tu respires encor dans ce Marbre fidelle ,
Qui trompe et nourrit mes douleurs ;
Je le touche, l'embrasse , et crois que j'y rap
pelle,
La vie , et nos chastes ardeurs.
Illustre et chér Epoux , &c.
Diomede , qui a quitté le Siege de Troye,
pour apporter à Laodamie l'épée et le
Diadême de Protesilas , tristes restes d'un
si cher Epoux , tâche de consoler cette
Reine gémissante; il ne s'en tient pas à
de simples complimens de condoleance,
un plus pressant motif l'a arraché au devoir que sa gloire et ses premiers sermens
lui imposaient; c'est l'amour qu'il avoit
conçu pour Laodamie , avant la mort de
Protesilas ; cette Epouse inconsolable est
si surprise et si irritée de l'aveu qu'il lui
en fair , qu'elle s'écrie :
JUIN. 1732. 1203
Qu'entends-je ? quels discours ! ô Ciel ! le puisje croire
Respectez-vous si peu mon amour et ma gloire
Diomede s'excuse du mieux qu'il peut;
mais voyant qu'il attaque un cœur plus
difficile à emporter que la Ville de Troye;
il renonce à la conquête que son amour
s'étoit proposée , pour retourner à celle
que lui présente sa gloire..
Après de nouveaux regrets ' de Laodamie, dont Proserpine est enfin touchées
cette Reine gagne tout , quand elle croit
tout perdu ; un orage soudain qui fait
tremblerla terre sous ses pas , et qui est
suivi de la foudre , abîme là Statuë de som
cher Epoux; ce nouveau malheur l'acca
ble, et lui fait dire :
ODieux ! ce Monument d'une flamme si belle
Devoit-il de la foudre attirer les éclats ?
J'ai tout perdu ; je languis , je chancelle ;
Le jour fuit ; j'entrevois les routes du trépas !
Elle tombe évanouie. Heureuse pamoi
son ! c'est dans ce même moment que
Proserpine sort des Enfers avec Protesilas , à qui elle dit : ."
Ouvre les yeux à la clarté celeste ;
Triomphe de la Mort, c'est le prix de tes feux-;-
L. Vol Bour
1204 MERCURE DE FRANCE
Pour Admete autrefois j'ai fait revivre Alceste ;
Tendre Epoux, je te rends à l'objet de tes vœux.
La Scene entre Laodamie revenuë de
son évanouissement , et Protesilas ressuscité , a paru très - touchante ; on n'a pas
bien compris comment cette Entrée peut convenir au toucher ; il n'est prequé question de ce Sens que dans ce Vers que nous
avons cité au sujet de la Statuë de Marbre :
Je le touche , l'embrasse , et crois que j'y rappelle
La vie et nos chastes ardeurs , &c.
Mais ce n'est point là , dit- on , ce qui
a ressuscité Protesilas ; c'est la bonté de.
Proserpine ; il est vrai que l'Auteur a prétendu encore nous parler du toucher dans
ces Vers que Laodamie dit à Diomede :
Voilà de mes plaisirs et l'objet et le gage:
Dans ces embrassemens je goute mille appas ;
Vous voyez dans ces traits sa fierté , son courage ;
Sa flamme dans ses yeux ne brille-t'elle pas à
Il semble de mon cœur entendre le langage,
Il semble qu'il me tend les bras.
Tout cela (continuënt les Critiques) nous
parle bien du toucher ; mais ce qu'on nous
en dit ne rend pas la vie au Héros de
I. Vol. Laodamie..
JUIN. 1732. 1205
Laodamie. Apparemment que l'Auteur a
eu ses raisons pour ne pas tirer son allegorie plus au clair ; imitons sa sagesse.
Les Ombres heureuses de la suite de
Proserpine , forment la Fête de cette Entrée, la Musique en a paruë très- touchante , mais plus convenable, dit- on , à une
Tragédie qu'à un Ballet.
LA VUE. Troisiéme Entrée.
Le Théatre représente une vaste Cam- pagne , bornée par des Côteaux fleuris.
Čet Acte a paru un des plus picquants
qu'on ait vûs dans ce genre ; on auroit
souhaité que tous ceux qui forment ce
nouveau Balet fussent sur le même ton..
L'Amour et Zephire exposent le sujet ; la
Dile le Maure représente l'Amour , et la
Die Petitpas fait le Rôle de Zephire. Jamais exposition de Piece n'a été si generalement applaudie ; les deux voix qui la
font sont des plus belles qu'on puisse entendre; la premiere n'eut jamais tant d'éclat , et l'autre a l'avantage de se soutenir à côté de son inimitable concurrente,
et de partager les suffrages avec elle. L'Amour à quitté son bandeau pour la pre
miere fois ; voici comment il expliqueP'impression que les couleurs font sur ses
yeux.
L. Vol. Mes
T206 MERCURE DE FRANCE
Mes yeux qu'un voilé épais a si long- temps cou
verts ,
S'ouvrent enfin à la lumiere ,
Cher Zephire , je crois voir naître l'Univers;
Je crois que le Soleil qui colore les Airs ,
Commence pour moi sa carriere.
Zephire l'exhorte par ces Vers à bien
user de la faveur que les Dieux viennent
de lui accorder , en lui donnant le précieux. usage de la vûë.
Songe à quel prix les Dieux t'accordent ces bienfaits.
Amour , quand ta main témeraire ,
Fait voler au hazard tes flammes et tes traits ,
Ton bandeau sert d'excuse aux mauxque tu peux
faire ;
L'excuse cesse desormais ;
C'est pour le bien des coeurs que le Destin t'éi
claire.
Dans la suite de cette Scene qui se sou
tient du commencement à la fin , l'Amour fait entendre qu'il aime Iris , voici
comment il s'exprime :
·
C'est entre la Terre et les Cieux ,
Que brille l'objet qui m'enchante :
Son Trône est un Arc radieux ,
Et toutes les couleurs qui séduisent les yeux,
L. Kol. Forment
JUIN 17320 1207
Forment sa parure éclatante ; ´´
C'est sur son front serein qu'on voit regner les
jeux ;
Sa presence toujours chérie et bienfaisante ,
Dissipe en un moment les orages affreux ;
C'est Iris , de Junon l'aimable Confidente.
A cet aveu Zephire cesse de craindre
d'avoir un Rival tel que l'Amour ; lés
ailes que le Destin leur a données à tous
deux , et d'autres traits de ressemblance lui faisoient appréhender que Flore ne le prit pour lui ; l'Auteur a imaginé
cette ressemblance , pour faire une Scenetrès-jolie entre l'Amour et Iris. Zephirequitte l'Amour pour aller prévenir Flore
sur cette ressemblance dont elle pourroit
être abusée.
L'Amour fait un beau Monologue.
sur les sentimens de son cœur , en voici
les quatre premiers Vers :
Enchantez mes regards , objets délicieux ,
Vous me dédommagez du séjour du Tonnerre ;-
Brillez , naissantes fleurs , vous êtes à la Terre ;.
Ce que
lés Astres sont aux Cieux.
Cette Scene est interrompue par un
orage qu'Iris vient dissiper ; elle paroît
sur l'Arc- en-Ciel , ce Trône radieux n'a
1. Vol jamais
1208 MERCURE DE FRANCE
jamais paru avec plus d'éclat. Voici le
premier compliment que lui fait l'Amour"
qu'elle prend pour l'inconstant Zephire.
Triomphez, belle Iris , tout ressent vos attraits ,
Et vos regards sont des beaux faits :
Vos couleurs font pâlir l'Aurore ;
Le Soleil éblouit , votre éclat est plus doux,;
Air , la Terre et les Cieux, tout s'embellit par vous.
La Versification du reste de cette Scene répond à ce gracieux début. Iris prenant l'Amour pour Zephire , le renvoye
à Flore , l'Amour est prêt à la détromper , mais il en est empêché par la brusque irruption d'Aquilon , son impetueux
Amant.Onauroit souhaité pour rendre cet
Acte plus parfait que la Scène de déclaration n'eut pas été interrompuë ; la reconnoissance qui ne vient que dans une autre Scene , auroit été plus vive et il n'étoit pas difficile de la filer avec art.
Zephire suivi de la Cour de Flore vient
faire le divertissement de cette troisiéme
Entrée : cette Fête est des plus riantes.
Nous ne parlerons point icy de la quatriéme ni de la cinquième Entrée, qui caracterisent les sens de l'Onie et du Goût ;
I. Vol nous
JUIN. 17320 1209
les
nous en rendrons compte quand elles auront été mises au Théatre , et nous ferons
part à nos Lecteurs des Observations du
Public , dont nous ne sommes que
Echos , quand il aura prononcé sur les
beautez et les deffauts qui peuvent se
trouver dans cet ouvrage.
Au Prologue, la DileErremans,le S*Chassé et le Sr Dumast remplissent les Rôles.
de Venus , de Jupiter et de Mercure.
Dans la premiere Entrée de l'Odorat, les
trois principaux Rôles de Lencothoé , de
Clitie et du Soleil , sont tres bien remplis.
par les Diles Lemaure et Antier , et par
le S Tribon.
Les Rôles de Laodamie , de Proserpine ,
de Protesilas et de Diomede sont parfaite
ment joüez par les Dules Pelissier et Julie ,
et par les S Chassé et Tribon:
Les Rôles d'Iris et d'Aquilon , à la 3 *
Entrée, sont remplis par la DeErremans,
et par le St Dun. Nous avons déja nommé les Diles Lemaure et Petitpas , en parlant de l'Amour et de Zéphire. Le triomphe de cette premiere est complet ;
il semble que le public n'ait des yeux et
des oreilles que pour elle.
Le dessein du Ballet , composé par le
S¹ Blondi , a été trouvé fort ingénieux et
I. Vol.
très-
1210 MERCURE DE FRANCE
tres-bien caracterisé , il est exécuté dans
la plus grande perfection , par les meilleurs sujets de l'Académie. La Dile Ferret
danse dans le Prologue; les S Dupré
Laval et la DeSalé , dans la premiere Entrée ; les Srs Dumoulin et Maltaires dans
la seconde , et les Srs Laval , Dumoulin et
Ja Dile Camargo dans la troisiéme.
sentation du Ballet des Sens le Pu- , que
blic vit avec plaisir. Des cinq Entrées qui
composent ce Ballet , on n'en a joué que
trois , on fair esperer que les autres viendront successivement. M. Mouret en a
fait la Musique , dont on a parû très- sa◄
tisfait. Quantà l'Auteur du Poëme , comme il ne juge pas encore à propos de se
nommer , nous ne l'annoncerons que
lorsqu'il voudra bien jouir de sa gloire ;
en attendant , instruisons le Public de ce
qui concerne ce Ballet.
Au Prologue , le Théatre représente
l'Assemblée des Dieux ; ils s'unissent tous
en faveur des Mortels , assujettis aux infirmitez de la vie et à la fatalité de la
mort ; Venus est la Divinité qui paroît
s'interesser le plus dans leur sort ; voici
comme elle parle au Maître des Dieux :
Ton bras soutient contre l'effort des ans.
Les Arbres , les Rochers , de ta vaste puissance ,
Trop insensibles Monumens ;
Des Mers et des Forêts les divers habitans ,
Jouissent de tes dons , mais sans reconnoissance ;
Les Humains t'adressent leurs vœux ;
Ta gloire chaque jour s'accroît par leur hom mage ,
1. Vol. Pour
JUIN. 1732. 1197
Pourquoi ton plus parfait Ouvrage ,
Est-il le moins cher à tes yeux ?
Jupiter lui répond , que tel est l'ordre
du Destin , qui n'a pas voulu leur donner l'immortalité , de peur qu'ils ne bravassent les Dieux par ingratitude , au lieu
de les encenser par reconnoissance .
Mercure se joint à Venus pour obtenir du moins en faveur des Mortels , un
usage agréable des Sens. Jupiter leur répond qu'il craint qu'ils ne rendent ce don
pernicieux par d'injustes caprices ; il ne
laisse pas d'accorder ce qu'on lui demande , et s'explique ainsi :
Volez, charmans plaisirs , volez de toutes parts
Suivez chez les Mortels la Reine de Cythere ;
Brillez , enchantez leurs regards ;
Regnez, et que le Dieu des Arts ,
Vous embellisse et vous éclaire.
leurs Tous les Dieux témoignent par
danses la part qu'ils prennent au bonheur des hommes.
L'ODORAT. Premiere Entrée.
La Scene présente aux yeux les Jardins des Rois de Babilone. Clytie , Reine
de Babylone , commence par se plaindre
de l'inconstance du Soleil , qui après l'aI. Vol.
voir Giiij
1198 MERCURE DE FRANCE
voir quelque temps aimée , a porté ses
vœux à Leucothoé , sa sœur ; Enone , sa
Confidente , vient augmenter la haine
qu'elle a déja pour sa Řivale , en lui
prenant que l'ingrat dont elle se plaint
apva rendre sa nouvelle Maîtresse immortelle. Ce dernier trait porte le désespoir
dans le cœur de Clytie , et la fait parler
ainsi :
Prevenons cet affront ; seconde ma fúrie ;
Que le fer , le poison en délivre mes yeux ;
Il vient : elle se croit au comble de ses vœux ;
Mais ce plaisir sera le dernier de sa vie.
Leucothoć se plaint au Soleil de ce qu'il
la quitte si- tôt :il lui dit qu'il ne remonte
aux Cieuxque pour son propre interêt yet
que le Destin lui a promis de la rendre
immortelle; il ajoûte tendrement et galamment :
Nous unir à jamais , est le bien ou j'aspire ;
Non; dans tout l'Univers j'allume moins de feux
Que dans mon cœur n'en répandent vos yeux :
Pour les voir plus long- temps , ces beaux yeux
que j'adore ,
Je descends plus tard dans les Mers,
J'éveille plus matin l'Aurore ,
J'abbrege les nuits des hyvers.
I. Vol.
Ce
JUIN. 1732. 1199
Ce bel étalage que le Soleil fait de ses
feux , ne rassure pas Leucothoé ; ello lui
fait sentir qu'il a déja aimé sa sœur et
qu'il pourroit bien retourner à ses premieres chaînes ; le Soleil ne veut pas convenir qu'il ait déja été infidele , et par
un aveù tout des plus suspects, il lui div:
Clytie est votre sœuret votre Souveraine ;
Four votre sûreté j'adoucissois sa haine ;
Mais les Dieux vont enfin vous ouvrir leur séjour
Et vous ne craindrez plus une foible Mortelle ;
Je vais marquer au Ciel votre place nouvelle.
Le Soleil remonte aux Cieux , au grand
regret de la tendre Leucothoé. Elle fait
un. Monologue par lequel elle exprime
le desir empressé qu'elle a de revoir l'ob
jet de son amour.
Clytie vient faire avec elle une Scene
de dissimulation ; elle lui fait entendre
qu'elle ne songe plus au Soleil par ces
quatre Vers:
Pour rappeller un infidelle ,
Devons-nous perdre des soupirs ?
C'est nous couvrir d'une honte nouvelle
Et du volage encor redoubler les plaisirs.
Elle ne laisse pas de faire sentir à sa RIvale , qu'elle doit craindre le même sott
I. Kal. GAV qu'elle
1200 MERCURE DE FRANCE
qu'elle a éprouvés Leucothoé en est frappée. Clytie lui dit de l'aller attendre au
Temple , où elles se jureront une amitiééternelle ; et de peur que le Public ne
prenne le change sur sa prétendue sincerité , elle l'instruit de ses vrais sentimens.
par ce Vers :
Rivale que je hais , tu cours à ton supplice.
1
Enone vient lui montrer comme un
dépôt précieux , le Vase empoisonné qui
doit donner la mort à sa sœur ; Clytie
s'applaudit de sa prochaine vengeance
elle apperçoit la clarté renaissante du Soleil ; c'est ce qui la détermine à aller pres
ser l'execution de son barbare projet.
Le Soleil descend des Cieux ; les Heures qui forment sa Cour , forment aussi
la fête de cette premiere Entrée ; le So
leil y appelle les Babyloniens par ces quatre Vers :
Peuples de ces climats , celebrez ma conquête ;.
Dressez-lui les premiers Autels ;
Plaisirs , Amours , à cette Fête ,
Interessez les Dieux et les Mortels.
Pendant que le Soleil ordonne tranquil
lement l'Apothéose de son Amante ; Ĉlytie employe bien mieux des momens si
I. Vol. chers
JUIN. 1732. 1201
chers à sa vengeance ; il semble même
que le Soleil soit de concert avec elle ,
puisqu'il ne s'apperçoit de l'absence de
Leucothoé , que lorsqu'il n'est plus temps
d'empêcher sa mort ; voici quelle est sa
tardive reflexion :
Leucothoé devoit ici m'attendre ;
Qui peut la ravir à mes yeux ?
Cessez vos chants ; je ne puis les entendre ,
OCiel ! en quel état me la rendent les Dieux.
Ce qui donne lieu à ce dernier Vers ,
c'est l'arrivée de Leucothoé empoisonnée et expirante. Le Soleil ne reçoit plus
que ses derniers soupirs , et l'immortalité
que le Destin lui avoit promise pour elle,
se réduit à une métamorphose en l'Arbre
qui porte l'encens.
LE TOUCHER. Seconde Entrée.
Le Théatre représente le Temple de
Proserpine , au milieu duquel est la Statuë de Protesilas , Lardamie est aux pieds
de la Statue. Une Prêtresse de Proserpine
euvre la Scene par ces quatreVers :
Digne fille de Cerès ,
Reçoi les vœux d'un cœur tendre ;
Que l'objet de nos regrets ,
Puisse aujourd'hui les entendre
J. Vola G vj OFF
1202 MERCURE DE FRANCE
On voit bien que ce cœur tendre , c'èst
Laodamie , et que c'est Protesilas qui est
T'objet de ces tristes vœux. Après quelques autres Vers chantez alternativement
par la Prêtresse et par les Chœurs,et animez par des danses , Laodamie s'avance
sur le bord du Théatre , et expose le
sujet par ces. Vers.:
Illustre et cher Epour, non , non , la morg
cruelle ,
Ne sçauroit séparer nos cœurs ;
Tu respires encor dans ce Marbre fidelle ,
Qui trompe et nourrit mes douleurs ;
Je le touche, l'embrasse , et crois que j'y rap
pelle,
La vie , et nos chastes ardeurs.
Illustre et chér Epoux , &c.
Diomede , qui a quitté le Siege de Troye,
pour apporter à Laodamie l'épée et le
Diadême de Protesilas , tristes restes d'un
si cher Epoux , tâche de consoler cette
Reine gémissante; il ne s'en tient pas à
de simples complimens de condoleance,
un plus pressant motif l'a arraché au devoir que sa gloire et ses premiers sermens
lui imposaient; c'est l'amour qu'il avoit
conçu pour Laodamie , avant la mort de
Protesilas ; cette Epouse inconsolable est
si surprise et si irritée de l'aveu qu'il lui
en fair , qu'elle s'écrie :
JUIN. 1732. 1203
Qu'entends-je ? quels discours ! ô Ciel ! le puisje croire
Respectez-vous si peu mon amour et ma gloire
Diomede s'excuse du mieux qu'il peut;
mais voyant qu'il attaque un cœur plus
difficile à emporter que la Ville de Troye;
il renonce à la conquête que son amour
s'étoit proposée , pour retourner à celle
que lui présente sa gloire..
Après de nouveaux regrets ' de Laodamie, dont Proserpine est enfin touchées
cette Reine gagne tout , quand elle croit
tout perdu ; un orage soudain qui fait
tremblerla terre sous ses pas , et qui est
suivi de la foudre , abîme là Statuë de som
cher Epoux; ce nouveau malheur l'acca
ble, et lui fait dire :
ODieux ! ce Monument d'une flamme si belle
Devoit-il de la foudre attirer les éclats ?
J'ai tout perdu ; je languis , je chancelle ;
Le jour fuit ; j'entrevois les routes du trépas !
Elle tombe évanouie. Heureuse pamoi
son ! c'est dans ce même moment que
Proserpine sort des Enfers avec Protesilas , à qui elle dit : ."
Ouvre les yeux à la clarté celeste ;
Triomphe de la Mort, c'est le prix de tes feux-;-
L. Vol Bour
1204 MERCURE DE FRANCE
Pour Admete autrefois j'ai fait revivre Alceste ;
Tendre Epoux, je te rends à l'objet de tes vœux.
La Scene entre Laodamie revenuë de
son évanouissement , et Protesilas ressuscité , a paru très - touchante ; on n'a pas
bien compris comment cette Entrée peut convenir au toucher ; il n'est prequé question de ce Sens que dans ce Vers que nous
avons cité au sujet de la Statuë de Marbre :
Je le touche , l'embrasse , et crois que j'y rappelle
La vie et nos chastes ardeurs , &c.
Mais ce n'est point là , dit- on , ce qui
a ressuscité Protesilas ; c'est la bonté de.
Proserpine ; il est vrai que l'Auteur a prétendu encore nous parler du toucher dans
ces Vers que Laodamie dit à Diomede :
Voilà de mes plaisirs et l'objet et le gage:
Dans ces embrassemens je goute mille appas ;
Vous voyez dans ces traits sa fierté , son courage ;
Sa flamme dans ses yeux ne brille-t'elle pas à
Il semble de mon cœur entendre le langage,
Il semble qu'il me tend les bras.
Tout cela (continuënt les Critiques) nous
parle bien du toucher ; mais ce qu'on nous
en dit ne rend pas la vie au Héros de
I. Vol. Laodamie..
JUIN. 1732. 1205
Laodamie. Apparemment que l'Auteur a
eu ses raisons pour ne pas tirer son allegorie plus au clair ; imitons sa sagesse.
Les Ombres heureuses de la suite de
Proserpine , forment la Fête de cette Entrée, la Musique en a paruë très- touchante , mais plus convenable, dit- on , à une
Tragédie qu'à un Ballet.
LA VUE. Troisiéme Entrée.
Le Théatre représente une vaste Cam- pagne , bornée par des Côteaux fleuris.
Čet Acte a paru un des plus picquants
qu'on ait vûs dans ce genre ; on auroit
souhaité que tous ceux qui forment ce
nouveau Balet fussent sur le même ton..
L'Amour et Zephire exposent le sujet ; la
Dile le Maure représente l'Amour , et la
Die Petitpas fait le Rôle de Zephire. Jamais exposition de Piece n'a été si generalement applaudie ; les deux voix qui la
font sont des plus belles qu'on puisse entendre; la premiere n'eut jamais tant d'éclat , et l'autre a l'avantage de se soutenir à côté de son inimitable concurrente,
et de partager les suffrages avec elle. L'Amour à quitté son bandeau pour la pre
miere fois ; voici comment il expliqueP'impression que les couleurs font sur ses
yeux.
L. Vol. Mes
T206 MERCURE DE FRANCE
Mes yeux qu'un voilé épais a si long- temps cou
verts ,
S'ouvrent enfin à la lumiere ,
Cher Zephire , je crois voir naître l'Univers;
Je crois que le Soleil qui colore les Airs ,
Commence pour moi sa carriere.
Zephire l'exhorte par ces Vers à bien
user de la faveur que les Dieux viennent
de lui accorder , en lui donnant le précieux. usage de la vûë.
Songe à quel prix les Dieux t'accordent ces bienfaits.
Amour , quand ta main témeraire ,
Fait voler au hazard tes flammes et tes traits ,
Ton bandeau sert d'excuse aux mauxque tu peux
faire ;
L'excuse cesse desormais ;
C'est pour le bien des coeurs que le Destin t'éi
claire.
Dans la suite de cette Scene qui se sou
tient du commencement à la fin , l'Amour fait entendre qu'il aime Iris , voici
comment il s'exprime :
·
C'est entre la Terre et les Cieux ,
Que brille l'objet qui m'enchante :
Son Trône est un Arc radieux ,
Et toutes les couleurs qui séduisent les yeux,
L. Kol. Forment
JUIN 17320 1207
Forment sa parure éclatante ; ´´
C'est sur son front serein qu'on voit regner les
jeux ;
Sa presence toujours chérie et bienfaisante ,
Dissipe en un moment les orages affreux ;
C'est Iris , de Junon l'aimable Confidente.
A cet aveu Zephire cesse de craindre
d'avoir un Rival tel que l'Amour ; lés
ailes que le Destin leur a données à tous
deux , et d'autres traits de ressemblance lui faisoient appréhender que Flore ne le prit pour lui ; l'Auteur a imaginé
cette ressemblance , pour faire une Scenetrès-jolie entre l'Amour et Iris. Zephirequitte l'Amour pour aller prévenir Flore
sur cette ressemblance dont elle pourroit
être abusée.
L'Amour fait un beau Monologue.
sur les sentimens de son cœur , en voici
les quatre premiers Vers :
Enchantez mes regards , objets délicieux ,
Vous me dédommagez du séjour du Tonnerre ;-
Brillez , naissantes fleurs , vous êtes à la Terre ;.
Ce que
lés Astres sont aux Cieux.
Cette Scene est interrompue par un
orage qu'Iris vient dissiper ; elle paroît
sur l'Arc- en-Ciel , ce Trône radieux n'a
1. Vol jamais
1208 MERCURE DE FRANCE
jamais paru avec plus d'éclat. Voici le
premier compliment que lui fait l'Amour"
qu'elle prend pour l'inconstant Zephire.
Triomphez, belle Iris , tout ressent vos attraits ,
Et vos regards sont des beaux faits :
Vos couleurs font pâlir l'Aurore ;
Le Soleil éblouit , votre éclat est plus doux,;
Air , la Terre et les Cieux, tout s'embellit par vous.
La Versification du reste de cette Scene répond à ce gracieux début. Iris prenant l'Amour pour Zephire , le renvoye
à Flore , l'Amour est prêt à la détromper , mais il en est empêché par la brusque irruption d'Aquilon , son impetueux
Amant.Onauroit souhaité pour rendre cet
Acte plus parfait que la Scène de déclaration n'eut pas été interrompuë ; la reconnoissance qui ne vient que dans une autre Scene , auroit été plus vive et il n'étoit pas difficile de la filer avec art.
Zephire suivi de la Cour de Flore vient
faire le divertissement de cette troisiéme
Entrée : cette Fête est des plus riantes.
Nous ne parlerons point icy de la quatriéme ni de la cinquième Entrée, qui caracterisent les sens de l'Onie et du Goût ;
I. Vol nous
JUIN. 17320 1209
les
nous en rendrons compte quand elles auront été mises au Théatre , et nous ferons
part à nos Lecteurs des Observations du
Public , dont nous ne sommes que
Echos , quand il aura prononcé sur les
beautez et les deffauts qui peuvent se
trouver dans cet ouvrage.
Au Prologue, la DileErremans,le S*Chassé et le Sr Dumast remplissent les Rôles.
de Venus , de Jupiter et de Mercure.
Dans la premiere Entrée de l'Odorat, les
trois principaux Rôles de Lencothoé , de
Clitie et du Soleil , sont tres bien remplis.
par les Diles Lemaure et Antier , et par
le S Tribon.
Les Rôles de Laodamie , de Proserpine ,
de Protesilas et de Diomede sont parfaite
ment joüez par les Dules Pelissier et Julie ,
et par les S Chassé et Tribon:
Les Rôles d'Iris et d'Aquilon , à la 3 *
Entrée, sont remplis par la DeErremans,
et par le St Dun. Nous avons déja nommé les Diles Lemaure et Petitpas , en parlant de l'Amour et de Zéphire. Le triomphe de cette premiere est complet ;
il semble que le public n'ait des yeux et
des oreilles que pour elle.
Le dessein du Ballet , composé par le
S¹ Blondi , a été trouvé fort ingénieux et
I. Vol.
très-
1210 MERCURE DE FRANCE
tres-bien caracterisé , il est exécuté dans
la plus grande perfection , par les meilleurs sujets de l'Académie. La Dile Ferret
danse dans le Prologue; les S Dupré
Laval et la DeSalé , dans la premiere Entrée ; les Srs Dumoulin et Maltaires dans
la seconde , et les Srs Laval , Dumoulin et
Ja Dile Camargo dans la troisiéme.
Fermer
Résumé : Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
Le 5 juin 1732, l'Académie Royale de Musique a présenté le ballet des 'Sens', composé de cinq entrées dont seules trois ont été jouées. La musique, composée par M. Mouret, a été très appréciée. L'auteur du poème est resté anonyme. Le prologue met en scène l'Assemblée des Dieux discutant du sort des mortels. Vénus s'intéresse particulièrement à leur bien-être. Jupiter explique que les mortels ne sont pas immortels pour éviter leur ingratitude. Mercure et Vénus demandent à Jupiter de leur accorder un usage agréable des sens. Jupiter accepte et invite les plaisirs à se répandre parmi les mortels. La première entrée, 'L'Odorat', se déroule dans les jardins des rois de Babylone. Clytie, reine de Babylone, se plaint de l'inconstance du Soleil, qui a porté ses vœux à Leucothoé. Jalouse, Clytie décide de se venger en empoisonnant sa rivale. Le Soleil, après avoir promis l'immortalité à Leucothoé, découvre trop tard sa mort et la transforme en arbre à encens. La deuxième entrée, 'Le Toucher', se passe dans le temple de Proserpine. Laodamie, veuve de Protesilas, pleure la perte de son époux. Diomède, amoureux de Laodamie, lui avoue ses sentiments, mais elle le repousse. Proserpine ressuscite Protesilas, touchée par la douleur de Laodamie. La troisième entrée, 'La Vue', se déroule dans une vaste campagne. L'Amour, ayant retrouvé la vue, exprime sa joie et son amour pour Iris. Zephire, craignant une ressemblance entre l'Amour et lui, prévient Flore. Iris apparaît sur l'arc-en-ciel et dissipe un orage. Iris, prenant l'Amour pour Zéphire, le renvoie à Flore. L'Amour est sur le point de la détromper, mais est interrompu par Aquilon, son amant impétueux. La scène de déclaration est interrompue, ce qui aurait pu rendre la reconnaissance plus vive. Zéphire, suivi de la cour de Flore, offre un divertissement riant lors de la troisième entrée. Les rôles principaux sont interprétés par des artistes renommés. Au prologue, les rôles de Vénus, Jupiter et Mercure sont tenus par les DileErremans, le Sr Chassé et le Sr Dumast. Dans la première entrée de l'odorat, Leucothoé, Clytie et le Soleil sont joués par les Diles Lemaure et Antier, et le Sr Tribon. Laodamie, Proserpine, Protesilas et Diomède sont interprétés par les Dules Pelissier et Julie, et les Srs Chassé et Tribon. Iris et Aquilon, à la troisième entrée, sont incarnés par la DileErremans et le Sr Dun. Le ballet, composé par le Sr Blondi, est exécuté avec perfection par les meilleurs sujets de l'Académie. Les danseurs mentionnés incluent la Dile Ferret, les Srs Dupré, Laval, la DeSalé, Dumoulin, Maltaires, Camargo et Ja. La première représentation a été un triomphe, captivant le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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705
p. 1210-1211
« On mande de Londres qu'on y devoit représenter un [...] »
Début :
On mande de Londres qu'on y devoit représenter un [...]
Mots clefs :
Opéra, Comédiens-Français, Serments indiscrets, Procès des Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On mande de Londres qu'on y devoit représenter un [...] »
On mande de Londres qu'on y devoft
représenter un nouvel Opéra , intitulé :
La Restauration ou Rétablissement du Roy
Charles II. surle Thrône , ou la Vie et la
Mort de Cromwell; mais les Ministres du
Roy l'ayant fait examiner , on a jugé à
propos d'en deffendre la Répresentation.
Le Dimanche 8 de ce mois , les Comédiens François donnerent la premiere Représentation d'une Piéce de M' de Marivaux , sous le titre des Serments indiscrets,
en Prose et en 5 Actes. Elle a été interrompue par la maladie d'un Acteur.Nous
en parlerons plus au long.
Le Lundi 16 Juin , les mêmes Comé
diens donnerent une petite Piéce d'un
Acte en Vers,intitulée : Le Procès des Sens.
C'est une Critique fine , délicate et vive ,
du Balet des Sens qu'on joue à l'Opéra.
Elle a un tres- grand succès. Nous ne manL. Vol. querons
JU IN. 1732. 2TI
1
querons pas d'en rendre compteà nos Lecteurs , dans le second volume de ce mois
actuellement sous presse.
représenter un nouvel Opéra , intitulé :
La Restauration ou Rétablissement du Roy
Charles II. surle Thrône , ou la Vie et la
Mort de Cromwell; mais les Ministres du
Roy l'ayant fait examiner , on a jugé à
propos d'en deffendre la Répresentation.
Le Dimanche 8 de ce mois , les Comédiens François donnerent la premiere Représentation d'une Piéce de M' de Marivaux , sous le titre des Serments indiscrets,
en Prose et en 5 Actes. Elle a été interrompue par la maladie d'un Acteur.Nous
en parlerons plus au long.
Le Lundi 16 Juin , les mêmes Comé
diens donnerent une petite Piéce d'un
Acte en Vers,intitulée : Le Procès des Sens.
C'est une Critique fine , délicate et vive ,
du Balet des Sens qu'on joue à l'Opéra.
Elle a un tres- grand succès. Nous ne manL. Vol. querons
JU IN. 1732. 2TI
1
querons pas d'en rendre compteà nos Lecteurs , dans le second volume de ce mois
actuellement sous presse.
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Résumé : « On mande de Londres qu'on y devoit représenter un [...] »
À Londres, une pièce sur Charles II et Cromwell a été interdite. En France, le 8 juin, 'Les Serments indiscrets' de Marivaux a été joué pour la première fois, mais interrompu par la maladie d'un acteur. Le 16 juin, 'Le Procès des Sens' a connu un grand succès. Un compte rendu détaillé sera publié dans le second volume du mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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706
p. 1264-1291
RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Début :
Le Seigneur Mercure s'est donné la peine, Monsieur, de [...]
Mots clefs :
Réponse, Lettre, Messager, Mercure, Strophe, Vers marotiques, Vers d'Horace, Ovide, Muses, Peines, Gloire, Dante, Rousseau, Chapelain, Auteurs, Poètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
REPONSE de Mlle de Malerais de
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
la Vigne , à la Lettre que M Carrelet
de Hautefeuille lui a addressée dans le
Mercure de Janvier 1732. page 75.
Leine,Monsieur,de m'apportervos
E Seigneur Mercure s'est donné la
peine , Monsieur , de m'apporter vos
Poulets , vos Billets doux , vos Relations,
en un mot votre Lettre ; car cette Lettre
sçavante et polie renferme en elle toutes
ces especes', par les differentes matieres
qu'elle traitte , et par les tours ingénieux
dont elle est agréablement variée ; je me
Alatte aussi que ce fidele Messager , non
moins habile que gracieux , voudra bien
se charger de ma réponse.
Vous m'écrivez , Monsieur, qu'on vous
a volé ; vous ne pouviez vous addresser à
personne qui fut plus sensible à ce qui
vous touche, ni par conséquent plus portée à vous plaindre. Quoi ! Monsieur, on
K
II. Vol.
vous
JUIN. 1732. 1265
vous a volé ? On vous a volé , Monsieur?
Quel accident ! Quelle perfidie ! Quelle
cruauté ! Eh! que vous a- t - on volé ?
Grands Dieux ! Proh! Dii immortales ! Facinus indignum quod narras !
Ce n'est point deux Vers , une Strophe, un Madrigal, une Epigramme seulement: Ciel ! c'est sur une Ode entiere qu'on
a eu l'audace de mettre la main.
Le trait est noir ; oui , certes, et des plus
noirs. Ce sont- là de ces coups qu'un Poëte
supporte rarement avec patience, à moins
qu'il n'ait , comme vous , l'ame bourrée
d'une Jacque de Maille à la Stoïcienne.
Sans doute que le Voleur en faisant ce
larcin, s'étoit fondé sur ces deux premiers
Vers du 15 Chant de Roland le furieux.
Fù il vincer sempre mai laudabil cosa ,
Vinca si è per fortuna , o per ingegno.
L'Arioste me paroît avoir escroqué
cette pensée à Virgile , dans le 2. liv. de l'Enéïde.
Dolus an virtus , quis in hoste requirat ?
·
Cependant le voleur dont il s'agit ,' n'est
point pardonnable. C'est là mal interprêter la chose , et faire en matiere de
Lettres, ce que font les hérétiques en maII. Vol.
A v tiere
1266 MERCURE DE FRANCE
"
tiere de Religion, qui tournent et retournent certains Passages de tant de côtez
qu'ils leur trouvent à la fin un sens ambigu , et qui , quelque louche qu'il soit ,
leur paroît neanmoins d'accord avec leur
morale. Mais comme on ne les confond
ensuite , qu'en opposant citation contre
citation , authorité contre authorité , il
faut donc objecter aux Filoux du Parnasse
le sentiment d'un autre Italien. Auvertite
che voi vi vestite degli honori , e delle glorie
altrui , et v'attribuite quello che non è vostro. Voi sarete chiamati la cornacchia d'Esopo , et quello ch'è peggio , bisognerà restituire i furti con grandissimo scorno , e biasmo come suole intervenire a certi poetuzzi
moderni che alla scoperta rubbano a tutti ,
non rimanendo loro di proprio che la fatica , l'inchiestro , la carta , et il tempo gettato via.
Sérieusement , Monsieur , votre situation me paroît triste , et d'autant plus
qu'on ne croit pas toujours le plaignant
sur sa déposition. C'est vainement qu'il
dira , oui , Messieurs , je fis cette Strophe
un tel jour , à telle heure ; et la preuve ,
la voilà : Absorbé que j'étois dans la poëtique rêverie , je me rongeai les ongles
jusqu'au vif: Voyez - vous ? Regardez ,
ces deux doigts écorchez par le bout, sont
€
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1267
de sûrs garans de la vérité de mes paroles.
Vains propos : Plus de la moitié de vos
juges ne sçauroient résoudre leurs doutes
et l'on balance toujours entre le proprié
taire et le voleur. Pour moi , si j'avois été
en votre place , j'aurois mis cent Mouches en campagne pour dénicher le Larron , et le faire sans délai convenir du
larcin.
J'aurois fait aussi- tot galopper sur sa trace
Le grand Prevôt du Parnasse,
Mais hélas ! que les choses sont aujourd'hui changées ; on insulte , on pille , on
brave Apollon sur son Thrône même.
La Marêchaussée du Pinde n'a plus la
force de cheminer. Plutus , le seul Plutus
sçait se faire obéïr , se faire craindre , se
faire rendre justice , et l'on prétend que
c'est lui qui la distribuë; quant aux Citoyens de la double Colline , l'équité ne
s'observe ni à leur égard , ni à l'égard de
leurs ouvrages. Un Financier au moyen
d'une douzaine de chiffres , voit pleuvoir à millier les Louis dans son Coffre
fort , et ce profit amené , ne sera souvent
le fruit que de quelques heures ; cependant un malheureux , nud jusqu'à la chemise,transsi defroid , demi mort de faim,
se glisse adroitement dans son Bureau ,
II. Vol A vj qu'il
1268 MERCURE DE FRANCE
qu'il écrême si peu que rien le superfluz
de son cher métail ; en court après , on
l'arrête , on l'emprisonne ; le coupable
n'est déja plus. Pourquoi ne poursuit- on
pas avec la même diligence et la même
sévérité les Voleurs des Ouvrages ingénieux ? L'Esprit est- il moins estimable
que l'or ?
Vilius argentum est auro , virtutibus aurum:
Un Financier a plutôt gagné vingt mil
le écus , qu'un Poëte n'a fait une belle:
Ode. Si le travail , si la difficulté donnele prix aux choses , les Métaux , les Diamans qui ne sont que de la bouë pétrifiée
et polie ensuite par l'Ouvrier , sont - ils
donc préférables aux pures et l'aborieuses
productions de l'ame.
Otempora! ô mores ! Depuis que les Boileaux , les Molieres , les Saint- Evremond,
ces Turennes , ces Condez du Parnasse
sont allez guerroyer dans les champs Eli-
-sées ; la licence et le désordre ont envahi le Païs des Lettres ; où la force manque, tout est toléré. Platon se détaille
en Comédies, les Lettres se composent en
Madrigaux , les Oraisons prétintaillées
sont toutes frisées d'antithéses , l'Historien passe avec rapidité sur la politique et
l'interressant , et se promene à pas comII.Vol.
ptez
JUIN. 17320 1269
ptez dans la région fleurie des descriptions , et passe de- là par une fausse porte
dans la grande contrée des digressions
vagues et inutiles.
Jugez , Monsieur , par la mauvaise humeur où je suis , combien votre malheur
m'a affligée ; ce qui redouble encore mon
chagrin, c'est d'apprendre de vous-même
que vous avez dit adieu au Parnasse.Quoi
le dépit d'avoir perdu une Ode , doit-il
vous porter à des extrémitez pareilles ?
La perte est réparable. Ne vous est-il pas
resté un Canif pour tailler votre Plume?
Mais avez-vous bien refléchi sur la résolution que vous vous imaginez avoir
prise ? Croyez-vous pouvoir tenir ferme
contre le penchant dont vous êtes l'esclave ? Je vous en défie , j'en ai dit tout autant que vous , cent et cent fois.
n'a
Verbaque pracipites diripuere noti.
J'ai trouvé que le feu Pere du Cerceau
pas eu tort d'écrire :
39 Qui fit des Vers , toujours des Vers fera,
C'est le Moulin qui moulut et moudra;
»Contre l'étoile il n'est dépit qui tienne ,
» Et je me cabre en vain contre la mienne.
Le P. du Cerceau a rendu par ces quaIL. Vol.
tre
1270 MERCURE DE FRANCE
tre Vers Marotiques , le Vers d'Horace
qui suit :
Naturam expellas furca tamen usque recurret.
Ce que je ne sçais quel autre a traduit
én deux Vers :
Quand , la Fourche à la main, nature on chase seroit >
Nature cependant toujours retourneroit.
Ovide , dont l'esprit est si fécond et si
délié , ce Poëte qui quelque sçavant qu'il
fut , devoit moins à l'Art qu'à la Nature. Ovide est forcé d'avouer que c'est en
vain qu'on tâche de combattre ce penchant imperieux.
At mihijam puero coelestia sacra placebant ,
Inque suum furtim Musa trahebat opus..
Sæpe Pater dixit , studium quid inutilè tentas ?
Moonides nullas ipse reliquit opes ,
Motus eram dictis , totoque Helicone relictor
Scribere conabar verba soluta modis,
Sponte sua carmen numeros veniebat adaptos
Quidquid tentabam scribere versus erat.………
Le Pere d'Ovide séche de chagrin de
voir son fils en proye à cette manie tirannique ; il ne néglige rien pour en rompre
les accès , il lui montre le vuide de cette
II. Vol. occu-
JUIN. 1732. 1271
Occupation aussi pénible qu'infructueuse.
L'exemple d'Homere qui vécut toujours
pauvre, malgré ses grands talens , lui sert
à prouver l'importante vérité de ses leçons salutaires. Il conseille , il commande, il prie , il menace, et s'emporte même
jusqu'à le maltraiter ; le fils paroît se rendre à la volonté du pere , et se croyant
déja le maître de sa passion , lui promet
de ne plus faire de Vers de sa vie.
•
C'est en Prose qu'il écrira désormais ,
le parti en est pris ; il faut que l'agréa
ble cede à l'utile , il n'y a plus à balancer.
En un mot , le voilà la plume à la main
résolu d'exécuter ce qu'il s'est proposé.
Mais qu'arrive-t- il ? La tête lui tourne , il
se figure écrire de la Prose, et ce sont des
Vers qui coulent sur le papier.
Quidquid tentabam scribere , versus erat.
Ovide ne péchoit point par ignorance,
et l'on a sans cesse répété depuis tant de
siècles , les deux Vers suivans , enfans de
sa veine : que l'esprit avoit été autrefois
plus précieux que l'or , mais qui dans le
temps présent , c'étoit être tout à-fait
barbare, que d'être entierement dépourvû des dons de la fortune.
Ingenium quondam fuerat preciosius auro.
II. Vol. Pour
1272 MERCURE DE FRANCE
Pour moi je crois que ce quondam , cet
autrefois , n'a jamais été.
At nunc barbaries grandis habere nihil.
Quant à ce Nunc , ce maintenant , je
crois qu'il a été de tout temps.C'est donc
en Ovide que la volonté est maîtrisée par
le temperament ; et c'est-là qu'on peut dire que le libre arbitre fait nauffrage.
Après tout , je conviens avec vous et
avec toutes les personnes sensées , que
quand on n'est pas né avec beaucoup de
bien, on doit tâcher d'arriver par les belles voyes à certaine fortune , à labri de
laquelle on puisse vivre à l'aise , et faire la
figure convenable à son rang.
Nil habet infelix paupertas durius in se
Quam quod ridiculos homines , facit.
La pauvreté est le plus grand des maux
qui soient sortis de la funeste Boëte de
Pandore , et l'on craint autant l'haleine
d'un homme qui n'a rien , que celle d'un
pestiferé.
Yo
Déplorons donc le sort de ceux qu'un
ascendant fatal attache à ce libertinage
d'esprit. Sénéque , ce Philosophe sentencieux , qu'on peut comparer au Rat hipo
crite , qui prêche la mortification dans
un Fromage de Hollande , ou à la four11. Vol.
mi,
JUIN. 1732. 1273
mi, qui fait l'éloge de l'abstinence, montée sur un tas de grain. Cet illustre Charlatan débitoit autrefois la morale austére,
qu'il nous a laissée dans ses Livres ; mais
y croyoit-on ? et pouvoit - on plutôt ne
pas mépriser un homme qui conseilloit
la sobriété , la bouche pleine , et la
vreté , tandis que ses coffres regorgeoient
de Richesses ? Nicolas de Palerme parloit
avec bien plus de sincerité , quand après
avoir lû un Livre, dans lequel on préténdoit que la pauvreté étoit un bien, il s'écria : Délivrez-moi d'un tel bien , ô mon
Dieu !
pauTravaillez , nous dit-on , divins éleves
des Muses , veillez , suez , frappez - vous
le front , mordez-vous les doigts , brisez
votre pupitre , au fort de votre entousiasme. Virum Musa beat. La gloire se
peut-elle achepter par trop de peines ?
Quel honneur! quel espoir que celui de se survivre éternellement à soi - même !
Erreur , folie , idée chimerique.
Gloria quantalibet quid erit , si gloria tantum est.
Ne vaut- il pas mieux vivre pendant
qu'on est en vie , et que l'on se sent vivre réellement : Homere , ce Chantre fameux , qui jadis entonnoit ses Rapsodies
sur les Ponts-Neufs des Villes de Gréce ;
II.Vol. en
1274 MERCURE DE FRANCE
en traîna- t-il de moins tristes jours , quoi
quele Supplément de Quinte- Curce nous
dise que ses Ouvrages se sont reposez
après sa mort , sous l'oreiller du Grand
Alexandre. On logea ses Poëmes dans des
Coffrets d'or , enrichis de Pierreries ; et
pendant qu'il vécut , à peine trouva- t- il
une Maison où se mettre à l'abri des injures de l'air ? Fecit enim nominis ejus claritas , ut quem virum rebus omnibus egentem nemo agnoverit , nunc multe Gracia ?
Urbes certatim sibi vindicent. Dante , dans
le 22 Chant du Purgatoire , désigne ainsi
cet illustre Poëter
QuelGreco
Chele Muse lattar più ch'altro mai.
Pour moi , je dis que si les Muses sont
des Nourrices , ce ne sont que des Nousrices séches ; leurs Nourrissons s'attendent
à recueillir un aliment qui les rassasie
mais au lieu de lait , ils n'en tirent que du
vent qui les fatigue et les extenue. Ceci
revient à l'endroit de votre Lettre , où
vous dites agréablement en Vers , que les
Poëtes ne moissonnent que du vent avec
leur plume. Ainsi je crois qu'on les peut
appeller des Instrumens à vent , qui ne
rendent que du vent , ne travaillent que
pour du vent , et ne sont récompensez
II. Volo que
JUIN. 1732. 1275 1
que de vent; disons donc avec Pétronne :
Heu! ast heu! utres inflati sumus , minoris
quàm Muscasumus, tamen aliquamvirtutem
habent , nos non pluris quam bulla. Voici
une Boutade de ma façon à ce sujet :
si le vent est la nourriture ,
Des Bourgeois malheureux du stérile Hélicon;.
Ils devroient , au lieu d'Apollon ,
Pour ne point manquer de Pâture ,
D'Eole le venteux , avoir fait leur Patron.
Plusieurs Singes du Docte Erasme , se
sont émancipez de nos jours , à faire divers éloges pointilleux , de l'Yvresse , du
Mensonge , de Rien , de quelque chose ,
et nombre d'autres bagatelles bizarres
dans le même goût; mais je n'en vois point
qui se plaisent à faire l'éloge de la Pauvreté; Paupertas habet scabiem. Juvenal ,
ce grondeur éternel , cet impitoïable censeur des mœurs de son siècle , ne sçauroits'empêcher de sortir de sa Philosophie , et
de soupirer après les biens de la fortune ;
il déteste la pauvreté, il déplore la misere
du Poëte Stace , et sa septiéme Satyre est
toute farcie de plaintes.
Frange miser calamos , vigilataque prælia dele ,
Quifacis in parva sublimia carmina cella ,
Ut dignus venias hederis et imagine macrâ :
II. Vol.
Spes
1276 MERCURE DE FRANCE
Spes nulla ulterior , didicit jam dives avarus
Tantum admirari, tantùm laudare disertos,
Ut pueri ,junonis avem.
Cette matiere est si- bien traitrée dans
cette Satyre, qu'elle mériteroit d'être rapportée toute entiere , si cet Auteur n'étoit entre les mains de tout le monde : La
pauvreté, dit-on, est la Mere des Arts.
Labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas.
Oui , la Mere des Arts mécaniques ; un
Manœuvre vit du travail de ses mains ;
mais les Poëmes ne se vendent point en
détail , si ce n'est chez les Marchands de
Drogues. Cette réfléxion me donne lieu de
rapporter la Parodie que j'ai faite de quelques-unes des belles Stances de Rousseau:
Que l'homme , &c.
Qu'un Livre est bien pendant sa vie
Un parfait miroir de douleurs
En naissant sous la Presse il crie ,
Et semble prévoir ses malheurs.
諾
Un Essain d'insolens Censeurs .
D'abord qu'il commence à paroître ,
<
II. Vol. En
JUIN. 1732. 1277
En dégoute les achepteurs ,
Qui le blament sans le connoître.
A la fin pour comble de maux ,
Un Droguiste qui s'en rend maître ,
En habille Poivre et Pruneaux ;
C'étoit bien la peine de naître.
On raconte que Zeuxis faisoit une telle
estime de ses peintures,que s'il ne les pouvoit bien vendre,il aimoit mieux les donner que d'en retirer un prix médiocre.
Les Auteurs n'ont point cette alternative,
et le Libraire s'imagine les trop payer encore , en leur donnant un petit nombre
d'Exemplaires. Il arrive même que le Libraire se ruine à force de faire gémir la
Presse. A qui donc se doit imputer la
cause d'un pareil dérangement? A la corruption du goût , au grand nombre de
Brochures ridicules , de Romans monstrueux qui s'impriment tous les jours , et
qui se vont effrontément placer dans la
Boutique, à côté des la Bruyeres, des Pascals , des Corneilles , des Molieres , des
Fénelons , des Rousseaux , des Voltaires ,
et des autres Ecrivains du premier Ordre.
Ce queje trouve de pis, c'est que tous ces
vils Auteurs communiquent leur Lépre
II, Vol. aux
178 MERCURE DE FRANCE
aux autres par le voisinage. L'Ignorance
vient ensuite , et sa main confondant
ce qu'il y a de pitoyable avec ce qu'il y a
d'exquis , recueille l'Ivraye, tandis qu'elle
néglige et qu'elle laisse le Froment le plus
pur. S'il y avoit des Protecteurs d'un certain esprit, qui sçussent peser les Ouvrages au poids du discernement , pour en
récompenser les Auteurs avec bonté et
justice , les mauvais tomberoient , et les
bons se multipliroient. Les Virgiles ne manquent point quand il y a des Méce- *
nas.C'est ce que dit Martial dans un Vers
de ses Epigrammes , et je me suis égayée
à paraphraser ce Vers en notre langue.
Sint Maecenates , non deerunt , Flacce , Marones.
Aujourd'hui les Seigneurs ne donnent
Aux Doctes ni maille ni sou ,
Par quoi pour aller au Perou ,
Beaux Esprits , Parnasse abandonnent
Mais quand les Mécenas , foisonnent ,
De Virgiles on trouve prou.
Virgile , l'Aigle des genies superieurs eut la satisfaction de voir son merite reconnu et recompensé. Servius rapporte ,
que les presens que lui firent Octave
Cesar et Mécenas, furent de si grande va
leur , que sa fortune monta en peu de
II.Vol. temps
JUIN. 1732. 1279
temps jusqu'à six mille Sesterces ; il étoit
aimé et honoré à Rome, il y avoit même
un Palais magnifique. Un jour il prononça en présence de l'Empereur et d'Octavie , mere de Marcellus , quelques Vers
de l'Enéïde ; quand il fut à l'endroit du
sixiéme Livre , où il parle de la mort de
Marcellus , d'une maniere si élégante et
si pathétique , le cœur d'Octavie en fut si
vivement touché , qu'elle tomba évanoüie , et revenant à soi , comme son évanoüissement l'avoit empêchée d'entendre
douze Vers , elle fit donner à Virgile dix
Sesterces par chaque. Quels présens n'at-on point fait depuis àSannazar ; et de
quel prix n'a-t- on point honoré sa belle
Epigramme sur la Ville de Venise ? Sa
reputation en imposoit tellement qu'il
suffisoit qu'une piéce passat pour sienne ,
pour être jugée excellente. Ce trait singulier a été remarqué par le Comte Baldessar Castiglione , dans son Courtisan.
Essendo appresentati alcuni versi sotto il no
ma del Sannazaro , à tulti par vero motto
excellenti , e furono laudati con la Meraviglie è esclamationi ; poi sapendosi per certo ,
che erano d'un altro , Persero subito la re
putatione , et par vero meno che mediocri.
Charles IX. aimoit les Lettres , mais il
étoit tres réservé dans ses récompenses.
II. Vol. Ce
1280 MERCURE DE FRANCE
les
Ce Prince , dit Brantome , aimoit fort les
Vers, et récompensoit ceux qui lui en présentoient , non pas tout à coup , disant que
Poëtes ressemblent les Chevaux , qu'ilfalloit
nourrir , non pas trop saouller , ni engraisser,
car après il ne valent plus rien. Je crois
que ni vous ni moi ne sommes trop contens de sa comparaison , et ce Prince s'étoit peut-être encore figuré qu'il en est
des Poëtes, comme des Maîtres de Danse,
qui , pour bien exercer leur Métier , doivent avoir la taille légere. Hélas ! pour
un petit nombre de Poëtes à qui la Fortune a fait part de ses faveurs ; combien
y en a- t il eu de malheureux,jusqu'à manquer du necessaire ? Consultez là- dessus
les mélanges d'Histoire et de Litterature
de Vigneul Marville. Parmi la multitude
des Sçavans infortunez dont il parle , je
me suis principalement attendrie sur la
déplorable condition du Tasse dont j'adore l'Aminte et la Jerusalem délivrée.
Le Tasse , dit ce Compilateur , étoit réduit à une si grande extrémité , qu'il fut
obligé d'emprunter un écu d'un ami pour
subsister pendant une semaine, et de prier
sa Chatte , par un joli Sonnet , de lui
prêter la nuit la lumiere de ses yeux , non
havendo candele per iscrivere i suoi versi. ·
Nous avons eu quelques Poëtes en France,
II. Vol. envers
JUIN. 1732. 1281
envers lesquels on a vû les Grands signader leur goût , ou plutôt leur caprice ; et
Desportes est plus célebre aujourd'hui par
les pensions et les présens qui lui furent
faits , que par ses Poësies.
Le jugement de l'Homme , ou plutôt son caprice,
Pour quantité d'esprits , n'a que de l'injustice.
Cor. la Gal. du Pal. act. 1. sect. 7. ,
Chapelain , dont on peut dire qu'il nâquit parfaitement coiffé, quoique suivant
la Parodie de Despréaux , il ne porta jamais qu'une vieille Tignasse : Chapelain
eut plus de bonheur que nul autre ; car
il se vit payé par avance , de l'intention
qu'il avoit de donner un Poëme excellent;
joüit pendant vingt ans d'une grosse
pension , et son intention mal exécutée
le rendit à la fin possesseur d'une fortune
considérable , tandis que Corneille et Patru pouvoient à peine fournir aux besoins
dont la nature nous a faits les esclaves.
·
D'autres Auteurs ont vû le fruit de
leurs veilles se borner aux attentions, aux
caresses des Grands . Cela flatte d'abord la
vanité ; mais de retour chez soi , on n'y est
pas un instant , sans en appercevoir le
vuide dans toute son étenduë. Trente
baisers , plus doux encore que celui dont
II.Vol B Mar-
1282 MERCURE DE FRANCE
Marguerite d'Ecosse régala Alain Chartier , ne feront point une vie gracieuse à
un Poëte , si l'on s'en tient aux démonstrations extérieures. On n'est point avare
à notre égard de complimens et de ceremonies , et l'on nous traite à la façon des
Morts , avec de l'eau benite. Peut - être
aussi que les bons Poëtes ayant été comparez aux Cigales , par quelques Anciens ,
car les mauvais leur ont été comparez
par d'autres ) on s'est figuré , que comme
elles , ils ne doivent vivre que de rosée.
Hoggi è fatta ( ô secolo inhumano
L'Arte del Poetar troppo infelice
Tuto nido , esca dolce , aura cortese,
Bramano i cigni , è non si vàin Parnasso ,
Con le cure mordaci, è chi pur garre ,
Semper col suo destino , è col disagio ,
Vien roco , è perde il canto , è lafavella.
GUARINI.
Mais , ne direz-vous pas , Monsieur , en
lisant ma longue Lettre , que c'est moi
qui pour mon babil , dois être mise en
parallele avec les Cigales de la derniere
espece ; j'en conviens avec vous , et je ne
nie pas que je ne scis de mon sexe tout
comme une autre,Prenez donc encore une
prise de Tabac pour vous réveiller et vous
II.Vol. forti-
JUIN. 1732. 1283
fortifier un peu contre l'ennui que vous
pourroient causer quelques lignes qu'il
me reste à écrire.
J'en reviens à l'adieu que vous prétendez dire aux neufSœurs ; permettez- moi
de vous assurer derechef¸ que c'est en
vain que vous vous le persuadez ; vous
ferez comme le Poëte Mainard , vous ré.
péterez inutilement , en prenant congé d'elles :
Je veux pourtant quitter leur bande ,
L'Art des Vers est un art divin , '
Mais leur prix est une Guirlande ,
Qui vaut moins qu'un bouchon à vin.
Vos efforts révolteront votre penchant
contre vous , et ne serviront qu'à rendre
sa rebellion plus opiniâtre; votre raison
même trop amoureuse de la rime , n'entendra plus vos cris , et ne pourra se résoudre à faire divorce avec elle. Mais
Monsieur, vous vous plaignez d'avoir été
dolié par la nature d'un mérite inutile an
bonheur de votre vie : Vous vous plaignez ! Eh, croyez vous être le seul à qui
la cruauté du sort a laissé le droit de le
maudire. Ma situation , par exemple, n'estelle point encore plus fâcheuse que la vô
tre? Je ne suis jamais sortie de ma Province,
presque toujours exilée dans le sein de
II.Vol. Bij ma
1284 MERCURE DE FRANCE
ma Patrie ; triste habitante d'un Port de
Mer , où les Lettres sont , pour ainsi dire,
ignorées: J'y avois un compatriote, un illustre ami , M. Bouguer , ce Mathématicien fameux , que l'Académie des Sciences , qui l'a couronné trois fois , a reçu au
nombre de ses Membres , au grand contentement de ses Rivaux découragez ,
mais il n'est plus de notre païs ; le Havre
de Grace nous l'a envié , et il y professe
aujourd'hui l'Hydrographie ; nous avons
pourtant en son frere ,qui remplit sa place avec honneur , une digne portion de
lui-même. Le peu de réputation que j'ai
je ne la dois qu'à moi seule et à deux cens
volumes François , Grecs traduits , Latins
et Italiens, qui forment ma petite Bibliotheque. La nombreuse famille dans laquelle je suis née ( comme vous l'avez pâ
voir dans mon Ode , sur la mort de mon
pere ) ne me laisse point assez de superAlu pour faire le voyage de Paris. Cependant Baile , dans son Dictionaire, au mot
le Païs , veut que les Parisiens n'estiment
point un Ouvrage en notre langue , s'il
n'est conçu dans l'enceinte de leur Ville ,
ou du moins s'il n'y a reçu les derniers
coups de lime.
Après tout , les injures que vous dites
àla Poësie ne me paroissent pas des mieux
II. Vol. fondées
JUIN 17328 1285
fondées , s'il est vrai qu'en rimant en or,
vous ayez trouvé la Pierre Philosophale.
Je vous avouerai pourtant que cela ne me
paroît pas naturel ; il faut absolument
qu'il y entre de l'abracadabra, ou que vous
fassiez usage de partie des Sortileges dont
le Cavalier Marin nous a donné une longue liste , dans le 13 chant de l'Adone.
Suggelli , è Rombi , è Turbini , è figure.
Il y a même dans votre projet d'autant
plus de difficulté , que les rimes en or sont
tres-rares. Richelet , ce curieux trésorier
des mots , s'est épuisé à faire la recherche
de ces rimes dorées , et n'en a pû trouver
qu'environ une demie douzaine , si vous
en exceptez les noms propres
*
Vous voulez donc rimer en or ,
La rime en or est difficile ,
Et ne vous permet pas de prendre un libre es
sor ,
Mais sçavez-vous pourquoi cette rime est sté- rile ?
C'est qu'Apollon voyant qu'à la Cour,à la Ville,
Rarement à rimer on amasse un trésor ,
Ce Dieu prudent , jugea qu'il étoit inutile
De vouloir fabriquer tant de rimes en or.
J'ai de plus un avis à vous donner en
II. Vol.
amie , B iij
T286 MERCURE DE FRANCE
amie , qui est que si en rimant en or , vous avez le moyen de gagner de l'or , vous
vous donniez bien de garde de dire votre
secrettrop haut;les autres l'apprendroient,
et vous sçavez que le grand nombre d'ou
vriers fait diminuer le prix des marchandises.
Il me reste à vous parler de M. de la
Motte , dont votre Lettre m'a appris la
mort. J'ai remarqué dans les Livres de cet
Académicien , un esprit exact , un jugement profond , des pensées solides , avec
un certain air de probité qui ne regnoit
pas moins , nous dit on , dans son cœur ,
que dans ses. divers Ouvrages. Cette derniere qualité est sur tout estimable. Un
Auteur est exempt d'excuser son cœur en
accusant sa plume , comme fait Martiak
dans une Epigramme.
Est lasciva mihi pagina , vita proba.
Ce que Mainard a traduit si gaillardement , que la modestie de mon sexe ne
me permet pas de le citer , dautant que
l'obscenité est dans les termes. Parti tunicam prætende tegenda. Je ne sçaurois passer la grossiereté des expressions en quelque langue que ce soit , et ce défaut est
moins pardonnable aux François qu'aux
autres ; notre Nation surpassant en poliII. Vol.
tesse
JUIN. 1732.
1287
tesses les anciens Romains même. Il en est
des Vers comme d'une Lettre polie ; il
leur faut une enveloppe.Personne ne prise
plus que moi les Epigrammes de Rousseau ; je ne m'offense pas jusqu'à faire la
grimace , en lisant quantité de ces petites
Piéces , dont le sens est un peu libertin ,
mais je ne sçaurois souffrir celles où la pudeur est directement heurtée par les termes. Boileau , dans le 2 chant de son Art
Poëtique , ne permet point en notre langue ces libertez d'expression qu'il tolere
en Catule et en Pétronne.
Le Latin dans les mots brave l'honnêteté ,
Mais le Lecteur François veut être res pecté.
Ma façon d'écrire vous paroîtra singu
lieure , Monsieur ; je cours çà et là , sans
tenir de route certaine , et comme si j'érois enfoncée dans un Labirinte, je quitte
une allée pour en enfiler une autre je
m'égare , je retourne sur mes pas ; faisant
de cette maniere beaucoup de chemin ,
sans beaucoup avancer.
Or pour en revenir à M. de la Motte ,
après avoir loué ce que j'ai trouvé d'admirable en lui , dût - on me faire mont
procès , il faut que j'avoue ce qui m'a déplu. Je dis donc qu'il est trop gravement
II.Vol. Biiij moral
1288 MERCURE DE FRANCE
moral dans ses Odes , que son stile est
triste , que , que la Poësie languit dans ses Tragédies, que ses Fables ne sont point naïves , et que ce n'est que dans quelques endroits de ses Opéra que je découvre les
étincelles du beau feu qui caractérise le
Poëte. Le Quattrain qui suit , et que vous
citez dans votre Lettre , n'est pas de mon
goût , n'en déplaise aux Manes de M. de
la Motte.
»Vous loüez délicatement
"Une Piéce peu délicate ,
>> Permettez-moi que je la datte
- Du jour de votre compliment.
Je n'entends gueres ces quatre Vers ,
et il me paroît que le bon sens de M. de
la Motte a fait un faux pas en cette occasion. Vous me marquez qu'ayant lû une
Piece infiniment délicate , vous dites à M.
de la Motte qu'il falloit qu'elle fut de lui
ou de M. de Fontenelles que répond t- id
dans son Quattrain impromptu , sinon ,
1º. que cette Piéce qu'il avoit trouvée de
mauvais aloi auparavant , devient bonne,
parce que vous avez crû qu'elle étoit de
lui ou de M. de Fontenelle. 2°. Qu'elle
n'est bonne que du jour de votre compliment , et que c'est ce compliment qui
fait une partie de sa bonté. En verité cela
II. Vol. ne
JUIN. 1732. 1289
ne meparoît pas raisonnable.Mais ne passerai-je pas dans votre esprit , Monsieur ,
pour une indiscrete de déclarer mon sentiment avec tant de liberté sur un Auteur
aussi célebre que M.de la Motte ? Ne pas- serois - je pas même pour une ingrate , si
vous sçaviez que c'est lui qui m'a adressé
les quatre Vers que vous avez peut- être
lû dans le Mercure de Janvier, page 75.
qu'y faire ? Je suis femme , et par conséquent peu maîtresse de me taire. De plus
j'ai vu le jour au milieu d'une nation, dont
la naïveté et la franchise ont toujours été
le partage. Mais il me souvient que vous
m'engagez sur la fin de votre Lettre à faire l'Epitaphe de M. de la Motte , je le devrois , ne fusse que pour me vanger de sa
politesse , je le devrois , je ne le puis. Cependant , attendez , révons un moment;
foy de Bretonne.voici tout ce que je sçau.
rois tirer de mon petit cerveau.
Cy git la Motte , dont le nom
Vola de Paris jusqu'à Rome ;
Etoit-il bon Poëte ? Non ,
Qu'importe Il étoit honnête homme,
Je ne doute point que cette Critique ne
souleve contre moiles trois quarts du Par
nasse. Les Partisans de M.de la Morte , et
peut-être vous-même me regarderez com
II.Vol. By me:
1290 MERCURE DE FRANCE
me une sacrilege. Ils diront qu'il ne m'appartient pas de mettre un pié profane dans le sanctuaire. Je commence par les :
avertir que je ne répondrai rien , c'est à- dire , que je me tairai si je le puis , sinon
on verra,furens quid fœmina possit. Eh !
depuis quand prétend- t- on ôter la liberté
de dire ce qu'on pense sur les Ouvrages
d'esprit?Les Loix de la critique sont comme celles de la Guerre ; il est permis de
tirer , mais il est défendu d'envenimer les
Bales. Pourquoi me feroit-on un crime
de prendre sur les Ouvrages de M. de la
Motte les mêmes droits qu'il s'est attribués sur ceux d'Homere, de Pindare, d'Anacréon , et des Latins et des François? Au
surplus si la critique est mal fondée , les
traits que lance le Censeur reviennent
sur lui. Si au contraire elle est judicieuse ,
les défauts qu'on fait appercevoir aux autres , servent à les corriger et à les rendre
amoureux du vrai beau et de la pure exactitude.
Je ne m'ennuye point avec vous , Monfeur , mais je crains que mes discours ne
'ous ennuyent; je ne dirai pas comme
Pascal, dans sa seiziéme Lettre:Je n'aifait
celle- ci plus longue que parce queje n'ai pas
eu le loisir de la faire plus courte. Je dirai
plutôt , comme dans sa huitiéme : Le pa- II.Vol.
Pier
JUIN. 1732. 1291
pier me manque toujours , et non pas les Passages et je ne fais cette Lettre si courte
que parce que je ne la veux pas faire plus
longue , dans la crainte que j'ai , ou que
sa prolixité ne la fasse rebuter de l'Auteur
du Mercure, ou que vous ne vous donniez
pas la peine dela lire jusqu'à la fin , et je
vous avoue que je vous en voudrois du
mal , d'autant plus que c'est ici que vous
trouverez ce que j'ai sur tout envie que
vous sçachiez , que je suis avec un parfait retour d'estime, Monsieur , votre treshumble , &c.
Au Croisic , ce 15 d'Avril , 1732.
Fermer
Résumé : RÉPONSE DE Mlle de Malcrais de la Vigne, à la Lettre que Mr Carrelet de Hautefeüille lui a addressée dans le Mercure de Janvier 1732. page 75.
Mlle de Malerais de la Vigne répond à la lettre de M. Carrelet de Hautefeuille, publiée dans le Mercure de janvier 1732, exprimant sa surprise et sa sympathie après avoir appris qu'une ode lui a été volée. Elle compare ce vol à une perfidie et une cruauté, soulignant que les poètes supportent rarement de tels actes avec patience. Elle critique le voleur, le comparant à des hérétiques qui interprètent les textes à leur convenance. Elle déplore la situation actuelle où les auteurs ne sont pas protégés et où la justice n'est pas rendue de manière équitable. Mlle de Malerais de la Vigne évoque également la difficulté de prouver la propriété d'une œuvre volée, comparant cela à une situation judiciaire où le plaignant n'est pas toujours cru. Elle regrette que les auteurs ne soient pas défendus avec la même rigueur que les financiers. Elle critique la société actuelle où les lettres et les arts sont dévalorisés et où la licence et le désordre règnent. Elle exhorte M. Carrelet de Hautefeuille à ne pas abandonner la poésie, soulignant que le penchant pour l'écriture est irrésistible. Elle cite plusieurs auteurs, dont Ovide et Horace, pour illustrer cette idée. Elle conclut en déplorant le sort des poètes, souvent méprisés et mal récompensés, et en comparant les Muses à des nourrices sèches qui ne donnent que du vent. Le texte traite de la condition des poètes et de la pauvreté, souvent glorifiée mais difficile à vivre. Juvenal, malgré son cynisme, déplore la misère des poètes. La pauvreté est décrite comme la mère des arts mécaniques, mais les poèmes ne se vendent pas facilement. Le texte critique la corruption du goût et la prolifération de mauvais ouvrages qui nuisent aux bons auteurs. Il évoque également l'importance des mécènes, comme Mécène pour Virgile, et la reconnaissance tardive ou insuffisante des poètes. Des exemples historiques, comme le Tasse et Desportes, illustrent les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur la rarité des rimes en or et l'importance de garder secrets les moyens de réussite. Le texte est une lettre datée de juin 1732, dans laquelle l'auteur discute de la grossièreté des expressions dans la langue française, soulignant que les Français devraient surpasser les anciens Romains en politesse. L'auteur apprécie les épigrammes de Rousseau mais condamne celles qui heurtent la pudeur. Il critique également le style de M. de la Motte, le trouvant trop moral et triste dans ses odes, et manque de naïveté dans ses fables. L'auteur avoue ne pas apprécier un quatrain de M. de la Motte, le jugeant peu raisonnable. Elle exprime son sentiment librement, malgré la célébrité de M. de la Motte, et compose une épitaphe humoristique pour lui. Elle défend son droit à critiquer les œuvres d'esprit, comparant les lois de la critique à celles de la guerre. L'auteur conclut en espérant que sa lettre ne soit pas ennuyeuse et exprime son estime pour le destinataire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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707
p. 1379-1388
Discours lûs à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Début :
M. l'Abbé Terrasson ayant été lû par l'Académie [...]
Mots clefs :
Abbé Terrasson, Académie française, Académie des sciences, Académie des Belles-Lettres, Langue, Éloquence, Académicien, Archevêque de Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours lûs à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
M. l'Abbé Terrasson ayant été élû par
l'Académie Françoise , à la place du feu
Comte de Morville , y prit séance le Jeudi 29. May , et prononça un Discours ,
auquel M. l'Archevêque de Sens répondit au nom de l'Académie. Ils parlerent
tous deux , sans doute , avec éloquence ;
cela est également aisé à croire et à dire;
mais ce qui est très - difficile , c'est
d'extraire de ces Discours ce qui peut en
II. Vol.
Fij donner
180 MERCURE DE FRANCE
donner une juste idée , sans que les Lecteurs et les Auteurs y perdent.
L'Abbé Terrasson , loue d'abord d'une
maniere assez neuve, et sans pousser la modestie tropioin sur le choix desa personne,
'Académie Françoise, celle des Sciences et
des Belles Lettres, et le Cardinal de Richedieu. C'est , sans doute , une des plus grandes preuves de son intelligence , dit-il ,d'avoir conçu qu'il feroit sortir tous les genres
de Literature du soin qu'il prendroit d'abord
de la Langue. Il a senti que cet objet general
qu'on croyoit borné à la superficie des choses,
Jes embrassoit toutes. L'Académie des Sciences , fondée la premiere , r'auroit peut- être
donné lieu , ni à celle qui cultive l'érudition
litteraire , ni à la vôtre. Mais la vôtre s'ézant remplie dès ses commencemens d'excellens hommes de tout ordre, a fait comprendre
qu'il pouvoit seformer diverses Compagnies
d'habiles gens , qui sçachant toutes qu'elles
toient instituées sur votre modele , non- seulement porteroient au plus haut point leur
valent propre, mais s'efforceroient encore de
préter aux matieres les plus épineuses , cette
clarté et cette élegance dont vous leur avez
donné Pexemple.
On auroit en tort de craindre que la po
Litesse du style , à laquelle vos prédecesseurs
s'appliquoient avestant de soin , ne fit pré
ferer JI, Vol.
JUIN. 1732. #381*
ferer l'agrément à la solidité du Discours.
L'Experience a fait voir que le choix des
paroles amenoit celui des pensées , que l'éloquence ne plaisoit principalement que par
les choses , et que le pouvoir bien approfondi
des mots mis en leur place , n'étoit le plus
souvent que le pouvoir des idées et des rai.
sons mises dans leur ordre , &c.
Nous sentons que la difficulté d'abreger
augmente à mesure que nous avançons ,
par le danger presque inévitable de ne pas
alterer un Discours ou plutôt un précisdéja réduit avec beaucoup d'art , aux plus
justes bornes de l'éloquence ; en décom
posant , pour ainsi-dire , un morceau si
bien ordonné , tâchons de conserver lestraits heureux ,les expressions fines et déficates , et les pensées solides et brillantes,
L'Abbé Terrasson termine l'Eloge de
Louis XIV. par les instructions que ce
grand Prince donna à son Petit- Fils , et
poursuit ainsi. Mais quel sera l'Instituteur
du Roy Enfant , capable de faire germer le
fruit renfermé dans cette importante Leçon ?
où le Ministre capable de la suivre sous ses
yeux , lorsqu'elle sera devenue l'inclination
et la volonté propre du Roy , plus avancé
en âge ? Nous sommes trop heureux , Messieurs , que ces deux fonctions se soient suivies dans un seul homme ; et vous êtes , josé
II. Vol. Fiij Le
1382 MERCURE DE FRANCE
le dire, trop glorieux que cet homme unique soit un de vous , &c.
Les travauxguerriers ont un grand éclat,
et quand ils ne seroient pas toujours suivis
du succès , l'entreprise seule accroît sagloire...
L'entretien d'une longue Paix , bien plus
difficile que les conquêtes et les conventions
les plus avantageuses , n'a aucun terme où
le Ministre recueille la gloire de ses efforts ,
parce qu'ils ne finissent jamais , leur durée
mêne les prive de ces acclamations et de ces
triomphes , dont on fixe le jour ; et qu'une
sage politique autorise pour animer les hommes ordinaires. Disons encore que l'abondance procurée aux Citoyens n'est un objet
quepourceuxqui veulent le voir , et qu'ainsi
l'héroïsme de l'administration consiste à entreteniret à faire croître le bonheur des Peuples
au milieu de leur insensibilité , et sur tout
àpréparer la continuation de ce bonheurpar
un partage de sa propre autorité , d'autant
plus genereux , que l'on choisit un plus digne Associé.
Le nouvel Académicien passe ensuite
à l'hommage dû à la memoire de M. le
Comte de Morville ; il en parle ainsi :
Né avec des inclinations vertueuses , il ent
de bonne heure cette bienseance , cette décence
qui sauve à laJeunesse ces dérangemens d'esprit et de mœurs , que le Public pardonne
II. Vol. encore
JUIN. 1732. 1383
encore plus volontiers à l'âge , lorsqu'il les
voit , que l'homme fait ne se les pardonne
à lui-même , lorsqu'il s'en ressouvient. Il
n'avoit parû jeune que par des amusemens
ingenieux et par ces graces de l'esprit qui
l'ont suivi jusques dans l'exercice des talens
superieurs et des grands emplois. Entré dans
Les fonctions publiques par cette partie de la
Magistrature qui demande une comparaison
continuelle des Loix primitives et generales
avec les circonstances présentes et particulieres , une équité severe dans le principe, et
une indulgence dans l'application ; une place
enfin plus propre que toutes les autres à faire
sentir que les interêts des Princes et des Sujets ne sont que la même chose ...
Sur son Ambassade et ses négociations,
POrateur ajoûte : Mais quel effort de génie
y réussira mieux que cet esprit d'insinuation , tiré plutôt de la douceur du caractere ,
que d'une adresse étudiée. M. de Morville
fut ami des Hollandois , et leur fit aimer les
François en sa personne. Cefut aussi ce qui
engagea le Prince Regent , Grand- Maître
lui- même en l'art de gagner les coeurs , à lui
confier à son retour cette partie du Ministere , qui est en quelque sorte une naviga-nego.
tion continue .... Plein degoût pour toutes
les belles choses , il passoit agréablement des
objets qui occupent les Académies des Gens 11. worpent Vol.
Fij de
1384 MERCURE DE FRANCE
de Lettres , aux objets que cultivent les Académies qui tirent leur nom des Beaux Arts.
M. l'Archevêque de Sens répondit en
ces termes :
MONSIEUR ,
Il est glorieux , sans doute , d'être adopté
parmi nous par un concours rapide de tous
les suffrages. Mais c'est une autre sorte de
gloire qui n'est pas moins douce , d'avoir das
Rivaux et de l'emporter sur eux , la difficulté et l'incertitude rendent le succès plus
interessant ; et si un Concurrent d'un mérite connu a balancé les voix , la préference a quelque chose de bien flateur. C'est
ce qui vous est arrivé , Monsieur ; un Concurrent aimé de plusieurs , et estimé de tous:
par des Ouvrages connus , &c...... Le
Discours éloquent que vous venez de prononcer honore notre choix en même temps
qu'il justifie votre ambition.
L'éloquent Prélat parle ensuite des Ouvrages du nouvel Académicien , qui lui
ont frayé depuis long temps la route vers
l'Académie : Grande érudition , dit-il , stile
élegant , goût délicat , et surtout une justesse
de raison et de Philosophie , superieure au
goût , au stile et à l'érudition , &c....
Viennent ensuite les Eloges dûs à la Dissertation sur Homere et à l'Histoire de
11. Vol. Sethos
JUIN. 1752. 1385
Sethos. Celle- cy en mérite particulierement ,
dit l'Orateur , par le dessein que vous vous
y êtes proposé , non d'amuser,
non , mais d'instruire le Lecteur et deformer ses moeurs. Dans
ce siecle , livré peut être plus qu'aucun aux
bagatelles indécentes , aux liberte amüsantes , aux Satyres qui n'épargnent ni les hommes ni les Dieux , on est heureux de trouver encore quelques Ecrivains aussi sages
qu'ingénieux , qui veüillent bien s'étudier à
déguiser adroitement , sous ce frivole qu'on recherche et dont on ne s'amuse que trop; des
Leçons utiles de probité, de Religion , de mo- destie et de desinteressement.
Sur l'amitié et l'estime que l'Abbé Terrasson a mérité de ses Confreres dans l'A--
cadémie des Sciences , l'Archevêque de
Sens ajoûte L'Académie Françoise ne fait
pas moins de cas de la vertu et de la probité;
elle compte ces qualitez au nombre de celles
qu'elle cherche dans ceux dont ellefait choix.
Ciceron mettoit la probité au nombre des
qualitez de l'Orateur , il la plaçoit même la
premiere. L Académie Françoise adopte saz
maxime en imitant son éloquence , elle - méprise les talens quelques brillans qu'ils soient
si ce lustre leur manque ; et malgré les mur
mures du vulgaire , ces Ecrivains dont la
plume impie , médisante ou impure , attiroit
de frivoles applaudissemens, sont parmi nous
méconnus ou détestez. FY C'est
1386 MERCURE DE FRANCE
>
C'est par les vertus , si je l'ose dire , de societé et de commerce , que vous nous devez
dédommager de la perte que nous avonsfaite
de M. le C. de M. dont vous prenez la place. C'est par cet endroit seul que l'Académie a besoin d'être consolée , d'être dédomagée ; car pour la réputation et la gloire que
ses vertus lui ont acquise parmi nous , elle
subsistera toute entiere , et la mort n'ôte rien
ni à lui , ni à nous. C'est le privilege des
Societez comme la nôtre de s'enrichir chaque
jour de leurs propres pertes , et de conserver
à jamais la gloire dont chacun de ses Membres l'enrichit en y entrant.
A40. ans , M. de Morville avoit déja
épuisé tous les degrez de lafortune et tous ses
revers………. Orateur , Magistrat , Ambassadeur , Secretaire d'Etat , Ministre de la
Marine, Ministre des Affaires Etrangeres
enfin simple particulier 5 toujours égal dans
ces divers états , et toujours aimé.
>
On peutjuger de M. le C. de M. par les
négociations plus importantes et plus difficiles , dont il fut charge au bout de deux ans
en qualité de Plénipotentiaire au Congrès de
Cambray. Là , se conduisoit cette négocia
tion singuliere , qui sera un Problême pour
les siécles à venir: négociation qui sans paroître rien décider , opéroit dans toute l'Europe une paix plus durable que celle qui est
II. Vol. fixée
JUIN. 1732 1337
3
fixée par des Traitez, et qui prolongée pendant plusieurs années , suspenduë ensuite
transferée à Soissons , separée enfin comme
hazard , se trouve en apparence sans '
conclusion , et cependane sans rupture.
par
Ministre secret sans être rusé , caressant
sans s'avilir , franc et sincere sans imprudence , grave sans être fier : c'est trop pen
dire qu'il gagna l'estime de tant d'hommes
choisis de toutes les Nations , elle alloitjusqu'à la confiance et à l'amitié : et tous se sont
fait un plaisir de lui en conserver les marques , lorsque la Fortune toujours legere dans
ses caresses, s'offensa de ce qu'il sembloit vouloir la fixerpar l'égalité de son humeur et de
son caractere.
Elle lui préparoit une chûte aussi rapide
que son élevation , lorsqu'il sçût la prevenir
par une retraite genereuse , honoré de l'estime
et des graces de son Maître. Il n'avoit pas
couru après lafortune , elle étoit venuë comme d'elle-même s'effrir à lui , il lui ôta leplai- .
sir de consommer sur lui sa legereté ; il renonça de lui-même à son Empires et il montra:
par son choix qu'on peut être heureux sans
ses caresses , content sans ses trésors, et grand
sans ses bienfaits , & c.
Les Dignitez l'élevent au- dessus de nous ,
dit l'Orateur , en parlant du Cardinal de
Fleury , mais sa modestie len raproche, elle
II. Vola F vj lui
1388 MERCURE DE FRANCE
lui fait oublier tout ce que son rang a de
grandeu , et le plus puissant des Sujets est
aujourd'hui le plus simple , le plus modeste ,
le plus affable.
