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1
p. 168-187
« Une Marquise du plus haut rang (il en est de [...] »
Début :
Une Marquise du plus haut rang (il en est de [...]
Mots clefs :
Bretonne, Étranger, Jalousie, Belles, Rivales, Qu'en dira-t-on, Vertu, Plaisirs, Mari, Opéra, Divertissement, Rendez-vous, Tête à tête
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texteReconnaissance textuelle : « Une Marquise du plus haut rang (il en est de [...] »
Une Marquiſe du plus haut rang ( il en eft de toutesles ſor- tes ) mariée depuis fix ans àun des Principaux Officiers d'un fortgrandPrince , auroit d'affez méchantes heures à paffer par les frequens ſujets qu'il luydon- nede jalousie , fi elle n'avoit la prudence d'accommoder fon cœur à laneceffité deſa fortune.
Ce n'eſt pas qu'il n'
dreffe
'ait de laten-
&une confideration
toute particuliere pour elle ,
mais il ſe laiffe entraîner à un
penchant coquetqu'il ne ſcau- roit'vaincre , & quoy qu'il ne foit pas fort jeune, il est telle- ment ne avec la Galanterie ,
qu'il n'a pu s'en défaire par le Sacrement. Il fautqu'ilvoye les
GALANT. III
Belles. H les régale , les mene à
la Comédie & à l'Opéra , leur donnedes rétes ; &la fage маг- quife , qui ſçait combien l'éclat eſtdangereux avec un mary fur ces fortes de commerces , na
point trouvé de meilleur party à
prendre que celuydien plaifanı ter,&de ſe divertir de ſes Rivales, quandelle en peutdécou- vrir l'intrigue. Le Marquis, qui commence déja à grifonner , a
fait habitude depuis peu avec
tune aimable Bretonne , qui eft venue icy poursuivreun Procés avecſonMary. LaBelle est une de ces Femmes qui ne veulent point eſtre aimées àpetit bruit,
qui trouvent dela gloiredans le fracas , &qui aiment mieux en- tendre dire unpeu de mal d'el les ,quede n'enpoint faire par- ler. Elle n'est pas la ſeulede ce
W
112 LE MERCVRE
caractere , & nous en voyons .
tous les jours quiſemettent peu en peine du Qu'en dira-t-on pourveu qu'elles ſe puiſſent ju- ſtifier àelles-même du coſté de
leur vertu. Les apparences ſont contreelles tant qu'il vous plai- na,l'innocencedeleurs intrigues eſt untémoignage qui les fatis- fait , &n'ayant riende honteux àfe reprocher, ellespretendent que c'eſt une folie de s'aſſujet tir à vivre ſelon le caprice des Sots , qui fans vouloir penetrer les chofes, ne conſultent que leurmalignité dans le jugement qu'ils en font. Voilà l'humeur
delabelleBretonne. Le faſteluy plaift , & elle ne haït pas les Connoiſſancesd'éclat on abeau
en médire , il ſuffit qu'elle foir contented'elle-meſme,pourne pas renoncer aux plaiſirs qu'elle
GALANT. 113
5
J
s'en fait. Vne Viſite du grand
air la rejoüit ; &comme leMar- quis fait affez bonne figure à la Cour , elle s'accommoderoit
fortdes fiennes , fi enles faiſant
trop longues , il ne rompoit pas les meſures qu'elle prend pour ménager trois ou quatreProte- ſtans dont elle aime àſe divertir. Elle en a un Conſeiller , un
autrede profeffion de Bel Efprit (car il luy faut de tout ) & elle trouve moyen de rendre leurs pretentions comptables avec les foins d'unEtranger,dontla fina- ce &l'équipage luy font quel- quefois d'un fortgrand fecours.
LeMary n'y trouve rien àdire.Il aun Procés,qui luy tient plus an cœur que ſa Femme. Les fortes
Sollicitations font des abondan -
ces de Droit , qui ne ſe doivent
jamais negliger ; & de quelque
114 LE MERCVRE maniere que ce puiſſe eſtre,
quandonades lugesàfaire voir,
il est bon de ſe faire desAmis.
Le Marquis n'eut pas veutrois fois la Belle Bretonne , que la Marquiſeſa femme en fut aver- tie. Elle voulutvoir fi elle eſtoir
dignedes affiduitez defonMary,
ſe la fit montrer à l'Eglife , luy trouva de la Beauté ,&jugeant par les agrémens de ſa perſonne que l'attachement du Marquis pourroit avoir de la fuite,elle ne fongea plus qu'à sinformer à
fondde l'efprit &de la condui- te de fa nouvelle Rivale. Elle
'n'eut pas de peine à découvrir ſes habitudes. On luy nommma fur tout l'Etranger,qui luy eſtoit déja connu par la grande dé- penfe , qu'on luy voyoit faire.
Cet éclairciſſement ne luy fuffit pas. Elle pratiqua des Eſpions,
14
-
GALANT. τις qui la ſervirent fi fidellement,
qu'il ne ſe paſſoit plus rien chez la belle Bretonne,dont elle n'eût auſſi-tôt avis. Elle ſcavoit toutes les Viſites que luy rendoit fon Mary,les heures qu'elle mé- nageoit pour le Confeiller,& les teſte-à-teſte que l'Etranger en obtenoit. Sur ces lumieres elle
mouroitd'enviede trouver cette
Rivale en lieu où feignantdene la point connoiſtre , elle puſt luy rendre une partie du cha- grin qu'elle luy cauſoit. L'occa- fion s'en offrit parune rencon- tre fort inopinée. LaMarquiſe ſçavoit que fon Mary avoit re- tenu la Loge du Roy à l'Opéra,
quand ſes Efpions luy viennent dire que la belle Bretonne y al- loit auſſi ,ſans qu'ils euſſent pû découvrir avec qui. La Loge loüée par le Marquisneluyper
116 LE MERCURE
met point de douterque ce ne foit elle qu'il y mene. Elleveut eſtre témoin de ſes manieres
avec elle pendantce Divertiſſe -
ment. La choſe ne luy eſt pas difficile. Elle prendunhabit ne- gligé ;&avecuneſeule ſuivan- te ,elle fe fait ouvrir les troiſie- mes Loges , oppoſées àcelle ou devoit eſtre ſon Mary.. Elle y
trouve un Laquais qui gardoit desPlaces , reconnoiſt ſa livrée;
& s'imaginant qu'il y avoit de l'Avanture,parce que la précau- tionde les faire retenir au troifiéme rang,eſtoit une marque de Rédez-vous,elle prend les fien- nes ſurle méme Banc,&obferve
avecgrand foin ceux qui vien
nent unmoment apres occuper les autres. C'eſtoit l'Etranger avec une Dame , qui ayant ofté deux ou trois fois ſonLoup,tant
GALAN T. 117
E
1
acauſe de l'obſcurité du lieu ,
que dans la penſée qu'elle eût que rien ne luy devoit eſtre ſuſ- pect aux troiſiemes Loges , fit connoiſtre àlaMarquiſe.qu'elle avoit auprésd'elle cette meſme Bretonne , pour quielle croyoit que ſon Mary eût fait garder la Loge du Roy. L'occaſion eſtoit trop favorable pour n'en pas profiter. La Marquiſe demeure maſquée, les laifle joüir quelque moment du teſte-à-teſte , &fe
metenfin adroitemet dela converſation furdes matieres indifferentes. On commenced'allumer les chandelles , on ouvre
la Loge du Roy, le Marquisy
entre avec des Dames qu'il fait placer ; & l'Etranger l'ayant nommé d'abord , & adjoûte qu'il falloit qu'il fuſt toûjours avec les Belles , la Marquiſe
118 LE MERCVRE.
prend la parole , &dit qu'il y .
auroit dequoy faire unVolume de ſes differentes intriguesd'A- mour, fi on les ſçavoit auſſi par- ticulierement qu'elle. En mef- me temps elle commence l'Hi- ſtoire de deux ou trois Femmes, que labelle Bretonne n'é- toit pas fâchée d'écouter , s'i- maginant qu'elle ne viendroit pasjuſqu'àelle,ou que du moins elle ne parleroit que de quel- ques Viſites , qui ne devoient pas avoir fait grand bruit dans le monde. Cependant laMar- quiſe qui avoit ſon but , la vo- yant rire de quelque Avantu- re de fon Mary: ce qu'il ya de plaifant , pourſuit-elle , c'eſt que le bon Marquis , qui donne à
tout,aquité la Cour pourla Pro- vince ; c'eſt àdire qu'il fait pre- fentemet ſon quartier chezMa-
GALANT. : 419
10
16
dame de ***. C'eſt une Bretonne qui a des Amans de toute eſpece , qui les ménage tous àla fois , & qui entr'autres fait fa Dupe d'un Etranger , qu'on tient d'ailleurs honneſte Hom
me , & qui merireroit biende ne pas mettre , comme il fait , ſa tendreſſe à fonds perdu avec uneBelle , qui en aimant d'au- tres queluy,nele confidereque pourla dépenſe qu'il faitauprés d'elle. La Bretonne deſeſperée de ce commencement interrompt la marquiſe , &tâche à
tourner lediſcours ſur l'Opéra.
