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1
p. 102-105
« Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Début :
Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...]
Mots clefs :
Galanterie, Louanges, Louer, Conversation, Lecture, Cahiers
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texteReconnaissance textuelle : « Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Le Chevalier s’apprelloit
à pourfùivre, lors que la
DuchefTe luy dit de n’aller
pas fi ville ; que cette Galanterie méritoit bienqu’on
y fift quelque réflexion, &
que les Vers en efloient fort
naturels. Il ellvray, répondit la Marquife, & j’ay fait
une remarque en l ‘écoutant lire,à laquelleperfonne
n’a peut-ellre penfé. Nous
parlions tan to ll, pourfuivit-elle, delà maniéré de
louer le Roy, & je trouve
que les louanges que nous
en venons d’entendre font
V
4
•-* K
G A L A N T . 103
fort ingénieufement données: elles entrent fi naturellement dans cette Piece,
qu’il neparoiftpas mefmcs
qu’on ait defléin de le
■loiier; & tout ce que l’Amour dit à fa gloire, n’eft
qu'en fe plaignant de luy.
La remarque eft jufte, reprir une autre Perlonne de
la Compagnie ; & quand
on loué ainfi quelqu’un, il
faut que ce que l’on en
dit foit fi vray, que perfonne ne l’ignore. Il n’eft
pas fi facile que l’on penle
de louer ainfi, intérompic
)
io4
LE MERCURE
la Ducheffe ; & tous ces
Efprits guindez & peu galants qui ne peuvent louer
les grands Hommes qu’en
les comparant aux Aléxandres & aux Ce'fars, n ’en
viendraient pas facilement
a bout. Elles alloient encor pouffer cette Converfation, lors qu’elles jetteront les yeux fur le Chevalier qui regardoit les Cahiers qu’il tenoit avec une
attention qui leur fit connoiftre qu’il fouhaitoit de
pourfuivre la leélure qu’il
avoit commencée j ce qui
I
G A L A N T , joy
les obligea de fe taire. Elles
eurent à peine celfé de parler , qu’il continua de la
forte. Puis que nous fommes
fur le Chapitre de l’Amour,
il fcroit mal-aile de trouver
un endroit plus propre
pour parler des Mariages
qu’il a fait, faire depuis peu;
car il faut toujours croire
que c’eft luy feul qui unit
tous ceux qui fe marient,
& que la Politique ne fe
melle jamais des chofes
dont l 'Amour doit feul
eftre le maiftre.
à pourfùivre, lors que la
DuchefTe luy dit de n’aller
pas fi ville ; que cette Galanterie méritoit bienqu’on
y fift quelque réflexion, &
que les Vers en efloient fort
naturels. Il ellvray, répondit la Marquife, & j’ay fait
une remarque en l ‘écoutant lire,à laquelleperfonne
n’a peut-ellre penfé. Nous
parlions tan to ll, pourfuivit-elle, delà maniéré de
louer le Roy, & je trouve
que les louanges que nous
en venons d’entendre font
V
4
•-* K
G A L A N T . 103
fort ingénieufement données: elles entrent fi naturellement dans cette Piece,
qu’il neparoiftpas mefmcs
qu’on ait defléin de le
■loiier; & tout ce que l’Amour dit à fa gloire, n’eft
qu'en fe plaignant de luy.
La remarque eft jufte, reprir une autre Perlonne de
la Compagnie ; & quand
on loué ainfi quelqu’un, il
faut que ce que l’on en
dit foit fi vray, que perfonne ne l’ignore. Il n’eft
pas fi facile que l’on penle
de louer ainfi, intérompic
)
io4
LE MERCURE
la Ducheffe ; & tous ces
Efprits guindez & peu galants qui ne peuvent louer
les grands Hommes qu’en
les comparant aux Aléxandres & aux Ce'fars, n ’en
viendraient pas facilement
a bout. Elles alloient encor pouffer cette Converfation, lors qu’elles jetteront les yeux fur le Chevalier qui regardoit les Cahiers qu’il tenoit avec une
attention qui leur fit connoiftre qu’il fouhaitoit de
pourfuivre la leélure qu’il
avoit commencée j ce qui
I
G A L A N T , joy
les obligea de fe taire. Elles
eurent à peine celfé de parler , qu’il continua de la
forte. Puis que nous fommes
fur le Chapitre de l’Amour,
il fcroit mal-aile de trouver
un endroit plus propre
pour parler des Mariages
qu’il a fait, faire depuis peu;
car il faut toujours croire
que c’eft luy feul qui unit
tous ceux qui fe marient,
& que la Politique ne fe
melle jamais des chofes
dont l 'Amour doit feul
eftre le maiftre.
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Résumé : « Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Un Chevalier souhaite poursuivre la lecture d'un texte, mais la Duchesse l'interrompt, estimant que les vers sont naturels et méritent réflexion. La Marquise apprécie l'intégration ingénieuse des louanges au Roi, qui semblent naturelles. Un autre convive approuve, soulignant que les louanges doivent être vraies et évidentes. La Duchesse ajoute que louer quelqu'un de cette manière n'est pas facile, surtout en comparant les grands hommes à des figures historiques comme Alexandre ou César. La conversation est interrompue lorsque le Chevalier, absorbé par ses cahiers, exprime son désir de continuer la lecture. Les personnes présentes se taisent, et le Chevalier reprend en parlant des mariages, affirmant que l'Amour est le seul maître en la matière, excluant toute influence politique.
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2
s. p.
A MADAME LA COMTESSE DE BREGY
Début :
MADAME, Je prens la liberté de vous ofrir un Livre [...]
Mots clefs :
Livre, Lecture, Plaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME LA COMTESSE DE BREGY
LA COMTESSE
ï
• >
E P I S T R E.
W°p de préfbmption, puis quelle vous renouvellera, ce que
'vous entende^ publierpartout
Itvec plaifir a la, gloire de Son
Altesse Royale. Ainfi,
MADAME, ce que j aurais defefieré d'obtenir du peu
d'ornemens que fay eflé capable de préfler aux Nouvelles
dontfay à vous entretenir, je
l attens de la dignité de la matière, (ÿ je ne puis m'empefcher
de vous les ofrir avec confiance, quandje voy qu'une des plus
importantesregarde ce qui vous
interefie leplus, fe ne confédéré
en cela ny mafoibleffepour une
figrande entreprife, ny ces lu-
>
J
>
I
E P I S T R E..
mieres merveilleufaes qui vous
font dppercevoir des defauts
dans ce qu'on donne au Public
de plus achevé. Ily d des chofaes
qui ne facauroient jamais efire
mal dites s il ne faut que les
bienfaçavoiry pour en faire un
récit qui produife l admiration
qui leur efl deuë ; & les termes
les moins relevczyie lespeuvent
affaiblir, pourveu qu
’
on faut
fidelle dans le dénombrement de
leurs circonftances. Tellesfant
les grandes Actions de MONSIEUR; êlles n'ont befaoin
ny diune éloquence étudiée qui
contribue d les faire paroiftrè
dansleurjour, nyd une exâge-
, E P I S T R E.
ration artificieufi quileurprête i
ce qu'elles n auraientpas déliés- j
mejmes. Ilfafile de dire Simplement de quelle maniéré elles
fifontpafiecs,pour efire afin .
de ne rien dire que de furprenants &fila hante réputation
que cegrandPrince s eftacquife
parfincourage &parfia valeur,
rend toutle mondefinfibleàfis
avantages, que ne dois-jepoint
attendre de Vous qui luy asvez^
confieré une tendrefie qui ne
s efi jamais démentie, & qui
a^ve^ touioursregardéJagloire ■
comme la chofie du monde la
plus capable de vous toucher? '
<fi!fi> CMADAME, fi. cette
<
1
EPISTRE.
mon Livre trouverait un accès
’j favorable auprès de ce Prince,
’t fi vous daigniez Iny ™ f^e
e
Z
P
5
»
^tendre(fie ne pouvait avoir un
flus'noble objet, elle efi glo-
^rieufement récompenfée par les
^témoignages deftime & de conhfiderationparticulière que vous
^receve^tous les jours de Son
'«Altesse Royale. Ceft par
li là que jepourrais niajfurer que
I
j favorable auprès de ce Prince,
r
paroiflre quelque fatisficîion.
Il efi fiperfuadéde vojlrejufie
difcernement pour toutes chofes, que ce qui a eu vofire approbation luy femble toujours
digne de lafienne. C efi unejustice qu il aime àvous rendre, &
epistre.
j.KC toute la France vous rend
avecluy ■ mais, MADAME,
je ne veux
fentimens, & U ne feroit pas
jufte queje chercha(D l'A^hur
pourroit commettre la vofire.
Quel que puijje eflre le fuccés'
de cet Ouvrage} ilfera toujours
avantageuxpour moy3 fivous
ave^ U bonté de le recevoir
comme unç marque de l'ardente
faffion aveclaquellejefuis,
madame, Vostre tres-humble & tres-obeissant Serviteur, D
ï
• >
E P I S T R E.
W°p de préfbmption, puis quelle vous renouvellera, ce que
'vous entende^ publierpartout
Itvec plaifir a la, gloire de Son
Altesse Royale. Ainfi,
MADAME, ce que j aurais defefieré d'obtenir du peu
d'ornemens que fay eflé capable de préfler aux Nouvelles
dontfay à vous entretenir, je
l attens de la dignité de la matière, (ÿ je ne puis m'empefcher
de vous les ofrir avec confiance, quandje voy qu'une des plus
importantesregarde ce qui vous
interefie leplus, fe ne confédéré
en cela ny mafoibleffepour une
figrande entreprife, ny ces lu-
>
J
>
I
E P I S T R E..
mieres merveilleufaes qui vous
font dppercevoir des defauts
dans ce qu'on donne au Public
de plus achevé. Ily d des chofaes
qui ne facauroient jamais efire
mal dites s il ne faut que les
bienfaçavoiry pour en faire un
récit qui produife l admiration
qui leur efl deuë ; & les termes
les moins relevczyie lespeuvent
affaiblir, pourveu qu
’
on faut
fidelle dans le dénombrement de
leurs circonftances. Tellesfant
les grandes Actions de MONSIEUR; êlles n'ont befaoin
ny diune éloquence étudiée qui
contribue d les faire paroiftrè
dansleurjour, nyd une exâge-
, E P I S T R E.
ration artificieufi quileurprête i
ce qu'elles n auraientpas déliés- j
mejmes. Ilfafile de dire Simplement de quelle maniéré elles
fifontpafiecs,pour efire afin .
de ne rien dire que de furprenants &fila hante réputation
que cegrandPrince s eftacquife
parfincourage &parfia valeur,
rend toutle mondefinfibleàfis
avantages, que ne dois-jepoint
attendre de Vous qui luy asvez^
confieré une tendrefie qui ne
s efi jamais démentie, & qui
a^ve^ touioursregardéJagloire ■
comme la chofie du monde la
plus capable de vous toucher? '
<fi!fi> CMADAME, fi. cette
<
1
EPISTRE.
mon Livre trouverait un accès
’j favorable auprès de ce Prince,
’t fi vous daigniez Iny ™ f^e
e
Z
P
5
»
^tendre(fie ne pouvait avoir un
flus'noble objet, elle efi glo-
^rieufement récompenfée par les
^témoignages deftime & de conhfiderationparticulière que vous
^receve^tous les jours de Son
'«Altesse Royale. Ceft par
li là que jepourrais niajfurer que
I
j favorable auprès de ce Prince,
r
paroiflre quelque fatisficîion.
Il efi fiperfuadéde vojlrejufie
difcernement pour toutes chofes, que ce qui a eu vofire approbation luy femble toujours
digne de lafienne. C efi unejustice qu il aime àvous rendre, &
epistre.
j.KC toute la France vous rend
avecluy ■ mais, MADAME,
je ne veux
fentimens, & U ne feroit pas
jufte queje chercha(D l'A^hur
pourroit commettre la vofire.
Quel que puijje eflre le fuccés'
de cet Ouvrage} ilfera toujours
avantageuxpour moy3 fivous
ave^ U bonté de le recevoir
comme unç marque de l'ardente
faffion aveclaquellejefuis,
madame, Vostre tres-humble & tres-obeissant Serviteur, D
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Résumé : A MADAME LA COMTESSE DE BREGY
L'auteur adresse une épître à une comtesse, exprimant son souhait de publier des nouvelles sur les actions remarquables d'un grand prince. Il souligne que les exploits de ce prince sont suffisamment impressionnants pour être admirés sans besoin d'éloquence. L'auteur espère que son livre sera bien accueilli par le prince et par la comtesse, connue pour son soutien constant. Il mentionne que le prince reconnaît la sagesse et le discernement de la comtesse, sentiments partagés par toute la France. L'auteur conclut en affirmant sa dévotion et son humilité, espérant que la comtesse verra son ouvrage comme une marque de son ardente affection.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 104-113
LETTRE D'UN INCONNU, A L'AUTHEUR DU MERCURE GALANT.
Début :
Je sers de Secretaire à une belle Dame, qui souhaite [...]
Mots clefs :
Dame, Satisfaction, Lecture, Mercure galant, Succès, Connaissance , Nouvelles, Nom, Feuilles volantes, Qualités
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE D'UN INCONNU, A L'AUTHEUR DU MERCURE GALANT.
LETTRE
D'UN INCONNU,.
A L'AUTHEUR.
DU MERCURE GALANT.
Efers de Secretaire àunebelle Dame, quiſouhaite , Monsieur que je vous mande l'extremefatisfaction que luy a donnée lale
Eture des deuxpremiers Tomesde
vôtre Mercure Galant. Ie conviens avec elle que c'est un Ou..
vrage tres- utile , &même glo- vieuxpour la France ; qu'ilfera encoreplus recherchéquelque jour
qu'il ne l'est auiourd'huy , quoy qu'ilsoit affezdifficile d'en avoir
des premiers , &que dansun Siecle éloigné du noſtre , ilfervira
GALANT. 81
4
A
A
de Titre àquantité de Familles dont vous faites connoître & la nobleſſe & l'antiquité : mais à
vous dire les choses comme elles font , je croy qu'ily a un peu d'intereſt meſléauxloüanges quevous
donne la Damedont jevousparle.
Elle a une demangeaiſon terrible de voirſon Nomparmyceux àqui vous donnez place dans le Mercure ; &comme ellefçaitqu'il a
un fort grandfuccés , qu'il court déjadans toutesles Villes deFrăce , &même plus loin , ellen'en
faitpoint lafine,elleferoit ravie de courirle Monde avec luy.C'est estre Coureuse,il est vray , &ce mestier n'accommodepasla répu1
tation d'une Femme ; cependant elle croiroit n'y pas hazarder la
fienne , au contraire , estant ausfi persuadée qu'elle est qu'on ne
Diiij
82 LE MERCURE
pourra plus àl'avenirfaire preu ve de valeur , de beauté , & de
bel esprit , ſi l'on n'est dans le Mercure , elleferoit au deſeſpoir que vous oubliaſſiez àparler d'elle. Quelque enviepourtantqu'el- le en ait elle ditfortplaiſamment qu'elle neseroit pas peu embaraf- sée àvous marquer fon bel en- droit , qu'elle ne sçait par où se
prendrepour le trouver ; &que te qui la conſole , c'est qu'elle l'ap- prendra de vous par la connois- fanceinfuse que vous devez avoir
de tout lemonde , veu la maniere
dont vous parlez de mille Gens.
Iugez fi elle araiſon en cela ; elle s'appelle Madame la Marquise
de *** & à present que vous
Sçavezfonnom, je croy que vous ne chercherezpaslongtemps ce bel endroit qu'elle a tant de peine à
GALANT. 83
.
1
L
le
6
5
découvrir. Sa naiſſance , ſa beau- té,fon efprit ,ſafidelité pourſes Amis , voila bien de beaux en
droits au lieu d'un. Choiſiſſez; de quelque coſtéque vousvous tourniezſurſon chapitre,vous ne par lerezpoint àfaux. Elle efpere que comme les Hommes ont leurs Hiftoriens , vous nedédaignerezpoint d'estre quelque jour celuydes Femmes , e qu'apres avoir rendu à
nos Braves la justice que vousleur devez dans cette Campagne,vous estimerez affez les Belles pour en vouloir faire une reveuë. Sa modestie l'empeſche dese mettre de
cenombre,jem'en rapporte àvous,
&tiens cependant que les Hom- mes ne vousſont pas peuobligez.
Ieles trouve bien plus àleur aiſe reliezen Veaudans vostre Livre,
que d'avoir à courir en feüilles
DV
84 LE MERCURE
volantesdans les autres Nouvelles
que les Dames liſent rarement.
I'en connoy qui ont eu bien de la
joye d'apprendre dans le Mercure les belles Actions de leurs Amans,
qu'elles ne lisoient point ailleurs ,
ou qu'elles y voyoient marquées ,
Sansqu'ilycût rien de leurs autres belles qualitez. Ceux quisefont distinguez à Valenciennes &àla Bataille de Caffel , vous doivent un remerciment, &il est àcroire
que vous n'oublierez pas les au- tres qui ſeſontſignalez àCam- bray &à S. Omer.Prenez-ygar- de ,je connois une Demoiselle avec qui vous auriez un fort
granddémeſlé , ſivous neparliez Pasdefon Amant. Ce que je re- marque de particulier , c'est que vous accoûtumez le monde àneftre pas fâché d'entendre dire du
GALANT. 85
ام
10
bien deſon prochain ; cela est af- fez nouveau, carnostrepanchant est à lafatyre.Vous ne deſobligez personne , & ce que vous dites
d'avantageuxpourceux quevous louez , est fondésur des choses fi veritables , que comme vous les
citez, ellesne peuventpaſſer pour des flateries. Continuez , Mon- fieur, ie vousenfollicite pour les Belles , & ie ne doute point que vous n'enfoyezfollicité d'ailleurs par tout ce qu'il y adeplus honnestes Gens enFrance.
ال
2
Et par apoſtille il y a d'une écriture de Femme.
Ne croyezpas , Monfieur , un
Extravagant qui ne vous écrit
que des folies ſur l'article qui me regarde. I'ay amenéla mode de
86 LE MERCURE
joüer les annéesdu Mercure,com me on jouë les Logespour la Co- médic , & il veutſe vanger de ce qu'il l'a perdu pour un an contre
deux Dames & contre moy, qui nous en divertirons àses depens.
Ainsi nechangezpas le deffein de lepoursuivre, carceferoit autans
de perdupour nous.
D'UN INCONNU,.
A L'AUTHEUR.
DU MERCURE GALANT.
Efers de Secretaire àunebelle Dame, quiſouhaite , Monsieur que je vous mande l'extremefatisfaction que luy a donnée lale
Eture des deuxpremiers Tomesde
vôtre Mercure Galant. Ie conviens avec elle que c'est un Ou..
vrage tres- utile , &même glo- vieuxpour la France ; qu'ilfera encoreplus recherchéquelque jour
qu'il ne l'est auiourd'huy , quoy qu'ilsoit affezdifficile d'en avoir
des premiers , &que dansun Siecle éloigné du noſtre , ilfervira
GALANT. 81
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A
A
de Titre àquantité de Familles dont vous faites connoître & la nobleſſe & l'antiquité : mais à
vous dire les choses comme elles font , je croy qu'ily a un peu d'intereſt meſléauxloüanges quevous
donne la Damedont jevousparle.
Elle a une demangeaiſon terrible de voirſon Nomparmyceux àqui vous donnez place dans le Mercure ; &comme ellefçaitqu'il a
un fort grandfuccés , qu'il court déjadans toutesles Villes deFrăce , &même plus loin , ellen'en
faitpoint lafine,elleferoit ravie de courirle Monde avec luy.C'est estre Coureuse,il est vray , &ce mestier n'accommodepasla répu1
tation d'une Femme ; cependant elle croiroit n'y pas hazarder la
fienne , au contraire , estant ausfi persuadée qu'elle est qu'on ne
Diiij
82 LE MERCURE
pourra plus àl'avenirfaire preu ve de valeur , de beauté , & de
bel esprit , ſi l'on n'est dans le Mercure , elleferoit au deſeſpoir que vous oubliaſſiez àparler d'elle. Quelque enviepourtantqu'el- le en ait elle ditfortplaiſamment qu'elle neseroit pas peu embaraf- sée àvous marquer fon bel en- droit , qu'elle ne sçait par où se
prendrepour le trouver ; &que te qui la conſole , c'est qu'elle l'ap- prendra de vous par la connois- fanceinfuse que vous devez avoir
de tout lemonde , veu la maniere
dont vous parlez de mille Gens.
Iugez fi elle araiſon en cela ; elle s'appelle Madame la Marquise
de *** & à present que vous
Sçavezfonnom, je croy que vous ne chercherezpaslongtemps ce bel endroit qu'elle a tant de peine à
GALANT. 83
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1
L
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découvrir. Sa naiſſance , ſa beau- té,fon efprit ,ſafidelité pourſes Amis , voila bien de beaux en
droits au lieu d'un. Choiſiſſez; de quelque coſtéque vousvous tourniezſurſon chapitre,vous ne par lerezpoint àfaux. Elle efpere que comme les Hommes ont leurs Hiftoriens , vous nedédaignerezpoint d'estre quelque jour celuydes Femmes , e qu'apres avoir rendu à
nos Braves la justice que vousleur devez dans cette Campagne,vous estimerez affez les Belles pour en vouloir faire une reveuë. Sa modestie l'empeſche dese mettre de
cenombre,jem'en rapporte àvous,
&tiens cependant que les Hom- mes ne vousſont pas peuobligez.
