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51
p. 2070-2072
« Les menaces de l'Empereur, ni même la marche des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le [...] »
Début :
Les menaces de l'Empereur, ni même la marche des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le [...]
Mots clefs :
Empereur, Troupes, Mois, Ville, Camp, Roi, Pologne, Électeur de Saxe
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texteReconnaissance textuelle : « Les menaces de l'Empereur, ni même la marche des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le [...] »
Les menaces de l'Empereur , ni même la marche
des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le
Duc Charles Leopold de Meckelbourg à ceder
l'administration de ses Etats au Duc Louis- Chrétien
son frere , n'ont pû le déterminer à șe sou- i
mettre au Decret Imperial. Il a déclaré par plusieurs
Manifestes qu'il ne reconnoissoit aucune
Puissance qui eût droit de le dépouiller d'une
autorité qu'il ne tenoit que de ses Ancêtres , et
qu'il étoit résolu de la soutenir jusqu'à la derniere
extremité. Il a pourvû en même- temps la
Ville de Schwerin de toutes les munitions nécessaires
pour une longue résistance , et il s'y est
rsnfermé dans le dessein de ne se rendre que lorsqu'il
ne lui restera plus aucune ressource . Une
partie des Habitans du Duché , et presque tous
les Païsans des environs de cette Ville , lui sont
demeurez fideles ; ce Prince ayant fait publier
que ses Sujets prissent les Armes , tous ceux qui
sont en état de les porter , obéirent . Ils se rendirent
le 14 Septembre par troupes dans la Plaine
vis-à- vis la principale Porte de la Ville, Quelquesuns
même se détacherent le lendemain pour al
ler reconnoître un Corps de 600. hommes que ›
la Commisson Impériale a déja fait entrer dans
ce Duché pour y faire mettre le Decret de l'Empereur
à execution , et qui a pris ses quartiers
dans quelques Villages voisins , mais qui ne pa-.
Loft plus dans la Place depuis que la Garnison
lui
SEPTEMBRE. 1733. 2701
lui a enlevé plusieurs Soldats dans une sortie
qu'elle fit la nuit du 10 au 11. de ce mois.
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice.
Antoine Solari de Broglio , et M. de Heunisch ,
Ministres Plénipotentiaires du Roy de Sardai
gne , reçurent le 1o. de ce mois des mains de
P'Empereur , au nom du Roy leur Maître , l'investiture
de toutes les parties de ses Etats qui
sont Fiefs de l'Empire. Tous les Ministres d'Etat
et la plus grande partie de la principale Noblesse
assisterent à cette Cérémonie.
Le 13. S. M. I. assista à la Procession solemnelle
que le Clergé Séculier et Régulier a coûtume
de faire tous les ans à pareil jour , elle assista
ensnite dans l'Eglise Métropolitaine à la Messe
qui fut celebrée pontificalement par le Cardinal
Archevêque de Vienne , et au Te Deum qu'on
chanta , suivant l'usage , pour remercier Dieu de
la victoire que Jean Sobieski , Roy de Pologne ,
remporta sur les Turcs en 1683. et qui les obligea
de lever le Siege de devant cette Capitale.
Les Lettres de Glogaw , portent que le 30. du
mois dernier , le Prince Louis Wittemberg , avoit
fait la Revûë des Troupes qui sont campées près
de cette Place , et que le même jour les Troupes
que l'Electeur de Saxe devoit envoyer à ce Camp,
y étoient arrivées. Selon les derniers avis reçûs
de Pilsen , les Régimens de Hesse - Cassel et de
Marulli , se rendirent le 10. au Camp que l'Empereur
a formé entre cette Place et celle d'Egra.
Ceux de Konigseg et de Philippi , y arriverent
le lendemain , ils furent joints le 13. par le
Régiment de Lobkowitz , Cuirassiers , et par
celui du Comte de Soissons . Il y a actuellement
dans ce Camp 22000. hommes et 18. Pieces de
Canon.
Hij Од
107 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Rome , que dans le Consistoite
secret que le Pape tint le 2. de ce mois , le Car
dinal Ottoboni proposa l'Evêché d'Acqs pour
PAbbé Dandigné , et préconisa le P. Charles
Martin pour l'Abbaye Réguliere de N. D. de
Cuicy, Ordre de Prémontré, Diocèse de Laon,
L'Electeur de Saxe a envoyé de magnifiques
présens au Cardinal Annibal Albani , chargé des
affaires de Pologne à la Cour de Rome.
des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le
Duc Charles Leopold de Meckelbourg à ceder
l'administration de ses Etats au Duc Louis- Chrétien
son frere , n'ont pû le déterminer à șe sou- i
mettre au Decret Imperial. Il a déclaré par plusieurs
Manifestes qu'il ne reconnoissoit aucune
Puissance qui eût droit de le dépouiller d'une
autorité qu'il ne tenoit que de ses Ancêtres , et
qu'il étoit résolu de la soutenir jusqu'à la derniere
extremité. Il a pourvû en même- temps la
Ville de Schwerin de toutes les munitions nécessaires
pour une longue résistance , et il s'y est
rsnfermé dans le dessein de ne se rendre que lorsqu'il
ne lui restera plus aucune ressource . Une
partie des Habitans du Duché , et presque tous
les Païsans des environs de cette Ville , lui sont
demeurez fideles ; ce Prince ayant fait publier
que ses Sujets prissent les Armes , tous ceux qui
sont en état de les porter , obéirent . Ils se rendirent
le 14 Septembre par troupes dans la Plaine
vis-à- vis la principale Porte de la Ville, Quelquesuns
même se détacherent le lendemain pour al
ler reconnoître un Corps de 600. hommes que ›
la Commisson Impériale a déja fait entrer dans
ce Duché pour y faire mettre le Decret de l'Empereur
à execution , et qui a pris ses quartiers
dans quelques Villages voisins , mais qui ne pa-.
Loft plus dans la Place depuis que la Garnison
lui
SEPTEMBRE. 1733. 2701
lui a enlevé plusieurs Soldats dans une sortie
qu'elle fit la nuit du 10 au 11. de ce mois.
On apprend de Vienne, que le Comte Maurice.
Antoine Solari de Broglio , et M. de Heunisch ,
Ministres Plénipotentiaires du Roy de Sardai
gne , reçurent le 1o. de ce mois des mains de
P'Empereur , au nom du Roy leur Maître , l'investiture
de toutes les parties de ses Etats qui
sont Fiefs de l'Empire. Tous les Ministres d'Etat
et la plus grande partie de la principale Noblesse
assisterent à cette Cérémonie.
Le 13. S. M. I. assista à la Procession solemnelle
que le Clergé Séculier et Régulier a coûtume
de faire tous les ans à pareil jour , elle assista
ensnite dans l'Eglise Métropolitaine à la Messe
qui fut celebrée pontificalement par le Cardinal
Archevêque de Vienne , et au Te Deum qu'on
chanta , suivant l'usage , pour remercier Dieu de
la victoire que Jean Sobieski , Roy de Pologne ,
remporta sur les Turcs en 1683. et qui les obligea
de lever le Siege de devant cette Capitale.
Les Lettres de Glogaw , portent que le 30. du
mois dernier , le Prince Louis Wittemberg , avoit
fait la Revûë des Troupes qui sont campées près
de cette Place , et que le même jour les Troupes
que l'Electeur de Saxe devoit envoyer à ce Camp,
y étoient arrivées. Selon les derniers avis reçûs
de Pilsen , les Régimens de Hesse - Cassel et de
Marulli , se rendirent le 10. au Camp que l'Empereur
a formé entre cette Place et celle d'Egra.
Ceux de Konigseg et de Philippi , y arriverent
le lendemain , ils furent joints le 13. par le
Régiment de Lobkowitz , Cuirassiers , et par
celui du Comte de Soissons . Il y a actuellement
dans ce Camp 22000. hommes et 18. Pieces de
Canon.
Hij Од
107 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Rome , que dans le Consistoite
secret que le Pape tint le 2. de ce mois , le Car
dinal Ottoboni proposa l'Evêché d'Acqs pour
PAbbé Dandigné , et préconisa le P. Charles
Martin pour l'Abbaye Réguliere de N. D. de
Cuicy, Ordre de Prémontré, Diocèse de Laon,
L'Electeur de Saxe a envoyé de magnifiques
présens au Cardinal Annibal Albani , chargé des
affaires de Pologne à la Cour de Rome.
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Résumé : « Les menaces de l'Empereur, ni même la marche des Troupes qu'il a envoyées pour forcer le [...] »
Le Duc Charles Léopold de Mecklembourg refuse de céder l'administration de ses États au Duc Louis-Chrétien, son frère, malgré les menaces et les troupes impériales. Il affirme ne reconnaître aucune autorité pouvant le dépouiller de son pouvoir héréditaire et se prépare à résister. Il fortifie la ville de Schwerin et y rassemble des munitions. Une partie des habitants et des paysans lui restent fidèles et prennent les armes. Le 14 septembre, ils se rassemblent près de la ville pour le soutenir. La garnison de Schwerin attaque un corps de troupes impériales, capturant plusieurs soldats. À Vienne, les ministres plénipotentiaires du Roi de Sardaigne reçoivent l'investiture impériale pour les fiefs impériaux. L'Empereur célèbre la victoire de Jean Sobieski sur les Turcs en 1683. À Glogau, le Prince Louis Wittemberg passe en revue les troupes, et plusieurs régiments rejoignent le camp impérial entre Pilsen et Egra, totalisant 22 000 hommes et 18 pièces de canon. À Rome, le Cardinal Ottoboni propose des nominations ecclésiastiques lors d'un consistoire secret, et l'Électeur de Saxe envoie des présents au Cardinal Annibal Albani, chargé des affaires de Pologne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 2267-2275
Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 15 de ce mois, on distribua à l'Imprimerie Royale, un imprimé, intitulé : Motifs [...]
Mots clefs :
Roi de Pologne, Pologne, Empereur, République, Prince, Cour de Vienne, Armes, Électeur de Saxe, Europe, Liberté, Troupes, Trône, Élection, Couronne, Paix, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
L
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
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Résumé : Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
En octobre 1733, un imprimé intitulé 'Motifs des Résolutions du Roy' est distribué à l'Imprimerie Royale. Le roi de France y expose sa modération et son amour pour la paix, tout en soulignant que les ennemis de la France l'ont contraint à prendre les armes. Cette décision vise à défendre la dignité de sa couronne, la gloire de la nation française, ainsi que l'honneur et la liberté de la Pologne. Depuis la vacance du trône de Pologne, le roi a respecté la liberté polonaise et a protégé la Pologne face aux menaces extérieures. Cependant, la Cour de Vienne, encouragée par des mesures favorables à ses projets, a adopté des termes offensants et a incité des troupes ennemies à menacer la Pologne. Le roi de France a suspendu ses préparatifs de vengeance jusqu'à ce qu'il ne puisse plus conserver la paix sans blesser sa dignité. L'Empereur et la Czarine ont tenté d'imposer leurs choix pour le trône de Pologne, malgré les serments et les lois polonaises. Les troupes moscovites, saxonnes et impériales ont menacé et envahi la Pologne pour imposer leurs projets. Le roi de France affirme que ces actions sont la preuve que l'Empereur est l'agresseur et que la France ne cherche pas à étendre son empire mais à défendre la liberté et la paix. Les troupes françaises sont déterminées à défendre l'honneur de la France et à soutenir leur roi. Elles prennent les armes avec empressement pour venger leur souverain et protéger leurs alliés illustres menacés par les forces de l'empereur. La victoire est confiée au 'Dieu des armées'. Le roi peut invoquer ce divin soutien avec confiance, espérant que ses succès refléteront sa modération, sa patience et la pureté de ses sentiments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 2276-2277
DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
Début :
No 2. L'Empereur n'a pas jugé digne de son attention, les insinuations mal fondées, [...]
Mots clefs :
Empereur, République, Pologne, Droits, Alliés
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
·DECLARATION de l'Empereur.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
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Résumé : DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
L'Empereur répond à une accusation concernant les événements en Pologne en affirmant qu'il n'a jamais cherché à restreindre la liberté de la République polonaise. Il se présente comme garant de cette liberté, conformément aux Pacta conventa, des accords existants depuis deux siècles entre la Maison d'Autriche et les rois de Pologne. L'Empereur souligne que ses ministres ont toujours soutenu le droit à une élection libre en Pologne, sans favoriser un candidat particulier. Il exprime sa surprise face à une déclaration hostile qui lui attribue des intentions contraires à ses principes. L'Empereur affirme également son droit souverain de déplacer ses troupes en Silésie et assure qu'il agira avec justice et fermeté pour défendre ses droits et ceux de ses alliés.
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54
p. 2280-2281
ORDONNANCE du Roy, du 10 Octobre, portant Déclaration de guerre contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Début :
Sa Majesté depuis son avenement à la Couronne, n'a rien eu plus à coeur que de concourir [...]
Mots clefs :
Déclaration de guerre, Empereur, Roi, Guerre, Dieu, Officiers, Lieutenants généraux, Maréchaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ORDONNANCE du Roy, du 10 Octobre, portant Déclaration de guerre contre l'Empereur, dont la teneur suit.
ORDONNANCE du Roy , du 10
Octobre , portant Déclaration de guerre
contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Sronn
›
A Majesté depuis son avenement à la Couronne
, n'a rien eu plus à coeur que de concourir
à tout ce qui pouvoit contribuer au maintien
de la paix ; mais l'injure que l'Empereur
vient de lui faire en la personne du Roy de Pologne
son beau-pere , interesse trop l'honneur
de S. M. et la gloire de sa Couronne , pour ne
pas employer les forces que Dieu lui a confiées ,
OCTOBR E. 1733. 2281
en tirer une juste vengeance ; dans cette vûë, après
avoir répandu dans toutes les Cours de l'Europe ,
les justes motifs qui la forcent à prendre les armes,
Elle a résolu de déclarer la guerre, comme elle la
clare par la presente, par mer et par terre , à l'Empereur,
persuadée que Dieu qui connoît le desinteressement
et la justice de ses intentions , voudra
bien les favoriser de sadivine protection . Ordonne
et enjoint S.M. à tous ses Sujets, Vassaux et Serviteurs
, de courre sus aux Sujets de l'Empereur;
leur fait très - expresses inhibitions et deffenses
d'avoir cy- après avec eux aucune communication
, commerce ni intelligence , à peine de la
vie ; et en conséquence S. M. a dès - à-present
révoqué et révoque toutes permissions , passe
ports , sauve- gardes , et sauf- conduits qui pourroient
avoir été accordez par Elle , ou par ses
Lieutenans Generaux et autres ses Officiers , contraires
à la présente , et les a déclarez et déclare
nuls et de nulle valeur , deffendant à qui que ce
soit d'y avoit aucun égard. Mande et ordonne
S, M. à M. l'Amiral , aux Maréchaux de France ,
Gouverneurs et Lieutenans Generaux pour S. M.
en ses Provinces et Armées, Maréchaux de Camp,
Colonels , Mestres de Camp , Capitaines , Chefs
et Conducteurs de ses gens de guerre , tant de
cheval que de pied , François et Etrangers et
tous autres ses Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la presente ils fassent executer ,
chacun à son égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
et jurisdictions ; car telle est la volonté de
Sa Majesté , laquelle veut et entend que la présente
soit publiée et affichée en toutes ses Villes ,
tant maritimes , qu'autres , et en tous ses Ports ,
Havres et autres lieux de son Royaume et terres
de son obéissance , que besoin sera , à ce qu'aucun
n'en prétende cause d'ignorance.
Octobre , portant Déclaration de guerre
contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Sronn
›
A Majesté depuis son avenement à la Couronne
, n'a rien eu plus à coeur que de concourir
à tout ce qui pouvoit contribuer au maintien
de la paix ; mais l'injure que l'Empereur
vient de lui faire en la personne du Roy de Pologne
son beau-pere , interesse trop l'honneur
de S. M. et la gloire de sa Couronne , pour ne
pas employer les forces que Dieu lui a confiées ,
OCTOBR E. 1733. 2281
en tirer une juste vengeance ; dans cette vûë, après
avoir répandu dans toutes les Cours de l'Europe ,
les justes motifs qui la forcent à prendre les armes,
Elle a résolu de déclarer la guerre, comme elle la
clare par la presente, par mer et par terre , à l'Empereur,
persuadée que Dieu qui connoît le desinteressement
et la justice de ses intentions , voudra
bien les favoriser de sadivine protection . Ordonne
et enjoint S.M. à tous ses Sujets, Vassaux et Serviteurs
, de courre sus aux Sujets de l'Empereur;
leur fait très - expresses inhibitions et deffenses
d'avoir cy- après avec eux aucune communication
, commerce ni intelligence , à peine de la
vie ; et en conséquence S. M. a dès - à-present
révoqué et révoque toutes permissions , passe
ports , sauve- gardes , et sauf- conduits qui pourroient
avoir été accordez par Elle , ou par ses
Lieutenans Generaux et autres ses Officiers , contraires
à la présente , et les a déclarez et déclare
nuls et de nulle valeur , deffendant à qui que ce
soit d'y avoit aucun égard. Mande et ordonne
S, M. à M. l'Amiral , aux Maréchaux de France ,
Gouverneurs et Lieutenans Generaux pour S. M.
en ses Provinces et Armées, Maréchaux de Camp,
Colonels , Mestres de Camp , Capitaines , Chefs
et Conducteurs de ses gens de guerre , tant de
cheval que de pied , François et Etrangers et
tous autres ses Officiers qu'il appartiendra , que
le contenu en la presente ils fassent executer ,
chacun à son égard , dans l'étendue de leurs pouvoirs
et jurisdictions ; car telle est la volonté de
Sa Majesté , laquelle veut et entend que la présente
soit publiée et affichée en toutes ses Villes ,
tant maritimes , qu'autres , et en tous ses Ports ,
Havres et autres lieux de son Royaume et terres
de son obéissance , que besoin sera , à ce qu'aucun
n'en prétende cause d'ignorance.
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Résumé : ORDONNANCE du Roy, du 10 Octobre, portant Déclaration de guerre contre l'Empereur, dont la teneur suit.
Le 10 octobre 1733, une ordonnance royale déclare la guerre contre l'Empereur. Le roi exprime son souhait de préserver la paix depuis son accession au trône, mais une offense envers son beau-père, le roi de Pologne, par l'Empereur le contraint à réagir pour défendre son honneur et la gloire de sa couronne. Après avoir informé les cours européennes des raisons de cette décision, le roi proclame la guerre par mer et par terre. Il ordonne à tous ses sujets, vassaux et serviteurs de combattre les sujets de l'Empereur et interdit toute communication ou commerce avec eux, sous peine de mort. Toutes les autorisations contraires à cette ordonnance sont révoquées. Le roi charge ses officiers, de l'Amiral aux simples capitaines, de faire respecter cette ordonnance. La présente doit être publiée et affichée dans toutes les villes et ports du royaume pour éviter toute ignorance.
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55
p. 2500-2506
MANIFESTE de S. M. le Roi de Sardaigne.
Début :
Le Roi de Sardaigne étroitement uni au Roi de France, par les précieux liens du Sang et [...]
Mots clefs :
Roi de Sardaigne, Cour de Vienne, Empereur, Maison de Savoie, États, Royaume, Ministres, Occasion, Europe, Dignité
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texteReconnaissance textuelle : MANIFESTE de S. M. le Roi de Sardaigne.
MANIFESTE de S. M. le Roi de
Sardaigne.
E Roi de Sardaigne étroitement uni au Roi
L de France ,par les précieux liens du Sang et
de l'amitié , a vivement partagé sa juste sensibi
lité au sujet des Déclarations injurieuses , des
odieuses Négociations et des violentes voyes de
fait , par lesquelles l'Empereur a affecté de choquer
S. M. T. C. et s'est efforcé de fermer le che
min du Trône à un Prince , au sort duquel Elle
prenoit le plus tendre interêt , et qui étoit si digne
de la Couronne , que les insinuations , les
menaces et les hostilitez employées à lui enlever
les suffrages de la Nation Polonoise , n'ont pú
traverser son unanime Election.
Quoique
NOVEMBRE . 1733. 2501
1
Quoique l'esprit dominant à la Cour de Vien
ne se fut assez manifesté en Europe , pour que
les prétentions les plus étendues de sa part ne
dussent plus surprendre , on n'a pu toutesfois y
voir sans étonnement la naissance et le progrés
d'un si injuste engagement : soit que l'on considerât
la Personne du Roi , Stanislas , contre laquelle
il étoit formé , soit la dignité du Roi de
France , qu'il offençoit , soit la constitution du
Royaume de Pologne qu'il s'appoit par les fondemens,
soit enfin la nature des moyens employés à
le soutenir,tels que ceRoyaume se fut à peine attendu
à les voir mettre en oeuvre par le plus dangereux
de ses voisins .
L'objet que présente un grand Roi insulté de
propos déliberé dans l'endroit le plus sensible , et
le spectacle d'une Nation opprimée pour n'avoir
pas voulu renoncer à sa liberté , ne sçauroient
être regardez d'un ceil tranquille par aucune
Puissance. Mais combien le Roi de Sardaigne
n'a-t'il pas lieu d'en être frappé? Lui qui ne peut
s'approprier le bonheur d'une étroite parenté
avec S. M. T. C. sans participer en même tems
à l'outrage qu'on lui a intenté , ni envisager l'usage
que l'Empereur a aspiré de faire de son autorité
dans un Royaume indépendant , sans re-
Béchir aux conséquences de l'abus qu'il fait journellement
de cette même autorité dans une region
, qui lui est déja plus qu'à moitié soumise.
En vain le Roi de Sardaigne a-t-il voulu pendant
long- tems s'aveugler sur ces tristes conséquences
; la Cour de Vienne lui a fait sentir par
ses démarches qu'elle fondoit sur sa ruine celle
de la liberté de l'Italie , dont sa Maison Royale
avoit toujours été le plus ferme soutien .
Les premieres injustices de la Cour de Vienne
H iij
ont
502 MERCURE DE FRANCE
ont pour époque et pour date les tems mêmes
auxquels la Maison de Savoye faisoit les plus gé
néreux efforts en faveur de celle d'Autriche. Le
Traité d'alliance conclu en 1703. entre le feu.
Roi de Sardaigne et l'Empereur Leopold , aussi
mal executé du côté des assistances promises ,
qu'imparfaitement accompli du côté des cessions
stipulées , les considerables avances faites en ce
tems là pour l'entretien des Troupes Imperiales
en Piémont , non encore remboursées , sont les
monumens autentiques de la reconnoissance de
la Cour de Vienne.
Tel fut le traitement que le feu Roi Victor en
reçut en qualité de fidéle et d'utile Allié ; mais à
peine la dissolution de la ligue l'eut -elle obligé
d'entrer dans les mesures pacifiques qui se prirent
à Utrecht , où la pluralité des suffrages de
l'Europe lui décerna le Royaume de Sicile , par
des considerations qui devoient en perpetuer la
possession à la posterité la plus reculée ; que la
Cour de Vienne éclatant contre lui , s'en prie
d'une maniere outrageante à ses Ministres à Vien
ne et à Ratisbonne , par des Decrets aussi violens
qu'injustes , sans épargner les expressions les
plus piquantes , et sans menager la dignité toujours
respectable d'un Souverain.
Le Congrez d'Utrecht , contre lequel les Ministres
Autrichiens se déchaînoient sans cesse
avoit pourtant abondamment pourvû à la splen
deur et à l'élevation de l'Empereur , en lui assurant
la considerable addition des Pays Bas et des
Etats situez dans le continent d'Italie , à ceux
qu'il possedoit déja en Allemagne ; lui - même par
le succès de ses Armes contre le Turc avoit reculé
bien loin les bornes de sa domination du
ôté de la Hongrie et de la Transilvanie, Tant
do
NOVEMBRE . 1733. 2508
de prosperités devoient combler les voeux de la
Cour de Vienne . Cependant la seule Sicile échuë
au Roi Victor, étoit encore un objet suffisant à la
troubler. Il falut la lui ceder par un Traité qui
laissoit néanmoins jour à une discussion avantageuse
au nouveau Roi de Sardaigne. C'est ainsi
que la Maison de Savoye étoit sans cesse desti
née à contribuer à l'agrandissement de celle d'Autriche
, tantôt par les services les plus signalez »
tantôt par les sacrifices les plus coûteux.
N'auroit-on pas cru que la Cour de Vienne
dont on assouvissoit à l'envi les desirs , se seroit
du moins portée à rendre justice au Roi de Sardaigne
sur des articles moins essentiels , que la
sage disposition des Puissances contractantes
avoit renvoyées au Congrez désigné à Cambray,
Tant de condescendances ne firent qu'augmenter
sa dureté : envain les Plénipotentiaires s'y assemblerent
, la lenteur affectée , et l'infléxibilité des
Ministres Imperiaux firent perdre tout le fruit
de cette convocation , et même tout espoir de
voir renaître une occasion favorable de reparer
les préjudices supportez.
Le Roi de Sardaigne entierement livré parla à
la Cour de Vienne , sur le point de sa légitime
satisfaction , éprouva déslors tout le poids de
son aliénation pour lui. Elle n'a cessé depuis de
lui susciter des oppositions et des contestations
de toute espece.
Elle avoit déja prétendu mettre le Roi de Sar→
daigne au rang des simples Vassaux et Feuda
taires par rapport aux contributions , et cela de
l'autorité privée de l'Empereur , et de celle de son
Conseil , sans aucune délibération de la Diette ,
et même sur des lieux qui ont été declarez indé,
pendans de l'Empire par la Paix de Munster , re,
Hij gardée
2 (04 MER CURE DE FRANCE
gardée comme Loy sacrée et fondamentale pour
tout le Corps Germanique .
Elle a permis au Conseil Aulique d'écouter et
d'encourager les Vassaux et Sujets du Roi de Sardaigne
, au préjudice de la prérogative dont il
joint par sa Dignité de Vicaire de l'Empire , et
par les Diplômes accordez par les Empereurs à
la Maison de Savoye.
" Elle lui a formé des difficultez recherchées en
toute occasion , soit dans les Aquisitions qu'il a
faites de l'Empereur à prix d'argent , soit dans
les Investitures générales de ses Etats, en lui disputant
tantôt les Titres , tantôt les Distinctions
dont sa Maison a joui autrefois , et cela même
en s'éloignant par un exemple presque inoui , de
l'avis du Conseil Aulique.
Elle a éludé par des délais infinis la demande
des Titres et autres Ecritures appartenantes au
Duché de Montferrat , dont la rémission est
expressément stipulée par les mêmes Traitez ,
qui portent la cession de cet Etat , et vingt ans
de sollicitations n'ont pû les obtenir.
Afin d'ôter au Roy de Sardaigne les moyens
de se deffendre , elle a prétendu lui limiter la liberté
absolue de fortifier ses Places , que le droit
naturel , aussi- bien que les Traitez , lui accordent
; elle a tâché de forcer par des interprétations
artificieuses le vrai sens des mêmes Traitez.
Elle a fomenté avec soin et soutenu avec hauteur
, les injustes prétentions des Terres de l'Etat
de Milan , confinantes avec les Etats du Roy
de Sardaigne , rejettant même toutes les ouvertures
d'un raisonnable accord , souvent proposées
par ce Prince , la Cour de Vienne affectant
de tenir cette voye ouverte pour l'inquiéter et
roubler sa Jurisdiction.
Enfin
NOVEMBRE. 1733. 2505
•
Enfin la Cour de Vienne attentive aux occasions
de choquer celle de Turin par les endroits
les plus sensibles, a choisi le moment que les
Plenipotentiaires du Roy de Sardaigne alloient
prêter l'hommage de cette partie de ses Etats qui
reléve de l'Empice , pour introduire par surprise
une étrange nouveauté , et une odieuse distinction
contre l'usage établi , et recemment pratitiqué
envers les Rois d'Angleterre , de Dannemarc
et de Suede : Et sur les vives protestations
qui lui ont été faites à ce sujet par les Ministres
du Roi de Sardaigne, elle a prétendu reparer l'offense
au moyen de quelques excuses privées et
échapées par occasion à un Officier de la Cour
de l'Empereur , dont il a refusé de donner Acte.
Dans ces circonstances , le Roi de France qui
de son côté avoit donné pendant long- tems à la
Cour de Vienne les exemples de la plus singuliere
moderation , et les preuves de la plus sage tolerance
, a jugé qu'une pareille conduite cesseroit
d'être louable , dés qu'elle devenoit incompatible
avec sa gloire personnelle , l'honneur de son
Royaume , et l'appui qu'il devoir à ses Alliez . 11.
s'est déterminé à déclarer la Guerre à l'Empereur,
et a invité le Roi de Sardaigne à prendre à cette
Guerre la même part qu'il prenoit aux Motifs.
qui la rendoient indispensable.
Le Roi de Sardaigne engagé par tant d'endroits:
à épouser le jufte ressentiment de S. M. T. C.
ayant de plus ses propres griefs à reparer , convaincu
par une longue experience , que les maximes
de la Cour de Vienne , invariables sur son
compte , tendoient à miner sa Souveraineté , en.
attendant l'occasion de l'opprimer sans ressour
ce. Confirmé dans cette certitude par des exem
ples capables d'allarmer les plus grandes Puis-
Hr sances,
2506 MFRCURE DE FRANCE
sances , a signé un Traité , joignant avec confiance
ses Armes à celles d'un Prince , qui dépouillé
d'ambition , n'a cherché à se distinguer
en Europe que par son amour pour la Paix et par
l'équité de ses desseins .
Le Roy de Sardaigne , en qualité de Souverain
indépendant , est dispensé d'autoriser par des
exemples , les mesures qu'il est contraint de
prendre contre l'Empereur en qualité de Princes
de l'Empire , il en a d'illustres à suivre . Il sçau
ia s'y conformer en maintenant une indissolu
ble union avec cet Auguste Corps , et une par
faite amitié avec les dignes Membres qui le
composent , du nombre desquels il fait gloire
d'être.
C'est donc pour l'honneur de ses Augustes Alliez
, pour le sien propre , pour sa sureté , pour
la tranquillité et le bonheur de ses Etats , que le
Roy de Sardaigne , après avoir marqué par tou
tes ses déterminations, un sincere désir de maintenir
la bonne intelligence avec ses voisins , et d'é
pargner ses Peuples les calamitez de la guerre ,
prend maintenant les Armes .
à
En agissant par des motifs si dignes de déterminer
un Souverain , il espere non seulement .
de trouver dans ses Sujets les mêmes ressources
de zele , de fidélité et de valeur , que ses Augustes
Prédecesseurs ont trouvées en eux , mais aussi
que le Dieu desArmées protegera sa cause et qu'il
benira par d'heureux succès la justice de ses
desseins ,
Sardaigne.
E Roi de Sardaigne étroitement uni au Roi
L de France ,par les précieux liens du Sang et
de l'amitié , a vivement partagé sa juste sensibi
lité au sujet des Déclarations injurieuses , des
odieuses Négociations et des violentes voyes de
fait , par lesquelles l'Empereur a affecté de choquer
S. M. T. C. et s'est efforcé de fermer le che
min du Trône à un Prince , au sort duquel Elle
prenoit le plus tendre interêt , et qui étoit si digne
de la Couronne , que les insinuations , les
menaces et les hostilitez employées à lui enlever
les suffrages de la Nation Polonoise , n'ont pú
traverser son unanime Election.
Quoique
NOVEMBRE . 1733. 2501
1
Quoique l'esprit dominant à la Cour de Vien
ne se fut assez manifesté en Europe , pour que
les prétentions les plus étendues de sa part ne
dussent plus surprendre , on n'a pu toutesfois y
voir sans étonnement la naissance et le progrés
d'un si injuste engagement : soit que l'on considerât
la Personne du Roi , Stanislas , contre laquelle
il étoit formé , soit la dignité du Roi de
France , qu'il offençoit , soit la constitution du
Royaume de Pologne qu'il s'appoit par les fondemens,
soit enfin la nature des moyens employés à
le soutenir,tels que ceRoyaume se fut à peine attendu
à les voir mettre en oeuvre par le plus dangereux
de ses voisins .
L'objet que présente un grand Roi insulté de
propos déliberé dans l'endroit le plus sensible , et
le spectacle d'une Nation opprimée pour n'avoir
pas voulu renoncer à sa liberté , ne sçauroient
être regardez d'un ceil tranquille par aucune
Puissance. Mais combien le Roi de Sardaigne
n'a-t'il pas lieu d'en être frappé? Lui qui ne peut
s'approprier le bonheur d'une étroite parenté
avec S. M. T. C. sans participer en même tems
à l'outrage qu'on lui a intenté , ni envisager l'usage
que l'Empereur a aspiré de faire de son autorité
dans un Royaume indépendant , sans re-
Béchir aux conséquences de l'abus qu'il fait journellement
de cette même autorité dans une region
, qui lui est déja plus qu'à moitié soumise.
En vain le Roi de Sardaigne a-t-il voulu pendant
long- tems s'aveugler sur ces tristes conséquences
; la Cour de Vienne lui a fait sentir par
ses démarches qu'elle fondoit sur sa ruine celle
de la liberté de l'Italie , dont sa Maison Royale
avoit toujours été le plus ferme soutien .
Les premieres injustices de la Cour de Vienne
H iij
ont
502 MERCURE DE FRANCE
ont pour époque et pour date les tems mêmes
auxquels la Maison de Savoye faisoit les plus gé
néreux efforts en faveur de celle d'Autriche. Le
Traité d'alliance conclu en 1703. entre le feu.
Roi de Sardaigne et l'Empereur Leopold , aussi
mal executé du côté des assistances promises ,
qu'imparfaitement accompli du côté des cessions
stipulées , les considerables avances faites en ce
tems là pour l'entretien des Troupes Imperiales
en Piémont , non encore remboursées , sont les
monumens autentiques de la reconnoissance de
la Cour de Vienne.
Tel fut le traitement que le feu Roi Victor en
reçut en qualité de fidéle et d'utile Allié ; mais à
peine la dissolution de la ligue l'eut -elle obligé
d'entrer dans les mesures pacifiques qui se prirent
à Utrecht , où la pluralité des suffrages de
l'Europe lui décerna le Royaume de Sicile , par
des considerations qui devoient en perpetuer la
possession à la posterité la plus reculée ; que la
Cour de Vienne éclatant contre lui , s'en prie
d'une maniere outrageante à ses Ministres à Vien
ne et à Ratisbonne , par des Decrets aussi violens
qu'injustes , sans épargner les expressions les
plus piquantes , et sans menager la dignité toujours
respectable d'un Souverain.
Le Congrez d'Utrecht , contre lequel les Ministres
Autrichiens se déchaînoient sans cesse
avoit pourtant abondamment pourvû à la splen
deur et à l'élevation de l'Empereur , en lui assurant
la considerable addition des Pays Bas et des
Etats situez dans le continent d'Italie , à ceux
qu'il possedoit déja en Allemagne ; lui - même par
le succès de ses Armes contre le Turc avoit reculé
bien loin les bornes de sa domination du
ôté de la Hongrie et de la Transilvanie, Tant
do
NOVEMBRE . 1733. 2508
de prosperités devoient combler les voeux de la
Cour de Vienne . Cependant la seule Sicile échuë
au Roi Victor, étoit encore un objet suffisant à la
troubler. Il falut la lui ceder par un Traité qui
laissoit néanmoins jour à une discussion avantageuse
au nouveau Roi de Sardaigne. C'est ainsi
que la Maison de Savoye étoit sans cesse desti
née à contribuer à l'agrandissement de celle d'Autriche
, tantôt par les services les plus signalez »
tantôt par les sacrifices les plus coûteux.
N'auroit-on pas cru que la Cour de Vienne
dont on assouvissoit à l'envi les desirs , se seroit
du moins portée à rendre justice au Roi de Sardaigne
sur des articles moins essentiels , que la
sage disposition des Puissances contractantes
avoit renvoyées au Congrez désigné à Cambray,
Tant de condescendances ne firent qu'augmenter
sa dureté : envain les Plénipotentiaires s'y assemblerent
, la lenteur affectée , et l'infléxibilité des
Ministres Imperiaux firent perdre tout le fruit
de cette convocation , et même tout espoir de
voir renaître une occasion favorable de reparer
les préjudices supportez.
Le Roi de Sardaigne entierement livré parla à
la Cour de Vienne , sur le point de sa légitime
satisfaction , éprouva déslors tout le poids de
son aliénation pour lui. Elle n'a cessé depuis de
lui susciter des oppositions et des contestations
de toute espece.
Elle avoit déja prétendu mettre le Roi de Sar→
daigne au rang des simples Vassaux et Feuda
taires par rapport aux contributions , et cela de
l'autorité privée de l'Empereur , et de celle de son
Conseil , sans aucune délibération de la Diette ,
et même sur des lieux qui ont été declarez indé,
pendans de l'Empire par la Paix de Munster , re,
Hij gardée
2 (04 MER CURE DE FRANCE
gardée comme Loy sacrée et fondamentale pour
tout le Corps Germanique .
Elle a permis au Conseil Aulique d'écouter et
d'encourager les Vassaux et Sujets du Roi de Sardaigne
, au préjudice de la prérogative dont il
joint par sa Dignité de Vicaire de l'Empire , et
par les Diplômes accordez par les Empereurs à
la Maison de Savoye.
" Elle lui a formé des difficultez recherchées en
toute occasion , soit dans les Aquisitions qu'il a
faites de l'Empereur à prix d'argent , soit dans
les Investitures générales de ses Etats, en lui disputant
tantôt les Titres , tantôt les Distinctions
dont sa Maison a joui autrefois , et cela même
en s'éloignant par un exemple presque inoui , de
l'avis du Conseil Aulique.
Elle a éludé par des délais infinis la demande
des Titres et autres Ecritures appartenantes au
Duché de Montferrat , dont la rémission est
expressément stipulée par les mêmes Traitez ,
qui portent la cession de cet Etat , et vingt ans
de sollicitations n'ont pû les obtenir.
Afin d'ôter au Roy de Sardaigne les moyens
de se deffendre , elle a prétendu lui limiter la liberté
absolue de fortifier ses Places , que le droit
naturel , aussi- bien que les Traitez , lui accordent
; elle a tâché de forcer par des interprétations
artificieuses le vrai sens des mêmes Traitez.
Elle a fomenté avec soin et soutenu avec hauteur
, les injustes prétentions des Terres de l'Etat
de Milan , confinantes avec les Etats du Roy
de Sardaigne , rejettant même toutes les ouvertures
d'un raisonnable accord , souvent proposées
par ce Prince , la Cour de Vienne affectant
de tenir cette voye ouverte pour l'inquiéter et
roubler sa Jurisdiction.
Enfin
NOVEMBRE. 1733. 2505
•
Enfin la Cour de Vienne attentive aux occasions
de choquer celle de Turin par les endroits
les plus sensibles, a choisi le moment que les
Plenipotentiaires du Roy de Sardaigne alloient
prêter l'hommage de cette partie de ses Etats qui
reléve de l'Empice , pour introduire par surprise
une étrange nouveauté , et une odieuse distinction
contre l'usage établi , et recemment pratitiqué
envers les Rois d'Angleterre , de Dannemarc
et de Suede : Et sur les vives protestations
qui lui ont été faites à ce sujet par les Ministres
du Roi de Sardaigne, elle a prétendu reparer l'offense
au moyen de quelques excuses privées et
échapées par occasion à un Officier de la Cour
de l'Empereur , dont il a refusé de donner Acte.
Dans ces circonstances , le Roi de France qui
de son côté avoit donné pendant long- tems à la
Cour de Vienne les exemples de la plus singuliere
moderation , et les preuves de la plus sage tolerance
, a jugé qu'une pareille conduite cesseroit
d'être louable , dés qu'elle devenoit incompatible
avec sa gloire personnelle , l'honneur de son
Royaume , et l'appui qu'il devoir à ses Alliez . 11.
s'est déterminé à déclarer la Guerre à l'Empereur,
et a invité le Roi de Sardaigne à prendre à cette
Guerre la même part qu'il prenoit aux Motifs.
qui la rendoient indispensable.
Le Roi de Sardaigne engagé par tant d'endroits:
à épouser le jufte ressentiment de S. M. T. C.
ayant de plus ses propres griefs à reparer , convaincu
par une longue experience , que les maximes
de la Cour de Vienne , invariables sur son
compte , tendoient à miner sa Souveraineté , en.
attendant l'occasion de l'opprimer sans ressour
ce. Confirmé dans cette certitude par des exem
ples capables d'allarmer les plus grandes Puis-
Hr sances,
2506 MFRCURE DE FRANCE
sances , a signé un Traité , joignant avec confiance
ses Armes à celles d'un Prince , qui dépouillé
d'ambition , n'a cherché à se distinguer
en Europe que par son amour pour la Paix et par
l'équité de ses desseins .
Le Roy de Sardaigne , en qualité de Souverain
indépendant , est dispensé d'autoriser par des
exemples , les mesures qu'il est contraint de
prendre contre l'Empereur en qualité de Princes
de l'Empire , il en a d'illustres à suivre . Il sçau
ia s'y conformer en maintenant une indissolu
ble union avec cet Auguste Corps , et une par
faite amitié avec les dignes Membres qui le
composent , du nombre desquels il fait gloire
d'être.
C'est donc pour l'honneur de ses Augustes Alliez
, pour le sien propre , pour sa sureté , pour
la tranquillité et le bonheur de ses Etats , que le
Roy de Sardaigne , après avoir marqué par tou
tes ses déterminations, un sincere désir de maintenir
la bonne intelligence avec ses voisins , et d'é
pargner ses Peuples les calamitez de la guerre ,
prend maintenant les Armes .
à
En agissant par des motifs si dignes de déterminer
un Souverain , il espere non seulement .
de trouver dans ses Sujets les mêmes ressources
de zele , de fidélité et de valeur , que ses Augustes
Prédecesseurs ont trouvées en eux , mais aussi
que le Dieu desArmées protegera sa cause et qu'il
benira par d'heureux succès la justice de ses
desseins ,
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Résumé : MANIFESTE de S. M. le Roi de Sardaigne.
En novembre 1733, le Roi de Sardaigne publie un manifeste exprimant sa solidarité avec le Roi de France contre les actions de l'Empereur. L'Empereur a tenté d'empêcher l'élection du prince polonais Stanislas, soutenu par la France, ce que le Roi de Sardaigne condamne comme une atteinte à la liberté de la Pologne. Le manifeste souligne également les injustices passées de la Cour de Vienne envers la Maison de Savoie, notamment lors du traité d'Utrecht où la Sicile a été cédée au Roi de Sardaigne malgré les contestations autrichiennes. De plus, la Cour de Vienne a cherché à limiter la souveraineté du Roi de Sardaigne en matière de fortifications et de juridiction. En réponse à ces provocations, le Roi de France a déclaré la guerre à l'Empereur et a invité le Roi de Sardaigne à se joindre à lui. Le Roi de Sardaigne, motivé par les griefs personnels et la menace à sa souveraineté, a accepté cette alliance. Il espère que ses sujets le soutiendront avec zèle et fidélité et que la justice de sa cause sera bénie par des succès militaires.
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56
p. 2712-2713
ALLEMAGNE.
Début :
Il a parû à Vienne sur la fin du mois dernier, un Decret, par lequel l'Empereur impose une [...]
Mots clefs :
Empereur, Clergé, Protestants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
La parû à Vienne sur la fin du mois dernier ,
un Decret , par lequel l'Empereur impose une
axe sur tous les biens fonds dans ses Etats héeditaires.
Les Protestans qui sont établis dans la hautë ,
sutriche et qui demandoient depuis long- temps
J.Vol.
DECEMBRE . 1733. 2713
la liberté d'en sortir , ont obtenu la permission
de se retirer en Hongrie ou en Transylvanie.
On leve actuellement deux Régimens de Dragons
, deux de Hussarts et huit d'Infanterie ,
dont quatre seront composez d'Allemans , deux
de Napolitains , et deux de Hongrois.
Le Clergé de la Basse Autriche doit fournir à
l'Empereur un don gratuit de deux millions ; on
compte que celui du Clergé de la Haute Autri
che sera de 600000. florins , et que quelques
Ordres Religieux en donneront 400000.
La parû à Vienne sur la fin du mois dernier ,
un Decret , par lequel l'Empereur impose une
axe sur tous les biens fonds dans ses Etats héeditaires.
Les Protestans qui sont établis dans la hautë ,
sutriche et qui demandoient depuis long- temps
J.Vol.
DECEMBRE . 1733. 2713
la liberté d'en sortir , ont obtenu la permission
de se retirer en Hongrie ou en Transylvanie.
On leve actuellement deux Régimens de Dragons
, deux de Hussarts et huit d'Infanterie ,
dont quatre seront composez d'Allemans , deux
de Napolitains , et deux de Hongrois.
Le Clergé de la Basse Autriche doit fournir à
l'Empereur un don gratuit de deux millions ; on
compte que celui du Clergé de la Haute Autri
che sera de 600000. florins , et que quelques
Ordres Religieux en donneront 400000.
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Résumé : ALLEMAGNE.
En décembre 1733, un décret impérial a imposé une taxe sur les biens fonciers dans les États héréditaires de l'Empereur. Les protestants de Haute-Autriche ont obtenu la permission de se retirer en Hongrie ou en Transylvanie. Huit régiments, dont quatre allemands, deux napolitains et deux hongrois, ont été levés. Le clergé de Basse-Autriche a dû donner deux millions de florins à l'Empereur. Le clergé de Haute-Autriche et certains ordres religieux ont contribué respectivement 600 000 et 400 000 florins.
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57
p. 2713-2714
ITALIE.
Début :
Le 24. Novembre, il parut à Rome un Bref par lequel le Pape accorde un Jubilé pour [...]
Mots clefs :
Empereur, Royaume de Naples, Subsides, Jubilé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALIE.
E 24. Novembre , il parut à Rome an Bref
Lpar lequel le Pape accorde un Jubilé pour
tous les Fideles de l'un et l'autre sexe de cette
Ville , qui pendant l'une des deux premieres se
maines de l'Avent , jeûneront le Mercredy , le
Vendredy et le Samedy , et qui - après s'étre
Confessez et avoir communié , visiteront au
moins une fois les Eglises de Saint Pierre
du Vatican , de S. Jean de Latran et de sainte
Marie Majeure , et feront quelques aumônes aux
vres , pour obtenir du Ciel l'extirpation de
ésie , la conversion des Infidelles er la Paix
Surope.
apprend de Venise , que l'Agent de la Czaen
cette Ville , avoit fait partir plusieurs
Ouvriers en Etoffes de Laine et de Soye pour
Petersbourg , et qu'il avoit eu ordre d'engager
des Families dont les Chefs soient en état d'éta →
blir diverses Manufactures dans les principales
Villes de Moscovie.
Le Comte de Froulay , Ambassadeur de France
auprès de la République ; arriva à Venise
I.
au
Да. Vol. Hiij com
2714 MERCURE DE FRANCE
commencement de ce mois , sur une Galere
de l'Etat de Genes,
On mande de Naples , que le Corps de Ville
s'étant assemblé le 11. de Novembre pour déliberer
sur les subsides demandez par l'Empereur ,
a résolu de lui accorder un million de florins , et
on a chargé un certain nombre des principaux
Bourgeois de chaque quartier de regler la répartition
de cette somme sur les habitans .
Le Prince de Sant-Angelo Impériali, Régent de
la Cour de la Vicairerie , a proposé à l'Empereur
de permettre à tous ceux qui ont été bannis du
Royaume de Naples, pour quelque cause que ce
soit , d'y revenir , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement , et
on prétend que ce projet , s'il est executé , produira
deux millions de ducats .
On a publié un Decret de S. M. I. par lequel
il est ordonné à tous les Seigneurs et Gentils
hommes qui ont des Charges ou des biens fonds
dans le Royaume , et qui sont absents , d'y ve
nir résider , sous peine de saisie de leurs revenus.
La Noblesse de cet Etat a offert à l'Empereur
de lui fournir 800. chevaux.pour la remonte de
sa Cavalerie.
Les dernieres Lettres de Naples , portent que
le Conseil Collateral attend la réponse de l'Empereur
aux Remontrances faites à S. M. I. sur
Timpuissance où ce Royaume se trouve de payer
les subsides demandez .
Il a été proposé aux plus fameux Négocians
de cette Ville , de fournir à l'Empereur des secours
d'argent , mais les offres qu'ils ont faites
jusqu'à present , ne produisent pas une somme
considerable,
E 24. Novembre , il parut à Rome an Bref
Lpar lequel le Pape accorde un Jubilé pour
tous les Fideles de l'un et l'autre sexe de cette
Ville , qui pendant l'une des deux premieres se
maines de l'Avent , jeûneront le Mercredy , le
Vendredy et le Samedy , et qui - après s'étre
Confessez et avoir communié , visiteront au
moins une fois les Eglises de Saint Pierre
du Vatican , de S. Jean de Latran et de sainte
Marie Majeure , et feront quelques aumônes aux
vres , pour obtenir du Ciel l'extirpation de
ésie , la conversion des Infidelles er la Paix
Surope.
apprend de Venise , que l'Agent de la Czaen
cette Ville , avoit fait partir plusieurs
Ouvriers en Etoffes de Laine et de Soye pour
Petersbourg , et qu'il avoit eu ordre d'engager
des Families dont les Chefs soient en état d'éta →
blir diverses Manufactures dans les principales
Villes de Moscovie.
Le Comte de Froulay , Ambassadeur de France
auprès de la République ; arriva à Venise
I.
au
Да. Vol. Hiij com
2714 MERCURE DE FRANCE
commencement de ce mois , sur une Galere
de l'Etat de Genes,
On mande de Naples , que le Corps de Ville
s'étant assemblé le 11. de Novembre pour déliberer
sur les subsides demandez par l'Empereur ,
a résolu de lui accorder un million de florins , et
on a chargé un certain nombre des principaux
Bourgeois de chaque quartier de regler la répartition
de cette somme sur les habitans .
Le Prince de Sant-Angelo Impériali, Régent de
la Cour de la Vicairerie , a proposé à l'Empereur
de permettre à tous ceux qui ont été bannis du
Royaume de Naples, pour quelque cause que ce
soit , d'y revenir , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement , et
on prétend que ce projet , s'il est executé , produira
deux millions de ducats .
On a publié un Decret de S. M. I. par lequel
il est ordonné à tous les Seigneurs et Gentils
hommes qui ont des Charges ou des biens fonds
dans le Royaume , et qui sont absents , d'y ve
nir résider , sous peine de saisie de leurs revenus.
La Noblesse de cet Etat a offert à l'Empereur
de lui fournir 800. chevaux.pour la remonte de
sa Cavalerie.
Les dernieres Lettres de Naples , portent que
le Conseil Collateral attend la réponse de l'Empereur
aux Remontrances faites à S. M. I. sur
Timpuissance où ce Royaume se trouve de payer
les subsides demandez .
Il a été proposé aux plus fameux Négocians
de cette Ville , de fournir à l'Empereur des secours
d'argent , mais les offres qu'ils ont faites
jusqu'à present , ne produisent pas une somme
considerable,
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Résumé : ITALIE.
Le 24 novembre, un bref papal annonça un Jubilé à Rome pour les fidèles pratiquant le jeûne, la confession, la communion, la visite de trois églises spécifiques et les aumônes. Ces actions visaient à éradiquer la peste, convertir les infidèles et instaurer la paix en Europe. À Venise, l'agent du tsar envoya des ouvriers et reçut l'ordre d'engager des familles pour établir des manufactures en Moscovie. Le Comte de Froulay, ambassadeur de France, arriva à Venise début novembre. À Naples, le corps de ville accorda un million de florins à l'Empereur et chargea des bourgeois de répartir cette somme. Le Prince de Sant-Angelo Impériali proposa de permettre aux bannis de revenir en payant une somme proportionnée à leur faute. Un décret impérial ordonna aux seigneurs absents de revenir résider dans le royaume. La noblesse offrit 800 chevaux pour la cavalerie impériale. Le Conseil Collateral attendait la réponse de l'Empereur aux remontrances sur les subsides. Des négociations avec les négociants pour fournir des secours d'argent à l'Empereur étaient en cours, mais les offres restaient modestes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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58
p. 2903-2904
ALLEMAGNE.
Début :
On apprend de Vienne que le 15. de ce mois le Comte de Preising et le baron de Morman, [...]
Mots clefs :
Empereur, Troupes, Vienne, Électeur de Bavière, Comte de Preysing, Baron de Morman
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAG N E.
N apprend de Vienne que le 15. de ce mois
e Comte de Preising et le Baron de Morman
, Ministres Plenipotentiaires de l'Electeur
de Baviere , reçuient de l'Empereur , au nom du
Prince leur Maître , l'investiture de l'Electorat
de Baviere et des autres Fiefs de l'Empire qu'il
possede.
Le 24. Decembre , il arriva à Vienne un Courier
dépêché par le Ministre de l'Empereur à
Constantinople , pour informer S. M. I. que
dans la derniere Audience qu'il avoit euë du
Grand Seigneur , S. H. lui avoit déclaré que
ses Troupes venoient de remporter une victoire,
complette sur les Persans , et que Thamas-Kouli-
Kan étoit actuellement renfermé avec les debris
de son Armée entre deux Montagnes , d'où il ne
pouvoit sortir qu'en se soumettant aux conditions
qu'il plairoit au Vainqueur de lui imposer.
L'Empereur a appris par le mêne Courier , que
le G. S. demandoit d'être instruit des Articles
du Traité conclu entre S. M. I. et la Czarine ,
laquelle lui avoit donné divers sujets de mécontentement
, sur tout en faisant entrer les Troupes
Moscovites dans la Pologne , au préjudice
du Traité de Pruth.
L'Electeur de Saxe , accompagné du Comte de
Sulkowski , son Grand Ecuyer , de M. Brulh ,
Minstre d'Etat , du Comte Flemming et de quelques
autres Seigneurs , partit de Dresde le 9 .
de
II. Vol.
Giiij ce
2904 MERCURE DE FRANCE
ee mois pour aller se mettre à la tête des Troupes
Saxonnes qui sont en Posnanie , prenant sa
route par la Bohéme.
N apprend de Vienne que le 15. de ce mois
e Comte de Preising et le Baron de Morman
, Ministres Plenipotentiaires de l'Electeur
de Baviere , reçuient de l'Empereur , au nom du
Prince leur Maître , l'investiture de l'Electorat
de Baviere et des autres Fiefs de l'Empire qu'il
possede.
Le 24. Decembre , il arriva à Vienne un Courier
dépêché par le Ministre de l'Empereur à
Constantinople , pour informer S. M. I. que
dans la derniere Audience qu'il avoit euë du
Grand Seigneur , S. H. lui avoit déclaré que
ses Troupes venoient de remporter une victoire,
complette sur les Persans , et que Thamas-Kouli-
Kan étoit actuellement renfermé avec les debris
de son Armée entre deux Montagnes , d'où il ne
pouvoit sortir qu'en se soumettant aux conditions
qu'il plairoit au Vainqueur de lui imposer.
L'Empereur a appris par le mêne Courier , que
le G. S. demandoit d'être instruit des Articles
du Traité conclu entre S. M. I. et la Czarine ,
laquelle lui avoit donné divers sujets de mécontentement
, sur tout en faisant entrer les Troupes
Moscovites dans la Pologne , au préjudice
du Traité de Pruth.
L'Electeur de Saxe , accompagné du Comte de
Sulkowski , son Grand Ecuyer , de M. Brulh ,
Minstre d'Etat , du Comte Flemming et de quelques
autres Seigneurs , partit de Dresde le 9 .
de
II. Vol.
Giiij ce
2904 MERCURE DE FRANCE
ee mois pour aller se mettre à la tête des Troupes
Saxonnes qui sont en Posnanie , prenant sa
route par la Bohéme.
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Résumé : ALLEMAGNE.
Le texte décrit deux événements diplomatiques et militaires. Le 15 du mois, le Comte de Preising et le Baron de Morman, représentants de l'Électeur de Bavière, ont reçu de l'Empereur l'investiture de l'Électorat de Bavière et des autres fiefs impériaux. Le 24 décembre, un courrier de Constantinople a informé l'Empereur que les troupes ottomanes avaient remporté une victoire complète sur les Persans, contraignant Thamas-Kouli-Kan à se soumettre. Le Grand Seigneur a également demandé des détails sur le traité entre l'Empereur et la Czarine, se plaignant de l'entrée des troupes moscovites en Pologne. Par ailleurs, l'Électeur de Saxe, accompagné de plusieurs dignitaires, a quitté Dresde le 9 du mois pour rejoindre ses troupes en Posnanie, passant par la Bohême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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59
p. 5-11
MEDAILLES de l'Empereur Gratien, sur lesquelles il est nommé AVGG AVG.
Début :
Tout le monde sçait les differentes explications que les Antiquaires [...]
Mots clefs :
Gratien, Médailles, Fils, Empereur, Prince, Famille, Temps, Médaille, Constantin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEDAILLES de l'Empereur Gratien, sur lesquelles il est nommé AVGG AVG.
MEDAILLES de l'Empereur Gratien
surlesquelles il estnommé AVGG AVG.
Out le monde sçait les differentes
Texplications que les Antiquaires
ont données aux Médailles de Gratien
qui ont pour Legende du côté de la tête
D. N GRATIANVS AVGG AVG. aussi sans
vouloir les repeter ici , je me contenterai
de dire que ceux qui ont expliqué les
Lettres AVGG AVG. qui su vent le nom du
Prince , par AVGVSTORVM AVGVSTVS.
me paroissent avoir donné dans la verible
leçon .
En effet cette explication se presente
d'elle- même la premiere à l'esprit , par
la
MERCURE DE FRANCE
la conformité qu'elle a avec l'usage constant
des Antiquaires , qui ont toujours
rendu l'AVGG des monumens anciens par
le plurier du mot AVGVSTVS . quand les
deux GG sont suivis , ainsi qu'ils le sont
dans les Médailles de Gratien ; car ceux
qui les ont crû separez se sont trompeż,
et ont pris pour des points certaines petites
queües , ou cedilles attachées à ces G
en cette maniere Ç . c'est ainsi du moins
qu'ils sont formez sur la Médaille de
Gratien que j'ai parmi les miennes .
1
Ces & à queue, pour le dire en passant,
ne sont pas rares sur les Monumens anciens
, on les y rencontre dans tous les
temps. J'ai une Médaille d'argent d'Auguste
, avec le Capricorne au revers où
le & du mot AVGVSTVS qui en fait la Légende
est de cette façon ; et l'on en voit
un pareil sur un poids du temps d'Honorius
qui étoit à M. Foucault , * enfin
ils sont ordinaires sur les Monnoyes Gottiques
, si l'on s'en rapporte à l'Alphabet
que Bouteroüe nous a donné dans ses
Recherches curieuses des Monnoyes de France.
Mais en approuvant qu'on lise sur la
Médaille de Gratien , Augustorum Augustus
, je ne sçaurois être du sentiment de
L'Antiquité du P. Montfaucon. Planche XIV.
du Tome III.
ceux
JANVIER 1734. 7
ceux qui expliquent ces termes par Augus
te qui domine sur d'autres Augustes , cela par
rapport à Valentinien le jeune et à
Théodose , dont Gratien avoit genereusement
consenti à recevoir le premier
pour Collegue et s'étoit associé le second.
Ce n'est pas qu'on ne rencontre assez
souvent des dénominations semblables.
prises dans le sens qu'on donne à celle
que j'examine ici ; et sans en chercher des
preuves ailleurs que dans les Médailles ,
quelques Rois des Parthes , d'Armenie
et du Bosphore sont appellez sur leurs
Médailles , Rois des Rois . BAZIA ENE
و
ΒΑΣΙΛΕΩΝ . ΑΡΣΑΚΟΥ . ΤΙΓΡΑΝΟΥΣ ,
APNAKOY . Mais ces titres fastueux , en
longtems avant eux et qui subsistent enusage
core aujourd'hui parmi les Rois de
l'Orient, ne conviennent gueres à un Prince
sage et modeste , tel
l'Histoire
que
nous represente Gratien ; aussi de toutes
les Explications de la Médaille de ce
Prince , celle - ci a été la moins suivie.
Je ne sçai si je me trompe , mais il
me semble que pour donner un sens convenable
à Augustorum Augustus , il ne
faut que sous-entendre le mot de Filius
ce qui voudra dire alors que Gratien Auguste
lui-même est fils de Peres Augustes.Les
noms de Parenté et d'alliance , comme
chacun
MERCURE DE FRANCE
chacun çait , sont assez souvent negli
gez sur les Médailles . Témoins ces exemples
ΚΑΙΣΑΡ . ΣΕΒΑΣΤΟΣ ΣΕΒΑΣΤΟΥ.
·
DOMITIA . AVGVSTA . IMP. DOMIT. CLEOPATRAE,
REGINAE REGVM FILIORVM REGVM.
où les noms de Fils, de Femme et de Mere
sont sous -entendus.
Ceci posé , il s'agit d'examiner ce qui
peut avoir engagé Gratien à prendre un
titre pareil. Ce Prince étoit fils d'un
Empereur , mais d'une famille nouvelle.
Son Grand- pere étoit un Soldat de fortune
qui s'étoit élevé par son mérite jusqu'à
commander les Armées d'Angleterre
, et avoit par ses emplois applani
à Valentinien son fils le chemin de l'Empire
, où il parvint après la mort de
Jovien. Quelque brillante que soit la
pourpre,Gratien en épousant Constantia ,
fille posthume de l'Empereur Constantius,
et la derniere de la maison de Constantin
sembloit encore en rehausser
l'éclat. La famille des Flaves étoit alors
ce qu'avoient été autrefois celles des Cesars
et des Antonins ; aimée , respectée ,
adorée même , le nom en étoit précieux,
aussi le premier soin de Jovien après
avoir été revêtu de la pourpre , fut de se
donner le nom de Flavius , pour persuader
en quelque maniere qu'il étoit de
?
cette
JANVIER 1734.
cette famille , à laquelle cependant il étoit
étranger ; son exemple fut suivi par Valentinien
son successeur ; et Gratien , રે
leur exemple , se trouve avec le même
nom dans quelques Inscriptions qu'on
peut voir dans les Mélanges de Spon . Les
Empereurs suivans encherirent encore
sur cet usage , en ajoutant à leur nom
celui de Constantin . D. N. HERACLIO.
CONST.