Mais elle a beau faire, l'Etranger qui eſt bien-aiſedes'éclaircirde cequile regarde,la priede con- tinuer , & malgré les interru- ptions de ſaRivale, la marquiſe informée de toute ſa conduite
par ſes Eſpions , n'oublie rien
د
420 LE MERCVRE
decequiluy eſt arrivé. L'Etran gerconnoîtparlàque quand el- le a quelquefois refusé de paf- ſer l'apreſdînée avec luy , c'eſt parce qu'elle l'avoit déja promi- ſe àunautre, &qu'elle neluy eſt venuë parler depuis huit jours dans ſon Anti-chambre, d'où elle avoitgrandhaſte de le conge- dier, que pour l'empeſcher de voir qu'elle dînoit teſte-à-teſte avec le marquis en l'abſence de ſon Mary. Toutes ces particula- ritez mettent la Bretonne dans
la derniere ſurpriſe , elle croit que le lieu où ils font , donne l'eſprit de Prophetie ou de Re- velation ; & l'Opéra commen- çant , elle feint de l'écouter ,
mais apparemment elle n'eſtoit pas fort en eftat de juger de la bonté de la muſique. La Mar- quiſe fort contente du rôle qu'- elle
i GALANT. 2
3
-
elle avoit joué , s'échapa avant la fin du cinquiéme Acte. Il eſt à croire que l'Etranger,qui étoit demeuré fort réveurdepuisl'ine ſtruction qu'il avoit reçeu,ditde bonnes choſes à la Bretonne
aprés le départ de la marquiſe.
On a ſçeu depuis, qu'ils avoient rompu enſemble , & voila com-- me quelquefois un Rendez- vous de teſte à teſte produn des effets tous contraires à cequ'on s'en promet
Ce n'eſt pas qu'il n'
dreffe
'ait de laten-
&une confideration
toute particuliere pour elle ,
mais il ſe laiffe entraîner à un
penchant coquetqu'il ne ſcau- roit'vaincre , & quoy qu'il ne foit pas fort jeune, il est telle- ment ne avec la Galanterie ,
qu'il n'a pu s'en défaire par le Sacrement. Il fautqu'ilvoye les
GALANT. III
Belles. H les régale , les mene à
la Comédie & à l'Opéra , leur donnedes rétes ; &la fage маг- quife , qui ſçait combien l'éclat eſtdangereux avec un mary fur ces fortes de commerces , na
point trouvé de meilleur party à
prendre que celuydien plaifanı ter,&de ſe divertir de ſes Rivales, quandelle en peutdécou- vrir l'intrigue. Le Marquis, qui commence déja à grifonner , a
fait habitude depuis peu avec
tune aimable Bretonne , qui eft venue icy poursuivreun Procés avecſonMary. LaBelle est une de ces Femmes qui ne veulent point eſtre aimées àpetit bruit,
qui trouvent dela gloiredans le fracas , &qui aiment mieux en- tendre dire unpeu de mal d'el les ,quede n'enpoint faire par- ler. Elle n'est pas la ſeulede ce
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112 LE MERCVRE
caractere , & nous en voyons .
tous les jours quiſemettent peu en peine du Qu'en dira-t-on pourveu qu'elles ſe puiſſent ju- ſtifier àelles-même du coſté de
leur vertu. Les apparences ſont contreelles tant qu'il vous plai- na,l'innocencedeleurs intrigues eſt untémoignage qui les fatis- fait , &n'ayant riende honteux àfe reprocher, ellespretendent que c'eſt une folie de s'aſſujet tir à vivre ſelon le caprice des Sots , qui fans vouloir penetrer les chofes, ne conſultent que leurmalignité dans le jugement qu'ils en font. Voilà l'humeur
delabelleBretonne. Le faſteluy plaift , & elle ne haït pas les Connoiſſancesd'éclat on abeau
en médire , il ſuffit qu'elle foir contented'elle-meſme,pourne pas renoncer aux plaiſirs qu'elle
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s'en fait. Vne Viſite du grand
air la rejoüit ; &comme leMar- quis fait affez bonne figure à la Cour , elle s'accommoderoit
fortdes fiennes , fi enles faiſant
trop longues , il ne rompoit pas les meſures qu'elle prend pour ménager trois ou quatreProte- ſtans dont elle aime àſe divertir. Elle en a un Conſeiller , un
autrede profeffion de Bel Efprit (car il luy faut de tout ) & elle trouve moyen de rendre leurs pretentions comptables avec les foins d'unEtranger,dontla fina- ce &l'équipage luy font quel- quefois d'un fortgrand fecours.
LeMary n'y trouve rien àdire.Il aun Procés,qui luy tient plus an cœur que ſa Femme. Les fortes
Sollicitations font des abondan -
ces de Droit , qui ne ſe doivent
jamais negliger ; & de quelque
114 LE MERCVRE maniere que ce puiſſe eſtre,
quandonades lugesàfaire voir,
il est bon de ſe faire desAmis.
Le Marquis n'eut pas veutrois fois la Belle Bretonne , que la Marquiſeſa femme en fut aver- tie. Elle voulutvoir fi elle eſtoir
dignedes affiduitez defonMary,
ſe la fit montrer à l'Eglife , luy trouva de la Beauté ,&jugeant par les agrémens de ſa perſonne que l'attachement du Marquis pourroit avoir de la fuite,elle ne fongea plus qu'à sinformer à
fondde l'efprit &de la condui- te de fa nouvelle Rivale. Elle
'n'eut pas de peine à découvrir ſes habitudes. On luy nommma fur tout l'Etranger,qui luy eſtoit déja connu par la grande dé- penfe , qu'on luy voyoit faire.
Cet éclairciſſement ne luy fuffit pas. Elle pratiqua des Eſpions,
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GALANT. τις qui la ſervirent fi fidellement,
qu'il ne ſe paſſoit plus rien chez la belle Bretonne,dont elle n'eût auſſi-tôt avis. Elle ſcavoit toutes les Viſites que luy rendoit fon Mary,les heures qu'elle mé- nageoit pour le Confeiller,& les teſte-à-teſte que l'Etranger en obtenoit. Sur ces lumieres elle
mouroitd'enviede trouver cette
Rivale en lieu où feignantdene la point connoiſtre , elle puſt luy rendre une partie du cha- grin qu'elle luy cauſoit. L'occa- fion s'en offrit parune rencon- tre fort inopinée. LaMarquiſe ſçavoit que fon Mary avoit re- tenu la Loge du Roy à l'Opéra,
quand ſes Efpions luy viennent dire que la belle Bretonne y al- loit auſſi ,ſans qu'ils euſſent pû découvrir avec qui. La Loge loüée par le Marquisneluyper
116 LE MERCURE
met point de douterque ce ne foit elle qu'il y mene. Elleveut eſtre témoin de ſes manieres
avec elle pendantce Divertiſſe -
ment. La choſe ne luy eſt pas difficile. Elle prendunhabit ne- gligé ;&avecuneſeule ſuivan- te ,elle fe fait ouvrir les troiſie- mes Loges , oppoſées àcelle ou devoit eſtre ſon Mary.. Elle y
trouve un Laquais qui gardoit desPlaces , reconnoiſt ſa livrée;
& s'imaginant qu'il y avoit de l'Avanture,parce que la précau- tionde les faire retenir au troifiéme rang,eſtoit une marque de Rédez-vous,elle prend les fien- nes ſurle méme Banc,&obferve
avecgrand foin ceux qui vien
nent unmoment apres occuper les autres. C'eſtoit l'Etranger avec une Dame , qui ayant ofté deux ou trois fois ſonLoup,tant
GALAN T. 117
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acauſe de l'obſcurité du lieu ,
que dans la penſée qu'elle eût que rien ne luy devoit eſtre ſuſ- pect aux troiſiemes Loges , fit connoiſtre àlaMarquiſe.qu'elle avoit auprésd'elle cette meſme Bretonne , pour quielle croyoit que ſon Mary eût fait garder la Loge du Roy. L'occaſion eſtoit trop favorable pour n'en pas profiter. La Marquiſe demeure maſquée, les laifle joüir quelque moment du teſte-à-teſte , &fe
metenfin adroitemet dela converſation furdes matieres indifferentes. On commenced'allumer les chandelles , on ouvre
la Loge du Roy, le Marquisy
entre avec des Dames qu'il fait placer ; & l'Etranger l'ayant nommé d'abord , & adjoûte qu'il falloit qu'il fuſt toûjours avec les Belles , la Marquiſe
118 LE MERCVRE.
prend la parole , &dit qu'il y .
auroit dequoy faire unVolume de ſes differentes intriguesd'A- mour, fi on les ſçavoit auſſi par- ticulierement qu'elle. En mef- me temps elle commence l'Hi- ſtoire de deux ou trois Femmes, que labelle Bretonne n'é- toit pas fâchée d'écouter , s'i- maginant qu'elle ne viendroit pasjuſqu'àelle,ou que du moins elle ne parleroit que de quel- ques Viſites , qui ne devoient pas avoir fait grand bruit dans le monde. Cependant laMar- quiſe qui avoit ſon but , la vo- yant rire de quelque Avantu- re de fon Mary: ce qu'il ya de plaifant , pourſuit-elle , c'eſt que le bon Marquis , qui donne à
tout,aquité la Cour pourla Pro- vince ; c'eſt àdire qu'il fait pre- fentemet ſon quartier chezMa-
GALANT. : 419
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dame de ***. C'eſt une Bretonne qui a des Amans de toute eſpece , qui les ménage tous àla fois , & qui entr'autres fait fa Dupe d'un Etranger , qu'on tient d'ailleurs honneſte Hom
me , & qui merireroit biende ne pas mettre , comme il fait , ſa tendreſſe à fonds perdu avec uneBelle , qui en aimant d'au- tres queluy,nele confidereque pourla dépenſe qu'il faitauprés d'elle. La Bretonne deſeſperée de ce commencement interrompt la marquiſe , &tâche à
tourner lediſcours ſur l'Opéra.