Ieles trouve bien plus àleur aiſe reliezen Veaudans vostre Livre,
que d'avoir à courir en feüilles
DV
84 LE MERCURE
volantesdans les autres Nouvelles
que les Dames liſent rarement.
I'en connoy qui ont eu bien de la
joye d'apprendre dans le Mercure les belles Actions de leurs Amans,
qu'elles ne lisoient point ailleurs ,
ou qu'elles y voyoient marquées ,
Sansqu'ilycût rien de leurs autres belles qualitez. Ceux quisefont distinguez à Valenciennes &àla Bataille de Caffel , vous doivent un remerciment, &il est àcroire
que vous n'oublierez pas les au- tres qui ſeſontſignalez àCam- bray &à S. Omer.Prenez-ygar- de ,je connois une Demoiselle avec qui vous auriez un fort
granddémeſlé , ſivous neparliez Pasdefon Amant. Ce que je re- marque de particulier , c'est que vous accoûtumez le monde àneftre pas fâché d'entendre dire du
GALANT. 85
ام
10
bien deſon prochain ; cela est af- fez nouveau, carnostrepanchant est à lafatyre.Vous ne deſobligez personne , & ce que vous dites
d'avantageuxpourceux quevous louez , est fondésur des choses fi veritables , que comme vous les
citez, ellesne peuventpaſſer pour des flateries. Continuez , Mon- fieur, ie vousenfollicite pour les Belles , & ie ne doute point que vous n'enfoyezfollicité d'ailleurs par tout ce qu'il y adeplus honnestes Gens enFrance.
ال
2
Et par apoſtille il y a d'une écriture de Femme.
Ne croyezpas , Monfieur , un
Extravagant qui ne vous écrit
que des folies ſur l'article qui me regarde. I'ay amenéla mode de
86 LE MERCURE
joüer les annéesdu Mercure,com me on jouë les Logespour la Co- médic , & il veutſe vanger de ce qu'il l'a perdu pour un an contre
deux Dames & contre moy, qui nous en divertirons àses depens.
Ainsi nechangezpas le deffein de lepoursuivre, carceferoit autans
de perdupour nous.
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Résumé : LETTRE D'UN INCONNU, A L'AUTHEUR DU MERCURE GALANT.
La lettre adressée à l'auteur du Mercure Galant exprime la satisfaction d'une dame pour les deux premiers tomes de l'ouvrage. Elle le juge très utile et glorieux pour la France, et anticipe qu'il sera encore plus apprécié à l'avenir. La dame, se présentant comme la Marquise de ***, souhaite voir son nom mentionné dans le Mercure Galant, convaincue que cela démontrera sa valeur, sa beauté et son esprit. Elle met en avant sa naissance, sa beauté, son esprit et sa fidélité envers ses amis. Elle espère que l'auteur, après avoir rendu justice aux braves dans la campagne actuelle, estimera également les belles femmes et en fera une revue. La lettre souligne que les hommes préfèrent lire le Mercure Galant plutôt que les nouvelles volantes, car l'auteur ne désoblige personne et ses louanges sont fondées sur des faits véridiques. Une apostille d'une écriture féminine précise que la lettre n'est pas écrite par un extravagant et encourage l'auteur à poursuivre la publication du Mercure Galant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 14
« Pensez de ces Vers tout ce qu'il vous plaira; vous [...] »
Début :
Pensez de ces Vers tout ce qu'il vous plaira; vous [...]
Mots clefs :
Méchante humeur, Lecture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Pensez de ces Vers tout ce qu'il vous plaira; vous [...] »
enſez de ces Vers tout ce
qu'il vous plaira ; vous eſtes de méchante humeur ſi vous
regrettez le temps que vous aura pû couſter leur lecture,
qu'il vous plaira ; vous eſtes de méchante humeur ſi vous
regrettez le temps que vous aura pû couſter leur lecture,
Fermer
5
p. 84-86
SONNET.
Début :
Si ce qui regarde la part que j'ay au Mercure / Digne & galant Autheur du celebre Mercure, [...]
Mots clefs :
Mercure, Auteur, Lecture, Livre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
Si ce quire- garde la part que j'ay au Mer- cure, pouvoit eſtre ſuprimé fans faire injustice aux Spirituels In- connus qui m'envoyent leurs Pieces fans ſe nommer, la crainte de me faire accuſer de vanité
m'empeſcheroit de vous faire voir le Sonnetqui ſuit, mais il eſt trop agreablement tournépour ne luy pas donner place icy. II m'eſt venu de Caën. Vous ſça- vez comme tout le mondey eſt poly, &vous ne ferez peut-eftre pas fâchée de connoiſtre qu'on
y eſtime les Lettres que je vous écris.
Cij
36 LE MERCVRE
SONNET.
Digne&galant Autheurdu celebre Mercure ,
De nos Belles de Caënredoutez le cou
roux ;
Elles brûlent ce Livre en peſtant contre
Vous
Pour les maux qu'a produits ſafatale
lecture.
De la Guerre, dit-on , vousfaites la
peinture Avec de certains traitsfi charmans &
fi doux,
Que l'on y voit courir les Amans , les
Ероих ;
Etc'est làlesujetqui caufe le murmure.
Quoy, direz- vous , jy mets tant de Traitez d'Amour ,
Des Madrigaux galans, les Festesde la
Cour
GALANT. 57
Tout cela nefaitrien pourſauver vostre
Livre.
Car quand un Brave y trouve un Roy d'un fi grand Cœur ,
Il ahonte d'aimer , il a honte de vivre,
S'il n'accompagnepas cet Auguste Vainqueur.
m'empeſcheroit de vous faire voir le Sonnetqui ſuit, mais il eſt trop agreablement tournépour ne luy pas donner place icy. II m'eſt venu de Caën. Vous ſça- vez comme tout le mondey eſt poly, &vous ne ferez peut-eftre pas fâchée de connoiſtre qu'on
y eſtime les Lettres que je vous écris.
Cij
36 LE MERCVRE
SONNET.
Digne&galant Autheurdu celebre Mercure ,
De nos Belles de Caënredoutez le cou
roux ;
Elles brûlent ce Livre en peſtant contre
Vous
Pour les maux qu'a produits ſafatale
lecture.
De la Guerre, dit-on , vousfaites la
peinture Avec de certains traitsfi charmans &
fi doux,
Que l'on y voit courir les Amans , les
Ероих ;
Etc'est làlesujetqui caufe le murmure.
Quoy, direz- vous , jy mets tant de Traitez d'Amour ,
Des Madrigaux galans, les Festesde la
Cour
GALANT. 57
Tout cela nefaitrien pourſauver vostre
Livre.
Car quand un Brave y trouve un Roy d'un fi grand Cœur ,
Il ahonte d'aimer , il a honte de vivre,
S'il n'accompagnepas cet Auguste Vainqueur.
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Résumé : SONNET.
L'auteur d'une lettre exprime sa crainte d'être accusé de vanité en publiant des pièces anonymes reçues de spirituels inconnus. Il décide néanmoins de partager un sonnet provenant de Caen, ville connue pour sa polyvalence et l'appréciation des lettres qu'il y écrit. Le sonnet est adressé à l'auteur du célèbre Mercure, critiquant les effets de ses écrits sur les femmes de Caen, qui brûlent son livre en raison des maux causés par sa lecture. Le sonnet souligne que l'auteur du Mercure décrit la guerre avec des traits charmants et doux, attirant ainsi les amants et les héros. Cependant, cela provoque des murmures, car les traités d'amour, les madrigaux galants et les fêtes de la cour ne suffisent pas à sauver son livre. Un lecteur brave, en trouvant un roi au grand cœur, se sent honteux d'aimer et de vivre s'il ne suit pas ce vainqueur auguste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 66-67
Les Avantures d'Armide & de Renaud, composées par M. le C. de Meré. [titre d'après la table]
Début :
C'estoit quelque chose d'admirable que les Jardins enchantez [...]
Mots clefs :
Tasse, Lecture, Imprimé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Les Avantures d'Armide & de Renaud, composées par M. le C. de Meré. [titre d'après la table]
C'eſtoit quelque choſed'ad- mirable que les Jardins en- chantez du Palais d'Armide ,
GALANT. 45
où il en naiſſoit en tout temps &de toutes les façons. Quoy que vous ſoyez inſtruite de tout ce qui eſt arrivé à cette belle Princeſſe par la lecture du Taſſe , liſez je vous prie ce qui en a eſté imprimé depuis peu ſous le titre des Avantures
d'Armide & de Renaud. Vous
en ſerez fatisfaite. Ce Livre eſt
ført agreable , & vous dire qu'il eſt deM. leChevalier de Meré,
c'eſt vous dire que vousy trou- verez autant de pureté de lan- gage , que de delicateſſe d'expreffion
GALANT. 45
où il en naiſſoit en tout temps &de toutes les façons. Quoy que vous ſoyez inſtruite de tout ce qui eſt arrivé à cette belle Princeſſe par la lecture du Taſſe , liſez je vous prie ce qui en a eſté imprimé depuis peu ſous le titre des Avantures
d'Armide & de Renaud. Vous
en ſerez fatisfaite. Ce Livre eſt
ført agreable , & vous dire qu'il eſt deM. leChevalier de Meré,
c'eſt vous dire que vousy trou- verez autant de pureté de lan- gage , que de delicateſſe d'expreffion
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Résumé : Les Avantures d'Armide & de Renaud, composées par M. le C. de Meré. [titre d'après la table]
Le texte présente les Jardins enchantés du Palais d'Armide, où des phénomènes extraordinaires se produisent. Il recommande la lecture des 'Avantures d'Armide & de Renaud', un ouvrage récent du Chevalier de Méré, apprécié pour la pureté de son langage et la délicatesse de ses expressions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 89-116
Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Début :
Je sçay, Madame, que ces témoignages de joye & de [...]
Mots clefs :
Amour, Iris, Apollon, Indifférent, Conversion, Aimer, Livres, Lecture, Vers, Ecolière, Coeur, Madame, Aimable, Apprendre, Esprit, Lettre, Pétrarque, Laure, Amant, Belle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Je ſçay , Madame , que ces témoignages de joye & de ref- pect rendus à ce grand Mini- ſtre , n'auront rien de ſurpre
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
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Résumé : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Le texte décrit la transformation amoureuse d'un homme initialement connu pour son indifférence et son détachement philosophique. Cet homme rencontre une jeune femme cultivée et aimable, ce qui marque le début de leur relation. Leur lien se renforce à travers des échanges littéraires et des poèmes. La jeune femme, après avoir écrit des vers, reçoit des lettres d'Apollon et d'Amour, chacun affirmant être l'inspirateur de ses poèmes. Après réflexion, elle reconnaît l'influence d'Apollon sur ses vers tout en admettant l'impact d'Amour. Le texte se conclut par une comparaison avec l'histoire de Pétrarque et Laure, soulignant la beauté poétique de cette intrigue amoureuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 252-256
III. RONDEAU.
Début :
Comme l'Ecriture ne convient pas moins au sens de cette / Vous avez tort, Galant Mercure, [...]
Mots clefs :
Lecture, Madrigaux, Écriture, Rondeaux, Censure
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texteReconnaissance textuelle : III. RONDEAU.
Comme l'Ecriture ne convientpas
moins au fens de cette Enigme que
l'Imprimerie , j'ajoute les Explications
qui m'ont efté envoyées fur ce .
Mot.
V
III.
RONDEAU.
Ous avez tort, Galant Mercure
Contre vous un chacun murmure
Vousfupprimez nos Madrigaux.
Avoient- ils defi grands defauts,
Pourn'en donner pas la lecture?
F'envoye encor cette Ecriture;
Maisfi dans voftre procédure
256
Extraordinaire
Vous biffez auffi nos Rondeaux ,
Vous avez tort.
Nous avionsfait voftre peinture,
Nous n'en craignions point de cenfure.
Qu'y manquoit-il ? rien n'eftoitfaux ;.
Et vous effacer nos travaux.
Ce n'eft point marcher en droiture,
Vous avez tort.
GYGES, du Havre.
moins au fens de cette Enigme que
l'Imprimerie , j'ajoute les Explications
qui m'ont efté envoyées fur ce .
Mot.
V
III.
RONDEAU.
Ous avez tort, Galant Mercure
Contre vous un chacun murmure
Vousfupprimez nos Madrigaux.
Avoient- ils defi grands defauts,
Pourn'en donner pas la lecture?
F'envoye encor cette Ecriture;
Maisfi dans voftre procédure
256
Extraordinaire
Vous biffez auffi nos Rondeaux ,
Vous avez tort.
Nous avionsfait voftre peinture,
Nous n'en craignions point de cenfure.
Qu'y manquoit-il ? rien n'eftoitfaux ;.
Et vous effacer nos travaux.
Ce n'eft point marcher en droiture,
Vous avez tort.
GYGES, du Havre.
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Résumé : III. RONDEAU.
Le poème, adressé à Mercure, exprime le mécontentement du poète face à la suppression de ses madrigaux et rondeaux. Le poète, Gygès du Havre, juge cette censure injuste et affirme que ses œuvres sont vraies et honnêtes. Il critique la procédure de Mercure, qualifiée d'extraordinaire et injuste, et conclut par 'Vous avez tort.'
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 305-307
Fables Nouvelles, [titre d'après la table]
Début :
Je vous envoye les Fables Nouvelles en Vers, dont je [...]
Mots clefs :
Fables, Vers, Auteurs, Lecture, Succès, Recueil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Fables Nouvelles, [titre d'après la table]
Je vous envoye les Fables:
Nouvelles en Vers , dont je:
vous ay déja parlé une fois..
Il y a huit ou dix jours quee
Mars 1685,
Ca
30% MERCURE
A
les ficurs de Luynes , Blageard
& Girard , ont commencé
les debiter. Elles font fort approuvées
, & je puis répondre
du plaifir que vous donnera
cette lecture , puis que vous
en avez déja veu quelques.
unes dans mes Lettres, & que
le tour agréable que vous leur
avez trouvé , vous a obligée
fouvent àvous plaindre de ce
que l'Autheur avoit ceffé de
me faire de pareils prefens . Il
ne laiffoit pas de travailler,
mais il amafloit dequoy fournir
le Recueil qu'il a donné
au Public. Ce genre d'écrire
GALANT 307
luy eft extrémement naturel ,
& il faudroit eftre d'un gouft
difficile pour n'eftre pas fatis
fait , & de fes penſées , & de
fes expreffions.
Nouvelles en Vers , dont je:
vous ay déja parlé une fois..
Il y a huit ou dix jours quee
Mars 1685,
Ca
30% MERCURE
A
les ficurs de Luynes , Blageard
& Girard , ont commencé
les debiter. Elles font fort approuvées
, & je puis répondre
du plaifir que vous donnera
cette lecture , puis que vous
en avez déja veu quelques.
unes dans mes Lettres, & que
le tour agréable que vous leur
avez trouvé , vous a obligée
fouvent àvous plaindre de ce
que l'Autheur avoit ceffé de
me faire de pareils prefens . Il
ne laiffoit pas de travailler,
mais il amafloit dequoy fournir
le Recueil qu'il a donné
au Public. Ce genre d'écrire
GALANT 307
luy eft extrémement naturel ,
& il faudroit eftre d'un gouft
difficile pour n'eftre pas fatis
fait , & de fes penſées , & de
fes expreffions.
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Résumé : Fables Nouvelles, [titre d'après la table]
En mars 1685, l'auteur annonce la publication des Fables, disponibles chez les libraires de Luynes, Blageard et Girard. Ces œuvres, écrites avec assiduité, rencontrent un succès notable. L'auteur garantit un plaisir de lecture, soulignant la qualité des pensées et des expressions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 91-128
Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Début :
Le Samedy 5. de ce mois, Mr de Fontenelle fut receu à [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Académie française, Corneille, Éloge, Anciens, Modernes, Louis, Discours, Charpentier, Harangue, Lecture, Académie d'Arles, Académie des Ricovrati de Padoue, Madame Deshoulières, Abbé de Lavau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
e Samedy.5. de ce mois
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
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Résumé : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Le 5 mai, Bernard Le Bouyer de Fontenelle fut accueilli à l'Académie française et reçut des applaudissements pour son discours de remerciement. Fontenelle exprima sa surprise et sa gratitude, attribuant cette reconnaissance à sa naissance, qui le liait au nom illustre de Pierre Corneille. Il rendit hommage à Michel Le Tellier, Doyen du Conseil d'État, dont il avait pris la succession. Fontenelle décrivit avec vivacité et éloquence la conquête de Mons, évoquant l'admiration que le cardinal Richelieu aurait eue pour les exploits de Louis XIV. L'abbé Testu, directeur de la Compagnie, étant indisposé, Pierre Corneille, chancelier et oncle de Fontenelle, prit la parole. Corneille souligna le mérite de Fontenelle et l'honneur de sa nomination. Il compara les conquêtes de Louis XIV à celles des grands hommes de l'Antiquité et exhorta Fontenelle à développer ses talents et à tirer profit des échanges au sein de l'Académie. Lors de la même séance, l'Académie accueillit un nouveau membre et espéra qu'il contribuerait utilement. Le doyen, M. Charpentier, complimenta le roi pour ses nouvelles conquêtes et lut une harangue préparée à cet effet. Une épître de Madame des Houlières à Monsieur le Duc de Bourgogne fut ensuite lue, suivie de divers ouvrages littéraires. L'abbé de Lavau exprima l'admiration pour les conquêtes du roi et la difficulté de les décrire adéquatement. Il mentionna également les œuvres de grands écrivains et la gloire du roi, comparée à celle des héros des siècles passés. La séance se termina par la lecture de plusieurs poèmes et œuvres littéraires célébrant les conquêtes du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 9-30
HUITIEME Lètre sur la bibliotèque des enfans, etc.
Début :
Monsieur, La plupart des lecteurs ne cherchant qu'à s'amuser [...]
Mots clefs :
Éducation, Enfants, Bureau typographique, Lecture, Écriture, Orthographe, Grammaire
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texteReconnaissance textuelle : HUITIEME Lètre sur la bibliotèque des enfans, etc.
HUITIEME Lètre sur la bibliotèque
des enfans , etc.
MONSIEUR ,
La plupart des lecteurs ne cherchant
qu'à s'amuser , parcourent un Mercure
sans beaucoup d'atention , au hazard de
ne pas entendre ce qu'ils lisent . Le mal
ne seroit pas grand s'ils s'en tenoìent-là ;
mais ils veulent ensuite parler , raisoner
et mème juger de ce qu'ils avouent
n'avoir
* MERCURE DE FRANCE.
n'avoir pas bien compris : leur défaut,
d'aplication leur fait souvent acuser d'obscurité
et de négligence l'auteur le plus
clair et le plus laborieus ; car la critique
verbale bien ou mal fondée , sera
toujours plus aisée à pratiquer , que la
composition de quelque ouvrage ; il est
dificile de parer le coup. cependant en
faveur des persones bien intentionées qui
n'ont pas le tems de lire tout , et des
persones indulgentes qui voudront bien
me pardoner des repetitions necessaires
sur l'importante matiere de la premiere
éducation des enfans , je vaì récapituler
ici le plus succintement qu'il me sera
possible , ce qui dans les précedentes lètres
a été dit , pour faire voir 1 ° . que
les enfans de deus à trois ans sont capables
des prémières operations litéraìres ; 2 ° .
que les métodes vulgaires ne sont ni sufisantes
, ni proportionées à l'age et à la
foiblesse de la prémière enfance ; 3 ° . que
la métode du bureau tipografique a les
conditions convenables et proportionées
à tout age d'enfant ou d'home mis aus
premiers élémens des lètres .
L'ordre métodique et géométrique n'est
par malheur guere utile que pour le petit
nombre de lecteurs capables de saisir , de
retenir la suite , la liaison et l'enchainement
des idées ; de voir et d'envisager
en
JANVIER. 1731. IF
en mème- tems les principes et les consequences
; mais le comun des lecteurs
à l'exemple des enfans , conte et détache,
pour ainsi- dire , les mots et les idées
sans faire atention aus principes , aus raports
et aus conséquences qu'on en peut
tirer. Les répetitions serviront donc ici
quelquefois à éclaircir les choses , et mème
à rendre souvent plus atentif un lecteur
distrait. que je dise , par exemple ,
à un lecteur vulgaire qu'il y a quatre
triangles dans un quaré divisé par ses deust
diagonales , il m'entendra d'abord ; si je
dis qu'il y en a sis , il comencera à ne
plus voir ; et si j'ajoute qu'il y en a huit ,
il n'en vera peut ètre pas plus clair : mais
si je continue à répeter qu'il y a huit
triangles dans ce quaré , le lecteur obligé
par cète répetition de revenir sur ses pas ,
et d'y penser avec plus de soin , parviendra
enfin sans éfort de génie , à la petite
découverte des huit triangles de ce quaré,
savoir , des quatre grans come des quatre
petits : j'espere que sans beaucoup de sagacité
, on fera à peu près la mème chose
sur le détail des avantages de la métode
du bureau tipografique.