Gratien par son mariage justifioit le
nom de Flavius qu'il avoit pris ; il lui
devenoit propre ; et son alliance l'attachant
à tout ce que Rome reconnoissoit
alors de plus grand , il étoit naturel de
publier ces avantages. Pouvoit- il donc le
faire d'une maniere plus noble, plus juste,
er en même temps plus convenable au
Monument que nous examinons , qu'en
s'appellant par une espece d'antonomase
Fils des Augustes. Cette façon indeterminée
de s'exprimer avoit encore cela de
propre , qu'elle sembloit égaler la famille
de Gratien à celle de Constantin , et en
confondre , pour ainsi dire , la Noblesse
AVGG. AVG .
C'est donc à ce Mariage de Gratien
avec Constantia qu'il faut fixer l'époque
de la Médaille , l'an 375. de J. C. immédiatement
après la mort de Valentinien
B avant
MERCURE DE FRANCE.
avant que Gratien eut consenti à parta
ger l'Empire avec son Frere , et long
temps avant qu'il songeât à Théodose .
Dans cette Hypothese , il est aisé de
donner l'explication des revers qu'on
trouve aux Medailles de Gratien où il est
appellé AVGG. AVG. Ce Prince , quoique
déja Auguste , commence un nouveau
Regne à la mort de son Pere ; ce nouveau
Kegne reçoit un éclat considerable par
l'alliance que l'Empereur vient de contracter
, GLORIA. NOVI . SAECVLI . la gloire
en rejaillit sur les peuples , charmez de
voir , pour ainsi dire , renaître la famille
de Constantin, et les commander GLORIA
ROMANORVM. Rien n'assure davantage la
tranquillité des Etats , que les Enfans qui
naissent à ceux qui les gouvernent ; on
en espere de la nouvelle Imperatrice
SECVRITAS REIPVBLICAE. Enfin la Ville
de Rome comme la Capitale de l'Empire,
congratule son Empereur sur cet évenement
, VRBS ROMA.
On me demandera peut -être pourquoi
Gratien ne s'appella pas toujours Augustorum
Augustus , je réponds que ce titre
une fois connu devenoit inutile dans la
suite. Outre que Gratien ayant peu de
temps après consenti à recevoir pour
Collégué son jeune Frere , il ne devoit
plus
JANVIER . 1734. 17
plus y avoir de différence dans les titres
de ces deux Augustes , qui devant être
égaux , ne pouvoient en prendre aucun
de distingué, quelque légitime qu'il fut,
qui ne devint en quelque façon injurieux
à l'autre.
A Orleans , ce 30.
Avril 1733 .
surlesquelles il estnommé AVGG AVG.
Out le monde sçait les differentes
Texplications que les Antiquaires
ont données aux Médailles de Gratien
qui ont pour Legende du côté de la tête
D. N GRATIANVS AVGG AVG. aussi sans
vouloir les repeter ici , je me contenterai
de dire que ceux qui ont expliqué les
Lettres AVGG AVG. qui su vent le nom du
Prince , par AVGVSTORVM AVGVSTVS.
me paroissent avoir donné dans la verible
leçon .
En effet cette explication se presente
d'elle- même la premiere à l'esprit , par
la
MERCURE DE FRANCE
la conformité qu'elle a avec l'usage constant
des Antiquaires , qui ont toujours
rendu l'AVGG des monumens anciens par
le plurier du mot AVGVSTVS . quand les
deux GG sont suivis , ainsi qu'ils le sont
dans les Médailles de Gratien ; car ceux
qui les ont crû separez se sont trompeż,
et ont pris pour des points certaines petites
queües , ou cedilles attachées à ces G
en cette maniere Ç . c'est ainsi du moins
qu'ils sont formez sur la Médaille de
Gratien que j'ai parmi les miennes .
1
Ces & à queue, pour le dire en passant,
ne sont pas rares sur les Monumens anciens
, on les y rencontre dans tous les
temps. J'ai une Médaille d'argent d'Auguste
, avec le Capricorne au revers où
le & du mot AVGVSTVS qui en fait la Légende
est de cette façon ; et l'on en voit
un pareil sur un poids du temps d'Honorius
qui étoit à M. Foucault , * enfin
ils sont ordinaires sur les Monnoyes Gottiques
, si l'on s'en rapporte à l'Alphabet
que Bouteroüe nous a donné dans ses
Recherches curieuses des Monnoyes de France.
Mais en approuvant qu'on lise sur la
Médaille de Gratien , Augustorum Augustus
, je ne sçaurois être du sentiment de
L'Antiquité du P. Montfaucon. Planche XIV.
du Tome III.
ceux
JANVIER 1734. 7
ceux qui expliquent ces termes par Augus
te qui domine sur d'autres Augustes , cela par
rapport à Valentinien le jeune et à
Théodose , dont Gratien avoit genereusement
consenti à recevoir le premier
pour Collegue et s'étoit associé le second.
Ce n'est pas qu'on ne rencontre assez
souvent des dénominations semblables.
prises dans le sens qu'on donne à celle
que j'examine ici ; et sans en chercher des
preuves ailleurs que dans les Médailles ,
quelques Rois des Parthes , d'Armenie
et du Bosphore sont appellez sur leurs
Médailles , Rois des Rois . BAZIA ENE
و
ΒΑΣΙΛΕΩΝ . ΑΡΣΑΚΟΥ . ΤΙΓΡΑΝΟΥΣ ,
APNAKOY . Mais ces titres fastueux , en
longtems avant eux et qui subsistent enusage
core aujourd'hui parmi les Rois de
l'Orient, ne conviennent gueres à un Prince
sage et modeste , tel
l'Histoire
que
nous represente Gratien ; aussi de toutes
les Explications de la Médaille de ce
Prince , celle - ci a été la moins suivie.
Je ne sçai si je me trompe , mais il
me semble que pour donner un sens convenable
à Augustorum Augustus , il ne
faut que sous-entendre le mot de Filius
ce qui voudra dire alors que Gratien Auguste
lui-même est fils de Peres Augustes.Les
noms de Parenté et d'alliance , comme
chacun
MERCURE DE FRANCE
chacun çait , sont assez souvent negli
gez sur les Médailles . Témoins ces exemples
ΚΑΙΣΑΡ . ΣΕΒΑΣΤΟΣ ΣΕΒΑΣΤΟΥ.
·
DOMITIA . AVGVSTA . IMP. DOMIT. CLEOPATRAE,
REGINAE REGVM FILIORVM REGVM.
où les noms de Fils, de Femme et de Mere
sont sous -entendus.
Ceci posé , il s'agit d'examiner ce qui
peut avoir engagé Gratien à prendre un
titre pareil. Ce Prince étoit fils d'un
Empereur , mais d'une famille nouvelle.
Son Grand- pere étoit un Soldat de fortune
qui s'étoit élevé par son mérite jusqu'à
commander les Armées d'Angleterre
, et avoit par ses emplois applani
à Valentinien son fils le chemin de l'Empire
, où il parvint après la mort de
Jovien. Quelque brillante que soit la
pourpre,Gratien en épousant Constantia ,
fille posthume de l'Empereur Constantius,
et la derniere de la maison de Constantin
sembloit encore en rehausser
l'éclat. La famille des Flaves étoit alors
ce qu'avoient été autrefois celles des Cesars
et des Antonins ; aimée , respectée ,
adorée même , le nom en étoit précieux,
aussi le premier soin de Jovien après
avoir été revêtu de la pourpre , fut de se
donner le nom de Flavius , pour persuader
en quelque maniere qu'il étoit de
?
cette
JANVIER 1734.
cette famille , à laquelle cependant il étoit
étranger ; son exemple fut suivi par Valentinien
son successeur ; et Gratien , રે
leur exemple , se trouve avec le même
nom dans quelques Inscriptions qu'on
peut voir dans les Mélanges de Spon . Les
Empereurs suivans encherirent encore
sur cet usage , en ajoutant à leur nom
celui de Constantin . D. N. HERACLIO.
CONST.
Gratien par son mariage justifioit le
nom de Flavius qu'il avoit pris ; il lui
devenoit propre ; et son alliance l'attachant
à tout ce que Rome reconnoissoit
alors de plus grand , il étoit naturel de
publier ces avantages. Pouvoit- il donc le
faire d'une maniere plus noble, plus juste,
er en même temps plus convenable au
Monument que nous examinons , qu'en
s'appellant par une espece d'antonomase
Fils des Augustes. Cette façon indeterminée
de s'exprimer avoit encore cela de
propre , qu'elle sembloit égaler la famille
de Gratien à celle de Constantin , et en
confondre , pour ainsi dire , la Noblesse
AVGG. AVG .
C'est donc à ce Mariage de Gratien
avec Constantia qu'il faut fixer l'époque
de la Médaille , l'an 375. de J. C. immédiatement
après la mort de Valentinien
B avant
MERCURE DE FRANCE.
avant que Gratien eut consenti à parta
ger l'Empire avec son Frere , et long
temps avant qu'il songeât à Théodose .
Dans cette Hypothese , il est aisé de
donner l'explication des revers qu'on
trouve aux Medailles de Gratien où il est
appellé AVGG. AVG. Ce Prince , quoique
déja Auguste , commence un nouveau
Regne à la mort de son Pere ; ce nouveau
Kegne reçoit un éclat considerable par
l'alliance que l'Empereur vient de contracter
, GLORIA. NOVI . SAECVLI . la gloire
en rejaillit sur les peuples , charmez de
voir , pour ainsi dire , renaître la famille
de Constantin, et les commander GLORIA
ROMANORVM. Rien n'assure davantage la
tranquillité des Etats , que les Enfans qui
naissent à ceux qui les gouvernent ; on
en espere de la nouvelle Imperatrice
SECVRITAS REIPVBLICAE. Enfin la Ville
de Rome comme la Capitale de l'Empire,
congratule son Empereur sur cet évenement
, VRBS ROMA.
On me demandera peut -être pourquoi
Gratien ne s'appella pas toujours Augustorum
Augustus , je réponds que ce titre
une fois connu devenoit inutile dans la
suite. Outre que Gratien ayant peu de
temps après consenti à recevoir pour
Collégué son jeune Frere , il ne devoit
plus
JANVIER . 1734. 17
plus y avoir de différence dans les titres
de ces deux Augustes , qui devant être
égaux , ne pouvoient en prendre aucun
de distingué, quelque légitime qu'il fut,
qui ne devint en quelque façon injurieux
à l'autre.
A Orleans , ce 30.
Avril 1733 .
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Résumé : MEDAILLES de l'Empereur Gratien, sur lesquelles il est nommé AVGG AVG.
Le texte examine les médailles de l'empereur Gratien, sur lesquelles il est désigné par la légende AVGG AVG. L'auteur explore diverses interprétations proposées par les antiquaires et conclut que la meilleure explication est 'Augustorum Augustus', signifiant 'Auguste des Augustes'. Cette interprétation est soutenue par l'usage constant des antiquaires de rendre AVGG par le pluriel du mot AVGVSTVS. Certaines interprétations erronées considèrent les lettres GG comme des points ou des cedilles, mais l'auteur fournit des exemples de médailles anciennes où ces caractères sont présents. Il rejette l'idée que Gratien se proclame dominant sur d'autres Augustes, comme Valentinien le Jeune et Théodose, car cela ne correspond pas à son caractère modeste. L'auteur propose que 'Augustorum Augustus' signifie que Gratien est le fils d'Augustes, soulignant que les noms de parenté sont souvent sous-entendus sur les médailles. Il explique que Gratien, issu d'une famille nouvelle, a épousé Constantia, fille de Constantin, ce qui a rehaussé son éclat. La famille des Flaves, à laquelle Gratien appartenait par mariage, était respectée et adorée. L'époque de la médaille est fixée à l'année 375, juste après la mort de Valentinien et avant que Gratien ne partage l'Empire avec son frère. Les revers des médailles de Gratien, où il est appelé AVGG AVG, marquent le début d'un nouveau règne caractérisé par l'alliance avec Constantia, apportant gloire et sécurité à l'Empire.
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60
p. 601-603
ALLEMAGNE.
Début :
L'Armée que l'Empereur aura cette année en Italie, et qui sera composée d'environ cinquante [...]
Mots clefs :
Comte de Mercy, Prince de Wurtemberg, Empereur, Armée, Troupes, Guerre
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texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
'Armée que l'Empereur aura cette année enIta
L'lic, et quisera composée d'environ cinquante
mille homines , doit s'assembler entre les Villes
de Trente , et de Eolzano , et l'on a reçû avis
que le Comte de Mercy s'étoit rendu à Rovere
pour faire la revue des Troupes à mesure qu'elles
arrivent , et pour les distribuer dans les quartiers
où elles resteront jusqu'à l'ouverture de la Campagne.
Le Prince d'Armstadt Gouverneur de Mantouë
, et le Prince Frederic de Wirtemberg
qui ont refusé de servir sous les ordres du Comte
de Mercy sont attendus à Vienne.
Sa Majesté Imperiale a ordonné au General
Palfi qui avoit demandé que son Regiment allât
sur le Rhin , de le faire marcher en Hongrie
I Palk
602 MERCURE DE FRANCE
où l'on doit envoyer encore d'autres Troupes.
;
L'Empereur a nommé pour servir dans l'Armée
du Rhin , sous les ordres du Prince Eugene,
le Duc de Wirtemberg , le Duc de Brunswick-
Lunebourg Bevern , et le Comte de Harrac
Feldt Maréchaux; le Duc d'Aremsberg , et le
Comte de Wallis , Généraux d'Infanterie le
Comte de Hauttois , Général de Cavalerie ; le
Prince Ferdinand de Baviere, le Prince de Hesse,
le Prince de Hohenzolern , le Comte Philippi ,
le Baron de Wittigenaw , le Baron de Schmettaw
, &c. le Comte de Soissons , le Prince de
Lichtenstein , &c.Majors Généraux de Cavalerie.
Selon diverses Lettres d'Allemagne , la Diette
de Ratisbonne a déliberé sur le Décret que l'Empereur
y a envoyé au sujet de la Guerre ; et les
Ministres des Electeurs de Bavière et de Cologne,
de l'Electeur Palatin, et de plusieurs autres Princes
, ont representé à l'Assemblée toutes les rai-
Sons qui devoient déterminer les Princes de l'Empire
à ne point déclarer la Guerre à la France
mais malgré leurs remontrances , il a été résolų,
à la pluralité des voix , que l'Empire se joindroit
à l'Empereur.
On mande de Vienne que le Conseil des Finances
s'étant assemblé plusieurs fois pour déliberer
sur les moyens de fournir aux dépenses de la
Guerre , sans surcharger les Païs héréditaires
d'impositions trop onéreuses ; il s'est déterminé
à la levée du Dixiéme sur les revenus desTerres
, et des autres biens fonds , dans tous les Païs
de la Domination de S.M. Imp . et le bruit court
qu'il a été résolu en même - temps de prendre le
Centiéme des Capitaux de toutes les obligations
portant interêt.
Les mêmes Lettres ajoûtent que le Grand- Seigncur
1
MARS. 1734. 603
gneur continuoit de faire assembler les Troupes
d'Europe , et que le Kan des Tartares s'étoit
avancé avee son Armée dans la Basse- Arabie ,
pour agir contre les Moscovites.
'Armée que l'Empereur aura cette année enIta
L'lic, et quisera composée d'environ cinquante
mille homines , doit s'assembler entre les Villes
de Trente , et de Eolzano , et l'on a reçû avis
que le Comte de Mercy s'étoit rendu à Rovere
pour faire la revue des Troupes à mesure qu'elles
arrivent , et pour les distribuer dans les quartiers
où elles resteront jusqu'à l'ouverture de la Campagne.
Le Prince d'Armstadt Gouverneur de Mantouë
, et le Prince Frederic de Wirtemberg
qui ont refusé de servir sous les ordres du Comte
de Mercy sont attendus à Vienne.
Sa Majesté Imperiale a ordonné au General
Palfi qui avoit demandé que son Regiment allât
sur le Rhin , de le faire marcher en Hongrie
I Palk
602 MERCURE DE FRANCE
où l'on doit envoyer encore d'autres Troupes.
;
L'Empereur a nommé pour servir dans l'Armée
du Rhin , sous les ordres du Prince Eugene,
le Duc de Wirtemberg , le Duc de Brunswick-
Lunebourg Bevern , et le Comte de Harrac
Feldt Maréchaux; le Duc d'Aremsberg , et le
Comte de Wallis , Généraux d'Infanterie le
Comte de Hauttois , Général de Cavalerie ; le
Prince Ferdinand de Baviere, le Prince de Hesse,
le Prince de Hohenzolern , le Comte Philippi ,
le Baron de Wittigenaw , le Baron de Schmettaw
, &c. le Comte de Soissons , le Prince de
Lichtenstein , &c.Majors Généraux de Cavalerie.
Selon diverses Lettres d'Allemagne , la Diette
de Ratisbonne a déliberé sur le Décret que l'Empereur
y a envoyé au sujet de la Guerre ; et les
Ministres des Electeurs de Bavière et de Cologne,
de l'Electeur Palatin, et de plusieurs autres Princes
, ont representé à l'Assemblée toutes les rai-
Sons qui devoient déterminer les Princes de l'Empire
à ne point déclarer la Guerre à la France
mais malgré leurs remontrances , il a été résolų,
à la pluralité des voix , que l'Empire se joindroit
à l'Empereur.
On mande de Vienne que le Conseil des Finances
s'étant assemblé plusieurs fois pour déliberer
sur les moyens de fournir aux dépenses de la
Guerre , sans surcharger les Païs héréditaires
d'impositions trop onéreuses ; il s'est déterminé
à la levée du Dixiéme sur les revenus desTerres
, et des autres biens fonds , dans tous les Païs
de la Domination de S.M. Imp . et le bruit court
qu'il a été résolu en même - temps de prendre le
Centiéme des Capitaux de toutes les obligations
portant interêt.
Les mêmes Lettres ajoûtent que le Grand- Seigncur
1
MARS. 1734. 603
gneur continuoit de faire assembler les Troupes
d'Europe , et que le Kan des Tartares s'étoit
avancé avee son Armée dans la Basse- Arabie ,
pour agir contre les Moscovites.
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Résumé : ALLEMAGNE.
En 1734, l'armée impériale allemande, forte de cinquante mille hommes, se rassemble entre Trente et Eozano sous la direction du Comte de Mercy. Les Princes d'Armstadt et Frédéric de Wurtemberg, ayant refusé de servir sous Mercy, sont attendus à Vienne. L'Empereur ordonne au Général Palfi de diriger son régiment vers la Hongrie, où d'autres troupes doivent également être envoyées. Pour l'armée du Rhin, dirigée par le Prince Eugène, plusieurs hauts gradés sont nommés, dont les Ducs de Wurtemberg et de Brunswick-Lunebourg Bevern, et le Comte de Harrach. La Diète de Ratisbonne décide, malgré des objections, que l'Empire se joindra à l'Empereur dans le conflit. À Vienne, le Conseil des Finances décide de lever un dixième sur les revenus des terres et un centième sur les capitaux des obligations pour financer la guerre. Par ailleurs, le Grand Seigneur rassemble des troupes en Europe, et le Khan des Tartares avance en Basse-Arabie contre les Moscovites.
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61
p. 729-741
LETTRE de M.... sur la Continuation des Memoires du R. P. Niceron.
Début :
Les Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la [...]
Mots clefs :
Jean-François Niceron, Lettres, Ogier Ghislain de Busbecq, Empereur, Constantinople, Ambassade , Affaires, Lettre, Roi, Turquie, Mort, Pierandrea Mattioli, Flandres, Voyage, Autriche, Mémoires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.... sur la Continuation des Memoires du R. P. Niceron.
LETTRE de M.... sur la Continuation
des Memoires du R. P. Niceron.
L
Es Memoires pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la
Képublique des Lettres , &c. continuent ,
Monsieur , d'être publiez ici avec succès
, et c'est toujours le sieur Briasson ,
Libraire , rue S. Jacques , qui les imprime.
J'ai à vous parler ici du XXII. votume
, vous ayant rendu compte de tous
les précedens.
C'est toûjours le même plan et le même
ordre , ainsi il me suffira de vous
dire que ce Tome , de 410. pages sans
les Tables , contient la Vie et le Catalogue
de 45. Sçavans , entre lesquels j'ai
choisi Auger Gislen de Busbeg , comme
un sujet qui , je m'assure , sera de votre
goût , et qui conviendra d'ailleurs pour
ne point trop exceder les bornes d'une
Lettre. Voici comment en parle notre
Auteur , page 350. de son Livre.
AUGER Gislen de Busbeq , naquit Fan
15220
730 MERCURE DE FRANCE
1522. à Comines en Flandres sur la Lys,
et fut fils naturel de Gilles Gislen , Seigneur
de Busbeq , Château sur la Lys
entre Comines et Menin , qui l'eut d'une
fille de basse condition .
Les heureuses dispositions qu'il fit voir
dès sa premiere jeunesse pour les Sciences
, engagerent son pere , qui l'élevoit
dans sa maison , à ne rien oublier pour
son instruction , et à le faire légitimer
par un Rescrit de l'Empereur Charles
Quint.
Il l'envoya étudier dans les plus celebres
Universitez , à Louvain , à Paris ,
à Venise , à Boulogne et à Padoüe , et
le jeune Busbeq fit de grands progrès
dans toutes ces Villes sous les fameux
Professeurs qu'il y suivit.
>
En 1554 il fut en Angleterre à la suite
de Pierre Lasso , que Ferdinand , Roy des
Romains , y envoyoit en Ambassade
pour assister aux Nôces de la Reine Marie
avec Philippe , fils de l'Empereur
Charles-Quint , qui se celebrerent le 5 .
Juillet 1554.
De retour en Flandres , il reçut à Lille
le 3. Novembre suivant , une Lettre de
Ferdinand par laquelle ce Prince lui
marquoit de se rendre à Vienne , pour
aller en Ambassade à Constantinople.
"
II
AVRIL 1734 731
Il ne differa de partir qu'autant de
temps qu'il lui en fallut pour aller dire
adieu à son Pere , que Valere André
peu exact sur son chapitre , a supposé
mal à propos , mort en ce temps - là ;
aussi bien qu'à ses amis.
Arrivé àVienne , il en partit aussi - tôt
pour Constantinople , où il arriva le
20. Janvier 1555. Soliman II . étoit alors
à Amasie à la tête de son Armée , et ayant
sçû son arrivée , il lui fit dire de le venir
trouver.
Il sortit de Constantinople le 5. Mars
et arriva auprès du Grand Seigneur le
7. Avril ; mais il n'eut pas grande satisfaction
de lui .
Il avoit été envoyé à la Porte pour
y demeurer en qualité d'Ambassadeur
ordinaire ; cependant il y fit très peu
de séjour. Il ne put obtenir de Soliman
qu'une Tréve de six mois ; et on jugea
à propos qu'il retournât promptement
vers Ferdinand , pour lui porter la Lettre
de l'Empereur Turc.
Il partit donc d'Amasie le 2. Juin , et
eut presque toujours la fievre jusqu'au 24.
qu'il arriva à Constantinople , d'où après
quatorze jours de repos , il reprit le chemin
de Vienne.
Le Roy des Romains le renvoya au
mois
732 MERCURE DE FRANCE
mois de Novembre à Constantinople ,
où il arriva en Janvier 1556.
Cette seconde Ambassade fut plus longue
et plus heureuse que la premiere ;
car elle dura sept ans , et finit par un
Traité contenant une Tréve de huit ans:
Busbeq , quoiqu'appliqué aux affaires
de son Ambassade , ne laissa pas de travailler
pendant son séjour en Turquie
pour la République des Lettres . Il ramassoit
des Inscriptions , acheptoit des
Manuscrits , recherchoit les Plantes rares
, et s'informoit de la nature des Animaux.
A ce second voyage il avoit mené
avec lui un Peintre , pour dessiner les
Plantes et les Animaux qui nous sont
inconnus ; et il communiqua dans la suite
ces Desseins à Pierre- André Mathiole',
qui en fit qui en fit usage dans les Livres qu'il
donna au Public.
Quelques- uns se sont imaginez que
Mathiole avoit été à son service , fondez
sur la quatriéme Lettre de Busbeq ,
écrite en 1562. où il est dit : Nihil pene
stirpium neque herbarum retuli , nisi depictarum,
quas Mathiolo servo mandaram,
et alia pleraque , & c. mais il est visible
que la ponctuation est vicieuse dans cet
endroit , et qu'il faut lire : quas Mathiolo
servo, Mandaram et alia pleraque, & c.
Fest
AVRIL. 1734:
733
c'est-à - dire qu'il gardoit ces Desseins
pour Mathiole. Ajoûtez à cela que Mathiole
dit dans l'Epitre Décicatoire de
son Commentaire sur Dioscoride , écrite
l'an 1568. qu'il y avoit 17. ans de suite
qu'il étoit Medecin de Ferdinand d'Autriche
, second fils de Maximilien I. II
a donc commencé à l'être en 1551. et
n'a pû durant ce temps servir Busbeq .
Busbeq eut pendant son séjour en Turquie
un Medecin , dont il est bon do
dire quelque chose. Il s'appelloit Guillaume
Quacquelben , et étoit natif de
Courtray en Flandres. Il fut appellé en
1548. de Louvain pour professer la Medecine
à Vienne en Autriche . Il passa
de-là à Constantinople en 1552. et y
mourut en 1561. C'étoit un homme de
Lettres , et curieux en Médailles , et Busbeq
assure dans ses Lettres , que la République
des Lettres perdit par sa mort
quantité de Remarques curieuses qu'il
vouloit mettre au jour. Mathiole , dans
ses Observations sur Dioscoride , reconnoît
qu'il lui en avoit envoyé plusieurs
qu'il avoit inserées dans son Ouvrage.
Ce Medecin avoit pour principe qu'il ne
falloit pas craindre la Peste , parce que
la crainte seule pouvoit la donner ; cependant
il la gagna et en mourut sans
vouloir
734 MERCURE DE FRANCE
vouloir presque démordre de son prémier
sentiment. Busbeq le croyoit capable
de tenir sa place à Constantinople
, quand il en seroit parti .
Busbeq ayant terminé les affaires qui
l'avoient amené en Turquie , partit de
Constantinople à la fin du mois d'Août
de l'an 1562. avec Ebrahim Strotschen ,
Polonois , que Soliman II. envoyoit à
l'Empereur Ferdinand II . et arriva en
Autriche au commencement d'Octobre;
mais comme l'Empereur étoit alors à la
Diette de Francfort , il s'y transporta par
ses ordres pour lui rendre compte de
ses Négociations . Son dessein étoit de
passer après cela le reste de ses jours dans
une vie privée ; mais il fallut qu'il se
rembarquât plus que jamais à la Cour.
On lui confia le gouvernement des
jeunes Princes , fils de Maximilien II .
que ce Prince , devenu Empereur par la
mort de Ferdinand I. son Pere , arrivée
le 25. Juillet 1564. envoya en Espagne
auprès de Philippe II. leur Oncle , sous
sa conduite .
Lorsque la Princesse Elisabeth d'Autriche
, fille du même Empereur Maximilien
, fut mariée en 1570. avec Char
les IX. Roy de France , il fut chargé
de la conduire dans ce Royaume , et demeura
AVRIL 1734 735
meura auprès d'elle , avec l'Intendance
de sa Maison et de ses affaires ; et quand
cette Princesse sortit de France après la
mort de son Mary , arrivée le 30. May
1574. elle l'y laissa pour y avoir soin de
ses affaires.
·
L'Empereur Rodolphe II . le choisit
aussi pour être son Ambassadeur à la
Cour de France ; et l'on a les Lettres qu'il
lui écrivit en cette qualité depuis le 25.
Mars 1582. jusqu'à la fin de 1585.
En 1592. il obtint de l'Empereur un
Congé de six mois pour faire un voyage
en Flandres , où sa presence étoit nécessaire
par rapport à ses affaires domestiques.
Mais quoiqu'il eût pris pour faire
ce voyage plus sûrement , des passeports
du Roy et de la Ligue , il fut volé et
maltraité dans le Village de Cailly à quatre
lieues de Rouen , par un Parti de
Ligueurs , qui cependant , sur les représentations
qu'il leur fit par rapport à son
caractere , le laisserent libre et lui rendirent
tout ce qu'ils lui avoient pris.
Le Gouverneur de Rouen ayant sçû
cette avanture , lui en fit des excuses et
lui promit de punir ceux qui l'avoient
insulté , mais Busbeq lui répondit qu'il
songeoit plutôt à se tranquiliser l'esprit
qu'à se venger de l'injure qu'on avoit
faite à sa qualité.
736 MERCURE DE FRANCE
Il ne continua pas cependant son voyage
; car se sentant incommodé , il se fit
porter au Château de Mailloc , dans le
voisinage de Cailly.
Il y mourut onze jours après , le 28.
Octobre 1592. âgé d'environ 70. ans.Son
corps fut enterré honorablement dans
l'Eglise du Lieu , et son coeur fut porté
aux Bays - Bas , pour y être mis dans le
Tombeau de ses Ancêtres.
Le bruit courut alors qu'il avoit été
tué dans un bois par des voleurs , et c'est
conformément à ce bruit qu'en ont parlé
Philippe Camérarius dans ses Méditations
historiques, Scaliger, dans le Scaligeriana,
et Juste Lipse , dans l'Epitaphe qu'il lui
a faite.
L'Archiduc Albert , Gouverneur et
puis Souverain des Pays - Bas Epagnols ,
érigea en Baronie la Terre de Busbeq ,
pour honorer la mémoire de son Gouverneur
et lui témoigner sa reconnoissance.
Maximilien , Pere de ce Prince ,
lui avoit conferé l'Ordre de Chevalerie ,
et les Lettres Patentes qu'il lui accorda
pour cela , le 3. Avril 1554. lui sont très .
honorables .
Il avoit eu dessein de se fixer en Fran
ce , dont le séjour lui plaisoit extréme
ment , et il y avoit dans ce dessein acheté
quelques Terres.
AVRIL. 1734. 737
On dit qu'il parloit sept Langues en
perfection , la Latine l'Italienne , la
Françoise , l'Espagnole , l'Allemande , la
Flamande et la Sclavone.
>
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Itinera II. Constantinopolitanum , et
Amasianum. Antuerpia , 1581. in 8. Ces
Voyages sont contenus en deux Lettres
que Busbeq adressa à NicolasMicaut , Sieur
d'Indevel , avec qui il avoit autrefois
étudié en Italie. Louis Carrion , qui en
fit faire cette premiere Edition , la dédia
au même Micaut.
2. Legationis Turcice Epistola quatuor,
quarum priores due prodierunt sub titulo
itinerum Constantinopolitani et Amasiani.
Paris. 1595. in 8. Il y a plusieurs autres
Editions de ces Lettres. Dans celle de
Francfort de l'an 1605. in 8. on a ajoûté
l'Ambassade d'Ebrahim Strotschen , dont
j'ai parlé cy-dessus. Ces Lettres qui sont
très-curieuses et très - instructives ont
été traduites en François sous ce titre :
Ambassades et Voyages en Turquie et Amasie
, de M. Busbequius , depuis l'an 1554.
jusqu'en 1562. traduit du Latin par le
S. Gaudon. Paris 1646. in 8. On en a
aussi une Traduction Allemande , imprimée
à Francfort en 1596. in 8.
3.
738 MERCURE DE FRANCE
3. De re Militari contra Turcam instituenda
Consilium A la suite des Lettres
sur son Ambassade de Turquie , tant
dans la premiere Edition de 1681. que
dans les suivantes. Item. à la page 18 .
du quatrième volume du Recueil de Nicolas
Reusner , intitulé : De Bello Turcico
selectissima Orationes et Consultationes.
Leipsia , 1596. in 4. Busbeq avoit examiné
avec beaucoup de soin l'état de la
Monarchie Ottomane et les veritables
moyens de l'attaquer avec succès
c'est ce qui fait la matiere de ce petit
Discours.
›
3
4. Augerii Gislenii Busbequii , Casaris
apud Regem Gallorum Legati , Epistola ad
Rudolphum. II. Imperatorem. è Bibliotheca
Joannis Bapt. Houvart J. C. Patricii
Bruxellensis. Louvanii , 1630. in 8.
Ces Lettres , qui sont au nombre de 53 .
s'étendent depuis le 25. Mars 1582. jusqu'à
la fin de 1585. elles ont été tradui .
tes en François par M. l'Abbé Bechet ;
Chanoine d'Usez , natif de Clermont en
Auvergne , Auteur de la Vie du Cardinal
Martinuzius , mort en 1722. âgé de
73. ans , et cette Traduction a été inserée
dans le II . Tome des Memoires de
Litterature du P. Desmolets , pag. 249 .
» Ces Lettres , dit Vigneul de Marville ,
Tom .
AVRIL. 1734. 739
❤
>
» Tom. I. de ses Melanges , pag. 52. sont
>> mieux remplies et plus utiles que celles
de Bongars . C'est un Portrait au
>> naturel des affaires de France sous le
» Regne de Henry III . Il raconte les cho-
» ses avec une naïveté si grande qu'elies
semblent se passer sous nos yeux . On ne
» trouve point ailleurs tant de faits his-
» toriques on si peu de discours . Les
» grands mouvemens comme la conspiration
d'Anvers et les petites intri-
» gues de la Cour y sont également bien.
marqués. Les attitudes , pour ainsi dire ,
» dans lesquelles il met Henry III , la .
» Reine Mere , le Duc d'Alençon , le Roy
» de Navarre , la Reine Marguerite , le
>> Duc de Guise , le Duc d'Epernon , et
» les autres Courtisans et Favoris de ce
» temps - là,nous les montrent du côté qui
» nous en découvre , à coup sûr , le fort
» et le foible , le bon et le mauvais. En
un mot , les Lettres de Busbeq sont un
modele de bien écrire pour les Ambassadeurs
qui rendent compte à leurs
Maîtres de ce qui se passe dans les
Cours où ils résident .
>>
5. Omnia quæ extant , seu Epistola ipsius
Legationum et alii Tractatus historici , et
Politici. Lugd. Bat. Elzevir , 1633. in 24.
Item . Amstelodami. Elzevir , 1660. in 24.
Voyez
740 MERCURE DE FRANCE
Voyez ses Lettres . C'est- là qu'on trouve
un détail exact de ce qui le regarde.
Bayle , Dictionnaire , son article est fait
avec beaucoup de soin. Tous les autres
Auteurs qui ont parlé de lui, sont tombez
dans des fautes grossieres et ont donné
une Relation de sa Vie , qui contredit
souvent ce qu'on trouve dans ses Let
tres. Tels sont les suivants. Valere André
, Bibliotheca Belgica : l'Auteur de sa
Vie qui est à la tête de ses Lettres à l'Empereur
Rodolphe , et que M. l'Abbé Bechet
a traduite de même que les Lettres.
Melchioris Adami vita Jurisconsultorum
Germanorum. p. 145. Freheri Theatrum Virorum
Doctorum , p. 931. Bullart , Académie
des Sciences , Tom. I. p. 80. Les
Eloges de M. de Thou , et les Additions
de Teissier.
Les autres Sçavans qui remplissent ce Volume
sont, Barthelemi Aneau, Elie Ashmole
,Jean d'Aubry, Guillaume de Baillou, Jacques
de Billy,Geoffroy et Jean de Billy, Adam
Blacvod , Edouard Brereword,RobertBurhill,
Louis Cappel, Louis Cappel lejeune,Jacques
Cappel, Scipion Carteromaco , Jacques Cassagne
, Antoine de Chandien, Nicolas Cisner,
Gaspard Contarini, Martin Antoine Delrio,
Antoine Densingius, Jeremie Drexelius,Jean
Drusius,Varino Favorino,Jean Gelida, Gilbert
AVRIL. 1734. 741
"
bert Genebrard, François Godwin , Laurent
Humphrey , Jean Marsham , Nicolas Hugues
Menard , Isaac Newton , François
Pinsson Arnaud de Pontac , Antoine
Possevin , Pierre du Ryer , François Sansovino,
J.Théodore Schenkius , Joseph Marie
Suarez , Paul et François Tallemant ,
J. F. Foy Vaillant , N. Durand de Villegagnon
, Burcher de Volder , Adolphe et
Everard Vorstius.
des Memoires du R. P. Niceron.
L
Es Memoires pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la
Képublique des Lettres , &c. continuent ,
Monsieur , d'être publiez ici avec succès
, et c'est toujours le sieur Briasson ,
Libraire , rue S. Jacques , qui les imprime.
J'ai à vous parler ici du XXII. votume
, vous ayant rendu compte de tous
les précedens.
C'est toûjours le même plan et le même
ordre , ainsi il me suffira de vous
dire que ce Tome , de 410. pages sans
les Tables , contient la Vie et le Catalogue
de 45. Sçavans , entre lesquels j'ai
choisi Auger Gislen de Busbeg , comme
un sujet qui , je m'assure , sera de votre
goût , et qui conviendra d'ailleurs pour
ne point trop exceder les bornes d'une
Lettre. Voici comment en parle notre
Auteur , page 350. de son Livre.
AUGER Gislen de Busbeq , naquit Fan
15220
730 MERCURE DE FRANCE
1522. à Comines en Flandres sur la Lys,
et fut fils naturel de Gilles Gislen , Seigneur
de Busbeq , Château sur la Lys
entre Comines et Menin , qui l'eut d'une
fille de basse condition .
Les heureuses dispositions qu'il fit voir
dès sa premiere jeunesse pour les Sciences
, engagerent son pere , qui l'élevoit
dans sa maison , à ne rien oublier pour
son instruction , et à le faire légitimer
par un Rescrit de l'Empereur Charles
Quint.
Il l'envoya étudier dans les plus celebres
Universitez , à Louvain , à Paris ,
à Venise , à Boulogne et à Padoüe , et
le jeune Busbeq fit de grands progrès
dans toutes ces Villes sous les fameux
Professeurs qu'il y suivit.
>
En 1554 il fut en Angleterre à la suite
de Pierre Lasso , que Ferdinand , Roy des
Romains , y envoyoit en Ambassade
pour assister aux Nôces de la Reine Marie
avec Philippe , fils de l'Empereur
Charles-Quint , qui se celebrerent le 5 .
Juillet 1554.
De retour en Flandres , il reçut à Lille
le 3. Novembre suivant , une Lettre de
Ferdinand par laquelle ce Prince lui
marquoit de se rendre à Vienne , pour
aller en Ambassade à Constantinople.
"
II
AVRIL 1734 731
Il ne differa de partir qu'autant de
temps qu'il lui en fallut pour aller dire
adieu à son Pere , que Valere André
peu exact sur son chapitre , a supposé
mal à propos , mort en ce temps - là ;
aussi bien qu'à ses amis.
Arrivé àVienne , il en partit aussi - tôt
pour Constantinople , où il arriva le
20. Janvier 1555. Soliman II . étoit alors
à Amasie à la tête de son Armée , et ayant
sçû son arrivée , il lui fit dire de le venir
trouver.
Il sortit de Constantinople le 5. Mars
et arriva auprès du Grand Seigneur le
7. Avril ; mais il n'eut pas grande satisfaction
de lui .
Il avoit été envoyé à la Porte pour
y demeurer en qualité d'Ambassadeur
ordinaire ; cependant il y fit très peu
de séjour. Il ne put obtenir de Soliman
qu'une Tréve de six mois ; et on jugea
à propos qu'il retournât promptement
vers Ferdinand , pour lui porter la Lettre
de l'Empereur Turc.
Il partit donc d'Amasie le 2. Juin , et
eut presque toujours la fievre jusqu'au 24.
qu'il arriva à Constantinople , d'où après
quatorze jours de repos , il reprit le chemin
de Vienne.
Le Roy des Romains le renvoya au
mois
732 MERCURE DE FRANCE
mois de Novembre à Constantinople ,
où il arriva en Janvier 1556.
Cette seconde Ambassade fut plus longue
et plus heureuse que la premiere ;
car elle dura sept ans , et finit par un
Traité contenant une Tréve de huit ans:
Busbeq , quoiqu'appliqué aux affaires
de son Ambassade , ne laissa pas de travailler
pendant son séjour en Turquie
pour la République des Lettres . Il ramassoit
des Inscriptions , acheptoit des
Manuscrits , recherchoit les Plantes rares
, et s'informoit de la nature des Animaux.
A ce second voyage il avoit mené
avec lui un Peintre , pour dessiner les
Plantes et les Animaux qui nous sont
inconnus ; et il communiqua dans la suite
ces Desseins à Pierre- André Mathiole',
qui en fit qui en fit usage dans les Livres qu'il
donna au Public.
Quelques- uns se sont imaginez que
Mathiole avoit été à son service , fondez
sur la quatriéme Lettre de Busbeq ,
écrite en 1562. où il est dit : Nihil pene
stirpium neque herbarum retuli , nisi depictarum,
quas Mathiolo servo mandaram,
et alia pleraque , & c. mais il est visible
que la ponctuation est vicieuse dans cet
endroit , et qu'il faut lire : quas Mathiolo
servo, Mandaram et alia pleraque, & c.
Fest
AVRIL. 1734:
733
c'est-à - dire qu'il gardoit ces Desseins
pour Mathiole. Ajoûtez à cela que Mathiole
dit dans l'Epitre Décicatoire de
son Commentaire sur Dioscoride , écrite
l'an 1568. qu'il y avoit 17. ans de suite
qu'il étoit Medecin de Ferdinand d'Autriche
, second fils de Maximilien I. II
a donc commencé à l'être en 1551. et
n'a pû durant ce temps servir Busbeq .
Busbeq eut pendant son séjour en Turquie
un Medecin , dont il est bon do
dire quelque chose. Il s'appelloit Guillaume
Quacquelben , et étoit natif de
Courtray en Flandres. Il fut appellé en
1548. de Louvain pour professer la Medecine
à Vienne en Autriche . Il passa
de-là à Constantinople en 1552. et y
mourut en 1561. C'étoit un homme de
Lettres , et curieux en Médailles , et Busbeq
assure dans ses Lettres , que la République
des Lettres perdit par sa mort
quantité de Remarques curieuses qu'il
vouloit mettre au jour. Mathiole , dans
ses Observations sur Dioscoride , reconnoît
qu'il lui en avoit envoyé plusieurs
qu'il avoit inserées dans son Ouvrage.
Ce Medecin avoit pour principe qu'il ne
falloit pas craindre la Peste , parce que
la crainte seule pouvoit la donner ; cependant
il la gagna et en mourut sans
vouloir
734 MERCURE DE FRANCE
vouloir presque démordre de son prémier
sentiment. Busbeq le croyoit capable
de tenir sa place à Constantinople
, quand il en seroit parti .
Busbeq ayant terminé les affaires qui
l'avoient amené en Turquie , partit de
Constantinople à la fin du mois d'Août
de l'an 1562. avec Ebrahim Strotschen ,
Polonois , que Soliman II. envoyoit à
l'Empereur Ferdinand II . et arriva en
Autriche au commencement d'Octobre;
mais comme l'Empereur étoit alors à la
Diette de Francfort , il s'y transporta par
ses ordres pour lui rendre compte de
ses Négociations . Son dessein étoit de
passer après cela le reste de ses jours dans
une vie privée ; mais il fallut qu'il se
rembarquât plus que jamais à la Cour.
On lui confia le gouvernement des
jeunes Princes , fils de Maximilien II .
que ce Prince , devenu Empereur par la
mort de Ferdinand I. son Pere , arrivée
le 25. Juillet 1564. envoya en Espagne
auprès de Philippe II. leur Oncle , sous
sa conduite .
Lorsque la Princesse Elisabeth d'Autriche
, fille du même Empereur Maximilien
, fut mariée en 1570. avec Char
les IX. Roy de France , il fut chargé
de la conduire dans ce Royaume , et demeura
AVRIL 1734 735
meura auprès d'elle , avec l'Intendance
de sa Maison et de ses affaires ; et quand
cette Princesse sortit de France après la
mort de son Mary , arrivée le 30. May
1574. elle l'y laissa pour y avoir soin de
ses affaires.
·
L'Empereur Rodolphe II . le choisit
aussi pour être son Ambassadeur à la
Cour de France ; et l'on a les Lettres qu'il
lui écrivit en cette qualité depuis le 25.
Mars 1582. jusqu'à la fin de 1585.
En 1592. il obtint de l'Empereur un
Congé de six mois pour faire un voyage
en Flandres , où sa presence étoit nécessaire
par rapport à ses affaires domestiques.
Mais quoiqu'il eût pris pour faire
ce voyage plus sûrement , des passeports
du Roy et de la Ligue , il fut volé et
maltraité dans le Village de Cailly à quatre
lieues de Rouen , par un Parti de
Ligueurs , qui cependant , sur les représentations
qu'il leur fit par rapport à son
caractere , le laisserent libre et lui rendirent
tout ce qu'ils lui avoient pris.
Le Gouverneur de Rouen ayant sçû
cette avanture , lui en fit des excuses et
lui promit de punir ceux qui l'avoient
insulté , mais Busbeq lui répondit qu'il
songeoit plutôt à se tranquiliser l'esprit
qu'à se venger de l'injure qu'on avoit
faite à sa qualité.
736 MERCURE DE FRANCE
Il ne continua pas cependant son voyage
; car se sentant incommodé , il se fit
porter au Château de Mailloc , dans le
voisinage de Cailly.
Il y mourut onze jours après , le 28.
Octobre 1592. âgé d'environ 70. ans.Son
corps fut enterré honorablement dans
l'Eglise du Lieu , et son coeur fut porté
aux Bays - Bas , pour y être mis dans le
Tombeau de ses Ancêtres.
Le bruit courut alors qu'il avoit été
tué dans un bois par des voleurs , et c'est
conformément à ce bruit qu'en ont parlé
Philippe Camérarius dans ses Méditations
historiques, Scaliger, dans le Scaligeriana,
et Juste Lipse , dans l'Epitaphe qu'il lui
a faite.
L'Archiduc Albert , Gouverneur et
puis Souverain des Pays - Bas Epagnols ,
érigea en Baronie la Terre de Busbeq ,
pour honorer la mémoire de son Gouverneur
et lui témoigner sa reconnoissance.
Maximilien , Pere de ce Prince ,
lui avoit conferé l'Ordre de Chevalerie ,
et les Lettres Patentes qu'il lui accorda
pour cela , le 3. Avril 1554. lui sont très .
honorables .
Il avoit eu dessein de se fixer en Fran
ce , dont le séjour lui plaisoit extréme
ment , et il y avoit dans ce dessein acheté
quelques Terres.
AVRIL. 1734. 737
On dit qu'il parloit sept Langues en
perfection , la Latine l'Italienne , la
Françoise , l'Espagnole , l'Allemande , la
Flamande et la Sclavone.
>
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Itinera II. Constantinopolitanum , et
Amasianum. Antuerpia , 1581. in 8. Ces
Voyages sont contenus en deux Lettres
que Busbeq adressa à NicolasMicaut , Sieur
d'Indevel , avec qui il avoit autrefois
étudié en Italie. Louis Carrion , qui en
fit faire cette premiere Edition , la dédia
au même Micaut.
2. Legationis Turcice Epistola quatuor,
quarum priores due prodierunt sub titulo
itinerum Constantinopolitani et Amasiani.
Paris. 1595. in 8. Il y a plusieurs autres
Editions de ces Lettres. Dans celle de
Francfort de l'an 1605. in 8. on a ajoûté
l'Ambassade d'Ebrahim Strotschen , dont
j'ai parlé cy-dessus. Ces Lettres qui sont
très-curieuses et très - instructives ont
été traduites en François sous ce titre :
Ambassades et Voyages en Turquie et Amasie
, de M. Busbequius , depuis l'an 1554.
jusqu'en 1562. traduit du Latin par le
S. Gaudon. Paris 1646. in 8. On en a
aussi une Traduction Allemande , imprimée
à Francfort en 1596. in 8.
3.
738 MERCURE DE FRANCE
3. De re Militari contra Turcam instituenda
Consilium A la suite des Lettres
sur son Ambassade de Turquie , tant
dans la premiere Edition de 1681. que
dans les suivantes. Item. à la page 18 .
du quatrième volume du Recueil de Nicolas
Reusner , intitulé : De Bello Turcico
selectissima Orationes et Consultationes.
Leipsia , 1596. in 4. Busbeq avoit examiné
avec beaucoup de soin l'état de la
Monarchie Ottomane et les veritables
moyens de l'attaquer avec succès
c'est ce qui fait la matiere de ce petit
Discours.
›
3
4. Augerii Gislenii Busbequii , Casaris
apud Regem Gallorum Legati , Epistola ad
Rudolphum. II. Imperatorem. è Bibliotheca
Joannis Bapt. Houvart J. C. Patricii
Bruxellensis. Louvanii , 1630. in 8.
Ces Lettres , qui sont au nombre de 53 .
s'étendent depuis le 25. Mars 1582. jusqu'à
la fin de 1585. elles ont été tradui .
tes en François par M. l'Abbé Bechet ;
Chanoine d'Usez , natif de Clermont en
Auvergne , Auteur de la Vie du Cardinal
Martinuzius , mort en 1722. âgé de
73. ans , et cette Traduction a été inserée
dans le II . Tome des Memoires de
Litterature du P. Desmolets , pag. 249 .
» Ces Lettres , dit Vigneul de Marville ,
Tom .
AVRIL. 1734. 739
❤
>
» Tom. I. de ses Melanges , pag. 52. sont
>> mieux remplies et plus utiles que celles
de Bongars . C'est un Portrait au
>> naturel des affaires de France sous le
» Regne de Henry III . Il raconte les cho-
» ses avec une naïveté si grande qu'elies
semblent se passer sous nos yeux . On ne
» trouve point ailleurs tant de faits his-
» toriques on si peu de discours . Les
» grands mouvemens comme la conspiration
d'Anvers et les petites intri-
» gues de la Cour y sont également bien.
marqués. Les attitudes , pour ainsi dire ,
» dans lesquelles il met Henry III , la .
» Reine Mere , le Duc d'Alençon , le Roy
» de Navarre , la Reine Marguerite , le
>> Duc de Guise , le Duc d'Epernon , et
» les autres Courtisans et Favoris de ce
» temps - là,nous les montrent du côté qui
» nous en découvre , à coup sûr , le fort
» et le foible , le bon et le mauvais. En
un mot , les Lettres de Busbeq sont un
modele de bien écrire pour les Ambassadeurs
qui rendent compte à leurs
Maîtres de ce qui se passe dans les
Cours où ils résident .
>>
5. Omnia quæ extant , seu Epistola ipsius
Legationum et alii Tractatus historici , et
Politici. Lugd. Bat. Elzevir , 1633. in 24.
Item . Amstelodami. Elzevir , 1660. in 24.
Voyez
740 MERCURE DE FRANCE
Voyez ses Lettres . C'est- là qu'on trouve
un détail exact de ce qui le regarde.
Bayle , Dictionnaire , son article est fait
avec beaucoup de soin. Tous les autres
Auteurs qui ont parlé de lui, sont tombez
dans des fautes grossieres et ont donné
une Relation de sa Vie , qui contredit
souvent ce qu'on trouve dans ses Let
tres. Tels sont les suivants. Valere André
, Bibliotheca Belgica : l'Auteur de sa
Vie qui est à la tête de ses Lettres à l'Empereur
Rodolphe , et que M. l'Abbé Bechet
a traduite de même que les Lettres.
Melchioris Adami vita Jurisconsultorum
Germanorum. p. 145. Freheri Theatrum Virorum
Doctorum , p. 931. Bullart , Académie
des Sciences , Tom. I. p. 80. Les
Eloges de M. de Thou , et les Additions
de Teissier.
Les autres Sçavans qui remplissent ce Volume
sont, Barthelemi Aneau, Elie Ashmole
,Jean d'Aubry, Guillaume de Baillou, Jacques
de Billy,Geoffroy et Jean de Billy, Adam
Blacvod , Edouard Brereword,RobertBurhill,
Louis Cappel, Louis Cappel lejeune,Jacques
Cappel, Scipion Carteromaco , Jacques Cassagne
, Antoine de Chandien, Nicolas Cisner,
Gaspard Contarini, Martin Antoine Delrio,
Antoine Densingius, Jeremie Drexelius,Jean
Drusius,Varino Favorino,Jean Gelida, Gilbert
AVRIL. 1734. 741
"
bert Genebrard, François Godwin , Laurent
Humphrey , Jean Marsham , Nicolas Hugues
Menard , Isaac Newton , François
Pinsson Arnaud de Pontac , Antoine
Possevin , Pierre du Ryer , François Sansovino,
J.Théodore Schenkius , Joseph Marie
Suarez , Paul et François Tallemant ,
J. F. Foy Vaillant , N. Durand de Villegagnon
, Burcher de Volder , Adolphe et
Everard Vorstius.
Fermer
Résumé : LETTRE de M.... sur la Continuation des Memoires du R. P. Niceron.
La lettre traite de la publication continue des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres', imprimés par le sieur Briasson à Paris. Le vingt-deuxième volume contient la vie et le catalogue de 45 savants, parmi lesquels Auger Gislen de Busbeq. Né en 1522 à Comines en Flandres, Busbeq est le fils naturel de Gilles Gislen, seigneur de Busbeq. Grâce à ses dispositions pour les sciences, son père l'envoya étudier dans plusieurs universités célèbres, telles que Louvain, Paris, Venise, Boulogne et Padoue. En 1554, Busbeq se rendit en Angleterre à la suite de Pierre Lasso pour assister aux noces de la reine Marie avec Philippe, fils de l'empereur Charles Quint. De retour en Flandres, il reçut une lettre de Ferdinand, roi des Romains, l'envoyant en ambassade à Constantinople. Il arriva à Constantinople en janvier 1555 et rencontra Soliman II à Amasie. Sa première ambassade fut brève, obtenant seulement une trêve de six mois. Il retourna à Vienne et fut renvoyé à Constantinople en novembre 1555, où il resta sept ans et négocia une trêve de huit ans. Pendant son séjour en Turquie, Busbeq collecta des inscriptions, acheta des manuscrits, rechercha des plantes rares et s'informa sur la nature des animaux. Il ramena des dessins de plantes et d'animaux inconnus en Europe, qu'il communiqua à Pierre-André Matthiole pour ses ouvrages. Il eut également un médecin, Guillaume Quacquelben, qui mourut à Constantinople en 1561. Après avoir terminé ses affaires en Turquie, Busbeq retourna en Autriche en 1562. Il fut ensuite chargé de diverses missions diplomatiques, notamment la conduite des jeunes princes fils de Maximilien II en Espagne et l'escorte de la princesse Élisabeth d'Autriche en France. Il fut également ambassadeur à la cour de France pour Rodolphe II. En 1592, Busbeq obtint un congé pour se rendre en Flandres, mais fut attaqué et volé par des ligueurs près de Rouen. Il mourut peu après, le 28 octobre 1592, à l'âge d'environ 70 ans. Son corps fut enterré honorablement et son cœur porté aux Pays-Bas pour être placé dans le tombeau de ses ancêtres. Busbeq parlait sept langues et laissa plusieurs ouvrages, dont des lettres sur ses voyages et ambassades en Turquie, traduites en français et en allemand. Ses lettres sont considérées comme un modèle de rapport diplomatique. Le volume mentionne également une série de savants, parmi lesquels figurent Valère André, auteur de la 'Bibliotheca Belgica' et de lettres adressées à l'empereur Rodolphe, traduites par l'abbé Bechet. D'autres ouvrages cités incluent 'Melchioris Adami vita Jurisconsultorum Germanorum' et 'Freheri Theatrum Virorum Doctorum'. Le texte fait référence aux éloges de M. de Thou et aux additions de Teissier. La liste des savants inclut Barthelemi Aneau, Elie Ashmole, Jean d'Aubry, Guillaume de Baillou, Jacques de Billy, Geoffroy et Jean de Billy, Adam Blacvod, Edouard Brereword, Robert Burhill, Louis Cappel, Louis Cappel le jeune, Jacques Cappel, Scipion Carteromaco, Jacques Cassagne, Antoine de Chandien, Nicolas Cisner, Gaspard Contarini, Martin Antoine Delrio, Antoine Densingius, Jerémie Drexelius, Jean Drusius, Varino Favorino, Jean Gelida, Gilbert Genebrard, François Godwin, Laurent Humphrey, Jean Marsham, Nicolas Hugues Menard, Isaac Newton, François Pinsson, Arnaud de Pontac, Antoine Possevin, Pierre du Ryer, François Sansovino, J. Théodore Schenkius, Joseph Marie Suarez, Paul et François Tallemant, J. F. Foy Vaillant, N. Durand de Villegagnon, Burcher de Volder, Adolphe et Everard Vorstius. Le texte est daté d'avril 1734.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 775-781
ITALIE.
Début :
Le 9. du mois dernier, le Pape envoya au Duc de Palombara, le Bref par lequel S. S. [...]
Mots clefs :
Royaume de Naples, Troupes impériales, Ville de Naples, Vice-roi, Infant Don Carlos, Empereur, Armée, Capoue, Pape, Conseil collatéral
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALIE.
E 9. du mois dernier , le Pape envoya au
Duc de Palombara , le Brefpar lequel S. S
absout le Cardinal Coscia de l'excommunication
G vj qu'il
776 MERCURE DE FRANCE
qu'il avoit encourue. On compte que ce Cardinal
sortira du Château Saint - Ange , et qu'il se
retirera dans le Convent de Saint Eusebe , où il
demeurera en attendant que la Chambre Apostolique
ait accepté les sûretez qu'il offre pour les
sonnes qui lui restent à payer. On a appris depuis
, qu'ayant reçû ce Bref, il entendit le 14.
la Messe dans le Château Saint- Ange.
On cut avis à Rome le 15. Mais , que l'Infant
Don Carlos étoit arrivé le matin à Monte-
Rotondo , et que le Cardinal Acquaviva , les
Princes Don Barthelemy et Don Philippe Corsini
, le Prince de Santo - Buono , le Marquis
Strozzi , le Marquis Sorano , les deux Auditeurs
de Rote de la Nation Espagnole , et quelques autres
personnes de distinction , qui y étoient allez
pour rendre leurs respects à ce Prince , avoient
cû l'honneur d'y dîner avec lui .
Le Duc de Saint Aignan , Ambassadeur du
Roy de France , s'y rendit l'après midy , et fut
admis à l'Audience du Prince , et le , Chevalier
de Saint Georges y alla le soir avec la Princesse
son Epouse et les deux Princes ses fils.
Le 22. le Prince Don Barthelemy Corsini ,
Grand- Ecuyer de l'Infant Don Carlos , partit de
Rome pour l'aller joindre à Tivoli.
Le Gouverneur de Rome a fait publier un ordre
à tous les Vagabons et autres gens sans aveu
qui sont dans cette Capitale , d'en sortir dans
un terme prescrit , sous peine d'être condamnez
2 Cinq. ans de Galeres ; il doit paroître incessamment
un autre Edit pour menacer de la même
peine les Déserteurs des Troupes Etrangeres quit
se réfugieront dans l'Etat Ecclesiastique , et qu'on
ne sera pas à portée de remettre à leurs Officiers.
» Sur la fin du Consistoire secret que le Pape
FIDE
A VRIL . 1734. 777
tint le 24. du mois dernier , S. S. créa Cardinaux
M, Pompée Aldovrandi , Boulonois , Patriarche
de Jerusalem , Vice-Camerlingue de la Sainte
Eglise , Gouverneur de la Ville et du Territoire
de Rome . Consulteur du saint Office , et des
Rits ; M. Séraphin Cency , Romain , Archevêque
de Benevent , le P. François - Pierre - Marie
Pieri , Siennois , General de l'Ordre des Servites,
Consulteur du Saint Office et des Rits , er Examinateur
des Evêques ; et M. Jacques Amadori
de Lanfredini , Florentin Chanoine de l'Eglise
de S. Pierre du Vatican , Secretaire de la Congrégation
du Concile , et Dataire de la Penitencerie
.
On a reçû avis de Rovero , que le Comte de
Merci , qui a été nommé par l'Empereur pour
commander l'Armée que 5. M. Imper ale assemblé
dans le Trentin avoit eu une attaque
d'apoplexie , qu'il é oit resté en paralysie, et que
le Prince Louis de Waremberg avoit pris le commandement
des Troupes
On écrit de Naples , que les sommes qu'on a
exigées des Communautez qui n'étoient pas en
drar de fournir le nombre d'hommes qu'on leur
a de mandé montent à 3600co . Ducats.
L'Empereur a écrit au Viceroy , d'accorder
certains Privileges à chaque Négociant de cette
Ville qui voudront prêter socco florins à quatre
pour cent d'interèt pour les dépenses de la
Guerre.
SM. Imperiale a envoyé de nouveaux Ordres
pour faire observer , avec la derniere rigueur , le
Decret par lequel il est enjoint à la Cour de la
Vicairerie de tatre saisit tous les revenus de ceux
qui ayant des Charges ou ces biens , fonds dans
le Royaume de Naples , n'y seront pas revenus
au temps prescrit.
778 MERCURE DE FRANCE
Il paroîtra incessamment un Edit pour permettre
à tous ceux qui ont été bannis du Royaume
, d'y rentrer , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement.
Il ne paroît pas que le Gouvernement persiste
dans la résolution qu'il avoit prise de faire démanteler
Capoue , et l'on assure au contraire
que le Prince Caraffe , Grand - Maréchal du
Royaume , le Prince de Belmonte Pignatelli ,
General de la Cavalerie , et le Comte de Traun ,
qui partirent le 8. du mois passé pour s'y rendre
, ont ordre d'en faire réparer les Fortifications
et d'y faire conduire une grande quantité
de Munitions de bouche et de
guerre , et que
plupart des Troupes de Naples , au lieu de tenir
la Campagne , sont destinées à deffendre cette
Place et celle de Gaëtte.
la
Il a été résolu par le Conseil Collateral d'abandonner
un des Châteaux de Naples et d'aug
menter les Garnisons des trois autres.
Le Gouvernement a aussi résolu de faire démolir
les lignes qu'on avoit construites près de
San-Germano , pour s'opposer au passage des
Troupes Espagnoles , et il a ordonné que les
Troupes qui étoient à portée dans ces quartierslà
, marchassent vers Gaëtte , après qu'elles auront
rompu le Pont de Garigliano , afin d'empêcher
les Espagnols d'en profiter pour entrer
dans le Royaume de Naples ; et on se propose
de former aux environs de Garigliano un Camp
qui sera composé des Bataillons qu'on attend de
Sicile et d'une partie des nouvelles Milices .