Mais elle a beau faire, l'Etranger qui eſt bien-aiſedes'éclaircirde cequile regarde,la priede con- tinuer , & malgré les interru- ptions de ſaRivale, la marquiſe informée de toute ſa conduite
par ſes Eſpions , n'oublie rien
د
420 LE MERCVRE
decequiluy eſt arrivé. L'Etran gerconnoîtparlàque quand el- le a quelquefois refusé de paf- ſer l'apreſdînée avec luy , c'eſt parce qu'elle l'avoit déja promi- ſe àunautre, &qu'elle neluy eſt venuë parler depuis huit jours dans ſon Anti-chambre, d'où elle avoitgrandhaſte de le conge- dier, que pour l'empeſcher de voir qu'elle dînoit teſte-à-teſte avec le marquis en l'abſence de ſon Mary. Toutes ces particula- ritez mettent la Bretonne dans
la derniere ſurpriſe , elle croit que le lieu où ils font , donne l'eſprit de Prophetie ou de Re- velation ; & l'Opéra commen- çant , elle feint de l'écouter ,
mais apparemment elle n'eſtoit pas fort en eftat de juger de la bonté de la muſique. La Mar- quiſe fort contente du rôle qu'- elle
i GALANT. 2
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elle avoit joué , s'échapa avant la fin du cinquiéme Acte. Il eſt à croire que l'Etranger,qui étoit demeuré fort réveurdepuisl'ine ſtruction qu'il avoit reçeu,ditde bonnes choſes à la Bretonne
aprés le départ de la marquiſe.
On a ſçeu depuis, qu'ils avoient rompu enſemble , & voila com-- me quelquefois un Rendez- vous de teſte à teſte produn des effets tous contraires à cequ'on s'en promet
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Résumé : « Une Marquise du plus haut rang (il en est de [...] »
Le texte raconte l'histoire d'une marquise mariée depuis six ans à un officier principal d'un grand prince. Bien que son mari lui porte affection, il est souvent sujet à des accès de jalousie en raison de son penchant pour la galanterie. La marquise, consciente des dangers de l'éclat dans de tels commerces, décide de se divertir de ses rivales lorsqu'elle en découvre l'intrigue. Le mari de la marquise, le marquis, entretient une relation avec une belle Bretonne venue à la cour pour un procès. Cette femme, qui aime l'éclat et la gloire, ne se soucie pas du qu'en-dira-t-on tant qu'elle peut se justifier à ses propres yeux. Elle fréquente plusieurs amants, dont un conseiller, un bel esprit, et un étranger fortuné. Informée de cette liaison par des espions, la marquise cherche à se venger. Elle découvre que la Bretonne assistera à l'opéra dans la loge du roi, retenue par son mari. Déguisée, elle se place dans une loge opposée et observe la Bretonne en compagnie de l'étranger. Lors de l'entracte, elle engage la conversation et révèle publiquement les infidélités de la Bretonne, mettant en lumière ses différentes liaisons. La Bretonne, désespérée, tente de changer de sujet, mais l'étranger insiste pour en savoir plus. La marquise, bien informée par ses espions, détaille les aventures de la Bretonne, qui finit par être profondément humiliée. La marquise quitte l'opéra avant la fin de la représentation, laissant la Bretonne et l'étranger dans l'embarras.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 110-133
Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Début :
Je passe à une Avanture qui merite bien que vous [...]
Mots clefs :
Tuileries, Amoureux, Honneur, Conduite, Dupe, Pudeur, Fidélité, Rendez-vous, Billet, Suivante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Je paſſe àune Avanture qui merite bien que vous l'appre- niez . Un Cavalier qui ſe fait appeller Marquis , & que l'on prendroitpour cela , à ſes airs &àfesmanieres , d'un bout à
l'autre des Thuilleries , devint
amoureux d'une Dame quia de la jeuneſſe , de la bauté &
de l'eſprit. Il aima , il fut aimé.
Juſques-là il n'y aqu'honneur,
tout eſt dans les Regles ; mais comme il eſt aſſez rare quel'A- mour laiſſe jouir les Amans
GALANT. 83
d'une longue tranquillité , &
que le relâchement commence toûjours par quelqu'une des
Parties , le Cavalier( àla honte
de fon Sexe ) commença à ſe rellentir; ſes Viſites devinrent
YON
=
moins frequentes , ſes ſoins
moins empreſſez ;
;&les Amis THEATE
delaDamequi estoientenétat dejuger fainementde la con-4803777
duite du Marquis, parce qu'ils ne s'eſtoient pas laiſſé ébloüir comme elle à fes grands airs,&
àl'éclatde fon merite,n'eurent
pas depeineàs'appercevoirde ✓ ladiminution de ſa tendreſſe.
Une de ſes Amies ſe chargea
$ du ſoin de l'en avertir ( Commiffion dangereuſe, &qui atti- re d'ordinaire plus de haine que de reconnoiſſance. ) Elle s'y prit pourtat d'une maniere affez délicate ; il y euſt eude la
84 LE MERCVRE
groffiereté, &meſmede la du- reté, àluy dire tout d'un coup qu'elle n'eſtoit plus aimée , &
que tout le monde connoiſſoit que le Marquis en faiſoit fa Dupe. La Morale eſt d'un grad fecours dans ces fortes d'occaſions: on nefait ſes applicatiōs quequand on veut , &cepen- dantona la liberté de dire que les Hommes de ce temps-cy fontfaits dune étrangemanie- re ; que les Femmes font bien follesde conter ſur leur fidelité,&mille autres choſes qui ne font que trop veritables. Če fut àpeu prés ledifcours que cette Dame tintà ſon Amie.D'abord
cela ſe paſſa enplaiſanterie, el- leenconvint, ou du moins elle
fit ſemblant d'en covonir, par- ce qu'il y avoit un Homme
preſent
GALANT. 85
ne
preſent à cette converſation , à
qui elle eſtoie bien aiſe de faire la guerre ; mais enfin la choſe futtout de nouveau fi fort rebatuë apres ſon départ , que la Dame regardāt fon Amie avec quelque forte d'inquietude,
pût s'empeſcherde luydeman- der pourquoyelle traitoit cette
matiere fi à fond,&fi elle avoit
appris quelque chofe duMar- quis qui luy en fiſt craindre pour elle quelque mauvais tour. Cette Amierépődqu'elle ne ſçait rien de poſitif, qu'elle ſçait ſeulement qu'il a beau- coup de vanité , & qu'elle ga- geroit bien que fi on luy don- noit un Rendez-vous par un Billetde la partd'une Incõnuë,
il ſe feroit une agreable affaire d'y courir , & que peut-eftre meſme il ne ſe defendroit pas
TomeV.
1
H
86 LE MERCVRE
de la facrifier, ſi la nouvelle cõ
queſte avoitdu brillant. LaDa- me qui aimoit le Marquis,pred fortemet ſon party; & fur cette conteftatio,elle voit entrer une
aimable Provinciale de ſes inti--
mes Amies,quin'eſtoit que de- puis deuxjours à Paris. Onla faitarbitre du Difered. LaBelle, que quelque intrigue parti- culiere n'avoit pas trop bien perfuadée de la probité des Hommes , ſe declare contre le
Marquis.L'affaire confiftoit en preuve , & l'expédient en fut trouvé. LaProvinciale avoit de
l'efprit &de la beauté ; elle é- toit incõnuë au Marquis &on convint qu'elle luy donneroit un Rédez-vous où elle ſe trouveroit avec la Dame , qui dé- guiſée en Suivante, feroit té- moin de tout cequi ſe paſſe
GALANT. 87
droit. La choſe eſt executée fur
l'heure; on fait écrire le Billet,
&il eſt porté chez le Marquis par unGrifon qui a ordre de le laiſſer au premier qui luy ou- *. vrira,&de s'en revenir ſans attendre de Réponſe. Ce Billet paroiſſoit d'une Dame qui a- voitdiſputé long-temps entre ſa pudeur&le merite du Cavalier , &qui apres beaucoup de reſiſtance inutile, n'avoit pû s'empeſcher de luy donnerun
Rendez - vous au lendemain
dansl'Allée laplus écartéedes Thuilleries , oùelle devoit luy ✓ apprendre des choſes auſquel- les elle ne pouvoit penſer ſans rougir. Le papier , la cire , la foye , le chiffre , le caractere ,
enfintoutfentoit ſon bien;& il
yavoit dansla Lettre de cer- taines manieres de s'exprimer,
H 2
88 LE MERCVRE
la
qui faiſoiet juger que la Dame n'avoit pas moins de qualité qued'eſprit. Le Marquis trou- ve cette Lettre à ſon retour,
l'ouvre avec empreſſement ,
lit, larelit, &croyanttoutpof- fible furlafoyde ſa vanité , il nefonge plus qu'àſe mettre en état de faire une entrée pom- peufe & magnifique dans le
cœur d'une Dame qu'il veut
croiretout au moinsDucheffe.
La Broderie, le Point de Frace,
les Plumes, une Perruque neu- ve,enfin rien n'eſt épargné.Un Valet de chambre a ordrede
tenir tout preſt pour cettegra- de journée ; & apres que le Marquis a fait plus d'un juge- ment temeraire fur quelques Dames qu'il foupçonne de la Lettre & du Rendez-vous , il
ſe couche & s'endort fur l'a-
GALANT. 89 - greable penſée dont il ſe flate,
qu'il doit eſtre le lendemain le
plus heureuxde tous les Hom- mes. Ce lendemain ſi defiré arrive, il ſe met ſous les armes,&
apres avoir conſulté 4. ou cinq fois fon Miroir, &tout cequ'il
a de Laquais chez luy, il monte enCaroffe,&fe fait mener aux
Thuilleries . L'Allée du Rédezvous eſtoit ſi biédeſignée qu'il ne s'y pouvoit tromper.L'aima- ble Provinciale arrive un moment apres avec la Dame inte- reffée: l'unedans une propreté qui donnoit un nouvel éclat aux agrémens de ſa perſonne,
&l'autre affez negligée pour nedémentirpoint le perſonna- ge qu'elle s'eſtoit reſoluë de joüer. Ce ne fut pas unleger ſujet de chagrin àcettedernie- re , de voir la diligence de fon
H 3
90 LE MERCVRE
Amant à ſe trouver au lieu qui luy avoit eſté marqué pour le Rendez- vous. Elle ne doute
plus de ce qu'il eſt capablede faire contre elle;&pour n'eſtre point détrőpée , il ne s'en faut guere qu'elle ne ſouhaite que quelque rencontre impréveuë oblige le Marquis à ſe retirer.