Ceus qui dans l'éducation ne content
presque pour rien la diference de deus
ou trois ans entre des enfans comencés -
plutot ou plus tard , voudront bien me
permètre
12 MERCURE DE FRANCE.
permètre ici une comparaison : je suposo
donc deus enfans comencés l'un de bone
heure par la métode du bureau tipografique
, et l'autre plus tard par la métode
vulgaire , et je dis que , si le premier maitre
a bien semé et bien recueilli la
premiere
anée , il poura semer et recueillir
encore plus la segonde anée , et encore
plus la troisième anée. or , par quel moyen
le segond maitre semant plus tard et recueillant
peut-ètre moins , poura-t'il jamais
ratraper la progression des avantages
réels du bureau tipografique ? Dirat'on
que
la terre négligée , inculte et en
friche , sera ensuite plus fertile ? il faudra
examiner si cète fécondité sera en
bon ou en mauvais grain ; car il y a bien
des chams dont on ne peut jamais extirper
totalement les mauvaises herbes.
Autre comparaison ; un courier , fut- il
des plus robustes , qui part plus tard , qui
prend la plus longue route et qui va plus
lentement , poura- t'il jamais ateindre un
autre courier parti plutot , qui a pris le
chemin le plus court et qui va plus vite ?
il s'agit donc de savoir si la métode du
bureau tipografique a tant d'avantages sur
la métode vulgaire , et c'est ce que je
vai démontrer au lecteur atentif et nulement
prévenu,
1.L'experience m'aïant fait voir depuis
lontems
JANVIER. 1731. 13
,
lontems l'imperfection des métodes vulgaires
qui faute de pouvoir faire
mieus , regardent come perdu le tems .
de la premiere enfance , j'ai cherché
les moyens d'employer utilement les premieres
anées de l'enfant , et j'ai trouvé
qu'on pouvoit sans danger pour le corps,
lui montrer la figure des lètres , et ranger
ces lètres devant lui sur la table du
bureau , mème avant qu'il sut articuler
la moindre silabe , il voudra bientot ,
come les singes , faire la mème chose par
un mouvement organique et machinal ,
sur tout si l'on a la précaution de le presenter
souvent devant le bureau tipografique
, et de lui doner à manger et à
jouer sur cète mème table faite exprès pour
lui , et c'est là un des premiers avantages
du bureau tipografique sur la métode vulgaire
, qui afecte de mépriser cetè diligence
, et se flate de pouvoir ensuite également
enseigner tout , quoique plus tard
et avec plus de tems ou plus de vie.
Dès que l'enfant articulera des sons et
qu'il fera bien l'Eco , on poura lui apren
dre come à un peroquet la veritable
dénomination des lètres , et cète dénomination
metra peu à peu les enfans en état
de lire à trois et à quatre ans , bien mieus
que ne lisent ordinairement les enfans
de sis à sèt ans , par la métode vulg ire.
B LC
14 MERCURE DE FRANCE.
Le premier aïant d'abord été mis dans
l'agréable , la bone et la nouvele route ,
-va toujours gaìment son chemin ; au lieu
que les autres mis dans la triste , l'anciene
et souvent la mauvaise voie , ont
peine à revenir sur leurs pas , et ne sacrifient
pas volontiers leurs amusemens
agréables , quoique frivoles , aus ocupations
literaires qu'ils trouvent pénibles
dans un age plus avancé. Les peres et les
meres sont toujours contens des petits.
enfans qu'ils gâtent , mais ils trouvent
mauvais ensuite qu'un gouverneur ou un
précepteur n'ait pas le talent d'en faire
un prodige : il y a bien du préjugé et de
l'aveuglement sur cet article.
3. Selon la métode du bureau tipografique
un enfant , avant que de savoir lire,
poura imprimer toutes sortes de langues
mortes ou vivantes , il ne faut avoir pour
cela que des ïeus et des mains , car il est
bien plus aisé d'imprimer , par exemple ,
du latin et du françois , qu'il n'est aisé
de les lire. La grande ignorance de la
plupart des compositeurs d'une imprimerie
ne le prouve que trop ; d'ailleurs il
est clair qu'un sourd voyant , pouroit
ètre imprimeur , mème chès M. Ballard
pour la musique.
4. Un enfant de trois à quatre ans
qui conoit par les feus la figure des
lètres,
JANVIER. 1730. IS
>
lètres , et ensuite par l'oreille , le son des
caracteres simples ou combinés , saura
bientot écrire ou imprimer les sons qu'on
lui donera sur des cartes , et ceus qu'on
lui dictera il poura s'ocuper pour lors
avec autant de plaisir que les autres enfans
ont ordinairement de dégout par
les métodes vulgaires . Le premier nouri
dans les lètres , en fait ses amusemens
pendant que les autres , au contraire n'y
trouvent que des crois et des épines . si
les persones zelées et charitables , qui
dirigent les écoles des pauvres , conoissolent
donc le mérite et l'utilité de la métode
tipografique , elles en introduiroìent
bientot l'usage dans les paroisses et dans
les Monasteres , en fesant bâtir ou construire
des amfiteatres où les petits enfans
aprendro ent pour lors presque seuls et
d'eus mèmes , en voyant travailler les
que les grans. J'oserai donc dire
parens
et les maitres bien intentionés , aprouveront
et pratiqueront l'usage du bureau,
dès qu'ils en auront vu les avantages réels,
pratiques , et superieurs à ceus des métodes
vulgaires.
5. Selon cète métode , l'enfant aprendra
facilement et par des principes surs
non captieus ni équivoques , l'ortografe
des sons ou de l'oreille ; ce que la plupart
des maitres ignorent toute leur vie .
Bij L'enj
16 MERCURE DE FRANCE.
L'enfant aprendra par pratique et par téorie
l'ortografe courante et d'usage , anciene
et nouvelle, d'une maniere à bien lire
dans toute sorte de livres , et à se rendre
ensuite capable de faire un bon chois
d'ortografe françoise.
6. L'enfant saura lire dans le manuscrit
en mème- tems que dans les livres ,
et cela par la pratique journalière d'avoir
imprimé des tèmes interlinéaires sur la
table du bureau , non - seulement avec
des caractères romains , mais encore avec
des caracteres italiques et manuscrits.
7. Le petit enfant poura savoir bien
lire le françois , le latin et le grec avant
l'age auquel , selon la métode vulgaire , la
plupart des enfans ne sont pas encore mis
à l'A BC ; avantage inexprimable , qui influe
, non- seulement dans toute la suite
des études , mais dans toute la vie.
8.Les A BC ordinaires , faus ,équivoques
et captieus,induisent les enfans en êreur et
les exposent souvent à des chatimens injustes;
desorte que, sans diminuer en rien le
mérite et la juste réputation des bons
maitres , on peut dire que la métode vulgaire
dans toute l'Europe n'a pas les raports
necessaires entre les lètres et les
sons , ou entre les signes et les sons des
choses signifiées ; au lieu que la métode
du bureau tipografique n'étant fondée que
sur
JANVIER. 1731. 17
sur la verité et sur la justesse de ces mè
mes raports remarqués il y a plus d'un
siecle, par de très - habiles maitres , cète
métode , dis je , atache agréablement au
jeu tipografique le mème enfant qui venoit
de pleurer à la seule vue de la persone
qui lui montroit les lètres selon la
métode des écoles.on ne doit pas craindre,
au reste , que l'enfant ignore dans la suite
la fausse et vulgaire dénomination des
lètres ; il ne l'aprendra que trop tot , en
vironé de persones souvent oficieuses à
contre-tems , quand il s'agit de bien nomer
les lètres.
9. La lecture est d'abord mise à profit
sur la table du bureau : on y aprend à
conoìtre et à sentir les parties du discours
indéclinables , déclinables et conjugables
de la langue françoise et de la langue la
tine , laquelle conoissance dispose les enfans
à employer plutot leur loisir et
d'une maniere plus aisée , plus utile ,
plus sure et plus agréable. Bien des
maitres indépendament de l'usage du
bureau tipografique , ont abandoné la
métode vulgaire des rudimens téoriques,
pour suivre celle du rudiment pratique
dont j'ai doné l'essaì aprouvé des meilleurs
métodistes , filosofes non prévenust
10. Fesant imprimer à l'enfant les deus
langues en glose interlinéaire et mot à
B iij mot
18 MERCURE DE FRANCE.
mot , on dispose et prépare plu - tot son
imagination aus grandes operations literaires
et grammaticales que la métode
vulgaire n'entreprend pas ordinairement
d'enseigner à des enfans de deus à trois.
et à quatre ans.
11. L'enfant aprend par pratique les
terminaisons des noms et des verbes , et
enfin à décliner et à conjuguer ; il aprend
les genres , les déclinaisons , les prêterits
et les supins , les concordances , et partie
de la sintaxe , par les principales règles
donées sur des cartes en glose interlinealre
, et par les exemples pratiques donés
aussi sur des cartes , et expliqués peu à
peu et de vive vois , à mesure qu'il les
imprime sur sa table.
12. On écrit ce qu'on veut dans les
tèmes donés sur des cartes : chaque jour
fournit son sujet , et l'on met à profit
le chois des programes , des afiches , des
placars , des tèses , des avis , des anonces,
des enseignes , et enfin de tous les écritaus
publics ; la table du bureau devient un livre
ouvert à tous les spectateurs ; livre
cheri de l'enfant qui en est le composi
teur , et livre qui n'est jamais nuisible à
sa posture come le sont ordinairement
les petits livres élementaires .
13. Par le moyen du dictionaire du bu--
reau tipografique , l'enfant fera provision
de
JANVIER. 1731 . 19
de plusieurs miliers de mots latins et françois
avant l'age de cinq à sis ans ; avan
tage qui doit nécessairement influer sur
toute la suite des études , et qu'on n'aquiert
que
fort tard par la routine vulgaire.
14. L'enfant aprendra , non -seulement
Portografe de l'oreille et des ïeus par ra
port aus lètres , mais encore l'accentuation
, la ponctuation , les petites abrevia
rions françoises , latines et greques , et
la quantité latine , par la pratique jour
nalière du bureau , où il trouvera les signes
, les voyèles longues et brèves
come caracteres utiles et necessaires pour
Fimpression de la glose interlinéaire ; ce
que la métode vulgaire ne peut faire pratiquer
à l'enfant que lorsqu'il sait écrire,
c'est-à-dire fort tard.
15. L'enfant qui imprimera du latin
avec de beaus caracteres manuscrits , disposera
et préparera son imagination pour
mieus faire imiter ensuite à sa main , les
traits , les figures et les lètres , dont la
parfaite image sera vivement , distinc
tement et profondément gravée dans son
cerveau.
16. Par l'impression des tèmes donés à
l'enfant , il poura aprendre de bone heu
re les élémens de tout ce qu'on pourolt
lui montrer par le moyen de l'écriture ;
B iiij
c'est18
MERCURE DE FRANCE.
mot , on dispose et prépare plu-tot son
imagination aus grandes operations literaires
et grammaticales que la métode
vulgaire n'entreprend pas ordinairement
d'enseigner à des enfans de deus à trois.
et à quatre ans.
11. L'enfant aprend par pratique les
terminaisons des noms et des verbes , et
enfin à décliner et à conjuguer ; il aprend
les genres , les déclinaisons , les prêterits
et les supins , les concordances , et partie
de la sintaxe , par les principales règles
donées sur des cartes en glose interlinéal
re , et par les exemples pratiques donés
aussi sur des cartes , et expliqués peu
peu et de vive vois , à mesure qu'il les
imprime sur sa table.
à
12. On écrit ce qu'on veut dans les
tèmes donés sur des cartes : chaque jour
fournit son sujet , et l'on met à profit
le chois des programes , des afiches , des
placars , des tèses , des avis , des anonces,
des enseignes, et enfin de tous les écritaus
publics ; la table du bureau devient un livre
ouvert à tous les spectateurs ; livre
cheri de l'enfant qui en est le compositeur
, et livre qui n'est jamais nuisible à
sa posture come le sont ordinairement
les petits livres élementaires .
13. Par le moyen du dictionaire du bureau
tipografique , l'enfant fera provision
de
JANVIER. 1731 . 19
de plusieurs miliers de mots latins et françois
avant l'age de cinq à sis ans ; avan➡
tage qui doit nécessairement influer sur
toute la suite des études , et qu'on n'a→
quiert que fort tard par la routine vulgaire.
14. L'enfant aprendra , non-seulement
Portografe de l'oreille et des feus par raport
aus lètres , mais encore l'accentuation
, la ponctuation , les petites abreviations
françoises , latines et greques , et
la quantité latine , par la pratique jour
nalière du bureau , où il trouvera les signes
, les voyèles longues et brèves
come caracteres utiles et necessaires pour
Fimpression de la glose interlinéaire ; ce
que la métode vulgaire ne peut faire pratiquer
à l'enfant que lorsqu'il sait écrire,
c'est-à-dire fort tard.
15. L'enfant qui imprimera du latin
avec de beaus caracteres manuscrits , disposera
et préparera son imagination pour
mieus faire imiter ensuite à sa main , les
traits , les figures et les lètres , dont la
parfaite image sera vivement , distinc
tement et profondément gravée dans son
cerveau.
16. Par l'impression des tèmes donés à
l'enfant , il poura aprendre de bone heu
re les élémens de tout ce qu'on pourolt
lui montrer par le moyen de l'écriture ;
Biiij c'est20
MERCURE DE FRANCE
c'est-à- dire , qu'on poura lui enseigner
tous les principes sensibles , et lui doner
par là les premieres notions des arts et
des siences. Il a été déja démontré que
les enfans de deus à trois ans sont capables
de ces premières notions , par le
moyens des idées et des mèmes opérations
dont il se servent pour aprendre
leur langue ; verité à laquelle les seuls
préjugés empêchent de faire toute l'atention
necessaire. L'experience et l'aveu
des maîtres qui en faveur du corps négligent
, éloignent , diferent et retardent
les premiers soins literaires , au préjudice
de l'esprit prouvent l'insufisance des
métodes vulgaires dans l'éducation diligente
et hâtée des enfans. or la métode
du Bureau tipografique alant toujours ,
pour ainsi dire , de niveau avec l'enfant ,
done les moyens surs et infaillibles de le
suivre pas à pas ,
et de comancer sans
danger , à lui former plutot l'esprit et le
coeur. on peut donc , sans temerité
avancer cète proposition , que les enfans
étant capables d'aprendre , plutot que la
métode vulgaire n'est propre à les enseigner
, on doit aprouver et préferer cele
du Bureau tipogràfique ; ce que je vai tacher
de confirmer encore par le détail
des choses sensibles , que l'on peut montrer
à un petit enfant , avant qu'il soit en
état
JANVIER. 1731 . 21
état d'y ètre conduit par les métodes
ordinaires.
17. Quoique l'erreur , le mensonge ,
l'imposture , la charlatanerie , la chicane
et l'injustice , abusent des mots et dés
expressions de la langue françoise , il
ne s'ensuit pas que dans un ouvrage la
verité , la justice , et la bone foi doivent
s'abstenir de ces mèmes mots et
de ces mèmes expressions ; le zèle pour
le bien public ne perd jamais ses droits ;
c'est pourquoi je demande un peu d'indulgence
, ou de tolerance de la part des
maitres trop prévenus , et qui mal à
propos s'identifiant , pour ainsi dire ,
avec les métodes vulgaires qu'ils pratiquent
, ont le courage de mètre sur leur
conte , ce que je n'ai jamais pretendų
dire que contre les métodes sur l'abus.
desqueles , il y a toujours eu liberté d'écrire
, malgré le respect et le préjugé en
faveur du DESPAUTERE du .......
De tout ce que j'aí , dit jusqu'ici on peut
conclure qu'il sera aisé d'enseigner à l'enfant
le latin , des mèmes mots qu'il aprendra
d'abord en françois , et pour cet éfet
on essayera de suivre peu à peu l'ordre et:
la métode qu'indiquera la langue mater
nele ou d'usage .
etc.
18. On donera à l'enfant , et sur des
cartes , les noms des persones et des ob
By Jets
22 MERCURE DE FRANCE
jets qu'il voit et qu'il conoìt ; cela servira
à le familiariser avec les raports des signes
et des choses signifiées.
19. Les figures de la Bible fournissent
la liste des noms propres des patriarches ,
des juges, des Rois , des pontifes , des grans
homes, etc. ces listes ou suites historiques,
généalogiques , cronologiques et géografiques,
devienent la base de l'histoire universéle
pour un enfant de 3 à 4 ans.
20. La Fable , les Métamorfoses d'ovide
, les Dieus , les Déesses , les demi - Dieus
les Heros du Paganisme fournissent aussi
dequoi varier agréablement l'exercice
tipografique .
21. L'histoire profane fournit également
des époques , des listes , des suites
qui amusent et instruisent l'enfant de 3
à 4 ans. Toutes les cartes étant numé
rotées , pouront ètre lues , et rangées selon
l'ordre cronologique sur la table du
Bureau.
22. On poura doner ainsi les souve-.
rains et les capitales de tous les Etats du
monde , et les capitales des provinces ou
des Gouvernemens de France ; et à l'ocasion
des mots , des choses ou des racines
historiques , on poura amuser et instruire
l'enfant , en essayant peu à peu de lui
doner de tems en tems des idées sensibles
sur le bien et le mal , sur le vice et
la:
JANVIER. 1731 . 23
fa vertu , sur le juste et l'injuste , et sur
Fe vrat et le faus.
23. On peut doner des cartes de bla
son , faire imprimer sur la table du Bureau
les termes héraldiques , et en montrer
tous les objets sensibles quand l'ocasion
s'en presentera.
24. On pratiquera facilement les premières
règles de l'aritmétique et de l'algèbre
sur la table du Bureau , aiant sur
des cartes les chifres et les signes nécessaires
pour ces petites opérations , et
pouvant d'ailleurs employer utilement
des jetons , des marques , et des dés ;
pour rendre les nombres plus sensibles.
25. On peut également doner la conoissance
des premiers élémens de géométrie
sur les lignes , les surfaces et les solides
des corps réguliers , avec lesquels
un enfant se familiarise , et se rend peu
à peu capable de toutes les parties sen
sibles des matématiques , sans en excepter
les sections coniques donées aussi en
relief.
26. La Musique mème trouvera son
avantage sur la table du Bureau. on pou .
ra montrer à l'enfant la game et le dia
pason , sur la tringle ou la règle de bois
mobile qui a servi à l'enfant pour le jeu
de la première classe. on y poura done
mètre les clés , les notes et les signes , que
B.vj L'en
24 MERCURE DE FRANCE
l'enfant aura également sur des cartes ;
qu'il poura ranger vis-à - vis de ces mèmes
signes marqués sur la tringle ou re
gle de bois , il se metra par là en état de
lire et de conoître le clavier d'une épinete
ou d'un clavecin , qui pouront lui
doner ensuite le son et le ton des figures
ou des notes conues, et colées sur les touches
d'un clavier.
,
27. Chaque art peut également ètre
rendu sensible à un petit enfant , si l'on
veut bien prendre la peine de lui démontrer
l'usage des choses , et de lui faire
imprimer le nom des outils , des objets
et des pièces des machines qu'on lui présentera
; c'est ainsi que l'anatomiste , le
botaniste et le machiniste, pouront amuser
et instruire de bone heure leurs petits
enfans ; l'ainé deviendra ensuite le maitre
de ses frères .. Des os , des plantes , des
Machines , des outils , des instrumens
des Balances , des poids , des mesures, des
Jétons , des Dés , des monoies , des médailes
, etc. Tout cela fournit l'abondance.,
la variété , le plaisir du chois, et done par
consequent les moyens de mètre bien à
profit les premieres anées de l'enfance ,.
par toute sorte de métodes , mais non
pas si - tot ni si-bien que par la métode
du Bureau tipografique.
28. On peut faire aprendre l'A , B , C.
Grec
JAVIER. 1731. 25
crec , Ebreu , Arabe , etc. avec l'A , B , C ,
François; faire imprimer du françois avec
les caracteres grecs , et avec les lètres
ébraïques , de droit à gauche , et montrer
ensuite la casse des imprimeurs, avec des
caracteres renversés , lus à rebours ; avantage
considérable pour les enfans des im
primeurs et des graveurs,ausquels on pou
ra doner un casseau , dont les cartes seront
distribuées come les lètres d'un casseau
d'imprimerie , et pour lors en peu de
mois on poura leur enseigner à imprimer
sur le Bureau les racines latines , gre--
ques , ébraïques , caldaïques , et arabes ;
de mème qu'aus enfans destinés à l'église
ou à l'étude des langues saintes et
orientales.
29. On poura faire imprimer en fran
çois , des rimes ou des vers de peu de
silabes , pour sonder , essayer et former
l'oreille de l'enfant dans la lecture soutenue
et dans la déclamation . on poura
jouer au jeu des rimes après avoir fait
déviner les sons et les lètres des mots ..
on peut doner de petites anagrames , et
mème des vers latins , examètres et pen-.
tamètres , pour faire aprendre à conoìtre
, à sentir et à ranger les piés de cète
structure de vers , dont on trouvera tous
les mots sur autant de cartes diférentes
dans la derniere logète du se rang sous.
cele de la
syntaxe
-
26 MERCURE DE FRANCE.
Exemple :
Tot tibi sunt dotes , Virgo , quot sïdërå.
coelo.
omnia sunt hominum , tenůī pēndentia filo
Et subito casu , que valuere ruunt.