On a appris en dernier lieu que la plus grande
partie des Troupes qui restoient à Naples , s'est
mise en marche le 22. du mois dernier pour aller
AVRIL 1734. 779
ler à Capoue , où l'on a envoyé depuis peu
plusieurs Mortiers et 1400. Bombes , et qu'il
ne reste ici que foo. hommes pour la deffense
des Châteaux , et deux Compagnies de
Cuirassiers pour la garde du Viceroy , qui selon
les apparences, se retirera à Manfredonia, en attendant
l'arrivée de son Successeur ; cette Ville
est gardée actuellement par ses Habitans, qu'on a
distribués par Compagnies , dont on a donné le
commandement à des Gentilshommes et aux
principaux Bourgeois . Le Conseil Collateral a reçû
ordre de se preparer à suivre le Viceroy , mais
plusieurs Conseillers de ce Tribunal ont allegué
divers prétextes pour s'en dispenser.
On a reçû avis de la Province de Labour dans
le Royaume de Naples , que le 25. Mars il étoit
arrivé dans les environs de la Ville d'Agnani
6000. hommes de Troupes Espagnoles , qui y
avoient été joints le lendemain par 5000. autres ,
que le 29. l'Infant Don Carlos s'étoit rendu au
Mont Cassin , dont l'Abbé lui avoit fourni 1000.
hommes , tant de Cavalerie que d'Infanterie ,
que le même jour un Détachement de l'Armée
de S. M. Catholique s'étoit emparé de la Ville
de Sora , dont les Habitans s'étoient soumis
sans résistance , et que les Troupes Imperiales
qui étoient près de San- Germano , s'étoient retirées.
Le 25. du mois dernier , le Viceroy ayant reçu
avis qu'un Vaisseau Espagnol s'étoit avancé à
une petite distance de ce Port , et que faute de
vent il ne pouvoit regagner le large , il donna
ordre à M. Palavicini , General de la Mer , d'aller
le canoner , et l'on détacha en même- temps
quelques Galeres pour attaquer deux Felouques
de la même Nation qui étoient près de la Côte ,
inais
70 MERCURE DE FRANCE
mais le Vaisseau profita d'un vent favorable qui
s'éleva pour s'éloigner , après avoir lâché plusieurs
borées de Canon au Château de l'Euf,
et à une Galere qu'il coula à fond, et les Felouques
se retirerent avant qu'on cût pû les joindre.
Dans le Conseil Collateral tenu le 27. il fut
résolu que les Troupes Impériales qui sont dans
le Royaume de Naples , et qui ne sont compo
sées que de 1000 hommes , en comptant le
secours envoyé par le Comte de Sastago , n'étant
pas suffisantes pour tenir la Campagne contre
l'Armée du Roy d'Espagne , on se borneroit
à deffendre les Places de Gaette er de Capoue ,
dans chacune desquelles on mettroit 3000. hommes
, et les Châteaux de Naples , où l'on a laissé
une Garnison de 1500. hoinies , et que les 3000
qui restent au Viceroy , seroient employez pour
Pescorter dans sa retraite.
1
Le Comte de Cerbellon , qui étoit nommé
pour lui succeder , arriva le 29 mais ayant jugé
que sa présence étoit inutile à Naples dans la
conjoncture présente , il n'a point vou u prendre
possession de la Viceroyauté , et il se dispose à
suivre le Viceroy qui dont partir pour Barletta
, où Pun et l'autre s'embarqueront pour retourner
à Vienne
Les derniers avis reçus par la voye de Genes ,
portent que le 3. de ce mois le Viceroy de Naples
, escorté de 3000. hommes , en étoit parti
avec le Comte de Corbellon , et qu'ils avoient
pris la route de Barletta , dans le dessein de s'y
embarquer pour Trieste
Que le 9. l'Infant Don Carlos , qui étoit entré
dès le 29. du mois dernier dans le Royaume
de Niples , à la tête des Troupes du Roy d'Espa
gne , mais qui n'avoit pû marcher que lentement,
parce
AVRIL. 1734. 781
parce qu'il avoit été obligé de recevoir en chemin
lès Députez de la plupart des Villes et des
principaux Bourgs , étoit arrivé à Mantalone ,
où les Magistrats de la Ville de Naples étoient
venus le même jour lui en apporter les Clefs et
prêter serment de fidelité à S. M. Catholique ,
que ce Prince vouloit attendre , pour faire son
entrée dans la Ville , la prise des Châteaux , et
qu'après avoir donné ses ordres aux Troupes qui
les assiegent , il étoit allé à Aversa avec le reste
de son Armée qu'il avoit séparée en trois corps ,
dont l'un étoit destiné à demeurer sous ses ordres
et les deux autres à former en même- temps le
Siege de Gaëtte et de Capoüe. Les mêmes avis
ajoutent qu'on ne croit pas que ces deux Places
puissent faire une longue résistance à cause de la
foiblesse de leurs Garnisons , que presque tout le
Royaume est actuellement soumis , et que Pin
fant Don Carlos , en recevant au nom du Roy
d'Espagne , l'hommage du Conseil Collateral et
des autres ptincipaux Tribunaux du Royaume.
et de la Ville de Naples , à promis solemnellement
que Sa Majesté Catholique maintiendroit
les habitans dans tous leurs Privileges ,
qu'elle supprimeroit toutes les impositions établies
par l'Empereur , lesquelles cesseroient dès
à present d'être éxigées ; qu'elle continueroit
de payer les pensions que l'Empereur avoit accordées
, et qu'elle ne changeroit rien aux usages
qui regardent la collation des Benefices.
E 9. du mois dernier , le Pape envoya au
Duc de Palombara , le Brefpar lequel S. S
absout le Cardinal Coscia de l'excommunication
G vj qu'il
776 MERCURE DE FRANCE
qu'il avoit encourue. On compte que ce Cardinal
sortira du Château Saint - Ange , et qu'il se
retirera dans le Convent de Saint Eusebe , où il
demeurera en attendant que la Chambre Apostolique
ait accepté les sûretez qu'il offre pour les
sonnes qui lui restent à payer. On a appris depuis
, qu'ayant reçû ce Bref, il entendit le 14.
la Messe dans le Château Saint- Ange.
On cut avis à Rome le 15. Mais , que l'Infant
Don Carlos étoit arrivé le matin à Monte-
Rotondo , et que le Cardinal Acquaviva , les
Princes Don Barthelemy et Don Philippe Corsini
, le Prince de Santo - Buono , le Marquis
Strozzi , le Marquis Sorano , les deux Auditeurs
de Rote de la Nation Espagnole , et quelques autres
personnes de distinction , qui y étoient allez
pour rendre leurs respects à ce Prince , avoient
cû l'honneur d'y dîner avec lui .
Le Duc de Saint Aignan , Ambassadeur du
Roy de France , s'y rendit l'après midy , et fut
admis à l'Audience du Prince , et le , Chevalier
de Saint Georges y alla le soir avec la Princesse
son Epouse et les deux Princes ses fils.
Le 22. le Prince Don Barthelemy Corsini ,
Grand- Ecuyer de l'Infant Don Carlos , partit de
Rome pour l'aller joindre à Tivoli.
Le Gouverneur de Rome a fait publier un ordre
à tous les Vagabons et autres gens sans aveu
qui sont dans cette Capitale , d'en sortir dans
un terme prescrit , sous peine d'être condamnez
2 Cinq. ans de Galeres ; il doit paroître incessamment
un autre Edit pour menacer de la même
peine les Déserteurs des Troupes Etrangeres quit
se réfugieront dans l'Etat Ecclesiastique , et qu'on
ne sera pas à portée de remettre à leurs Officiers.
» Sur la fin du Consistoire secret que le Pape
FIDE
A VRIL . 1734. 777
tint le 24. du mois dernier , S. S. créa Cardinaux
M, Pompée Aldovrandi , Boulonois , Patriarche
de Jerusalem , Vice-Camerlingue de la Sainte
Eglise , Gouverneur de la Ville et du Territoire
de Rome . Consulteur du saint Office , et des
Rits ; M. Séraphin Cency , Romain , Archevêque
de Benevent , le P. François - Pierre - Marie
Pieri , Siennois , General de l'Ordre des Servites,
Consulteur du Saint Office et des Rits , er Examinateur
des Evêques ; et M. Jacques Amadori
de Lanfredini , Florentin Chanoine de l'Eglise
de S. Pierre du Vatican , Secretaire de la Congrégation
du Concile , et Dataire de la Penitencerie
.
On a reçû avis de Rovero , que le Comte de
Merci , qui a été nommé par l'Empereur pour
commander l'Armée que 5. M. Imper ale assemblé
dans le Trentin avoit eu une attaque
d'apoplexie , qu'il é oit resté en paralysie, et que
le Prince Louis de Waremberg avoit pris le commandement
des Troupes
On écrit de Naples , que les sommes qu'on a
exigées des Communautez qui n'étoient pas en
drar de fournir le nombre d'hommes qu'on leur
a de mandé montent à 3600co . Ducats.
L'Empereur a écrit au Viceroy , d'accorder
certains Privileges à chaque Négociant de cette
Ville qui voudront prêter socco florins à quatre
pour cent d'interèt pour les dépenses de la
Guerre.
SM. Imperiale a envoyé de nouveaux Ordres
pour faire observer , avec la derniere rigueur , le
Decret par lequel il est enjoint à la Cour de la
Vicairerie de tatre saisit tous les revenus de ceux
qui ayant des Charges ou ces biens , fonds dans
le Royaume de Naples , n'y seront pas revenus
au temps prescrit.
778 MERCURE DE FRANCE
Il paroîtra incessamment un Edit pour permettre
à tous ceux qui ont été bannis du Royaume
, d'y rentrer , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement.
Il ne paroît pas que le Gouvernement persiste
dans la résolution qu'il avoit prise de faire démanteler
Capoue , et l'on assure au contraire
que le Prince Caraffe , Grand - Maréchal du
Royaume , le Prince de Belmonte Pignatelli ,
General de la Cavalerie , et le Comte de Traun ,
qui partirent le 8. du mois passé pour s'y rendre
, ont ordre d'en faire réparer les Fortifications
et d'y faire conduire une grande quantité
de Munitions de bouche et de
guerre , et que
plupart des Troupes de Naples , au lieu de tenir
la Campagne , sont destinées à deffendre cette
Place et celle de Gaëtte.
la
Il a été résolu par le Conseil Collateral d'abandonner
un des Châteaux de Naples et d'aug
menter les Garnisons des trois autres.
Le Gouvernement a aussi résolu de faire démolir
les lignes qu'on avoit construites près de
San-Germano , pour s'opposer au passage des
Troupes Espagnoles , et il a ordonné que les
Troupes qui étoient à portée dans ces quartierslà
, marchassent vers Gaëtte , après qu'elles auront
rompu le Pont de Garigliano , afin d'empêcher
les Espagnols d'en profiter pour entrer
dans le Royaume de Naples ; et on se propose
de former aux environs de Garigliano un Camp
qui sera composé des Bataillons qu'on attend de
Sicile et d'une partie des nouvelles Milices .
On a appris en dernier lieu que la plus grande
partie des Troupes qui restoient à Naples , s'est
mise en marche le 22. du mois dernier pour aller
AVRIL 1734. 779
ler à Capoue , où l'on a envoyé depuis peu
plusieurs Mortiers et 1400. Bombes , et qu'il
ne reste ici que foo. hommes pour la deffense
des Châteaux , et deux Compagnies de
Cuirassiers pour la garde du Viceroy , qui selon
les apparences, se retirera à Manfredonia, en attendant
l'arrivée de son Successeur ; cette Ville
est gardée actuellement par ses Habitans, qu'on a
distribués par Compagnies , dont on a donné le
commandement à des Gentilshommes et aux
principaux Bourgeois . Le Conseil Collateral a reçû
ordre de se preparer à suivre le Viceroy , mais
plusieurs Conseillers de ce Tribunal ont allegué
divers prétextes pour s'en dispenser.
On a reçû avis de la Province de Labour dans
le Royaume de Naples , que le 25. Mars il étoit
arrivé dans les environs de la Ville d'Agnani
6000. hommes de Troupes Espagnoles , qui y
avoient été joints le lendemain par 5000. autres ,
que le 29. l'Infant Don Carlos s'étoit rendu au
Mont Cassin , dont l'Abbé lui avoit fourni 1000.
hommes , tant de Cavalerie que d'Infanterie ,
que le même jour un Détachement de l'Armée
de S. M. Catholique s'étoit emparé de la Ville
de Sora , dont les Habitans s'étoient soumis
sans résistance , et que les Troupes Imperiales
qui étoient près de San- Germano , s'étoient retirées.
Le 25. du mois dernier , le Viceroy ayant reçu
avis qu'un Vaisseau Espagnol s'étoit avancé à
une petite distance de ce Port , et que faute de
vent il ne pouvoit regagner le large , il donna
ordre à M. Palavicini , General de la Mer , d'aller
le canoner , et l'on détacha en même- temps
quelques Galeres pour attaquer deux Felouques
de la même Nation qui étoient près de la Côte ,
inais
70 MERCURE DE FRANCE
mais le Vaisseau profita d'un vent favorable qui
s'éleva pour s'éloigner , après avoir lâché plusieurs
borées de Canon au Château de l'Euf,
et à une Galere qu'il coula à fond, et les Felouques
se retirerent avant qu'on cût pû les joindre.
Dans le Conseil Collateral tenu le 27. il fut
résolu que les Troupes Impériales qui sont dans
le Royaume de Naples , et qui ne sont compo
sées que de 1000 hommes , en comptant le
secours envoyé par le Comte de Sastago , n'étant
pas suffisantes pour tenir la Campagne contre
l'Armée du Roy d'Espagne , on se borneroit
à deffendre les Places de Gaette er de Capoue ,
dans chacune desquelles on mettroit 3000. hommes
, et les Châteaux de Naples , où l'on a laissé
une Garnison de 1500. hoinies , et que les 3000
qui restent au Viceroy , seroient employez pour
Pescorter dans sa retraite.
1
Le Comte de Cerbellon , qui étoit nommé
pour lui succeder , arriva le 29 mais ayant jugé
que sa présence étoit inutile à Naples dans la
conjoncture présente , il n'a point vou u prendre
possession de la Viceroyauté , et il se dispose à
suivre le Viceroy qui dont partir pour Barletta
, où Pun et l'autre s'embarqueront pour retourner
à Vienne
Les derniers avis reçus par la voye de Genes ,
portent que le 3. de ce mois le Viceroy de Naples
, escorté de 3000. hommes , en étoit parti
avec le Comte de Corbellon , et qu'ils avoient
pris la route de Barletta , dans le dessein de s'y
embarquer pour Trieste
Que le 9. l'Infant Don Carlos , qui étoit entré
dès le 29. du mois dernier dans le Royaume
de Niples , à la tête des Troupes du Roy d'Espa
gne , mais qui n'avoit pû marcher que lentement,
parce
AVRIL. 1734. 781
parce qu'il avoit été obligé de recevoir en chemin
lès Députez de la plupart des Villes et des
principaux Bourgs , étoit arrivé à Mantalone ,
où les Magistrats de la Ville de Naples étoient
venus le même jour lui en apporter les Clefs et
prêter serment de fidelité à S. M. Catholique ,
que ce Prince vouloit attendre , pour faire son
entrée dans la Ville , la prise des Châteaux , et
qu'après avoir donné ses ordres aux Troupes qui
les assiegent , il étoit allé à Aversa avec le reste
de son Armée qu'il avoit séparée en trois corps ,
dont l'un étoit destiné à demeurer sous ses ordres
et les deux autres à former en même- temps le
Siege de Gaëtte et de Capoüe. Les mêmes avis
ajoutent qu'on ne croit pas que ces deux Places
puissent faire une longue résistance à cause de la
foiblesse de leurs Garnisons , que presque tout le
Royaume est actuellement soumis , et que Pin
fant Don Carlos , en recevant au nom du Roy
d'Espagne , l'hommage du Conseil Collateral et
des autres ptincipaux Tribunaux du Royaume.
et de la Ville de Naples , à promis solemnellement
que Sa Majesté Catholique maintiendroit
les habitans dans tous leurs Privileges ,
qu'elle supprimeroit toutes les impositions établies
par l'Empereur , lesquelles cesseroient dès
à present d'être éxigées ; qu'elle continueroit
de payer les pensions que l'Empereur avoit accordées
, et qu'elle ne changeroit rien aux usages
qui regardent la collation des Benefices.
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Résumé : ITALIE.
Le 9 du mois dernier, le Pape a envoyé un bref au Duc de Palombara, levant l'excommunication du Cardinal Coscia. Le Cardinal doit quitter le Château Saint-Ange pour le couvent de Saint-Eusèbe en attendant l'acceptation des garanties pour ses dettes par la Chambre Apostolique. Le 14, il a assisté à la messe au Château Saint-Ange. À Rome, le 15, l'Infant Don Carlos est arrivé à Monte-Rotondo, accueilli par plusieurs personnalités, dont le Duc de Saint Aignan et le Chevalier de Saint-Georges. Le 22, le Prince Don Barthélemy Corsini a quitté Rome pour rejoindre Don Carlos à Tivoli. Le Gouverneur de Rome a ordonné l'expulsion des vagabonds et des déserteurs étrangers sous peine de galères. Le 24 du mois dernier, le Pape a créé plusieurs cardinaux, dont Pompée Aldovrandi, Séraphin Cency, François-Pierre-Marie Pieri, et Jacques Amadori de Lanfredini. À Rovero, le Comte de Merci, nommé par l'Empereur pour commander l'armée dans le Trentin, a eu une attaque d'apoplexie, et le Prince Louis de Waremberg a pris le commandement. À Naples, des sommes ont été exigées des communautés pour fournir des hommes, et l'Empereur a accordé des privilèges aux négociants prêtant de l'argent pour la guerre. Un décret impérial ordonne la saisie des revenus de ceux absents du Royaume de Naples. Un édit permettra aux bannis de rentrer en payant une somme proportionnée à leur faute. Le gouvernement napolitain a décidé de renforcer les fortifications de Capoue et Gaëtte, et de démolir les lignes près de San-Germano pour empêcher les Espagnols d'entrer. Les troupes napolitaines se préparent à défendre ces places. Le Viceroy se retire à Manfredonia, et le Conseil Collateral doit le suivre. Dans la province de Labour, les troupes espagnoles ont pris plusieurs villes, et l'Infant Don Carlos a reçu l'hommage des magistrats napolitains. Le Viceroy et le Comte de Cerbellon ont quitté Naples pour Barletta, puis Trieste. Don Carlos a promis de maintenir les privilèges des habitants et de supprimer les impositions impériales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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63
p. 980-987
Nouvelles de Naples et de Sicile.
Début :
L'Infant Don Carlos a fait publier et afficher sur les frontieres du Royaume de Naples le [...]
Mots clefs :
Naples, Infant Don Carlos, Troupes, Sicile, Prince, Guerre, Pardon général, Hommes, Peuples, Royaumes, Empereur, Comte Visconti, Dieu, Armées
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Naples et de Sicile.
Nouvelles de Naples et de Sicile.
'Infant Don Carlos a fait publier et afficher
sur les frontieres du Royaume de Naples le
Decret suivant.
DON CARLOS , Par la grace de Dieu , Infant
d'Espagne , Duc de Parme , de Plaisance et
de Castro , &c. Grand Prince de Toscane et Generalissime
des Armées de Sa Majesté Catholi
que en Italie.
Le Roi , mon très- cher et honoré Pere , par
sa Lettre du 27. Fevrier dernier , écrite dans le
Palais Royal du Pardo , me mande ce qui suit,
ΜΟΝ
MAY.
981 1734.
MON CHER ET BIEN AIME' FILS.
•
>
Vos interêts inséparables de la dignité de ma
Couronne , et ceux de mes fideles Alliez , m'ont déterminez
à envoyer des Troupes dans la Lombardie
afin d'executer de concert avec leurs Armées
les justes Entreprises ausquelles on les a destinées
; mais dautant qu'à l'occasion de la presente
Guerre , les clameurs des Peuplet de Naples et de Sicile
, excessivement violentés , opprimés et tirannisés
depuis tant d'années par
le gouvernement Allemand
, ont pénetré mon coeur Royal , et que j'ai
toujours eu pour ces Peuples un amour Paternel
me ressouvenant fort bien de leurs démonstration's
de joye et de leurs acclamattons unanimées lorsqu'is
me reçûrent autrefois à Naples , et qu'ils consenti
rent à admettre mes Troupes en Sicile. Excité par
une compassion si naturelle , j'ai préferé à toute autre
expedition celle de délivrer de leurs maux insupportables
ces Peuples opprimés , en employant
avecgenerosité , pour leur prompt soulagement , les
forces qu'il a plu à Dieu de me confier , d'autant
plus que je considere qu'avant que leurs volontés
fussent en quelque façon captivées , leur zele répondoit
parfaitement à mes desirs et que ce n'a été
qu'après avoir été séduits ou par des insinuations
trompeuses , ou par des esperances chimeriques , ou
par la crainie des menaces violentes , qu'ils ont tous
été contraints de dissimuler leur propre inclination
en adoptant des operations très - contraires
leur fidelité. Dans cette persuasion j'ai toujours regardé
avec mépris , et comme des actes involontaires
ou forcés , tout ce qu'ils ont fait , soit en general
, soit en particulier , puisqu'ils y ont été excités
par mes ennemis , et je l'ai mis en oubli comme
s'il ne s'étoitjamais rien passé à ce sujet , ne dou-
Giij tant
>
>
982 MERCURE DE FRANCE
tant point qu'aussi- tôt qu'ils se verront en état Pagir
librement selon leurs desirs , ils ne me donnent
les mêmes preuves de leur parfait devoüement , da
leur loyauté , et de leur zele qu'ils m'ont donné cidevant.
Incité par de si justes motifs , j'ai pris là
resolution de vous y envoyer en personne , et en
qualité de Generalissime de mes Armées , pour recouvrer
ces Royaumes , malgré le risque où pourroit
être votre précieuse santé dans un si long voyage
, afin que par votre Royale et aimable présence,
vous puissiez confirmer en mon nom l'Amnistie et le
Pardon general ou particulier , que mon amour Paternel
m'engage à accorder à un chacun , de quelque
Nation qui soit , et donner à tous en mêmetems
les sûretés les plus authentiques . Vous confirmerez
en outre, vous étendre et augmenterêz , nonseulement
les Privileges dont ces Peuples jouissent a
present , mais encore vous les déchargere de toutes
sortes d'Impôts , et particulierement de ceux qui ne
doivent leur invention et leur établissement qu'à l'avidité
insatialle du Gouvernement Allemand ; et
tout cela afin que le monde soit convaincu que mon
juste et unique but est de rétablir deux Illustres
Royaumes, qui ont si bien merité de la Monarchie,
et de les faire encore jouir de leur ancienne felicité ,
réputation et dignité , et qu'on ne croye pas que ce
soit pas aucun autre interêt que j'ai entrepris de recouvrer
ces Royaumes . Et afin que le contenu de la
Presente soit notoire à tous je vous ordonne de le
rendre Public et Manifeste , dans la forme que vous
jugerez la plus convenable Dieu vous conserve
mon cher et bien aimé Fils , aussi long- tems que je
le desire. Moi le Roi , DON JOSEPH PATINO .
En vertu du pouvoir qu'il a plu à Sa Majesté,
par un effet de son amour Paternel de me donner,
ct
MAY. 1734. 983
et afin que les Sujets ci- dessus mentionnés des
deux Royaumes de Naples et de Sicile ,ces Peuples
si cheris du Roi mon Pere , et dont Sa Majesté
s'est toujours les souvenue avec tant d'estime et
d'affection , en soient dûëment et amplement informés
, je leur déclare ,et je les assûre tous et un
chacun , que l'Indult et le Pardon general et particulier
que Sa Majesté m'a ordonné d'accorder ,
et que j'accorde sur l'assûrance de son sacré et
souverain Nom , comprend toutes sortes de délits
, motifs ou démonstrations sans aucune restriction
, le tout restant enseveli dans un éternel
oubli, que la confirmation de leurs Privileges
comprend et s'étend aux Loix et aux Coutumes
tant Civiles que Criminelles , et même aux
Ecclesiastiques , sans qu'il soit permis d'y établir
aucun nouveau Tribunal , ou Procedures.
Que la louable et juste pratique de conferer les
Benefices et les Pensions sera continuée dans la
forme qui s'y observe ,actuellement ; et que toutes
les impositions et Charges établies par le
Gouvernement tyrannique des Allemands seront
abolis dès à present , lesquelles graces seront
conformes au clement et benin coeur de Sa Majesté
Et afin que ceci soit notoire , j'ai ordonné
qu'on expedie en Langue Espagnole et Italienne
la Présente signée de notre main , scellée
de notre sceau Royal , et contresignée par notre
Secretaire d'Etat , et qu'on l'affiche aux lieux ordinaires.
Fait à Civita Castellana le 14. Mars
1734. CHARLES , Don Joseph-Joachin de Montealegre.
:
Les divers avis du Royaume de Naples portent,
que l'infant Don Carlos , qui est toujours
Aversa , avoit détaché le Marquis de Las - Minas
G iiij
er
1984 MERCURE DE FRANCE
et le Duc de Castro Pignano , avec 34. Compa
gnies de Grenadiers et 2300. hommes de Cavalerie
, du nombre desquels sont les Carabiniers,
pour suivre le Viceroi , lequel accompagné du
Prince Caraffe , Grand Maréchal du Royaume ,
et du Prince de Belmonte Pignatelli , General de
la Cavalerie, s'est retiré dans la Poüille avec près
de sooo . hommes . Ces avis ajoûtent que le Com
te de Charni avoit le Commandement des Troupes
qui assiegent les Châteaux de Naples ; que
le Comte de Marsillac avoit marché pour s'emparer
de celui de Baya , et qu'on formoit en même-
tems le Siege de Gaëtte et de Capouë .
Les quatre Galeres que l'Empereur avoit fait .
équiper dans le Port de Naples , sont sorties de
ce Port, et se sont sauvés à la faveur d'un grand
calme qui a empêché l'Escadre Espagnole des'opposer
à leur fuite.
Les Lettres de la fin d'Avril marquent , que
l'Infant Don Carlos avoit continué le Juge de la
Cour de la Vicairerie à Naples , et l'Elû du Peuple
dans l'exercice de leurs Emplois, et qu'il avoit
laissé aux Habitans le soin de garder la Ville.
Ces mêmes Lettres portent que ce Prince a fait
signifier aux Troupes qui sont dans les Châteaux,
et aux Garnisons de Gaette , et de Capouë, qu'on
ne leur donnoit pour se rendre qu'un petit nom →
bre de jours , après lesquels il ne leur sera accordé
aucune Capitulation.
Ces Lettres ajoutent que le nouveau Vaisseau
de Guerre que le Comte Visconti, ci - devant Vi
ceroi du Royaume , avoit fait construire par or
dre de l'Empereur , étant sorti du Port le 19. du
mois passé pour faire voile vers la Sicile , avoit
été attaqué par quelques vaisseaux de l'Escadre
Espagnole qui l'avoient coulé à fond.
L'Infans
MAY. 1734. 985
et
L'Infant Don Carlos a déclaré le Comte de
Charny , Lieutenant General du Royaume ; il a
nommé en même- tems VicairesGeneraux le Prince
de la Rochella ,pour la Calabre Ulterieure , le
Marquis de Forcardi, pour la Calabre Citerieure;
le Duc d'Andria,pour la Principauté de Bari ,
pour la Capitanate et le Comté de Melfi , le
Marquis Doria , pour la Principauté de Lezze ;
le Duc de Sentiti , pour la Bazilicate ; le Frince
de Monte-Mileto , pour la Principauté Ulterieure
; le Duc Lorenzano , pour la Citerieure , le
Duc de Sora , pour l'Abruzze Ulterieure , et le
Prince d'Isciscane pour l'autre partie de l'Abruze.
Le 24. du mois passé la Garnison du Châreau
S. Elme demanda à capîtuler , mais comme
elle ne s'est point rendue dans le tems qui
lui avoit été prescrit , les Officiers et les Soldats
qui la composoient ont été faits prisonniers de
Guerre ; celle du Château Neuf , qui ne peut tenir
encore long-tems , subira le même sort.
On a reçû avis de Baye que le Comte Marsil
lae , aprés un Siege qui n'avoit duré que quelques
jours s'en étoit emparé , et que la Garnison
et les Habitans s'étoient rendus à discretion
Les Troupes qu'on avoit envoyées pour suivre
le Comte Visconti l'ont joint dans les environs
d'Otrante , et elles n'ont pu encore l'attaquer
parce qu'il s'est retiré dans des bois où il est dif
ficile de le forcer ; mais on croit qu'il ne pourra
pas y demeurer long-tems , et qu'il sera obligé
de sortir du Royaume.
On a appris par des Lettres de Messine , qu'on
voit vû passer à la hauteur de Salerne à les
quatre Galeres Imperiales qui sortirent ily
quelque temps du Port de Naples , dont on viene
Gy
D
986 MERCURE DE FRANCE
de parler , et on conjecture qu'elles sont allées
à Messine.
On écrit de Sicile , que les Habitans ont refusé
de payer un subside de 13c0000. ducats
que le Comte de Sastago , Viceroy de cette Isle ,
leur a demandé de la part de l'Empereur , et que
les menaces qu'il leur a faites de les contraindre à
payer cette somme , y ont excité un soulevement
presque general.
L'ouverture de la breche faite par une batterie
de 8. Canons et de 2. Mortiers , qu'on avoit
dressée contre le Château de l'Euf , se trouva le
premier de ce mois , au matin , assez grande pour
que 30 hommes pussent y passer de front , et
le Commandant de ce Château , voyant qu'on se
disposoit à l'emporter d'assaut , fit battre la chamade
, mais on n'a voulu lui accorder aucune caputulation
, et il a été fait prisonnier de guerre ,
ainsi que la Garnison , qui étoit composée de
300. hommes.
Les Villes de Gaëtte et de Capoüe sont tou
jours bloquées , et l'on n'attend que l'arrivée de
la grosse Artillerie pour ouvrir la Tranchée
devant ces deux Places. Cinq Vaisseaux de
l'Escadre Epagnole , qui croisent sur les Côtes de
Naples , sont allez dans la Mer Adriatique, pour
empêcher le transport des Troupes que l'Empereur
pourroit envoyer ici de Trieste.
Le Comte Visconti ayant été joint par quel
ques Troupes que le Viceroy de Sicile lui a envoyées
, s'est jetté dans Otrante , et le Duc de
Castro Pignano a demandé un renfort d'Infanterie
pour l'y assieger.
5oo . des Soldats Imperiaux , qui ont été faits
prisonniers de guerre , ont pris parti dans les
Troupes de S. M. Catholique , et l'Infant Don
Carl
MAY. 1734. 987
"
Carlos leur a fait distribuer de l'argent.
Les derniers avis de Naples , portent qu'une
partie du Détachement des Troupes Espagnoles
qui avoit suivi le Comte Visconti dans la Pouille,
avoit enveloppé 300. Soldats Imperiaux , qui
n'avoient pu faire assez de diligence pour entrer
avec lui dans Otrante , et qu'ils avoient été faits
prisonniers de guerre.
Selon les mêmes avis , le Prince Della Torella
a fait lever dans ses Terres 800. hommes de Milice
pour le Service de S. M. Catholique .
'Infant Don Carlos a fait publier et afficher
sur les frontieres du Royaume de Naples le
Decret suivant.
DON CARLOS , Par la grace de Dieu , Infant
d'Espagne , Duc de Parme , de Plaisance et
de Castro , &c. Grand Prince de Toscane et Generalissime
des Armées de Sa Majesté Catholi
que en Italie.
Le Roi , mon très- cher et honoré Pere , par
sa Lettre du 27. Fevrier dernier , écrite dans le
Palais Royal du Pardo , me mande ce qui suit,
ΜΟΝ
MAY.
981 1734.
MON CHER ET BIEN AIME' FILS.
•
>
Vos interêts inséparables de la dignité de ma
Couronne , et ceux de mes fideles Alliez , m'ont déterminez
à envoyer des Troupes dans la Lombardie
afin d'executer de concert avec leurs Armées
les justes Entreprises ausquelles on les a destinées
; mais dautant qu'à l'occasion de la presente
Guerre , les clameurs des Peuplet de Naples et de Sicile
, excessivement violentés , opprimés et tirannisés
depuis tant d'années par
le gouvernement Allemand
, ont pénetré mon coeur Royal , et que j'ai
toujours eu pour ces Peuples un amour Paternel
me ressouvenant fort bien de leurs démonstration's
de joye et de leurs acclamattons unanimées lorsqu'is
me reçûrent autrefois à Naples , et qu'ils consenti
rent à admettre mes Troupes en Sicile. Excité par
une compassion si naturelle , j'ai préferé à toute autre
expedition celle de délivrer de leurs maux insupportables
ces Peuples opprimés , en employant
avecgenerosité , pour leur prompt soulagement , les
forces qu'il a plu à Dieu de me confier , d'autant
plus que je considere qu'avant que leurs volontés
fussent en quelque façon captivées , leur zele répondoit
parfaitement à mes desirs et que ce n'a été
qu'après avoir été séduits ou par des insinuations
trompeuses , ou par des esperances chimeriques , ou
par la crainie des menaces violentes , qu'ils ont tous
été contraints de dissimuler leur propre inclination
en adoptant des operations très - contraires
leur fidelité. Dans cette persuasion j'ai toujours regardé
avec mépris , et comme des actes involontaires
ou forcés , tout ce qu'ils ont fait , soit en general
, soit en particulier , puisqu'ils y ont été excités
par mes ennemis , et je l'ai mis en oubli comme
s'il ne s'étoitjamais rien passé à ce sujet , ne dou-
Giij tant
>
>
982 MERCURE DE FRANCE
tant point qu'aussi- tôt qu'ils se verront en état Pagir
librement selon leurs desirs , ils ne me donnent
les mêmes preuves de leur parfait devoüement , da
leur loyauté , et de leur zele qu'ils m'ont donné cidevant.
Incité par de si justes motifs , j'ai pris là
resolution de vous y envoyer en personne , et en
qualité de Generalissime de mes Armées , pour recouvrer
ces Royaumes , malgré le risque où pourroit
être votre précieuse santé dans un si long voyage
, afin que par votre Royale et aimable présence,
vous puissiez confirmer en mon nom l'Amnistie et le
Pardon general ou particulier , que mon amour Paternel
m'engage à accorder à un chacun , de quelque
Nation qui soit , et donner à tous en mêmetems
les sûretés les plus authentiques . Vous confirmerez
en outre, vous étendre et augmenterêz , nonseulement
les Privileges dont ces Peuples jouissent a
present , mais encore vous les déchargere de toutes
sortes d'Impôts , et particulierement de ceux qui ne
doivent leur invention et leur établissement qu'à l'avidité
insatialle du Gouvernement Allemand ; et
tout cela afin que le monde soit convaincu que mon
juste et unique but est de rétablir deux Illustres
Royaumes, qui ont si bien merité de la Monarchie,
et de les faire encore jouir de leur ancienne felicité ,
réputation et dignité , et qu'on ne croye pas que ce
soit pas aucun autre interêt que j'ai entrepris de recouvrer
ces Royaumes . Et afin que le contenu de la
Presente soit notoire à tous je vous ordonne de le
rendre Public et Manifeste , dans la forme que vous
jugerez la plus convenable Dieu vous conserve
mon cher et bien aimé Fils , aussi long- tems que je
le desire. Moi le Roi , DON JOSEPH PATINO .
En vertu du pouvoir qu'il a plu à Sa Majesté,
par un effet de son amour Paternel de me donner,
ct
MAY. 1734. 983
et afin que les Sujets ci- dessus mentionnés des
deux Royaumes de Naples et de Sicile ,ces Peuples
si cheris du Roi mon Pere , et dont Sa Majesté
s'est toujours les souvenue avec tant d'estime et
d'affection , en soient dûëment et amplement informés
, je leur déclare ,et je les assûre tous et un
chacun , que l'Indult et le Pardon general et particulier
que Sa Majesté m'a ordonné d'accorder ,
et que j'accorde sur l'assûrance de son sacré et
souverain Nom , comprend toutes sortes de délits
, motifs ou démonstrations sans aucune restriction
, le tout restant enseveli dans un éternel
oubli, que la confirmation de leurs Privileges
comprend et s'étend aux Loix et aux Coutumes
tant Civiles que Criminelles , et même aux
Ecclesiastiques , sans qu'il soit permis d'y établir
aucun nouveau Tribunal , ou Procedures.
Que la louable et juste pratique de conferer les
Benefices et les Pensions sera continuée dans la
forme qui s'y observe ,actuellement ; et que toutes
les impositions et Charges établies par le
Gouvernement tyrannique des Allemands seront
abolis dès à present , lesquelles graces seront
conformes au clement et benin coeur de Sa Majesté
Et afin que ceci soit notoire , j'ai ordonné
qu'on expedie en Langue Espagnole et Italienne
la Présente signée de notre main , scellée
de notre sceau Royal , et contresignée par notre
Secretaire d'Etat , et qu'on l'affiche aux lieux ordinaires.
Fait à Civita Castellana le 14. Mars
1734. CHARLES , Don Joseph-Joachin de Montealegre.
:
Les divers avis du Royaume de Naples portent,
que l'infant Don Carlos , qui est toujours
Aversa , avoit détaché le Marquis de Las - Minas
G iiij
er
1984 MERCURE DE FRANCE
et le Duc de Castro Pignano , avec 34. Compa
gnies de Grenadiers et 2300. hommes de Cavalerie
, du nombre desquels sont les Carabiniers,
pour suivre le Viceroi , lequel accompagné du
Prince Caraffe , Grand Maréchal du Royaume ,
et du Prince de Belmonte Pignatelli , General de
la Cavalerie, s'est retiré dans la Poüille avec près
de sooo . hommes . Ces avis ajoûtent que le Com
te de Charni avoit le Commandement des Troupes
qui assiegent les Châteaux de Naples ; que
le Comte de Marsillac avoit marché pour s'emparer
de celui de Baya , et qu'on formoit en même-
tems le Siege de Gaëtte et de Capouë .
Les quatre Galeres que l'Empereur avoit fait .
équiper dans le Port de Naples , sont sorties de
ce Port, et se sont sauvés à la faveur d'un grand
calme qui a empêché l'Escadre Espagnole des'opposer
à leur fuite.
Les Lettres de la fin d'Avril marquent , que
l'Infant Don Carlos avoit continué le Juge de la
Cour de la Vicairerie à Naples , et l'Elû du Peuple
dans l'exercice de leurs Emplois, et qu'il avoit
laissé aux Habitans le soin de garder la Ville.
Ces mêmes Lettres portent que ce Prince a fait
signifier aux Troupes qui sont dans les Châteaux,
et aux Garnisons de Gaette , et de Capouë, qu'on
ne leur donnoit pour se rendre qu'un petit nom →
bre de jours , après lesquels il ne leur sera accordé
aucune Capitulation.
Ces Lettres ajoutent que le nouveau Vaisseau
de Guerre que le Comte Visconti, ci - devant Vi
ceroi du Royaume , avoit fait construire par or
dre de l'Empereur , étant sorti du Port le 19. du
mois passé pour faire voile vers la Sicile , avoit
été attaqué par quelques vaisseaux de l'Escadre
Espagnole qui l'avoient coulé à fond.
L'Infans
MAY. 1734. 985
et
L'Infant Don Carlos a déclaré le Comte de
Charny , Lieutenant General du Royaume ; il a
nommé en même- tems VicairesGeneraux le Prince
de la Rochella ,pour la Calabre Ulterieure , le
Marquis de Forcardi, pour la Calabre Citerieure;
le Duc d'Andria,pour la Principauté de Bari ,
pour la Capitanate et le Comté de Melfi , le
Marquis Doria , pour la Principauté de Lezze ;
le Duc de Sentiti , pour la Bazilicate ; le Frince
de Monte-Mileto , pour la Principauté Ulterieure
; le Duc Lorenzano , pour la Citerieure , le
Duc de Sora , pour l'Abruzze Ulterieure , et le
Prince d'Isciscane pour l'autre partie de l'Abruze.
Le 24. du mois passé la Garnison du Châreau
S. Elme demanda à capîtuler , mais comme
elle ne s'est point rendue dans le tems qui
lui avoit été prescrit , les Officiers et les Soldats
qui la composoient ont été faits prisonniers de
Guerre ; celle du Château Neuf , qui ne peut tenir
encore long-tems , subira le même sort.
On a reçû avis de Baye que le Comte Marsil
lae , aprés un Siege qui n'avoit duré que quelques
jours s'en étoit emparé , et que la Garnison
et les Habitans s'étoient rendus à discretion
Les Troupes qu'on avoit envoyées pour suivre
le Comte Visconti l'ont joint dans les environs
d'Otrante , et elles n'ont pu encore l'attaquer
parce qu'il s'est retiré dans des bois où il est dif
ficile de le forcer ; mais on croit qu'il ne pourra
pas y demeurer long-tems , et qu'il sera obligé
de sortir du Royaume.
On a appris par des Lettres de Messine , qu'on
voit vû passer à la hauteur de Salerne à les
quatre Galeres Imperiales qui sortirent ily
quelque temps du Port de Naples , dont on viene
Gy
D
986 MERCURE DE FRANCE
de parler , et on conjecture qu'elles sont allées
à Messine.
On écrit de Sicile , que les Habitans ont refusé
de payer un subside de 13c0000. ducats
que le Comte de Sastago , Viceroy de cette Isle ,
leur a demandé de la part de l'Empereur , et que
les menaces qu'il leur a faites de les contraindre à
payer cette somme , y ont excité un soulevement
presque general.
L'ouverture de la breche faite par une batterie
de 8. Canons et de 2. Mortiers , qu'on avoit
dressée contre le Château de l'Euf , se trouva le
premier de ce mois , au matin , assez grande pour
que 30 hommes pussent y passer de front , et
le Commandant de ce Château , voyant qu'on se
disposoit à l'emporter d'assaut , fit battre la chamade
, mais on n'a voulu lui accorder aucune caputulation
, et il a été fait prisonnier de guerre ,
ainsi que la Garnison , qui étoit composée de
300. hommes.
Les Villes de Gaëtte et de Capoüe sont tou
jours bloquées , et l'on n'attend que l'arrivée de
la grosse Artillerie pour ouvrir la Tranchée
devant ces deux Places. Cinq Vaisseaux de
l'Escadre Epagnole , qui croisent sur les Côtes de
Naples , sont allez dans la Mer Adriatique, pour
empêcher le transport des Troupes que l'Empereur
pourroit envoyer ici de Trieste.
Le Comte Visconti ayant été joint par quel
ques Troupes que le Viceroy de Sicile lui a envoyées
, s'est jetté dans Otrante , et le Duc de
Castro Pignano a demandé un renfort d'Infanterie
pour l'y assieger.
5oo . des Soldats Imperiaux , qui ont été faits
prisonniers de guerre , ont pris parti dans les
Troupes de S. M. Catholique , et l'Infant Don
Carl
MAY. 1734. 987
"
Carlos leur a fait distribuer de l'argent.
Les derniers avis de Naples , portent qu'une
partie du Détachement des Troupes Espagnoles
qui avoit suivi le Comte Visconti dans la Pouille,
avoit enveloppé 300. Soldats Imperiaux , qui
n'avoient pu faire assez de diligence pour entrer
avec lui dans Otrante , et qu'ils avoient été faits
prisonniers de guerre.
Selon les mêmes avis , le Prince Della Torella
a fait lever dans ses Terres 800. hommes de Milice
pour le Service de S. M. Catholique .
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Résumé : Nouvelles de Naples et de Sicile.
Le texte décrit les actions et déclarations de l'Infant Don Carlos, fils du roi d'Espagne, concernant les royaumes de Naples et de Sicile. Le roi d'Espagne, motivé par les souffrances des peuples napolitains et siciliens sous le gouvernement allemand, a décidé d'envoyer des troupes pour les libérer. Don Carlos, en tant que généralissime des armées, est chargé de récupérer ces royaumes, de confirmer une amnistie générale, de restaurer les privilèges des peuples et d'abolir les impôts imposés par le gouvernement allemand. Les nouvelles de Naples indiquent que Don Carlos a détaché plusieurs officiers et troupes pour suivre le vice-roi, qui s'est retiré en Pouille. Les galères impériales ont pu s'échapper grâce à un calme marin. Don Carlos a maintenu les juges et élus du peuple dans leurs fonctions et a donné un délai limité aux troupes dans les châteaux pour se rendre. Il a également nommé plusieurs lieutenants généraux et vicaires pour différentes régions des royaumes. Les garnisons des châteaux de Naples et de Baïa se sont rendues. Les troupes impériales, dirigées par le Comte Visconti, sont en difficulté et cherchent à quitter le royaume. Les habitants de Sicile ont refusé de payer un subside demandé par le vice-roi, provoquant un soulèvement. Les villes de Gaëtte et de Capoue sont bloquées en attendant l'arrivée de l'artillerie. Les vaisseaux espagnols patrouillent pour empêcher l'arrivée de renforts impériaux. Plusieurs soldats impériaux ont été faits prisonniers et ont rejoint les troupes espagnoles.
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64
p. 1211-1214
ALLEMAGNE.
Début :
Le Prince de Wirtemberg, qui commande par interim l'Armée que l'Empereur a [...]
Mots clefs :
Troupes, Prince, Empereur, Pálffy, Milices, Prince Louis de Wurtemberg, Armée, Grenadiers, Autriche, Prince Alexandre de Wurtemberg
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texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
>
E Prince Louis de Wirtemberg , qui commande
par interim l'Armée. que l'Empereur a
en Italie , a écrit à S.M. Imperiale, que les Troupes
Allemandes, lorsquelles avoient passé le Po , étoient
disposées dans l'ordrde suivant : la premiere colonne
composée de 26. Bataillons , trois de
Guido - Staremberg , trois de Harrach , deux de
Lirengstein , trois de Firstenbusch trois de
Hildbourghaussen , un de Wallis , deux de Palfi ,
trois de Daun , un d'Oglivi , trois de Maximilien
Staremberg , et deux de Wachtendoncsk ;
de 28. Escadrons , sept de Saxe Gotha , sept de
Mercy , sept de Palfi , et sept de Jorger ;
et de
20. Compagnies de Grenadiers , ayant à la tête
le Baron de Lanthieri , le Prince de Livengstein ,
les Comtes de Diesbach , et de Saint- Amour ,
Lieutenants Generaux.
La seconde colonne de 17. Bataillons , un de
Welsech , deux de Culmbach , trois de Seckendorf
, rois du Grand - Maître de l'Ordre Teutonique
, deux de Ligneville , deux de Wallis , et
trois de Konigseg , de 24. Escadrons , 7. de
Lichteinstein , 6. de Veterani , 6. d'Hamilton , et
5. de Frederic de Wirtemberg , et de 14. Compagnies
de Grenadiers , sous les ordres des Comtes
de Culmbach et de Valperoso.
Dans le Conseil d'Etat que l'Empereur tint à
Vienne le 16. du mois dernier , il fut résolu
d'assembler les Milices du Royaume de Boheme
et des Provinces de Silesie et de Moravie ,
. I. Vol.
et de
faire
1212 MERCURE DE FRANCE
faire marcher à l'Armée la dixième partie des
Habitans de la Basse- Autriche qui sont en état de
porter les armes . Le bruit court qu'on a déliberé ·
dans le même Conseil si l'on obligeroic la Noblesse
de la Haute Autriche de lever et d'entretenir
à ses dépens un Corps de 10000. homines.
On apprend de Ratisbonne , que la Diete a
reglé que
e les Princes et les Cercles ne fourniroien
que les trois cinquièmes des subsides que
S. M. Imp . avoit demandé pour l'entretien des
Troupes de l'Empire , et que la Caisse Militaire
seroit établie à Francfort.
Les Régimens ie Hager , du Prince Alexandre
de Wirtemberg , de Veles , de Carolis , de Seer
et de Palfi , qui s'étoient mis en marche pour se
rendre à l'Armée sur le Rhin ont reçû ordre de
s'arrêter dans les environs de Passaw ; on croit
qu'elles y formeront un Camp ,
et que les Milices
qu'on leve dans la Basse- Autriche iront les
y joindre.
Sur l'avis qu'on a reçû d'une irruption qu'un
corps de Troupes Polonoises , composé d'environ
4000. hommes , a faite en Silesie , où il a
ravage plusieurs terres consi terables , particulierement
celles du Comte de Henkel , S. M. Imp.
a pris la résolution d'envoyer un Détachement
de Cavalerie et d'Infanterie dans cette Province,
et une partie du Régiment de Chauveray est
déja partie pour renforcer quelques postes de la
Frontiere. On assure que le Camp qu'on y doit
former , sera composé du Régiment du Prince
Alexandre de Wittemberg , de ceux de Weles ,
du Comte Louis de Palfi , de Seer , d'Ogilvi , de
Welsech , du Régiment de Grenadiers de Lorraine,
d'une partie de celui de Chauvirey , et de
ICOo homines des Milices de Transilvanie , ces
I. Vol. Troupes
JUIN. 1734. 1213
par
Troupes doivent être commandées le Baron .
de Damnitz , Feld- Maréchal , qui aura sous ses
ordres le Comte de Jorger.
Le Conseil de Guerre a ordonné à quelques
Régimens qui sont en Italie , d'en revenir, et
l'on compte qu'ils seront envoyez sur les Frontieres
de l'Electorat de Baviere , avec le nouveau
Corps des Milices qu'on leve dans le Tirol .
On a fait prendre les Armes aux Habitans de
Vienne qui sont en état de les porter , et on a
nommé des Officiers pour les commander et leur
apprendre les Exercices Militaires.
pas
L'Empereur a fait publier un Edit , portant
que tous les Particuliers qui n'auroht donné
une déclaration de leurs biens avant le temp ;
dans lequel on doit commencer à lever le Dixiéme
sur tous les revenus , seront condamnez à
payer une Taxe proportionnée à leurs facultez.
Le Marquis de Rubi , Conseiller du Conseil
Privé , et que l'Empereur a nommé Feldt Maréchal
de ses Armées , vient d'étre déclaré Viceroi
de Sicile , à la place du Comte de Sastago.
>
E Prince Louis de Wirtemberg , qui commande
par interim l'Armée. que l'Empereur a
en Italie , a écrit à S.M. Imperiale, que les Troupes
Allemandes, lorsquelles avoient passé le Po , étoient
disposées dans l'ordrde suivant : la premiere colonne
composée de 26. Bataillons , trois de
Guido - Staremberg , trois de Harrach , deux de
Lirengstein , trois de Firstenbusch trois de
Hildbourghaussen , un de Wallis , deux de Palfi ,
trois de Daun , un d'Oglivi , trois de Maximilien
Staremberg , et deux de Wachtendoncsk ;
de 28. Escadrons , sept de Saxe Gotha , sept de
Mercy , sept de Palfi , et sept de Jorger ;
et de
20. Compagnies de Grenadiers , ayant à la tête
le Baron de Lanthieri , le Prince de Livengstein ,
les Comtes de Diesbach , et de Saint- Amour ,
Lieutenants Generaux.
La seconde colonne de 17. Bataillons , un de
Welsech , deux de Culmbach , trois de Seckendorf
, rois du Grand - Maître de l'Ordre Teutonique
, deux de Ligneville , deux de Wallis , et
trois de Konigseg , de 24. Escadrons , 7. de
Lichteinstein , 6. de Veterani , 6. d'Hamilton , et
5. de Frederic de Wirtemberg , et de 14. Compagnies
de Grenadiers , sous les ordres des Comtes
de Culmbach et de Valperoso.
Dans le Conseil d'Etat que l'Empereur tint à
Vienne le 16. du mois dernier , il fut résolu
d'assembler les Milices du Royaume de Boheme
et des Provinces de Silesie et de Moravie ,
. I. Vol.
et de
faire
1212 MERCURE DE FRANCE
faire marcher à l'Armée la dixième partie des
Habitans de la Basse- Autriche qui sont en état de
porter les armes . Le bruit court qu'on a déliberé ·
dans le même Conseil si l'on obligeroic la Noblesse
de la Haute Autriche de lever et d'entretenir
à ses dépens un Corps de 10000. homines.
On apprend de Ratisbonne , que la Diete a
reglé que
e les Princes et les Cercles ne fourniroien
que les trois cinquièmes des subsides que
S. M. Imp . avoit demandé pour l'entretien des
Troupes de l'Empire , et que la Caisse Militaire
seroit établie à Francfort.
Les Régimens ie Hager , du Prince Alexandre
de Wirtemberg , de Veles , de Carolis , de Seer
et de Palfi , qui s'étoient mis en marche pour se
rendre à l'Armée sur le Rhin ont reçû ordre de
s'arrêter dans les environs de Passaw ; on croit
qu'elles y formeront un Camp ,
et que les Milices
qu'on leve dans la Basse- Autriche iront les
y joindre.
Sur l'avis qu'on a reçû d'une irruption qu'un
corps de Troupes Polonoises , composé d'environ
4000. hommes , a faite en Silesie , où il a
ravage plusieurs terres consi terables , particulierement
celles du Comte de Henkel , S. M. Imp.
a pris la résolution d'envoyer un Détachement
de Cavalerie et d'Infanterie dans cette Province,
et une partie du Régiment de Chauveray est
déja partie pour renforcer quelques postes de la
Frontiere. On assure que le Camp qu'on y doit
former , sera composé du Régiment du Prince
Alexandre de Wittemberg , de ceux de Weles ,
du Comte Louis de Palfi , de Seer , d'Ogilvi , de
Welsech , du Régiment de Grenadiers de Lorraine,
d'une partie de celui de Chauvirey , et de
ICOo homines des Milices de Transilvanie , ces
I. Vol. Troupes
JUIN. 1734. 1213
par
Troupes doivent être commandées le Baron .
de Damnitz , Feld- Maréchal , qui aura sous ses
ordres le Comte de Jorger.
Le Conseil de Guerre a ordonné à quelques
Régimens qui sont en Italie , d'en revenir, et
l'on compte qu'ils seront envoyez sur les Frontieres
de l'Electorat de Baviere , avec le nouveau
Corps des Milices qu'on leve dans le Tirol .
On a fait prendre les Armes aux Habitans de
Vienne qui sont en état de les porter , et on a
nommé des Officiers pour les commander et leur
apprendre les Exercices Militaires.
pas
L'Empereur a fait publier un Edit , portant
que tous les Particuliers qui n'auroht donné
une déclaration de leurs biens avant le temp ;
dans lequel on doit commencer à lever le Dixiéme
sur tous les revenus , seront condamnez à
payer une Taxe proportionnée à leurs facultez.
Le Marquis de Rubi , Conseiller du Conseil
Privé , et que l'Empereur a nommé Feldt Maréchal
de ses Armées , vient d'étre déclaré Viceroi
de Sicile , à la place du Comte de Sastago.
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Résumé : ALLEMAGNE.
Le Prince Louis de Wurtemberg, commandant par intérim l'armée de l'Empereur en Italie, a rapporté la disposition des troupes allemandes après leur passage du fleuve Po. La première colonne comprenait 26 bataillons, 28 escadrons et 20 compagnies de grenadiers, sous les ordres de plusieurs officiers de haut rang. La seconde colonne était composée de 17 bataillons, 24 escadrons et 14 compagnies de grenadiers, dirigées par les Comtes de Culmbach et de Valperoso. Lors du Conseil d'État tenu à Vienne le 16 du mois précédent, il a été décidé de mobiliser les milices du Royaume de Bohême et des provinces de Silésie et de Moravie, ainsi que la dixième partie des habitants de la Basse-Autriche aptes au service militaire. Des rumeurs indiquaient que la noblesse de Haute-Autriche pourrait être contrainte de lever et entretenir un corps de 10 000 hommes. À Ratisbonne, la Diète a décidé que les princes et les cercles ne fourniraient que les trois cinquièmes des subsides demandés par l'Empereur pour l'entretien des troupes de l'Empire, et que la Caisse Militaire serait établie à Francfort. Plusieurs régiments, initialement en route pour l'armée sur le Rhin, ont reçu l'ordre de s'arrêter près de Passau pour former un camp, auquel se joindraient les milices de Basse-Autriche. En réponse à une incursion de troupes polonaises en Silésie, l'Empereur a envoyé un détachement de cavalerie et d'infanterie, renforcé par une partie du régiment de Chauveray. Un camp devait être formé avec plusieurs régiments et des milices de Transylvanie, sous le commandement du Baron de Damnitz. Le Conseil de Guerre a ordonné le retour de certains régiments d'Italie pour renforcer les frontières de l'Électorat de Bavière, accompagnés de nouvelles milices du Tyrol. Les habitants de Vienne en état de porter les armes ont été armés et des officiers nommés pour les commander. L'Empereur a publié un édit condamnant ceux qui n'avaient pas déclaré leurs biens à payer une taxe proportionnelle à leurs facultés. Le Marquis de Rubi a été nommé Vice-roi de Sicile, remplaçant le Comte de Sastago.
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65
p. 1419
ALLEMAGNE.
Début :
L'Empereur qui avoit résolu de former un Camp dans le Royaume de Bohëme, a changé [...]
Mots clefs :
Royaume de Bohême, Empereur
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texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
L'Empereur qui avoit résolu de former un Camp dans le Royaume de Bohème , a changé
de desstin , et il a écrit au Baron de Damhitz
, de faire marcher vers le Rhin le Régiment
du Prince Akxandre de Wirtemberg , celui des
Grenadiers de Lorraine , et ceux de Weles , du
Comte Louis de Palfi , de Séer , de Welsech et
d'Olgivi , qui avoient eu ordre de s'arrêter dans
les environs de Passaw.
L'Empereur qui avoit résolu de former un Camp dans le Royaume de Bohème , a changé
de desstin , et il a écrit au Baron de Damhitz
, de faire marcher vers le Rhin le Régiment
du Prince Akxandre de Wirtemberg , celui des
Grenadiers de Lorraine , et ceux de Weles , du
Comte Louis de Palfi , de Séer , de Welsech et
d'Olgivi , qui avoient eu ordre de s'arrêter dans
les environs de Passaw.
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66
p. 99-128
« MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Début :
MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...]
Mots clefs :
Charles Quint, Mémoires historiques, François I, Guerre, Empereur, Roi, Succès, Conquêtes, Armée, Royaume de Naples, Italie, Prince, Troupes, Ennemis, Esprit, Bataille
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
MEMOIRES hiftoriques , militaires
& politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Em-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pire , jufqu'au traité d'Aix -la - Chapelle en
1748. Par M. l'Abbé Raynal , de la Société
royale de Londres, & de l'Académie royale
des Sciences & Belles - Lettres de Pruffe . A
Amfterdam , chez Ar ' ftée & Merkus ; & le`
vend à Paris , chez Durand , rue S. Jacques
, au Griffon , 1754 .
J'ai donné dans le Mercure dernier l'extrait
du premier volume de mon ouvrage ,
je vais continuer celui du fecond qui tenferme
l'histoire des guerres de Charles-
Quint & de François I , depuis 1521 jufqu'en
1544.
» L'Italie , ce théatre continuel & mal-
» heureux de tant de guerres , en a peu vu
» d'auffi fingulieres par les motifs & d'auffi
furprenantes par les événemens que cel-
» les qu'on va développer. Le lecteur en
» faifira mieux l'efprit , & en fuivra plus
agréablement les détails lorfqu'on l'aura
» fait remonter jufqu'à leurs caufes les plus
éloignées.
و ر
و ر
ور
و ر
Depuis la chute de l'Empire Romain
l'Italie ne s'étoit jamais trouvée dans la fituation
heureufe & brillante où elle étoit
en 1492. Une paix profonde , un commerce
étendu & floriffant , la culture des fciences
& des arts , inconnus ou méprifés ailleurs
, y faifoient regner des moeurs douces ,
aimables & polies . Tranquille , peuplée ,
DECEMBRE . 1754. tor
!
riche & magnifique au - dedans , elle avoit
au- dehors une affez grande confidération .
Cette fituation fi rare étoit particulierement
l'ouvrage de Laurent de Médicis , qui
de fimple citoyen de Florence en devint le
chef& le bienfaiteur. Sa mort fut l'époque
des troubles de l'Italie .
Ludovic Sforce méditoit d'ufurper la
Souveraineté du Milanès fur Jean Galeas
fon neveu ; mais comme il prévoyoit que
le Roi de Naples traverferoit fon projet,
il engagea la France à faire valoir les droits
qu'elle avoit par la Maiſon d'Anjou fur le
Royaume de Naples .
» Charles VIII qui n'avoit ni la péné-
» tration néceffaire pour connoître le bien
»de l'Etat , ni le fentiment qui le fait de-
» viner, & qui confondoit d'ailleurs , com-
" me prefque tous les Souverains , un fond
" méprifable d'inquiétude avec une paf-
» fion très-louable pour la gloire , s'entêta
de la conquête de Naples dès qu'on lui
» en eût fait la premiere ouverture. La né-
» ceffité de peapler fon Royaume que les
» guerres contre les Anglois avoient de-
» vafté , de réformer le gouvernement dont
» les troubles civils venoient d'augmenter
» le defordre , de rétablir les finances épui-
» fées par les bizarreries du dernier régne ,
ne balança pas une réfolution fi dange-
ود
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» reufe . Tout fut rapporté à une entrepriſe
» dont le fuccès même devoit être un mal-
» heur. Le defir de réuffir , tout vif qu'il
» étoit , peut-être même parce qu'il l'étoit ,
» n'éclaira pas fur les moyens.
و ر
ود
ود
Charles commença par gagner Ferdinand
& Maximilien , en leur abandonnant des
pays qui valoient mieux que ce qu'il ſe propofoit
d'acquerir. Il regarda fon triomphe
comme infaillible , lorfqu'il crut s'être affuré
qu'il n'auroit à combattre que des Italiens.
Il eft vrai que quand les différens
Etats de l'Italie n'auroient pas été divifés
entr'eux , ils ne pouvoient oppofer qu'une
foible réfiftance. » Leurs troupes n'étoient
compofées que de gens fans honneur ,
»fans talent & fans aveu , que quelques
Seigneurs qui jouiffoient d'une efpece
d'indépendance dans l'Etat eccléfiaftique
» ou dans d'autres états , raffembloient
»pour le fervice des Puiffances qui en
» avoient befoin . Ces chefs de bande , maî-
» tres abfolus des corps qu'ils avoient formés
, y difpofoient à leur gré de tous les
emplois , & faifoient avec leurs fubalternes
le marché qu'ils vouloient , fans que
l'Etat qui les avoit à ſa ſolde , prît con-
» noiffance de ces conventions. La diffi-
» culté ou la dépenfe des recrûes déter-
ور
"
"
minoit ces aventuriers à n'agir que de
DECEMBRE. 1754. 103
ور
ود
"
» concert ; & quoiqu'ils fuffent dans des
» camps ennemis , ils travailloient plutôt
»à fe faire valoir les uns les autres qu'à
» tenir les engagemens qu'ils avoient con-
» tractés. Un i vil intérêt avoit réduit la
» guerre à n'être qu'une comédie. On ne la
» faifoit jamais que de jour , & l'artillerie
»même fe taifoit pendant la nuit , pour
» que le repos du foldat ne fût pas troublé.