Elledemande un peu de temps àfonAmie pour ſe remettre de l'émotion que cette avanture luycauſe. Elle l'obferve, & fi le hazard fait entrer quelque Damedans 1 Allée où ilſe pro- menefeul, elle eft au deſeſpoir
de voir avec quelle miſterieuſe complaiſance pour luy-meſme il ſe prepare à recevoir l'heu- reuſedeclaration qu'il attend.
Cefontfaluts redoublez àchaque perſonne bien faite qui paffe; &àla maniere chagrine
GALANT. 91
1
dont elle voit qu il ſe détourne quand il connoiſt que ce n'eſt point à luy qu on enveut , elle juge de la diſpoſition oùil eſt deluymanquerde fidelité.En- fin 1 impatience la prend,elle a
trop fait pour n'achever pas.
Labelle Provinciale qui n'at- tendoit que fon conſentement pour s'acquiter defon rolle,en- tre dans l'Allée du Marquis ,
avance lentementversluy ,le regarde, s'arreſte,&apresavoir donné lieu à quatre ou cinq gracieuſes reverences qu'elle luy fait , elle luy demande ce qu'il peut penſer d'une Dame qui le prévient pardes decla- rations ſi cõtraires àla retenuë
de sõ Sexe. Quoyque ce qu'el- le avoit à dire fuft concerté, la
matiere eſtoit délicate , &elle
ne put commencerà la traiter,
92 LE MERCVRE
ſans ſentir un je ne ſçayquel trouble qui meſloit beaucoup de pudeur à l'effort qu'elle se- bloit faire fur elle-meſme. Le
Marquis eft charmé de l'em- barras où il la voit. Il s'applau- dit, réïtere ſes reveréces, &luy faiſant deviner qu'il n'oſe rien dire àcauſe qu'ileſt écoutéde la Suivante ,il apprend d'elle quec'eſt uneFille pourquielle n'a riende caché, &dont le ſecours luy eft neceſſaire pour la liaifon qu'elle veut prendre a- vec luy. Grandes proteſtations d'une eternelle recõnoiſſance.
Elles ſont ſuivies de la plus in- ſtantepriere de luy laiſſer voir l'aimable perſonne à qui il eſt redevable de tant de bontez.
L'adroite Provinciale répond que quoy qu'elle tienne un rang affez confiderabledans le
GALANT. 93
monde , il ſera difficile qu'il la connoiſſe, parcequ'ayanttoû- jours aimé la retraite, elle a vê- cu juſques là pour ſes plus par- ticulieres Amies;quefon meri- te la force à ne vouloirplus vi- vre que pour luy;& que s'il eſt
difcret, il trouvera en l'aimant
toutes les douceurs qu'on peut efperer refpondance de la.plus Toutfincere cela estcor-THÈQUE D do
d'un air modeſte & embaraffe,
qui achevant de charmer le pauvreMarquis,redoublel'im- patience qu'il a de voir ſi ſon viſage répond àl'idée qu'il s'en -eſt forme.Elle oſteſon Loup; &
cõme elle a beaucoup de bril- = lant , &qu'un peude rougeur avoit donné une nouvelle vivacité à ſon teint , elle paroiſt aux yeux du Marquis la plus belle Perſonne qu'il ait jamais
94 LE MERCVRE
veuë. Il ne trouve point de ter-- mes à luy exprimer fon ravif- ſement. Il eſt charmé , il meurt pour elle , & voudroit eſtre en lieu de pouvoir ſe jetter à ſes genoux pour la remercier cõ- me il doitdes favorables ſentimensqu'elleluytémoigne.Elle remet fon Maſque,&profitant de l'effet qu'ont produit fes charmes, elle luv fait cõnoiſtre
quequoyqu'elle n'ait pûvain- cre le penchant qui luya fait faire un pas fi dangereux con- tre l'intereſt deſa gloire , elle a
unedélicateſſe qui ne luyper- met pas de s'accommoder d'un cœurpartagésqu'elle ſçait qu'il a de l'attachement pour une Dame en qui elle veut croire
beaucoup de merite , mais que cet attachementeſt ſi fort incompatible evec celuy qu'elle
GALANT. 95 luy demande , que s'il ne peut obtenir de luyde rompre ,il ne doitjamais eſperer de la revoir.
Le Marquis la laiſſe à peine achever.La Dame qu'elle luy a
nommée le touche fi peu,qu'il nemanquera pointde pretexte - pour la rupture,&il n'y a point de facrifice qu'il ne luy faffe pour ſe rendredigne de les bo- tez. Jugez ſi la fauſſe Suivante quientendoit tout, pafſoit bien ſon temps. Sur cette afſurance force promeſſesde part &d'au- tre de s'aimer eternellement.
Onprenddes meſures pour ſe voir. L'aimable Provinciale
nomme un lieu connu où le
Marquisſe trouvera ſeuldés le foir mefme entre onze heures
&minuit , & où ſa Suivante aura ſoin de le venir prendre pourle mener chez elle à dix
96 LE MERCVRE pasde là. En meſme temps il entre du monde dans l'Allée.
Elle en prend occafion de ſe ſe- parer du Marquis , ofte fon Loup de nouveau,&luy diſant un adieu tendre des yeux , le laiſſe le plus amoureux de tous lesHommes.Il arreſte la fauffe
Suivante,la cõjure de luy eſtre favorable , &luy fait entendre qu'elle n'aura pas lieu de ſe plaindre de ſon manque de li- beralité. C'eſt le dénouëment
de la Piece. La Suivante luy ré- pond de tous les bons offices qu'ilendoit attendre, &fe co- tente apres cela de ſe démaf- quer. Jamais il n'y eut rien de pareil à la ſurpriſe du Marquis.
On l'a rendu infidelle, &il voit qu'il n'en remporteque la hõte de l'eſtre inutilement.
l'autre des Thuilleries , devint
amoureux d'une Dame quia de la jeuneſſe , de la bauté &
de l'eſprit. Il aima , il fut aimé.
Juſques-là il n'y aqu'honneur,
tout eſt dans les Regles ; mais comme il eſt aſſez rare quel'A- mour laiſſe jouir les Amans
GALANT. 83
d'une longue tranquillité , &
que le relâchement commence toûjours par quelqu'une des
Parties , le Cavalier( àla honte
de fon Sexe ) commença à ſe rellentir; ſes Viſites devinrent
YON
=
moins frequentes , ſes ſoins
moins empreſſez ;
;&les Amis THEATE
delaDamequi estoientenétat dejuger fainementde la con-4803777
duite du Marquis, parce qu'ils ne s'eſtoient pas laiſſé ébloüir comme elle à fes grands airs,&
àl'éclatde fon merite,n'eurent
pas depeineàs'appercevoirde ✓ ladiminution de ſa tendreſſe.
Une de ſes Amies ſe chargea
$ du ſoin de l'en avertir ( Commiffion dangereuſe, &qui atti- re d'ordinaire plus de haine que de reconnoiſſance. ) Elle s'y prit pourtat d'une maniere affez délicate ; il y euſt eude la
84 LE MERCVRE
groffiereté, &meſmede la du- reté, àluy dire tout d'un coup qu'elle n'eſtoit plus aimée , &
que tout le monde connoiſſoit que le Marquis en faiſoit fa Dupe. La Morale eſt d'un grad fecours dans ces fortes d'occaſions: on nefait ſes applicatiōs quequand on veut , &cepen- dantona la liberté de dire que les Hommes de ce temps-cy fontfaits dune étrangemanie- re ; que les Femmes font bien follesde conter ſur leur fidelité,&mille autres choſes qui ne font que trop veritables. Če fut àpeu prés ledifcours que cette Dame tintà ſon Amie.D'abord
cela ſe paſſa enplaiſanterie, el- leenconvint, ou du moins elle
fit ſemblant d'en covonir, par- ce qu'il y avoit un Homme
preſent
GALANT. 85
ne
preſent à cette converſation , à
qui elle eſtoie bien aiſe de faire la guerre ; mais enfin la choſe futtout de nouveau fi fort rebatuë apres ſon départ , que la Dame regardāt fon Amie avec quelque forte d'inquietude,
pût s'empeſcherde luydeman- der pourquoyelle traitoit cette
matiere fi à fond,&fi elle avoit
appris quelque chofe duMar- quis qui luy en fiſt craindre pour elle quelque mauvais tour. Cette Amierépődqu'elle ne ſçait rien de poſitif, qu'elle ſçait ſeulement qu'il a beau- coup de vanité , & qu'elle ga- geroit bien que fi on luy don- noit un Rendez-vous par un Billetde la partd'une Incõnuë,
il ſe feroit une agreable affaire d'y courir , & que peut-eftre meſme il ne ſe defendroit pas
TomeV.