30. On metra donc d'abord un en--
fant en état . d'imprimer des mots ,
des lignes , des frases en glose interli
naire , en latin et en françois ; 2° . d'imprimer
et de faire lui - mème la construc
tion du texte de rhèdre chifré ou numeroté.
3 ° . de faire de petites versions.
4. d'imprimer aussi de petites compositions
; et ces quatre exercices fourni
ront au maitre Focasion de doner à l'enfant
plus d'idées et de conoissances literaires
et grammaticales , qu'aucun rudiment
vulgaire n'en poura jamais doner sitôt
et en si peu de tems .
31. Les enfans du Bureau tipografique
seront plutot en état d'exercer leur mé
moire et d'aprendre quelque chose par
coeur , non seulement par Foreille , étant
siflés come des oiseaus , mais encore par
les ïeus , dès qu'ils sauront lire seuls.
32. Un enfant sera plutot en état de
travailler seul avec un domestique ou
avec d'autres persones , pendant que le
maître sera absent , ou ocupé à quelque
autre chose et l'enfant , plutot que de
A
Bester
JANVIER. 1731. 27
et à
rester oisif, vera toujours avec plaisir un
domestique employé à imprimer les cartes
de la garniture du bureau , ou à tailler
rogner des cartes sur un modele de
fer -blanc proportioné aus logetes des petits
bureaus portatifs de 4 piés de long
dont les cartes apelées Etrenes mignones
auront is lignes de largeur , et 2 pouces.
de hauteur , ainsi qu'on l'a déja pratiqué.
33. Non seulement les enfans qui parlent
, mais encore les sours et les muets
pouront aprendre presque tout , excepté
les sons , par les combinaisons pratiques
des signes sensibles , extérieurs , soumis à
la vue, et en passant , pour ainsi dire , des
ïeus du corps à ceus de l'esprit..
34. Les abécédaires de tout age seront
moins honteus sur la table d'un bureau ,.
que sur la crois de pardieu , leur intelligence
et leur empressement les feront lire.
passablement dans un mois ou deus..
35. L'enfant du Bureau conservera_sa
main en aprenant à écrire , et poura sans
préjudicier à l'étude des langues , n'écrire
jamais au comencement que sous
les ieus et sous la main d'un bon maître.
Je parleraí ailleurs d'une métode tres - utile
pour aprendre à écrire en assés peu de
tems.
36. L'enfant conoìtra plu-tot l'usage
des livres , des dictionaires , et des tables
des :
28 MERCURE DE FRANCE.
des matières , qu'on lui aprendra à parcourir
et à feuilleter tout seul ; il aquêra
aussi plu-tôt le gout de la lecture , de
l'étude , du travail , des livres , et des savans
; et il sera enfin plutot et beaucoup
plus sensible à la gloire et à l'émulation
literaire , que ne le sont ordinai
rement les enfans conduits et dirigés par
la métode vulgaire et tardive.
qua-
37. L'enfant aura plu - tôt l'adresse des
doits et des mains ; adresse qui manque
souvent à la plupart des enfans de
lité , peu exercés à l'action de la maîn ;
l'enfant aura plutot le gout , le coup
d'euil , l'esprit d'ordre et l'esprit rangé
si rares parmi les homes , et plus rares encore
parmi les jeunes gens.
38. L'enfant du Bureau est mis en état
d'aler plutot et plus fort au colege, et parconsequent
d'entrer plutot à l'académic
pour y faire tous ses exercices , avantage
considerable pour la jeunesse destinée et
apelée au noble et glorieus métier des
armes.
39. Beaucoup de savans par principe
de santé , travaillent debout , à l'exemple
des imprimeurs et de plusieurs autres nobles
artisans ; or l'action , l'exercice et le
mouvement du jeu tipografique , entre
tenant aussi le corps en santé , done en
mème- tems à l'esprit la meilleure culture
possi
JANVIER. 1730. 2
possible de l'aveu des medecins et de
'ESCULAPE de notre siècle . on ne prétend
pas dire par là que l'exercice du Bureau
rende immortel ou invulnerable ; cette
remarque est pour les bones gens qui ne
jugent des choses que par l'évenement, et
qui regardent souvent come un éfet necessaire
, ce qui n'est qu'un pur accident
40. La métode du Bureau tipografique
donera lieu aus bons maitres d'ètre encore
plus atachés et plus atentifs à leur de
voir , et plus utiles à leurs éleves ; ils auront
plus souvent ocasion de precher
d'exemple ; article essentiel dont se dispensent
volontiers bien des maîtres négligens
et indiferens sur l'éducation d'un
enfant , ou trop ocupés du seul esprit
mercenaire, ces derniers ne manqueront
pas de faire leurs éforts contre la métode
du Bureau , qui les remet,pour ainsi dire,
à l'A , B, C , et qui demande de leur part,
au moins au comancement , plus d'assiduité
et de soins que n'en paroit exiger
la routine vulgaire.
41. Persuadé de la verité , de l'utilité et
de la diligence de cete métode , j'ose assurer
et prédire que toutes choses dail
leurs égales , les viles qui les premieres
feront usage du Bureau tipografique , seront
dans la suite , à proportion des écoles
et des écoliers , les premieres à produi
re
30 MERCURE DE FRANCE.
>
re le plus grand nombre d'enfans et
d'homes celebres dans les arts et dans les
siences.
Si on ne goute point la métode du Bureau
tipografique , je m'en étone , et si on la
goute , je m'en étone de même.
des enfans , etc.
MONSIEUR ,
La plupart des lecteurs ne cherchant
qu'à s'amuser , parcourent un Mercure
sans beaucoup d'atention , au hazard de
ne pas entendre ce qu'ils lisent . Le mal
ne seroit pas grand s'ils s'en tenoìent-là ;
mais ils veulent ensuite parler , raisoner
et mème juger de ce qu'ils avouent
n'avoir
* MERCURE DE FRANCE.
n'avoir pas bien compris : leur défaut,
d'aplication leur fait souvent acuser d'obscurité
et de négligence l'auteur le plus
clair et le plus laborieus ; car la critique
verbale bien ou mal fondée , sera
toujours plus aisée à pratiquer , que la
composition de quelque ouvrage ; il est
dificile de parer le coup. cependant en
faveur des persones bien intentionées qui
n'ont pas le tems de lire tout , et des
persones indulgentes qui voudront bien
me pardoner des repetitions necessaires
sur l'importante matiere de la premiere
éducation des enfans , je vaì récapituler
ici le plus succintement qu'il me sera
possible , ce qui dans les précedentes lètres
a été dit , pour faire voir 1 ° . que
les enfans de deus à trois ans sont capables
des prémières operations litéraìres ; 2 ° .
que les métodes vulgaires ne sont ni sufisantes
, ni proportionées à l'age et à la
foiblesse de la prémière enfance ; 3 ° . que
la métode du bureau tipografique a les
conditions convenables et proportionées
à tout age d'enfant ou d'home mis aus
premiers élémens des lètres .
L'ordre métodique et géométrique n'est
par malheur guere utile que pour le petit
nombre de lecteurs capables de saisir , de
retenir la suite , la liaison et l'enchainement
des idées ; de voir et d'envisager
en
JANVIER. 1731. IF
en mème- tems les principes et les consequences
; mais le comun des lecteurs
à l'exemple des enfans , conte et détache,
pour ainsi- dire , les mots et les idées
sans faire atention aus principes , aus raports
et aus conséquences qu'on en peut
tirer. Les répetitions serviront donc ici
quelquefois à éclaircir les choses , et mème
à rendre souvent plus atentif un lecteur
distrait. que je dise , par exemple ,
à un lecteur vulgaire qu'il y a quatre
triangles dans un quaré divisé par ses deust
diagonales , il m'entendra d'abord ; si je
dis qu'il y en a sis , il comencera à ne
plus voir ; et si j'ajoute qu'il y en a huit ,
il n'en vera peut ètre pas plus clair : mais
si je continue à répeter qu'il y a huit
triangles dans ce quaré , le lecteur obligé
par cète répetition de revenir sur ses pas ,
et d'y penser avec plus de soin , parviendra
enfin sans éfort de génie , à la petite
découverte des huit triangles de ce quaré,
savoir , des quatre grans come des quatre
petits : j'espere que sans beaucoup de sagacité
, on fera à peu près la mème chose
sur le détail des avantages de la métode
du bureau tipografique.
Ceus qui dans l'éducation ne content
presque pour rien la diference de deus
ou trois ans entre des enfans comencés -
plutot ou plus tard , voudront bien me
permètre
12 MERCURE DE FRANCE.
permètre ici une comparaison : je suposo
donc deus enfans comencés l'un de bone
heure par la métode du bureau tipografique
, et l'autre plus tard par la métode
vulgaire , et je dis que , si le premier maitre
a bien semé et bien recueilli la
premiere
anée , il poura semer et recueillir
encore plus la segonde anée , et encore
plus la troisième anée. or , par quel moyen
le segond maitre semant plus tard et recueillant
peut-ètre moins , poura-t'il jamais
ratraper la progression des avantages
réels du bureau tipografique ? Dirat'on
que
la terre négligée , inculte et en
friche , sera ensuite plus fertile ? il faudra
examiner si cète fécondité sera en
bon ou en mauvais grain ; car il y a bien
des chams dont on ne peut jamais extirper
totalement les mauvaises herbes.
Autre comparaison ; un courier , fut- il
des plus robustes , qui part plus tard , qui
prend la plus longue route et qui va plus
lentement , poura- t'il jamais ateindre un
autre courier parti plutot , qui a pris le
chemin le plus court et qui va plus vite ?
il s'agit donc de savoir si la métode du
bureau tipografique a tant d'avantages sur
la métode vulgaire , et c'est ce que je
vai démontrer au lecteur atentif et nulement
prévenu,
1.L'experience m'aïant fait voir depuis
lontems
JANVIER. 1731. 13
,
lontems l'imperfection des métodes vulgaires
qui faute de pouvoir faire
mieus , regardent come perdu le tems .
de la premiere enfance , j'ai cherché
les moyens d'employer utilement les premieres
anées de l'enfant , et j'ai trouvé
qu'on pouvoit sans danger pour le corps,
lui montrer la figure des lètres , et ranger
ces lètres devant lui sur la table du
bureau , mème avant qu'il sut articuler
la moindre silabe , il voudra bientot ,
come les singes , faire la mème chose par
un mouvement organique et machinal ,
sur tout si l'on a la précaution de le presenter
souvent devant le bureau tipografique
, et de lui doner à manger et à
jouer sur cète mème table faite exprès pour
lui , et c'est là un des premiers avantages
du bureau tipografique sur la métode vulgaire
, qui afecte de mépriser cetè diligence
, et se flate de pouvoir ensuite également
enseigner tout , quoique plus tard
et avec plus de tems ou plus de vie.
Dès que l'enfant articulera des sons et
qu'il fera bien l'Eco , on poura lui apren
dre come à un peroquet la veritable
dénomination des lètres , et cète dénomination
metra peu à peu les enfans en état
de lire à trois et à quatre ans , bien mieus
que ne lisent ordinairement les enfans
de sis à sèt ans , par la métode vulg ire.
B LC
14 MERCURE DE FRANCE.
Le premier aïant d'abord été mis dans
l'agréable , la bone et la nouvele route ,
-va toujours gaìment son chemin ; au lieu
que les autres mis dans la triste , l'anciene
et souvent la mauvaise voie , ont
peine à revenir sur leurs pas , et ne sacrifient
pas volontiers leurs amusemens
agréables , quoique frivoles , aus ocupations
literaires qu'ils trouvent pénibles
dans un age plus avancé. Les peres et les
meres sont toujours contens des petits.
enfans qu'ils gâtent , mais ils trouvent
mauvais ensuite qu'un gouverneur ou un
précepteur n'ait pas le talent d'en faire
un prodige : il y a bien du préjugé et de
l'aveuglement sur cet article.
3. Selon la métode du bureau tipografique
un enfant , avant que de savoir lire,
poura imprimer toutes sortes de langues
mortes ou vivantes , il ne faut avoir pour
cela que des ïeus et des mains , car il est
bien plus aisé d'imprimer , par exemple ,
du latin et du françois , qu'il n'est aisé
de les lire. La grande ignorance de la
plupart des compositeurs d'une imprimerie
ne le prouve que trop ; d'ailleurs il
est clair qu'un sourd voyant , pouroit
ètre imprimeur , mème chès M. Ballard
pour la musique.
4. Un enfant de trois à quatre ans
qui conoit par les feus la figure des
lètres,
JANVIER. 1730. IS
>
lètres , et ensuite par l'oreille , le son des
caracteres simples ou combinés , saura
bientot écrire ou imprimer les sons qu'on
lui donera sur des cartes , et ceus qu'on
lui dictera il poura s'ocuper pour lors
avec autant de plaisir que les autres enfans
ont ordinairement de dégout par
les métodes vulgaires . Le premier nouri
dans les lètres , en fait ses amusemens
pendant que les autres , au contraire n'y
trouvent que des crois et des épines . si
les persones zelées et charitables , qui
dirigent les écoles des pauvres , conoissolent
donc le mérite et l'utilité de la métode
tipografique , elles en introduiroìent
bientot l'usage dans les paroisses et dans
les Monasteres , en fesant bâtir ou construire
des amfiteatres où les petits enfans
aprendro ent pour lors presque seuls et
d'eus mèmes , en voyant travailler les
que les grans. J'oserai donc dire
parens
et les maitres bien intentionés , aprouveront
et pratiqueront l'usage du bureau,
dès qu'ils en auront vu les avantages réels,
pratiques , et superieurs à ceus des métodes
vulgaires.
5. Selon cète métode , l'enfant aprendra
facilement et par des principes surs
non captieus ni équivoques , l'ortografe
des sons ou de l'oreille ; ce que la plupart
des maitres ignorent toute leur vie .
Bij L'enj
16 MERCURE DE FRANCE.
L'enfant aprendra par pratique et par téorie
l'ortografe courante et d'usage , anciene
et nouvelle, d'une maniere à bien lire
dans toute sorte de livres , et à se rendre
ensuite capable de faire un bon chois
d'ortografe françoise.
6. L'enfant saura lire dans le manuscrit
en mème- tems que dans les livres ,
et cela par la pratique journalière d'avoir
imprimé des tèmes interlinéaires sur la
table du bureau , non - seulement avec
des caractères romains , mais encore avec
des caracteres italiques et manuscrits.
7. Le petit enfant poura savoir bien
lire le françois , le latin et le grec avant
l'age auquel , selon la métode vulgaire , la
plupart des enfans ne sont pas encore mis
à l'A BC ; avantage inexprimable , qui influe
, non- seulement dans toute la suite
des études , mais dans toute la vie.
8.Les A BC ordinaires , faus ,équivoques
et captieus,induisent les enfans en êreur et
les exposent souvent à des chatimens injustes;
desorte que, sans diminuer en rien le
mérite et la juste réputation des bons
maitres , on peut dire que la métode vulgaire
dans toute l'Europe n'a pas les raports
necessaires entre les lètres et les
sons , ou entre les signes et les sons des
choses signifiées ; au lieu que la métode
du bureau tipografique n'étant fondée que
sur
JANVIER. 1731. 17
sur la verité et sur la justesse de ces mè
mes raports remarqués il y a plus d'un
siecle, par de très - habiles maitres , cète
métode , dis je , atache agréablement au
jeu tipografique le mème enfant qui venoit
de pleurer à la seule vue de la persone
qui lui montroit les lètres selon la
métode des écoles.on ne doit pas craindre,
au reste , que l'enfant ignore dans la suite
la fausse et vulgaire dénomination des
lètres ; il ne l'aprendra que trop tot , en
vironé de persones souvent oficieuses à
contre-tems , quand il s'agit de bien nomer
les lètres.
9. La lecture est d'abord mise à profit
sur la table du bureau : on y aprend à
conoìtre et à sentir les parties du discours
indéclinables , déclinables et conjugables
de la langue françoise et de la langue la
tine , laquelle conoissance dispose les enfans
à employer plutot leur loisir et
d'une maniere plus aisée , plus utile ,
plus sure et plus agréable. Bien des
maitres indépendament de l'usage du
bureau tipografique , ont abandoné la
métode vulgaire des rudimens téoriques,
pour suivre celle du rudiment pratique
dont j'ai doné l'essaì aprouvé des meilleurs
métodistes , filosofes non prévenust
10. Fesant imprimer à l'enfant les deus
langues en glose interlinéaire et mot à
B iij mot
18 MERCURE DE FRANCE.
mot , on dispose et prépare plu - tot son
imagination aus grandes operations literaires
et grammaticales que la métode
vulgaire n'entreprend pas ordinairement
d'enseigner à des enfans de deus à trois.
et à quatre ans.
11. L'enfant aprend par pratique les
terminaisons des noms et des verbes , et
enfin à décliner et à conjuguer ; il aprend
les genres , les déclinaisons , les prêterits
et les supins , les concordances , et partie
de la sintaxe , par les principales règles
donées sur des cartes en glose interlinealre
, et par les exemples pratiques donés
aussi sur des cartes , et expliqués peu à
peu et de vive vois , à mesure qu'il les
imprime sur sa table.
12. On écrit ce qu'on veut dans les
tèmes donés sur des cartes : chaque jour
fournit son sujet , et l'on met à profit
le chois des programes , des afiches , des
placars , des tèses , des avis , des anonces,
des enseignes , et enfin de tous les écritaus
publics ; la table du bureau devient un livre
ouvert à tous les spectateurs ; livre
cheri de l'enfant qui en est le composi
teur , et livre qui n'est jamais nuisible à
sa posture come le sont ordinairement
les petits livres élementaires .
13. Par le moyen du dictionaire du bu--
reau tipografique , l'enfant fera provision
de
JANVIER. 1731 . 19
de plusieurs miliers de mots latins et françois
avant l'age de cinq à sis ans ; avan
tage qui doit nécessairement influer sur
toute la suite des études , et qu'on n'aquiert
que
fort tard par la routine vulgaire.
14. L'enfant aprendra , non -seulement
Portografe de l'oreille et des ïeus par ra
port aus lètres , mais encore l'accentuation
, la ponctuation , les petites abrevia
rions françoises , latines et greques , et
la quantité latine , par la pratique jour
nalière du bureau , où il trouvera les signes
, les voyèles longues et brèves
come caracteres utiles et necessaires pour
Fimpression de la glose interlinéaire ; ce
que la métode vulgaire ne peut faire pratiquer
à l'enfant que lorsqu'il sait écrire,
c'est-à-dire fort tard.
15. L'enfant qui imprimera du latin
avec de beaus caracteres manuscrits , disposera
et préparera son imagination pour
mieus faire imiter ensuite à sa main , les
traits , les figures et les lètres , dont la
parfaite image sera vivement , distinc
tement et profondément gravée dans son
cerveau.
16. Par l'impression des tèmes donés à
l'enfant , il poura aprendre de bone heu
re les élémens de tout ce qu'on pourolt
lui montrer par le moyen de l'écriture ;
B iiij
c'est18
MERCURE DE FRANCE.
mot , on dispose et prépare plu-tot son
imagination aus grandes operations literaires
et grammaticales que la métode
vulgaire n'entreprend pas ordinairement
d'enseigner à des enfans de deus à trois.
et à quatre ans.
11. L'enfant aprend par pratique les
terminaisons des noms et des verbes , et
enfin à décliner et à conjuguer ; il aprend
les genres , les déclinaisons , les prêterits
et les supins , les concordances , et partie
de la sintaxe , par les principales règles
donées sur des cartes en glose interlinéal
re , et par les exemples pratiques donés
aussi sur des cartes , et expliqués peu
peu et de vive vois , à mesure qu'il les
imprime sur sa table.
à
12. On écrit ce qu'on veut dans les
tèmes donés sur des cartes : chaque jour
fournit son sujet , et l'on met à profit
le chois des programes , des afiches , des
placars , des tèses , des avis , des anonces,
des enseignes, et enfin de tous les écritaus
publics ; la table du bureau devient un livre
ouvert à tous les spectateurs ; livre
cheri de l'enfant qui en est le compositeur
, et livre qui n'est jamais nuisible à
sa posture come le sont ordinairement
les petits livres élementaires .
13. Par le moyen du dictionaire du bureau
tipografique , l'enfant fera provision
de
JANVIER. 1731 . 19
de plusieurs miliers de mots latins et françois
avant l'age de cinq à sis ans ; avan➡
tage qui doit nécessairement influer sur
toute la suite des études , et qu'on n'a→
quiert que fort tard par la routine vulgaire.
14. L'enfant aprendra , non-seulement
Portografe de l'oreille et des feus par raport
aus lètres , mais encore l'accentuation
, la ponctuation , les petites abreviations
françoises , latines et greques , et
la quantité latine , par la pratique jour
nalière du bureau , où il trouvera les signes
, les voyèles longues et brèves
come caracteres utiles et necessaires pour
Fimpression de la glose interlinéaire ; ce
que la métode vulgaire ne peut faire pratiquer
à l'enfant que lorsqu'il sait écrire,
c'est-à-dire fort tard.
15. L'enfant qui imprimera du latin
avec de beaus caracteres manuscrits , disposera
et préparera son imagination pour
mieus faire imiter ensuite à sa main , les
traits , les figures et les lètres , dont la
parfaite image sera vivement , distinc
tement et profondément gravée dans son
cerveau.