» Dans les occafions même qui font les
plus vives , il n'y avoit gueres de fang
» répandu que par inadvertance , & les
» combattans ne cherchoient réciproque-
» ment qu'à faire des prifonniers dont la
» rançon pût les enrichir. Machiavel nous
a laiffé le récit exact & détaillé des deux
plus mémorables actions de fon fiècle ,
celle d'Anghiari & celle de Caftracaro.
On y voit des aîles droites & gauches
» renversées & victorieufes , un centre
» enfoncé , le champ de bataille perdu &
regagné plufieurs fois . Ces defcriptions
>> annoncent un carnagel horrible ; il n'y
eut cependant ni mort ni bleffé dans le
premier combat , & dans le fecond il
» ne périt qu'un feul homme d'armes qui
» fut foulé par les chevaux .
ود
Charles ne trouva aucun obftacle dans
fa marche ; il fe vit maître du Royaume
de Naples fans avoir tiré l'épée , & en
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
moins de tems qu'il n'en auroit fallu pour
le parcourir. Mais la facilité & l'éclat de
cette conquête ne firent qu'aigrir la jaloufie
des autres Puiffances . Le Pape , l'Empereur
, le Roi d'Efpagne , les Vénitiens
& les Milanois s'unirent pour dépouiller
Charles qui , effrayé de cette ligue , laiffa
une partie de fes troupes pour défendre fa
conquête , & reprit la route de fes Etats
avec le refte .
Cette retraite enhardit le Roi déthrôné ,
qui vint avec des fecours confidérables
pour chaffer les François de fes Etats ; les
conquerans fe défendirent long - tems avec
affez de bonheur , mais ils furent enfin
obligés de céder & d'abandonner les places
dont ils étoient les maîtres , & il ne
refta à la France que la honte d'avoir formé
une entrepriſe confidérable fans fin déterminée
, ou fans moyens pour y parvenir .
Les mauvais fuccès de Charles VIII ne
rebuterent point fon fucceffeur. Louis XII
fut à peine parvenu au thrône qu'il tourna
fes vûes vers le Milanès fur lequel il avoit
quelques droits ; la conquête en auroit été
difficile , s'il n'avoit été fécondé par les
Vénitiens. Le Milanès ne pouvoit pas réfifter
à ces forces réunies , & il fut fubjugué
en quinze jours. Louis ne bornoit pas
fon ambition à cette conquête , il convint
DECEMBRE . 1754. 105
avec les Espagnols d'attaquer à frais communs
le Royaume de Naples & de le partager
après la victoire. Fréderic ne fit qu'u
ne très-foible réfiftance ; mais les vainqueurs
n'eurent pas plutôt accablé l'ennemi
commun , qu'ils devinrent irréconciliables.
Cette divifion eut des fuites funeftes
aux François ; les avantages qu'avoient fur
eux les Eſpagnols affurerent, après bien des
combats & des négociations , Naples à Ferdinand
, fans que Louis , que les événemens
n'éclairoient jamais , apprît à connoître
les hommes , ni même à fe défier
de fon rival . Un aveuglement fi extraordinaire
le précipita bientôt dans de nouveaux
malheurs à l'occafion que nous allons rapporter.
» La République de Venife jettoit en
1508 un éclat qu'elle n'avoit pas eu au-
» paravant , & qu'elle n'a pas eu depuis.
» Sa domination s'étendoit fur les ifles de
Chypre & de Candie , fur les meilleurs
» ports du Royaume de Naples , fur les pla-
» ces maritimes de la Romagne & fur la
partie du Milanès qui fe trouvoit à ſa
» bienféance. Des poffeffions fi fort éloignées
les unes des autres étoient en quel-
» que maniere réunies par les flottes nom-
»breufes & bien équippées de cette Puiffance
, la feule qui en eût alors. Les dé-
"
"
23
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
penfes qu'exigeoient ces armemens confidérables
ne l'épuifoient pas ; & fon
» commerce qui embraffoit tout le monde
» connu , la mettoit encore en état d'avoir
beaucoup de troupes de terre & de les
» mieux payer que les autres nations. Ces
forces n'étoient ni les feules ni même
les plus grandes reffources de l'Etat : il
pouvoit compter fur l'affection des fujets.
qui trouvoient un avantage fenfible à vi-
» vre fous un gouvernement qui entrete-
» noit l'abondance au - dedans , & qui paf-
» foit au- dehors pour le plus fage & le plus
profond de tous les gouvernemens.
99
39
"
و ر
» Pour fe maintenir dans cette pofition
» brillante , Venife travailloit fans relâche
» à mettre les forces de fes voifins dans un
tel équilibre , qu'elle pût rendre toujours
» fupérieur le parti qu'il lui conviendroit
d'embraffer. Le defir d'établir cette ba-
» lance de pouvoir , la chimere de tant de
» celebres politiques , l'empêchoit d'être fi-
» dele à fes alliances les plus folemnelles ,
» & de refpecter les droits les plus évidens
» des autres Souverains . Ses amis fatigués
" par fes défiances , & fes ennemis aigris
» par fes hauteurs , prirent peu à peu pour
» elle les mêmes fentimens . Comme cette
difpofition ne pouvoit pas être long - tems
» fecrette , on ne tarda pas à fe faire réci- '
"
DECEMBRE. 1754. 107
proquement confidence de fon averfion ,
» & cette confidence aboutit à une confpiration
générale contre la République .
L'hiftoire ne fournit gueres que le congrès
de Cambrai où plufieurs Puiffances fe
foient réunies contre une Puiffance moins
confidérable que chacune d'elles . Cette fameufe
ligue étoit compofée du Pape , du
Roi Catholique , de l'Empereur & de Louis
XII. Le Roi de France toujours fidele à
fes engagemens , entra en 1509 fur le territoire
de la République dans le tems dont
on étoit convenu , & avec les forces qu'il
devoit fournir. Il gagna par l'imprudence
du Général Vénitien qu'on lui oppofa , une
bataille complette , qui mit Venife à deux
doigts de fa perte .
La divifion des Princes confédérés fauva
la République. Louis vit tourner contre
lui les forces de la ligue , celles des
Suiffes & du Roi d'Angleterre. Malgré les
efforts réunis de tant d'ennemis , les François
fe foutinrent en Italie par des fuccès
tous les jours plus éclatans , jufqu'à la mort
du Duc de Nemours , qui fe fit tuer en foldat
à la bataille de Ravenne , qu'il avoit
gagnée en Général . Les vainqueurs déconcertés
par la mort de leur chef , s'affoibliffant
tous les jours par les divifions , les
maladies & les défertions , furent obligés
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'aller défendre le Milanès ; mais trop foibles
pour s'y maintenir , ils en furent chaf
fés par les Suiffes en 1512. Louis ne perdit
pas courage , il vint à bout d'amèner
les Venitiens à fon alliance, & de recouvrer
ce qu'il avoit perdu au - delà des Alpes .
» Cette conquête fut facile. Les Milanois
qui jufqu'alors avoient regardé les
François comme des Tyrans , les reçu-
» rent comme leurs libérateurs : ce qu'ils
éprouvoient de Sforce & fur-tout des
» Suiffes depuis la révolution , leur avoit
appris que l'orgueil , l'injuftice & le mépris
des loix & des bienféances étoient
" moins les vices d'une nation en particu-
» lier que de la profpérité en général . Ces
» réflexions les avoient conduits au paral-
» lele de leurs anciens & de leurs nou-
» veaux maîtres ; & ils avoient jugé que
33
ceux qui rachetoient les défauts des con-
» querans par la bonté de leur coeur & la
»facilité de leurs moeurs , devoient être
" préférés à ceux qui n'offroient pas les
"mêmes compenfations . » Malgré ces difpofitions
favorables , les François furent
encore chaffés de leur conquête.
François I fuivit les vûes de fon prédéceffeur
avec la même vivacité que fi elles
euffent été fes propres vûes. Il entra en
Italie , dont les Suiffes gardoient le paffaDECEMBRE
. 1754 109
ge ,
& gagna contr'eux la célebre bataille
de Marignan , qui lui ouvrit la conquête
du Milanès , où les François furent tranquilles
jufqu'en 1521 .
La guerre que commencerent alors à ſe
faire Charles- Quint & François I , fut vive
, fur- tout en Italie . Le Pape & l'Empereur
s'unirent pour chaffer les François du
Milanès dont ils étoient reftés les maîtres.
Lautrec qui y commandoit, fçavoit la guerre
, mais il n'avoit aucun talent pour le
gouvernement. On le trouvoit généralement
haut , fier & dédaigneux . Ses vices
& la dureté de fon adminiftration le rendirent
odieux aux Milanois , qui chercherent
à fortir de l'oppreffion . Lautrec qui
vit les fuites de cette fermentation , demanda
des fecours à la France , mais il nefut pas
affez fort pour fe défendre contre les confédérés
qui le chafferent du Milanès . Une
bataille que ce Général perdit enfuite
acheva la ruine des François en Italie.
François I ne fut point découragé. Il
vit toute l'Europe fe liguer contre lui fans
que cela changeât rien à fes projets. Il ne
réfléchiffoit pas affez pour voir le péril , &
avoit d'ailleurs trop de courage pour le
craindre. Il fe difpofoit à paffer les Alpes
avec une armée redoutable , lorfque la
confpiration du Connétable de Bourbon
116 MERCURE DE FRANCE.
l'arrêta dans fes Etats . Il chargea Bonnivet
de la conquête du Milanès .
33
» Profper Colonne fut le Général que
» la ligue lui oppofa . Cet Italien qui paſſa
» pour un des plus grands Capitaines
» de fon fiécle , faifoit la guerre avec
» moins d'éclat que de fageffe , & avoit
" pour maxime de ne rien abandonner à la
» fortune , même dans les cas les plus pref-
» fans. Il combinoit extrêmement toutes
fes démarches , & dans la crainte de les
déranger , il laiffoit échapper fouvent
» des occafions décifives que la négligence
» ou la foibleffe de l'ennemi lui préfen-
» toient . Sa maniere de faire la guerre
» étoit bonne en général , mais elle avoit
» le défaut d'être toujours la même ; il
ignoroit l'art de varier fes principes fui-
» vant les lieux , les tems , & les circonf
» tances. Il fut lent fans être irréfolu , &
» s'il manqua de l'activité néceffaire pour
fatiguer ou pour furprendre l'ennemi ,
" il fut affez vigilant pour n'être jamais
furpris . Le brillant & la gloire des ba-
» tailles ne le tentoient point , même dans
» fa jeuneffe ; fon ambition dans tous les
» âges fut de défendre ou de conquérir
n
33
des provinces fans répandre de fang.
» Exempt de l'inquiétude qu'on remarque
» dans la plupart des Généraux , il attenDECEMBRE.
1754.
»doit fans impatience le fruit de fes ma-
» noeuvres , & un fuccès , pour venir len-
» tement , n'en étoit pas moins un fuccès
» pour lui. Si la politique qui le porta à
» changer fi fouvent de parti le décria du
côté de la probité , elle lui donna la connoiffance
du génie militaire de plufieurs
» peuples , une autorité fuffifante pour les
» conduire , & l'adreffe néceffaire pour les
23
» accorder.
La moindre partie de ces talens eût fuffi
pour fermer l'entrée de l'Italie à Bonnivet
, vif, imprudent , préfomptueux &
inappliqué. Ce Général fit prefque autant
de fautes que de pas. Les François qui
avoient le pays contr'eux , un Général
qu'ils n'eftimoient pas , un ennemi qui
devenoit tous les jours plus fort , & à qui
on faifoit faire une guerre lente & à l'Italienne
, fe découragerent . Bonnivet qui
avoit formé un blocus devant Milan , fut
obligé de fe retirer. La mort de Colonne
ne rétablit pas les affaires des François .
L'Amiral voyant fon armée ruinée par les
défertions , ne fongea plus qu'à en ramener
les débris en France. Le Connétable de
Bourbon le pourfuivit dans fa retraite , &
entra en France avec une armée Espagnole :
il ne réuffit pas , & il fut forcé de regagner
F'Italie . Les François l'y fuivirent , & vin
rent affiéger Pavie.
112 MERCURE DE FRANCE.
"
» Antoine de Leve qui y commandoit ,
» avoit autant de génie que de valeur , &
» plus d'expérience encore que d'activité .
Né dans un état obfcur & d'abord fim-
» ple foldat , il étoit parvenu au com-
» mandement par d'utiles découvertes , &
» une fuite d'actions , la plûpart hardies &
toutes heureuſes . Un extérieur bas , igno-
"
ble même , ne lui ôtoit rien de l'auto-
» rité qu'il devoit avoir , parce qu'il avoit
»le talent de la parole , & une audace
» noble à laquelle les hommes ne réſiſ-
»tent pas. Ce qu'il y avoit d'inquiet ,
» d'auftere , & d'un peu barbare dans fon
» caractere , étoit corrigé ou adouci , fe-
» lon les occafions , par fon ambition , qui
» étoit vive , forte & éclairée. Il ne con-
»noiffoit de la religion & de la probité
» que les apparences. Sa fortune & la vo-
» lonté ou les intérêts du Prince , étoient
pour lui la fuprême loi .
Les efforts des François pour prendre
cette place étoient inutiles : l'armée diminuoit
tous les jours par le feu continuel de
la place , les maladies , les défertions , les
rigueurs de la faiſon , & le défaut des vivres
. Malgré tant de raiſons d'abandonner
le fiége , François s'y opiniâtra . Il ne
pouvoit pas fe réfoudre à abandonner une
entreprife qui lui avoit déja beaucoup cou
1
DECEMBRE. 1754 II
té, qui fixoit depuis long- tems l'attention
de toute l'Europe , & qu'il croyoit devoir
décider de fa réputation . Cette opiniâtreté
lui fut funefte. Il fut vaincu à Pavie , & fait
prifonnier.
Ce Prince étoit d'un caractere trop vif
& trop impatient pour foutenir fes malheurs
avec fermeté. Il fuccomba autant fous
le poids de fa foibleffe que fous celui de fes
revers , & il fut attaqué d'une maladie dangereufe.
Sorti de fa prifon après fa guérifon
, ilil recommença la guerre.
Il conclut un traité avec le Pape , les
Vénitiens & le Duc de Milan ; mais cette
ligue , dont le but étoit de rendre la li
berté aux Enfans de France qui étoient
reftés en ôtage à Madrid , d'affermir Sforce
dans fes Etats , & de remettre l'Italie entiere
dans la fituation où elle étoit avant
la guerre , n'eut qu'une iffue funcfte. Le
Duc d'Urbin qui commandoit les troupes
des confédérés , ruina les affaires
fes
fautes & fes incertitudes .
par
» Ce Général étoit lent & irréfolu :
» il voyoit toujours tant de raifons d'a-
" gir , & de n'agir pas , qu'il paffoit à difcuter
le tems qu'il auroit dû employer à
» combattre. Son imagination qui fe frappoit
aifément , groffiffoit toujours à fes
" yeux les forces de l'ennemi , & dimi-
"
114 MERCURE DE FRANCE.
» nuoit le nombre de fes propres troupes.
Il avoit le défaut ordinaire aux
» hommes timides , d'ôter le courage à fes
>> foldats en ne leur en croyant point , &
» d'enfer celui de l'ennemi en lui en fup-
» pofant trop. Les avantages qu'il avoit
" pour attaquer , & ceux que lui procu-
» reroit la victoire ne fe préfentoient ja-
» mais à lui : fon efprit ne voyoit que les
» hazards d'une action & les fuites d'une
» défaite. Tout , jufqu'à la réputation qu'il
ور
avoit de fçavoir fupérieurement la guer-
» re , nuifit à la caufe qu'il défendoit : fes
» maîtres éblouis par l'éclat de fon nom ,
approuvoient aveuglément toutes les dé-
» marches ; & les fubalternes accablés par
le poids de fon autorité , n'ofoient être
» d'un avis différent du fien , ou craignoient
de le foutenir.
Avec le caractere que nous venons
de tracer , il n'étoit pas poffible de rien
faire qui exigeât un peu de hardieffe ou
d'activité. Bourbon s'étant foutenu quelque
tems avec fort peu de troupes & fans
argeht , reçut enfin d'Allemagne des fecours
confidérables , avec lefquels il alla
faire le fiége de Rome , & y périt ; mais la
ville fut prife & abandonnée pendant plufieurs
mois à la licence & la cruauté du
foldat.
DECEMBRE. 1754 115
DE
lé n
C3
Ce fut l'occafion d'une nouvelle ligue
.contre l'Empereur , compofée des Rois de
France & d'Angleterre , des Vénitiens &
des Florentins , des Ducs de Milan & de
Ferrare , & du Marquis de Mantoue. Lautrec
commanda leurs forces réunies : il paffa
les Alpes à la tête d'une belle armée , &
s'en fervit pour réduire la plus grande partie
du Milanès fous les loix de Sforce ; fes
opérations furent vives , fages & fçavanres.
Il marcha enfuite à Naples pour en
faire le fiége ; il fut long , difficile , meurtrier
, & donna occafion à un événement
qui eut des fuites importantes.
33
و د
» André Doria , le plus grand homme
»de mer de fon fiécle , étoit entré au fer-
» vice de François I. & y avoit apporté la
hauteur , le courage & les moeurs d'un
Républicain. Les Miniftres accoutumés
» aux déférences & aux baffeffes des cour-
» tifans , conçurent aifément de la haine
contre un étranger qui ne vouloit recevoir
des ordres que du Roi . Comme l'ha-
» bitude de dépendre d'eux n'étoit pas en-
" core bien formée parmi les Grands , ils
craignirent qu'un exemple comme celui-
» là ne retardât les progrès de la fervitude.
générale qu'ils introduifoient avec fuc-
» cès dans le Royaume. Pour prévenir le
péril qui menaçoit leur autorité naiffan
"
"
23
116 MERCURE DE FRANCE.
te , ils confpirerent la perte d'un homme
dont ils n'étoient devenus ennemis
» que parce qu'il n'avoit pas voulu être
leur efclave. On ne pouvoit y parvenir
qu'en dégoûtant le Roi de lui , ou en le
» dégoûtant du Roi. Ces deux moyens fe
prêtant de la force l'un à l'autre , ils ne
» furent pas féparés . Doria fe vit infenfiblement
négligé , oublié , inſulté mê-
ม
» me .
D'autres injuftices ayant augmenté le
mécontentement de Doria , il alla porter
aux Impériaux fon crédit , fes confeils , fa
réputation & fon expérience , & parut
bientôt devant Naples pour la fecourir.
Ce contre- tems acheva d'abbattre Lautrec ,
qui luttoit depuis long-tems contre l'ennemi
, la pefte , la mifere & la famine.
Il mourut en déteftant les mauvais citoyens
dont l'Etat , l'armée & lui étoient les victimes.
Le Marquis de Saluces qui remplaça
Lautrec , manquoit de vûes , d'audace
& d'activité : il fe retira de devant
Naples , fe laiffa battre , & fut lui -même
prifonnier.
L'armée des confédérés qui étoit en
Lombardie , fut détruite peu de tems après
par Antoine de Leve. Cet événement avança
les négociations pour la paix , qui étoient
commencées , mais qui languiffoient ; la
DECEMBRE. 1754. 117
STA
paix fut faite à Cambray. L'Empereur ne
tarda pas à former le plan d'une ligue contre
le Roi de France , qui de fon côté ne
négligeoit rien pour fufciter des ennemis à
fon rival. Un événement fingulier prépara
le dénoument de ces intrigues.
Un Gentilhomme Milanois , nommé
Merveille , qui vivoit ordinairement en
France , étoit retourné dans fa patrie fous
prétexte de quelques affaires particulieres ;
mais en effet pour cimenter l'union qui
commençoit à fe former entre Sforce &
François I. Le fecret perça ; l'Empereur fut
inftruit de cette intelligence : le Duc de
Milan qui redoutoit fon reffentiment ,
chercha tous les moyens imaginables de
l'appaifer. Le hazard ou fon imprudence
lui en fournirent un affreux . Quelques domeftiques
de Merveille ayant tué dans une
querelle un Milanois , l'Agent de France
fut arrêté & décapité . Cet attentat , un
des plus crians que l'hiftoire fourniffe contre
le droit des gens , fit fur l'efprit de
François I. toute l'impreffion qu'il y devoit
faire ; mais il en différa la
vengeance , &
il attendit l'inftant que Charles Quint allât
porter la guerre en Afrique contre le Pirate
Barberouffe pour fatisfaire fon reffentiment
, réparer fa gloire , humilier Sforce ,
& recouvrer le Milanès, Il envoya par la
118 MERCURE DE FRANCE.
Savoye une armée nombreufe , qui débuta
par les plus brillans fuccès , & refta toutà-
coup dans une inaction dont on connoît
peu les motifs . Les Impériaux s'étant fortifiés
, elle fut obligée de repaffer en France
; l'Empereur l'y fuivit. Montmorenci ,
chargé de l'arrêter avec une armée bien
inférieure , s'étoit déterminé , malgré les
murmures des peuples & les railleries des
courtifans , à facrifier la Provence entiere
au falut du refte de l'Etat . Il avoit mis fon
armée fous Avignon , couverte par le Rhôpar
la Durance . L'Empereur , après
avoir fait quelques tentatives inutiles fur
Arles & fur Marſeille , effaya de faire fortir
Montmorenci de fes retranchemens , &
de l'engager à une bataille ; mais ce Général
fut ferme dans fes principes de reſter
fur la défenfive , & les Impériaux quitterent
la Provence , confumés par la faim ,
par les maladies , par la honte & par le
chagrin .
ne &
L'yvreffe où étoit François I. de fes derniers
fuccès , devoit entraîner néceffairement
l'abus de la victoire , & cela arriva
d'une maniere qui me paroît devoir être
remarquée.
» Les Comtés de Flandre & d'Artois re-
"levoient de tems immémorial de la Fran-
» ce. Charles- Quint en avoit rendu l'homDECEMBRE.
1754. 119
» mage comme fes prédéceffeurs , jufqu'à
» ce qu'on lui en eût cédé la fouveraineté
à Cambray. Ce Prince ayant depuis vio-
» lé ce traité en recommençant la guerre ,
" on prétendit qu'il étoit déchu de tous
» les avantages qu'on lui avoit faits , qu'il
» étoit redevenu vaffal de la Couronne
» que cette qualité le rendoit coupable de
» félonie , & devoit faire confifquer fes
» Fiefs. Ce raifonnement expofé en plein
» Parlement au Roi , aux Princes du Sang ,
» à tous les Pairs du Royaume , par l'Avo-
» cat Général Cappel , dans le mois de
» Janvier 1937 , fit ordonner que l'Empe-
» reur feroit cité fur la frontiere , pour ré-
»pondre lui- même , ou du moins par fes
Députés. Le tems prefcrit pour compa-
» roître s'étant écoulé fans que perfonne
» fe fût préfenté , la Flandre & l'Artois fu-
» rent déclarés réunis à la Couronne.
39
"3
François étoit fans doute affez éclairé
» pour regarder cette procédure comme
» une vaine formalité ; mais cette con-
» viction , loin de le juftifier , comme le
» prétendent fes panégyriftes , le rendoit
» évidemment plus blâmable . Il ne tiroit
qu'une vengeance inutile de l'Empereur ,
» qui par des calomnies femées adroite-
» ment , l'avoient décrié dans toute l'Eu-
"
rope , & il perdoit la réputation de
120 MERCURE DE FRANCE.
générofité qu'il avoit eue jufqu'alors ,
» fans qu'il lui en revînt aucun avantage..
" Cette conduite étoit la preuve que ce
» Prince ne faifoit la guerre qu'à Charles
, tandis que Charles la faifoit à la
» France. Qu'on y prenne garde , & on
» trouvera dans cette obfervation , qui
»pour être nouvelle , n'eft pas moins fondée
, la raifon des avantages que la
» Maifon d'Autriche remporta fur celle de
» France , dès les premiers tems de leur
concurrence . Le Chef de la premiere n'é-
» toit déterminé à agir que par des inté-
" rêt d'Etat , & celui de la feconde n'a-
» voit en vûe ordinairement que des paf-
»fions particulieres. Il portoit ce motif
» petit & bas qui entraîne toujours l'hu-
» miliation ou la ruine des Empires , juf-
» ques dans des événemens qui paroif-
» foient partir d'une politique profonde &
» lumineufe ; tel , par exemple , que l'al-
» liance qu'il contracta avec Soliman.
Dès que ce traité fut conclu , le Grand
Seigneur entra en Hongrie à la tête de cent
mille hommes , & envoya une flotte fur
les côtes de Naples. Ces deux armées eurent
quelques avantages , qui auroient pû
conduire plus loin fi François eût paffé les
Alpes en même tems avec une nombreuſe
armée la lenteur gâta tout. Le Roi , malgré
DECEMBRE . 1754. 121
gré d'affez grands avantages qu'il rempor
ta en Italie où il étoit enfin paffé , quitta
par légereté les armes qu'il avoit prifes par
reffentiment , & conclut une treve de dix
ans avec l'Empereur.
Une fermentation dangereufe qui commençoit
déja à agiter les Pays bas , rendoit
cet accomodement très - important pour
Charles - Quint. Ce Prince fentoit la néceffité
de pafler aux Pays-bas pour appaifer
les troubles : Montmorenci lui fit accorder
ce paffage par la France , à des conditions
que ce Prince ne tint pas. La chûte du
Connétable fuivit une infidélité dont il
avoit été caufe . La difgrace de ce favori
tout puiflant fut- elle un bonheur ou un
malheur pour la France ? le Lecteur en
pourra juger.
" Montmorenci , un des hommes les
plus célébres de fon. fiécle , avoit les
» moeurs auſteres , mais de cette auſtérité
» qui naît plutôt d'un efprit chagrin que
» d'un coeur vertueux . Plus ambitieux de
» dominer que jaloux de plaire , il ne re-
» doutoit pas d'être haï , pourvû qu'il fût
>> craint ; la fierté & de faux principes
qu'il s'étoit faits , lui faifoient regarder
»comme des baffeffes des ménagemens rai-
» fonnables qui lui auroient concilié l'eftime
& l'amour des peuples. L'ordre qu'il
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
établiffoit par tout où il avoit de l'au-
» torité , n'étoit pas précisément de l'or-
» dre , c'étoit de la gêne : on y démêloit
»une certaine pédanterie qui n'eft guere
» moins commune à la Cour & à l'armée
qu'ailleurs , quoiqu'elle y foit infiniment
plus ridicule. Il n'eftimoit & n'a-
» vançoit les hommes qu'à raifon du plus
» ou du moins de reffemblance qu'ils
» avoient avec lui , & il confondoit les
citoyens fans talens avec les citoyens
» qui en avoient d'autres que les fiens ,
Dou qui les avoient autrement que lui.
» Naturellement defpotique , il puniffoit
le crime fans obferver les formalités que
» preferit fagement la loi , & il fe croyoit
» difpenfé de récompenfer les actions uti-
» les à la patrie , fous prétexte qu'elles
» étoient d'obligation . Le furnom de Ca-
» ton de la Cour qu'on lui donna , étoit
» plutôt la cenfure de fes manieres que
l'éloge de fon coeur : il l'avoit fi aigre
» que la religion même n'avoit pû la-
" doucir , & qu'il étoit paffé en proverbe
» de dire : Dien nous garde des patenêtres du
ต
» Connétable. Il eut toute fa vie de fauffes
» idées fur la grandeur ; il la faifoit confifter
à gêner ceax qui l'approchoient , à
" faire éclater fes reffentimens , à éviter les
amuſemens publics , à tenir des difcours
22
DECEMBRE . 1754 123
"3
و ر
fiers & infultans , à outrer les dépenfes
qui étoient purement de fafte. La nature
» lui avoit refufé la connoiffance des hom-
» mes , & à plus forte raifon le talent de
» les former : il ne voyoit pour les gou-
» verner que la crainte ; maniere baffe , qui
" avilit les ames les plus élevées , & qui
» pour un crime qu'elle empêche , étouffe
» le germe de mille vertus. A juger de
» Montmorenci par les places qu'il occu-
» pa , les affaires dont il fut chargé , l'au-
» torité qu'il eut , on croiroit qu'il fut
» très intrigant ou très- habile ; cependant
» il étoit fans manége , & fa capacité étoit
» médiocre : le hazard & fa naiffance con-
» tribuerent beaucoup à fon élévation .
» Comme tous les Miniftres accrédités , il
» voulut fe mêler des finances , & par une
» erreur malheureufement trop commune ,
il crut qu'il fuffifoit d'avoir un caractere
dur pour les bien adminiftrer . On ne le
foupçonna jamais de rien détourner des
» deniers publics ; mais il abufoit de la
» facilité de fes maîtres pour fe faire don-
» ner : forte de malverfation moins crimi-
» nelle peut-être que la premiere , mais
qui n'eft gueres moins odieufe. Toutes
» les négociations dont il fut chargé réuf-
» firent mal : il y portoit de la hauteur ,
» de l'entêtement , de l'aigreur , des idées
"
"
"
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
» étroites , un goût trop marqué pour le cé-
» témonial. Son talent pour la guerre fe bornoit
prefque à une prudence lente , qui eft
» le plus fouvent la marque d'un efprit froid,
»timide & ftérile : il réuffit quelquefois
» à fe défendre , mais il ne fçut jamais ni
attaquer ni vaincre. Ce qui diftingua le
plus fa vie des vies ordinaires , c'eft la
» maniere dont il foutint les difgraces
qu'il efluya fa fermeté auroit frappé
davantage , fi l'oftentation dont elle étoit
accompagnée n'eût annoncé plus d'or-
» gueil que de vertu .
"
99
:
Cependant on chercha les moyens de
tirer une vengeance füre & éclatante de
l'Empereur ; la guerre lui fut déclarée en
1542. Les François ouvrirent la campagne
par le Rouffillon & les Pays- Bas , où
ils eurent quelques fuccès. M. d'Enguien
gagna en Piémont la bataille de Cerifolesdont
il perdit les fruits , parce qu'on ne
pût pas lui envoyer des fecours. L'Empereur
& le Roi d'Angleterre s'unirent pour
entrer en France en même tems avec une
armée nombreuſe ; la jaloufie & les divifions
de ces deux Princes fauverent le
Royaume : l'Empereur même , par le défaut
des vivres qui lui manquerent par la fage
attention qu'on eut de tout dévafter , ſe
feroit vû réduit à périr ou de fe rendre
DECEMBRE. 1754. 125
prifonnier , fi les intrigues de la Cour n'a
voient avancé la conclufion de la paix qui
fut fignée à Crépy en 1544 , & à laquelle
François I. ne furvêcut pas long-tems.
» Ce Prince joignoit à un goût décidé
» pour tous les exercices du corps , l'adreffe
» néceffaire pour y exceller , & affez de
fanté pour s'y livrer fans rifque. Il n'avoit
pas cet air impofant qui a fait le
plus grand mérite de quelques Souve-
» rains ; mais il régnoit dans toutes les ma
» nieres une franchiſe qui préparoit à l'a-
» mour & qui infpiroit la confiance . Pour
»trouver accès auprès de lui , il n'étoit pas
» néceffaire d'avoir des places , de la ré-
»putation ou de la naiffance ; il fuffifoit
d'être François ou même homme . Sa con-
» verfation réuniffoit les agrémens que
» doivent donner la gaieté , le naturel , la
» vivacité & les connoiflances. Il parloit
"
»
beaucoup ; & quand il auroit été un par-
» ticulier , on n'auroit pas trouvé qu'il
parlât trop. Le defir de la louange qui
rend quelquefois grands les Rois qui
» l'ont , mais qui ne fait le plus fouvent
» qu'avilir ceux qui les entourent , fut une
de fes paffions : fon caractere autoriſe à
penfer qu'il s'en feroit rendu digne , fi
les flateurs ne l'avoient perdu .
n
» Contre l'ordinaire des hommes nés
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
» pour gouverner , qui ne forment prefque'
jamais de projets dont le défaut même
de fuccès ne foit fuivi de quelque avan-
"9
ود
و د
tage , il ne s'occupoit que de ce que les
» événemens avoient d'éclatant : on ne l'amena
jamais à fentir que dans des coups
» d'état la gloire & l'utilité font le plus
»fouvent inféparables . Les partis violens
» qui ne font permis que dans des fitua-
» tions defefpérées , ou quand on fe fent
» affez de force & de génie pour les foute-
» nir , ne lui coutoient rien à prendre : l'efprit
romanefque de fon fiécle & fon imprudence
particuliere l'empêchoient de
» voir les difficultés attachées aux affaires
& celles que fon caractere y ajoûteroit .
"3
Quoiqu'il s'occupât beaucoup du foin.
d'étendre fon autorité , il ne gouverna
jamais lui-même. L'Etat fut fucceffive-
»ment abandonné aux caprices de la Ducheffe
d'Angoulême , aux paffions des
Miniftres , à l'avidité des favoris. Il eut
» une probité d'oftentation qui ne lui
» mettoit pas de manquer de parole à fes
» ennemis des principes vrais & réels ſe
perferoient
étendus jufqu'à fes fujets , &
» l'auroient empêché de les dépouiller de
» droits effentiels fondés fur les conven-
» tions & fur la nature. La jalousie qui eft
auffi ordinaire & plus dangereufe fur le
DECEMBRE.
1754. 127
5
I
thrône que dans les conditions privées
n'effleura pas feulement fon ame : il étoit
»foldat , il fe croyoit Général , & il louoit
fans effort , avec plaifir même , tous ceux
» qui avoient fait à la guerre une action
» de valeur ou d'habileté. Le feu qu'il met-
» toit d'abord dans fes entrepriſes , s'étei-
"gnoit tout- à - coup fans pouvoir être nour-
»ri par le fuccès , ni rallumé par les difgraces.
Il n'étoit donné à ce Prince , fi
»l'on peut parler ainfi , que d'avoir des
» demi-fentimens & de faire des demi -ac-
» tions. Comme il avoit beaucoup d'éléva
» tion & qu'il réfléchiffoit peu , il dédaignoit
l'intrigue & négligeoit trop les ap-
» parences : fon rival moins délicat & plus
appliqué , profita de cette imprudente
» hauteur , pour lui ôter dans l'Europe en-
» tiere une réputation de probité qui lui
» auroit donné des alliés fideles & parmi
» les François même , une réputation d'ha-
» bileté qui auroit affermi leur courage.
La franchife , la fenfibilité , la générofi-
» té , qui ont été dans tous les fiécles la bafe
» des réputations les plus pures , furent la
» ruine de la fienne : la premiere de ces
» vertus lui fit trahir fes fecrets ; la feconde
» ne lui infpira qu'une compaffion ftérile
pour des peuples furchargés qu'il devoit
foulager ; la derniere lui fit prodiguer à
F iiij
728 MERCURE DE FRANCE.
des Courtifans ce qui étoit dû à ceux qui
» fervoient l'Etat . Son adminiftration fut
accompagnée de tous les defordres qui
»deshonorent le regne des Souverains cré-
» dules , vains , inconftans , fans principes ,
» fans expérience , fans connoiffance des
» hommes & fans fermeté.
& politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Em-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pire , jufqu'au traité d'Aix -la - Chapelle en
1748. Par M. l'Abbé Raynal , de la Société
royale de Londres, & de l'Académie royale
des Sciences & Belles - Lettres de Pruffe . A
Amfterdam , chez Ar ' ftée & Merkus ; & le`
vend à Paris , chez Durand , rue S. Jacques
, au Griffon , 1754 .
J'ai donné dans le Mercure dernier l'extrait
du premier volume de mon ouvrage ,
je vais continuer celui du fecond qui tenferme
l'histoire des guerres de Charles-
Quint & de François I , depuis 1521 jufqu'en
1544.
» L'Italie , ce théatre continuel & mal-
» heureux de tant de guerres , en a peu vu
» d'auffi fingulieres par les motifs & d'auffi
furprenantes par les événemens que cel-
» les qu'on va développer. Le lecteur en
» faifira mieux l'efprit , & en fuivra plus
agréablement les détails lorfqu'on l'aura
» fait remonter jufqu'à leurs caufes les plus
éloignées.
و ر
و ر
ور
و ر
Depuis la chute de l'Empire Romain
l'Italie ne s'étoit jamais trouvée dans la fituation
heureufe & brillante où elle étoit
en 1492. Une paix profonde , un commerce
étendu & floriffant , la culture des fciences
& des arts , inconnus ou méprifés ailleurs
, y faifoient regner des moeurs douces ,
aimables & polies . Tranquille , peuplée ,
DECEMBRE . 1754. tor
!
riche & magnifique au - dedans , elle avoit
au- dehors une affez grande confidération .
Cette fituation fi rare étoit particulierement
l'ouvrage de Laurent de Médicis , qui
de fimple citoyen de Florence en devint le
chef& le bienfaiteur. Sa mort fut l'époque
des troubles de l'Italie .
Ludovic Sforce méditoit d'ufurper la
Souveraineté du Milanès fur Jean Galeas
fon neveu ; mais comme il prévoyoit que
le Roi de Naples traverferoit fon projet,
il engagea la France à faire valoir les droits
qu'elle avoit par la Maiſon d'Anjou fur le
Royaume de Naples .
» Charles VIII qui n'avoit ni la péné-
» tration néceffaire pour connoître le bien
»de l'Etat , ni le fentiment qui le fait de-
» viner, & qui confondoit d'ailleurs , com-
" me prefque tous les Souverains , un fond
" méprifable d'inquiétude avec une paf-
» fion très-louable pour la gloire , s'entêta
de la conquête de Naples dès qu'on lui
» en eût fait la premiere ouverture. La né-
» ceffité de peapler fon Royaume que les
» guerres contre les Anglois avoient de-
» vafté , de réformer le gouvernement dont
» les troubles civils venoient d'augmenter
» le defordre , de rétablir les finances épui-
» fées par les bizarreries du dernier régne ,
ne balança pas une réfolution fi dange-
ود
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» reufe . Tout fut rapporté à une entrepriſe
» dont le fuccès même devoit être un mal-
» heur. Le defir de réuffir , tout vif qu'il
» étoit , peut-être même parce qu'il l'étoit ,
» n'éclaira pas fur les moyens.
و ر
ود
ود
Charles commença par gagner Ferdinand
& Maximilien , en leur abandonnant des
pays qui valoient mieux que ce qu'il ſe propofoit
d'acquerir. Il regarda fon triomphe
comme infaillible , lorfqu'il crut s'être affuré
qu'il n'auroit à combattre que des Italiens.
Il eft vrai que quand les différens
Etats de l'Italie n'auroient pas été divifés
entr'eux , ils ne pouvoient oppofer qu'une
foible réfiftance. » Leurs troupes n'étoient
compofées que de gens fans honneur ,
»fans talent & fans aveu , que quelques
Seigneurs qui jouiffoient d'une efpece
d'indépendance dans l'Etat eccléfiaftique
» ou dans d'autres états , raffembloient
»pour le fervice des Puiffances qui en
» avoient befoin . Ces chefs de bande , maî-
» tres abfolus des corps qu'ils avoient formés
, y difpofoient à leur gré de tous les
emplois , & faifoient avec leurs fubalternes
le marché qu'ils vouloient , fans que
l'Etat qui les avoit à ſa ſolde , prît con-
» noiffance de ces conventions. La diffi-
» culté ou la dépenfe des recrûes déter-
ور
"
"
minoit ces aventuriers à n'agir que de
DECEMBRE. 1754. 103
ور
ود
"
» concert ; & quoiqu'ils fuffent dans des
» camps ennemis , ils travailloient plutôt
»à fe faire valoir les uns les autres qu'à
» tenir les engagemens qu'ils avoient con-
» tractés. Un i vil intérêt avoit réduit la
» guerre à n'être qu'une comédie. On ne la
» faifoit jamais que de jour , & l'artillerie
»même fe taifoit pendant la nuit , pour
» que le repos du foldat ne fût pas troublé.
» Dans les occafions même qui font les
plus vives , il n'y avoit gueres de fang
» répandu que par inadvertance , & les
» combattans ne cherchoient réciproque-
» ment qu'à faire des prifonniers dont la
» rançon pût les enrichir. Machiavel nous
a laiffé le récit exact & détaillé des deux
plus mémorables actions de fon fiècle ,
celle d'Anghiari & celle de Caftracaro.
On y voit des aîles droites & gauches
» renversées & victorieufes , un centre
» enfoncé , le champ de bataille perdu &
regagné plufieurs fois . Ces defcriptions
>> annoncent un carnagel horrible ; il n'y
eut cependant ni mort ni bleffé dans le
premier combat , & dans le fecond il
» ne périt qu'un feul homme d'armes qui
» fut foulé par les chevaux .
ود
Charles ne trouva aucun obftacle dans
fa marche ; il fe vit maître du Royaume
de Naples fans avoir tiré l'épée , & en
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
moins de tems qu'il n'en auroit fallu pour
le parcourir. Mais la facilité & l'éclat de
cette conquête ne firent qu'aigrir la jaloufie
des autres Puiffances . Le Pape , l'Empereur
, le Roi d'Efpagne , les Vénitiens
& les Milanois s'unirent pour dépouiller
Charles qui , effrayé de cette ligue , laiffa
une partie de fes troupes pour défendre fa
conquête , & reprit la route de fes Etats
avec le refte .
Cette retraite enhardit le Roi déthrôné ,
qui vint avec des fecours confidérables
pour chaffer les François de fes Etats ; les
conquerans fe défendirent long - tems avec
affez de bonheur , mais ils furent enfin
obligés de céder & d'abandonner les places
dont ils étoient les maîtres , & il ne
refta à la France que la honte d'avoir formé
une entrepriſe confidérable fans fin déterminée
, ou fans moyens pour y parvenir .
Les mauvais fuccès de Charles VIII ne
rebuterent point fon fucceffeur. Louis XII
fut à peine parvenu au thrône qu'il tourna
fes vûes vers le Milanès fur lequel il avoit
quelques droits ; la conquête en auroit été
difficile , s'il n'avoit été fécondé par les
Vénitiens. Le Milanès ne pouvoit pas réfifter
à ces forces réunies , & il fut fubjugué
en quinze jours. Louis ne bornoit pas
fon ambition à cette conquête , il convint
DECEMBRE . 1754. 105
avec les Espagnols d'attaquer à frais communs
le Royaume de Naples & de le partager
après la victoire. Fréderic ne fit qu'u
ne très-foible réfiftance ; mais les vainqueurs
n'eurent pas plutôt accablé l'ennemi
commun , qu'ils devinrent irréconciliables.
Cette divifion eut des fuites funeftes
aux François ; les avantages qu'avoient fur
eux les Eſpagnols affurerent, après bien des
combats & des négociations , Naples à Ferdinand
, fans que Louis , que les événemens
n'éclairoient jamais , apprît à connoître
les hommes , ni même à fe défier
de fon rival . Un aveuglement fi extraordinaire
le précipita bientôt dans de nouveaux
malheurs à l'occafion que nous allons rapporter.
» La République de Venife jettoit en
1508 un éclat qu'elle n'avoit pas eu au-
» paravant , & qu'elle n'a pas eu depuis.
» Sa domination s'étendoit fur les ifles de
Chypre & de Candie , fur les meilleurs
» ports du Royaume de Naples , fur les pla-
» ces maritimes de la Romagne & fur la
partie du Milanès qui fe trouvoit à ſa
» bienféance. Des poffeffions fi fort éloignées
les unes des autres étoient en quel-
» que maniere réunies par les flottes nom-
»breufes & bien équippées de cette Puiffance
, la feule qui en eût alors. Les dé-
"
"
23
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
penfes qu'exigeoient ces armemens confidérables
ne l'épuifoient pas ; & fon
» commerce qui embraffoit tout le monde
» connu , la mettoit encore en état d'avoir
beaucoup de troupes de terre & de les
» mieux payer que les autres nations. Ces
forces n'étoient ni les feules ni même
les plus grandes reffources de l'Etat : il
pouvoit compter fur l'affection des fujets.
qui trouvoient un avantage fenfible à vi-
» vre fous un gouvernement qui entrete-
» noit l'abondance au - dedans , & qui paf-
» foit au- dehors pour le plus fage & le plus
profond de tous les gouvernemens.
99
39
"
و ر
» Pour fe maintenir dans cette pofition
» brillante , Venife travailloit fans relâche
» à mettre les forces de fes voifins dans un
tel équilibre , qu'elle pût rendre toujours
» fupérieur le parti qu'il lui conviendroit
d'embraffer. Le defir d'établir cette ba-
» lance de pouvoir , la chimere de tant de
» celebres politiques , l'empêchoit d'être fi-
» dele à fes alliances les plus folemnelles ,
» & de refpecter les droits les plus évidens
» des autres Souverains . Ses amis fatigués
" par fes défiances , & fes ennemis aigris
» par fes hauteurs , prirent peu à peu pour
» elle les mêmes fentimens . Comme cette
difpofition ne pouvoit pas être long - tems
» fecrette , on ne tarda pas à fe faire réci- '
"
DECEMBRE. 1754. 107
proquement confidence de fon averfion ,
» & cette confidence aboutit à une confpiration
générale contre la République .
L'hiftoire ne fournit gueres que le congrès
de Cambrai où plufieurs Puiffances fe
foient réunies contre une Puiffance moins
confidérable que chacune d'elles . Cette fameufe
ligue étoit compofée du Pape , du
Roi Catholique , de l'Empereur & de Louis
XII. Le Roi de France toujours fidele à
fes engagemens , entra en 1509 fur le territoire
de la République dans le tems dont
on étoit convenu , & avec les forces qu'il
devoit fournir. Il gagna par l'imprudence
du Général Vénitien qu'on lui oppofa , une
bataille complette , qui mit Venife à deux
doigts de fa perte .
La divifion des Princes confédérés fauva
la République. Louis vit tourner contre
lui les forces de la ligue , celles des
Suiffes & du Roi d'Angleterre. Malgré les
efforts réunis de tant d'ennemis , les François
fe foutinrent en Italie par des fuccès
tous les jours plus éclatans , jufqu'à la mort
du Duc de Nemours , qui fe fit tuer en foldat
à la bataille de Ravenne , qu'il avoit
gagnée en Général . Les vainqueurs déconcertés
par la mort de leur chef , s'affoibliffant
tous les jours par les divifions , les
maladies & les défertions , furent obligés
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'aller défendre le Milanès ; mais trop foibles
pour s'y maintenir , ils en furent chaf
fés par les Suiffes en 1512. Louis ne perdit
pas courage , il vint à bout d'amèner
les Venitiens à fon alliance, & de recouvrer
ce qu'il avoit perdu au - delà des Alpes .
» Cette conquête fut facile. Les Milanois
qui jufqu'alors avoient regardé les
François comme des Tyrans , les reçu-
» rent comme leurs libérateurs : ce qu'ils
éprouvoient de Sforce & fur-tout des
» Suiffes depuis la révolution , leur avoit
appris que l'orgueil , l'injuftice & le mépris
des loix & des bienféances étoient
" moins les vices d'une nation en particu-
» lier que de la profpérité en général . Ces
» réflexions les avoient conduits au paral-
» lele de leurs anciens & de leurs nou-
» veaux maîtres ; & ils avoient jugé que
33
ceux qui rachetoient les défauts des con-
» querans par la bonté de leur coeur & la
»facilité de leurs moeurs , devoient être
" préférés à ceux qui n'offroient pas les
"mêmes compenfations . » Malgré ces difpofitions
favorables , les François furent
encore chaffés de leur conquête.
François I fuivit les vûes de fon prédéceffeur
avec la même vivacité que fi elles
euffent été fes propres vûes. Il entra en
Italie , dont les Suiffes gardoient le paffaDECEMBRE
. 1754 109
ge ,
& gagna contr'eux la célebre bataille
de Marignan , qui lui ouvrit la conquête
du Milanès , où les François furent tranquilles
jufqu'en 1521 .
La guerre que commencerent alors à ſe
faire Charles- Quint & François I , fut vive
, fur- tout en Italie . Le Pape & l'Empereur
s'unirent pour chaffer les François du
Milanès dont ils étoient reftés les maîtres.
Lautrec qui y commandoit, fçavoit la guerre
, mais il n'avoit aucun talent pour le
gouvernement. On le trouvoit généralement
haut , fier & dédaigneux . Ses vices
& la dureté de fon adminiftration le rendirent
odieux aux Milanois , qui chercherent
à fortir de l'oppreffion . Lautrec qui
vit les fuites de cette fermentation , demanda
des fecours à la France , mais il nefut pas
affez fort pour fe défendre contre les confédérés
qui le chafferent du Milanès . Une
bataille que ce Général perdit enfuite
acheva la ruine des François en Italie.
François I ne fut point découragé. Il
vit toute l'Europe fe liguer contre lui fans
que cela changeât rien à fes projets. Il ne
réfléchiffoit pas affez pour voir le péril , &
avoit d'ailleurs trop de courage pour le
craindre. Il fe difpofoit à paffer les Alpes
avec une armée redoutable , lorfque la
confpiration du Connétable de Bourbon
116 MERCURE DE FRANCE.
l'arrêta dans fes Etats . Il chargea Bonnivet
de la conquête du Milanès .
33
» Profper Colonne fut le Général que
» la ligue lui oppofa . Cet Italien qui paſſa
» pour un des plus grands Capitaines
» de fon fiécle , faifoit la guerre avec
» moins d'éclat que de fageffe , & avoit
" pour maxime de ne rien abandonner à la
» fortune , même dans les cas les plus pref-
» fans. Il combinoit extrêmement toutes
fes démarches , & dans la crainte de les
déranger , il laiffoit échapper fouvent
» des occafions décifives que la négligence
» ou la foibleffe de l'ennemi lui préfen-
» toient . Sa maniere de faire la guerre
» étoit bonne en général , mais elle avoit
» le défaut d'être toujours la même ; il
ignoroit l'art de varier fes principes fui-
» vant les lieux , les tems , & les circonf
» tances. Il fut lent fans être irréfolu , &
» s'il manqua de l'activité néceffaire pour
fatiguer ou pour furprendre l'ennemi ,
" il fut affez vigilant pour n'être jamais
furpris . Le brillant & la gloire des ba-
» tailles ne le tentoient point , même dans
» fa jeuneffe ; fon ambition dans tous les
» âges fut de défendre ou de conquérir
n
33
des provinces fans répandre de fang.
» Exempt de l'inquiétude qu'on remarque
» dans la plupart des Généraux , il attenDECEMBRE.
1754.
»doit fans impatience le fruit de fes ma-
» noeuvres , & un fuccès , pour venir len-
» tement , n'en étoit pas moins un fuccès
» pour lui. Si la politique qui le porta à
» changer fi fouvent de parti le décria du
côté de la probité , elle lui donna la connoiffance
du génie militaire de plufieurs
» peuples , une autorité fuffifante pour les
» conduire , & l'adreffe néceffaire pour les
23
» accorder.
La moindre partie de ces talens eût fuffi
pour fermer l'entrée de l'Italie à Bonnivet
, vif, imprudent , préfomptueux &
inappliqué. Ce Général fit prefque autant
de fautes que de pas. Les François qui
avoient le pays contr'eux , un Général
qu'ils n'eftimoient pas , un ennemi qui
devenoit tous les jours plus fort , & à qui
on faifoit faire une guerre lente & à l'Italienne
, fe découragerent . Bonnivet qui
avoit formé un blocus devant Milan , fut
obligé de fe retirer. La mort de Colonne
ne rétablit pas les affaires des François .
L'Amiral voyant fon armée ruinée par les
défertions , ne fongea plus qu'à en ramener
les débris en France. Le Connétable de
Bourbon le pourfuivit dans fa retraite , &
entra en France avec une armée Espagnole :
il ne réuffit pas , & il fut forcé de regagner
F'Italie . Les François l'y fuivirent , & vin
rent affiéger Pavie.
112 MERCURE DE FRANCE.
"
» Antoine de Leve qui y commandoit ,
» avoit autant de génie que de valeur , &
» plus d'expérience encore que d'activité .
Né dans un état obfcur & d'abord fim-
» ple foldat , il étoit parvenu au com-
» mandement par d'utiles découvertes , &
» une fuite d'actions , la plûpart hardies &
toutes heureuſes . Un extérieur bas , igno-
"
ble même , ne lui ôtoit rien de l'auto-
» rité qu'il devoit avoir , parce qu'il avoit
»le talent de la parole , & une audace
» noble à laquelle les hommes ne réſiſ-
»tent pas. Ce qu'il y avoit d'inquiet ,
» d'auftere , & d'un peu barbare dans fon
» caractere , étoit corrigé ou adouci , fe-
» lon les occafions , par fon ambition , qui
» étoit vive , forte & éclairée. Il ne con-
»noiffoit de la religion & de la probité
» que les apparences. Sa fortune & la vo-
» lonté ou les intérêts du Prince , étoient
pour lui la fuprême loi .
Les efforts des François pour prendre
cette place étoient inutiles : l'armée diminuoit
tous les jours par le feu continuel de
la place , les maladies , les défertions , les
rigueurs de la faiſon , & le défaut des vivres
. Malgré tant de raiſons d'abandonner
le fiége , François s'y opiniâtra . Il ne
pouvoit pas fe réfoudre à abandonner une
entreprife qui lui avoit déja beaucoup cou
1
DECEMBRE. 1754 II
té, qui fixoit depuis long- tems l'attention
de toute l'Europe , & qu'il croyoit devoir
décider de fa réputation . Cette opiniâtreté
lui fut funefte. Il fut vaincu à Pavie , & fait
prifonnier.
Ce Prince étoit d'un caractere trop vif
& trop impatient pour foutenir fes malheurs
avec fermeté. Il fuccomba autant fous
le poids de fa foibleffe que fous celui de fes
revers , & il fut attaqué d'une maladie dangereufe.
Sorti de fa prifon après fa guérifon
, ilil recommença la guerre.
Il conclut un traité avec le Pape , les
Vénitiens & le Duc de Milan ; mais cette
ligue , dont le but étoit de rendre la li
berté aux Enfans de France qui étoient
reftés en ôtage à Madrid , d'affermir Sforce
dans fes Etats , & de remettre l'Italie entiere
dans la fituation où elle étoit avant
la guerre , n'eut qu'une iffue funcfte. Le
Duc d'Urbin qui commandoit les troupes
des confédérés , ruina les affaires
fes
fautes & fes incertitudes .
par
» Ce Général étoit lent & irréfolu :
» il voyoit toujours tant de raifons d'a-
" gir , & de n'agir pas , qu'il paffoit à difcuter
le tems qu'il auroit dû employer à
» combattre. Son imagination qui fe frappoit
aifément , groffiffoit toujours à fes
" yeux les forces de l'ennemi , & dimi-
"
114 MERCURE DE FRANCE.
» nuoit le nombre de fes propres troupes.
Il avoit le défaut ordinaire aux
» hommes timides , d'ôter le courage à fes
>> foldats en ne leur en croyant point , &
» d'enfer celui de l'ennemi en lui en fup-
» pofant trop. Les avantages qu'il avoit
" pour attaquer , & ceux que lui procu-
» reroit la victoire ne fe préfentoient ja-
» mais à lui : fon efprit ne voyoit que les
» hazards d'une action & les fuites d'une
» défaite. Tout , jufqu'à la réputation qu'il
ور
avoit de fçavoir fupérieurement la guer-
» re , nuifit à la caufe qu'il défendoit : fes
» maîtres éblouis par l'éclat de fon nom ,
approuvoient aveuglément toutes les dé-
» marches ; & les fubalternes accablés par
le poids de fon autorité , n'ofoient être
» d'un avis différent du fien , ou craignoient
de le foutenir.
Avec le caractere que nous venons
de tracer , il n'étoit pas poffible de rien
faire qui exigeât un peu de hardieffe ou
d'activité. Bourbon s'étant foutenu quelque
tems avec fort peu de troupes & fans
argeht , reçut enfin d'Allemagne des fecours
confidérables , avec lefquels il alla
faire le fiége de Rome , & y périt ; mais la
ville fut prife & abandonnée pendant plufieurs
mois à la licence & la cruauté du
foldat.
DECEMBRE. 1754 115
DE
lé n
C3
Ce fut l'occafion d'une nouvelle ligue
.contre l'Empereur , compofée des Rois de
France & d'Angleterre , des Vénitiens &
des Florentins , des Ducs de Milan & de
Ferrare , & du Marquis de Mantoue. Lautrec
commanda leurs forces réunies : il paffa
les Alpes à la tête d'une belle armée , &
s'en fervit pour réduire la plus grande partie
du Milanès fous les loix de Sforce ; fes
opérations furent vives , fages & fçavanres.
Il marcha enfuite à Naples pour en
faire le fiége ; il fut long , difficile , meurtrier
, & donna occafion à un événement
qui eut des fuites importantes.
33
و د
» André Doria , le plus grand homme
»de mer de fon fiécle , étoit entré au fer-
» vice de François I. & y avoit apporté la
hauteur , le courage & les moeurs d'un
Républicain. Les Miniftres accoutumés
» aux déférences & aux baffeffes des cour-
» tifans , conçurent aifément de la haine
contre un étranger qui ne vouloit recevoir
des ordres que du Roi . Comme l'ha-
» bitude de dépendre d'eux n'étoit pas en-
" core bien formée parmi les Grands , ils
craignirent qu'un exemple comme celui-
» là ne retardât les progrès de la fervitude.
générale qu'ils introduifoient avec fuc-
» cès dans le Royaume. Pour prévenir le
péril qui menaçoit leur autorité naiffan
"
"
23
116 MERCURE DE FRANCE.
te , ils confpirerent la perte d'un homme
dont ils n'étoient devenus ennemis
» que parce qu'il n'avoit pas voulu être
leur efclave. On ne pouvoit y parvenir
qu'en dégoûtant le Roi de lui , ou en le
» dégoûtant du Roi. Ces deux moyens fe
prêtant de la force l'un à l'autre , ils ne
» furent pas féparés . Doria fe vit infenfiblement
négligé , oublié , inſulté mê-
ม
» me .
D'autres injuftices ayant augmenté le
mécontentement de Doria , il alla porter
aux Impériaux fon crédit , fes confeils , fa
réputation & fon expérience , & parut
bientôt devant Naples pour la fecourir.
Ce contre- tems acheva d'abbattre Lautrec ,
qui luttoit depuis long-tems contre l'ennemi
, la pefte , la mifere & la famine.
Il mourut en déteftant les mauvais citoyens
dont l'Etat , l'armée & lui étoient les victimes.
Le Marquis de Saluces qui remplaça
Lautrec , manquoit de vûes , d'audace
& d'activité : il fe retira de devant
Naples , fe laiffa battre , & fut lui -même
prifonnier.
L'armée des confédérés qui étoit en
Lombardie , fut détruite peu de tems après
par Antoine de Leve. Cet événement avança
les négociations pour la paix , qui étoient
commencées , mais qui languiffoient ; la
DECEMBRE. 1754. 117
STA
paix fut faite à Cambray. L'Empereur ne
tarda pas à former le plan d'une ligue contre
le Roi de France , qui de fon côté ne
négligeoit rien pour fufciter des ennemis à
fon rival. Un événement fingulier prépara
le dénoument de ces intrigues.
Un Gentilhomme Milanois , nommé
Merveille , qui vivoit ordinairement en
France , étoit retourné dans fa patrie fous
prétexte de quelques affaires particulieres ;
mais en effet pour cimenter l'union qui
commençoit à fe former entre Sforce &
François I. Le fecret perça ; l'Empereur fut
inftruit de cette intelligence : le Duc de
Milan qui redoutoit fon reffentiment ,
chercha tous les moyens imaginables de
l'appaifer. Le hazard ou fon imprudence
lui en fournirent un affreux . Quelques domeftiques
de Merveille ayant tué dans une
querelle un Milanois , l'Agent de France
fut arrêté & décapité . Cet attentat , un
des plus crians que l'hiftoire fourniffe contre
le droit des gens , fit fur l'efprit de
François I. toute l'impreffion qu'il y devoit
faire ; mais il en différa la
vengeance , &
il attendit l'inftant que Charles Quint allât
porter la guerre en Afrique contre le Pirate
Barberouffe pour fatisfaire fon reffentiment
, réparer fa gloire , humilier Sforce ,
& recouvrer le Milanès, Il envoya par la
118 MERCURE DE FRANCE.
Savoye une armée nombreufe , qui débuta
par les plus brillans fuccès , & refta toutà-
coup dans une inaction dont on connoît
peu les motifs . Les Impériaux s'étant fortifiés
, elle fut obligée de repaffer en France
; l'Empereur l'y fuivit. Montmorenci ,
chargé de l'arrêter avec une armée bien
inférieure , s'étoit déterminé , malgré les
murmures des peuples & les railleries des
courtifans , à facrifier la Provence entiere
au falut du refte de l'Etat . Il avoit mis fon
armée fous Avignon , couverte par le Rhôpar
la Durance . L'Empereur , après
avoir fait quelques tentatives inutiles fur
Arles & fur Marſeille , effaya de faire fortir
Montmorenci de fes retranchemens , &
de l'engager à une bataille ; mais ce Général
fut ferme dans fes principes de reſter
fur la défenfive , & les Impériaux quitterent
la Provence , confumés par la faim ,
par les maladies , par la honte & par le
chagrin .
ne &
L'yvreffe où étoit François I. de fes derniers
fuccès , devoit entraîner néceffairement
l'abus de la victoire , & cela arriva
d'une maniere qui me paroît devoir être
remarquée.
» Les Comtés de Flandre & d'Artois re-
"levoient de tems immémorial de la Fran-
» ce. Charles- Quint en avoit rendu l'homDECEMBRE.
1754. 119
» mage comme fes prédéceffeurs , jufqu'à
» ce qu'on lui en eût cédé la fouveraineté
à Cambray. Ce Prince ayant depuis vio-
» lé ce traité en recommençant la guerre ,
" on prétendit qu'il étoit déchu de tous
» les avantages qu'on lui avoit faits , qu'il
» étoit redevenu vaffal de la Couronne
» que cette qualité le rendoit coupable de
» félonie , & devoit faire confifquer fes
» Fiefs. Ce raifonnement expofé en plein
» Parlement au Roi , aux Princes du Sang ,
» à tous les Pairs du Royaume , par l'Avo-
» cat Général Cappel , dans le mois de
» Janvier 1937 , fit ordonner que l'Empe-
» reur feroit cité fur la frontiere , pour ré-
»pondre lui- même , ou du moins par fes
Députés. Le tems prefcrit pour compa-
» roître s'étant écoulé fans que perfonne
» fe fût préfenté , la Flandre & l'Artois fu-
» rent déclarés réunis à la Couronne.