Et en parlant de notre Auguste Monarque: Heureux son peuple, si malgré le penchant qui le porte à murmurer toujours , à
critiquer et à se plaindre , il sçait connoître le
bonheur qu'il a d'obéir à un Roiffable dans
sa Cour, pacifique dans ses desseins , religieux dans ses devoirs , chaste dans ses plaisirs , moderé dans tous ses desirs.
l'Académie Françoise , à la place du feu
Comte de Morville , y prit séance le Jeudi 29. May , et prononça un Discours ,
auquel M. l'Archevêque de Sens répondit au nom de l'Académie. Ils parlerent
tous deux , sans doute , avec éloquence ;
cela est également aisé à croire et à dire;
mais ce qui est très - difficile , c'est
d'extraire de ces Discours ce qui peut en
II. Vol.
Fij donner
180 MERCURE DE FRANCE
donner une juste idée , sans que les Lecteurs et les Auteurs y perdent.
L'Abbé Terrasson , loue d'abord d'une
maniere assez neuve, et sans pousser la modestie tropioin sur le choix desa personne,
'Académie Françoise, celle des Sciences et
des Belles Lettres, et le Cardinal de Richedieu. C'est , sans doute , une des plus grandes preuves de son intelligence , dit-il ,d'avoir conçu qu'il feroit sortir tous les genres
de Literature du soin qu'il prendroit d'abord
de la Langue. Il a senti que cet objet general
qu'on croyoit borné à la superficie des choses,
Jes embrassoit toutes. L'Académie des Sciences , fondée la premiere , r'auroit peut- être
donné lieu , ni à celle qui cultive l'érudition
litteraire , ni à la vôtre. Mais la vôtre s'ézant remplie dès ses commencemens d'excellens hommes de tout ordre, a fait comprendre
qu'il pouvoit seformer diverses Compagnies
d'habiles gens , qui sçachant toutes qu'elles
toient instituées sur votre modele , non- seulement porteroient au plus haut point leur
valent propre, mais s'efforceroient encore de
préter aux matieres les plus épineuses , cette
clarté et cette élegance dont vous leur avez
donné Pexemple.
On auroit en tort de craindre que la po
Litesse du style , à laquelle vos prédecesseurs
s'appliquoient avestant de soin , ne fit pré
ferer JI, Vol.
JUIN. 1732. #381*
ferer l'agrément à la solidité du Discours.
L'Experience a fait voir que le choix des
paroles amenoit celui des pensées , que l'éloquence ne plaisoit principalement que par
les choses , et que le pouvoir bien approfondi
des mots mis en leur place , n'étoit le plus
souvent que le pouvoir des idées et des rai.
sons mises dans leur ordre , &c.
Nous sentons que la difficulté d'abreger
augmente à mesure que nous avançons ,
par le danger presque inévitable de ne pas
alterer un Discours ou plutôt un précisdéja réduit avec beaucoup d'art , aux plus
justes bornes de l'éloquence ; en décom
posant , pour ainsi-dire , un morceau si
bien ordonné , tâchons de conserver lestraits heureux ,les expressions fines et déficates , et les pensées solides et brillantes,
L'Abbé Terrasson termine l'Eloge de
Louis XIV. par les instructions que ce
grand Prince donna à son Petit- Fils , et
poursuit ainsi. Mais quel sera l'Instituteur
du Roy Enfant , capable de faire germer le
fruit renfermé dans cette importante Leçon ?
où le Ministre capable de la suivre sous ses
yeux , lorsqu'elle sera devenue l'inclination
et la volonté propre du Roy , plus avancé
en âge ? Nous sommes trop heureux , Messieurs , que ces deux fonctions se soient suivies dans un seul homme ; et vous êtes , josé
II. Vol. Fiij Le
1382 MERCURE DE FRANCE
le dire, trop glorieux que cet homme unique soit un de vous , &c.
Les travauxguerriers ont un grand éclat,
et quand ils ne seroient pas toujours suivis
du succès , l'entreprise seule accroît sagloire...
L'entretien d'une longue Paix , bien plus
difficile que les conquêtes et les conventions
les plus avantageuses , n'a aucun terme où
le Ministre recueille la gloire de ses efforts ,
parce qu'ils ne finissent jamais , leur durée
mêne les prive de ces acclamations et de ces
triomphes , dont on fixe le jour ; et qu'une
sage politique autorise pour animer les hommes ordinaires. Disons encore que l'abondance procurée aux Citoyens n'est un objet
quepourceuxqui veulent le voir , et qu'ainsi
l'héroïsme de l'administration consiste à entreteniret à faire croître le bonheur des Peuples
au milieu de leur insensibilité , et sur tout
àpréparer la continuation de ce bonheurpar
un partage de sa propre autorité , d'autant
plus genereux , que l'on choisit un plus digne Associé.
Le nouvel Académicien passe ensuite
à l'hommage dû à la memoire de M. le
Comte de Morville ; il en parle ainsi :
Né avec des inclinations vertueuses , il ent
de bonne heure cette bienseance , cette décence
qui sauve à laJeunesse ces dérangemens d'esprit et de mœurs , que le Public pardonne
II. Vol. encore
JUIN. 1732. 1383
encore plus volontiers à l'âge , lorsqu'il les
voit , que l'homme fait ne se les pardonne
à lui-même , lorsqu'il s'en ressouvient. Il
n'avoit parû jeune que par des amusemens
ingenieux et par ces graces de l'esprit qui
l'ont suivi jusques dans l'exercice des talens
superieurs et des grands emplois. Entré dans
Les fonctions publiques par cette partie de la
Magistrature qui demande une comparaison
continuelle des Loix primitives et generales
avec les circonstances présentes et particulieres , une équité severe dans le principe, et
une indulgence dans l'application ; une place
enfin plus propre que toutes les autres à faire
sentir que les interêts des Princes et des Sujets ne sont que la même chose ...
Sur son Ambassade et ses négociations,
POrateur ajoûte : Mais quel effort de génie
y réussira mieux que cet esprit d'insinuation , tiré plutôt de la douceur du caractere ,
que d'une adresse étudiée. M. de Morville
fut ami des Hollandois , et leur fit aimer les
François en sa personne. Cefut aussi ce qui
engagea le Prince Regent , Grand- Maître
lui- même en l'art de gagner les coeurs , à lui
confier à son retour cette partie du Ministere , qui est en quelque sorte une naviga-nego.
tion continue .... Plein degoût pour toutes
les belles choses , il passoit agréablement des
objets qui occupent les Académies des Gens 11. worpent Vol.
Fij de
1384 MERCURE DE FRANCE
de Lettres , aux objets que cultivent les Académies qui tirent leur nom des Beaux Arts.
M. l'Archevêque de Sens répondit en
ces termes :
MONSIEUR ,
Il est glorieux , sans doute , d'être adopté
parmi nous par un concours rapide de tous
les suffrages. Mais c'est une autre sorte de
gloire qui n'est pas moins douce , d'avoir das
Rivaux et de l'emporter sur eux , la difficulté et l'incertitude rendent le succès plus
interessant ; et si un Concurrent d'un mérite connu a balancé les voix , la préference a quelque chose de bien flateur. C'est
ce qui vous est arrivé , Monsieur ; un Concurrent aimé de plusieurs , et estimé de tous:
par des Ouvrages connus , &c...... Le
Discours éloquent que vous venez de prononcer honore notre choix en même temps
qu'il justifie votre ambition.
L'éloquent Prélat parle ensuite des Ouvrages du nouvel Académicien , qui lui
ont frayé depuis long temps la route vers
l'Académie : Grande érudition , dit-il , stile
élegant , goût délicat , et surtout une justesse
de raison et de Philosophie , superieure au
goût , au stile et à l'érudition , &c....
Viennent ensuite les Eloges dûs à la Dissertation sur Homere et à l'Histoire de
11. Vol. Sethos
JUIN. 1752. 1385
Sethos. Celle- cy en mérite particulierement ,
dit l'Orateur , par le dessein que vous vous
y êtes proposé , non d'amuser,
non , mais d'instruire le Lecteur et deformer ses moeurs. Dans
ce siecle , livré peut être plus qu'aucun aux
bagatelles indécentes , aux liberte amüsantes , aux Satyres qui n'épargnent ni les hommes ni les Dieux , on est heureux de trouver encore quelques Ecrivains aussi sages
qu'ingénieux , qui veüillent bien s'étudier à
déguiser adroitement , sous ce frivole qu'on recherche et dont on ne s'amuse que trop; des
Leçons utiles de probité, de Religion , de mo- destie et de desinteressement.
Sur l'amitié et l'estime que l'Abbé Terrasson a mérité de ses Confreres dans l'A--
cadémie des Sciences , l'Archevêque de
Sens ajoûte L'Académie Françoise ne fait
pas moins de cas de la vertu et de la probité;
elle compte ces qualitez au nombre de celles
qu'elle cherche dans ceux dont ellefait choix.
Ciceron mettoit la probité au nombre des
qualitez de l'Orateur , il la plaçoit même la
premiere. L Académie Françoise adopte saz
maxime en imitant son éloquence , elle - méprise les talens quelques brillans qu'ils soient
si ce lustre leur manque ; et malgré les mur
mures du vulgaire , ces Ecrivains dont la
plume impie , médisante ou impure , attiroit
de frivoles applaudissemens, sont parmi nous
méconnus ou détestez. FY C'est
1386 MERCURE DE FRANCE
>
C'est par les vertus , si je l'ose dire , de societé et de commerce , que vous nous devez
dédommager de la perte que nous avonsfaite
de M. le C. de M. dont vous prenez la place. C'est par cet endroit seul que l'Académie a besoin d'être consolée , d'être dédomagée ; car pour la réputation et la gloire que
ses vertus lui ont acquise parmi nous , elle
subsistera toute entiere , et la mort n'ôte rien
ni à lui , ni à nous. C'est le privilege des
Societez comme la nôtre de s'enrichir chaque
jour de leurs propres pertes , et de conserver
à jamais la gloire dont chacun de ses Membres l'enrichit en y entrant.
A40. ans , M. de Morville avoit déja
épuisé tous les degrez de lafortune et tous ses
revers………. Orateur , Magistrat , Ambassadeur , Secretaire d'Etat , Ministre de la
Marine, Ministre des Affaires Etrangeres
enfin simple particulier 5 toujours égal dans
ces divers états , et toujours aimé.
>
On peutjuger de M. le C. de M. par les
négociations plus importantes et plus difficiles , dont il fut charge au bout de deux ans
en qualité de Plénipotentiaire au Congrès de
Cambray. Là , se conduisoit cette négocia
tion singuliere , qui sera un Problême pour
les siécles à venir: négociation qui sans paroître rien décider , opéroit dans toute l'Europe une paix plus durable que celle qui est
II. Vol. fixée
JUIN. 1732 1337
3
fixée par des Traitez, et qui prolongée pendant plusieurs années , suspenduë ensuite
transferée à Soissons , separée enfin comme
hazard , se trouve en apparence sans '
conclusion , et cependane sans rupture.
par
Ministre secret sans être rusé , caressant
sans s'avilir , franc et sincere sans imprudence , grave sans être fier : c'est trop pen
dire qu'il gagna l'estime de tant d'hommes
choisis de toutes les Nations , elle alloitjusqu'à la confiance et à l'amitié : et tous se sont
fait un plaisir de lui en conserver les marques , lorsque la Fortune toujours legere dans
ses caresses, s'offensa de ce qu'il sembloit vouloir la fixerpar l'égalité de son humeur et de
son caractere.
Elle lui préparoit une chûte aussi rapide
que son élevation , lorsqu'il sçût la prevenir
par une retraite genereuse , honoré de l'estime
et des graces de son Maître. Il n'avoit pas
couru après lafortune , elle étoit venuë comme d'elle-même s'effrir à lui , il lui ôta leplai- .
sir de consommer sur lui sa legereté ; il renonça de lui-même à son Empires et il montra:
par son choix qu'on peut être heureux sans
ses caresses , content sans ses trésors, et grand
sans ses bienfaits , & c.
Les Dignitez l'élevent au- dessus de nous ,
dit l'Orateur , en parlant du Cardinal de
Fleury , mais sa modestie len raproche, elle
II. Vola F vj lui
1388 MERCURE DE FRANCE
lui fait oublier tout ce que son rang a de
grandeu , et le plus puissant des Sujets est
aujourd'hui le plus simple , le plus modeste ,
le plus affable.
Et en parlant de notre Auguste Monarque: Heureux son peuple, si malgré le penchant qui le porte à murmurer toujours , à
critiquer et à se plaindre , il sçait connoître le
bonheur qu'il a d'obéir à un Roiffable dans
sa Cour, pacifique dans ses desseins , religieux dans ses devoirs , chaste dans ses plaisirs , moderé dans tous ses desirs.
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Résumé : Discours lûs à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Le 29 mai, l'Abbé Terrasson a été élu à l'Académie Française pour succéder au Comte de Morville. Lors de sa prise de fonction, Terrasson a prononcé un discours, auquel l'Archevêque de Sens a répondu au nom de l'Académie. Terrasson a loué l'Académie Française, ainsi que les Académies des Sciences et des Belles-Lettres, et a souligné l'importance de la langue dans la littérature. Il a également rendu hommage au Cardinal de Richelieu et a mentionné que l'Académie Française, grâce à ses membres éminents, a servi de modèle à d'autres institutions. Dans son discours, Terrasson a terminé par un éloge de Louis XIV, mentionnant les instructions données par le roi à son petit-fils. Il a ensuite rendu hommage à la mémoire du Comte de Morville, le décrivant comme un homme vertueux et distingué, ayant excellé dans divers rôles publics, notamment en tant que magistrat, ambassadeur et ministre. Morville était apprécié pour son esprit d'insinuation et sa capacité à gagner les cœurs. L'Archevêque de Sens a répondu en félicitant Terrasson pour son élection et en soulignant la difficulté et l'honneur de surpasser des concurrents de mérite. Il a également loué les œuvres de Terrasson, notamment son érudition, son style élégant et sa justesse de raison. L'Archevêque a mentionné la Dissertation sur Homère et l'Histoire de Sethos, saluant l'ambition de Terrasson d'instruire et de former les mœurs des lecteurs. L'Archevêque a souligné l'importance de la vertu et de la probité au sein de l'Académie Française, imitant Cicéron en plaçant la probité au premier rang des qualités de l'orateur. Il a conclu en soulignant que l'Académie se console de la perte de Morville grâce aux vertus de ses nouveaux membres.
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708
p. 1406-1407
SPECTACLES.
Début :
Le Samedi 28 de ce mois, on remit au Théatre [...]
Mots clefs :
Athalie, Tragédie, Racine, Zaïre, Voltaire
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texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES.
SPECTACLE S.
E Samedi 28 de ce mois , on remit au
Théatre François, la Tragedie d'Athalie, de Racine, dont le Public voit les Re
presentations avec beaucoup de plaisir.
La Dile Balicours y joue le principal Rôle.
Les Diles Duclos , Dangeville la jeune , et
Gossin, ceux de Josabet , de Zacharie , et
de Salomitk Ceux du Grand- Prêtre, d'Abner, de Mathan , &c. sont remplis par
les S Dufresne , Granval , le Grand , &c.
La jeune Dle la Traverse yjouë fort bien
celui de Foas.
II. Vol. Tout
JUIN. 173201487
$
Tout le monde sçait que les deux Tra
gedies d'Esther et d'Athalie , dont les sujets sont tirez de l'Ecriture Sainte , sont
les derniers Ouvrages de leur illustrè Auteur. Illes composa sous le regne de Louis
XIV. pour les Demoiselles de la Maison
Royale de S. Cyr , qui les représenterent
avec beaucoup d'intelligence , avec les
Chours. Athalie parut pour la première
fois sur le Théatre François , le 3 Mars
1716 , pendant le Carême ; on en retrancha les Chours. Elle eut un succès prodigieux . Me Desmares y joüoit le principal Rôle ; le S Beaubourg celui du GrandPrêtre ; et le S Ponteuil celui de Mathan.
Le 30 de ce mois , les Comédiens
François lûrent dans leur assemblée une
Tragédie nouvelle , intitulée Zaïre , de
la composition de Mr de Voltaire , qu'il
a faite , dit - on , en trois semaines , sans
qu'elle se sente de ce court espace de
temps. Oh assure au contraire qu'elle est
extrémement travaillée , pleine d'esprit
et de sentimens , et écrite dans la plus
grande élégance. C'est un sujet tiré de
I'Histoire des Croisades , &c. ,
Cette Piece sera jouée le mois prochain;
nous en rendrons compte exactement.
E Samedi 28 de ce mois , on remit au
Théatre François, la Tragedie d'Athalie, de Racine, dont le Public voit les Re
presentations avec beaucoup de plaisir.
La Dile Balicours y joue le principal Rôle.
Les Diles Duclos , Dangeville la jeune , et
Gossin, ceux de Josabet , de Zacharie , et
de Salomitk Ceux du Grand- Prêtre, d'Abner, de Mathan , &c. sont remplis par
les S Dufresne , Granval , le Grand , &c.
La jeune Dle la Traverse yjouë fort bien
celui de Foas.
II. Vol. Tout
JUIN. 173201487
$
Tout le monde sçait que les deux Tra
gedies d'Esther et d'Athalie , dont les sujets sont tirez de l'Ecriture Sainte , sont
les derniers Ouvrages de leur illustrè Auteur. Illes composa sous le regne de Louis
XIV. pour les Demoiselles de la Maison
Royale de S. Cyr , qui les représenterent
avec beaucoup d'intelligence , avec les
Chours. Athalie parut pour la première
fois sur le Théatre François , le 3 Mars
1716 , pendant le Carême ; on en retrancha les Chours. Elle eut un succès prodigieux . Me Desmares y joüoit le principal Rôle ; le S Beaubourg celui du GrandPrêtre ; et le S Ponteuil celui de Mathan.
Le 30 de ce mois , les Comédiens
François lûrent dans leur assemblée une
Tragédie nouvelle , intitulée Zaïre , de
la composition de Mr de Voltaire , qu'il
a faite , dit - on , en trois semaines , sans
qu'elle se sente de ce court espace de
temps. Oh assure au contraire qu'elle est
extrémement travaillée , pleine d'esprit
et de sentimens , et écrite dans la plus
grande élégance. C'est un sujet tiré de
I'Histoire des Croisades , &c. ,
Cette Piece sera jouée le mois prochain;
nous en rendrons compte exactement.
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Résumé : SPECTACLES.
Le 28 juin 1732, la tragédie 'Athalie' de Racine a été représentée au Théâtre François, rencontrant un grand succès auprès du public. Les rôles principaux étaient interprétés par la Dile Balicours (Athalie), les Diles Duclos, Dangeville la jeune, et Gossin (Josabet, Zacharie, et Salomith), ainsi que les S Dufresne, Granval, et le Grand (Grand-Prêtre, Abner, Mathan, etc.). La jeune Dile la Traverse jouait également bien le rôle de Foas. 'Athalie' et 'Esther', tirées de l'Écriture Sainte, sont les derniers ouvrages de Racine, composés pour les Demoiselles de la Maison Royale de Saint-Cyr sous le règne de Louis XIV. 'Athalie' a été jouée pour la première fois le 3 mars 1716, sans les chœurs, et a connu un succès prodigieux. Les rôles principaux étaient tenus par Me Desmares (Athalie), le S Beaubourg (Grand-Prêtre), et le S Ponteuil (Mathan). Le 30 juin, les Comédiens Français ont lu une nouvelle tragédie de Voltaire intitulée 'Zaïre', écrite en trois semaines. Cette pièce, tirée de l'Histoire des Croisades, est décrite comme extrêmement travaillée, pleine d'esprit et de sentiments, et écrite avec élégance. Elle sera jouée le mois suivant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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709
p. 1408-1417
LES SERMENS INDISCRETS, Comédie en Prose et en cinq Actes, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois au Théatre François, le 8 Juin.
Début :
Cette Piéce a d'abord éprouvé le sort de beaucoup [...]
Mots clefs :
Les Serments Indiscrets, Marivaux, Théâtre-Français, Damis, Lisette, Actes
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texteReconnaissance textuelle : LES SERMENS INDISCRETS, Comédie en Prose et en cinq Actes, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois au Théatre François, le 8 Juin.
LES SERMENS INDISCRETS
Comédie en Prose et en cing Actes , de
M. de Marivaux , representée pour la
premierefois au Théatre François , le &
Juin.
9
Cette Piéce a d'abord éprouvé le sort de
beaucoup d'autres; la premiere Représentation fût des plus tumultueuses , peutêtre auroit-elle été écoutée plus tranquille
ment , si elle avoit été donnée tout autre
jour qu'un Dimanche le Parterre des
jours de Fête est ordinairement plus impatient et plus turbulent que les autres ;
'Auteur en fit la triste expérience , et
quoique son dernier Acte fut le plus
beau , comme on l'a reconnu dans les
Représentations suivantes , on ne laissa
pas aux Acteurs la liberté de l'achever ;
le plus grand deffaut qu'on trouve dans
toute la Piéce , c'est de n'avoir pas assez.
d'action et trop d'esprit. Voici ce qui
concerne l'action..
Lucile , fille de M. Orgon , doit être mariée à Damis , fils de M. Ergaste. Ils ne se
sont jamais vûs , et d'ailleurs ils ont tous
deux une égale aversion pour le mariage.
Lucile paroît d'abord , écrivant une Lettre , qu'elle charge Lisette , sa Suivante
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1409 •
de remettre entre les mains de Damis ,
dès qu'il sera arrivé. Lisette qui craint
que le changement d'état de sa Maîtresse
ne lui fasse perdre l'empire qu'elle a pris
sur elle , la confirme dans le dessein qu'elle a de ne perdre aucun engagement , et
de jouir autant qu'elle pourra de sa precieuse liberté..
Damis arrivé , Lucile se retire à son apa
proche , Lisette demeure pour s'acquitter de la commission que sa Maîtresse lui
a donnée. Elle est ravie d'apprendre que
le futur époux n'a pas moins d'aversion
pour tout ce qui s'appelle engagement ,
que sa future ; elle agit en Plénipotentiaire , et fait entendre à Damis que sa
Maîtresse se trouve heureusement dans
les mêmes dispositions que lui..
2
Lucile qui a écouté la conversation de
Damis et de Lisette , vient confirmer les
articles du Traité. Dámis la trouve si
belle , qu'il commence à se repentir en
secret de la résolution qu'il a formée
sans connoissance de cause ; la même cho--
se se passe à peu près dans le cœur de Lucile ; mais elle le cache avec plus de soin.-
Lisette qui a interêt à les faire perseverer
tous deux dans leur premiere résolution ,
les lie par un serment indiscret, et pourtant
réciproque. Damis , devenu jaloux aussi--
11. Vol, - Gay τον
1410 MERCURE DE FRANCE
•
tôt qu'amoureux , s'imagine que Lucile
n'auroit pas l'aversion qu'elle vient de lui
témoigner pour le mariage , si son cœur
n'avoit point d'engagement pour un autre que lui. Il craindroit de la rendre
malheureuse, s'il rompoit le serment qu'il
vient de lui faire , de rompre le mariage
que leurs Peres ont projetté sans les avoir
consultez ; c'est donc par probité qu'il
veut être fidele à son serment ; mais cette
probité se trouve un peu en deffaut dans
les nouvelles mesures qu'ils prennent
pour l'éxécution de leur dessein. Damis
promet de feindre de l'amour pour Phenice , stir cadette de Lucile ; on n'a pas
trouvé que cette feinte fût assez dans les
régles de l'honneur dont il paroît qu'il
se pique.
Le feint attachement de Damis pour
Phenice embarasse et afflige également
M. Orgon , et M. Ergaste ; le premier
est pere de Lucile et de Phenice , et l'autre eft pere de Damis. Frontin , qui s'est
acquis la même autorité sur Damis que
Lisette sur Lucile , se lie d'interêt avec
cette Suivante , et tous deux par le même motif se promettent de ne rien négli
ger pour empêcher le mariage de Damis
et de Lucile. Phenice , pour se disculper
envers sa sœur , vient dire à Frontin
II. Vol. en
JUIN 1732. 1411
en présence de Lisette , qu'elle ne veut
point absolument que Damis continue à
s'attacher à elle. Lisette se sert d'un artifice qui produit dans l'esprit de Phénice
l'effet qu'elle s'en eft promis. Elle lui dit
assez désobligemment qu'il n'y a point
de beauté qui ne doive baisser le pavillon devant celle de sa Maîtresse. Phenice
en a un dépit qu'elle ne peut dissimuler ,
et fait entendre, en se retirant,qu'on pourroit se repentir de l'injure qu'on vient
de lui faire. L'attachement que Damis
affecte pour Phenice , dérange le projet
d'hymen , dont M. Orgon et M. Ergaste
s'étoient flattez ; mais ils en forment un
nouveau pour se dédommager du mauvais succès du premier ; il n'y a , se disent-ils , pour former l'alliance que nous
avons concertée ensemble , qu'à changer
d'objet , et qu'à marier Damis avec Phenice , puisque leurs cœurs sont fait l'un
pour Fautre. Ce dernier projet n'est pas
plutôt arrangé qu'on travaille à le mettre
en éxécution. Damis et Lucile en sont
également allarmez ; Lucile par fierté le
fait moins paroître que son Amant, mais
elle en témoigne assez pour faire entendre à Lisette qu'elle est disgraciée , et
qu'elle pourroit bien être chassée. Frontin n'est point déconcerté , surtout de- H.Vol. G vj puis
1412 MERCURE DE FRANCE
2
puis qu'Ergaste lui a dit d'un ton ferme
que si son fils ne répare les chagrins qu'il
lui a causez par une prompte obéissance ,
il le punira , lui Frontin , des mauvais
conseils qu'il donne à son fils. Il lui commande de fui dire qu'il ne le verra jamais,,
et qu'il le desheritera , s'il n'épouse Phénice au deffaut de Lucile. Tous ces inconvéniens que Lisette et Frontin n'avoient pas prévus dans leur premiere
conspiration , les déterminent à changer
de batterie, et à contribuer de leur mieux
à ce même hymen qu'ils ont voulu empêcher ,, de sorte que cette même Lisette
qui avolt dit à M. Orgon , que Damis er
Lucile avoient un égal éloignement l'un
pour l'autre, est la plus ardente à faire
entendre tout le contraire ; elle fait plus
elle assûre Damis de l'amour que Lucile·
a pour lui. Damis doute de son bonheur ;.
Lisette acheve de le persuader. Frontin
lui porte un coup mortel , en lui disant
que son pere veut absolument qu'il épouse Phénice sur peine d'exheredation . II
ne sçait comment se tirer d'embarras avec
cette derniere , à qui Frontin et Lisette
ont déja annoncé qu'elle ne sert que de
prétexte ; elle en a d'abord été picquée au
-vif; mais pour son bonheur, ne s'étant pas
engagée trop avant avec ce feint Amant
·
11. Kol qui
JUIN 1732. 1413
Y
qui la joue , elle borne sa vengeance à lui
fire peur de l'hymen que son pere luiordonne. La scene qu'elle a avec lui fait
naître des incidens très- comiques. Elle lui
parle d'abord de son mariage avec lui comme d'une affaire conclue. Damis
loin d'en paroître embarrassé , lui dit
que c'est à elle à parer un coup si fatal'
-puisqu'elle lui à déja fait connoître
que son cœur est engagé ailleurs ;-
Phenice lui répond avec la même fer- meté affectée qu'elle ne lui a pas
dit alors ses véritables sentimens ; que
cet engagement prétendu dont elle lui
a parlé n'étoit qu'un prétexte pour ne
point déranger ce que son pere avoit réglé ; mais que depuis qu'elle a sçû qu'on
a résolu toute autre chose , elle n'a pas
Balancé à suivreson devoir , età le suivre
sans répugnance. Damis qui s'imagine.
qu'elle joue au plus fin avec lui , et qu'elle veut qu'il se charge lui-même de la
rupture de ce mariage , lui proteste qu'il
obeïra à son pere , et qu'il ne veut pas
courir le risque d'être desherité , en s'opposant à un établissement pour lequel il
ne se sent nulle répugnance. Pour le lui
mieux persuader, il lui dit qu'il n'est plus
temps de feindre , et qu'il l'aime veritablement il se jette à ses pieds pour
A
:
El Vol micux
1414 MERCURE DE FRANCE
mieux achever de la tromper et pour la
remercier de son obéissance à son pere;
M. Orgon et M. Ergaste le surprennent
dans cette posture suppliante ; ils en sont
charmez , et ne doutant point qu'ils ne
s'aiment , ils les quittent pour aller faire dresser le Contrat. Cet incident est suivi
d'un autre , qui fait encore plus de peine
à Damis ; il cesse de feindre, et suppliant.
Phénice de le tirer d'un si mauvais pas
il lui baise la main avec transport. Lucile arrive sur le champ , Damis se retire tout confus , la vindicative Phénice
jouit malignement de la jalousie de sa
sœur ; et après en avoir essuyé de vifs
reproches , elle se retire très - satisfaite
d'elle- même. Lisette vient porter un dernier coup à la jalousie de Lucile ; elle lui
avoue qu'elle s'est mépris: quand elle a
crû que Damis l'aimoit , et qu'elle a voulu le luii persuader; elle convient que Phénice en est aimée , et cet adroit mensonge n'est que pour l'obliger à lui avoüer
qu'elle aime Damis ; cet aveu décisif arrive enfin , il est même suivi d'une prie
re que sa Maîtresse est forcée de lui faire ,
d'aller trouver Damis , et de lui faire entendre qu'il estaimé , sans pourtant qu'il
paroisse qu'elle lui en ait fait confidence ,
encore moins qu'elle l'ait chargée de faire
11. Vol. une
JUIN. 1732. 1415
une démarche si humiliante pour sa fierté. Si l'Auteur eût encore voulu multiplier les incidens ingénieux , son esprit
n'eut pas manqué de ressources ; mais il
falloit enfin dénouer sa Piéce voici
comment il s'y prend dans son dernier
Acte.
Lucile , toujours persuadée que Damis
aime sa sœur , n'a point d'autre ressource
que de s'opposer à leur hymen ; elle se
plaint amérement à son pere de ce qu'il
lui fait l'injure de marier sa cadette avant
elle ; M. Orgon lui represente en bon pere l'injustice de sa plainte , d'autant mieux
qu'il n'a tenu qu'à elle d'accepter Damis
pour époux , et que Phénice ne reçoit sa
main qu'à son refus ; cette remontrance ,
toute juste qu'elle est , ne calme point
Lucile , elle dit à son pere qu'après l'affront qu'elle va essuyer , elle n'a point
d'autre parti à prendre qu'une clôture
éternelle. Phénice vient toute disposée à
finir le cours de sa petite vengeance ; l'amitié qu'elle a pour sa sœur ne peut souffrir qu'elle porte plus loin le ressentiment
qu'elle doit avoir du personnage qu'on
lui a fait jouer , en la faisant servir de
prétexte ; elle dit à Lucile qu'elle lui cede de bon cœur ce Damis avec qui il ne
tiendroit qu'à elle d'être unie ; l'esprit de
II. Vol. Lucile
1416 MERCURE DE FRANCE
Lucile est aigrie à un tel point , qu'elle
donne un mauvais sens à tout ce que sa
sœur lui peut dire de plus obligeant ;
Orgon ne sçachant plus comment mettre
d'accord ses deux filles , les quitte dans le
dessein d'achever le mariage concerté entre son ami Ergaste et lui , ce qui déses-
-pere de plus en plus la jalouse Lucile
elle accable sa sœur de reproches , dont
cette sœur maltraitée ne peut lui faire
sentir l'injustice. Damis arrive enfin , il
veut se retirer par respect , Phénice lui dic
d'approcher er lui ordonne de rendre
Hommage à son vainqueur , en se jettant
aux genoux de Lucile; cette scene qu'on
n'avoit point vûë à la premiere Représentation est jouée par ces trois Acteurs avec
toute la finesse et toute la précision qu'on
peut souhaitter au théatre ; Phénice rem
plit la fonction de médiatrice avec une
grace géneralement applaudie. Orgon et
Ergaste arrivent dans le dessein dé conclure le mariage entre Damis et Phénice ,
et sont agréablement surpris d'un changement auquel ils n'osoient s'attendre ,.
et qui remet toutes choses dans l'ordre
qu'ils s'étoient d'abord prescrit. Voilà
quelle est cette piéce qui a paruë d'abord
si mal reçûë , et qu'on n'a cessé d'applau--
dir depuis la seconde Représentation ; on
11.Vol. ne
JUIN. 17328 1417
ne désespere pas qu'elle n'ait dans la suite le sort de tant d'autres dont les commencemens ont été malheureux. Tous les
gens qui en jugent sans prévention conviennent qu'elle leur fait plaisir ; il est
vrai qu'ils souhaiteroient qu'il y eut plus
de consistance dans l'action , et moins.
d'expressions un peu trop recherchées.
dans le Dialogue ; en un mot, que l'esprit de l'Auteur fut moins abondant ;
c'est un défaut que d'avoir trop d'esprit ,
mais c'est un excès dont le reproche a
toujours quelque chose de flateur , et dont
on a bien de la peine à se corriger au
reste, on n'a guére mis au Théatre François de Piéce mieux jouée que celle-ci
le sieur Quinault l'aîné , la Elle Quinault,
sa sœur , parfaitement secondée des Dlle
Dangeville et Gossin , et de leurs autres
camarades , y brillent à qui mieux mieux,
et remplissent l'attente des Spectateurs
les plus difficiles et les plus délicats.
Comédie en Prose et en cing Actes , de
M. de Marivaux , representée pour la
premierefois au Théatre François , le &
Juin.
9
Cette Piéce a d'abord éprouvé le sort de
beaucoup d'autres; la premiere Représentation fût des plus tumultueuses , peutêtre auroit-elle été écoutée plus tranquille
ment , si elle avoit été donnée tout autre
jour qu'un Dimanche le Parterre des
jours de Fête est ordinairement plus impatient et plus turbulent que les autres ;
'Auteur en fit la triste expérience , et
quoique son dernier Acte fut le plus
beau , comme on l'a reconnu dans les
Représentations suivantes , on ne laissa
pas aux Acteurs la liberté de l'achever ;
le plus grand deffaut qu'on trouve dans
toute la Piéce , c'est de n'avoir pas assez.
d'action et trop d'esprit. Voici ce qui
concerne l'action..
Lucile , fille de M. Orgon , doit être mariée à Damis , fils de M. Ergaste. Ils ne se
sont jamais vûs , et d'ailleurs ils ont tous
deux une égale aversion pour le mariage.
Lucile paroît d'abord , écrivant une Lettre , qu'elle charge Lisette , sa Suivante
II. Vol. de
JUIN. 1732. 1409 •
de remettre entre les mains de Damis ,
dès qu'il sera arrivé. Lisette qui craint
que le changement d'état de sa Maîtresse
ne lui fasse perdre l'empire qu'elle a pris
sur elle , la confirme dans le dessein qu'elle a de ne perdre aucun engagement , et
de jouir autant qu'elle pourra de sa precieuse liberté..
Damis arrivé , Lucile se retire à son apa
proche , Lisette demeure pour s'acquitter de la commission que sa Maîtresse lui
a donnée. Elle est ravie d'apprendre que
le futur époux n'a pas moins d'aversion
pour tout ce qui s'appelle engagement ,
que sa future ; elle agit en Plénipotentiaire , et fait entendre à Damis que sa
Maîtresse se trouve heureusement dans
les mêmes dispositions que lui..
2
Lucile qui a écouté la conversation de
Damis et de Lisette , vient confirmer les
articles du Traité. Dámis la trouve si
belle , qu'il commence à se repentir en
secret de la résolution qu'il a formée
sans connoissance de cause ; la même cho--
se se passe à peu près dans le cœur de Lucile ; mais elle le cache avec plus de soin.-
Lisette qui a interêt à les faire perseverer
tous deux dans leur premiere résolution ,
les lie par un serment indiscret, et pourtant
réciproque. Damis , devenu jaloux aussi--
11. Vol, - Gay τον
1410 MERCURE DE FRANCE
•
tôt qu'amoureux , s'imagine que Lucile
n'auroit pas l'aversion qu'elle vient de lui
témoigner pour le mariage , si son cœur
n'avoit point d'engagement pour un autre que lui. Il craindroit de la rendre
malheureuse, s'il rompoit le serment qu'il
vient de lui faire , de rompre le mariage
que leurs Peres ont projetté sans les avoir
consultez ; c'est donc par probité qu'il
veut être fidele à son serment ; mais cette
probité se trouve un peu en deffaut dans
les nouvelles mesures qu'ils prennent
pour l'éxécution de leur dessein. Damis
promet de feindre de l'amour pour Phenice , stir cadette de Lucile ; on n'a pas
trouvé que cette feinte fût assez dans les
régles de l'honneur dont il paroît qu'il
se pique.
Le feint attachement de Damis pour
Phenice embarasse et afflige également
M. Orgon , et M. Ergaste ; le premier
est pere de Lucile et de Phenice , et l'autre eft pere de Damis. Frontin , qui s'est
acquis la même autorité sur Damis que
Lisette sur Lucile , se lie d'interêt avec
cette Suivante , et tous deux par le même motif se promettent de ne rien négli
ger pour empêcher le mariage de Damis
et de Lucile. Phenice , pour se disculper
envers sa sœur , vient dire à Frontin
II. Vol. en
JUIN 1732. 1411
en présence de Lisette , qu'elle ne veut
point absolument que Damis continue à
s'attacher à elle. Lisette se sert d'un artifice qui produit dans l'esprit de Phénice
l'effet qu'elle s'en eft promis. Elle lui dit
assez désobligemment qu'il n'y a point
de beauté qui ne doive baisser le pavillon devant celle de sa Maîtresse. Phenice
en a un dépit qu'elle ne peut dissimuler ,
et fait entendre, en se retirant,qu'on pourroit se repentir de l'injure qu'on vient
de lui faire. L'attachement que Damis
affecte pour Phenice , dérange le projet
d'hymen , dont M. Orgon et M. Ergaste
s'étoient flattez ; mais ils en forment un
nouveau pour se dédommager du mauvais succès du premier ; il n'y a , se disent-ils , pour former l'alliance que nous
avons concertée ensemble , qu'à changer
d'objet , et qu'à marier Damis avec Phenice , puisque leurs cœurs sont fait l'un
pour Fautre. Ce dernier projet n'est pas
plutôt arrangé qu'on travaille à le mettre
en éxécution. Damis et Lucile en sont
également allarmez ; Lucile par fierté le
fait moins paroître que son Amant, mais
elle en témoigne assez pour faire entendre à Lisette qu'elle est disgraciée , et
qu'elle pourroit bien être chassée. Frontin n'est point déconcerté , surtout de- H.Vol. G vj puis
1412 MERCURE DE FRANCE
2
puis qu'Ergaste lui a dit d'un ton ferme
que si son fils ne répare les chagrins qu'il
lui a causez par une prompte obéissance ,
il le punira , lui Frontin , des mauvais
conseils qu'il donne à son fils. Il lui commande de fui dire qu'il ne le verra jamais,,
et qu'il le desheritera , s'il n'épouse Phénice au deffaut de Lucile. Tous ces inconvéniens que Lisette et Frontin n'avoient pas prévus dans leur premiere
conspiration , les déterminent à changer
de batterie, et à contribuer de leur mieux
à ce même hymen qu'ils ont voulu empêcher ,, de sorte que cette même Lisette
qui avolt dit à M. Orgon , que Damis er
Lucile avoient un égal éloignement l'un
pour l'autre, est la plus ardente à faire
entendre tout le contraire ; elle fait plus
elle assûre Damis de l'amour que Lucile·
a pour lui. Damis doute de son bonheur ;.
Lisette acheve de le persuader. Frontin
lui porte un coup mortel , en lui disant
que son pere veut absolument qu'il épouse Phénice sur peine d'exheredation . II
ne sçait comment se tirer d'embarras avec
cette derniere , à qui Frontin et Lisette
ont déja annoncé qu'elle ne sert que de
prétexte ; elle en a d'abord été picquée au
-vif; mais pour son bonheur, ne s'étant pas
engagée trop avant avec ce feint Amant
·
11. Kol qui
JUIN 1732. 1413
Y
qui la joue , elle borne sa vengeance à lui
fire peur de l'hymen que son pere luiordonne. La scene qu'elle a avec lui fait
naître des incidens très- comiques. Elle lui
parle d'abord de son mariage avec lui comme d'une affaire conclue. Damis
loin d'en paroître embarrassé , lui dit
que c'est à elle à parer un coup si fatal'
-puisqu'elle lui à déja fait connoître
que son cœur est engagé ailleurs ;-
Phenice lui répond avec la même fer- meté affectée qu'elle ne lui a pas
dit alors ses véritables sentimens ; que
cet engagement prétendu dont elle lui
a parlé n'étoit qu'un prétexte pour ne
point déranger ce que son pere avoit réglé ; mais que depuis qu'elle a sçû qu'on
a résolu toute autre chose , elle n'a pas
Balancé à suivreson devoir , età le suivre
sans répugnance. Damis qui s'imagine.
qu'elle joue au plus fin avec lui , et qu'elle veut qu'il se charge lui-même de la
rupture de ce mariage , lui proteste qu'il
obeïra à son pere , et qu'il ne veut pas
courir le risque d'être desherité , en s'opposant à un établissement pour lequel il
ne se sent nulle répugnance. Pour le lui
mieux persuader, il lui dit qu'il n'est plus
temps de feindre , et qu'il l'aime veritablement il se jette à ses pieds pour
A
:
El Vol micux
1414 MERCURE DE FRANCE
mieux achever de la tromper et pour la
remercier de son obéissance à son pere;
M. Orgon et M. Ergaste le surprennent
dans cette posture suppliante ; ils en sont
charmez , et ne doutant point qu'ils ne
s'aiment , ils les quittent pour aller faire dresser le Contrat. Cet incident est suivi
d'un autre , qui fait encore plus de peine
à Damis ; il cesse de feindre, et suppliant.
Phénice de le tirer d'un si mauvais pas
il lui baise la main avec transport. Lucile arrive sur le champ , Damis se retire tout confus , la vindicative Phénice
jouit malignement de la jalousie de sa
sœur ; et après en avoir essuyé de vifs
reproches , elle se retire très - satisfaite
d'elle- même. Lisette vient porter un dernier coup à la jalousie de Lucile ; elle lui
avoue qu'elle s'est mépris: quand elle a
crû que Damis l'aimoit , et qu'elle a voulu le luii persuader; elle convient que Phénice en est aimée , et cet adroit mensonge n'est que pour l'obliger à lui avoüer
qu'elle aime Damis ; cet aveu décisif arrive enfin , il est même suivi d'une prie
re que sa Maîtresse est forcée de lui faire ,
d'aller trouver Damis , et de lui faire entendre qu'il estaimé , sans pourtant qu'il
paroisse qu'elle lui en ait fait confidence ,
encore moins qu'elle l'ait chargée de faire
11. Vol. une
JUIN. 1732. 1415
une démarche si humiliante pour sa fierté. Si l'Auteur eût encore voulu multiplier les incidens ingénieux , son esprit
n'eut pas manqué de ressources ; mais il
falloit enfin dénouer sa Piéce voici
comment il s'y prend dans son dernier
Acte.
Lucile , toujours persuadée que Damis
aime sa sœur , n'a point d'autre ressource
que de s'opposer à leur hymen ; elle se
plaint amérement à son pere de ce qu'il
lui fait l'injure de marier sa cadette avant
elle ; M. Orgon lui represente en bon pere l'injustice de sa plainte , d'autant mieux
qu'il n'a tenu qu'à elle d'accepter Damis
pour époux , et que Phénice ne reçoit sa
main qu'à son refus ; cette remontrance ,
toute juste qu'elle est , ne calme point
Lucile , elle dit à son pere qu'après l'affront qu'elle va essuyer , elle n'a point
d'autre parti à prendre qu'une clôture
éternelle. Phénice vient toute disposée à
finir le cours de sa petite vengeance ; l'amitié qu'elle a pour sa sœur ne peut souffrir qu'elle porte plus loin le ressentiment
qu'elle doit avoir du personnage qu'on
lui a fait jouer , en la faisant servir de
prétexte ; elle dit à Lucile qu'elle lui cede de bon cœur ce Damis avec qui il ne
tiendroit qu'à elle d'être unie ; l'esprit de
II. Vol. Lucile
1416 MERCURE DE FRANCE
Lucile est aigrie à un tel point , qu'elle
donne un mauvais sens à tout ce que sa
sœur lui peut dire de plus obligeant ;
Orgon ne sçachant plus comment mettre
d'accord ses deux filles , les quitte dans le
dessein d'achever le mariage concerté entre son ami Ergaste et lui , ce qui déses-
-pere de plus en plus la jalouse Lucile
elle accable sa sœur de reproches , dont
cette sœur maltraitée ne peut lui faire
sentir l'injustice. Damis arrive enfin , il
veut se retirer par respect , Phénice lui dic
d'approcher er lui ordonne de rendre
Hommage à son vainqueur , en se jettant
aux genoux de Lucile; cette scene qu'on
n'avoit point vûë à la premiere Représentation est jouée par ces trois Acteurs avec
toute la finesse et toute la précision qu'on
peut souhaitter au théatre ; Phénice rem
plit la fonction de médiatrice avec une
grace géneralement applaudie. Orgon et
Ergaste arrivent dans le dessein dé conclure le mariage entre Damis et Phénice ,
et sont agréablement surpris d'un changement auquel ils n'osoient s'attendre ,.
et qui remet toutes choses dans l'ordre
qu'ils s'étoient d'abord prescrit. Voilà
quelle est cette piéce qui a paruë d'abord
si mal reçûë , et qu'on n'a cessé d'applau--
dir depuis la seconde Représentation ; on
11.Vol. ne
JUIN. 17328 1417
ne désespere pas qu'elle n'ait dans la suite le sort de tant d'autres dont les commencemens ont été malheureux. Tous les
gens qui en jugent sans prévention conviennent qu'elle leur fait plaisir ; il est
vrai qu'ils souhaiteroient qu'il y eut plus
de consistance dans l'action , et moins.
d'expressions un peu trop recherchées.
dans le Dialogue ; en un mot, que l'esprit de l'Auteur fut moins abondant ;
c'est un défaut que d'avoir trop d'esprit ,
mais c'est un excès dont le reproche a
toujours quelque chose de flateur , et dont
on a bien de la peine à se corriger au
reste, on n'a guére mis au Théatre François de Piéce mieux jouée que celle-ci
le sieur Quinault l'aîné , la Elle Quinault,
sa sœur , parfaitement secondée des Dlle
Dangeville et Gossin , et de leurs autres
camarades , y brillent à qui mieux mieux,
et remplissent l'attente des Spectateurs
les plus difficiles et les plus délicats.
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Résumé : LES SERMENS INDISCRETS, Comédie en Prose et en cinq Actes, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois au Théatre François, le 8 Juin.
La pièce 'Les Sermens indiscrets' est une comédie en prose et en cinq actes de Marivaux, représentée pour la première fois au Théâtre Français le 6 juin. La première représentation fut tumultueuse en raison de l'impatience et de la turbulence du public un dimanche. La pièce a été critiquée pour manquer d'action et avoir trop d'esprit. L'intrigue principale concerne Lucile, fille de M. Orgon, et Damis, fils de M. Ergaste, qui doivent se marier malgré leur aversion mutuelle pour le mariage. Lucile écrit une lettre à Damis, confiée à sa suivante Lisette. Damis exprime également son aversion pour le mariage à Lisette. Lucile, ayant entendu la conversation, confirme leur accord. Lisette les lie par un serment réciproque de ne pas se marier. Damis, jaloux, feint d'aimer Phénice, la sœur cadette de Lucile, pour éviter le mariage. Cette feinte complique les plans des pères, qui décident alors de marier Damis à Phénice. Lisette et Frontin, le valet de Damis, initialement opposés au mariage, changent de stratégie pour éviter les conséquences. Phénice, initialement utilisée comme prétexte, se venge en jouant avec les sentiments de Damis. La pièce se dénoue lorsque Lucile, jalouse, s'oppose au mariage de Damis et Phénice. Phénice cède finalement Damis à Lucile, révélant ainsi la vérité. Les pères, agréablement surpris, concluent le mariage entre Lucile et Damis. La pièce, mal reçue initialement, a été applaudie par la suite. Les acteurs, notamment le sieur Quinault l'aîné, la demoiselle Quinault, la demoiselle Dangeville et Gossin, ont été particulièrement applaudis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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710
p. 1417-1422
EXTRAIT du Procès des Sens.
Début :
Cette Comédie en un Acte en Vers est une forme [...]
Mots clefs :
Comédie, Extrait, Procès des Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Procès des Sens.
EXTRAITdu Procès des Sens.
Cette Comédie en un Acte en Vers est
une forme de Critique nouvelle , risquée:
heureusement sur un Théatre qui n'avoit
encore rien donné dans ce goût-là ; l'Auteur ne doit pas se repentir de cet essai 2
11. Vol. puis-
1418 MERCURE DE FRANCE
puisque le Public , loin de le regarder
comme une témerité , l'a honoré de ses
applaudissemens. Le Ballet des Sens a
donné occasion à la Comédie, où les Sens
personifiés sur la Scene Françoise , font
de courtes et justes Analyses des Entrées
qu'on leur a assignées sur la Scene Lyrique.
L'action du Procès des Sens se passe
dans les Jardins d'Hebé , où le Goût
trouve l'Amour établi Juge de la contestation par un Edit de Jupiter , apporté
par Mercure. L'Amour demande au Goût
quel sujet a pû brouiller les Sens ; le Goût
lui répond que l'Opera s'étant avisé de
leur faire chanter des Brunettes , et danser des Musettes , cela a occasionné cent
discours partiaux sur leurs prééminences ,
qui ont semé la division entr'eux . Il lui
rapporte de suite les décisions d'un Abbé d'un Caissier et d'un Gascon , et
ajoûte :
Seigneur Amour , Voilà
Comme tous cinq on nous balote.
L'Amour réplique :
Tous cinq , calculez bien , qui de cinq ôte deux ,
Reste trois en Eté ce nombre est plus heu- reux.
11. Vol. Ah!
A
JUIN... 17326 1479
Ah ! dit le Goût ,
Vous voulez badiner sur le Goût et l'Ouic
Que l'on a retranchés dans le nouveau Ballet ;
Quant à l'Acte du Goût qui pour moi pa- roîtra
Quand les jours baisseront , à moins que d'être souche ,
De mon retranchement rien l'on ne conclura ,
Sinon que l'Opera
Me garde pour la bonne bouche.
Un petit Amour vient annoncer l'Odorat , qui paroît chargé de fleurs , et se
caracterise par sa délicatesse sur lesOdeurs,
l'Ouie et la Vue le suivent de près. L'Amour se place sur son Tribunal , et les
Sens plaident alternativement leur cause :
nous ne donnerons pour échantillon des
traits de critique , que celui qui tombe
sur l'Acte où triomphe la Dlle le Maure.
L'Amour Chantant , ( dit l'Amour declamant )
Devroit être honteux ,
De son avanture nouvelle ,
Et ne pas s'en vanter comme il fait ; elle est
belle;
L'Opera complaisant détache son bandeau ,
Disant pour raison de son zele ,
Que son illuminé nouveau
II. Vol.
Va
#420 MERCURE DE FRANCE
*Varégler sa main témeraire,
C'est pour le bien descœurs que le Destin l'éclaire,
Quel usage fait- il de ce don précieux ?
De quoi s'occupe - t ilen ouvrant ses beaux
yeux ?
Semblable à l'Ecolier qui sort de la jaquette
• Il vole du facile an superficiel ,
Et le premier regard que notre Bambin jette ,
C'est pour admirer l'Arc- en- Ciel
Et se coiffer d'une Grisette.
Kris, Grisette !
La Vue.
L'Amour
Et qui pis est soubrette.
Dans le fort de la plus vive dispute des
Sens ; le Sens commun arrive ; le Public a
trouvé qu'il parle comme il doit parler.
Décision très glorieuse pour l'Auteur.
Voici la définition du bon Sens tel qu'il
la fait lui-même.
Sans éclat j'illumine
Mais j'illumine nettement ;
Je n'aventure rien; à pas lents je chemine ,..
Mais je chemine sûrement
Le Sens commun n'a pas toujours de grace fine
2. Vers du Balle
II. Vol. Le
JUIN. 1732. 1420
Mais il y a du solide , il pense éxactement
Enfin il est le jugement,
Il est l'esprit sensé que le vrai détermine ,
Que le Bon touche fortement ;
;
Et par fois l'Esprit vif n'est dans son enjou
ment
Que la sotise qui badine,
Le Sens commun expose qu'il craint
que les Sens ne s'approprient ses droits.en
détaillant les leurs. Sa Requête n'est pas
malfondée , tant sur le Théatre que dans
les conversations les plus éclairées ; il n'est
que trop ordinaire de confondre les opérations de l'Esprit avec celies des Sens.
Le Toucher qui s'est amusé , suivant sa
coûtume , ne paroît qu'après la sortie du
Sens commun et passe son tems et le
reste de l'Audience à badiner ; l'Amour
leve le siége , et finit par un compliment
dû aux Spectateurs , où il les invite à
faire durer le Procès des Sens , et à lui
rêter leurs lumieres pour lejuger bien.
La Dile Dangeville la jeune , qui remplit le Rôle de l'Amour , le joue avec
cette figure aimable et piquante , qui fait
si grand plaisir aux yeux , et avec toutes
les graces , la finesse et la legereté imaginable. Elle est très-bien secondée par les
II.Vol sieurs
122 MERCURE DE FRANCE
Srs Dangeville l'Oncle , Poissons, Montmesnil , qui y jouent les Rôles du Toucher , du Goût et du bon Sens , et par
ses autres Camarades , car la Piéce est
très-bien et très- vivement jouée.
Cette Comédie en un Acte en Vers est
une forme de Critique nouvelle , risquée:
heureusement sur un Théatre qui n'avoit
encore rien donné dans ce goût-là ; l'Auteur ne doit pas se repentir de cet essai 2
11. Vol. puis-
1418 MERCURE DE FRANCE
puisque le Public , loin de le regarder
comme une témerité , l'a honoré de ses
applaudissemens. Le Ballet des Sens a
donné occasion à la Comédie, où les Sens
personifiés sur la Scene Françoise , font
de courtes et justes Analyses des Entrées
qu'on leur a assignées sur la Scene Lyrique.
L'action du Procès des Sens se passe
dans les Jardins d'Hebé , où le Goût
trouve l'Amour établi Juge de la contestation par un Edit de Jupiter , apporté
par Mercure. L'Amour demande au Goût
quel sujet a pû brouiller les Sens ; le Goût
lui répond que l'Opera s'étant avisé de
leur faire chanter des Brunettes , et danser des Musettes , cela a occasionné cent
discours partiaux sur leurs prééminences ,
qui ont semé la division entr'eux . Il lui
rapporte de suite les décisions d'un Abbé d'un Caissier et d'un Gascon , et
ajoûte :
Seigneur Amour , Voilà
Comme tous cinq on nous balote.
L'Amour réplique :
Tous cinq , calculez bien , qui de cinq ôte deux ,
Reste trois en Eté ce nombre est plus heu- reux.
11. Vol. Ah!
A
JUIN... 17326 1479
Ah ! dit le Goût ,
Vous voulez badiner sur le Goût et l'Ouic
Que l'on a retranchés dans le nouveau Ballet ;
Quant à l'Acte du Goût qui pour moi pa- roîtra
Quand les jours baisseront , à moins que d'être souche ,
De mon retranchement rien l'on ne conclura ,
Sinon que l'Opera
Me garde pour la bonne bouche.
Un petit Amour vient annoncer l'Odorat , qui paroît chargé de fleurs , et se
caracterise par sa délicatesse sur lesOdeurs,
l'Ouie et la Vue le suivent de près. L'Amour se place sur son Tribunal , et les
Sens plaident alternativement leur cause :
nous ne donnerons pour échantillon des
traits de critique , que celui qui tombe
sur l'Acte où triomphe la Dlle le Maure.
L'Amour Chantant , ( dit l'Amour declamant )
Devroit être honteux ,
De son avanture nouvelle ,
Et ne pas s'en vanter comme il fait ; elle est
belle;
L'Opera complaisant détache son bandeau ,
Disant pour raison de son zele ,
Que son illuminé nouveau
II. Vol.
Va
#420 MERCURE DE FRANCE
*Varégler sa main témeraire,
C'est pour le bien descœurs que le Destin l'éclaire,
Quel usage fait- il de ce don précieux ?
De quoi s'occupe - t ilen ouvrant ses beaux
yeux ?
Semblable à l'Ecolier qui sort de la jaquette
• Il vole du facile an superficiel ,
Et le premier regard que notre Bambin jette ,
C'est pour admirer l'Arc- en- Ciel
Et se coiffer d'une Grisette.
Kris, Grisette !
La Vue.
L'Amour
Et qui pis est soubrette.
Dans le fort de la plus vive dispute des
Sens ; le Sens commun arrive ; le Public a
trouvé qu'il parle comme il doit parler.
Décision très glorieuse pour l'Auteur.
Voici la définition du bon Sens tel qu'il
la fait lui-même.
Sans éclat j'illumine
Mais j'illumine nettement ;
Je n'aventure rien; à pas lents je chemine ,..
Mais je chemine sûrement
Le Sens commun n'a pas toujours de grace fine
2. Vers du Balle
II. Vol. Le
JUIN. 1732. 1420
Mais il y a du solide , il pense éxactement
Enfin il est le jugement,
Il est l'esprit sensé que le vrai détermine ,
Que le Bon touche fortement ;
;
Et par fois l'Esprit vif n'est dans son enjou
ment
Que la sotise qui badine,
Le Sens commun expose qu'il craint
que les Sens ne s'approprient ses droits.en
détaillant les leurs. Sa Requête n'est pas
malfondée , tant sur le Théatre que dans
les conversations les plus éclairées ; il n'est
que trop ordinaire de confondre les opérations de l'Esprit avec celies des Sens.
Le Toucher qui s'est amusé , suivant sa
coûtume , ne paroît qu'après la sortie du
Sens commun et passe son tems et le
reste de l'Audience à badiner ; l'Amour
leve le siége , et finit par un compliment
dû aux Spectateurs , où il les invite à
faire durer le Procès des Sens , et à lui
rêter leurs lumieres pour lejuger bien.
La Dile Dangeville la jeune , qui remplit le Rôle de l'Amour , le joue avec
cette figure aimable et piquante , qui fait
si grand plaisir aux yeux , et avec toutes
les graces , la finesse et la legereté imaginable. Elle est très-bien secondée par les
II.Vol sieurs
122 MERCURE DE FRANCE
Srs Dangeville l'Oncle , Poissons, Montmesnil , qui y jouent les Rôles du Toucher , du Goût et du bon Sens , et par
ses autres Camarades , car la Piéce est
très-bien et très- vivement jouée.
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Résumé : EXTRAIT du Procès des Sens.
Le texte présente une critique de la comédie en un acte en vers intitulée 'Le Procès des Sens'. Cette œuvre, bien que risquée, a été bien accueillie par le public, qui l'a applaudie. L'action se déroule dans les jardins d'Hébé, où l'Amour, désigné juge par Jupiter, doit trancher une dispute entre les Sens. Cette querelle a été déclenchée par une représentation d'opéra où les Sens ont été mis en scène de manière controversée. Les Sens, personnifiés, plaident leur cause devant l'Amour. Le Goût explique que l'opéra a semé la division en faisant chanter et danser des personnages inappropriés. L'Amour suggère de réduire les Sens à trois pour simplifier la situation. Les Sens de l'Odorat, de l'Ouïe et de la Vue interviennent tour à tour, critiquant notamment une performance de la demoiselle Le Maure. Au cœur de la dispute, le Sens commun arrive et expose sa définition : il éclaire nettement et sûrement, sans éclat superflu. Il craint que les Sens ne s'approprient ses droits et rappelle l'importance de distinguer les opérations de l'esprit de celles des Sens. Le Toucher, dernier à intervenir, passe son temps à badiner. La pièce est jouée avec succès par des acteurs renommés, notamment la demoiselle Dangeville dans le rôle de l'Amour, qui est saluée pour son interprétation pleine de grâce et de finesse. L'Amour conclut en invitant le public à prolonger le débat et à partager leurs lumières pour juger la pièce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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711
p. 1422
« Le 30. Juin, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la [...] »
Début :
Le 30. Juin, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Colombine, Avocat pour ou Contre
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texteReconnaissance textuelle : « Le 30. Juin, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la [...] »
Le 30. Juin , les Comédiens Italiens remirent au Théatre la Comédie de Colombine , Avocat Pour et Contre , en Prose et
en trois Actes , représentée dans sa nouveauté par les anciens Comédiens Italiens
en 1685. La De Roland , nouvelle Danseuse Italienne , dont on a parlé, y debuta.
pour la premiere fois par le Rôle de Colombine , qu'elle joua avec assez d'intelligence , ayant été applaudie du Public.
en trois Actes , représentée dans sa nouveauté par les anciens Comédiens Italiens
en 1685. La De Roland , nouvelle Danseuse Italienne , dont on a parlé, y debuta.
pour la premiere fois par le Rôle de Colombine , qu'elle joua avec assez d'intelligence , ayant été applaudie du Public.
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712
p. 1416-1462
LETTRE écrite de Paris, à un Nouvelliste de Province.
Début :
Vous avez bien de l'ardeur pour les nouvelles, Monsieur [...]
Mots clefs :
Nouvellistes, Nouvelles, Paris, Province, Méprisable, Nuisible, Oisiveté, Choses vaines, Curieux, Guinguet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Paris, à un Nouvelliste de Province.
LETTRE écrite de Paris , un Nouvelliste
de Province.
Ous avez bien de l'ardeur pour les
nouvelles ,Monsieur , vous qui faisiez , il n'y a pas deux ans , des réfléxions
si sensées contre cette dangereuse passion ; je comprens par vos reproches que
mes Lettres vous touchent peu , quand il
n'y a pas unChapitre complet de nouvelles. Je vous crois dès - à - present tout le
talent et tout le zele d'un Nouvelliste du
premier ordre , et je ne doute pas que
vous n'acqueriez encore des qualitez pour
mériter une place distinguée dans cet il
lustre Corps.Je suis bien sur que vous n'ê
res pas des derniers à vous rendre tous les
II. Vol jours
JUIN. 732. 1417
jours sous la Halle du Marché, à la gran de
Place , au Cloître des C. ou à l'avenue
pour être aux aguets et saisir des passans
quelque nouvelle de la premiere main.
Vous êtes donc bien changé , et sans
doute vous n'avez pas conservé le moindre souvenir de nos entretiens sournois
aux Tuilleries , ( car c'est toujours là le
grand Bureau et comme le Chef- lieu des
Nouvellistes ) en observant ces Troupes
nombreuses de gens oisifs , tantot ambulans , tantôt sédentaires ; tantôt formant
un grand Corps à l'arrivée d'un Notable
ou d'un des principaux Membres du Bu
reau, tantôt divisés par pelotons, et l'instant d'après rassemblez , au moindre mot
pris à la volée , et tous également empresScz, pour apprendre ou pour débiter
quelque nouvelle , souvent hazardée; l'avidité des uns, l'air composé et important
des autres , cela nous divertissoit beaucoup, sans compter les raissonemens gra
ves et politiques , les conjectures puériles ou frivoles les sentimens hétéroclites
soutenus avec chaleur et à grand bruit;car
tous les hommes, mêmes les moins vains.
et les plus raisonnables , sont amoureux
de leurs opinions et jusques dans les plus
petites choses , où ils n'ont pas le moindre interêt; aveuglez par celui de l'amour
3
}
1. Vol pro-
1448 MERCURE DE FRANCE
propre qui les anime , ils tombent dans
les plus grands excès.
Mais où vais-je m'engager , peut-être
par un mouvement de ce même amour
propre dont je viens de parler , et contre
lequel je crois être fort en garde ? Nul
Mortel ne peut se vanter de n'êstre pas
dupe à cet égard ; on l'a deja dit cent et
cent fois et en cent manieres differentes :
Baste. Il est question des Nouvellistes et
des nouvelles, de ces cheres nouvelles qui
vous tiennent si fort au cœur, et je n'en
ai point à vous dire.Comment faire?Trouver quelque chose d'équivalent, cela n'est
pas possible; ma foy , puisque vous n'êtes
Bas ennemi du babil et que je suis en train
de babiller , je vais réfléchir sur ce qui a
fait dabord le sujet de cette Lettre, et vous
exposer , selon les idées qui se présentefont à mon esprit , les sentimens qu'on
peut avoir et les réfléxions qu'on peut
faire sur cette matiere.
1
Il n'y a rien de si raisonnable , ni de si
naturel en general , que de s'informer et
mêmed'avoir quelque empressement pour
être instruit des Evenemens qui arrivent
sur le grand Théatre du Monde , et qui
doivent interesser la curiosité d'un honête homme. Il est même honteux de n'être
pas au courant, pour ainsi dire , de cerIL Vol.
Ataines
JUIN. 1732. 1449
taines nouvelles Historiques , Politiques
et Litteraires. Mais voir des gens, ne s'oc
cuper uniquement que de nouvelles , négliger leurs propres affaires , en perdre ,
pour ainsi dire , le boire et le manger ,
sans être capables d'autre chose ; c'est ce
que je blâme, car il n'y a que l'excès qui
rend cette passion méprisable. Tous les
jours on est fatigué et impatienté par
ces Cazaniers, d'un esprit borné et indiffe
rent , qui ne lisant rien , et ne cherchant
point à s'instruire veulent sçavoir ou
vous apprendre ce que personne n'ignore
depuis long temps.
و
Mais exposons , si vous me le permettez , Monsieur , ce ridicule dans un plus
grand jour, pour faire sentir le faux esprit
dans lequel on s'occupe à sçavoir des nouvelles , et combien le temps qu'on y employe est non seulement tres- mal employé , mais encore nuisible par le dégré
de vanité qu'on acquiert en voulant pénétrer , deviner juste , et prédire l'avenir
avec un ton de Prophete ; sans compter le
danger qu'il y a de s'engager insensiblement dans une espece de parti , dont le
moindre inconvenient est de se faire trop
connoître , se dégrader en quelque maniere , et se laisser confondre dans une
foule , si-non méprisé, au moins bien peu
II. Vol. Ipesti-
1450 MERCURE DE FRANCE
estimé, ou devenir fameux, et enfin l'ob
jet de la dérision publique ; on en a plus
d'un exemple , de ces gens dont la figure,
la tête et le visage sont remarquables;qu'on
voit par tout, qu'on ne sçauroit définir
et que personne ne connoît, sans compter
encore les choses les plus indifferentes et
les plus innocentes en elles- mêmes , qui redites sans la moindre altération , et sans
aucun dessein malin , mais sans y faire assez d'attention , et par la seule envie de
parler , sont très- propres à faire les plus
grandes tracasseries, ou à donner bien du
ridicule , selon le temps , les lieux , les
circonstances et les personnes devant qui
on parle. Je ne dis rien du danger que
l'on court avec les étourdis , les emportez , les opiniâtres , les impolis, les impudens , ou les timides complaisans à l'excès , également dangereux , et les fades
railleurs qui vous rient au nez , et qui par
des questions ou par des réponses aussi
inconsiderées que choquantes , vous mettent dans la dure nécessité de les traiter ,
(car la patience échape)avec le ton que mérite une grossiereté dire en face. Mais
sans avoir part au démêlé, il est tres-fâcheux d'en être témoin , et plus encore
d'être cité.
Il ne fautpas réver bien profondement
II. Vol. pour
JUIN. 1732. 1451
pour voir que le premier principe de
cette passion est l'oisiveté, pour laquelle
les gens qui ont passé leur jeunesse en dis
sipation et dans des amusemens frivoles
ont beaucoup de gout. Or un homme sans
Occupation , et certainement sans genie ,
cherche à perdre du temps avec le même
empressement qu'un joueur de profession
cherche à gagner ; delà ce penchant pour
les choses qui n'occupent que superficiellement , où l'esprit n'a presque aucune
opération à faire , opérations que les autres fontpour eux,qu'ils adoptent même,
et desquelles ils font encore leur profit ,
en les allant débiter comme les leurs, avec
la modestie d'un Docteur de mauvais
aloy.
Quand ce penchant est une fois déterminé vers l'oisiveté , le frivole , le superficiel et les choses vaines , pour lesquelles
il ne faut nulle application , quand il est
augmenté par l'esprit de curiosité qui fut
toujours , comme vous sçavez, la passion
dominante de l'homme dès son enfance
et qui s'est accruë à l'infini à mesure que
les faits se sont multipliez sur la terre,et
dans sa tête ; on ne doit point s'étonner
du progrès et des désordres qu'il fait , ni
de la corruption qu'il cause. Il ne tiendroit qu'à moi de vous en faire icy une
II. Vol. I ij -lon-
1452 MERCURE DE FRANCE
longue énumération, et vous prouver par
des exemples, combien la curiosité outrée ,
a été funeste à l'un et à l'autre sexe.
Une chose bien singuliere , et qu'il ne
tiendra qu'à vous , Monsieur , de remarquer; c'est que la plupart de ces curieux
insatiables , de ces quéteurs de nouvelles,
qui les cherchent avec tant d'ardeur et de
peine , ne s'y interressent point du tout
dans le fond , et ne sont pas plus sensibles à un fait , à un Evenement éclatant
et remarquable pour l'Histoire de notre
temps , qu'à une aventure de Guinguette.C'est l'esprit d'ostentation et de vanité
qui les fait agir , croyant ainsi se rendre
recommandables, en débitant avec autant
d'amphase que de fadeur , des choses triviales qui ne sont pas ignorées au Marchéneuf.
J'ai quelquefois ri de bon cœur , je vous
l'avoue , de ces hommes importans qui
toujours sortent , ou viennent d'une Maison , qui ont dîné dans une Maison , qui
frequentent une Maison , qui ont vû et entendu dans une Maison , &c. Ces Maisons
qu'on ne désigne mistérieusement qu'à
demi , pour faire valoir la nouvelle , ne
sont pas des Maisons du commun , non ,
mais elles sont souvent telles qu'un Gripesou ne les avouëroit pas , et il arrive
II. Vol. même
JUIN. 17320 1453
même que quand ces Maisons sont telles
qu'onveut le faire entendre, le vain Narrateur,avec son ton imposant , et ses airs de
confiance et de protection , n'y est pas
plus considéré que le Gripesou.
Quand ces Messieurs font tant que de
citer,Dieu sçait s'ils choisissent des Noms
respectables et de Gens en place.Combien
ils font sonner haut le commerce étroit
et familier qu'ils ont avec les Grands ,
qu'ils ne qualifient même jamais de Monsieur, c'est le grand air. Ils ne débitent
même la nouvelle , et ne la repetent cent
et cent fois que pour la citation et pour
les circonstances qu'ils y mettent, pour se
faire citer eux-mêmes; et si le lieu de la
Scene est à la Comédie , à l'Opéra ou à
quelques autres Spectacles , où ils ont été
en passant faire montre de leur parure ,
la narration n'en est pas plus modeste.
A la vérité il faudroit peut être moins
blâmer des gens qui sans talens et sans
avoir rien d'acquis , n'étant plus en état
de s'appliquer à quelque chose d'utile ,
veulent cependant sé faire une sorte de
réputation. Que dis-je , de réputation ?
On voit tous les jours des intrus , qui en
sont tellement avides, qu'ils s'aventurent,
de parler à leur tour et même avant ,
croyant prudemment que de se mon C
02.11. Vol.
Liij trer
1494 MERCURE DE FRANCE
trer en public , pêle - mêle , avec d'hon
nêtes gens , cela ne nuit point à la leur.
Celle de Nouvelliste , quoique personne
ne l'envie , ne laisse- pas de flater les gens
d'un certain caractere ; une application
heureuse , une conjecture hazardée qui
réussit, est seule capable de les mettre en
crédit dans leur canton ; mais il arrive
aussi qu'ils s'en applaudissent à l'excès et
qu'ils deviennent presque toujours intrai-
'tables , par la maniere altiere dont ils soutiennent leurs sentimens , ausquels ils
veulent durement assujettir les autres; et
le cœur enflé et toujours plus avide de
cette petite gloire , on n'attend plus les
nouvelles ; on va audevant ,on les devine , et grands raisonnemens ensuite pour
appuyer son opinion. Opinion souvent
contestée tumultuairement, où celui dont
le ton de la voix est le plus haut , a pres
que toujours l'avantage.
Mais quand j'y fais réfléxion , presque
tous les hommes sont extrémement flatez
de s'imaginer avoir en eux la faculté de
voir plus clair que les autres dans l'ave
nir. Cela leur annonce une étenduë de lumieres et une pénétration,avec le secours
de laquelle ils croyent percer les voiles
les plus épais , pénétrer dans les secrets
du cabinet et de la politique la plus pro2011. Vol. Ju fonde
JUIN 1732: 1455
3
fonde , et même de prophétiser. Faites- y
bien attention , Monsieur , c'est peut-être
l'Idole la plus universellement chérie de
l'homme; car rien ne nous pique tant
que ce raisonnement intérieur , dicté par
F'amour propres il est réservé à ma péné- tration de découvrir une chose cachée aux
yeux de tous les autres hommes. Vous en
connoissez , Monsieur , que pareille foiblesse a quelquefois couverts d'un ridicu
le humiliant : mais ce qui est sans doute
à la honte de la nature humaine , c'est
que ce ne sont pas des hommes du commun qui se donnent de ces travers ; ce
sont ordinairement ceux qui avec l'ostentation de briller , à quelque prix que
ce soit , ont le plus de ressources dans
l'esprit , le plus de lumieres , de sagacité
et de talens pour le raisonnement méthodique , aisé , agréable et séduisant ; il
est fâcheux qu'on ne puisse pas toujours
jouir de leur commerce sans danger ; car
sur d'autres sujets , on trouve beaucoup
de justesse, de précision, des descriptions,
des définitions, des réfléxions fines et délicates , &c, soyons donc en garde , mon
cher Monsieur , contre ce subtil poison ,
souvent pernicieux dans ses effets.
Les Nouvellistes qui ont quelque teinture de Geographie , de Politique , des
interêts des Princes &c. tiennent à juste
II. Vol. Liiij titre
1434 MERCURE DEFRANCE
titre le haut bout , et brillent à peù
de frais auprès de ceux qui parlent sans
regle , sans connoissances , et qui ne se
piquent que d'aller loin sans se piquer
d'aller droit, mais ce ne sont pas toujours
ceux qui plaisent le plus dans leurs réflexions sur les raisons d'Etat , les differentes inclinations et les vues des Grands et
du Peuple , la situation et les circonstances particulieres de l'état présent des affaires du Monde , et sur les conséquences
qu'on en peut tirer , surtout quand leurs
discours ne sont ni bornez ni sagement
ménagez. Car , qu'on ait vu passer un
Courrier, qu'on ait observé certains mouvemens à la Cour , ou remarqué dans le.
visage , ou dans les manieres , l'empresse
ment, la tristesse ou la gayeté d'un Prince,
d'un Ministre , d'un Grand ; en voilà assez pour former tel ou tel évenement ,
qu'on rend plus ou moins vraisemblable
selon que l'on a l'art de l'arranger et de le
narrer , sans oublier le ton misterieux et
reservé , pour faire entendre que l'on en
sçait bien plus que l'on n'en fait connoître. Si l'évenement ne répond.pas àla pro
phetie, le faux prophete enest quitte pour
être quelques jours sans se montrer at
même auditoire.
Quelqu'uns , et ceux-cy ne sont nullementennuyeux , se plaisent à débiter des
CC 11. Vole nou
JUIN.1732 1457
1
nouvelles , non seulement sans gravité ,
mais d'un air leger , naturel , agreable ,
et à les embellir par un tour fin et plaisant ; ils les ornent de circonstances qui
les relevent à la vérité , le fait raconté ,
qui n'est souvent que le prétexte de la :
narration , n'a nul fondement , mais il
devient dans leur bouche une nouvelle
toute nouvelle , ou un petit Roman qui
fait plaisir pour peu qu'on se prête à la
fiction et aux épisodes.
La varieté des caracteres est fort- grande parmi les Nouvellistes ; nous venons
d'en voir un fort gai , en voici un tout
opposé et qui n'est pas moins vrai , Ce
sont ces esprits taciturnes , pleins de malignité , avides de poison et qui ne répandent que de la noirceur , à qui on doit
sçavoir gré quand ils n'emportent pas la
piece , et qu'ils ne sont que médisans ou
désobligeans. De tels hommes ne respirent que les évenemens tragiques , les rumeurs , les soulevemens , les révolutions ;
des Campagnes désolées , des Villes saccagées , des Incendies , des Naufrages , de
grandes defaites , des meurtres et des carnages ; et faute d'un pareil ragout , ils
s'acharnent souvent sur un infortuné qui
périt , et qui n'est peut- être pas toûjours
aussi coupable aux yeux de Dieu qu'aux
yeux des hommes.
II. Vol. ܀ . On
1458 MERCURE DE FRANCE
On les voit , ces esprits amers et par
tiaux , mettre avec une égale satisfaction dans le plus grand jour , les avantages de la cause qu'ils favorisent , et les
revers de celle à laquelle ils sont contraires. Toûjours portez à tourner les nou- velles selon les mouvemens de leur cœur; :
les croire ou les rejetter , les publier ou les
suprimer , les enfler ou les extenuer : sur
quoi on peut faire cette réflexion , qui est
que lors qu'ils ont par hazard embrassé.
le bon party , ils ne lui font pas grand
bien , et ils se font grand tort à eux- mê
mes.
Or il est aisé de juger dans quelle
impatience doivent être ceux qui esperent les bons succès qu'ils attendent
et qui fatent leur sentiment , et dans
quelles perplexitez ils sont sur les évenemens qu'ils craignent et qui relevent le
party contraire. Dans l'un et l'autre cas
( et l'un ne va gueres sans l'autre ) l'incertitude est au même degré , et les agite
aussi vivement , car la moderation etla
patience sont des vertus peu connues de
ces hommes toûjours empressez et toûjours insatiables. Leur passion est trop
animée et trop ardente pour ce qu'ils
souhaittent ou pour ce qu'ils craignent.
Ils comptent tous les instans ; leur ins
quiétude est à charge à tout le monde et
11. Vol. à
JUIN. 1732 1459
à eux-mêmes , plus ou moins , selon le
degré de leur préoccupation.
Mais reprenons des idées plus gayes,
et disons que vous prenez , Monsieur ,
un très-mauvais party de rester en Province , où les nouvelles sont toûjours assez rares , surannées , mal sûres, car on ne
les sçait gueres que d'un seul endroit ,
encore faut-il souvent les aller chercher ;
ensorte qu'un nouvelliste des moins affamez ,de ce Pays-cy mourroit d'inanition
en peu de tems dans vos cantons. Vive
Paris,morbleu, où il y a toûjours plus de
cent atteliers ouverts, où se debitent et se
fabriquent des nouvelles de toute espece.
Autems et aux heures dePromenade, il n'y
a qu'à s'y transporter , on jouit des agrémens de la saison , de la magnificence du
lieu , des agrémens , de la propreté et de
la varieté infinie du beau monde ; le tems
est - il mauvais , fait - il trop froid ,
trop chaud , les Caffez sont ouverts dès
le grand matin jusqu'à minuit ; vous y
trouvez quantité d'honnêtes gens qui
vous attendent , ou qui ne se font pas
attendre long-tems. C'est-là qu'arrivent
tous les batteurs d'estrade, et les ambulans
qui ne manquent gueres à certaines heures , sans compter les passans non habituez,que le hazard amene, et qui semblent
venir exprès de differens quartiers pour
11. Vel. instruire
1460 MERCURE DE FRANCE
instruire le. Bureau à point nommé des
affaires de leur district et de ce qu'ils
ont appris en chemin.
all
Vous sçavez l'agrément des Caffez à
Paris ; ils sont au point , que si dans une
Relation bien écrite , ont en avoit fait
une description exacte il y a 60. ans , et
bien circonstanciée dans la plus exacte
verité, et sur le pied que nous les voyons
aujourd'hui , on auroit dit , c'est un Roman fait à plaisir , une fiction imaginée
pour donner une idée du pays de Coca.
gne, ou d'une ville bâtie et policée par les
Fées. En effet , quel Souverain , quelle
Republique auroit imaginé et auroit eu
le pouvoir d'établir pour la commodité
publique , dans toutes les rues d'une florissante ville , des lieux commodes pour
se mettre à couvert des injures du tems.
infiniment secourables pour les gens sans
voitures , qui ont affaire à differens quartiers pour se reposer , se rafraichir en Eté ,
se chaufer en Hyver , et en même tems
avoir l'agrément de la conversation à son
choix car à chaque table, matiere differente , sans compter les nouveautez qu'on
apprend sur toutes sortes de fujets , et
l'amusement ou plutôt l'occupation du
jeu des Echets , sur lequel il n'arrive gueres ni dispute ni bruit ; ce n'est pas qu'on
y peste moins qu'à un autre jeu , mais
11. Vol. Ac'est
JAU IN. 1732. 1461
c'est toûjours entre cuir et chair.
Ces lieux sont ornez de Glaces , de Ta
bleaux , de Tables de marbre , de siéges
et de meubles convenables , éclairez par
des Lustres de cristal , échaufez par de
bons poëles dans la rigueur de l'Hyver ,
où l'on entre et d'où l'on sort sans façon
quelconque,car toute contrainte et tout céremonial en sont bannis ; personne ne fait
les honneurs de l'assemblée , personne ne
les reçoit , chacun est le maître de convention tacite,tous les rangs sont ainsi reglez,
et le tout sans qu'il en coûte une obole
quand on n'a rien à dépenser. D'ailleurs
quels secours , quelles commoditez , de
combien de sortes de rafraichissemens
de liqueurs et de choses agreables aux
frians ! sans compter la bonne compagnie
des Gens d'esprit et de Lettres de differens
états , avec lesquels il y a à profiter , et
où l'on peut lire utilement dans le grand
livre du Monde. Pour la société et l'agré
ment de la vie civile , je défie qu'on puisse
citer , en parcourant tous les Historiens
connus , rien de comparable aux Caffez ,
où le plus petit Bourgeois pour quatre fols
se fait servir du caffé proprement , diligemment , en vaisselle d'argent et même
de vermeil , et peut commander et prendre le ton de Seigneur.
Voila encore une longue disgression sur
11. Vol.
les
1462 MERCURE DE FRANCE
les Caffez , je vous prie de me la pardonner : c'étoit pour vous dire que c'est-là
proprement que les nouvelles sont exa- minées à fond, commentées , rédigées et
mises au net, chacun y met sa note et fait
sa remarque , et par le concours , la variété des circonstances et des suffrages , une
nouvelle est constatée vraie , de bon aloi ,
et admise , ou rejettée comme marchandise de rebut. Je n'ajoute plus que ce mot
pour finir.
Les nouvelles , at reste , sont profitables à plusieurs personnes,quelques-uns en
font un commerce utile pour satisfaire la
curiosité des campagnards et de gens de
province , sans compter tant de sortes de
personnes qui excitent par-là la liberalité et la reconnoissance de leurs parens , de
leurs Superieurs , de leurs Protecteurs
dont ils attendent quelque secours pres
sans ou quelque bienfait. Il y en a même
et plus d'un dans Paris qui avec des nouvelles un peu bien arrangées , ornées et
mises en valeur , en appaisent leurs créanciers , et même en contentent leurs hôtes.
Je vous demande pardon de la longueur
de cette lettre , je souhaitte que vous la
trouviez un peu amusante ; j'espere que
vous ne la laisserez pas sans réponse. Je
l'attens et suis , Monsieur , votre &c.
de Province.
Ous avez bien de l'ardeur pour les
nouvelles ,Monsieur , vous qui faisiez , il n'y a pas deux ans , des réfléxions
si sensées contre cette dangereuse passion ; je comprens par vos reproches que
mes Lettres vous touchent peu , quand il
n'y a pas unChapitre complet de nouvelles. Je vous crois dès - à - present tout le
talent et tout le zele d'un Nouvelliste du
premier ordre , et je ne doute pas que
vous n'acqueriez encore des qualitez pour
mériter une place distinguée dans cet il
lustre Corps.Je suis bien sur que vous n'ê
res pas des derniers à vous rendre tous les
II. Vol jours
JUIN. 732. 1417
jours sous la Halle du Marché, à la gran de
Place , au Cloître des C. ou à l'avenue
pour être aux aguets et saisir des passans
quelque nouvelle de la premiere main.