16. Par l'impression des tèmes donés à
l'enfant , il poura aprendre de bone heu
re les élémens de tout ce qu'on pourolt
lui montrer par le moyen de l'écriture ;
Biiij c'est20
MERCURE DE FRANCE
c'est-à- dire , qu'on poura lui enseigner
tous les principes sensibles , et lui doner
par là les premieres notions des arts et
des siences. Il a été déja démontré que
les enfans de deus à trois ans sont capables
de ces premières notions , par le
moyens des idées et des mèmes opérations
dont il se servent pour aprendre
leur langue ; verité à laquelle les seuls
préjugés empêchent de faire toute l'atention
necessaire. L'experience et l'aveu
des maîtres qui en faveur du corps négligent
, éloignent , diferent et retardent
les premiers soins literaires , au préjudice
de l'esprit prouvent l'insufisance des
métodes vulgaires dans l'éducation diligente
et hâtée des enfans. or la métode
du Bureau tipografique alant toujours ,
pour ainsi dire , de niveau avec l'enfant ,
done les moyens surs et infaillibles de le
suivre pas à pas ,
et de comancer sans
danger , à lui former plutot l'esprit et le
coeur. on peut donc , sans temerité
avancer cète proposition , que les enfans
étant capables d'aprendre , plutot que la
métode vulgaire n'est propre à les enseigner
, on doit aprouver et préferer cele
du Bureau tipogràfique ; ce que je vai tacher
de confirmer encore par le détail
des choses sensibles , que l'on peut montrer
à un petit enfant , avant qu'il soit en
état
JANVIER. 1731 . 21
état d'y ètre conduit par les métodes
ordinaires.
17. Quoique l'erreur , le mensonge ,
l'imposture , la charlatanerie , la chicane
et l'injustice , abusent des mots et dés
expressions de la langue françoise , il
ne s'ensuit pas que dans un ouvrage la
verité , la justice , et la bone foi doivent
s'abstenir de ces mèmes mots et
de ces mèmes expressions ; le zèle pour
le bien public ne perd jamais ses droits ;
c'est pourquoi je demande un peu d'indulgence
, ou de tolerance de la part des
maitres trop prévenus , et qui mal à
propos s'identifiant , pour ainsi dire ,
avec les métodes vulgaires qu'ils pratiquent
, ont le courage de mètre sur leur
conte , ce que je n'ai jamais pretendų
dire que contre les métodes sur l'abus.
desqueles , il y a toujours eu liberté d'écrire
, malgré le respect et le préjugé en
faveur du DESPAUTERE du .......
De tout ce que j'aí , dit jusqu'ici on peut
conclure qu'il sera aisé d'enseigner à l'enfant
le latin , des mèmes mots qu'il aprendra
d'abord en françois , et pour cet éfet
on essayera de suivre peu à peu l'ordre et:
la métode qu'indiquera la langue mater
nele ou d'usage .
etc.
18. On donera à l'enfant , et sur des
cartes , les noms des persones et des ob
By Jets
22 MERCURE DE FRANCE
jets qu'il voit et qu'il conoìt ; cela servira
à le familiariser avec les raports des signes
et des choses signifiées.
19. Les figures de la Bible fournissent
la liste des noms propres des patriarches ,
des juges, des Rois , des pontifes , des grans
homes, etc. ces listes ou suites historiques,
généalogiques , cronologiques et géografiques,
devienent la base de l'histoire universéle
pour un enfant de 3 à 4 ans.
20. La Fable , les Métamorfoses d'ovide
, les Dieus , les Déesses , les demi - Dieus
les Heros du Paganisme fournissent aussi
dequoi varier agréablement l'exercice
tipografique .
21. L'histoire profane fournit également
des époques , des listes , des suites
qui amusent et instruisent l'enfant de 3
à 4 ans. Toutes les cartes étant numé
rotées , pouront ètre lues , et rangées selon
l'ordre cronologique sur la table du
Bureau.
22. On poura doner ainsi les souve-.
rains et les capitales de tous les Etats du
monde , et les capitales des provinces ou
des Gouvernemens de France ; et à l'ocasion
des mots , des choses ou des racines
historiques , on poura amuser et instruire
l'enfant , en essayant peu à peu de lui
doner de tems en tems des idées sensibles
sur le bien et le mal , sur le vice et
la:
JANVIER. 1731 . 23
fa vertu , sur le juste et l'injuste , et sur
Fe vrat et le faus.
23. On peut doner des cartes de bla
son , faire imprimer sur la table du Bureau
les termes héraldiques , et en montrer
tous les objets sensibles quand l'ocasion
s'en presentera.
24. On pratiquera facilement les premières
règles de l'aritmétique et de l'algèbre
sur la table du Bureau , aiant sur
des cartes les chifres et les signes nécessaires
pour ces petites opérations , et
pouvant d'ailleurs employer utilement
des jetons , des marques , et des dés ;
pour rendre les nombres plus sensibles.
25. On peut également doner la conoissance
des premiers élémens de géométrie
sur les lignes , les surfaces et les solides
des corps réguliers , avec lesquels
un enfant se familiarise , et se rend peu
à peu capable de toutes les parties sen
sibles des matématiques , sans en excepter
les sections coniques donées aussi en
relief.
26. La Musique mème trouvera son
avantage sur la table du Bureau. on pou .
ra montrer à l'enfant la game et le dia
pason , sur la tringle ou la règle de bois
mobile qui a servi à l'enfant pour le jeu
de la première classe. on y poura done
mètre les clés , les notes et les signes , que
B.vj L'en
24 MERCURE DE FRANCE
l'enfant aura également sur des cartes ;
qu'il poura ranger vis-à - vis de ces mèmes
signes marqués sur la tringle ou re
gle de bois , il se metra par là en état de
lire et de conoître le clavier d'une épinete
ou d'un clavecin , qui pouront lui
doner ensuite le son et le ton des figures
ou des notes conues, et colées sur les touches
d'un clavier.
,
27. Chaque art peut également ètre
rendu sensible à un petit enfant , si l'on
veut bien prendre la peine de lui démontrer
l'usage des choses , et de lui faire
imprimer le nom des outils , des objets
et des pièces des machines qu'on lui présentera
; c'est ainsi que l'anatomiste , le
botaniste et le machiniste, pouront amuser
et instruire de bone heure leurs petits
enfans ; l'ainé deviendra ensuite le maitre
de ses frères .. Des os , des plantes , des
Machines , des outils , des instrumens
des Balances , des poids , des mesures, des
Jétons , des Dés , des monoies , des médailes
, etc. Tout cela fournit l'abondance.,
la variété , le plaisir du chois, et done par
consequent les moyens de mètre bien à
profit les premieres anées de l'enfance ,.
par toute sorte de métodes , mais non
pas si - tot ni si-bien que par la métode
du Bureau tipografique.
28. On peut faire aprendre l'A , B , C.
Grec
JAVIER. 1731. 25
crec , Ebreu , Arabe , etc. avec l'A , B , C ,
François; faire imprimer du françois avec
les caracteres grecs , et avec les lètres
ébraïques , de droit à gauche , et montrer
ensuite la casse des imprimeurs, avec des
caracteres renversés , lus à rebours ; avantage
considérable pour les enfans des im
primeurs et des graveurs,ausquels on pou
ra doner un casseau , dont les cartes seront
distribuées come les lètres d'un casseau
d'imprimerie , et pour lors en peu de
mois on poura leur enseigner à imprimer
sur le Bureau les racines latines , gre--
ques , ébraïques , caldaïques , et arabes ;
de mème qu'aus enfans destinés à l'église
ou à l'étude des langues saintes et
orientales.
29. On poura faire imprimer en fran
çois , des rimes ou des vers de peu de
silabes , pour sonder , essayer et former
l'oreille de l'enfant dans la lecture soutenue
et dans la déclamation . on poura
jouer au jeu des rimes après avoir fait
déviner les sons et les lètres des mots ..
on peut doner de petites anagrames , et
mème des vers latins , examètres et pen-.
tamètres , pour faire aprendre à conoìtre
, à sentir et à ranger les piés de cète
structure de vers , dont on trouvera tous
les mots sur autant de cartes diférentes
dans la derniere logète du se rang sous.
cele de la
syntaxe
-
26 MERCURE DE FRANCE.
Exemple :
Tot tibi sunt dotes , Virgo , quot sïdërå.
coelo.
omnia sunt hominum , tenůī pēndentia filo
Et subito casu , que valuere ruunt.
30. On metra donc d'abord un en--
fant en état . d'imprimer des mots ,
des lignes , des frases en glose interli
naire , en latin et en françois ; 2° . d'imprimer
et de faire lui - mème la construc
tion du texte de rhèdre chifré ou numeroté.
3 ° . de faire de petites versions.
4. d'imprimer aussi de petites compositions
; et ces quatre exercices fourni
ront au maitre Focasion de doner à l'enfant
plus d'idées et de conoissances literaires
et grammaticales , qu'aucun rudiment
vulgaire n'en poura jamais doner sitôt
et en si peu de tems .
31. Les enfans du Bureau tipografique
seront plutot en état d'exercer leur mé
moire et d'aprendre quelque chose par
coeur , non seulement par Foreille , étant
siflés come des oiseaus , mais encore par
les ïeus , dès qu'ils sauront lire seuls.
32. Un enfant sera plutot en état de
travailler seul avec un domestique ou
avec d'autres persones , pendant que le
maître sera absent , ou ocupé à quelque
autre chose et l'enfant , plutot que de
A
Bester
JANVIER. 1731. 27
et à
rester oisif, vera toujours avec plaisir un
domestique employé à imprimer les cartes
de la garniture du bureau , ou à tailler
rogner des cartes sur un modele de
fer -blanc proportioné aus logetes des petits
bureaus portatifs de 4 piés de long
dont les cartes apelées Etrenes mignones
auront is lignes de largeur , et 2 pouces.
de hauteur , ainsi qu'on l'a déja pratiqué.
33. Non seulement les enfans qui parlent
, mais encore les sours et les muets
pouront aprendre presque tout , excepté
les sons , par les combinaisons pratiques
des signes sensibles , extérieurs , soumis à
la vue, et en passant , pour ainsi dire , des
ïeus du corps à ceus de l'esprit..
34. Les abécédaires de tout age seront
moins honteus sur la table d'un bureau ,.
que sur la crois de pardieu , leur intelligence
et leur empressement les feront lire.
passablement dans un mois ou deus..
35. L'enfant du Bureau conservera_sa
main en aprenant à écrire , et poura sans
préjudicier à l'étude des langues , n'écrire
jamais au comencement que sous
les ieus et sous la main d'un bon maître.
Je parleraí ailleurs d'une métode tres - utile
pour aprendre à écrire en assés peu de
tems.
36. L'enfant conoìtra plu-tot l'usage
des livres , des dictionaires , et des tables
des :
28 MERCURE DE FRANCE.
des matières , qu'on lui aprendra à parcourir
et à feuilleter tout seul ; il aquêra
aussi plu-tôt le gout de la lecture , de
l'étude , du travail , des livres , et des savans
; et il sera enfin plutot et beaucoup
plus sensible à la gloire et à l'émulation
literaire , que ne le sont ordinai
rement les enfans conduits et dirigés par
la métode vulgaire et tardive.
qua-
37. L'enfant aura plu - tôt l'adresse des
doits et des mains ; adresse qui manque
souvent à la plupart des enfans de
lité , peu exercés à l'action de la maîn ;
l'enfant aura plutot le gout , le coup
d'euil , l'esprit d'ordre et l'esprit rangé
si rares parmi les homes , et plus rares encore
parmi les jeunes gens.
38. L'enfant du Bureau est mis en état
d'aler plutot et plus fort au colege, et parconsequent
d'entrer plutot à l'académic
pour y faire tous ses exercices , avantage
considerable pour la jeunesse destinée et
apelée au noble et glorieus métier des
armes.
39. Beaucoup de savans par principe
de santé , travaillent debout , à l'exemple
des imprimeurs et de plusieurs autres nobles
artisans ; or l'action , l'exercice et le
mouvement du jeu tipografique , entre
tenant aussi le corps en santé , done en
mème- tems à l'esprit la meilleure culture
possi
JANVIER. 1730. 2
possible de l'aveu des medecins et de
'ESCULAPE de notre siècle . on ne prétend
pas dire par là que l'exercice du Bureau
rende immortel ou invulnerable ; cette
remarque est pour les bones gens qui ne
jugent des choses que par l'évenement, et
qui regardent souvent come un éfet necessaire
, ce qui n'est qu'un pur accident
40. La métode du Bureau tipografique
donera lieu aus bons maitres d'ètre encore
plus atachés et plus atentifs à leur de
voir , et plus utiles à leurs éleves ; ils auront
plus souvent ocasion de precher
d'exemple ; article essentiel dont se dispensent
volontiers bien des maîtres négligens
et indiferens sur l'éducation d'un
enfant , ou trop ocupés du seul esprit
mercenaire, ces derniers ne manqueront
pas de faire leurs éforts contre la métode
du Bureau , qui les remet,pour ainsi dire,
à l'A , B, C , et qui demande de leur part,
au moins au comancement , plus d'assiduité
et de soins que n'en paroit exiger
la routine vulgaire.
41. Persuadé de la verité , de l'utilité et
de la diligence de cete métode , j'ose assurer
et prédire que toutes choses dail
leurs égales , les viles qui les premieres
feront usage du Bureau tipografique , seront
dans la suite , à proportion des écoles
et des écoliers , les premieres à produi
re
30 MERCURE DE FRANCE.
>
re le plus grand nombre d'enfans et
d'homes celebres dans les arts et dans les
siences.
Si on ne goute point la métode du Bureau
tipografique , je m'en étone , et si on la
goute , je m'en étone de même.
Fermer
Résumé : HUITIEME Lètre sur la bibliotèque des enfans, etc.
Le texte aborde les défis liés à la lecture et à la compréhension des lecteurs du Mercure de France, qui souvent ne prêtent pas suffisamment attention aux textes, ce qui les rend incapables de les analyser ou d'en parler de manière éclairée. Cette inattention conduit à des critiques injustes envers les auteurs, car il est plus facile de critiquer que de créer. L'auteur récapitule les points essentiels de ses lettres précédentes sur l'éducation des enfants. Il souligne que les enfants de deux à trois ans sont capables des premières opérations littéraires et que les méthodes vulgaires sont inadaptées à leur âge. Il recommande la méthode du bureau typographique, qui est proportionnée à tous les âges et permet une meilleure éducation. Le texte compare les avantages de commencer l'éducation tôt avec la méthode du bureau typographique par rapport à une initiation tardive avec des méthodes vulgaires. Il utilise des analogies, comme celle du coureur, pour illustrer que commencer tôt et par la bonne méthode permet de progresser plus rapidement et efficacement. L'auteur décrit les étapes de la méthode du bureau typographique : montrer les lettres aux enfants dès leur jeune âge, leur apprendre à les nommer comme un perroquet, et les faire imprimer différentes langues. Cette méthode rend l'apprentissage agréable et évite les difficultés rencontrées avec les méthodes traditionnelles. Le texte détaille également les avantages spécifiques de la méthode du bureau typographique, tels que l'apprentissage précoce de la lecture et de l'écriture, la maîtrise de l'orthographe, la capacité de lire manuscrits et imprimés, et l'acquisition de vocabulaire latin et français. Cette méthode prépare les enfants aux opérations littéraires et grammaticales de manière plus efficace que les méthodes vulgaires. Les enfants, dès l'âge de deux à quatre ans, apprennent les terminaisons des noms et des verbes, les genres, les déclinaisons, les préterits, les supins, les concordances et la syntaxe par des cartes et des exemples pratiques. Ils écrivent sur des cartes des sujets variés, comme des programmes, des affiches ou des annonces, transformant la table du bureau en un livre ouvert. Grâce à un dictionnaire typographique, ils acquièrent plusieurs milliers de mots latins et français avant l'âge de cinq ou six ans. La méthode enseigne également la ponctuation, les abréviations et la quantité latine par la pratique quotidienne. Les enfants impriment du latin avec des caractères manuscrits, préparant ainsi leur imagination pour imiter ensuite des traits et des lettres. Ils apprennent les éléments de divers arts et sciences par l'écriture, démontrant que les enfants de deux à trois ans sont capables de ces premières notions. Le texte critique les méthodes vulgaires, jugées insuffisantes et tardives, et vante les avantages de la méthode du bureau typographique, qui suit l'enfant pas à pas et forme son esprit et son cœur dès le plus jeune âge. Les enfants apprennent également les noms des personnes et des objets, les figures de la Bible, les fables, les métamorphoses d'Ovide, et l'histoire profane. Ils pratiquent les règles de l'arithmétique, de l'algèbre, de la géométrie et même de la musique sur la table du bureau. La méthode permet aussi d'enseigner plusieurs langues, comme le grec, l'hébreu et l'arabe, et de former l'oreille des enfants à la lecture et à la déclamation. Les enfants du bureau typographique sont capables de travailler seuls et d'apprendre par cœur, développant ainsi leur mémoire et leur adresse manuelle. Ils acquièrent également le goût de la lecture et de l'étude, et sont plus sensibles à la gloire et à l'émulation littéraire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1000-1012
Le Paresseux, Comédie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 28 Avril, les Comédiens François donnerent la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Paresseux, Paresse, Damon, Chevalier, Lépine, Comédiens-Français, Cidalise, Intendant, Lecture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Paresseux, Comédie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 28 Avril , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Paresseux , Comédie en trois Actes
et en Vers , précedée d'un Prologue , par
M. de Launay. Cette Piéce n'a été représentée
que quatre fois , mais on l'a vûë
avec plaisir. On y auroit souhaité un peu
plus d'action. En voici l'Extrait ,
Dans le Prologue , un Poëte veut obliger
l'Auteur du Paresseux de lire sa Picce
a ' des prétendus Connoisseurs
, qui prennent
soin de l'annoncer dans le monde
avant qu'elle paroisse au Théatre ; l'Auteur
n'y consent pas , et donne de bonnes
raisons de son refus. Il se contente
de rendre compte de son Sujet au Poëte
un peu trop pressant. Voici comme il
définit le Heros de sa Piéce :
Je peins un Paresseux qu'on aime ,
Qui par nature et par systême ,
Veut éviter la peine , et qui toujours s'en
fait;
En
ΜΑΥ. 1733 1001
En affaire
"
en amour , négligent à l'ex-
I
trême ,
Du plus petit travail , craignant jusqu'au projet
;
Aveugle confiance , abandon de soi - même
Voilà son Caractere , et voilà le Sujet.
Le Poëte en demandant, davantage ;
l'Auteur persiste dans son refus ; et parmi
les inconveniens qui suivent des lectures
réïterées , il met au premier rang,
celui d'effleurer la nouveauté, ce qu'il appuye
de ce trait de conte ou d'his
toire.
Il me souvient fort à propos
›
D'un certain Florentin et de son avanture :
Un homme voulut voir de ses tours les plus
beaux ,
Le dessous et la Tablature ;
Pour un méchant souper , l'autre fut assez
sot ,
Que de tout expliquer en bonne compagnie ;
De là , de bouche en bouche , on transmit mor
pour mot
Tous les secrets de sa Magie ;
Si-tôt que chacun fut au fait ,
Vous jugez que les tours ne firent plus d'ef
fet ;
On les exécutoit même dans mainte Orgie !
Hij L'Au
7002 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur finit son Prologue par ces
deux Vers :
Laissons du moins à l'Auditoire
L'agrément de la nouveauté.
Acteurs de la Piéce.
Damon , le Paresseux , Le sieur Dufresne.
Cidalise , Veuve accordée à Damon , La
Dlle Gossin.
Lisette , Suivante de Cidalise , La Dlle
Quinault.
Le Chevalier , Ami de Damon , Le sicur
Poisson.
Frosimon Intendant de Damon , Le
sieur de Berey.
,
Argante , Ami de Damon et de Cidalise,
Le sieur de Mommeni.
Lepine ' , Valet de Damon , Le sieur Armand.
La Scene est à Paris dans le Vestibule de
la Maison de Damon.
Lepine , et Lisette , ouvrent la Scene ,
et font l'exposition du Sujet . Ils apprennent
aux Spectateurs que Cidalise est accordée
depuis quinze mois à Damon ;
qu'ils logent dans deux corps de Logis
séparez ; que Damon par paresse la voit
trèsMA
Y. 1733 . 1003
très - rarement ; que Cidalise n'éclate point
par fierté ou par modération ; que Damon
s'est livré à un Chevalier et à un
Intendant qui s'accordent parfaitement à
l'entretenir dans sa paresse et à le ruiner ;
que par malheur pour Damon , Chrysante,
le seul ami digne de sa confiance , et ardent
pour ses interêts , est absent. On
ajoûte qu'un Courrier d'Argante est arrivé
le soir d'auparavant. Après cette exposition
, nécessaire pour l'intelligence
de la Piéce , Lepine et Lisette s'animent
l'un l'autre à tirer Damon d'un assoupise
sement qui va le ruiner ; Lepine surtout
se promet de prouver si bien le pillage
de Frosimon son Intendant , qu'il l'obligera
à abandonner sa proye.
Le Chevalier et l'Intendant , pendant
qu'on leve Damon conviennent entr'eux
du piége qu'ils vont lui tendre.