1
H
86 LE MERCVRE
de la facrifier, ſi la nouvelle cõ
queſte avoitdu brillant. LaDa- me qui aimoit le Marquis,pred fortemet ſon party; & fur cette conteftatio,elle voit entrer une
aimable Provinciale de ſes inti--
mes Amies,quin'eſtoit que de- puis deuxjours à Paris. Onla faitarbitre du Difered. LaBelle, que quelque intrigue parti- culiere n'avoit pas trop bien perfuadée de la probité des Hommes , ſe declare contre le
Marquis.L'affaire confiftoit en preuve , & l'expédient en fut trouvé. LaProvinciale avoit de
l'efprit &de la beauté ; elle é- toit incõnuë au Marquis &on convint qu'elle luy donneroit un Rédez-vous où elle ſe trouveroit avec la Dame , qui dé- guiſée en Suivante, feroit té- moin de tout cequi ſe paſſe
GALANT. 87
droit. La choſe eſt executée fur
l'heure; on fait écrire le Billet,
&il eſt porté chez le Marquis par unGrifon qui a ordre de le laiſſer au premier qui luy ou- *. vrira,&de s'en revenir ſans attendre de Réponſe. Ce Billet paroiſſoit d'une Dame qui a- voitdiſputé long-temps entre ſa pudeur&le merite du Cavalier , &qui apres beaucoup de reſiſtance inutile, n'avoit pû s'empeſcher de luy donnerun
Rendez - vous au lendemain
dansl'Allée laplus écartéedes Thuilleries , oùelle devoit luy ✓ apprendre des choſes auſquel- les elle ne pouvoit penſer ſans rougir. Le papier , la cire , la foye , le chiffre , le caractere ,
enfintoutfentoit ſon bien;& il
yavoit dansla Lettre de cer- taines manieres de s'exprimer,
H 2
88 LE MERCVRE
la
qui faiſoiet juger que la Dame n'avoit pas moins de qualité qued'eſprit. Le Marquis trou- ve cette Lettre à ſon retour,
l'ouvre avec empreſſement ,
lit, larelit, &croyanttoutpof- fible furlafoyde ſa vanité , il nefonge plus qu'àſe mettre en état de faire une entrée pom- peufe & magnifique dans le
cœur d'une Dame qu'il veut
croiretout au moinsDucheffe.
La Broderie, le Point de Frace,
les Plumes, une Perruque neu- ve,enfin rien n'eſt épargné.Un Valet de chambre a ordrede
tenir tout preſt pour cettegra- de journée ; & apres que le Marquis a fait plus d'un juge- ment temeraire fur quelques Dames qu'il foupçonne de la Lettre & du Rendez-vous , il
ſe couche & s'endort fur l'a-
GALANT. 89 - greable penſée dont il ſe flate,
qu'il doit eſtre le lendemain le
plus heureuxde tous les Hom- mes. Ce lendemain ſi defiré arrive, il ſe met ſous les armes,&
apres avoir conſulté 4. ou cinq fois fon Miroir, &tout cequ'il
a de Laquais chez luy, il monte enCaroffe,&fe fait mener aux
Thuilleries . L'Allée du Rédezvous eſtoit ſi biédeſignée qu'il ne s'y pouvoit tromper.L'aima- ble Provinciale arrive un moment apres avec la Dame inte- reffée: l'unedans une propreté qui donnoit un nouvel éclat aux agrémens de ſa perſonne,
&l'autre affez negligée pour nedémentirpoint le perſonna- ge qu'elle s'eſtoit reſoluë de joüer. Ce ne fut pas unleger ſujet de chagrin àcettedernie- re , de voir la diligence de fon
H 3
90 LE MERCVRE
Amant à ſe trouver au lieu qui luy avoit eſté marqué pour le Rendez- vous. Elle ne doute
plus de ce qu'il eſt capablede faire contre elle;&pour n'eſtre point détrőpée , il ne s'en faut guere qu'elle ne ſouhaite que quelque rencontre impréveuë oblige le Marquis à ſe retirer.
Elledemande un peu de temps àfonAmie pour ſe remettre de l'émotion que cette avanture luycauſe. Elle l'obferve, & fi le hazard fait entrer quelque Damedans 1 Allée où ilſe pro- menefeul, elle eft au deſeſpoir
de voir avec quelle miſterieuſe complaiſance pour luy-meſme il ſe prepare à recevoir l'heu- reuſedeclaration qu'il attend.
Cefontfaluts redoublez àchaque perſonne bien faite qui paffe; &àla maniere chagrine
GALANT. 91
1
dont elle voit qu il ſe détourne quand il connoiſt que ce n'eſt point à luy qu on enveut , elle juge de la diſpoſition oùil eſt deluymanquerde fidelité.En- fin 1 impatience la prend,elle a
trop fait pour n'achever pas.
Labelle Provinciale qui n'at- tendoit que fon conſentement pour s'acquiter defon rolle,en- tre dans l'Allée du Marquis ,
avance lentementversluy ,le regarde, s'arreſte,&apresavoir donné lieu à quatre ou cinq gracieuſes reverences qu'elle luy fait , elle luy demande ce qu'il peut penſer d'une Dame qui le prévient pardes decla- rations ſi cõtraires àla retenuë
de sõ Sexe. Quoyque ce qu'el- le avoit à dire fuft concerté, la
matiere eſtoit délicate , &elle
ne put commencerà la traiter,
92 LE MERCVRE
ſans ſentir un je ne ſçayquel trouble qui meſloit beaucoup de pudeur à l'effort qu'elle se- bloit faire fur elle-meſme. Le
Marquis eft charmé de l'em- barras où il la voit. Il s'applau- dit, réïtere ſes reveréces, &luy faiſant deviner qu'il n'oſe rien dire àcauſe qu'ileſt écoutéde la Suivante ,il apprend d'elle quec'eſt uneFille pourquielle n'a riende caché, &dont le ſecours luy eft neceſſaire pour la liaifon qu'elle veut prendre a- vec luy. Grandes proteſtations d'une eternelle recõnoiſſance.
Elles ſont ſuivies de la plus in- ſtantepriere de luy laiſſer voir l'aimable perſonne à qui il eſt redevable de tant de bontez.
L'adroite Provinciale répond que quoy qu'elle tienne un rang affez confiderabledans le
GALANT. 93
monde , il ſera difficile qu'il la connoiſſe, parcequ'ayanttoû- jours aimé la retraite, elle a vê- cu juſques là pour ſes plus par- ticulieres Amies;quefon meri- te la force à ne vouloirplus vi- vre que pour luy;& que s'il eſt
difcret, il trouvera en l'aimant
toutes les douceurs qu'on peut efperer refpondance de la.plus Toutfincere cela estcor-THÈQUE D do
d'un air modeſte & embaraffe,
qui achevant de charmer le pauvreMarquis,redoublel'im- patience qu'il a de voir ſi ſon viſage répond àl'idée qu'il s'en -eſt forme.Elle oſteſon Loup; &
cõme elle a beaucoup de bril- = lant , &qu'un peude rougeur avoit donné une nouvelle vivacité à ſon teint , elle paroiſt aux yeux du Marquis la plus belle Perſonne qu'il ait jamais
94 LE MERCVRE
veuë. Il ne trouve point de ter-- mes à luy exprimer fon ravif- ſement. Il eſt charmé , il meurt pour elle , & voudroit eſtre en lieu de pouvoir ſe jetter à ſes genoux pour la remercier cõ- me il doitdes favorables ſentimensqu'elleluytémoigne.Elle remet fon Maſque,&profitant de l'effet qu'ont produit fes charmes, elle luv fait cõnoiſtre
quequoyqu'elle n'ait pûvain- cre le penchant qui luya fait faire un pas fi dangereux con- tre l'intereſt deſa gloire , elle a
unedélicateſſe qui ne luyper- met pas de s'accommoder d'un cœurpartagésqu'elle ſçait qu'il a de l'attachement pour une Dame en qui elle veut croire
beaucoup de merite , mais que cet attachementeſt ſi fort incompatible evec celuy qu'elle
GALANT. 95 luy demande , que s'il ne peut obtenir de luyde rompre ,il ne doitjamais eſperer de la revoir.
Le Marquis la laiſſe à peine achever.La Dame qu'elle luy a
nommée le touche fi peu,qu'il nemanquera pointde pretexte - pour la rupture,&il n'y a point de facrifice qu'il ne luy faffe pour ſe rendredigne de les bo- tez. Jugez ſi la fauſſe Suivante quientendoit tout, pafſoit bien ſon temps. Sur cette afſurance force promeſſesde part &d'au- tre de s'aimer eternellement.
Onprenddes meſures pour ſe voir. L'aimable Provinciale
nomme un lieu connu où le
Marquisſe trouvera ſeuldés le foir mefme entre onze heures
&minuit , & où ſa Suivante aura ſoin de le venir prendre pourle mener chez elle à dix
96 LE MERCVRE pasde là. En meſme temps il entre du monde dans l'Allée.
Elle en prend occafion de ſe ſe- parer du Marquis , ofte fon Loup de nouveau,&luy diſant un adieu tendre des yeux , le laiſſe le plus amoureux de tous lesHommes.Il arreſte la fauffe
Suivante,la cõjure de luy eſtre favorable , &luy fait entendre qu'elle n'aura pas lieu de ſe plaindre de ſon manque de li- beralité. C'eſt le dénouëment
de la Piece. La Suivante luy ré- pond de tous les bons offices qu'ilendoit attendre, &fe co- tente apres cela de ſe démaf- quer. Jamais il n'y eut rien de pareil à la ſurpriſe du Marquis.
On l'a rendu infidelle, &il voit qu'il n'en remporteque la hõte de l'eſtre inutilement.
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Résumé : Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Le texte narre une aventure amoureuse entre un marquis et une dame. Le marquis, réputé pour ses manières distinguées, s'éprend d'une dame jeune, belle et spirituelle. Leur relation semble parfaite jusqu'à ce que le marquis commence à réduire ses visites et ses attentions. Les amis de la dame, remarquant ce changement, décident d'intervenir. Une amie de la dame lui révèle la situation, mais le marquis, présent lors de cette conversation, ne montre aucun remords. Inquiète, la dame demande des explications à son amie, qui suggère que le marquis pourrait être tenté par une nouvelle aventure. Pour vérifier cette hypothèse, elles élaborent un plan. Une provinciale, amie de la dame, accepte de jouer le rôle d'une inconnue séduisante. Elle écrit une lettre au marquis, lui fixant un rendez-vous dans les Tuileries. Flatté et excité, le marquis se prépare avec soin pour ce rendez-vous. Le jour convenu, le marquis se rend aux Tuileries. La provinciale et la dame, déguisée en suivante, arrivent peu après. La dame observe la réaction du marquis face à chaque personne qui passe, confirmant ses soupçons sur son infidélité. La provinciale, jouant son rôle, approche le marquis et lui révèle qu'elle est une jeune fille en quête de son aide pour une liaison. Charmé, le marquis promet son aide et sa discrétion. La provinciale, profitant de l'effet de ses charmes, lui fait comprendre qu'elle sait de son attachement pour une autre dame mais exige son cœur exclusif. Le marquis, sans hésiter, promet de rompre avec la dame mentionnée. Ils conviennent d'un lieu et d'un moment pour se revoir. La provinciale, après avoir obtenu cette promesse, se sépare du marquis, le laissant plus amoureux que jamais. La surprise du marquis est totale lorsqu'il découvre la supercherie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 3-32
AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Début :
Un homme de condition, entre deux âges, homme d'un [...]