Vous êtes donc bien changé , et sans
doute vous n'avez pas conservé le moindre souvenir de nos entretiens sournois
aux Tuilleries , ( car c'est toujours là le
grand Bureau et comme le Chef- lieu des
Nouvellistes ) en observant ces Troupes
nombreuses de gens oisifs , tantot ambulans , tantôt sédentaires ; tantôt formant
un grand Corps à l'arrivée d'un Notable
ou d'un des principaux Membres du Bu
reau, tantôt divisés par pelotons, et l'instant d'après rassemblez , au moindre mot
pris à la volée , et tous également empresScz, pour apprendre ou pour débiter
quelque nouvelle , souvent hazardée; l'avidité des uns, l'air composé et important
des autres , cela nous divertissoit beaucoup, sans compter les raissonemens gra
ves et politiques , les conjectures puériles ou frivoles les sentimens hétéroclites
soutenus avec chaleur et à grand bruit;car
tous les hommes, mêmes les moins vains.
et les plus raisonnables , sont amoureux
de leurs opinions et jusques dans les plus
petites choses , où ils n'ont pas le moindre interêt; aveuglez par celui de l'amour
3
}
1. Vol pro-
1448 MERCURE DE FRANCE
propre qui les anime , ils tombent dans
les plus grands excès.
Mais où vais-je m'engager , peut-être
par un mouvement de ce même amour
propre dont je viens de parler , et contre
lequel je crois être fort en garde ? Nul
Mortel ne peut se vanter de n'êstre pas
dupe à cet égard ; on l'a deja dit cent et
cent fois et en cent manieres differentes :
Baste. Il est question des Nouvellistes et
des nouvelles, de ces cheres nouvelles qui
vous tiennent si fort au cœur, et je n'en
ai point à vous dire.Comment faire?Trouver quelque chose d'équivalent, cela n'est
pas possible; ma foy , puisque vous n'êtes
Bas ennemi du babil et que je suis en train
de babiller , je vais réfléchir sur ce qui a
fait dabord le sujet de cette Lettre, et vous
exposer , selon les idées qui se présentefont à mon esprit , les sentimens qu'on
peut avoir et les réfléxions qu'on peut
faire sur cette matiere.
1
Il n'y a rien de si raisonnable , ni de si
naturel en general , que de s'informer et
mêmed'avoir quelque empressement pour
être instruit des Evenemens qui arrivent
sur le grand Théatre du Monde , et qui
doivent interesser la curiosité d'un honête homme. Il est même honteux de n'être
pas au courant, pour ainsi dire , de cerIL Vol.
Ataines
JUIN. 1732. 1449
taines nouvelles Historiques , Politiques
et Litteraires. Mais voir des gens, ne s'oc
cuper uniquement que de nouvelles , négliger leurs propres affaires , en perdre ,
pour ainsi dire , le boire et le manger ,
sans être capables d'autre chose ; c'est ce
que je blâme, car il n'y a que l'excès qui
rend cette passion méprisable. Tous les
jours on est fatigué et impatienté par
ces Cazaniers, d'un esprit borné et indiffe
rent , qui ne lisant rien , et ne cherchant
point à s'instruire veulent sçavoir ou
vous apprendre ce que personne n'ignore
depuis long temps.
و
Mais exposons , si vous me le permettez , Monsieur , ce ridicule dans un plus
grand jour, pour faire sentir le faux esprit
dans lequel on s'occupe à sçavoir des nouvelles , et combien le temps qu'on y employe est non seulement tres- mal employé , mais encore nuisible par le dégré
de vanité qu'on acquiert en voulant pénétrer , deviner juste , et prédire l'avenir
avec un ton de Prophete ; sans compter le
danger qu'il y a de s'engager insensiblement dans une espece de parti , dont le
moindre inconvenient est de se faire trop
connoître , se dégrader en quelque maniere , et se laisser confondre dans une
foule , si-non méprisé, au moins bien peu
II. Vol. Ipesti-
1450 MERCURE DE FRANCE
estimé, ou devenir fameux, et enfin l'ob
jet de la dérision publique ; on en a plus
d'un exemple , de ces gens dont la figure,
la tête et le visage sont remarquables;qu'on
voit par tout, qu'on ne sçauroit définir
et que personne ne connoît, sans compter
encore les choses les plus indifferentes et
les plus innocentes en elles- mêmes , qui redites sans la moindre altération , et sans
aucun dessein malin , mais sans y faire assez d'attention , et par la seule envie de
parler , sont très- propres à faire les plus
grandes tracasseries, ou à donner bien du
ridicule , selon le temps , les lieux , les
circonstances et les personnes devant qui
on parle. Je ne dis rien du danger que
l'on court avec les étourdis , les emportez , les opiniâtres , les impolis, les impudens , ou les timides complaisans à l'excès , également dangereux , et les fades
railleurs qui vous rient au nez , et qui par
des questions ou par des réponses aussi
inconsiderées que choquantes , vous mettent dans la dure nécessité de les traiter ,
(car la patience échape)avec le ton que mérite une grossiereté dire en face. Mais
sans avoir part au démêlé, il est tres-fâcheux d'en être témoin , et plus encore
d'être cité.
Il ne fautpas réver bien profondement
II. Vol. pour
JUIN. 1732. 1451
pour voir que le premier principe de
cette passion est l'oisiveté, pour laquelle
les gens qui ont passé leur jeunesse en dis
sipation et dans des amusemens frivoles
ont beaucoup de gout. Or un homme sans
Occupation , et certainement sans genie ,
cherche à perdre du temps avec le même
empressement qu'un joueur de profession
cherche à gagner ; delà ce penchant pour
les choses qui n'occupent que superficiellement , où l'esprit n'a presque aucune
opération à faire , opérations que les autres fontpour eux,qu'ils adoptent même,
et desquelles ils font encore leur profit ,
en les allant débiter comme les leurs, avec
la modestie d'un Docteur de mauvais
aloy.
Quand ce penchant est une fois déterminé vers l'oisiveté , le frivole , le superficiel et les choses vaines , pour lesquelles
il ne faut nulle application , quand il est
augmenté par l'esprit de curiosité qui fut
toujours , comme vous sçavez, la passion
dominante de l'homme dès son enfance
et qui s'est accruë à l'infini à mesure que
les faits se sont multipliez sur la terre,et
dans sa tête ; on ne doit point s'étonner
du progrès et des désordres qu'il fait , ni
de la corruption qu'il cause. Il ne tiendroit qu'à moi de vous en faire icy une
II. Vol. I ij -lon-
1452 MERCURE DE FRANCE
longue énumération, et vous prouver par
des exemples, combien la curiosité outrée ,
a été funeste à l'un et à l'autre sexe.
Une chose bien singuliere , et qu'il ne
tiendra qu'à vous , Monsieur , de remarquer; c'est que la plupart de ces curieux
insatiables , de ces quéteurs de nouvelles,
qui les cherchent avec tant d'ardeur et de
peine , ne s'y interressent point du tout
dans le fond , et ne sont pas plus sensibles à un fait , à un Evenement éclatant
et remarquable pour l'Histoire de notre
temps , qu'à une aventure de Guinguette.C'est l'esprit d'ostentation et de vanité
qui les fait agir , croyant ainsi se rendre
recommandables, en débitant avec autant
d'amphase que de fadeur , des choses triviales qui ne sont pas ignorées au Marchéneuf.
J'ai quelquefois ri de bon cœur , je vous
l'avoue , de ces hommes importans qui
toujours sortent , ou viennent d'une Maison , qui ont dîné dans une Maison , qui
frequentent une Maison , qui ont vû et entendu dans une Maison , &c. Ces Maisons
qu'on ne désigne mistérieusement qu'à
demi , pour faire valoir la nouvelle , ne
sont pas des Maisons du commun , non ,
mais elles sont souvent telles qu'un Gripesou ne les avouëroit pas , et il arrive
II. Vol. même
JUIN. 17320 1453
même que quand ces Maisons sont telles
qu'onveut le faire entendre, le vain Narrateur,avec son ton imposant , et ses airs de
confiance et de protection , n'y est pas
plus considéré que le Gripesou.
Quand ces Messieurs font tant que de
citer,Dieu sçait s'ils choisissent des Noms
respectables et de Gens en place.Combien
ils font sonner haut le commerce étroit
et familier qu'ils ont avec les Grands ,
qu'ils ne qualifient même jamais de Monsieur, c'est le grand air. Ils ne débitent
même la nouvelle , et ne la repetent cent
et cent fois que pour la citation et pour
les circonstances qu'ils y mettent, pour se
faire citer eux-mêmes; et si le lieu de la
Scene est à la Comédie , à l'Opéra ou à
quelques autres Spectacles , où ils ont été
en passant faire montre de leur parure ,
la narration n'en est pas plus modeste.
A la vérité il faudroit peut être moins
blâmer des gens qui sans talens et sans
avoir rien d'acquis , n'étant plus en état
de s'appliquer à quelque chose d'utile ,
veulent cependant sé faire une sorte de
réputation. Que dis-je , de réputation ?
On voit tous les jours des intrus , qui en
sont tellement avides, qu'ils s'aventurent,
de parler à leur tour et même avant ,
croyant prudemment que de se mon C
02.11. Vol.
Liij trer
1494 MERCURE DE FRANCE
trer en public , pêle - mêle , avec d'hon
nêtes gens , cela ne nuit point à la leur.
Celle de Nouvelliste , quoique personne
ne l'envie , ne laisse- pas de flater les gens
d'un certain caractere ; une application
heureuse , une conjecture hazardée qui
réussit, est seule capable de les mettre en
crédit dans leur canton ; mais il arrive
aussi qu'ils s'en applaudissent à l'excès et
qu'ils deviennent presque toujours intrai-
'tables , par la maniere altiere dont ils soutiennent leurs sentimens , ausquels ils
veulent durement assujettir les autres; et
le cœur enflé et toujours plus avide de
cette petite gloire , on n'attend plus les
nouvelles ; on va audevant ,on les devine , et grands raisonnemens ensuite pour
appuyer son opinion. Opinion souvent
contestée tumultuairement, où celui dont
le ton de la voix est le plus haut , a pres
que toujours l'avantage.
Mais quand j'y fais réfléxion , presque
tous les hommes sont extrémement flatez
de s'imaginer avoir en eux la faculté de
voir plus clair que les autres dans l'ave
nir. Cela leur annonce une étenduë de lumieres et une pénétration,avec le secours
de laquelle ils croyent percer les voiles
les plus épais , pénétrer dans les secrets
du cabinet et de la politique la plus pro2011. Vol. Ju fonde
JUIN 1732: 1455
3
fonde , et même de prophétiser. Faites- y
bien attention , Monsieur , c'est peut-être
l'Idole la plus universellement chérie de
l'homme; car rien ne nous pique tant
que ce raisonnement intérieur , dicté par
F'amour propres il est réservé à ma péné- tration de découvrir une chose cachée aux
yeux de tous les autres hommes. Vous en
connoissez , Monsieur , que pareille foiblesse a quelquefois couverts d'un ridicu
le humiliant : mais ce qui est sans doute
à la honte de la nature humaine , c'est
que ce ne sont pas des hommes du commun qui se donnent de ces travers ; ce
sont ordinairement ceux qui avec l'ostentation de briller , à quelque prix que
ce soit , ont le plus de ressources dans
l'esprit , le plus de lumieres , de sagacité
et de talens pour le raisonnement méthodique , aisé , agréable et séduisant ; il
est fâcheux qu'on ne puisse pas toujours
jouir de leur commerce sans danger ; car
sur d'autres sujets , on trouve beaucoup
de justesse, de précision, des descriptions,
des définitions, des réfléxions fines et délicates , &c, soyons donc en garde , mon
cher Monsieur , contre ce subtil poison ,
souvent pernicieux dans ses effets.
Les Nouvellistes qui ont quelque teinture de Geographie , de Politique , des
interêts des Princes &c. tiennent à juste
II. Vol. Liiij titre
1434 MERCURE DEFRANCE
titre le haut bout , et brillent à peù
de frais auprès de ceux qui parlent sans
regle , sans connoissances , et qui ne se
piquent que d'aller loin sans se piquer
d'aller droit, mais ce ne sont pas toujours
ceux qui plaisent le plus dans leurs réflexions sur les raisons d'Etat , les differentes inclinations et les vues des Grands et
du Peuple , la situation et les circonstances particulieres de l'état présent des affaires du Monde , et sur les conséquences
qu'on en peut tirer , surtout quand leurs
discours ne sont ni bornez ni sagement
ménagez. Car , qu'on ait vu passer un
Courrier, qu'on ait observé certains mouvemens à la Cour , ou remarqué dans le.
visage , ou dans les manieres , l'empresse
ment, la tristesse ou la gayeté d'un Prince,
d'un Ministre , d'un Grand ; en voilà assez pour former tel ou tel évenement ,
qu'on rend plus ou moins vraisemblable
selon que l'on a l'art de l'arranger et de le
narrer , sans oublier le ton misterieux et
reservé , pour faire entendre que l'on en
sçait bien plus que l'on n'en fait connoître. Si l'évenement ne répond.pas àla pro
phetie, le faux prophete enest quitte pour
être quelques jours sans se montrer at
même auditoire.
Quelqu'uns , et ceux-cy ne sont nullementennuyeux , se plaisent à débiter des
CC 11. Vole nou
JUIN.1732 1457
1
nouvelles , non seulement sans gravité ,
mais d'un air leger , naturel , agreable ,
et à les embellir par un tour fin et plaisant ; ils les ornent de circonstances qui
les relevent à la vérité , le fait raconté ,
qui n'est souvent que le prétexte de la :
narration , n'a nul fondement , mais il
devient dans leur bouche une nouvelle
toute nouvelle , ou un petit Roman qui
fait plaisir pour peu qu'on se prête à la
fiction et aux épisodes.
La varieté des caracteres est fort- grande parmi les Nouvellistes ; nous venons
d'en voir un fort gai , en voici un tout
opposé et qui n'est pas moins vrai , Ce
sont ces esprits taciturnes , pleins de malignité , avides de poison et qui ne répandent que de la noirceur , à qui on doit
sçavoir gré quand ils n'emportent pas la
piece , et qu'ils ne sont que médisans ou
désobligeans. De tels hommes ne respirent que les évenemens tragiques , les rumeurs , les soulevemens , les révolutions ;
des Campagnes désolées , des Villes saccagées , des Incendies , des Naufrages , de
grandes defaites , des meurtres et des carnages ; et faute d'un pareil ragout , ils
s'acharnent souvent sur un infortuné qui
périt , et qui n'est peut- être pas toûjours
aussi coupable aux yeux de Dieu qu'aux
yeux des hommes.
II. Vol. ܀ . On
1458 MERCURE DE FRANCE
On les voit , ces esprits amers et par
tiaux , mettre avec une égale satisfaction dans le plus grand jour , les avantages de la cause qu'ils favorisent , et les
revers de celle à laquelle ils sont contraires. Toûjours portez à tourner les nou- velles selon les mouvemens de leur cœur; :
les croire ou les rejetter , les publier ou les
suprimer , les enfler ou les extenuer : sur
quoi on peut faire cette réflexion , qui est
que lors qu'ils ont par hazard embrassé.
le bon party , ils ne lui font pas grand
bien , et ils se font grand tort à eux- mê
mes.
Or il est aisé de juger dans quelle
impatience doivent être ceux qui esperent les bons succès qu'ils attendent
et qui fatent leur sentiment , et dans
quelles perplexitez ils sont sur les évenemens qu'ils craignent et qui relevent le
party contraire. Dans l'un et l'autre cas
( et l'un ne va gueres sans l'autre ) l'incertitude est au même degré , et les agite
aussi vivement , car la moderation etla
patience sont des vertus peu connues de
ces hommes toûjours empressez et toûjours insatiables. Leur passion est trop
animée et trop ardente pour ce qu'ils
souhaittent ou pour ce qu'ils craignent.
Ils comptent tous les instans ; leur ins
quiétude est à charge à tout le monde et
11. Vol. à
JUIN. 1732 1459
à eux-mêmes , plus ou moins , selon le
degré de leur préoccupation.
Mais reprenons des idées plus gayes,
et disons que vous prenez , Monsieur ,
un très-mauvais party de rester en Province , où les nouvelles sont toûjours assez rares , surannées , mal sûres, car on ne
les sçait gueres que d'un seul endroit ,
encore faut-il souvent les aller chercher ;
ensorte qu'un nouvelliste des moins affamez ,de ce Pays-cy mourroit d'inanition
en peu de tems dans vos cantons. Vive
Paris,morbleu, où il y a toûjours plus de
cent atteliers ouverts, où se debitent et se
fabriquent des nouvelles de toute espece.
Autems et aux heures dePromenade, il n'y
a qu'à s'y transporter , on jouit des agrémens de la saison , de la magnificence du
lieu , des agrémens , de la propreté et de
la varieté infinie du beau monde ; le tems
est - il mauvais , fait - il trop froid ,
trop chaud , les Caffez sont ouverts dès
le grand matin jusqu'à minuit ; vous y
trouvez quantité d'honnêtes gens qui
vous attendent , ou qui ne se font pas
attendre long-tems. C'est-là qu'arrivent
tous les batteurs d'estrade, et les ambulans
qui ne manquent gueres à certaines heures , sans compter les passans non habituez,que le hazard amene, et qui semblent
venir exprès de differens quartiers pour
11. Vel. instruire
1460 MERCURE DE FRANCE
instruire le. Bureau à point nommé des
affaires de leur district et de ce qu'ils
ont appris en chemin.
all
Vous sçavez l'agrément des Caffez à
Paris ; ils sont au point , que si dans une
Relation bien écrite , ont en avoit fait
une description exacte il y a 60. ans , et
bien circonstanciée dans la plus exacte
verité, et sur le pied que nous les voyons
aujourd'hui , on auroit dit , c'est un Roman fait à plaisir , une fiction imaginée
pour donner une idée du pays de Coca.
gne, ou d'une ville bâtie et policée par les
Fées. En effet , quel Souverain , quelle
Republique auroit imaginé et auroit eu
le pouvoir d'établir pour la commodité
publique , dans toutes les rues d'une florissante ville , des lieux commodes pour
se mettre à couvert des injures du tems.
infiniment secourables pour les gens sans
voitures , qui ont affaire à differens quartiers pour se reposer , se rafraichir en Eté ,
se chaufer en Hyver , et en même tems
avoir l'agrément de la conversation à son
choix car à chaque table, matiere differente , sans compter les nouveautez qu'on
apprend sur toutes sortes de fujets , et
l'amusement ou plutôt l'occupation du
jeu des Echets , sur lequel il n'arrive gueres ni dispute ni bruit ; ce n'est pas qu'on
y peste moins qu'à un autre jeu , mais
11. Vol. Ac'est
JAU IN. 1732. 1461
c'est toûjours entre cuir et chair.
Ces lieux sont ornez de Glaces , de Ta
bleaux , de Tables de marbre , de siéges
et de meubles convenables , éclairez par
des Lustres de cristal , échaufez par de
bons poëles dans la rigueur de l'Hyver ,
où l'on entre et d'où l'on sort sans façon
quelconque,car toute contrainte et tout céremonial en sont bannis ; personne ne fait
les honneurs de l'assemblée , personne ne
les reçoit , chacun est le maître de convention tacite,tous les rangs sont ainsi reglez,
et le tout sans qu'il en coûte une obole
quand on n'a rien à dépenser. D'ailleurs
quels secours , quelles commoditez , de
combien de sortes de rafraichissemens
de liqueurs et de choses agreables aux
frians ! sans compter la bonne compagnie
des Gens d'esprit et de Lettres de differens
états , avec lesquels il y a à profiter , et
où l'on peut lire utilement dans le grand
livre du Monde. Pour la société et l'agré
ment de la vie civile , je défie qu'on puisse
citer , en parcourant tous les Historiens
connus , rien de comparable aux Caffez ,
où le plus petit Bourgeois pour quatre fols
se fait servir du caffé proprement , diligemment , en vaisselle d'argent et même
de vermeil , et peut commander et prendre le ton de Seigneur.
Voila encore une longue disgression sur
11. Vol.
les
1462 MERCURE DE FRANCE
les Caffez , je vous prie de me la pardonner : c'étoit pour vous dire que c'est-là
proprement que les nouvelles sont exa- minées à fond, commentées , rédigées et
mises au net, chacun y met sa note et fait
sa remarque , et par le concours , la variété des circonstances et des suffrages , une
nouvelle est constatée vraie , de bon aloi ,
et admise , ou rejettée comme marchandise de rebut. Je n'ajoute plus que ce mot
pour finir.
Les nouvelles , at reste , sont profitables à plusieurs personnes,quelques-uns en
font un commerce utile pour satisfaire la
curiosité des campagnards et de gens de
province , sans compter tant de sortes de
personnes qui excitent par-là la liberalité et la reconnoissance de leurs parens , de
leurs Superieurs , de leurs Protecteurs
dont ils attendent quelque secours pres
sans ou quelque bienfait. Il y en a même
et plus d'un dans Paris qui avec des nouvelles un peu bien arrangées , ornées et
mises en valeur , en appaisent leurs créanciers , et même en contentent leurs hôtes.
Je vous demande pardon de la longueur
de cette lettre , je souhaitte que vous la
trouviez un peu amusante ; j'espere que
vous ne la laisserez pas sans réponse. Je
l'attens et suis , Monsieur , votre &c.
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Résumé : LETTRE écrite de Paris, à un Nouvelliste de Province.
La lettre, rédigée par un nouvelliste de province à un correspondant parisien, traite de la passion pour les nouvelles. L'auteur reconnaît l'enthousiasme de son destinataire pour les nouvelles et admire ses qualités de nouvelliste. Il évoque des observations faites aux Tuileries, où des groupes de personnes se rassemblaient pour échanger des nouvelles, souvent sans fondement. L'auteur critique ceux qui négligent leurs affaires pour se consacrer uniquement à la collecte de nouvelles, soulignant que cette passion peut devenir méprisable par excès. Il décrit les dangers de cette curiosité excessive, tels que la vanité, l'engagement dans des partis, et les risques de se ridiculiser en public. La lettre met en garde contre l'oisiveté et la superficialité, qui poussent les gens à chercher des nouvelles sans véritable intérêt. L'auteur observe que beaucoup de nouvellistes agissent par vanité, cherchant à se rendre importants en débitant des informations triviales. Il conclut en soulignant les risques de cette passion, notamment pour ceux qui possèdent des ressources intellectuelles mais les utilisent de manière pernicieuse. Le texte discute également des différents types de nouvellistes et de la manière dont ils présentent les nouvelles. Certains nouvellistes, bien que non ennuyeux, racontent des nouvelles sans gravité, les embellissant avec des détails fictifs pour les rendre agréables. D'autres, plus taciturnes et malveillants, se délectent des événements tragiques et des rumeurs, souvent exagérant la culpabilité des individus. Ces esprits amers et partisans manipulent les nouvelles selon leurs préférences, ce qui peut nuire à la cause qu'ils soutiennent. Le texte souligne également l'impatience et l'inquiétude de ceux qui attendent des nouvelles favorables ou craignent des événements défavorables. Le texte contraste la province, où les nouvelles sont rares et peu fiables, avec Paris, où les cafés sont des lieux de rencontre privilégiés pour échanger des nouvelles. Les cafés parisiens sont décrits comme des endroits confortables et conviviaux, où les gens de tous rangs peuvent se réunir pour discuter et partager des informations. Les nouvelles y sont examinées, commentées et validées par la communauté. Enfin, le texte mentionne que les nouvelles peuvent être profitables à diverses personnes, notamment celles qui en font un commerce pour satisfaire la curiosité des provinciaux ou apaiser leurs créanciers.
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713
p. 1515-1517
APOLLON. A M. le Chevalier de Romieu, sur le dessein qu'il a de rétablir l'Académie d'Arles.
Début :
Sur le Mont Helicon les Filles de Mémoire [...]
Mots clefs :
Apollon, Mont Hélicon, Académie d'Arles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : APOLLON. A M. le Chevalier de Romieu, sur le dessein qu'il a de rétablir l'Académie d'Arles.
APOLLON.
A M. le Chevalier de Romieu , sur le
dessein qu'il a de rétablir l'Académie d'Arles.
SurUr le Mont Helicon les Filles de Mémoire
Se livrent aux plus doux transports ,
Ciiij Depuis
1516 MERCURE DE FRANCE
Depuis que tu parois , pour accroître leur.
gloire
Faire de genereux efforts,
Dans Arles autrefois , aux neuf sçavantes Fées ,
Plusieurs brûlerent de l'Encens ;
Aux Nymphes , aux Tritons , ces célebres Or
phées
Faisoient admirer leurs accens
Elles voyoient alors dans un loisir tranquille
Leurs Autels toujours fréquentez ;
On étoit occupé dans cet aimable azile
Du soin d'étaler leurs beautez.
De leurs Lyres bien- tôt , tremblantes , allax mées ;
Elles emportent les débris :
Et le débordement des barbares armées
Fait percer le Ciel de leurs cris.
Tes soins ont pû calmer cette Troupe sçavante ,.
Tu vaux toi seul vingt nourrissons ,
Tu veux encor former une école brillante
Qui soit docile à leurs leçons.
Les Muses ont promis d'inspirer les Poëtes ,
Qu'en leur Temple on rassemblera : .
Euter-
>
JUILLET. 1732. 1514
terpe à quelques - uns présentant ses Mu- settes
A Segrais les égalera.-
Calliope prétend que sa charmante LyreRésonne seule sous vos doigts.
Polymnie ajuré qu'en un fougueux délireSes favoris suivront ses Loix.
Melpomene en ces lieux étalerá ses charmes ,
Ses nobles Vers nous toucheront ,
Si Sophocle ; Euripide ont fait verser des lar
mes ,
Les Morands en arracheront,
Comme on vit autrefois un Lyriqué célebre ·
Arrêter la course des eaux ,
Lorsque vous chanterez , le Rône ainsi que l'Ebre ,
Ecoutera des sons nouveaux.
Par M.Chaband.
A M. le Chevalier de Romieu , sur le
dessein qu'il a de rétablir l'Académie d'Arles.
SurUr le Mont Helicon les Filles de Mémoire
Se livrent aux plus doux transports ,
Ciiij Depuis
1516 MERCURE DE FRANCE
Depuis que tu parois , pour accroître leur.
gloire
Faire de genereux efforts,
Dans Arles autrefois , aux neuf sçavantes Fées ,
Plusieurs brûlerent de l'Encens ;
Aux Nymphes , aux Tritons , ces célebres Or
phées
Faisoient admirer leurs accens
Elles voyoient alors dans un loisir tranquille
Leurs Autels toujours fréquentez ;
On étoit occupé dans cet aimable azile
Du soin d'étaler leurs beautez.
De leurs Lyres bien- tôt , tremblantes , allax mées ;
Elles emportent les débris :
Et le débordement des barbares armées
Fait percer le Ciel de leurs cris.
Tes soins ont pû calmer cette Troupe sçavante ,.
Tu vaux toi seul vingt nourrissons ,
Tu veux encor former une école brillante
Qui soit docile à leurs leçons.
Les Muses ont promis d'inspirer les Poëtes ,
Qu'en leur Temple on rassemblera : .
Euter-
>
JUILLET. 1732. 1514
terpe à quelques - uns présentant ses Mu- settes
A Segrais les égalera.-
Calliope prétend que sa charmante LyreRésonne seule sous vos doigts.
Polymnie ajuré qu'en un fougueux délireSes favoris suivront ses Loix.
Melpomene en ces lieux étalerá ses charmes ,
Ses nobles Vers nous toucheront ,
Si Sophocle ; Euripide ont fait verser des lar
mes ,
Les Morands en arracheront,
Comme on vit autrefois un Lyriqué célebre ·
Arrêter la course des eaux ,
Lorsque vous chanterez , le Rône ainsi que l'Ebre ,
Ecoutera des sons nouveaux.
Par M.Chaband.
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Résumé : APOLLON. A M. le Chevalier de Romieu, sur le dessein qu'il a de rétablir l'Académie d'Arles.
Le poème de M. Chaband, daté de juillet 1732, est dédié au Chevalier de Romieu, qui souhaite rétablir l'Académie d'Arles. Il commence par une évocation des Muses sur le Mont Helicon, célébrant les efforts passés pour honorer les arts et les lettres. Depuis 1516, des savants et des poètes ont rendu hommage aux Muses et aux divinités marines. Cependant, les troubles et les invasions barbares ont perturbé cette paix culturelle. Le Chevalier de Romieu est loué pour ses efforts à apaiser et à rassembler à nouveau les savants. Les Muses promettent d'inspirer les poètes qui se rassembleront dans le temple de l'Académie. Chaque Muse exprime son soutien : Euterpe pour la musique, Calliope pour la poésie épique, Polymnie pour la poésie lyrique, et Melpomène pour la tragédie. Le poème se termine par une comparaison avec les grands tragédiens grecs et une vision où les fleuves Rhône et Èbre écouteraient les nouveaux chants des poètes.
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714
p. 1648
« L'Auteur a remporté sept fois les Prix de Poësie [...] »
Début :
L'Auteur a remporté sept fois les Prix de Poësie [...]
Mots clefs :
Prix de poésie, Académie des jeux floraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Auteur a remporté sept fois les Prix de Poësie [...] »
L'Auteur a remporé sept fois les Prix de Poësie à l'Academie des Jeux Floraux, établie à Toulouse par Clemence Isaure.
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715
p. 1756
EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Ces jours derniers Catulle et Martial, [...]
Mots clefs :
Épigramme, Rousseau, Auteur, Livre
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texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
EPIGRAMME,
Sur celles de M. Rousseau ,
"Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
•
CEsjours derniers Catulle et Martial ;
Sur Pinde avoient procès de conséquence ,
Sçavoir des deux qui fut l'original ,
Par qui Rousseau , Celebre Auteur de France ,
De l'Epigramme , attrappa l'excellence ;
Sire Apollón , dudit lieu Sénéchal ,
Ouvrit son Livre , il en lut quelques-unes ,
Et n'y trouvant onc de beautez communes ,
Cet or , dit- il , paroît bon et loyal ,
Et si n'aviez eu le bonheur de naître ,
· Avant cettui qui n'a point son égal ,
Croirois , pour sûr , sans être partial ,
Qu'à tous les deux il cût servi de Maître
Sur celles de M. Rousseau ,
"Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne.
•
CEsjours derniers Catulle et Martial ;
Sur Pinde avoient procès de conséquence ,
Sçavoir des deux qui fut l'original ,
Par qui Rousseau , Celebre Auteur de France ,
De l'Epigramme , attrappa l'excellence ;
Sire Apollón , dudit lieu Sénéchal ,
Ouvrit son Livre , il en lut quelques-unes ,
Et n'y trouvant onc de beautez communes ,
Cet or , dit- il , paroît bon et loyal ,
Et si n'aviez eu le bonheur de naître ,
· Avant cettui qui n'a point son égal ,
Croirois , pour sûr , sans être partial ,
Qu'à tous les deux il cût servi de Maître
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Résumé : EPIGRAMME, Sur celles de M. Rousseau, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic, en Bretagne.
L'épigramme examine la paternité littéraire en opposant Catulle et Martial à Jean-Jacques Rousseau. Un procès fictif, jugé par Apollon, évalue l'originalité des épigrammes de Rousseau. Apollon les trouve remarquables et authentiques, soulignant leur qualité exceptionnelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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716
p. 1816-1828
L'Opera Comique, Pieces nouvelles, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le Lundy 28 Juillet, l'Opéra Comique donna la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Ballet des sens, Procès des Sens, Ballet, Intérêts de village, Scène, Danseur, Lanterne véridique, Air noté, Zaïre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opera Comique, Pieces nouvelles, &c. [titre d'après la table]
PECTACLE S.
E Lundy 28 Juillet , l'Opéra ComiLque donna la premiere Représenta
tion de deux petites Pieces nouvelles
précédées d'un Prologue, dont la premie
re Scene se passe entre l'Instinct et la Nature. Celle-ci rend compte des soins qu'elle se donne pour la Réconciliation des
sens. Il est aisé de comprendre que toures les idées de ce Prologue ont rapport
au Ballet des Sens, et au Procès des Sens
représenté à la Comédie Françoise. La
Scene de la Nature et de l'Instinct est interrompuë par l'Opinion qui vient féliciter la Nature sur le racommodement
qu'elle projette ; la Nature congédie fort
naturellement l'Opinion , quoiqu'elle se
prétende sa Collégue dans l'Empire de
Î'Univers , fondée sur le Proverbe Italien: L'Opinione Regina del Mondo.L'Instinct revient dès que l'Opinion est sortie.
Un Amour arrive pour exhorter la Nature à terminer le Procès des Sens. Après
quelques questions , elle lui demande qui
des deux Amours à la mode il aime le
mieux. ( On sçait que ces deux Amours
sont la Dule d'Angeville et la Due le Maure. )
A O UST. 1732. 1817
re. ) L'Amour répond par ce Couplet, sur
Pair : Deux beaux yeux n'ont qu'à parler.
Bon , moy , j'entens tous les jours,
Cent Discours ,
Sur ces deux aimables Amours.
Sans me sembler fort téméraire ,
Şur leur mérite , on ne peut rien régler ,
Car l'un n'a qu'à chanter pour plaire ,
Et l'autre n'a qu'à parler.
Le Prologue finit par un Ballet , composé des Sens , et de leur suite.
La premiere Piece , intitulée : Les In
terets de Village , se passe dans un Village.
Chaton , Manceau , Sécrétaire du deffunt
Bailli , paroît d'abord avec Gripant , Record et son Confident , à qui en expliquant sa situation et ses vûes , il apprend
qu'il s'apperçoit qu'il est aimé de la veuve du Bailli , mais qu'il aime Agate sa
Niéce , promise à Piérot. Primò , dit - il
je veux épouser Agate , et pour y parvenir ,
la brouiller avec Piérot. 2° . Je veux pour
jouir toujours des Revenans- bons du Bailliage , me servir de l'ascendant que j'ai sur
l'esprit de Me Triolet , ( c'est la veuve)
pour l'engager à remettre sa Charge à un imbécile qui se contente de n'en posseder que.
G Le
1818 MERCURE DE FRANCE
Le Titre, comme faisoit le deffunt. Gripant
lui demande à quel heureux imbécile il
donnera la préférence. Chaton propose
d'abord Piérot , qu'il détacheroit d'Agate, en lui inspirant l'ambition d'être Bailli ; ensuite il parle de Grosdos , riche Fermier , glorieux de Village , capable de ser- vir à ses desseins.
La Veuve paroît et tâche de s'expliquer avec Chaton , qui feint de ne pas entendre son galimatias passionné. Elle le
quitte , en appercevant Piérot. Chaton
fait accroire à Piérot que la Veuve a du
penchant pour lui , et songe à supplanter sa Niéce; il ébranle la fidélité de Piérot
en lui exagerant les prérogatives de la
Charge de Bailli. Piérot sort presqu'inconstant ; et sur le champ Chaton ins
truit Agate des inconstances de son Rival , et lui déclare en même temps son
amour. Agate méprise cette déclaration
et s'afflige de l'infidelité de Piérot. Chaton après son départ , s'applaudit du succès de son mensonge , et ne perd pas l'esperance , malgré la rigueur d'Agate . Grosdos paroît, Chaton gagne sa confiance par
des respects et des soumissions ; il lui mes
dans la tête de devenir Bailli ; Grosdos le
retient pour son Secretaire, comme avoit
fait Piérot. Chaton dit: Je tiens Grosdos
dans
AOUST. 1732. 1819
dans mesfilets; je choisirai entre Piérot et lui,
suivant les dispositions de Mme Triolet. Il
est question à present de l'amener à mon but.
Elle vient; je veux faire rompre la glace par
Gripant ; allons lui donner mes instructions.
que
Dans la Scene suivante , Janot qui survient , apprend à la Veuve qu'on parle
dans le Village de l'envie que Grosdos a
d'être Bailly. Piérot arrive , et dit crument à la Baillive , qu'il la sçait amou
reuse de lui ; elle le détrompe , et conçoit de violens soupçons au sujet de Chaton Piérot declare être la cause
de son erreur. Agate paroît quand sa tante a quitté Piérot. Il veut lui cacher sa
courte inconstance par des démonstrations de tendresse ; Agate le rebute ironiquement; Piérot se flare d'un prompt
retour. Il apperçoit Grosdos, et reste pour
le narguer ; Grosdos lui conseille de le
respecter comme un homme qui va être
bien-tôt Bailly; cette nouvelle fait changer de ton à Piérot , qui s'humilie devant
le prétendu oncle d'Agate. Grosdos dir
qu'il consultera sur ceci son Secretaire
Chaton. Ouais , dit Piérot à part ; Cha
ton par tout ! je crois que le fripon nous
trompe tous. Mme Triolet qui vient , sans
être apperçue , de surprendre Chatonaux,
pieds de sa niéce , arrive en fureur , et 292003 Gij Agate
1820 MERCURE DE FRANCE
Agate qui survient , l'augmente en se
plaignant des importunitez de ce fourbe ; ils prennent tous le parti de se ca- cher derriere des arbres , en voyant paroître Chaton et Gripant, que Piérot seul
aborde ; il les fait parler à cœur ouvert ,
sur tous leurs interêts differens. Ils sont
tous détrompez par celui qui les avoit
tous abusez ; la veuve dépitée épouse
Grosdos, et donne Agate à Piérot. Cha
ton et Gripant se retirent avec l'audace
de deux fripons , et le Village assemblé
vient féliciter le nouveau Bailly , et cele
brer les deux mariages par des Danses ,
qui forment le Divertissement.
La 2 Piéce , intitulée : L'Epreuve des
Fées, est composée de plusieurs Scenes
Episodiques , qui se passent dans une
Grotte, destinée à l'Epreuve des Fées. La
Récipiendaire y donne audience aux per- sonnages , destinez pour lui demander
graces des conseils; et c'est sur les
Réponses qu'elle fait , que les Fées cathées dans les Rochers de la Grotte , jugent de sa capacité , et la reconnoissent
Fée,à la fin de l'épreuve on la renvoye.
des et
Dans la 2de Scene , Bagatelius , Philosophe, vient demander à Finette , ( c'est la
jeune Fée qu'on éprouve ) la connoissanse de la verité. Finette, fatiguée de ses
doctes
AOUST. 1732 1811
*
doctes clabauderies , le dotie d'une extinction de voix , et le renvoye presque
muet.
Le second Client est Jacot , Paisan, qui
supplie la Fée de lui accorder le don d'être toujours autant aimé de sa femme ,
qu'il l'est présentement : Finette lui promet que son front sera toujours aussi res
pecté qu'il l'est. Il faut sçavoir que par le
recit de Jacot, et par l'éloge même qu'il
fait de sa chere moitié ,il prouve lui- même, sans s'en appercevoir qu'elle ne lui
est point du tout fidelle.
Après le départ du crédule Jacot , paroît unejolie femme , nommée Araminte ,
qui demande le rétablissement de la réputation d'une de ses bonnes amies , qu'une
jmprudence a un peu timpanisée ; la Fée
l'oblige à conter l'aventure de son amic.
Araminte avoue que cette amie a été surprise avec son amant par son mari, et dans la chaleur de sa narration elle se coupe ,
et fait connoître qu'elle est l'Héroïne du Roman.
La derniere Scene , mêlée de critique et
dé Jeu de Théatre , est remplie par un
Danseur , toujours occupé de son talent ,
et toujours sacrifiant aux Graces : Voici
des Morceaux du Panégirique qu'il fait
du Gracieux.
Giij Jai
1822 MERCURE DE FRANCE
J'ai pour le Gracieux une ardeur infinie ,
Je voue au Gracieux mes Jambes , mon Génie ;
Non , sans le Gracieux , je ne puis faire un Pás,
Il gouverne mes pieds , il balance * mes Bras ,
* , il me panche *, il me tourne Il me pousse
il m'arrête,
Il me tient le menton, quand il leve la tête ¿
Etcomme le Soleil est le flambeau des cieux
MonAstre , à moi mon Astre est ...
Pierot.
La Gargouillade.
Le Danseur.
Quoi?
Le Gracieux.
Croit- on qu'il ne me suit que dans les Bergeries▸
Je fais au bord du Stix minauder les Furies ,
Et lorsque l'on me voit figurer en Démon ,
On croit, au Masque près, voir danser Céladon.
Si je suis en Guérrier qui sort d'une Bataille ,
Si pour la tendre Alceste à Sciros je ferraille ,
Une grace me met monEpée à la main ,
Sous cent habits divers on me déguise en vain
Peste ! on me reconnoît toûjours.... Ah ! c'esɛ lui- même ,
C'est lui , dit- on, c'est lui ; que sa garce est ex- trême !
****** L'Axis différents,
Londres
AOUST. 1732.` 1823
Londres mevit un jour sous un habit oblong,
En Sacrificateur , dansant un Cotillon ,
Quel Tapage ce fut ! c'étoit pis qu'un Tonnerret
De ce Cottillon-là , les Gourmets d'Angleterre,
Se souviendront long- temps...
Finette.
Et nous aussi , ma foy !
Pierot , à la Gargouillarde.
Votre Gracieux est souvent berné , je croi,
La Gargoüillade.
Vous croicz mal , pourvu que l'on danse avec
grace ,
Nal contresens ne choque , il n'est rien qui ne
passe ;
Jamais on n'analise un divertissement ;
Ou n'y demande point ni pourquoi , ni com- ment ;
J
Qu'on mette à la Françoise un Peuple de laGrece
Que l'on Coiffe en Bichon une grande Prêtresse,
Que la Sirene prête à massacrer les gens ,
Se prépare à leur mort par des Ballets galans ,
Cela n'est-il pas bien , dés que cela.sçait plaire
Pour les autres talens ce Juge si sévere ,
Qui rejette à son gré Thalie et ses bons mots,
Houspille Melpomene, et nargue ses Héros ;
Ce Public qui par tout veut de la convenance
Apour la danse seule une entiere indulgence ;
?
2
Güij
1824 MERCURE DE FRANCE一个
Lss Romains les plus grands , par lui sont ab- batus
Dans sa conduite , il a blâmé jusqu'à Brutus ,
Mais il a vû, revû , sans chicaner l'idée ,
Danser des Tambourins aux filles de Judée.
Et dans le Ballet neuf, avant qu'il fut rogné ,
Recousu , recrépi , frisoté , tignoné ,
Devant Protésilas , sortant du sombre Empire.
Des Trépassez dansoient , on l'a vû sans en rire
Et sans imaginer aucune absurdité
Dans ces Morts qui sautoient pour un réssuscité,
Piérot.
Si l'on ne rioit pas , on en avoit envie ;
Mais on ne le pouvoit ; observez, je vous prie ,
Me disoit un Frater , me lavant le Menton >
Que les Os du Gosier sont placez de façon ,
Qu'on ne peut à la fois rire et baailler... la bou che ;
Tres-distincte à marquer quel sentiment nous touche ,
S'ouvre en long, quand on baaille, en large quand
on rit ;
Vous voiez , sans avoir autant que moi d'esprit
Que le large et le long... que le long et le large...
Ne peuvent exercer au même instant leur charge.
Piérot , Physicien !
Finette.
Piered
AOUS T. 1732. 1825
Piérot.
Ouy, c'est le long qui fait
Que l'on ne rioit pas dans le nouveau Ballet.
Finette.
A la danse s'entend ; car à la Poësie
On rioit volontiers ; et quand Laodamie ,
Déplorant les malheurs de la viduité ,
Faisant sentir combien peze la chasteté
Sur le malheureux corps d'une veuve oppressée ,
t
Aux pieds d'une Statue ardamment carressée ,
De son époux deffunt alloit chercher l'ardeur ,
On disoit fy; c'est mal rappeller son Buveur.
Il réve !
Le Danseur.
Je descens sur un Port de Provence ;
De-là , tout en dansant je vois toute la France
Je me rens à Paris pour connoître le goût
D'un Peuple que j'entens préconiser par tout.
J'y trouve dans la danse un tumulte effroiable !
Chacun m'y yeut compter qu'un sujet admi-
›
rable ;
L'un pour le Gracieux , et l'autre pour le vif ,
Fait de ces deux talens un injuste tarif.
Deux Prodiges dansans que chacun idolâtre ,
Partageoient sans débat l'Empire du Théatre ,
I GY Mais
1826 MERCURE DE FRANCE
Mais on les désunit , et sur le moindre mot
L'une passe la Mer , l'autre court à Chaillot.
Leur départ nous allarme, et les Partis glapissents
De Doctes heurlemens les Caffez retentissent ;
Et dans l'Opéra même un Braillard à nos yeux,
Décide sans quartier ; loüangeur furieux ,
Au talent qu'il réprouve il déclare la guerre ;
Le Balcon s'en émeut , il trouble le parterre ,
Son souffle impur s'aigrit , l'air en est infecté ,
Le Flot qui l'apporta, recule épouvanté.
On implore aussi-tôt mon avis , on m'entoure
On fait silence, et moi, je répons cette Loure,&c
A
Le Danseur livré à son Entousiasme , se
met à danser, oublie ce qu'il venoit demander à la Fée , et sort en redoublant
ses Lazis de danse. Cet Acte est terminé
par une Fête champêtre , exécutée par des
Jardiniers et des Jardinieres , et par un
Vaudeville , qui termine la Piéce. En voiey quelques couplets :
Dans une fille bien apprise
J'aime une modeste rougeur ;
Le vermillon de la Cerise
Vaut-il celui de la pudeur ?
L'Amant avant son mariage
Est aussi sucré qu'un Brugnon:
Est-1
AOUST 173 . 1827
Est-il mari ? dans son ménage
Il est plus aigre qu'un Citron.
Barbons , Coquets , de bon sens vuides,
Cessez vos soupirs ennuyeux :
Jamais la neffle avec ses rides
Ne flata le goût et les yeux.
An Public.
Le bruit qui nous plaît davantage ,
Messieurs , quand nous ouvrons le bec ,
C'est sûrement votre suffrage ,
Mangerons-nous notre pain sec.
(
On trouvera l'Air notté au bas de la
Chanson.
Le 19 Aoust , le même Opéra Comique donna deux Piéces nouvelles , d'un
Acte chacune ; la premiere , intitulée :
La Lanterne Véridique, précédée d'un Prologue qui a pour titre : Le Réveil de POpera Comique. La seconde , Le Rival de
lui-même. Celle- ci est jouée par les Petits
Comédiens , qu'on a vûs avec plaisir ,
l'année passée à la même Foire S.Laurent.
Cette Piéce est encore précédée d'un Prologue , intitulé : Le Parterre Merveilleux.
Tous ces nouveaux Divertissemens ont été
G vj reçus
1828 MERCURE DE FRANCE
receus favorablement du public. On en
parlera plus au long.
Le Mercredi 13. de ce mois , les Comédiens François donnerent la premiere
Représentation de Zaire. Cette Piece fut
beaucoup critiquée , et encore plus applaudie. Nous entrions icy dans l'exposition , et les autres détails de ce Poëme ,
mais l'Auteur lui même nous dispense
de ce soin dans la Lettre qu'on va lire. Il
est inutile de faire sentir combien le Lecteur y gagnera ; nous y gagnons aussi ,
quoique l'illustre Poëte , en prodigant sa
modestie , ait trop pcu ménagé la nôtre.
E Lundy 28 Juillet , l'Opéra ComiLque donna la premiere Représenta
tion de deux petites Pieces nouvelles
précédées d'un Prologue, dont la premie
re Scene se passe entre l'Instinct et la Nature. Celle-ci rend compte des soins qu'elle se donne pour la Réconciliation des
sens. Il est aisé de comprendre que toures les idées de ce Prologue ont rapport
au Ballet des Sens, et au Procès des Sens
représenté à la Comédie Françoise. La
Scene de la Nature et de l'Instinct est interrompuë par l'Opinion qui vient féliciter la Nature sur le racommodement
qu'elle projette ; la Nature congédie fort
naturellement l'Opinion , quoiqu'elle se
prétende sa Collégue dans l'Empire de
Î'Univers , fondée sur le Proverbe Italien: L'Opinione Regina del Mondo.L'Instinct revient dès que l'Opinion est sortie.
Un Amour arrive pour exhorter la Nature à terminer le Procès des Sens. Après
quelques questions , elle lui demande qui
des deux Amours à la mode il aime le
mieux. ( On sçait que ces deux Amours
sont la Dule d'Angeville et la Due le Maure. )
A O UST. 1732. 1817
re. ) L'Amour répond par ce Couplet, sur
Pair : Deux beaux yeux n'ont qu'à parler.
Bon , moy , j'entens tous les jours,
Cent Discours ,
Sur ces deux aimables Amours.
Sans me sembler fort téméraire ,
Şur leur mérite , on ne peut rien régler ,
Car l'un n'a qu'à chanter pour plaire ,
Et l'autre n'a qu'à parler.
Le Prologue finit par un Ballet , composé des Sens , et de leur suite.
La premiere Piece , intitulée : Les In
terets de Village , se passe dans un Village.
Chaton , Manceau , Sécrétaire du deffunt
Bailli , paroît d'abord avec Gripant , Record et son Confident , à qui en expliquant sa situation et ses vûes , il apprend
qu'il s'apperçoit qu'il est aimé de la veuve du Bailli , mais qu'il aime Agate sa
Niéce , promise à Piérot. Primò , dit - il
je veux épouser Agate , et pour y parvenir ,
la brouiller avec Piérot. 2° . Je veux pour
jouir toujours des Revenans- bons du Bailliage , me servir de l'ascendant que j'ai sur
l'esprit de Me Triolet , ( c'est la veuve)
pour l'engager à remettre sa Charge à un imbécile qui se contente de n'en posseder que.
G Le
1818 MERCURE DE FRANCE
Le Titre, comme faisoit le deffunt. Gripant
lui demande à quel heureux imbécile il
donnera la préférence. Chaton propose
d'abord Piérot , qu'il détacheroit d'Agate, en lui inspirant l'ambition d'être Bailli ; ensuite il parle de Grosdos , riche Fermier , glorieux de Village , capable de ser- vir à ses desseins.
La Veuve paroît et tâche de s'expliquer avec Chaton , qui feint de ne pas entendre son galimatias passionné. Elle le
quitte , en appercevant Piérot. Chaton
fait accroire à Piérot que la Veuve a du
penchant pour lui , et songe à supplanter sa Niéce; il ébranle la fidélité de Piérot
en lui exagerant les prérogatives de la
Charge de Bailli. Piérot sort presqu'inconstant ; et sur le champ Chaton ins
truit Agate des inconstances de son Rival , et lui déclare en même temps son
amour. Agate méprise cette déclaration
et s'afflige de l'infidelité de Piérot. Chaton après son départ , s'applaudit du succès de son mensonge , et ne perd pas l'esperance , malgré la rigueur d'Agate . Grosdos paroît, Chaton gagne sa confiance par
des respects et des soumissions ; il lui mes
dans la tête de devenir Bailli ; Grosdos le
retient pour son Secretaire, comme avoit
fait Piérot. Chaton dit: Je tiens Grosdos
dans
AOUST. 1732. 1819
dans mesfilets; je choisirai entre Piérot et lui,
suivant les dispositions de Mme Triolet. Il
est question à present de l'amener à mon but.
Elle vient; je veux faire rompre la glace par
Gripant ; allons lui donner mes instructions.
que
Dans la Scene suivante , Janot qui survient , apprend à la Veuve qu'on parle
dans le Village de l'envie que Grosdos a
d'être Bailly. Piérot arrive , et dit crument à la Baillive , qu'il la sçait amou
reuse de lui ; elle le détrompe , et conçoit de violens soupçons au sujet de Chaton Piérot declare être la cause
de son erreur. Agate paroît quand sa tante a quitté Piérot. Il veut lui cacher sa
courte inconstance par des démonstrations de tendresse ; Agate le rebute ironiquement; Piérot se flare d'un prompt
retour. Il apperçoit Grosdos, et reste pour
le narguer ; Grosdos lui conseille de le
respecter comme un homme qui va être
bien-tôt Bailly; cette nouvelle fait changer de ton à Piérot , qui s'humilie devant
le prétendu oncle d'Agate. Grosdos dir
qu'il consultera sur ceci son Secretaire
Chaton. Ouais , dit Piérot à part ; Cha
ton par tout ! je crois que le fripon nous
trompe tous. Mme Triolet qui vient , sans
être apperçue , de surprendre Chatonaux,
pieds de sa niéce , arrive en fureur , et 292003 Gij Agate
1820 MERCURE DE FRANCE
Agate qui survient , l'augmente en se
plaignant des importunitez de ce fourbe ; ils prennent tous le parti de se ca- cher derriere des arbres , en voyant paroître Chaton et Gripant, que Piérot seul
aborde ; il les fait parler à cœur ouvert ,
sur tous leurs interêts differens. Ils sont
tous détrompez par celui qui les avoit
tous abusez ; la veuve dépitée épouse
Grosdos, et donne Agate à Piérot. Cha
ton et Gripant se retirent avec l'audace
de deux fripons , et le Village assemblé
vient féliciter le nouveau Bailly , et cele
brer les deux mariages par des Danses ,
qui forment le Divertissement.
La 2 Piéce , intitulée : L'Epreuve des
Fées, est composée de plusieurs Scenes
Episodiques , qui se passent dans une
Grotte, destinée à l'Epreuve des Fées. La
Récipiendaire y donne audience aux per- sonnages , destinez pour lui demander
graces des conseils; et c'est sur les
Réponses qu'elle fait , que les Fées cathées dans les Rochers de la Grotte , jugent de sa capacité , et la reconnoissent
Fée,à la fin de l'épreuve on la renvoye.
des et
Dans la 2de Scene , Bagatelius , Philosophe, vient demander à Finette , ( c'est la
jeune Fée qu'on éprouve ) la connoissanse de la verité. Finette, fatiguée de ses
doctes
AOUST. 1732 1811
*
doctes clabauderies , le dotie d'une extinction de voix , et le renvoye presque
muet.
Le second Client est Jacot , Paisan, qui
supplie la Fée de lui accorder le don d'être toujours autant aimé de sa femme ,
qu'il l'est présentement : Finette lui promet que son front sera toujours aussi res
pecté qu'il l'est. Il faut sçavoir que par le
recit de Jacot, et par l'éloge même qu'il
fait de sa chere moitié ,il prouve lui- même, sans s'en appercevoir qu'elle ne lui
est point du tout fidelle.
Après le départ du crédule Jacot , paroît unejolie femme , nommée Araminte ,
qui demande le rétablissement de la réputation d'une de ses bonnes amies , qu'une
jmprudence a un peu timpanisée ; la Fée
l'oblige à conter l'aventure de son amic.
Araminte avoue que cette amie a été surprise avec son amant par son mari, et dans la chaleur de sa narration elle se coupe ,
et fait connoître qu'elle est l'Héroïne du Roman.
La derniere Scene , mêlée de critique et
dé Jeu de Théatre , est remplie par un
Danseur , toujours occupé de son talent ,
et toujours sacrifiant aux Graces : Voici
des Morceaux du Panégirique qu'il fait
du Gracieux.
Giij Jai
1822 MERCURE DE FRANCE
J'ai pour le Gracieux une ardeur infinie ,
Je voue au Gracieux mes Jambes , mon Génie ;
Non , sans le Gracieux , je ne puis faire un Pás,
Il gouverne mes pieds , il balance * mes Bras ,
* , il me panche *, il me tourne Il me pousse
il m'arrête,
Il me tient le menton, quand il leve la tête ¿
Etcomme le Soleil est le flambeau des cieux
MonAstre , à moi mon Astre est ...
Pierot.
La Gargouillade.
Le Danseur.
Quoi?
Le Gracieux.
Croit- on qu'il ne me suit que dans les Bergeries▸
Je fais au bord du Stix minauder les Furies ,
Et lorsque l'on me voit figurer en Démon ,
On croit, au Masque près, voir danser Céladon.
Si je suis en Guérrier qui sort d'une Bataille ,
Si pour la tendre Alceste à Sciros je ferraille ,
Une grace me met monEpée à la main ,
Sous cent habits divers on me déguise en vain
Peste ! on me reconnoît toûjours.... Ah ! c'esɛ lui- même ,
C'est lui , dit- on, c'est lui ; que sa garce est ex- trême !
****** L'Axis différents,
Londres
AOUST. 1732.` 1823
Londres mevit un jour sous un habit oblong,
En Sacrificateur , dansant un Cotillon ,
Quel Tapage ce fut ! c'étoit pis qu'un Tonnerret
De ce Cottillon-là , les Gourmets d'Angleterre,
Se souviendront long- temps...
Finette.
Et nous aussi , ma foy !
Pierot , à la Gargouillarde.
Votre Gracieux est souvent berné , je croi,
La Gargoüillade.
Vous croicz mal , pourvu que l'on danse avec
grace ,
Nal contresens ne choque , il n'est rien qui ne
passe ;
Jamais on n'analise un divertissement ;
Ou n'y demande point ni pourquoi , ni com- ment ;
J
Qu'on mette à la Françoise un Peuple de laGrece
Que l'on Coiffe en Bichon une grande Prêtresse,
Que la Sirene prête à massacrer les gens ,
Se prépare à leur mort par des Ballets galans ,
Cela n'est-il pas bien , dés que cela.sçait plaire
Pour les autres talens ce Juge si sévere ,
Qui rejette à son gré Thalie et ses bons mots,
Houspille Melpomene, et nargue ses Héros ;
Ce Public qui par tout veut de la convenance
Apour la danse seule une entiere indulgence ;
?
2
Güij
1824 MERCURE DE FRANCE一个
Lss Romains les plus grands , par lui sont ab- batus
Dans sa conduite , il a blâmé jusqu'à Brutus ,
Mais il a vû, revû , sans chicaner l'idée ,
Danser des Tambourins aux filles de Judée.
Et dans le Ballet neuf, avant qu'il fut rogné ,
Recousu , recrépi , frisoté , tignoné ,
Devant Protésilas , sortant du sombre Empire.
Des Trépassez dansoient , on l'a vû sans en rire
Et sans imaginer aucune absurdité
Dans ces Morts qui sautoient pour un réssuscité,
Piérot.
Si l'on ne rioit pas , on en avoit envie ;
Mais on ne le pouvoit ; observez, je vous prie ,
Me disoit un Frater , me lavant le Menton >
Que les Os du Gosier sont placez de façon ,
Qu'on ne peut à la fois rire et baailler... la bou che ;
Tres-distincte à marquer quel sentiment nous touche ,
S'ouvre en long, quand on baaille, en large quand
on rit ;
Vous voiez , sans avoir autant que moi d'esprit
Que le large et le long... que le long et le large...
Ne peuvent exercer au même instant leur charge.
Piérot , Physicien !
Finette.
Piered
AOUS T. 1732. 1825
Piérot.
Ouy, c'est le long qui fait
Que l'on ne rioit pas dans le nouveau Ballet.
Finette.
A la danse s'entend ; car à la Poësie
On rioit volontiers ; et quand Laodamie ,
Déplorant les malheurs de la viduité ,
Faisant sentir combien peze la chasteté
Sur le malheureux corps d'une veuve oppressée ,
t
Aux pieds d'une Statue ardamment carressée ,
De son époux deffunt alloit chercher l'ardeur ,
On disoit fy; c'est mal rappeller son Buveur.
Il réve !
Le Danseur.
Je descens sur un Port de Provence ;
De-là , tout en dansant je vois toute la France
Je me rens à Paris pour connoître le goût
D'un Peuple que j'entens préconiser par tout.
J'y trouve dans la danse un tumulte effroiable !
Chacun m'y yeut compter qu'un sujet admi-
›
rable ;
L'un pour le Gracieux , et l'autre pour le vif ,
Fait de ces deux talens un injuste tarif.
Deux Prodiges dansans que chacun idolâtre ,
Partageoient sans débat l'Empire du Théatre ,
I GY Mais
1826 MERCURE DE FRANCE
Mais on les désunit , et sur le moindre mot
L'une passe la Mer , l'autre court à Chaillot.
Leur départ nous allarme, et les Partis glapissents
De Doctes heurlemens les Caffez retentissent ;
Et dans l'Opéra même un Braillard à nos yeux,
Décide sans quartier ; loüangeur furieux ,
Au talent qu'il réprouve il déclare la guerre ;
Le Balcon s'en émeut , il trouble le parterre ,
Son souffle impur s'aigrit , l'air en est infecté ,
Le Flot qui l'apporta, recule épouvanté.
On implore aussi-tôt mon avis , on m'entoure
On fait silence, et moi, je répons cette Loure,&c
A
Le Danseur livré à son Entousiasme , se
met à danser, oublie ce qu'il venoit demander à la Fée , et sort en redoublant
ses Lazis de danse. Cet Acte est terminé
par une Fête champêtre , exécutée par des
Jardiniers et des Jardinieres , et par un
Vaudeville , qui termine la Piéce. En voiey quelques couplets :
Dans une fille bien apprise
J'aime une modeste rougeur ;
Le vermillon de la Cerise
Vaut-il celui de la pudeur ?
L'Amant avant son mariage
Est aussi sucré qu'un Brugnon:
Est-1
AOUST 173 . 1827
Est-il mari ? dans son ménage
Il est plus aigre qu'un Citron.
Barbons , Coquets , de bon sens vuides,
Cessez vos soupirs ennuyeux :
Jamais la neffle avec ses rides
Ne flata le goût et les yeux.
An Public.
Le bruit qui nous plaît davantage ,
Messieurs , quand nous ouvrons le bec ,
C'est sûrement votre suffrage ,
Mangerons-nous notre pain sec.
(
On trouvera l'Air notté au bas de la
Chanson.
Le 19 Aoust , le même Opéra Comique donna deux Piéces nouvelles , d'un
Acte chacune ; la premiere , intitulée :
La Lanterne Véridique, précédée d'un Prologue qui a pour titre : Le Réveil de POpera Comique. La seconde , Le Rival de
lui-même. Celle- ci est jouée par les Petits
Comédiens , qu'on a vûs avec plaisir ,
l'année passée à la même Foire S.Laurent.
Cette Piéce est encore précédée d'un Prologue , intitulé : Le Parterre Merveilleux.
Tous ces nouveaux Divertissemens ont été
G vj reçus
1828 MERCURE DE FRANCE
receus favorablement du public. On en
parlera plus au long.
Le Mercredi 13. de ce mois , les Comédiens François donnerent la premiere
Représentation de Zaire. Cette Piece fut
beaucoup critiquée , et encore plus applaudie. Nous entrions icy dans l'exposition , et les autres détails de ce Poëme ,
mais l'Auteur lui même nous dispense
de ce soin dans la Lettre qu'on va lire. Il
est inutile de faire sentir combien le Lecteur y gagnera ; nous y gagnons aussi ,
quoique l'illustre Poëte , en prodigant sa
modestie , ait trop pcu ménagé la nôtre.
Fermer
Résumé : L'Opera Comique, Pieces nouvelles, &c. [titre d'après la table]
Le 28 juillet, l'Opéra Comique présenta deux nouvelles pièces précédées d'un prologue. Ce prologue mettait en scène la Nature et l'Instinct, interrompus par l'Opinion, qui fut congédiée par la Nature. L'Amour intervint ensuite pour encourager la Nature à conclure le procès des Sens, concluant par un ballet des Sens. La première pièce, 'Les Intérêts de Village', se déroulait dans un village. Chaton, secrétaire du défunt bailli, révélait ses plans pour épouser Agate, la nièce du bailli, et obtenir les revenus du bailliage. Il manipulait Piérot et Grosdos pour atteindre ses objectifs. Après diverses intrigues et malentendus, la veuve du bailli épousa Grosdos, et Agate fut unie à Piérot. Chaton et son complice Gripant furent démasqués et se retirèrent. La seconde pièce, 'L'Épreuve des Fées', se déroulait dans une grotte où une jeune fée, Finette, recevait des personnages pour les conseiller. Elle devait juger de leur capacité en fonction de ses réponses. Parmi les personnages, figuraient un philosophe, un paysan crédule, et une femme cherchant à rétablir la réputation d'une amie. La pièce se termina par une critique du théâtre et de la danse, illustrée par un danseur vantant son art. Le 19 août, l'Opéra Comique présenta deux autres pièces : 'La Lanterne Véridique' et 'Le Rival de lui-même', toutes deux précédées de prologues. Ces divertissements furent bien accueillis par le public. En 1828, le 'Mercure de France' mentionne que la pièce 'Zaire' des Comédiens Français a été reçue favorablement par le public. La première représentation a eu lieu le mercredi 13 du mois. La pièce a suscité de nombreuses critiques mais a également été largement applaudie. L'auteur de 'Zaire' a écrit une lettre qui dispense le 'Mercure de France' de l'exposer et de fournir d'autres détails sur le poème. L'auteur exprime sa modestie, ce qui est apprécié par le lecteur et les rédacteurs du 'Mercure de France'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
717
p. 1828-1843
LETTRE de M. de Voltaire, à M.D.L.R. sur la Tragedie de Zaïre.
Début :
Quoique pour l'ordinaire vous vouliez bien prendre la peine, Monsieur [...]
Mots clefs :
Zaïre, Tragédie, Sensibilité, Spectacle, Public, Comédiens, Passions, Bienséance, Vanité, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Voltaire, à M.D.L.R. sur la Tragedie de Zaïre.
LETTRE de M. de Voltaire,à M.D.L.R.
sur la Tragedie de Zaïre.
Q
Uoique pour l'ordinaire vous vouliez bien prendre la peine , Monsieur , de faire les Extraits des Pieces nouvelles ; cependant vous me privez de cet
avantage , et vous voulez que ce soit moi
qui parle de Zaire. Il me semble que je
vois M. le Normand ou M. Cochin (a)
réduire un de leurs Clients à plaider luimême sa cause. L'entreprise est dangereuse , mais je vais mériter au moins la
(a ) Deux fameux Avocats.
con-
AOUST. 1732 1829
confiance quevous avez en moi par la sincerité avec laquelle je m'expliquerai.
Zaïre est la premiere Piece de Théatre
dans laquelle j'aye osé m'abandonner à
toute la sensibilité de mon cœur. C'est la
seule Tragédie tendre que j'aye faite. Je
croiois dans l'âge même des passions les
plus vives , que l'amour n'étoit point fait
pour le Théatre tragique. Je ne tegardois
cette foiblesse que comme un défaut char
mant, qui avillissoit l'Art des Sophocles;
les connoisseurs qui se plaisent plus à la
douceur élégante de Racine , qu'à la force de Corneille , me paroissoient ressembler aux Curieux qui préférent les nuditez du Correge, au chaste et noble Pinceau de Raphaël.
Le public qui fréquente les Spectacles,
est aujourd'hui plus que jamais dans le
goût du Correge. Il faut de la tendresse et
du sentiment ; c'est même ce que les Acteurs jouent le mieux. Vous trouverez
vingt Comédiens qui plairont dans An
dronic et dans Hypolite , et à peine un seul
qui réussisse dans Cinna et dans Horace.
Il a donc fallu me plier aux mœurs du
temps , et commencer tard à parler d'amour.
J'ai cherché au moins à couvrir cette
passion de toute la bienseance possible ,'
1830 MERCURE DE FRANCE
et pour l'annoblir j'ai voulu la mettre à
côté de ce que les hommes ont de plus res
pectable. L'idée me vint de faire contras
ter dans un même Tableau , d'un côté ,
l'honneur, la naissance , la patrie , la religion ; et de l'autre , l'amour le plus tendre et le plus malheureux ; les mœurs des Mahometans et celles des Chrétiens , la
Cour d'un Soudan , et celle d'un Roy de
France , et de faire paroître pour la premiere fois des François , sur la Scene Tra- gique. Je n'ai pris dans l'Histoire que I'Epoque de la Guerre de S. Loüis ; tout le
reste est entierement d'invention. L'Idée
de cette Piece étant si neuve et si fertile ,
s'arrangea d'elle- même ; et au lieu que le
plan d'Eriphile m'avoit beaucoup couté ,
celui de Zaïre fut fait en un seul jour, et
Fimagination , échauffée par l'interêt qui
regnoit dans ce plan , acheva la Piece en
vingt deux jours.
Il entre peut être un peu de vanité
dans cet aveu ( car où est l'artiste sans
amour propre , mais je devois cette
excuse au public , des fautes et des négligences qu'on a trouvées dans ma
Tragédie. Il auroit été mieux , sans
doute , d'attendre à la faire représenter ,
que j'en eusse châtié le stile mais des
raisons , dont il est inutile de fatiguer
Le
AOUST. 1732. 1831
le Public , n'ont pas permis qu'on differât. Voici , Monsieur , le sujet de cette
Piece.
Il
La Palestine avoir été enlevée aux Princes Chrétiens par le Conquerant Saladin.
Noradin , Tartate d'origine , s'en étoit
ensuite rendu maître. Õrosmane , fils de
Noradin , jeune homme plein de grandeur , de vertus et de passions , commen.
çoit à regner avec gloire dans Jérusalem.
Il avoit porté sur le Trône de la Syrie
la franchise et l'esprit de liberté de ses
Ancêtres. Il méprisoit les regles austeres
du Serrail , et n'affectoit point de se rendre invisible aux Etrangers et à ses Sujets, pour devenir plus respectable. If traitoit avec douceur les Esclaves Chrétiens , dont son Serrail et ses Etats étoient
remplis. Parmi ces Esclaves il s'étoit trouvé un enfant , pris autrefois au Sac de
Césarée , sous le Regne de Noradin. Cet
enfant ayant été racheté par des Chrétiens à l'âge de neuf ans , avoit été amené
en France au Roy S. Louis , qui avoit daigné prendre soin de son éducation et de
sa fortune. Il avoit pris en France le nom
de Nerestan ; et étant retourné en Syrie ,
il avoit été fait prisonnier encore une
fois , et avoit été enfermé parmi les Esclaves d'Orosmane. Il retrouva dans la
captivité
1832, MERCURE DE FRANCE 1
captivité une jeune personne avec qui
il avoit été prisonnier dans son enfance
lorsque les Chrétiens avoient perdu Césarée. Cette jeune personne à qui on avoit
donné le nom de Zaïre , ignoroit sa naissance , aussi bien que Nerestan et que
tous ces enfans de tribut qui sont enlevez
debonne heure des mains de leurs parens,
et qui ne connoissent de famille et de Patrie que le Serrail. Zaïre sçavoit seulement qu'elle étoit née Chrétienne. Nerestan et quelques autres Esclaves un peu
plus âgez qu'elle , l'en assuroient. Elle
avoit toûjours conservé un ornement qui
renfermoit une Croix , seule preuve qu'el
le eût de sa Religion. Une autre Esclave
nommée Fatime, née Chrétienne, et mise
au Serrail à l'âge de dix ans , tâchoit d'instruire Zaïre du peu qu'elle sçavoit de la
Religion de ses Peres. Le jeune Nerestan
qui avoit la liberté de voir Zaïre et Fatime , animé du zele qu'avoient alors les
Chevaliers François , touché d'ailleurs
pour Zaïre de la plus tendre amitié , la
disposoit au Christianisme. Il se proposa
de racheter Zaïre , Fatime et dix Cheva
liers Chrétiens , du bien qu'il avoit acquis
en France et de les amener à la Cour de
S. Louis. Il eut la hardiesse de demander
au Soudan Orosmane la permission.de
retourner
AOUST. *
1833 17322
retourner en France , sur sa seule parole
et le Sultan eut la générosité de le permettre. Nerestan partit et fut deux ans
hors de Jerusalem.
Cependant la beauté de Zaïre croissoit
avec son âge , et la naïveté touchante de
son caractere , la rendoit encore plus almable que sa beauté. Orosmane la vit et
kui parla. Un cœur comme le sien ne
pouvoit l'aimer qu'éperdument. Il résolut de bannir la molesse qui avoit effeminé tant de Rois de l'Asie et d'avoir
dans Zaïre un ami , une maîtresse , une
femme , qui lui tiendroit lieu de tous les
plaisirs , et qui partageroit son cœur avec les devoirs d'un Prince et d'un Guerrier.'
Les foibles idées du Christianisme , tracées à peine dans le cœur de Zaïre , s'éyauoüirent bien-tôt à la vûë du Soudan ;
elle l'aima autant qu'elle en étoit aimée ,
sans que l'ambition se mêlât en rien à la
pureté de sa tendresse.
›
Nerestan ne revenoit point de France.
Zaïre ne voyoit qu'Orosmane et son
amour. Elle étoit prête d'épouser le Sultan lorsque le jeune François arrive.
Orosmane le fait entrer en présence même de Zaïre. Nerestan apportoit avec la
rançon de Zaïre et de Fatime , celle de
dix Chevaliers qu'il devoit choisir. J'ai satisfait
1834 MERCURE DE FRANCE
satisfait à mes sermens , dit- il au Soudan,
C'est à toi de tenir ta prom sse , de me
remettre Zaïre , Fatime et les dix Che
valiers ; mais apprends que j'ai épuisé ma
fortune à payer leur rançon. Une pauvreté noble est tout ce qui me reste ; je
ne puis me racheter moi- même ; e viens
me remettre dans tes fers. Le Soudan ,
satisfait du grand courage de ce Chrétien , et né pour être plus genereux encore , lui rendit toutes les rançons qu'il
apportoit , lui donna cent Chevaliers au
lieu de dix et le combla de présens ; mais
il lui fit entendre que Zaïre n'étoit pas
faite pour être rachetée , et qu'elle étoit
d'un prix au- dessus de toutes les rançons.
Il refusa aussi de lui rendre parmi les
Chevaliers qu'il délivroit , un Prince de
Lusignan , fait Esclave depuis long-temps
dans Cesarée.
Ce Lusignan , le dernier de la Branche
des Rois de Jerusalem , étoit un Vieil.
lard respecté dans l'Orient , l'amour de
tous les Chrétiens , et dont le nom seul
pouvoit être dangereux aux Sarrasins,
C'étoit lui principalement que Nerestan
avoit voulu racheter. Il parut devant
Orosmane accablé du refus qu'on lui faisoit de Lusignan et de Zaïre. Le Soudan
remarqua ce trouble ; il sentit dès ce moment
AOUST. 1732. 1835-
mentun commencement de jalousie que
la génerosité de son caractere lui fit étouf
fer. Cependant il ordonna que les cent
Chevaliers fussent prêts à partir le lendemain avec Nerestan.
*
Zaïre , sur le point d'être Sultane , vou
lut donner au moins à Nerestan une preu
ve de sa reconnoissance. Elle se jette aux
pieds d'Orosmane pour obtenir la liberté
du vieux Lusignan. Orosmane ne pouvoit
rien refuser à Zaïre. On alla tirer Lusignan
des fers. Les Chrétiens délivrez étoient
avec Nerestan dans les Appartemens exterieurs du Serrail ; ils pleuroient la destinée de Lusignan , sur tout le Chevalier
de Chatillon , ami tendre de ce malheureux Prince , ne pouvoit se résoudre à ac
cepter une liberté qu'on refusoit à son
ami et à son Maître , lorsque Zaïre arrive
et leur amené celui qu'ils n'esperoient
plus.
Lusignan , ébloui de la lumiere qu'il
revoyoit après vingt années de prison ,
pouvant se soutenir à peine , ne sçachant
où il est et où on le conduit. Voyant
enfin qu'il étoit avec des François et reconnoissant Chatillon , s'abandonna à
cette joye mêlée d'amertume , que les
malheureux éprouvent dans leurs consolations. Il demande à qui il doit sa délivrance
1836 MERCURE DE FRANCE
livrance. Zaïre prend la parole en lui présentant Nerestan ; c'est à ce jeune François , dit-elle , que vous et tous les Chrétiens , devez votre liberté. Alors le Vieillard apprend que Nerestan a été élevé.
dans le Serrail avec Zaire , et se tournant vers eux : hélas ! dit-il , puisque !
vous avez pitié de mes malheurs , achevez votre ouvrage , instruisez- moi du sort de mes enfans. Deux me furent enlevez au berceau , lorsque je fus pris dans
Césarée ; deux autres furent massacrez de
vant moi avec leur mere. O mes fils ! ô
Martirs ! veillez du haut du Ciel sur mes
autres enfans , s'ils sont vivans encore.
Helas ! j'ai sçû que mon dernier fils et
ma fille, furent conduits dans ce Serrail.
Vous qui m'écoutez , Nerestan , Zaïre ,
Chatillon , n'avez- vous nulle connoissance de ces tristes restes du Sang de Godefroy et de Lusignan.
Au milieu de ces questions , qui déja
remuoient le cœur de Nerestan et de Zaïre; Lusignan apperçut au bras de Zaïre
un ornement qui renfermoit une Croix,
Il se souvint que l'on avoit mis cette parure à sa fille lorsqu'on la portoit au Baptême ; Chatillon l'en avoit ornée lui-même , et Zaïre lui avoit été arrachée de
ses bras avant d'être baptisée. La ressemblance
A O UST. 1732 1837
blance des traits , l'âge , toutes les circonstances , une cicatrice de la blessure
que son jeune fils avoit reçue , tout confirme à Lusignan qu'il est pere encore; et
la Nature parlant à la fois au cœur de
tous les trois , et s'expliquant par des
larmes Embrassez- moi , mes chers enfans , s'écria Lusignan , et revoyez votre
-pere. Zaïre et Nerestan ne pouvoient s'arracher de ses bras. Mais helas ! dit ce Vieil-
-lard infortuné , goûterai- je une joye pure.
Grand Dieu qui me rends ma fille , me
la rends-tu Chrétienne ? Zaïre rougit et
frémit à ces paroles. Lusignan vit sa honte et son malheur , et Za ire avoua qu'elle
étoit Musulmane. La douleur , la Religion et la Nature , donnerent en ce moment des forces à Lusignan ; il embrassa sa fille et lui montrant d'une main
Je Tombeau de Jesus- Christ et le Ciel de
l'autre , animé de son desespoir , de son
zele , aidé de tant de Chrétiens , de son
fils et du Dieu qui l'inspire , il touche
sa fille , il l'ébranle , elle se jette à ses
pieds et lui promet d'être Chrétienne.
Au moment arrive un Officier du Serrail qui sépare Zaïre de son père et de
son frere et qui arrête tous les Chevaliers François. Cette rigueur inopinée
étoit le fruit d'un Conseil qu'on venoit
f
de
838 MERCURE DE FRANCE
de tenir en présence d'Orosmane. Là
Flotte de S. Louis étoit partie de Chipre,
et on craignoit pour les Côtes de Sirie ;
mais un second Courier ayant apporté
la nouvelle du départ de S. Louis pour
l'Egypte. Orosmane fut rassuré ; il étoit
lui- même ennemi du Soudan d'Egypte.
Ainsi n'ayant rien à craindre ni du Roy.
ni des François qui étoient à Jerusalem , il commanda qu'on les renvoyât
leur Roy,et ne songea plus qu'à réparer
par la pompe et la magnificence de son
mariage la rigueur dont il avoit usé envers Zaïre.
,
Pendant que le Mariage se préparoit,
Zaïre désolée demanda au Soudan la
permission de revoir Nerestan encore une
fois. Orosmane , trop heureux de trouver une occasion de plaire à Zaïre , eut
l'indulgence de permettre cette entrevûë. Nerestan revit donc Zaire , mais ce
fut pour lui apprendre que son pere étoit
prêt d'expirer, qu'il mouroit entre la joye
d'avoir retrouvé ses enfans et l'amertume
d'ignorer si Zaïre seroit Chrétienne , et
qu'il lui ordonnoit en mourant d'être baptisée ce jour-là même de la main du Ponrife de Jerusalem. Zaïre attendrie et vain
cuë, promit tout et jura à son frere qu'elle
ne trahiroit point le sang dont elle étoir née,
A OUST. 17328 7829
née , qu'elle seroit Chrétienne , qu'elle
n'epouseroit point Orosmane , qu'elle ne
prendroit aucun parti avant que d'avoir
été baptisée.
A peine avoit-elle prononcé ce ser,
ment , qu'Orosmane , plus amoureux et
plus aimé que jamais , vient la prendre
pour la conduire à la Mosquée. Jamais
on n'eut le cœur plus déchiré que Zaïre ;
elle étoit partagée entre son Dieu , sa famille , son nom qui la retenoient , et le
plus aimable de tous les hommes qui l'a,
doroit. Elle ne se connut plus ; elle ceda
à la douleur et s'échapa des mains de son
Amant, le quittant avec désespoir et le
laissant dans l'accablement de la surprise,
de la douleur et de la colere.
Les impressions de jalousie se reveil
lerent dans le cœur d'Orosmane. L'orgueil les empêcha de paroître , et l'amour
Ics adoucit. Il prit la fuite de Zaïre pour
un caprice , pour un artifice innocent,
pour la crainte naturelle à une jeune fille,
pour toute autre chose , enfin, que pour
une trahison . Il vit encore Zaïre , lui
pardonna et l'aima plus que jamais, L'a
mour de Zaïre augmentoit par la tendresse indulgente de son Amant. Elle se
jette en larmes à ses genoux , le supplie
de differer le Mariagejusqu'au lendemain
Elle
1840 MERCURE DE FRANCE
>
Elle comptoit que son frere seroit alors
parti , qu'elle auroit reçû le Baptême ,
que Dieu lui donneroit la force de résister. Elle se flattoit même quelquefois
que la Religion Chrétienne lui permettroit d'aimer un homme si tendre si
genereux , si vertueux , à qui il ne manquoit que d'être Chrétien. Frappée de
toutes ces idées , elle parloit à Orosmane
avec une tendresse si naïve et une douleur si vraye , qu'Orosmane ceda encore
et lui accorda le sacrifice de vivre sans
elle ce jour-là. Il étoit sur d'être aimé;
il étoit heureux dans cette idée et fermoit les yeux sur le reste.
f Cependant dans les premiers mouvemens de jalousie , il avoit ordonné que
le Serrail fût fermé à tous les Chrétiens.
Nerestan trouvant le Serrail fermé et n'en
soupçonnant pas la cause , écrivit une
Lettre pressante à Zaïre ; il lui mandoit
de lui ouvrir une porte secrette qui conduisoit vers la Mosquée , et lui recommandoit d'être fidelle.
La Lettre tomba entre les mains d'un
Garde qui la porta à Orosmane. Le Soudan en crut à peine ses yeux. Il se vit
trahi ; il ne douta pas de son malheur et
du crime de Zaïre. Avoir comblé un
Etranger , un Captif de bienfaits ; avoir
donné
A O UST. 17327 184r
donné son cœur , sa Couronne à une fille
Esclave ; lui avoir tout sacrifié ; ne vivre
que pour elle , et en être trahi pour ce
Captif même; être trompé par les appa
rences du plus tendre amour ; éprouver
en un moment ce que l'Amour a de plus
violent, ce que l'ingratitude a de plus noir,
ce que la perfidie a de plus traître : c'étoit, sans doute , un état horrible. Mais
Orosmane aimoit, et il souhaitoit de trouver Zaïre innocente. Il lui fait rendre ce
Billet par un Esclave inconnu. Il se flattoit que Zaïre pouvoit ne point écouter
Nerestan ; Nerestan seul lui paroissoit
coupable. Il ordonne qu'on l'arrête et
qu'on l'enchaîne. Et il va à l'heure et à
la place du rendez- vous , attendre l'effet
de la Lettre.
La Lettre est rendue à Zaïre , elle la
lit en tremblant; et après avoir long- tems
hesité , elle dit enfin à l'Esclave , qu'elle
attendra Nerestan , et donne ordre qu'on
l'introduise. L'Esclave rend compte de
tout à Orosmane.
Le malheureux Soudan tombe dans
l'excès d'une douleur mêlée de fureur et
de larmes. Il tire son poignard , et il
pleure, Zaïre vient au rendez- vous dans
T'obscurité de la nuit. Orosmane entend
sa voix et son poignard lui échappe. Elle
H approche
4842 MERCURE DE FRANCE
approche , elle appelle Nerestan ; et à ce
nom Orosmane la poignarde.
Dans l'instant on lui amene Nerestan
enchaîné avec Fatime, complice de Zaïre.