و
Damon vient en Robe de chambre ; il
plaint son Ami et son Intendant de ce
qu'ils se sont apparemment levez trop
matin , pour le voir plutôt ; il fait un
court éloge du sommeil en ces mots :
Que celui du matin sur tout est agréable !
Il est leger , charmant , ce n'est que s'assoupir
;
yous révez doucement , vous vous sentez dor
mir;
Hij N'est1004
MERCURE DE FRANCE
N'est - il pas vrai ? pour moi , je ne sçaurois
m'en taire ;
Je ne voudrois jamais me lever ; car que
faire ?
Voici encore une peinture qu'il fait de
la Paresse ;
Il est beaucoup de gens , qui dans le même
cas ,
Du nom de Paresseux se feroient une honte ;
Moi , je passe le titre , et j'y trouve mon
compte ;
Mais je ne donne pas dans cette extrêmité
Qui vise et va tout droit à la stupidité .
La paresse est chez moi paresse raisonnée ,
Qui procure une vie , et libre , et fortu
née ;
En un mot,la sagesse avec la volupté .
Ce Systême est applaudi par les deux
fateurs qui l'entendent. Le Chevalier
plaint l'Intendant , attendu les affaires
dont il est sans cesse occupé ; Damon lui
répond qu'il y va pourvoir , et qu'il a
imaginé le moyen de mettre son cher
Intendant plus à l'aise : le voici , continuë-
t-il :
J'étois donc ce matin à réver dans mon lit ,
Et c'est dans ce tems-là qu'on a la tête saine ,
Que
MAY . 1733. 1005
Que sans se fatiguer notre esprit se promene
;
Là , j'ai trouvé tout net , et tout du premier
coup ,
Un moyen qui pourra nous soulager beaucoup
,
Qui ne sçauroit jamais , dans aucune occur
J
rence ,
Contre lui , ni les siens tirer à conséquence ;
C'est le seul , en un mot ; pourriez-vous deviner
? & c.
Ce sont mes blancs seings que je veux lui donner
, &c.
N'est- il pas vrai pour moi , je le crois sans réplique
,
Et voici leur usage : il reçoit mes deniers ;
Il remplira le blanc , voilà pour mes Fermiers
;
Et pour son compte à lui , comme il fait ma
dépense ,
Autres blancs à remplir et voilà sa quittance.
V
>
L'Intendant , d'un air hypocrite , s'op
pose à ce projet mais Damon le force à
l'approuver , et lui en promet l'éxécution.
Ce premier Acte finit par aller dî
ner , ce qui est tout- à - fait du goût du
Chevalier , dont le personnage ressemble
fort aux Parasites de Plaute et de Terence.
Hilij Da1006
MERCURE DE FRANCE
Damon , le Chevalier et Lisette commencent
le second Acte . Lisette annonce
que
à Damon Cidalise l'attend à souper
chez elle , avec un troisième, dont la vuë
ne lui déplaira pas ; il y a apparence que
c'est d'Argante qu'elle veut parler. Damon
reçoit de mauvaise grace l'invitation
que Lisette lui fait de la part de sa Maîtresse
; elle en est tres-irritée ; le Chevalier
veut la calmer, mais en vain ; elle dit
à Damon que ses froideurs pourroient
bien être suivies d'une rupture dont il
aura à se repentir. Elle le quitte pour aller
rendre compte à sa Maîtresse du mauvais
succês de sa commission ,
Le Chevalier fait prévoir à Damon les
troubles qu'il s'apprête , s'il se résout à
conclure son Hymen avec Cidalise. Damon
se reproche le consentement qu'il y
a donné ; il convient pourtant que Cidalise
mérite d'être aimée . Le Chevalier lui
promet de rompre ce fatal matiage. Damon
lui en témoigne sa reconnoissance ,
et le presse d'y aller travailler ; le Chevalier
fait connoître par un à parte qu'il
fera plus qu'il n'a promis.
Damon dans un court Monologue se
félicite d'avoir un si fidele ami. Lepine
vient , tenant dans ses mains une grosse
liasse de Lettres ausqu'elles il prie son
Maî
MAY. 1733. 1007
Maître de vouloir bien enfin faire réponse.
Damon lui dit hardiment qu'elles n'en
demandent point , quoiqu'il ne les ait pas
ni luës ni entendu lire. Lepine lui dit
qu'il y en a une du moins qui demande
réponse ; il lui en fait la lecture ; il s'y
agit de son Château bien aimé de Xaintonge
qui tombe en ruïne faute de réparations
nécessaires et toujours remises.
Damon après bien de la résistance , se
détermine à écrire à un Baron de ses amis,
qui veut bien se charger du soin de faire
réparer ce vieux Château ; il fait approcher
une Table, il prend du Papier et une
Plume; il demande le quantiéme du mois
à Lepine , qui lui répond qu'il aura soin
de le mettre lui -même ; il lui demande
encore quel jour la Poste part ; Lepine
lui répond au hazard , que c'est après demain
: Eh bien , lui dit le Chevalier ,
J'écrirai donc après demain matin.
Il se souvient qu'il a promis des blancs
seings à son Intendant; il en fait un assez
bon nombre et charge Lepine de les lui
remettre. Lepine les prend et se propose
de les porter sur le champ à Cidalise. :
Damon se plaint du retardement du
Chevalier, et voudroit sçavoir ce qu'il a
fait auprès de Cidalise ; il est embarrassé
Hv quand
Too8 MERCURE DE FRANCE
•
quand il la voit venir elle - même, sans qu'il
soit instruit de ce qu'elle aura répondu,
au Chevalier , sur la rupture de son mariage.
La Scene entre Damon et Cidalise est
tres- touchante ; cette derniere instruite
par le Chevalier qui est allé plus loin que
Damon ne vouloit , lui reproche l'injure
qu'il lui fait de vouloir rompre un mariage
qu'il avoit si ardamment souhaité.
Damon lui répond :
Vous m'offensez ; pour vous ma tendresse est
extrême ;
J'ai pû croire , il est vrai , que , quoique je vous
aime ,
Si nous restions? ainsi , sans former certains
noeuds ,
Nous serions vous et moi , peut - être plus heureux.
Cidalise lui fait entendre le tortqu'une
pareille liaison feroit à sa gloire : Elle lui
dit , que l'indifférence qu'il lui témoigne
ne l'empêchera pas de s'interesser dans
tout ce qui le regarde , et sur tout de lui
ouvrir les yeux sur le complot que le
Chevalier,de concert avec son Intendant,
a formé pour le ruiner ; elle le quitte en
lui disant :
Je ne demande point que vous me secondiez ,
Mais
MAY . 1733
1009
Mais je veux empêcher que vous ne vous per-
- diez ;
Si je n'agissois point, j'en deviendrois complice;
Après , si vous voulez , vous me rendrez justice .
Damon est surpris de la maniere dont
Cidalise vient de lui apprendre son devoir
; et c'est là ce qui le détermine à par
tir enfin pour la Xaintonge.
Au troisiéme Acte , Lepine et Lisette
se réjouissent de l'arrivée d'Argante , et
s'en promettant un heureux succès pour
le complot qu'ils ont formé contre le Chevalier
et l'Intendant ; Lepine dit que Damon
lui a paru agité pour la premiere
fois ; mais qu'à cette agitation , non encore
éprouvée , a succedé un sommeil des
plus profonds. Ils se couronnent à l'envi
de Lauriers , mais chacun d'eux prétend
avoir le plus de part à leur prochaine victoire.
Lisette se retire la premiere , et
Lepine en fait bien tôt autant à l'approche
de Damon et du Chevalier. J
Le Chevalier instruit par Damon de
tout ce qui se passe , lui reproche la foiblesse
qu'il a de souffrir qu'on fasse assiéger
sa maison par un Magistrat , et par sa
suite , comme s'il étoit encore en tutelle.
Damon lui apprend que ce Magistrat ,
qui s'appelle Pirante , veut obliger son
H vj
Inten
*
1010 MERCURE DE FRANCE
Intendant à rendre ses comptes. Damon
ne sçait à quoi se resoudre ; leur conversation
est interrompue par l'arrivée d'Ar-
'gante ; le Chevalier qui pour son malheur
n'en est que trop connu , pâlit à
son aspect.
Argante après avoir embrassé Damon ,
jette un regard de surprise et d'indignation
sur le Chevalier ; il le prie de se re
tirer , et l'en prie d'un ton de maître ; le
Chevalier ne se le fait pas dire deux fois.
*
Argante après avoir reproché à Damon
son indifférence pour Cida ise , et le délay
d'un Hymen arrêté depuis quinze
mois , tandis qu'il s'abandonne à deux
hommes , dont l'un a servi chez son
Frere , et l'autre le vole impunément, lui
demande en quel état sont ses affaires :
Damon lui répond en homme qui ne s'en
est jamais occupé. Argante lui dit qu'il
n'est que trop informé de sa létargie, ct
qu'il est venu exprès pour l'en tirer.
Lepine vient apprendre à Argante ,
que Pyrante, en habile Magistrat , a fait
rafle sur tout , et que le Chevalier s'est
éclipsé prudemment.
Cida ise arrive , tenant dans ses mains
des papiers , qu'elle remet dans celles de
Damon ; ls blancs seings sur tout sont
du nombre. Damon ouvre enfin les yeux,
sur
MAY. 1733. TO
sur toutes les fautes que sa paresse lui a
fait commettre ; il est charmé que Cidalise
veuille bien se charger à sa place du
soin de les réparer ; ce qui fait dire plaisamment
à Lepine qu'il va l'épouser par
paresse : Voicy comment Damon s'exprime
, sans se détacher de sa passion dominante
; c'est à Cidalise qu'il s'adresse.
De mon aveuglement je reconnois l'yvresse ,
Et je ne conçoi pas quelle étoit ma foiblesse ,
Car je n'envisageois le lien conjugal ,
Que comme un noeud fâcheux , comme le plus
grand mal ,
Et point du tout , il est justement le contraire ;
Vous en faites un port tranquille et salutaire .
En sorte que vos soins débrouillant ce cahos ,
Je voi que pour jamais , je me mets en repos.
Le Lecteur pourra juger . par les Vers
que nous venons de citer , que la Piéce
fera beaucoup de plaisir à la lecture ; on
en a trouvé l'action un peu trop simple
pour une Comédie en trois Actes ; cependant
on convient qu'elle est parfaite.
ment conduite , et qu'il n'y manque que
certains coups de Théatre , qui font ordinairement
le succès des Pieces , même le
plus négligemment écrites.
Cette Piece d'un caractere tout neufau
Théatre , paroît tres- bien imprimée, chez
C12 MERCURE DE FRANCI
le Breton fils , Quai des Augustins ; elle se
débite tres-bien , et nous pouvons ajouter
que la lecture fait beaucoup de plaisir.
L'Auteur a joint à cet Ouvrage une
petite Préface qu'il finit en ces termes :
Je n'ai pas moins apprehendé la chute de
la Piéce à l'impression que sur le Théatre ;
le public a déja eu la bonté de me rassurer à
cet égard , en prononçant d'avance en faveur
de la lecture ; heureux s'il confirme cette
esperance que j'ai conçue, et s'il me laisse
ainsi la plus solide satisfaction.
donnerent la premiere Représentation
du Paresseux , Comédie en trois Actes
et en Vers , précedée d'un Prologue , par
M. de Launay. Cette Piéce n'a été représentée
que quatre fois , mais on l'a vûë
avec plaisir. On y auroit souhaité un peu
plus d'action. En voici l'Extrait ,
Dans le Prologue , un Poëte veut obliger
l'Auteur du Paresseux de lire sa Picce
a ' des prétendus Connoisseurs
, qui prennent
soin de l'annoncer dans le monde
avant qu'elle paroisse au Théatre ; l'Auteur
n'y consent pas , et donne de bonnes
raisons de son refus. Il se contente
de rendre compte de son Sujet au Poëte
un peu trop pressant. Voici comme il
définit le Heros de sa Piéce :
Je peins un Paresseux qu'on aime ,
Qui par nature et par systême ,
Veut éviter la peine , et qui toujours s'en
fait;
En
ΜΑΥ. 1733 1001
En affaire
"
en amour , négligent à l'ex-
I
trême ,
Du plus petit travail , craignant jusqu'au projet
;
Aveugle confiance , abandon de soi - même
Voilà son Caractere , et voilà le Sujet.
Le Poëte en demandant, davantage ;
l'Auteur persiste dans son refus ; et parmi
les inconveniens qui suivent des lectures
réïterées , il met au premier rang,
celui d'effleurer la nouveauté, ce qu'il appuye
de ce trait de conte ou d'his
toire.
Il me souvient fort à propos
›
D'un certain Florentin et de son avanture :
Un homme voulut voir de ses tours les plus
beaux ,
Le dessous et la Tablature ;
Pour un méchant souper , l'autre fut assez
sot ,
Que de tout expliquer en bonne compagnie ;
De là , de bouche en bouche , on transmit mor
pour mot
Tous les secrets de sa Magie ;
Si-tôt que chacun fut au fait ,
Vous jugez que les tours ne firent plus d'ef
fet ;
On les exécutoit même dans mainte Orgie !
Hij L'Au
7002 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur finit son Prologue par ces
deux Vers :
Laissons du moins à l'Auditoire
L'agrément de la nouveauté.
Acteurs de la Piéce.
Damon , le Paresseux , Le sieur Dufresne.
Cidalise , Veuve accordée à Damon , La
Dlle Gossin.
Lisette , Suivante de Cidalise , La Dlle
Quinault.
Le Chevalier , Ami de Damon , Le sicur
Poisson.
Frosimon Intendant de Damon , Le
sieur de Berey.
,
Argante , Ami de Damon et de Cidalise,
Le sieur de Mommeni.
Lepine ' , Valet de Damon , Le sieur Armand.
La Scene est à Paris dans le Vestibule de
la Maison de Damon.
Lepine , et Lisette , ouvrent la Scene ,
et font l'exposition du Sujet . Ils apprennent
aux Spectateurs que Cidalise est accordée
depuis quinze mois à Damon ;
qu'ils logent dans deux corps de Logis
séparez ; que Damon par paresse la voit
trèsMA
Y. 1733 . 1003
très - rarement ; que Cidalise n'éclate point
par fierté ou par modération ; que Damon
s'est livré à un Chevalier et à un
Intendant qui s'accordent parfaitement à
l'entretenir dans sa paresse et à le ruiner ;
que par malheur pour Damon , Chrysante,
le seul ami digne de sa confiance , et ardent
pour ses interêts , est absent. On
ajoûte qu'un Courrier d'Argante est arrivé
le soir d'auparavant. Après cette exposition
, nécessaire pour l'intelligence
de la Piéce , Lepine et Lisette s'animent
l'un l'autre à tirer Damon d'un assoupise
sement qui va le ruiner ; Lepine surtout
se promet de prouver si bien le pillage
de Frosimon son Intendant , qu'il l'obligera
à abandonner sa proye.
Le Chevalier et l'Intendant , pendant
qu'on leve Damon conviennent entr'eux
du piége qu'ils vont lui tendre.
و
Damon vient en Robe de chambre ; il
plaint son Ami et son Intendant de ce
qu'ils se sont apparemment levez trop
matin , pour le voir plutôt ; il fait un
court éloge du sommeil en ces mots :
Que celui du matin sur tout est agréable !
Il est leger , charmant , ce n'est que s'assoupir
;
yous révez doucement , vous vous sentez dor
mir;
Hij N'est1004
MERCURE DE FRANCE
N'est - il pas vrai ? pour moi , je ne sçaurois
m'en taire ;
Je ne voudrois jamais me lever ; car que
faire ?
Voici encore une peinture qu'il fait de
la Paresse ;
Il est beaucoup de gens , qui dans le même
cas ,
Du nom de Paresseux se feroient une honte ;
Moi , je passe le titre , et j'y trouve mon
compte ;
Mais je ne donne pas dans cette extrêmité
Qui vise et va tout droit à la stupidité .
La paresse est chez moi paresse raisonnée ,
Qui procure une vie , et libre , et fortu
née ;
En un mot,la sagesse avec la volupté .
Ce Systême est applaudi par les deux
fateurs qui l'entendent. Le Chevalier
plaint l'Intendant , attendu les affaires
dont il est sans cesse occupé ; Damon lui
répond qu'il y va pourvoir , et qu'il a
imaginé le moyen de mettre son cher
Intendant plus à l'aise : le voici , continuë-
t-il :
J'étois donc ce matin à réver dans mon lit ,
Et c'est dans ce tems-là qu'on a la tête saine ,
Que
MAY . 1733. 1005
Que sans se fatiguer notre esprit se promene
;
Là , j'ai trouvé tout net , et tout du premier
coup ,
Un moyen qui pourra nous soulager beaucoup
,
Qui ne sçauroit jamais , dans aucune occur
J
rence ,
Contre lui , ni les siens tirer à conséquence ;
C'est le seul , en un mot ; pourriez-vous deviner
? & c.
Ce sont mes blancs seings que je veux lui donner
, &c.
N'est- il pas vrai pour moi , je le crois sans réplique
,
Et voici leur usage : il reçoit mes deniers ;
Il remplira le blanc , voilà pour mes Fermiers
;
Et pour son compte à lui , comme il fait ma
dépense ,
Autres blancs à remplir et voilà sa quittance.
V
>
L'Intendant , d'un air hypocrite , s'op
pose à ce projet mais Damon le force à
l'approuver , et lui en promet l'éxécution.
Ce premier Acte finit par aller dî
ner , ce qui est tout- à - fait du goût du
Chevalier , dont le personnage ressemble
fort aux Parasites de Plaute et de Terence.
Hilij Da1006
MERCURE DE FRANCE
Damon , le Chevalier et Lisette commencent
le second Acte . Lisette annonce
que
à Damon Cidalise l'attend à souper
chez elle , avec un troisième, dont la vuë
ne lui déplaira pas ; il y a apparence que
c'est d'Argante qu'elle veut parler. Damon
reçoit de mauvaise grace l'invitation
que Lisette lui fait de la part de sa Maîtresse
; elle en est tres-irritée ; le Chevalier
veut la calmer, mais en vain ; elle dit
à Damon que ses froideurs pourroient
bien être suivies d'une rupture dont il
aura à se repentir. Elle le quitte pour aller
rendre compte à sa Maîtresse du mauvais
succês de sa commission ,
Le Chevalier fait prévoir à Damon les
troubles qu'il s'apprête , s'il se résout à
conclure son Hymen avec Cidalise. Damon
se reproche le consentement qu'il y
a donné ; il convient pourtant que Cidalise
mérite d'être aimée . Le Chevalier lui
promet de rompre ce fatal matiage. Damon
lui en témoigne sa reconnoissance ,
et le presse d'y aller travailler ; le Chevalier
fait connoître par un à parte qu'il
fera plus qu'il n'a promis.
Damon dans un court Monologue se
félicite d'avoir un si fidele ami. Lepine
vient , tenant dans ses mains une grosse
liasse de Lettres ausqu'elles il prie son
Maî
MAY. 1733. 1007
Maître de vouloir bien enfin faire réponse.
Damon lui dit hardiment qu'elles n'en
demandent point , quoiqu'il ne les ait pas
ni luës ni entendu lire. Lepine lui dit
qu'il y en a une du moins qui demande
réponse ; il lui en fait la lecture ; il s'y
agit de son Château bien aimé de Xaintonge
qui tombe en ruïne faute de réparations
nécessaires et toujours remises.
Damon après bien de la résistance , se
détermine à écrire à un Baron de ses amis,
qui veut bien se charger du soin de faire
réparer ce vieux Château ; il fait approcher
une Table, il prend du Papier et une
Plume; il demande le quantiéme du mois
à Lepine , qui lui répond qu'il aura soin
de le mettre lui -même ; il lui demande
encore quel jour la Poste part ; Lepine
lui répond au hazard , que c'est après demain
: Eh bien , lui dit le Chevalier ,
J'écrirai donc après demain matin.
Il se souvient qu'il a promis des blancs
seings à son Intendant; il en fait un assez
bon nombre et charge Lepine de les lui
remettre. Lepine les prend et se propose
de les porter sur le champ à Cidalise. :
Damon se plaint du retardement du
Chevalier, et voudroit sçavoir ce qu'il a
fait auprès de Cidalise ; il est embarrassé
Hv quand
Too8 MERCURE DE FRANCE
•
quand il la voit venir elle - même, sans qu'il
soit instruit de ce qu'elle aura répondu,
au Chevalier , sur la rupture de son mariage.
La Scene entre Damon et Cidalise est
tres- touchante ; cette derniere instruite
par le Chevalier qui est allé plus loin que
Damon ne vouloit , lui reproche l'injure
qu'il lui fait de vouloir rompre un mariage
qu'il avoit si ardamment souhaité.
Damon lui répond :
Vous m'offensez ; pour vous ma tendresse est
extrême ;
J'ai pû croire , il est vrai , que , quoique je vous
aime ,
Si nous restions? ainsi , sans former certains
noeuds ,
Nous serions vous et moi , peut - être plus heureux.
Cidalise lui fait entendre le tortqu'une
pareille liaison feroit à sa gloire : Elle lui
dit , que l'indifférence qu'il lui témoigne
ne l'empêchera pas de s'interesser dans
tout ce qui le regarde , et sur tout de lui
ouvrir les yeux sur le complot que le
Chevalier,de concert avec son Intendant,
a formé pour le ruiner ; elle le quitte en
lui disant :
Je ne demande point que vous me secondiez ,
Mais
MAY . 1733
1009
Mais je veux empêcher que vous ne vous per-
- diez ;
Si je n'agissois point, j'en deviendrois complice;
Après , si vous voulez , vous me rendrez justice .