Mots clefs :
Mariage, Damis, Lucile, Bague, Amour, Mère, Conversation, Mépris, Rendez-vous, Beauté, Voyage, Dépit, Paris, Aventure, Soupirs, Ami
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
AVANTURE
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
Fermer
Résumé : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Le texte raconte l'histoire de Damis, un homme d'une quarantaine d'années, vaniteux et jouisseur, qui souhaite se marier avec une femme capable de le mépriser. Il rencontre Lucile, une jeune femme belle et fière, lors d'une sollicitation chez un président. Damis est immédiatement séduit par Lucile mais se heurte à son mépris. Malgré ses efforts pour l'aider dans ses démarches judiciaires, Lucile reste froide et distante. Damis apprend qu'elle vit dans des conditions modestes, ce qui le surprend mais lui donne espoir de la séduire par des offres généreuses. Un ami de Damis, de retour de Bretagne, lui conseille de se marier après avoir entendu les mésaventures de Damis avec Lucile. Cet ami organise une rencontre avec une jeune femme qui accepte de feindre de l'incliner pour Damis afin de rompre un mariage arrangé. Damis, bien que toujours attiré par Lucile, commence à apprécier cette nouvelle femme. Son ami lui révèle que Lucile n'a de la fierté que pour lui et qu'elle est susceptible d'accepter les avances d'un autre homme. Damis, incrédule, défie son ami de prouver ses dires. L'ami lui montre une bague destinée à Lucile, que Damis reconnaît le lendemain au doigt de Lucile. La mère de Lucile explique que la bague est une ancienne pièce remontée. Damis est troublé mais garde le secret. Son ami lui conseille de se marier rapidement. Damis, toujours sceptique, donne un mois à son ami pour tenter sa chance avec Lucile. L'ami réussit rapidement à gagner les faveurs de Lucile, ce qui plonge Damis dans le désespoir. Finalement, Damis assiste à une rencontre secrète entre Lucile et son ami, confirmant ses soupçons. L'ami révèle alors qu'il est secrètement marié à Lucile depuis trois mois. Le lendemain, Damis signe son contrat de mariage avec la jeune femme que son ami lui avait présentée. Lors du dîner de noces, Damis découvre que Lucile et sa mère sont présentes, révélant que tout avait été orchestré pour le pousser à se marier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 291-294
RENDEZ-VOUS.
Début :
Je suppose que ceux qui m'ont demendé des / Salut amy : Je suis charmé [...]
Mots clefs :
Rendez-vous
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RENDEZ-VOUS.
Jeſuppoſe que ceux
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
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Résumé : RENDEZ-VOUS.
L'auteur d'une correspondance interprète les demandes de rendez-vous qu'il a reçues comme provenant d'amis souhaitant badiner librement avec lui. Il accepte cette situation et invite ses correspondants à bien prendre en compte sa réponse. Il précise que si l'adresse donnée plaît, ils doivent se rendre au rendez-vous, et il tiendra sa parole. Dans une lettre à un ami nommé Amy, l'auteur exprime son désir de parler galamment mais reconnaît que Phébus l'a réformé de ce rôle. Il refuse les promesses d'honneur et de gloire, préférant éviter de briguer une place au temple de mémoire. Il propose plutôt d'aller rimer au cabaret, de faire d'un champ de victoire et de chanter des chansons à boire, laissant leurs vers au cabinet. L'auteur se plaît mieux ailleurs qu'à l'Hélicon et demande à son messager de se rendre chez Mouginot pour le trouver.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1201-1210
LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
Début :
ACTEURS. Lucile, jeune veuve. La Dlle Gaussin. Valere, Le [...]
Mots clefs :
Rendez-vous, Lucile, Valère, Lisette, Crispin, Amour, Départ, Succès, Entendre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
LE RENDEZ -VOUS , ou l'Amour
Supposé , Comédie , en un Acte , représentée
au Théatre François avec beaucoup
de succès , le 27. May. Exttait.
·
ACTEURS.
Lucile , jeune veuve.
Valere
و
La Dlle Gaussin.
Le sieur Dufresne.
Lisette , Suivante de Lucile , La Dlle Quinauit
,
Crispin , Valet de Valere, Le sieur Poisson ,
M. Jacquemin , Sous - Fermier , amoureux
, & c. Le sieur Lathorilliere.
Charlot , Jardinier de Lucile , Le sieur
de Montmesnil.
La Scene est dans une Ville de Bretagne
et le Théatre représente l'Avenuë d'un
Château.
Valere et Lucile , qui sont les principaux
Personnages de cette Piece , viennent
de terminer un Procès , auquel un
Testament qui les nommoit , l'un héritier
, et l'autre Légataire , avoit donné
lieu . Valere est sur le point de partir
de Bretagne pour s'en retourner à
Paris ; ce prompt départ n'est pas au
gré de Crispin , non plus que de Lisette
; ils s'aiment et voudroient bien n'ê
I. Vol.
tre
1202 MERCURE DE FRANCE
tre pas séparez. C'est ici que l'action
theatrale commence ; ils ont imaginé
une ruse dont le succès est fondé
sur cette maxime : aimez et vous serez
aimé ; en effet , à peine Crispin a- t'il fait
croire à Valere que Lucile l'aime , que
la reconnoissance prépare son coeur à l'amour
; il en est de même de Lucile , à qui
Lisette fait entendre que Valere l'adore ,
sans avoir jamais osé le lui déclarer . Crispin
dit à son Maître que Lucile doit se
promener ce soir dans le Jardin , dans
P'esperance de l'y trouver et de le voir
du moins pour quelques momens avant
un départ qui doit lui donner la mort.
Voici les propres termes de Crispin :
Sous cet épais feuillage ,
Cette Beauté cedant à l'amour qui l'engage ,
Comme pour prendre l'air , doit se trouver ce
soir ;
Avant votre départ , elle voudroit vous voir ;
On m'a sollicité pour vous le faire entendre ,
Si donc , ce soir aussi, vous vouliez vous y ren
dre ,
Notre Veuve discrette , aux yeux de son vainqueur
,
Exposeroit le feu qu'elle cache en son coeur ,
Sans causer de scandale et sans qu'on en murmure.
I. Vol. Valere
JUIN. 1733. 1203
Valere donne dans le piége ; Crispin
lui a déja fait entendre que Lucile a
donné des indices plus sûrs de l'amour
secret qu'elle a pour lui et dont Lisette
lui a fait confidence ; il lui a appris que
Lucile n'avoit pû soutenir la funeste
nouvelle de son départ , et qu'elle étoit
tombée en pamoison entre les bras de sa
Suivante.Cet adroit mensonge ne le laisse
point douter qu'il ne soit éperdument
aimé ; mais son amour propre le lui
suade bien mieux , comme Crispin le fait
connoître par ce petit Monologue.
per-
Le mensonge est lâché ; courage , il croit qu'on
l'aime ;
La bonne opinion et l'amour de soi - même ,
Chez lui seront encore , à ce que je conçoi ,
Et meilleurs Orateurs et plus fourbes que moi.'
Lisette joie à peu près le même côle
auprès de sa Maîtresse ; elle lui dit , nonseulement
qu'elle est adorée de Valere ,
mais qu'elle est surprise qu'elle ne s'en
soit pas apperçuë . Elle lui parle entre autres
choses d'une Lettre de Valere qu'elle
a trouvée sur sa Toilette , et qui , ditelle
, sous des termes ordinaires , cache
adroitement une déclaration d'amour
dans toutes les formes ; cette Lettre déją
lûë par Lisette , autorise le Commentaire
1. Vol. in1204
MERCURE DE FRANCE
ingénieux qu'elle semble en faire sur le
champ, et qui ne seroit pas si vrai- semblable
, s'il n'avoit été étudié à loisir ; voila
donc nos deuxAmans disposez à se trouver
au rendez -vous imaginé par leurs Domesti
ques ; Lucile y résiste d'abord , mais Lisette
tranche toutes les difficultez par
ce Vers :
Enfin que voulez- vous ? j'ai donné ma parole,
Ce qui confirme Lucile dans l'opinion
qu'elle est aimée de Valere , c'est là brusque
incartade que lui vient faire M. Jac
quemin , Sous- Fermier et l'un de ses soupirans
, à qui , par une nouvelle fourberie
, Crispin à fait entendre que son
Maître est son Rival . Jacquemin éclate
contre Lucile et retire la parole qu'il
lui avoit donnée de l'épouser .
Crispin et Lisette s'applaudissent déja
d'un plein succès , mais par malheur ils
ont été entendus de Charlot , Amoureux
de Lisette , qui pour se venger de la préference
qu'elle donne à Crispin , veut
observer de plus près ce complot , dont
il n'a encore qu'une legere connoissance
, et en empêcher la réussite .
Valere se trouve le premier au prétendu
rendez - vous , accompagné de Crispin
; Lucile ne tarde pas d'y venir , sui-
I. Vel.
vie
JUIN. 1733. 1205
vie de Lisette. Cette Scene , est sans contredit
, neuve et charmante ; ce qui nous
engage à en inserer ici quelques fragmens.