Orosmane hors de lui , s'adresse à Nerestan , en le nommant son Rival : C'est
toi qui m'arraches Zaïre , dit- il ; regardela avant que de mourir ; que ton supplice
Commence par le sien ; regarde- la , te
dis-je. Nerestan approche de ce corps expirant. Ah! que vois-je ! ah ! ma sœur !
barbare , qu'as- tu fait .... A ce mot de
sœur, Orosmane est comme un homme
qui revient d'un songe funeste ; il connoît son erreur ; il voit ce qu'il a perdu;
il est trop abîmé dans l'horreur de son
état pour se plaindre. Nerestan et Fatime
lui parlent ; mais de tout ce qu'ils disent
il n'entend autre chose, si-non qu'il étoit
aimé. Il prononce le nom de Zaïre , il
court à elle , on l'arrête , il retombe dans
l'engourdissement de son desespoir.Qu'ordonnes-tu de moi? lui dit Nerestan. Le
Soudan , après un long silence , fait ôter
les fers, à Nerestan , le comble de largesses , lui et tous les Chrétiens , et se
tue auprès de Zaïre.
Voilà , Monsieur le Plan exact de la
conduite de cette Tragédie que j'expose
avec toutes ses fautes. Je suis bien loin
de
A O UST. 17328 1845
de m'enorgueillir du succès passager de
quelques Représentations. Qui ne connoît
Fillusion du Théatre ? Qui ne sçait qu'une
situation interessante , mais triviale , une
nouvauté brillante et hazardée , la seule
voix d'une Actrice , suffisent pour tromper quelque temps le Public. Quelle distance immense entre un Ouvrage souffert
au Théatre et un bon Ouvrage! j'en sens
malheureusement toute la difference. Je
vois combien il est difficile de réussir au
gré des Connoisseurs. Je ne suis pas plus
indulgent qu'eux pour moi- même; et si
j'ose travailler , c'est que mon goût extrême pour cet Art, l'emporte encore sur
la connoissance que j'ai de monpeu de talent. Je suis , &c
sur la Tragedie de Zaïre.
Q
Uoique pour l'ordinaire vous vouliez bien prendre la peine , Monsieur , de faire les Extraits des Pieces nouvelles ; cependant vous me privez de cet
avantage , et vous voulez que ce soit moi
qui parle de Zaire. Il me semble que je
vois M. le Normand ou M. Cochin (a)
réduire un de leurs Clients à plaider luimême sa cause. L'entreprise est dangereuse , mais je vais mériter au moins la
(a ) Deux fameux Avocats.
con-
AOUST. 1732 1829
confiance quevous avez en moi par la sincerité avec laquelle je m'expliquerai.
Zaïre est la premiere Piece de Théatre
dans laquelle j'aye osé m'abandonner à
toute la sensibilité de mon cœur. C'est la
seule Tragédie tendre que j'aye faite. Je
croiois dans l'âge même des passions les
plus vives , que l'amour n'étoit point fait
pour le Théatre tragique. Je ne tegardois
cette foiblesse que comme un défaut char
mant, qui avillissoit l'Art des Sophocles;
les connoisseurs qui se plaisent plus à la
douceur élégante de Racine , qu'à la force de Corneille , me paroissoient ressembler aux Curieux qui préférent les nuditez du Correge, au chaste et noble Pinceau de Raphaël.
Le public qui fréquente les Spectacles,
est aujourd'hui plus que jamais dans le
goût du Correge. Il faut de la tendresse et
du sentiment ; c'est même ce que les Acteurs jouent le mieux. Vous trouverez
vingt Comédiens qui plairont dans An
dronic et dans Hypolite , et à peine un seul
qui réussisse dans Cinna et dans Horace.
Il a donc fallu me plier aux mœurs du
temps , et commencer tard à parler d'amour.
J'ai cherché au moins à couvrir cette
passion de toute la bienseance possible ,'
1830 MERCURE DE FRANCE
et pour l'annoblir j'ai voulu la mettre à
côté de ce que les hommes ont de plus res
pectable. L'idée me vint de faire contras
ter dans un même Tableau , d'un côté ,
l'honneur, la naissance , la patrie , la religion ; et de l'autre , l'amour le plus tendre et le plus malheureux ; les mœurs des Mahometans et celles des Chrétiens , la
Cour d'un Soudan , et celle d'un Roy de
France , et de faire paroître pour la premiere fois des François , sur la Scene Tra- gique. Je n'ai pris dans l'Histoire que I'Epoque de la Guerre de S. Loüis ; tout le
reste est entierement d'invention. L'Idée
de cette Piece étant si neuve et si fertile ,
s'arrangea d'elle- même ; et au lieu que le
plan d'Eriphile m'avoit beaucoup couté ,
celui de Zaïre fut fait en un seul jour, et
Fimagination , échauffée par l'interêt qui
regnoit dans ce plan , acheva la Piece en
vingt deux jours.
Il entre peut être un peu de vanité
dans cet aveu ( car où est l'artiste sans
amour propre , mais je devois cette
excuse au public , des fautes et des négligences qu'on a trouvées dans ma
Tragédie. Il auroit été mieux , sans
doute , d'attendre à la faire représenter ,
que j'en eusse châtié le stile mais des
raisons , dont il est inutile de fatiguer
Le
AOUST. 1732. 1831
le Public , n'ont pas permis qu'on differât. Voici , Monsieur , le sujet de cette
Piece.
Il
La Palestine avoir été enlevée aux Princes Chrétiens par le Conquerant Saladin.
Noradin , Tartate d'origine , s'en étoit
ensuite rendu maître. Õrosmane , fils de
Noradin , jeune homme plein de grandeur , de vertus et de passions , commen.
çoit à regner avec gloire dans Jérusalem.
Il avoit porté sur le Trône de la Syrie
la franchise et l'esprit de liberté de ses
Ancêtres. Il méprisoit les regles austeres
du Serrail , et n'affectoit point de se rendre invisible aux Etrangers et à ses Sujets, pour devenir plus respectable. If traitoit avec douceur les Esclaves Chrétiens , dont son Serrail et ses Etats étoient
remplis. Parmi ces Esclaves il s'étoit trouvé un enfant , pris autrefois au Sac de
Césarée , sous le Regne de Noradin. Cet
enfant ayant été racheté par des Chrétiens à l'âge de neuf ans , avoit été amené
en France au Roy S. Louis , qui avoit daigné prendre soin de son éducation et de
sa fortune. Il avoit pris en France le nom
de Nerestan ; et étant retourné en Syrie ,
il avoit été fait prisonnier encore une
fois , et avoit été enfermé parmi les Esclaves d'Orosmane. Il retrouva dans la
captivité
1832, MERCURE DE FRANCE 1
captivité une jeune personne avec qui
il avoit été prisonnier dans son enfance
lorsque les Chrétiens avoient perdu Césarée. Cette jeune personne à qui on avoit
donné le nom de Zaïre , ignoroit sa naissance , aussi bien que Nerestan et que
tous ces enfans de tribut qui sont enlevez
debonne heure des mains de leurs parens,
et qui ne connoissent de famille et de Patrie que le Serrail. Zaïre sçavoit seulement qu'elle étoit née Chrétienne. Nerestan et quelques autres Esclaves un peu
plus âgez qu'elle , l'en assuroient. Elle
avoit toûjours conservé un ornement qui
renfermoit une Croix , seule preuve qu'el
le eût de sa Religion. Une autre Esclave
nommée Fatime, née Chrétienne, et mise
au Serrail à l'âge de dix ans , tâchoit d'instruire Zaïre du peu qu'elle sçavoit de la
Religion de ses Peres. Le jeune Nerestan
qui avoit la liberté de voir Zaïre et Fatime , animé du zele qu'avoient alors les
Chevaliers François , touché d'ailleurs
pour Zaïre de la plus tendre amitié , la
disposoit au Christianisme. Il se proposa
de racheter Zaïre , Fatime et dix Cheva
liers Chrétiens , du bien qu'il avoit acquis
en France et de les amener à la Cour de
S. Louis. Il eut la hardiesse de demander
au Soudan Orosmane la permission.de
retourner
AOUST. *
1833 17322
retourner en France , sur sa seule parole
et le Sultan eut la générosité de le permettre. Nerestan partit et fut deux ans
hors de Jerusalem.
Cependant la beauté de Zaïre croissoit
avec son âge , et la naïveté touchante de
son caractere , la rendoit encore plus almable que sa beauté. Orosmane la vit et
kui parla. Un cœur comme le sien ne
pouvoit l'aimer qu'éperdument. Il résolut de bannir la molesse qui avoit effeminé tant de Rois de l'Asie et d'avoir
dans Zaïre un ami , une maîtresse , une
femme , qui lui tiendroit lieu de tous les
plaisirs , et qui partageroit son cœur avec les devoirs d'un Prince et d'un Guerrier.'
Les foibles idées du Christianisme , tracées à peine dans le cœur de Zaïre , s'éyauoüirent bien-tôt à la vûë du Soudan ;
elle l'aima autant qu'elle en étoit aimée ,
sans que l'ambition se mêlât en rien à la
pureté de sa tendresse.
›
Nerestan ne revenoit point de France.
Zaïre ne voyoit qu'Orosmane et son
amour. Elle étoit prête d'épouser le Sultan lorsque le jeune François arrive.
Orosmane le fait entrer en présence même de Zaïre. Nerestan apportoit avec la
rançon de Zaïre et de Fatime , celle de
dix Chevaliers qu'il devoit choisir. J'ai satisfait
1834 MERCURE DE FRANCE
satisfait à mes sermens , dit- il au Soudan,
C'est à toi de tenir ta prom sse , de me
remettre Zaïre , Fatime et les dix Che
valiers ; mais apprends que j'ai épuisé ma
fortune à payer leur rançon. Une pauvreté noble est tout ce qui me reste ; je
ne puis me racheter moi- même ; e viens
me remettre dans tes fers. Le Soudan ,
satisfait du grand courage de ce Chrétien , et né pour être plus genereux encore , lui rendit toutes les rançons qu'il
apportoit , lui donna cent Chevaliers au
lieu de dix et le combla de présens ; mais
il lui fit entendre que Zaïre n'étoit pas
faite pour être rachetée , et qu'elle étoit
d'un prix au- dessus de toutes les rançons.
Il refusa aussi de lui rendre parmi les
Chevaliers qu'il délivroit , un Prince de
Lusignan , fait Esclave depuis long-temps
dans Cesarée.
Ce Lusignan , le dernier de la Branche
des Rois de Jerusalem , étoit un Vieil.
lard respecté dans l'Orient , l'amour de
tous les Chrétiens , et dont le nom seul
pouvoit être dangereux aux Sarrasins,
C'étoit lui principalement que Nerestan
avoit voulu racheter. Il parut devant
Orosmane accablé du refus qu'on lui faisoit de Lusignan et de Zaïre. Le Soudan
remarqua ce trouble ; il sentit dès ce moment
AOUST. 1732. 1835-
mentun commencement de jalousie que
la génerosité de son caractere lui fit étouf
fer. Cependant il ordonna que les cent
Chevaliers fussent prêts à partir le lendemain avec Nerestan.
*
Zaïre , sur le point d'être Sultane , vou
lut donner au moins à Nerestan une preu
ve de sa reconnoissance. Elle se jette aux
pieds d'Orosmane pour obtenir la liberté
du vieux Lusignan. Orosmane ne pouvoit
rien refuser à Zaïre. On alla tirer Lusignan
des fers. Les Chrétiens délivrez étoient
avec Nerestan dans les Appartemens exterieurs du Serrail ; ils pleuroient la destinée de Lusignan , sur tout le Chevalier
de Chatillon , ami tendre de ce malheureux Prince , ne pouvoit se résoudre à ac
cepter une liberté qu'on refusoit à son
ami et à son Maître , lorsque Zaïre arrive
et leur amené celui qu'ils n'esperoient
plus.
Lusignan , ébloui de la lumiere qu'il
revoyoit après vingt années de prison ,
pouvant se soutenir à peine , ne sçachant
où il est et où on le conduit. Voyant
enfin qu'il étoit avec des François et reconnoissant Chatillon , s'abandonna à
cette joye mêlée d'amertume , que les
malheureux éprouvent dans leurs consolations. Il demande à qui il doit sa délivrance
1836 MERCURE DE FRANCE
livrance. Zaïre prend la parole en lui présentant Nerestan ; c'est à ce jeune François , dit-elle , que vous et tous les Chrétiens , devez votre liberté. Alors le Vieillard apprend que Nerestan a été élevé.
dans le Serrail avec Zaire , et se tournant vers eux : hélas ! dit-il , puisque !
vous avez pitié de mes malheurs , achevez votre ouvrage , instruisez- moi du sort de mes enfans. Deux me furent enlevez au berceau , lorsque je fus pris dans
Césarée ; deux autres furent massacrez de
vant moi avec leur mere. O mes fils ! ô
Martirs ! veillez du haut du Ciel sur mes
autres enfans , s'ils sont vivans encore.
Helas ! j'ai sçû que mon dernier fils et
ma fille, furent conduits dans ce Serrail.
Vous qui m'écoutez , Nerestan , Zaïre ,
Chatillon , n'avez- vous nulle connoissance de ces tristes restes du Sang de Godefroy et de Lusignan.
Au milieu de ces questions , qui déja
remuoient le cœur de Nerestan et de Zaïre; Lusignan apperçut au bras de Zaïre
un ornement qui renfermoit une Croix,
Il se souvint que l'on avoit mis cette parure à sa fille lorsqu'on la portoit au Baptême ; Chatillon l'en avoit ornée lui-même , et Zaïre lui avoit été arrachée de
ses bras avant d'être baptisée. La ressemblance
A O UST. 1732 1837
blance des traits , l'âge , toutes les circonstances , une cicatrice de la blessure
que son jeune fils avoit reçue , tout confirme à Lusignan qu'il est pere encore; et
la Nature parlant à la fois au cœur de
tous les trois , et s'expliquant par des
larmes Embrassez- moi , mes chers enfans , s'écria Lusignan , et revoyez votre
-pere. Zaïre et Nerestan ne pouvoient s'arracher de ses bras. Mais helas ! dit ce Vieil-
-lard infortuné , goûterai- je une joye pure.
Grand Dieu qui me rends ma fille , me
la rends-tu Chrétienne ? Zaïre rougit et
frémit à ces paroles. Lusignan vit sa honte et son malheur , et Za ire avoua qu'elle
étoit Musulmane. La douleur , la Religion et la Nature , donnerent en ce moment des forces à Lusignan ; il embrassa sa fille et lui montrant d'une main
Je Tombeau de Jesus- Christ et le Ciel de
l'autre , animé de son desespoir , de son
zele , aidé de tant de Chrétiens , de son
fils et du Dieu qui l'inspire , il touche
sa fille , il l'ébranle , elle se jette à ses
pieds et lui promet d'être Chrétienne.
Au moment arrive un Officier du Serrail qui sépare Zaïre de son père et de
son frere et qui arrête tous les Chevaliers François. Cette rigueur inopinée
étoit le fruit d'un Conseil qu'on venoit
f
de
838 MERCURE DE FRANCE
de tenir en présence d'Orosmane. Là
Flotte de S. Louis étoit partie de Chipre,
et on craignoit pour les Côtes de Sirie ;
mais un second Courier ayant apporté
la nouvelle du départ de S. Louis pour
l'Egypte. Orosmane fut rassuré ; il étoit
lui- même ennemi du Soudan d'Egypte.
Ainsi n'ayant rien à craindre ni du Roy.
ni des François qui étoient à Jerusalem , il commanda qu'on les renvoyât
leur Roy,et ne songea plus qu'à réparer
par la pompe et la magnificence de son
mariage la rigueur dont il avoit usé envers Zaïre.
,
Pendant que le Mariage se préparoit,
Zaïre désolée demanda au Soudan la
permission de revoir Nerestan encore une
fois. Orosmane , trop heureux de trouver une occasion de plaire à Zaïre , eut
l'indulgence de permettre cette entrevûë. Nerestan revit donc Zaire , mais ce
fut pour lui apprendre que son pere étoit
prêt d'expirer, qu'il mouroit entre la joye
d'avoir retrouvé ses enfans et l'amertume
d'ignorer si Zaïre seroit Chrétienne , et
qu'il lui ordonnoit en mourant d'être baptisée ce jour-là même de la main du Ponrife de Jerusalem. Zaïre attendrie et vain
cuë, promit tout et jura à son frere qu'elle
ne trahiroit point le sang dont elle étoir née,
A OUST. 17328 7829
née , qu'elle seroit Chrétienne , qu'elle
n'epouseroit point Orosmane , qu'elle ne
prendroit aucun parti avant que d'avoir
été baptisée.
A peine avoit-elle prononcé ce ser,
ment , qu'Orosmane , plus amoureux et
plus aimé que jamais , vient la prendre
pour la conduire à la Mosquée. Jamais
on n'eut le cœur plus déchiré que Zaïre ;
elle étoit partagée entre son Dieu , sa famille , son nom qui la retenoient , et le
plus aimable de tous les hommes qui l'a,
doroit. Elle ne se connut plus ; elle ceda
à la douleur et s'échapa des mains de son
Amant, le quittant avec désespoir et le
laissant dans l'accablement de la surprise,
de la douleur et de la colere.
Les impressions de jalousie se reveil
lerent dans le cœur d'Orosmane. L'orgueil les empêcha de paroître , et l'amour
Ics adoucit. Il prit la fuite de Zaïre pour
un caprice , pour un artifice innocent,
pour la crainte naturelle à une jeune fille,
pour toute autre chose , enfin, que pour
une trahison . Il vit encore Zaïre , lui
pardonna et l'aima plus que jamais, L'a
mour de Zaïre augmentoit par la tendresse indulgente de son Amant. Elle se
jette en larmes à ses genoux , le supplie
de differer le Mariagejusqu'au lendemain
Elle
1840 MERCURE DE FRANCE
>
Elle comptoit que son frere seroit alors
parti , qu'elle auroit reçû le Baptême ,
que Dieu lui donneroit la force de résister. Elle se flattoit même quelquefois
que la Religion Chrétienne lui permettroit d'aimer un homme si tendre si
genereux , si vertueux , à qui il ne manquoit que d'être Chrétien. Frappée de
toutes ces idées , elle parloit à Orosmane
avec une tendresse si naïve et une douleur si vraye , qu'Orosmane ceda encore
et lui accorda le sacrifice de vivre sans
elle ce jour-là. Il étoit sur d'être aimé;
il étoit heureux dans cette idée et fermoit les yeux sur le reste.
f Cependant dans les premiers mouvemens de jalousie , il avoit ordonné que
le Serrail fût fermé à tous les Chrétiens.
Nerestan trouvant le Serrail fermé et n'en
soupçonnant pas la cause , écrivit une
Lettre pressante à Zaïre ; il lui mandoit
de lui ouvrir une porte secrette qui conduisoit vers la Mosquée , et lui recommandoit d'être fidelle.
La Lettre tomba entre les mains d'un
Garde qui la porta à Orosmane. Le Soudan en crut à peine ses yeux. Il se vit
trahi ; il ne douta pas de son malheur et
du crime de Zaïre. Avoir comblé un
Etranger , un Captif de bienfaits ; avoir
donné
A O UST. 17327 184r
donné son cœur , sa Couronne à une fille
Esclave ; lui avoir tout sacrifié ; ne vivre
que pour elle , et en être trahi pour ce
Captif même; être trompé par les appa
rences du plus tendre amour ; éprouver
en un moment ce que l'Amour a de plus
violent, ce que l'ingratitude a de plus noir,
ce que la perfidie a de plus traître : c'étoit, sans doute , un état horrible. Mais
Orosmane aimoit, et il souhaitoit de trouver Zaïre innocente. Il lui fait rendre ce
Billet par un Esclave inconnu. Il se flattoit que Zaïre pouvoit ne point écouter
Nerestan ; Nerestan seul lui paroissoit
coupable. Il ordonne qu'on l'arrête et
qu'on l'enchaîne. Et il va à l'heure et à
la place du rendez- vous , attendre l'effet
de la Lettre.
La Lettre est rendue à Zaïre , elle la
lit en tremblant; et après avoir long- tems
hesité , elle dit enfin à l'Esclave , qu'elle
attendra Nerestan , et donne ordre qu'on
l'introduise. L'Esclave rend compte de
tout à Orosmane.
Le malheureux Soudan tombe dans
l'excès d'une douleur mêlée de fureur et
de larmes. Il tire son poignard , et il
pleure, Zaïre vient au rendez- vous dans
T'obscurité de la nuit. Orosmane entend
sa voix et son poignard lui échappe. Elle
H approche
4842 MERCURE DE FRANCE
approche , elle appelle Nerestan ; et à ce
nom Orosmane la poignarde.
Dans l'instant on lui amene Nerestan
enchaîné avec Fatime, complice de Zaïre.
Orosmane hors de lui , s'adresse à Nerestan , en le nommant son Rival : C'est
toi qui m'arraches Zaïre , dit- il ; regardela avant que de mourir ; que ton supplice
Commence par le sien ; regarde- la , te
dis-je. Nerestan approche de ce corps expirant. Ah! que vois-je ! ah ! ma sœur !
barbare , qu'as- tu fait .... A ce mot de
sœur, Orosmane est comme un homme
qui revient d'un songe funeste ; il connoît son erreur ; il voit ce qu'il a perdu;
il est trop abîmé dans l'horreur de son
état pour se plaindre. Nerestan et Fatime
lui parlent ; mais de tout ce qu'ils disent
il n'entend autre chose, si-non qu'il étoit
aimé. Il prononce le nom de Zaïre , il
court à elle , on l'arrête , il retombe dans
l'engourdissement de son desespoir.Qu'ordonnes-tu de moi? lui dit Nerestan. Le
Soudan , après un long silence , fait ôter
les fers, à Nerestan , le comble de largesses , lui et tous les Chrétiens , et se
tue auprès de Zaïre.
Voilà , Monsieur le Plan exact de la
conduite de cette Tragédie que j'expose
avec toutes ses fautes. Je suis bien loin
de
A O UST. 17328 1845
de m'enorgueillir du succès passager de
quelques Représentations. Qui ne connoît
Fillusion du Théatre ? Qui ne sçait qu'une
situation interessante , mais triviale , une
nouvauté brillante et hazardée , la seule
voix d'une Actrice , suffisent pour tromper quelque temps le Public. Quelle distance immense entre un Ouvrage souffert
au Théatre et un bon Ouvrage! j'en sens
malheureusement toute la difference. Je
vois combien il est difficile de réussir au
gré des Connoisseurs. Je ne suis pas plus
indulgent qu'eux pour moi- même; et si
j'ose travailler , c'est que mon goût extrême pour cet Art, l'emporte encore sur
la connoissance que j'ai de monpeu de talent. Je suis , &c
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Résumé : LETTRE de M. de Voltaire, à M.D.L.R. sur la Tragedie de Zaïre.
Dans sa lettre à M. D.L.R., Voltaire discute de sa tragédie 'Zaïre'. Il explique qu'il a dû parler lui-même de cette pièce, faute d'extrait par un avocat. Voltaire présente 'Zaïre' comme la première œuvre où il a exprimé la sensibilité de son cœur, contrairement à ses croyances antérieures sur l'amour au théâtre tragique. Cette approche est justifiée par les goûts du public contemporain, qui préfère la tendresse et le sentiment. Voltaire a cherché à couvrir la passion amoureuse de bienséance et à l'anoblir en la mettant en contraste avec des valeurs respectables comme l'honneur, la naissance, la patrie et la religion. L'action se déroule en Palestine, sous le règne d'Orosmane, fils de Noradin. Orosmane, un jeune homme vertueux, traite avec douceur les esclaves chrétiens. Parmi eux se trouvent Zaïre et Nerestan, deux enfants chrétiens élevés en France et capturés à nouveau. Zaïre, ignorant ses origines, est instruite dans la foi chrétienne par une esclave nommée Fatime. Nerestan, animé par le zèle des chevaliers français, cherche à racheter Zaïre et d'autres chrétiens pour les ramener en France. Orosmane, tombé amoureux de Zaïre, décide de l'épouser. Cependant, Nerestan revient et demande la libération de Zaïre et d'autres chevaliers. Orosmane refuse de libérer Zaïre, mais libère les chevaliers et Nerestan. Zaïre, sur le point d'épouser Orosmane, obtient la libération du vieux Lusignan, un prince de Lusignan. Lusignan, reconnaissant Zaïre et Nerestan comme ses enfants, les supplie de lui révéler le sort de ses autres enfants. Zaïre avoue être musulmane, mais promet de se convertir au christianisme sous la pression de son père. La pièce se complique lorsque des nouvelles de la flotte de Louis XIV inquiètent Orosmane, qui finit par autoriser le départ des chrétiens. Zaïre, après avoir promis à son père de se convertir, est confrontée à Orosmane, qui ignore encore sa décision. Zaïre, déchirée entre son amour pour Orosmane et ses obligations familiales et religieuses, finit par quitter Orosmane dans un moment de désespoir. Orosmane, malgré des sentiments de jalousie, pardonne à Zaïre et accepte de différer leur mariage. Cependant, une lettre de Nerestan, demandant à Zaïre de lui ouvrir une porte secrète, tombe entre les mains d'Orosmane. Ce dernier, croyant à une trahison, ordonne l'arrestation de Nerestan et attend Zaïre à un rendez-vous. Zaïre, pensant rencontrer Nerestan, est poignardée par Orosmane lorsqu'elle appelle son frère. Orosmane réalise alors son erreur et, après un moment de désespoir, libère Nerestan et se tue auprès de Zaïre.
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718
p. 1843-1845
Ballet des Sens, Entrée du Goût, [titre d'après la table]
Début :
Le 14 Aoust, l'Académie Royale de Musique, qui represente toujours le Ballet [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Ballet des sens, Entrée, Goût
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texteReconnaissance textuelle : Ballet des Sens, Entrée du Goût, [titre d'après la table]
Le 14 Aoust , l'Académie Royale de
Musique , qui represente toujours le Ballet des Sens, et qui avoit déja supprimé la
premiere Entrée , qui a pour titre, le Tou
cher , supprima encore celle qui a pour
titre , la Vue , et donna pour la premiere
fois celle du Goût. En voici le sujet.
Le Théatre represente une Campagne
dont la vue est bornée par le Temple de
Jupiter , et par la Ville de Carie. Cephise,
Suivante d'Erigone , presse sa Maîtresse
sur le choix d'un Epoux , que son Peuple
Hij attend
"
1844 MERCURE DE FRANCE
attend avec impatience ; elle lui demande , lequel d'entre les Dieux ou demiDieux qui lui font la cour , aura la préférence ; elle lui nomme au hazard, Pan,
Faune , Silvain et Vertumné ; elle s'arrête
un peu plus sur un jeune conquerant ,
qui n'a point d'autre nom que celui de
vainqueur des Indiens. Erigonne lui répond :
Fille de Jupiter , l'Olimpe m'est promis ,
Mais tu sçais qu'à ce rang l'Oracle met un prix!
Il veut qu'à mes sujets, je choisisse pour Maître,
L'Amant dont le pouvoir se fera mieux connoître
Par les bienfaits les plus chéris.
Leur bonheur et le mien à moi seule est remis.
Elle se deffend du soupçon de Céphise
au sujet du Vainqueur des Indes , qui n'étant qu'un simple mortel , ne sçauroit
l'élever aux Cieux. Bacchus vient se plaindre à Erigone du mépris qu'elle fait de
sa flamme , et de la préférence qu'elle
donne à quelque heureux Rival. Erigone
lui déçlare ses sentimens par ces Vers :
Je sçais que votre bras sçut enchaîner des Rois ;
Je sçais que plus d'un Trône étoit à votre
* choix ,
Et je sens tout le prix d'un pareil sacrifice ;
Mais ne m'accusez point d'une aveugle injustice;
Un
AOUST. 1732. 1845
Un devoir trop imperieux ,
A fixé mes destins , il faut que je choisisse ,
Un Epoux qui m'éleve aux Cieux.
Les Cariens s'assemblent pour appren
dre le choix de leur Reine , entre les
Dieux dont elle est aimée : Erigone leur
fait entendre que leur bonheur fera le
sien ; que son cœur se déclarera pour celui qui sera leur plus aimable bienfaiteur ,
et sort pour aller consulter l'Oracle de
Jupiter , pour un choix si important.
Bacchus implore le secours de Jupiter
son Pere ; le Tonnerre gronde , le Théatre change ; et au lieu du Temple de Jupiter , on ne voit plus que des Treilles ,
chargées de Pampres et de Raisins ; les
Egipans , les Bacchantes , et les Peuples
forment la Fête , où l'on celebre le Dieu
du vin.
Bacchus se fait connoître à Erigone
pour Fils de Jupiter , et obtient la préfé
rence sur tous ses Rivaux.
Musique , qui represente toujours le Ballet des Sens, et qui avoit déja supprimé la
premiere Entrée , qui a pour titre, le Tou
cher , supprima encore celle qui a pour
titre , la Vue , et donna pour la premiere
fois celle du Goût. En voici le sujet.
Le Théatre represente une Campagne
dont la vue est bornée par le Temple de
Jupiter , et par la Ville de Carie. Cephise,
Suivante d'Erigone , presse sa Maîtresse
sur le choix d'un Epoux , que son Peuple
Hij attend
"
1844 MERCURE DE FRANCE
attend avec impatience ; elle lui demande , lequel d'entre les Dieux ou demiDieux qui lui font la cour , aura la préférence ; elle lui nomme au hazard, Pan,
Faune , Silvain et Vertumné ; elle s'arrête
un peu plus sur un jeune conquerant ,
qui n'a point d'autre nom que celui de
vainqueur des Indiens. Erigonne lui répond :
Fille de Jupiter , l'Olimpe m'est promis ,
Mais tu sçais qu'à ce rang l'Oracle met un prix!
Il veut qu'à mes sujets, je choisisse pour Maître,
L'Amant dont le pouvoir se fera mieux connoître
Par les bienfaits les plus chéris.
Leur bonheur et le mien à moi seule est remis.
Elle se deffend du soupçon de Céphise
au sujet du Vainqueur des Indes , qui n'étant qu'un simple mortel , ne sçauroit
l'élever aux Cieux. Bacchus vient se plaindre à Erigone du mépris qu'elle fait de
sa flamme , et de la préférence qu'elle
donne à quelque heureux Rival. Erigone
lui déçlare ses sentimens par ces Vers :
Je sçais que votre bras sçut enchaîner des Rois ;
Je sçais que plus d'un Trône étoit à votre
* choix ,
Et je sens tout le prix d'un pareil sacrifice ;
Mais ne m'accusez point d'une aveugle injustice;
Un
AOUST. 1732. 1845
Un devoir trop imperieux ,
A fixé mes destins , il faut que je choisisse ,
Un Epoux qui m'éleve aux Cieux.
Les Cariens s'assemblent pour appren
dre le choix de leur Reine , entre les
Dieux dont elle est aimée : Erigone leur
fait entendre que leur bonheur fera le
sien ; que son cœur se déclarera pour celui qui sera leur plus aimable bienfaiteur ,
et sort pour aller consulter l'Oracle de
Jupiter , pour un choix si important.
Bacchus implore le secours de Jupiter
son Pere ; le Tonnerre gronde , le Théatre change ; et au lieu du Temple de Jupiter , on ne voit plus que des Treilles ,
chargées de Pampres et de Raisins ; les
Egipans , les Bacchantes , et les Peuples
forment la Fête , où l'on celebre le Dieu
du vin.
Bacchus se fait connoître à Erigone
pour Fils de Jupiter , et obtient la préfé
rence sur tous ses Rivaux.
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Résumé : Ballet des Sens, Entrée du Goût, [titre d'après la table]
Le 14 août, l'Académie Royale de Musique présenta pour la première fois le ballet 'le Goût', supprimant les entrées 'le Toucher' et 'la Vue'. La scène se déroule dans une campagne près du Temple de Jupiter et de la ville de Carie. Céphise, suivante d'Érigone, encourage sa maîtresse à choisir un époux, attendu par le peuple. Érigone mentionne plusieurs prétendants, dont Pan, Faune, Silvain, Vertumné et un jeune conquérant vainqueur des Indiens. Elle explique que l'Oracle exige qu'elle choisisse un maître dont le pouvoir se manifestera par les bienfaits les plus chéris. Bacchus se plaint à Érigone de son mépris et de la préférence donnée à un rival. Érigone répond qu'un devoir impérieux l'oblige à choisir un époux qui l'élève aux Cieux. Les Cariens s'assemblent pour connaître le choix de leur reine, qui consultera l'Oracle de Jupiter. Bacchus implore Jupiter, son père, et le théâtre se transforme en une fête célébrant le dieu du vin. Bacchus se révèle comme le fils de Jupiter et obtient la préférence sur ses rivaux.
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719
p. 1845-1846
« Le 14 Aoust, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la Comédie Héroïque, [...] »
Début :
Le 14 Aoust, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la Comédie Héroïque, [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Jeux Olympiques, Comédie héroïque
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texteReconnaissance textuelle : « Le 14 Aoust, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la Comédie Héroïque, [...] »
Le 14 Aoust , les Comédiens Italiens
remirent au Théatre la Comédie Héroïque
en Vers et en trois Actes , des Jeux Olympiques , ou le Prince Malade. Cette Piece
qui est de M. de la Grange ,fut donnée pour
la premierefois , en Novembre 1729, et fut
H iij requë
1846 MERCURE DE FRANCE
reçûë tres-favorablement du public ; la reprise afait beaucoup de plaisir, parla ma
niere vive et précise , avec laquelle cette
Piece est representée. Les Jeux Olympiques
font le principal Divertissement dela Piece.
La De Roland y danse une Entrée en Magicienne , avec une vivacité et une légèreté
surprenante; elle acquiert tous les jours de
nouvelles perfections . Le S* Lélio , qui jouë
le principal Rôle dans cette Piece , danse
aussi à lafin du dernier Divertissement une
Entrée , qui a été très- applaudie.
Nous avons donné dans le Mercure de
Novembre 1729. un Extrait de la piece de
Divertissemens et des Décorations.
remirent au Théatre la Comédie Héroïque
en Vers et en trois Actes , des Jeux Olympiques , ou le Prince Malade. Cette Piece
qui est de M. de la Grange ,fut donnée pour
la premierefois , en Novembre 1729, et fut
H iij requë
1846 MERCURE DE FRANCE
reçûë tres-favorablement du public ; la reprise afait beaucoup de plaisir, parla ma
niere vive et précise , avec laquelle cette
Piece est representée. Les Jeux Olympiques
font le principal Divertissement dela Piece.
La De Roland y danse une Entrée en Magicienne , avec une vivacité et une légèreté
surprenante; elle acquiert tous les jours de
nouvelles perfections . Le S* Lélio , qui jouë
le principal Rôle dans cette Piece , danse
aussi à lafin du dernier Divertissement une
Entrée , qui a été très- applaudie.
Nous avons donné dans le Mercure de
Novembre 1729. un Extrait de la piece de
Divertissemens et des Décorations.
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Résumé : « Le 14 Aoust, les Comédiens Italiens remirent au Théatre la Comédie Héroïque, [...] »
Le 14 août, les Comédiens Italiens ont joué 'Les Jeux Olympiques, ou le Prince Malade', une comédie héroïque en vers de M. de la Grange. Créée en novembre 1729, la pièce a été bien accueillie. La danseuse De Roland et l'acteur Lélio ont été applaudis pour leurs performances. Le Mercure de France a publié des extraits des divertissements et des décorations.
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720
p. 1887-1891
RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Début :
Toy, dont la voix brillante a volé sur nos Rives, [...]
Mots clefs :
Voix brillante, Art de plaire, Charles XII, Henry IV, Vers, Science, Esprits, Muses, Beaux-arts, Captivité
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
REPONSE
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
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Résumé : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Dans une lettre datée du 15 août 1732, Voltaire adresse à Madame de Malcrais de la Vigne deux de ses œuvres, 'L'Henriade' et 'L'Histoire de Charles XII'. Il exprime son admiration pour la muse de Madame de Malcrais et partage ses aspirations et talents variés. Voltaire mentionne avoir écrit des vers dès son jeune âge, inspiré par Apollon. Il décrit ses multiples intérêts, allant de la poésie à la peinture, en passant par la musique et la philosophie. Il admire les œuvres de Raphaël, Poussin, Campra, Mouret, Destouches, ainsi que les danseurs Camargo et Sallé. Voltaire s'intéresse également aux découvertes scientifiques de Newton et aux pensées de Pascal, bien qu'il critique les rigueurs extrêmes de ce dernier. Il conclut en affirmant que, malgré ses efforts pour remplir ses jours de divers plaisirs et arts, il ne peut remplacer l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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721
p. 1907-1912
LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
Début :
Descends, Divine Melpoméne [...]
Mots clefs :
Prière, Louis XIV, Tragédie, Règles, Progrès
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texteReconnaissance textuelle : LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
LES PROGREZ de la Tragédie ,
sous LOUIS XIV.
DEscends , Divine Melpoméne ( 1 ) ,
Prête à ma voix ces sons vainqueurs ;
Qui savent sur ta double scene ,
Ravir et charmer tous les cœurs.
Je celebre aujourd'hui ta gloire ,
Sous un Monarque dont l'histoire ,
Efface les noms les plus grands ( 2 ),
Et qui joignit à sa puissance ,
2
Ce goût , cette magnificence ,
Si glorieuse aux Conquerans.
Quel noir cahos s'offre à ma vûë ( 3 )
Où vais-je en cette affreuse nuit ?
Un foible éclair perce la nuë ,`
Je n'entrevois qu'un jour qui fuit ;
Sur nos bords , un Théatre s'ouvre ,
Quels fantômes mon œil découvre ,
Sous le Cothurne des Héros ;
O Dieux , Melpomene avilie ( 4 )
(1 )L'Opera et la Comédie.
( 2 ) LOUIS XIV,
(3 )Etat de l'ancienne Tragédie en France.
(4 ) Pieces de Jodelle , Garnier , Hardy.
Porte
1908 MERCURE DE FRANCE
Porte le masque de Thalie ,
Orné des Myrthes de Paphos,
Disparoissez , nuages sombres ( 1 );
Tout change ; à mes yeux éblouis ,
Le plus beau jour chassant les ombres ,
Se leve en faveur de Louis ;
Armand fait briller son Aurore ( 2 ) ;
Que de Fleurs s'empressent d'éclorre ,
Le temps augmente leurs attraits ;
Le Théatre se renouvelle ,
Le Dieu des Muses me révele ,
Le cours de ses heureux progrès.
Que vois-je ? d'une aîle hardie,
Un Aigle fend le sein des airs ; ( 3)
Par sa touchante Mélodie ,
Un Cygne attendrit l'Univers ( 4 ) ;
Oprodige ; à la voix d'un homme ,
Renaissent les Héros de Rome , ( s ) ;
Plus grands encor , plus généreux ;
Est-ce la vertu qui s'exprime ( 6 ) .
( 1 ) Progrès de laTragédie.
( 2 ) Le Cardinal de Richelieu. Pieces des s Au
geurs.
(3) Corneille , l'aîné.
(4 ) Racine.
(s )Pieces de Corneille
( 6 ) Mitridate.
Est-ex
SEPTEMBR E. 1732 1909
Est-ce l'amour tendre Monime , ( 1 ) ,
Vous les réunissez tous deux.
Les Regles long-temps négligées ,
Rentrent enfin dans tous leurs droits ;
Les bien- séances sont vangées ,
J'entens les Rois , parler en Rois ;
Du fard méprisant l'imposture
Melpomene dans la nature ,
Puise sa nouvelle splendeur ;
Et sa Pompe moins fastueuse ,
En devient plus majestueuse ,
Et plus digne de sa grandeur.
A tes Progrès , Muse sublime , ( 2)
L'Etranger dresse des Autels ;
L'Anglois , Emule magnanime ,
Leur rend des honneurs immortels ;
Nos Sophocles portent ta gloire ,
Aussi-loin que par la victoire ,
Le nom de Louis fut porté.
Tel du Midy , jusques à l'Ourse ,
(1 )Mitridate, Piece de Racine.
(2) Les Progrès de la Tragedie se sont étendus
fort loin sous LOUIS XI V. et continuent encore
après lui. Les Anglois ont traduit plusieurs de nos
Pieces , le Cid , l'Andromaque , le Caton,
B Phœbus
1910 MERCURE DE FRANCE
Phoebus dans sa brillante course ,
Dispense au monde la clarëté.
Suis-je dans l'Empire des Fées ?
Est- ce icy le Palais des Dieux ? ( 1 )
L'Art des Zeuxis et des Orphées ,
Triomphe en ces superbes lieux ;
Nouveau genre où le fier tragique ,
S'unit aux sons de la Musique!
Où le chant nous peint les douleurs !
Triste Eglé , malheureuse Armide ,
Thétis , Clorinde , Sangaride ,
Vos accens m'arrachent des pleurs.
Le François est né trop sensible
Son goût par les amours flatté ,
Sembloit oublier le terrible ,
Qu'idolatroit l'antiquité ( 2 )
>
3 ) Echyle revit ; mais plus sage ;
S'il m'offre une barbare image ›
Il sait en adoucir l'horreur ( 4 ) ;
Et sur sa scene interressante >
Toujours la pitié gémissante ,
Est compagne de la terreur.
( 1 ) L'Opera,
( 2 ) Pieces de Sophocle et d'Euripe.
( 3 ) M. de Crebillon.
.14 ) Astrée , Electre ,
Zénobie.
Dieuz
SEPTEMBR E. 1732 1911
Dieux vains que celebre ma Lyre ,
Cedez au Dieu de vérité ;
Un Spectacle auguste m'attire ,
Où préside la Piété. ( 1 )
Icy la grace est triomphante ; ( 2 )
C'est dans les tourmens qu'elle enfante , ( 3 )
Des Chrétiens vainqueurs du trépas ; ( 4 )
Là , périt une Reine impie, ( s )
Plus loin , un fils rebelle expie ,
Ses Parricides attentats. ( 6 )
Des grands Maîtres suivons l'exemple;
Que notre Théatre épuré,
Par nos mains se change en un Temple,
Aux seules vertus consacré ;
Heureux qui les choisit pour guides ;
Et qui mêle les fruits solides
Avec le vif éclat des fleurs !
Fidele au flambeau qui l'éclaire ,
Il n'a recours à l'art de plaire ,
Que pour faire regner les mœurs.
( 1 ) Pieces Saintes.
( 2 ) Polyeucte de Corneille.
( 3 ) Gabinie , de M. Bruys. "
( 4 ) Adrien , de M. de Campist
PRIERE.
Toi , qui regles des Rois les hautes destinées ;
En faveur de Louis , exauce nos souhaits;
Dieu saint , à ses vertus égale ses années ,
Et rends toujours son cœur digne de tes bienfaits.
- Vivat io , LODOIX , hoc unum poscimus omnes.
Par M. l'Abbé PONCY DE NEUVILLE.
sous LOUIS XIV.
DEscends , Divine Melpoméne ( 1 ) ,
Prête à ma voix ces sons vainqueurs ;
Qui savent sur ta double scene ,
Ravir et charmer tous les cœurs.
Je celebre aujourd'hui ta gloire ,
Sous un Monarque dont l'histoire ,
Efface les noms les plus grands ( 2 ),
Et qui joignit à sa puissance ,
2
Ce goût , cette magnificence ,
Si glorieuse aux Conquerans.
Quel noir cahos s'offre à ma vûë ( 3 )
Où vais-je en cette affreuse nuit ?
Un foible éclair perce la nuë ,`
Je n'entrevois qu'un jour qui fuit ;
Sur nos bords , un Théatre s'ouvre ,
Quels fantômes mon œil découvre ,
Sous le Cothurne des Héros ;
O Dieux , Melpomene avilie ( 4 )
(1 )L'Opera et la Comédie.
( 2 ) LOUIS XIV,
(3 )Etat de l'ancienne Tragédie en France.
(4 ) Pieces de Jodelle , Garnier , Hardy.
Porte
1908 MERCURE DE FRANCE
Porte le masque de Thalie ,
Orné des Myrthes de Paphos,
Disparoissez , nuages sombres ( 1 );
Tout change ; à mes yeux éblouis ,
Le plus beau jour chassant les ombres ,
Se leve en faveur de Louis ;
Armand fait briller son Aurore ( 2 ) ;
Que de Fleurs s'empressent d'éclorre ,
Le temps augmente leurs attraits ;
Le Théatre se renouvelle ,
Le Dieu des Muses me révele ,
Le cours de ses heureux progrès.
Que vois-je ? d'une aîle hardie,
Un Aigle fend le sein des airs ; ( 3)
Par sa touchante Mélodie ,
Un Cygne attendrit l'Univers ( 4 ) ;
Oprodige ; à la voix d'un homme ,
Renaissent les Héros de Rome , ( s ) ;
Plus grands encor , plus généreux ;
Est-ce la vertu qui s'exprime ( 6 ) .
( 1 ) Progrès de laTragédie.
( 2 ) Le Cardinal de Richelieu. Pieces des s Au
geurs.
(3) Corneille , l'aîné.
(4 ) Racine.
(s )Pieces de Corneille
( 6 ) Mitridate.
Est-ex
SEPTEMBR E. 1732 1909
Est-ce l'amour tendre Monime , ( 1 ) ,
Vous les réunissez tous deux.
Les Regles long-temps négligées ,
Rentrent enfin dans tous leurs droits ;
Les bien- séances sont vangées ,
J'entens les Rois , parler en Rois ;
Du fard méprisant l'imposture
Melpomene dans la nature ,
Puise sa nouvelle splendeur ;
Et sa Pompe moins fastueuse ,
En devient plus majestueuse ,
Et plus digne de sa grandeur.
A tes Progrès , Muse sublime , ( 2)
L'Etranger dresse des Autels ;
L'Anglois , Emule magnanime ,
Leur rend des honneurs immortels ;
Nos Sophocles portent ta gloire ,
Aussi-loin que par la victoire ,
Le nom de Louis fut porté.
Tel du Midy , jusques à l'Ourse ,
(1 )Mitridate, Piece de Racine.
(2) Les Progrès de la Tragedie se sont étendus
fort loin sous LOUIS XI V. et continuent encore
après lui. Les Anglois ont traduit plusieurs de nos
Pieces , le Cid , l'Andromaque , le Caton,
B Phœbus
1910 MERCURE DE FRANCE
Phoebus dans sa brillante course ,
Dispense au monde la clarëté.
Suis-je dans l'Empire des Fées ?
Est- ce icy le Palais des Dieux ? ( 1 )
L'Art des Zeuxis et des Orphées ,
Triomphe en ces superbes lieux ;
Nouveau genre où le fier tragique ,
S'unit aux sons de la Musique!
Où le chant nous peint les douleurs !
Triste Eglé , malheureuse Armide ,
Thétis , Clorinde , Sangaride ,
Vos accens m'arrachent des pleurs.
Le François est né trop sensible
Son goût par les amours flatté ,
Sembloit oublier le terrible ,
Qu'idolatroit l'antiquité ( 2 )
>
3 ) Echyle revit ; mais plus sage ;
S'il m'offre une barbare image ›
Il sait en adoucir l'horreur ( 4 ) ;
Et sur sa scene interressante >
Toujours la pitié gémissante ,
Est compagne de la terreur.
( 1 ) L'Opera,
( 2 ) Pieces de Sophocle et d'Euripe.
( 3 ) M. de Crebillon.
.14 ) Astrée , Electre ,
Zénobie.
Dieuz
SEPTEMBR E. 1732 1911
Dieux vains que celebre ma Lyre ,
Cedez au Dieu de vérité ;
Un Spectacle auguste m'attire ,
Où préside la Piété. ( 1 )
Icy la grace est triomphante ; ( 2 )
C'est dans les tourmens qu'elle enfante , ( 3 )
Des Chrétiens vainqueurs du trépas ; ( 4 )
Là , périt une Reine impie, ( s )
Plus loin , un fils rebelle expie ,
Ses Parricides attentats. ( 6 )
Des grands Maîtres suivons l'exemple;
Que notre Théatre épuré,
Par nos mains se change en un Temple,
Aux seules vertus consacré ;
Heureux qui les choisit pour guides ;
Et qui mêle les fruits solides
Avec le vif éclat des fleurs !
Fidele au flambeau qui l'éclaire ,
Il n'a recours à l'art de plaire ,
Que pour faire regner les mœurs.
( 1 ) Pieces Saintes.
( 2 ) Polyeucte de Corneille.
( 3 ) Gabinie , de M. Bruys. "
( 4 ) Adrien , de M. de Campist
PRIERE.
Toi , qui regles des Rois les hautes destinées ;
En faveur de Louis , exauce nos souhaits;
Dieu saint , à ses vertus égale ses années ,
Et rends toujours son cœur digne de tes bienfaits.
- Vivat io , LODOIX , hoc unum poscimus omnes.
Par M. l'Abbé PONCY DE NEUVILLE.
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Résumé : LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
Le texte traite des progrès de la tragédie sous le règne de Louis XIV. Il commence par une invocation à Melpomène, la muse de la tragédie, pour célébrer la gloire de Louis XIV, dont l'histoire efface celle des plus grands monarques. Avant Louis XIV, la tragédie en France était marquée par des œuvres médiocres de Jodelle, Garnier et Hardy. Sous Louis XIV, la tragédie connaît un renouveau grâce à des figures comme le Cardinal de Richelieu, Corneille et Racine. Corneille est comparé à un aigle, symbolisant son audace, tandis que Racine est comparé à un cygne, représentant sa mélodie touchante. Les héros romains revivent dans les pièces de Corneille, plus grands et plus généreux. Le texte souligne également le respect des règles et des bienséances dans les tragédies, avec des rois parlant en rois et Melpomène puisant sa splendeur dans la nature. Les progrès de la tragédie française sont reconnus à l'étranger, notamment en Angleterre, où des pièces comme 'Le Cid', 'Andromaque' et 'Caton' sont traduites. Le texte mentionne aussi l'influence de l'opéra et la sensibilité du public français, qui préfère les amours aux sujets terribles de l'antiquité. Il conclut par une prière à Dieu pour prolonger la vie et les vertus de Louis XIV.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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722
p. 1933-1940
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
Début :
L'Orient a toûjours eu et a encore aujourd'hui des Gens de Lettres de Profession [...]
Mots clefs :
Orient, Mahométisme, Érudition, Alcoran, Science, Histoire orientale, Savant, Auteurs orientaux, Sultan Bajazet Kan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par
M.D. L. R. à M*** sur la Litterature
des Mahometans , et sur celle des Turcs
en particulier.
'Orient a
toûjous eu et a encore auLo Lettres
fession ; on y cultive les Sciences et les
Beaux-Arts la plupart des Européens
sont là-dessus dans une étrange préjugé,
croyant que le Mahometisme a absolument détruit, dans son Empire tout ce
qui s'appelle bon goût et érudition. Je
sortirois trop du sujet principal de ma
Lettre , si j'entreprenois de combattre ce
préjugé , avec quelque étendue , et je ne
dirois rien qui ne vous fût en quelque
façon connu. Je me contenterai de faire.
ici quelques Remarques pour prouver ce
que je viens d'avancer.
Premierement , dans l'Alcoran même,
la Science en general est fort exaltée et
recommandée aux Musulmans ,
jusquesfà qu'un des plus anciens Docteurs Mahométans , disoit que celui qui s'exerce
dans les bonnes œuvres sans la Science ,
est semblable àl'âne d'un Moulin qui tourC no
1934 MERCURE DE FRANCE
"
ne toujours sans avancer chemin. Le
Monde , dit une des Traditions Mahometanes , ne subsiste que par quatre choses ; par la science des Docteurs , par la
justice des Princes , par les prieres des
gens de bien , et par la valeur des Braves.
Enfin un des plus grands Personnages de
cette Secte , étant au lit de la mort ,
disoit à ses Enfans , apprenez toutes les
Sciences , si vous pouvez , à l'exception
de trois , qui sont l'Astrologie judiciaire,
la Chimie , qui n'a pour but que la Pierre
Philosophale , et la Controverse ; car la
premiere ne sert qu'à augmenter les chagrins de la vie ; la seconde , à consumer
son bien , et la troisième , qu'à causer des
doutes , qui font enfin perdre la Religion.
Depuis l'établissement des Califes , successeurs de Mahomet , et la fondation
de leur Monarchie , plus vaste que celle
des Romains , il y a toujours eu parr i
les Arabes une infinité de gens qui s
sont appliquez à l'étude des Sciences
des Arts ; ils ont traduit en leur Langu
l'une des plus anciennes , les meilleu
Livres Grecs , Hebreux , &c. qu'ils or
pû trouver. Plusieurs même de ces C
lifes ont été sçavans et ont aimé et pro
regé les Gens de Lettre ; ils ont fon
des Colleges , établi des Académies
SC
SEPTEMBRE. 1732: 1935
sont celebres dans l'Histoire Orientale.
Il faut avouer , dit le Pere Rapin dans
ses Refléxions sur l'Histoire , que les
Arabes , par la qualité de leur esprit et
par le loisir que la prosperité de leurs
Armes et l'abondance leur procurerent ,
s'appliquerent tellement à l'étude de la
Philosophie et des Mathématiques , qu'ils
devinrent les premiers Sçavans du Monde.
Les autres Princes Mahométans contemporains ou successeurs des Califes
sur tout les Princes Asiatiques , se sont
piquez de science , et de faire fleurir les
Lettres dans leurs Etats. L'Histoire Orientale parle d'un Sultan si studieux , qu'il
faisoit porter à l'armée et dans tous ses
voyages , une Bibliotheque , qui faisoit
seule la charge de 400. Chameaux. Le
Grand Visir Kupruli , tué à la Bataille
de Salamkemen , a fait la même chose
de nos jours.
J'ajoûterai l'exemple de deux autres
Sultans amateurs des Sciences ; le preier est Kedder Kan , qui regnoit dans
a Transoxane , ou le Turquestan , dans
te Ve Siecle de l'Hegire. C'étoit un Prince
- puissant , sçavant et des plus magnifiques
de son temps. Il avoit formé une Acaémie qui s'assembloit en sa présence
nt assis sur une Estrade élevée , au
Cij pied
1936 MERCURE DE FRANCE
pied de laquelle étoient quatre grands
bassins remplis d'or et d'argent , qu'il
distribuoit aux Académiciens , suivant le
prix et le mérite de leurs Ouvrages. Ce
Prince avoit toûjours à sa Cour une centaine de Sçavans d'élite , qui l'accompagnoient partout, et auxquels il donnoit
de grosses pensions.
L'autre Prince est Atsiz , Sultan de Karisme , qui se distinguoit par sa liberalité
envers les Gens de Lettres. Il assembloit
souvent au milieu de sa Cour une Académie pour conferer sur les Sciences et
sur les Belles Lettres , et il récompensoit
les Sçavans suivant leur mérite et celui
de leurs productions. Ce Prince vivoit
vers le milieu du VI. siecle de l'Hegire
le XII. de J. C.
On dira peut- être , Monsieur , que ces
traits recueillis des Auteurs Orientaux ,
regardent des temps fort éloignez du
nôtre , et que depuis les conquêtes des
Turcs dans le Levant , sur tout depuis la
prise de Constantinople , cette Nation ,
qu'on suppose toujours ennemie des Lettres et des études , a aboli toute espece
de science et d'érudition en ce Pays- là.
On le dira , si on veut , mais on le dira
sans autorité et sans fondement. Il est
rai que cette Nation a fait dès le com
mencement
SEPTEMBRE. 1732. 1937
mencement une profession particuliers
des armes , mais il est vrai, aussi qu'elle n'a
jamais méprisé l'étude des Lettres , qu'elle
s'est polie dans la suite , qu'elle a eu pour
Maîtres dans les Sciences , ces mêmes Arabes dont elle a détruit l'Empire , qu'elle
les a même surpassez en plusieurs choses';
et qu'enfin les Turcs ont traduit en leur
Langue les plus beaux Ouvrages des Arabes et des Persans. Mahomet II. les deux
Bajazets , Selim I. et le grand Soliman ,
dont nous avons des Lettres écrites à
François I. étoient des Princes curieux et
sçavans. Les Lettres de Soliman se trouvent dans la Bibliotheque du Roy , dans
celle du Chancelier Seguier , aujourd'hui
de M. l'Evêque de Metz , Duc de Coislin,
et dans des Cabinets particuliers. J'en
possede deux , dont l'une est l'original
Turc, lesquelles ne se trouvent point ailleurs. J'ajoûterai à cette occasion qu'à la
fin du premier volume de la nouvelle
Edition de Gallia Christiana on trouve
la Traduction Latine d'une Lettre assez
singuliere de Bajazet II. écrite au Pape
Alexandre VI. pour le prier de faire CardinalNicolas Cibo , Archevêque d'Arles,
Cette Lettre n'est pas dattée à la maniere
des Musulmans , par l'Hegite , mais par
la Naissance du Messie , ce qui ne peutC iij ërre
1938 MERCURE DE FRANCE
de être regardé que comme une espece
politesse de la part de Bajazet , écrivant
au Souverain Pontife des Chrétiens.
Nous voyons enfin dans la Bibliotheque Orientale de Hagi Kalfah , Turc
moderne de Constantinople , qui contient un ample Recueil alphabetique de
tous les Auteurs Orientaux , et de leurs
Ouvrages , depuis l'origine du Mohometisme jusqu'à son temps ; nous voyons ,
dis-je , par ce Recueil , que les Turcs ont
écrit sur toute sorte de matieres , et qu'ils
ont une très- bonne part dans cette Bibliotheque , laquelle contient une Encyclopedie de toutes les Sciences et des Arts.
Ce Hagi Kalfah , natif, comme je l'ai dit,
de Constantinople , étoit fils du premier
Secretaire du Divan ; il fut premier Commis du Secretaire d'Etat en Chef de la
Cour Ottomane , et il a passé pour un
des plus habiles hommes de son temps.
Sa Bibliographie est dans la Bibliotheque
du Roy et dans celle de M. Colbert ,
M. Petis de la Croix , mort en 1713. en
a laissé une Traduction en notre Langue,
qui contient plusieurs volumes in folio s
il avoit dessein de la publier.
Je finis en disant que ceux qui ont fait
le voyage du Levant avec les dispositions
necessaires pour en profiter , sçavent que dans
SEPTEMBR E. 1732. 1939
dans la Capitale et dans les principales
Villes de l'Empire Turc , il y a des Professeurs publics , des Maîtres particuliers
et des Livres en toute sorte de Sciences
et sur les Beaux Arts , et que les Empereurs Ottomans n'ont jamais fait bâtir
de Mosquées sans y joindre un College
magnifiquement fondé et entretenu. Il y
en a plusieurs de cette espece à Constantinople. Il y en a aussi au Grand Caire , à
Damas , à Alep , &c. Je suis , Monsieur , &c.
>
Comme vous n'êtes pas à portée de
voir dans le nouveau Gallia Christiana
la Lettre dont je viens de parler , j'ai
crû que vous ne seriez pas fâché de la
trouver ici telle que le R. P. de SainteMarthe l'a rapportée , T. I. page 103.
N°. 32. parmi les titres qui regardent la
Métropole d'Arles.
SULTAN BAJAZET KAN , Dei Gratia
Rex Maximus et Imperator utriusque Continentis Asia et Europe ; Christianorum
excellenti, Patri et DD. Alexandro, divinâ
Providentia Romana Ecclesia Pontifici dignissimo. Post convenientem et justam Sa
iutationem ; notum sit tuo supremo Pontificio , quemadmodum Reverendus Dominus
Nicolaus Cybo , Archiepiscopus Arelatensis
est dignus et fidelis homo ipsius et à temCij pore
1940 MERCURE DE FRANCE
pore precedentis Papa Supremi Pontificis
Domini Innocentii usque in hodiernum diem
in tempus sue Magnitudinis, continuè adpacem et amicitiamfestinat, semperque animò et^
corpore in fidelissimâ fide duabus Partibus
servivit et adhuc servit. Hujus rei causâ
justum est et vobis decet majori in ordine
ipsum esse debere ; et rogavimus Supremum Pontificem ut faceret illum Cardinalem , et assensus est nostre petitioni , adeò
ut litteris nobis significaverit quod petitum est
daturum fuisse ipsi. Verùm quia non erat
tempus, Idibus Septembris mensis non sedet
in ordine suo , et ut requirit consuetudo. Intereà verò jussu Dei dedit Pontifex commune debitum , et sic ipse remansit. Ea igitur
de causâ scribimus et rogamus tuam Magnitudinem propter amicitiam et pacem quam
inter nos habuimus , et propter mutuum cor ,
ut ad impleat ipsi tuum Pontificium , videlicet , ut faciat ipsum perfectum Cardinalem , habebimus et nos id in magnâ gratiâ.
·Datum in Aulâ nostra Sultania Auctoritatis in Constantinopoli , M. ccccxcrv.
Anno à Jesu Propheta Nativitate VIII.
Septembris
M.D. L. R. à M*** sur la Litterature
des Mahometans , et sur celle des Turcs
en particulier.
'Orient a
toûjous eu et a encore auLo Lettres
fession ; on y cultive les Sciences et les
Beaux-Arts la plupart des Européens
sont là-dessus dans une étrange préjugé,
croyant que le Mahometisme a absolument détruit, dans son Empire tout ce
qui s'appelle bon goût et érudition. Je
sortirois trop du sujet principal de ma
Lettre , si j'entreprenois de combattre ce
préjugé , avec quelque étendue , et je ne
dirois rien qui ne vous fût en quelque
façon connu. Je me contenterai de faire.
ici quelques Remarques pour prouver ce
que je viens d'avancer.
Premierement , dans l'Alcoran même,
la Science en general est fort exaltée et
recommandée aux Musulmans ,
jusquesfà qu'un des plus anciens Docteurs Mahométans , disoit que celui qui s'exerce
dans les bonnes œuvres sans la Science ,
est semblable àl'âne d'un Moulin qui tourC no
1934 MERCURE DE FRANCE
"
ne toujours sans avancer chemin. Le
Monde , dit une des Traditions Mahometanes , ne subsiste que par quatre choses ; par la science des Docteurs , par la
justice des Princes , par les prieres des
gens de bien , et par la valeur des Braves.
Enfin un des plus grands Personnages de
cette Secte , étant au lit de la mort ,
disoit à ses Enfans , apprenez toutes les
Sciences , si vous pouvez , à l'exception
de trois , qui sont l'Astrologie judiciaire,
la Chimie , qui n'a pour but que la Pierre
Philosophale , et la Controverse ; car la
premiere ne sert qu'à augmenter les chagrins de la vie ; la seconde , à consumer
son bien , et la troisième , qu'à causer des
doutes , qui font enfin perdre la Religion.
Depuis l'établissement des Califes , successeurs de Mahomet , et la fondation
de leur Monarchie , plus vaste que celle
des Romains , il y a toujours eu parr i
les Arabes une infinité de gens qui s
sont appliquez à l'étude des Sciences
des Arts ; ils ont traduit en leur Langu
l'une des plus anciennes , les meilleu
Livres Grecs , Hebreux , &c. qu'ils or
pû trouver. Plusieurs même de ces C
lifes ont été sçavans et ont aimé et pro
regé les Gens de Lettre ; ils ont fon
des Colleges , établi des Académies
SC
SEPTEMBRE. 1732: 1935
sont celebres dans l'Histoire Orientale.
Il faut avouer , dit le Pere Rapin dans
ses Refléxions sur l'Histoire , que les
Arabes , par la qualité de leur esprit et
par le loisir que la prosperité de leurs
Armes et l'abondance leur procurerent ,
s'appliquerent tellement à l'étude de la
Philosophie et des Mathématiques , qu'ils
devinrent les premiers Sçavans du Monde.
Les autres Princes Mahométans contemporains ou successeurs des Califes
sur tout les Princes Asiatiques , se sont
piquez de science , et de faire fleurir les
Lettres dans leurs Etats. L'Histoire Orientale parle d'un Sultan si studieux , qu'il
faisoit porter à l'armée et dans tous ses
voyages , une Bibliotheque , qui faisoit
seule la charge de 400. Chameaux. Le
Grand Visir Kupruli , tué à la Bataille
de Salamkemen , a fait la même chose
de nos jours.
J'ajoûterai l'exemple de deux autres
Sultans amateurs des Sciences ; le preier est Kedder Kan , qui regnoit dans
a Transoxane , ou le Turquestan , dans
te Ve Siecle de l'Hegire. C'étoit un Prince
- puissant , sçavant et des plus magnifiques
de son temps. Il avoit formé une Acaémie qui s'assembloit en sa présence
nt assis sur une Estrade élevée , au
Cij pied
1936 MERCURE DE FRANCE
pied de laquelle étoient quatre grands
bassins remplis d'or et d'argent , qu'il
distribuoit aux Académiciens , suivant le
prix et le mérite de leurs Ouvrages. Ce
Prince avoit toûjours à sa Cour une centaine de Sçavans d'élite , qui l'accompagnoient partout, et auxquels il donnoit
de grosses pensions.
L'autre Prince est Atsiz , Sultan de Karisme , qui se distinguoit par sa liberalité
envers les Gens de Lettres. Il assembloit
souvent au milieu de sa Cour une Académie pour conferer sur les Sciences et
sur les Belles Lettres , et il récompensoit
les Sçavans suivant leur mérite et celui
de leurs productions. Ce Prince vivoit
vers le milieu du VI. siecle de l'Hegire
le XII. de J. C.
On dira peut- être , Monsieur , que ces
traits recueillis des Auteurs Orientaux ,
regardent des temps fort éloignez du
nôtre , et que depuis les conquêtes des
Turcs dans le Levant , sur tout depuis la
prise de Constantinople , cette Nation ,
qu'on suppose toujours ennemie des Lettres et des études , a aboli toute espece
de science et d'érudition en ce Pays- là.
On le dira , si on veut , mais on le dira
sans autorité et sans fondement. Il est
rai que cette Nation a fait dès le com
mencement
SEPTEMBRE. 1732. 1937
mencement une profession particuliers
des armes , mais il est vrai, aussi qu'elle n'a
jamais méprisé l'étude des Lettres , qu'elle
s'est polie dans la suite , qu'elle a eu pour
Maîtres dans les Sciences , ces mêmes Arabes dont elle a détruit l'Empire , qu'elle
les a même surpassez en plusieurs choses';
et qu'enfin les Turcs ont traduit en leur
Langue les plus beaux Ouvrages des Arabes et des Persans. Mahomet II. les deux
Bajazets , Selim I. et le grand Soliman ,
dont nous avons des Lettres écrites à
François I. étoient des Princes curieux et
sçavans. Les Lettres de Soliman se trouvent dans la Bibliotheque du Roy , dans
celle du Chancelier Seguier , aujourd'hui
de M. l'Evêque de Metz , Duc de Coislin,
et dans des Cabinets particuliers. J'en
possede deux , dont l'une est l'original
Turc, lesquelles ne se trouvent point ailleurs. J'ajoûterai à cette occasion qu'à la
fin du premier volume de la nouvelle
Edition de Gallia Christiana on trouve
la Traduction Latine d'une Lettre assez
singuliere de Bajazet II. écrite au Pape
Alexandre VI. pour le prier de faire CardinalNicolas Cibo , Archevêque d'Arles,
Cette Lettre n'est pas dattée à la maniere
des Musulmans , par l'Hegite , mais par
la Naissance du Messie , ce qui ne peutC iij ërre
1938 MERCURE DE FRANCE
de être regardé que comme une espece
politesse de la part de Bajazet , écrivant
au Souverain Pontife des Chrétiens.
Nous voyons enfin dans la Bibliotheque Orientale de Hagi Kalfah , Turc
moderne de Constantinople , qui contient un ample Recueil alphabetique de
tous les Auteurs Orientaux , et de leurs
Ouvrages , depuis l'origine du Mohometisme jusqu'à son temps ; nous voyons ,
dis-je , par ce Recueil , que les Turcs ont
écrit sur toute sorte de matieres , et qu'ils
ont une très- bonne part dans cette Bibliotheque , laquelle contient une Encyclopedie de toutes les Sciences et des Arts.
Ce Hagi Kalfah , natif, comme je l'ai dit,
de Constantinople , étoit fils du premier
Secretaire du Divan ; il fut premier Commis du Secretaire d'Etat en Chef de la
Cour Ottomane , et il a passé pour un
des plus habiles hommes de son temps.
Sa Bibliographie est dans la Bibliotheque
du Roy et dans celle de M. Colbert ,
M. Petis de la Croix , mort en 1713. en
a laissé une Traduction en notre Langue,
qui contient plusieurs volumes in folio s
il avoit dessein de la publier.
Je finis en disant que ceux qui ont fait
le voyage du Levant avec les dispositions
necessaires pour en profiter , sçavent que dans
SEPTEMBR E. 1732. 1939
dans la Capitale et dans les principales
Villes de l'Empire Turc , il y a des Professeurs publics , des Maîtres particuliers
et des Livres en toute sorte de Sciences
et sur les Beaux Arts , et que les Empereurs Ottomans n'ont jamais fait bâtir
de Mosquées sans y joindre un College
magnifiquement fondé et entretenu. Il y
en a plusieurs de cette espece à Constantinople. Il y en a aussi au Grand Caire , à
Damas , à Alep , &c. Je suis , Monsieur , &c.
>
Comme vous n'êtes pas à portée de
voir dans le nouveau Gallia Christiana
la Lettre dont je viens de parler , j'ai
crû que vous ne seriez pas fâché de la
trouver ici telle que le R. P. de SainteMarthe l'a rapportée , T. I. page 103.
N°. 32. parmi les titres qui regardent la
Métropole d'Arles.
SULTAN BAJAZET KAN , Dei Gratia
Rex Maximus et Imperator utriusque Continentis Asia et Europe ; Christianorum
excellenti, Patri et DD. Alexandro, divinâ
Providentia Romana Ecclesia Pontifici dignissimo. Post convenientem et justam Sa
iutationem ; notum sit tuo supremo Pontificio , quemadmodum Reverendus Dominus
Nicolaus Cybo , Archiepiscopus Arelatensis
est dignus et fidelis homo ipsius et à temCij pore
1940 MERCURE DE FRANCE
pore precedentis Papa Supremi Pontificis
Domini Innocentii usque in hodiernum diem
in tempus sue Magnitudinis, continuè adpacem et amicitiamfestinat, semperque animò et^
corpore in fidelissimâ fide duabus Partibus
servivit et adhuc servit. Hujus rei causâ
justum est et vobis decet majori in ordine
ipsum esse debere ; et rogavimus Supremum Pontificem ut faceret illum Cardinalem , et assensus est nostre petitioni , adeò
ut litteris nobis significaverit quod petitum est
daturum fuisse ipsi. Verùm quia non erat
tempus, Idibus Septembris mensis non sedet
in ordine suo , et ut requirit consuetudo. Intereà verò jussu Dei dedit Pontifex commune debitum , et sic ipse remansit. Ea igitur
de causâ scribimus et rogamus tuam Magnitudinem propter amicitiam et pacem quam
inter nos habuimus , et propter mutuum cor ,
ut ad impleat ipsi tuum Pontificium , videlicet , ut faciat ipsum perfectum Cardinalem , habebimus et nos id in magnâ gratiâ.
·Datum in Aulâ nostra Sultania Auctoritatis in Constantinopoli , M. ccccxcrv.
Anno à Jesu Propheta Nativitate VIII.
Septembris
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
L'auteur de la lettre conteste le préjugé européen selon lequel l'islam aurait détruit le bon goût et l'érudition dans l'Empire ottoman. Il souligne que l'Alcoran valorise la science et que les musulmans la considèrent essentielle. Plusieurs traditions islamiques mettent en avant l'importance de la science, de la justice, des prières et du courage. Les califes et autres princes musulmans ont encouragé les sciences et les arts en traduisant des œuvres grecques et hébraïques et en fondant des académies. Les Arabes sont devenus des savants éminents en philosophie et en mathématiques. Des sultans comme Kedder Kan et Atsiz ont soutenu les lettres et les sciences, formant des académies et récompensant les savants. Les Turcs, bien que connus pour leurs conquêtes militaires, n'ont jamais méprisé les lettres. Ils ont traduit des œuvres arabes et persanes et ont eu des sultans savants comme Mahomet II, Bajazet II, Selim I et Soliman le Magnifique. La Bibliothèque Orientale de Hagi Kalfah témoigne de la contribution des Turcs à diverses sciences et arts. Les villes de l'Empire ottoman, comme Constantinople, Le Caire, Damas et Alep, possèdent des collèges et des professeurs publics. L'auteur conclut en affirmant que les empereurs ottomans ont toujours soutenu l'éducation et les lettres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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723
p. 1941-1953
IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
Corisque. Vous m'aimez, Ménalis, à quoy sert ce langage? [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Corisque, Ménalis, Coeur, Berger, Haine, Tendresse, Sentiment, Jardins, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
IDYLL E.
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise , par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage ?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le cœur s'adresse à Philis.
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez-vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un cœur!
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Nepoint être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien, s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , cœur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est- il vrai ? pouvez-vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Quepourvoir àquel point vous me seriez fidelle,
Revenez, cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon cœur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non, trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous, Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats.
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace.
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
UnEclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez- vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis.
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon cœur brulé dans ses chauds battemens ,
Repete Corisque sans cesse.
Ah! Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui-même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et monsecret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour-là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques-là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Ra- meaux ,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi-tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex-
1946 MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit- peu la mienne ,
Dirigeant autre part un œil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion.
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel con- damnée ,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable ?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa ma- niere ,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma bles- sure ,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un cœur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Cha- peau ,
Dont le Bouton s'ornoit de l'Œillet le plus beau ;
C'est , dit-il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens ,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet Œillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire.
Que mesbras contre lui n'étoient-ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très - loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée ,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le cœur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse.
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai- je ? O Dieux ! quoi mon cœur se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dê- sirs,
Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux veni- meux. ..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux.
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux.
Suis- je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon cœur brulant , j'ai Paphos et Ci- there :
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mys- tere ?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re-
1952 MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux cœurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux ca- chez ,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les Vers' ,
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Haut- bois ,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heu- reux ,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
Fermer
Résumé : IDYLLE. A M. de Fontenelle, de l'Academie Françoise, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
L'idylle 'Idyll E' de Me de Malcrais de la Vigne est dédiée à Bernard le Bouyer de Fontenelle. Elle narre une dispute amoureuse entre Corisque et Ménalis. Corisque accuse Ménalis d'infidélité après l'avoir vue danser avec Philis et interpréter un geste ambigu. Ménalis se défend en expliquant que ses paroles à Philis étaient innocentes et visaient à comparer Corisque favorablement à Daphné. Corisque révèle ensuite que Mirtil, un autre berger, a mal interprété un œillet qu'elle lui avait destiné pour Ménalis, ajoutant à la confusion. Après des échanges passionnés, Corisque et Ménalis se réconcilient. Leur amour est comparé à celui des rossignols, et ils se jurent une fidélité éternelle. Le texte se conclut par une louange à Fontenelle, dont les œuvres sont admirées pour leur subtilité et leur délicatesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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724
p. 1974-1975
AUTRE.
Début :
Du vrai sage je fais le charme, le délice ; [...]
Mots clefs :
Oraison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
U vrai sage je fais le charme , le délice ;
Il n'a rien de plus cher que mon doux exercice ;
Avec mon chef tout seul je puis représenter ,
L'Infini , tout le Monde , et l'Univers entier.
Je puis marquer
tique ,
encore ,
en bonne ArithméRien , ou peu ; mais beaucoup , selon qu'on me
pratique.
De mes six pieds restans , point de combinaison.
Heureux qui m'a pour guide, il a toujours raison.
Si l'on veut à mon chef, ajouter le deuxième ,
On me poursuit , souvent avec ardeur extrême.
Du tout , ôté deux , trois , on voit facilement ,
En plume un animal , Symbole d'ignorant.
Chiffrez deux , quatre et cinq , je fournis par na- ture ,
En un Païs lointain , cominune nourriture.
Puis dans un autre sens , on cherché mes appas ,
Je
SEPTEMBRE. 1732. 1975
Je regne plus souvent aux Festins , aux Repas.
Pour tout dire en deux mots , je ne sçaurois pas roître ,
Que joïe et que plaisir ne m'ayent donné l'Etre :
Ma derniere syllabe enfin présente aux yeux ,
L'ame de la Musique, icy bas, comme aux Cieux.
U vrai sage je fais le charme , le délice ;
Il n'a rien de plus cher que mon doux exercice ;
Avec mon chef tout seul je puis représenter ,
L'Infini , tout le Monde , et l'Univers entier.
Je puis marquer
tique ,
encore ,
en bonne ArithméRien , ou peu ; mais beaucoup , selon qu'on me
pratique.
De mes six pieds restans , point de combinaison.
Heureux qui m'a pour guide, il a toujours raison.
Si l'on veut à mon chef, ajouter le deuxième ,
On me poursuit , souvent avec ardeur extrême.
Du tout , ôté deux , trois , on voit facilement ,
En plume un animal , Symbole d'ignorant.
Chiffrez deux , quatre et cinq , je fournis par na- ture ,
En un Païs lointain , cominune nourriture.
Puis dans un autre sens , on cherché mes appas ,
Je
SEPTEMBRE. 1732. 1975
Je regne plus souvent aux Festins , aux Repas.
Pour tout dire en deux mots , je ne sçaurois pas roître ,
Que joïe et que plaisir ne m'ayent donné l'Etre :
Ma derniere syllabe enfin présente aux yeux ,
L'ame de la Musique, icy bas, comme aux Cieux.
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725
p. 2009-2017
Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
Début :
Le Mercredy 6 Aoust, on representa au College de LOUIS LE GRAND, la Tragédie [...]
Mots clefs :
Danse, Collège de Louis le Grand, Sennacherib, Tragédie, Ballet, Danse, Décoration
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
SPECTACLE S.
E Mercredy 6 Aoust, on representa au
LE ›
gédie de Sennacherib , Roy des Assiriens ,
pour la distribution des Prix. En voici le
sujet.
SENNACHERIB ayant perdu devant Jerusalemi
18f000 hommes, tuez dans une nuit, par la main
d'un Ange , retourna à Ninive plein de fureur et
de confusion. Il crut que ce malheur lui étoit are
rivé , parce que son Dieu tutelaire étoit irrité.
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable , il
fut immolé au pied de son Idole , par ses deux
fils aînez , Adramelech et Sarasar, 45 jours après
la défaite de fon Armée. Liv. 4. des Rois. c . 19.
Tob. c. I.
Ainsi s'accomplit la Prophetie faite par Isaic
au Roy Ezechias , environ deux mois auparavant. Ifa. c. 37.
La Tradition des Hébreux rapportée par S.Jerôme , est que Sennacherib vouloit immoler ses deux fils pour fléchir son Dieu par ce Sacrifice ,
que ceux- ci le prévinrent et lui porterent les coupsqu'il leur destinoit.
. On suppose , comme il est vrai- semblable
que Sennacherib vouloit fléchir son Dieu pour tenter une seconde fois la conquête de Jeru- salem,
La Scene est à Ninive , dans le Palais
du Roy.
Fiij La
2010 MERCURE DE FRANCE
*
Le Ballet qui fut dansé après la Tragé
'die , porte pour titre : Histoire de la Danse. Voici le dessein et la division de ce
Ballet.
Comme on ne sçauroit donner dans un
seul Ballet tout ce qui concerne la Danse,
`on se borne icy à en exposer la naissance
et les quatres âges.
›
te
La Danse , selon le sentiment de la
plupart des Auteurs , doit son origine
aux Egyptiens ; on croit qu'elle est née
de l'observation des Planettes ; comme
elle. sert à exprimer les differentes passions des hommes , et sur tout celles qui
ont la joye pour principe , on la suppose
presqu'aussi ancienne que le monde , parce que les passions attachées à l'humanité
ont existé plus ou moins dans tous les
temps.
Dans la premiere Entrée , des Bergers ,
forment des pas sur le mouvement des
Airs champêtres,avant même que les Ins
trumens de Musique soient inventez.Dans
la seconde , des Personnes de différentes
conditions dansent plus méthodiquement,
au son des Instrumens, nouvellement inventez. De la naissance de la Danse on
passe à ses quatre différens âges.
Pre-
SEPTEMBR E. 1732. 2013
Premier âge de la Danse.
Les Egyptiens sont les Peuples chez qui
la Danse ait fait de plus grands progrès
l'Histoire leur donne l'honneur de l'avoir
inventée , et de l'avoir employée à plu sieurs différens usages.
"
Danse Astronomique.
Des Astronomes Egyptiens , après avoir
rendu hommage au Soleil , observent le
cours des Astres et leurs Eclipses , avec
des Tubes ; ce qui est exprimé par leurs
Danses.
Danse Magique.
Des Magiciens évoquent les ombres dos
Morts,
Danse Idolatrique.
Dans cette Danse, les habitans des Villes et des Champs adorent les Divinitez
de leurs Païs , sous la figure de divers animaux.
Second âge de la Danse.
Les Grecs ont la gloire d'avoir inven
té , ou du moins perfectionné tous les
beaux Arts , et sur tout la Danse.
Fiiij Danse
2012 MERCURE DE FRANCE
Danse Politique et Militaire.
Licurgue établit une Danse politique
dans Lacédémone , pour concilier tous les
Membres de l'Etat ; les Citoyens de differens âges et de differentes conditions ,
se mêlent ensemble. Les Lacédémoniens
avoient déja introduit chez eux la Danse
Militaire , pour se représenter l'image des
combats comme un jeu.
Danse de Fête solemnelle.
La Danse faisoit une des principales Fêtes des Thébains ; on represente
dans cette Entrée les Orgies ; on en retranche toute image de licence , à la fureur près.
Danse Théatrale.
Les Poëtes Athéniens introduisirent la
Danse dans leurs Pieces ; on donne dans
cette Entrée l'idée d'une Scene Tragique
et d'une Scene Comique , dans le gout
d'Euripide et d'Aristophane.
Troisiéme âge de la Danse.
Les Romains n'eurent pas beaucoup
d'estime pour la Danse ; l'Art Militaire
leur fit long-temps oublier tous les Arts
pacifiques , et ce ne fut que sous les Empercurs
SEPTEMBRE. 1752. 2013:
pereurs que la Danse occupa un Peuple
oisif et amolli , à qui on vouloit faire
oublier son ancienne liberté.
Danse Triomphale:
Les Saliens , Prêtres de Mars , furent
admis dans les Marches de Triomphes ;
c'est cette Danse guerriere qu'on exprime dans cette premiere Entrée.
Danse Italique. s *
Les Pantomimes , Sérieux et Comiques,
furent inventez sous Auguste; on en donne icy.une légere idée; pour rendre cette
Danse plus intelligible aux Spectateurs
on a choisi les Caracteres Comiques ,
qui leur sont les plus connus , préférablement à ceux des Comédies Romaines.
Danse d'Animaux.
On prend pour modeles de cette Danse
les Sibarites , Peuples de la basse Italie ,
qui eurent tant de passion pour la Danse,
qu'ils y firent entrer leurs Chevaux , et
d'autres animaux.
Quatrième âge de la Danse, sous les Nations
modernes, et principalement sous
lés François.
On appelle Nations modernes , celles
Fy qui
2014 MERCURE DE FRANCE
qui ont été démembrées de l'Empire
Romain, Elles ont toutes cultivé la Dan-'
> chacune selon son génie ; aucun de
ces Peuples ne s'y est tant distingué que
les François.
Bal de Ceremonie. abs
Un Prince donne un Bal aux Seigneurs
de sa Cour , ou à des Etrangers de dis
tinction , arrivez de divers Païs.
Bal de Spectacle.
La France, qui a reçu de l'Italie les Ballets avec Machines , a beaucoup encheri
sur elle dans ce genre de Spectacle ; c'est
ce qu'on représente dans cette Entrée.
Bal Bourgeois.
Des Bourgeois et des Artisans forment
une espece de Mascarade , où chacun est
admis , sans distinction .
La Danse des Academies Litteraires.
Les Danses figurées ont été introduites
dans plusieurs Académies littéraires. On
y represente des Ballets nouveaux ou historiques , pour relever la solemnité d'un
Spectacle établi et souvent fondé par des
Rois , pour distribuer avec éclat des Prix
à la jeunesse qu'on y éleve dans l'étude
des Belles Lettres,
Apollon
SEPTEMBRE. 1732. 2015
Apollon , Minerve et Mercure distri- buent des Couronnes de Laurier aux Eleves qui se sont distinguez dans les Exercices Litteraires.
La jeunesse couronnée , exprime par la
Danse , le plaisir qu'elle ressent du Prix
glorieux qu'elle a remporté.
Des Bergers ont chanté des Vers dans
la premiere Entrée de l'ouverture; nous en
donnerons une légere idée par ceux qu'on
va voir.