Damon est surpris de la maniere dont
Cidalise vient de lui apprendre son devoir
; et c'est là ce qui le détermine à par
tir enfin pour la Xaintonge.
Au troisiéme Acte , Lepine et Lisette
se réjouissent de l'arrivée d'Argante , et
s'en promettant un heureux succès pour
le complot qu'ils ont formé contre le Chevalier
et l'Intendant ; Lepine dit que Damon
lui a paru agité pour la premiere
fois ; mais qu'à cette agitation , non encore
éprouvée , a succedé un sommeil des
plus profonds. Ils se couronnent à l'envi
de Lauriers , mais chacun d'eux prétend
avoir le plus de part à leur prochaine victoire.
Lisette se retire la premiere , et
Lepine en fait bien tôt autant à l'approche
de Damon et du Chevalier. J
Le Chevalier instruit par Damon de
tout ce qui se passe , lui reproche la foiblesse
qu'il a de souffrir qu'on fasse assiéger
sa maison par un Magistrat , et par sa
suite , comme s'il étoit encore en tutelle.
Damon lui apprend que ce Magistrat ,
qui s'appelle Pirante , veut obliger son
H vj
Inten
*
1010 MERCURE DE FRANCE
Intendant à rendre ses comptes. Damon
ne sçait à quoi se resoudre ; leur conversation
est interrompue par l'arrivée d'Ar-
'gante ; le Chevalier qui pour son malheur
n'en est que trop connu , pâlit à
son aspect.
Argante après avoir embrassé Damon ,
jette un regard de surprise et d'indignation
sur le Chevalier ; il le prie de se re
tirer , et l'en prie d'un ton de maître ; le
Chevalier ne se le fait pas dire deux fois.
*
Argante après avoir reproché à Damon
son indifférence pour Cida ise , et le délay
d'un Hymen arrêté depuis quinze
mois , tandis qu'il s'abandonne à deux
hommes , dont l'un a servi chez son
Frere , et l'autre le vole impunément, lui
demande en quel état sont ses affaires :
Damon lui répond en homme qui ne s'en
est jamais occupé. Argante lui dit qu'il
n'est que trop informé de sa létargie, ct
qu'il est venu exprès pour l'en tirer.
Lepine vient apprendre à Argante ,
que Pyrante, en habile Magistrat , a fait
rafle sur tout , et que le Chevalier s'est
éclipsé prudemment.
Cida ise arrive , tenant dans ses mains
des papiers , qu'elle remet dans celles de
Damon ; ls blancs seings sur tout sont
du nombre. Damon ouvre enfin les yeux,
sur
MAY. 1733. TO
sur toutes les fautes que sa paresse lui a
fait commettre ; il est charmé que Cidalise
veuille bien se charger à sa place du
soin de les réparer ; ce qui fait dire plaisamment
à Lepine qu'il va l'épouser par
paresse : Voicy comment Damon s'exprime
, sans se détacher de sa passion dominante
; c'est à Cidalise qu'il s'adresse.
De mon aveuglement je reconnois l'yvresse ,
Et je ne conçoi pas quelle étoit ma foiblesse ,
Car je n'envisageois le lien conjugal ,
Que comme un noeud fâcheux , comme le plus
grand mal ,
Et point du tout , il est justement le contraire ;
Vous en faites un port tranquille et salutaire .
En sorte que vos soins débrouillant ce cahos ,
Je voi que pour jamais , je me mets en repos.
Le Lecteur pourra juger . par les Vers
que nous venons de citer , que la Piéce
fera beaucoup de plaisir à la lecture ; on
en a trouvé l'action un peu trop simple
pour une Comédie en trois Actes ; cependant
on convient qu'elle est parfaite.
ment conduite , et qu'il n'y manque que
certains coups de Théatre , qui font ordinairement
le succès des Pieces , même le
plus négligemment écrites.
Cette Piece d'un caractere tout neufau
Théatre , paroît tres- bien imprimée, chez
C12 MERCURE DE FRANCI
le Breton fils , Quai des Augustins ; elle se
débite tres-bien , et nous pouvons ajouter
que la lecture fait beaucoup de plaisir.
L'Auteur a joint à cet Ouvrage une
petite Préface qu'il finit en ces termes :
Je n'ai pas moins apprehendé la chute de
la Piéce à l'impression que sur le Théatre ;
le public a déja eu la bonté de me rassurer à
cet égard , en prononçant d'avance en faveur
de la lecture ; heureux s'il confirme cette
esperance que j'ai conçue, et s'il me laisse
ainsi la plus solide satisfaction.
Fermer
Résumé : Le Paresseux, Comédie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 28 avril, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Paresseux', une comédie en trois actes et en vers, précédée d'un prologue, écrite par M. de Launay. Cette pièce a été jouée quatre fois et a été bien accueillie, bien que certains spectateurs aient souhaité plus d'action. Dans le prologue, un poète insiste pour que l'auteur lise sa pièce à des prétendus connaisseurs avant sa représentation au théâtre, mais l'auteur refuse, expliquant qu'il préfère laisser la nouveauté à l'audience. La pièce se déroule à Paris, dans le vestibule de la maison de Damon, le paresseux. Damon est marié à Cidalise, mais il la voit rarement en raison de sa paresse. Il est influencé par un chevalier et un intendant qui l'encouragent dans sa paresse et le ruinent. Lepine, le valet de Damon, et Lisette, la suivante de Cidalise, tentent de le sortir de son assoupissement. Au cours de la pièce, Damon reçoit une invitation à souper chez Cidalise, mais il réagit froidement. Le chevalier et Cidalise conspirent pour le faire réagir. Damon finit par reconnaître ses erreurs et décide de partir pour la Xaintonge. À la fin, Damon ouvre les yeux sur ses fautes et laisse Cidalise réparer les dommages causés par sa paresse. La pièce est bien imprimée et se vend bien, malgré une action jugée trop simple pour une comédie en trois actes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 133-138
« METHODE ou maniere d'enseigner à lire par le moyen des cartes imprimées. C'est une [...] »
Début :
METHODE ou maniere d'enseigner à lire par le moyen des cartes imprimées. C'est une [...]
Mots clefs :
Bureau, Lecture, Enseigner à lire, Cartes imprimées, Méthode, Enfants, Enfant, Vocabulaire latin-français, Études latines
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « METHODE ou maniere d'enseigner à lire par le moyen des cartes imprimées. C'est une [...] »
METHODE on maniere d'enſeigner à lire
par le moyen des cartes imprimées. C'est une
deuxieme édition quoique la brochure ne
le porte pas.
Ce que nous annonçons paroît mériter
l'attention des perfonnes qui s'intéreſſent
aux premiers élémens des enfans. La méthode
dont il s'agit , connue déja depuis
long- tems , & très - mal à propos combattue
par ceux qui ne l'entendent pas ou qui ne
l'examinent pas fincerement , produit des
effets furprenans dans les mains de ceux
qui l'entendent. En rendant juftice à feu
M. Dumas , auteur de cette méthode , on
a toujours fouhaité d'en voir diminuer
l'attirail fans s'écarter de ce qu'il a enfei
gné. Un des partifans de ce fyftême a heureufement
réduit avec netteté & précision
le bureau pour la lecture feulement , en
une boëte de la groffeur & de la forme d'un
volume infolio , où font renfermés , par
134 MERCURE DE FRANCE.
ordre alphabétique , tous les caracteres
imprimés fur des cartes . Par ce moyen , un
enfant exécute tout ce qu'on lui demande ,
auffitôt qu'il connoît & qu'il fçait la dénomination
des lettres & des fons ; de forte
qu'il apprend agréablement à lire fans
ennui & en très - peu de tems. Il n'y a rien
de plus aifé & de plus commode. Les peres
& meres , faute de maîtres qui s'y appliquent
, y réuffiffent à fouhait. On n'a rien
changé au fond de la doctrine de M. Dumas
que l'e muet qu'on met à la place de l'é
fermé , pour prononcer les confonnes ;
mais l'inventeur eft toujours refpecté , &
c'eft ainfi qu'on devroit s'appliquer à perfectionner
ce qui eft bon , & non à le détruire.
Il ne s'agit pas ici par conféquent
d'une méthode nouvelle . C'en est une excellente
très - connue qu'on rend plus pratiquable
, ,
que les méthodes nouvelles annoncées
dans le Mercure de Juillet ; fur
quoi l'on peut obferver que , quelques inconvéniens
qu'il y ait dans notre langue ,
( & l'auteur des méthodes nouvelles en a
remarqué judicieufement un très - grand
nombre dans fon livre. ) on peut , dis-je ,
remarquer que les étrangers ne fe rebutent
pas de l'apprendre telle qu'elle eft . Les
cédilles , les points capitaux , &c. que le
réformateur voudroit qu'on introduifit ,
A O UST. 1755 T39
霉
ne l'embelliroient pas aux yeux accoutu →
més à lire tant d'excellens ouvrages que
nous avons. Les moindres abus n'échappent
pas à M. le Curé de .... l'auteur des
nouvelles méthodes : mais s'il s'appuie de
quelques autorités refpectables , if cite des
écrivains plus propres à décréditer fes réformes
qu'à les établir. A force de regles
on multiplie les difficultés. Il faut avoir
bien du courage pour mettre en pratique
fes fyllabaires. C'eft aux connoiffeurs à
juger s'il enfeigne le chemin le plus court.
Les partifans de M. Dumas n'y font pas
tant de façon . Il est démontré dans l'expofition
de la méthode par les cartes imprimées
, que les principes de toute lecture
confiftent en une quarantaine de leçons
fur quarante cartes & non en deux cens
cinquante d'une part , cent fix d'une autre,
& cinquante encore d'une autre , comme
l'ont avancé des écrivains qui n'entendent
pas le fiftême de M. Dumas , approuvé juridiquement
depuis plus de trente ans
Lorfqu'on a voulu compofer un chapitre
de l'expofition de la méthode qui accompagne
le petit bureau , on auroit dû prendre
la nouvelle édition beaucoup plus mé
thodique que la premiere , & ne pas prêter
à l'un des inventions , qui appartiennent à
d'autres , comme la lame de cuivre gravée
136 MERCURE DE FRANCE.
à jour pour enfeigner à écrire. Au reste ;
toutes ces nouvelles méthodes qu'on public
chaque jour , font des démembremens ,
pour la plupart falfifiés , du ſyſtême de
M. Dumas. En approuvant cette admirable
invention , on fe fait plus d'honneur
qu'en la blâmant . Il faut avouer que
les
cartes imprimées du petit bureau , tiennent
lieu par leur mobilité de tous les fyllabaires
immobiles : & le premier jeu élémentaire
des quarante cartes qui le précede ,
renferme les principes de toute lecture poffible
fans embarras & à la portée de tout le
monde.
L'avantage de ce petit bureau , eft de
pouvoir le tranfporter fur une table , fur
un fauteuil , à la portée des enfans , felon
leur âge , & où l'on veut. Cette efpece
d'imprimerie , accompagnée de deux jeux
élémentaires avant que d'ouvrir le bureau ,
& la petite brochure qui donne lieu à cet
article pour guider ceux qui veulent en
faire ufage , fe vendent vingt - quatre livres,
avec privilege & approbation . Il faut s'adreffer
à M. Chompré fils , rue des Carmes ,
à Paris. On y en trouve de plus ornés les
uns que les autres felon la dépense qu'on
veut faire.
A O UST. 1755. 137
Petit cours d'études latines.
Nous ajoutons , comme une fuite de ce
que nous annonçons , que , lorfqu'un enfant
fait lire & écrire on peut le mener
très-loin avec l'Introduction à la langue latine
par la voie de la traduction , dont l'Avertiffement
mérite d'être lu , principalement
par les gens du métier , & avec la collection
des extraits des auteurs connus fous le
titre de felecta latini fermonis exemplaria ,
en fix petites parties latines , dont on a
déja fait plufieurs éditions chez Guérin &
Delatour , à Paris , rue S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin. La traduction fe vend à part.
Il réſulte , de tout ce qui vient de la même
main , un plan formé avec difcernement
pour commencer agréablement les premieres
études des lettres humaines , fans
s'éloigner de ce qu'on pratique ordinairement
jufqu'aux humanités . On a dans ces
recueils des échantillons non- feulement des
auteurs d'ufage , mais encore des auteurs
prefque totalement abandonnés . On fçait
cependant que ceux- ci , quoique peu lus ,
contiennent la plus grande partie des tréfors
de la plus précieufe latinité , comme
un Plaute , un Columelle , un Vitruve , & c.
qu'on lit ici avec plaifir & fans rifque pour
les bonnes moeurs
138 MERCURE DE FRANCE.
/
Vocabulaire univerfel latin -françois , &C.
Le vocabulaire univerſel , latin - françóis,
achevé d'être imprimé l'année derniere , &
qu'on trouve chez les mêmes libraires ,
procure un fecours qu'on ne peut avoir
d'ailleurs qu'à grands frais.Les amateurs des
belles -lettres latines ont , dans cette espece
de Veni mecum , la fignification des mots
de l'ancienne & de la baffe latinité par le
moyen de la clef qu'en donne l'avertiffement.
Ce travail a du coûter des recherches
de longue difcuffion , & il faudroit être
de mauvaiſe humeur pour ne pas fçavoir
gré , de leurs travaux , aux hommes qui fe
confacrent ainfi à l'utilité publique.
ÉLÉMENS DE LA PHILOSOPHIE NEWTONIENNE
, par M. Pemberton , traduit de
l'anglois , 1 vol. in- 8° avec figures , 1755,
6 liv . relié . A Paris , chez Jombert , rue
Dauphine , à l'image Notre-Dame.
Le même Libraire vient de recevoir
quelques exemplaires de la magnifique
HISTOIRE MILITAIRE du Prince Eugene de
Savoye , du Duc de Malborough , & du
Prince d'Orange & de Naffau- Frife ; enrichie
des cartes & plans néceffaires , en trois
volumes , grand in-folio. Prix 150 livres
reliés.
par le moyen des cartes imprimées. C'est une
deuxieme édition quoique la brochure ne
le porte pas.
Ce que nous annonçons paroît mériter
l'attention des perfonnes qui s'intéreſſent
aux premiers élémens des enfans. La méthode
dont il s'agit , connue déja depuis
long- tems , & très - mal à propos combattue
par ceux qui ne l'entendent pas ou qui ne
l'examinent pas fincerement , produit des
effets furprenans dans les mains de ceux
qui l'entendent. En rendant juftice à feu
M. Dumas , auteur de cette méthode , on
a toujours fouhaité d'en voir diminuer
l'attirail fans s'écarter de ce qu'il a enfei
gné. Un des partifans de ce fyftême a heureufement
réduit avec netteté & précision
le bureau pour la lecture feulement , en
une boëte de la groffeur & de la forme d'un
volume infolio , où font renfermés , par
134 MERCURE DE FRANCE.
ordre alphabétique , tous les caracteres
imprimés fur des cartes . Par ce moyen , un
enfant exécute tout ce qu'on lui demande ,
auffitôt qu'il connoît & qu'il fçait la dénomination
des lettres & des fons ; de forte
qu'il apprend agréablement à lire fans
ennui & en très - peu de tems. Il n'y a rien
de plus aifé & de plus commode. Les peres
& meres , faute de maîtres qui s'y appliquent
, y réuffiffent à fouhait. On n'a rien
changé au fond de la doctrine de M. Dumas
que l'e muet qu'on met à la place de l'é
fermé , pour prononcer les confonnes ;
mais l'inventeur eft toujours refpecté , &
c'eft ainfi qu'on devroit s'appliquer à perfectionner
ce qui eft bon , & non à le détruire.
Il ne s'agit pas ici par conféquent
d'une méthode nouvelle . C'en est une excellente
très - connue qu'on rend plus pratiquable
, ,
que les méthodes nouvelles annoncées
dans le Mercure de Juillet ; fur
quoi l'on peut obferver que , quelques inconvéniens
qu'il y ait dans notre langue ,
( & l'auteur des méthodes nouvelles en a
remarqué judicieufement un très - grand
nombre dans fon livre. ) on peut , dis-je ,
remarquer que les étrangers ne fe rebutent
pas de l'apprendre telle qu'elle eft . Les
cédilles , les points capitaux , &c. que le
réformateur voudroit qu'on introduifit ,
A O UST. 1755 T39
霉
ne l'embelliroient pas aux yeux accoutu →
més à lire tant d'excellens ouvrages que
nous avons. Les moindres abus n'échappent
pas à M. le Curé de .... l'auteur des
nouvelles méthodes : mais s'il s'appuie de
quelques autorités refpectables , if cite des
écrivains plus propres à décréditer fes réformes
qu'à les établir. A force de regles
on multiplie les difficultés. Il faut avoir
bien du courage pour mettre en pratique
fes fyllabaires. C'eft aux connoiffeurs à
juger s'il enfeigne le chemin le plus court.
Les partifans de M. Dumas n'y font pas
tant de façon . Il est démontré dans l'expofition
de la méthode par les cartes imprimées
, que les principes de toute lecture
confiftent en une quarantaine de leçons
fur quarante cartes & non en deux cens
cinquante d'une part , cent fix d'une autre,
& cinquante encore d'une autre , comme
l'ont avancé des écrivains qui n'entendent
pas le fiftême de M. Dumas , approuvé juridiquement
depuis plus de trente ans
Lorfqu'on a voulu compofer un chapitre
de l'expofition de la méthode qui accompagne
le petit bureau , on auroit dû prendre
la nouvelle édition beaucoup plus mé
thodique que la premiere , & ne pas prêter
à l'un des inventions , qui appartiennent à
d'autres , comme la lame de cuivre gravée
136 MERCURE DE FRANCE.
à jour pour enfeigner à écrire. Au reste ;
toutes ces nouvelles méthodes qu'on public
chaque jour , font des démembremens ,
pour la plupart falfifiés , du ſyſtême de
M. Dumas. En approuvant cette admirable
invention , on fe fait plus d'honneur
qu'en la blâmant . Il faut avouer que
les
cartes imprimées du petit bureau , tiennent
lieu par leur mobilité de tous les fyllabaires
immobiles : & le premier jeu élémentaire
des quarante cartes qui le précede ,
renferme les principes de toute lecture poffible
fans embarras & à la portée de tout le
monde.
L'avantage de ce petit bureau , eft de
pouvoir le tranfporter fur une table , fur
un fauteuil , à la portée des enfans , felon
leur âge , & où l'on veut. Cette efpece
d'imprimerie , accompagnée de deux jeux
élémentaires avant que d'ouvrir le bureau ,
& la petite brochure qui donne lieu à cet
article pour guider ceux qui veulent en
faire ufage , fe vendent vingt - quatre livres,
avec privilege & approbation . Il faut s'adreffer
à M. Chompré fils , rue des Carmes ,
à Paris. On y en trouve de plus ornés les
uns que les autres felon la dépense qu'on
veut faire.
A O UST. 1755. 137
Petit cours d'études latines.
Nous ajoutons , comme une fuite de ce
que nous annonçons , que , lorfqu'un enfant
fait lire & écrire on peut le mener
très-loin avec l'Introduction à la langue latine
par la voie de la traduction , dont l'Avertiffement
mérite d'être lu , principalement
par les gens du métier , & avec la collection
des extraits des auteurs connus fous le
titre de felecta latini fermonis exemplaria ,
en fix petites parties latines , dont on a
déja fait plufieurs éditions chez Guérin &
Delatour , à Paris , rue S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin. La traduction fe vend à part.
Il réſulte , de tout ce qui vient de la même
main , un plan formé avec difcernement
pour commencer agréablement les premieres
études des lettres humaines , fans
s'éloigner de ce qu'on pratique ordinairement
jufqu'aux humanités . On a dans ces
recueils des échantillons non- feulement des
auteurs d'ufage , mais encore des auteurs
prefque totalement abandonnés . On fçait
cependant que ceux- ci , quoique peu lus ,
contiennent la plus grande partie des tréfors
de la plus précieufe latinité , comme
un Plaute , un Columelle , un Vitruve , & c.
qu'on lit ici avec plaifir & fans rifque pour
les bonnes moeurs
138 MERCURE DE FRANCE.
/
Vocabulaire univerfel latin -françois , &C.
Le vocabulaire univerſel , latin - françóis,
achevé d'être imprimé l'année derniere , &
qu'on trouve chez les mêmes libraires ,
procure un fecours qu'on ne peut avoir
d'ailleurs qu'à grands frais.Les amateurs des
belles -lettres latines ont , dans cette espece
de Veni mecum , la fignification des mots
de l'ancienne & de la baffe latinité par le
moyen de la clef qu'en donne l'avertiffement.
Ce travail a du coûter des recherches
de longue difcuffion , & il faudroit être
de mauvaiſe humeur pour ne pas fçavoir
gré , de leurs travaux , aux hommes qui fe
confacrent ainfi à l'utilité publique.
ÉLÉMENS DE LA PHILOSOPHIE NEWTONIENNE
, par M. Pemberton , traduit de
l'anglois , 1 vol. in- 8° avec figures , 1755,
6 liv . relié . A Paris , chez Jombert , rue
Dauphine , à l'image Notre-Dame.