39
"3
François étoit fans doute affez éclairé
» pour regarder cette procédure comme
» une vaine formalité ; mais cette con-
» viction , loin de le juftifier , comme le
» prétendent fes panégyriftes , le rendoit
» évidemment plus blâmable . Il ne tiroit
qu'une vengeance inutile de l'Empereur ,
» qui par des calomnies femées adroite-
» ment , l'avoient décrié dans toute l'Eu-
"
rope , & il perdoit la réputation de
120 MERCURE DE FRANCE.
générofité qu'il avoit eue jufqu'alors ,
» fans qu'il lui en revînt aucun avantage..
" Cette conduite étoit la preuve que ce
» Prince ne faifoit la guerre qu'à Charles
, tandis que Charles la faifoit à la
» France. Qu'on y prenne garde , & on
» trouvera dans cette obfervation , qui
»pour être nouvelle , n'eft pas moins fondée
, la raifon des avantages que la
» Maifon d'Autriche remporta fur celle de
» France , dès les premiers tems de leur
concurrence . Le Chef de la premiere n'é-
» toit déterminé à agir que par des inté-
" rêt d'Etat , & celui de la feconde n'a-
» voit en vûe ordinairement que des paf-
»fions particulieres. Il portoit ce motif
» petit & bas qui entraîne toujours l'hu-
» miliation ou la ruine des Empires , juf-
» ques dans des événemens qui paroif-
» foient partir d'une politique profonde &
» lumineufe ; tel , par exemple , que l'al-
» liance qu'il contracta avec Soliman.
Dès que ce traité fut conclu , le Grand
Seigneur entra en Hongrie à la tête de cent
mille hommes , & envoya une flotte fur
les côtes de Naples. Ces deux armées eurent
quelques avantages , qui auroient pû
conduire plus loin fi François eût paffé les
Alpes en même tems avec une nombreuſe
armée la lenteur gâta tout. Le Roi , malgré
DECEMBRE . 1754. 121
gré d'affez grands avantages qu'il rempor
ta en Italie où il étoit enfin paffé , quitta
par légereté les armes qu'il avoit prifes par
reffentiment , & conclut une treve de dix
ans avec l'Empereur.
Une fermentation dangereufe qui commençoit
déja à agiter les Pays bas , rendoit
cet accomodement très - important pour
Charles - Quint. Ce Prince fentoit la néceffité
de pafler aux Pays-bas pour appaifer
les troubles : Montmorenci lui fit accorder
ce paffage par la France , à des conditions
que ce Prince ne tint pas. La chûte du
Connétable fuivit une infidélité dont il
avoit été caufe . La difgrace de ce favori
tout puiflant fut- elle un bonheur ou un
malheur pour la France ? le Lecteur en
pourra juger.
" Montmorenci , un des hommes les
plus célébres de fon. fiécle , avoit les
» moeurs auſteres , mais de cette auſtérité
» qui naît plutôt d'un efprit chagrin que
» d'un coeur vertueux . Plus ambitieux de
» dominer que jaloux de plaire , il ne re-
» doutoit pas d'être haï , pourvû qu'il fût
>> craint ; la fierté & de faux principes
qu'il s'étoit faits , lui faifoient regarder
»comme des baffeffes des ménagemens rai-
» fonnables qui lui auroient concilié l'eftime
& l'amour des peuples. L'ordre qu'il
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
établiffoit par tout où il avoit de l'au-
» torité , n'étoit pas précisément de l'or-
» dre , c'étoit de la gêne : on y démêloit
»une certaine pédanterie qui n'eft guere
» moins commune à la Cour & à l'armée
qu'ailleurs , quoiqu'elle y foit infiniment
plus ridicule. Il n'eftimoit & n'a-
» vançoit les hommes qu'à raifon du plus
» ou du moins de reffemblance qu'ils
» avoient avec lui , & il confondoit les
citoyens fans talens avec les citoyens
» qui en avoient d'autres que les fiens ,
Dou qui les avoient autrement que lui.
» Naturellement defpotique , il puniffoit
le crime fans obferver les formalités que
» preferit fagement la loi , & il fe croyoit
» difpenfé de récompenfer les actions uti-
» les à la patrie , fous prétexte qu'elles
» étoient d'obligation . Le furnom de Ca-
» ton de la Cour qu'on lui donna , étoit
» plutôt la cenfure de fes manieres que
l'éloge de fon coeur : il l'avoit fi aigre
» que la religion même n'avoit pû la-
" doucir , & qu'il étoit paffé en proverbe
» de dire : Dien nous garde des patenêtres du
ต
» Connétable. Il eut toute fa vie de fauffes
» idées fur la grandeur ; il la faifoit confifter
à gêner ceax qui l'approchoient , à
" faire éclater fes reffentimens , à éviter les
amuſemens publics , à tenir des difcours
22
DECEMBRE . 1754 123
"3
و ر
fiers & infultans , à outrer les dépenfes
qui étoient purement de fafte. La nature
» lui avoit refufé la connoiffance des hom-
» mes , & à plus forte raifon le talent de
» les former : il ne voyoit pour les gou-
» verner que la crainte ; maniere baffe , qui
" avilit les ames les plus élevées , & qui
» pour un crime qu'elle empêche , étouffe
» le germe de mille vertus. A juger de
» Montmorenci par les places qu'il occu-
» pa , les affaires dont il fut chargé , l'au-
» torité qu'il eut , on croiroit qu'il fut
» très intrigant ou très- habile ; cependant
» il étoit fans manége , & fa capacité étoit
» médiocre : le hazard & fa naiffance con-
» tribuerent beaucoup à fon élévation .
» Comme tous les Miniftres accrédités , il
» voulut fe mêler des finances , & par une
» erreur malheureufement trop commune ,
il crut qu'il fuffifoit d'avoir un caractere
dur pour les bien adminiftrer . On ne le
foupçonna jamais de rien détourner des
» deniers publics ; mais il abufoit de la
» facilité de fes maîtres pour fe faire don-
» ner : forte de malverfation moins crimi-
» nelle peut-être que la premiere , mais
qui n'eft gueres moins odieufe. Toutes
» les négociations dont il fut chargé réuf-
» firent mal : il y portoit de la hauteur ,
» de l'entêtement , de l'aigreur , des idées
"
"
"
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
» étroites , un goût trop marqué pour le cé-
» témonial. Son talent pour la guerre fe bornoit
prefque à une prudence lente , qui eft
» le plus fouvent la marque d'un efprit froid,
»timide & ftérile : il réuffit quelquefois
» à fe défendre , mais il ne fçut jamais ni
attaquer ni vaincre. Ce qui diftingua le
plus fa vie des vies ordinaires , c'eft la
» maniere dont il foutint les difgraces
qu'il efluya fa fermeté auroit frappé
davantage , fi l'oftentation dont elle étoit
accompagnée n'eût annoncé plus d'or-
» gueil que de vertu .
"
99
:
Cependant on chercha les moyens de
tirer une vengeance füre & éclatante de
l'Empereur ; la guerre lui fut déclarée en
1542. Les François ouvrirent la campagne
par le Rouffillon & les Pays- Bas , où
ils eurent quelques fuccès. M. d'Enguien
gagna en Piémont la bataille de Cerifolesdont
il perdit les fruits , parce qu'on ne
pût pas lui envoyer des fecours. L'Empereur
& le Roi d'Angleterre s'unirent pour
entrer en France en même tems avec une
armée nombreuſe ; la jaloufie & les divifions
de ces deux Princes fauverent le
Royaume : l'Empereur même , par le défaut
des vivres qui lui manquerent par la fage
attention qu'on eut de tout dévafter , ſe
feroit vû réduit à périr ou de fe rendre
DECEMBRE. 1754. 125
prifonnier , fi les intrigues de la Cour n'a
voient avancé la conclufion de la paix qui
fut fignée à Crépy en 1544 , & à laquelle
François I. ne furvêcut pas long-tems.
» Ce Prince joignoit à un goût décidé
» pour tous les exercices du corps , l'adreffe
» néceffaire pour y exceller , & affez de
fanté pour s'y livrer fans rifque. Il n'avoit
pas cet air impofant qui a fait le
plus grand mérite de quelques Souve-
» rains ; mais il régnoit dans toutes les ma
» nieres une franchiſe qui préparoit à l'a-
» mour & qui infpiroit la confiance . Pour
»trouver accès auprès de lui , il n'étoit pas
» néceffaire d'avoir des places , de la ré-
»putation ou de la naiffance ; il fuffifoit
d'être François ou même homme . Sa con-
» verfation réuniffoit les agrémens que
» doivent donner la gaieté , le naturel , la
» vivacité & les connoiflances. Il parloit
"
»
beaucoup ; & quand il auroit été un par-
» ticulier , on n'auroit pas trouvé qu'il
parlât trop. Le defir de la louange qui
rend quelquefois grands les Rois qui
» l'ont , mais qui ne fait le plus fouvent
» qu'avilir ceux qui les entourent , fut une
de fes paffions : fon caractere autoriſe à
penfer qu'il s'en feroit rendu digne , fi
les flateurs ne l'avoient perdu .
n
» Contre l'ordinaire des hommes nés
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
» pour gouverner , qui ne forment prefque'
jamais de projets dont le défaut même
de fuccès ne foit fuivi de quelque avan-
"9
ود
و د
tage , il ne s'occupoit que de ce que les
» événemens avoient d'éclatant : on ne l'amena
jamais à fentir que dans des coups
» d'état la gloire & l'utilité font le plus
»fouvent inféparables . Les partis violens
» qui ne font permis que dans des fitua-
» tions defefpérées , ou quand on fe fent
» affez de force & de génie pour les foute-
» nir , ne lui coutoient rien à prendre : l'efprit
romanefque de fon fiécle & fon imprudence
particuliere l'empêchoient de
» voir les difficultés attachées aux affaires
& celles que fon caractere y ajoûteroit .
"3
Quoiqu'il s'occupât beaucoup du foin.
d'étendre fon autorité , il ne gouverna
jamais lui-même. L'Etat fut fucceffive-
»ment abandonné aux caprices de la Ducheffe
d'Angoulême , aux paffions des
Miniftres , à l'avidité des favoris. Il eut
» une probité d'oftentation qui ne lui
» mettoit pas de manquer de parole à fes
» ennemis des principes vrais & réels ſe
perferoient
étendus jufqu'à fes fujets , &
» l'auroient empêché de les dépouiller de
» droits effentiels fondés fur les conven-
» tions & fur la nature. La jalousie qui eft
auffi ordinaire & plus dangereufe fur le
DECEMBRE.
1754. 127
5
I
thrône que dans les conditions privées
n'effleura pas feulement fon ame : il étoit
»foldat , il fe croyoit Général , & il louoit
fans effort , avec plaifir même , tous ceux
» qui avoient fait à la guerre une action
» de valeur ou d'habileté. Le feu qu'il met-
» toit d'abord dans fes entrepriſes , s'étei-
"gnoit tout- à - coup fans pouvoir être nour-
»ri par le fuccès , ni rallumé par les difgraces.
Il n'étoit donné à ce Prince , fi
»l'on peut parler ainfi , que d'avoir des
» demi-fentimens & de faire des demi -ac-
» tions. Comme il avoit beaucoup d'éléva
» tion & qu'il réfléchiffoit peu , il dédaignoit
l'intrigue & négligeoit trop les ap-
» parences : fon rival moins délicat & plus
appliqué , profita de cette imprudente
» hauteur , pour lui ôter dans l'Europe en-
» tiere une réputation de probité qui lui
» auroit donné des alliés fideles & parmi
» les François même , une réputation d'ha-
» bileté qui auroit affermi leur courage.
La franchife , la fenfibilité , la générofi-
» té , qui ont été dans tous les fiécles la bafe
» des réputations les plus pures , furent la
» ruine de la fienne : la premiere de ces
» vertus lui fit trahir fes fecrets ; la feconde
» ne lui infpira qu'une compaffion ftérile
pour des peuples furchargés qu'il devoit
foulager ; la derniere lui fit prodiguer à
F iiij
728 MERCURE DE FRANCE.
des Courtifans ce qui étoit dû à ceux qui
» fervoient l'Etat . Son adminiftration fut
accompagnée de tous les defordres qui
»deshonorent le regne des Souverains cré-
» dules , vains , inconftans , fans principes ,
» fans expérience , fans connoiffance des
» hommes & fans fermeté.
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Résumé : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Les 'Mémoires historiques, militaires et politiques de l'Europe' de l'abbé Raynal couvrent la période de 1519 à 1748, avec un focus sur les guerres entre Charles Quint et François Ier de 1521 à 1544. L'Italie, prospère en 1492 grâce à Laurent de Médicis, connut des troubles après sa mort. Ludovic Sforza, duc de Milan, incita Charles VIII de France à revendiquer le royaume de Naples. Charles VIII, motivé par la gloire et la nécessité de repeupler son royaume, entreprit cette conquête sans préparation adéquate et s'allia avec Ferdinand et Maximilien. L'Italie, divisée, ne put offrir une résistance efficace. Charles VIII conquit Naples sans combat, mais une coalition le força à se retirer. Louis XII, successeur de Charles VIII, conquit le Milanais avec l'aide des Vénitiens, mais des divisions internes et des rivalités avec les Espagnols lui firent perdre Naples. La République de Venise, puissante et prospère, chercha à maintenir un équilibre de pouvoir en Italie. Une coalition formée par le Pape, le Roi Catholique, l'Empereur et Louis XII attaqua Venise. Louis XII remporta une bataille décisive, mais des divisions internes et des maladies affaiblirent les forces françaises. Venise récupéra ses territoires grâce à l'alliance avec Louis XII. François Ier poursuivit les ambitions italiennes de ses prédécesseurs. Il remporta la bataille de Marignan et conquit le Milanais, mais une coalition menée par Charles Quint et le Pape le chassa du Milanais. Malgré les ligues européennes contre lui, François Ier resta déterminé à reconquérir l'Italie. Profper Colonne, un général italien, menait une guerre méthodique mais manquait de flexibilité. Bonnivet, un général français, fut opposé à Colonne. Ses erreurs stratégiques contribuèrent à la défaite des Français. Antoine de Leve, commandant à Pavie, était un soldat talentueux, mais les efforts des Français pour prendre Pavie échouèrent. François Ier fut vaincu et fait prisonnier à Pavie. Après sa libération, il recommença la guerre et forma une ligue avec le Pape, les Vénetiens et le Duc de Milan. Cette alliance fut inefficace en raison des erreurs du Duc d'Urbin. Le Connétable de Bourbon, timide et hésitant, ne parvint pas à exploiter les avantages stratégiques. Il fut tué lors du siège de Rome, qui fut pris et pillé par les troupes impériales. Une nouvelle ligue contre l'Empereur fut formée, incluant la France, l'Angleterre, Venise, Florence, Milan, Ferrare et Mantoue. Lautrec réussit à réduire une grande partie du Milanais mais mourut lors du siège de Naples. André Doria, un amiral réputé, se mit au service de l'Empereur après avoir été négligé par les ministres français. Le Marquis de Saluces manqua de vision et fut battu, entraînant la destruction de l'armée des confédérés. La paix de Cambray fut signée, mais les intrigues continuèrent. François Ier envoya une armée en Italie, qui connut des succès initiaux mais dut se retirer face aux Impériaux. Montmorency réussit à repousser l'Empereur. François Ier décida de confisquer les comtés de Flandre et d'Artois, accusant Charles Quint de félonie. Cette décision montra que François Ier menait une guerre personnelle contre Charles Quint, tandis que ce dernier combattait pour la France. En 1542, François Ier conclut une alliance avec Soliman, permettant au Grand Seigneur d'envahir la Hongrie et d'envoyer une flotte sur les côtes de Naples. Cependant, la lenteur de François Ier à passer les Alpes compromit ces avantages. Malgré quelques succès en Italie, il conclut une trêve de dix ans avec l'Empereur en raison de troubles dans les Pays-Bas. Montmorency, un homme célèbre de son siècle, établit un ordre rigide et fut perçu comme despotique. La guerre contre l'Empereur fut déclarée en 1542, avec des succès initiaux en Rouffillon et en Pays-Bas. La paix fut signée à Crépy en 1544. François Ier était franc et généreux, mais manquait de projets à long terme et laissait l'État aux caprices de ses ministres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 188-192
ALLEMAGNE.
Début :
Les fêtes que le Prince de Saxe Hildburghausen a données à leurs Majestés Impériales, ont été [...]
Mots clefs :
Prince de Saxe-Hildburghausen, Impératrice, Empereur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE SCHLOSHOFF , le 27 Septembre.
Les fêtes que le Prince de Saxe Hildburghau
fen a données à leurs Majeftés Impériales , ont été
fi éclatantes , que le public en verra fans doute
avec plaifir la relation. L'Empereur & l'Impératrice
étant arrivés le 23 de ce mois vers une heure
après midi au Château de Hoff , dînerent à une
table de quarante- deux couverts . Après le repos ,
le Prince de Saxe-Hildburghauſen conduifit l'Empereur
& l'Impératrice dans le parc . Leurs Majeftés
Impériales s'étant promenées pendant quelque
temps dans des allées pratiquées en forme de
labyrinthes , furent agréablement ſurpriſes de voir
paroître tout à coup un théâtre de verdure. Une
fymphonie fe fit entendre , & elle fut fuivie d'une
paftorale italienne , intitulée Il vero Omaggio. Des
cors de chaffe , des trompettes , des hautbois , &
des flutes , répétoient par intervalles , dans les bofquets
voifins , les airs que deux Actrices avoient
chantés. Sur le foir l'Einpereur & l'Impératrice
retournerent au Château , où leurs Majeftés Impériales
virent repréfenter un Opera , qui avoit
pour titre l'Ifola dishabitata . Le lendemain aprèsmidi
, elles fe rendirent en carroffe fur les bords
de la riviere de Mark ; elles y trouverent une
barque conftruite fur le modele du Busentaure de
Venife , dans laquelle elles entrerent . L'apparte
ment qu'on y avoit préparé pour leurs Majeftés ,
DECEMBRE. 1754. 189
3
avoit trente- deux croifées , ornées de rideaux de
moire d'argent, garnis de franges & de houppes d'or.
La peinture , la fculpture & la dorure concouroient
à l'embelliffement de toutes les parties , tant intérieures
qu'extérieures , de cet appartement . De
chaque côté de la barque pendoit un riche tapis
avec des franges d'argent , flottant fur la furface
des eaux. Quarante bateaux fculptés & dorés
dont chacun étoit conduit par un pilote & quatre
rameurs habillés en matelots Vénitiens , fuivoient
cette barque. Toute cette petite flotte étoit précédée
d'une autre barque , repréfentant le Jardin des
Hefperides , fur laquelle quatre Nymphes , accompagnées
d'un harmonieux orchestre , chantoient
des vers à la louange de leurs Majeftés . Lorfqu'on
eut navigé une demi-heure , on apperçut
a droite fur le rivage une falle de verdure , qu'entouroit
une galerie foutenue par une colonade.
L'Empereur & l'Impératrice ayant mis pied à
terre , découvrirent de l'autre côté de la riviere ,
au bas d'une haute montagne , trois arcs de
triomphe , compofés chacun de trois arcades. Sur
celui du milieu on voyoit la ftatue de Diane , qui
fembloit donner fes ordres pour la chaffe . Plu
feurs trompettes , cors & autres inftrumens, placés
fur diverfes collines , firent retentir les airs de leurs
fanfares. Auffi- tôt il partit du haut de la_montagne
fix cens cinquante cerfs , qui , chaffés par
une armée de payfans vêtus uniformément , fe
précipiterent au travers des arcades des arcs de
triomphe dans la riviere , la traverferent à la
nage , & fe réfugierent dans la prairie , où étoit
la falle dont nous venons de parler . Leurs Majeftés
pendant une heure s'amuferent de ce spectacle ,
Comme elles ne voulurent tuer aucun de ces animaux
, on baiſſa les toiles qui formoient l'ens
190 MERCURE DE FRANCE.
ceinte , & ils fe fauverent dans les bois des envia
rons. Quelques momens après on vit fortir d'un
palais élevé dans le fond de la prairie , un nombre
prodigieux de loups , de renards & de marcaffins
, dont une partie fut tuée par leurs Majeftés
& par les Archiducs. La chaffe étant finie ,
I'Empereur & l'Impératrice retournerent au Châ.
reau , pour affifter à un nouvel Opera , intitulé I
Cinefi . Les décorations qui formoient un cabinet
chinois, étoient toutes de cryftal ; l'art avec lequef
elles étoient éclairées excita l'admiration de toute
Ja Cour. L'Opera fut fuivi d'un fouper fplendide
& d'un grand bal . Le 25 le Prince de Saxe Hildburghaufen
après le dîner, donna à leurs Majeftés
Impériales le divertiffement d'une joûte fur un
étang , dont la fituation étoit des plus favorables
par les collines qui l'environnent. De part & d'autre
l'étang étoit bordé d'arcades de verdure , foutenues
par deux rangs de colonnes , & furmontées
par des pyramides . Au milieu de la chauffée on
avoit conftruit des loges pour leurs Majestés &
pour leur fuite. Vis -à-vis , à la queue de l'étang ,
une perfpective peinte trompoit tellement les
yeux , qu'on croyoit voir des jardins d'une immenfe
étendue. Vers le centre de l'étang s'élevoient
neuf arcades. On avoit placé fur celle du
milieu un orcheſtre rempli de toutes fortes d'inftrumens.
Plus loin étoient fix rochers , fur lefquels
on voyoit divers animaux déguifés en arlequins
, en polichinelles & en pantalons . Dès
que les timballes & les trompettes curent donné le
fignal , huit bateaux chargés de maſques de différens
caracteres , fe mirent en mouvement. La
joûte commença , & l'adreffe avec laquelle les
Joûteurs exécuterent leurs manoeuvres charma
tous les fpectateurs. Après ce divertiſement la
DECEMBRE . 1754- 191
perfpective de jardins feints difparut . Elle fit place
a une ifle flottante , qui s'étant détachée du rivage
& traversant tout l'étang , alla ſe réunir à la
loge de leurs Majeftés Impériales. Dans le fond
de cette ifle , fur le fommet d'une petite colline ,
paroiffoient les ftatues de la Clémence & de la
Justice , aux pieds defquelles une abondance éton-,
nante d'eau tomboit par plufieurs cafcades dans
un grand baffin , d'où divers jets s'élançoient dans
les airs. Un vafte parterre de fleurs , orné de vafes
& de ftatues , occupoit le milieu de l'ifle. Le refte
du terrein étoit couvert d'une infinité d'orangers ,
de limoniers & de cedras , dont les fruits glacés
imitoient parfaitement les fruits naturels . Quatre
Jardiniers fuperbement vêtus , inviterent l'Empereur
& l'Impératrice à defcendre dans cette habitation
enchantée . Deux Pêcheurs & deux Pêcheufes
préfenterent des filets d'argent aux Archiducs
& aux Archiducheffes , qui pêcherent dans le
baffin , & qui prirent plufieurs poiffons. Leurs
Majeftés fe promenerent dans l'iflè , dont la ftructure
furprenoit d'autant plus , qu'on n'avoit vu
faire aucune manoeuvre pour lui faire traverſer
Pétang. Le foir la Cour tira au blanc près du
Château dans une plaine , où des milliers de lam
pions & de pots à feu diftribués dans la verdure ,
avoient ramené la clarté du plus beau jour. L'Archiduc
Jofeph fut le premier qui toucha le centre,
Une fufée qu'il fit partir alluma un foleil , au mi,
fieu duquel on lifoit en gros caracteres , vivat
Francifcus. D'un autre coup ce Prince alluma un
autre foleil , dont le centre portoit en lettres de
feu cette infcription , vivat Maria-Therefia. Le
troifiéme foleil fut allumé par un coup de l'Archiducheffe
Marie-Anne , & fit voir ces mots vivas
Jofephus. A ces foleils fuccéda un très - beau feu
192 MERCURE DE FRANCE.
d'artifice. Hier toute la matinée fut remplie par
une espece de bacchanale . Cette derniere fête commença
par l'arrivée de deux chars de triomphe
dans la cour du Chateau. Ils étoient traînés chacun
par huit boeufs blancs , chargés de rubans & de
Aeurs , & dont les cornes étoient dorées.. Ces
chars étoient précédés de douze Sylvains à cheval,
& fuivis d'une foule de Bacchantes. Les Sylvains
coururent la bague , & les Bacchantes danferent
plufieurs ballets figurés. Il parut enfuite un troiféme
char , fur lequel il y avoit une multitude
prodigieufe d'animaux de toute efpece , foit en
venaifon , foit en volaille & en gibier , apprêtés de
diverfes façons. Tous ces vivres furent abandonnés
au peuple , & douze fontaines de vin coulerent des
deux chars qui étoient arrivés les premiers . A une
heure après - midi l'Empereur & l'Impératrice dînerent
; & après avoir témoigné au Prince de Saxe-
Hildburghaufen combien ils étoient fatisfaits
de la réception qu'il leur avoit faite , ils partirent
pour retourner à Schonbrun.
DE SCHLOSHOFF , le 27 Septembre.
Les fêtes que le Prince de Saxe Hildburghau
fen a données à leurs Majeftés Impériales , ont été
fi éclatantes , que le public en verra fans doute
avec plaifir la relation. L'Empereur & l'Impératrice
étant arrivés le 23 de ce mois vers une heure
après midi au Château de Hoff , dînerent à une
table de quarante- deux couverts . Après le repos ,
le Prince de Saxe-Hildburghauſen conduifit l'Empereur
& l'Impératrice dans le parc . Leurs Majeftés
Impériales s'étant promenées pendant quelque
temps dans des allées pratiquées en forme de
labyrinthes , furent agréablement ſurpriſes de voir
paroître tout à coup un théâtre de verdure. Une
fymphonie fe fit entendre , & elle fut fuivie d'une
paftorale italienne , intitulée Il vero Omaggio. Des
cors de chaffe , des trompettes , des hautbois , &
des flutes , répétoient par intervalles , dans les bofquets
voifins , les airs que deux Actrices avoient
chantés. Sur le foir l'Einpereur & l'Impératrice
retournerent au Château , où leurs Majeftés Impériales
virent repréfenter un Opera , qui avoit
pour titre l'Ifola dishabitata . Le lendemain aprèsmidi
, elles fe rendirent en carroffe fur les bords
de la riviere de Mark ; elles y trouverent une
barque conftruite fur le modele du Busentaure de
Venife , dans laquelle elles entrerent . L'apparte
ment qu'on y avoit préparé pour leurs Majeftés ,
DECEMBRE. 1754. 189
3
avoit trente- deux croifées , ornées de rideaux de
moire d'argent, garnis de franges & de houppes d'or.
La peinture , la fculpture & la dorure concouroient
à l'embelliffement de toutes les parties , tant intérieures
qu'extérieures , de cet appartement . De
chaque côté de la barque pendoit un riche tapis
avec des franges d'argent , flottant fur la furface
des eaux. Quarante bateaux fculptés & dorés
dont chacun étoit conduit par un pilote & quatre
rameurs habillés en matelots Vénitiens , fuivoient
cette barque. Toute cette petite flotte étoit précédée
d'une autre barque , repréfentant le Jardin des
Hefperides , fur laquelle quatre Nymphes , accompagnées
d'un harmonieux orchestre , chantoient
des vers à la louange de leurs Majeftés . Lorfqu'on
eut navigé une demi-heure , on apperçut
a droite fur le rivage une falle de verdure , qu'entouroit
une galerie foutenue par une colonade.
L'Empereur & l'Impératrice ayant mis pied à
terre , découvrirent de l'autre côté de la riviere ,
au bas d'une haute montagne , trois arcs de
triomphe , compofés chacun de trois arcades. Sur
celui du milieu on voyoit la ftatue de Diane , qui
fembloit donner fes ordres pour la chaffe . Plu
feurs trompettes , cors & autres inftrumens, placés
fur diverfes collines , firent retentir les airs de leurs
fanfares. Auffi- tôt il partit du haut de la_montagne
fix cens cinquante cerfs , qui , chaffés par
une armée de payfans vêtus uniformément , fe
précipiterent au travers des arcades des arcs de
triomphe dans la riviere , la traverferent à la
nage , & fe réfugierent dans la prairie , où étoit
la falle dont nous venons de parler . Leurs Majeftés
pendant une heure s'amuferent de ce spectacle ,
Comme elles ne voulurent tuer aucun de ces animaux
, on baiſſa les toiles qui formoient l'ens
190 MERCURE DE FRANCE.
ceinte , & ils fe fauverent dans les bois des envia
rons. Quelques momens après on vit fortir d'un
palais élevé dans le fond de la prairie , un nombre
prodigieux de loups , de renards & de marcaffins
, dont une partie fut tuée par leurs Majeftés
& par les Archiducs. La chaffe étant finie ,
I'Empereur & l'Impératrice retournerent au Châ.
reau , pour affifter à un nouvel Opera , intitulé I
Cinefi . Les décorations qui formoient un cabinet
chinois, étoient toutes de cryftal ; l'art avec lequef
elles étoient éclairées excita l'admiration de toute
Ja Cour. L'Opera fut fuivi d'un fouper fplendide
& d'un grand bal . Le 25 le Prince de Saxe Hildburghaufen
après le dîner, donna à leurs Majeftés
Impériales le divertiffement d'une joûte fur un
étang , dont la fituation étoit des plus favorables
par les collines qui l'environnent. De part & d'autre
l'étang étoit bordé d'arcades de verdure , foutenues
par deux rangs de colonnes , & furmontées
par des pyramides . Au milieu de la chauffée on
avoit conftruit des loges pour leurs Majestés &
pour leur fuite. Vis -à-vis , à la queue de l'étang ,
une perfpective peinte trompoit tellement les
yeux , qu'on croyoit voir des jardins d'une immenfe
étendue. Vers le centre de l'étang s'élevoient
neuf arcades. On avoit placé fur celle du
milieu un orcheſtre rempli de toutes fortes d'inftrumens.
Plus loin étoient fix rochers , fur lefquels
on voyoit divers animaux déguifés en arlequins
, en polichinelles & en pantalons . Dès
que les timballes & les trompettes curent donné le
fignal , huit bateaux chargés de maſques de différens
caracteres , fe mirent en mouvement. La
joûte commença , & l'adreffe avec laquelle les
Joûteurs exécuterent leurs manoeuvres charma
tous les fpectateurs. Après ce divertiſement la
DECEMBRE . 1754- 191
perfpective de jardins feints difparut . Elle fit place
a une ifle flottante , qui s'étant détachée du rivage
& traversant tout l'étang , alla ſe réunir à la
loge de leurs Majeftés Impériales. Dans le fond
de cette ifle , fur le fommet d'une petite colline ,
paroiffoient les ftatues de la Clémence & de la
Justice , aux pieds defquelles une abondance éton-,
nante d'eau tomboit par plufieurs cafcades dans
un grand baffin , d'où divers jets s'élançoient dans
les airs. Un vafte parterre de fleurs , orné de vafes
& de ftatues , occupoit le milieu de l'ifle. Le refte
du terrein étoit couvert d'une infinité d'orangers ,
de limoniers & de cedras , dont les fruits glacés
imitoient parfaitement les fruits naturels . Quatre
Jardiniers fuperbement vêtus , inviterent l'Empereur
& l'Impératrice à defcendre dans cette habitation
enchantée . Deux Pêcheurs & deux Pêcheufes
préfenterent des filets d'argent aux Archiducs
& aux Archiducheffes , qui pêcherent dans le
baffin , & qui prirent plufieurs poiffons. Leurs
Majeftés fe promenerent dans l'iflè , dont la ftructure
furprenoit d'autant plus , qu'on n'avoit vu
faire aucune manoeuvre pour lui faire traverſer
Pétang. Le foir la Cour tira au blanc près du
Château dans une plaine , où des milliers de lam
pions & de pots à feu diftribués dans la verdure ,
avoient ramené la clarté du plus beau jour. L'Archiduc
Jofeph fut le premier qui toucha le centre,
Une fufée qu'il fit partir alluma un foleil , au mi,
fieu duquel on lifoit en gros caracteres , vivat
Francifcus. D'un autre coup ce Prince alluma un
autre foleil , dont le centre portoit en lettres de
feu cette infcription , vivat Maria-Therefia. Le
troifiéme foleil fut allumé par un coup de l'Archiducheffe
Marie-Anne , & fit voir ces mots vivas
Jofephus. A ces foleils fuccéda un très - beau feu
192 MERCURE DE FRANCE.
d'artifice. Hier toute la matinée fut remplie par
une espece de bacchanale . Cette derniere fête commença
par l'arrivée de deux chars de triomphe
dans la cour du Chateau. Ils étoient traînés chacun
par huit boeufs blancs , chargés de rubans & de
Aeurs , & dont les cornes étoient dorées.. Ces
chars étoient précédés de douze Sylvains à cheval,
& fuivis d'une foule de Bacchantes. Les Sylvains
coururent la bague , & les Bacchantes danferent
plufieurs ballets figurés. Il parut enfuite un troiféme
char , fur lequel il y avoit une multitude
prodigieufe d'animaux de toute efpece , foit en
venaifon , foit en volaille & en gibier , apprêtés de
diverfes façons. Tous ces vivres furent abandonnés
au peuple , & douze fontaines de vin coulerent des
deux chars qui étoient arrivés les premiers . A une
heure après - midi l'Empereur & l'Impératrice dînerent
; & après avoir témoigné au Prince de Saxe-
Hildburghaufen combien ils étoient fatisfaits
de la réception qu'il leur avoit faite , ils partirent
pour retourner à Schonbrun.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le Prince de Saxe-Hildburghausen a organisé des festivités en l'honneur de l'Empereur et de l'Impératrice, qui sont arrivés au Château de Hoff le 23 septembre. Après un dîner de quarante-deux couverts, le Prince a conduit Leurs Majestés dans le parc, où elles ont découvert un théâtre de verdure et assisté à une pastorale italienne. Le lendemain, ils ont navigué sur la rivière de Mark à bord d'une barque inspirée du Bucentaure de Venise, ornée de moire d'argent et suivie par une flotte de bateaux sculptés et dorés. Sur le rivage, ils ont assisté à une chasse aux cerfs et à une battue de loups, de renards et de marcassins. De retour au château, ils ont assisté à un opéra intitulé 'L'isola disabitata'. Le 25 septembre, une joute sur un étang a été organisée, suivie d'un spectacle de feux d'artifice et d'une bacchanale. Les festivités se sont conclues par un char de triomphe et des fontaines de vin offertes au peuple. L'Empereur et l'Impératrice ont exprimé leur satisfaction avant de partir pour Schönbrunn.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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68
p. 147-164
Observations du P. LAUGIER, Jesuite, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
Début :
En lisant la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine, j'ai été supris [...]
Mots clefs :
Chine, Conquête de la Chine, Empereur, Histoire, Pékin, Troupes, Province, Empire chinois, Tartares orientaux, Mandchous
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Observations du P. LAUGIER, Jesuite, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
HISTOIRE.
Obfervations du P. LAUGIER , Jefuite , fur
la nouvelle Hiftoire de la conquête de la
Chine.
N lifant la nouvelle Hiftoire de la
EN conquête de la Chine , j'ai été furpris
d'y trouver fi peu de conformité avec ce
que nous en lifons dans les faftes de la
monarchie chinoife , par le P. Duhalde.
Ce dernier auteur , fort exact dans fes recherches
, paroît n'avoir rien omis de ce
qui peut garantir la certitude de fes récits.
Quoiqu'il ne nous donne qu'une hiftoire
abrégée , les principaux événemens y
font très nettement expofés , & enchaînés
d'une maniere très naturelle. L'idée qu'il
nous donne de la derniere révolution qui
a foumis la Chine à un Prince Tartare ,
eft fenfiblement dénaturée dans le tableau
que nous en trace la nouvelle Hiftoire.
En confrontant les deux ouvrages , j'ai reconnu
des différences effentielles , qui me
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
font craindre que le manufcrit des Jéfuites
de Lyon ne foit pas auffi précieux
qu'on nous l'annonce ; différences dont il
importe que le public foit averti , & fur
lefquelles l'éditeur de la nouvelle Hiftoire
auroit dû nous donner des éclairciffemens
capables de prévenir l'impreffion que ce
contrafte doit faire fur les lecteurs attentifs.
Selon le P. de Mailla , auteur du manufcrit
de Lyon , les Tartares Mancheoux ,
au commencement du dernier fiécle , étoient
vaffaux de l'Empire Chinois. On les regardoit
comme une nation paifible , pen
difpofée à fe réunit fous un chef peu redoutable
à ceux qui voudroient l'opprimer.
Ils avoient obtenu depuis peu , par
grace fpéciale de la Cour de Pekin , d'étendre
leurs habitations dans le Leaotong,
province la plus feptentrionale de la Chine,
au- delà de la grande muraille. Quelques
Mandarins , ennemis des Mancheoux ,
voulurent reprendre le terrein qui leur
avoit été cédé ; & comme ils trouverent
de la réfiftance , ils réfolurent d'en venir
à la force ouverte. Les Tartares murmurerent
hautement de cette injuftice . Pour
prévenir les fuites de leur mécontentement
, les Mandarins prirent le parti extrême
de détruire violemment toutes les
JANVIER. 1755 149
habitations des Mancheoux dans le Leaotong,
& d'en tranfporter ailleurs toutes
les familles. Ceux - ci trop foibles pour foutenir
leur droit , cederent triftement à
l'orage , attendant qu'un tems plus calme
leur fournît les moyens de demander ou
de fe faire juftice. Dès qu'ils apperçurent
qu'on n'avoit plus la même vigilance pour
les écarter , ils effayerent de rentrer furtivement
dans le Leaotong ; ils y formerent
de nouvelles habitations. Mais lorsqu'ils
s'y croyoient à l'abri de toute infulte , les
Mandarins firent marcher contre eux des
troupes , & les chafferent avec encore plus
d'inhumanité que la premiere fois. Alors
les Mancheoux , defefpérés d'un traitement
fi dur , conçurent le hardi deffein de s'affranchir
de la tyrannie des Chinois. Ils
élurent un Roi ; ils prirent les armes , &
commencerent une guerre qui en moins
de trente ans les rendit maîtres de toute la
Chine.
Telle eft , felon le P. de Mailla , la foible
étincelle qui a allumé ce grand incendie.
Un effet fi extraordinaire , attribué
à une fi légere caufe , augmente le merveilleux
de la narration ; mais la vraifemblance
exige des couleurs plus naturelles.
Quel que foit l'empire du defefpoir , pour
porter des efclaves à brifer leurs chaînes ,
G iij
150 MERCURE DE FRANCE .
eft-il à préfumer que ce principe feul ait
donné aux Mancheoux , dans leur extrême
foibleffe , une activité affez prompte &
affez dominante pour abforber en fi peu
de tems toutes les forces d'un Etat tel que
celui de la Chine ? Les hiftoires anciennes
& modernes ne nous apprennent rien qui
puiffe accréditer la réalité d'un pareil foulevement
opéré par des agens fi communs
, dans un degré de fermentation fi
ordinaire .
Je conviens cependant que la choſe
n'eft pas phyñquement impoffible , & que
fi l'on s'en tenoit toujours féverement à
la vraisemblance , on feroit en danger de
rejetter plus d'une vérité.. Mais dès que
je vois la chofe racontée très différemment
par un autre auteur , je ne fçaurois
foufcrire aveuglément à un témoignage
qui , quoique poftérieur , n'a certainement
rien qui doive lui faire adjuger la préférence
.
-
Or voici ce qui réſulte des Faſtes du P.
Duhalde. Les Tartares , qui occupent un
vafte pays au nord de la Chine , ont été
divifés de toute ancienneté en Tartares
orientaux, qui habitent entre la Chine & la
Corée , & en Tartares occidentaux , qui
habitent entre la Chine & le Thiber. Ces
peuples , continuellement en guerre avec
JANVIER . 1755. 151
les Chinois , ont été de tous leurs voifins
les plus incommodes. Des moeurs fauvages
, une vie errante dans les forêts , un
penchant décidé vers la rapine , une force
de corps capable de réfifter aux fatigues
les plus infupportables , de l'ardeur pour
tenter la fortune des combats , firent toujours
le caractère de cette nation barbare.
il ne lui a jamais manqué que les avantages
de l'union & de la difcipline , pour
jouer en Afie le même rôle qu'ont joué
dans l'Europe les peuples du Nord. Dès
les premiers tems de la monarchie chinoife
, nous voyons ces Tartares infeſter
de leurs ravages les provinces de l'Empire.
Tout fe réduifoit alors de leur part à faire
des courfes rapides & paffageres , à piller
tout ce qui pouvoit intéreffer leur cupidité
, & à retourner dans leur pays char
gés de butin. Soumis à différens chefs ,
cette defunion les empêchoit de donner
aux Chinois d'autre inquiétude que celle
que donnent à une armée les partis ennemis
qui la harcelent fans pouvoir l'entamer.
- Leurs excurfions pourtant devinrent fi
incommodes , que dans le deffein d'oppofer
une digue à ces torrens tumultueux ,
l'Empereut Hin Chi , plus de deux cens ans
avant l'ere chrétienne , fit conftruite cette
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
fameufe muraille continuée de l'eſt à
l'oueft le long des trois grandes provinces
, fortifiée par un grand nombre de places
militaires , dont la difpendieufe conftruction
& la confervation prodigieuſe
caractérisent une puiffance qui n'eut jamais
d'égale dans l'univers , & prouvent
en même tems que contre la valeur il n'eft
point de barriere. Cette muraille rendit
moins fréquentes & plus difficiles les courfes
des Tartares ; elle n'y mit pas fin entierement.
Les Orientaux fur-tout , plus
alertes , ne manquerent jamais de profiter
des momens où l'éloignement des troupes
leur affuroit une forte d'impunité , pour
courir fur les terres des Chinois ; il fallut
donc fe réfoudre contre eux aux voyes
de terreur. On prit le parti de leur faire
payer cherement les incommodités que l'on
fouffroit de leur voifinage . Leurs pirateries
furent vengées plus d'une fois par le faccagement
de leur pays , où les armées chinoifes
vinrent à bout de pénétrer , & dont
elles fubjuguerent enfin une grande partie.
La haine de la fervitude , le malheur
d'être affujettis , firent comprendre aux
Tartares orientaux la néceffité de ſe réunir,
& d'oppofer des efforts unanimes à la force
fupérieure qui les opprimoit. Vers le milieu
du huitiéme fiécle ils entrerent préJANVIER.
1755. 153
cipitamment au nombre de deux cens mille
hommes fur les terres de l'Empire : tout
plia devant eux ; l'Empereur fut contraint
à prendre la fuite. Iis fe rendirent maîtres
de la capitale ; & contens d'emporter
avec eux un butin immenfe , ils fe retirerent
dans leur pays . Il eût fallu ne pas
mettre les Tartares dans le cas de faire ce
dangereux effai de leurs forces , ou da
moins il falloit deformais s'y prendre de
maniere à leur ôter l'envie d'y revenir .
Soit que la crainte rendit les Chinois circonfpects
vis- à- vis d'une nation qui devenoit
de jour en jour plus redoutable ; foit
que les troubles qui déchiroient l'intérieur
de l'Empire leur ôtaffent la liberté de don
ner certains foins aux affaires du dehors ,
ils n'oferent ou ils ne purent ufer des remedes
néceffaires à un fi grand mal .
Les Tartares profiterent de l'inaction
des Chinois pour reprendre fur eux toutes
les terres qu'ils leur avoient conquifes.
Le fuccès leur enfla le courage , & leur
infpira l'efprit de conquête qu'ils n'avoient
jamais connu Au commencement du dixiéme
fiécle , ils étoient déja fur le pied de
tenir la balance entre les divers concurrens
qui fe difputoient la couronne impériale,
Bientôt ils eurent la gloire de contraindre
un Empereur à leur céder plu-
G V
154 MERCURE DE FRANCE.
* fieurs villes , & à leur payer tribut . Ils
en prirent un autre prifonnier , & le retinrent
dans les fers. Ils poufferent leurs
courfes militaires jufques dans les provinces
du midi où ils n'avoient jamais pénétré.
Tous ces exploits ne leur avoient
procuré jufques-là que des avantages médiocres.
Cent ans après les Tartares , dans
une nouvelle expédition , après s'être rendus
maîtres de plufieurs provinces , furprirent
l'Empereur dans fa capitale , &
l'emmenerent prifonnier avec fes femmes.
Dès lors une partie de la Chine fut forcée
à fe foumettre à leur obéiffance : il fallut
leur demander la paix , & l'acheter par
le
partage de l'Empire , dont une moitié leur
fut cedée en toute propriété.
Ce triomphe ne fit que donner lieu de
leur part à de nouvelles prétentions : plus
on leur cédoit , plus ils devenoient entreprenans
; & la paix qu'on leur faifoit jurer,
n'étoit qu'un piége qu'ils deftinoient à endormir
la vigilance des Chinois, pour faire
à
coup
für de nouvelles irruptions fur leurs
terres .
Les Empereurs laffés des perfidies continuelles
des Tartares orientaux , eurent recours
à un expédient que le defefpoir confeille
quélquefois , & qui rarement a des
fuites avantageufes. Ils appellerent à leur
JANVIER . 1755. 155
fecours les Tartares occidentaux , efpérant
recouvrer par leur moyen la fupériorité
qu'ils avoient perdue. Ceux- ci ravis
de trouver une fi belle occafion de fe mettre
en mouvement , & d'avoir leur part
à une proye que jufques - là ils n'avoient
fait qu'envier , accepterent de grand coeur
les propofitions du Confeil impérial . Ils
armerent & poufferent la guerre fi vivement
, qu'en peu d'années la domination
des Tartares orientaux fut entierement
abolie à la Chine . Les affaires des Chinois
n'en devinrent pas
meilleures pour
cela : ces auxiliaires à qui ils étoient redevables
de la victoire , voulurent en recueillir
le fruit. Il fallut fe réfoudre à leur
ceder les mêmes provinces d'où ils avoient
chaffé les Tartares orientaux . Fiers d'un
fi grand avantage , ils ne purent s'en contenter
; ils entreprirent de conquérir la
Chine entiere , & ils en vinrent à bout.
Après l'avoir poffédée près d'un fiécle ,
ils la perdirent avec la même facilité qu'ils
l'avoient conquife . Forcés d'abandonner
toutes les terres de l'Empire , ils retournerent
dans leur pays , d'où ils faifoient de
tems en tems des efforts pour fe rétablir dans
leur conquête : mais ils furent toujours repouffés
avec des pertes fi confidérables
qu'ils en perdirent pour jamais l'efpérance
& le deffein . G vj
156 MERCURE DE FRANCE
A leur défaut , les Tartares orientau
qui n'étoient rien moins qu'affujettis , recommencerent
leurs courfes & leurs attaques.
Ils livrerent divers combats , & par
une fucceffion de victoires ils en font venus
jufqu'à fubjuguer toute la Chine , & à
y établir une dinaftie qui regne encore
aujourd'hui .
Ainfi , felon le P. Duhalde , la derniere
révolution qui a placé les Tartares fur le
thrône de la Chine , bien loin d'être l'effet
fortuit du foulevement précipité d'un
peuple obfcur & jufques - là inconnu , eſt
un événement préparé par l'ancienne inimitié
d'une nation voifine & turbulente
qui plus d'une fois avoit ébranlé la monarchie
chinoife , & qui pour l'envahir enfin
n'a eu befoin que du fort ordinaire des
armes. Ces Mancheoux que le P. de Mailla
veut nous rendre fi méprifables , font
en effet ces Tartares orientaux , qui depuis
tant de fiécles ennemis nés des Chinois
avoient été le fatal écueil de leur puiffance
, & qui après les avoir forcés de figner
avec eux divers traités humilians , menaçoient
inceffamment de devenir leurs maîtres
. Dans deux expofés fi contradictoires ,
la vraisemblance eft du moins pour le Pere
Duhalde. Nous difcuterons plus bas les
raifons qui rendent fon témoignage préférable
à tous égards.
JANVIER . 1755 157
:
par
les
Les principales circonftances de la révolution
ne font pas racontées moins différemment
par les deux auteurs. Le P. de Mailla
prétend que le premier chef élu
Mancheoux fe nommoit Taytfou , & voici
en peu de mots toute la fuite de fon hiftoire.
Tayfou ne voulut d'abord que procurer
la liberté à fon peuple , gémiffant
fous la tyrannie des Mandarins Chinois.Ses
fuccès inefperés lui firent concevoir des
projets plus vaftes . Il conquit plufieurs provinces
de la Chine. Sa mort interrompit
le cours de fes conquêtes . Son fils Taytfong
qui lui faccéda , fur plus heureux que
lui ; il vint à bout de fe faire proclamer
Empereur de la Chine. Il fe difpofoit à en
affiéger la capitale , lorfqu'il mourut_fans
laiffer de poftérité. Aucun de fes freres
n'ayant eu l'ambition de marcher fur fes
l'Empire des Mancheoux fe changea
en une espece de République , & ces
peuples ne fongerent qu'à jouir en paix de
leur indépendance .
traces ,
A peine avoient- ils ceffé d'inquiéter la
Cour de Pekin , qu'un rebelle nommé Lyſt-
Ching , trouve le moyen d'affembler un
million de foldats , force la ville impériale
, réduit l'Empereur à s'étrangler de defefpoir.
Le brave Oufan kouci qui commandoit
les troupes chinoifes fur la frontiere ,
158 MERCURE DE FRANCE.
J
apprenant le defordre arrivé à Pekin
appelle à fon fecours les Mancheoux
court à la pourfuite de l'ufurpateur , remporte
fur lui plufieurs victoires , l'oblige
à fuir lui quatrieme , dans un endroit inacceffible
, d'où la faim l'ayant fait fortir ,
il tomba entre les mains de quelques payfans
, qui le reconnurent , & lui trancherent
la tête.
Oufankouci voulut alors congédier les
Mancheoux , mais il n'en fut plus le maître.
Nechingonang , fils de Tayifou & frere
du feu Empereur Taytfong , entra victorieux
dans Pekin , & content de fe faire
déclarer Régent de l'Empire , il fit paffer la
couronne fur la tête d'un de fes neveux ,
âgé de fept ans , qui prit le nom de Tchangti.
Les Chinois lui oppoferent fucceffivement
une multitude de compétiteurs , dont
il eut le bonheur de triompher. Il mourut
à l'âge de vingt -quatre ans , laiffant la Chine
entiere foumife au fecond de fes fils , fi
connu depuis fous le nom de Chamg hi.
Voici l'ordre des chofes , felon le Pere
Duhalde. Dès la fin du feizieme fiècle , les
Tartares orientaux , partagés précédemment
en fept ordres où dinafties différentes
, étoient réunis fous l'obeiffance d'un
feul Prince , avec le titre de Roi . L'an
1616 , ils commencerent à s'établir fur les
JAN VIER. 1755, 119
terres de l'Empire , en s'emparant des villes
qui pouvoient être à leur bienséance.
Leur Roi nommé Tien ming , outre le motif
ordinaire d'ambition , avoit une injure
perfonnelle à venger. Les Mandarins Chinois
s'étoient faifis par trahifon du Roi fon
pere , & lui avoient fait trancher la tête. Il
commença par porter fes plaintes à l'Empereur
, demandant hautement fatisfaction
d'un attentat fi énorme . La Cour de Pekin
méprifa fon chagrin & fes menaces. Tien
ming furieux , jura qu'il immoleroit deux
cens mille Chinois aux manes de fon pere.
Il entra dans le Pet Cheli , à la tête de
cinquante mille hommes , & voulut affiéger
Pekin ; mais ayant été répouflé par
les troupes chinoifes , il fe retira dans le
Leaotong, & prit fans héfiter la qualité
d'Empereur de la Chine. Deux ans après
il gagna une grande bataille contre les
Chinois. L'année fuivante , les ayant en
core vaincus , il fe rapprocha de la capitale
, dont il ne put fe rendre maître. Une
diverfion l'ayant obligé de conduire fon
armée en Tartarie , on profita de fon éloignement
pour raffembler grand nombre
de troupes nationales & auxiliaires ; on fit
venir de Macao des Portugais propres à
fervir artillerie dont les Chinois avoient
peu d'ufage. On marcha en force dans le
•
160 MMEERRCCUURE DE FRANCE.
Leaotong, d'où l'on chaffa les Tartares. Tien
ming qui venoit de terminer heureufement
fon expédition en Tartarie , courut auffitôt
dans le Leaotong , & en chaffa les Chinois
à fon tour. Il ne pouffa pas plus loin
fes conquêtes. Il mourut l'an 1628 , &
laiffa pour fucceffeur fon fils Tient -fong.
Ce Prince continua la guerre contre les
Chinois . Il mena , comme fon pere , une
armée aux portes de Pekin , & fut obligé ,
comme lui , d'en lever le fiége . Son regne
ne fut pas long ; il mourut l'an 1636 ,
laiffant pour fucceffeur fon fils Tongte.
Cependant l'Empire de la Chine étoit
agité par la révolte de divers féditieux
qui après avoir formé jufqu'à huit corps
d'armée , fe réunirent fous deux chefs
principaux , dont l'un fe nommoit Li &
l'autre Tchang. Ces deux rebelles s'étant
partagés les provinces qu'ils avoient deffein
de conquérir , fe féparerent , & commirent
chacun les plus grands defordres.
Li devint fi puiffant qu'il prit le nom d'Empereur
; il s'avança vers Pekin , il y entra
victorieux à la tête de trois cens mille
hommes. L'Empereur abandonné dans fon
Palais , fe pendit de defefpoir. Tout plioit
fous la puiffance de l'ufurpateur , lorfque
Oufanguoi , commandant les troupes Chinoifes
dans le Leaotong , ménagea la paix
}
JANVIER. 1755. 161
avec les Tartares orientaux ou Mancheoux ,
& les engagea à s'unir à lui pour courir à
la pourfuite des rebelles. Tfongté lui amena
quatre-vingt mille hommes. L'ufurpateur
ne les attendit pas ; il prit la fuite , &
courut fe cacher dans la province de Chenfi.
Thongté mourut en entrant dans la Chine.
Avant d'expirer il déclara Empereur ſon
fils Chunt-chi , qui n'avoit que fix ans , &
confia à fon frere Amaran le foin du Prince
& de l'Empire. Le jeune Empereur fut
reçu à Pekin avec acclamations du peuple ,
qui le regardoit comme le libérateur de la
patrie . On ne fçait point ce que devint
l'ufurpateur que les Tartares pourfuivirent
inutilement. Chunt chi , maître des provinces
feptentrionales , eut à lutter contre
divers compétiteurs qui lui difputoient le
terrein dans les provinces méridionales ;
mais il en triompha fucceffivement , &
finit par être maître de toute la Chine. Il
en laiffa la paifible poffeffion à fon fils
Canghi qui lui fuccéda .
Voilà de grands rapports & des différences
très - remarquables . On voit bien que
c'eft le même fond auquel on a adapté diverfes
circonftances ; il eft fenfible aux
traits de reflemblance qui éclatent dans
leur oppofition , qu'un des deux écrivains
a mal entendu & confondu les choſes. Il
162 MERCURE DE FRANCE.
eft queſtion de décider auquel des deux il
eft plus naturel de faire ce reproche.
Le P. de Mailla a pour lui le long ſéjour
qu'il a fait à Pekin , le foin qu'il a
pris , dit- on , de recueillir d'un grand
nombre de livres Chinois & Tartares ce
qui lui a paru de moins fufpect touchant
les deux dernieres dinafties , dont les annales
n'ont point encore été publiées autentiquement
. Il eft conftant que généra
lement parlant , on doit avoir beaucoup
d'égard pour le témoignage d'un auteur
qui s'eft trouvé à portée de connoître la
vérité par lui- même , qui a pû interroger
fur les lieux plufieurs de ceux qui ont vêcu
prefque da tems de la révolution ; cependant
cet avantage , tout confidérable qu'il
eft , n'a rien de décifif de la part d'un au
teur qui manque de difcernement & dé
critique. Le P. de Mailla fut un fervent
& zélé Miffionnaire . Eut- il toutes les qualités
réquifes pour extraire purement la
vérité d'un tas d'anecdotes hazardées fur
des bruits populaires ou dictées par la partialité
? Le peu de méthode & de précifion
qui regne dans fon manufcrit ne nous
invite gueres à le croire ; le jugement qu'il
eft naturel d'en porter le met au rang
ces efprits indulgens , qui par un excès de
bonne foi ne fçauroient avoir ai certains
de
JANVIER. 1755. 163
fcrupules fur la certitude de leurs garants ,
ni de grandes attentions dans les recherches
, ni beaucoup de délicateffe fur les
preuves.
Le P. Duhalde n'a point été à la Chine ;
mais il a été durant longues années le
correfpondant univerfel des Miffionnaires
Chinois , qui travailloient à l'envi à lui
envoyer des mémoires relatifs au deffein
qu'il avoit de faire connoître la Chine à
l'Europe. Ces mémoires recueillis avectou
tes fortes de foins par les plus accrédités
& les plus capables d'entr'eux , trouvoient
en lui un reviſeur appliqué qui fe donnoit
le tems d'en approfondir la matiere , un
critique judicieux qui ne vouloit rien établir
fur les frêles appuis de l'opinion & de
la conjecture. Il nous rend compte dans
fa préface de toutes les peines qu'il s'eft
donné pour fe procurer des inftructions
& des éclairciffemens propres à diriger fon
travail. Il a été vingt ans à douter , à difcuter
, à queftionner , à combiner , à apprécier
les réponſes avec l'attention d'un
homme dans qui l'amour du vrai eſt ſecondé
par un
par un efprit capable de le connoître.
En un mot , il y a tant de difproportion
entre le mérite de ces deux écrivains ,
qu'en leur fuppofant le même zéle & les
mêmes fecours , il feroit impoffible de leur
164 MERCURE DE FRANCE.
accorder la même confiance , & que le
P. Duhalde , en concurrence avec le P. de
Mailla , doit néceffairement être préféré.
De toutes ces obfervations il réfulte
du moins un doute bien fondé contre l'exactitude
de l'hiftoire manufcrite qu'on
vient d'imprimer à Lyon . Je la foupçonne
de renfermer bien des anecdotes fauffes
& d'avoir été faite avec plus de droiture
que de capacité . Nous ne fçaurons bien
furement ce qu'il en faut croire que lorfqu'on
publiera les annales de l'Empire
dans lesquelles il eft impoffible que les
principaux événemens fe trouvent altérés .
Nous n'en avons au refte pas moins d'cbligation
à l'éditeur d'un ouvrage qui , tout
défectueux qu'il eft , peut avoir fon utilité
ne fut- ce qu'en nous jettant dans une incertitude
qui nous excitera à approfondir
un point d'hiftoire fi confidérable , qui n'avoit
été touché jufqu'ici que fuperficiellement.
Obfervations du P. LAUGIER , Jefuite , fur
la nouvelle Hiftoire de la conquête de la
Chine.
N lifant la nouvelle Hiftoire de la
EN conquête de la Chine , j'ai été furpris
d'y trouver fi peu de conformité avec ce
que nous en lifons dans les faftes de la
monarchie chinoife , par le P. Duhalde.
Ce dernier auteur , fort exact dans fes recherches
, paroît n'avoir rien omis de ce
qui peut garantir la certitude de fes récits.
Quoiqu'il ne nous donne qu'une hiftoire
abrégée , les principaux événemens y
font très nettement expofés , & enchaînés
d'une maniere très naturelle. L'idée qu'il
nous donne de la derniere révolution qui
a foumis la Chine à un Prince Tartare ,
eft fenfiblement dénaturée dans le tableau
que nous en trace la nouvelle Hiftoire.
En confrontant les deux ouvrages , j'ai reconnu
des différences effentielles , qui me
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
font craindre que le manufcrit des Jéfuites
de Lyon ne foit pas auffi précieux
qu'on nous l'annonce ; différences dont il
importe que le public foit averti , & fur
lefquelles l'éditeur de la nouvelle Hiftoire
auroit dû nous donner des éclairciffemens
capables de prévenir l'impreffion que ce
contrafte doit faire fur les lecteurs attentifs.
Selon le P. de Mailla , auteur du manufcrit
de Lyon , les Tartares Mancheoux ,
au commencement du dernier fiécle , étoient
vaffaux de l'Empire Chinois. On les regardoit
comme une nation paifible , pen
difpofée à fe réunit fous un chef peu redoutable
à ceux qui voudroient l'opprimer.
Ils avoient obtenu depuis peu , par
grace fpéciale de la Cour de Pekin , d'étendre
leurs habitations dans le Leaotong,
province la plus feptentrionale de la Chine,
au- delà de la grande muraille. Quelques
Mandarins , ennemis des Mancheoux ,
voulurent reprendre le terrein qui leur
avoit été cédé ; & comme ils trouverent
de la réfiftance , ils réfolurent d'en venir
à la force ouverte. Les Tartares murmurerent
hautement de cette injuftice . Pour
prévenir les fuites de leur mécontentement
, les Mandarins prirent le parti extrême
de détruire violemment toutes les
JANVIER. 1755 149
habitations des Mancheoux dans le Leaotong,
& d'en tranfporter ailleurs toutes
les familles. Ceux - ci trop foibles pour foutenir
leur droit , cederent triftement à
l'orage , attendant qu'un tems plus calme
leur fournît les moyens de demander ou
de fe faire juftice. Dès qu'ils apperçurent
qu'on n'avoit plus la même vigilance pour
les écarter , ils effayerent de rentrer furtivement
dans le Leaotong ; ils y formerent
de nouvelles habitations. Mais lorsqu'ils
s'y croyoient à l'abri de toute infulte , les
Mandarins firent marcher contre eux des
troupes , & les chafferent avec encore plus
d'inhumanité que la premiere fois. Alors
les Mancheoux , defefpérés d'un traitement
fi dur , conçurent le hardi deffein de s'affranchir
de la tyrannie des Chinois. Ils
élurent un Roi ; ils prirent les armes , &
commencerent une guerre qui en moins
de trente ans les rendit maîtres de toute la
Chine.
Telle eft , felon le P. de Mailla , la foible
étincelle qui a allumé ce grand incendie.
Un effet fi extraordinaire , attribué
à une fi légere caufe , augmente le merveilleux
de la narration ; mais la vraifemblance
exige des couleurs plus naturelles.