Valere à Lucile.
Puis qu'un hazard heureux auprès de vous me
guide ,
Avant que de partir , Madame , il m'est bien
doux ,
De pouvoir librement prendre congé de vous.
Lucile.
Vous partez donc , Valere
Helas !
Crispin.
Il le faut bien , Madame ;
Lisette.
Crispin.
Tais-toi , Lisette , où je vais rendre l'ame.
Valere.
Je l'avouerai pourtant , si , contre mon espoir ,
En ce dernier moment je pouvois entrevoir ,
Un destin trop flateur pour moi , trop favo
rable ,
L'Arrêt de mon départ n'est point irrévocable,
Lucile.
Quel sort attendez - vous ? quand on n'ose parler,
Quand l'amour avec art prend soin de se voiler ,
Ses feux sont étouffez par l'extrême prudence ,
I. Vol. Et
1207 MERCURE DE FRANCE
Et l'on est quelquefois victime du silence.
Valere.
Ah ! lorsque cent raisons nous forcent de cou
vrir ,
Un penchant dont le coeur se plaît à se nourrir ,
Dans un objet épris tout en rend témoignage ;
Il est pour s'exprimer, il est plus d'un langage ;
Un regard , un soupir , au défaut de la voix
Ont souvent malgré nous déclaré notre choix.
Oui , madame , les yeux les yeux révelent le mystere , & c.
"
>
A ce dernier Vers prononcé passionné
ment , Crispin baise la main de Lucile
qui croit que c'est Valere même à qui
l'excès de sa passion a fait prendre cette
liberté ; le reproche qu'elle lui en fait est
conçû en des termes qui lui font croire
qu'elle l'y invite elle même ; il lui baisë
la main avec transport , en disant :
Ah ! que m'accordez- vous !
à part.
Quelle aimable franchise !
Je n'en sçaurois douter , elle m'aime éperdument.
Il la presse de prononcer sur son départ
; comme elle ne répond rien , il veut
se retirer ; mais Lisette le retient secrettement
; il croit que c'est Lucile mê
me qui s'oppose à son départ , et ce qui
I. Vol. Ty
JUI N.
1733. 1207
l'y confirme , c'est que Lucile lui dit dans
le moment.
Pourquoi donc vous livrer à tant de défiance?
Ah ! concevez plutôt une juste esperance , &c.
Jusques- là Crispin et Lisette chantent
victoire ; mais Charlot qui a tout entendu
sans être apperçû , les fait bientôt déchanter.
Cette nouvelle Scene est toutà
-fait comique ; Crispin et Lisette s'efforcent
de fermer la bouche à Charlot ;
mais il ne laisse pas de jaser et de dire
à Valere et à Lucile ;
Vous ne vous aimez pas , je vous en avertis ;
Valere,
Il a bu surement,
Charlot,
Non , morgué, je le dis
Vous n'avez nullement d'amiquié . l'un pous
l'autre ;
C'est cette fine mouche avec ce bon Apotre ,
Qui vous laissont tous deux donner dans le pa¬
niau ;
Tout votre bel amour n'est que dans leur cer
yiau ;
Ils avont à par eux manigancé la chose ,
Et si vous vous aimez , j'en devine la cause ;
I. Vol.
11
108 MERCURE DE FRANCE
•
Il faut qu'ils soient sorciez comme des bas Normands
,
Et sçachiont un secret pour faire aimer les
.gens.
Valere et Lucile ne doutent point que
Charlot ne soit yvre ; 'on le chasse : Lisette
ajoute à ce soupçon d'yvresse un
autre motif , et dit :
Non , Madame , voici la vérité du fait ;
Charlot m'aime , et Crispin lui donne de l'ombrage
;
La peur qu'il a , je crois que Monsieur ne s'enj
gage
Par estime pour vous , à séjourner icy ,
Sans rime et sans raison , le fait parler ainsi.
Crispin et Lisette sont à peine sortis de
la premiere allarme que Charlot leur a
donnée , qu'ils retombent dans une seconde
, dont ils désesperent de pouvoir
se tirer.
Valere demande à Lucile si elle est toutà
- fait remise de l'indisposition qu'elle a
euë le jour précédent Lucile fort étonnée
, lui répond qu'elle n'a nullement
été indisposée ; elle lui parle à son tour
de la Lettre énigmatique que Lisette a si
joliment commentée.
Valere lui répond qu'il ne sçait ce que
c'est que cette Lettre , il ajoute :
I. Vol. Jc
JUIN.
1209 1733
Je n'ai point eu , je croi , l'honneur de vous
écrire
,
Si ce n'est quatre mots , quand vous me fîtes
dire ,
Que sur nos différens vous vouliez terminer ;
Mon Procureur dicta , je ne fis que signer.
7
Cette double explication déconcerte
entierement Crispin et Lisette ; Valere
outré de colere contre Crispin , lui jure
de lui faire payer cher son mensonge ;
Lucile en promet autant à Lisette ; pour
surcroit de malheur M.Jacquemin , désabusé
par Charlot , fait dire à Lucile qu'il
viendra la voir pour faire sa paix avec
elle.Lucile répond froidement au Laquais
de M. Jacquemin ;
Dis lui que rien ne presse et que je len tiens
quitte.
lere
Cette froide réponse fait esperer à Vaque
la feinte pourroit bien devenir
ane vérité , comme il le souhaite. Il coninue
à lui parler d'amour ; elle l'écoute
vec plaisir ; il pardonne à Crispin , elle
ait grace à Lisette ; et le rendez - vous a
out le succès que le Valet et la Suivante
uroient pû esperer.
Cette Piece a paruë tres - jolie , et a fait
ouhaiter au public que M, Fagan, qui en
I. Vol. est
210 MERCURE DE FRANCE
est l'Auteur , continuât à lui faire part de
ses productions. Au reste les Acteurs s'y
sont tous distinguez par leur maniere de
joier.
Supposé , Comédie , en un Acte , représentée
au Théatre François avec beaucoup
de succès , le 27. May. Exttait.
·
ACTEURS.
Lucile , jeune veuve.
Valere
و
La Dlle Gaussin.
Le sieur Dufresne.
Lisette , Suivante de Lucile , La Dlle Quinauit
,
Crispin , Valet de Valere, Le sieur Poisson ,
M. Jacquemin , Sous - Fermier , amoureux
, & c. Le sieur Lathorilliere.
Charlot , Jardinier de Lucile , Le sieur
de Montmesnil.
La Scene est dans une Ville de Bretagne
et le Théatre représente l'Avenuë d'un
Château.
Valere et Lucile , qui sont les principaux
Personnages de cette Piece , viennent
de terminer un Procès , auquel un
Testament qui les nommoit , l'un héritier
, et l'autre Légataire , avoit donné
lieu . Valere est sur le point de partir
de Bretagne pour s'en retourner à
Paris ; ce prompt départ n'est pas au
gré de Crispin , non plus que de Lisette
; ils s'aiment et voudroient bien n'ê
I. Vol.
tre
1202 MERCURE DE FRANCE
tre pas séparez. C'est ici que l'action
theatrale commence ; ils ont imaginé
une ruse dont le succès est fondé
sur cette maxime : aimez et vous serez
aimé ; en effet , à peine Crispin a- t'il fait
croire à Valere que Lucile l'aime , que
la reconnoissance prépare son coeur à l'amour
; il en est de même de Lucile , à qui
Lisette fait entendre que Valere l'adore ,
sans avoir jamais osé le lui déclarer . Crispin
dit à son Maître que Lucile doit se
promener ce soir dans le Jardin , dans
P'esperance de l'y trouver et de le voir
du moins pour quelques momens avant
un départ qui doit lui donner la mort.
Voici les propres termes de Crispin :
Sous cet épais feuillage ,
Cette Beauté cedant à l'amour qui l'engage ,
Comme pour prendre l'air , doit se trouver ce
soir ;
Avant votre départ , elle voudroit vous voir ;
On m'a sollicité pour vous le faire entendre ,
Si donc , ce soir aussi, vous vouliez vous y ren
dre ,
Notre Veuve discrette , aux yeux de son vainqueur
,
Exposeroit le feu qu'elle cache en son coeur ,
Sans causer de scandale et sans qu'on en murmure.
I. Vol. Valere
JUIN. 1733. 1203
Valere donne dans le piége ; Crispin
lui a déja fait entendre que Lucile a
donné des indices plus sûrs de l'amour
secret qu'elle a pour lui et dont Lisette
lui a fait confidence ; il lui a appris que
Lucile n'avoit pû soutenir la funeste
nouvelle de son départ , et qu'elle étoit
tombée en pamoison entre les bras de sa
Suivante.Cet adroit mensonge ne le laisse
point douter qu'il ne soit éperdument
aimé ; mais son amour propre le lui
suade bien mieux , comme Crispin le fait
connoître par ce petit Monologue.
per-
Le mensonge est lâché ; courage , il croit qu'on
l'aime ;
La bonne opinion et l'amour de soi - même ,
Chez lui seront encore , à ce que je conçoi ,
Et meilleurs Orateurs et plus fourbes que moi.'
Lisette joie à peu près le même côle
auprès de sa Maîtresse ; elle lui dit , nonseulement
qu'elle est adorée de Valere ,
mais qu'elle est surprise qu'elle ne s'en
soit pas apperçuë . Elle lui parle entre autres
choses d'une Lettre de Valere qu'elle
a trouvée sur sa Toilette , et qui , ditelle
, sous des termes ordinaires , cache
adroitement une déclaration d'amour
dans toutes les formes ; cette Lettre déją
lûë par Lisette , autorise le Commentaire
1. Vol. in1204
MERCURE DE FRANCE
ingénieux qu'elle semble en faire sur le
champ, et qui ne seroit pas si vrai- semblable
, s'il n'avoit été étudié à loisir ; voila
donc nos deuxAmans disposez à se trouver
au rendez -vous imaginé par leurs Domesti
ques ; Lucile y résiste d'abord , mais Lisette
tranche toutes les difficultez par
ce Vers :
Enfin que voulez- vous ? j'ai donné ma parole,
Ce qui confirme Lucile dans l'opinion
qu'elle est aimée de Valere , c'est là brusque
incartade que lui vient faire M. Jac
quemin , Sous- Fermier et l'un de ses soupirans
, à qui , par une nouvelle fourberie
, Crispin à fait entendre que son
Maître est son Rival . Jacquemin éclate
contre Lucile et retire la parole qu'il
lui avoit donnée de l'épouser .