Le même Libraire vient de recevoir
quelques exemplaires de la magnifique
HISTOIRE MILITAIRE du Prince Eugene de
Savoye , du Duc de Malborough , & du
Prince d'Orange & de Naffau- Frife ; enrichie
des cartes & plans néceffaires , en trois
volumes , grand in-folio. Prix 150 livres
reliés.
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Résumé : « METHODE ou maniere d'enseigner à lire par le moyen des cartes imprimées. C'est une [...] »
Le texte décrit une méthode d'enseignement de la lecture utilisant des cartes imprimées, développée initialement par M. Dumas. Cette méthode, bien que critiquée, produit des résultats positifs lorsqu'elle est correctement appliquée. Un partisan de cette méthode a simplifié le matériel nécessaire en le réduisant à une boîte contenant des cartes alphabétiques, permettant aux enfants d'apprendre à lire rapidement et sans ennui. La méthode respecte les principes originaux de M. Dumas, avec une modification concernant la prononciation des consonnes. Le texte critique également les nouvelles méthodes de lecture, soulignant que les étrangers apprennent le français tel qu'il est, malgré ses inconvénients. Il met en garde contre les réformes qui compliqueraient l'apprentissage. La méthode par cartes imprimées est jugée supérieure aux syllabaires traditionnels et permet une grande mobilité et adaptabilité. En outre, le texte mentionne des ressources pour l'étude du latin, notamment une introduction à la langue latine par la traduction et une collection d'extraits d'auteurs latins. Il loue également un vocabulaire universel latin-français, fruit de longues recherches, et signale la disponibilité de traductions d'ouvrages scientifiques comme les 'Éléments de la philosophie newtonienne' et une 'Histoire militaire' enrichie de cartes et plans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 15-21
LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
Début :
VOUS me demandez, Madame, quels sont mes amusemens à la campagne ? [...]
Mots clefs :
Amusements, Campagne, Jeu, Lecture, Misanthropie, Vérité
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
LETTRE de Mlle *** à Madame...
fur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU ..
VOUS
17628
me demandez ,, Madame
quels font mes amuſemens à la campagne
? vous pouvez vous les imaginer
fans peine , la promenade , la chaffe , la
pêche , le jeu , la table , & puis le jeu
encore , car cet éternel jeu ne finit jamais
; un peu de lecture , quelques réflexions
bonnes bonnes ou mauvaiſes ;
voilà ce qui nous occupe , non pas
fans regretter Paris : car j'aime le Spec--
tacle , il n'y en a point ici : je chéris
la liberté , on en connoît ici que le
nom : on vous l'ôte a force de fe van--
ter qu'on vous la donne. Je conviens .
qu'on a partout des devoirs de fociété
à obferver , mais ils font plus gênans
à la campagne . Si le coeur étoit.
de la partie ; fi le dévoir devenoit un
16 MERCURE DE FRANCE.
goût , il feroit plus facile à remplir.
Mais on fe voit de trop près pour ne
fe point connoître ; & il eft difficile
de s'aimer , quand on fe connoît fi
bien. Pour me fauver de la néceffité de
jouer , je fuppofe quelquefois que j'ai
des brochures à lire qu'il me faut renvoyer
à Paris , & je dis fouvent la
vérité. Je n'ai eu que quatre jours le
livre d'Emile , & vous m'avouerez que
ce n'eft pas affez .Jel'ai cependant lû tout
entier, excepté une bonne partie de la pro
feffion de foi duVicaireSavoyard.M.Rouf
feau écrit trop bien , pour qu'on puiffe
fe refufer à l'envie & au plaifir de le
lire. J'ai reconnu dans fon Emile , l'aureur
de la nouvelle Heloïfe ; mais je
ne reconnois plus l'Auteur des difcours
contre les Sciences , & fur l'égalité des
conditions , ni même de la lettre contre
les Spectacles. On pardonnoit à M.
Rouffeau , un peu de mifantropie en
faveur de la pureté de fa morale . Il
nous difoit quelquefois des vérités un
peu trop dures ; mais il les difoit avec
l'énergie qu'elles infpirent. Si la vérité
ne plaît pas toujours , elle a du moins
le droit de convaincre. M. Rouffeau
ſe plaint de nos moeurs , il a raiſon . Je
crains bien que leur maligne influence
MARS. 1763. 17
n'ait aniolli les fiennes. Ce Philofophe
févère a déridé fon front. Dans fon
Emile il difcute des matières qui ne
me paroiffent guères propre à l'éducation
d'un jeune homme . Et je crois
qu'en pareil cas les leçons intéreffent
plus le maître que l'écolier. Peut- être ,
Madame , allez -vous me taxer d'ingratitude
envers M. Rouffeau ; vous me
repréſenterez que je lui dois avec mon
fexe beaucoup de reconnoiffance , de
tout le bien qu'il en dit , de ce qu'il
daigne même en parler , foit en bien
foit en mal. Mais je ne crois pas qu'il
fe faffe pour cela beaucoup de violence.
Il aime trop les femmes pour n'y pas
penfer , & pour n'en pas parler plus
qu'il ne voudroit. On m'avoit déja
prévenue qu'il nous exaltoit beaucoup
dans fon dernier ouvrage : je n'en
puis difconvenir. Mais nous ne devons
pas , ce me femble , en tirer beaucoup
de vanité. Il a eu foin d'effacer par le
trait le plus humiliant , tout le plaifir
que cela pouvoit nous faire. Il veut
qu'une femme foit femme , & rien de
plus. Si la comparaiſon eft permiſe
Joferai représenter à M. Rouſſeau ,
qu'un homme élevé comme tout homme
l'eft felon ſon état , eft bien plus
18 MERCURE DE FRANCE.
au- deffus de fon Etre , qu'un femme.
Cependant fouvent vous le voyez qui
non content de l'éducations qu'on lui
donne , veut franchir les bornes qu'elle
lui prefcrit. Son genie tranſcendant veut
être créateur. Il ajoute aux Arts & aux
Sciences , qu'il pofféde , & veut en
produire de nouvelles . S'il s'abîme dans
dans la fpéculation , il veut lire jufques
dans l'avenir ; il interroge les aftres ,
il mefure leur étendue , leur distance ,
il prédit les révolutions qui doivent
leur arriver ; il fait plus , il veut comprendre
celui qui les a créés. Tandis
qu'il n'eft point de limites pour fon
efprit curieux , qu'il veut pénétrer ce
qui eft impénétrable , & percer le voile
que la Providence a mis fur fes décrets ;
enfin tandis qu'il s'éleve juſqu'à la Divinité
même , il ne fera pas permis à
une femme de s'élever feulement jufqu'à
l'homme , en defirant la moindre partie
de l'éducation qu'on lui donne !
Seroit- ce en l'imitant qu'on fe rendroit
indigne de lui ? je conviens qu'il faut
que chacun refte dans fa fphère ; mais
celle d'une femme eft bien étroite , &
il eft naturel de chercher à fortir de
fa prifon. Je conviens qu'il y a des devoirs
d'état à remplir ; que ceux d'une
MARS. 1763. 19
femme font éffentiels , & qu'elle doit les
préférer à toute autre occupation. Mais
enfin toutes les femmes n'ont pas
dirai-je,le bonheur ? ..le mot feroit peutêtre
hazardé : toutes les femmes , dis -je ,
Ine font pas mères; ainfi elles ne peuvent
pas toutes être entourées de hardes d'En--
fans. Que celles qui n'ont pas ce glorieux
avantage, ayent la liberté du moins
d'être entourées de brochures ; il leur ref
tera encore affez de temps pour cultiver
leurs charmes , & pour plaire même
à M. Rouleau. Mais me dira-t- il ,
elles
auront le titre de bel-efprit , & toutefille
bel- efprit , reflera fille , tant qu'ily aura
des hommes fenfes fur la terre ? Heureufement
, qu'ils ne le font pas tous , &
les Demoiſelles beaux-efprits, ne trou--
veront que trop à qui s'allier . Mais fi
elles ne trouvoient pas. ( Le Ciel nous.
offre quelquefois des Phénomènes , la
terre pourroit en offrir à fan tour , ) fi
les hommes alloient devenir raiſonna--
bles ? Eh bien , elles auroient toujours
le tire de bel efprit , & à peu de frais ,
s'il faut feulement pour l'acquérir être
entourées de brochures . Si elles font for
cées de garder le célibat : cet état peut
avoir fes douceurs ; & quoiqu'en dife
M. Diderot , dans fon Père de Famille,,
1
20 MERCURE DE FRANCE.
il ne prépare pas toujours des regrets. La
liberté qu'il laiffe , peut dédommager du
ridicule attaché au bel - efprit . Mais M.
Rouſſeau me paroît trop généreux , de
rejetter ce ridicule fur nous feules : nous
fommes trop juftes pour le recevoir
entierement ; & nous nous contentons
d'en accepter au plus la moité : car
fi l'on compte au Parnaffe neuf Mufes
pour un Apollon , à peine peut-on compter
ici-bas , une mufe pour un bien plus
grand nombre d'Apollons ; & malgré
leur rareté , M. Rouffeau femble douter
encore de leur propre éxiſtence !
Je lui pardonne de nous avoir menacées
de ne point trouver d'époux ce font
de ces malheurs qu'on peut fupporter;
d'ailleurs , l'effet ne fuit pas toujours la
menace. Je lui pardonne auffi de nous
accufer de n'avoir point de génie ; nous
nous contentons de l'efprit , puifqu'il
veut bien nous le laiffer. Mais je ne
lui pardonne point d'ofer affurer , que
toute femme qui écrit a quelqu'un
qui lui conduit la main. Il ne nous
laiffe pas même la gloire de faire du
mauvais. Je ne fçai ; mais il me femble
qu'un Auteur eft trop amoureux de
fes ouvrages , pour les donner ainfi gra
tuitement. Il auroit pourtant dû nom-
?
MARS. 1763. 21
mer les plumes élégantes qui ont bien
voulu facrifier leur gloire à celles des
Sévignés , des la Suze , & des autres
Dames illuftres du dernier fiécle.
A l'égard des modernes qui ont quelque
réputation , M. Rouffeau auroit
pû les prier de fe laiffer enfermer ſeulement
vingt-quatre heures , avec de l'encre
& du papier , & par ce qu'elles auroient
produit , il auroit jugé de leurs
talens. Vous me direz , fans doute ,
Madame , qu'on peur douter de bien
des chofes , lorfqu'on doute de la révélation
: mais tout ce que M. Rouſſeau
dira contre notre Religion , ne lui portera
aucune atteinte. Qu'il prenne le
ton férieux , où le ton ironique , fes
raiſonnemens ne pourront l'ébranler ;
la Religion fe foutient d'elle-même , &
trouve un défenfeur dans chaque confcience
. Mais nous, qui ofera nous défendre
, quand M. Rouffeau nous attaque ?
Il faut donc fe taire , car je n'ai déjà
peut- être que trop parlé. Permettez -moi
feulement, de vous affurer de la vive
fincérité des fentimens avec lesquels
J'ai l'honneur d'être , & c.
fur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU ..
VOUS
17628
me demandez ,, Madame
quels font mes amuſemens à la campagne
? vous pouvez vous les imaginer
fans peine , la promenade , la chaffe , la
pêche , le jeu , la table , & puis le jeu
encore , car cet éternel jeu ne finit jamais
; un peu de lecture , quelques réflexions
bonnes bonnes ou mauvaiſes ;
voilà ce qui nous occupe , non pas
fans regretter Paris : car j'aime le Spec--
tacle , il n'y en a point ici : je chéris
la liberté , on en connoît ici que le
nom : on vous l'ôte a force de fe van--
ter qu'on vous la donne. Je conviens .
qu'on a partout des devoirs de fociété
à obferver , mais ils font plus gênans
à la campagne . Si le coeur étoit.
de la partie ; fi le dévoir devenoit un
16 MERCURE DE FRANCE.
goût , il feroit plus facile à remplir.
Mais on fe voit de trop près pour ne
fe point connoître ; & il eft difficile
de s'aimer , quand on fe connoît fi
bien. Pour me fauver de la néceffité de
jouer , je fuppofe quelquefois que j'ai
des brochures à lire qu'il me faut renvoyer
à Paris , & je dis fouvent la
vérité. Je n'ai eu que quatre jours le
livre d'Emile , & vous m'avouerez que
ce n'eft pas affez .Jel'ai cependant lû tout
entier, excepté une bonne partie de la pro
feffion de foi duVicaireSavoyard.M.Rouf
feau écrit trop bien , pour qu'on puiffe
fe refufer à l'envie & au plaifir de le
lire. J'ai reconnu dans fon Emile , l'aureur
de la nouvelle Heloïfe ; mais je
ne reconnois plus l'Auteur des difcours
contre les Sciences , & fur l'égalité des
conditions , ni même de la lettre contre
les Spectacles. On pardonnoit à M.
Rouffeau , un peu de mifantropie en
faveur de la pureté de fa morale . Il
nous difoit quelquefois des vérités un
peu trop dures ; mais il les difoit avec
l'énergie qu'elles infpirent. Si la vérité
ne plaît pas toujours , elle a du moins
le droit de convaincre. M. Rouffeau
ſe plaint de nos moeurs , il a raiſon . Je
crains bien que leur maligne influence
MARS. 1763. 17
n'ait aniolli les fiennes. Ce Philofophe
févère a déridé fon front. Dans fon
Emile il difcute des matières qui ne
me paroiffent guères propre à l'éducation
d'un jeune homme . Et je crois
qu'en pareil cas les leçons intéreffent
plus le maître que l'écolier. Peut- être ,
Madame , allez -vous me taxer d'ingratitude
envers M. Rouffeau ; vous me
repréſenterez que je lui dois avec mon
fexe beaucoup de reconnoiffance , de
tout le bien qu'il en dit , de ce qu'il
daigne même en parler , foit en bien
foit en mal. Mais je ne crois pas qu'il
fe faffe pour cela beaucoup de violence.
Il aime trop les femmes pour n'y pas
penfer , & pour n'en pas parler plus
qu'il ne voudroit. On m'avoit déja
prévenue qu'il nous exaltoit beaucoup
dans fon dernier ouvrage : je n'en
puis difconvenir. Mais nous ne devons
pas , ce me femble , en tirer beaucoup
de vanité. Il a eu foin d'effacer par le
trait le plus humiliant , tout le plaifir
que cela pouvoit nous faire. Il veut
qu'une femme foit femme , & rien de
plus. Si la comparaiſon eft permiſe
Joferai représenter à M. Rouſſeau ,
qu'un homme élevé comme tout homme
l'eft felon ſon état , eft bien plus
18 MERCURE DE FRANCE.
au- deffus de fon Etre , qu'un femme.
Cependant fouvent vous le voyez qui
non content de l'éducations qu'on lui
donne , veut franchir les bornes qu'elle
lui prefcrit. Son genie tranſcendant veut
être créateur. Il ajoute aux Arts & aux
Sciences , qu'il pofféde , & veut en
produire de nouvelles . S'il s'abîme dans
dans la fpéculation , il veut lire jufques
dans l'avenir ; il interroge les aftres ,
il mefure leur étendue , leur distance ,
il prédit les révolutions qui doivent
leur arriver ; il fait plus , il veut comprendre
celui qui les a créés. Tandis
qu'il n'eft point de limites pour fon
efprit curieux , qu'il veut pénétrer ce
qui eft impénétrable , & percer le voile
que la Providence a mis fur fes décrets ;
enfin tandis qu'il s'éleve juſqu'à la Divinité
même , il ne fera pas permis à
une femme de s'élever feulement jufqu'à
l'homme , en defirant la moindre partie
de l'éducation qu'on lui donne !
Seroit- ce en l'imitant qu'on fe rendroit
indigne de lui ? je conviens qu'il faut
que chacun refte dans fa fphère ; mais
celle d'une femme eft bien étroite , &
il eft naturel de chercher à fortir de
fa prifon. Je conviens qu'il y a des devoirs
d'état à remplir ; que ceux d'une
MARS. 1763. 19
femme font éffentiels , & qu'elle doit les
préférer à toute autre occupation. Mais
enfin toutes les femmes n'ont pas
dirai-je,le bonheur ? ..le mot feroit peutêtre
hazardé : toutes les femmes , dis -je ,
Ine font pas mères; ainfi elles ne peuvent
pas toutes être entourées de hardes d'En--
fans. Que celles qui n'ont pas ce glorieux
avantage, ayent la liberté du moins
d'être entourées de brochures ; il leur ref
tera encore affez de temps pour cultiver
leurs charmes , & pour plaire même
à M. Rouleau. Mais me dira-t- il ,
elles
auront le titre de bel-efprit , & toutefille
bel- efprit , reflera fille , tant qu'ily aura
des hommes fenfes fur la terre ? Heureufement
, qu'ils ne le font pas tous , &
les Demoiſelles beaux-efprits, ne trou--
veront que trop à qui s'allier . Mais fi
elles ne trouvoient pas. ( Le Ciel nous.
offre quelquefois des Phénomènes , la
terre pourroit en offrir à fan tour , ) fi
les hommes alloient devenir raiſonna--
bles ? Eh bien , elles auroient toujours
le tire de bel efprit , & à peu de frais ,
s'il faut feulement pour l'acquérir être
entourées de brochures . Si elles font for
cées de garder le célibat : cet état peut
avoir fes douceurs ; & quoiqu'en dife
M. Diderot , dans fon Père de Famille,,
1
20 MERCURE DE FRANCE.
il ne prépare pas toujours des regrets. La
liberté qu'il laiffe , peut dédommager du
ridicule attaché au bel - efprit . Mais M.
Rouſſeau me paroît trop généreux , de
rejetter ce ridicule fur nous feules : nous
fommes trop juftes pour le recevoir
entierement ; & nous nous contentons
d'en accepter au plus la moité : car
fi l'on compte au Parnaffe neuf Mufes
pour un Apollon , à peine peut-on compter
ici-bas , une mufe pour un bien plus
grand nombre d'Apollons ; & malgré
leur rareté , M. Rouffeau femble douter
encore de leur propre éxiſtence !
Je lui pardonne de nous avoir menacées
de ne point trouver d'époux ce font
de ces malheurs qu'on peut fupporter;
d'ailleurs , l'effet ne fuit pas toujours la
menace. Je lui pardonne auffi de nous
accufer de n'avoir point de génie ; nous
nous contentons de l'efprit , puifqu'il
veut bien nous le laiffer. Mais je ne
lui pardonne point d'ofer affurer , que
toute femme qui écrit a quelqu'un
qui lui conduit la main. Il ne nous
laiffe pas même la gloire de faire du
mauvais. Je ne fçai ; mais il me femble
qu'un Auteur eft trop amoureux de
fes ouvrages , pour les donner ainfi gra
tuitement. Il auroit pourtant dû nom-
?
MARS. 1763. 21
mer les plumes élégantes qui ont bien
voulu facrifier leur gloire à celles des
Sévignés , des la Suze , & des autres
Dames illuftres du dernier fiécle.
A l'égard des modernes qui ont quelque
réputation , M. Rouffeau auroit
pû les prier de fe laiffer enfermer ſeulement
vingt-quatre heures , avec de l'encre
& du papier , & par ce qu'elles auroient
produit , il auroit jugé de leurs
talens. Vous me direz , fans doute ,
Madame , qu'on peur douter de bien
des chofes , lorfqu'on doute de la révélation
: mais tout ce que M. Rouſſeau
dira contre notre Religion , ne lui portera
aucune atteinte. Qu'il prenne le
ton férieux , où le ton ironique , fes
raiſonnemens ne pourront l'ébranler ;
la Religion fe foutient d'elle-même , &
trouve un défenfeur dans chaque confcience
. Mais nous, qui ofera nous défendre
, quand M. Rouffeau nous attaque ?
Il faut donc fe taire , car je n'ai déjà
peut- être que trop parlé. Permettez -moi
feulement, de vous affurer de la vive
fincérité des fentimens avec lesquels
J'ai l'honneur d'être , & c.
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Résumé : LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
Dans sa lettre à Madame, Mlle *** décrit ses activités à la campagne, qui incluent des promenades, la chasse, la pêche, le jeu et un peu de lecture. Elle regrette de ne pas avoir plus de temps pour lire 'Émile' de Jean-Jacques Rousseau, bien qu'elle ait lu la majeure partie du livre, à l'exception de la profession de foi du Vicaire savoyard. Elle reconnaît Rousseau comme l'auteur de 'La Nouvelle Héloïse' mais ne retrouve pas le Rousseau des 'Discours contre les Sciences' ou de la lettre contre les Spectacles. Mlle *** critique Rousseau pour avoir adouci ses positions morales et pour avoir discuté de sujets inappropriés pour l'éducation d'un jeune homme dans 'Émile'. Elle souligne que Rousseau, malgré sa misanthropie, a une vision exaltée des femmes tout en les limitant à leur rôle traditionnel. Elle argue que les femmes devraient avoir plus de liberté et d'éducation, même si elles ne sont pas mères. Elle conteste l'idée de Rousseau que les femmes écrivains sont nécessairement guidées par quelqu'un d'autre et défend la capacité des femmes à écrire et à avoir de l'esprit. Enfin, Mlle *** affirme que les attaques de Rousseau contre la religion ne l'ébranleront pas et exprime son désir de se défendre contre ses critiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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