Quel que foit l'empire du defefpoir , pour
porter des efclaves à brifer leurs chaînes ,
G iij
150 MERCURE DE FRANCE .
eft-il à préfumer que ce principe feul ait
donné aux Mancheoux , dans leur extrême
foibleffe , une activité affez prompte &
affez dominante pour abforber en fi peu
de tems toutes les forces d'un Etat tel que
celui de la Chine ? Les hiftoires anciennes
& modernes ne nous apprennent rien qui
puiffe accréditer la réalité d'un pareil foulevement
opéré par des agens fi communs
, dans un degré de fermentation fi
ordinaire .
Je conviens cependant que la choſe
n'eft pas phyñquement impoffible , & que
fi l'on s'en tenoit toujours féverement à
la vraisemblance , on feroit en danger de
rejetter plus d'une vérité.. Mais dès que
je vois la chofe racontée très différemment
par un autre auteur , je ne fçaurois
foufcrire aveuglément à un témoignage
qui , quoique poftérieur , n'a certainement
rien qui doive lui faire adjuger la préférence
.
-
Or voici ce qui réſulte des Faſtes du P.
Duhalde. Les Tartares , qui occupent un
vafte pays au nord de la Chine , ont été
divifés de toute ancienneté en Tartares
orientaux, qui habitent entre la Chine & la
Corée , & en Tartares occidentaux , qui
habitent entre la Chine & le Thiber. Ces
peuples , continuellement en guerre avec
JANVIER . 1755. 151
les Chinois , ont été de tous leurs voifins
les plus incommodes. Des moeurs fauvages
, une vie errante dans les forêts , un
penchant décidé vers la rapine , une force
de corps capable de réfifter aux fatigues
les plus infupportables , de l'ardeur pour
tenter la fortune des combats , firent toujours
le caractère de cette nation barbare.
il ne lui a jamais manqué que les avantages
de l'union & de la difcipline , pour
jouer en Afie le même rôle qu'ont joué
dans l'Europe les peuples du Nord. Dès
les premiers tems de la monarchie chinoife
, nous voyons ces Tartares infeſter
de leurs ravages les provinces de l'Empire.
Tout fe réduifoit alors de leur part à faire
des courfes rapides & paffageres , à piller
tout ce qui pouvoit intéreffer leur cupidité
, & à retourner dans leur pays char
gés de butin. Soumis à différens chefs ,
cette defunion les empêchoit de donner
aux Chinois d'autre inquiétude que celle
que donnent à une armée les partis ennemis
qui la harcelent fans pouvoir l'entamer.
- Leurs excurfions pourtant devinrent fi
incommodes , que dans le deffein d'oppofer
une digue à ces torrens tumultueux ,
l'Empereut Hin Chi , plus de deux cens ans
avant l'ere chrétienne , fit conftruite cette
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
fameufe muraille continuée de l'eſt à
l'oueft le long des trois grandes provinces
, fortifiée par un grand nombre de places
militaires , dont la difpendieufe conftruction
& la confervation prodigieuſe
caractérisent une puiffance qui n'eut jamais
d'égale dans l'univers , & prouvent
en même tems que contre la valeur il n'eft
point de barriere. Cette muraille rendit
moins fréquentes & plus difficiles les courfes
des Tartares ; elle n'y mit pas fin entierement.
Les Orientaux fur-tout , plus
alertes , ne manquerent jamais de profiter
des momens où l'éloignement des troupes
leur affuroit une forte d'impunité , pour
courir fur les terres des Chinois ; il fallut
donc fe réfoudre contre eux aux voyes
de terreur. On prit le parti de leur faire
payer cherement les incommodités que l'on
fouffroit de leur voifinage . Leurs pirateries
furent vengées plus d'une fois par le faccagement
de leur pays , où les armées chinoifes
vinrent à bout de pénétrer , & dont
elles fubjuguerent enfin une grande partie.
La haine de la fervitude , le malheur
d'être affujettis , firent comprendre aux
Tartares orientaux la néceffité de ſe réunir,
& d'oppofer des efforts unanimes à la force
fupérieure qui les opprimoit. Vers le milieu
du huitiéme fiécle ils entrerent préJANVIER.
1755. 153
cipitamment au nombre de deux cens mille
hommes fur les terres de l'Empire : tout
plia devant eux ; l'Empereur fut contraint
à prendre la fuite. Iis fe rendirent maîtres
de la capitale ; & contens d'emporter
avec eux un butin immenfe , ils fe retirerent
dans leur pays . Il eût fallu ne pas
mettre les Tartares dans le cas de faire ce
dangereux effai de leurs forces , ou da
moins il falloit deformais s'y prendre de
maniere à leur ôter l'envie d'y revenir .
Soit que la crainte rendit les Chinois circonfpects
vis- à- vis d'une nation qui devenoit
de jour en jour plus redoutable ; foit
que les troubles qui déchiroient l'intérieur
de l'Empire leur ôtaffent la liberté de don
ner certains foins aux affaires du dehors ,
ils n'oferent ou ils ne purent ufer des remedes
néceffaires à un fi grand mal .
Les Tartares profiterent de l'inaction
des Chinois pour reprendre fur eux toutes
les terres qu'ils leur avoient conquifes.
Le fuccès leur enfla le courage , & leur
infpira l'efprit de conquête qu'ils n'avoient
jamais connu Au commencement du dixiéme
fiécle , ils étoient déja fur le pied de
tenir la balance entre les divers concurrens
qui fe difputoient la couronne impériale,
Bientôt ils eurent la gloire de contraindre
un Empereur à leur céder plu-
G V
154 MERCURE DE FRANCE.
* fieurs villes , & à leur payer tribut . Ils
en prirent un autre prifonnier , & le retinrent
dans les fers. Ils poufferent leurs
courfes militaires jufques dans les provinces
du midi où ils n'avoient jamais pénétré.
Tous ces exploits ne leur avoient
procuré jufques-là que des avantages médiocres.
Cent ans après les Tartares , dans
une nouvelle expédition , après s'être rendus
maîtres de plufieurs provinces , furprirent
l'Empereur dans fa capitale , &
l'emmenerent prifonnier avec fes femmes.
Dès lors une partie de la Chine fut forcée
à fe foumettre à leur obéiffance : il fallut
leur demander la paix , & l'acheter par
le
partage de l'Empire , dont une moitié leur
fut cedée en toute propriété.
Ce triomphe ne fit que donner lieu de
leur part à de nouvelles prétentions : plus
on leur cédoit , plus ils devenoient entreprenans
; & la paix qu'on leur faifoit jurer,
n'étoit qu'un piége qu'ils deftinoient à endormir
la vigilance des Chinois, pour faire
à
coup
für de nouvelles irruptions fur leurs
terres .
Les Empereurs laffés des perfidies continuelles
des Tartares orientaux , eurent recours
à un expédient que le defefpoir confeille
quélquefois , & qui rarement a des
fuites avantageufes. Ils appellerent à leur
JANVIER . 1755. 155
fecours les Tartares occidentaux , efpérant
recouvrer par leur moyen la fupériorité
qu'ils avoient perdue. Ceux- ci ravis
de trouver une fi belle occafion de fe mettre
en mouvement , & d'avoir leur part
à une proye que jufques - là ils n'avoient
fait qu'envier , accepterent de grand coeur
les propofitions du Confeil impérial . Ils
armerent & poufferent la guerre fi vivement
, qu'en peu d'années la domination
des Tartares orientaux fut entierement
abolie à la Chine . Les affaires des Chinois
n'en devinrent pas
meilleures pour
cela : ces auxiliaires à qui ils étoient redevables
de la victoire , voulurent en recueillir
le fruit. Il fallut fe réfoudre à leur
ceder les mêmes provinces d'où ils avoient
chaffé les Tartares orientaux . Fiers d'un
fi grand avantage , ils ne purent s'en contenter
; ils entreprirent de conquérir la
Chine entiere , & ils en vinrent à bout.
Après l'avoir poffédée près d'un fiécle ,
ils la perdirent avec la même facilité qu'ils
l'avoient conquife . Forcés d'abandonner
toutes les terres de l'Empire , ils retournerent
dans leur pays , d'où ils faifoient de
tems en tems des efforts pour fe rétablir dans
leur conquête : mais ils furent toujours repouffés
avec des pertes fi confidérables
qu'ils en perdirent pour jamais l'efpérance
& le deffein . G vj
156 MERCURE DE FRANCE
A leur défaut , les Tartares orientau
qui n'étoient rien moins qu'affujettis , recommencerent
leurs courfes & leurs attaques.
Ils livrerent divers combats , & par
une fucceffion de victoires ils en font venus
jufqu'à fubjuguer toute la Chine , & à
y établir une dinaftie qui regne encore
aujourd'hui .
Ainfi , felon le P. Duhalde , la derniere
révolution qui a placé les Tartares fur le
thrône de la Chine , bien loin d'être l'effet
fortuit du foulevement précipité d'un
peuple obfcur & jufques - là inconnu , eſt
un événement préparé par l'ancienne inimitié
d'une nation voifine & turbulente
qui plus d'une fois avoit ébranlé la monarchie
chinoife , & qui pour l'envahir enfin
n'a eu befoin que du fort ordinaire des
armes. Ces Mancheoux que le P. de Mailla
veut nous rendre fi méprifables , font
en effet ces Tartares orientaux , qui depuis
tant de fiécles ennemis nés des Chinois
avoient été le fatal écueil de leur puiffance
, & qui après les avoir forcés de figner
avec eux divers traités humilians , menaçoient
inceffamment de devenir leurs maîtres
. Dans deux expofés fi contradictoires ,
la vraisemblance eft du moins pour le Pere
Duhalde. Nous difcuterons plus bas les
raifons qui rendent fon témoignage préférable
à tous égards.
JANVIER . 1755 157
:
par
les
Les principales circonftances de la révolution
ne font pas racontées moins différemment
par les deux auteurs. Le P. de Mailla
prétend que le premier chef élu
Mancheoux fe nommoit Taytfou , & voici
en peu de mots toute la fuite de fon hiftoire.
Tayfou ne voulut d'abord que procurer
la liberté à fon peuple , gémiffant
fous la tyrannie des Mandarins Chinois.Ses
fuccès inefperés lui firent concevoir des
projets plus vaftes . Il conquit plufieurs provinces
de la Chine. Sa mort interrompit
le cours de fes conquêtes . Son fils Taytfong
qui lui faccéda , fur plus heureux que
lui ; il vint à bout de fe faire proclamer
Empereur de la Chine. Il fe difpofoit à en
affiéger la capitale , lorfqu'il mourut_fans
laiffer de poftérité. Aucun de fes freres
n'ayant eu l'ambition de marcher fur fes
l'Empire des Mancheoux fe changea
en une espece de République , & ces
peuples ne fongerent qu'à jouir en paix de
leur indépendance .
traces ,
A peine avoient- ils ceffé d'inquiéter la
Cour de Pekin , qu'un rebelle nommé Lyſt-
Ching , trouve le moyen d'affembler un
million de foldats , force la ville impériale
, réduit l'Empereur à s'étrangler de defefpoir.
Le brave Oufan kouci qui commandoit
les troupes chinoifes fur la frontiere ,
158 MERCURE DE FRANCE.
J
apprenant le defordre arrivé à Pekin
appelle à fon fecours les Mancheoux
court à la pourfuite de l'ufurpateur , remporte
fur lui plufieurs victoires , l'oblige
à fuir lui quatrieme , dans un endroit inacceffible
, d'où la faim l'ayant fait fortir ,
il tomba entre les mains de quelques payfans
, qui le reconnurent , & lui trancherent
la tête.
Oufankouci voulut alors congédier les
Mancheoux , mais il n'en fut plus le maître.
Nechingonang , fils de Tayifou & frere
du feu Empereur Taytfong , entra victorieux
dans Pekin , & content de fe faire
déclarer Régent de l'Empire , il fit paffer la
couronne fur la tête d'un de fes neveux ,
âgé de fept ans , qui prit le nom de Tchangti.
Les Chinois lui oppoferent fucceffivement
une multitude de compétiteurs , dont
il eut le bonheur de triompher. Il mourut
à l'âge de vingt -quatre ans , laiffant la Chine
entiere foumife au fecond de fes fils , fi
connu depuis fous le nom de Chamg hi.
Voici l'ordre des chofes , felon le Pere
Duhalde. Dès la fin du feizieme fiècle , les
Tartares orientaux , partagés précédemment
en fept ordres où dinafties différentes
, étoient réunis fous l'obeiffance d'un
feul Prince , avec le titre de Roi . L'an
1616 , ils commencerent à s'établir fur les
JAN VIER. 1755, 119
terres de l'Empire , en s'emparant des villes
qui pouvoient être à leur bienséance.
Leur Roi nommé Tien ming , outre le motif
ordinaire d'ambition , avoit une injure
perfonnelle à venger. Les Mandarins Chinois
s'étoient faifis par trahifon du Roi fon
pere , & lui avoient fait trancher la tête. Il
commença par porter fes plaintes à l'Empereur
, demandant hautement fatisfaction
d'un attentat fi énorme . La Cour de Pekin
méprifa fon chagrin & fes menaces. Tien
ming furieux , jura qu'il immoleroit deux
cens mille Chinois aux manes de fon pere.
Il entra dans le Pet Cheli , à la tête de
cinquante mille hommes , & voulut affiéger
Pekin ; mais ayant été répouflé par
les troupes chinoifes , il fe retira dans le
Leaotong, & prit fans héfiter la qualité
d'Empereur de la Chine. Deux ans après
il gagna une grande bataille contre les
Chinois. L'année fuivante , les ayant en
core vaincus , il fe rapprocha de la capitale
, dont il ne put fe rendre maître. Une
diverfion l'ayant obligé de conduire fon
armée en Tartarie , on profita de fon éloignement
pour raffembler grand nombre
de troupes nationales & auxiliaires ; on fit
venir de Macao des Portugais propres à
fervir artillerie dont les Chinois avoient
peu d'ufage. On marcha en force dans le
•
160 MMEERRCCUURE DE FRANCE.
Leaotong, d'où l'on chaffa les Tartares. Tien
ming qui venoit de terminer heureufement
fon expédition en Tartarie , courut auffitôt
dans le Leaotong , & en chaffa les Chinois
à fon tour. Il ne pouffa pas plus loin
fes conquêtes. Il mourut l'an 1628 , &
laiffa pour fucceffeur fon fils Tient -fong.
Ce Prince continua la guerre contre les
Chinois . Il mena , comme fon pere , une
armée aux portes de Pekin , & fut obligé ,
comme lui , d'en lever le fiége . Son regne
ne fut pas long ; il mourut l'an 1636 ,
laiffant pour fucceffeur fon fils Tongte.
Cependant l'Empire de la Chine étoit
agité par la révolte de divers féditieux
qui après avoir formé jufqu'à huit corps
d'armée , fe réunirent fous deux chefs
principaux , dont l'un fe nommoit Li &
l'autre Tchang. Ces deux rebelles s'étant
partagés les provinces qu'ils avoient deffein
de conquérir , fe féparerent , & commirent
chacun les plus grands defordres.
Li devint fi puiffant qu'il prit le nom d'Empereur
; il s'avança vers Pekin , il y entra
victorieux à la tête de trois cens mille
hommes. L'Empereur abandonné dans fon
Palais , fe pendit de defefpoir. Tout plioit
fous la puiffance de l'ufurpateur , lorfque
Oufanguoi , commandant les troupes Chinoifes
dans le Leaotong , ménagea la paix
}
JANVIER. 1755. 161
avec les Tartares orientaux ou Mancheoux ,
& les engagea à s'unir à lui pour courir à
la pourfuite des rebelles. Tfongté lui amena
quatre-vingt mille hommes. L'ufurpateur
ne les attendit pas ; il prit la fuite , &
courut fe cacher dans la province de Chenfi.
Thongté mourut en entrant dans la Chine.
Avant d'expirer il déclara Empereur ſon
fils Chunt-chi , qui n'avoit que fix ans , &
confia à fon frere Amaran le foin du Prince
& de l'Empire. Le jeune Empereur fut
reçu à Pekin avec acclamations du peuple ,
qui le regardoit comme le libérateur de la
patrie . On ne fçait point ce que devint
l'ufurpateur que les Tartares pourfuivirent
inutilement. Chunt chi , maître des provinces
feptentrionales , eut à lutter contre
divers compétiteurs qui lui difputoient le
terrein dans les provinces méridionales ;
mais il en triompha fucceffivement , &
finit par être maître de toute la Chine. Il
en laiffa la paifible poffeffion à fon fils
Canghi qui lui fuccéda .
Voilà de grands rapports & des différences
très - remarquables . On voit bien que
c'eft le même fond auquel on a adapté diverfes
circonftances ; il eft fenfible aux
traits de reflemblance qui éclatent dans
leur oppofition , qu'un des deux écrivains
a mal entendu & confondu les choſes. Il
162 MERCURE DE FRANCE.
eft queſtion de décider auquel des deux il
eft plus naturel de faire ce reproche.
Le P. de Mailla a pour lui le long ſéjour
qu'il a fait à Pekin , le foin qu'il a
pris , dit- on , de recueillir d'un grand
nombre de livres Chinois & Tartares ce
qui lui a paru de moins fufpect touchant
les deux dernieres dinafties , dont les annales
n'ont point encore été publiées autentiquement
. Il eft conftant que généra
lement parlant , on doit avoir beaucoup
d'égard pour le témoignage d'un auteur
qui s'eft trouvé à portée de connoître la
vérité par lui- même , qui a pû interroger
fur les lieux plufieurs de ceux qui ont vêcu
prefque da tems de la révolution ; cependant
cet avantage , tout confidérable qu'il
eft , n'a rien de décifif de la part d'un au
teur qui manque de difcernement & dé
critique. Le P. de Mailla fut un fervent
& zélé Miffionnaire . Eut- il toutes les qualités
réquifes pour extraire purement la
vérité d'un tas d'anecdotes hazardées fur
des bruits populaires ou dictées par la partialité
? Le peu de méthode & de précifion
qui regne dans fon manufcrit ne nous
invite gueres à le croire ; le jugement qu'il
eft naturel d'en porter le met au rang
ces efprits indulgens , qui par un excès de
bonne foi ne fçauroient avoir ai certains
de
JANVIER. 1755. 163
fcrupules fur la certitude de leurs garants ,
ni de grandes attentions dans les recherches
, ni beaucoup de délicateffe fur les
preuves.
Le P. Duhalde n'a point été à la Chine ;
mais il a été durant longues années le
correfpondant univerfel des Miffionnaires
Chinois , qui travailloient à l'envi à lui
envoyer des mémoires relatifs au deffein
qu'il avoit de faire connoître la Chine à
l'Europe. Ces mémoires recueillis avectou
tes fortes de foins par les plus accrédités
& les plus capables d'entr'eux , trouvoient
en lui un reviſeur appliqué qui fe donnoit
le tems d'en approfondir la matiere , un
critique judicieux qui ne vouloit rien établir
fur les frêles appuis de l'opinion & de
la conjecture. Il nous rend compte dans
fa préface de toutes les peines qu'il s'eft
donné pour fe procurer des inftructions
& des éclairciffemens propres à diriger fon
travail. Il a été vingt ans à douter , à difcuter
, à queftionner , à combiner , à apprécier
les réponſes avec l'attention d'un
homme dans qui l'amour du vrai eſt ſecondé
par un
par un efprit capable de le connoître.
En un mot , il y a tant de difproportion
entre le mérite de ces deux écrivains ,
qu'en leur fuppofant le même zéle & les
mêmes fecours , il feroit impoffible de leur
164 MERCURE DE FRANCE.
accorder la même confiance , & que le
P. Duhalde , en concurrence avec le P. de
Mailla , doit néceffairement être préféré.
De toutes ces obfervations il réfulte
du moins un doute bien fondé contre l'exactitude
de l'hiftoire manufcrite qu'on
vient d'imprimer à Lyon . Je la foupçonne
de renfermer bien des anecdotes fauffes
& d'avoir été faite avec plus de droiture
que de capacité . Nous ne fçaurons bien
furement ce qu'il en faut croire que lorfqu'on
publiera les annales de l'Empire
dans lesquelles il eft impoffible que les
principaux événemens fe trouvent altérés .
Nous n'en avons au refte pas moins d'cbligation
à l'éditeur d'un ouvrage qui , tout
défectueux qu'il eft , peut avoir fon utilité
ne fut- ce qu'en nous jettant dans une incertitude
qui nous excitera à approfondir
un point d'hiftoire fi confidérable , qui n'avoit
été touché jufqu'ici que fuperficiellement.
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Résumé : Observations du P. LAUGIER, Jesuite, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
Le texte compare deux récits historiques sur la conquête de la Chine par les Tartares, présentés par les Pères Laugier, Duhalde et de Mailla. Selon le Père de Mailla, les Tartares Mancheoux, initialement vassaux pacifiques de l'Empire chinois, se révoltèrent après des persécutions par les Mandarins, aboutissant à la conquête de la Chine en moins de trente ans. En revanche, le Père Duhalde décrit les Tartares comme des peuples barbares et belliqueux, divisés en orientaux et occidentaux, qui harcelaient constamment la Chine. La Grande Muraille fut construite par l'empereur Hin Chi pour contenir leurs incursions. Les Tartares orientaux, grâce à leur union et discipline militaire, réussirent à conquérir la Chine et établirent une dynastie encore en place. Le Père Laugier juge le récit de Duhalde plus vraisemblable, soulignant que les Tartares orientaux étaient des ennemis anciens et redoutables des Chinois. Les divergences principales entre les récits concernent l'origine et le déroulement de la révolution qui plaça les Tartares sur le trône de Chine. Parallèlement, le texte relate des événements politiques en Chine. L'Empire des Mancheoux se transforme en république, mais un rebelle nommé Lyst-Ching prend la ville impériale et force l'Empereur à se suicider. Oufan Kouci, commandant des troupes chinoises, appelle les Mancheoux à l'aide et capture Lyst-Ching. Nechingonang, fils de Tayifou, prend le contrôle de Pekin et devient régent, laissant la Chine à son fils Chamg hi. En 1616, les Tartares orientaux, réunis sous un seul prince, commencent à s'établir en Chine. Leur roi, Tien ming, attaque Pekin mais est repoussé. Ses successeurs, Tient-fong et Tongte, poursuivent la guerre contre les Chinois. La Chine est également perturbée par des rébellions, notamment celles de Li et Tchang, qui se partagent les provinces. Li prend le nom d'Empereur et entre victorieusement à Pekin, forçant l'Empereur à se suicider. Oufanguoi, commandant des troupes chinoises, s'allie avec les Tartares pour chasser Li. Tongte meurt et son fils Chunt-chi, âgé de six ans, est proclamé empereur. Chunt-chi triomphe de divers compétiteurs et laisse la Chine à son fils Canghi. Le texte souligne les différences et similitudes entre les récits du Père Duhalde et du Père de Mailla, considérant Duhalde comme plus fiable grâce à ses correspondances avec les missionnaires et son approche critique, contrairement à de Mailla, malgré son séjour à Pekin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
69
p. 91-109
REPONSE du sieur Vojeu de Brunem aux observations du P. Laugier, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
Début :
Une sage critique ne peut qu'être utile à la véritable histoire des nations [...]
Mots clefs :
Conquête de la Chine, Chine, Histoire, Empire, Empereur, Observateur, Tartares, Conquête, Jean-Baptiste Du Halde, Joseph-Anne-Marie de Moyria de Maillat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE du sieur Vojeu de Brunem aux observations du P. Laugier, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
REPONSE du fieur Vojeu de Brunem
aux obfervations du P. Laugier , fur la
nouvelle Hiftoire de la conquête de la
Chine.
NE fage critique ne peut qu'être
tions , & mérite à ce prix un accueil gracieux
de la part des gens de Lettres. Les
obfervations du P. Laugier , inférées dans
le Mercure de France (a ) , font- elles bien
marquées à ce coin de fageffe , qui rend
précieufe la cenfure des vrais fçavans , &
dont un homme de fon état ne s'écarta jamais
fans nuire à coup fûr à la réputation ?
c'eft au public d'en juger : je me préfente
avec confiance à fon tribunal , & j'attends
en paix fa décifion .
Dans la nouvelle hiftoire de la conquête
( a ) Janvier, pag. 147.
92 MERCURE DE FRANCE .
de la Chine , il eft dit que la nation des
Tartares Mancheoux étoit peu connue à la
fin du feizieme fiécle ; que le Prince Taitfong
, le premier des Rois Mancheoux qui
ait pris le titre d'Empereur des Chinois ,
mourut fans laiffer aucun fils qui lui fuccedât
; que la conquête enfin de ce vaſte
empire n'eut proprement lieu que huit ans
après la mort de ce Monarque , à l'occafion
des fuccès du rebelle Lyftching. Or
le P. Laugier emploie environ une vingtaine
de pages d'écriture à combattre vivement
ces trois points . Le défaut de vraifemblance
dans le récit de ce grand événement
eft la premiere raifon qu'il fait valoir
, & cette raifon devient péremptoire ,
felon lui , appuyée de l'autorité du P. Duhalde.
Direz- vous à l'obfervateur que le P. Dahalde
n'a pas été à portée de puifer dans
les fources ? qu'il n'a point lû les auteurs
originaux , Chinois & Tartares ? que fa
magnifique defcription de la Chine , excellente
à bien des égards , n'eft au fond
qu'une compilation des divers mémoires
qui lui étoient envoyés à Paris par fes
confreres de Pekin , où , fans miracle , il
peut s'être gliffé plus d'une erreur ? que la
partie hiftorique fur-tout de ce bel ouvrage
y eft traitée affez légerement , vû la
MARS. 1755.
93
prodigieufe étendue des annales chinoifes?
prierez-vous ce nouveau défenfeur de l'infaillibilité
du P. Duhalde , d'accorder au
moins quelque audience au P. de Mailla ,
célebre Miffionnaire de la Société , qui a
vécu plus de quarante- cinq ans à la Chine
dans l'enceinte du Palais impérial , ou dans
des voyages entrepris par ordre de l'Empereur
exhorterez-vous enfin ce redoutable
juge d'un manufcrit qu'il n'a jamais
lu , à vouloir au moins le parcourir une
fois fans paffion & fans préjugé ? Sa réponfe
eft toute prête & finguliere s'il en fut
jamais la voici. ( b ) Le peu de méthode qui
regne dans fon manufcrit ne nous invitegueres
à le croire. Et d'où fçait-il qu'il manque
de méthode ? on avoue que le ftyle
en eft fort négligé , & l'élocution peu correcte
; mais la méthode y eft à peu - près
telle qu'on a droit de l'attendre .
:
Le P. Obfervateur continue ainfi l'avis
qu'il nous donne fur l'auteur du manuf
crit : ( c ) Le jugement qu'il eft naturel d'en
-porter ( fans avoir lû fon ouvrage , capable
de former plufieurs volumes in - folio )
·le met au rang de ces efprits indulgens , qui
par un excès de bonne foi ne sçauroient avoir
ni certains fcrupules fur la certitude de leurs
(b ) Obferv. pag. 162 .
(c ) Obferv. ibid. & p. 163 , &c .
94 MERCURE DE FRANCE.
garans , ni de grandes attentions dans leurs
recherches , ni beaucoup de délicateffe fur les
preuves d'où notre critique conclut ( d )
qu'il réfulte au moins un doute bien fonde
contre l'exactitude de l'hiftoire manufcrite
qu'on vient d'imprimer à Lyon.
Je laiffe à qui le voudra le foin d'examiner
à loifir fi le P. Laugier mérite ou
non d'être mis au rang des efprits indulgens
, & s'il peche ici par un excès de bonne
foi. Mon deffein eft uniquement de
faire fentir au lecteur combien ce critique
eft lui-même peu fcrupuleux fur fes garans
, peu attentif dans fes recherches , peu
délicat fur fes preuves ; d'où réfulte néceffairement
une forte d'évidence de la frivolité
de fes remarques , tant fur la nouvelle
hiftoire imprimée à Lyon , que fur le
manufcrit dont cette hiftoire eft extraite
comme une centieme partie de fon tout.
Venons au fait.
Une des plus confidérables obfervations
du P. Laugier a pour objet la foibleffe &
l'obfcurité qu'on attribue au peuple Mancheoux
fur la fin du feizieme fiècle . Comment
croire ici le P. de Mailla , s'il réfulte
des faftes du P. Duhalde que les Tartares
ont toujours été plufieurs fiécles , même
( d ) Obfery, pag. 164 .
MARS. $755.
95
avant Jefus-Chrift , autant d'ennemis irréconciliables
des Chinois ? que les Mancheoux
ne font réellement que les Tartares
orientaux , & que ces orientaux , au
commencement du dixieme fiécle ( e ) enrent
la gloire de contraindre un Empereur
à leur céder plufieurs villes & à leur payer
tribut ?
L'objection , j'en conviens , paroîtra
forte à ceux qui n'ont jamais lu , ou qui
n'ont fait que parcourir légerement les faftes
du P. Duhalde , & l'Obſervateur eft
apparemment de ce nombre : mais une
lecture férieufe de ces faftes àuroit appris
au P. Laugier à mieux diftinguer les différentes
nations Tartares , & à ne pas confondre
les nouveaux Mancheoux avec les
anciens , appellés Kins , dont l'empire en
effet fut très- étendu . Il auroit vû de plus
que fur la fin du treizieme fiécle , non feulement
la domination de ces Kins fut ,
comme il le dit (f) , entierement abolie à la
Chine , mais qu'ils furent eux-mêmes prefque
tous exterminés ( par les Mongoux ) : ce
font les termes du P. Duhalde . (g ) Or , en
fuppofantmême comme certain que les nouveaux
Mancheoux defcendoient des Kins ,
( e ) Obferv. pag. 153 .
(f) Obferv. pag. 155 .
(g ) Duhalde , t . 1. pag. 491 ; t . 3. p. 62.5
96 MERCURE DE FRANCE.
ce qui paroît au moins douteux au P. de
Mailla , n'eft- il pas évident qu'une nation
presque toute exterminée vers la fin du treizieme
fiécle , ne pouvoit être un peuple
confidérable au feizieme ? Voilà donc le
P. de Mailla juftifié en ce point par le P.
Duhalde , & , fi je ne me trompe , le critique
confondu par fon oracle même .
Autre preuve fenfible des recherches du
P. Laugier , & de fes connoiffances en fait
d'hiftoire. Il ne peut fe perfuader qu'un
peuple , encore foible & méprifé des Chinois
au feizieme fiécle , ait pu ſe révolter
avec fuccès & faire des conquêtes au fiécle
fuivant. Non , dit le fçavant Obſervateur ,
les hiftoires anciennes & modernes ne nous
apprennent rien qui puiffe accréditer la réalité
d'un pareil foulevement. ( h ) Eft- ce bien en
France ou chez les Hurons qu'on ofe avancer
une auffi étrange propofition ? Que
l'hiftoire ancienne & moderne n'ait rien
appris de pareil au P. Laugier , je veux l'en
croire : mais nos jeunes gens , à peine fortis
du Collége , ignorent - ils le fond du
charmant récit que fait Hérodote du fou-
- levement & des rapides progrès des Perfes
? Cette nation peu connue avant Cyrus ,
ne vint-elle pas à bout , fous la conduite
( b ) Obferv. pag. 150,
de
MARS. 1755. 97
de ce héros , de vaincre les Médes , & de
conquérir leur vaîte Empire ? Les moins
verſés dans l'hiſtoire n'ont- ils pas quelque
idée de l'expédition des Cymbres , qui for
tirent tout-à- coup du Jutland , inonderent
la Germanie & les Gaules , & firent trembler
l'Italie ? Ils n'étoient pas feuls , direz
-vous , ils fe liguerent avec les Teutons.
Mais les Mancheoux firent de même
; ils s'affocierent les Mongoux , anciens
conquérans de la Chine. J'avoue que les
Cymbres furent arrêtés dans leur courfe.
Pourquoi ? parce qu'ils eurent en tête des
Romains , & que les Mancheoux à la Chine
ne furent aux prifes qu'avec des Chinois.
Le P. Laugier lui-même peut- il ne
pas fçavoir ce qu'entreprit Mahomet au
feptiéme fiécle , avec une poignée d'Arabes
, & jufqu'où les premiers Califes , fes
fucceffeurs , étendirent leur domination.
A-t-il oublié ce qui de nos jours eft arrivé
en Perfe , la conquête de cet Empire par
la nation des Aghvans ?
»
Cependant , pourfuit l'élégant Obfer-
» vateur ( i ) , je conviens que la chofe
» n'eft pas phyfiquement impoffible , &
» que fi l'on s'en tenoit toujours à la vraifemblance
, on feroit en danger de re
(i ) Obferv, pag. 150.
E
S MERCURE DE FRANCE.
jetter plus d'une vérité. Mais dès que je
vois la chofe racontée très- différemment
» par un autre auteur , je ne fçaurois fouf
» crire aveuglément à un témoignage qui ,
quoique poftérieur, n'a certainement rien
qui doive lui faire adjuger la préférence.
"
23
Les exemples qu'on vient d'indiquer &
bien d'autres auffi remarquables dans l'hiftoire
ancienne & moderne , prouvent évidemment
que le moral de la chofe va ici
de pair avec le phyfique , c'eſt-à- dire qu'il
n'eft point moralement impoffible qu'une
nation traitée avec mépris par le peuple
dominant , fe fouleve tout-à-coup , & fubjugue
à la fin fes anciens maîtres . Refte à
prononcer fur le fait particulier dont il s'agit
, après avoir pefé dans la balance d'une
critique exemte de paffion les deux autorités
du P. de Mailla & du P. Duhalde. Or , foit
dit encore une fois , il paroît que celle du
premier l'emporte fur l'autre : celui - là
ayant compofé fon hiſtoire chinoiſe fur les
lieux , ayant mis plus de vingt ans à per
fectionner fon ouvrage, ayant lû , analyfé,
confronté les auteurs originaux dans lear
propre langue , fans parler de la facilité
qu'il avoit de fe redreffer en cas de méprife
, par l'examen refléchi qu'il a fait des
quatre volumes du P. Duhalde , fur lefquels
il dit fon fentiment.
M AR S. 1755 99 .
La préfomption deviendra encore plus
forte en faveur du P. de Mailla , fi on veut
bien faire attention à ce qu'il écrit aux fupérieurs
de la province de Lyon & à fes
amis. J'ai ces lettres actuellement fous mes
yeux , & j'y vois qu'un des grands motifs
de ce laborieux Jéfuite dans la compofi
tion de fon hiftoire , fut de communiquer
aux nouveaux Miffionnaires de fa Compa
gnie une vraie érudition chinoife , rien
n'étant plus propre , felon lui , à furprendre
agréablement les Mandarins que de
paroître au fait des différentes révolutions
de l'Empire , & de montrer à propos qu'on
connoît les grands hommes des deux nations
chinoife & tartare. Il eft donc bien
à préfumer que le P. de Mailla mit tous
fes foins à ne rien inférer dans fon ouvrage
qui pût être raisonnablement contefté.
Jugeons- en par l'impreffion que feroit
fur nos François une érudition foible
ou mal digérée fur les antiquités de notre
Monarchie , fur nos Rois & nos héros.
Réuniffons ces circonftances : n'en ré
fulte-t-il pas que l'autorité du P. de Mailla
doit être naturellement préférée à celle du
P. Duhalde , par-tout où l'on voit quelque
différence dans la narration de ces
deux auteurs ? Le P. Laugier néanmoins
interdit à qui que ce foit cette préférence
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
& il l'interdit en maître. Franchement
peut il fe promettre qu'on lui obéira fans
murmurer ?
Murmure injufte , dira- t -on , fi malgré
le long féjour de votre Pere de Mailla å la
Chine , malgré fon application conftante
& toute la bonne volonté que vous lui
fuppofez , ce Miffionnaire fut tel à peuprès
que nous l'a dépeint le Pere Obfervateur
, c'est-à-dire un écrivain indulgent
à l'excès , & ce qu'on appelle en France
un bon homme. C'eft très - bien dit : mais fi
ce portrait eft de pure imagination , que
doit- on penfer du peintre ou du deffinateur
qui l'a croqué ?
Je m'adreffe ici au public , en prenant
la liberté de lui demander s'il eft avantageux
au progrès des connoiffances humaines
, conforme aux loix de l'humanité
& de l'honneur , de deshonorer à fon gré
un auteur illuſtre , également diftingué
par fa naiffance & par les travaux , par fon
caractere & par fes vertus ? de décrier fon
ouvrage fans l'avoir lû , ouvrage intéref
fant pour toute l'Europe , & unique dans
nos climats de jetter une affez forte couche
de ridicule fur les poffeffeurs de fon
manufcrit , gens de lettres par état , & , ffi
on ofe le dire , un peu connoiffeurs , qui
depuis bien des années ne ceffent de mon
?
MARS. :* 1755. 701
trer aux fçavans cette production chinoife ,
comme un des précieux ornemens de leur
magnifique bibliothèque ?
Car enfin , pour revenir à la critique du
P. Laugier , fur quoi eft fondé , je vous
prie , ce terrible arrêt de profcription dont
on appelle ? Qu'on parcoure exactement
les dix-fept pages inférées dans le Mercure
de Janvier , on n'y trouvera aucun grief
folidement établi ; on y entaffe périodes
fur périodes : on y prône le P. Duhalde ,
on y cenfure le P. de Mailla , on y déclame,
& puis c'est tout.
Mais fuis - je moi-même bien en garde
contre l'air de déclamation que je reproche
à l'Obfervateur ? Si fa critique eft des
plus frivoles , ma réponſe l'eft-elle moins ?
Le Lecteur eft ici mon juge , je le fupplie
de m'honorer encore un moment de fon
attention .
Pour déprimer le P. de Mailla , mis en
parallele avec le P. Duhalde , notre critique
affure que ce dernier forma fa defcription
de la Chine fur des mémoires recueillis
avec toutes fortes de foins par les plus
accrédités & les plus capables des Miffionnaires
Chinois. ( k ) Le fait eft certain ; mais
file P. Obfervateur avoit feulement ouvert
( k ) Obferv. p. 163.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
le premier volume du P. Duhalde , il auroit
vû le nom du P. de Mailla dans la lifte
de ces Miffionnaires les plus accrédités ¿
les plus capables . Ce n'étoit donc pas un
homme fans conféquence , au jugement
du P. Duhalde , cru infaillible par le Pere
Laugier.
J'ajoûterai que le même P. Duhalde ,
fçavant & modefte , & par là vrai fçavant ,
étoit auffi éloigné de s'attribuer quelque
forte d'infaillibilité que de manquer de
confidération à l'égard du P. de Mailla.
Ecoutons - le dans l'extrait que voici d'une
de fes lettres aux PP . Regis & de Mailla ,
datée de Paris le 7 Octobre 1736. » Quoi-
» que j'aie pris toutes les précautions ima
ginables pour ne rien avancer que d'exac-
» tement vrai , fi par la lecture de l'ouvrage,
vous trouvez que je fois tombé
dans quelques méprifes , vous m'obli-
» gerez de me le faire connoître , & je me
» ferai un plaifir d'en inftruire le public ,
» en fuivant vos , corrections , ce qui de-
و ر
viendra une nouvelle preuve de mon
» exactitude. Depuis quinze mois que cette
hiftoire paroît , on me demande déja s'il
» ne m'eft pas venu affez de mémoires
» pour faire un fupplément. Si vous & nos
»autres RR. Peres avez des écrits fur les
» matieres que j'ai traitées , ou fur d'autres
MARS. 1755. 103
» concernant la Chine & la Tartarie , qui
donnent de nouvelles connoiffances , &
» que vous vouliez bien m'en faire part ,
» je ferai ce fupplément . J'y pourrai mettre
la nouvelle carte de la Tartarie , fi
vous jugez à propos de la faire , & j'y
joindrai les raifons qu'on a eues de la
» donner de nouveau , que je tirerai des
» obfervations du P. de Mailla & de celles
>>
que vous m'enverrez. Je fuis avec bien
» du refpect , &c. Duhalde , Jéfuite. Je
laiffe à l'Obfervateur le foin de commenter
intérieurement la fin de cette lettre , &
je paffe à un autre garant bien für du génie
& de la fagacité du P. de Mailla : c'eft
le grand Kang- hi .
Lorfqu'en 1711 ce Monarque ( le Louis
le Grand des Chinois ) eut formé le deffein
de faire lever une carte exacte de fes
Etats , quatre des plus belles & des plus
riches provinces de l'Empire , avec la fameufe
ifle de Formofe , furent affignées aux
Peres Regis , de Mailla & Hinderer ; ils
s'acquitterent en habiles gens de cette importante
commiffion ( 1 ) , & l'Empereur
fut pleinement fatisfait. Ce Prince étoit
donc bien éloigné des fentimens du Pere
Laugier au fujet du P. de Mailla.
(1)Lettres édifiantes , vol . 14.
Eiv
104 MERCURE DE FRANCE.
"
Au fuffrage de l'immortel Kang-hi joignons
celui d'un des Miffionnaires que je
viens de nommer , le fçavant P. Regis,
qui a eu tant de part à la collection du P.
Duhalde. J'ouvre le premier porte-feuille
du manufcrit odieux à l'Obfervateur , &
j'y lis l'atteftation fuivante , écrite & fignée
de la propre main du P. Regis. J'ai lu
» avec foin le manufcrit intitulé : Hiftoire
» générale de la Chine. Cet ouvrage tra
duit du texte chinois des annales , con-
» fronté avec les verfions tartares , faites
» par ordre du dernier Empereur , contient
» non feulement les révolutions arrivées
» au- dedans de l'Empire , & les guerres
» qu'il a eues à foutenir avec les Royaumes
» voiſins , mais encore les maximes de politique
qui ont toujours été les principes
du gouvernement de cette Monarchie.
Il renferme de plus l'ancien livre
» Chou-king , dont on fouhaitoit la tra-
» duction , & le Tchun - tfiou , écrit par
» Confucius , pour l'inftruction des Prin-
» ces : de forte qu'on a dans ce feul ou
vrage prefque tout ce qu'on pouvoit fouhaiter
de fçavoir fur ce vafte Empire :
ainfi je le juge digne de l'attention du
public. Fait à Peking , ce 2 Juin 1727 .
J. Bapt . Regis , de la Compagnie de Je-
» fus.
MARS. 1755. 105
Feu M. Freret , Secrétaire perpétuel de
l'Académie royale des Belles- Lettres , fut
de l'aveu de fes illuftres confreres , & , ce
qui revient au même , de l'aveu de tous
les fçavans , un de ces critiques confommés
qui font honneur à leur fiécle. Jufte appréciateur
des ouvrages qui lui tomboient
fous la main , il en découvroit bientôt le
fort & le foible ; j'ofe même dire que fon
caractere franc & loyal ne lui permit jamais
de diffimuler fes fentimens , quand
l'intérêt des lettres ou quelqu'autre pareil
devoir exigeoit de lui qu'il les fit connoître.
Sa politeffe , à la vérité , étoit extrême
: c'est l'efprit dominant de fa compagnie
; mais un beau génie , un coeur
droit , un fçavant du premier ordre fçut
toujours allier l'amour du vrai avec les
regles de la politeffe la plus exacte.
Or deux lettres de ce célébre Académieien
, que je fuis en état de produire ent
original , font foi des démarches qu'il fai
foit actuellement , par lui - même ou par fes
amis , auprès de M. le Duc d'Antin , pour
procurer l'honneur de l'impreffion royale
à l'hiftoire du P. de Mailla. Voici fes propres
termes dans la lettre du 29 Août
1735 , adreffée au P. Morand , Prefet des
hautes études du Collège de Lyon. » Je
me préparois à yous renvoyer le manuf
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
» crit du P. de Mailla , après en avoir tiré
» un extrait ( de la préface ) . J'y ai trouvé
», une notice excellente des différentes hif-
» toires générales de la Chine . Quoique
» j'euſſe déja connoiffance d'une partie de
» ces chofes , j'y ai trouvé un détail qui
» m'a fait un très-grand plaifir. Je vois
par la lettre de M. le Prévôt des Marchands
( Camille Perrichon , Confeiller
» d'Etat , nom à jamais immortel dans le
» coeur des Lyonnois ) , que le fieur de
» Tournes paroît avoir deffein de fe char-
» ger de l'impreffion de cet ouvrage. Ce
fera un grand avantage que la chofe fe
» faffe fous vos yeux ; mais à l'égard des
» cartes & des figures , je crois qu'il fau
droit les faire graver ici , & je me chargerois
de conduire l'ouvrage , & de choi
» fir les Graveurs ... . La publication de
» cette hiftoire autentique devroit cepen-
" dant être revêtue ici d'une autorité
» femblable à celle avec laquelle elle a
paru à la Chine par les ordres de Kang-
» hi ..... C'eft une difficulté qui n'eſt pas
»infurmontable , fi l'on pouvoit infpirer
cette envie à la Cour , au Cardinal de
» Fleuri , au Garde des Sceaux , & c. «
En parlant du Profpectus qu'il vouloit faire
lui-même , il dit ; je crois , fauf meilleur
» avis , qu'il feroit à propos de le mettre
»
"
MAR S. 1755. 107
» dans le Mercure de France : cet ouvrage
» va par-tout , & tout le monde le lit ; ce
» n'eft plus le Mercure galant d'autrefois .
La 2 lettre du 23 Novembre témoigne
le même empreffement pour faire honneur
au P. de Mailla . On y voit auſſi un
trait remarquable de la critique exacte &
févere de M. Freret. » J'ai écrit au R. P.
» de Mailla pour le remercier la diffi-
» culté que je propofois au fujet de la maniere
dont il parle de la chronologie ,
» ne tombe pas fur le fond même de cette
chronologie ; mais la certitude parfaite
qu'il femble lui attribuer , fans parler
» des controverfes qui font parmi les fça-
» vans Chinois , au fujet des tems anté-
» rieurs au huitiéme fiècle avant J. C.
"
Quoique le tribunal ait pris un parti ,
» qui eft celui que fuit le texte traduit par
» le R. P. de Mailla , il y a de grandes va-
» riétés là- deflus , & je voudrois que le
» R. P. de Mailla l'eût fait fentir.
Ne pourrois je pas ajouter ici un affez
bon nombre d'autres fuffrages favorables à
l'hiftoire du P. de Mailla ? 1 °. Les termes
dont fe fervit , il y a environ dix ans , un
grand Miniftre qui paffoit à Lyon , & à
qui j'eus l'honneur de préfenter le manuf
crit en queftion : Je connois cet ouvrage ,
me dit- il avec bonté , ilfaut penfer férieuseÉ
vj
108 MERCURE DE FRANCE.
ment à le donner au public : mais prenez -J
garde , l'écriture paroit s'effacer en quelques
endroits ; ayez foin d'enfaire tirer une copie.
2 °. L'eitime finguliere qu'en faifoit ,
après l'avoir lu en partie , un de nos anciens
Prévôts des Marchands *, fils & pere
de Prévôt des Marchands , d'un vafte fçavoir
& d'un goût exquis , auffi habile Académicien
que Magiftrat refpectable à tous
égards , qui n'a ceflé de cultiver les lettres
& de nous édifier par fes vertus
qu'en ceffant de vivre.
de Paris
3 ° . Les lettres que j'ai reçues
depuis la publication des deux petits volumes
de la conquête de la Chine , qui
toutes m'exhortent vivement à travailler
fur le manufcrit du P. de Mailla , ainfi
que fur l'accord de chronologie du P. Regis.
Parmi ces lettres il en eft une fur- tout
d'un fçavant Académicien à qui j'étois abfolument
inconnu . Il m'affure prendre
beaucoup d'intérêt à la grande hiftoire de
Ja Chine déposée au Collège de Lyon , &
veut bien m'encourager à en pourfuivre l'édition
, finon en gros , du moins en détail .
Les traits obligeans dont il m'honore font
moins flateurs mei pour que les offres qu'il
me fait de fon fecours. Tout le contenu
Feu M. le Préfident Dugas.
MAR S. 1755. 109
de fa lettre eft une expreffion vive de la
bonté de fon coeur , & de ce zéle ardent
pour le progrès des lettres qui l'anime ,
lui & fes illuftres collégues ; auffi ne doutai
-je pas qu'en profitant des lumieres de
ces Meffieurs , je ne puffe rendre mes extraits
du P. de Mailla propres à mériter
l'attention du public.
Au reste , les lettres qu'on a rapportées
ou indiquées dans cette réponſe , peuvent
fe voir aisément dans la bibliotheque du
grand College de Lyon.
aux obfervations du P. Laugier , fur la
nouvelle Hiftoire de la conquête de la
Chine.
NE fage critique ne peut qu'être
tions , & mérite à ce prix un accueil gracieux
de la part des gens de Lettres. Les
obfervations du P. Laugier , inférées dans
le Mercure de France (a ) , font- elles bien
marquées à ce coin de fageffe , qui rend
précieufe la cenfure des vrais fçavans , &
dont un homme de fon état ne s'écarta jamais
fans nuire à coup fûr à la réputation ?
c'eft au public d'en juger : je me préfente
avec confiance à fon tribunal , & j'attends
en paix fa décifion .
Dans la nouvelle hiftoire de la conquête
( a ) Janvier, pag. 147.
92 MERCURE DE FRANCE .
de la Chine , il eft dit que la nation des
Tartares Mancheoux étoit peu connue à la
fin du feizieme fiécle ; que le Prince Taitfong
, le premier des Rois Mancheoux qui
ait pris le titre d'Empereur des Chinois ,
mourut fans laiffer aucun fils qui lui fuccedât
; que la conquête enfin de ce vaſte
empire n'eut proprement lieu que huit ans
après la mort de ce Monarque , à l'occafion
des fuccès du rebelle Lyftching. Or
le P. Laugier emploie environ une vingtaine
de pages d'écriture à combattre vivement
ces trois points . Le défaut de vraifemblance
dans le récit de ce grand événement
eft la premiere raifon qu'il fait valoir
, & cette raifon devient péremptoire ,
felon lui , appuyée de l'autorité du P. Duhalde.
Direz- vous à l'obfervateur que le P. Dahalde
n'a pas été à portée de puifer dans
les fources ? qu'il n'a point lû les auteurs
originaux , Chinois & Tartares ? que fa
magnifique defcription de la Chine , excellente
à bien des égards , n'eft au fond
qu'une compilation des divers mémoires
qui lui étoient envoyés à Paris par fes
confreres de Pekin , où , fans miracle , il
peut s'être gliffé plus d'une erreur ? que la
partie hiftorique fur-tout de ce bel ouvrage
y eft traitée affez légerement , vû la
MARS. 1755.
93
prodigieufe étendue des annales chinoifes?
prierez-vous ce nouveau défenfeur de l'infaillibilité
du P. Duhalde , d'accorder au
moins quelque audience au P. de Mailla ,
célebre Miffionnaire de la Société , qui a
vécu plus de quarante- cinq ans à la Chine
dans l'enceinte du Palais impérial , ou dans
des voyages entrepris par ordre de l'Empereur
exhorterez-vous enfin ce redoutable
juge d'un manufcrit qu'il n'a jamais
lu , à vouloir au moins le parcourir une
fois fans paffion & fans préjugé ? Sa réponfe
eft toute prête & finguliere s'il en fut
jamais la voici. ( b ) Le peu de méthode qui
regne dans fon manufcrit ne nous invitegueres
à le croire. Et d'où fçait-il qu'il manque
de méthode ? on avoue que le ftyle
en eft fort négligé , & l'élocution peu correcte
; mais la méthode y eft à peu - près
telle qu'on a droit de l'attendre .
:
Le P. Obfervateur continue ainfi l'avis
qu'il nous donne fur l'auteur du manuf
crit : ( c ) Le jugement qu'il eft naturel d'en
-porter ( fans avoir lû fon ouvrage , capable
de former plufieurs volumes in - folio )
·le met au rang de ces efprits indulgens , qui
par un excès de bonne foi ne sçauroient avoir
ni certains fcrupules fur la certitude de leurs
(b ) Obferv. pag. 162 .
(c ) Obferv. ibid. & p. 163 , &c .
94 MERCURE DE FRANCE.
garans , ni de grandes attentions dans leurs
recherches , ni beaucoup de délicateffe fur les
preuves d'où notre critique conclut ( d )
qu'il réfulte au moins un doute bien fonde
contre l'exactitude de l'hiftoire manufcrite
qu'on vient d'imprimer à Lyon.
Je laiffe à qui le voudra le foin d'examiner
à loifir fi le P. Laugier mérite ou
non d'être mis au rang des efprits indulgens
, & s'il peche ici par un excès de bonne
foi. Mon deffein eft uniquement de
faire fentir au lecteur combien ce critique
eft lui-même peu fcrupuleux fur fes garans
, peu attentif dans fes recherches , peu
délicat fur fes preuves ; d'où réfulte néceffairement
une forte d'évidence de la frivolité
de fes remarques , tant fur la nouvelle
hiftoire imprimée à Lyon , que fur le
manufcrit dont cette hiftoire eft extraite
comme une centieme partie de fon tout.
Venons au fait.
Une des plus confidérables obfervations
du P. Laugier a pour objet la foibleffe &
l'obfcurité qu'on attribue au peuple Mancheoux
fur la fin du feizieme fiècle . Comment
croire ici le P. de Mailla , s'il réfulte
des faftes du P. Duhalde que les Tartares
ont toujours été plufieurs fiécles , même
( d ) Obfery, pag. 164 .
MARS. $755.
95
avant Jefus-Chrift , autant d'ennemis irréconciliables
des Chinois ? que les Mancheoux
ne font réellement que les Tartares
orientaux , & que ces orientaux , au
commencement du dixieme fiécle ( e ) enrent
la gloire de contraindre un Empereur
à leur céder plufieurs villes & à leur payer
tribut ?
L'objection , j'en conviens , paroîtra
forte à ceux qui n'ont jamais lu , ou qui
n'ont fait que parcourir légerement les faftes
du P. Duhalde , & l'Obſervateur eft
apparemment de ce nombre : mais une
lecture férieufe de ces faftes àuroit appris
au P. Laugier à mieux diftinguer les différentes
nations Tartares , & à ne pas confondre
les nouveaux Mancheoux avec les
anciens , appellés Kins , dont l'empire en
effet fut très- étendu . Il auroit vû de plus
que fur la fin du treizieme fiécle , non feulement
la domination de ces Kins fut ,
comme il le dit (f) , entierement abolie à la
Chine , mais qu'ils furent eux-mêmes prefque
tous exterminés ( par les Mongoux ) : ce
font les termes du P. Duhalde . (g ) Or , en
fuppofantmême comme certain que les nouveaux
Mancheoux defcendoient des Kins ,
( e ) Obferv. pag. 153 .
(f) Obferv. pag. 155 .
(g ) Duhalde , t . 1. pag. 491 ; t . 3. p. 62.5
96 MERCURE DE FRANCE.
ce qui paroît au moins douteux au P. de
Mailla , n'eft- il pas évident qu'une nation
presque toute exterminée vers la fin du treizieme
fiécle , ne pouvoit être un peuple
confidérable au feizieme ? Voilà donc le
P. de Mailla juftifié en ce point par le P.
Duhalde , & , fi je ne me trompe , le critique
confondu par fon oracle même .
Autre preuve fenfible des recherches du
P. Laugier , & de fes connoiffances en fait
d'hiftoire. Il ne peut fe perfuader qu'un
peuple , encore foible & méprifé des Chinois
au feizieme fiécle , ait pu ſe révolter
avec fuccès & faire des conquêtes au fiécle
fuivant. Non , dit le fçavant Obſervateur ,
les hiftoires anciennes & modernes ne nous
apprennent rien qui puiffe accréditer la réalité
d'un pareil foulevement. ( h ) Eft- ce bien en
France ou chez les Hurons qu'on ofe avancer
une auffi étrange propofition ? Que
l'hiftoire ancienne & moderne n'ait rien
appris de pareil au P. Laugier , je veux l'en
croire : mais nos jeunes gens , à peine fortis
du Collége , ignorent - ils le fond du
charmant récit que fait Hérodote du fou-
- levement & des rapides progrès des Perfes
? Cette nation peu connue avant Cyrus ,
ne vint-elle pas à bout , fous la conduite
( b ) Obferv. pag. 150,
de
MARS. 1755. 97
de ce héros , de vaincre les Médes , & de
conquérir leur vaîte Empire ? Les moins
verſés dans l'hiſtoire n'ont- ils pas quelque
idée de l'expédition des Cymbres , qui for
tirent tout-à- coup du Jutland , inonderent
la Germanie & les Gaules , & firent trembler
l'Italie ? Ils n'étoient pas feuls , direz
-vous , ils fe liguerent avec les Teutons.
Mais les Mancheoux firent de même
; ils s'affocierent les Mongoux , anciens
conquérans de la Chine. J'avoue que les
Cymbres furent arrêtés dans leur courfe.
Pourquoi ? parce qu'ils eurent en tête des
Romains , & que les Mancheoux à la Chine
ne furent aux prifes qu'avec des Chinois.
Le P. Laugier lui-même peut- il ne
pas fçavoir ce qu'entreprit Mahomet au
feptiéme fiécle , avec une poignée d'Arabes
, & jufqu'où les premiers Califes , fes
fucceffeurs , étendirent leur domination.
A-t-il oublié ce qui de nos jours eft arrivé
en Perfe , la conquête de cet Empire par
la nation des Aghvans ?
»
Cependant , pourfuit l'élégant Obfer-
» vateur ( i ) , je conviens que la chofe
» n'eft pas phyfiquement impoffible , &
» que fi l'on s'en tenoit toujours à la vraifemblance
, on feroit en danger de re
(i ) Obferv, pag. 150.
E
S MERCURE DE FRANCE.
jetter plus d'une vérité. Mais dès que je
vois la chofe racontée très- différemment
» par un autre auteur , je ne fçaurois fouf
» crire aveuglément à un témoignage qui ,
quoique poftérieur, n'a certainement rien
qui doive lui faire adjuger la préférence.
"
23
Les exemples qu'on vient d'indiquer &
bien d'autres auffi remarquables dans l'hiftoire
ancienne & moderne , prouvent évidemment
que le moral de la chofe va ici
de pair avec le phyfique , c'eſt-à- dire qu'il
n'eft point moralement impoffible qu'une
nation traitée avec mépris par le peuple
dominant , fe fouleve tout-à-coup , & fubjugue
à la fin fes anciens maîtres . Refte à
prononcer fur le fait particulier dont il s'agit
, après avoir pefé dans la balance d'une
critique exemte de paffion les deux autorités
du P. de Mailla & du P. Duhalde. Or , foit
dit encore une fois , il paroît que celle du
premier l'emporte fur l'autre : celui - là
ayant compofé fon hiſtoire chinoiſe fur les
lieux , ayant mis plus de vingt ans à per
fectionner fon ouvrage, ayant lû , analyfé,
confronté les auteurs originaux dans lear
propre langue , fans parler de la facilité
qu'il avoit de fe redreffer en cas de méprife
, par l'examen refléchi qu'il a fait des
quatre volumes du P. Duhalde , fur lefquels
il dit fon fentiment.
M AR S. 1755 99 .
La préfomption deviendra encore plus
forte en faveur du P. de Mailla , fi on veut
bien faire attention à ce qu'il écrit aux fupérieurs
de la province de Lyon & à fes
amis. J'ai ces lettres actuellement fous mes
yeux , & j'y vois qu'un des grands motifs
de ce laborieux Jéfuite dans la compofi
tion de fon hiftoire , fut de communiquer
aux nouveaux Miffionnaires de fa Compa
gnie une vraie érudition chinoife , rien
n'étant plus propre , felon lui , à furprendre
agréablement les Mandarins que de
paroître au fait des différentes révolutions
de l'Empire , & de montrer à propos qu'on
connoît les grands hommes des deux nations
chinoife & tartare. Il eft donc bien
à préfumer que le P. de Mailla mit tous
fes foins à ne rien inférer dans fon ouvrage
qui pût être raisonnablement contefté.
Jugeons- en par l'impreffion que feroit
fur nos François une érudition foible
ou mal digérée fur les antiquités de notre
Monarchie , fur nos Rois & nos héros.
Réuniffons ces circonftances : n'en ré
fulte-t-il pas que l'autorité du P. de Mailla
doit être naturellement préférée à celle du
P. Duhalde , par-tout où l'on voit quelque
différence dans la narration de ces
deux auteurs ? Le P. Laugier néanmoins
interdit à qui que ce foit cette préférence
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
& il l'interdit en maître. Franchement
peut il fe promettre qu'on lui obéira fans
murmurer ?
Murmure injufte , dira- t -on , fi malgré
le long féjour de votre Pere de Mailla å la
Chine , malgré fon application conftante
& toute la bonne volonté que vous lui
fuppofez , ce Miffionnaire fut tel à peuprès
que nous l'a dépeint le Pere Obfervateur
, c'est-à-dire un écrivain indulgent
à l'excès , & ce qu'on appelle en France
un bon homme. C'eft très - bien dit : mais fi
ce portrait eft de pure imagination , que
doit- on penfer du peintre ou du deffinateur
qui l'a croqué ?
Je m'adreffe ici au public , en prenant
la liberté de lui demander s'il eft avantageux
au progrès des connoiffances humaines
, conforme aux loix de l'humanité
& de l'honneur , de deshonorer à fon gré
un auteur illuſtre , également diftingué
par fa naiffance & par les travaux , par fon
caractere & par fes vertus ? de décrier fon
ouvrage fans l'avoir lû , ouvrage intéref
fant pour toute l'Europe , & unique dans
nos climats de jetter une affez forte couche
de ridicule fur les poffeffeurs de fon
manufcrit , gens de lettres par état , & , ffi
on ofe le dire , un peu connoiffeurs , qui
depuis bien des années ne ceffent de mon
?
MARS. :* 1755. 701
trer aux fçavans cette production chinoife ,
comme un des précieux ornemens de leur
magnifique bibliothèque ?
Car enfin , pour revenir à la critique du
P. Laugier , fur quoi eft fondé , je vous
prie , ce terrible arrêt de profcription dont
on appelle ? Qu'on parcoure exactement
les dix-fept pages inférées dans le Mercure
de Janvier , on n'y trouvera aucun grief
folidement établi ; on y entaffe périodes
fur périodes : on y prône le P. Duhalde ,
on y cenfure le P. de Mailla , on y déclame,
& puis c'est tout.
Mais fuis - je moi-même bien en garde
contre l'air de déclamation que je reproche
à l'Obfervateur ? Si fa critique eft des
plus frivoles , ma réponſe l'eft-elle moins ?
Le Lecteur eft ici mon juge , je le fupplie
de m'honorer encore un moment de fon
attention .