Bergers , qu'un doux repos assemble ,
Venez sous ces tendres Ormeaux
Nous y devons former ensemble
Des jeux innocens et nouveaux..
C'est icy que la Danse ,
Va prendre sa naissance.
Sur mes chants composez vos pas ;
Que tous les mouvemens de vos pieds, de vosbras
D'accord avec ma voix , en suivent la cadance.
Que sans voltiger ,
Les naïves Graces ,
Marchent sur vos traces,
D'un pas coulant et leger , &c.
La Décoration de ce grand et pompeux Spec
tacle , representoit une grande Cour exterieure
d'un Palais magnifique,d'Ordre composite , for- mant un plan circulaire de cent pieds de face , et:
faisant par la Perspective 150 pieds de circonfe- F vj rence
2016 MERCURE DE FRANCE
rence sur 35 pieds d'élévation. Au milieu est un
corps avancé , soutenu par des Colonnes et Pilastres de breche violette; les Chapiteaux et Bases
en or. Dans les entre-Colonnes sont placez des Grouppes de Figures de Marbre blanc sur des
piedestaux de forme ronde : sçavoir , à la droite,
MédéeJason; à la gauche le Sacrifice d'Iphigenie.
Sur les devants de la partie circulaire,à la droite
Oedipe qui se perce les yeux ; à la gauche , Her- rule sur le bucher ; sur le devant de ces deux extrêmitez sont des Amphitheatres terminés par une Balustrade , en forme de demi-fer à cheval ,
au bas de laquelle on voit les Statues des deux
plus fameux Poëtes Grecs ; sçavoir , à la droite
Sophocle; à la gauche Euripide. ?
Au milieu de la Décoration est une grande et magnifique Arcade surmontée des Armes de
France , soutenues par des Génies , au travers
de laquelle on apperçoit un grand Salon cintré ,
soutenu par des colonnes couplées , et dans les
deux passages , aux côtez des Galeries ingénieusement percées d'une Architecture noble et simple , ornée de Bustes sur des scabellons ; au- dessus des quatre Groupes de colonnes , sont dea
trophées de Guerre , et sur les corps avancez qui terminent les côtez de la Décoration des Trophées de Poësie en or , ainsi que les Armes du
Roi et les autres Trophées et Consolles qui sont
sous la Corniche , sur laquelle est une Balustrade
qui régne au pourtour de cette magnifique Ordonnance.
ges
M. Le Maire , déja connu par plusieurs ouvrade cette espece qui ont eu l'applaudissement
du Public . est Auteur de celui- ci , qui a été fort
approuvé. L'Estampe qu'il en a fait graver avec soin
SEPTEMBRE. 1732. 2017
soin , se vend chez lui dans la Cour des Quinze
Vingts.
E Mercredy 6 Aoust, on representa au
LE ›
gédie de Sennacherib , Roy des Assiriens ,
pour la distribution des Prix. En voici le
sujet.
SENNACHERIB ayant perdu devant Jerusalemi
18f000 hommes, tuez dans une nuit, par la main
d'un Ange , retourna à Ninive plein de fureur et
de confusion. Il crut que ce malheur lui étoit are
rivé , parce que son Dieu tutelaire étoit irrité.
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable , il
fut immolé au pied de son Idole , par ses deux
fils aînez , Adramelech et Sarasar, 45 jours après
la défaite de fon Armée. Liv. 4. des Rois. c . 19.
Tob. c. I.
Ainsi s'accomplit la Prophetie faite par Isaic
au Roy Ezechias , environ deux mois auparavant. Ifa. c. 37.
La Tradition des Hébreux rapportée par S.Jerôme , est que Sennacherib vouloit immoler ses deux fils pour fléchir son Dieu par ce Sacrifice ,
que ceux- ci le prévinrent et lui porterent les coupsqu'il leur destinoit.
. On suppose , comme il est vrai- semblable
que Sennacherib vouloit fléchir son Dieu pour tenter une seconde fois la conquête de Jeru- salem,
La Scene est à Ninive , dans le Palais
du Roy.
Fiij La
2010 MERCURE DE FRANCE
*
Le Ballet qui fut dansé après la Tragé
'die , porte pour titre : Histoire de la Danse. Voici le dessein et la division de ce
Ballet.
Comme on ne sçauroit donner dans un
seul Ballet tout ce qui concerne la Danse,
`on se borne icy à en exposer la naissance
et les quatres âges.
›
te
La Danse , selon le sentiment de la
plupart des Auteurs , doit son origine
aux Egyptiens ; on croit qu'elle est née
de l'observation des Planettes ; comme
elle. sert à exprimer les differentes passions des hommes , et sur tout celles qui
ont la joye pour principe , on la suppose
presqu'aussi ancienne que le monde , parce que les passions attachées à l'humanité
ont existé plus ou moins dans tous les
temps.
Dans la premiere Entrée , des Bergers ,
forment des pas sur le mouvement des
Airs champêtres,avant même que les Ins
trumens de Musique soient inventez.Dans
la seconde , des Personnes de différentes
conditions dansent plus méthodiquement,
au son des Instrumens, nouvellement inventez. De la naissance de la Danse on
passe à ses quatre différens âges.
Pre-
SEPTEMBR E. 1732. 2013
Premier âge de la Danse.
Les Egyptiens sont les Peuples chez qui
la Danse ait fait de plus grands progrès
l'Histoire leur donne l'honneur de l'avoir
inventée , et de l'avoir employée à plu sieurs différens usages.
"
Danse Astronomique.
Des Astronomes Egyptiens , après avoir
rendu hommage au Soleil , observent le
cours des Astres et leurs Eclipses , avec
des Tubes ; ce qui est exprimé par leurs
Danses.
Danse Magique.
Des Magiciens évoquent les ombres dos
Morts,
Danse Idolatrique.
Dans cette Danse, les habitans des Villes et des Champs adorent les Divinitez
de leurs Païs , sous la figure de divers animaux.
Second âge de la Danse.
Les Grecs ont la gloire d'avoir inven
té , ou du moins perfectionné tous les
beaux Arts , et sur tout la Danse.
Fiiij Danse
2012 MERCURE DE FRANCE
Danse Politique et Militaire.
Licurgue établit une Danse politique
dans Lacédémone , pour concilier tous les
Membres de l'Etat ; les Citoyens de differens âges et de differentes conditions ,
se mêlent ensemble. Les Lacédémoniens
avoient déja introduit chez eux la Danse
Militaire , pour se représenter l'image des
combats comme un jeu.
Danse de Fête solemnelle.
La Danse faisoit une des principales Fêtes des Thébains ; on represente
dans cette Entrée les Orgies ; on en retranche toute image de licence , à la fureur près.
Danse Théatrale.
Les Poëtes Athéniens introduisirent la
Danse dans leurs Pieces ; on donne dans
cette Entrée l'idée d'une Scene Tragique
et d'une Scene Comique , dans le gout
d'Euripide et d'Aristophane.
Troisiéme âge de la Danse.
Les Romains n'eurent pas beaucoup
d'estime pour la Danse ; l'Art Militaire
leur fit long-temps oublier tous les Arts
pacifiques , et ce ne fut que sous les Empercurs
SEPTEMBRE. 1752. 2013:
pereurs que la Danse occupa un Peuple
oisif et amolli , à qui on vouloit faire
oublier son ancienne liberté.
Danse Triomphale:
Les Saliens , Prêtres de Mars , furent
admis dans les Marches de Triomphes ;
c'est cette Danse guerriere qu'on exprime dans cette premiere Entrée.
Danse Italique. s *
Les Pantomimes , Sérieux et Comiques,
furent inventez sous Auguste; on en donne icy.une légere idée; pour rendre cette
Danse plus intelligible aux Spectateurs
on a choisi les Caracteres Comiques ,
qui leur sont les plus connus , préférablement à ceux des Comédies Romaines.
Danse d'Animaux.
On prend pour modeles de cette Danse
les Sibarites , Peuples de la basse Italie ,
qui eurent tant de passion pour la Danse,
qu'ils y firent entrer leurs Chevaux , et
d'autres animaux.
Quatrième âge de la Danse, sous les Nations
modernes, et principalement sous
lés François.
On appelle Nations modernes , celles
Fy qui
2014 MERCURE DE FRANCE
qui ont été démembrées de l'Empire
Romain, Elles ont toutes cultivé la Dan-'
> chacune selon son génie ; aucun de
ces Peuples ne s'y est tant distingué que
les François.
Bal de Ceremonie. abs
Un Prince donne un Bal aux Seigneurs
de sa Cour , ou à des Etrangers de dis
tinction , arrivez de divers Païs.
Bal de Spectacle.
La France, qui a reçu de l'Italie les Ballets avec Machines , a beaucoup encheri
sur elle dans ce genre de Spectacle ; c'est
ce qu'on représente dans cette Entrée.
Bal Bourgeois.
Des Bourgeois et des Artisans forment
une espece de Mascarade , où chacun est
admis , sans distinction .
La Danse des Academies Litteraires.
Les Danses figurées ont été introduites
dans plusieurs Académies littéraires. On
y represente des Ballets nouveaux ou historiques , pour relever la solemnité d'un
Spectacle établi et souvent fondé par des
Rois , pour distribuer avec éclat des Prix
à la jeunesse qu'on y éleve dans l'étude
des Belles Lettres,
Apollon
SEPTEMBRE. 1732. 2015
Apollon , Minerve et Mercure distri- buent des Couronnes de Laurier aux Eleves qui se sont distinguez dans les Exercices Litteraires.
La jeunesse couronnée , exprime par la
Danse , le plaisir qu'elle ressent du Prix
glorieux qu'elle a remporté.
Des Bergers ont chanté des Vers dans
la premiere Entrée de l'ouverture; nous en
donnerons une légere idée par ceux qu'on
va voir.
Bergers , qu'un doux repos assemble ,
Venez sous ces tendres Ormeaux
Nous y devons former ensemble
Des jeux innocens et nouveaux..
C'est icy que la Danse ,
Va prendre sa naissance.
Sur mes chants composez vos pas ;
Que tous les mouvemens de vos pieds, de vosbras
D'accord avec ma voix , en suivent la cadance.
Que sans voltiger ,
Les naïves Graces ,
Marchent sur vos traces,
D'un pas coulant et leger , &c.
La Décoration de ce grand et pompeux Spec
tacle , representoit une grande Cour exterieure
d'un Palais magnifique,d'Ordre composite , for- mant un plan circulaire de cent pieds de face , et:
faisant par la Perspective 150 pieds de circonfe- F vj rence
2016 MERCURE DE FRANCE
rence sur 35 pieds d'élévation. Au milieu est un
corps avancé , soutenu par des Colonnes et Pilastres de breche violette; les Chapiteaux et Bases
en or. Dans les entre-Colonnes sont placez des Grouppes de Figures de Marbre blanc sur des
piedestaux de forme ronde : sçavoir , à la droite,
MédéeJason; à la gauche le Sacrifice d'Iphigenie.
Sur les devants de la partie circulaire,à la droite
Oedipe qui se perce les yeux ; à la gauche , Her- rule sur le bucher ; sur le devant de ces deux extrêmitez sont des Amphitheatres terminés par une Balustrade , en forme de demi-fer à cheval ,
au bas de laquelle on voit les Statues des deux
plus fameux Poëtes Grecs ; sçavoir , à la droite
Sophocle; à la gauche Euripide. ?
Au milieu de la Décoration est une grande et magnifique Arcade surmontée des Armes de
France , soutenues par des Génies , au travers
de laquelle on apperçoit un grand Salon cintré ,
soutenu par des colonnes couplées , et dans les
deux passages , aux côtez des Galeries ingénieusement percées d'une Architecture noble et simple , ornée de Bustes sur des scabellons ; au- dessus des quatre Groupes de colonnes , sont dea
trophées de Guerre , et sur les corps avancez qui terminent les côtez de la Décoration des Trophées de Poësie en or , ainsi que les Armes du
Roi et les autres Trophées et Consolles qui sont
sous la Corniche , sur laquelle est une Balustrade
qui régne au pourtour de cette magnifique Ordonnance.
ges
M. Le Maire , déja connu par plusieurs ouvrade cette espece qui ont eu l'applaudissement
du Public . est Auteur de celui- ci , qui a été fort
approuvé. L'Estampe qu'il en a fait graver avec soin
SEPTEMBRE. 1732. 2017
soin , se vend chez lui dans la Cour des Quinze
Vingts.
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Résumé : Tragédie et Ballet, et Décoration du College de Louis Le Grand, [titre d'après la table]
Le spectacle 'La Tragédie de Sennacherib, Roy des Assiriens' a été représenté le mercredi 6 août pour la distribution des prix. L'histoire met en scène la défaite de Sennacherib devant Jérusalem, où il perdit 18 000 hommes en une nuit. De retour à Ninive, il fut assassiné par ses deux fils aînés, Adramelech et Sarasar, 45 jours après la défaite. Cette tragédie accomplissait une prophétie d'Isaïe au roi Ézéchias. Selon la tradition hébraïque rapportée par Saint Jérôme, Sennacherib voulait sacrifier ses fils pour apaiser son dieu, mais ceux-ci le tuèrent avant. Le spectacle se déroulait à Ninive, dans le palais du roi. Après la tragédie, un ballet intitulé 'Histoire de la Danse' fut présenté. Ce ballet retraçait la naissance et les quatre âges de la danse. Les Égyptiens sont crédités de l'origine de la danse, qui servait à exprimer les passions humaines. Le ballet se divisait en plusieurs entrées représentant différents âges et styles de danse, des bergers aux danses modernes en France. La décoration du spectacle représentait une cour extérieure d'un palais magnifique, avec diverses statues et trophées. L'auteur de la décoration, M. Le Maire, est connu pour ses œuvres appréciées du public. Une estampe de la décoration était disponible à la vente.
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726
p. 2017-2025
EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
Début :
Cette intrigue se passe entre Mme Argante, Angelique, sa fille, Lizette, [...]
Mots clefs :
Ecole des Mères, Marivaux, Théâtre italien, Lisette, Angélique
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
EXTRAITde l'Ecole des Meres , Comédie en Prose , en un Acte , de M. de
Marivaux , representée pour la premiere
fois sur le Théatre Italien , le 26 Juilles
1732.
CErre
intrigue.se
Ette intrigue se passe entre Mme Argante , Angelique , sa fille , Lizette ,
sa Suivante , Eraste, Amant d'Angelique,
sous le nom de la Ramée , Damis , pere
d'Eraste est aussi Amant d'Angelique ,
Frontin et Champagne , Valets de Mme Argante et de Damis, La Scene est dans l'Appartement de Mme Argante.
Eraste travesti en Valet commence la
Piece avec Lisette , laquelle veut lui menager un entretien avec Angelique, dont
il est autant aimé qu'il l'aime. Frontin
Valet de Me Argante , arrive et se défie
du prêtendu parantage du faux la Ramée avec Lizette , dont il est amoureux
et le prend sur un ton qui oblige Lisette
à le mettre dans la confidence ; il se charge de l'entrevûë qu'il s'agit de ménager
à Eraste , qui veut parer le mariage qu'on
est prêt à conclure entre son Amante et
le vieux Damis , c'est un nom que le peré d'Eraste a pris pour dérober la connoissance
H
2018 MERCURE DE FRANCE
noissance de son futur Hymen à tout le
monde , et sur tout à son fils , quoiqu'il
ne sçache pas encore qu'il est son Rival
et Rival aimé.
Mme Argante vient ; le faux la Ramée
ne pouvant se retirer sans se rendre suspect , Frontin le fait passer pourun Cousin qui cherche condirion ; Mme Argante
le trouvant bien fait, lui ordonne de rester dans la maison , et lui promet de le
mettre au service de M. Damis. Mme Argante demande à Lisette dans quelles dispositions elle trouve sa fille Angelique ;
Lisette lui répond d'une maniere à ne répondre de rien : voici la fin de la Scene:
entre la Maîtresse et la Suivante..
Md. Argante.
M. Damis est un peu vieux , à la verité ,
mais doux, complaisant , attentif, aimable.
Lisette.
Aimable ! prenez donc garde , Madame ; il a
soixante ans,
Mad. Argante.
Il est bien question de l'âge d'un mari avec une fille élevée comme la mienne.
Lisette.
Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoi selle
SEPTEMBRE. 1732. 2619
selle votre fille , il n'y aura guere eu de prodige de cette force-là.
Mad. Argante.
Qu'entendez-vous avec votre prodige ?
Lisette.
J'entends qu'il faut le plus qu'on peut , mettre la vertu des gens son aise , et que celle d'Ange
lique ne le sera pas sans fatigue.
Mad.
Argante.
Vous avez de sottes idées , Lisette ; les inspi- rez-vous à ma fillers
Lisette.
Oh que non , Madame ; elle les trouvera bien,
sans que je m'en mêle.
Mad, Argante.
Hé pourquoi , de l'humeur dont elle est ,
seroit- elle pas heureuse ?
Lisette,
1
ne
C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont
yous dites ; cette humeur- là n'est nulle part.
Mad. Aviante.
Il faudroit qu'elle l'eût bien difficile , si elle
ne s'accommodoit pas d'un homme qui l'a dorera ,
Lisette.
On adore mal à son âge.
Mad.
2020 MERCURE DE FRANCE
Mad. Argante.
Qui ira audevant de tous ses desirs.
Lisette.
Ils seront donc bien modestes , &c.
>
L'arrivée d'Angelique interrompt la
suite de cette conversation ; ce rôle est
joué par la Dule Sylvia avec une grace et
une intelligence qu'on ne sauroit trop
admirer ; comme c'est un rôle d'Agnés
elle y met une ingenuité qui enchante les
Spectateurs ; et cette ingenuité est accompagnée, coup sur coup, de profondes
révérences qui la caracterisent d'une maniere à n'y reconnoître que la simple nature , quoique ce ne soit pas sans y mettre un art infini. Voici quelques morceaux
de la Scene qui se passe entr'elle et sa mere.
Mad. Argante.
Vous voyez , ma fille , ce que je fais aujour
d'hui pour vous ; ne tenez-vous pas compte
ma tendresse du mariage que je vous procure &
Angelique faisant la réverence.
Je ferai tout ce qui vous plaira , ma mere.
Ma . Argante.
Je vous demande si vous me sçavez gré da
parti
SEPTEMBRE. 1732 2021
parti que je vous donne , &c. allons ; répondez ,
ma fille.
Angelique.
Vous mel'ordonnez donc ?
Mad. Argante.
Qui, sans doute. Voyons ; n'êtes-vous pas satisfaite de votre sort ?
Angelique.
Mais.
Mad. Argante.
Quoi ? mais ! je veux qu'on me réponde raisonnablement ; je m'attendois à votre reconnoissance , et non pas à des mais...
Angelique saluant.
Je n'en dirai plus , ma mere.
Mad. Argante.
Je vous dispense des révérences ; dites-moi ce
que vous pensez.
Ce queje pense
Angelique.
Mad. Argante.
Oui , comment regardez-vous le mariage en
question ?
! Mais,
Angelique.
Mad. Argante.
Toujours des mais !
Am
2022 MERCURE DE FRANCE
Angelique.
Je vous demande pardon ; je n'y songeois pas ,
ma Mere , &c.
Toute cette Scene , qui est à peu près
sur le même ton, fait beaucoup de plaisir ,
tant de la part de l'Auteur , que de l'Actrice. La De Sylvia ne parle pas toujours
avec la même innocence dans le reste de
cette Piéce ; elle est très hardie quand elle
s'entretient avec Lisette , le Lecteur en
pourra aisément juger par ce commencement de Scene.
Lisette.
Eh bien? Mademoiselle , à quoi en êtes - vous ?
Angelique.
J'en suis à m'affliger , comme tu vois,
Lisette.
Qu'avez-vous dit à votre Mere !
Angelique.
Hé tout ce qu'elle a voulu.
4
Lisette.
Vous épouserez donc Monsieur Damis
Angelique.
Moi , l'épouser ! je t'assûre que non c'est
bien assez qu'il m'épouse.
Lisette,
SEPTEMBRE. 1732. 2023
>
Lisette.
Oui mais vous n'en serez pas moins sa femme.
sant "
Angelique.
Hé bien; ma Mere n'a qu'à l'aimer pour nous
deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste , &c, c'est lui qui est aimable , qui est complai
et non pas ce Monsieur Damis , que ma
mere a été prendre je ne sçai où , qui feroit bien
mieux d'être mon grand pere , que mon mari ,
qui me glace quand il me parle , et qui m'appelle
toujours ma belle personne , comme si on s'embarassoit beaucoup d'être belle ou laide avec lui ;
au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant ; on voit que c'est du fond du cœur qu'il parle ; et j'aimerois mieux être sa femme huit
jours , que de l'être toute ma vie de l'autre
&c.
On vient annoncer à Angelique qu'un
Laquais d'Eraste a une Lettre à lui rendrę
de la part de cet Amant si tendrement ai
mé ; elle marque un tendre empressement;
mais son activité éclate bien plus quand
elle voit Eraste même à ses pieds après la
lecture de sa Lettre , &c. Comme cet Extrait commence à devenir un peu trop
long pour une Piéce en un Acte , nous ne
parlerons plus que de ce qui concerne l'action théatrale.
Le faux Damis , pere de Léandre vient
pour
2024 MERCURE DE FRANCE
pour épouser Angelique ; il prie Mad.
Argante de lui permettre un moment
d'entretien avec sa future Epouse. C'est
dans cet entretien qu'Angelique lui avoüc.
avecsa naïveté ordinaire qu'elle ne l'aime,
pas ; il apprend même,qu'elle en aime un
autre , et à la faveur d'un rendez- vous
nocturne , il reconnoît cet Amant aimé
pour son fils. Cette nuit donne lieu à
beaucoup de méprises , qui finissent par
des lumieres que Madame Argante fait
apporter. Le pere se rendant justice , et
d'ailleurs attendri pour son fils , conseille
àMad. Argante de rendre ces deux Amans
heureux , elle y consent. On commence
une Fête que Damis avoit fait préparer
pour lui-même ; il consent qu'elle serve
pour le mariage de son fils avec Angelique ; Lisette est aussi récompensée pour
avoir contribué au mariage d'Eraste ;
Mad: Argante consent qu'elle épouse son
cher Frontin ; la Piéce finit par des Danses et des Divertissemens , dont la Musi
que , qui a été goûtée , est de M. Mouret : voici deux Couplets du Vaudeville
qui termine le Divertissement.
Si mes soins pouvoient t'engager
Me dit un jour le beau Sylvandre,
D'un air tendre
Que
SEPTEMBRE, 1732 2025
Que ferois-tu ? dis-je au Berger?
Il demeura comme un Idole ,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
L'autre jour à Nicole il prit ,
Une vapeur auprès de Blaise ,
Sur sa chaise :
La pauvre enfant s'évanouit ;
Blaise , pour secourir Nicole ,
Fut chercher du monde aussi- tôt ;
Le nigaut !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
La Dile Roland et le sieur Lelio ont
dansé dans ce Divertissement un Pas de
Deux, composé d'une Loure et d'un Tambourin , avec toute la justesse et la vivacité possible , et ont été généralement ap
plaudis ; cette nouvelle Danseuse est de
plus en plus goûtée du Public.
Marivaux , representée pour la premiere
fois sur le Théatre Italien , le 26 Juilles
1732.
CErre
intrigue.se
Ette intrigue se passe entre Mme Argante , Angelique , sa fille , Lizette ,
sa Suivante , Eraste, Amant d'Angelique,
sous le nom de la Ramée , Damis , pere
d'Eraste est aussi Amant d'Angelique ,
Frontin et Champagne , Valets de Mme Argante et de Damis, La Scene est dans l'Appartement de Mme Argante.
Eraste travesti en Valet commence la
Piece avec Lisette , laquelle veut lui menager un entretien avec Angelique, dont
il est autant aimé qu'il l'aime. Frontin
Valet de Me Argante , arrive et se défie
du prêtendu parantage du faux la Ramée avec Lizette , dont il est amoureux
et le prend sur un ton qui oblige Lisette
à le mettre dans la confidence ; il se charge de l'entrevûë qu'il s'agit de ménager
à Eraste , qui veut parer le mariage qu'on
est prêt à conclure entre son Amante et
le vieux Damis , c'est un nom que le peré d'Eraste a pris pour dérober la connoissance
H
2018 MERCURE DE FRANCE
noissance de son futur Hymen à tout le
monde , et sur tout à son fils , quoiqu'il
ne sçache pas encore qu'il est son Rival
et Rival aimé.
Mme Argante vient ; le faux la Ramée
ne pouvant se retirer sans se rendre suspect , Frontin le fait passer pourun Cousin qui cherche condirion ; Mme Argante
le trouvant bien fait, lui ordonne de rester dans la maison , et lui promet de le
mettre au service de M. Damis. Mme Argante demande à Lisette dans quelles dispositions elle trouve sa fille Angelique ;
Lisette lui répond d'une maniere à ne répondre de rien : voici la fin de la Scene:
entre la Maîtresse et la Suivante..
Md. Argante.
M. Damis est un peu vieux , à la verité ,
mais doux, complaisant , attentif, aimable.
Lisette.
Aimable ! prenez donc garde , Madame ; il a
soixante ans,
Mad. Argante.
Il est bien question de l'âge d'un mari avec une fille élevée comme la mienne.
Lisette.
Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoi selle
SEPTEMBRE. 1732. 2619
selle votre fille , il n'y aura guere eu de prodige de cette force-là.
Mad. Argante.
Qu'entendez-vous avec votre prodige ?
Lisette.
J'entends qu'il faut le plus qu'on peut , mettre la vertu des gens son aise , et que celle d'Ange
lique ne le sera pas sans fatigue.
Mad.
Argante.
Vous avez de sottes idées , Lisette ; les inspi- rez-vous à ma fillers
Lisette.
Oh que non , Madame ; elle les trouvera bien,
sans que je m'en mêle.
Mad, Argante.
Hé pourquoi , de l'humeur dont elle est ,
seroit- elle pas heureuse ?
Lisette,
1
ne
C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont
yous dites ; cette humeur- là n'est nulle part.
Mad. Aviante.
Il faudroit qu'elle l'eût bien difficile , si elle
ne s'accommodoit pas d'un homme qui l'a dorera ,
Lisette.
On adore mal à son âge.
Mad.
2020 MERCURE DE FRANCE
Mad. Argante.
Qui ira audevant de tous ses desirs.
Lisette.
Ils seront donc bien modestes , &c.
>
L'arrivée d'Angelique interrompt la
suite de cette conversation ; ce rôle est
joué par la Dule Sylvia avec une grace et
une intelligence qu'on ne sauroit trop
admirer ; comme c'est un rôle d'Agnés
elle y met une ingenuité qui enchante les
Spectateurs ; et cette ingenuité est accompagnée, coup sur coup, de profondes
révérences qui la caracterisent d'une maniere à n'y reconnoître que la simple nature , quoique ce ne soit pas sans y mettre un art infini. Voici quelques morceaux
de la Scene qui se passe entr'elle et sa mere.
Mad. Argante.
Vous voyez , ma fille , ce que je fais aujour
d'hui pour vous ; ne tenez-vous pas compte
ma tendresse du mariage que je vous procure &
Angelique faisant la réverence.
Je ferai tout ce qui vous plaira , ma mere.
Ma . Argante.
Je vous demande si vous me sçavez gré da
parti
SEPTEMBRE. 1732 2021
parti que je vous donne , &c. allons ; répondez ,
ma fille.
Angelique.
Vous mel'ordonnez donc ?
Mad. Argante.
Qui, sans doute. Voyons ; n'êtes-vous pas satisfaite de votre sort ?
Angelique.
Mais.
Mad. Argante.
Quoi ? mais ! je veux qu'on me réponde raisonnablement ; je m'attendois à votre reconnoissance , et non pas à des mais...
Angelique saluant.
Je n'en dirai plus , ma mere.
Mad. Argante.
Je vous dispense des révérences ; dites-moi ce
que vous pensez.
Ce queje pense
Angelique.
Mad. Argante.
Oui , comment regardez-vous le mariage en
question ?
! Mais,
Angelique.
Mad. Argante.
Toujours des mais !
Am
2022 MERCURE DE FRANCE
Angelique.
Je vous demande pardon ; je n'y songeois pas ,
ma Mere , &c.
Toute cette Scene , qui est à peu près
sur le même ton, fait beaucoup de plaisir ,
tant de la part de l'Auteur , que de l'Actrice. La De Sylvia ne parle pas toujours
avec la même innocence dans le reste de
cette Piéce ; elle est très hardie quand elle
s'entretient avec Lisette , le Lecteur en
pourra aisément juger par ce commencement de Scene.
Lisette.
Eh bien? Mademoiselle , à quoi en êtes - vous ?
Angelique.
J'en suis à m'affliger , comme tu vois,
Lisette.
Qu'avez-vous dit à votre Mere !
Angelique.
Hé tout ce qu'elle a voulu.
4
Lisette.
Vous épouserez donc Monsieur Damis
Angelique.
Moi , l'épouser ! je t'assûre que non c'est
bien assez qu'il m'épouse.
Lisette,
SEPTEMBRE. 1732. 2023
>
Lisette.
Oui mais vous n'en serez pas moins sa femme.
sant "
Angelique.
Hé bien; ma Mere n'a qu'à l'aimer pour nous
deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste , &c, c'est lui qui est aimable , qui est complai
et non pas ce Monsieur Damis , que ma
mere a été prendre je ne sçai où , qui feroit bien
mieux d'être mon grand pere , que mon mari ,
qui me glace quand il me parle , et qui m'appelle
toujours ma belle personne , comme si on s'embarassoit beaucoup d'être belle ou laide avec lui ;
au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant ; on voit que c'est du fond du cœur qu'il parle ; et j'aimerois mieux être sa femme huit
jours , que de l'être toute ma vie de l'autre
&c.
On vient annoncer à Angelique qu'un
Laquais d'Eraste a une Lettre à lui rendrę
de la part de cet Amant si tendrement ai
mé ; elle marque un tendre empressement;
mais son activité éclate bien plus quand
elle voit Eraste même à ses pieds après la
lecture de sa Lettre , &c. Comme cet Extrait commence à devenir un peu trop
long pour une Piéce en un Acte , nous ne
parlerons plus que de ce qui concerne l'action théatrale.
Le faux Damis , pere de Léandre vient
pour
2024 MERCURE DE FRANCE
pour épouser Angelique ; il prie Mad.
Argante de lui permettre un moment
d'entretien avec sa future Epouse. C'est
dans cet entretien qu'Angelique lui avoüc.
avecsa naïveté ordinaire qu'elle ne l'aime,
pas ; il apprend même,qu'elle en aime un
autre , et à la faveur d'un rendez- vous
nocturne , il reconnoît cet Amant aimé
pour son fils. Cette nuit donne lieu à
beaucoup de méprises , qui finissent par
des lumieres que Madame Argante fait
apporter. Le pere se rendant justice , et
d'ailleurs attendri pour son fils , conseille
àMad. Argante de rendre ces deux Amans
heureux , elle y consent. On commence
une Fête que Damis avoit fait préparer
pour lui-même ; il consent qu'elle serve
pour le mariage de son fils avec Angelique ; Lisette est aussi récompensée pour
avoir contribué au mariage d'Eraste ;
Mad: Argante consent qu'elle épouse son
cher Frontin ; la Piéce finit par des Danses et des Divertissemens , dont la Musi
que , qui a été goûtée , est de M. Mouret : voici deux Couplets du Vaudeville
qui termine le Divertissement.
Si mes soins pouvoient t'engager
Me dit un jour le beau Sylvandre,
D'un air tendre
Que
SEPTEMBRE, 1732 2025
Que ferois-tu ? dis-je au Berger?
Il demeura comme un Idole ,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
L'autre jour à Nicole il prit ,
Une vapeur auprès de Blaise ,
Sur sa chaise :
La pauvre enfant s'évanouit ;
Blaise , pour secourir Nicole ,
Fut chercher du monde aussi- tôt ;
Le nigaut !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
La Dile Roland et le sieur Lelio ont
dansé dans ce Divertissement un Pas de
Deux, composé d'une Loure et d'un Tambourin , avec toute la justesse et la vivacité possible , et ont été généralement ap
plaudis ; cette nouvelle Danseuse est de
plus en plus goûtée du Public.
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Résumé : EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
L'intrigue de 'L'École des Mères' de Marivaux se déroule dans l'appartement de Mme Argante, impliquant plusieurs personnages clés : Mme Argante, Angelique, sa fille, Lizette, la suivante d'Angelique, Eraste, l'amant d'Angelique déguisé en valet sous le nom de la Ramée, et Damis, le père d'Eraste également amoureux d'Angelique sous un faux nom. Frontin et Champagne, valets respectifs de Mme Argante et de Damis, jouent également des rôles importants. Eraste, déguisé, cherche à rencontrer Angelique avec l'aide de Lizette. Frontin découvre la supercherie et aide Eraste à organiser une entrevue. Eraste souhaite empêcher le mariage entre Angelique et Damis, qui se fait passer pour un homme plus jeune. Mme Argante arrive et prend Eraste pour un cousin, décidé de le garder à son service. Une conversation entre Mme Argante et Lizette révèle les réticences d'Angelique à épouser Damis en raison de son âge. Angelique exprime son amour pour Eraste et son refus d'épouser Damis. Damis, sous son faux nom, demande à rencontrer Angelique et découvre qu'elle aime Eraste. Lors d'un rendez-vous nocturne, il reconnaît Eraste comme son fils. Après des malentendus, Mme Argante accepte de rendre les deux amants heureux. La pièce se termine par une fête où Eraste et Angelique se marient, et Lizette épouse Frontin. La musique et les danses concluent la pièce.
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727
p. 2026-2033
EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
Début :
Le Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Carolet, Symphonie extravagante, Danse, Prologue, Air
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août , elles sont de
la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra
Comique.
LE
E Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond
du Théatre endormis sur les Tables , de
même que Colombine et l'Opéra Comique
personnifié. Ils se réveillent au bruit d'u
ne Symphonie extravagante. La premiere Scene est une Parodie du Prologue d'Amadis de Gaule. L'Opéra Comique , Colombine chantent ensemble.
Ah! j'entends un bruit qui nous presse
De nous rassembler tous ;
Le charme cesse ,
Eveillons-nous.
Esprits empressés à nous nuire ,
Vous , qui nous avez mis dans cet état af- freux ,
Votre soin pourroit nous réduire
A fermer désormais la porte de nos Jeux.
Que Momus annonce au Parterre ,
La fin de notre accablement i
Brûlez
SEPTEMBR E. 1732. 2027
Brillez Eclairs , grondez Tonnere ,
Sappez ce Cabaret jusques au fondement.
Le Tonnere tombe et réduit en poudre toute la Guinguette ; le Théatre' s'éclaire , les Danseurs se réjouissent à leur
réveil : la Folie arrive; la Sagesse qui sur
vient , prétend l'emporter sur elle , mais
on la chasse. Une jeune personne paroît
et se plaint a l'Opéra Comique qu'elle à
perdu la Sagesse en entrant à la Foire ;
cette Scene occasionne une morale plaisante ; la Folie la console de cette perte ,
et la reçoit Actrice. Ce Prologue finit par
une Danse de Fous et de Poctes , et par
un Vaudeville dont voici quelques Couplets.
Loin de nous l'Amant ennuyeux ,
Qui de grands mots remplit l'oreille ;
L'Amant badin réussit mieux ;›
Le sage endort , le fou réveille.
Dans l'époux tout est sérieux ,
Fut-il la plus rare merveille ;
Dans l'Amant tout est gracieux,
Le sage cadort , &c.
La Lanterne véridique , Piéce en un
Acte, est dans un goût métaphysique.
Le
7
2028 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre represente le Parnasse et
ses avenues ; Apollon est surpris d'y trouver Mercure , il lui déclare qu'il a résolu
de confondre les faux Sçavans et de
leur faire connoître la portée de leur génie. Il charge Mercure de leur ordonner
de se rendre au Parnasse. Mercure obéit
comme Messager des Dieux ; la Fortune
personifiée paroît , Apollon en est sur
pris , elle lui dit qu'elle ne vient au Parnasse que par hazard , puisque le Parnasse n'est point le lieu de sa résidence , elle
témoigne à Apollon son mépris pour la
Science. Diogene paroît ensuite avec sa
Lanterne , il l'offre à Apollon pour lui
aider à connoître à fond les génies subal
ternes dont il se plaint. Apollon la reçoit ;
Diogene fait une Scene comique , &c.
Mercure arrive , et dit à Apollon qu'il
a trouvé dans certains Caffés de Paris les
Sçavans en question . Apollon le charge
de donner audience pour lui , en lui remettant la Lanterne de Diogene , et après
lui en avoirappris les proprietez merveil
leuses.
Les faux Sçavans arrivent entr'autres
une jeune fille qui se croit Poëte , et qui
ne fait des Vers que parce qu'elle est
amoureuse. Un Auteur qui croit exceller
en tout , et qui n'est que plagiaire. Ceste Scene
SEPTEMBRE. 1732. 2029
Scene est parfaitement renduë par le
sieur Droin , habile Acteur. Un petit Maî
tre , soi- disant bel esprit , et qui n'est
qu'un fat. Une femme qui se pique de
posseder la Satyre , et qui n'est que médisante. Ensuite paroît le Suisse de la Troupe , qui croit en cette qualité avoir la
quintessence de l'esprit. Mercure , qui au
nom d'Apollon a confondu tous les faux
Sçavans , donne la Palme au Suisse ; il
trouvé en lui un bon sens naturel qui le
charme. La Scene du Suisse à été joüée
par le sieur Duperier avec applaudissement. L'Acte finit par un Divertissement
composé de Suisses et de François , et par
ún Vaudeville dans ces goûts- là , que le
Suisse dit être de sa composition : on en
va juger.
Le Suisse.
On blâme à tort notre façon ;
Nous ne suivons pas le caprice,
Un Suisse entend toujours raison ,
Puisque la raison est un Suisse.
1 Tel Plumet courtise un tendron
En vrai fat dans une coulisse ,
Qui souvent n'a pas le teston
our graisser la patte du Suisse.
G Si
2030 MERCURE DE FRANCE
Si Bacchus n'inspire Apollon,
Une Piéce est toujours trop grave,
Pour briller au sacré Vallon ,
Il faut descendre dans la cave,
On trouvera l'Airgravé de ce Vaudeville,
an bas de la Chanson.
Le Parterre merveilleux sert de Prologue
à l'Acte des petits Comédiens..
Le Théatre représente les Jardins d'un
Serrail; une jeune Esclaye ouvre la Scene ;
elle se plaint à sa Suivante de l'absence de
son Amant, qui est un Cavalier François;
l'Amant paroît ; le Bostangy qui écoute
leur conversation les effraye ; mais il les
rassûre , et déclare à la Suivante qu'il l'ai-,
me. Il offre à la jeune Esclave de favoriser
son évasion ; et pour lui prouver qu'il
peut même quelque chose de plus , il fait
sortir sur le champ de la terre six grands
Pots de fleurs , qui disparoissent aussi- tôt,'
et font voir à leur place six enfans qui représentent une Piece en Vers , intitulée
le Rival de lui-même dont voici le
sujet.
د
Orgon a une fille unique nommée Julie
promise à Eraste. Le mariage doit se conclure le jour même ; mais Orgon reçoit
une Lettre du pere d'Eraste , crû mor
depuis
SEPTEMBRE. 17 32. 2031
•
depuis très - long- tems. Orgon qui veut
éprouver l'amour d'Eraste pour sa fille
feint de vouloir changer de résolution ;
il montre cette Lettre à Eraste , qui y
celui de son voyant un autre nom que
pere , fulmine contre Orgon , lequel s'excuse sur un ancien engagement contracté
entre ce vieillard et lui au sujet de leurs
enfans. Eraste qui apprend par cette Lettre que Julie voit tous les jours le fils de
Pamphile , nom du prétendu vieillard signé dans la Lettre , et que Loüison , Suivante de Julie , conduit cette intrigue
déplore sa malheureuse situation ; Crispin,
son valet , se livre à l'exemple de son
Maître , à des excès de jalousie contre
Loüison. Julie et Loüison sont surprises
de se voir traiter d'infidéles par deux
Amans qu'elles aiment tendrement. Eraste qui a appris par Orgon que son prétendu rival doit arriver le soir même et épouser Julie , l'attend de picd ferme pour
l'immoler à sa rage ; au moment qu'il
menace,le pere , qui avoit pris le nom de
Pamphile au lieu de celui d'Orgon , paroît , embrasse son fils , lui conte l'artifice innocent dont il s'est servi pour le
surprendre , et lui assurer de gros biens
avec la possession de Julie. Crispin rassuré de son côté dit à son Maître qu'il doit
Gij 1 se
1631 MERCURE DE FRANCE
se tranquilliser , et qu'il n'a point d'autre
Rival que lui-même. La Piéce finit par
un Divertissement , aussi éxécuté par les
petits Comédiens qui ont representé la
Piéce d'une maniere à se faire applaudir,
Voici quelques Couplets.
Crispin.
Je suis petit Comédien ,
A mon jeu vous le voyez bien
Mais près de l'aimable Lutine ,
Dont l'œil fripon , me porte au cœur
Tirelironfa , tourelontontine ,
deviendrois un grand Acteur,
Fulie.
L'Amour est un Comédien
Qui nous façonne en moins d'un rien ;
Envain notre cœur se mutine ,
Contre cet aimable Vainqueur ;
Tirelironfa , tourelontontine ;
L'Amour en fait un grand Acteur,
Eraste.
L'Amour , à mes tendres desirs ,
Prépare les plus doux plaisirs ;
A présent rien ne me chagrine ,
Charmé du don de votre cœur ,
Tire
SEPTEMBRE. 1732; 2033
Tirelironfa , tourelontontine ;
Je promets d'être un grandActeur.
Loüison au Public.
Messieurs , je connois à vos yeux ,
Que d'ici vous sortez joyeux ;
Faites-nous toujours bonne mine.
Ah ! quel plaisir pour un Auteur ,
Tirelironfa , tourelontontine ,
Quand il entend claquer l'Acteur.
Le 5. le même Opéra Comique donna
la premiere Représentation d'une petite
Piéce en un Acte , avec des Divertissemens , qui a pour titre les Vandanges de
Champagne , qui a été goûtée.
la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra
Comique.
LE
E Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond
du Théatre endormis sur les Tables , de
même que Colombine et l'Opéra Comique
personnifié. Ils se réveillent au bruit d'u
ne Symphonie extravagante. La premiere Scene est une Parodie du Prologue d'Amadis de Gaule. L'Opéra Comique , Colombine chantent ensemble.
Ah! j'entends un bruit qui nous presse
De nous rassembler tous ;
Le charme cesse ,
Eveillons-nous.
Esprits empressés à nous nuire ,
Vous , qui nous avez mis dans cet état af- freux ,
Votre soin pourroit nous réduire
A fermer désormais la porte de nos Jeux.
Que Momus annonce au Parterre ,
La fin de notre accablement i
Brûlez
SEPTEMBR E. 1732. 2027
Brillez Eclairs , grondez Tonnere ,
Sappez ce Cabaret jusques au fondement.
Le Tonnere tombe et réduit en poudre toute la Guinguette ; le Théatre' s'éclaire , les Danseurs se réjouissent à leur
réveil : la Folie arrive; la Sagesse qui sur
vient , prétend l'emporter sur elle , mais
on la chasse. Une jeune personne paroît
et se plaint a l'Opéra Comique qu'elle à
perdu la Sagesse en entrant à la Foire ;
cette Scene occasionne une morale plaisante ; la Folie la console de cette perte ,
et la reçoit Actrice. Ce Prologue finit par
une Danse de Fous et de Poctes , et par
un Vaudeville dont voici quelques Couplets.
Loin de nous l'Amant ennuyeux ,
Qui de grands mots remplit l'oreille ;
L'Amant badin réussit mieux ;›
Le sage endort , le fou réveille.
Dans l'époux tout est sérieux ,
Fut-il la plus rare merveille ;
Dans l'Amant tout est gracieux,
Le sage cadort , &c.
La Lanterne véridique , Piéce en un
Acte, est dans un goût métaphysique.
Le
7
2028 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre represente le Parnasse et
ses avenues ; Apollon est surpris d'y trouver Mercure , il lui déclare qu'il a résolu
de confondre les faux Sçavans et de
leur faire connoître la portée de leur génie. Il charge Mercure de leur ordonner
de se rendre au Parnasse. Mercure obéit
comme Messager des Dieux ; la Fortune
personifiée paroît , Apollon en est sur
pris , elle lui dit qu'elle ne vient au Parnasse que par hazard , puisque le Parnasse n'est point le lieu de sa résidence , elle
témoigne à Apollon son mépris pour la
Science. Diogene paroît ensuite avec sa
Lanterne , il l'offre à Apollon pour lui
aider à connoître à fond les génies subal
ternes dont il se plaint. Apollon la reçoit ;
Diogene fait une Scene comique , &c.
Mercure arrive , et dit à Apollon qu'il
a trouvé dans certains Caffés de Paris les
Sçavans en question . Apollon le charge
de donner audience pour lui , en lui remettant la Lanterne de Diogene , et après
lui en avoirappris les proprietez merveil
leuses.
Les faux Sçavans arrivent entr'autres
une jeune fille qui se croit Poëte , et qui
ne fait des Vers que parce qu'elle est
amoureuse. Un Auteur qui croit exceller
en tout , et qui n'est que plagiaire. Ceste Scene
SEPTEMBRE. 1732. 2029
Scene est parfaitement renduë par le
sieur Droin , habile Acteur. Un petit Maî
tre , soi- disant bel esprit , et qui n'est
qu'un fat. Une femme qui se pique de
posseder la Satyre , et qui n'est que médisante. Ensuite paroît le Suisse de la Troupe , qui croit en cette qualité avoir la
quintessence de l'esprit. Mercure , qui au
nom d'Apollon a confondu tous les faux
Sçavans , donne la Palme au Suisse ; il
trouvé en lui un bon sens naturel qui le
charme. La Scene du Suisse à été joüée
par le sieur Duperier avec applaudissement. L'Acte finit par un Divertissement
composé de Suisses et de François , et par
ún Vaudeville dans ces goûts- là , que le
Suisse dit être de sa composition : on en
va juger.
Le Suisse.
On blâme à tort notre façon ;
Nous ne suivons pas le caprice,
Un Suisse entend toujours raison ,
Puisque la raison est un Suisse.
1 Tel Plumet courtise un tendron
En vrai fat dans une coulisse ,
Qui souvent n'a pas le teston
our graisser la patte du Suisse.
G Si
2030 MERCURE DE FRANCE
Si Bacchus n'inspire Apollon,
Une Piéce est toujours trop grave,
Pour briller au sacré Vallon ,
Il faut descendre dans la cave,
On trouvera l'Airgravé de ce Vaudeville,
an bas de la Chanson.
Le Parterre merveilleux sert de Prologue
à l'Acte des petits Comédiens..
Le Théatre représente les Jardins d'un
Serrail; une jeune Esclaye ouvre la Scene ;
elle se plaint à sa Suivante de l'absence de
son Amant, qui est un Cavalier François;
l'Amant paroît ; le Bostangy qui écoute
leur conversation les effraye ; mais il les
rassûre , et déclare à la Suivante qu'il l'ai-,
me. Il offre à la jeune Esclave de favoriser
son évasion ; et pour lui prouver qu'il
peut même quelque chose de plus , il fait
sortir sur le champ de la terre six grands
Pots de fleurs , qui disparoissent aussi- tôt,'
et font voir à leur place six enfans qui représentent une Piece en Vers , intitulée
le Rival de lui-même dont voici le
sujet.
د
Orgon a une fille unique nommée Julie
promise à Eraste. Le mariage doit se conclure le jour même ; mais Orgon reçoit
une Lettre du pere d'Eraste , crû mor
depuis
SEPTEMBRE. 17 32. 2031
•
depuis très - long- tems. Orgon qui veut
éprouver l'amour d'Eraste pour sa fille
feint de vouloir changer de résolution ;
il montre cette Lettre à Eraste , qui y
celui de son voyant un autre nom que
pere , fulmine contre Orgon , lequel s'excuse sur un ancien engagement contracté
entre ce vieillard et lui au sujet de leurs
enfans. Eraste qui apprend par cette Lettre que Julie voit tous les jours le fils de
Pamphile , nom du prétendu vieillard signé dans la Lettre , et que Loüison , Suivante de Julie , conduit cette intrigue
déplore sa malheureuse situation ; Crispin,
son valet , se livre à l'exemple de son
Maître , à des excès de jalousie contre
Loüison. Julie et Loüison sont surprises
de se voir traiter d'infidéles par deux
Amans qu'elles aiment tendrement. Eraste qui a appris par Orgon que son prétendu rival doit arriver le soir même et épouser Julie , l'attend de picd ferme pour
l'immoler à sa rage ; au moment qu'il
menace,le pere , qui avoit pris le nom de
Pamphile au lieu de celui d'Orgon , paroît , embrasse son fils , lui conte l'artifice innocent dont il s'est servi pour le
surprendre , et lui assurer de gros biens
avec la possession de Julie. Crispin rassuré de son côté dit à son Maître qu'il doit
Gij 1 se
1631 MERCURE DE FRANCE
se tranquilliser , et qu'il n'a point d'autre
Rival que lui-même. La Piéce finit par
un Divertissement , aussi éxécuté par les
petits Comédiens qui ont representé la
Piéce d'une maniere à se faire applaudir,
Voici quelques Couplets.
Crispin.
Je suis petit Comédien ,
A mon jeu vous le voyez bien
Mais près de l'aimable Lutine ,
Dont l'œil fripon , me porte au cœur
Tirelironfa , tourelontontine ,
deviendrois un grand Acteur,
Fulie.
L'Amour est un Comédien
Qui nous façonne en moins d'un rien ;
Envain notre cœur se mutine ,
Contre cet aimable Vainqueur ;
Tirelironfa , tourelontontine ;
L'Amour en fait un grand Acteur,
Eraste.
L'Amour , à mes tendres desirs ,
Prépare les plus doux plaisirs ;
A présent rien ne me chagrine ,
Charmé du don de votre cœur ,
Tire
SEPTEMBRE. 1732; 2033
Tirelironfa , tourelontontine ;
Je promets d'être un grandActeur.
Loüison au Public.
Messieurs , je connois à vos yeux ,
Que d'ici vous sortez joyeux ;
Faites-nous toujours bonne mine.
Ah ! quel plaisir pour un Auteur ,
Tirelironfa , tourelontontine ,
Quand il entend claquer l'Acteur.
Le 5. le même Opéra Comique donna
la premiere Représentation d'une petite
Piéce en un Acte , avec des Divertissemens , qui a pour titre les Vandanges de
Champagne , qui a été goûtée.
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Résumé : EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
Le 19 août, l'Opéra Comique a présenté des pièces composées par M. Carolet. Le prologue, intitulé 'Le Réveil de l'Opéra Comique', se déroule dans une guinguette où les acteurs, Colombine et l'Opéra Comique personnifié, se réveillent au son d'une symphonie extravagante. La première scène est une parodie du prologue d'Amadis de Gaule, avec des chants et des dialogues entre l'Opéra Comique et Colombine. Une tempête détruit la guinguette, et la Folie apparaît, chassant la Sagesse. Une jeune personne se plaint d'avoir perdu la Sagesse à la foire, et la Folie la console en la recevant comme actrice. Le prologue se termine par une danse de fous et de poètes, et un vaudeville. La pièce 'La Lanterne véridique' se déroule au Parnasse, où Apollon, surpris par la présence de Mercure, lui demande de confondre les faux savants. La Fortune et Diogène apparaissent, offrant leur aide à Apollon. Mercure trouve les faux savants dans des cafés parisiens et les confond grâce à la lanterne de Diogène. Parmi les faux savants, on trouve une jeune fille amoureuse, un plagiaire, un fat, une médisante, et un Suisse. Mercure donne la palme au Suisse pour son bon sens naturel. La pièce se termine par un divertissement et un vaudeville. Le prologue 'Le Parterre merveilleux' représente les jardins d'un sérail. Une esclave se plaint de l'absence de son amant français, qui apparaît ensuite. Le bostangy, après les avoir rassurés, offre à l'esclave de favoriser son évasion et fait apparaître six enfants qui représentent une pièce en vers intitulée 'Le Rival de lui-même'. Cette pièce raconte l'histoire d'Orgon, de sa fille Julie, et d'Eraste, dont le père feint d'être mort pour tester l'amour d'Eraste. Après des malentendus et des révélations, la pièce se termine par un divertissement exécuté par les petits comédiens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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728
p. 2033-2034
« Les Comédiens François ont remis au Théatre la Parisienne, petite Comédie de [...] »
Début :
Les Comédiens François ont remis au Théatre la Parisienne, petite Comédie de [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, La Parisienne, Dancourt, L'Indiscret, Voltaire, Montfleury
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François ont remis au Théatre la Parisienne, petite Comédie de [...] »
Les Comédiens François ont remis au
Théatre la Parisienne , petite Comédie de
feu M. Dancourt , que le Public revoit
avec plaisir. Nous en avons parlé au mois
d'Août 1725. p. 1869. tems auquel on
l'a repris.
Ils ont aussi remis l'Indiscret , Comédie
de M. de Voltaire , dont nous avons donné l'Extrait dans le second Volume du
Mercure de Septembre 1725. p. 2276.
Le Lundi 15 de ce mois , les mêmes
Comédiens donnerent la premicre ReGiij pré
2034 MERCURE DE FRANCE
présentation de la Fausse Inconstance
Comédie en trois Actes , et en Vers
dont nous parlerons plus au long.
Ils vont donner la Sœur Ridicule , Comédie en quatre Actes , de Montfleury.
Il y a plus de 25 ans que cette Piéce n'a
été representée , on la connoissoit sous le
titre du Comédien Poëte , en quatre Actes
et un Prologue. A la place de ce Prologue qu'on a retranché , on donnera un
nouveau Prologue en Vers , dont les principaux Personnages sont la Ressource et
le Caprice personnifiez.
Théatre la Parisienne , petite Comédie de
feu M. Dancourt , que le Public revoit
avec plaisir. Nous en avons parlé au mois
d'Août 1725. p. 1869. tems auquel on
l'a repris.
Ils ont aussi remis l'Indiscret , Comédie
de M. de Voltaire , dont nous avons donné l'Extrait dans le second Volume du
Mercure de Septembre 1725. p. 2276.
Le Lundi 15 de ce mois , les mêmes
Comédiens donnerent la premicre ReGiij pré
2034 MERCURE DE FRANCE
présentation de la Fausse Inconstance
Comédie en trois Actes , et en Vers
dont nous parlerons plus au long.
Ils vont donner la Sœur Ridicule , Comédie en quatre Actes , de Montfleury.
Il y a plus de 25 ans que cette Piéce n'a
été representée , on la connoissoit sous le
titre du Comédien Poëte , en quatre Actes
et un Prologue. A la place de ce Prologue qu'on a retranché , on donnera un
nouveau Prologue en Vers , dont les principaux Personnages sont la Ressource et
le Caprice personnifiez.
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Résumé : « Les Comédiens François ont remis au Théatre la Parisienne, petite Comédie de [...] »
Les Comédiens François ont repris 'La Parisienne' de Dancourt et 'L'Indiscret' de Voltaire au Théâtre la Parisienne. Ils ont présenté 'La Fausse Inconstance' le 15 du mois et prévoient 'La Sœur Ridicule' de Montfleury, avec un nouveau prologue en vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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729
p. 2034-2035
Scylla, Tragédie en musique, [titre d'après la table]
Début :
Le Jeudi 11 de ce mois, l'Académie Royale de Musique remit au Théâtre Scylla, [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Ballet, Scylla, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Scylla, Tragédie en musique, [titre d'après la table]
Le Jeudi 11 de ce mois > l'Académie
Royale de Musique remit au Théatre Scylla , Tragédie representée dans sa nouveauté au mois de Septembre 1701. et reprise en Octobre 1720. Le Poëme et la
Musique sont de M. Duché et de M.Theobalde.Nous en donnerons l'Extrait en parlant de l'xécution. Nous ajoûterons seulement ici que cet Opéra est très bien remis , bien habillé et bien décoré. Un
morceau sur tout , cssentiel à caracteriser
le lieu de la Scene , a été trouvé admirable ; c'est la représentation du Tombeau
de Tiresie , d'une Architecture rustique ,
simple , noble et vraie. Les gens du meilleur goût n'y désirent rien pour le colo- ris
SEPTEMBRE. 1732. 2035
ris , pour la juste distribution des lumieres
et des ombres , pour le relief des différentesparties , et pour l'effet du tout ensemble.
,
Le Balet est très- bien composé par le
sieur Blondi , et très - varié. Les airs de
Violons y sont harmonieux , dansans
d'une très- grande beauté , et caracterisez
au mieux principalement la fameuse
Passacaille du second Acte , qui est un
morceau au- dessus de tout ce que nous
avons vû en ce genre. La Musique en général est fort goûtée et mérite de l'être ,
le Poëme ne l'est pas tant.
Royale de Musique remit au Théatre Scylla , Tragédie representée dans sa nouveauté au mois de Septembre 1701. et reprise en Octobre 1720. Le Poëme et la
Musique sont de M. Duché et de M.Theobalde.Nous en donnerons l'Extrait en parlant de l'xécution. Nous ajoûterons seulement ici que cet Opéra est très bien remis , bien habillé et bien décoré. Un
morceau sur tout , cssentiel à caracteriser
le lieu de la Scene , a été trouvé admirable ; c'est la représentation du Tombeau
de Tiresie , d'une Architecture rustique ,
simple , noble et vraie. Les gens du meilleur goût n'y désirent rien pour le colo- ris
SEPTEMBRE. 1732. 2035
ris , pour la juste distribution des lumieres
et des ombres , pour le relief des différentesparties , et pour l'effet du tout ensemble.
,
Le Balet est très- bien composé par le
sieur Blondi , et très - varié. Les airs de
Violons y sont harmonieux , dansans
d'une très- grande beauté , et caracterisez
au mieux principalement la fameuse
Passacaille du second Acte , qui est un
morceau au- dessus de tout ce que nous
avons vû en ce genre. La Musique en général est fort goûtée et mérite de l'être ,
le Poëme ne l'est pas tant.
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Résumé : Scylla, Tragédie en musique, [titre d'après la table]
Le 11 octobre 1732, l'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Scylla' au Théâtre. Cette œuvre, initialement créée en septembre 1701 et reprise en octobre 1720, est le fruit du poème de M. Duché et de la musique de M. Théobalde. La production est saluée pour sa mise en scène, ses costumes et ses décors. Le Tombeau de Tirésias est particulièrement remarqué pour son architecture rustique, simple, noble et vraie. Les experts apprécient la distribution des couleurs, des lumières et des ombres, ainsi que le relief et l'effet global. Le ballet, composé par le sieur Blondi, est varié et les airs de violons sont harmonieux et dansants. La passacaille du second acte est particulièrement remarquable. La musique est globalement très appréciée, bien que le poème le soit moins.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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730
p. 2035
« On apprend d'Allemagne qu'on représenta à la Cour Impériale à Lintz, le 28. [...] »
Début :
On apprend d'Allemagne qu'on représenta à la Cour Impériale à Lintz, le 28. [...]
Mots clefs :
Asile de l'amour, Caldara, Allemagne, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On apprend d'Allemagne qu'on représenta à la Cour Impériale à Lintz, le 28. [...] »
On apprend d'Allemagne qu'on représenta à la Cour Impériale à Lintz , le 28. du mois dernier , à l'occasion de l'Anniversaire de la Naissance de l'Impératrice, un Opéra qui a pour titre l'Azile de l'Amour , de la composition du sieur Antoine Caldara , Sous- Maître de la Chapelle de Musique de l'Empereur.
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731
p. 2068-2069
« Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Début :
Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...]
Mots clefs :
Concert, Choeur, Violons, Prologue, Reine, Comédiens-Français, Comédiens-Italiens, Loterie de la Compagnie des Indes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le
Prologue et le premier Acte de Bellerophon ; il fut continué le 6 et le 11. Les principaux rôles
furent remplis par les Sieurs d'Angerville , Tribou , Chassé et du Bourg , et par les Diles Du- hamel , Courvasier et Robelin , lesquels furent très-bien éxécutéz.
Le 13. on chanta le Prologue et le premier
'Acte de Jephté.
Le 18. le second et le troisiéme Acte ; on répéta le Choeur du premier Acte que la Cour souhaita d'entendre encore une fois , et on finit cet
Opéra le 20. par le quatriéme et cinquième Acte ; le Rôle d'Apollon dans le Prologue fut chanté
par le sieur Dubourg , et ceux de Polymnie, Terpsicore , Venus et la Verité , par les Des Courvasier , Robelin , Mathieu et Lenner ; les principaux Rôles de la Piéce furent chantez par les
Ds Antier et le Maure , et par les Sieurs Chas◄
sé , le Begue , Ducros et Petillot. Ce Concert >
dont l'éxécution fut parfaite , fit beaucoup de
plaisir à la Reine et à toute la Cour , les Auteurs
du Poëme et de la Musique en reçûment des
complimens très-gracieux.
Le 25. jour de S. Louis , les 24 Violons de la Chambre exécuterent au dîné et au souper du
Roi plusieurs Piéces de Simphonies de la compo- sition de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roi.
Le 27. on concerta chez la Reiné le Prologue
le premier Acte des Fêtes Grecques et Romai nes&
SEPTEMBRE. 1732. 2069
TIES du même Auteur , qu'on continua le
trente par le second et le troisiéme Acte ; il y
eut le même jour au Souper du Roi une grande
Simphonie , composée de toute sorte d'Instru
mens.
Le 15. 17. et 22. Septembre , on chanta chez
la Reine le Prologue et les cinq Entrées de l'E
rope Galante dont l'éxécution fut parfaite ; les principaux Rôles furent chantés par les meilleurs
Sujets de la Musique du Roi..
Le 16 Septembre les Comédiens François représenterent à Fontainebleau la Tragédie d'Habis , qui fut suivie de la petite Comédie de l'Indiscret , de M. de Voltaire.
Le 18. Les Femmes Sçavantes.
Le 23. La Tragédie de Venceslas et l'Epreuve
Réciproque.
Le 25. Le Médisant.
Le 30. Rhadamiste et l'Amour Diable.
Le 13. les Comédiens Italiens représenterent
l'Embarras des Richesses et la petite Comédie de
l'Ecole des Meres. Le sicur Roland´, dont il a été
parlé , dansa à la fin de la premiere Piéce une
Entrée de Sabotier , et la D Roland , sa fille ,
dansa ensuite un Pas de Deux avec le sieur Lélio qui fit beaucoup de plaisir.
1°
Le 20. Le Jeu de l'Amour et du Hazard ,
fut suivi de la Comédie de la Silphide.
qui
Le 24. Démocrite prétendu Fon , et les Effets du
Dépit.
Le 25. Septembre la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des Actions fut tirée en la maniere accoutumée à
PHO
2070 MERCURE DE FRANCE
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées a été renduë publique,
aisant en tout le nombre de 319. Actions.
Prologue et le premier Acte de Bellerophon ; il fut continué le 6 et le 11. Les principaux rôles
furent remplis par les Sieurs d'Angerville , Tribou , Chassé et du Bourg , et par les Diles Du- hamel , Courvasier et Robelin , lesquels furent très-bien éxécutéz.
Le 13. on chanta le Prologue et le premier
'Acte de Jephté.
Le 18. le second et le troisiéme Acte ; on répéta le Choeur du premier Acte que la Cour souhaita d'entendre encore une fois , et on finit cet
Opéra le 20. par le quatriéme et cinquième Acte ; le Rôle d'Apollon dans le Prologue fut chanté
par le sieur Dubourg , et ceux de Polymnie, Terpsicore , Venus et la Verité , par les Des Courvasier , Robelin , Mathieu et Lenner ; les principaux Rôles de la Piéce furent chantez par les
Ds Antier et le Maure , et par les Sieurs Chas◄
sé , le Begue , Ducros et Petillot. Ce Concert >
dont l'éxécution fut parfaite , fit beaucoup de
plaisir à la Reine et à toute la Cour , les Auteurs
du Poëme et de la Musique en reçûment des
complimens très-gracieux.
Le 25. jour de S. Louis , les 24 Violons de la Chambre exécuterent au dîné et au souper du
Roi plusieurs Piéces de Simphonies de la compo- sition de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roi.
Le 27. on concerta chez la Reiné le Prologue
le premier Acte des Fêtes Grecques et Romai nes&
SEPTEMBRE. 1732. 2069
TIES du même Auteur , qu'on continua le
trente par le second et le troisiéme Acte ; il y
eut le même jour au Souper du Roi une grande
Simphonie , composée de toute sorte d'Instru
mens.
Le 15. 17. et 22. Septembre , on chanta chez
la Reine le Prologue et les cinq Entrées de l'E
rope Galante dont l'éxécution fut parfaite ; les principaux Rôles furent chantés par les meilleurs
Sujets de la Musique du Roi..
Le 16 Septembre les Comédiens François représenterent à Fontainebleau la Tragédie d'Habis , qui fut suivie de la petite Comédie de l'Indiscret , de M. de Voltaire.
Le 18. Les Femmes Sçavantes.
Le 23. La Tragédie de Venceslas et l'Epreuve
Réciproque.
Le 25. Le Médisant.
Le 30. Rhadamiste et l'Amour Diable.
Le 13. les Comédiens Italiens représenterent
l'Embarras des Richesses et la petite Comédie de
l'Ecole des Meres. Le sicur Roland´, dont il a été
parlé , dansa à la fin de la premiere Piéce une
Entrée de Sabotier , et la D Roland , sa fille ,
dansa ensuite un Pas de Deux avec le sieur Lélio qui fit beaucoup de plaisir.
1°
Le 20. Le Jeu de l'Amour et du Hazard ,
fut suivi de la Comédie de la Silphide.
qui
Le 24. Démocrite prétendu Fon , et les Effets du
Dépit.
Le 25. Septembre la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des Actions fut tirée en la maniere accoutumée à
PHO
2070 MERCURE DE FRANCE
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées a été renduë publique,
aisant en tout le nombre de 319. Actions.
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Résumé : « Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Du 4 au 20 août 1732, plusieurs représentations musicales se déroulèrent au Concert de la Reine. Le 4 août, le prologue et le premier acte de 'Bellerophon' furent interprétés par les sieurs d'Angerville, Tribou, Chassé, du Bourg, et les demoiselles Duhamel, Courvasier et Robelin. Les représentations continuèrent les 6 et 11 août. Le 13 août, le prologue et le premier acte de 'Jephté' furent chantés, suivis des deuxième, troisième, quatrième et cinquième actes les 18 et 20 août, avec des rôles interprétés par les sieurs Dubourg, Courvasier, Robelin, Mathieu, Lenner, Antier, le Maure, Chassé, le Bègue, Ducros et Petillot. L'exécution fut acclamée par la Reine et la Cour. Le 25 août, à la fête de Saint-Louis, les 24 Violons de la Chambre jouèrent des symphonies de M. de Blamont. Le 27 août, le prologue et le premier acte des 'Fêtes Grecques et Romaines' furent chantés chez la Reine. En septembre, plusieurs représentations eurent lieu. Du 15 au 22 septembre, le prologue et les cinq entrées de 'L'Europe Galante' furent chantés chez la Reine. Le 16 septembre, les Comédiens Français jouèrent 'Habis' et 'L'Indiscret' de Voltaire à Fontainebleau. Du 18 au 30 septembre, diverses pièces de théâtre furent représentées, incluant 'Les Femmes Savantes', 'Venceslas', 'Le Médisant', 'Rhadamiste' et 'L'Amour Diable'. Les Comédiens Italiens jouèrent 'L'Embarras des Richesses' et 'L'École des Mères', avec des danses du sieur Roland et de la demoiselle Roland. Le 25 septembre, la lotterie de la Compagnie des Indes fut tirée à l'Hôtel de la Compagnie, avec 319 actions remboursées.
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732
p. 2112-2117
LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Début :
Vois-tu, divine Melpomene, [...]
Mots clefs :
Prière, Louis le Grand, Dieu, Tragédie, Progrès, Scène, Siècle, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
LE PROGRE'S
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
DE LA TRAGEDIE,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś-tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs cœurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE. 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut-on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis-je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
Ala vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable,
Le
OCTOBRE. 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai-je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai-je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai-je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
SEigneur , écoutez nos prieres
Voulez-vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa va- leur ,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
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Résumé : LE PROGRÈS DE LA TRAGÉDIE, Sous le Régne de Louis le Grand. ODE.
Le poème célèbre le règne de Louis XIV et son influence sur le théâtre tragique. Il commence par une invocation à Melpomène, la muse de la tragédie, qui enchante et émeut les spectateurs. Le texte évoque ensuite les jours glorieux du règne de Louis XIV, où le roi, victorieux et sage, imposait ses lois et inspirait la terreur et l'admiration en Europe. Avant son règne, le théâtre français était marqué par des sujets frivoles, des personnages vulgaires et un manque d'art. Sous Louis XIV, le théâtre connaît une transformation profonde, devenant un reflet des passions humaines et des vertus héroïques. Les dramaturges comme Racine et Corneille trouvent leur inspiration dans les vertus du roi, qui brillent à travers leurs œuvres. Le théâtre devient alors une école de vertus, où des pièces comme 'Polyeucte', 'Esther', 'Athalie', 'Cinna' et 'Horace' instruisent et émouviennent les spectateurs. Le poème se conclut par une prière pour le roi, souhaitant sa longévité et sa sagesse pour le bien de la France et de l'empire.
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733
p. 2149-2154
LETTRE écrite à Madame Meheul, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Début :
Je vous envoye, Madame, le Livre que vous avez eu la bonté de me prêter [...]
Mots clefs :
Histoire d'Émilie, Ouvrage, Éloge, Auteurs, Princesse de Clèves
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à Madame Meheul, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
LETTRE écrite à Madame Meheul ,
Auteur de l'Histoire d'Emilie , ou des
Amours de Mlle de...
J
E vous envoye Madame , le Livre.
que vous avez eu la bonté de me prêter , je l'ai lû deux fois avec un plaisir et
une avidité qu'il seroit bien difficile d'ex
primer. Je n'ai guére vû d'Ouvrage en ce
genre , mieux écrit et plus interessant.
Le sujet en est parfaitement bien conçû
et bien conduit ; le dénoüement ( écüeil
ordinaire de la plupart des Auteurs ) est
très-heureusement amené ; le stile en est
bien varié , serré et rapide : les Caracteres
bién marquez et bien soutenus , on peut
dire même qu'il y a beaucoup d'expressions neuves ou heureusement hazardées ,
d'Antitheres et de Sentences fort justes.
>
L'action est simple , et entierement dégagée de ces ornemens monstrueux , de
ce merveilleux et de ces aventures extraordinaires qui ne trouvent aucune
créance dans l'esprit , et qui sont la ressource ordinaire d'un génie borné , comme l'a fort bien remarqué le plus grand
Auteur tragique que nous ayons eu. AmuCiij Scr
2150 MERCURE DE FRANCE
ser agréablement l'esprit , émouvoir , interesser et attendrir le cœur , par le tour
heureux des pensées et de l'expression ;
par la varieté et la beauté des Images , la noblesse et l'élévation des sentimens ; voilà le dernier effort de l'esprit humain
c'est aussi par-là que vous avez excellé.
Si tant de beautez ne sont que des coups
d'essais , que ne doit- on donc pas attendre de vous , Madame , dans la suite. Cette considération me conduiroit naturellement à faire ici l'éloge de votre Livre
mais plus la matiere est belle , et moins
je dois l'entreprendre , les loüanges que
mérite ce bel ouvrage sont trop au- dessus
de ma portée. Ainsi , je me bornerai seulement à m'acquitter de la promesse que
je vous ai faite , de vous rendre compte des jugemens divers que le Public
sur cet Ouvrage.
>
›
porte
Ne vous flattez pas, Madame,d'une appro
bation universelle , jamais aucun Auteur
n'a joui de cet avantage , Homere , Virgile , Corneille , Racine et Despreaux , ont
eu leurs Censeurs , vous avez aussi les vôtres. Je pense même qu'il est avantageux
qu'il y ait des Critiques. Boileau , cet
Horace Moderne , ce fameux satirique ,
qui a critiqué tant d'Auteurs , n'a pas
feint de dire qu'il étoit redevable à ses
enne
OCTOBRE. 1732. 2151
ennemis même , d'une partie de la répu
tation qu'il s'étoit acquise , en le relevanc
de quantité de fautes dont il ne s'appercevoit point. D'ailleurs , c'est un grand préjugé pour la réussite d'un Livre , que cet
acharnement que les Critiques font paroftre pour le décrier ; un Ouvrage médiocre n'excite guére la mauvaise humeur
d'un Censeur , il tombe de lui- même parce qu'aucun mérite ne le soûtient ; au contraire , un bon Ouvrage triomphe tôt ou
tard de la malignité de ses ennemis , réünit en sa faveur tous les suffrages , et fait
benir dans la Posterité la plus reculée la
mémoire et le nom de son Auteur.
Tel sera , Madame , le sort d'Emilie
son vrai mérite et ses rares beautez feront
taire la critique et l'envie ; sûre de l'estime publique , elle partagera avec justice
les applaudissemens que l'on ne se lasse
point de donner à Zaïde et à la Princesse
de Cléves. Votre nom , Madame , sera
porté par la Renommée au Temple de
Mémoire , et placé à côté de ceux de ces
Dames sçavantes qui ont illustré par leurs
doctes Ecrits la République des Lettres.
Mais que fais-je ? je tombe insensiblement
dans l'inconvenient que je voulois éviter ,
ceci ne sent- il pas un peu trop le Panegytique ? quelle témerité ! mais , Madame
Cij jc
2152 MERCURE DE FRANCE
je suis sincere , et de quelque façon que
je m'exprime , mon cœur n'écoute plus
rien , lorsqu'il s'agit de rendre justice au
vrai. J'espere , Madame , que vous me
pardonnerez mon écart en faveur de cette
consideration ; je reviens aux jugemens
que l'on fait de votre Livre , permettezmoi de commencer par vos Critiques.
Dès que l'on est informé que l'amour
d'Emilie pour M. de S. Hillaire n'est
qu'une feinte , l'esprit n'est plus occupé
>
ils
rien , il ne s'interesse plus à rien , ce
vuide est rempli par de longues conversations qui ennuyent extrêmement le Lecteur. Les Amours de votre Heroïne et du
Comte viennent trop subitement
sont toujours remplis d'allarmes et de
plaintes lorsque rien ne semble les traverser ; on vous accuse aussi d'avoir trop fait
mourir de personnes sans aucune utilité
pour votre sujet. A l'égard du pauvre
M. de S. Hillaire , chacun est surpris que
vous ayez si peu menagé sa réputation ;
on est , dit-on , scandalisé de le voir si
maltraité par Emilie après son Escapade ;
vous deviez lui donner des sentimens
plus humains dans sa situation présente
et faire connoître à vos Lecteurs , que si
Emilie ne payoit pas de sa main les importans services qu'elle avoue avoir reçû
de
OCTOBRE. 1732 2153
de M. de S. Hillaire , c'est qu'elle ne se
croyoit plus digne de lui . Enfin , on vous
reproche d'avoir rapporté les affreux exemples de Julie , de Faustine , et de Marie
de Valois , comme très - pernicieux pour
une jeunesse , à qui on doit toujours exposer des exemples de vertu plutôt que
ceux du libertinage.
Voilà , Madame , les principaux chefs
de critiques que l'on vous objecte ; au
reste , tout le monde en general vous
rend toute la justice qui vous est dûë , et
ces éloges à cet égard ne peuvent être ni
plus flateurs , ni plus complets.
Il ne me reste plus , Madame , qu'à
vous demander pardon d'avoir gardé votre Livre si long- tems ; deux ou trois
personnes ausquelles j'en avois fait un
rapport avantageux ont marqué tant
d'empressement pour le voir , queje n'ai
pas pû me dispenser de le leur prêter ; ma
déference n'est pas demeurée sans fruit
j'ai eu la satisfaction de me voir comblé
de remerciemens par ces mêmes personnes , pour leur avoir procuré la lecture
d'un Livre qui leur a fait , m'ont-ils dit ,
un plaisir infini. J'avoue que je finis ma
Lettre par où je la devois commencer ;
quelle transposition , ou plutôt quelle Cv faute
2154 MERCURE DE FRANCE
faute de jugement , oserois-je aprés cela
vous dire que je suis , &c.
C ***.
Auteur de l'Histoire d'Emilie , ou des
Amours de Mlle de...
J
E vous envoye Madame , le Livre.
que vous avez eu la bonté de me prêter , je l'ai lû deux fois avec un plaisir et
une avidité qu'il seroit bien difficile d'ex
primer. Je n'ai guére vû d'Ouvrage en ce
genre , mieux écrit et plus interessant.
Le sujet en est parfaitement bien conçû
et bien conduit ; le dénoüement ( écüeil
ordinaire de la plupart des Auteurs ) est
très-heureusement amené ; le stile en est
bien varié , serré et rapide : les Caracteres
bién marquez et bien soutenus , on peut
dire même qu'il y a beaucoup d'expressions neuves ou heureusement hazardées ,
d'Antitheres et de Sentences fort justes.
>
L'action est simple , et entierement dégagée de ces ornemens monstrueux , de
ce merveilleux et de ces aventures extraordinaires qui ne trouvent aucune
créance dans l'esprit , et qui sont la ressource ordinaire d'un génie borné , comme l'a fort bien remarqué le plus grand
Auteur tragique que nous ayons eu. AmuCiij Scr
2150 MERCURE DE FRANCE
ser agréablement l'esprit , émouvoir , interesser et attendrir le cœur , par le tour
heureux des pensées et de l'expression ;
par la varieté et la beauté des Images , la noblesse et l'élévation des sentimens ; voilà le dernier effort de l'esprit humain
c'est aussi par-là que vous avez excellé.
Si tant de beautez ne sont que des coups
d'essais , que ne doit- on donc pas attendre de vous , Madame , dans la suite. Cette considération me conduiroit naturellement à faire ici l'éloge de votre Livre
mais plus la matiere est belle , et moins
je dois l'entreprendre , les loüanges que
mérite ce bel ouvrage sont trop au- dessus
de ma portée. Ainsi , je me bornerai seulement à m'acquitter de la promesse que
je vous ai faite , de vous rendre compte des jugemens divers que le Public
sur cet Ouvrage.
>
›
porte
Ne vous flattez pas, Madame,d'une appro
bation universelle , jamais aucun Auteur
n'a joui de cet avantage , Homere , Virgile , Corneille , Racine et Despreaux , ont
eu leurs Censeurs , vous avez aussi les vôtres. Je pense même qu'il est avantageux
qu'il y ait des Critiques. Boileau , cet
Horace Moderne , ce fameux satirique ,
qui a critiqué tant d'Auteurs , n'a pas
feint de dire qu'il étoit redevable à ses
enne
OCTOBRE. 1732. 2151
ennemis même , d'une partie de la répu
tation qu'il s'étoit acquise , en le relevanc
de quantité de fautes dont il ne s'appercevoit point. D'ailleurs , c'est un grand préjugé pour la réussite d'un Livre , que cet
acharnement que les Critiques font paroftre pour le décrier ; un Ouvrage médiocre n'excite guére la mauvaise humeur
d'un Censeur , il tombe de lui- même parce qu'aucun mérite ne le soûtient ; au contraire , un bon Ouvrage triomphe tôt ou
tard de la malignité de ses ennemis , réünit en sa faveur tous les suffrages , et fait
benir dans la Posterité la plus reculée la
mémoire et le nom de son Auteur.
Tel sera , Madame , le sort d'Emilie
son vrai mérite et ses rares beautez feront
taire la critique et l'envie ; sûre de l'estime publique , elle partagera avec justice
les applaudissemens que l'on ne se lasse
point de donner à Zaïde et à la Princesse
de Cléves. Votre nom , Madame , sera
porté par la Renommée au Temple de
Mémoire , et placé à côté de ceux de ces
Dames sçavantes qui ont illustré par leurs
doctes Ecrits la République des Lettres.
Mais que fais-je ? je tombe insensiblement
dans l'inconvenient que je voulois éviter ,
ceci ne sent- il pas un peu trop le Panegytique ? quelle témerité ! mais , Madame
Cij jc
2152 MERCURE DE FRANCE
je suis sincere , et de quelque façon que
je m'exprime , mon cœur n'écoute plus
rien , lorsqu'il s'agit de rendre justice au
vrai. J'espere , Madame , que vous me
pardonnerez mon écart en faveur de cette
consideration ; je reviens aux jugemens
que l'on fait de votre Livre , permettezmoi de commencer par vos Critiques.
Dès que l'on est informé que l'amour
d'Emilie pour M. de S. Hillaire n'est
qu'une feinte , l'esprit n'est plus occupé
>
ils
rien , il ne s'interesse plus à rien , ce
vuide est rempli par de longues conversations qui ennuyent extrêmement le Lecteur. Les Amours de votre Heroïne et du
Comte viennent trop subitement
sont toujours remplis d'allarmes et de
plaintes lorsque rien ne semble les traverser ; on vous accuse aussi d'avoir trop fait
mourir de personnes sans aucune utilité
pour votre sujet. A l'égard du pauvre
M. de S. Hillaire , chacun est surpris que
vous ayez si peu menagé sa réputation ;
on est , dit-on , scandalisé de le voir si
maltraité par Emilie après son Escapade ;
vous deviez lui donner des sentimens
plus humains dans sa situation présente
et faire connoître à vos Lecteurs , que si
Emilie ne payoit pas de sa main les importans services qu'elle avoue avoir reçû
de
OCTOBRE. 1732 2153
de M. de S. Hillaire , c'est qu'elle ne se
croyoit plus digne de lui . Enfin , on vous
reproche d'avoir rapporté les affreux exemples de Julie , de Faustine , et de Marie
de Valois , comme très - pernicieux pour
une jeunesse , à qui on doit toujours exposer des exemples de vertu plutôt que
ceux du libertinage.
Voilà , Madame , les principaux chefs
de critiques que l'on vous objecte ; au
reste , tout le monde en general vous
rend toute la justice qui vous est dûë , et
ces éloges à cet égard ne peuvent être ni
plus flateurs , ni plus complets.
Il ne me reste plus , Madame , qu'à
vous demander pardon d'avoir gardé votre Livre si long- tems ; deux ou trois
personnes ausquelles j'en avois fait un
rapport avantageux ont marqué tant
d'empressement pour le voir , queje n'ai
pas pû me dispenser de le leur prêter ; ma
déference n'est pas demeurée sans fruit
j'ai eu la satisfaction de me voir comblé
de remerciemens par ces mêmes personnes , pour leur avoir procuré la lecture
d'un Livre qui leur a fait , m'ont-ils dit ,
un plaisir infini. J'avoue que je finis ma
Lettre par où je la devois commencer ;
quelle transposition , ou plutôt quelle Cv faute
2154 MERCURE DE FRANCE
faute de jugement , oserois-je aprés cela
vous dire que je suis , &c.
C ***.
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Résumé : LETTRE écrite à Madame Meheul, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
La lettre adressée à Madame Meheul, autrice de 'L'Histoire d'Émilie', exprime une grande admiration pour l'ouvrage. L'auteur de la lettre loue particulièrement la qualité de l'écriture, la gestion du sujet, le dénouement et la variété du style. Il apprécie la simplicité de l'action, qui évite les merveilles ou les aventures extraordinaires, ainsi que la profondeur des sentiments et des expressions. Bien que l'œuvre puisse susciter des critiques, l'auteur est convaincu que son mérite finira par triompher. Les critiques mentionnées reprochent notamment la feinte de l'amour d'Émilie, les conversations ennuyeuses, la mort inutile de certains personnages et le traitement de M. de S. Hillaire. Malgré ces points négatifs, l'ouvrage est globalement bien accueilli et loué par le public. L'auteur conclut en s'excusant d'avoir gardé le livre longtemps et en exprimant sa satisfaction des retours positifs des lecteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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734
p. 2206-2208
Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
Début :
DISCOURS qui ont été présentez à l'Académie des Belles-Lettres de Marseille, [...]
Mots clefs :
Discours, Académie des Belles-Lettres de Marseille, Prix, Médaille d'or, Poésie
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texteReconnaissance textuelle : Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
DISCOURS qui ont été présentez à l'Académie des Belles - Lettres de Marseille
pour le Prix de l'année 1732. Brochure in
12. de 63. pag. A Marseille , chezla veuve
Boy.