Crispin et Lisette s'applaudissent déja
d'un plein succès , mais par malheur ils
ont été entendus de Charlot , Amoureux
de Lisette , qui pour se venger de la préference
qu'elle donne à Crispin , veut
observer de plus près ce complot , dont
il n'a encore qu'une legere connoissance
, et en empêcher la réussite .
Valere se trouve le premier au prétendu
rendez - vous , accompagné de Crispin
; Lucile ne tarde pas d'y venir , sui-
I. Vel.
vie
JUIN. 1733. 1205
vie de Lisette. Cette Scene , est sans contredit
, neuve et charmante ; ce qui nous
engage à en inserer ici quelques fragmens.
Valere à Lucile.
Puis qu'un hazard heureux auprès de vous me
guide ,
Avant que de partir , Madame , il m'est bien
doux ,
De pouvoir librement prendre congé de vous.
Lucile.
Vous partez donc , Valere
Helas !
Crispin.
Il le faut bien , Madame ;
Lisette.
Crispin.
Tais-toi , Lisette , où je vais rendre l'ame.
Valere.
Je l'avouerai pourtant , si , contre mon espoir ,
En ce dernier moment je pouvois entrevoir ,
Un destin trop flateur pour moi , trop favo
rable ,
L'Arrêt de mon départ n'est point irrévocable,
Lucile.
Quel sort attendez - vous ? quand on n'ose parler,
Quand l'amour avec art prend soin de se voiler ,
Ses feux sont étouffez par l'extrême prudence ,
I. Vol. Et
1207 MERCURE DE FRANCE
Et l'on est quelquefois victime du silence.
Valere.
Ah ! lorsque cent raisons nous forcent de cou
vrir ,
Un penchant dont le coeur se plaît à se nourrir ,
Dans un objet épris tout en rend témoignage ;
Il est pour s'exprimer, il est plus d'un langage ;
Un regard , un soupir , au défaut de la voix
Ont souvent malgré nous déclaré notre choix.
Oui , madame , les yeux les yeux révelent le mystere , & c.
"
>
A ce dernier Vers prononcé passionné
ment , Crispin baise la main de Lucile
qui croit que c'est Valere même à qui
l'excès de sa passion a fait prendre cette
liberté ; le reproche qu'elle lui en fait est
conçû en des termes qui lui font croire
qu'elle l'y invite elle même ; il lui baisë
la main avec transport , en disant :
Ah ! que m'accordez- vous !
à part.
Quelle aimable franchise !
Je n'en sçaurois douter , elle m'aime éperdument.
Il la presse de prononcer sur son départ
; comme elle ne répond rien , il veut
se retirer ; mais Lisette le retient secrettement
; il croit que c'est Lucile mê
me qui s'oppose à son départ , et ce qui
I. Vol. Ty
JUI N.
1733. 1207
l'y confirme , c'est que Lucile lui dit dans
le moment.
Pourquoi donc vous livrer à tant de défiance?
Ah ! concevez plutôt une juste esperance , &c.
Jusques- là Crispin et Lisette chantent
victoire ; mais Charlot qui a tout entendu
sans être apperçû , les fait bientôt déchanter.
Cette nouvelle Scene est toutà
-fait comique ; Crispin et Lisette s'efforcent
de fermer la bouche à Charlot ;
mais il ne laisse pas de jaser et de dire
à Valere et à Lucile ;
Vous ne vous aimez pas , je vous en avertis ;
Valere,
Il a bu surement,
Charlot,
Non , morgué, je le dis
Vous n'avez nullement d'amiquié . l'un pous
l'autre ;
C'est cette fine mouche avec ce bon Apotre ,
Qui vous laissont tous deux donner dans le pa¬
niau ;
Tout votre bel amour n'est que dans leur cer
yiau ;
Ils avont à par eux manigancé la chose ,
Et si vous vous aimez , j'en devine la cause ;
I. Vol.
11
108 MERCURE DE FRANCE
•
Il faut qu'ils soient sorciez comme des bas Normands
,
Et sçachiont un secret pour faire aimer les
.gens.
Valere et Lucile ne doutent point que
Charlot ne soit yvre ; 'on le chasse : Lisette
ajoute à ce soupçon d'yvresse un
autre motif , et dit :
Non , Madame , voici la vérité du fait ;
Charlot m'aime , et Crispin lui donne de l'ombrage
;
La peur qu'il a , je crois que Monsieur ne s'enj
gage
Par estime pour vous , à séjourner icy ,
Sans rime et sans raison , le fait parler ainsi.
Crispin et Lisette sont à peine sortis de
la premiere allarme que Charlot leur a
donnée , qu'ils retombent dans une seconde
, dont ils désesperent de pouvoir
se tirer.
Valere demande à Lucile si elle est toutà
- fait remise de l'indisposition qu'elle a
euë le jour précédent Lucile fort étonnée
, lui répond qu'elle n'a nullement
été indisposée ; elle lui parle à son tour
de la Lettre énigmatique que Lisette a si
joliment commentée.
Valere lui répond qu'il ne sçait ce que
c'est que cette Lettre , il ajoute :
I. Vol. Jc
JUIN.
1209 1733
Je n'ai point eu , je croi , l'honneur de vous
écrire
,
Si ce n'est quatre mots , quand vous me fîtes
dire ,
Que sur nos différens vous vouliez terminer ;
Mon Procureur dicta , je ne fis que signer.
7
Cette double explication déconcerte
entierement Crispin et Lisette ; Valere
outré de colere contre Crispin , lui jure
de lui faire payer cher son mensonge ;
Lucile en promet autant à Lisette ; pour
surcroit de malheur M.Jacquemin , désabusé
par Charlot , fait dire à Lucile qu'il
viendra la voir pour faire sa paix avec
elle.Lucile répond froidement au Laquais
de M. Jacquemin ;
Dis lui que rien ne presse et que je len tiens
quitte.
lere
Cette froide réponse fait esperer à Vaque
la feinte pourroit bien devenir
ane vérité , comme il le souhaite. Il coninue
à lui parler d'amour ; elle l'écoute
vec plaisir ; il pardonne à Crispin , elle
ait grace à Lisette ; et le rendez - vous a
out le succès que le Valet et la Suivante
uroient pû esperer.
Cette Piece a paruë tres - jolie , et a fait
ouhaiter au public que M, Fagan, qui en
I. Vol. est
210 MERCURE DE FRANCE
est l'Auteur , continuât à lui faire part de
ses productions. Au reste les Acteurs s'y
sont tous distinguez par leur maniere de
joier.
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Résumé : LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour Supposé, Comédie, en un Acte, représentée au Théatre François avec beaucoup de succès, le 27. May. Extrait.
La pièce 'LE RENDEZ-VOUS, ou l'Amour' est une comédie en un acte représentée avec succès le 27 mai. L'action se déroule dans une ville de Bretagne et met en scène plusieurs personnages, dont Lucile, une jeune veuve, et Valere, son héritier. Après un procès lié à un testament, Valere s'apprête à partir pour Paris, ce qui attriste ses serviteurs, Crispin et Lisette, qui sont amoureux l'un de l'autre et ne veulent pas être séparés. Crispin et Lisette élaborent un plan pour réunir Lucile et Valere, en leur faisant croire mutuellement qu'ils sont aimés. Crispin convainc Valere que Lucile l'aime secrètement et l'invite à un rendez-vous dans le jardin. De même, Lisette persuade Lucile que Valere l'adore. Lucile résiste d'abord, mais accepte après que Lisette lui montre une lettre prétendument écrite par Valere. Au rendez-vous, Valere et Lucile se retrouvent et échangent des mots tendres. Cependant, Charlot, le jardinier amoureux de Lisette, révèle la supercherie. Valere et Lucile découvrent la vérité et sont furieux contre leurs serviteurs. Jacquemin, un soupirant de Lucile, désabusé par Charlot, tente de se réconcilier avec Lucile, mais elle reste froide. Finalement, Valere et Lucile pardonnent à leurs serviteurs et la pièce se termine sur une note positive. La pièce a été bien accueillie par le public et les acteurs ont été salués pour leur performance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1605
« LE RENDEZ-vous, Comédie en Vers, représentée pour la premiere fois le 27. May. A Paris, [...] »
Début :
LE RENDEZ-vous, Comédie en Vers, représentée pour la premiere fois le 27. May. A Paris, [...]
Mots clefs :
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texteReconnaissance textuelle : « LE RENDEZ-vous, Comédie en Vers, représentée pour la premiere fois le 27. May. A Paris, [...] »
LA RENDEZ - Vous , Comédie en Vers , représentée
pour la premiere fois le 27. May. A Pa,
ris , Quay des Augustins , 1733. in 8. de 46.
pages. Prix 20. sols.
Cette Piece , qui est dédiée à Monseigneur le
Comte de Clermont, soutient à la lecture le plai
sir qu'elle a fait à la Représentation .
pour la premiere fois le 27. May. A Pa,
ris , Quay des Augustins , 1733. in 8. de 46.
pages. Prix 20. sols.
Cette Piece , qui est dédiée à Monseigneur le
Comte de Clermont, soutient à la lecture le plai
sir qu'elle a fait à la Représentation .
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