Pour déprimer le P. de Mailla , mis en
parallele avec le P. Duhalde , notre critique
affure que ce dernier forma fa defcription
de la Chine fur des mémoires recueillis
avec toutes fortes de foins par les plus
accrédités & les plus capables des Miffionnaires
Chinois. ( k ) Le fait eft certain ; mais
file P. Obfervateur avoit feulement ouvert
( k ) Obferv. p. 163.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
le premier volume du P. Duhalde , il auroit
vû le nom du P. de Mailla dans la lifte
de ces Miffionnaires les plus accrédités ¿
les plus capables . Ce n'étoit donc pas un
homme fans conféquence , au jugement
du P. Duhalde , cru infaillible par le Pere
Laugier.
J'ajoûterai que le même P. Duhalde ,
fçavant & modefte , & par là vrai fçavant ,
étoit auffi éloigné de s'attribuer quelque
forte d'infaillibilité que de manquer de
confidération à l'égard du P. de Mailla.
Ecoutons - le dans l'extrait que voici d'une
de fes lettres aux PP . Regis & de Mailla ,
datée de Paris le 7 Octobre 1736. » Quoi-
» que j'aie pris toutes les précautions ima
ginables pour ne rien avancer que d'exac-
» tement vrai , fi par la lecture de l'ouvrage,
vous trouvez que je fois tombé
dans quelques méprifes , vous m'obli-
» gerez de me le faire connoître , & je me
» ferai un plaifir d'en inftruire le public ,
» en fuivant vos , corrections , ce qui de-
و ر
viendra une nouvelle preuve de mon
» exactitude. Depuis quinze mois que cette
hiftoire paroît , on me demande déja s'il
» ne m'eft pas venu affez de mémoires
» pour faire un fupplément. Si vous & nos
»autres RR. Peres avez des écrits fur les
» matieres que j'ai traitées , ou fur d'autres
MARS. 1755. 103
» concernant la Chine & la Tartarie , qui
donnent de nouvelles connoiffances , &
» que vous vouliez bien m'en faire part ,
» je ferai ce fupplément . J'y pourrai mettre
la nouvelle carte de la Tartarie , fi
vous jugez à propos de la faire , & j'y
joindrai les raifons qu'on a eues de la
» donner de nouveau , que je tirerai des
» obfervations du P. de Mailla & de celles
>>
que vous m'enverrez. Je fuis avec bien
» du refpect , &c. Duhalde , Jéfuite. Je
laiffe à l'Obfervateur le foin de commenter
intérieurement la fin de cette lettre , &
je paffe à un autre garant bien für du génie
& de la fagacité du P. de Mailla : c'eft
le grand Kang- hi .
Lorfqu'en 1711 ce Monarque ( le Louis
le Grand des Chinois ) eut formé le deffein
de faire lever une carte exacte de fes
Etats , quatre des plus belles & des plus
riches provinces de l'Empire , avec la fameufe
ifle de Formofe , furent affignées aux
Peres Regis , de Mailla & Hinderer ; ils
s'acquitterent en habiles gens de cette importante
commiffion ( 1 ) , & l'Empereur
fut pleinement fatisfait. Ce Prince étoit
donc bien éloigné des fentimens du Pere
Laugier au fujet du P. de Mailla.
(1)Lettres édifiantes , vol . 14.
Eiv
104 MERCURE DE FRANCE.
"
Au fuffrage de l'immortel Kang-hi joignons
celui d'un des Miffionnaires que je
viens de nommer , le fçavant P. Regis,
qui a eu tant de part à la collection du P.
Duhalde. J'ouvre le premier porte-feuille
du manufcrit odieux à l'Obfervateur , &
j'y lis l'atteftation fuivante , écrite & fignée
de la propre main du P. Regis. J'ai lu
» avec foin le manufcrit intitulé : Hiftoire
» générale de la Chine. Cet ouvrage tra
duit du texte chinois des annales , con-
» fronté avec les verfions tartares , faites
» par ordre du dernier Empereur , contient
» non feulement les révolutions arrivées
» au- dedans de l'Empire , & les guerres
» qu'il a eues à foutenir avec les Royaumes
» voiſins , mais encore les maximes de politique
qui ont toujours été les principes
du gouvernement de cette Monarchie.
Il renferme de plus l'ancien livre
» Chou-king , dont on fouhaitoit la tra-
» duction , & le Tchun - tfiou , écrit par
» Confucius , pour l'inftruction des Prin-
» ces : de forte qu'on a dans ce feul ou
vrage prefque tout ce qu'on pouvoit fouhaiter
de fçavoir fur ce vafte Empire :
ainfi je le juge digne de l'attention du
public. Fait à Peking , ce 2 Juin 1727 .
J. Bapt . Regis , de la Compagnie de Je-
» fus.
MARS. 1755. 105
Feu M. Freret , Secrétaire perpétuel de
l'Académie royale des Belles- Lettres , fut
de l'aveu de fes illuftres confreres , & , ce
qui revient au même , de l'aveu de tous
les fçavans , un de ces critiques confommés
qui font honneur à leur fiécle. Jufte appréciateur
des ouvrages qui lui tomboient
fous la main , il en découvroit bientôt le
fort & le foible ; j'ofe même dire que fon
caractere franc & loyal ne lui permit jamais
de diffimuler fes fentimens , quand
l'intérêt des lettres ou quelqu'autre pareil
devoir exigeoit de lui qu'il les fit connoître.
Sa politeffe , à la vérité , étoit extrême
: c'est l'efprit dominant de fa compagnie
; mais un beau génie , un coeur
droit , un fçavant du premier ordre fçut
toujours allier l'amour du vrai avec les
regles de la politeffe la plus exacte.
Or deux lettres de ce célébre Académieien
, que je fuis en état de produire ent
original , font foi des démarches qu'il fai
foit actuellement , par lui - même ou par fes
amis , auprès de M. le Duc d'Antin , pour
procurer l'honneur de l'impreffion royale
à l'hiftoire du P. de Mailla. Voici fes propres
termes dans la lettre du 29 Août
1735 , adreffée au P. Morand , Prefet des
hautes études du Collège de Lyon. » Je
me préparois à yous renvoyer le manuf
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
» crit du P. de Mailla , après en avoir tiré
» un extrait ( de la préface ) . J'y ai trouvé
», une notice excellente des différentes hif-
» toires générales de la Chine . Quoique
» j'euſſe déja connoiffance d'une partie de
» ces chofes , j'y ai trouvé un détail qui
» m'a fait un très-grand plaifir. Je vois
par la lettre de M. le Prévôt des Marchands
( Camille Perrichon , Confeiller
» d'Etat , nom à jamais immortel dans le
» coeur des Lyonnois ) , que le fieur de
» Tournes paroît avoir deffein de fe char-
» ger de l'impreffion de cet ouvrage. Ce
fera un grand avantage que la chofe fe
» faffe fous vos yeux ; mais à l'égard des
» cartes & des figures , je crois qu'il fau
droit les faire graver ici , & je me chargerois
de conduire l'ouvrage , & de choi
» fir les Graveurs ... . La publication de
» cette hiftoire autentique devroit cepen-
" dant être revêtue ici d'une autorité
» femblable à celle avec laquelle elle a
paru à la Chine par les ordres de Kang-
» hi ..... C'eft une difficulté qui n'eſt pas
»infurmontable , fi l'on pouvoit infpirer
cette envie à la Cour , au Cardinal de
» Fleuri , au Garde des Sceaux , & c. «
En parlant du Profpectus qu'il vouloit faire
lui-même , il dit ; je crois , fauf meilleur
» avis , qu'il feroit à propos de le mettre
»
"
MAR S. 1755. 107
» dans le Mercure de France : cet ouvrage
» va par-tout , & tout le monde le lit ; ce
» n'eft plus le Mercure galant d'autrefois .
La 2 lettre du 23 Novembre témoigne
le même empreffement pour faire honneur
au P. de Mailla . On y voit auſſi un
trait remarquable de la critique exacte &
févere de M. Freret. » J'ai écrit au R. P.
» de Mailla pour le remercier la diffi-
» culté que je propofois au fujet de la maniere
dont il parle de la chronologie ,
» ne tombe pas fur le fond même de cette
chronologie ; mais la certitude parfaite
qu'il femble lui attribuer , fans parler
» des controverfes qui font parmi les fça-
» vans Chinois , au fujet des tems anté-
» rieurs au huitiéme fiècle avant J. C.
"
Quoique le tribunal ait pris un parti ,
» qui eft celui que fuit le texte traduit par
» le R. P. de Mailla , il y a de grandes va-
» riétés là- deflus , & je voudrois que le
» R. P. de Mailla l'eût fait fentir.
Ne pourrois je pas ajouter ici un affez
bon nombre d'autres fuffrages favorables à
l'hiftoire du P. de Mailla ? 1 °. Les termes
dont fe fervit , il y a environ dix ans , un
grand Miniftre qui paffoit à Lyon , & à
qui j'eus l'honneur de préfenter le manuf
crit en queftion : Je connois cet ouvrage ,
me dit- il avec bonté , ilfaut penfer férieuseÉ
vj
108 MERCURE DE FRANCE.
ment à le donner au public : mais prenez -J
garde , l'écriture paroit s'effacer en quelques
endroits ; ayez foin d'enfaire tirer une copie.
2 °. L'eitime finguliere qu'en faifoit ,
après l'avoir lu en partie , un de nos anciens
Prévôts des Marchands *, fils & pere
de Prévôt des Marchands , d'un vafte fçavoir
& d'un goût exquis , auffi habile Académicien
que Magiftrat refpectable à tous
égards , qui n'a ceflé de cultiver les lettres
& de nous édifier par fes vertus
qu'en ceffant de vivre.
de Paris
3 ° . Les lettres que j'ai reçues
depuis la publication des deux petits volumes
de la conquête de la Chine , qui
toutes m'exhortent vivement à travailler
fur le manufcrit du P. de Mailla , ainfi
que fur l'accord de chronologie du P. Regis.
Parmi ces lettres il en eft une fur- tout
d'un fçavant Académicien à qui j'étois abfolument
inconnu . Il m'affure prendre
beaucoup d'intérêt à la grande hiftoire de
Ja Chine déposée au Collège de Lyon , &
veut bien m'encourager à en pourfuivre l'édition
, finon en gros , du moins en détail .
Les traits obligeans dont il m'honore font
moins flateurs mei pour que les offres qu'il
me fait de fon fecours. Tout le contenu
Feu M. le Préfident Dugas.
MAR S. 1755. 109
de fa lettre eft une expreffion vive de la
bonté de fon coeur , & de ce zéle ardent
pour le progrès des lettres qui l'anime ,
lui & fes illuftres collégues ; auffi ne doutai
-je pas qu'en profitant des lumieres de
ces Meffieurs , je ne puffe rendre mes extraits
du P. de Mailla propres à mériter
l'attention du public.
Au reste , les lettres qu'on a rapportées
ou indiquées dans cette réponſe , peuvent
fe voir aisément dans la bibliotheque du
grand College de Lyon.
Fermer
Résumé : REPONSE du sieur Vojeu de Brunem aux observations du P. Laugier, sur la nouvelle Histoire de la conquête de la Chine.
Vojeu de Brunem répond aux observations du Père Laugier concernant la 'Nouvelle Histoire de la conquête de la Chine'. Il commence par souligner l'importance d'accueillir gracieusement toute critique et d'évaluer les observations du Père Laugier, publiées dans le Mercure de France, par le public. L'histoire en question affirme que la nation des Tartares Mancheoux était peu connue à la fin du XVIIe siècle, que le Prince Taitfong, premier Empereur des Chinois de cette nation, est mort sans héritier, et que la conquête de l'empire chinois a eu lieu huit ans après sa mort, à l'occasion des succès du rebelle Lyftching. Le Père Laugier conteste ces points dans environ vingt pages, arguant du manque de vraisemblance du récit. Vojeu de Brunem remet en question la fiabilité des sources du Père Duhalde, sur lesquelles s'appuie le Père Laugier. Il suggère que le Père Duhalde n'a peut-être pas eu accès aux sources originales et que son ouvrage est une compilation de mémoires envoyés par ses confrères à Paris. Vojeu de Brunem critique également la méthode et le style du manuscrit du Père Laugier, tout en défendant la méthode et l'érudition du Père de Mailla. Ce dernier a vécu plus de quarante-cinq ans en Chine et a composé son histoire sur place. Il souligne que le Père de Mailla a eu accès aux auteurs originaux et a confronté ses sources, ce qui lui donne une autorité supérieure à celle du Père Duhalde. Le texte se termine par une défense de l'œuvre du Père de Mailla, soulignant son importance pour les missionnaires et les lettrés. Vojeu de Brunem critique l'attitude du Père Laugier, qui décrierait un ouvrage sans l'avoir lu. Il appelle le public à juger de la validité des critiques du Père Laugier et à reconnaître la valeur de l'œuvre du Père de Mailla. Le Père Duhalde, reconnu pour son jugement et son érudition, considère le Père de Mailla comme un auteur de confiance. Dans une lettre datée du 7 octobre 1736, Duhalde exprime son désir de corriger toute erreur potentielle dans son ouvrage et de publier un supplément si des informations supplémentaires sont fournies par des collègues comme les Pères Régis et de Mailla. L'empereur Kang-hi, en 1711, avait chargé les Pères Régis, de Mailla et Hinderer de créer une carte précise de ses États, ce qu'ils accomplirent avec succès. Le Père Régis, dans une attestation datée du 2 juin 1727, loue l'œuvre de Mailla pour sa précision et son exhaustivité. Plusieurs personnalités, dont des ministres et des académiciens, ont également exprimé leur soutien et leur admiration pour l'œuvre de Mailla.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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70
p. 197-198
ALLEMAGNE.
Début :
Le Comte de Broglie, Ambassadeur du Roi de France, a obtenu [...]
Mots clefs :
Allemagne, Vienne, Dresde, Ambassadeur du roi, Archiduc, Empereur, Impératrice, Mathématique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE DRESDE , le 23 Février.
Le Comte de Broglie , Ambafladeur du Roi de
France , a obtenu de Sa Majefté Très- Chrétienne
la permiffion de faire un voyage à Paris .
DE VIENNE , le 22 Février.
Les Archiducs Charles & Léopold foutinrent
le 17 de ce mois , en préſence de l'Empereur &
de l'Impératrice Reine , un examen fur l'art de
fortifier les places. Ils répondirent avec beaucoup
de jufteffe & de vivacité , & leurs Majeftés
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Impériales en témoignerent leur fatisfaction au
Major Brequin , qui enfeigne à ces Princes cette
partie des Mathématiques.
DE DRESDE , le 23 Février.
Le Comte de Broglie , Ambafladeur du Roi de
France , a obtenu de Sa Majefté Très- Chrétienne
la permiffion de faire un voyage à Paris .
DE VIENNE , le 22 Février.
Les Archiducs Charles & Léopold foutinrent
le 17 de ce mois , en préſence de l'Empereur &
de l'Impératrice Reine , un examen fur l'art de
fortifier les places. Ils répondirent avec beaucoup
de jufteffe & de vivacité , & leurs Majeftés
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
Impériales en témoignerent leur fatisfaction au
Major Brequin , qui enfeigne à ces Princes cette
partie des Mathématiques.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
Le 23 février à Dresde, le Comte de Broglie, ambassadeur de France, a obtenu l'autorisation de voyager à Paris. Le 22 février à Vienne, les Archiducs Charles et Léopold ont passé un examen sur l'art de fortifier les places, satisfaisant l'Empereur et l'Impératrice. Leur professeur, le Major Brequin, a été félicité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
71
p. 241-243
ALLEMAGNE.
Début :
Le vol du Heron a été à Laxembourg un des principaux amusements de [...]
Mots clefs :
Vienne, Berlin, Hanovre, Prince Ferdinand , Impératrice-Reine, Empereur, Sa Majesté, Général Harsch, Baron de Pollnitz, Comte de Schmettau, Princesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGN E.
DE VIENNE , le 28 Juin.
Le vol du Heron a été à Laxembourg un des
principaux amufemens de l'Empereur & de l'Impératrice
Reine. Il y a environ quinze jours qu'on
a pris un de ces oifeaux qui avoit à une de fes
pattes un anneau avec les armes de Portugal .
Le 10 , le Comte de Flemming , Ministre de Sa
Majefté Polonoiſe partit pour Drefde . Il doit
aller à Hanovre exécuter une commiffion du Roi
fon maître.
L'Impératrice Reine a chargé des Commiffaires
, d'examiner les dégats caufés à Lintz par le
dernier incendie .
Le départ de l'Envoyé du Grand Seigneur eft
fixé à la fin du mois d'Août . Ce Miniftre a fait
partir le 22 un Courier pour Conftantinople .
Le Général Harfch vient d'arriver de Gorz. It
fera inceffamment fon rapport à l'Impératrice ,
au fujet de ce qui a été réglé avec les Commif
faires de la République de Venite pour les limites
des Etats des deux Puiffances .
L'Impératrice Reine a fait préfent à l'Empereur
de la terre de Schloffoff , qu'elle a achetée
du Prince de Saxe - Hildbursghaufen , & qui appartenoit
autrefois au Prince Eugene de Savoye,
DE BERLIN , le 5 Juillet.
› Le 27 Juin , le Roi revint du Duché de Cleves;
Sa Majefté , en conférant au Prince Ferdinand de
L
242 MERCURE DE FRANCE.
1
Brunfwic le Gouvernement de Magdebourg , a
nommé le Lieutenant- général Comte de Borcke ,
pour y commander en l'abfence de ce Prince.
Sa Majefte vient d'établir à Stettin une Chambre
de Commerce , compofée d'un Préfident & de
fix Affeffeurs , qui ont été choifis parmi les plus
habiles Négocians.
Le Baron de Pollnitz , Gentilhomme de la
Chambre du Prince héréditaire de Heffe-Darmſtad
, arriva ici avant - hier pour informer la Cour ,
que la Princeffe , époufe de ce Prince , étoit accouchée
la veille d'une Princeffe à Prentzlau . II
eft allé porter la même nouvelle à la Cour de
Hefle Darmstadt.
Il y eut ici le 21 un orage , qui a cauſé beaucoup
de dégât. On a reçu avis que des incendiai
res avoient mis le feu à la petite ville de Friedland
, près de Neiff, & que vingt maiſons avoient
été brûlées .
Le Roi a donné au Comte de Schmettau , Lieutenant
général , le commandement des ville &
citadelle de Paitz , qu'avoit le Prince Ferdinand
de Brunſwic. Les troupes qui avoient formé un
camp dans la Pruffe , font retournées dans leurs
quartiers. En conféquence des ordres de Sa Majefté
, on a arrêté quelques- unes des perfonnes
employées à l'hôtel des monnoies de Cleves.
L'Académie royale des Sciences & Belles- Lettres
élut avant hier pour affociés érrangers M de
Montucla , de l'Académie de Lyon , & M. Runcalli
, Préfident du Collège de Médecine à Brefcia.
-
DE HANOV RE , le 27 Juin.
La Princeffe , époufe du Prince héréditaire de
Heffe-Caffel , & les trois Princes leurs fils , arri
A OUST. 1755. 24
verent le 21 de ce mois à Herrenhaufen. On y
célébra le lendemain avec éclat l'anniverſaire de
l'avénement du Roi au trêne de la Grande Breta- ·
gne. Le 23 , Sa Majefté donna un magnifique bal
aux jeunes Princes de Heffe.
DE VIENNE , le 28 Juin.
Le vol du Heron a été à Laxembourg un des
principaux amufemens de l'Empereur & de l'Impératrice
Reine. Il y a environ quinze jours qu'on
a pris un de ces oifeaux qui avoit à une de fes
pattes un anneau avec les armes de Portugal .
Le 10 , le Comte de Flemming , Ministre de Sa
Majefté Polonoiſe partit pour Drefde . Il doit
aller à Hanovre exécuter une commiffion du Roi
fon maître.
L'Impératrice Reine a chargé des Commiffaires
, d'examiner les dégats caufés à Lintz par le
dernier incendie .
Le départ de l'Envoyé du Grand Seigneur eft
fixé à la fin du mois d'Août . Ce Miniftre a fait
partir le 22 un Courier pour Conftantinople .
Le Général Harfch vient d'arriver de Gorz. It
fera inceffamment fon rapport à l'Impératrice ,
au fujet de ce qui a été réglé avec les Commif
faires de la République de Venite pour les limites
des Etats des deux Puiffances .
L'Impératrice Reine a fait préfent à l'Empereur
de la terre de Schloffoff , qu'elle a achetée
du Prince de Saxe - Hildbursghaufen , & qui appartenoit
autrefois au Prince Eugene de Savoye,
DE BERLIN , le 5 Juillet.
› Le 27 Juin , le Roi revint du Duché de Cleves;
Sa Majefté , en conférant au Prince Ferdinand de
L
242 MERCURE DE FRANCE.
1
Brunfwic le Gouvernement de Magdebourg , a
nommé le Lieutenant- général Comte de Borcke ,
pour y commander en l'abfence de ce Prince.
Sa Majefte vient d'établir à Stettin une Chambre
de Commerce , compofée d'un Préfident & de
fix Affeffeurs , qui ont été choifis parmi les plus
habiles Négocians.
Le Baron de Pollnitz , Gentilhomme de la
Chambre du Prince héréditaire de Heffe-Darmſtad
, arriva ici avant - hier pour informer la Cour ,
que la Princeffe , époufe de ce Prince , étoit accouchée
la veille d'une Princeffe à Prentzlau . II
eft allé porter la même nouvelle à la Cour de
Hefle Darmstadt.
Il y eut ici le 21 un orage , qui a cauſé beaucoup
de dégât. On a reçu avis que des incendiai
res avoient mis le feu à la petite ville de Friedland
, près de Neiff, & que vingt maiſons avoient
été brûlées .
Le Roi a donné au Comte de Schmettau , Lieutenant
général , le commandement des ville &
citadelle de Paitz , qu'avoit le Prince Ferdinand
de Brunſwic. Les troupes qui avoient formé un
camp dans la Pruffe , font retournées dans leurs
quartiers. En conféquence des ordres de Sa Majefté
, on a arrêté quelques- unes des perfonnes
employées à l'hôtel des monnoies de Cleves.
L'Académie royale des Sciences & Belles- Lettres
élut avant hier pour affociés érrangers M de
Montucla , de l'Académie de Lyon , & M. Runcalli
, Préfident du Collège de Médecine à Brefcia.
-
DE HANOV RE , le 27 Juin.
La Princeffe , époufe du Prince héréditaire de
Heffe-Caffel , & les trois Princes leurs fils , arri
A OUST. 1755. 24
verent le 21 de ce mois à Herrenhaufen. On y
célébra le lendemain avec éclat l'anniverſaire de
l'avénement du Roi au trêne de la Grande Breta- ·
gne. Le 23 , Sa Majefté donna un magnifique bal
aux jeunes Princes de Heffe.
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Résumé : ALLEMAGNE.
En 1755, plusieurs événements politiques et sociaux marquants ont eu lieu en Allemagne et dans les régions voisines. À Vienne, l'Empereur et l'Impératrice Reine se sont divertis avec le vol du Heron. Un oiseau portant un anneau aux armes du Portugal a été capturé. Le Comte de Flemming, ministre du roi de Pologne, s'est rendu à Dresde et Hanovre pour une mission royale. L'Impératrice Reine a nommé des commissaires pour examiner les dégâts causés par un incendie à Lintz. Le départ de l'envoyé du Grand Seigneur est prévu pour la fin août, et un courrier a été envoyé à Constantinople. Le général Harfsch, de retour de Gorz, doit faire un rapport sur les limites entre l'Autriche et la République de Venise. L'Impératrice Reine a offert à l'Empereur la terre de Schloffoff, anciennement possédée par le Prince Eugène de Savoie. À Berlin, le roi est revenu du Duché de Cleves et a nommé le Prince Ferdinand de Brunswick au gouvernement de Magdebourg, avec le Comte de Borcke comme commandant par intérim. Une Chambre de Commerce a été établie à Stettin. Le Baron de Pollnitz a annoncé la naissance d'une princesse à Prentzlau. Un orage a causé des dégâts, et des incendiaires ont mis le feu à Friedland. Le Comte de Schmettau a reçu le commandement de Paitz, et des personnes employées à l'hôtel des monnoies de Cleves ont été arrêtées. L'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres a élu M. de Montucla et M. Runcalli comme associés étrangers. À Hanovre, la princesse épouse du Prince héréditaire de Hesse-Cassel et leurs trois fils sont arrivés à Herrenhaufen. L'anniversaire de l'avènement du roi au trône de Grande-Bretagne a été célébré avec éclat, suivi d'un bal donné aux jeunes Princes de Hesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 133-163
Suite de l'abrégé historique de la ville de Paris ; par M. Poncet de la Grave, Avocat au Parlement.
Début :
SOUVERAINS. Interregne. 593-4-5 & 6 Childebert II, Roi d'Austrasie, se [...]
Mots clefs :
Paris, Histoire de la ville de Paris, Histoire, Roi, Childebert II, Normands, Parisiens, Évêque de Paris, Clotaire II, Clovis II, Clovis III, Empereur, Charles Martel, Troupes, Tombeau, Abbaye, Royaume, Charlemagne, Dagobert II, Clovis III, Thierry Ier, Clotaire IV, Louis Ier, Louis II le Bègue, Louis III, Carloman II, Charles III le Gros
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texteReconnaissance textuelle : Suite de l'abrégé historique de la ville de Paris ; par M. Poncet de la Grave, Avocat au Parlement.
HISTOIRE.
Suite de l'abrégé hiftorique de la ville de
Paris ; par M. Poncet de la Grave , Avo- .
cat au Parlement .
CH
SOUVERAIN S.
Interregne.
593-4-5
& 6.
Hildebert II , Roi d'Auftrafie , fe
rend maître de Paris , & des autres
villes qui avoient appartenues au ( a ) Roi
Sigebert fon pere ; mais il ne jouit pas
long - tems de fes conquêtes. Une mort
précipitée l'enleve à la fleur de fon âge.
Frédégonde fe rend à ſon tour maîtreffe
de Paris , (b ) brûle & faccage tout ce qui
fe trouve fur fon paffage ; fait marcher
des troupes contre Théodebert , Roi d'Auftrafie
, & Thieri Roi de Bourgogne , en-
16.
( a ) Frédegon. chronol. c. 14. ( b ) Idem , c.
134 MERCURE DE FRANCE.
core jeunes. La bataille s'engage en préfence
des trois Rois. (c ) Clothaire demeure
victorieux , & s'affermit fur le thrône de
Paris.
Ordonnance de Childebert concernant
le Guet à pied , qui rend refponfables les.
foldats des vols ou affaffinats faits dans le
quartier où ils font de garde , & qui fait
un réglement à ce fujet. 11 feroit à fou--
haiter que cette ( d ) Ordonnance fut actuellement
en vigueur.
Respectivement à Paris.
597 & 8:
La Reine Frédegonde au plus haut point
de fes profpérités , meurt à Paris , & fon:
corps eft inhumé dans l'Eglife de S. Vincent
à côté de celui du Roi Chilperic font
mari on voit encore fon tombeau dans
S. Germain des Prez , monument de la reconnoiffance
de Clothaire II fon fils .
Interregne.
5.99 & 603.
Les affaires de Clothaire changent de
face. Il eft attaqué par Théodebert , &
Thieri unis enfemble près d'un village ,
nommé Ormeille en Gatinois. Il perd la
bataille ( e ) , fe réfugie dans Paris , en eſt
(c ) Idem. c. 17. ( d ) Capit. Reg. Fr. to . 1. p.
20. Hift. de l'Apolog, to , 1. pag . 236. ( e ) Geſt
Reg. Fr. c. 37.
OCTOBRE. 1755 133
chaffe par les vainqueurs , & forcé de demander
la paix , qui ne lui fut accordée
qu'en perdant une partie de fes Etats.
604 & 612.
Clothaire (f) voulant réparer fes pertes,
met deux armées fur pied , donne le commandement
de l'une à Landri , Maire du
Palais , & marche à la tête de l'autre..
Landri eft battu près d'Etampes par Thieri
, qui rentre victorieux dans Paris ; &
Clothaire obligé de prendre la fuite , de
mande la paix pour la feconde fois.
Clothaire II.
613 & 14.
Clothaire réunit dans fa perfonne toute
la Monarchie Françoife..
615-16 & 17
Sixiéme ( g ) Concile de Paris , compo
fé d'Evêques & de Seigneurs. Il s'en eft
tenu fouvent de pareils depuis Charlelemagne
& les Rois fuivans , où l'on fit
des Ordonnances pour tout le royaume ,
qui portent le nom de Capitulaires , comme
ayant été faites dans les affemblées de.
la nation.
618 & 21 .
(b ) La Reine Gertrude meurt' , & eft
enterrée dans l'Abbaye S. Vincent , aujourd'hui
S. Germain des Prez..
(f)Fredeg. c. 26. ( g ) Conc. to . 5. p. 1649″
( b) Fredeg. c. 46.
136 MERCURE DE FRANCE.
622 & 27.
Clothaire fait fa réfidence ordinaire à
Paris.
628 & 29.
Il meurt âgé de 45 ans , & eft enterré à
Paris dans l'Eglife S. Germain des Prez.
Dagobert I.
Dagobert , Roi d'Auftrafie, lui fuccede,
fixe fon féjour à Paris , s'abandonne à toutes
fortes d'excès , pille le bien de fes fujets,
& ne refpecte même pas les chofes faintes.
Pour racheter en quelque façon fes pechés
, il fonde de nouveau , & dote la célébre
Abbaye de S. Denis.
630 & 37.
S. Eloi , depuis Evêque de Paris , Garde
des Sceaux , engage Judicaël , Prince des
Bretons , à faire au ( i ) Roi fatisfaction
des courfes qu'il avoit faites fur les frontieres
, & à le reconnoître pour fon Seigneur.
638-39-40 & 5o.
Fondation d'un couvent de Filles par S.
Eloi , dont St Aure eft la premiere Abbeffe.
( k) Le circuit de cet ancien monaftere ,
autrefois entouré de murailles , s'appelle
(i ) Préf. Henault , pag. 25. ( k ) Curiof. & antiq.
fr. 35.
OCTOBRE. 1755. 137
encore aujourd'hui la ceinture de S. Elci ,
& comprend les rues de la Cité , où font à
préfent Ste Croix , S. Pierre des Arcis &
S. Martial.
S. Eloi ( 1 ) fonde l'Eglife de S. Paul ,
autrefois appellée des Champs , & S. Martial
dans la Cité fait chaffer de Paris un
Apoftat qui féduifoit le peuple , & bannir
de France un autre fourbe , qui fe difoit
Evêque.
Paris fouffre un incendie confidérable ,
qui confume la plupart des maifons.
Dagobert malade à Epinai -fur- Seine ,
fe fait tranfporter à S. Denis , pour implo
rer la protection de ce faint martyr ; ( m ) il
y meurt quelques jours après , âgé de 36
ans , & y eft enterré. On célébre tous les
ans l'anniverfaire de fa mort à S. Denis ,
le 19 Janvier.
Clovis II.
Clovis II. monte fur le thrône , & fait
fa réfidence ordinaire à Paris.
Les Maires du Palais abforbent l'autorité
royale.
651 & 59.
La famine qui défoloit tout le Royaume
, fe fait fentir dans la capitale. Il pa-
( 1) Vita Sancti Eligii , 1. 1. c. 13. ( m ) Free
deg. chron. c . 79.
738 MERCURE DE FRANCE.
roit qu'elle fut extrême , puifque pour fub
venir aux befoins des pauvres , le Roi fut
obligé de dépouiller le tombeau de S. Denis
des richeſſes dont ( n ) Dagobert l'avoit
enrichi S. Landri , alors Evêque de Paris
, vendit fa vaiffelle & fes meubles pour
foulager la mifere publique. Les vaſes facrés
ne furent même pas épargnés.
Fondation ( o ) de l'Hôtel-Dieu par S.
Landri. Erchinoald , Maire & Comte de
Paris , donna le terrein fur lequel il eft
bâti , & contribua à ſon établiſſement par
d'autres largeffes.
S. Landri meurt , (p) & eft enterré dans
l'Eglife S. Germain- l'Auxerrois .
Clothaire III.
660 & 65.
Clovis II . meurt la dix- neuvième année
de fon regne , & la vingt- troifiéme de fon
âge. Il eft inhumé à S. Denis.
Clothaire III . commence à regner fous
la Régence de Baltilde fa mere. Le Confeil
eft compofé de S. Ouen , de S. Eloi ,
& de quelques autres Evêques.
Abolition d'un tribut par tête , qui réduifoit
fouvent les chefs d'une nombreuſe
famille au défefpoir.
( n ) Dubois , Hift . Eccl . Par. tom. 1. p . 179.
(o ) Le Maire , Par. anc. & nouv. to . 3. pag. 127.
(p ) Malingue..
OCTOBRE. 1755. 139
Baltilde fe retire dans le Monaftere de
Chelles qu'elle avoit fondé , & laiffe le
royaume , & le Roi âgé de quatorze ans ,
à la merci d'Ebroin , Maire du Palais , dont
elle avoit jufques- là réprimé les violences.
665-6-7 & 8.'\
Sigobrand , Evêque de Paris , maffacré
par les Grands , malgré les défenfes de la
Reine.
Elle meurt à Chelles vers l'an 680 , Le
30 Janvier.
La peſte ( q ) dépeuple une partie de
la ville de Paris , & la contagion fe fair
fentir jufques dans les maifons religieufes.
Clothaire III. meurt , & Thieri fon
frere lui fuccéde par les foins d'Ebroin
Maire du Palais ; mais la haine qu'on
avoit pour ce Miniftre , réjaillit fur le
Roi même , & Thieri eft enfermé dans
l'Abbaye de S. Denis ..
Childeric II.
669 & 680 .
Childeric II. fe voit maître de toute la
France par la mort de Clothaire III , &
par la retraite forcée de Thieri.
Il eſt maffacré avec la Reine Blichilde
& Dagobert fon fils , dans la forêt de Li-
( 2 ) Vita S. Eligiil. z .
140 MERCURE DE FRANCE.
vri par Bodille. Il eft enterré dans l'églife
de S. Germain des Prez , où l'on voit encore
fon tombeau .
Thieri I.
Thieri fort de l'Abbaye S. Denis , &
commence à regner. Ebroin , le même qui
avoit été Maire du Palais fous Clothaire
III , contraint par les armes Thieri à le
recevoir de nouveau pour fon Maire du
Palais.
681 & 90.
Ebrouin eft tué d'un coup d'épée un
Dimanche matin avant le jour , lorſqu'il
alloit à Matines , felon l'ufage de ce temslà.
A Ebrouin fuccede Warathon , qui eft
Maire du Palais , de Neuftrie & de Bourgogne.
Pepin le fut de l'Auftrafie , s'en fit
nommer Duc & Gouverneur.
La difcorde s'allume entre les deux Maires
, & les François mécontens ſe retirent
en Auftrafie Berthier fuccede à Warathon,
& époufe fa haine contre Pepin. Ce dernier
leve des troupes , & s'avance vers
Péronne. Berthier va au- devant de lui avec
le Roi Thieri . On en vient aux mains , &
Thieri vaincu fe retire à la hâte dans Paris
. Pepin s'avance vers cette capitale , rue
Berthier échappé au carnage , fait le frége
i
OCTOBRE. 1755 . 141
de Paris , s'en rend le maître , s'empare
de la perfonne de Thieri & de tous fes
thréfors ; il lui laiffe le nom de Roi , &
fous celui de Maire du Palais, a toute l'autorité
, rend la paix à la France , & fait
fleurir le commerce.
691 & 710.
Thieri meurt , âgé de trente- neuf ans ,
après en avoir regné dix - fept. ( r ) Sa mort
ne fait pas plus de bruit que celle d'un particulier.
Un Seigneur , nommé Vandemir , fait
de grandes largeffes à plufieurs églifes de
Paris , de concert avec fa femme Ercamberte.
Clovis 111.
Clovis III fuccede à Thieri , & Pepin
continue de regner fous le nom de ce Roi .
S. Meri où Mederic vient à Paris , fe
loge dans un Monaftere contigu à la Chapelle
de S. Pierre. (f) Il y meurt le 29
Août. Deux ans & neuf mois après il eft
enterré dans la Chapelle voifine , connue
aujourd'hui fous le nom de S. Meri , égliſe
paroiffiale & collégiale foumise à la Jurifdiction
du chapitre de Notre Dame.
Son corps eft levé de terre pour la
pre-
(r ) Pref. Henault. (S) Inventaire du thréfor.
Hift. eccl. par. to. 1. p. 579.
142 MERCURE DE FRANCE.
miere fois en 884 , par Gozlin , Evêque de
Paris. Il eft confervé dans une magnifique
châffe , élevée fur le maître autel' , par les
foins de M. l'Abbé Artaud , Curé actuel ,
dont la piété & le zéle pour la maifon du
Seigneur font connus de tout le monde.
L'églife qui fubfifte , fut fondée fous
François I. On voit au milieu du choeur
cette infcription.
Hic jacet bone memoria Odo Falconarius ,
fundator bujus Ecclefia . ( t )
On conferve dans la même églife le
corps de S. Frou , difciple de S. Meri .
Clovis III meurt , après cinq ans de
regne.
Childebert 11.
711-12-13 & 14.
Childebert II , frere de Clovis III ,
monte fur le thrône. Pepin continue de
regner , & fait fon fils aîné , Duc de Bourgogne
, & fon cadet Maire du Palais.
Dagobert II.
Childebert meurt. Dagobert II lui fuc-
'cede. Pepin qui a toujours toute l'autorité
, fait fon petit- fils Théodebalde Maire
du Palais.
(6) Du Breuil , antiq. 1. 3.
OCTOBRE . 1755 143
714.
Pepin meurt après avoir joui de toute
l'autorité fous quatre Rois , qui n'eurent
qu'un vain nom. ( ) Ces Princes au reſte
ne demeurerent guere à Paris. Les maiſons
de plaifance qu'ils avoient aux environs ,
furent leur féjour ordinaire .
La mere de Théodebalde , Maire du Pa
lais , ambitionne le commandement , &
fait arrêter Charles Martel , fils naturel de
Pepin. Le peuple fe révolte contre le gouvernement
injufte de cette femme ; Théodebalde
ſe ſauve , & Rainfroi le remplace.
Charles Martel s'évade de la prifon dans
laquelle il étoit retenu , va en Neuftrie ,
& en eft reconnu Duc.
Chilperic II.
715 & 20.
Dagobert II meurt . Daniel fils de Childeric
II lui fuccede fous le nom de Chilperic
II.
Il
Clothaire IV.
porte la guerre en Auftrafie , eft dé-'
fait par Charles Martel , & fe réfugie dans
Paris. Il tente une feconde fois de s'oppofer
aux entrepriſes de ce Duc , lui livre
une bataille près de Soiffons , & la perd ; il
(# ) Geft. Reg. Fr. cap. 49.
144 MERCURE DE FRANCE.
rentre dans Paris, enleve tous les thréfors
& fe réfugie en Aquitaine. Charles Martel
arrive à Paris avec un Roi poftiche , qu'il
fait nommer ( x ) Clothaire , & qui mourut
la même année . On rappelle Chilperic
, qui mourut deux ans après.
Thieri 11.
721 & 36.
Thieri II , dit de Chelles , monte fur le
thrône , & Charles Martel , Maire du Palais
, a toute l'autorité . ( y ) Ce dernier fejourne
peu à Paris , toujours en courfe
contre les ennemis de l'Etat ; il n'y revient
qu'en 732 , chargé de riches dépouilles
prifes fur les Sarrafins. Thieri meurt , & fa
mort eft fuivie d'un interregne de dix-fept
ans.
Interregne.
737 & 41.
Charles Martel va à l'Abbaye S. Denis,
revient enfuite à Paris , & partage le royaume
de France entre fes deux fils Carloman
& Pepin , fe fait enfuite tranfporter à
Quierci-fur-Oife où il meurt le 22 Octobre
741. Il fut enterré à S. Denis , dans le
tombeau des Rois , quoiqu'il n'en eût jamais
porté le titre.
(x ) Geft. Reg. Fr. ( y ) Geft. Reg. Fr. cap. ult.
annal Fuld. &c.
742.
OCTOBRE. 1755. 145
742 .
Carloman & Pepin unis gouvernent le
Toyaume , pacifient les défordres , affemblent
des Conciles ( z ) , & font plufieurs
réglemens pour la réformation des moeurs.
Childeric III.
743.4 & 5.
Pepin croit qu'il eft plus avantageux de
faire ceffer l'interregne ; il fait proclamer
Roi Childeric III dans la Neuftrie , la
Bourgogne , & la Provence. Carloman
gouverne l'Auftrafie .
746-7-8 & 9 .
Carloman quitte le gouvernement de
l'Auftrafie , & fe retire à Rome , où il embraffe
la vie religieufe. Pepin devient feul
maître en France.
750.
Childeric III eſt détrôné , rafé & enfermé
dans un monaftere .
Pepin le Bref. Seconde race.
751-2 & 3.
Pepin fils de Charles Martel , eſt proclamé
Roi de France. Ce changement ne
cauſe aucun trouble à Paris , parce que le
peuple accoutumé à fon gouvernement
( z ) Concil . to. 1. p . 1534-37 & 52.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
fon Prin- n'avoit aucun attachement pource
légitime .
754-5-6 & 7.
Tranflation du corps de S. Germain , le
25 Juillet 754 , par Lanfroi , Abbé de S.
Vincent. Pepin affifte à la cérémonie avec
fes deux fils , un grand nombre d'Evêques
& Seigneurs. On peut fixer à cette époque
le changement du nom de cette Abbaye
dite de S. Vincent en celui de S. Ger-
'main des Prez.
758 & 769 .
( a ) Taffilon , Duc de Baviere , après
avoir fait ferment de fidelité au Roi à
Compiegne , vient le renouveller à Paris
fur le tombeau de S. Germain .
fe
( b ) Pepin tombe malade à Poitiers ,
fait tranfporter à Paris , & enfuite au tombeau
de S. Denis ; il partage la France entre
fes deux fils Charles & Carloman , &
meurt le 24 Septembre 768 , âgé de cinquante-
quatre ans.
Charlemagne.
Charles , dit Charlemagne , & Carloman
fon frere , partagent le Royaume.
Paris demeure à Charles.
,
770 , & inclufivement 778 .
La mort de Carloman rend Charlema-
( a ) Annal. not. ( b ) Hift. de S. Denis , p . 54
OCTOBRE . 1755 . 147
gne maître de toute la Monarchie Françoife.
Il vient rarement à Paris.
(c ) En 775 il affifte à la dédicace de
l'églife de l'Abbaye S. Denis .
779.
Charlemagne établit une école publique
à Paris dans fon propre Palais. Établiffement
qui lui mérita le furnom de reftaurateur
des Lettres en France .
800 .
Il vient à Paris au mois de Juillet , &
en part peu de jours après pour Aix- la-
Chapelle.
802 & inclufivement 812 .
Ordonnances ajoutées à la loi falique ,
publiées à Paris.
813.
( d) Ordonnance de l'an 813 , inférée
dans les capitulaires pour la fûreté des
Bourgeois de Paris pendant la nuit.
814 & inclufivement 823 .
Charlemagne meurt d'une pleuréfic le
28 Janvier 814 dans la foixante - onzieme
année de fon âge . Le Palais & le Châtelet
vaquent tous les ans ce jour- là.
(e ) Hift. de S. Denis , 1, 2. n. 10. ( d ) Capit
40. 2. pag. $ 14
Gij
148 MERCURE DE FRANCE:
Louis I.
Louis I lui fuccede , & confirme la Jurifdiction
de l'Evêque de Paris fur la terre
de Ste Marie dans l'Iffe , fur la rue S. Germain-
l'Auxerrois & autres , avec défenſe à
tous autres Officiers qu'à ceux de l'Evêque
, de lever ni cens ni droits dans l'étende
fa juriſdiction .
824-5-6-7 & 8 .
(e ) Septieme Concile de Paris , convoqué
par Louis I , pour délibérer concernant
le culte des images.
les
Il fut décidé qu'il ne falloit pas
brifer ni les adorer , mais les conferver
l'inftruction des fideles , fur - tout des pour
ignorans.
829.
(f) Le huitieme Concile de Paris fut
ouvert le 6 de Juin de l'an 829 dans l'églife
de S. Etienne le vieux , qui étoit à
côté de la cathédrale, auquel affifterent 25
Evêques. Les actes de ce Concile font divifés
en trois livres : Le premier contient
cinquante- quatre articles fur la dignité &
le devoir des Evêques & Paſteurs,
Le fecond en treize articles , traite des
principaux devoirs . des Rois. Le troifiéme
( e ) Concil. to. 7. p. 1648. (f ) Conc.to: 731
p. 1598.
OCTOBRE . 1755. 149
compofé de vingt- fept articles , traite des
conciles & des écoles publiques . On y fit
auffi un réglement pour le partage des
biens eccléfiaftiques
.
(g ) Inftitution d'un chapitre de Chanoines
de l'églife de Paris. On fait pour eux
une régle par ordre du Roi .
Partage des biens de l'Abbaye S. Germain
des Prez , entre l'Abbé & les Moines
, par Hilduin Archichapelain du
palais de l'Empereur , & Abbé de Saint
Germain .
830 & inclufivement 839. •
L'Empereur fe fentant infirme , fait un
nouveau partage entre fes enfans . Paris
avec toute la France occidentale , tombe
à Charles.
840.
Louis I , dit le Débonnaire , meurt dans
une ifle du Rhin , près de Mayence, le 23
Juin 840 , après quarante jours de mala-
-die. Charles II , dit le Chauve , lui fuc-
- cede.
Charles II.
La ville de Paris devient le centre des
guerres civiles. Lothaire frere du Roi ,
paroît fur la Seine avec une puiffante armée.
Gerard , Comte de Paris , va au-de-
(g) Hift. eccl Par . to . 2. p. 561.
C iij
150 MERCURE DE FRANCE.
vant de lui au mépris de l'autorité royale .
Charles ayant appris cette nouvelle , remonte
la Seine , de Rouen à Paris , avec
trente -huit barques chargées de troupes ,
& défait Gerard , Comte de Paris , qui
vouloit s'opposer à fon paffage.
841-2-3 & 4
Charles- le - Chauve va faire fa priere à
S. Germain des Prez , d'où il part incon
tinent pour aller à Troyes , delà à Châlonsfur-
Saone , où ayant reçu un renfort de
troupes il gagne avec Louis de Baviere
für Lothaire & Pepin fon neveu , la
fameufe bataille de Fontenai , un famedi
25 Juin 841 .
(b ) La nouvelle en parvient jufqu'à
Paris , & le peuple croit le Roi Charles.
mort. Pour détromper les Parifiens & foumettre
le Comte Gerard , il vient lui-même
à Paris , & delà fe rend à l'affemblée
de Langres. Il revient à Paris joindre Louis
de Baviere fon frere avec fes troupes. Lothaire
en eft inftruit , & arrive à S. Denis
avec une puiffante armée. D'un autre
côté Charles-le - Chauve campe à S. Cloud .
Les pluies furviennent ; on parle d'accomdement
fans rien conclure . L'hyver fépare
les deux armées . Lothaire fe retire à Sens,
(b ) Nit. to. 3,
OCTOBRE. 1755 . 151
.
& défole tous les environs. Charles quitte
Paris , & va à Châlons fur- Saône.
845-6 & 7.
Les Normans entrés en France ( i ) depuis
environ quatre ans à la faveur des
guerres civiles , remontent la Seine avec
fix vingts bâtimens , s'approchent de Paris
& y entrent fans réfiftance . Les Parifiens à
leur arrivée abandonnent la ville , & les
Religieux leurs monafteres ; chargés des
reliques qu'ils poffedoient , ils vont chercher
un afyle dans les villes voifines.
Charles accourt pour fecourir Paris. Il
arrive à S. Denis , où les chefs des Normans
vont le trouver. La paix y eft conclue
au moyen d'une fomme de 7000 livres
qu'on leur donne. Ils quittent Paris , &
emportent avec eux un riche butin. Les
Religieux de Saint Germain rapportent le
corps de ce Saint , & le dépofent fur l'autel
de l'Abbaye S. Vincent.
Nouveau Concile ( k ) tenu à Paris le
14 Février 846.
Ebbon , Archevêque de Reims , déposé
depuis quelques années , y eft cité , ne
comparoît pas , & fa dépofition eft confirmée.
(i ) Chron. Fontenel , apud Duch. tom. 2. p .
388. ( k ) Concil . to . 7. p . 1812 .
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
848 & inclufivement 860.
Autre Concile ( 1 ) tenu à Paris au mois
de Novembre 848 , compofé de vingtdeux
Evêques.
Les Normans entrent dans Paris pour
la feconde fois , & y mettent le feu . L'incendie
fut fi général , que toute la ville
fut réduite en cendres , les églifes même
ne furent pas épargnées ; il n'y eut que
S. Etienne (m ) , aujourd'hui Notre Dame ,
& S. Germain des Prez qui furent confervées
, parce que les Moines les racheterent
à force d'argent.
Un de leurs partis revient à la charge ,
& pille l'Abbaye S. Germain des Prez . Les
Religieux effrayés fe fauvent, quelques- uns
font tués avec plufieurs domeftiques. Les
Normans mettent le feu au monaftere.
Les Normans (n) continuent leurs courfes
, & enlevent le Chancelier , Louis , Abbé
de S. Denis , & Gozlin fon frere Abbé
de S. Germain des Prez. Il en coute des
fommes confidérables pour les racheter.
861-2-3 & 4
Nouvelle irruption des Normans dans
Paris. Ils brûlent l'églife S. Germain des
( 1 ) Duch. to . 2. pag . 388. ( m ) Geſta Normand.
Duch . to. 2. pag. 525. ( n ) Mabill , ann,
Bened. 1. 25. n°. 33•
OCTOBRE.
1755. 153
Prez qu'ils avoient jufqu'alors refpectée .
Charles les pourfuit , & les défait enfin
près de Meaux . Cette victoire rend la tranquillité
à Paris .
Pour ( o ) arrêter les incurfions des Normans
, Charles le Chauve fait conftruire
-un grand pont , & le foumet à la jurifdiction
de l'Evêque de Paris ; c'eft aujour
d'hui le pont au Change.
Le corps de S. Germain eft rapporté à
Paris , & dépofé dans la chapelle S. Sym-
-phorien , lieu de fa premiere fépulture.
865-6-7 & 8.
Par une chartre du Roi Charles ( p ) , du
22 Avril 867 , il donne à l'églife de Notre
Dame l'ifle de Notre Dame , aujourd'hui
appellée de S. Louis , qui lui avoit été
ufurpée par les Comtes de Paris .
869 & 70.
L'églife de S. Germain des Prez ruinée
par les Normans eft entierement réparée ,
& le corps de ce Saint y eft tranfporté avec
beaucoup de pompe. Charles le Chauve ,
la Reine Richilde & S. Ingelrin affiftent à
cette cérémonie .
(e ) Baluz. opp, ad capitul. p. 1491 , ex parvo
cartul. ecclefiæ Parif. ( P ) Hift . ecclef. Parif.
to. 1. p. 46.1 . 1. 2, n. 34.
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
C
871 & inclufivement 877 .
Le Roi donne l'Abbaye de S. Eloi ( q )
en propriété à l'Evêque de Paris & à fon
églife , aux conditions portées dans la donation.
Nouveau partage des biens ( r ) de l'abbaye
S. Germain des Prez , entre l'Abbé
& les Religieux .
Les Normans reparoiffent aux environs
de Paris , entrent dans S. Denis , dont les
Religieux étoient fortis ; mais ils n'y font
aucun mal , parce que le Roi traita avec
eux , & les renvoya en leur donnant une
fomme d'argent.
Le Pape envoie des Légats à Charles le
Chauve , pour le folliciter de fecourir
Rome contre les Sarrafins. Charles part
pour l'Italie , & laiffe l'adminiftration du
royaume à fon fils Louis , déja âgé de plus
de trente- trois ans . Il lui recommande de
faire continuer les fortifications ( ſ) de
Paris , de S. Denis , & autres néceffaires
pour arrêter les incurfions des Normans.
Inftitution de la foire du Landi . Charles
le Chauve ( 1 ) meurt ; & Louis II , dit le
Begue , lui fuccede .
( q ) Baluz. opp. ad capit . p. 149 .
(7 ) Debouil. hift . de l'Abb . S. Germ. des Prez,
P. 46. n°. 22. (S) Ann. Bened. (1) Chron. Nang.
OCTOBRE. 1755- 755
Louis II , dit le Begue.
878 & inclufivement 884 .
Louis ( u ) confirme la donation de
l'abbaye de S. Eloi faite par
fon l'Evêque
de Paris
& à fon
églife
.
pere
a
Mort de Louis II ; Louis III & Carloman
lui fuccedent.
Tranflation du corps de S. Meri ( x)
dans l'églife de fon nom , le 29 Août
$ 84 . Tout le Clergé de Paris affifta à cette
cérémonie.
Louis 111 , & Carloman .
Hildebrand , Evêque de Séez , fe réfugie
à Paris avec partie de fon Clergé. Le
Roi (y ) lui donne l'hermitage de Notre-
Dame des Bois , fitué dans une forêt près
Paris . Il y fait tranfporter les Reliques de
Sainte Opportune , Abbeffe d'Almenefche.
Elles font d'abord dépofées dans la
maifon d'un particulier ; mais la dévotion
des fideles la convertit bientôt en une églife
collégiale , où partie de fes reliques
font confervées .
Fondation de l'Hôpital Sainte Catheri
ne , rue St Denis .
(u) Baluz. opp . ad cap. p. 1501. ( x ) Hift . eccl.
Par. to. 1. p. 502. ( y ) Goffet , vie de Sainte Opportune
, fec. 3. Benedict . part. 2. pag. 220, hift.
ecel. to. 1. p. 514. ·
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Louis III meurt fans enfans. Carloman
le fuit de près.
Charles le Gras.
Charles le Gras Empereur leur fuccede ,
& donne le Gouvernement de Paris à Eudes
Comte de Paris , & à Gozlin Evêque
de la même ville .
$ 85.
Sigefroi , l'un des Rois Normans , fe
montre devant Paris avec une armée de
quarante mille hommes (z ) , & une flotte
compofée de fept cens voiles , fans y comprendre
les petites barques . Il entre dans
Paris avec une eſcorte , va trouver l'Evêque
Gozlin , & lui demande le paffage à travers
la ville , lui promettant de ne rien
entreprendre contre les habitans. L'Evêque
le refufe. Sigefroi infifte , & irrité
de fa réfiftance menace de faccager Paris.
En effet il vient l'attaquer le lendemain .
Eudes & Robert qui furent depuis Rois
de France , défendoient la ville . L'attaque
commença au Pont- an- Change , appellé
alors le grand Pont. Les alliégés firent une
fortie , & reponfferent les ennemis. La nuit
furvint , & fervit à réparer les pertes du
jour. Les Parifiens rehaufferent la tour du
pont de plufieurs étages en bois , pour y
( z Abb, de bello Par. 1. 1 .
OCTOBRE . 1755. 157
placer plus de foldats pour la défendre .
Le lendemain l'attaque recommença.Les
Normans parvinrent même, malgré l'huile
bouillante qu'on leur jettoit du haut de la
tour , à faire une bréche , mais ils furent
répouffés pour la feconde fois , avec perte
de trois cens hommes.
Sigefroi furpris de tant de réfiftance ,
emploie deux mois à fortifier fon camp
placé autour de St Germain - l'Auxerrois.
Il fait ravager avec des cruautés inouies
pendant tout ce tems -là les environs de
Paris.
886.
Pendant que tout cédoit à l'impétuofité
des Normans ( a ) , la feule ville de Paris
leur réfiftoit. Expofés à une nouvelle attaque
mieux conçue & foutenue avec plus
de force que les autres , les Parifiens fe
défendirent avec une valeur extraordinaire.
Les Normans irrités forment un nouveau
fiége ; ils partagent leurs forces , &
attaquent le pont & la tour en même
tems.
Toutes les machines de guerre font mifes
en ufage . Ils font pleuvoir une grêle
de pierres & de fléches , mais rien ne ralentit
l'ardeur des Parifiens .
( a ) Frod. 1. 4.
35S MERCURE DE FRANCE.
1
Le Comte Eudes & Robert fon frere fe
multiplient pour fa défenfe. En vain trois
mille Normans attaquent- ils la tour , leurs
efforts font inutiles , ils font contraints de
fe retirer avec perte.
Ils reviennent le lendemain à la charge
, battent la tour avec des beliers , ont
la cruauté d'égorger les prifonniers pour
combler les foffés ; mais voyant leurs tentatives
inutiles , ils rempliffent trois bateaux
de matieres combuſtibles , & les approchent
de la tour & du pont qui n'étoit
que de bois. Les Parifiens effrayés ont
recours aux reliques de St Germain , &.
par l'interceffion de ce Saint , les barques
déja enflammées donnent contre une pile
du pont , & font coulées à fond.
Les Normans rébutés fe retirent le 1
3.1
Janvier 886 , & fe contentent de tenir la
place bloquée. Quelques uns entrent dans
St Germain , en profanent l'églife , & font
punis de Dieu par une mort fubite .
Le 6 Février la Seine déborde , & l'impétuofité
( b ) des eaux renverfe le petit
pont. Les normans tentent de profiter de
cette occafion pour fe faifir de la tour défendue
par douze hommes feulement. Ces
derniers font une vigoureufe réfiftance :
(b ) Chron. S. Vedaſti.
OCTOBRE . 1755. 159
en vain les Normans leur crient- ils de fe
rendre , une défenſe opiniâtre eft leur réponfe.
On les preffe de nouveau , & on
leur promet la vie. Réduits à l'extrêmité
ils fe foumettent fur la parole des Normans
; mais ces Barbares fans refpect pour
d'auffi braves foldats , fauffent leur parole
, & les égorgent tous à l'exception d'un
feul nommé Ervé , qu'ils conferverent à
caufe de fa bonne mine.
La ville demeure bloquée , & les Normans
donnent de nouveaux affauts . L'Empereur
envoie Henri , Duc de Saxe , (c) au
fecours des Parifiens , les Normans reçoivent
un échec dans leur camp.
Eudes , Comte de Paris , fait une fortie
qui manque à lui coûter la vie , mais fa valeur
& celle de fes gens le fauvent. Il ren
tre dans Paris , & Sigefroi admire fon courage
, vent perfuader aux Normans de
lever le fiége , ils le refufent , donnent un
nouvel affaut à la ville , & font repouffés
avec perte de deux de leurs Rois . Sigefroi
fe mocque d'eux , accepte une fomme de
foixante livres d'argent que Gozlin , évêque
de Paris , lui donne , & fe retire . Gozlin
meurt quelques jours après.
Les Normans qui ne fuivirent pas Sigefroid
, continuent le fiege , la ville fe trou-
(c) Abb. 1. 2. Chron. S. Vedafti.
160 MERCURE DE FRANCE.
ve réduite à l'extrêmité : affiégée au-dehors
, la pefte ravageoit le dedans . Les Parifiens
ont recours aux prieres publiques ;
on fait des proceffions , & la châffe de
S. Germain eft portée dans les rues .
D'un autre côté , le Comte Eudes va
demander du fecours au Roi Charles , Empereur.
L'Abbé Eblé commande en fon
abfence ( d ) , & fait des forties glorieufes.
Le Comte Eudes revient avec trois
corps de cavalerie ; il paroît fur la montagne
de Mars ou Montmartre. Les ennemis
veulent s'opposer à fon paffage , ils font
-repouffés , & le Comte entre dans Paris .
la
( e ) Henti , Duc de Saxe , vient pour
feconde fois au fecours des Parifiens , eft
attiré au combat par les Normans , & périt
miférablement dans un piége qu'ils lui
avoient tendu ; après la mort , fes troupes
ne fongerent plus qu'à la retraite.
Les Normans fiers de cet avantage ,
donnent un affauit général à la ville , les
Parifiens effrayés , courent à la défenſe , on
porte le corps de fainte Génevieve à la
pointe de l'Ile derriere Notre - Dame , &
la victoire fe déclare pour les affiégés ; il
n'en eft pas de même des autres attaques ,
les Normans ont partout l'avantage ; la
terreur commence à fe répandre dans la
(d) Chron. S. Tedafti. ( ) Abb. Ann. met,
OCTOBR E. 1755. 161
ville , la confternation devient générale ,
le clergé & le peuple reclament la protection
de S. Germain . On apporte fon corps ,
& fa feule préfence ranime les Parifiens ,
donne de la terreur aux ennemis , & la
victoire n'eft plus douteufe , les affiégeans
font partout repouffés , ils mettent le feu à
la tour & fe retirent .
L'Empereur vient au fecours de Paris
& fait un traité honteux avec les Normans
auxquels il accorde le paffage de la
Seine , & fept cens livres d'argent : il fe
retire enfuite en Allemagne.
887 & $ 3 .
Les Normans reparoiffent devant Paris,
l'Abbé Eblé les attaque vigoureufement ,
leur tue cinq cens hommes , & les force
de fe retirer.
Charles le Begue , Roi de France & Empereur
, meurt , & Eudes , Comte de Paris
, eft proclamé Roi dans l'affemblée de
Compiegne.
Endes
Les Normans honteux- d'avoir levé le
fiége de Paris , après avoir été deux ans
devant cette place , reparoiffent aux environs.
Le Roi Eudes , fecondé de l'Evêque
Anſchrie , fucceffeur du brave Gozlin , bat
162 MERCURE DE FRANCE.
N
les Normans , en fait plufieurs prifonniers,
& les renvoie enfuite fur leur parole .
Anfchrie défait fix cens Normans &
rentre triomphant dans Paris.
Le Roi Eudes gagne une victoire fignalée
fur les Normans le jour de la faint Jean
de l'an 888 , près du Montfaucon , petite
butte à préfent à un quart de lieue de
Paris .
889 inclufivement 891 .
La ville de Paris eft encore affiégée
deux fois en 889. Les Parifiens fe défendent
avec valeur & les Normans fe retirent .
(f)Les Parifiens qui avoient eu feuls l'avantage
de réfifter aux Normans , en attribuent
toute la gloire à fainte Génevieve &
à faint Germain : ils rapportent leurs reliques
dans leurs églifes à l'exception d'un
bras de faint Germain qui fut laiffé à faint
Germain le vieux au Marché- neuf , en reconnoiffance
de l'hofpitalité accordée à ſes
reliques pendant le fiége.
892 & inclufiv. 897.
L'Abbé Eblé , grand Chancelier du Roi ,
qui avoit défendu la ville de Paris avec
tant de valeur , meurt le 10 Octobre 886 .
(f) Chron. S. Vedaftis
OCTOBRE. 1755. 163
898.