Un Avertissement , qui est à la tête de
ce Recueil , apprend que M. le Maréchal
Duc de Villars, Protecteur de l'Académie,
vient de fonder sur sa Principaúté de
Martigues en Provence, le Prix annuelde
300 liv.qu'il a bien voulu lui fournir tous
les ans, depuis son Institution, fondation
qui assure à la Ville de Marseille , et à
toute la Province , l'avantage de récompenser le mérite , et aux Muses une source immortelle d'émulation de gloire et de
couronnes.
On apprend aussi dans cette petite Préface que le Prix sera toujours une Médaille d'or de la valeur de 300 liv.mais au lieu
que cette Médaille portoit d'un côté les
Armes de M. le Maréchal , et sur le Revers , la Devise de l'Académie ; elle portera
OCTOBRE. 1732. 2207
tera désormais d'un côté le Buste , et sur
le Revers la Devise de M. de Villars . Le
jour de l'adjudication du Prix , qui étoit
cy-devant fixé au premier Mécredy après
Quasimodo , le sera à l'avenir pour toujours au 25 Aoust , jour de la Fête de S.
Louis ; ce qui ne commencera d'avoir lieu
que l'année prochaine 173 3. par les rai- sons énoncées.
Le Prix sera adjugé à une Piéce de Poësie de 100 Vers au plus,et de 80 au moins,
quisera une Ode , ou un Poëme à rimes
Plattes , dont le sujet sera ; l'Utilité des
Prix Académiques , à l'occasion de la fondation de celui de l'Academie des Belles
-Lettres de Marseille , par M. le Maré
chal de Villars , son Protecteur.
On addressera jusqu'au premier jour de
May inclusivément , les Ouvrages destinez au concours , à M. Chalamont de la
Visclede, Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie, rue de l'Evêché , en affranchissant
les Paquets.Les Auteurs ne mettront point
leurs noms , mais une Sentence de l'Ecriture, des Peres ou des Auteurs pròfanes , &c.
L'Auteur qui aura remporté le Prix ,
viendra le recevoir dans la Salle de l'Académie , le jour de la Séance publique, s'il
est à Marseille , sinon il enverra à une
per-
2208 MERCURE DE FRANCE
t
personne domiciliée , le Récepissé de M.
fe Secretaire , à qui les Auteurs auront
eu soin de donner leurs addresses , et
moïennant le Récepissé on delivrera le
Prix à cette personne.
Les Discours imprimez dans cette Brochure , sont au nombre de quatre, et roulent sur ces paroles de Seneque : Neminem
adversa Fortuna comminuit nisi quem secunda decepit.L'adversité n'abat que ceux que
la prosperité avoit aveuglés. Le premier
qui se presente est celui qui, au jugement
de l'Académie , a remporté le prix. Il est
du R. P. Raynaud , de l'Oratoire. Nous
n'entrerons là- dessus dans aucun détail ,
pour nepoint exceder nos bornes ordinaires.Nous ne dirons rien par la même raison
d'une Lettre anonyme , dattée d'Aix, le 3
Juillet 1732. imprimée à Marseille sans
nom d'Imprimeur , et sans aucune marque d'authorisation , intitulée : Réfléxions
critiques sur le Discours qui a remporté le
Prix de l'Académie des Belles Lettres de
Marseille , en l'année 1731. addressées à
M. de*** brochure in 12. de 42 pag.
pour le Prix de l'année 1732. Brochure in
12. de 63. pag. A Marseille , chezla veuve
Boy.
Un Avertissement , qui est à la tête de
ce Recueil , apprend que M. le Maréchal
Duc de Villars, Protecteur de l'Académie,
vient de fonder sur sa Principaúté de
Martigues en Provence, le Prix annuelde
300 liv.qu'il a bien voulu lui fournir tous
les ans, depuis son Institution, fondation
qui assure à la Ville de Marseille , et à
toute la Province , l'avantage de récompenser le mérite , et aux Muses une source immortelle d'émulation de gloire et de
couronnes.
On apprend aussi dans cette petite Préface que le Prix sera toujours une Médaille d'or de la valeur de 300 liv.mais au lieu
que cette Médaille portoit d'un côté les
Armes de M. le Maréchal , et sur le Revers , la Devise de l'Académie ; elle portera
OCTOBRE. 1732. 2207
tera désormais d'un côté le Buste , et sur
le Revers la Devise de M. de Villars . Le
jour de l'adjudication du Prix , qui étoit
cy-devant fixé au premier Mécredy après
Quasimodo , le sera à l'avenir pour toujours au 25 Aoust , jour de la Fête de S.
Louis ; ce qui ne commencera d'avoir lieu
que l'année prochaine 173 3. par les rai- sons énoncées.
Le Prix sera adjugé à une Piéce de Poësie de 100 Vers au plus,et de 80 au moins,
quisera une Ode , ou un Poëme à rimes
Plattes , dont le sujet sera ; l'Utilité des
Prix Académiques , à l'occasion de la fondation de celui de l'Academie des Belles
-Lettres de Marseille , par M. le Maré
chal de Villars , son Protecteur.
On addressera jusqu'au premier jour de
May inclusivément , les Ouvrages destinez au concours , à M. Chalamont de la
Visclede, Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie, rue de l'Evêché , en affranchissant
les Paquets.Les Auteurs ne mettront point
leurs noms , mais une Sentence de l'Ecriture, des Peres ou des Auteurs pròfanes , &c.
L'Auteur qui aura remporté le Prix ,
viendra le recevoir dans la Salle de l'Académie , le jour de la Séance publique, s'il
est à Marseille , sinon il enverra à une
per-
2208 MERCURE DE FRANCE
t
personne domiciliée , le Récepissé de M.
fe Secretaire , à qui les Auteurs auront
eu soin de donner leurs addresses , et
moïennant le Récepissé on delivrera le
Prix à cette personne.
Les Discours imprimez dans cette Brochure , sont au nombre de quatre, et roulent sur ces paroles de Seneque : Neminem
adversa Fortuna comminuit nisi quem secunda decepit.L'adversité n'abat que ceux que
la prosperité avoit aveuglés. Le premier
qui se presente est celui qui, au jugement
de l'Académie , a remporté le prix. Il est
du R. P. Raynaud , de l'Oratoire. Nous
n'entrerons là- dessus dans aucun détail ,
pour nepoint exceder nos bornes ordinaires.Nous ne dirons rien par la même raison
d'une Lettre anonyme , dattée d'Aix, le 3
Juillet 1732. imprimée à Marseille sans
nom d'Imprimeur , et sans aucune marque d'authorisation , intitulée : Réfléxions
critiques sur le Discours qui a remporté le
Prix de l'Académie des Belles Lettres de
Marseille , en l'année 1731. addressées à
M. de*** brochure in 12. de 42 pag.
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Résumé : Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
Le document décrit le Prix annuel de l'Académie des Belles-Lettres de Marseille pour l'année 1732. Fondé par le Maréchal Duc de Villars, ce prix, doté de 300 livres, récompense une œuvre poétique de 80 à 100 vers sur l'utilité des prix académiques. La récompense est une médaille d'or portant le buste et la devise de M. de Villars. La date de remise du prix est fixée au 25 août, jour de la fête de Saint-Louis, à partir de 1733. Les candidatures doivent être soumises au secrétaire perpétuel, M. Chalamont de la Visclede, avant le 1er mai, anonymement et accompagnées d'une citation. Le lauréat reçoit le prix lors d'une séance publique ou peut envoyer un représentant. La brochure inclut quatre discours sur une citation de Sénèque, le meilleur étant celui du R. P. Raynaud de l'Oratoire. Une lettre anonyme critique a également été publiée à Marseille sans autorisation.
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735
p. 2221-2224
La Mere Jalouse, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 19 Septembre, l'Opera Comique, donna la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
La Mère Jalouse, Mariage, Chants, Danses, Vaudeville, Opéra comique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Mere Jalouse, &c. [titre d'après la table]
Ldonna le premiere Représentation
E 19 Septembre , l'Opera Comique
d'une Piéce nouvelle en un Acte , qui a
pour titre la MereJalouse , dont voici le
sujet.
Pierot et Olivette expliquent d'abord le
Caractere de la MereJalouse , qui regarde
sa fille de travers à cause qu'elle est plus
jeune qu'elle , et qui a dessein de lui enlever Clitandre , son Amant. Araminte
mere d'Henriette paroît , et laisse voir à
Pierot et à Olivette son inclination pour
l'adorateur de sa fille ; Clitandre arrive et
parle à Araminte de son Mariage avec
Henriette , comme d'une cerémonie fort
prochaine la mere amoureuse soupire"
et enfin déclare sans façon son amour à
son Gendre futur , qui se retire fort chagrin et fort confus. Araminte confie ses
nouveaux tourmens à Olivette , qui ne
l'épargne pas , et lui remontre impitoyaFiij ble
222 MERCURE DE FRANCE
blement qu'Henriette convient mieux
qu'elle à Clitandre. Araminte sort , et
Henriette apprend, en arrivant, avec étonnement et avec douleur qu'elle a sa mere
pour Rivale. Clitandre survient ; ils tiennent conseil sur le péril que court leur
tendresse , et Henriette s'abandonne enticrement à la conduite de Clitandre , qui
ne sçait que résoudre ; il fait part de son
chagrin à un Financier de ses amis qui le
raille sur sa constance , et lui conseille le
célibat. Il chante sur l'air: Le plaisirpasse
la peine.
Reste garçon , mon cher Clitandre ,
L'Hymen n'est pas un Dieu bien tendre ;
La peine passe le plaisir.
Mais quand on méprise la chaîne
De ce Dieu qui fait tant souffrir ,
Le plaisir passe la peine.
Après les plaisanteries , le spirituel Fi
nancier propose à Clitandre de feindre
de l'amour pour Araminte , tandis que
lui demandera sa fille en mariage , et qu'il
arrangera cette intrigue avec le Notaire.
Cette idée se réalise dans le moment. Hen
riette qui n'est pas prévenuë en est accablée ; Araminte accorde sa fille au Financier, qui sort pour aller achever son projet.
OCTOBRE. 1732. 2223
jet. Clitandre reste seul troublé du cha
grin que sa feinte inconstance vient de
Causer à l'aimable Henriette. Olivette
l'avertit que sa Maîtresse est seule dans sa
chambre , et que sa mere est allée chez
le Notaire avec le Financier... l'Eveillé
Paysan du Château d'Araminte , qui est
venu pour la prier des Vendanges , apprend son Mariage avec Clitandre , et en
raisonne avec Olivette. Le Notaire dénoue l'intrigue en apportant le Contract,
où Araminte a signé comme mere d'Henriette qu'elle a marié à Clitandre , et le
Financier s'applaudit d'avoir imaginé cette ruse. Le Divertissement termine l'Acte
par des chants de Danses , et du Vaudeville dont voici les Couplets. Il est gravé
avec la Chanson.
Vieille,qui prend jeune Mari
Doit s'attendre au Charivari
Dans son ménage ;
Jeune,qui prend un v ieux barbon
N'a pas un meilleur carillon ,
C'est-là l'usage.
生
Femme,qui trompé son Mari ,
Ne fait jamais charivari
Dans son ménage :
Fiiij Fem
2224 MERCURE DE FRANCE
Femme, dont la vertu tient bon ,
A chaque instant fait carillon ;
C'est-là l'usage.
Un Traitant par tout est cheri ;
Il ne fait point charivari
Dans un ménage.
C'est le Perou d'une maison ,
11 paye faisant carillon ;
C'est-là l'usage.
M
L'Amant qui veut être Mari ,
Dit qu'il hait le charivari
Dans le ménage ;
Mais est- il époux tout de bon
Pour un rien il fait carillon
C'est- là l'usage.
Epoux , l'aspect d'un Favori ,
Cause toujours charivari
Dans un ménage.
Femmes, suivez cette leçon ;
A bas bruit faites carillon ;
C'est- là l'usage
E 19 Septembre , l'Opera Comique
d'une Piéce nouvelle en un Acte , qui a
pour titre la MereJalouse , dont voici le
sujet.
Pierot et Olivette expliquent d'abord le
Caractere de la MereJalouse , qui regarde
sa fille de travers à cause qu'elle est plus
jeune qu'elle , et qui a dessein de lui enlever Clitandre , son Amant. Araminte
mere d'Henriette paroît , et laisse voir à
Pierot et à Olivette son inclination pour
l'adorateur de sa fille ; Clitandre arrive et
parle à Araminte de son Mariage avec
Henriette , comme d'une cerémonie fort
prochaine la mere amoureuse soupire"
et enfin déclare sans façon son amour à
son Gendre futur , qui se retire fort chagrin et fort confus. Araminte confie ses
nouveaux tourmens à Olivette , qui ne
l'épargne pas , et lui remontre impitoyaFiij ble
222 MERCURE DE FRANCE
blement qu'Henriette convient mieux
qu'elle à Clitandre. Araminte sort , et
Henriette apprend, en arrivant, avec étonnement et avec douleur qu'elle a sa mere
pour Rivale. Clitandre survient ; ils tiennent conseil sur le péril que court leur
tendresse , et Henriette s'abandonne enticrement à la conduite de Clitandre , qui
ne sçait que résoudre ; il fait part de son
chagrin à un Financier de ses amis qui le
raille sur sa constance , et lui conseille le
célibat. Il chante sur l'air: Le plaisirpasse
la peine.
Reste garçon , mon cher Clitandre ,
L'Hymen n'est pas un Dieu bien tendre ;
La peine passe le plaisir.
Mais quand on méprise la chaîne
De ce Dieu qui fait tant souffrir ,
Le plaisir passe la peine.
Après les plaisanteries , le spirituel Fi
nancier propose à Clitandre de feindre
de l'amour pour Araminte , tandis que
lui demandera sa fille en mariage , et qu'il
arrangera cette intrigue avec le Notaire.
Cette idée se réalise dans le moment. Hen
riette qui n'est pas prévenuë en est accablée ; Araminte accorde sa fille au Financier, qui sort pour aller achever son projet.
OCTOBRE. 1732. 2223
jet. Clitandre reste seul troublé du cha
grin que sa feinte inconstance vient de
Causer à l'aimable Henriette. Olivette
l'avertit que sa Maîtresse est seule dans sa
chambre , et que sa mere est allée chez
le Notaire avec le Financier... l'Eveillé
Paysan du Château d'Araminte , qui est
venu pour la prier des Vendanges , apprend son Mariage avec Clitandre , et en
raisonne avec Olivette. Le Notaire dénoue l'intrigue en apportant le Contract,
où Araminte a signé comme mere d'Henriette qu'elle a marié à Clitandre , et le
Financier s'applaudit d'avoir imaginé cette ruse. Le Divertissement termine l'Acte
par des chants de Danses , et du Vaudeville dont voici les Couplets. Il est gravé
avec la Chanson.
Vieille,qui prend jeune Mari
Doit s'attendre au Charivari
Dans son ménage ;
Jeune,qui prend un v ieux barbon
N'a pas un meilleur carillon ,
C'est-là l'usage.
生
Femme,qui trompé son Mari ,
Ne fait jamais charivari
Dans son ménage :
Fiiij Fem
2224 MERCURE DE FRANCE
Femme, dont la vertu tient bon ,
A chaque instant fait carillon ;
C'est-là l'usage.
Un Traitant par tout est cheri ;
Il ne fait point charivari
Dans un ménage.
C'est le Perou d'une maison ,
11 paye faisant carillon ;
C'est-là l'usage.
M
L'Amant qui veut être Mari ,
Dit qu'il hait le charivari
Dans le ménage ;
Mais est- il époux tout de bon
Pour un rien il fait carillon
C'est- là l'usage.
Epoux , l'aspect d'un Favori ,
Cause toujours charivari
Dans un ménage.
Femmes, suivez cette leçon ;
A bas bruit faites carillon ;
C'est- là l'usage
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Résumé : La Mere Jalouse, &c. [titre d'après la table]
Le 19 septembre, l'Opéra Comique a présenté 'La Mère Jalouse', une pièce en un acte. L'intrigue tourne autour d'Araminte, la mère jalouse d'Henriette, qui convoite Clitandre, le fiancé de sa fille. Pierrot et Olivette révèlent le caractère possessif d'Araminte. Clitandre, en discutant avec Araminte de son mariage imminent avec Henriette, découvre les sentiments amoureux d'Araminte à son égard. Confuse et chagrinée, Araminte confie ses tourments à Olivette, qui lui rappelle que Henriette convient mieux à Clitandre. Henriette apprend avec douleur qu'Araminte est sa rivale. Clitandre, désemparé, consulte un financier qui lui suggère de feindre l'amour pour Araminte tout en arrangeant le mariage d'Henriette avec lui-même. Henriette est accablée par cette feinte, mais le financier obtient l'accord d'Araminte. Le notaire dénoue l'intrigue en révélant que le contrat de mariage unit Henriette et Clitandre. La pièce se termine par des chants et des danses, accompagnés d'un vaudeville commentant les usages matrimoniaux.
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736
p. 2224-2231
Le Cheveu. Parodie de Scylla. [titre d'après la table]
Début :
Le 25 Septembre le même Opera Comique donna la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Scylla, Parodie, Cheveu, Représentation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Cheveu. Parodie de Scylla. [titre d'après la table]
Le 25 Septembre le même Opera Comique
OCTOBRE. 1732. 2225
mique donna la premiere Représentation
du Cheveu , Parodie de Scylla , éxecutée
par les petits Comédiens. La Scene ouvre
par Doris, qui dit à Scylla :Il y a une heure
que je vous cherche , qui diantre auroit cri
vous trouver ici dans le beau milieu de la
campagne , et près du camp des ennemis ?
est-ce là une promenade pour une Princesse
assiegée ? Doris lui apprend que la paix
va se conclure entre le Roi Nisus , Pere
de la Princesse ambulante , et Minos , et
même que son Mariage pourra s'achever
avec Dardanus , à qui elle est promise
cette nouvelle réjouit peu Scylla , qui
avoüe franchement à sa Confidente qu'elle est charmée du Roi de Crete , et de la
grace qu'il avoit en tuant les Sujets de
son Pere. Dardanus arrive et confirme la
nouvelle de la paix et de son Mariage.
Scylla le reçoit assez froidement , et lui
dit à propos de rien , sur l'air : Cela m'est
bien dur.
Mon Pere , du Dieu de la Guerre ,
Est le fils le mieux partagé ;
Il n'est aucun Roi sur la terre
Qui soit si bien avantagé ;
Un seul Cheveu -le rend invulnerable ,
Quel poil admirable !
Fv Ni
2226 MERCURE DE FRANCE
Nisus peut se battre à coup
Il a le cuir dur.
sûr;
Ovide , par parentese , nous apprend
que le Cheveu qui établissoit l'invulnerabilité de Nisus étoit couleur de pourpre ;
Scylla , après quelques mauvaises défaites
se retire en voyant Capis et Dardanus
qui ne s'apperçoit pas que c'est lui seul
qu'elle fuit ; il la suit pourtant impitoya
blement. Capis apprend à sa Confidente
Ismene , qu'elle est jalouse de Scylla , et
amoureuse de Dardanus ; Il n'est rien , lui
répond Ismene , que je nefasse pour votre
service , et chante sur l'air : Tourelontonton.
Dans votre Cour où j'ai reçû la vie ,
On m'a donné bonne éducation ,
Partant je sçai joliment la Magie ,
Et de l'Enfer j'ai la protection ,
Et tourelontonton ,
De notre diablerie
Je vous ferai voir un échantillon.
Capis qui doit être accoûtumée aux
Fêtes infernales ( puisqu'elle a une Sorciere pour Femme de chambre ) refuse la
galanterie d'Ismene , et reste pour être
témoin de la succinte cérémonie qui se fait
OCTOBRE 1732. 2227
fait en plein vent pour jurer la paix que
Nisus , Minos et Dardanus se promettent, le verre à la main. Leur serment est
interrompu par le Tonnere , et qui pis
est par la pluye. Les Princes mouillés
prennentle parti d'aller consulter l'Oracle
de Pallas sur cette subite ondée. Scylla
revient dans cette campagne cherie , où
Minos la trouve et lui reproche son indévotion.
Princesse , quel sujet dans ce lieu vous arrête ?
Le peuple court en foule au Temple de Pallas.
و
,
1
Ensuite il lui parle en jaloux de Dardanus. Scylla qui est sincere outre mesure , ne le laisse pas long- tems dans
l'erreur et l'instruit charitablement de
P'amour qu'elle ressent pour lui , et enfin lui promet d'obtenir de son pere Ni- sus qu'il differe son Mariage. Minos
content d'un si heureux début , quitte
Scylla qui est abordée par Capis ; Scylla
laisse deviner à Capis qu'elle n'aime pas
trop Dardanus , et se sépare d'elle séchement. Capis conjure sa Sorciere domestique de se servir de sa noire science pour
sçavoir positivement le destin de sa tendresse , qui à l'Opéra est pompeusement
et inutilement éclaircie par une évocation
F vj pos-
2228 MERCURE DE FRANCE
و
postiche. Ismene foraine se refuse à
cette ridicule opération en s'écriant
quelle imagination ! A-t-on jamais chargé
le Diable d'une déclaration d'amour ? et
chante sur l'air : J'enjurerois presque sur sa
laideur.
Je n'aurai pas la sotte fantaisie
De remuer tout l'Enfer pour un rien
Et d'évoquer l'ombre de Tirésie
Pour dire un mot que je dirai fort bien .
Elle tient sur le champ sa parole , et
déclare intelligiblement à Dardanus la
passion de Capis , qui est reçûë , Dieu
sçait ce qui fait dire à la Reine rebutée , sur l'air du nouveau monde...
J'admire l'opération
De notre déclaration !
Dardanus assez peu s'y prête s
Il la reçoit tout aussi mal ,
Que si par un charme infernal ;
Un mort obligeant l'avoit faite.
Minos et Scylla reviennent faire une
Scene très- singuliere , puisque la Tréve
est rompuë ; Minos se trouve dans une
Ville ennemie , et y fait l'amour en veritable Chevalier errant ; quelle étourderie
pour
OCTOBRE. 1732 2229
pourMinos , qui devoit être après sa mort
un flegmatique Juge des Enfers ! il part
désesperé , et la Princesse , allarmée du
péril qu'il va courir en se battant contre
l'invulnerable Nisus , éxamine quel reméde elle apportera dans cette dangereuse conjoncture; elle se détermine enfin contre son Pere en fille qui n'a
jugés. Allons , dit-elle ,
pas de préPuisqu'un cheveu rend Nisus invincible ,
Qu'il soit rasé : mettons tous ses cheveux i
bas...
Mais quel conte ! non sible ,
non, cela
n'est pas pos
Un cheveu braveroit cent et cent coutelas .
Sur l'air : Pour voir comment ça fera.
".
O Dieux ! sont- ce là de vos soins ;
Comment voulés- vous qu'on les nomme ?
Quoi d'un Poil de plus ou de moins
Dépendroit la valeur d'un homme
Il faut couper ce cheveu là
Pour voir un peu comment ça fera.
Cette louable résolution est d'abord ac
complie , après pourtant que la paix et la
discorde ont fourni des épisodes em
brouillés et mal cousus ; la Princesse ,
après.
2230 MERCURE DE FRANCE
après avoir tondu son pere , sent l'énormité de son crime , qui lui est détaillé par
Doris dans un seul Couplet qui contient
une liste de morts à l'instar de l'Opera ;
Scylla s'empoisonne , et Minos vient à
propos pour la voir mourir. Le poison
n'empêche pas l'agonisante d'avoir une
assez longue conversation avec le prudent Minos ; ah ! lui dit- elle :
L'arsenic dans le corps , pâle foible mou
rante ›
>
Je veux jaser autant que la Scylla chantante.
Viens , soutiens -moi , Doris , car ce petit vi- lain ,
>
Songe-t'il seulement à me donner la main ?
C'est ainsi qu'un Heros trépasse sur la Scene
Qu'il gobe du poison , qu'il perce sa bedaine ,
On le laisse languir et crever comme un chien ,
Ou sans Orvietan , ou sans Chirurgien ;
Et le Vainqueur orné des Palmes les plus belles ,
Ne voit à son trépas qu'un moucheur de chan- delles.
Minos.
C'est la régle au Théatre , on a beau se blesser ,
Personne ne s'occupe à vous faire panser...
Mais vous agonisés , je crois , et je l'endure
Sans
OCTOBRE. 1732. 2238
Sans risquer , par honneur , la moindre égrati→
gnure.
C'est mon Rôle ceci.
Scylla.
Dites du moins un mor.
Minos.
J'imite l'Opera, je m'en vais comme un sot.
En chantant , ô grands Dieux, trop soigneux de
ma gloire ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu que coûte ma victoire.
Scylla.
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui fait mourir.
Scylla ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui lie un Opera
OCTOBRE. 1732. 2225
mique donna la premiere Représentation
du Cheveu , Parodie de Scylla , éxecutée
par les petits Comédiens. La Scene ouvre
par Doris, qui dit à Scylla :Il y a une heure
que je vous cherche , qui diantre auroit cri
vous trouver ici dans le beau milieu de la
campagne , et près du camp des ennemis ?
est-ce là une promenade pour une Princesse
assiegée ? Doris lui apprend que la paix
va se conclure entre le Roi Nisus , Pere
de la Princesse ambulante , et Minos , et
même que son Mariage pourra s'achever
avec Dardanus , à qui elle est promise
cette nouvelle réjouit peu Scylla , qui
avoüe franchement à sa Confidente qu'elle est charmée du Roi de Crete , et de la
grace qu'il avoit en tuant les Sujets de
son Pere. Dardanus arrive et confirme la
nouvelle de la paix et de son Mariage.
Scylla le reçoit assez froidement , et lui
dit à propos de rien , sur l'air : Cela m'est
bien dur.
Mon Pere , du Dieu de la Guerre ,
Est le fils le mieux partagé ;
Il n'est aucun Roi sur la terre
Qui soit si bien avantagé ;
Un seul Cheveu -le rend invulnerable ,
Quel poil admirable !
Fv Ni
2226 MERCURE DE FRANCE
Nisus peut se battre à coup
Il a le cuir dur.
sûr;
Ovide , par parentese , nous apprend
que le Cheveu qui établissoit l'invulnerabilité de Nisus étoit couleur de pourpre ;
Scylla , après quelques mauvaises défaites
se retire en voyant Capis et Dardanus
qui ne s'apperçoit pas que c'est lui seul
qu'elle fuit ; il la suit pourtant impitoya
blement. Capis apprend à sa Confidente
Ismene , qu'elle est jalouse de Scylla , et
amoureuse de Dardanus ; Il n'est rien , lui
répond Ismene , que je nefasse pour votre
service , et chante sur l'air : Tourelontonton.
Dans votre Cour où j'ai reçû la vie ,
On m'a donné bonne éducation ,
Partant je sçai joliment la Magie ,
Et de l'Enfer j'ai la protection ,
Et tourelontonton ,
De notre diablerie
Je vous ferai voir un échantillon.
Capis qui doit être accoûtumée aux
Fêtes infernales ( puisqu'elle a une Sorciere pour Femme de chambre ) refuse la
galanterie d'Ismene , et reste pour être
témoin de la succinte cérémonie qui se fait
OCTOBRE 1732. 2227
fait en plein vent pour jurer la paix que
Nisus , Minos et Dardanus se promettent, le verre à la main. Leur serment est
interrompu par le Tonnere , et qui pis
est par la pluye. Les Princes mouillés
prennentle parti d'aller consulter l'Oracle
de Pallas sur cette subite ondée. Scylla
revient dans cette campagne cherie , où
Minos la trouve et lui reproche son indévotion.
Princesse , quel sujet dans ce lieu vous arrête ?
Le peuple court en foule au Temple de Pallas.
و
,
1
Ensuite il lui parle en jaloux de Dardanus. Scylla qui est sincere outre mesure , ne le laisse pas long- tems dans
l'erreur et l'instruit charitablement de
P'amour qu'elle ressent pour lui , et enfin lui promet d'obtenir de son pere Ni- sus qu'il differe son Mariage. Minos
content d'un si heureux début , quitte
Scylla qui est abordée par Capis ; Scylla
laisse deviner à Capis qu'elle n'aime pas
trop Dardanus , et se sépare d'elle séchement. Capis conjure sa Sorciere domestique de se servir de sa noire science pour
sçavoir positivement le destin de sa tendresse , qui à l'Opéra est pompeusement
et inutilement éclaircie par une évocation
F vj pos-
2228 MERCURE DE FRANCE
و
postiche. Ismene foraine se refuse à
cette ridicule opération en s'écriant
quelle imagination ! A-t-on jamais chargé
le Diable d'une déclaration d'amour ? et
chante sur l'air : J'enjurerois presque sur sa
laideur.
Je n'aurai pas la sotte fantaisie
De remuer tout l'Enfer pour un rien
Et d'évoquer l'ombre de Tirésie
Pour dire un mot que je dirai fort bien .
Elle tient sur le champ sa parole , et
déclare intelligiblement à Dardanus la
passion de Capis , qui est reçûë , Dieu
sçait ce qui fait dire à la Reine rebutée , sur l'air du nouveau monde...
J'admire l'opération
De notre déclaration !
Dardanus assez peu s'y prête s
Il la reçoit tout aussi mal ,
Que si par un charme infernal ;
Un mort obligeant l'avoit faite.
Minos et Scylla reviennent faire une
Scene très- singuliere , puisque la Tréve
est rompuë ; Minos se trouve dans une
Ville ennemie , et y fait l'amour en veritable Chevalier errant ; quelle étourderie
pour
OCTOBRE. 1732 2229
pourMinos , qui devoit être après sa mort
un flegmatique Juge des Enfers ! il part
désesperé , et la Princesse , allarmée du
péril qu'il va courir en se battant contre
l'invulnerable Nisus , éxamine quel reméde elle apportera dans cette dangereuse conjoncture; elle se détermine enfin contre son Pere en fille qui n'a
jugés. Allons , dit-elle ,
pas de préPuisqu'un cheveu rend Nisus invincible ,
Qu'il soit rasé : mettons tous ses cheveux i
bas...
Mais quel conte ! non sible ,
non, cela
n'est pas pos
Un cheveu braveroit cent et cent coutelas .
Sur l'air : Pour voir comment ça fera.
".
O Dieux ! sont- ce là de vos soins ;
Comment voulés- vous qu'on les nomme ?
Quoi d'un Poil de plus ou de moins
Dépendroit la valeur d'un homme
Il faut couper ce cheveu là
Pour voir un peu comment ça fera.
Cette louable résolution est d'abord ac
complie , après pourtant que la paix et la
discorde ont fourni des épisodes em
brouillés et mal cousus ; la Princesse ,
après.
2230 MERCURE DE FRANCE
après avoir tondu son pere , sent l'énormité de son crime , qui lui est détaillé par
Doris dans un seul Couplet qui contient
une liste de morts à l'instar de l'Opera ;
Scylla s'empoisonne , et Minos vient à
propos pour la voir mourir. Le poison
n'empêche pas l'agonisante d'avoir une
assez longue conversation avec le prudent Minos ; ah ! lui dit- elle :
L'arsenic dans le corps , pâle foible mou
rante ›
>
Je veux jaser autant que la Scylla chantante.
Viens , soutiens -moi , Doris , car ce petit vi- lain ,
>
Songe-t'il seulement à me donner la main ?
C'est ainsi qu'un Heros trépasse sur la Scene
Qu'il gobe du poison , qu'il perce sa bedaine ,
On le laisse languir et crever comme un chien ,
Ou sans Orvietan , ou sans Chirurgien ;
Et le Vainqueur orné des Palmes les plus belles ,
Ne voit à son trépas qu'un moucheur de chan- delles.
Minos.
C'est la régle au Théatre , on a beau se blesser ,
Personne ne s'occupe à vous faire panser...
Mais vous agonisés , je crois , et je l'endure
Sans
OCTOBRE. 1732. 2238
Sans risquer , par honneur , la moindre égrati→
gnure.
C'est mon Rôle ceci.
Scylla.
Dites du moins un mor.
Minos.
J'imite l'Opera, je m'en vais comme un sot.
En chantant , ô grands Dieux, trop soigneux de
ma gloire ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu que coûte ma victoire.
Scylla.
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui fait mourir.
Scylla ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui lie un Opera
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Résumé : Le Cheveu. Parodie de Scylla. [titre d'après la table]
Le 25 septembre 1732, l'Opéra Comique présente 'Le Cheveu', une parodie de 'Scylla'. La pièce commence avec Doris cherchant Scylla près du camp ennemi. Doris annonce à Scylla que la paix sera conclue entre le roi Nisus, père de Scylla, et Minos, permettant ainsi le mariage de Scylla avec Dardanus. Scylla avoue à Doris son attirance pour Minos et admire sa grâce. Dardanus arrive et confirme la nouvelle de la paix et du mariage, mais Scylla le reçoit froidement. Scylla exprime son admiration pour le cheveu invulnérable de Nisus, qui le rend invincible. Après quelques défaites, Scylla fuit en voyant Capis et Dardanus. Capis révèle à Ismene, sa confidente jalouse de Scylla et amoureuse de Dardanus, qu'elle est prête à tout pour lui. Ismene propose ses services magiques, mais Capis refuse et assiste à la cérémonie de paix entre Nisus, Minos et Dardanus. Leur serment est interrompu par un orage, les poussant à consulter l'oracle de Pallas. Scylla rencontre Minos, qui lui reproche son indévotion et sa jalousie envers Dardanus. Scylla avoue son amour pour Minos et promet de différer son mariage avec Dardanus. Minos, content, quitte Scylla, qui est ensuite abordée par Capis. Capis, jalouse, conjure sa sorcière domestique pour connaître le destin de sa tendresse. Ismene refuse d'évoquer les morts pour une déclaration d'amour et révèle la passion de Capis à Dardanus, qui la reçoit mal. Minos et Scylla reviennent alors que la trêve est rompue. Minos, désespéré, part se battre contre Nisus. Scylla décide de raser le cheveu invulnérable de son père pour sauver Minos. Après avoir accompli cet acte, Scylla se sent coupable et s'empoisonne. Minos la trouve agonisante et ils ont une longue conversation avant sa mort. Scylla critique la règle du théâtre où les héros meurent sans soins, et Minos part en chantant, soulignant l'absurdité de sa victoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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737
p. 2231-2237
L'Allure. Compliment. [titre d'après la table]
Début :
Le 27. on donna sur le même Théatre la premiere Représentation de l'Allure. [...]
Mots clefs :
L'Allure, Représentation, Mode, Goût, Théâtre, Ballet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Allure. Compliment. [titre d'après la table]
Le 27. on donna sur le même Theatre.
la premiete Représentation de l'Allure.
La fortune de ce mot l'a presque suivie
sur le Théatre , et l'Allure personifiée
a fort réussi.
La Scene ouvre par la Mode et le Goût,
qui paroît triste ; la Mode lui demande
le sujet de son chagrin... Il lui cite le
dernier affront qu'il a reçû à Paris sous le
nom d'Ergone dans le Ballet des Sens , et
chante :
Helas
2232 MERCURE DE FRANCE
Helas en plein Parterre ,
Le Goût s'est vû , ma chere ,
Siffler à l'Opera.
Ecoutez , lui dit la Mode , vous ne serés
plus guére suivi. Le Caprice fait mieux ses
affaires que vous ; il a une fille bâtarde nouvellement établie ici qui vous coupe l'herbe
sous le pied , elle s'appelle l' Allure.
Le Goût se récrie sur ce nom pitoyable
et sur l'imbecilité enfantine du Public ,
qui s'amuse souvent , sans sçavoir pourquoi,d'un rien , qui n'est pas même ingé- nieux. La mode insiste sur les miracles de
l'Allure.
Par tout l'Allure est nécessaire :
Une Vieille veut- elle plaire ?
L'Allure vient à son secours ;
Tel que pour sincere on renomme ,
Sans l'Allure seroit toujours
Connu pour un malhonnête homme.
Le goût piqué , prend congé de Paris ;
dont il n'est pas content , et n'a pas tort.
L'Allure paroît , qui est extrêmement
complimentée par la Mode. Elle reste
seule sur le Théatre ; un Campagnard
l'aborde , et la prie de façonner ses deux
filles qu'il lui présente : l'Allure les interroge , et les trouvent dignes de son atten
OCTOBRE. 1732: 2235
tention et de figurer dans la bonne Ville
de Paris ; voici , dit- elle
manque. Air de Joconde.
Un peu moins d'ingénuité
Et des façons plus fieres ,
Une fine naïveté
Sur les tendres matieres ;
C'est le manége qu'à Paris ,
Un chacun nomme Allure ,
Et qui procure à tant d'Iris
Le bien et la parure.
tout ce qui leur
Au Campagnard succede un Auteur
qui vient demander à l'Allure le don de
plaire à l'Opera Comique.
L'Auteur est suivi d'une Plaideuse Normande , qui implore à son tour la protection de l'Allure , pour engager ses Juges
dans ses interêts. Après la Plaideuse paroît une jeune et jolie Procureuse , mariée à un vieux jaloux ; elle expose son
sort dans le Couplet suivant sur l'air
De la Syrene du Ballet des Sens.
D'un époux je subis les loix ,
Si l'Amour en eût fait le choix ,
Cet époux auroit l'art de plaire. . .
Je maudis monsort mille fois ;
Si l'Himen a tant de rigueurs ,
.
Pour-
2234 MERCURE DE FRANCE
Pourquoi donc force- t'on nos cœurs
A donner à ce Dieu sévere
La plus belle des fleurs ?
Les beaux jours sont pour les Amans,
Les Epoux n'ont que des tourmens ,
Des malheurs toujours renaissans ,
Et des maux plus ou moins rebutans.
D'un époux je subis , &c...
Les maris sont toujours jaloux ;
Avec eux il n'est point de charmes ;
Ils font sentir leur couroux ;
Dieu d'Himen , te rend- on les armes ♪
On est tourmenté ,
Plus d'amour , adieu la liberté .
D'un époux , je subis , &c.
Une Comédienne de Campagne qui
veut débuter à Paris , se présente ensuite
et dit:
'Ah ! j'ai brillé dans plus d'un Rôle ,
Mais Paris veut de grands talens.
L'Allure.
Oui , c'est une excellente Ecole
Pour se former en peu de tems.
Vous réussirés , je vous jure ;
Du Théatre voici l'Allure :
་
Suivés
OCTOBRE. 1732. 2235
Suivés bien ce principe-là ,
Résistés... jusqu'à ce point-là.
Ces derniers mots se chantent en faisant le lazzi de compter de l'argent. La
Comédienne céde la place à un Paysan
qui
demande
à
l'Allure
d'ôter
à sa
petite
femme
ce
que
les
autres
vont
chercher
à
son
Audience
. Un
Fiacre
yvre
le chasse
et
conte
ses
proüesses
de
Cocher
à la
Déesse
nouvelle
.
Un Maître de Ballet des bords de la
Garone couronne l'œuvre par ses gasconades , voici comme il commence , air :
Quand Iris pron plaisir à boire.
A mes talens , aimable Allure ,
Répondés , je vous en conjure ,
Je suis le Heros de mon Art ;
Mes pas divins me font assés connoître
Ceux que je fais même au hazard ,
Sont des pas où l'Amour a part ,
De tous les cœurs je suis le maître.
Il donne à l'Allure un Ballet de sa composition , qui est terminé
ville suivant.
par le VaudeAujourd'hui pour faire figure,
On se passe fort bien d'esprit ;
Qu'un faquin porte la dorure
2236 MERCURE DE FRANCE
On trouve bon tout ce qu'il dit ,
En lui qu'est-ce qu'on applaudit
C'estl'Allure.
>
Plus d'un Fat , rempli de roture ,
Que la fortune a mis fur pié ,
Cache de sa naissance obscure ,
Anos yeux plus de la moitié ,
A chacun il feroit pitié ,
Sans l'Allure.
Un Amant qui craint la coëffure ,
Que portent nombre de Maris ,
Epouse fille qui lui jure ,
Que sa vertu n'a point de prix
Qui fait que ce Benès est pris è
C'est l'Allure.
Une Iris , qui cent fois vous jure ,
Que ses feux sont toujours constans
Saisit la premiere avanture ,
Que l'amour offre à ses talens ,
Qu'est-ce qui trompe tant d'Amans ?
C'est l'Allure.
Un Cocher de Fiacre.
Qu'un Galant presne ma voiture ,
Et
OCTOBRE. 1732 2237.
Et me faffe sortir Paris ,
Je me mocque de l'avanture ;
S'il vient à bout de son Iris ,
Il ne dispute point du prix ;
C'est l'Allure.
1
Au Public.
Lorsque le Public nous censure ,
il prononce équitablement ;
La Piece qu'on croît la plus sûre ,
Reçoit un fâcheux compliment ,
Consultons son discernement
C'est l'Allure.
Couplet du Gascon , sur l'air de l' Allure.
C'est dans notre Païs ,
Cadedis ;
Qu'on voit vriller l'Allure ;
Sans un teston ,
Par tout un Gascon
Vit à son aise , et fait le fanfaron ,
Voilà du Païs
L'Allure ,
Mes Cousis ,
Du Païs ,
Cousis ,
C'est l'Allure.
la premiete Représentation de l'Allure.
La fortune de ce mot l'a presque suivie
sur le Théatre , et l'Allure personifiée
a fort réussi.
La Scene ouvre par la Mode et le Goût,
qui paroît triste ; la Mode lui demande
le sujet de son chagrin... Il lui cite le
dernier affront qu'il a reçû à Paris sous le
nom d'Ergone dans le Ballet des Sens , et
chante :
Helas
2232 MERCURE DE FRANCE
Helas en plein Parterre ,
Le Goût s'est vû , ma chere ,
Siffler à l'Opera.
Ecoutez , lui dit la Mode , vous ne serés
plus guére suivi. Le Caprice fait mieux ses
affaires que vous ; il a une fille bâtarde nouvellement établie ici qui vous coupe l'herbe
sous le pied , elle s'appelle l' Allure.
Le Goût se récrie sur ce nom pitoyable
et sur l'imbecilité enfantine du Public ,
qui s'amuse souvent , sans sçavoir pourquoi,d'un rien , qui n'est pas même ingé- nieux. La mode insiste sur les miracles de
l'Allure.
Par tout l'Allure est nécessaire :
Une Vieille veut- elle plaire ?
L'Allure vient à son secours ;
Tel que pour sincere on renomme ,
Sans l'Allure seroit toujours
Connu pour un malhonnête homme.
Le goût piqué , prend congé de Paris ;
dont il n'est pas content , et n'a pas tort.
L'Allure paroît , qui est extrêmement
complimentée par la Mode. Elle reste
seule sur le Théatre ; un Campagnard
l'aborde , et la prie de façonner ses deux
filles qu'il lui présente : l'Allure les interroge , et les trouvent dignes de son atten
OCTOBRE. 1732: 2235
tention et de figurer dans la bonne Ville
de Paris ; voici , dit- elle
manque. Air de Joconde.
Un peu moins d'ingénuité
Et des façons plus fieres ,
Une fine naïveté
Sur les tendres matieres ;
C'est le manége qu'à Paris ,
Un chacun nomme Allure ,
Et qui procure à tant d'Iris
Le bien et la parure.
tout ce qui leur
Au Campagnard succede un Auteur
qui vient demander à l'Allure le don de
plaire à l'Opera Comique.
L'Auteur est suivi d'une Plaideuse Normande , qui implore à son tour la protection de l'Allure , pour engager ses Juges
dans ses interêts. Après la Plaideuse paroît une jeune et jolie Procureuse , mariée à un vieux jaloux ; elle expose son
sort dans le Couplet suivant sur l'air
De la Syrene du Ballet des Sens.
D'un époux je subis les loix ,
Si l'Amour en eût fait le choix ,
Cet époux auroit l'art de plaire. . .
Je maudis monsort mille fois ;
Si l'Himen a tant de rigueurs ,
.
Pour-
2234 MERCURE DE FRANCE
Pourquoi donc force- t'on nos cœurs
A donner à ce Dieu sévere
La plus belle des fleurs ?
Les beaux jours sont pour les Amans,
Les Epoux n'ont que des tourmens ,
Des malheurs toujours renaissans ,
Et des maux plus ou moins rebutans.
D'un époux je subis , &c...
Les maris sont toujours jaloux ;
Avec eux il n'est point de charmes ;
Ils font sentir leur couroux ;
Dieu d'Himen , te rend- on les armes ♪
On est tourmenté ,
Plus d'amour , adieu la liberté .
D'un époux , je subis , &c.
Une Comédienne de Campagne qui
veut débuter à Paris , se présente ensuite
et dit:
'Ah ! j'ai brillé dans plus d'un Rôle ,
Mais Paris veut de grands talens.
L'Allure.
Oui , c'est une excellente Ecole
Pour se former en peu de tems.
Vous réussirés , je vous jure ;
Du Théatre voici l'Allure :
་
Suivés
OCTOBRE. 1732. 2235
Suivés bien ce principe-là ,
Résistés... jusqu'à ce point-là.
Ces derniers mots se chantent en faisant le lazzi de compter de l'argent. La
Comédienne céde la place à un Paysan
qui
demande
à
l'Allure
d'ôter
à sa
petite
femme
ce
que
les
autres
vont
chercher
à
son
Audience
. Un
Fiacre
yvre
le chasse
et
conte
ses
proüesses
de
Cocher
à la
Déesse
nouvelle
.
Un Maître de Ballet des bords de la
Garone couronne l'œuvre par ses gasconades , voici comme il commence , air :
Quand Iris pron plaisir à boire.
A mes talens , aimable Allure ,
Répondés , je vous en conjure ,
Je suis le Heros de mon Art ;
Mes pas divins me font assés connoître
Ceux que je fais même au hazard ,
Sont des pas où l'Amour a part ,
De tous les cœurs je suis le maître.
Il donne à l'Allure un Ballet de sa composition , qui est terminé
ville suivant.
par le VaudeAujourd'hui pour faire figure,
On se passe fort bien d'esprit ;
Qu'un faquin porte la dorure
2236 MERCURE DE FRANCE
On trouve bon tout ce qu'il dit ,
En lui qu'est-ce qu'on applaudit
C'estl'Allure.
>
Plus d'un Fat , rempli de roture ,
Que la fortune a mis fur pié ,
Cache de sa naissance obscure ,
Anos yeux plus de la moitié ,
A chacun il feroit pitié ,
Sans l'Allure.
Un Amant qui craint la coëffure ,
Que portent nombre de Maris ,
Epouse fille qui lui jure ,
Que sa vertu n'a point de prix
Qui fait que ce Benès est pris è
C'est l'Allure.
Une Iris , qui cent fois vous jure ,
Que ses feux sont toujours constans
Saisit la premiere avanture ,
Que l'amour offre à ses talens ,
Qu'est-ce qui trompe tant d'Amans ?
C'est l'Allure.
Un Cocher de Fiacre.
Qu'un Galant presne ma voiture ,
Et
OCTOBRE. 1732 2237.
Et me faffe sortir Paris ,
Je me mocque de l'avanture ;
S'il vient à bout de son Iris ,
Il ne dispute point du prix ;
C'est l'Allure.
1
Au Public.
Lorsque le Public nous censure ,
il prononce équitablement ;
La Piece qu'on croît la plus sûre ,
Reçoit un fâcheux compliment ,
Consultons son discernement
C'est l'Allure.
Couplet du Gascon , sur l'air de l' Allure.
C'est dans notre Païs ,
Cadedis ;
Qu'on voit vriller l'Allure ;
Sans un teston ,
Par tout un Gascon
Vit à son aise , et fait le fanfaron ,
Voilà du Païs
L'Allure ,
Mes Cousis ,
Du Païs ,
Cousis ,
C'est l'Allure.
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Résumé : L'Allure. Compliment. [titre d'après la table]
Le 27 octobre 1732, la première représentation de la pièce 'L'Allure' a eu lieu sur une scène théâtrale et a rencontré un succès notable. L'œuvre met en scène 'L'Allure' personnifiée, qui obtient un bon accueil. La scène initiale présente la Mode et le Goût. Ce dernier est triste car il a été sifflé à l'Opéra lors du ballet des Sens, où il était connu sous le nom d'Ergone. La Mode informe le Goût que le Caprice et sa fille bâtarde, 'L'Allure', sont désormais plus populaires. Mécontent, le Goût décide de quitter Paris. 'L'Allure' apparaît alors et est complimentée par la Mode. Elle rencontre ensuite divers personnages, chacun sollicitant son aide pour réussir dans leurs domaines respectifs. Parmi eux, un campagnard souhaite façonner ses filles pour qu'elles puissent briller à Paris, un auteur désire plaire à l'Opéra Comique, une plaideuse normande, une jeune procureuse mariée à un époux jaloux, une comédienne de campagne, un paysan, un cocher de fiacre ivre, et un maître de ballet gascon. La pièce se conclut par une réflexion sur l'importance de 'L'Allure' dans la société parisienne, soulignant comment elle permet aux individus de masquer leurs défauts et de se faire valoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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738
p. 2237-2240
Compliment en Vaudeville, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 5 Octobre, on donna la derniere Représentation des Piéces dont on vient [...]
Mots clefs :
Compliment, Vaudeville, Mlle Delisle, Chant
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texteReconnaissance textuelle : Compliment en Vaudeville, &c. [titre d'après la table]
es Octobre , on donna la derniere
Re-
2238 MERCURE DE FRANCE
Représentation des Piéces dont on vient
de parler , pour la clôture de la Foire ; la
Dlle Delisle , premiere Actrice de l'Opéra
Comique , fit un compliment en Vaudeville , que voici. Elle chante , sur l'a
Belle Iris , vous avez deux pommes.
Notre Troupe aujourd'hui m'honore
Du soin de faire ses adieux ; *
L'emploi , sans doute , est glorieux ,
Mais le chagrin qui me dévore ,
Etouffe en ce moment ma voix ,
蘿
Cet adieu nous met aux abois.
Air: Charmante Gabrielle.
Votre aimable présence ;
Combloit tous nos désirs
De votre complaisance ,
Naissoient tous vos plaisirs.
Cruelle départie !
Malheureux jour ;
Que ne suis-je sans vie ,
Ou sans amour !
Air: Si Margoton avoit voulu.
C'en est donc fait , il faut ce soir ,
Renoncer au bien de vous voir ,
Messieurs , je gage
Que vous vous sentez attendris ,
Ah
OCTOBRE. 1732 2239
Ah! quel dommage ,
De quitter de si bons amis.
Air , de Biriby.
Mais j'ai trop de présomption ,
En tenant ce langage ,
Ce n'est qu'à la perfection,
Qu'est dû votre suffrage ;
Ne nous flatons pas sans raison ,
La faridondaine , la faridondon ,
Puisque nous avons réussi , biriby ,
Ala façon de Barbari , mon ami.
Air , du Confiteor.
Nous avons fait tous nos efforts
Pour mériter votre présence ,
Sensibles à nos vifs transports ,
Vous avez eu de l'indulgence ,
Pour un nouvel Entrepreneur ,
Comme pour un nouvel Autheur.
,
"
Air : Je ne suis né ni Roy , ni Prince.
Oui , pour nous vos bontez sont telles 1
Que préférant des bagatelles ,
Vous humanisez votre goût ;
Trop heureux d'avoir sçu vous plaire ;
Cela nous prouve bien qu'en tout ,
Un peu d'Allure est necessaire.
La Merejalouse , PAllure , et le Compliment
2240 MERCURE DE FRANCE
pliment sont de la composition de M.
Carolet.
Re-
2238 MERCURE DE FRANCE
Représentation des Piéces dont on vient
de parler , pour la clôture de la Foire ; la
Dlle Delisle , premiere Actrice de l'Opéra
Comique , fit un compliment en Vaudeville , que voici. Elle chante , sur l'a
Belle Iris , vous avez deux pommes.
Notre Troupe aujourd'hui m'honore
Du soin de faire ses adieux ; *
L'emploi , sans doute , est glorieux ,
Mais le chagrin qui me dévore ,
Etouffe en ce moment ma voix ,
蘿
Cet adieu nous met aux abois.
Air: Charmante Gabrielle.
Votre aimable présence ;
Combloit tous nos désirs
De votre complaisance ,
Naissoient tous vos plaisirs.
Cruelle départie !
Malheureux jour ;
Que ne suis-je sans vie ,
Ou sans amour !
Air: Si Margoton avoit voulu.
C'en est donc fait , il faut ce soir ,
Renoncer au bien de vous voir ,
Messieurs , je gage
Que vous vous sentez attendris ,
Ah
OCTOBRE. 1732 2239
Ah! quel dommage ,
De quitter de si bons amis.
Air , de Biriby.
Mais j'ai trop de présomption ,
En tenant ce langage ,
Ce n'est qu'à la perfection,
Qu'est dû votre suffrage ;
Ne nous flatons pas sans raison ,
La faridondaine , la faridondon ,
Puisque nous avons réussi , biriby ,
Ala façon de Barbari , mon ami.
Air , du Confiteor.
Nous avons fait tous nos efforts
Pour mériter votre présence ,
Sensibles à nos vifs transports ,
Vous avez eu de l'indulgence ,
Pour un nouvel Entrepreneur ,
Comme pour un nouvel Autheur.
,
"
Air : Je ne suis né ni Roy , ni Prince.
Oui , pour nous vos bontez sont telles 1
Que préférant des bagatelles ,
Vous humanisez votre goût ;
Trop heureux d'avoir sçu vous plaire ;
Cela nous prouve bien qu'en tout ,
Un peu d'Allure est necessaire.
La Merejalouse , PAllure , et le Compliment
2240 MERCURE DE FRANCE
pliment sont de la composition de M.
Carolet.
Fermer
Résumé : Compliment en Vaudeville, &c. [titre d'après la table]
En octobre 1732, une représentation théâtrale marqua la clôture de la foire. La demoiselle Delisle, première actrice de l'Opéra Comique, prononça un compliment en vaudeville. Elle exprima son chagrin de devoir dire adieu au public, soulignant que cet adieu les mettait 'aux abois'. Elle remercia le public pour sa présence et sa complaisance, regrettant le départ imminent. La troupe reconnut les efforts faits pour mériter la présence du public et exprima sa gratitude pour l'indulgence montrée envers un nouvel entrepreneur et un nouvel auteur. Le compliment fut composé par M. Carolet et inclut plusieurs airs connus, tels que 'Charmante Gabrielle' et 'Biriby'. La troupe souligna l'importance de l'allure et de la qualité pour plaire au public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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739
p. 2240-2252
Scylla, Tragédie. Extrait. [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique remit au Théatre le 11 Septembre la Tragédie [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Scylla, Tragédie, Musique, Enfers, Hymen, Théâtre
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texteReconnaissance textuelle : Scylla, Tragédie. Extrait. [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique re
mit au Théatre le 11 Septembre la Tra
gédie du Scylla ; dont le Poëme est de
M. Duché , et la Musique de M. Théobalde : En voicy un Extrait.
Au Prologue. Le Théatre représente
le rivage de la Mer. Thétis environnée des
Fleuves et des Nayades , qui forment sa
Cour , expose le sujet , par ces Vers :
Astre du jour , flambeau du monde,
Sortez du vaste sein de l'Onde ;
Répandez vos feux dans les airs ;
Embellissez les champs , éclairez ces rivages ;
Soyez les témoins des hommages ,
Que nous rendous au Dieu qui regit l'Univers &c.
Elle fait entendre que c'est l'Anniver
saire de la victoire que Jupiter remporta
sur les Titans , qu'il s'agit de celebrer ;
elle invite les Dieux des Champs et des
Bois à cette auguste fête ; ils se rangent
auprès d'elle , le choeur prie Jupiter de
descendre des Cieux , pour être témoin
des hommages qu'on lui rend. Mars er
descend et annonce à Thétis ce qui empêche
OCTOBRE. 1732 2241
pêche Jupiter de venir lui- même; il s'explique ainsi :
L'ordre de Jupiter sur ces rives m'attire ;
Ce Dieu , pour consacrer vos jeux ,
Descendroit du celeste Empire ;
Mais les Géants contre lui rassemblez
Cherchent à vanger leur outrage ;
Le dépit , la fureur les a tous aveuglez , &c.
Mars prédit la nouvelle deffaite des
Titans , il n'y a pas leu de douter que
Fallégorie ne tombe sur la dertiere victoire de Louis le Grand , qui fut suivie
de la paix , Mars et Thétis le font assez
entendre par ces Vers :
Que chacun en ces lieux jouisse
Des douceurs d'une heureuse paiz ;
Que dans les fers la Discorde gémisse ;
Jupiter va combler vos plus ardens souhaits ;
Qu'il vainque , qu'il triomphe , et l'enchaîne
jamais.
Les Divinitez , des Eaux , des Champs
et des Bois- forment la fête de ce Prologue , lequel est different de celui qui
fut donné à la naissance de cet Opéra ;
l'Envie précipitée dans les Enfers par la
France, en faisoit le sujet.
Au premier Acte de la Tragédie , le
Théatrereprésente une Place entre la Ville
G de
2242 MERCURE DE FRANCE .
de Megare et le Camp de Minos , qui assiége cette Ville : Scylla , fille de Nisus
Roy de Mégare , ouvre la Scene par ces Vers :
,
Quel trouble ! quel chagrin malgré moi me dévore !
L'Amour seul dans mon cœur veut se faire obéiïr,
J'aime un vainqueur cruel , que je devrois haïr ,
Et je cesse d'aimer un Amant qui m'adore , &c,
Doris , confidente de Scylla , vient lui
annoncer que la paix va réünir Nisus avec
Minos , Scylla en paroît affligée ; parce
que cette paix va presser son Hymen avec
Dardanus qu'elle n'aime plus. Doris l'oblige à lui ouvrir son cœur. Scylla lui
confesse qu'elle aime Minos , Roy de
Crete, tout ennemi qu'il est de Nisusson
Pere. Voici comment elle lui fait entendre
la naissance de ce nouvel amour.
Tu te souviens du jour qu'un désir curieux
Me fit chercher à voir ce Héros glorieux;
J'allai sur nos remparts , attaquez par ses armes,
Je le vis ; je sentis de secrettes allarmes ;
Et mon cœur, trahi par mes yeux ,
Fut séduit , malgré moi , par d'agréables charmes , &c.
Dardanus vient se réjouir avec Scylla
du bonheur que la Paix leur va procurer;
il
OCTOBRE. 17320 2243
il lui dit tendrement que le Roy sonPere
ne veut plus differer leur Hymen , qui
n'avoit été retardé que par la Guerre ; if
est surpris de la froideur avec laquelle
Scylla reçoit une nouvelle qui devroit lui
faire plaisir ; elle ne le satisfait gueres par
sa réponse , et sur tout par la priere qu'elle lui fait de differer cet Hymen. Dardanus se livre à des soupçons jaloux , qu'il
fait connoître par ces Vers :
Vous déguisez en vain le trouble de votre amne
Je vous ai vûë , à mes yeux ,
mille fois ,
De nos fiers ennemis relever les Exploits ,
i
Vous vantez leurs vertus , vous dédaignez ma flamme .
De Nisus en ce jour condamnez- vous le choix x
Scylla feint d'être offensée des soupçons
de Dardanus ; l'arrivée de Capys , Reine
de Beotie , l'empêche d'éclater en de plus
longs reproches ; elle se retire. Dardanus
la suit , pour tâcher de l'appaiser .
Capys se plaint à Ismene , magicienne , et
sa parente , de l'infidelité de Dardanus,
par ces Vers :
Dardanus a troublé le repos de mes jours ;
Il épouse Scylla , si la paix est certaine ;
Voi quel sort funeste m'entraîne
Voi tous les malheurs où je cours.
Gij Ismene
/
2244 MERCURE DE FRANCE
Ismene lui promet d'empêcher cette
Paix si funeste par la force de ses enchantemens et de ceux d'Artemidor, son frere, Nisus et Minos viennent se jurer la
Paix , en présence des Mégatiens et des
Candiots , qui font la Fête de ce premier
Acte, Voici quel est le serment des deux
Rois.
Dieux immortels , qui regnezsur les Roix,
Vous qui les protegez , et vangez leurs injures
Dieux , quipunissez les parjures ,
Daignez écouter notre voix ;
Approuvez le serment que nous allons vous faire
De rendre à ces lieux pour jamais .
Les douceurs d'une heureuse paix.
Nousjurons ...
Le serment est interrompu par un éclat
de Tonnerre. Nisus et Minos vont consulter le Devin , sur un évenement qui
n'est produit que par les charmes d'Ismene.
Scylla fait entendre par unMonologue,
au second Acte, quelle eft la situation de
son cœur.
3
{
Vain espoir , qui trompez un cœur crédule
tendre ,
Cessez de flatter ma langueur ;
En vain vous voulez me surprendre ,
Mon-
OCTOBRE. 1732. 2245
Mon amour n'a rien à prétendre ;
Je dois fuir pour jamais un trop charmant vaing queur, &c.
Minos vient apprendre à Scylla que le
Peuple court au Temple de Pallas , pout
en obtenir une Paix , qui doit être suivie
de son Hymen avec Dardanus ; il lui die
avec un sentiment d'envie :
Un Héros vous plaît , il vous aime
L'Hymenée et l'Amour,vont l'offrir à vos vœux!
Que votre bonheur est extrême !
-Et que Dardanus est heureux !
Scylla regarde à son tour , avec des yeux
d'envie , la prétendue indifference'de Minos ; elle lui dit ,
Que votre sort paroît digne d'envie !
Rien ne trouble la paix de votre illustre vie ;- ~
Tout cede à vos faits éclatants ,
Du Dieu qui fait aimer , vous bravez la puis- sance ;
Hélas ! les cœurs soûmis à son obéissance`,
Quand ils semblent les plus contents,
Souvent voudroient jouir de votre indifference.
Minos lui répond :
Des troubles amoureux , j'ai craint d'être agité
Heureux si toujours invincible
Ce cœur que l'on croit insensible ,
G iij Avoit
2246 MERCURE DE FRANCE
Avoit pujusqu'icy garder sa liberté , &c.
.Hélas ! adorable Princesse ,
Si j'osois découvrir la douleur qui me presse ,
Și mon cœur à vos yeux se montroit en ce jour
Vous ne m'accuseriez que d'avoir trop d'amour
Après ces Vers , Minos déclare à Scylla
que c'est elle seule qui est l'objet de cet
amour. Scylla l'invite à se livrer à l'esperance ; elle lui promet d'obtenir de
Nisus qu'il differe son Hymen avec
Dardanus. L'arrivée de Capys les oblige
à se retirer..
Capys voïant Scylla se retirer avec
Minos , commence à soupçonner leurs
amours ; elle se flatte de l'esperance de
voir rompre son Hymen avec Dardanus.
Ismene l'affermit dans cette esperance , et
pour lui faire voir quelle est la force
des enchantemens qu'elle veut employer
pour la rendre heureuse , elle lui en donne une épreuve; elle évoque des Démons,
transformez en plaisirs ; cette Fête a parur
frivole; mais elle a donné lieu à une tresbelle passacaille , qui , dansée par la De
Salle , fait un plaisir inexprimable. Il auroit été à souhaiter pour Capys ; qu'elle
eut produit sur elle l'effet qu'Ismene s'en
étoit promis ; elle fait connoître à cette
Magicienne combien il s'en faut qu'elle
n'ait
OCTOBRE. 1732. 2247
n'ait rendu le calme à son cœur , par ces
quatre Vers :
Quel vain espoir , hélas ! peut flater mes sou- haits !
Si Dardanus pour moi consent d'être infidelle
Qui pourra m'assurer qu'une flamme nouvelle
Ne le dérobe un jour à mes foibles attràirs ?
Le Théatre représente un Parc au troisiéme Acte. Capys fait connoître à Artemidor et à Ismene que leur art ne sçauroit soulager ses ennuis , si Dardanus ne
lui donne son cœur indépendamment du
secours de leurs enchantemens. Dardanus
vient; Capys sort de peur que son amour
ne la trahisse. Artemidor et Ismene se tirent à l'écart pour entendre les plaintes
de cet Amant désesperé , lequel exprime
ses regrets par ce Monologue :
Paisibles ennemis du jour ,
Arbres épais , retraites sombres ,
Cachez dans l'horreur de vos ombres
Mon désespoir et mon amour.
Une indifference cruelle
Fait naître ma douleur mortelle ;
Je voi ce que j'adore insensible à mes feux ;
Et mon cœur trop constant , en cessant d'être heureux ,
Ne peut cesser d'être fidelle.
Giiij Arte-
2248 MERCURE DE FRANCE
Artemidor et Ismene s'approchent de
Dardanus et lui offrent le secours de leur
Art, pour éclaircir ses doutes au sujet de
Scylla. Il consent qu'ils évoquent l'ombre de Tirésie ; il assiste à leurs enchante
mens.Le Frere et la Sœur appellent d'autres Magiciens ; cette Fête a été tres- ap
plaudie; le St Dupré s'y est distingué à son
ordinaire ; il fait voir tous les jours qu'on
ne l'a jamais surpassé, pour ne rien dire de
plus ; après l'évocation , la Statuë de Tiresie, qui paroit couchée sur son tombeau
semble animée , on entend ces Vers :
Sans vouloir penetrer dans les Arrêts du sort ,
Songe à rompre les nœuds d'une chaîne cruelle
Tu dois faire un heureux effort ,
Et quitter pour jamais une Amante infidelle ;
Capys t'offre un destin tranquille et plein d'ap
pas ;
Que de maux si ton cœur trahit ton esperance
J'en ai trop dit , le ciel m'impose le silence ,
Et je dois retomber dans la nuit du trépas.
Après cet Oracle , qu'on a trouvé trop
long , Capys vient pour consoler Dardanus , qui ne lui répond rien , taht il est
plongé dans la douleur , et saisi de deses
poir ; il se retire dans le dessein de se
donner la mort. Capys outrée de son silence
OCTOBRE. 1732. 2249
lence et de son départ , finit cet Acte
ce beau Monologue.
Haine , dépit , rage , vangeance
par
Je veux suivie aujourd'hui vos plus barbares loix ;
Mes maux et vos fureurs m'agitent à la fois ,
Et je cede à leur violence ;
Haine , &c.
Amour , je n'entends plus ta voix
Assez de tes malheurs j'ai fait l'expérience :
Il faut en me vangeant d'un ingrat qui m'of fense ,
Moi-même me punir de mon funeste choix ;
Haine , dépit , rage , vangeance ,
Je veux suivre aujourd'hui vos plus barbaresloix.
Ce morceau , tres- beau par lui- même
reçoit une nouvelle force , par la belle
voix et le jeu expressif de l'Actrice qui le
chante; on doit reconnoître à ce juste
éloge la Dile Antier , qui soutient parfaitement le nom de premiere Actrice ,
que personne ne lui conteste.
Au 4 Acte , le Théatre represente un
Bois. Capys s'abandonne à la douleur ;
mais à cette douleur succede un désespoir
affreux , à la nouvelle qu'Artemidor lui
apporte. Il lui apprend que Nisus consent
enfin à la Paix ; Capys juge par là que
Gov Dar1
2250 MERCURE DE FRANCE
Dardanus va bientôt épouser Scylla ; elle
presse Artemidor de servir sa fureur ; ils
chantent un Duo, qui fait un grand effet ;
en voici les paroles :
Que le fer, que la flamme ,
le désespoir qui regne votre
A Désolent ces climats ;
Suivez
Suivons dans
Portez
2mon }
ame;
Portons } par tout l'effroi , la terreut, le trépas ;
Que le fer , que la flamme ,
Désolent ces climats.
Artemidor appelle les Furies et leur:
ordonne de s'emparer du cœur de Nisus,
afin qu'il rallume le flambeau de la guer
re. Des Bergers et des Bergeres viennent
chanter les douceurs de la Paix , et forment une Fête gracieuse , dans laquelle
les Dlies Camargo et Sallé dansent un Pas
de Deux, des plus charmans qu'ont ait jamais vûs.
Scylla vient inviter les Bergers à aller
répandre par tout la joïe , où la Paix les
livre.Dans l'esperance qu'elle a que Minos
l'obtiendra de la main de son Pere , elle.
chante un Monologue , avec un Double ,
qui fait admirer de tout le monde la legéreté de sa voix et la propreté et l'ame
de son chant, c'est la De Pellissier; elle
s'y
OCTOBRE. 1732. 2251
·
s'y fait generalement applaudir.
Minos vient changer la joie de Scylla
en une douleur mortelle ; il lui apprend
que Nisus veut continuer la guerre , et
que pour lui il n'a plus à chercher que
la plus prompte mort , puis qu'il ne sçauroit vivre sans elle ; cette Scene est trèspatétique , et le S Chassé la jote et la
chante également bien , secondé de la
Dile Pellissier.
Scylla au desespoir , fait entendre aux
Spectateurs qu'elle est capable de tour entreprendre , pour sauver son Amant, aux
dépens même du sort de son Pere , qui' .
est attaché à un de ses Cheveux , comme on l'a exposé dans le premier Acte. '
L'Action du Ve Acte est si odieuse que
nous ne sçaurions passer trop légerement
par dessus. Scylla dans l'entr'Acte a coupé le Cheveu fatal , d'où dépendoit le
sort de son Pere. Elle l'annonce dès la
premiere Scene , non , sans de vifs remords; une troupe de Magiciens vient
celebrer la victoire de Nisus ; ce qui fait
une espece de contradiction avec le Cheveu coupé , à moins que l'Auteur n'ait
voulu supposer que le crime de la Fille
envers son pere n'étoit pas encore com- ›
mis. On apprend enfin le véritable fort
G vj de.
A
2252 MERCURE DE FRANCE
de Nisus; c'est Doris qui l'annonce par ce
Vers :
Nisus vient d'éprouver un funeste trépas.
Minos vainqueur , fait grace aux vain.
cus ; il demande Scylla , qui se presente
à ses yeux empoisonnée ; elle confesse
son crime à celui pour qui elle l'a commis ;elle expire enfin , en disant ces cinq ,
Vers , addressez à l'ombre de Nisus:
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger ;.
Appaisez- vous par ce promt sacrifice ,.
Après mon crime affreux , je ne devois songer
Qu'à vous faire , en mourant , une promte justice.
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger.
mit au Théatre le 11 Septembre la Tra
gédie du Scylla ; dont le Poëme est de
M. Duché , et la Musique de M. Théobalde : En voicy un Extrait.
Au Prologue. Le Théatre représente
le rivage de la Mer. Thétis environnée des
Fleuves et des Nayades , qui forment sa
Cour , expose le sujet , par ces Vers :
Astre du jour , flambeau du monde,
Sortez du vaste sein de l'Onde ;
Répandez vos feux dans les airs ;
Embellissez les champs , éclairez ces rivages ;
Soyez les témoins des hommages ,
Que nous rendous au Dieu qui regit l'Univers &c.
Elle fait entendre que c'est l'Anniver
saire de la victoire que Jupiter remporta
sur les Titans , qu'il s'agit de celebrer ;
elle invite les Dieux des Champs et des
Bois à cette auguste fête ; ils se rangent
auprès d'elle , le choeur prie Jupiter de
descendre des Cieux , pour être témoin
des hommages qu'on lui rend. Mars er
descend et annonce à Thétis ce qui empêche
OCTOBRE. 1732 2241
pêche Jupiter de venir lui- même; il s'explique ainsi :
L'ordre de Jupiter sur ces rives m'attire ;
Ce Dieu , pour consacrer vos jeux ,
Descendroit du celeste Empire ;
Mais les Géants contre lui rassemblez
Cherchent à vanger leur outrage ;
Le dépit , la fureur les a tous aveuglez , &c.
Mars prédit la nouvelle deffaite des
Titans , il n'y a pas leu de douter que
Fallégorie ne tombe sur la dertiere victoire de Louis le Grand , qui fut suivie
de la paix , Mars et Thétis le font assez
entendre par ces Vers :
Que chacun en ces lieux jouisse
Des douceurs d'une heureuse paiz ;
Que dans les fers la Discorde gémisse ;
Jupiter va combler vos plus ardens souhaits ;
Qu'il vainque , qu'il triomphe , et l'enchaîne
jamais.
Les Divinitez , des Eaux , des Champs
et des Bois- forment la fête de ce Prologue , lequel est different de celui qui
fut donné à la naissance de cet Opéra ;
l'Envie précipitée dans les Enfers par la
France, en faisoit le sujet.
Au premier Acte de la Tragédie , le
Théatrereprésente une Place entre la Ville
G de
2242 MERCURE DE FRANCE .
de Megare et le Camp de Minos , qui assiége cette Ville : Scylla , fille de Nisus
Roy de Mégare , ouvre la Scene par ces Vers :
,
Quel trouble ! quel chagrin malgré moi me dévore !
L'Amour seul dans mon cœur veut se faire obéiïr,
J'aime un vainqueur cruel , que je devrois haïr ,
Et je cesse d'aimer un Amant qui m'adore , &c,
Doris , confidente de Scylla , vient lui
annoncer que la paix va réünir Nisus avec
Minos , Scylla en paroît affligée ; parce
que cette paix va presser son Hymen avec
Dardanus qu'elle n'aime plus. Doris l'oblige à lui ouvrir son cœur. Scylla lui
confesse qu'elle aime Minos , Roy de
Crete, tout ennemi qu'il est de Nisusson
Pere. Voici comment elle lui fait entendre
la naissance de ce nouvel amour.
Tu te souviens du jour qu'un désir curieux
Me fit chercher à voir ce Héros glorieux;
J'allai sur nos remparts , attaquez par ses armes,
Je le vis ; je sentis de secrettes allarmes ;
Et mon cœur, trahi par mes yeux ,
Fut séduit , malgré moi , par d'agréables charmes , &c.
Dardanus vient se réjouir avec Scylla
du bonheur que la Paix leur va procurer;
il
OCTOBRE. 17320 2243
il lui dit tendrement que le Roy sonPere
ne veut plus differer leur Hymen , qui
n'avoit été retardé que par la Guerre ; if
est surpris de la froideur avec laquelle
Scylla reçoit une nouvelle qui devroit lui
faire plaisir ; elle ne le satisfait gueres par
sa réponse , et sur tout par la priere qu'elle lui fait de differer cet Hymen. Dardanus se livre à des soupçons jaloux , qu'il
fait connoître par ces Vers :
Vous déguisez en vain le trouble de votre amne
Je vous ai vûë , à mes yeux ,
mille fois ,
De nos fiers ennemis relever les Exploits ,
i
Vous vantez leurs vertus , vous dédaignez ma flamme .
De Nisus en ce jour condamnez- vous le choix x
Scylla feint d'être offensée des soupçons
de Dardanus ; l'arrivée de Capys , Reine
de Beotie , l'empêche d'éclater en de plus
longs reproches ; elle se retire. Dardanus
la suit , pour tâcher de l'appaiser .
Capys se plaint à Ismene , magicienne , et
sa parente , de l'infidelité de Dardanus,
par ces Vers :
Dardanus a troublé le repos de mes jours ;
Il épouse Scylla , si la paix est certaine ;
Voi quel sort funeste m'entraîne
Voi tous les malheurs où je cours.
Gij Ismene
/
2244 MERCURE DE FRANCE
Ismene lui promet d'empêcher cette
Paix si funeste par la force de ses enchantemens et de ceux d'Artemidor, son frere, Nisus et Minos viennent se jurer la
Paix , en présence des Mégatiens et des
Candiots , qui font la Fête de ce premier
Acte, Voici quel est le serment des deux
Rois.
Dieux immortels , qui regnezsur les Roix,
Vous qui les protegez , et vangez leurs injures
Dieux , quipunissez les parjures ,
Daignez écouter notre voix ;
Approuvez le serment que nous allons vous faire
De rendre à ces lieux pour jamais .
Les douceurs d'une heureuse paix.
Nousjurons ...
Le serment est interrompu par un éclat
de Tonnerre. Nisus et Minos vont consulter le Devin , sur un évenement qui
n'est produit que par les charmes d'Ismene.
Scylla fait entendre par unMonologue,
au second Acte, quelle eft la situation de
son cœur.
3
{
Vain espoir , qui trompez un cœur crédule
tendre ,
Cessez de flatter ma langueur ;
En vain vous voulez me surprendre ,
Mon-
OCTOBRE. 1732. 2245
Mon amour n'a rien à prétendre ;
Je dois fuir pour jamais un trop charmant vaing queur, &c.
Minos vient apprendre à Scylla que le
Peuple court au Temple de Pallas , pout
en obtenir une Paix , qui doit être suivie
de son Hymen avec Dardanus ; il lui die
avec un sentiment d'envie :
Un Héros vous plaît , il vous aime
L'Hymenée et l'Amour,vont l'offrir à vos vœux!
Que votre bonheur est extrême !
-Et que Dardanus est heureux !
Scylla regarde à son tour , avec des yeux
d'envie , la prétendue indifference'de Minos ; elle lui dit ,
Que votre sort paroît digne d'envie !
Rien ne trouble la paix de votre illustre vie ;- ~
Tout cede à vos faits éclatants ,
Du Dieu qui fait aimer , vous bravez la puis- sance ;
Hélas ! les cœurs soûmis à son obéissance`,
Quand ils semblent les plus contents,
Souvent voudroient jouir de votre indifference.
Minos lui répond :
Des troubles amoureux , j'ai craint d'être agité
Heureux si toujours invincible
Ce cœur que l'on croit insensible ,
G iij Avoit
2246 MERCURE DE FRANCE
Avoit pujusqu'icy garder sa liberté , &c.
.Hélas ! adorable Princesse ,
Si j'osois découvrir la douleur qui me presse ,
Și mon cœur à vos yeux se montroit en ce jour
Vous ne m'accuseriez que d'avoir trop d'amour
Après ces Vers , Minos déclare à Scylla
que c'est elle seule qui est l'objet de cet
amour. Scylla l'invite à se livrer à l'esperance ; elle lui promet d'obtenir de
Nisus qu'il differe son Hymen avec
Dardanus. L'arrivée de Capys les oblige
à se retirer..
Capys voïant Scylla se retirer avec
Minos , commence à soupçonner leurs
amours ; elle se flatte de l'esperance de
voir rompre son Hymen avec Dardanus.
Ismene l'affermit dans cette esperance , et
pour lui faire voir quelle est la force
des enchantemens qu'elle veut employer
pour la rendre heureuse , elle lui en donne une épreuve; elle évoque des Démons,
transformez en plaisirs ; cette Fête a parur
frivole; mais elle a donné lieu à une tresbelle passacaille , qui , dansée par la De
Salle , fait un plaisir inexprimable. Il auroit été à souhaiter pour Capys ; qu'elle
eut produit sur elle l'effet qu'Ismene s'en
étoit promis ; elle fait connoître à cette
Magicienne combien il s'en faut qu'elle
n'ait
OCTOBRE. 1732. 2247
n'ait rendu le calme à son cœur , par ces
quatre Vers :
Quel vain espoir , hélas ! peut flater mes sou- haits !
Si Dardanus pour moi consent d'être infidelle
Qui pourra m'assurer qu'une flamme nouvelle
Ne le dérobe un jour à mes foibles attràirs ?
Le Théatre représente un Parc au troisiéme Acte. Capys fait connoître à Artemidor et à Ismene que leur art ne sçauroit soulager ses ennuis , si Dardanus ne
lui donne son cœur indépendamment du
secours de leurs enchantemens. Dardanus
vient; Capys sort de peur que son amour
ne la trahisse. Artemidor et Ismene se tirent à l'écart pour entendre les plaintes
de cet Amant désesperé , lequel exprime
ses regrets par ce Monologue :
Paisibles ennemis du jour ,
Arbres épais , retraites sombres ,
Cachez dans l'horreur de vos ombres
Mon désespoir et mon amour.
Une indifference cruelle
Fait naître ma douleur mortelle ;
Je voi ce que j'adore insensible à mes feux ;
Et mon cœur trop constant , en cessant d'être heureux ,
Ne peut cesser d'être fidelle.
Giiij Arte-
2248 MERCURE DE FRANCE
Artemidor et Ismene s'approchent de
Dardanus et lui offrent le secours de leur
Art, pour éclaircir ses doutes au sujet de
Scylla. Il consent qu'ils évoquent l'ombre de Tirésie ; il assiste à leurs enchante
mens.Le Frere et la Sœur appellent d'autres Magiciens ; cette Fête a été tres- ap
plaudie; le St Dupré s'y est distingué à son
ordinaire ; il fait voir tous les jours qu'on
ne l'a jamais surpassé, pour ne rien dire de
plus ; après l'évocation , la Statuë de Tiresie, qui paroit couchée sur son tombeau
semble animée , on entend ces Vers :
Sans vouloir penetrer dans les Arrêts du sort ,
Songe à rompre les nœuds d'une chaîne cruelle
Tu dois faire un heureux effort ,
Et quitter pour jamais une Amante infidelle ;
Capys t'offre un destin tranquille et plein d'ap
pas ;
Que de maux si ton cœur trahit ton esperance
J'en ai trop dit , le ciel m'impose le silence ,
Et je dois retomber dans la nuit du trépas.
Après cet Oracle , qu'on a trouvé trop
long , Capys vient pour consoler Dardanus , qui ne lui répond rien , taht il est
plongé dans la douleur , et saisi de deses
poir ; il se retire dans le dessein de se
donner la mort. Capys outrée de son silence
OCTOBRE. 1732. 2249
lence et de son départ , finit cet Acte
ce beau Monologue.
Haine , dépit , rage , vangeance
par
Je veux suivie aujourd'hui vos plus barbares loix ;
Mes maux et vos fureurs m'agitent à la fois ,
Et je cede à leur violence ;
Haine , &c.
Amour , je n'entends plus ta voix
Assez de tes malheurs j'ai fait l'expérience :
Il faut en me vangeant d'un ingrat qui m'of fense ,
Moi-même me punir de mon funeste choix ;
Haine , dépit , rage , vangeance ,
Je veux suivre aujourd'hui vos plus barbaresloix.
Ce morceau , tres- beau par lui- même
reçoit une nouvelle force , par la belle
voix et le jeu expressif de l'Actrice qui le
chante; on doit reconnoître à ce juste
éloge la Dile Antier , qui soutient parfaitement le nom de premiere Actrice ,
que personne ne lui conteste.
Au 4 Acte , le Théatre represente un
Bois. Capys s'abandonne à la douleur ;
mais à cette douleur succede un désespoir
affreux , à la nouvelle qu'Artemidor lui
apporte. Il lui apprend que Nisus consent
enfin à la Paix ; Capys juge par là que
Gov Dar1
2250 MERCURE DE FRANCE
Dardanus va bientôt épouser Scylla ; elle
presse Artemidor de servir sa fureur ; ils
chantent un Duo, qui fait un grand effet ;
en voici les paroles :
Que le fer, que la flamme ,
le désespoir qui regne votre
A Désolent ces climats ;
Suivez
Suivons dans
Portez
2mon }
ame;
Portons } par tout l'effroi , la terreut, le trépas ;
Que le fer , que la flamme ,
Désolent ces climats.
Artemidor appelle les Furies et leur:
ordonne de s'emparer du cœur de Nisus,
afin qu'il rallume le flambeau de la guer
re. Des Bergers et des Bergeres viennent
chanter les douceurs de la Paix , et forment une Fête gracieuse , dans laquelle
les Dlies Camargo et Sallé dansent un Pas
de Deux, des plus charmans qu'ont ait jamais vûs.
Scylla vient inviter les Bergers à aller
répandre par tout la joïe , où la Paix les
livre.Dans l'esperance qu'elle a que Minos
l'obtiendra de la main de son Pere , elle.
chante un Monologue , avec un Double ,
qui fait admirer de tout le monde la legéreté de sa voix et la propreté et l'ame
de son chant, c'est la De Pellissier; elle
s'y
OCTOBRE. 1732. 2251
·
s'y fait generalement applaudir.
Minos vient changer la joie de Scylla
en une douleur mortelle ; il lui apprend
que Nisus veut continuer la guerre , et
que pour lui il n'a plus à chercher que
la plus prompte mort , puis qu'il ne sçauroit vivre sans elle ; cette Scene est trèspatétique , et le S Chassé la jote et la
chante également bien , secondé de la
Dile Pellissier.
Scylla au desespoir , fait entendre aux
Spectateurs qu'elle est capable de tour entreprendre , pour sauver son Amant, aux
dépens même du sort de son Pere , qui' .
est attaché à un de ses Cheveux , comme on l'a exposé dans le premier Acte. '
L'Action du Ve Acte est si odieuse que
nous ne sçaurions passer trop légerement
par dessus. Scylla dans l'entr'Acte a coupé le Cheveu fatal , d'où dépendoit le
sort de son Pere. Elle l'annonce dès la
premiere Scene , non , sans de vifs remords; une troupe de Magiciens vient
celebrer la victoire de Nisus ; ce qui fait
une espece de contradiction avec le Cheveu coupé , à moins que l'Auteur n'ait
voulu supposer que le crime de la Fille
envers son pere n'étoit pas encore com- ›
mis. On apprend enfin le véritable fort
G vj de.
A
2252 MERCURE DE FRANCE
de Nisus; c'est Doris qui l'annonce par ce
Vers :
Nisus vient d'éprouver un funeste trépas.
Minos vainqueur , fait grace aux vain.
cus ; il demande Scylla , qui se presente
à ses yeux empoisonnée ; elle confesse
son crime à celui pour qui elle l'a commis ;elle expire enfin , en disant ces cinq ,
Vers , addressez à l'ombre de Nisus:
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger ;.
Appaisez- vous par ce promt sacrifice ,.
Après mon crime affreux , je ne devois songer
Qu'à vous faire , en mourant , une promte justice.
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger.
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Résumé : Scylla, Tragédie. Extrait. [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Scylla' au Théâtre le 11 septembre. Le poème est de M. Duché et la musique de M. Théobalde. Le prologue se déroule sur le rivage de la mer, où Thétis, entourée des Fleuves et des Nayades, célèbre l'anniversaire de la victoire de Jupiter sur les Titans. Mars annonce que Jupiter ne peut assister à la fête en raison de la rébellion des Géants. Le prologue fait allusion à la victoire de Louis le Grand et à la paix qui a suivi. Dans le premier acte, la scène se passe entre la ville de Mégare et le camp de Minos. Scylla, fille du roi Nisus de Mégare, est déchirée entre son amour pour Minos, ennemi de son père, et son devoir. Dardanus, qu'elle doit épouser, est jaloux et soupçonneux. Capys, reine de Béotie, se plaint de l'infidélité de Dardanus à Ismène, une magicienne. Nisus et Minos se jurent la paix, mais leur serment est interrompu par un tonnerre, provoqué par les enchantements d'Ismène. Au deuxième acte, Scylla exprime son désespoir amoureux. Minos lui avoue son amour, mais leur conversation est interrompue par Capys. Capys, espérant rompre le mariage de Scylla et Dardanus, assiste à une fête de démons évoqués par Ismène. Dardanus, désespéré, se plaint de l'indifférence de Scylla. Au troisième acte, Capys exprime son désespoir à Artemidor et Ismène. Dardanus évoque l'ombre de Tirésias, qui lui conseille de quitter Scylla. Capys, furieuse, décide de se venger. Au quatrième acte, Capys apprend que la paix est conclue et presse Artemidor de rallumer la guerre. Scylla, espérant obtenir Minos, chante un monologue. Minos lui apprend que Nisus veut continuer la guerre, plongeant Scylla dans le désespoir. Dans le cinquième acte, Scylla coupe le cheveu fatal attaché au sort de son père. Une troupe de magiciens célèbre la victoire de Nisus, mais le véritable sort de Nisus reste à révéler. Minos, victorieux, accorde la grâce aux vaincus et demande la présence de Scylla. Cette dernière apparaît empoisonnée et avoue son crime à Minos. Avant de mourir, elle adresse cinq vers à l'ombre de Nisus, exprimant son désir de vengeance et sa volonté de faire justice. Elle répète que sa mort est un sacrifice pour venger Nisus et qu'elle ne pouvait envisager autre chose après son crime affreux.
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740
p. 2252-2253
« On prépare pour le commencement du mois prochain un Opera nouveau, [...] »
Début :
On prépare pour le commencement du mois prochain un Opera nouveau, [...]
Mots clefs :
Opéra, Biblis, Comédiens-Français, Comédie
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texteReconnaissance textuelle : « On prépare pour le commencement du mois prochain un Opera nouveau, [...] »
On prépare pour le commencement
du mois prochain un Opera nouveau ,
qui a pour titre Biblis , dont nous parle
rons en son temps.
Les Comédiens François ont remis au
Théatre les trois Cousines , que le Public .
revoit toujours avec le même plaisir. Les
quatre principaux Rôles , de la Meuniere,.
de Colette , de Blaise , et de M. de Lorme
sont parfaitement joüez par les Dlles Lamotte et d'Angeville , et par les Sieurs
Armand et Montmenil.
II
>
OCTOBRE. 1732. 2253-
Ils ont aussi remis la petite Comédie.
duFlorentin, dans laquelle la Dule Legrand
joue le Rôle d'Hortense avec applaudissement
du mois prochain un Opera nouveau ,
qui a pour titre Biblis , dont nous parle
rons en son temps.
Les Comédiens François ont remis au
Théatre les trois Cousines , que le Public .
revoit toujours avec le même plaisir. Les
quatre principaux Rôles , de la Meuniere,.
de Colette , de Blaise , et de M. de Lorme
sont parfaitement joüez par les Dlles Lamotte et d'Angeville , et par les Sieurs
Armand et Montmenil.
II
>
OCTOBRE. 1732. 2253-
Ils ont aussi remis la petite Comédie.
duFlorentin, dans laquelle la Dule Legrand
joue le Rôle d'Hortense avec applaudissement
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Résumé : « On prépare pour le commencement du mois prochain un Opera nouveau, [...] »
En octobre 1732, la préparation d'un nouvel opéra, 'Biblis', est annoncée. Les comédiens français reprennent 'Les trois Cousines' avec les demoiselles Lamotte et d'Angeville, ainsi que les sieurs Armand et Montmenil. La pièce 'Le Florentin' est également remise en scène, avec la demoiselle Legrand dans le rôle d'Hortense.
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741
p. 2327-2329
L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Début :
Ne vous étonnez point que du Royaume sombre. [...]
Mots clefs :
Madame Deshoulières, Auteur, Héros, Style, Délicatesse, Imiter
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
L'OMBRE de Madame Deshoulieres
Mad de Malcrais de la Vigne
du Croisic , en Bretagne.
E vous étonnez point que du Royaum NEVOSOmbre sombre ...
On évoque aujourd'hui mon ombre ,
Puisque vous avez fait revivre a deux Héros ,
Pour louer un Auteur fertile en beaux propos
3
Qui sçut en Vers gravez au Temple de mé
moire. ,
Celebrer un des plus grands Rois ,.
Dont la France ait suivi les Loix ,
Et du Lion du Nord vient d'écrire l'histoire g
Auteur digne en effet de sujets aussi grands ,
Que ces deux fameux Conquerants , -
Mais quittons son éloge et travaillons au vôtre
Plus long à faire qu'aucun autre.
C'est à vous seule que j'en veux ,
Jusques dans les Enfers le bruit court qu'au Par nasse ,
Vous avez obtenu ma place ;
La Piece en Vers , adressée par Mule Malcrais , à
M. de Voltaire , Auteur du Poëme de Henry le
Grand , et de l'Histoire de Charles XII. Roy de
Suede. Cette Piece est inserée dans le Mercure du
mois de Juillet 17320-
#328 MERCURE DE FRANCE
On dit que si jamais on a formé des vœux
Pour voir réssusciter mon stile
Ce souhait devient inutile ,
Et qu'on retrouve dans vos Vers ,
Les
graces , les
beautez
et les talents
divers
,
Dont
j'étois
autrefois
si
richement
pourvûë
,
Les
regrets
de ma
mort
,
désormais
superflus
,
Font
que
dans
le monde
on
n'est
plus
Si fâché
de
m'avoir
perduë.
Comme moi du vif erjoüement ,
Vous avez la délicatesse ;
Du goût et du discernement ,
Vous avez comme moi ,
l'admirable justesse.
Soit que la tendre a Euterpe , aux amoureux
transports ,
Exerce votre heureux génie ;
Sois que l'illustre & Polimnie,
Vous inspire à son tour de plus nobles accords .
Et d'une façon admirable ,
Vous fasse regretter la perte irréparable
D'un Pere bien aimé , descendu chez les Mortse
Qu'il devoit être cher à toute sa famille ,
Si l'on en doit juger par son aimable fille !
Mlle Malcrais a fait une Idille fort jolie , in
vitulée: Les Hirondelles. Euterpe est la Muse PasBoralle.
b Muse de l'Ode. Mlle Malcrais afait unefore belle Ode sur la mort de son Pøre,
Mais
NOVEMBRE. 17327 2324
Mais tirons le rideau sur de tristes objets ¿
Vos Vers dans un gai badinage,
Imitant de Marot l'agréable langage ,
M'offrent de plus riants sujets ;
Tantôt d'un Astrologue ignare , e
Vous nous contez un plaisant trait ,
Tantôt d'un Capucin d d'une figure rare ,
Vous offrez à nos yeux le grotesque portrait.
Ah ! que j'aime à vous voir réprimere du Meri cure ,
Les ridicules Ennemis ;
It certes il vous est plus qu'à d'autres permis,
De détruire en deux mots leur injuste Censure.
Quoiqu'en vous on puisse avouer
Mille autres choses à louer ,
Je me tais , car mon interprete
Est las d'une si longue traitte.
Dans sa bouche mes Vers deviendroient af deffaut :
Depuis que vous avez herité de mes graces ,
Il n'appartient qu'à vous de marcher sur mes traces ,
at de m'imiter comme il faut,
Par M. PESSELIER, de la Ferté
Sous-Jouare,
• Pieces en Vers Marotiques. L'Almanach de Nante, d le Frere Chichon.
´e Piece , intitulée : Les Censeurs du Mercure
Mad de Malcrais de la Vigne
du Croisic , en Bretagne.
E vous étonnez point que du Royaum NEVOSOmbre sombre ...
On évoque aujourd'hui mon ombre ,
Puisque vous avez fait revivre a deux Héros ,
Pour louer un Auteur fertile en beaux propos
3
Qui sçut en Vers gravez au Temple de mé
moire. ,
Celebrer un des plus grands Rois ,.
Dont la France ait suivi les Loix ,
Et du Lion du Nord vient d'écrire l'histoire g
Auteur digne en effet de sujets aussi grands ,
Que ces deux fameux Conquerants , -
Mais quittons son éloge et travaillons au vôtre
Plus long à faire qu'aucun autre.
C'est à vous seule que j'en veux ,
Jusques dans les Enfers le bruit court qu'au Par nasse ,
Vous avez obtenu ma place ;
La Piece en Vers , adressée par Mule Malcrais , à
M. de Voltaire , Auteur du Poëme de Henry le
Grand , et de l'Histoire de Charles XII. Roy de
Suede. Cette Piece est inserée dans le Mercure du
mois de Juillet 17320-
#328 MERCURE DE FRANCE
On dit que si jamais on a formé des vœux
Pour voir réssusciter mon stile
Ce souhait devient inutile ,
Et qu'on retrouve dans vos Vers ,
Les
graces , les
beautez
et les talents
divers
,
Dont
j'étois
autrefois
si
richement
pourvûë
,
Les
regrets
de ma
mort
,
désormais
superflus
,
Font
que
dans
le monde
on
n'est
plus
Si fâché
de
m'avoir
perduë.
Comme moi du vif erjoüement ,
Vous avez la délicatesse ;
Du goût et du discernement ,
Vous avez comme moi ,
l'admirable justesse.
Soit que la tendre a Euterpe , aux amoureux
transports ,
Exerce votre heureux génie ;
Sois que l'illustre & Polimnie,
Vous inspire à son tour de plus nobles accords .
Et d'une façon admirable ,
Vous fasse regretter la perte irréparable
D'un Pere bien aimé , descendu chez les Mortse
Qu'il devoit être cher à toute sa famille ,
Si l'on en doit juger par son aimable fille !
Mlle Malcrais a fait une Idille fort jolie , in
vitulée: Les Hirondelles. Euterpe est la Muse PasBoralle.
b Muse de l'Ode. Mlle Malcrais afait unefore belle Ode sur la mort de son Pøre,
Mais
NOVEMBRE. 17327 2324
Mais tirons le rideau sur de tristes objets ¿
Vos Vers dans un gai badinage,
Imitant de Marot l'agréable langage ,
M'offrent de plus riants sujets ;
Tantôt d'un Astrologue ignare , e
Vous nous contez un plaisant trait ,
Tantôt d'un Capucin d d'une figure rare ,
Vous offrez à nos yeux le grotesque portrait.
Ah ! que j'aime à vous voir réprimere du Meri cure ,
Les ridicules Ennemis ;
It certes il vous est plus qu'à d'autres permis,
De détruire en deux mots leur injuste Censure.
Quoiqu'en vous on puisse avouer
Mille autres choses à louer ,
Je me tais , car mon interprete
Est las d'une si longue traitte.
Dans sa bouche mes Vers deviendroient af deffaut :
Depuis que vous avez herité de mes graces ,
Il n'appartient qu'à vous de marcher sur mes traces ,
at de m'imiter comme il faut,
Par M. PESSELIER, de la Ferté
Sous-Jouare,
• Pieces en Vers Marotiques. L'Almanach de Nante, d le Frere Chichon.
´e Piece , intitulée : Les Censeurs du Mercure
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Résumé : L'OMBRE de Madame Deshoulieres, à Madlle de Malcrais de la Vigne du Croisic, en Bretagne.
Madame Malcrais de la Vigne adresse une pièce en vers à Voltaire, célèbre pour ses œuvres 'Le Poème de Henri le Grand' et 'L'Histoire de Charles XII, Roi de Suède'. Elle exprime son admiration pour Voltaire et compare ses talents littéraires aux siens, affirmant avoir obtenu une place au Parnasse. Madame Malcrais loue la délicatesse, le goût et le discernement de Voltaire, et mentionne qu'il a écrit une idylle intitulée 'Les Hirondelles' et une ode sur la mort de son père. La pièce évoque également des anecdotes légères sur un astrologue et un capucin, et admire la capacité de Voltaire à réprimer les ridicules ennemis. Madame Malcrais conclut en reconnaissant que Voltaire a hérité de ses grâces et qu'il est désormais le seul à pouvoir marcher sur ses traces.
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742
p. 2342-2359
LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
Début :
Vous me pressez, Monsieur, de vous dire ce que je pense du Spectacle de [...]
Mots clefs :
Spectacle de la nature, Auteur, Titre, Vraisemblance, Poème dramatique, Dialogues, Descriptions, Caractère, Curiosité, Défauts
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime , au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature , &c.
V
Ous me pressez , Monsieur , de vous
dire ce que je pense du Spectacle, de
la Nature; et même de vous en donner
une idée. Je ne puis m'en deffendre, puisqueje vous l'ai promis , et que je vous
suis redevable à cet égard. Mais , Monsieur , permettez- moi de vous l'avoüer
j'ai quelque peine à m'y résoudre. Cet
Ouvrage a pour objet des matieres sur
lesquelles j'aurois besoin d'être instruit
moi-même , bien loin d'être en état d'en
porter un jugement. Le nom de l'Auteur,
que vous connoissez sans doute , est si
respectable , son érudition est si profonde , et son mérite si généralement reconnu , qu'il seroit témeraire d'en dire du
mal , et inutile d'en dire du bien. Vous
vous contenterez donc , s'il vous plaît
de quelques légeres réfléxions sur la for-
>
me
NOVEMBRE. 1732. 2343
mede l'Ouvrage. Je conte que vous en
jugerez bien-tôt par vous-même ; la seule
énumération des sujets qui y sont traitez ,
ne manquera pas de piquer votre curiosité,que l'obscurité du titre a peut-être ralentie. Au reste , je vous dirai en passant
quesi vous voulez de la premiere Edition
vous n'avez point de temps à perdre. Le
débit en est si prodigieux que vous seriez
peut-être obligé d'attendre la seconde , à
Jaquelle on se prépare.
Vous allez d'abord me demander pourquoi ce débit si prompt? Je sçai que vous
vous défiez de cet empressement du pu- .
blic, depuis que vous avez vû des ouvra
ges reçûs avec avidité dans leur naissance , et presque aussi- tôt oubliez et même
méprisez. Je ne crois pas , Monsieur, que
le Spectacle de la Nature ait un sort aussi
bizarre. En voici la raison. Ceux qui ont
souffert cette ignominieuse révolution
n'avoient de mérite que la forme , et les
véritables Sçavans n'y ont jamais trouvé
une véritable solidité ; au lieu qu'on peut
dire la solidité est l'ame de celui- ci ;
que et si on osoit y reprendre quelques deffauts , ce seroit dans la forme seule qu'on
croiroit les appercevoir.
L'Auteur assure avoir essayé d'en écarter la
tristesse , et au lieu d'un Discours suivi ou d'un
B vj enchaî-
2344 MERCURE DE FRANCE
enchaînement de Dissertations qui emmenent
souvent le dégoût et l'ennui , il a cru devoir
prendre le Stile de Dialogue , qui est de tous le
plus naturel et le plus propre à attacher toutes
sortes de Lecteurs. Preface.
La Scene est une Maison de Campagne,
où un jeune homme sortant de Seconde
pour entrer en Réthorique , passe une
partie de ses Vacances chez un Gentilhomme, qui ayant étudié à fond la Nature , se plaît à lui en développer les secrets les plus curieux . Le Curé du lieu ,
grand Physicien , se joint à eux. L'Epouse
même du Gentilhomme vient aussi prendre, et quelquefois donner des Leçons.
Du caractere dont je vous connois , cette
Scene , ces Personnages , ne vous plaisent
gueres. Quant à moi , vous devinez aisé
ment ma pensée là - dessus. L'Auteur s'est
proposé d'imiter les Entretiens du PereBouhours ; ne vous attendez pas que je
décide s'il égale ou s'il surpasse son modele ; je réserve ce jugement à des personnes plus capables que moi , de sentir
les beautez de l'un , et d'appercevoir les
deffauts de l'autre. Je vous dirai seulement qu'il me semble que les anciens .
avoient attrapé bien mieux que nous l'art
d'interesser les Lecteurs dans leurs Dialogues ; en introduisant sur la Scene des
Personnages d'un mérite connu et distin
NOVEMBRE. 1732 234
3
tingué , et même qui eussent réussi dans le
genre d'étude dont ils les faisoient parler.
Cette précaution me paroît pleine de prudence , et rien de plus sensé que la rai
son que Ciceron en donne : Genus hoc Ser
monumpositum in hominum veterum authoritate , et eorum illustrium , plus nescio quo
pacto videtur haberegravitatis. De amicitia.
Le choix qu'ils faisoient n'étoit pas moins
sage ; dans un Dialogue sur la vieillesse
Ciceron introduit Caton , l'homme le
plus vieux et le plus sage de son siécle
Dans un autre Dialogue , où il est traitté
de l'Amitié, il fait parler Lælius, qui par
sa prudence avoit mérité le surnom de
Sage , et s'étoit rendu encore plus illus
tre par l'amitié tendre et sincere , qui l'avoit étroitement uni à Scipion . De pareils
Héros sont bien capables d'attacher un
Lecteur sensible ; on oublie entierement
l'Auteur lui-même ; on croit être présent
à l'entretien, on s'imagine voir ces grands
hommes , et les entendre. En effet , quel
est le but d'un Dialogue ? Ne peut on
pas le regarder comme un véritable Poë
me Dramatique , dont le sujet plus paisible et plus tranquille que ceux qui occu
pent nos Théatres , se diversifie , suivant
la difference de l'objet de l'étude de ses
Héros. Tout le monde exige dans ces
>
deux
2346 MERCURE DE FRANCE
deux genres d'écrire , le naturel dans les
personnages , la vraisemblance dans la
Scene , pourquoi n'exigeroit- on pas aussi des mœurs , des passions , une espéce d'intrigue , un nœud , un dénouement , que
la diversité des opinions , les préjugez ,
les différentes raisons , l'évidence enfin et
la verité formeroient ? Je m'arrête au caractere seul des Interlocuteurs , je crois
que c'est une partie essentielle du Dialogue, et pour y réussir , je suis persuadé
qu'il n'est pas possible de se dispenser de
mettre en pratique le précepte d'Horace ,
dont l'application me semble naturelle, et l'usage également nécessaire dans le Dialogue comme dans la Tragédie.
Rectius Iliacum carmen deducis in actus ,
Quam siproferres ignota , indictaque primus.
Art. Poët.
Conserver les différens caracteres sans
que jamais ils se démentent, est un point
Indispensable dans le Poënre Dramatique,
et par conséquent dans le Dialogue qui en
est une espéce. Dans l'un comme dans
l'autre il est plus aisé de peindre un portrait naturel , un caractere connu , que
d'en imaginer un et le soutenir; car, comme le dit fort bien Horace :
Diffi-
NOVEMBRE. 1732. 2347
Difficile est propriè communia dicere.
Il vaut donc bien mieux employer des
Interlocuteurs connus d'ailleurs , et estimez,que des noms supposez et sans réalitez. Ces derniers n'ont rien qui interesse le Lecteur. Je ne suis pas attentif à
leurs fautes , parce que je n'ai pas une gran
de idée de leur sçavoir. Le Dialogue sur
l'éloquence attribué à M. de Fenelon ,
d'ailleurs si plein de refléxions solides, me
paroît bien froid quand je le considere
comme Dialogue. Ce n'est pas que les caracteres ne soient bien conservez. Mais
Ce caractere que je n'attribuë à personne ,.
m'échape à chaque moment , et je ne me
hâte point de prendre parti ni pour l'un
ni pour l'autre. Que m'importe que A
soit d'un sentiment , et B d'un autre ?
Un Crassus , dont l'éloquence , les talens,
la réputation étoient connus. Un Antoine , célébre, sçavant , estimé , me frappent
bien davantage. C'est à ces grands hommes à définir l'Eloquence , puisqu'ils la
possed nt à fond ; c'est à eux à me décou
vrir les routes qui peuvent y conduire ;
ils les ont pratiquées eux mêmes , et leur
gloire nous assûre du succès. C'est à eux
qu'il appartient de décider du mérite des
Auteurs , ils ont réüni tous les suffrages ,
et
2348 MERCURE DE FRANCE
et personne ne balance sur leur mérite..
Je les consulte avec confiance , je les écoute avec avidité , et pour moi , réussir ou
leur plaire , c'est à peu près la même chose.
.
On nous donna il y a environ deux
ans une Physique en Dialogue , et on
vient de la réimprimer ; cet Ouvrage est
estimé , je l'ai lû même avec fruit. Mais
quelque excellent , quelqu'utile qu'il
soit , il n'a pas laissé de m'ennuier. Les
Interlocuteurs qu'on me présente sont
des gens que je ne connois point ; et qui
plus est , que je n'ai aucun interêt de
connoître. C'est , me dit-on , un grand
génie , c'est un homme plein de vertu
de candeur , d'esprit. Je ne sens point à
son nom les mouvemens qu'excitent en
moi les noms respectables des grands hom
mes. Ariste et Eudoxe ne font pas la même impression que feroient Descartes
Rohault , Gassendi. La conversation de
ceux- ci me plairoit , me charmeroit ; l'interêt qu'ils auroient à se défendre , m'interesseroit moi- même. L'àrdeur avec laquelle ils soutiendroient leurs opinionsm'animeroit. Persuadé que la dispute seroit réelle et sérieuse , je la suivrois avec:
plus de soin : l'amour propre seroit mê--
me de la partie , il entreroit dans ce jeu
il
NOVEMBRE. 1732. 2349
I augmenteroit mon plaisir et mes charmes . Je serois ravi d'être comme arbitre
entre de puissans Rivaux , et de décider
moi-même , ou de juger de leurs raisons.
Je le répéte , un Dialogue froid me glace , un Dialogue animé me transporte.
J'aurois lû les Entretiens Physiques avec
bien plus de plaisir , si j'y eusse vû disputer Descartes Gassendi , Rohault
Mrs Arnauld , Regis , le Pere Malebranche , ou quelqu'autres dont la réputation célebre me donnat une idée avantageuse
de leur sçavoir.
2
Les Dialogues même du Spectacle de la
Nature auroient pû trouver place dans les
momens de loisir de ces grands Hommes.
N'est- il pas même plus vraisemblable que
c'est à l'éxamen curieux de ce détail des
objets exterieurs de la Nature , qu'ils em
ployerent les intervalles de leurs pénibles
études , qu'il n'est vraisemblable qu'il ait
fait l'occupation réguliere des vacances
d'un jeune homme. Non, je ne puis croire
qu'un jeune homme dans le feu de l'âge ,
susceptible des plaisirs de la Chasse , avide des Jeux et des divertissemens, ait volontairement sacrifié à la Philosophie des
momens si doux , si désirez , si ennemis
de toute application. Se peut- il faire qu'il
ait écouté de sang freid des Dissertations
Sur
2550 MERCURE DE FRANCE
sur mille choses ausquelles les jeunes gens
ne sont pas si sensibles qu'on le voudroit
faire croire. L'Auteur qui n'est plus dans
le feu de lajeunesse,a sans doute oublié la
vivacité de cet âge. Quelques particularitez ezpliquées en differentes occasions que
présente le hazard , peuvent plaire ; mais
des Conférences réglées , des Assemblées
Académiques , et cela entre des personnes
d'âge et de condition si différentes ; en verité, l'Auteur y a- t-il bien pensé ?
Le premier entretien qui sert d'intro
duction , et qui est une longue exposition
des princip's physiques ne devoit pas avoir
bien des charmes pour un jeune homme.
Les descriptions anatomiques , ennuiantes
et souvent inintelligibles , les Sermons
mêne , et les moralitez assez frequentes
ne sont pas du goût de la Jeunesse. Aussi
notre jeune Chevalier , quoique le Heros
de la Piéce , dort cependant presque toujours , et laisse parler les autres. Il est
vrai qu'on veut mettre à profit jusqu'à
son sommeil , ses réveries paroissent quelquefois si agréables , qu'on veut même
rester en sa place ; au reste , il est toujours de bon accord , c'est-à- dire , qu'il
paroît que c'est moins par inclination.
que par complaisance qu'il se trouve à
toutes ces assemblées. Ons'apperçoit néanmoins
NOVEMBRE. 1732. 2301
moins qu'on a tâché d'égayer son personage , en insérant de tems en tems des
traits qu'on a voulu rendre plaisans. Mais
le plus souvent tout cela paroît forcé et
ne coule point de source. Ce n'est point
le cœur qui parle. Le sujet est traité sérieusement , quoiqu'on se soit proposé de
le traiter gayement. Ce sont toujours les
mêmes personnages , et presque toujours
les mêmes transitions. Le Gentilhomme
et son Epouse qui ont presque toujours
du monde à leur table , n'ont pas le talent de retenir quelqu'un , et de lui faire
faire une débauche académique. Cemoïen
auroit diversifié l'ordre et les matieres
sans déranger la suite et l'enchaînement
des sujets qu'on se proposoit d'approfon
dir. Je ne sçai si l'Auteur a voulu se peindre dans le personnage du Curé , il se
trouve trop sçavant et en même tems
trop amateur de la morale. Ces deux talens sont si rarement réunis ensemble ,
que bien loin de paroître vraisemblables
il semble qu'ils soient incompatibles. Il
connoît àfond toute la nature ; mais un
Curé aussi attaché à ses devoirs aussi.
éxact à les remplir qu'on veut nous le représenter , a-t'il le tems de développer
tous ces mysteres. Il est , dit- on , en miême-tems plein de pieté et de Religion
›
›
>
:
je
2352 MERCURE DE FRANCE
.
je veux bien le croire ; mais ce n'est pas
parce que lorsqu'il s'agit d'une partie de
Pêche , il soutient qu'étant chargé de la
péche des hommes il ne doit point assister à celle des poissons. On le dit charitable , désinteressé et plein de tendresse
pour son troupeau , j'y souscris ; mais ce
n'est pas , parce qu'au sujet de l'amour
des bêtes pour leurs petits , on fait un
froid panegyrique de sa charité , ce n'est
pas parce qu'on compare ses soins pastorals à ceux de ces animaux.
Le caractere du Comte me paroit un
peu obscur. Je ne vois pas bien ce qui le
domine , ni même ce qui le compose. II.
a servi long- tems , et jouit de la paix de
puis bien des années ; ainsi il ne doit pas.
être jeune. Cependant on ne voit point
cette démangeaison naturelle aux personnes de son âge et de sa condition à raconter differens traits arrivez durant sa jeunesse , durant ses voyages , durant son
service. Pour vous dire, en un mot, ce que
je pense de la Dame , on met bien des
choses dans sa bouche , qui, ce me semble,
auroient bien mieux convenues dans celle
du jeune homme.Ses colations spirituelles.
sont des tours déja usez , les exclamations.
qui se font à ce sujet me semblent bien
déplacées. Je n'aime guéres non plus ni sa
filasse
NOVEMBRE. 1732. 2353
filasse , ni sa filandiere. Je ne voudrois pas
la voir tant parler , ou je la voudrois entendre parler plus souvent. Enfin je trouve trop d'ignorance dans sa science , et
trop de science dans son ignorance. Au
reste , Monsieur , tout ce que je viens de
vous dire ne détruit point ce que j'ai
avancé au commencement de ma Lettre ,
que ce Livre est très-utile et très curieux.
Dans cette premiere partie , nous avons
quinze Entretiens , les huit premiers ont
les Insectes pour objet , le neuvième est
-sur les Coquillages , le 10. et 11. sur les
Oyseaux , le 12. sur les Animaux terrestres , le 13. sur les Poissons , le 14. et 15.
sur les Plantes. Ce qui regarde les Insectes est plus étendu , et paroît travaillé
avec plus de soin que les autres morceaux,
qu'on diroit que l'Auteur a voulu simplement ébaucher.
Vous sentez bien , Monsieur , queje
ne puis vous faire le détail des faits curieux
qui y sont rapportez ; quand même j'en
transcrirois quelques-uns, vous ne pouriez
en juger équitablement. C'est à l'obscurité de la matiere et non à la capacité de
1'Auteur qu'il faut s'en prendre , si bien
des circonstances ne sont pas exposées
avec la netteté qu'il seroit à souhaitter ,
si la curiosité n'est pas satisfaite par 'tout.
Mais
2334 MERCURE DE FRANCE
Mais comme je ne puis me dispenser de
vous rapporter quelques échantillons
pour vous mettre en état de mieux connoître l'ouvrage , je choisirai deux morceaux entierement du génie de l'Auteur ,
car il déclare que les Remarques et les
Observations Physiques ne sont point de
lui. Je vous rapporterai donc deux portraits qui me paroissent d'un goût bien
different. Ils sont suivis tous deux d'une
morale où je n'ai pas trouvé le même sel ,
la même force , la même justesse , soit
pour la place qui leur a été choisie , soit
pour ce qui les occasionne , soit pour la
maniere dont ils sont éxecutez. Le premier endroit est tiré du morceau favori
de l'Auteur , je veux dire du Traité des
Insectes. On venoit de parler de la Féve
ou Crysalide dans lesquelles les chenilles
s'ensevelissent elles- mêmes pour revivre
ensemble dans une nouvelle forme et
comme d'une nouvelle vie.
C'est le Curé qui parle , page 56. Qu'on ouvre,
dit-il une de ces Crysalides , dont l'état est le
passage de la forme de Chenille à celle de Papil
len , vous n'y trouverez sur tout au commencement, qu'une bouillie ou une sorte de pourriture apparente où tout est confondu. C'est cependant
dans cette pourriture , qu'est le germe d'une meilleure vic, Ces humeurs transpirent peu à peu
au travers de la pellicule qui les couvre , la
pelii-
NOVEMBRE. 1732. 2355
•
pellicule acquiert insensiblement une couleur plus
vermeille , les traits qui étoient confus commen
cent à se démêler au travers du fourreau qui se
créve , la tête se dégage, les artéres s'allongent
les pattes et les aîles s'étendent , enfin le papillion vole , et ne conserve rien de son premier
état. La chenille qui s'est changée en nimphe, et
le papilon qui en sort , sont deux animaux to: alement differens . Le premier n'avoit rien que de
terrestre , et rampoit avec pesanteur , le second
est l'agilité même , il ne tient plus à la terre , il
dédaigne en quelque sorte de s'y poser ; le pre- mier étoit hérissé , et souvent d'un aspect hydeux ; l'autre est paré des plus vives couleurs.
Le premier se bornoit stupidement à une nourriture grossiere ; celui - ci va de fleur en fleur , il
vit de miel et de rosée , et varie continuellement
ses plaisirs. Il jouit en liberté de toute la Nature , et il l'embellit lui - même. La Comtesse.
M. le Prieur , voilà une image bien agréable de
notte résurrection. Le Prieur. Toute la Nature
est pleine d'images sensibles des choses célestes
et des veritez les plus sublimes. Il y a un profit
certain à l'étudier , et c'est une Théologie qui
est toujours bien reçûë , parce qu'elle est toujours
entendue. Le plus grand de tous les Maîtres , ou
plutôt notre unique Maître , nous a enseigné
cette méthode, en tirant la plupart de ses instructions des objets les plus communs que la Nature
lui présentoit , et il nous a mon ré en particulier
l'image de sa résurrection dans le grain de fro
ment qui demeure seul , tant qu'il n'est pas mort,
mais qui etant pourri et mort en terre produit
beaucoup de fruit.
9
Cette Morale semble convenir a sez
bien dans la bouche d'un Curé , mais
étoit-
2356 MERCURE DE FRANCE
étoit-ce à la Dame de faire l'application
de la résurrection des hommes à celles
des chenilles ? Au reste , on voit ici, surtout dans le commencement une vivacité
dans l'expression , un choix dans les termes , capables de charmer le Lecteur le
plus difficile. C'est encore M. le Curé qui
nous fournira l'autre portrait , je ne préviendrai pas votre jugement. Chacun s'étoit engagé à faire connoître la nature
d'un animal particulier. Voici comme le
Curé s'acquitte de sa dette.
Celui dont je veux vous faire l'éloge , dit-il ,
a des qualitez tout-à-fait singulieres.... Tout.
le monde abandonne l'Asne , je le veux prendre
sous ma protection. Vû d'une certaine façon.
cet animal me plaît , et j'espere montrer que bien loin d'avoir besoin d'indulgence ou d'apologie , il peut être l'objet d'un éloge raisonnable.
L'Asne , je l'avoue , n'a pas les qualitez brillantes , mais il les a solides... Il n'a pas la voix
tout-à- fait belle , ni l'air noble , ni des manieres
fort vives.... point d'air rengorgé , point de suffisance , il va uniment son chemin.... nul
apprêt pour son repas..... tout ce qu'on lui
donne est bien reçû... Si on l'oublie , et qu'on
l'attache un peu loin de l'herbe , il prie son maître le plus pathétiquement qu'il lui est possible de
pourvoir à ses besoins aussi- bien est- il juste qu'il
vive , il y employe toute sa Réthorique... Ses Occupations se ressentent de la bassesse de ceux
qui les mettent en œuvre mais le jugement que
Fon porte de l'âne et du maître sont également
injustes.... Nous ne pouvons en aucune sorte
9
ni
NOVEMBRE. 1732. 2357
·
ni en aucun tems , ni dans aucune condition
nous passer du Païsan et de l'Artisan. Ces gens
sont comme l'ame et le nerf de la République
et le soutien de notre vie. C'est d'eux que nous tirons de quoi remplir à chaque instant quelqu'un de nos besoins. Nos maisons , nos habits , nos
meubles et notre nourriture , tout vient d'eux.
Or , où en seroient réduits les Vignerons , les
Jardiniers , les maisons et la plupart des gens de campagne , c'est- à- dire , les deux tiers des
hommes , s'il . leur falloit d'autres hommes ou
des chevaux pour le transport de leurs mar
chandises et des matieres qu'ils employent. L'Asne est sans cesse à leurs secours , il porte le fruit,
les herbages , les peaux de bêtes , le charbon , le
bois , la tuile , la brique , le plâtre , la chaux , la
paille , et le fumier. Une courte comparaison achevera de vous faire mieux sentir l'utilité de
ses services , et les tirera en quelque sorte de leur obscurité. Le Cheval ressemble assez à ces Nations qui aiment le bruit et le fracas , qui sautent et dansent toujours , qui s'occupent beaucoup des dehors , et qui mettent de l'enjoument
par tout... L'Asne au contraire ressemble à ces
peuples naturellement épais et pacifiques , qui connoissent leur labourage , et rien de plus,vont leur train sans distraction , et achevent d'un air
sérieux et opiniâtre , tout ce qu'ils ont une fois .
entrepris.
Je ne sçai ce que vous en pensez , mais
cet éloge ne ressemble- t- il pas un peu à
ceux qu'on nous débita avec tant d'impudence l'année derniere. Il pourroit plaire
à ces Auteurs singuliers , qui réduisent
toute l'éloquence à l'Exposition , c'est- àC dire,
2358 MERCURE DE FRANCE
dire , à la répétition de la même chose en
différens termes. Mais à qui cette idée
peut-elle plaire ? Quant à l'éloge , n'auroit on pas mieux fait de le donner comme une déclamation du jeune Candidat
de Rhetorique, que comme les refléxions.
d'un homme qu'on veut faire regarder
comme plein de bon sens. Bien des gens
ont crû trouver du mistere dans la comparaison , mais il ne faut pas prêter à
l'Auteur trop de malice.
Je vous crois actuellement au. fait du
style et du genre de l'Ouvrage ; ces deux
échantillons suffisent pour en juger. Il est
bon cependant d'ajoûter qu'il y en a plus
d'une façon que d'une autre. Tout ce que
j'en conclus , c'est que l'Ouvrage n'est
pas également bien soûtenu , défaut commun aux plus excellentes productions de
l'esprit humain qui se ressent toujours de
sa foiblesse.
Interdumque bonus dormitat Homerus.
La forme auroit besoin de l'exactitude
que je suppose que l'Auteur agardée dans
les faits et les découvertes.
Au reste , il n'a point eu en vûë de
nous donner des Dialogues parfaits , mais
de piquer notre curiosité , et de la satisfaire
NOVEMBRE. 1732. 2359
faire innocemment. On peut dire qu'il
le fait , et par les traits curieux qu'il rap-.
porte , et par ceux qu'il nous a dérobés.
C'étoit là son but , et on peut assûrer
qu'il y est arrivé. Je ne voudrois pas cependant le dire à lui- même , ce seroit
me brouiller entierement avec lui. Il est
de ces sortes de gens qui ne peuvent entendre dire que leur Ouvrage est parfait ,
qui ne sont jamais plus contents que lorsqu'on leur montre des défauts réels , et
qui ne peuvent s'empêcher de ressentir
une secrete indignation contre ceux qui
les flattent , ou même qui les ménagent.
Je souhaitte à notre France un Peuple
de pareils Auteurs. Je suis , &c.
Ce 25 Septembre 1732
V
Ous me pressez , Monsieur , de vous
dire ce que je pense du Spectacle, de
la Nature; et même de vous en donner
une idée. Je ne puis m'en deffendre, puisqueje vous l'ai promis , et que je vous
suis redevable à cet égard. Mais , Monsieur , permettez- moi de vous l'avoüer
j'ai quelque peine à m'y résoudre. Cet
Ouvrage a pour objet des matieres sur
lesquelles j'aurois besoin d'être instruit
moi-même , bien loin d'être en état d'en
porter un jugement. Le nom de l'Auteur,
que vous connoissez sans doute , est si
respectable , son érudition est si profonde , et son mérite si généralement reconnu , qu'il seroit témeraire d'en dire du
mal , et inutile d'en dire du bien. Vous
vous contenterez donc , s'il vous plaît
de quelques légeres réfléxions sur la for-
>
me
NOVEMBRE. 1732. 2343
mede l'Ouvrage. Je conte que vous en
jugerez bien-tôt par vous-même ; la seule
énumération des sujets qui y sont traitez ,
ne manquera pas de piquer votre curiosité,que l'obscurité du titre a peut-être ralentie. Au reste , je vous dirai en passant
quesi vous voulez de la premiere Edition
vous n'avez point de temps à perdre. Le
débit en est si prodigieux que vous seriez
peut-être obligé d'attendre la seconde , à
Jaquelle on se prépare.
Vous allez d'abord me demander pourquoi ce débit si prompt? Je sçai que vous
vous défiez de cet empressement du pu- .
blic, depuis que vous avez vû des ouvra
ges reçûs avec avidité dans leur naissance , et presque aussi- tôt oubliez et même
méprisez. Je ne crois pas , Monsieur, que
le Spectacle de la Nature ait un sort aussi
bizarre. En voici la raison. Ceux qui ont
souffert cette ignominieuse révolution
n'avoient de mérite que la forme , et les
véritables Sçavans n'y ont jamais trouvé
une véritable solidité ; au lieu qu'on peut
dire la solidité est l'ame de celui- ci ;
que et si on osoit y reprendre quelques deffauts , ce seroit dans la forme seule qu'on
croiroit les appercevoir.
L'Auteur assure avoir essayé d'en écarter la
tristesse , et au lieu d'un Discours suivi ou d'un
B vj enchaî-
2344 MERCURE DE FRANCE
enchaînement de Dissertations qui emmenent
souvent le dégoût et l'ennui , il a cru devoir
prendre le Stile de Dialogue , qui est de tous le
plus naturel et le plus propre à attacher toutes
sortes de Lecteurs. Preface.
La Scene est une Maison de Campagne,
où un jeune homme sortant de Seconde
pour entrer en Réthorique , passe une
partie de ses Vacances chez un Gentilhomme, qui ayant étudié à fond la Nature , se plaît à lui en développer les secrets les plus curieux . Le Curé du lieu ,
grand Physicien , se joint à eux. L'Epouse
même du Gentilhomme vient aussi prendre, et quelquefois donner des Leçons.
Du caractere dont je vous connois , cette
Scene , ces Personnages , ne vous plaisent
gueres. Quant à moi , vous devinez aisé
ment ma pensée là - dessus. L'Auteur s'est
proposé d'imiter les Entretiens du PereBouhours ; ne vous attendez pas que je
décide s'il égale ou s'il surpasse son modele ; je réserve ce jugement à des personnes plus capables que moi , de sentir
les beautez de l'un , et d'appercevoir les
deffauts de l'autre. Je vous dirai seulement qu'il me semble que les anciens .
avoient attrapé bien mieux que nous l'art
d'interesser les Lecteurs dans leurs Dialogues ; en introduisant sur la Scene des
Personnages d'un mérite connu et distin
NOVEMBRE. 1732 234
3
tingué , et même qui eussent réussi dans le
genre d'étude dont ils les faisoient parler.
Cette précaution me paroît pleine de prudence , et rien de plus sensé que la rai
son que Ciceron en donne : Genus hoc Ser
monumpositum in hominum veterum authoritate , et eorum illustrium , plus nescio quo
pacto videtur haberegravitatis. De amicitia.
Le choix qu'ils faisoient n'étoit pas moins
sage ; dans un Dialogue sur la vieillesse
Ciceron introduit Caton , l'homme le
plus vieux et le plus sage de son siécle
Dans un autre Dialogue , où il est traitté
de l'Amitié, il fait parler Lælius, qui par
sa prudence avoit mérité le surnom de
Sage , et s'étoit rendu encore plus illus
tre par l'amitié tendre et sincere , qui l'avoit étroitement uni à Scipion . De pareils
Héros sont bien capables d'attacher un
Lecteur sensible ; on oublie entierement
l'Auteur lui-même ; on croit être présent
à l'entretien, on s'imagine voir ces grands
hommes , et les entendre. En effet , quel
est le but d'un Dialogue ? Ne peut on
pas le regarder comme un véritable Poë
me Dramatique , dont le sujet plus paisible et plus tranquille que ceux qui occu
pent nos Théatres , se diversifie , suivant
la difference de l'objet de l'étude de ses
Héros. Tout le monde exige dans ces
>
deux
2346 MERCURE DE FRANCE
deux genres d'écrire , le naturel dans les
personnages , la vraisemblance dans la
Scene , pourquoi n'exigeroit- on pas aussi des mœurs , des passions , une espéce d'intrigue , un nœud , un dénouement , que
la diversité des opinions , les préjugez ,
les différentes raisons , l'évidence enfin et
la verité formeroient ? Je m'arrête au caractere seul des Interlocuteurs , je crois
que c'est une partie essentielle du Dialogue, et pour y réussir , je suis persuadé
qu'il n'est pas possible de se dispenser de
mettre en pratique le précepte d'Horace ,
dont l'application me semble naturelle, et l'usage également nécessaire dans le Dialogue comme dans la Tragédie.
Rectius Iliacum carmen deducis in actus ,
Quam siproferres ignota , indictaque primus.
Art. Poët.
Conserver les différens caracteres sans
que jamais ils se démentent, est un point
Indispensable dans le Poënre Dramatique,
et par conséquent dans le Dialogue qui en
est une espéce. Dans l'un comme dans
l'autre il est plus aisé de peindre un portrait naturel , un caractere connu , que
d'en imaginer un et le soutenir; car, comme le dit fort bien Horace :
Diffi-
NOVEMBRE. 1732. 2347
Difficile est propriè communia dicere.
Il vaut donc bien mieux employer des
Interlocuteurs connus d'ailleurs , et estimez,que des noms supposez et sans réalitez. Ces derniers n'ont rien qui interesse le Lecteur. Je ne suis pas attentif à
leurs fautes , parce que je n'ai pas une gran
de idée de leur sçavoir. Le Dialogue sur
l'éloquence attribué à M. de Fenelon ,
d'ailleurs si plein de refléxions solides, me
paroît bien froid quand je le considere
comme Dialogue. Ce n'est pas que les caracteres ne soient bien conservez. Mais
Ce caractere que je n'attribuë à personne ,.
m'échape à chaque moment , et je ne me
hâte point de prendre parti ni pour l'un
ni pour l'autre. Que m'importe que A
soit d'un sentiment , et B d'un autre ?
Un Crassus , dont l'éloquence , les talens,
la réputation étoient connus. Un Antoine , célébre, sçavant , estimé , me frappent
bien davantage. C'est à ces grands hommes à définir l'Eloquence , puisqu'ils la
possed nt à fond ; c'est à eux à me décou
vrir les routes qui peuvent y conduire ;
ils les ont pratiquées eux mêmes , et leur
gloire nous assûre du succès. C'est à eux
qu'il appartient de décider du mérite des
Auteurs , ils ont réüni tous les suffrages ,
et
2348 MERCURE DE FRANCE
et personne ne balance sur leur mérite..
Je les consulte avec confiance , je les écoute avec avidité , et pour moi , réussir ou
leur plaire , c'est à peu près la même chose.
.
On nous donna il y a environ deux
ans une Physique en Dialogue , et on
vient de la réimprimer ; cet Ouvrage est
estimé , je l'ai lû même avec fruit. Mais
quelque excellent , quelqu'utile qu'il
soit , il n'a pas laissé de m'ennuier. Les
Interlocuteurs qu'on me présente sont
des gens que je ne connois point ; et qui
plus est , que je n'ai aucun interêt de
connoître. C'est , me dit-on , un grand
génie , c'est un homme plein de vertu
de candeur , d'esprit. Je ne sens point à
son nom les mouvemens qu'excitent en
moi les noms respectables des grands hom
mes. Ariste et Eudoxe ne font pas la même impression que feroient Descartes
Rohault , Gassendi. La conversation de
ceux- ci me plairoit , me charmeroit ; l'interêt qu'ils auroient à se défendre , m'interesseroit moi- même. L'àrdeur avec laquelle ils soutiendroient leurs opinionsm'animeroit. Persuadé que la dispute seroit réelle et sérieuse , je la suivrois avec:
plus de soin : l'amour propre seroit mê--
me de la partie , il entreroit dans ce jeu
il
NOVEMBRE. 1732. 2349
I augmenteroit mon plaisir et mes charmes . Je serois ravi d'être comme arbitre
entre de puissans Rivaux , et de décider
moi-même , ou de juger de leurs raisons.
Je le répéte , un Dialogue froid me glace , un Dialogue animé me transporte.
J'aurois lû les Entretiens Physiques avec
bien plus de plaisir , si j'y eusse vû disputer Descartes Gassendi , Rohault
Mrs Arnauld , Regis , le Pere Malebranche , ou quelqu'autres dont la réputation célebre me donnat une idée avantageuse
de leur sçavoir.
2
Les Dialogues même du Spectacle de la
Nature auroient pû trouver place dans les
momens de loisir de ces grands Hommes.
N'est- il pas même plus vraisemblable que
c'est à l'éxamen curieux de ce détail des
objets exterieurs de la Nature , qu'ils em
ployerent les intervalles de leurs pénibles
études , qu'il n'est vraisemblable qu'il ait
fait l'occupation réguliere des vacances
d'un jeune homme. Non, je ne puis croire
qu'un jeune homme dans le feu de l'âge ,
susceptible des plaisirs de la Chasse , avide des Jeux et des divertissemens, ait volontairement sacrifié à la Philosophie des
momens si doux , si désirez , si ennemis
de toute application. Se peut- il faire qu'il
ait écouté de sang freid des Dissertations
Sur
2550 MERCURE DE FRANCE
sur mille choses ausquelles les jeunes gens
ne sont pas si sensibles qu'on le voudroit
faire croire. L'Auteur qui n'est plus dans
le feu de lajeunesse,a sans doute oublié la
vivacité de cet âge. Quelques particularitez ezpliquées en differentes occasions que
présente le hazard , peuvent plaire ; mais
des Conférences réglées , des Assemblées
Académiques , et cela entre des personnes
d'âge et de condition si différentes ; en verité, l'Auteur y a- t-il bien pensé ?
Le premier entretien qui sert d'intro
duction , et qui est une longue exposition
des princip's physiques ne devoit pas avoir
bien des charmes pour un jeune homme.
Les descriptions anatomiques , ennuiantes
et souvent inintelligibles , les Sermons
mêne , et les moralitez assez frequentes
ne sont pas du goût de la Jeunesse. Aussi
notre jeune Chevalier , quoique le Heros
de la Piéce , dort cependant presque toujours , et laisse parler les autres. Il est
vrai qu'on veut mettre à profit jusqu'à
son sommeil , ses réveries paroissent quelquefois si agréables , qu'on veut même
rester en sa place ; au reste , il est toujours de bon accord , c'est-à- dire , qu'il
paroît que c'est moins par inclination.
que par complaisance qu'il se trouve à
toutes ces assemblées. Ons'apperçoit néanmoins
NOVEMBRE. 1732. 2301
moins qu'on a tâché d'égayer son personage , en insérant de tems en tems des
traits qu'on a voulu rendre plaisans. Mais
le plus souvent tout cela paroît forcé et
ne coule point de source. Ce n'est point
le cœur qui parle. Le sujet est traité sérieusement , quoiqu'on se soit proposé de
le traiter gayement. Ce sont toujours les
mêmes personnages , et presque toujours
les mêmes transitions. Le Gentilhomme
et son Epouse qui ont presque toujours
du monde à leur table , n'ont pas le talent de retenir quelqu'un , et de lui faire
faire une débauche académique. Cemoïen
auroit diversifié l'ordre et les matieres
sans déranger la suite et l'enchaînement
des sujets qu'on se proposoit d'approfon
dir. Je ne sçai si l'Auteur a voulu se peindre dans le personnage du Curé , il se
trouve trop sçavant et en même tems
trop amateur de la morale. Ces deux talens sont si rarement réunis ensemble ,
que bien loin de paroître vraisemblables
il semble qu'ils soient incompatibles. Il
connoît àfond toute la nature ; mais un
Curé aussi attaché à ses devoirs aussi.
éxact à les remplir qu'on veut nous le représenter , a-t'il le tems de développer
tous ces mysteres. Il est , dit- on , en miême-tems plein de pieté et de Religion
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je
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je veux bien le croire ; mais ce n'est pas
parce que lorsqu'il s'agit d'une partie de
Pêche , il soutient qu'étant chargé de la
péche des hommes il ne doit point assister à celle des poissons. On le dit charitable , désinteressé et plein de tendresse
pour son troupeau , j'y souscris ; mais ce
n'est pas , parce qu'au sujet de l'amour
des bêtes pour leurs petits , on fait un
froid panegyrique de sa charité , ce n'est
pas parce qu'on compare ses soins pastorals à ceux de ces animaux.
Le caractere du Comte me paroit un
peu obscur. Je ne vois pas bien ce qui le
domine , ni même ce qui le compose. II.
a servi long- tems , et jouit de la paix de
puis bien des années ; ainsi il ne doit pas.
être jeune. Cependant on ne voit point
cette démangeaison naturelle aux personnes de son âge et de sa condition à raconter differens traits arrivez durant sa jeunesse , durant ses voyages , durant son
service. Pour vous dire, en un mot, ce que
je pense de la Dame , on met bien des
choses dans sa bouche , qui, ce me semble,
auroient bien mieux convenues dans celle
du jeune homme.Ses colations spirituelles.
sont des tours déja usez , les exclamations.
qui se font à ce sujet me semblent bien
déplacées. Je n'aime guéres non plus ni sa
filasse
NOVEMBRE. 1732. 2353
filasse , ni sa filandiere. Je ne voudrois pas
la voir tant parler , ou je la voudrois entendre parler plus souvent. Enfin je trouve trop d'ignorance dans sa science , et
trop de science dans son ignorance. Au
reste , Monsieur , tout ce que je viens de
vous dire ne détruit point ce que j'ai
avancé au commencement de ma Lettre ,
que ce Livre est très-utile et très curieux.
Dans cette premiere partie , nous avons
quinze Entretiens , les huit premiers ont
les Insectes pour objet , le neuvième est
-sur les Coquillages , le 10. et 11. sur les
Oyseaux , le 12. sur les Animaux terrestres , le 13. sur les Poissons , le 14. et 15.
sur les Plantes. Ce qui regarde les Insectes est plus étendu , et paroît travaillé
avec plus de soin que les autres morceaux,
qu'on diroit que l'Auteur a voulu simplement ébaucher.
Vous sentez bien , Monsieur , queje
ne puis vous faire le détail des faits curieux
qui y sont rapportez ; quand même j'en
transcrirois quelques-uns, vous ne pouriez
en juger équitablement. C'est à l'obscurité de la matiere et non à la capacité de
1'Auteur qu'il faut s'en prendre , si bien
des circonstances ne sont pas exposées
avec la netteté qu'il seroit à souhaitter ,
si la curiosité n'est pas satisfaite par 'tout.
Mais
2334 MERCURE DE FRANCE
Mais comme je ne puis me dispenser de
vous rapporter quelques échantillons
pour vous mettre en état de mieux connoître l'ouvrage , je choisirai deux morceaux entierement du génie de l'Auteur ,
car il déclare que les Remarques et les
Observations Physiques ne sont point de
lui. Je vous rapporterai donc deux portraits qui me paroissent d'un goût bien
different. Ils sont suivis tous deux d'une
morale où je n'ai pas trouvé le même sel ,
la même force , la même justesse , soit
pour la place qui leur a été choisie , soit
pour ce qui les occasionne , soit pour la
maniere dont ils sont éxecutez. Le premier endroit est tiré du morceau favori
de l'Auteur , je veux dire du Traité des
Insectes. On venoit de parler de la Féve
ou Crysalide dans lesquelles les chenilles
s'ensevelissent elles- mêmes pour revivre
ensemble dans une nouvelle forme et
comme d'une nouvelle vie.
C'est le Curé qui parle , page 56. Qu'on ouvre,
dit-il une de ces Crysalides , dont l'état est le
passage de la forme de Chenille à celle de Papil
len , vous n'y trouverez sur tout au commencement, qu'une bouillie ou une sorte de pourriture apparente où tout est confondu. C'est cependant
dans cette pourriture , qu'est le germe d'une meilleure vic, Ces humeurs transpirent peu à peu
au travers de la pellicule qui les couvre , la
pelii-
NOVEMBRE. 1732. 2355
•
pellicule acquiert insensiblement une couleur plus
vermeille , les traits qui étoient confus commen
cent à se démêler au travers du fourreau qui se
créve , la tête se dégage, les artéres s'allongent
les pattes et les aîles s'étendent , enfin le papillion vole , et ne conserve rien de son premier
état. La chenille qui s'est changée en nimphe, et
le papilon qui en sort , sont deux animaux to: alement differens . Le premier n'avoit rien que de
terrestre , et rampoit avec pesanteur , le second
est l'agilité même , il ne tient plus à la terre , il
dédaigne en quelque sorte de s'y poser ; le pre- mier étoit hérissé , et souvent d'un aspect hydeux ; l'autre est paré des plus vives couleurs.
Le premier se bornoit stupidement à une nourriture grossiere ; celui - ci va de fleur en fleur , il
vit de miel et de rosée , et varie continuellement
ses plaisirs. Il jouit en liberté de toute la Nature , et il l'embellit lui - même. La Comtesse.
M. le Prieur , voilà une image bien agréable de
notte résurrection. Le Prieur. Toute la Nature
est pleine d'images sensibles des choses célestes
et des veritez les plus sublimes. Il y a un profit
certain à l'étudier , et c'est une Théologie qui
est toujours bien reçûë , parce qu'elle est toujours
entendue. Le plus grand de tous les Maîtres , ou
plutôt notre unique Maître , nous a enseigné
cette méthode, en tirant la plupart de ses instructions des objets les plus communs que la Nature
lui présentoit , et il nous a mon ré en particulier
l'image de sa résurrection dans le grain de fro
ment qui demeure seul , tant qu'il n'est pas mort,
mais qui etant pourri et mort en terre produit
beaucoup de fruit.
9
Cette Morale semble convenir a sez
bien dans la bouche d'un Curé , mais
étoit-
2356 MERCURE DE FRANCE
étoit-ce à la Dame de faire l'application
de la résurrection des hommes à celles
des chenilles ? Au reste , on voit ici, surtout dans le commencement une vivacité
dans l'expression , un choix dans les termes , capables de charmer le Lecteur le
plus difficile. C'est encore M. le Curé qui
nous fournira l'autre portrait , je ne préviendrai pas votre jugement. Chacun s'étoit engagé à faire connoître la nature
d'un animal particulier. Voici comme le
Curé s'acquitte de sa dette.
Celui dont je veux vous faire l'éloge , dit-il ,
a des qualitez tout-à-fait singulieres.... Tout.
le monde abandonne l'Asne , je le veux prendre
sous ma protection. Vû d'une certaine façon.
cet animal me plaît , et j'espere montrer que bien loin d'avoir besoin d'indulgence ou d'apologie , il peut être l'objet d'un éloge raisonnable.
L'Asne , je l'avoue , n'a pas les qualitez brillantes , mais il les a solides... Il n'a pas la voix
tout-à- fait belle , ni l'air noble , ni des manieres
fort vives.... point d'air rengorgé , point de suffisance , il va uniment son chemin.... nul
apprêt pour son repas..... tout ce qu'on lui
donne est bien reçû... Si on l'oublie , et qu'on
l'attache un peu loin de l'herbe , il prie son maître le plus pathétiquement qu'il lui est possible de
pourvoir à ses besoins aussi- bien est- il juste qu'il
vive , il y employe toute sa Réthorique... Ses Occupations se ressentent de la bassesse de ceux
qui les mettent en œuvre mais le jugement que
Fon porte de l'âne et du maître sont également
injustes.... Nous ne pouvons en aucune sorte
9
ni
NOVEMBRE. 1732. 2357
·
ni en aucun tems , ni dans aucune condition
nous passer du Païsan et de l'Artisan. Ces gens
sont comme l'ame et le nerf de la République
et le soutien de notre vie. C'est d'eux que nous tirons de quoi remplir à chaque instant quelqu'un de nos besoins. Nos maisons , nos habits , nos
meubles et notre nourriture , tout vient d'eux.
Or , où en seroient réduits les Vignerons , les
Jardiniers , les maisons et la plupart des gens de campagne , c'est- à- dire , les deux tiers des
hommes , s'il . leur falloit d'autres hommes ou
des chevaux pour le transport de leurs mar
chandises et des matieres qu'ils employent. L'Asne est sans cesse à leurs secours , il porte le fruit,
les herbages , les peaux de bêtes , le charbon , le
bois , la tuile , la brique , le plâtre , la chaux , la
paille , et le fumier. Une courte comparaison achevera de vous faire mieux sentir l'utilité de
ses services , et les tirera en quelque sorte de leur obscurité. Le Cheval ressemble assez à ces Nations qui aiment le bruit et le fracas , qui sautent et dansent toujours , qui s'occupent beaucoup des dehors , et qui mettent de l'enjoument
par tout... L'Asne au contraire ressemble à ces
peuples naturellement épais et pacifiques , qui connoissent leur labourage , et rien de plus,vont leur train sans distraction , et achevent d'un air
sérieux et opiniâtre , tout ce qu'ils ont une fois .
entrepris.
Je ne sçai ce que vous en pensez , mais
cet éloge ne ressemble- t- il pas un peu à
ceux qu'on nous débita avec tant d'impudence l'année derniere. Il pourroit plaire
à ces Auteurs singuliers , qui réduisent
toute l'éloquence à l'Exposition , c'est- àC dire,
2358 MERCURE DE FRANCE
dire , à la répétition de la même chose en
différens termes. Mais à qui cette idée
peut-elle plaire ? Quant à l'éloge , n'auroit on pas mieux fait de le donner comme une déclamation du jeune Candidat
de Rhetorique, que comme les refléxions.
d'un homme qu'on veut faire regarder
comme plein de bon sens. Bien des gens
ont crû trouver du mistere dans la comparaison , mais il ne faut pas prêter à
l'Auteur trop de malice.
Je vous crois actuellement au. fait du
style et du genre de l'Ouvrage ; ces deux
échantillons suffisent pour en juger. Il est
bon cependant d'ajoûter qu'il y en a plus
d'une façon que d'une autre. Tout ce que
j'en conclus , c'est que l'Ouvrage n'est
pas également bien soûtenu , défaut commun aux plus excellentes productions de
l'esprit humain qui se ressent toujours de
sa foiblesse.
Interdumque bonus dormitat Homerus.
La forme auroit besoin de l'exactitude
que je suppose que l'Auteur agardée dans
les faits et les découvertes.
Au reste , il n'a point eu en vûë de
nous donner des Dialogues parfaits , mais
de piquer notre curiosité , et de la satisfaire
NOVEMBRE. 1732. 2359
faire innocemment. On peut dire qu'il
le fait , et par les traits curieux qu'il rap-.
porte , et par ceux qu'il nous a dérobés.
C'étoit là son but , et on peut assûrer
qu'il y est arrivé. Je ne voudrois pas cependant le dire à lui- même , ce seroit
me brouiller entierement avec lui. Il est
de ces sortes de gens qui ne peuvent entendre dire que leur Ouvrage est parfait ,
qui ne sont jamais plus contents que lorsqu'on leur montre des défauts réels , et
qui ne peuvent s'empêcher de ressentir
une secrete indignation contre ceux qui
les flattent , ou même qui les ménagent.
Je souhaitte à notre France un Peuple
de pareils Auteurs. Je suis , &c.
Ce 25 Septembre 1732
Fermer
Résumé : LETTRE CRITIQUE du R. P. G. Minime, au sujet du Livre intitulé : Spectacle de la Nature, &c.
Le texte est une lettre critique du R. P. G. Minime concernant le livre 'Spectacle de la Nature'. L'auteur de la lettre exprime sa difficulté à juger l'ouvrage en raison de la profondeur et du respectabilité de son auteur. Il souligne que le livre traite de matières complexes et que l'érudition de l'auteur est largement reconnue. La lettre mentionne également la popularité rapide du livre, dont la première édition se vend très vite, et que l'auteur a choisi le style de dialogue pour rendre le sujet plus accessible et attachant. Le 'Spectacle de la Nature' se déroule dans une maison de campagne où un jeune homme, un gentilhomme érudit, le curé du lieu et l'épouse du gentilhomme discutent des secrets de la nature. L'auteur de la lettre critique le choix des personnages, trouvant qu'ils manquent de distinction et de mérite connu, contrairement aux dialogues antiques qui introduisaient des personnages illustres. Il estime que les dialogues modernes devraient également respecter des règles de vraisemblance et de naturel. La lettre critique également la crédibilité des personnages et leur interaction. Le jeune homme, héros de l'histoire, semble souvent désintéressé et endormi, tandis que les autres personnages, bien que savants, manquent de charme et de diversité. Le curé, par exemple, est décrit comme trop savant et trop moralisateur pour être crédible. Le comte, un autre personnage, est jugé obscur et peu défini. L'auteur de la lettre regrette que les dialogues ne soient pas plus animés et intéressants, et qu'ils manquent de la vivacité et de l'intérêt que l'on pourrait attendre d'un jeune homme. La critique mentionne deux portraits tirés du livre : l'un sur la métamorphose des chenilles en papillons, utilisé comme métaphore de la résurrection, et l'autre sur l'âne, présenté comme un animal utile et souvent méprisé. L'auteur de la critique trouve ces portraits intéressants mais note des défauts dans la forme et le style de l'ouvrage. Il conclut que le livre, bien que non parfait, réussit à piquer la curiosité du lecteur et à la satisfaire de manière innocente. L'auteur de la critique exprime également son admiration pour les auteurs qui préfèrent recevoir des critiques constructives plutôt que des flatteries.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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743
p. 2361-2362
« S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
Début :
S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...]
Mots clefs :
Études sérieuses, Savants, Plaisirs, Délasser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux litteraires , sans sortir du Cabinet , en mettant à la place des Etudes sérieuses , qui
les occupent ordinairement , des sujets
plus simples et propres à égayer utilement et l'Auteur et les Lecteurs , c'est
particulierement dans la Saison où nous
sommes , Saison destinée aux innocens
plaisirs de la Campagne , et à donner un
relâche nécessaire aux plus importantes
Occupations de la Ville. C'est dans cet
esprit , sans doute , que M. C. occupé
toute l'année à remplir dignement un
Ministere qui n'a pour objet que le bien
public , et qui a déja orné ce Journal
de très-bonnes choses a composé la
Piéce qui suit. » Le sujet , dit-il lui- même , en nous l'envoyant , est extrême-
»ment simple, mais j'ai tâché de l'égayer
»et même de l'orner par l'assemblage de
<»presque tout ce qui a été dit là- dessus
>
par les Grammairiens , les Historiens
»les Naturalistes , les Poëtes , &c. ainsi
»avant que de juger si j'ai eu raison , ou
Ciij non,
2362 MERCURE DE FRANCE
» non d'employer à cette production
»quelques momens de loisir.
,
Perlege quodcumque est , quid Epistola lecta no- cebit ?
OVID.
les occupent ordinairement , des sujets
plus simples et propres à égayer utilement et l'Auteur et les Lecteurs , c'est
particulierement dans la Saison où nous
sommes , Saison destinée aux innocens
plaisirs de la Campagne , et à donner un
relâche nécessaire aux plus importantes
Occupations de la Ville. C'est dans cet
esprit , sans doute , que M. C. occupé
toute l'année à remplir dignement un
Ministere qui n'a pour objet que le bien
public , et qui a déja orné ce Journal
de très-bonnes choses a composé la
Piéce qui suit. » Le sujet , dit-il lui- même , en nous l'envoyant , est extrême-
»ment simple, mais j'ai tâché de l'égayer
»et même de l'orner par l'assemblage de
<»presque tout ce qui a été dit là- dessus
>
par les Grammairiens , les Historiens
»les Naturalistes , les Poëtes , &c. ainsi
»avant que de juger si j'ai eu raison , ou
Ciij non,
2362 MERCURE DE FRANCE
» non d'employer à cette production
»quelques momens de loisir.
,
Perlege quodcumque est , quid Epistola lecta no- cebit ?
OVID.
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Résumé : « S'il est permis aux Sçavans de se délasser quelquefois de leurs travaux [...] »
Le texte explore la possibilité pour les savants de se détendre en abordant des sujets légers, notamment durant l'été, propice aux plaisirs de la campagne et au repos des occupations urbaines. L'exemple de M. C. illustre cette réflexion. Malgré ses responsabilités ministérielles et ses contributions à un journal, M. C. a composé une pièce sur un sujet simple. Pour égayer et enrichir cette œuvre, il a intégré des éléments tirés des grammairiens, historiens, naturalistes, poètes et autres auteurs. M. C. invite les lecteurs à juger de la pertinence de cette approche avant de conclure sur l'utilisation de son temps libre pour cette production. Le texte se termine par une citation en latin d'Ovide.
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744
p. 2387-2388
EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
Début :
Jeune Gossin, reçois pour tendre hommage, [...]
Mots clefs :
Gossin, Hommage, Actrice, Théâtre-Français, Zaïre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin , Actrice du Théatre François , sur
la Tragédie de Zaïre , dont elle jonë le
principal Rôle.
J'
Eune Gossin , reçois pour tendre ho
mage ,
Reçoi mes Vers au Théatre applaudis ,
Protege- les , Zaïre est ton Ouvrage ;
Il est à toi puisque tu l'embellis :
Ce sont tes yeux , ces yeux si pleins de charmes ,
Qui du Critique ont fait tomber les armes ;
Ton seul aspect adoucit les Censeurs ;
D iiij L'Il-
2388 MERCURE DE FRANCE
L'Illusion , cette Reine des cœurs ,
Marche à ta suite, inspire les allarmes ,
Les sentimens , les regrets , les douleurs ,
Le doux plaisir de répandre des larmes ;
Le Dieu des Vers qu'on alloit dédaigner
Est par ta voix aujourd'hui sûr de plaire.
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere
Est par tes yeux bien plus sûr de régner.
Entre ces Dieux désormais tu vas vivre :
'Helas ! long- tems je les suivis tous deux ;
Il en est un que je ne puis plus suivre :
Heureux cent fois le Mortel amoureux,
Qui tous les jours peut te voir et t'entendre,
Que tu reçois avec un souris tendre ;
Qui voit son sort écrit dans tes beaux yeux ,
Qui meurt d'amour , qui te plaît , qui t'a dore ,
Qui pénetré de cent plaisirs divers ,
A tes genoux oubliant l'Univers ,
Parle d'amour et t'en reparle encore!
Mais malheureux qui n'en parle qu'en Vers.
la Tragédie de Zaïre , dont elle jonë le
principal Rôle.
J'
Eune Gossin , reçois pour tendre ho
mage ,
Reçoi mes Vers au Théatre applaudis ,
Protege- les , Zaïre est ton Ouvrage ;
Il est à toi puisque tu l'embellis :
Ce sont tes yeux , ces yeux si pleins de charmes ,
Qui du Critique ont fait tomber les armes ;
Ton seul aspect adoucit les Censeurs ;
D iiij L'Il-
2388 MERCURE DE FRANCE
L'Illusion , cette Reine des cœurs ,
Marche à ta suite, inspire les allarmes ,
Les sentimens , les regrets , les douleurs ,
Le doux plaisir de répandre des larmes ;
Le Dieu des Vers qu'on alloit dédaigner
Est par ta voix aujourd'hui sûr de plaire.
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere
Est par tes yeux bien plus sûr de régner.
Entre ces Dieux désormais tu vas vivre :
'Helas ! long- tems je les suivis tous deux ;
Il en est un que je ne puis plus suivre :
Heureux cent fois le Mortel amoureux,
Qui tous les jours peut te voir et t'entendre,
Que tu reçois avec un souris tendre ;
Qui voit son sort écrit dans tes beaux yeux ,
Qui meurt d'amour , qui te plaît , qui t'a dore ,
Qui pénetré de cent plaisirs divers ,
A tes genoux oubliant l'Univers ,
Parle d'amour et t'en reparle encore!
Mais malheureux qui n'en parle qu'en Vers.
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Résumé : EPITRE de M. de Voltaire à Mlle Gossin, Actrice du Théâtre François, sur la Tragédie de Zaïre, dont elle jouë le principal Rôle.
Dans une épître, Voltaire félicite Mlle Gossin, actrice du Théâtre Français, pour son interprétation dans la tragédie 'Zaïre'. Il admire son talent, affirmant qu'il embellit l'œuvre et désarme les critiques. Mlle Gossin incarne l'Illusion, suscitant diverses émotions telles que l'alarme, les sentiments, les regrets et les douleurs, ainsi que le plaisir de verser des larmes. Sa voix redonne au théâtre son pouvoir de plaire. Voltaire compare l'amour du théâtre à l'amour divin, soulignant que Mlle Gossin est chérie par le Dieu d'Amour. Il exprime l'envie de ceux qui peuvent la voir et l'entendre quotidiennement, contrastant avec la condition malheureuse de ceux qui ne peuvent exprimer leur amour que par des vers.
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745
p. 242[1]-2430
Le Parnasse François, &c. [titre d'après la table]
Début :
LE PARNASSE FRANCOIS, dédié au Roi, par M. Titon du Tillet, Commissaire [...]
Mots clefs :
Parnasse, Vignettes, Estampes, Poètes, Musiciens, Histoire générale, Titon du Tillet, Médailles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Parnasse François, &c. [titre d'après la table]
LE PARNASSE FRANÇOIS , dédié au Roi ,
par M. Titon DuTillet,Commissaire Provincial des Guerres , ci devant Capitaine
de Dragons , et Maître d'Hôtel de feuë
MADAME LA DAUPHINE , MERE DU ROI.
in -fol. de près de 800 pages , orné de 10.
Vignettes , et de 13 Estampes en taillesdouces. AParis, chez Coignard le fils, Im
primeur du Roi et de l'Académie Françoise,
1732. prix 24 liv. le grand papier , et
15 liv. le petit. Ce volume contient 1.
un Discours sur le dessein que l'Auteur
s'est proposé en faisant éxécuter en Bronze le PARNASSE FRANÇOIS A LA GLOIRS
PE LA FRANCE ET DE LOUIS LE GRAND ,
**
2422 MERCURE DE FRANCE
ET A LA MEMOIRE DES ILLUSTRES POETES
ET MUSICIENS FRANÇOIS. Il donne dans
ce discours une idée des honneurs et des
Monumens que les Peuples les plus célébres de l'Antiquité , surtout les Grecs et
les Romains , accordoient aux personnes
qui se distinguoient dans les Sciences et
dans les beaux Arts ; il marque qu'il a
imité leur exemple en élevant le Parnasse
François.
2. Il fait la description de ce Parnasse ;
qu'il divise en trois parties. La premiere
fait connoître les figures qui composent
ce Groupe , ce qu'elles représentent , et
les rangs différens que nos Poëtes et nos
Musiciens y occupent. Dans la seconde
on voit la disposition de tout ce qui forme će Monument , et l'arrangement des
Figures avec leurs Attributs et leurs Simboles. Dans la troisième , on marque en
quoi le Parnasse FRANÇOIS est allégorique et analogique au PARNASSE DE LA
GRECE , et en quoi il est d'une nouvelle
invention. 3. Un ordre Chronologique
des Poëtes et des Musiciens rassemblez
jusqu'à présent sur lePARNASSE FRANÇOIS,
où l'on donne un Extrait de leur vie
un Catalogue de leurs Ouvrages , sur les
quels on rapporte les jugemens de plusieurs sçavans Critiques.
4.
NOVEMBRE. 1732. 2423
4. Un Essai , ou des Remarques sur la
Poësie et sur la Musique en géneral.
5. Des Remarques plus étenduës sur
l'origine et sur le progrès de la Poësie et
de la Musique Françoise , et particulierement sur nos Spectacles et nos Piéces, de
Théatre.
et
6. Un Poëme Latin du Pere Vaniere , Jésuite , sur le Parnasse François ,
avec une Imitation de ce Poëme en François , la plus grande partie en Vers ,
l'autre en Prose , par le Pere Brumoy , Jésuite. Une Lettre de M. Rousseau , et une
de M. de Saint Hyacinthe à M. Titon
Du Tillet sur son Parnasse.
M. Titon DuTillet a fait graver en 1723-
une grande et magnifique Estampe du
Parnasse dont nous avons fait la description dans le Mercure du mois de Septembre 172 3. et depuis il a donné une description de ce Monument avec une liste
alphabétique des Poëtes et des Musiciens
qui y sont rassemblez ; nous en avons fait
mention au mois de Juin 1727. que parut
cette Edition ; mais celle dont il vient de
faire part au Public est infiniment plus
ample , parce qu'il y a augmenté le nombre des Poëtes et des Musiciens sur le
Parnasse , et qu'il s'est étendu davantage
sur les articles de ceux dont il avoit parlé
dans la premiere Edition ; outre l'Essai et
les
#424 MERCURE DE FRANCE
les Remarques sur la Poësie et sur la Mu¬
sique qu'il donne dans celle- ci.
On peut dire de cet Ouvrage que nonseulement c'est la description du Parnasse François ; mais encore une Histoi
re générale de la Poësie et de la Musi
que Françoise, où les Curieux trouveront
de quoi se satisfaire.
>
CommeM. Titon du Tillet fait paroî
tre sur le Parnasse environ 250 Poëtes ou
Musiciens , il les distribuë en trois et même en quatre classes pour les y placer. I
marque dans son premier Discours, qu'il
ne lui convient pas d'être aussi severe que
Horace et Despréaux , dont il n'ignore pas
les Arrêts redoutables55; le premier dit
Dieux ni les hommes ne peuvent soufrir la
médiocrité dans les Vers , et qu'on arrache
jusqu'aux Affiches de leurs Ouvrages , mises
sur les Colonnes et aux coins des ruës.
Mediocribus esse Poëtis.
que
Non Di , non homines , non concessere columna.
let
Despréaux est du même sentiment , et
s'explique de cette maniere :
Mais dans l'art dangereux de rimer et d'écrire ;
Il n'est point de dégrez du médiocre au pire.
Et dans un autre endroit, en parlant de
peuxqui veulent meriter une place sur le Par
NOVEMBRE. 1732. 242
Farnasse , en traitant des sujets nobles et
élevez , il dit :
Qui ne vole au sommet, tombe au plus bas dégré
Mais il ne faut pas prendre Horace et
Defpreaux tout-à-fait à la lettre dans les
Passages cy-dessus où ils parlent du caracte- re élevé et du sublime de la Poësie , tel que
celui de l'Epopée ou du Poëte Epique , de
Ode Héroïque , et de la Tragedie ; car il est
d'autresgoûts de Poësie , où celui qui y réussit merite le titre de Poëte , et quelque rang
sur le Parnasse.
le Pourquoi voudroit- on qu'il n'y eut que
sommet du Parnasse d'habité , le milieu et
tes differentes Terrasses de cette Montagne
n'offrent-elles pas des endroits rians et délieieux où l'onpeutêtre placé avec distinction et selon le mérite de ses ouvrages.
Voici les Classes ou les Monumens diffe
rens qui distinguent les Poëtes et les Musisiens sur le Parnasse François. 1. Lafigure,
en Pied. 2. Les Médaillons ( cette Classe
peut bien êtrejointe avec la premiere ). 3. Les
noms gravez sur un premier Rouleau de
Bronze. 4. Un second Rouleau contient encore d'autres noms. 5. Un autre Rouleau où
sont écrits les noms de plusieurs personnes
d'un excellent gout , Amateurs et Protecteurs
de la Poësie et de la Musique , qui ont composé
2426 MERCURE DE FRANCE
posé aussi quelques jolis vers ou qui ont excellé dans l'art de chanter ou de jouer de
quelque Instrument. A la tête des Amateurs
et des Protecteurs de la Poësie , on a placé
LE CARDINAL DE RICHELIEU.
Pour faire encore quelque honneur à
notre Nation, M. Titon a mis à la fin de
ce volume une Liste d'environ cinq cent
Poëtes ou Musiciens , dont quelques- uns
peuvent avoir quelque mérite. Il les place dans les Avances ou dans les Campagnes qui environnent le Parnasse , afin
qu'Apollon et son Conseil puissent en admettre quelques- uns sur ce Mont sacré ,
s'ils les en trouvent dignes. Les Curieux
en Poësie et en Musique doivent lui sçavoir bon gré de leur rappelfer les noms
de tous ces Poëtes et de tous ces Musiciens , et en même temps de leur donner
une idée générale de l'hiftoire de notre
Poësie et de notre Musique , d'en faire
voir l'origine , les progrès et le haut
point de perfection où ces deux beaux
Arts sont montez en France, sous le Regne de Louis le Grand , qui est l'Apollon
du Parnasse François.
Pour revenir aux Poëtes et aux Musiciens qu'il a placés sur ce Parnasse , il dit :
Je n'ai point prétendu , comme on peut le
voir , par les differens monumens qu'on trouve
NOVEMBRE. 1732 2427
trouve sur ce Groupe de Bronze , et même
par les Places differentes que les Figures et
Les Médaillons y occupent , que tous les Poëtes et les Musiciens qui y sont rassemblez
soient d'un merite égal et digne des mêmes
honneurs. Je sçai bien qu'on ne trouve pas
facilement des MALHERBES et des RAGANS
pour l'ODE ; des CORNEILLES et des RACINES pour la TRAGEDIE ; des MOLIERESpour
la COMEDIE ; des LA FONTAINE pour LES
FABLES et LES CONTES ; des CHAPELLESpour
la Poësie naturelle , legere et badine ;` des
RACANS et des SEGRAIS pour la PASTORALE et l'EGLOGUE ; des DESPREAUX pour la
SATIRE ; des QUINAULTS pour la MUSIQUE
GHANTANTE ; des LULLYSpourla MUSIQUE,
et des Poëtes François et des Poëtes Latins
tels que les principaux de notre Parnasse
et des DAMES , telles que Mesdames de la
SUZE , des HouLIERES et Mad. de SCUDERY, qui y representent les 3 GRACES.
Il a fallu quelquefois plusieurs siècles pour
trouver un seul de ces beaux génies , et c'est
peut- être le plus grand effort de la nature de
les avoir tous produits dans un même siecle ;
sans parler de tant d'autres hommes qui ont
excellé en même-temps en France dans toutes
Les autres sciences et dans tous les autres beaux
Arts , differens de la Poësie et de la Musique.
Qu'on
2428 MERCURE DE FRANCE
1
Qu'on compteroit peu de ces grands hommes
depuis le regne de César et d'Auguste ! On
roiroit que la nature ce seroit reposée plus de
dix- sept cent ans pourfaire un pareil prodige et rendre le Regne de Louis LE GRAND
T'admiration de tous les siècles.
>
Rendons les bonneurs suprêmes à nosgrands
Poëtes , les Souverains du Parnasse , et
jouissons de leurs excellens Ouvrages ; mais
rendons aussijustice à plusieurs autres de nos.
Poëtes , qui ne les ont point égalé , mais dont
les écrits ne laissent pas d'avoir leur beauté
et leur agrément , donnant à chacun la gloire
et la récompense qui lui est dûë.
Stet sua cuique Mercos.
Comme le Parnasse François n'est consacré qu'aux Poëtes et qu'aux Musiciens
que la mort a enlevez , M. Titon y a
laissé des Places destinées pour y mettre
nos illustres Poëtes et nos fameux Musiciens vivans après leur mort. Il marque
même qu'il sera aisé d'augmenter de
moitié ce Groupe , en y ajoutant par la
Base , deux ou trois terrasses de Bronze
sur lesquelles on pourra placer autant de
figures qu'on le jugera à propos , et pour
y mettre tous les grands Poëtes et tous les fameux Musiciens dont la nature voudra favoriser la France dans les siécles
avenir.
I
NOVEMBRE. 1732. 2429
Il paroît que M. Titon auroit bien souhaité pouvoir passer les bornes qu'il a dû
se prescrire par ces paroles d'un ancien
Auteur , Cineri gloria datur ; les Monu
mens les plus glorieux ne s'accordent
qu'après la mort. Il a même crû qu'il lui
étoit permis de faire exécuter les Médail
lons de nos trois plus anciens Poëtes vi
vans , qui jouissent d'une grande réputa- tion: Ce sont Messieurs de FONTENELLE et
Rousseau , Poëtes François ; et le P. VANIERE, Jésuite , Poëte Latin ; et ceux de
nos deux plus anciens Musiciens pour les
Opéra; Mess. CAMPRA et DESTOUCHES.
Il est bienpersuadé que les Personnes d'esprit et de mérite ne lui en sçauront pas
mauvais gré ; ce fera dans la suite aux Maîtres de l'Art à leur assigner sur le
Parnasse les places qu'ils y méritent. Il
annonce aussi qu'il doit faire exécuter
des Médaillons des Poëtes qui ont le plus
de réputation parmi ceux dont les noms
sont gravez sur le premier Rouleau qu'on
voit sur le Parnasse , et même ceux de
nos Poëtes vivans , qu'il tiendra toûjours
en reserve , pour être placez , quand il
conviendra , sur le Parnasse. Pour rendre
la suite des Médaillons des Poëtes et des
Musiciens François plus complette , il
compte de donner dans quelque- temps les
F Médail
4430 MERCURE DE FRANCE
Médaillons des Poëtes , et des Musiciens qui sont representez en figures
en pied sur le Parnasse , comme ceux
des Dames, qui y representent les trois
Graces.
Il a fait exécuter jusqu'à present 24
Médaillons de Bronze , qui ont deux pou
ces de diametre : Voici les noms de ceux
qui y sont représentez : LA REINE MARGUERITE , CLEMENT MAROT , MALHERJE , VOITURE , SCEVOLE DE SAINTE
MARTHE , MAYNARD , SARASIN , SCARRÓN, BENSERADE, QUINAULT, SANTEUIL,
RAPIN , COMMIRE , LA RUE , LAINEZ ,
LA LANDE, MARAIS , LA MOTTE , LE P.
VANIERE, FONTENELLE, ROUSSEAU,CAMPRA, DESTOUCHES , MAD, DE LA GUERRE.
Sur les revers de ces Médaillons on
mis des devifes et des symboles conve
nables aux caracteres des Personnes qui
font representées sur la tête des Médail
lons
Le sieur Curé , Sculpteur et Cizeleur ,
demeurant à la descente du Quai Pelle
rier,a exécuté ces Médaillons; et M.Titon
lui a permis de les vendre, pour satisfaire
ceux qui en feront curieux.
par M. Titon DuTillet,Commissaire Provincial des Guerres , ci devant Capitaine
de Dragons , et Maître d'Hôtel de feuë
MADAME LA DAUPHINE , MERE DU ROI.
in -fol. de près de 800 pages , orné de 10.
Vignettes , et de 13 Estampes en taillesdouces. AParis, chez Coignard le fils, Im
primeur du Roi et de l'Académie Françoise,
1732. prix 24 liv. le grand papier , et
15 liv. le petit. Ce volume contient 1.
un Discours sur le dessein que l'Auteur
s'est proposé en faisant éxécuter en Bronze le PARNASSE FRANÇOIS A LA GLOIRS
PE LA FRANCE ET DE LOUIS LE GRAND ,
**
2422 MERCURE DE FRANCE
ET A LA MEMOIRE DES ILLUSTRES POETES
ET MUSICIENS FRANÇOIS. Il donne dans
ce discours une idée des honneurs et des
Monumens que les Peuples les plus célébres de l'Antiquité , surtout les Grecs et
les Romains , accordoient aux personnes
qui se distinguoient dans les Sciences et
dans les beaux Arts ; il marque qu'il a
imité leur exemple en élevant le Parnasse
François.
2. Il fait la description de ce Parnasse ;
qu'il divise en trois parties. La premiere
fait connoître les figures qui composent
ce Groupe , ce qu'elles représentent , et
les rangs différens que nos Poëtes et nos
Musiciens y occupent. Dans la seconde
on voit la disposition de tout ce qui forme će Monument , et l'arrangement des
Figures avec leurs Attributs et leurs Simboles. Dans la troisième , on marque en
quoi le Parnasse FRANÇOIS est allégorique et analogique au PARNASSE DE LA
GRECE , et en quoi il est d'une nouvelle
invention. 3. Un ordre Chronologique
des Poëtes et des Musiciens rassemblez
jusqu'à présent sur lePARNASSE FRANÇOIS,
où l'on donne un Extrait de leur vie
un Catalogue de leurs Ouvrages , sur les
quels on rapporte les jugemens de plusieurs sçavans Critiques.
4.
NOVEMBRE. 1732. 2423
4. Un Essai , ou des Remarques sur la
Poësie et sur la Musique en géneral.
5. Des Remarques plus étenduës sur
l'origine et sur le progrès de la Poësie et
de la Musique Françoise , et particulierement sur nos Spectacles et nos Piéces, de
Théatre.
et
6. Un Poëme Latin du Pere Vaniere , Jésuite , sur le Parnasse François ,
avec une Imitation de ce Poëme en François , la plus grande partie en Vers ,
l'autre en Prose , par le Pere Brumoy , Jésuite. Une Lettre de M. Rousseau , et une
de M. de Saint Hyacinthe à M. Titon
Du Tillet sur son Parnasse.
M. Titon DuTillet a fait graver en 1723-
une grande et magnifique Estampe du
Parnasse dont nous avons fait la description dans le Mercure du mois de Septembre 172 3. et depuis il a donné une description de ce Monument avec une liste
alphabétique des Poëtes et des Musiciens
qui y sont rassemblez ; nous en avons fait
mention au mois de Juin 1727. que parut
cette Edition ; mais celle dont il vient de
faire part au Public est infiniment plus
ample , parce qu'il y a augmenté le nombre des Poëtes et des Musiciens sur le
Parnasse , et qu'il s'est étendu davantage
sur les articles de ceux dont il avoit parlé
dans la premiere Edition ; outre l'Essai et
les
#424 MERCURE DE FRANCE
les Remarques sur la Poësie et sur la Mu¬
sique qu'il donne dans celle- ci.
On peut dire de cet Ouvrage que nonseulement c'est la description du Parnasse François ; mais encore une Histoi
re générale de la Poësie et de la Musi
que Françoise, où les Curieux trouveront
de quoi se satisfaire.
>
CommeM. Titon du Tillet fait paroî
tre sur le Parnasse environ 250 Poëtes ou
Musiciens , il les distribuë en trois et même en quatre classes pour les y placer. I
marque dans son premier Discours, qu'il
ne lui convient pas d'être aussi severe que
Horace et Despréaux , dont il n'ignore pas
les Arrêts redoutables55; le premier dit
Dieux ni les hommes ne peuvent soufrir la
médiocrité dans les Vers , et qu'on arrache
jusqu'aux Affiches de leurs Ouvrages , mises
sur les Colonnes et aux coins des ruës.
Mediocribus esse Poëtis.
que
Non Di , non homines , non concessere columna.
let
Despréaux est du même sentiment , et
s'explique de cette maniere :
Mais dans l'art dangereux de rimer et d'écrire ;
Il n'est point de dégrez du médiocre au pire.
Et dans un autre endroit, en parlant de
peuxqui veulent meriter une place sur le Par
NOVEMBRE. 1732. 242
Farnasse , en traitant des sujets nobles et
élevez , il dit :
Qui ne vole au sommet, tombe au plus bas dégré
Mais il ne faut pas prendre Horace et
Defpreaux tout-à-fait à la lettre dans les
Passages cy-dessus où ils parlent du caracte- re élevé et du sublime de la Poësie , tel que
celui de l'Epopée ou du Poëte Epique , de
Ode Héroïque , et de la Tragedie ; car il est
d'autresgoûts de Poësie , où celui qui y réussit merite le titre de Poëte , et quelque rang
sur le Parnasse.
le Pourquoi voudroit- on qu'il n'y eut que
sommet du Parnasse d'habité , le milieu et
tes differentes Terrasses de cette Montagne
n'offrent-elles pas des endroits rians et délieieux où l'onpeutêtre placé avec distinction et selon le mérite de ses ouvrages.
Voici les Classes ou les Monumens diffe
rens qui distinguent les Poëtes et les Musisiens sur le Parnasse François. 1. Lafigure,
en Pied. 2. Les Médaillons ( cette Classe
peut bien êtrejointe avec la premiere ). 3. Les
noms gravez sur un premier Rouleau de
Bronze. 4. Un second Rouleau contient encore d'autres noms. 5. Un autre Rouleau où
sont écrits les noms de plusieurs personnes
d'un excellent gout , Amateurs et Protecteurs
de la Poësie et de la Musique , qui ont composé
2426 MERCURE DE FRANCE
posé aussi quelques jolis vers ou qui ont excellé dans l'art de chanter ou de jouer de
quelque Instrument. A la tête des Amateurs
et des Protecteurs de la Poësie , on a placé
LE CARDINAL DE RICHELIEU.
Pour faire encore quelque honneur à
notre Nation, M. Titon a mis à la fin de
ce volume une Liste d'environ cinq cent
Poëtes ou Musiciens , dont quelques- uns
peuvent avoir quelque mérite. Il les place dans les Avances ou dans les Campagnes qui environnent le Parnasse , afin
qu'Apollon et son Conseil puissent en admettre quelques- uns sur ce Mont sacré ,
s'ils les en trouvent dignes. Les Curieux
en Poësie et en Musique doivent lui sçavoir bon gré de leur rappelfer les noms
de tous ces Poëtes et de tous ces Musiciens , et en même temps de leur donner
une idée générale de l'hiftoire de notre
Poësie et de notre Musique , d'en faire
voir l'origine , les progrès et le haut
point de perfection où ces deux beaux
Arts sont montez en France, sous le Regne de Louis le Grand , qui est l'Apollon
du Parnasse François.
Pour revenir aux Poëtes et aux Musiciens qu'il a placés sur ce Parnasse , il dit :
Je n'ai point prétendu , comme on peut le
voir , par les differens monumens qu'on trouve
NOVEMBRE. 1732 2427
trouve sur ce Groupe de Bronze , et même
par les Places differentes que les Figures et
Les Médaillons y occupent , que tous les Poëtes et les Musiciens qui y sont rassemblez
soient d'un merite égal et digne des mêmes
honneurs. Je sçai bien qu'on ne trouve pas
facilement des MALHERBES et des RAGANS
pour l'ODE ; des CORNEILLES et des RACINES pour la TRAGEDIE ; des MOLIERESpour
la COMEDIE ; des LA FONTAINE pour LES
FABLES et LES CONTES ; des CHAPELLESpour
la Poësie naturelle , legere et badine ;` des
RACANS et des SEGRAIS pour la PASTORALE et l'EGLOGUE ; des DESPREAUX pour la
SATIRE ; des QUINAULTS pour la MUSIQUE
GHANTANTE ; des LULLYSpourla MUSIQUE,
et des Poëtes François et des Poëtes Latins
tels que les principaux de notre Parnasse
et des DAMES , telles que Mesdames de la
SUZE , des HouLIERES et Mad. de SCUDERY, qui y representent les 3 GRACES.
Il a fallu quelquefois plusieurs siècles pour
trouver un seul de ces beaux génies , et c'est
peut- être le plus grand effort de la nature de
les avoir tous produits dans un même siecle ;
sans parler de tant d'autres hommes qui ont
excellé en même-temps en France dans toutes
Les autres sciences et dans tous les autres beaux
Arts , differens de la Poësie et de la Musique.
Qu'on
2428 MERCURE DE FRANCE
1
Qu'on compteroit peu de ces grands hommes
depuis le regne de César et d'Auguste ! On
roiroit que la nature ce seroit reposée plus de
dix- sept cent ans pourfaire un pareil prodige et rendre le Regne de Louis LE GRAND
T'admiration de tous les siècles.
>
Rendons les bonneurs suprêmes à nosgrands
Poëtes , les Souverains du Parnasse , et
jouissons de leurs excellens Ouvrages ; mais
rendons aussijustice à plusieurs autres de nos.
Poëtes , qui ne les ont point égalé , mais dont
les écrits ne laissent pas d'avoir leur beauté
et leur agrément , donnant à chacun la gloire
et la récompense qui lui est dûë.
Stet sua cuique Mercos.
Comme le Parnasse François n'est consacré qu'aux Poëtes et qu'aux Musiciens
que la mort a enlevez , M. Titon y a
laissé des Places destinées pour y mettre
nos illustres Poëtes et nos fameux Musiciens vivans après leur mort. Il marque
même qu'il sera aisé d'augmenter de
moitié ce Groupe , en y ajoutant par la
Base , deux ou trois terrasses de Bronze
sur lesquelles on pourra placer autant de
figures qu'on le jugera à propos , et pour
y mettre tous les grands Poëtes et tous les fameux Musiciens dont la nature voudra favoriser la France dans les siécles
avenir.
I
NOVEMBRE. 1732. 2429
Il paroît que M. Titon auroit bien souhaité pouvoir passer les bornes qu'il a dû
se prescrire par ces paroles d'un ancien
Auteur , Cineri gloria datur ; les Monu
mens les plus glorieux ne s'accordent
qu'après la mort. Il a même crû qu'il lui
étoit permis de faire exécuter les Médail
lons de nos trois plus anciens Poëtes vi
vans , qui jouissent d'une grande réputa- tion: Ce sont Messieurs de FONTENELLE et
Rousseau , Poëtes François ; et le P. VANIERE, Jésuite , Poëte Latin ; et ceux de
nos deux plus anciens Musiciens pour les
Opéra; Mess. CAMPRA et DESTOUCHES.
Il est bienpersuadé que les Personnes d'esprit et de mérite ne lui en sçauront pas
mauvais gré ; ce fera dans la suite aux Maîtres de l'Art à leur assigner sur le
Parnasse les places qu'ils y méritent. Il
annonce aussi qu'il doit faire exécuter
des Médaillons des Poëtes qui ont le plus
de réputation parmi ceux dont les noms
sont gravez sur le premier Rouleau qu'on
voit sur le Parnasse , et même ceux de
nos Poëtes vivans , qu'il tiendra toûjours
en reserve , pour être placez , quand il
conviendra , sur le Parnasse. Pour rendre
la suite des Médaillons des Poëtes et des
Musiciens François plus complette , il
compte de donner dans quelque- temps les
F Médail
4430 MERCURE DE FRANCE
Médaillons des Poëtes , et des Musiciens qui sont representez en figures
en pied sur le Parnasse , comme ceux
des Dames, qui y representent les trois
Graces.
Il a fait exécuter jusqu'à present 24
Médaillons de Bronze , qui ont deux pou
ces de diametre : Voici les noms de ceux
qui y sont représentez : LA REINE MARGUERITE , CLEMENT MAROT , MALHERJE , VOITURE , SCEVOLE DE SAINTE
MARTHE , MAYNARD , SARASIN , SCARRÓN, BENSERADE, QUINAULT, SANTEUIL,
RAPIN , COMMIRE , LA RUE , LAINEZ ,
LA LANDE, MARAIS , LA MOTTE , LE P.
VANIERE, FONTENELLE, ROUSSEAU,CAMPRA, DESTOUCHES , MAD, DE LA GUERRE.
Sur les revers de ces Médaillons on
mis des devifes et des symboles conve
nables aux caracteres des Personnes qui
font representées sur la tête des Médail
lons
Le sieur Curé , Sculpteur et Cizeleur ,
demeurant à la descente du Quai Pelle
rier,a exécuté ces Médaillons; et M.Titon
lui a permis de les vendre, pour satisfaire
ceux qui en feront curieux.
Fermer
Résumé : Le Parnasse François, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente 'Le Parnasse Français', un ouvrage de M. Titon Du Tillet dédié au Roi et publié en 1732. Ce livre de près de 800 pages, illustré de vignettes et d'estampes, se compose de plusieurs sections clés. La première section expose le projet de l'auteur de créer un monument en bronze célébrant la gloire de la France et de Louis le Grand, en hommage aux poètes et musiciens français. L'auteur compare cet hommage aux honneurs accordés aux artistes dans l'Antiquité, notamment par les Grecs et les Romains. Le livre décrit ensuite le Parnasse Français, divisé en trois parties. La première partie présente les figures et leurs représentations. La deuxième détaille la disposition du monument et l'arrangement des figures avec leurs attributs et symboles. La troisième explique les analogies et les innovations par rapport au Parnasse grec. L'ouvrage inclut également un ordre chronologique des poètes et musiciens, des essais sur la poésie et la musique, des remarques sur l'origine et le progrès de ces arts en France, et un poème latin avec son imitation en français. Des lettres de M. Rousseau et de M. de Saint Hyacinthe à M. Titon Du Tillet sont également présentes. M. Titon Du Tillet a augmenté le nombre de poètes et de musiciens représentés dans cette édition par rapport à la précédente, et a ajouté des essais et des remarques sur la poésie et la musique. Le Parnasse Français est ainsi présenté comme une histoire générale de la poésie et de la musique françaises. L'auteur classe les poètes et musiciens en différentes catégories, reconnaissant que tous ne sont pas de mérite égal. Il mentionne des figures emblématiques comme Malherbe, Racine, Molière, et Lully, tout en rendant hommage à d'autres poètes et musiciens moins célèbres mais méritants. Le Parnasse Français est consacré aux poètes et musiciens décédés, mais des places sont laissées pour les artistes vivants. M. Titon Du Tillet a également fait exécuter des médaillons de bronze pour certains poètes et musiciens, dont les noms sont listés dans le texte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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746
p. 2440-2444
LETTRE et Discours sur les Paranymphes
Début :
Je vous envoye, Monsieur, un Discours, ou plutôt une petite Dissertation [...]
Mots clefs :
Paranymphes, Dissertation, Docteur, Discours, Pièce en latin, Université de Paris, Faculté des Arts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE et Discours sur les Paranymphes
LETTRE et Discours sur les
Paranymphes
E vous envoye , Monsieur , un Discours , ou plutôt une petite Dissertation au sujet des Paranymphes. Je l'ai obtenu d'un Docteur de mes amis , qui l'a
prononcé il y a quelques jours dans les
Ecoles de Médecine à la suite d'un Dis- ,
cours oratoire sur la difficulté & les avantages de son Art. Celui qui regarde les
Paranymphes me paroît d'autant plus
propre à être publié , qu'il pourroit donner occasion à une plus grande recherche , dont le Public profiteroit : la chose
est de quelque conséquence , car faute de
bien entendre ce que c'est que Paranymphe , ceux qui se chargent de cette action , soit dans la Faculté de Théologie
soit dans celle de Médecine , se donnent
souvent la licence , pour réjouir les Auditeurs , de débiter des traits d'histoire
satyriques , et d'une médisance outrée
ce qui ne manque guéres de s'attirer réci
proquement des veritez choquantes qui
deviennent publiques , &c.
On
NOVEMBRE. 1732. 244
On dira peut peut-être être que cet Exercice n'est
institué que pour faire rire : ce seroit là
une belle institution ! Le veritable esprit
des Paranymphes est au contraire de loüer
les Licentiez , mais de les louer d'une
maniere enjouée et agréable qui puisse exciter de ces ris de satisfaction dignes des
gens sensez , et non de ces ris effrenez ,
que causent les sotises d'autrui , ou de ces
pensées boufonnes , qui ne devroient sortir que de la bouche des Histrions et des
Farceurs.
Je vous envoye cette Piéce en Latin
comme elle a été prononcée , crainte de
la rendre mal et de la gâter. Je crois qu'au
mot Limen mariti scandere , on pourroit
trouver l'origine du Proverbe sauter le
pas. Je suis , &c.
AParis , le 1. Septembre 1732.
Cogitanti mihi, clarissimi Licentiandi, quâ po- tissimum ratione susceptas Paranymphi partes
pro dignitate exequerer, non prudentius me actu
rum esse existimavi , quam si quæ fuerint ab
origine Paranymphi munia , curiosè perquiren- do , officii mei mentem perfectius intelligerem.
Apud Græcos acaruμpos ille vocabatur qui
magno rerum usu edoctus , addicebatur à Parentibus desponsatæ comes puellæ ; usquedum mariti limen scanderet. Fidus. et oculatus assidebat virgini , stabili connubio jam jam jungendæ , ipsam
2442 MERCURE DE FRANCE
samque blandè crudiebat quanta, quamque varia
præstare deberet officia; singulare illius erat mu
nus sapientibus dictis ipsi præscribere quid viro,
deberet ut uxor amica , quid liberis ut benigna
mater , quid familiæ ut sedula domina. Nec prius
benignis hujusmodi officiis certabat quam fidei
prudentiæque suæ commissum pignus in sponsi
manus deponeret.
A Græcis ad Romanos , à Romanis ad Patres
nostros , victoriæ legibus , fluxit illa consuetudo
quam adoptare , et retinere non dedignata est
antiquissima Parens , Parisiensis Universitas.
Hinc suus est Theologis,suus est Medicis Paranyinphus , adhoc institutus ut Licentiandos inter
et almam facultatem sponsalia quædam inducat.
Ut indissolubili fædere longis repetitisque comprobatos examinibus , cum Facultate suâ conjun- gat , ut deniquè ipsos nuptia i thalamo non indignos commendet. Errat igitur qui sibi persuaserit Paranymphi partes esse dicteriis unumquemque lacessere , mordaci dente carpere , so- lutos risus captare mimicis scurrilitatibus Audi- tores recreare , uno deniquè verbo Histrianiam agere , meminerint omnes me dignissimi
Ecclesiæ Parisiensis Cancellarii , qui ab Instituto
Paranymphicam actionem ipse peragebat , vices adimplere.
T
Quamquam satyrâ plurimum delectentur ho
mines , quanquam dicacitatis famam plurimi
sectentur , gravitate et dignitate plenam me personam gerere fas non est oblivisci. Laudator
non derisor Cathedram ascendi. Impium esset
eos collegas rubore suffundere quos summo prosequor honore , quos si reprehendere vellem nul- lis contaminatos vitiis reperirem , quos deniquè
lau
NOVEMBRE. 1732 2443
laudare et commendare dum meditor , suavissi
mis et integerrimis moribus imbutos , omni doctrinæ et eruditionis genere instructos , omnibus deniquè tum ingenii , tum animæ dotibus
longè lateque fulgentes facilè deprehendo.
Ergo nullus erit nigra loliginis succus , nulla
zrugo , hoc vitium procul ab fore verbis verè
promitto, &c.
,
L'université de Paris , et la Faculté des
Arts en particulier , ont fait une perte
considérable par la mort de M. Louis Benet , ci devant Recteur et actuellement Receveur General de l'Université
Professeur de Philosophie au College de Beauvais , arrivée à Fontainebleau le 12 .
de ce mois , d'une attaque d'apoplexie.
Il étoit fort distingué par son sçavoir et
par d'autres belles qualitez qui l'avoient
tendu cher à toute l'Université. Il en
avoit soutenu la premiere charge pendant près de trois années avec toute la dignité et tout le succès possible. A la sortie de son Rectorat , la Nation de Nor
mandie , dont il étoit Membre , l'élut en
1731. pour son Procureur par voye d'acclamation , qui est la plus honorable ;
cette Charge n'empêcha pas qu'à la mort
de M. le Vasseur , Receveur General ;
l'Université ne lui conférat encore celle
de l'administration generale de ses deniers.
2444 MERCURE DE FRANCE
niers. M. Benet avoit un talent merveilleux pour parler et pour écrire noblement et élégamment en Latin. Dans le
Recueil imprimé chez Thiboust en 1730.
intitulé : SELECTA Rectorum Universitatis
Parisiensis mandata , &c. Il y a de lui
cinq Mandemens qui furent admirez dans
le tems , et qui passeront sans doute à la
Posterité. Les sujets sont 1°. l'Arrivée de
la Reine à Paris. 2°. Le Rétablissement
de la santé du Roi. 3º La Naissance du
Dauphin. 4°. L'Anniversaire de la Naissance du Roi. 5. La Naissance du Duc d'Anjou.
Paranymphes
E vous envoye , Monsieur , un Discours , ou plutôt une petite Dissertation au sujet des Paranymphes. Je l'ai obtenu d'un Docteur de mes amis , qui l'a
prononcé il y a quelques jours dans les
Ecoles de Médecine à la suite d'un Dis- ,
cours oratoire sur la difficulté & les avantages de son Art. Celui qui regarde les
Paranymphes me paroît d'autant plus
propre à être publié , qu'il pourroit donner occasion à une plus grande recherche , dont le Public profiteroit : la chose
est de quelque conséquence , car faute de
bien entendre ce que c'est que Paranymphe , ceux qui se chargent de cette action , soit dans la Faculté de Théologie
soit dans celle de Médecine , se donnent
souvent la licence , pour réjouir les Auditeurs , de débiter des traits d'histoire
satyriques , et d'une médisance outrée
ce qui ne manque guéres de s'attirer réci
proquement des veritez choquantes qui
deviennent publiques , &c.
On
NOVEMBRE. 1732. 244
On dira peut peut-être être que cet Exercice n'est
institué que pour faire rire : ce seroit là
une belle institution ! Le veritable esprit
des Paranymphes est au contraire de loüer
les Licentiez , mais de les louer d'une
maniere enjouée et agréable qui puisse exciter de ces ris de satisfaction dignes des
gens sensez , et non de ces ris effrenez ,
que causent les sotises d'autrui , ou de ces
pensées boufonnes , qui ne devroient sortir que de la bouche des Histrions et des
Farceurs.
Je vous envoye cette Piéce en Latin
comme elle a été prononcée , crainte de
la rendre mal et de la gâter. Je crois qu'au
mot Limen mariti scandere , on pourroit
trouver l'origine du Proverbe sauter le
pas. Je suis , &c.
AParis , le 1. Septembre 1732.
Cogitanti mihi, clarissimi Licentiandi, quâ po- tissimum ratione susceptas Paranymphi partes
pro dignitate exequerer, non prudentius me actu
rum esse existimavi , quam si quæ fuerint ab
origine Paranymphi munia , curiosè perquiren- do , officii mei mentem perfectius intelligerem.
Apud Græcos acaruμpos ille vocabatur qui
magno rerum usu edoctus , addicebatur à Parentibus desponsatæ comes puellæ ; usquedum mariti limen scanderet. Fidus. et oculatus assidebat virgini , stabili connubio jam jam jungendæ , ipsam
2442 MERCURE DE FRANCE
samque blandè crudiebat quanta, quamque varia
præstare deberet officia; singulare illius erat mu
nus sapientibus dictis ipsi præscribere quid viro,
deberet ut uxor amica , quid liberis ut benigna
mater , quid familiæ ut sedula domina. Nec prius
benignis hujusmodi officiis certabat quam fidei
prudentiæque suæ commissum pignus in sponsi
manus deponeret.
A Græcis ad Romanos , à Romanis ad Patres
nostros , victoriæ legibus , fluxit illa consuetudo
quam adoptare , et retinere non dedignata est
antiquissima Parens , Parisiensis Universitas.
Hinc suus est Theologis,suus est Medicis Paranyinphus , adhoc institutus ut Licentiandos inter
et almam facultatem sponsalia quædam inducat.
Ut indissolubili fædere longis repetitisque comprobatos examinibus , cum Facultate suâ conjun- gat , ut deniquè ipsos nuptia i thalamo non indignos commendet. Errat igitur qui sibi persuaserit Paranymphi partes esse dicteriis unumquemque lacessere , mordaci dente carpere , so- lutos risus captare mimicis scurrilitatibus Audi- tores recreare , uno deniquè verbo Histrianiam agere , meminerint omnes me dignissimi
Ecclesiæ Parisiensis Cancellarii , qui ab Instituto
Paranymphicam actionem ipse peragebat , vices adimplere.
T
Quamquam satyrâ plurimum delectentur ho
mines , quanquam dicacitatis famam plurimi
sectentur , gravitate et dignitate plenam me personam gerere fas non est oblivisci. Laudator
non derisor Cathedram ascendi. Impium esset
eos collegas rubore suffundere quos summo prosequor honore , quos si reprehendere vellem nul- lis contaminatos vitiis reperirem , quos deniquè
lau
NOVEMBRE. 1732 2443
laudare et commendare dum meditor , suavissi
mis et integerrimis moribus imbutos , omni doctrinæ et eruditionis genere instructos , omnibus deniquè tum ingenii , tum animæ dotibus
longè lateque fulgentes facilè deprehendo.
Ergo nullus erit nigra loliginis succus , nulla
zrugo , hoc vitium procul ab fore verbis verè
promitto, &c.
,
L'université de Paris , et la Faculté des
Arts en particulier , ont fait une perte
considérable par la mort de M. Louis Benet , ci devant Recteur et actuellement Receveur General de l'Université
Professeur de Philosophie au College de Beauvais , arrivée à Fontainebleau le 12 .
de ce mois , d'une attaque d'apoplexie.
Il étoit fort distingué par son sçavoir et
par d'autres belles qualitez qui l'avoient
tendu cher à toute l'Université. Il en
avoit soutenu la premiere charge pendant près de trois années avec toute la dignité et tout le succès possible. A la sortie de son Rectorat , la Nation de Nor
mandie , dont il étoit Membre , l'élut en
1731. pour son Procureur par voye d'acclamation , qui est la plus honorable ;
cette Charge n'empêcha pas qu'à la mort
de M. le Vasseur , Receveur General ;
l'Université ne lui conférat encore celle
de l'administration generale de ses deniers.
2444 MERCURE DE FRANCE
niers. M. Benet avoit un talent merveilleux pour parler et pour écrire noblement et élégamment en Latin. Dans le
Recueil imprimé chez Thiboust en 1730.
intitulé : SELECTA Rectorum Universitatis
Parisiensis mandata , &c. Il y a de lui
cinq Mandemens qui furent admirez dans
le tems , et qui passeront sans doute à la
Posterité. Les sujets sont 1°. l'Arrivée de
la Reine à Paris. 2°. Le Rétablissement
de la santé du Roi. 3º La Naissance du
Dauphin. 4°. L'Anniversaire de la Naissance du Roi. 5. La Naissance du Duc d'Anjou.
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Résumé : LETTRE et Discours sur les Paranymphes
L'auteur adresse une lettre et un discours sur les paranymphes à un destinataire non nommé. Il envoie une dissertation sur les paranymphes, prononcée récemment par un docteur ami lors des écoles de médecine après un discours oratoire sur la médecine. L'auteur considère ce discours digne de publication, car il pourrait encourager des recherches bénéfiques pour le public. Il souligne que le rôle des paranymphes est souvent mal compris, ce qui entraîne des comportements inappropriés tels que des traits d'histoire satiriques et des médisances, provoquant des réactions publiques négatives. Le véritable esprit des paranymphes est de louer les licenciés de manière enjouée et agréable, suscitant des rires de satisfaction plutôt que des rires effrénés ou des pensées bouffonnes. L'auteur envoie la pièce en latin pour éviter toute déformation due à la traduction. Il mentionne également la mort de M. Louis Benet, ancien recteur et receveur général de l'Université de Paris, professeur de philosophie au Collège de Beauvais, survenue à Fontainebleau le 12 novembre 1732. M. Benet était distingué par son savoir et d'autres qualités qui l'avaient rendu cher à toute l'Université. Il avait soutenu la première charge de l'Université pendant près de trois années avec dignité et succès. Après son rectorat, il fut élu procureur par la Nation de Normandie en 1731 et reçut la charge d'administration générale des deniers de l'Université à la mort de M. le Vasseur. M. Benet possédait un talent remarquable pour parler et écrire noblement et élégamment en latin. Cinq de ses mandements, imprimés en 1730, furent admirés et sont destinés à passer à la postérité. Les sujets de ces mandements incluent l'arrivée de la Reine à Paris, le rétablissement de la santé du Roi, la naissance du Dauphin, l'anniversaire de la naissance du Roi, et la naissance du Duc d'Anjou.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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747
p. 2454-2467
LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
Début :
Bien des Juges sans prévention ont cru que cette Piéce méritoit un meilleur [...]
Mots clefs :
La Fausse Inconstance, Extrait, Comédiens, Spectacle, Ouvrages de théâtre, Père, Fortune, Fille, Famille, Épouser
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texteReconnaissance textuelle : LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
LA FAUSSE INCONTANCE
Comédie en trois Actes. Extrait.
B
Ien des Juges sans prévention ont
cru que cette Piéce méritoit un meilleur sort , et qu'elle auroit pû réüssir si elle cut été donnée dans un temps.
plus favorable aux Spectacles. L'absence
de la Cour , des Officiers, des Bourgeois ,
et des meilleurs Comédiens nuiroit aux
meilleurs Ouvrages de Théatre; d'ailleurs
le peu qui reste d'amateurs de Spectacles,
s'attendent plutôt à des pieces ornées de
danses et de chants , qu'à un genre de
Comique , qui ne rit qu'à l'esprit et à la
raison ; celle dont il s'agit a peut être dégénéré en froideur par trop d'exactitude.
Le Lecteur en va juger.
Un Pere défiant , et d'ailleurs peu favori-
NOVEMBRE. 1732. 2455
vorisé de la Fortune , est chargé d'une
Fille qu'il voudroit pourvoir.CePere s'appelle Géronte , et Angelique est le nom de
sa Fille; un Frere beaucoup plus indigent
que lui , est allé faire ressource dans la
nouvelle France , et lui a laissé un Fils et
une Fille;le Fils se nomme Valere et la fille
s'appelle Mariane. Araminte , sœur de Géronte , s'est chargée de Mariane, et Valere
est échu en partage à Géronte. Voilà l'état
de la famille dont Géronte et Araminte
sont les chefs ; ils logent tous dans la même maison , mais en deux différens corps
de logis. Léandre , Fils de Lisimon , riche
Président , aime Mariane ; mais il feint
d'aimer Angelique , pour la conserver à
Valere qui en est éperdûment amoureux ,
jusqu'au retour de Chrysante son Pere ;
ce dernier est ce Frere de Géronte , qui est
allé dans la nouvelle France , et dont on
n'a point de nouvelles.
Géronte , dans le premier Acte, annonce à sa sœur Araminte que Léandre , Fils
de Lisimon , doit épouser sa Fille Angé
lique. Cette sœur , dont l'humeur toujours riante , contraste parfaitement avec
l'humeur triste de son Frere , et qui d'ailleurs est au fait des véritables sentimens
des Amans qui doivent jouer les principaux Rôles dans la Piéce , dit à son Frere
Gij qu'elle
2456 MERCURE DE FRANCE
qu'elle ne donnera point son consentement à l'Hymen proposé, si l'amour n'en
forme les nœuds ; Lisimon qu'on attend
pour achever ce projet de mariage, annonce à Géronte que l'Hymen est plus éloigné qu'ils n'avoient pensé , et que son
Fils Léandre vient de lui déclarer qu'il
croit qu'Angélique ne l'aime point , et
qu'il est trop galant homme pour la contraindre. Lisimon se retire voïant approcherAngélique.Géronte prie brusquement
Araminte de rentrer dans son apparte.
ment. Elle ne se retire qu'après avoir dit
à Angelique enl'embrassant :
Tien bon , ma chere Enfant , si tu n'és pas contente
Laisse gronder le Pere, et viens trouver la Tante.
Géronte dissimule sa colere aux yeux
de sa Fille Angelique; il lui dit qu'il ne
tient qu'à elle d'être heureuse , et que
Léandre la demande en mariage. Angelique toute interdite , ne sçait comment
parer le coup fatal qu'on veut lui porter.
Nérine , sa suivante , feint hardiment
qu'Angelique lui a avoué qu'elle aime
Léandre , et dit à Géronte qu'elle lui répond du consentement de sa Fille , qui
n'est timideque par pudeur, Géronte court
annoncer cette heureuse nouvelle à Lisimon. La
NOVEMBRE. 1732 2457
La Scene qui se passe entre Angelique
et Nérine est très- vive de la part de cette
derniere. Angélique lui dit qu'elle l'a perdue, en disant à son Pere qu'elle aime
Léandre. O Ciel ! lui répond Nérine en
colere, vous m'auriez donc trompée ! Angelique n'oublie rien pour l'appaiser
et s'excuse de la tromperie qu'elle lui a
faite , sur la défiance que lui donnoit son
attachement à son Pere. Nérine paroît in
fléxible , et lui dit avec beaucoup de vivacité.
Quel emploi près de vous est- ce donc que le inien ?
Vous donnez votre cœur sans que j'en sçache rien !
Quedis-je ? un faux Amant me fait prendre le
change !
Ah ! de l'un et de l'autre il faut que je me vange ;
Léandre à me tromper , conspiroit avec vous ;
Pour vous punir tous deux , il sera votre Epoux
Elle lui reproche sur tout de lui avoir
préféré Araminte pour confidente , et lur
dit que c'est à cette Tante si chere à la
tirer d'un si mauvais pas ; elle s'exprime
ainsi :
De quoi s'avise-t- elle ?
Paris est un Théatre , où l'on voit aujourd'hui ,
G iij Chaque
2458 MERCURE DE FRANCE
Chaque Acteur ne jouer que le Rôle d'autrui.
On n'y paroit jamais tel que l'on doit paroître ;
Le jeune Magistrat s'érige en petit Maître ;
Le petit Maître fronde et tranche du Docteur
Le Pié plat enrichi prend des airs de hauteur.
La Bourgeoise superbe , en Or , en Pierreries ,
Efface la Duchesse au Cours , aux Tuilleries.
Tout est si dérangé qu'on ne se connoît plus ,
Voyez à quel excès on a porté l'abus ;
Dans un projet d'amour, on confie à des Tantes
Des emplois jusqu'icy , remplis par des Sui vantes.
2
Nérine s'appaise enfin et promet à Angélique de la servir dans son Amour.
Valere vient , il garde d'abord le silence; mais ayant appris d'Angelique que
Nérine a tout découvert , et qu'elle veut
s'interresser pour eux ; il lui promet des
effets de sa reconnoissance.
Ce premier Acte finit par l'arrivée de
Lepine , Valet de Chrysante. Valere lut
demande des nouvelles de son Pere ; Lepine lui dit qu'il est riche autant qu'il étoit gueux.
Ne m'a- t-il point écrit ? lui dit Valere
charmé : Oui , lui répond Lepine , en faisant semblant de chercher la lettre qu'il
n'a pas ; il le prie de lui permettre auparavant de lui faire un récit de toutes ses
avan-
NOVEMBRE. 1732. 2459
avantures , droit de Voyageur , dont il
ne veut point démordre. Valere consent
à tout. Ce récit est des plus comiques , et
n'aboutit qu'à lui faire entendre quedes
Flibustiers qui ont pris le Vaisseau sur
lequel il étoit , lui ont tout volé , jusqu'à
son Portefeuille. Valere lui demandant
sa Lettre , il lui répond :
Pour lapouvoir donner, il la faudroit avoir.
Le sort du Porte-feuille a dû vous faire entendre
Qu'à moins qu'un Flibustier , exprès pour vous- la rendre ,
Ne traverse les Flots-au gré de vos souhaits ,
Votre Lettre en vos mains ne parviendra jamais.
Valére court annoncer à son oncle
l'heureuse nouvelle que Lepine vient de
Jui apporter breh ar an I
Valere et Léandre commencent le second Acte. Valere apprend à son ami
Léandre que son oncle se défie de Lepine et de lui , que cette Lettre prise par
des Flibustiers , lui est si suspecte , qu'il
va presser l'Hymen projetté. Araminte
Suivie d'Angelique , de Mariane et de
Nérine , vient les rassurer , et leur dit
en entrant :
Ca , ferme, mes Enfans ; laissons gronder l'o- Frage ;
G iiij C'est
2460 MERCURE DE FRANCE
C'est dans les grands périls qu'éclatte un grand
courage ;
{
Mon Frere vainement croit traverser vos vœux
Je prétends malgré lui vous rendre tous heu- reux &c. >
Valere prie sa sœur Mariane de l'acquiter envers son cher Léandre ; il lui
demande toute sa tendresse pour lui;
Mariane lui répond que son cœur est
déja donné. Valere et Léandre sont également étonnés d'une réponse àlaquelle
ils ne s'étoient pas attendus ; mais Angelique les tire d'erreur par ces Vers qu'elle
adresse à Léandre.
Quoique mon frere ait sur moi de puis- sance ,
Mon cœur n'est pas un don de la reconnois
› sance ;
Je devois à vos feux un plus juste retour ;
Vous ne l'avez reçû que des mains de l'A- nour
A ces mots , Léandre se jette à ses
pieds Geronte arrive et le surprend en
cet état ; Nerine l'ayant apperçû a recours
à l'artifice , et dit à Araminte de la seconder ; voici comme elle parle.
Vous êtes fou , Léandre , Angelique vous aime ;
Près
NOVEMBRE. 1732 2461
:
Près d'elle , croyez- moi , n'employez que vous même , &c.
à Geronte.
Ah! Monsieur , vous voilà !
J'épuise vainement toute ma Rethorique ;
Léandre doute encor de l'amour d'Angelique ,.
Et ce timide Amant implore notre appui
Pour un heureux Hymen qu'il ne devra qu'à
Il
lui...
presse Mariane , Araminte , moi- même ,
De daigner le servir auprès de ce qu'il aime 3.
Il se jette à nos pieds , &c.
Geronte soupçonne Nerine d'artifices
Araminte se retire avec tous ces Amans
qu'elle a pris sous sa protection.
Nerine n'oublie rien pour sejustifierdans
l'esprit de Geronte ; il ne veut s'y fier
que de la bonne sorte ; il lui dit d'aller
faire venir Valère , sans lui faire part dü
stratagême qu'il vient d'imaginer ; elle
obéit à regret ; voici l'artifice dont cet
Oncle défiant se sert pour tromper son
Neveu.
Il lui représente le mauvais état de sa
fortune ; il lui demande des preuves dè
sa reconnoissance pour les soins qu'il a
pris de son enfance , et le prie d'em
ployer le pouvoir qu'il a sur l'esprit d'Angelique pour la porter à accepter Léan
Gv dre
2462 MERCURE DE FRANCE
dre pour époux. Valere est frappé d'une commission si fatale à son amour ; il
promet pourtant à son Oncle de lui obéïr ;
mais ce qui acheve de l'accabler , c'est
que Geronte veut entendre , d'un endroit
où il sera caché,la conversation qu'il aura
avec sa chere Angelique ; voici ce que
son Oncle lui dit.
Caché dans cet endroit , et sans qu'elle s'en doute
Invisible et présent , il faut que je l'écoute :
C'est peu de l'écouter , j'observerai ses yeux ,
Ses gestes. , . &c... et , pour faire enco mieux 2
J'observerai les tiens , ton amitié fidelle ,
Te porteroit toi- même à te trahir pour elle..
Geronte va envoyer Angelique à Valere , dont la situation est des plus tristes
il se flatte pourtant de désabuser Angelique dès qu'il la revera. Cette Scene a
parû très-bien dialoguée. Angelique picquée du conseil que Valere lui donne.
d'épouser Léandre , s'y résout par dépit
et dit à Gerante qui revient de l'endroit
où il étoit caché , qu'elle est prête à donner la main à Léandre; à peine s'est- elle
retirée , que Geronte remercie Valere du
bon office qu'il vient de lui rendre , et lui die
NOVEMBRE. 1732. 2463
dit qu'il veut que cet Hymen s'acheve dès
le jour même l'embarras de Valere redoublant sa défiance , il ajoute que puisque , malgré lui , il a sçû se faire aimer
d'Angeliqué , il est à propos qu'il la dispose par quelques jours d'absence à n'aimer que Léandre ; et comme Valere se
plaint de la dureté d'un Oncle qui lui est
si cher , il lui répond ironiquement.
Oui , mon très- cher neveu , ni Lepine , ni vous ,
Jusques après P'Hymen n'entrerez point chez
nous ,
Taurai soin de la porte.
que
Geronte s'applaudit du prochain succès de sa supercherie ; il en agit de même
auprès de Mariane ; il lui fait entendre
Léandre dont elle se croit aimée , n'a
jamais aimé qu'Angelique qu'il va épouser , et que c'est Valere qui a fait cet heureux mariage ; il ajoûte qu'elle n'a qu'à
interroger Angelique , pour n'avoir plus à douter de cette verité ! il sort pour aller dresser le Contrat. Léandre vient
Mariane le croyant infidele le fuit après
lui avoir fait entendre qu'elle ne l'a jamais aimé. Léandre la suit , pour être
mieux éclairci d'un aveu qui le déses
pere.
Gvj Léan
2464 MERCURE DE FRANCE
Léandre et Nerinc commencent le trofsiéme Acte ; Nerine lui dit que Mariane
lui a donné ordre de lui fermer tout accès auprès d'elle.
Angelique vient , et confirme à Léan
dre un Hymen qu'il a peine à comprendre ; elle le surprend encore plus en lui
apprenant que cet Hymen est l'ouvrage
de Valere , elle s'exprime ainsi : こ
Oui , tantôt dans ces lieux , seul à seul aves moi ,
L'ingrat m'a conseillé de vous donner ma foi.[
Léandre n'ose encore soupçonner son
ami Valere de cette trahison quoique
tout semble l'en convaincre. Nerine attribue le changement de Valere à la nouvelle fortune de Chrysante , son pere's
elle veut tirer parti de cette infidelité en
mariant Angelique avec Léandre ; elle
leur conseille de s'épouser par dépit, si ce
n'est par amour ; ils semblent vouloir s'y
résoudre, ce qui fait une petite Scene assez plaisante entr'eux , tandis que Nerine
court à la porte , où elle a entendu du
bruit ; elle revient avec une Lettre de VaTere , par laquelle il se justifie , en apprenant à Angelique , que lorsqu'il lui conseilloit d'épouser Leandre , Geronte les
écou
NOVEMBRE. 1732 2455
écoutoit et observoit jusqu'au moindre
regard et au moindre geste ; . Valere est
rappellé par sa chere Angelique. Léandre
seul se croit malheureux ; il se plaint à
son ami de l'infidelité de sa sœur Mariane. Nerine prend sa défense , et s'explique ainsi.
En amour , que vous êtes novice !
Pour la sincerité vous prenez l'artifice !
Il est de certains cas ; où la feinte est vertu.
Devoit- on à vos yeux , d'un air triste , aba
batu ,
Lorsque d'un autre Hymen on sentoit les ap
proches ,
S'exhaler en regrets ? éclater en reproches ?
Vous appeller ingrat ? vous dire tendrement :
Je t'aimerai toujours malgré ton change
ment ;
Tu vois mes yeux en pleurs , er d'autres bali
vernes ,
Lieux communs d'Opéras, tant anciens, que mo
dernés ?
Vraiment , c'est bien ainsi qu'on doit traiter
l'Amour ;
Tu me quittes et bien je te quitte à mon
tour ;
Tu vas te marier et moi , je te déclare ,
Qu'une perte pareille aisément se répare ;
Que de peur d'en avoir un jour le démenti
2465 MERCURE DE FRANCE
De ne point aimer j'avois pris le parti.
C'est ainsi qu'à présent on bourre un infi dele ;
Mariane l'a fait , et j'aurois fait pis qu'elle..
Les Amans raccommodez , il ne rester
à Nerine qu'à détourner , ou du moins
à différer le mariage de Léandre et d'An
gelique, voici l'artifice qu'elle imagine :
c'est un feint enlevement ; elle dit à Valere , à Angelique et à Léandre de s'aller
enfermer chez Araminte à peine sontils sortis , qu'elle fait de grands cris ;
Geronte arrive ; elle lui dit que Valere:
vient d'enlever Angelique ; Araminte accourt aux cris de Geronte , et favorise le
stratagême avec sa gayeté ordinaire ;
Geronte sort pour aller faire courir après
le prétendu ravisseur. Lepine vient et de
mande à parler à Valere ; il fait entendre.
par un à parte qu'il vient lui apprendre
que Chrisante son pere est de retour.
Geronte revient ; il demande à Lépine ce
qu'il a fait d'Angelique ; Lépine lui répond qu'il n'est pas chargé du soin de
toute la famille , et que tout ce qu'il peut
faire , c'est de lui rendre son frere. Ge
ronte est frappé de ce surcroît de mal---
heur , il demande à Lepine s'il lui a dit
yrai quand il lui a annoncé que son frere
NOVEMBRE. 1732. 2467
re étoit riche ; Lepine , pour le punir de
son avarice et de sa défiance lui avoue qu'il
a menti ; ce dernier mensonge produit
une Scene très- comique entre les deux
freres ; Géronte reçoit Chrysante avecune froideur qui le surprend Chrysantelui en demandant la raison , il lui dit que
Valere vient d'enlever Angelique ; à ces.
mots , Chrysante indigné contre son fils ,
jure de le desheriter et de donner à Mariane cent mille écus , qu'il avoit apportez pour marier Valere avec Angelique.
Araminte qui survient , rit de cet enlevement prétendu , et dit à Chrysante que
son Neveu et sa Niéce n'ont bougé de
chez elle ; Nerine les va chercher par son
ordre ; Lisimon instruit de l'enlevement
d'Angelique vient retirer sa parole; Chrysante propose le mariage de sa fille avec
Léandre ; ce dernier y consent , et demande pardon à son pere , qui le lui accorde , après en avoir appris le motif; il
finit le Piéce par ces deux Vers :
Ah ! que de son bon cœur une preuve m'es chere !
Que ne fera-t'il pas quelque jour pour son
pere!
Comédie en trois Actes. Extrait.
B
Ien des Juges sans prévention ont
cru que cette Piéce méritoit un meilleur sort , et qu'elle auroit pû réüssir si elle cut été donnée dans un temps.
plus favorable aux Spectacles. L'absence
de la Cour , des Officiers, des Bourgeois ,
et des meilleurs Comédiens nuiroit aux
meilleurs Ouvrages de Théatre; d'ailleurs
le peu qui reste d'amateurs de Spectacles,
s'attendent plutôt à des pieces ornées de
danses et de chants , qu'à un genre de
Comique , qui ne rit qu'à l'esprit et à la
raison ; celle dont il s'agit a peut être dégénéré en froideur par trop d'exactitude.
Le Lecteur en va juger.
Un Pere défiant , et d'ailleurs peu favori-
NOVEMBRE. 1732. 2455
vorisé de la Fortune , est chargé d'une
Fille qu'il voudroit pourvoir.CePere s'appelle Géronte , et Angelique est le nom de
sa Fille; un Frere beaucoup plus indigent
que lui , est allé faire ressource dans la
nouvelle France , et lui a laissé un Fils et
une Fille;le Fils se nomme Valere et la fille
s'appelle Mariane. Araminte , sœur de Géronte , s'est chargée de Mariane, et Valere
est échu en partage à Géronte. Voilà l'état
de la famille dont Géronte et Araminte
sont les chefs ; ils logent tous dans la même maison , mais en deux différens corps
de logis. Léandre , Fils de Lisimon , riche
Président , aime Mariane ; mais il feint
d'aimer Angelique , pour la conserver à
Valere qui en est éperdûment amoureux ,
jusqu'au retour de Chrysante son Pere ;
ce dernier est ce Frere de Géronte , qui est
allé dans la nouvelle France , et dont on
n'a point de nouvelles.
Géronte , dans le premier Acte, annonce à sa sœur Araminte que Léandre , Fils
de Lisimon , doit épouser sa Fille Angé
lique. Cette sœur , dont l'humeur toujours riante , contraste parfaitement avec
l'humeur triste de son Frere , et qui d'ailleurs est au fait des véritables sentimens
des Amans qui doivent jouer les principaux Rôles dans la Piéce , dit à son Frere
Gij qu'elle
2456 MERCURE DE FRANCE
qu'elle ne donnera point son consentement à l'Hymen proposé, si l'amour n'en
forme les nœuds ; Lisimon qu'on attend
pour achever ce projet de mariage, annonce à Géronte que l'Hymen est plus éloigné qu'ils n'avoient pensé , et que son
Fils Léandre vient de lui déclarer qu'il
croit qu'Angélique ne l'aime point , et
qu'il est trop galant homme pour la contraindre. Lisimon se retire voïant approcherAngélique.Géronte prie brusquement
Araminte de rentrer dans son apparte.
ment. Elle ne se retire qu'après avoir dit
à Angelique enl'embrassant :
Tien bon , ma chere Enfant , si tu n'és pas contente
Laisse gronder le Pere, et viens trouver la Tante.
Géronte dissimule sa colere aux yeux
de sa Fille Angelique; il lui dit qu'il ne
tient qu'à elle d'être heureuse , et que
Léandre la demande en mariage. Angelique toute interdite , ne sçait comment
parer le coup fatal qu'on veut lui porter.
Nérine , sa suivante , feint hardiment
qu'Angelique lui a avoué qu'elle aime
Léandre , et dit à Géronte qu'elle lui répond du consentement de sa Fille , qui
n'est timideque par pudeur, Géronte court
annoncer cette heureuse nouvelle à Lisimon. La
NOVEMBRE. 1732 2457
La Scene qui se passe entre Angelique
et Nérine est très- vive de la part de cette
derniere. Angélique lui dit qu'elle l'a perdue, en disant à son Pere qu'elle aime
Léandre. O Ciel ! lui répond Nérine en
colere, vous m'auriez donc trompée ! Angelique n'oublie rien pour l'appaiser
et s'excuse de la tromperie qu'elle lui a
faite , sur la défiance que lui donnoit son
attachement à son Pere. Nérine paroît in
fléxible , et lui dit avec beaucoup de vivacité.
Quel emploi près de vous est- ce donc que le inien ?
Vous donnez votre cœur sans que j'en sçache rien !
Quedis-je ? un faux Amant me fait prendre le
change !
Ah ! de l'un et de l'autre il faut que je me vange ;
Léandre à me tromper , conspiroit avec vous ;
Pour vous punir tous deux , il sera votre Epoux
Elle lui reproche sur tout de lui avoir
préféré Araminte pour confidente , et lur
dit que c'est à cette Tante si chere à la
tirer d'un si mauvais pas ; elle s'exprime
ainsi :
De quoi s'avise-t- elle ?
Paris est un Théatre , où l'on voit aujourd'hui ,
G iij Chaque
2458 MERCURE DE FRANCE
Chaque Acteur ne jouer que le Rôle d'autrui.
On n'y paroit jamais tel que l'on doit paroître ;
Le jeune Magistrat s'érige en petit Maître ;
Le petit Maître fronde et tranche du Docteur
Le Pié plat enrichi prend des airs de hauteur.
La Bourgeoise superbe , en Or , en Pierreries ,
Efface la Duchesse au Cours , aux Tuilleries.
Tout est si dérangé qu'on ne se connoît plus ,
Voyez à quel excès on a porté l'abus ;
Dans un projet d'amour, on confie à des Tantes
Des emplois jusqu'icy , remplis par des Sui vantes.
2
Nérine s'appaise enfin et promet à Angélique de la servir dans son Amour.
Valere vient , il garde d'abord le silence; mais ayant appris d'Angelique que
Nérine a tout découvert , et qu'elle veut
s'interresser pour eux ; il lui promet des
effets de sa reconnoissance.
Ce premier Acte finit par l'arrivée de
Lepine , Valet de Chrysante. Valere lut
demande des nouvelles de son Pere ; Lepine lui dit qu'il est riche autant qu'il étoit gueux.
Ne m'a- t-il point écrit ? lui dit Valere
charmé : Oui , lui répond Lepine , en faisant semblant de chercher la lettre qu'il
n'a pas ; il le prie de lui permettre auparavant de lui faire un récit de toutes ses
avan-
NOVEMBRE. 1732. 2459
avantures , droit de Voyageur , dont il
ne veut point démordre. Valere consent
à tout. Ce récit est des plus comiques , et
n'aboutit qu'à lui faire entendre quedes
Flibustiers qui ont pris le Vaisseau sur
lequel il étoit , lui ont tout volé , jusqu'à
son Portefeuille. Valere lui demandant
sa Lettre , il lui répond :
Pour lapouvoir donner, il la faudroit avoir.
Le sort du Porte-feuille a dû vous faire entendre
Qu'à moins qu'un Flibustier , exprès pour vous- la rendre ,
Ne traverse les Flots-au gré de vos souhaits ,
Votre Lettre en vos mains ne parviendra jamais.
Valére court annoncer à son oncle
l'heureuse nouvelle que Lepine vient de
Jui apporter breh ar an I
Valere et Léandre commencent le second Acte. Valere apprend à son ami
Léandre que son oncle se défie de Lepine et de lui , que cette Lettre prise par
des Flibustiers , lui est si suspecte , qu'il
va presser l'Hymen projetté. Araminte
Suivie d'Angelique , de Mariane et de
Nérine , vient les rassurer , et leur dit
en entrant :
Ca , ferme, mes Enfans ; laissons gronder l'o- Frage ;
G iiij C'est
2460 MERCURE DE FRANCE
C'est dans les grands périls qu'éclatte un grand
courage ;
{
Mon Frere vainement croit traverser vos vœux
Je prétends malgré lui vous rendre tous heu- reux &c. >
Valere prie sa sœur Mariane de l'acquiter envers son cher Léandre ; il lui
demande toute sa tendresse pour lui;
Mariane lui répond que son cœur est
déja donné. Valere et Léandre sont également étonnés d'une réponse àlaquelle
ils ne s'étoient pas attendus ; mais Angelique les tire d'erreur par ces Vers qu'elle
adresse à Léandre.
Quoique mon frere ait sur moi de puis- sance ,
Mon cœur n'est pas un don de la reconnois
› sance ;
Je devois à vos feux un plus juste retour ;
Vous ne l'avez reçû que des mains de l'A- nour
A ces mots , Léandre se jette à ses
pieds Geronte arrive et le surprend en
cet état ; Nerine l'ayant apperçû a recours
à l'artifice , et dit à Araminte de la seconder ; voici comme elle parle.
Vous êtes fou , Léandre , Angelique vous aime ;
Près
NOVEMBRE. 1732 2461
:
Près d'elle , croyez- moi , n'employez que vous même , &c.
à Geronte.
Ah! Monsieur , vous voilà !
J'épuise vainement toute ma Rethorique ;
Léandre doute encor de l'amour d'Angelique ,.
Et ce timide Amant implore notre appui
Pour un heureux Hymen qu'il ne devra qu'à
Il
lui...
presse Mariane , Araminte , moi- même ,
De daigner le servir auprès de ce qu'il aime 3.
Il se jette à nos pieds , &c.
Geronte soupçonne Nerine d'artifices
Araminte se retire avec tous ces Amans
qu'elle a pris sous sa protection.
Nerine n'oublie rien pour sejustifierdans
l'esprit de Geronte ; il ne veut s'y fier
que de la bonne sorte ; il lui dit d'aller
faire venir Valère , sans lui faire part dü
stratagême qu'il vient d'imaginer ; elle
obéit à regret ; voici l'artifice dont cet
Oncle défiant se sert pour tromper son
Neveu.
Il lui représente le mauvais état de sa
fortune ; il lui demande des preuves dè
sa reconnoissance pour les soins qu'il a
pris de son enfance , et le prie d'em
ployer le pouvoir qu'il a sur l'esprit d'Angelique pour la porter à accepter Léan
Gv dre
2462 MERCURE DE FRANCE
dre pour époux. Valere est frappé d'une commission si fatale à son amour ; il
promet pourtant à son Oncle de lui obéïr ;
mais ce qui acheve de l'accabler , c'est
que Geronte veut entendre , d'un endroit
où il sera caché,la conversation qu'il aura
avec sa chere Angelique ; voici ce que
son Oncle lui dit.
Caché dans cet endroit , et sans qu'elle s'en doute
Invisible et présent , il faut que je l'écoute :
C'est peu de l'écouter , j'observerai ses yeux ,
Ses gestes. , . &c... et , pour faire enco mieux 2
J'observerai les tiens , ton amitié fidelle ,
Te porteroit toi- même à te trahir pour elle..
Geronte va envoyer Angelique à Valere , dont la situation est des plus tristes
il se flatte pourtant de désabuser Angelique dès qu'il la revera. Cette Scene a
parû très-bien dialoguée. Angelique picquée du conseil que Valere lui donne.
d'épouser Léandre , s'y résout par dépit
et dit à Gerante qui revient de l'endroit
où il étoit caché , qu'elle est prête à donner la main à Léandre; à peine s'est- elle
retirée , que Geronte remercie Valere du
bon office qu'il vient de lui rendre , et lui die
NOVEMBRE. 1732. 2463
dit qu'il veut que cet Hymen s'acheve dès
le jour même l'embarras de Valere redoublant sa défiance , il ajoute que puisque , malgré lui , il a sçû se faire aimer
d'Angeliqué , il est à propos qu'il la dispose par quelques jours d'absence à n'aimer que Léandre ; et comme Valere se
plaint de la dureté d'un Oncle qui lui est
si cher , il lui répond ironiquement.
Oui , mon très- cher neveu , ni Lepine , ni vous ,
Jusques après P'Hymen n'entrerez point chez
nous ,
Taurai soin de la porte.
que
Geronte s'applaudit du prochain succès de sa supercherie ; il en agit de même
auprès de Mariane ; il lui fait entendre
Léandre dont elle se croit aimée , n'a
jamais aimé qu'Angelique qu'il va épouser , et que c'est Valere qui a fait cet heureux mariage ; il ajoûte qu'elle n'a qu'à
interroger Angelique , pour n'avoir plus à douter de cette verité ! il sort pour aller dresser le Contrat. Léandre vient
Mariane le croyant infidele le fuit après
lui avoir fait entendre qu'elle ne l'a jamais aimé. Léandre la suit , pour être
mieux éclairci d'un aveu qui le déses
pere.
Gvj Léan
2464 MERCURE DE FRANCE
Léandre et Nerinc commencent le trofsiéme Acte ; Nerine lui dit que Mariane
lui a donné ordre de lui fermer tout accès auprès d'elle.
Angelique vient , et confirme à Léan
dre un Hymen qu'il a peine à comprendre ; elle le surprend encore plus en lui
apprenant que cet Hymen est l'ouvrage
de Valere , elle s'exprime ainsi : こ
Oui , tantôt dans ces lieux , seul à seul aves moi ,
L'ingrat m'a conseillé de vous donner ma foi.[
Léandre n'ose encore soupçonner son
ami Valere de cette trahison quoique
tout semble l'en convaincre. Nerine attribue le changement de Valere à la nouvelle fortune de Chrysante , son pere's
elle veut tirer parti de cette infidelité en
mariant Angelique avec Léandre ; elle
leur conseille de s'épouser par dépit, si ce
n'est par amour ; ils semblent vouloir s'y
résoudre, ce qui fait une petite Scene assez plaisante entr'eux , tandis que Nerine
court à la porte , où elle a entendu du
bruit ; elle revient avec une Lettre de VaTere , par laquelle il se justifie , en apprenant à Angelique , que lorsqu'il lui conseilloit d'épouser Leandre , Geronte les
écou
NOVEMBRE. 1732 2455
écoutoit et observoit jusqu'au moindre
regard et au moindre geste ; . Valere est
rappellé par sa chere Angelique. Léandre
seul se croit malheureux ; il se plaint à
son ami de l'infidelité de sa sœur Mariane. Nerine prend sa défense , et s'explique ainsi.
En amour , que vous êtes novice !
Pour la sincerité vous prenez l'artifice !
Il est de certains cas ; où la feinte est vertu.
Devoit- on à vos yeux , d'un air triste , aba
batu ,
Lorsque d'un autre Hymen on sentoit les ap
proches ,
S'exhaler en regrets ? éclater en reproches ?
Vous appeller ingrat ? vous dire tendrement :
Je t'aimerai toujours malgré ton change
ment ;
Tu vois mes yeux en pleurs , er d'autres bali
vernes ,
Lieux communs d'Opéras, tant anciens, que mo
dernés ?
Vraiment , c'est bien ainsi qu'on doit traiter
l'Amour ;
Tu me quittes et bien je te quitte à mon
tour ;
Tu vas te marier et moi , je te déclare ,
Qu'une perte pareille aisément se répare ;
Que de peur d'en avoir un jour le démenti
2465 MERCURE DE FRANCE
De ne point aimer j'avois pris le parti.
C'est ainsi qu'à présent on bourre un infi dele ;
Mariane l'a fait , et j'aurois fait pis qu'elle..
Les Amans raccommodez , il ne rester
à Nerine qu'à détourner , ou du moins
à différer le mariage de Léandre et d'An
gelique, voici l'artifice qu'elle imagine :
c'est un feint enlevement ; elle dit à Valere , à Angelique et à Léandre de s'aller
enfermer chez Araminte à peine sontils sortis , qu'elle fait de grands cris ;
Geronte arrive ; elle lui dit que Valere:
vient d'enlever Angelique ; Araminte accourt aux cris de Geronte , et favorise le
stratagême avec sa gayeté ordinaire ;
Geronte sort pour aller faire courir après
le prétendu ravisseur. Lepine vient et de
mande à parler à Valere ; il fait entendre.
par un à parte qu'il vient lui apprendre
que Chrisante son pere est de retour.
Geronte revient ; il demande à Lépine ce
qu'il a fait d'Angelique ; Lépine lui répond qu'il n'est pas chargé du soin de
toute la famille , et que tout ce qu'il peut
faire , c'est de lui rendre son frere. Ge
ronte est frappé de ce surcroît de mal---
heur , il demande à Lepine s'il lui a dit
yrai quand il lui a annoncé que son frere
NOVEMBRE. 1732. 2467
re étoit riche ; Lepine , pour le punir de
son avarice et de sa défiance lui avoue qu'il
a menti ; ce dernier mensonge produit
une Scene très- comique entre les deux
freres ; Géronte reçoit Chrysante avecune froideur qui le surprend Chrysantelui en demandant la raison , il lui dit que
Valere vient d'enlever Angelique ; à ces.
mots , Chrysante indigné contre son fils ,
jure de le desheriter et de donner à Mariane cent mille écus , qu'il avoit apportez pour marier Valere avec Angelique.
Araminte qui survient , rit de cet enlevement prétendu , et dit à Chrysante que
son Neveu et sa Niéce n'ont bougé de
chez elle ; Nerine les va chercher par son
ordre ; Lisimon instruit de l'enlevement
d'Angelique vient retirer sa parole; Chrysante propose le mariage de sa fille avec
Léandre ; ce dernier y consent , et demande pardon à son pere , qui le lui accorde , après en avoir appris le motif; il
finit le Piéce par ces deux Vers :
Ah ! que de son bon cœur une preuve m'es chere !
Que ne fera-t'il pas quelque jour pour son
pere!
Fermer
Résumé : LA FAUSSE INCONSTANCE. Comédie en trois Actes. Extrait.
La pièce 'La Fausse Inconstance' est une comédie en trois actes qui relate l'histoire de Géronte, un père défiant et peu fortuné, souhaitant marier sa fille Angelique. Géronte est également responsable de Valere, le fils de son frère Chrysante parti en Nouvelle-France. Valere est amoureux d'Angelique, mais Léandre, fils de Lisimon, feint d'aimer Angelique pour la conserver à Valere. Dans le premier acte, Géronte annonce à sa sœur Araminte que Léandre doit épouser Angelique. Araminte refuse son consentement si l'amour ne forme pas les nœuds du mariage. Lisimon informe Géronte que Léandre croit qu'Angelique ne l'aime pas et ne veut pas la contraindre. Nérine, la suivante d'Angelique, feint que cette dernière aime Léandre, permettant à Géronte d'annoncer cette 'bonne nouvelle' à Lisimon. Angelique est interdite et Nérine la réconforte en lui promettant son aide. Valere apprend que son père Chrysante est riche, mais sa lettre a été volée par des flibustiers. Dans le second acte, Valere et Léandre discutent de leurs amours. Araminte révèle que Mariane, la sœur de Valere, est également amoureuse de Léandre. Angelique avoue son amour pour Léandre, surprenant Géronte. Nérine et Araminte utilisent des artifices pour convaincre Géronte de l'amour d'Angelique pour Léandre. Géronte teste Valere en lui demandant de convaincre Angelique d'épouser Léandre. Valere, accablé, promet d'obéir. Angelique, piquée par le conseil de Valere, accepte d'épouser Léandre par dépit. Géronte se réjouit de sa supercherie et informe Mariane de l'infidélité supposée de Léandre. Mariane, croyant Léandre infidèle, le fuit. Dans le troisième acte, Nérine informe Léandre que Mariane lui a fermé l'accès. Angelique confirme à Léandre leur mariage imminent, attribuant ce tournant à Valere. Nérine explique que Valere a agi ainsi parce que Géronte les écoutait. Valere revient et se justifie. Léandre, seul, se plaint de l'infidélité de Mariane. Nérine défend Mariane, expliquant que sa feinte était une vertu en amour. Les amants se réconcilient. Nérine organise un faux enlèvement d'Angelique par Valère. Valère, Angelique et Léandre se cachent chez Araminte, qui soutient le plan. Géronte, alerté par les cris de Nérine, part à la recherche du prétendu ravisseur. Pendant ce temps, Lépine informe Valère du retour de son père, Chrysante. Géronte apprend de Lépine que son frère n'est pas riche, provoquant une scène comique. Chrysante, furieux contre Valère pour l'enlèvement supposé, jure de déshériter son fils et de donner cent mille écus à Mariane. Araminte révèle ensuite que l'enlèvement était feint et que les jeunes sont chez elle. Lisimon, informé de l'enlèvement, retire sa parole. Chrysante propose alors le mariage de sa fille avec Léandre, qui accepte et demande pardon à son père. La pièce se conclut par une preuve de l'attachement filial de Léandre.
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748
p. 2467-2468
« Les Comédiens François ont repris à leur retour de Fontainebleau la Tragédie de Zäire de [...] »
Début :
Les Comédiens François ont repris à leur retour de Fontainebleau la Tragédie de Zäire de [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Zaïre, Fontainebleau, Académie royale de musique, Scylla, Opéra, Isis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François ont repris à leur retour de Fontainebleau la Tragédie de Zäire de [...] »
Les Comédiens François ont repris à leur retour de Fontainebleau la Tragédie de Zaire de.
M.
2468 MERCURE DE FRANCE
M. de Voltaire , qui a toujours un très-grand
succès. Elle est parfaitement représentée par la
Die Gaussin qui y joue le principal Rôle , er par les Srs Dufresne , Sarrazin , Granval , Legrand , &c. qui remplissent les personnages
d'Orosmanes , de Lusignan , de Nerestan , de Chatillon , &c. nous donnerons quelques Frag mens de ce Poëme.
Le4 Nov.l'Académie Royale de Musique donna
la derniere Représentation de l'Opéra de Scylla
dans lequel la Dile Monville , nouvelle Actrice ,
sœur de la Dlle Julie , doubla le Rôle de Capis
que chantoit la Dlle Antiers Elle a assez de ,
voix , de l'action et de l'intelligence.
.
Le 4. on donna la premiere Représentation de
Biblis , dont le Poëme est de M. Fleury , et la
Musique de M. de la Coste. Nous en parlerons plus au long. On en donna la cinquiéme
Représentation le 13. et on remit au Théatre
Amadis de Gaule. Le 18. la Dile le Maure y
chanta son Rôle Doriane , avec des applaudisse
mens tres-bien mérités.
On va remettre incessamment l'Opéra d'Isis ;
que le Public attend avec impatience,
Le 11. Fête de S. Martin , BAcadémie Roya¬
le de Musique donna le premier Bal public qu'on
donne tous les ans à pareil jour , et qu'on continue pendant différens jours jusqu'à l'Avent. Qn
les reprend ordinairement à la Fête des Rois jus,
qu'au Carême.
M.
2468 MERCURE DE FRANCE
M. de Voltaire , qui a toujours un très-grand
succès. Elle est parfaitement représentée par la
Die Gaussin qui y joue le principal Rôle , er par les Srs Dufresne , Sarrazin , Granval , Legrand , &c. qui remplissent les personnages
d'Orosmanes , de Lusignan , de Nerestan , de Chatillon , &c. nous donnerons quelques Frag mens de ce Poëme.
Le4 Nov.l'Académie Royale de Musique donna
la derniere Représentation de l'Opéra de Scylla
dans lequel la Dile Monville , nouvelle Actrice ,
sœur de la Dlle Julie , doubla le Rôle de Capis
que chantoit la Dlle Antiers Elle a assez de ,
voix , de l'action et de l'intelligence.
.
Le 4. on donna la premiere Représentation de
Biblis , dont le Poëme est de M. Fleury , et la
Musique de M. de la Coste. Nous en parlerons plus au long. On en donna la cinquiéme
Représentation le 13. et on remit au Théatre
Amadis de Gaule. Le 18. la Dile le Maure y
chanta son Rôle Doriane , avec des applaudisse
mens tres-bien mérités.
On va remettre incessamment l'Opéra d'Isis ;
que le Public attend avec impatience,
Le 11. Fête de S. Martin , BAcadémie Roya¬
le de Musique donna le premier Bal public qu'on
donne tous les ans à pareil jour , et qu'on continue pendant différens jours jusqu'à l'Avent. Qn
les reprend ordinairement à la Fête des Rois jus,
qu'au Carême.
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Résumé : « Les Comédiens François ont repris à leur retour de Fontainebleau la Tragédie de Zäire de [...] »
Le texte décrit des événements liés au théâtre et à la musique en France. Les Comédiens Français ont repris la tragédie 'Zaire' de Voltaire à leur retour de Fontainebleau, avec un grand succès. La pièce met en vedette la Die Gaussin dans le rôle principal, ainsi que les acteurs Dufresne, Sarrazin, Granval et Legrand, interprétant respectivement Orosmanes, Lusignan, Nerestan et Chatillon. Le 4 novembre, l'Académie Royale de Musique a présenté la dernière représentation de l'opéra 'Scylla', où la Dile Monville, sœur de la Dlle Julie, a doublé le rôle de Capis. Le même jour, la première de 'Biblis', avec un poème de M. Fleury et une musique de M. de la Coste, a été donnée. La cinquième représentation de 'Biblis' a eu lieu le 13 novembre, suivie de la reprise de 'Amadis de Gaule'. Le 18 novembre, la Dile le Maure a chanté le rôle de Doriane dans 'Amadis de Gaule', recevant des applaudissements. L'opéra 'Isis' est annoncé pour une prochaine reprise, attendu avec impatience par le public. Le 11 novembre, à la fête de Saint-Martin, l'Académie Royale de Musique a organisé le premier bal public de l'année, qui se poursuit jusqu'à l'Avent et reprend à la fête des Rois jusqu'au Carême.
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749
p. 1468-2470
« Le 11. Novembre, les Comédiens Italiens firent l'ouverture de leur Théatre, depuis leur [...] »
Début :
Le 11. Novembre, les Comédiens Italiens firent l'ouverture de leur Théatre, depuis leur [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, La vie est un songe, Lopes de Vega, Théâtre italien, Fontainebleau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 11. Novembre, les Comédiens Italiens firent l'ouverture de leur Théatre, depuis leur [...] »
e 11. Novembre , les Comédiens Italiens firent l'ouverture de leur Théatre , depuis leur
retour de Fontainebleau , par la Tragi- Comédie
de la Vie est un Songe , tirée de l'Espagnol de
Lopes
NOVEMBRE. 1732. 2459
Lopes de Vega, sous le titre la vida es sueno. Cette
Piéce Italienne en cinq Actes avoit été jouée sur
le Théatre Italien avec grand succès en 1717.
elle vient d'être mise en Vers François par
M. de Boissy ; les Représentations sont reçûës très favorablement du Public ; nous en parlerons
plus au long ; on peut voir l'Extrait de la Piéce
originale dans le Mercure de Mars 1717.
Le 10 Novembre , le sieur Theveneau , natif
de Paris , l'un des Comédiens du Roi de l'Hôtel
de Bourgogne , mourut à Fontainebleau , âgé de
37 ans, après avoir reçû tous ses Sacremens.
C'étoit un très-bon sujet qu'on regrete infiniment. Outre les talens qu'il avoit pour la Musique et le Chant , il avoit encore acquis ceux de
la déclamation et de l'action comique ; il fut reçû dans la Troupe du Roi en Novembre 1730.
où il étoit déja en qualité de Chanteur depuis
plus de 14 ans.
Le 14. le sieur Paghetti , autre Comédien Italien du même Théatre , originaire de Brescia
dans l'Etat de Venise , mourut à Paris après avoir reçû tous ses Sacremens , âgé de 58 ans , il fut
inhumé le lendemain à S. Sauveur , sa Paroisse ,
dont le Curé a rendu des témoignages publics,
de la constance et de la parfaite résignation
avec laquelle il est mort. Cet Acteur , que le
Public regrete fort , étoit venu fort jeune en
France , il parloit également bien le François et,
l'Italien ; on n'a guére vû d'Acteurs rassembler
tant de talens pour le Théatre et pour toutes.
sortes de Rôles,de quelques caracteres qu'ils fussent ; et quoiqu'il ne fut pas d'une, figure ni d'une.
taille avantageuse , il les jouoit avec une justesse
et une précision qui ne laissoit rien à désirer. Il avait
2470 MERCURE DE FRANCE
•
avoit été reçû au Théatre Italien au commence- ment de l'année 1720.
Le 19. le fils du sieur Thomassin, de la Comé→ ·
die Italienne , âgé de 15 ans , débuta pour la
premiere fois , dans la Parodie du Joueur , composée de Scenes Italiennes . jouées autrefois sur
le Théatre du Palais Royal par des Acteurs Italiens. Il joua le Rôle de Baiocco , qui en est le
principal avec assez d'intelligence pour son âge,
et fut applaudi du Public.
retour de Fontainebleau , par la Tragi- Comédie
de la Vie est un Songe , tirée de l'Espagnol de
Lopes
NOVEMBRE. 1732. 2459
Lopes de Vega, sous le titre la vida es sueno. Cette
Piéce Italienne en cinq Actes avoit été jouée sur
le Théatre Italien avec grand succès en 1717.
elle vient d'être mise en Vers François par
M. de Boissy ; les Représentations sont reçûës très favorablement du Public ; nous en parlerons
plus au long ; on peut voir l'Extrait de la Piéce
originale dans le Mercure de Mars 1717.
Le 10 Novembre , le sieur Theveneau , natif
de Paris , l'un des Comédiens du Roi de l'Hôtel
de Bourgogne , mourut à Fontainebleau , âgé de
37 ans, après avoir reçû tous ses Sacremens.
C'étoit un très-bon sujet qu'on regrete infiniment. Outre les talens qu'il avoit pour la Musique et le Chant , il avoit encore acquis ceux de
la déclamation et de l'action comique ; il fut reçû dans la Troupe du Roi en Novembre 1730.
où il étoit déja en qualité de Chanteur depuis
plus de 14 ans.
Le 14. le sieur Paghetti , autre Comédien Italien du même Théatre , originaire de Brescia
dans l'Etat de Venise , mourut à Paris après avoir reçû tous ses Sacremens , âgé de 58 ans , il fut
inhumé le lendemain à S. Sauveur , sa Paroisse ,
dont le Curé a rendu des témoignages publics,
de la constance et de la parfaite résignation
avec laquelle il est mort. Cet Acteur , que le
Public regrete fort , étoit venu fort jeune en
France , il parloit également bien le François et,
l'Italien ; on n'a guére vû d'Acteurs rassembler
tant de talens pour le Théatre et pour toutes.
sortes de Rôles,de quelques caracteres qu'ils fussent ; et quoiqu'il ne fut pas d'une, figure ni d'une.
taille avantageuse , il les jouoit avec une justesse
et une précision qui ne laissoit rien à désirer. Il avait
2470 MERCURE DE FRANCE
•
avoit été reçû au Théatre Italien au commence- ment de l'année 1720.
Le 19. le fils du sieur Thomassin, de la Comé→ ·
die Italienne , âgé de 15 ans , débuta pour la
premiere fois , dans la Parodie du Joueur , composée de Scenes Italiennes . jouées autrefois sur
le Théatre du Palais Royal par des Acteurs Italiens. Il joua le Rôle de Baiocco , qui en est le
principal avec assez d'intelligence pour son âge,
et fut applaudi du Public.
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Résumé : « Le 11. Novembre, les Comédiens Italiens firent l'ouverture de leur Théatre, depuis leur [...] »
En novembre 1732, les Comédiens Italiens ont rouvert leur théâtre à Paris avec la tragicomédie 'La Vie est un Songe', adaptée de l'œuvre espagnole de Lope de Vega 'La vida es sueño'. Cette pièce, traduite en français par M. de Boissy et jouée pour la première fois en 1717, a été bien accueillie par le public. Le 10 novembre, le comédien Theveneau, membre de la troupe du Roi à l'Hôtel de Bourgogne, est décédé à Fontainebleau à l'âge de 37 ans. Reconnu pour ses talents en musique, chant, déclamation et comédie, il avait rejoint la troupe royale en novembre 1730 après y avoir été chanteur depuis plus de 14 ans. Le 14 novembre, le comédien italien Paghetti, originaire de Brescia, est décédé à Paris à l'âge de 58 ans. Apprécié pour sa maîtrise du français et de l'italien, ainsi que pour sa capacité à interpréter divers rôles, il avait été engagé au Théâtre Italien au début de l'année 1720. Le 19 novembre, le fils du comédien Thomassin, âgé de 15 ans, a fait ses débuts sur scène dans la parodie 'Le Joueur', interprétant le rôle principal de Baiocco et recevant les applaudissements du public.
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750
p. 2470-2471
« Le 27 du mois d'Août, les Barnabites de Montargis firent représenter par leurs Pensionnaires [...] »
Début :
Le 27 du mois d'Août, les Barnabites de Montargis firent représenter par leurs Pensionnaires [...]
Mots clefs :
Barnabites de Montargis, Absalon, Tragédie, Danses, Ballet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 27 du mois d'Août, les Barnabites de Montargis firent représenter par leurs Pensionnaires [...] »
Le 27 du mois d'Août , les Barnabites de Mon
targis firent représenter par leurs Pensionnaires
et les Ecoliers de leur College, la Tragédie d'Ab
salon. L´s Entr'Actes étoient remplis par unBallet
de l'Ambition , dans lequel on faisoit voir par
des Danses ingénieusement figurées et parfaite- ment conformes aux différens traits de l'Histoi
re et de la Fable , propres aux Sujets , et exposez
par ordre dans les Programmes , les sources de
cette passion , les moyens qu'elle employe , les
excès ausquels elle se porte , et les suites fâcheu
ses qu'elle produit. Le grand concours de monde , tant de la Ville que des environs , rendoit:
ce spectacle des plus magnifiques : mais la distribution des Prix accordez par S. A. R. Monsei
gneur le Duc d'Orleans , Protecteur et bienfaiteur du College , et dont le Portrait étoit en fa
ce du Théatre , en releva beaucoup la pompe.
Elle fut faite par M. Bouseonnier , Premier Président au Présidial de Montargis , ' et fut suivie
de la récitation d'une OdeFrançoise, en actions de
graces de la liberalité de Son Altesse Serenissime.
La magnificence et la varieté des habits , la décoration du Spectacle , et les mouvemens du Théa~
tre ont rendu cette Représentation beaucoup.
plus
NOVEMBRE. 1732. 247
plus belle , que ne l'avoient été les précédentes.
Les Acteurs de la Tragédie et du Ballet , dont la
plûpart ont remporté des prix , se sont attiré des
applaudissemens universels , et ont parfaitement rempli l'attente du Public.
targis firent représenter par leurs Pensionnaires
et les Ecoliers de leur College, la Tragédie d'Ab
salon. L´s Entr'Actes étoient remplis par unBallet
de l'Ambition , dans lequel on faisoit voir par
des Danses ingénieusement figurées et parfaite- ment conformes aux différens traits de l'Histoi
re et de la Fable , propres aux Sujets , et exposez
par ordre dans les Programmes , les sources de
cette passion , les moyens qu'elle employe , les
excès ausquels elle se porte , et les suites fâcheu
ses qu'elle produit. Le grand concours de monde , tant de la Ville que des environs , rendoit:
ce spectacle des plus magnifiques : mais la distribution des Prix accordez par S. A. R. Monsei
gneur le Duc d'Orleans , Protecteur et bienfaiteur du College , et dont le Portrait étoit en fa
ce du Théatre , en releva beaucoup la pompe.
Elle fut faite par M. Bouseonnier , Premier Président au Présidial de Montargis , ' et fut suivie
de la récitation d'une OdeFrançoise, en actions de
graces de la liberalité de Son Altesse Serenissime.
La magnificence et la varieté des habits , la décoration du Spectacle , et les mouvemens du Théa~
tre ont rendu cette Représentation beaucoup.
plus
NOVEMBRE. 1732. 247
plus belle , que ne l'avoient été les précédentes.
Les Acteurs de la Tragédie et du Ballet , dont la
plûpart ont remporté des prix , se sont attiré des
applaudissemens universels , et ont parfaitement rempli l'attente du Public.
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Résumé : « Le 27 du mois d'Août, les Barnabites de Montargis firent représenter par leurs Pensionnaires [...] »
Le 27 août, les Barnabites de Montargis organisèrent une représentation de la tragédie d'Absalon par leurs pensionnaires et écoliers. Les entractes furent occupés par un ballet intitulé 'L'Ambition', illustrant les sources, les moyens, les excès et les conséquences funestes de cette passion. Le ballet était accompagné de programmes détaillant ces aspects. La représentation attira une grande foule de la ville et des environs, rendant le spectacle magnifique. La distribution des prix, accordés par le Duc d'Orléans, protecteur et bienfaiteur du collège, fut faite par M. Bouseonnier, Premier Président au Présidial de Montargis. Cette cérémonie fut suivie de la récitation d'une ode française en action de grâce pour la générosité du Duc. La magnificence des habits, la décoration du spectacle et les mouvements du théâtre rendirent cette représentation plus belle que les précédentes. Les acteurs de la tragédie et du ballet, dont la plupart reçurent des prix, furent acclamés par le public et répondirent pleinement aux attentes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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