Le Roi Eudes quitte la Neuftrie , revient
à Paris où il fait fon féjour ordinaire , fait
un voyage à la Fere fur Oife , & y meurt
le 13 Janvier 898. âgé de quarante ans .
Charles le fimple , déja proclamé Roi en
893 , lui fuccede.
La fuite de cette Hiftoire pour le mois prochain.
Suite de l'abrégé hiftorique de la ville de
Paris ; par M. Poncet de la Grave , Avo- .
cat au Parlement .
CH
SOUVERAIN S.
Interregne.
593-4-5
& 6.
Hildebert II , Roi d'Auftrafie , fe
rend maître de Paris , & des autres
villes qui avoient appartenues au ( a ) Roi
Sigebert fon pere ; mais il ne jouit pas
long - tems de fes conquêtes. Une mort
précipitée l'enleve à la fleur de fon âge.
Frédégonde fe rend à ſon tour maîtreffe
de Paris , (b ) brûle & faccage tout ce qui
fe trouve fur fon paffage ; fait marcher
des troupes contre Théodebert , Roi d'Auftrafie
, & Thieri Roi de Bourgogne , en-
16.
( a ) Frédegon. chronol. c. 14. ( b ) Idem , c.
134 MERCURE DE FRANCE.
core jeunes. La bataille s'engage en préfence
des trois Rois. (c ) Clothaire demeure
victorieux , & s'affermit fur le thrône de
Paris.
Ordonnance de Childebert concernant
le Guet à pied , qui rend refponfables les.
foldats des vols ou affaffinats faits dans le
quartier où ils font de garde , & qui fait
un réglement à ce fujet. 11 feroit à fou--
haiter que cette ( d ) Ordonnance fut actuellement
en vigueur.
Respectivement à Paris.
597 & 8:
La Reine Frédegonde au plus haut point
de fes profpérités , meurt à Paris , & fon:
corps eft inhumé dans l'Eglife de S. Vincent
à côté de celui du Roi Chilperic font
mari on voit encore fon tombeau dans
S. Germain des Prez , monument de la reconnoiffance
de Clothaire II fon fils .
Interregne.
5.99 & 603.
Les affaires de Clothaire changent de
face. Il eft attaqué par Théodebert , &
Thieri unis enfemble près d'un village ,
nommé Ormeille en Gatinois. Il perd la
bataille ( e ) , fe réfugie dans Paris , en eſt
(c ) Idem. c. 17. ( d ) Capit. Reg. Fr. to . 1. p.
20. Hift. de l'Apolog, to , 1. pag . 236. ( e ) Geſt
Reg. Fr. c. 37.
OCTOBRE. 1755 133
chaffe par les vainqueurs , & forcé de demander
la paix , qui ne lui fut accordée
qu'en perdant une partie de fes Etats.
604 & 612.
Clothaire (f) voulant réparer fes pertes,
met deux armées fur pied , donne le commandement
de l'une à Landri , Maire du
Palais , & marche à la tête de l'autre..
Landri eft battu près d'Etampes par Thieri
, qui rentre victorieux dans Paris ; &
Clothaire obligé de prendre la fuite , de
mande la paix pour la feconde fois.
Clothaire II.
613 & 14.
Clothaire réunit dans fa perfonne toute
la Monarchie Françoife..
615-16 & 17
Sixiéme ( g ) Concile de Paris , compo
fé d'Evêques & de Seigneurs. Il s'en eft
tenu fouvent de pareils depuis Charlelemagne
& les Rois fuivans , où l'on fit
des Ordonnances pour tout le royaume ,
qui portent le nom de Capitulaires , comme
ayant été faites dans les affemblées de.
la nation.
618 & 21 .
(b ) La Reine Gertrude meurt' , & eft
enterrée dans l'Abbaye S. Vincent , aujourd'hui
S. Germain des Prez..
(f)Fredeg. c. 26. ( g ) Conc. to . 5. p. 1649″
( b) Fredeg. c. 46.
136 MERCURE DE FRANCE.
622 & 27.
Clothaire fait fa réfidence ordinaire à
Paris.
628 & 29.
Il meurt âgé de 45 ans , & eft enterré à
Paris dans l'Eglife S. Germain des Prez.
Dagobert I.
Dagobert , Roi d'Auftrafie, lui fuccede,
fixe fon féjour à Paris , s'abandonne à toutes
fortes d'excès , pille le bien de fes fujets,
& ne refpecte même pas les chofes faintes.
Pour racheter en quelque façon fes pechés
, il fonde de nouveau , & dote la célébre
Abbaye de S. Denis.
630 & 37.
S. Eloi , depuis Evêque de Paris , Garde
des Sceaux , engage Judicaël , Prince des
Bretons , à faire au ( i ) Roi fatisfaction
des courfes qu'il avoit faites fur les frontieres
, & à le reconnoître pour fon Seigneur.
638-39-40 & 5o.
Fondation d'un couvent de Filles par S.
Eloi , dont St Aure eft la premiere Abbeffe.
( k) Le circuit de cet ancien monaftere ,
autrefois entouré de murailles , s'appelle
(i ) Préf. Henault , pag. 25. ( k ) Curiof. & antiq.
fr. 35.
OCTOBRE. 1755. 137
encore aujourd'hui la ceinture de S. Elci ,
& comprend les rues de la Cité , où font à
préfent Ste Croix , S. Pierre des Arcis &
S. Martial.
S. Eloi ( 1 ) fonde l'Eglife de S. Paul ,
autrefois appellée des Champs , & S. Martial
dans la Cité fait chaffer de Paris un
Apoftat qui féduifoit le peuple , & bannir
de France un autre fourbe , qui fe difoit
Evêque.
Paris fouffre un incendie confidérable ,
qui confume la plupart des maifons.
Dagobert malade à Epinai -fur- Seine ,
fe fait tranfporter à S. Denis , pour implo
rer la protection de ce faint martyr ; ( m ) il
y meurt quelques jours après , âgé de 36
ans , & y eft enterré. On célébre tous les
ans l'anniverfaire de fa mort à S. Denis ,
le 19 Janvier.
Clovis II.
Clovis II. monte fur le thrône , & fait
fa réfidence ordinaire à Paris.
Les Maires du Palais abforbent l'autorité
royale.
651 & 59.
La famine qui défoloit tout le Royaume
, fe fait fentir dans la capitale. Il pa-
( 1) Vita Sancti Eligii , 1. 1. c. 13. ( m ) Free
deg. chron. c . 79.
738 MERCURE DE FRANCE.
roit qu'elle fut extrême , puifque pour fub
venir aux befoins des pauvres , le Roi fut
obligé de dépouiller le tombeau de S. Denis
des richeſſes dont ( n ) Dagobert l'avoit
enrichi S. Landri , alors Evêque de Paris
, vendit fa vaiffelle & fes meubles pour
foulager la mifere publique. Les vaſes facrés
ne furent même pas épargnés.
Fondation ( o ) de l'Hôtel-Dieu par S.
Landri. Erchinoald , Maire & Comte de
Paris , donna le terrein fur lequel il eft
bâti , & contribua à ſon établiſſement par
d'autres largeffes.
S. Landri meurt , (p) & eft enterré dans
l'Eglife S. Germain- l'Auxerrois .
Clothaire III.
660 & 65.
Clovis II . meurt la dix- neuvième année
de fon regne , & la vingt- troifiéme de fon
âge. Il eft inhumé à S. Denis.
Clothaire III . commence à regner fous
la Régence de Baltilde fa mere. Le Confeil
eft compofé de S. Ouen , de S. Eloi ,
& de quelques autres Evêques.
Abolition d'un tribut par tête , qui réduifoit
fouvent les chefs d'une nombreuſe
famille au défefpoir.
( n ) Dubois , Hift . Eccl . Par. tom. 1. p . 179.
(o ) Le Maire , Par. anc. & nouv. to . 3. pag. 127.
(p ) Malingue..
OCTOBRE. 1755. 139
Baltilde fe retire dans le Monaftere de
Chelles qu'elle avoit fondé , & laiffe le
royaume , & le Roi âgé de quatorze ans ,
à la merci d'Ebroin , Maire du Palais , dont
elle avoit jufques- là réprimé les violences.
665-6-7 & 8.'\
Sigobrand , Evêque de Paris , maffacré
par les Grands , malgré les défenfes de la
Reine.
Elle meurt à Chelles vers l'an 680 , Le
30 Janvier.
La peſte ( q ) dépeuple une partie de
la ville de Paris , & la contagion fe fair
fentir jufques dans les maifons religieufes.
Clothaire III. meurt , & Thieri fon
frere lui fuccéde par les foins d'Ebroin
Maire du Palais ; mais la haine qu'on
avoit pour ce Miniftre , réjaillit fur le
Roi même , & Thieri eft enfermé dans
l'Abbaye de S. Denis ..
Childeric II.
669 & 680 .
Childeric II. fe voit maître de toute la
France par la mort de Clothaire III , &
par la retraite forcée de Thieri.
Il eſt maffacré avec la Reine Blichilde
& Dagobert fon fils , dans la forêt de Li-
( 2 ) Vita S. Eligiil. z .
140 MERCURE DE FRANCE.
vri par Bodille. Il eft enterré dans l'églife
de S. Germain des Prez , où l'on voit encore
fon tombeau .
Thieri I.
Thieri fort de l'Abbaye S. Denis , &
commence à regner. Ebroin , le même qui
avoit été Maire du Palais fous Clothaire
III , contraint par les armes Thieri à le
recevoir de nouveau pour fon Maire du
Palais.
681 & 90.
Ebrouin eft tué d'un coup d'épée un
Dimanche matin avant le jour , lorſqu'il
alloit à Matines , felon l'ufage de ce temslà.
A Ebrouin fuccede Warathon , qui eft
Maire du Palais , de Neuftrie & de Bourgogne.
Pepin le fut de l'Auftrafie , s'en fit
nommer Duc & Gouverneur.
La difcorde s'allume entre les deux Maires
, & les François mécontens ſe retirent
en Auftrafie Berthier fuccede à Warathon,
& époufe fa haine contre Pepin. Ce dernier
leve des troupes , & s'avance vers
Péronne. Berthier va au- devant de lui avec
le Roi Thieri . On en vient aux mains , &
Thieri vaincu fe retire à la hâte dans Paris
. Pepin s'avance vers cette capitale , rue
Berthier échappé au carnage , fait le frége
i
OCTOBRE. 1755 . 141
de Paris , s'en rend le maître , s'empare
de la perfonne de Thieri & de tous fes
thréfors ; il lui laiffe le nom de Roi , &
fous celui de Maire du Palais, a toute l'autorité
, rend la paix à la France , & fait
fleurir le commerce.
691 & 710.
Thieri meurt , âgé de trente- neuf ans ,
après en avoir regné dix - fept. ( r ) Sa mort
ne fait pas plus de bruit que celle d'un particulier.
Un Seigneur , nommé Vandemir , fait
de grandes largeffes à plufieurs églifes de
Paris , de concert avec fa femme Ercamberte.
Clovis 111.
Clovis III fuccede à Thieri , & Pepin
continue de regner fous le nom de ce Roi .
S. Meri où Mederic vient à Paris , fe
loge dans un Monaftere contigu à la Chapelle
de S. Pierre. (f) Il y meurt le 29
Août. Deux ans & neuf mois après il eft
enterré dans la Chapelle voifine , connue
aujourd'hui fous le nom de S. Meri , égliſe
paroiffiale & collégiale foumise à la Jurifdiction
du chapitre de Notre Dame.
Son corps eft levé de terre pour la
pre-
(r ) Pref. Henault. (S) Inventaire du thréfor.
Hift. eccl. par. to. 1. p. 579.
142 MERCURE DE FRANCE.
miere fois en 884 , par Gozlin , Evêque de
Paris. Il eft confervé dans une magnifique
châffe , élevée fur le maître autel' , par les
foins de M. l'Abbé Artaud , Curé actuel ,
dont la piété & le zéle pour la maifon du
Seigneur font connus de tout le monde.
L'églife qui fubfifte , fut fondée fous
François I. On voit au milieu du choeur
cette infcription.
Hic jacet bone memoria Odo Falconarius ,
fundator bujus Ecclefia . ( t )
On conferve dans la même églife le
corps de S. Frou , difciple de S. Meri .
Clovis III meurt , après cinq ans de
regne.
Childebert 11.
711-12-13 & 14.
Childebert II , frere de Clovis III ,
monte fur le thrône. Pepin continue de
regner , & fait fon fils aîné , Duc de Bourgogne
, & fon cadet Maire du Palais.
Dagobert II.
Childebert meurt. Dagobert II lui fuc-
'cede. Pepin qui a toujours toute l'autorité
, fait fon petit- fils Théodebalde Maire
du Palais.
(6) Du Breuil , antiq. 1. 3.
OCTOBRE . 1755 143
714.
Pepin meurt après avoir joui de toute
l'autorité fous quatre Rois , qui n'eurent
qu'un vain nom. ( ) Ces Princes au reſte
ne demeurerent guere à Paris. Les maiſons
de plaifance qu'ils avoient aux environs ,
furent leur féjour ordinaire .
La mere de Théodebalde , Maire du Pa
lais , ambitionne le commandement , &
fait arrêter Charles Martel , fils naturel de
Pepin. Le peuple fe révolte contre le gouvernement
injufte de cette femme ; Théodebalde
ſe ſauve , & Rainfroi le remplace.
Charles Martel s'évade de la prifon dans
laquelle il étoit retenu , va en Neuftrie ,
& en eft reconnu Duc.
Chilperic II.
715 & 20.
Dagobert II meurt . Daniel fils de Childeric
II lui fuccede fous le nom de Chilperic
II.
Il
Clothaire IV.
porte la guerre en Auftrafie , eft dé-'
fait par Charles Martel , & fe réfugie dans
Paris. Il tente une feconde fois de s'oppofer
aux entrepriſes de ce Duc , lui livre
une bataille près de Soiffons , & la perd ; il
(# ) Geft. Reg. Fr. cap. 49.
144 MERCURE DE FRANCE.
rentre dans Paris, enleve tous les thréfors
& fe réfugie en Aquitaine. Charles Martel
arrive à Paris avec un Roi poftiche , qu'il
fait nommer ( x ) Clothaire , & qui mourut
la même année . On rappelle Chilperic
, qui mourut deux ans après.
Thieri 11.
721 & 36.
Thieri II , dit de Chelles , monte fur le
thrône , & Charles Martel , Maire du Palais
, a toute l'autorité . ( y ) Ce dernier fejourne
peu à Paris , toujours en courfe
contre les ennemis de l'Etat ; il n'y revient
qu'en 732 , chargé de riches dépouilles
prifes fur les Sarrafins. Thieri meurt , & fa
mort eft fuivie d'un interregne de dix-fept
ans.
Interregne.
737 & 41.
Charles Martel va à l'Abbaye S. Denis,
revient enfuite à Paris , & partage le royaume
de France entre fes deux fils Carloman
& Pepin , fe fait enfuite tranfporter à
Quierci-fur-Oife où il meurt le 22 Octobre
741. Il fut enterré à S. Denis , dans le
tombeau des Rois , quoiqu'il n'en eût jamais
porté le titre.
(x ) Geft. Reg. Fr. ( y ) Geft. Reg. Fr. cap. ult.
annal Fuld. &c.
742.
OCTOBRE. 1755. 145
742 .
Carloman & Pepin unis gouvernent le
Toyaume , pacifient les défordres , affemblent
des Conciles ( z ) , & font plufieurs
réglemens pour la réformation des moeurs.
Childeric III.
743.4 & 5.
Pepin croit qu'il eft plus avantageux de
faire ceffer l'interregne ; il fait proclamer
Roi Childeric III dans la Neuftrie , la
Bourgogne , & la Provence. Carloman
gouverne l'Auftrafie .
746-7-8 & 9 .
Carloman quitte le gouvernement de
l'Auftrafie , & fe retire à Rome , où il embraffe
la vie religieufe. Pepin devient feul
maître en France.
750.
Childeric III eſt détrôné , rafé & enfermé
dans un monaftere .
Pepin le Bref. Seconde race.
751-2 & 3.
Pepin fils de Charles Martel , eſt proclamé
Roi de France. Ce changement ne
cauſe aucun trouble à Paris , parce que le
peuple accoutumé à fon gouvernement
( z ) Concil . to. 1. p . 1534-37 & 52.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
fon Prin- n'avoit aucun attachement pource
légitime .
754-5-6 & 7.
Tranflation du corps de S. Germain , le
25 Juillet 754 , par Lanfroi , Abbé de S.
Vincent. Pepin affifte à la cérémonie avec
fes deux fils , un grand nombre d'Evêques
& Seigneurs. On peut fixer à cette époque
le changement du nom de cette Abbaye
dite de S. Vincent en celui de S. Ger-
'main des Prez.
758 & 769 .
( a ) Taffilon , Duc de Baviere , après
avoir fait ferment de fidelité au Roi à
Compiegne , vient le renouveller à Paris
fur le tombeau de S. Germain .
fe
( b ) Pepin tombe malade à Poitiers ,
fait tranfporter à Paris , & enfuite au tombeau
de S. Denis ; il partage la France entre
fes deux fils Charles & Carloman , &
meurt le 24 Septembre 768 , âgé de cinquante-
quatre ans.
Charlemagne.
Charles , dit Charlemagne , & Carloman
fon frere , partagent le Royaume.
Paris demeure à Charles.
,
770 , & inclufivement 778 .
La mort de Carloman rend Charlema-
( a ) Annal. not. ( b ) Hift. de S. Denis , p . 54
OCTOBRE . 1755 . 147
gne maître de toute la Monarchie Françoife.
Il vient rarement à Paris.
(c ) En 775 il affifte à la dédicace de
l'églife de l'Abbaye S. Denis .
779.
Charlemagne établit une école publique
à Paris dans fon propre Palais. Établiffement
qui lui mérita le furnom de reftaurateur
des Lettres en France .
800 .
Il vient à Paris au mois de Juillet , &
en part peu de jours après pour Aix- la-
Chapelle.
802 & inclufivement 812 .
Ordonnances ajoutées à la loi falique ,
publiées à Paris.
813.
( d) Ordonnance de l'an 813 , inférée
dans les capitulaires pour la fûreté des
Bourgeois de Paris pendant la nuit.
814 & inclufivement 823 .
Charlemagne meurt d'une pleuréfic le
28 Janvier 814 dans la foixante - onzieme
année de fon âge . Le Palais & le Châtelet
vaquent tous les ans ce jour- là.
(e ) Hift. de S. Denis , 1, 2. n. 10. ( d ) Capit
40. 2. pag. $ 14
Gij
148 MERCURE DE FRANCE:
Louis I.
Louis I lui fuccede , & confirme la Jurifdiction
de l'Evêque de Paris fur la terre
de Ste Marie dans l'Iffe , fur la rue S. Germain-
l'Auxerrois & autres , avec défenſe à
tous autres Officiers qu'à ceux de l'Evêque
, de lever ni cens ni droits dans l'étende
fa juriſdiction .
824-5-6-7 & 8 .
(e ) Septieme Concile de Paris , convoqué
par Louis I , pour délibérer concernant
le culte des images.
les
Il fut décidé qu'il ne falloit pas
brifer ni les adorer , mais les conferver
l'inftruction des fideles , fur - tout des pour
ignorans.
829.
(f) Le huitieme Concile de Paris fut
ouvert le 6 de Juin de l'an 829 dans l'églife
de S. Etienne le vieux , qui étoit à
côté de la cathédrale, auquel affifterent 25
Evêques. Les actes de ce Concile font divifés
en trois livres : Le premier contient
cinquante- quatre articles fur la dignité &
le devoir des Evêques & Paſteurs,
Le fecond en treize articles , traite des
principaux devoirs . des Rois. Le troifiéme
( e ) Concil. to. 7. p. 1648. (f ) Conc.to: 731
p. 1598.
OCTOBRE . 1755. 149
compofé de vingt- fept articles , traite des
conciles & des écoles publiques . On y fit
auffi un réglement pour le partage des
biens eccléfiaftiques
.
(g ) Inftitution d'un chapitre de Chanoines
de l'églife de Paris. On fait pour eux
une régle par ordre du Roi .
Partage des biens de l'Abbaye S. Germain
des Prez , entre l'Abbé & les Moines
, par Hilduin Archichapelain du
palais de l'Empereur , & Abbé de Saint
Germain .
830 & inclufivement 839. •
L'Empereur fe fentant infirme , fait un
nouveau partage entre fes enfans . Paris
avec toute la France occidentale , tombe
à Charles.
840.
Louis I , dit le Débonnaire , meurt dans
une ifle du Rhin , près de Mayence, le 23
Juin 840 , après quarante jours de mala-
-die. Charles II , dit le Chauve , lui fuc-
- cede.
Charles II.
La ville de Paris devient le centre des
guerres civiles. Lothaire frere du Roi ,
paroît fur la Seine avec une puiffante armée.
Gerard , Comte de Paris , va au-de-
(g) Hift. eccl Par . to . 2. p. 561.
C iij
150 MERCURE DE FRANCE.
vant de lui au mépris de l'autorité royale .
Charles ayant appris cette nouvelle , remonte
la Seine , de Rouen à Paris , avec
trente -huit barques chargées de troupes ,
& défait Gerard , Comte de Paris , qui
vouloit s'opposer à fon paffage.
841-2-3 & 4
Charles- le - Chauve va faire fa priere à
S. Germain des Prez , d'où il part incon
tinent pour aller à Troyes , delà à Châlonsfur-
Saone , où ayant reçu un renfort de
troupes il gagne avec Louis de Baviere
für Lothaire & Pepin fon neveu , la
fameufe bataille de Fontenai , un famedi
25 Juin 841 .
(b ) La nouvelle en parvient jufqu'à
Paris , & le peuple croit le Roi Charles.
mort. Pour détromper les Parifiens & foumettre
le Comte Gerard , il vient lui-même
à Paris , & delà fe rend à l'affemblée
de Langres. Il revient à Paris joindre Louis
de Baviere fon frere avec fes troupes. Lothaire
en eft inftruit , & arrive à S. Denis
avec une puiffante armée. D'un autre
côté Charles-le - Chauve campe à S. Cloud .
Les pluies furviennent ; on parle d'accomdement
fans rien conclure . L'hyver fépare
les deux armées . Lothaire fe retire à Sens,
(b ) Nit. to. 3,
OCTOBRE. 1755 . 151
.
& défole tous les environs. Charles quitte
Paris , & va à Châlons fur- Saône.
845-6 & 7.
Les Normans entrés en France ( i ) depuis
environ quatre ans à la faveur des
guerres civiles , remontent la Seine avec
fix vingts bâtimens , s'approchent de Paris
& y entrent fans réfiftance . Les Parifiens à
leur arrivée abandonnent la ville , & les
Religieux leurs monafteres ; chargés des
reliques qu'ils poffedoient , ils vont chercher
un afyle dans les villes voifines.
Charles accourt pour fecourir Paris. Il
arrive à S. Denis , où les chefs des Normans
vont le trouver. La paix y eft conclue
au moyen d'une fomme de 7000 livres
qu'on leur donne. Ils quittent Paris , &
emportent avec eux un riche butin. Les
Religieux de Saint Germain rapportent le
corps de ce Saint , & le dépofent fur l'autel
de l'Abbaye S. Vincent.
Nouveau Concile ( k ) tenu à Paris le
14 Février 846.
Ebbon , Archevêque de Reims , déposé
depuis quelques années , y eft cité , ne
comparoît pas , & fa dépofition eft confirmée.
(i ) Chron. Fontenel , apud Duch. tom. 2. p .
388. ( k ) Concil . to . 7. p . 1812 .
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
848 & inclufivement 860.
Autre Concile ( 1 ) tenu à Paris au mois
de Novembre 848 , compofé de vingtdeux
Evêques.
Les Normans entrent dans Paris pour
la feconde fois , & y mettent le feu . L'incendie
fut fi général , que toute la ville
fut réduite en cendres , les églifes même
ne furent pas épargnées ; il n'y eut que
S. Etienne (m ) , aujourd'hui Notre Dame ,
& S. Germain des Prez qui furent confervées
, parce que les Moines les racheterent
à force d'argent.
Un de leurs partis revient à la charge ,
& pille l'Abbaye S. Germain des Prez . Les
Religieux effrayés fe fauvent, quelques- uns
font tués avec plufieurs domeftiques. Les
Normans mettent le feu au monaftere.
Les Normans (n) continuent leurs courfes
, & enlevent le Chancelier , Louis , Abbé
de S. Denis , & Gozlin fon frere Abbé
de S. Germain des Prez. Il en coute des
fommes confidérables pour les racheter.
861-2-3 & 4
Nouvelle irruption des Normans dans
Paris. Ils brûlent l'églife S. Germain des
( 1 ) Duch. to . 2. pag . 388. ( m ) Geſta Normand.
Duch . to. 2. pag. 525. ( n ) Mabill , ann,
Bened. 1. 25. n°. 33•
OCTOBRE.
1755. 153
Prez qu'ils avoient jufqu'alors refpectée .
Charles les pourfuit , & les défait enfin
près de Meaux . Cette victoire rend la tranquillité
à Paris .
Pour ( o ) arrêter les incurfions des Normans
, Charles le Chauve fait conftruire
-un grand pont , & le foumet à la jurifdiction
de l'Evêque de Paris ; c'eft aujour
d'hui le pont au Change.
Le corps de S. Germain eft rapporté à
Paris , & dépofé dans la chapelle S. Sym-
-phorien , lieu de fa premiere fépulture.
865-6-7 & 8.
Par une chartre du Roi Charles ( p ) , du
22 Avril 867 , il donne à l'églife de Notre
Dame l'ifle de Notre Dame , aujourd'hui
appellée de S. Louis , qui lui avoit été
ufurpée par les Comtes de Paris .
869 & 70.
L'églife de S. Germain des Prez ruinée
par les Normans eft entierement réparée ,
& le corps de ce Saint y eft tranfporté avec
beaucoup de pompe. Charles le Chauve ,
la Reine Richilde & S. Ingelrin affiftent à
cette cérémonie .
(e ) Baluz. opp, ad capitul. p. 1491 , ex parvo
cartul. ecclefiæ Parif. ( P ) Hift . ecclef. Parif.
to. 1. p. 46.1 . 1. 2, n. 34.
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
C
871 & inclufivement 877 .
Le Roi donne l'Abbaye de S. Eloi ( q )
en propriété à l'Evêque de Paris & à fon
églife , aux conditions portées dans la donation.
Nouveau partage des biens ( r ) de l'abbaye
S. Germain des Prez , entre l'Abbé
& les Religieux .
Les Normans reparoiffent aux environs
de Paris , entrent dans S. Denis , dont les
Religieux étoient fortis ; mais ils n'y font
aucun mal , parce que le Roi traita avec
eux , & les renvoya en leur donnant une
fomme d'argent.
Le Pape envoie des Légats à Charles le
Chauve , pour le folliciter de fecourir
Rome contre les Sarrafins. Charles part
pour l'Italie , & laiffe l'adminiftration du
royaume à fon fils Louis , déja âgé de plus
de trente- trois ans . Il lui recommande de
faire continuer les fortifications ( ſ) de
Paris , de S. Denis , & autres néceffaires
pour arrêter les incurfions des Normans.
Inftitution de la foire du Landi . Charles
le Chauve ( 1 ) meurt ; & Louis II , dit le
Begue , lui fuccede .
( q ) Baluz. opp. ad capit . p. 149 .
(7 ) Debouil. hift . de l'Abb . S. Germ. des Prez,
P. 46. n°. 22. (S) Ann. Bened. (1) Chron. Nang.
OCTOBRE. 1755- 755
Louis II , dit le Begue.
878 & inclufivement 884 .
Louis ( u ) confirme la donation de
l'abbaye de S. Eloi faite par
fon l'Evêque
de Paris
& à fon
églife
.
pere
a
Mort de Louis II ; Louis III & Carloman
lui fuccedent.
Tranflation du corps de S. Meri ( x)
dans l'églife de fon nom , le 29 Août
$ 84 . Tout le Clergé de Paris affifta à cette
cérémonie.
Louis 111 , & Carloman .
Hildebrand , Evêque de Séez , fe réfugie
à Paris avec partie de fon Clergé. Le
Roi (y ) lui donne l'hermitage de Notre-
Dame des Bois , fitué dans une forêt près
Paris . Il y fait tranfporter les Reliques de
Sainte Opportune , Abbeffe d'Almenefche.
Elles font d'abord dépofées dans la
maifon d'un particulier ; mais la dévotion
des fideles la convertit bientôt en une églife
collégiale , où partie de fes reliques
font confervées .
Fondation de l'Hôpital Sainte Catheri
ne , rue St Denis .
(u) Baluz. opp . ad cap. p. 1501. ( x ) Hift . eccl.
Par. to. 1. p. 502. ( y ) Goffet , vie de Sainte Opportune
, fec. 3. Benedict . part. 2. pag. 220, hift.
ecel. to. 1. p. 514. ·
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Louis III meurt fans enfans. Carloman
le fuit de près.
Charles le Gras.
Charles le Gras Empereur leur fuccede ,
& donne le Gouvernement de Paris à Eudes
Comte de Paris , & à Gozlin Evêque
de la même ville .
$ 85.
Sigefroi , l'un des Rois Normans , fe
montre devant Paris avec une armée de
quarante mille hommes (z ) , & une flotte
compofée de fept cens voiles , fans y comprendre
les petites barques . Il entre dans
Paris avec une eſcorte , va trouver l'Evêque
Gozlin , & lui demande le paffage à travers
la ville , lui promettant de ne rien
entreprendre contre les habitans. L'Evêque
le refufe. Sigefroi infifte , & irrité
de fa réfiftance menace de faccager Paris.
En effet il vient l'attaquer le lendemain .
Eudes & Robert qui furent depuis Rois
de France , défendoient la ville . L'attaque
commença au Pont- an- Change , appellé
alors le grand Pont. Les alliégés firent une
fortie , & reponfferent les ennemis. La nuit
furvint , & fervit à réparer les pertes du
jour. Les Parifiens rehaufferent la tour du
pont de plufieurs étages en bois , pour y
( z Abb, de bello Par. 1. 1 .
OCTOBRE . 1755. 157
placer plus de foldats pour la défendre .
Le lendemain l'attaque recommença.Les
Normans parvinrent même, malgré l'huile
bouillante qu'on leur jettoit du haut de la
tour , à faire une bréche , mais ils furent
répouffés pour la feconde fois , avec perte
de trois cens hommes.
Sigefroi furpris de tant de réfiftance ,
emploie deux mois à fortifier fon camp
placé autour de St Germain - l'Auxerrois.
Il fait ravager avec des cruautés inouies
pendant tout ce tems -là les environs de
Paris.
886.
Pendant que tout cédoit à l'impétuofité
des Normans ( a ) , la feule ville de Paris
leur réfiftoit. Expofés à une nouvelle attaque
mieux conçue & foutenue avec plus
de force que les autres , les Parifiens fe
défendirent avec une valeur extraordinaire.
Les Normans irrités forment un nouveau
fiége ; ils partagent leurs forces , &
attaquent le pont & la tour en même
tems.
Toutes les machines de guerre font mifes
en ufage . Ils font pleuvoir une grêle
de pierres & de fléches , mais rien ne ralentit
l'ardeur des Parifiens .
( a ) Frod. 1. 4.
35S MERCURE DE FRANCE.
1
Le Comte Eudes & Robert fon frere fe
multiplient pour fa défenfe. En vain trois
mille Normans attaquent- ils la tour , leurs
efforts font inutiles , ils font contraints de
fe retirer avec perte.
Ils reviennent le lendemain à la charge
, battent la tour avec des beliers , ont
la cruauté d'égorger les prifonniers pour
combler les foffés ; mais voyant leurs tentatives
inutiles , ils rempliffent trois bateaux
de matieres combuſtibles , & les approchent
de la tour & du pont qui n'étoit
que de bois. Les Parifiens effrayés ont
recours aux reliques de St Germain , &.
par l'interceffion de ce Saint , les barques
déja enflammées donnent contre une pile
du pont , & font coulées à fond.
Les Normans rébutés fe retirent le 1
3.1
Janvier 886 , & fe contentent de tenir la
place bloquée. Quelques uns entrent dans
St Germain , en profanent l'églife , & font
punis de Dieu par une mort fubite .
Le 6 Février la Seine déborde , & l'impétuofité
( b ) des eaux renverfe le petit
pont. Les normans tentent de profiter de
cette occafion pour fe faifir de la tour défendue
par douze hommes feulement. Ces
derniers font une vigoureufe réfiftance :
(b ) Chron. S. Vedaſti.
OCTOBRE . 1755. 159
en vain les Normans leur crient- ils de fe
rendre , une défenſe opiniâtre eft leur réponfe.
On les preffe de nouveau , & on
leur promet la vie. Réduits à l'extrêmité
ils fe foumettent fur la parole des Normans
; mais ces Barbares fans refpect pour
d'auffi braves foldats , fauffent leur parole
, & les égorgent tous à l'exception d'un
feul nommé Ervé , qu'ils conferverent à
caufe de fa bonne mine.
La ville demeure bloquée , & les Normans
donnent de nouveaux affauts . L'Empereur
envoie Henri , Duc de Saxe , (c) au
fecours des Parifiens , les Normans reçoivent
un échec dans leur camp.
Eudes , Comte de Paris , fait une fortie
qui manque à lui coûter la vie , mais fa valeur
& celle de fes gens le fauvent. Il ren
tre dans Paris , & Sigefroi admire fon courage
, vent perfuader aux Normans de
lever le fiége , ils le refufent , donnent un
nouvel affaut à la ville , & font repouffés
avec perte de deux de leurs Rois . Sigefroi
fe mocque d'eux , accepte une fomme de
foixante livres d'argent que Gozlin , évêque
de Paris , lui donne , & fe retire . Gozlin
meurt quelques jours après.
Les Normans qui ne fuivirent pas Sigefroid
, continuent le fiege , la ville fe trou-
(c) Abb. 1. 2. Chron. S. Vedafti.
160 MERCURE DE FRANCE.
ve réduite à l'extrêmité : affiégée au-dehors
, la pefte ravageoit le dedans . Les Parifiens
ont recours aux prieres publiques ;
on fait des proceffions , & la châffe de
S. Germain eft portée dans les rues .
D'un autre côté , le Comte Eudes va
demander du fecours au Roi Charles , Empereur.
L'Abbé Eblé commande en fon
abfence ( d ) , & fait des forties glorieufes.
Le Comte Eudes revient avec trois
corps de cavalerie ; il paroît fur la montagne
de Mars ou Montmartre. Les ennemis
veulent s'opposer à fon paffage , ils font
-repouffés , & le Comte entre dans Paris .
la
( e ) Henti , Duc de Saxe , vient pour
feconde fois au fecours des Parifiens , eft
attiré au combat par les Normans , & périt
miférablement dans un piége qu'ils lui
avoient tendu ; après la mort , fes troupes
ne fongerent plus qu'à la retraite.
Les Normans fiers de cet avantage ,
donnent un affauit général à la ville , les
Parifiens effrayés , courent à la défenſe , on
porte le corps de fainte Génevieve à la
pointe de l'Ile derriere Notre - Dame , &
la victoire fe déclare pour les affiégés ; il
n'en eft pas de même des autres attaques ,
les Normans ont partout l'avantage ; la
terreur commence à fe répandre dans la
(d) Chron. S. Tedafti. ( ) Abb. Ann. met,
OCTOBR E. 1755. 161
ville , la confternation devient générale ,
le clergé & le peuple reclament la protection
de S. Germain . On apporte fon corps ,
& fa feule préfence ranime les Parifiens ,
donne de la terreur aux ennemis , & la
victoire n'eft plus douteufe , les affiégeans
font partout repouffés , ils mettent le feu à
la tour & fe retirent .
L'Empereur vient au fecours de Paris
& fait un traité honteux avec les Normans
auxquels il accorde le paffage de la
Seine , & fept cens livres d'argent : il fe
retire enfuite en Allemagne.
887 & $ 3 .
Les Normans reparoiffent devant Paris,
l'Abbé Eblé les attaque vigoureufement ,
leur tue cinq cens hommes , & les force
de fe retirer.
Charles le Begue , Roi de France & Empereur
, meurt , & Eudes , Comte de Paris
, eft proclamé Roi dans l'affemblée de
Compiegne.
Endes
Les Normans honteux- d'avoir levé le
fiége de Paris , après avoir été deux ans
devant cette place , reparoiffent aux environs.
Le Roi Eudes , fecondé de l'Evêque
Anſchrie , fucceffeur du brave Gozlin , bat
162 MERCURE DE FRANCE.
N
les Normans , en fait plufieurs prifonniers,
& les renvoie enfuite fur leur parole .
Anfchrie défait fix cens Normans &
rentre triomphant dans Paris.
Le Roi Eudes gagne une victoire fignalée
fur les Normans le jour de la faint Jean
de l'an 888 , près du Montfaucon , petite
butte à préfent à un quart de lieue de
Paris .
889 inclufivement 891 .
La ville de Paris eft encore affiégée
deux fois en 889. Les Parifiens fe défendent
avec valeur & les Normans fe retirent .
(f)Les Parifiens qui avoient eu feuls l'avantage
de réfifter aux Normans , en attribuent
toute la gloire à fainte Génevieve &
à faint Germain : ils rapportent leurs reliques
dans leurs églifes à l'exception d'un
bras de faint Germain qui fut laiffé à faint
Germain le vieux au Marché- neuf , en reconnoiffance
de l'hofpitalité accordée à ſes
reliques pendant le fiége.
892 & inclufiv. 897.
L'Abbé Eblé , grand Chancelier du Roi ,
qui avoit défendu la ville de Paris avec
tant de valeur , meurt le 10 Octobre 886 .
(f) Chron. S. Vedaftis
OCTOBRE. 1755. 163
898.
Le Roi Eudes quitte la Neuftrie , revient
à Paris où il fait fon féjour ordinaire , fait
un voyage à la Fere fur Oife , & y meurt
le 13 Janvier 898. âgé de quarante ans .
Charles le fimple , déja proclamé Roi en
893 , lui fuccede.
La fuite de cette Hiftoire pour le mois prochain.
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Résumé : Suite de l'abrégé historique de la ville de Paris ; par M. Poncet de la Grave, Avocat au Parlement.
Le texte présente un abrégé historique de la ville de Paris entre les années 593 et 900, couvrant plusieurs règnes et événements marquants. Hildebert II, roi d'Austrasie, prend le contrôle de Paris mais meurt prématurément. Frédégonde incendie et saccage la ville avant d'être vaincue par Clothaire II, qui s'affirme sur le trône de Paris. Clothaire II doit faire face à plusieurs batailles et pertes territoriales, notamment contre Théodebert et Thieri. Il meurt en 628 et est enterré à Paris. Son fils Dagobert I lui succède, mais son règne est marqué par des excès et des pillages. Dagobert fonde l'abbaye de Saint-Denis et meurt en 639. Clovis II lui succède et doit affronter une famine sévère à Paris. Saint Landri, évêque de Paris, vend ses biens pour soulager la misère publique. Clothaire III succède à Clovis II sous la régence de sa mère, Baltilde. La peste dépeuple une partie de Paris, et Clothaire III meurt en 673. Thieri III lui succède mais est rapidement renversé par Childeric II, qui est assassiné en 675. Thieri III revient au pouvoir mais est tué en 691. Clovis III et Childebert III se succèdent brièvement avant que Dagobert II ne monte sur le trône. Charles Martel, maire du palais, exerce une autorité significative, notamment en battant Chilperic II et en installant Clothaire IV comme roi fantoche. Thieri III succède à Clothaire IV mais meurt en 737. Charles Martel partage le royaume entre ses fils Carloman et Pepin, qui gouvernent conjointement. Childeric III est proclamé roi mais est rapidement détrôné par Pepin le Bref, fils de Charles Martel, en 751. En 754, l'abbaye de Saint-Vincent change de nom pour devenir Saint-Germain-des-Prés. En 768, Pépin le Bref meurt et laisse le royaume à ses fils Charles et Carloman. Charles, dit Charlemagne, devient seul maître après la mort de Carloman en 771. Il établit une école publique à Paris en 779 et promulgue plusieurs ordonnances entre 802 et 812. Charlemagne meurt en 814 et est remplacé par son fils Louis I, qui confirme les juridictions de l'évêque de Paris. En 829, un concile à Paris décide de conserver les images pour l'instruction des fidèles. Louis I meurt en 840 et Charles II, dit le Chauve, lui succède. Paris devient le centre de guerres civiles, notamment contre Lothaire. En 845, les Normands pillent Paris, mais sont repoussés. Charles le Chauve fait construire un pont pour défendre la ville. En 869, l'église Saint-Germain-des-Prés est réparée. Charles le Chauve meurt en 877 et Louis II lui succède. Les Normands continuent leurs incursions, et Paris est souvent assiégée. En 885, Sigefroi, roi des Normands, attaque Paris mais est repoussé par Eudes et Robert. Les Parisiens montrent une grande résistance face aux attaques normandes. En 885-886, les Normands assiègent Paris. Ils tentent de brûler la tour et le pont en utilisant des bateaux remplis de matières combustibles, mais les Parisiens, aidés par l'intervention de Saint Germain, réussissent à couler les barques enflammées. Les Normands se retirent le 13 janvier 886 mais continuent de bloquer la ville. Ils profanent l'église de Saint Germain, et ceux qui commettent ce sacrilège sont frappés par une mort subite. Le 6 février, la Seine déborde et renverse le petit pont, permettant aux Normands de tenter une attaque sur la tour défendue par douze hommes. Malgré leur résistance, les défenseurs se rendent sur la promesse des Normands, qui les égorgent ensuite, à l'exception d'un nommé Ervé. La ville reste bloquée, et les Normands lancent de nouveaux assauts. L'empereur envoie Henri, Duc de Saxe, pour secourir les Parisiens, mais il est tué par les Normands. Eudes, Comte de Paris, mène une sortie et est sauvé par sa bravoure. Sigefroi, un chef normand, refuse de lever le siège malgré une somme d'argent offerte par Gozlin, évêque de Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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73
p. 217-239
COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Début :
Ce que nous avions annoncé dans le Mercure d'Octobre au sujet de l'Orphelin / Cette Piece est précédée d'une Epitre ou d'un Discours préliminaire adressé à [...]
Mots clefs :
Comédie-Française, Époux, Rois, Enfant, Orphelin, Mère, Sang, Mort, Maître, Nature, Vainqueur, Répliques, Empereur, Femme, Vertu, Victime, Tragédie, Palais, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
COMEDIE FRANÇOISE.
E que nous avions annoncé dans le
Mercure d'Octobre au fujet de l'Orphelin
de la Chine , eft exactement arrivé.
L'interruption qu'il a effuyée n'a fervi
qu'à rendre fa repriſe plus brillante . L'im
preffion même nuisible ordinairement
aux pieces de Théâtre , n'a pu faire aucun
tort au fuccès de cette Tragédie. Les
Comédiens François l'ont redonnée pour
la neuvième fois le 22 Octobre , avec un
grand concours & un applaudiffement
général : l'affluence & la réuffite ont été
égales pendant toutes les repréſentations
qui ont été au nombre de dix- fept. Notre
fentiment étoit fondé fur ce qu'un rôle
intéreffant qui domine , & qui eft fupérieurement
joué , eft prefque toujours le
garand fûr d'un fuccès conftant. Il fuffic
même lui feul pour établir une piece à demeure.
Phedre , Ariane & Médée pen-
1. Vol. K
218 MERCURE DE FRANCE.
vent fervir d'exemples. Quelque beau cependant
que foit le perfonnage d'Idamé
nous ne prétendons pas qu'il doive exclure
le mérite des autres qui lui font fubordonnés.
L'extrait que nous allons faire
de l'Orphelin , prouvera que nous ne bornons
point fes beautés à celles d'un feul
rôle.
Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Cette Piece eft précédée d'une Epitre
ou d'un Difcours préliminaire adreffé à
M. le Maréchal Duc de Richelieu . L'Auteur
y déclare que l'idée de fa Tragédie
lui eft venue à la lecture de l'Orphelin de
Tchao , Tragédie Chinoife , traduite par
le P. de Prémare , & non pas Brémare ,
comme il eft imprimé dans cette épitre.
La Scene eft dans un Palais des Mandarins
, qui tient au Palais Impérial dans la
la ville de Cambalu , aujourd'hui Pekin .
Les Acteurs font au nombre de ſept. Gen
giskan , EmpereurTartare. Octar , Ofman,
guerriers Tartares. Zamti , Mandarin
lettré. Idamé , femme de Zamti. Affeli ,
attaché à Idamé. Etan , attaché à Zamti.
Idamé ouvre le premier Acte avec Affeli
dans l'inftant où le Catai eft conquis
& faccagé ; elle apprend à fa confidente en
DECEMBRE . 1755. 219
gémiffant que le deftructeur de ce vaſte
Empire
Eft un Scythe , un foldat dans la poudre élevé ,
qui vint autrefois demander un afile dans
ce même Palais , où il porte aujourd'hui
la flamme, & qu'enfin Gengiskan n'eſt autre
que Temugin qui brûla pour elle , &
qui fut rejetté par fes parens. Un refus ,
ajoute-t'elle ,
Un refus a produit les malheurs de la terre :
De nos peuples jaloux tu connois la fierté ,
De nos Arts , de nos Loix , l'augufte antiquité ;
Une Religion de tout tems épurée ,
De cent fecles de gloire une fuite avérée :
Tout nous interdifoit dans nos préventions ,
Une indigne alliance avec les Nations.
Enfin un autre hymen , un plus faint noeud m'engage
:
Le vertueux Zamti mérita mon fuffrage .
Qui l'eût cru dans ces tems de paix & de bonheur
Qu'un Scythe méprifé feroit notre vainqueur !
Voilà ce qui m'allarme , & qui me défefpere ;
J'ai refuſé la main ; je fuis épouſe & mere :
Il ne pardonne pas : il fe vit outrager ;
Et l'univers fçait trop s'il aime à fe vanger.
Affeli veut la confoler , en lui difant
que les Coréens raffemblent une armée ;
mais elle répond que tout accroît fes
frayeurs , qu'elle ignore le deftin de l'Empereur
& de la Reine , & que le dernier
fruit de leur hymen , dont l'enfance eft
confiée à fes foins , redouble encore fa
Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
crainte & fa pitié . Un foible rayon d'ef
poir vient luire dans fon ame consternée.
Mon époux , ajoute- t'elle , a porté les pas
au Palais .
Une ombre de refpect pour fon faint miniſtere ,
Peut-être adoucirá ces vainqueurs forcenés.
On dit que ces Brigands aux meurtres acharnés ,
Qui rempliffent de fang la terre intimidée
Ont d'un Dieu cependant confervé quelque idée ,
Tant la nature même en toute Nation ,
Grava l'Etre fuprême & la Religion.
Zamti qui paroît , vient augmenter les
terreurs de fa femme.
J'entre , dit- il , par des détours ignorés du vulgaire.
Je vois ces vils humains , ces monftres des déferts ,
A notre auguftre maître ofer donner des fers ;
Traîner dans fon palais , d'une main fanguinaire ,
Le pere , les enfans & leur mourante mere ;
Le pillage , le meurtre environnoient ces lieux.
Ce Prince infortuné , tourne vers moi les yeux ;
Il m'appelle , il me dit , dans fa langue facrée
Du Conquérant tartare & du peuple ignorée :
Conferve au moins le jour au dernier de mes fils.
Jugez , fi mes fermens & mon coeur l'ont promis ;
Jugez , de mon devoir , quelle eft la voix preffante.
J'ai fenti ranimer ma force la guiffante,
J'ai revolé vers vous , & c.
Etan entre éperdu. Il leur apprend que
la fuite eft impoffible ; qu'une garde cruelle
y met une barriere infurmontable , &
que tout tremble dans l'esclavage , depuis
DECEMBRE. 1755 .
221
que l'Empereur, fes enfans , & fon épouse,
ont été malfacrés . Octar furvient , & met
le comble à leur effroi par ces terribles
mots qui caractériſent
fi bien un Scythe ,
& qui font toujours applaudis.
Je vous ordonne au nom du vainqueur des humains
De mettre fans tarder cet enfant dans mes mains ;
Je vais l'attendre . Allez , qu'on m'apporte ce gage.
Pour peu que vous tardiez , le fang & le carnage
Vont encore en ces lieux fignaler fon courroux ,
Et la deftruction commencera par vous.
La nuit vient , le jour fuit . Vous, avant qu'il finiffe,
Si vous aimez la vie , allez , qu'on obéiffe .
Ce perfonnage quoiqu'il agiffe peu , &
qu'il foit fubalterne , frappe plus au Théâ
tre , il a plus de phifionomie que Gengis
fon maître ; il eft vrai que le fieur de Bellecour
le rend très-bien , & fait un beau
Tartare. Idamé tremble pour les jours de
l'enfant de tant de Rois , & dit qu'elle fuivroit
leurs Souverains dans la tombe , fi
elle n'étoit retenue par l'intérêt d'un fils
unique qui a befoin de fa vie . Zamti
s'écrie :
Après l'atrocité de leur indigne fort ,
Qui pourroit redouter & refufer la mort !
Le coupable la craint , le malheureux l'appelle ,
Le brave la défie , & marche au-devant d'elle ,
Le fage qui l'attend , la reçoit fans regrets.
Idamé lui demande ce qu'il a réfolu ,
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
fon époux lui replique de garder le ferment
qu'il a fait de conferver la vie du
dernier rejetton de la tige royale , & lui
dit d'aller l'attendre auprès de cet enfant.
Zamti refté feul avec Etan , lui confie le.
funefte projet qu'il a conçu de fubftituer
fon fils à la place de l'orphelin , & de facrifier
fon propre fang pour fauver celui
de fes Rois. Après avoir fait jurer à ce
confident qu'il tiendra ce fecret enfeveli ,
il le charge du foin d'aller cacher ce dépôt
précieux dans le fein des tombeaux bâtis
par leurs Empereurs , en attendant qu'il
puiffe faifir l'inftant de le remettre au chef
de la Corée. On ne peut pas mettre plus
d'intérêt dans un premier Acte.
Zamti qui a fermé cet Acte , commence
feul le fecond : fes entrailles font déchirées
; il dis dans fes cruelles allarmes.
O! mon fils , mon cher fils , as-tu perdu le jour à
Aura-t'on confommé ce fatal facrifice ?
Je n'ai pu de ma main te conduire au fupplice.
Etan paroît , & lui apprend qu'il a caché
l'Orphelin dans les tombeaux de fes
peres . Il l'inftruit en même tems que dans
l'abfence d'Idamé , on a conduit fon fils
à leurs vainqueurs barbares. Ah ! s'écrie
alors Zamti qui craint les reproches de
fon épouse .
DECEMBRE. 1755 . 223
Ah ! du moins , cher Etan , fi tu pouvois lui dire
Que nous avons livré l'héritier de l'Empire ,
Que j'ai caché mon fils , qu'il eft en fûreté !
Impofons quelque tems à fa crédulité.
Hélas ! la vérité fi fouvent eft cruelle ;
On l'aime & les humains font malheureux par elle .
On ne peut pas mieux excufer la néceffité
d'un menfonge . Etan fort , Idamé entre
défolée , & forme avec fon mari la
fcene la plus forte & la plus intéreffante :
elle l'eft au point qu'il faudroit la tranſcrire
entiere pour en rendre toutes les beautés
. Eh ! comment rendre d'ailleurs l'action
admirable , & le jeu accompli de l'Acrice
! Il faut voir Mlle Clairon. Il faut l'enrendre
dans ce rôle , pour juger de fa perfection.
Idamé s'écrie en arrivant.
"
Qu'ai-je vu qu'a- t'on fait ? Barbare , eft- il pof
fible ?
L'avez- vous commandé ce facrifice horrible ?
•
Quoi? fur toi , la nature a fi peu de pouvoir?
Zamti répond.
Elle n'en a que trop , mais moins que mon devoir
Et je dois plus au fang de mon malheureux maître,
Qu'à cet enfant obfcur à qui j'ai donné l'être.
1 Idamé réplique.
Non , je ne connois point cette horrible vertu .
J'ai vu nos murs en cendres , & ce trône abattu ;
J'ai pleuré de nos Rois les difgraces affreufes :
Mais par quelles fureurs encor plus douloureuſes ,
Veux- tu de ton époufe , avançant le trépas ,
Kiv ..
124 MERCURE DE FRANCE.
Livrer le fang d'un fils qu'on ne demande pas ?
Ces Rois enfèvelis , difparus dans la poudre ,
Sont-ils pour toi des Dieux dont tu craignes la
foudre ?
A ces dieux impuiffans , dans la tombe endormis
As- tu fait le ferment d'affaffiner ton fils ?
Hélas ! grands & petits , & fujets & Monarques ,
Diftingués un moment par de frivoles marques ,
Egaux par la nature , égaux par le malheur,
Tout mortel eft charge de la propre douleur :
Sa peine lui faffit ; & dans ce grand naufrage ,
Raflembler nos débris , voilà notre partage.
Où ferois- je ? grand dieu ! fi ma crédulité
Eu: tombé dans le piége à mes pas préfenté.
Auprès du fils des Rois fi j'étois demeurée ,
La victime aux bourreaux alloit être livrée :
Je ceffois d'être mere ; & le même couteau ,
Sur le corps de mon fils , me plongeoit au tombeau.
Graces à mon amour , inquiete , troublée ,
A ce fatal berceau l'inftinet m'a rappellée.
J'ai vu porter mon fils à nos cruels vainqueurs ;
Mes mains l'ont arraché des mains des raviſſeurs.
Barbare, ils n'ont point eu ta fermeté cruelle !
J'en ai chargé foudain cette eſclave fidelle ,
Qui foutient de fon lait fes miférables jours,
Ces jours qui périſſoient fans moì , ſans mon ſecours
;
J'ai confervé le fang du fils & de la mere ,
Et j'ofe dire encor de fon malheureux pere.
Zamti perfifte à vouloir immoler fon
fils. Elle s'y oppofe toujours en mere intrepide.
Son mari lui reproche alors de trahir
à la fois , le Ciel , l'Empire . & le fang de
fes Rois. Idamé lui fait cette réponſe admirable.
t
DECEMBRE . 1755. 225
De mes Rois : va , te dis- je , ils n'ont rien à prétendre
,
Je ne dois point mon fang en tribut à leur cendre.
Va , le nom de fujet n'eft pas plus faint pour nous,
Que ces noms fi facrés & de pere & d'époux.
La nature & l'hyinen , voilà les loix premieres ,
Les devoirs , les liens des Nations entieres :
Ces loix viennent des dieux , le reſte eft des humains
.
Ne me fais point hair le fang des Souverains.
Oui , fauvons l'Orphelin d'un vainqueur homicide
,
Mais ne le fauvons pas au prix d'un parricide.
Que les jours de mon fils n'achetent point fes
jours.
Loin de l'abandonner , je vole à fon fecours.
Je prens pitié de lui ; prends pitié de toi- même ,
De ton fils innocent , de la mere qui t'aime.
Je ne menace plus : je tombe à res genoux.
O pere infortuné , cher & cruel époux ,
Pour qui j'ai méprifé , tu t'en fouviens peut être,
Ce mortel qu'aujourd'hui le fort a fait ton maître!
Accorde moi mon fils , accorde moi ce fang
Que le plus pur amour a formé dans mon flanc ;
Et ne réfifte point au cri terrible & ter dre
Qu'à tes fens défolés l'amour a fait entendre.
Le fier Octar vient les interrompre , il
annonce l'arrivée de Gengiskan , & ordons
ne à fes foldats de fuivre les pas du Mandarin
& de fa femme ; de faifir l'enfant
qu'elle a repris , & d'apporter la victime
aux pieds de leur maître. Zamti promet de
la livrer, & Idamé déclare qu'on ne l'obtiendra
qu'avec la vie.
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
Gengis paroît environné de fes guer
riers , & leur dit .
Que le glaive fe cache , & que la mort s'arrête ;
Je veux que les vaincus refpirent déformais.
J'envoiai la terreur , & j'apporte la paix :
La mort du fils des Rois fuffit à ma vengeance.
Qu'on ceffe de livrer aux flammes , au pillage ,
Ces archives de loix , ce vafte amas d'écrits ,
Tous ces fruits du génie , obiets de vos mépris .
Si l'erreur les dicta , cette erreur m'eft utile ;
Elle occupe ce peuple , & le rend plus docile.
Il renvoie fa fuite , & demeuré feul
avec Octar , il lui avoue qu'au comble
des grandeurs , le fouvenir d'une femme
qui avoit refufé fa main , lui revient dans
la penfée , qu'elle le pourfuit jufqu'au feint
de la victoire , mais qu'il veur l'oublier.
Ofman vient l'informer que la victime
alloit être égorgée , lorfqu'un événement
imprévu a fufpendu fon trépas. Dans ce
moment , dit-il ,
Une femme éperdue , & de larmes baignée
Arrive , tend les bras à la garde indignée ;
Et nous furprenant tous par fes cris forcenés ,
Arrêtez , c'est mon fils que vous affaffinez .
C'est mon fils , on vous trompe au choix de la
victime.
Cependant fon époux devant nous appellé .
De nos Rois , a - t'il dit , voilà ce qui nous refte
Frappez , voilà le fang que vous me demandez.
DECEMBRE . 1755. 227
Olman ajoute que dans ce doute confus ,
il revient demander à fon Empereur de
nouveaux ordres. Gengis charge Octar
d'interroger ce couple audacieux , & d'arracher
la vérité de leur bouche . Il ordonne
à fes autres guerriers d'aller chacun à
fon pofte , & d'y veiller fidelement de
peur d'une furprife de la part des Coréens.
Ce fecond Acte eft fi plein de chaleur
qu'on en eût fait un beau quatrieme : 'peutêtre
même que l'action y eft trop avancée ,
& qu'elle prend fur celle des Actes fuivans
, qui font un peu vuides , & qui ont
befoin des détails dont ils font embellis.
Gengis rentre pour revenir : il ouvre le
troifieme Acte , & demande à Ofnan fi
l'on a éclairci l'impofture de ces captifs.
Ce dernier lui répond qu'à l'afpect des
tourmens , le Mandarin perfifte dans fon
pemier aveu , & que fa femme , dont les
larmes augmentent la beauté , demande à
fe jetter aux pieds de Gengiskan . Elle paroît
; ce Conquérant eft frappé de fes traits ;
il la reconnoît pour cet objet qu'il a autrefois
adoré. Cette fcene ne tient pas tout ce
qu'elle promet . Gengis dit à Idamé de fe
raffurer ; que fon Empereur oublie l'affront
qu'elle a fait à Temugin ; que le dernier
rejetton d'une race ennemie eft la
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
feule victime qu'il demande ; qu'il faut
qu'on la lui livre , & qu'elle importe à fa
fureté ; qu'ldamé ne doit rien craindre
pour fon fils , & qu'il l'a prend fous fa
garde. Mais , ajoute- t'il , je veux être inftruit
de la vérité .
Quel indigne artifice ofe-t'on m'oppoſer
De vous , de votre époux , qui prétend m'impofer?
Il interroge cet époux qui eft amené devant
lui. Zamti répond qu'il a rempli fon
devoir. Gengis ordonne aux fiens qu'on
faififfe l'enfant que cet efclave a remis en
leurs mains : la tendre Idamé s'y oppofe :
le Tyran impatient , luidit de l'éclaircir fur
l'heure , ou qu'on va immoler la victime .
Eh bien ! s'écrie - t'elle , mon fils l'emporte.
Mon époux a livré ce fils .
Je devois l'imiter , mais enfin je ſuis mere;
Mon ame eft au-deffous d'un fi cruel effort.
Je n'ai pu , de mon fils , confentir à la mort.
Hélas ! au défefpoir que j'ai trop fait paroître ,
Une mere ailément pouvoit fe reconnoître..
Voyez , de cet enfant , le pere confondu ,
Qui ne vous a trahi qu'à force de vertu .
L'un n'attend fon falut que de fon innocence ,
Et l'autre eft refpectable alors qu'il vous offenfe.
Ne puniffez que moi , qui trahis à la fois
Et l'époux que j'admire , & le fang de nos Rois.
Digne époux , digne objet de toute ma tendreffe,
La pitié maternelle eft ma feule foibleffe ,
Mon fort fera le tien : Je meurs , fi tu péris :
Pardonne-moi du moins d'avoir ſauvé ton fils..
DECEMBRE. 1755. L2F
Je t'ai tout pardonné , lui répond Zamsi
, je n'ai plus rien à craindre pour le
fang de mon Roi. Ses jours font en fureté . Ils
ne le font pas , le récrie Gengis furieux.
Va réparer ton crime , ou fubir le trépas.
Zamti lui fait cette belle réplique.
Le crime eft d'obéir à des ordres injuftes ..
Tu fus notre vainqueur , & tu n'es pas mon Roi.
Si j'étois ton fujet , je te ferois fidelle.
Arrache-moi la vie , & refpecte mon zele.
Je t'ai livré mon fils , j'ai pu te l'immoler.
Penſes-tu que pour moi , je puifle encor trembler ?
Gengis commande qu'on l'entraîne :
Idamé veut le fléchir ; mais il lui ordonne
de fuivre fon mari . Comme elle infifte
il lui dit :
Allez , fi jamais la clémence
Dans mon coeur , malgré moi , pouvoit encor
entrer.
Vousfentez quels affronts il faudroit réparer.
Seul avec Octar , il fait éclater fon dépit
& fon amour. Son confident combat
cette flâme qu'il ne conçoit pas . Ofman
revient lui apprendre qu'Idamé & Zamti
refufent de découvrir l'azyle qui cache.
l'Orphelin , & qu'ils preffent tous deux
que la mort les uniffe. Gengis l'interrompt ,
& lui commande de voler vers Idamé , &c.
de l'affurer que fes jours font facrés & font
230 MERCURE DE FRANCE.
chers à fon maitre. Octar lui demande
quels ordres il veut donner fur cet enfant
des Rois qu'on cache à fa vengeance. Aucun
, répond- t'il .
Je veux qu'Idamé vive ; ordonne tout le refte.
Quel est votre efpoir , lui réplique
Octar ? Gengis termine l'Acte , en lui
difant :
D'être aimé de l'ingrate , ou de me venger d'elle ,
De la punir : tu vois ma foibleffe nouvelle .
Emporté , malgré moi , par de contraires voeux ,
Je frémis & j'ignore encor ce que je veux.
Gengis ouvre encore le quatrieme Acte,
& ordonne aux fiens de fe rendre aux pieds
des murs , en difant que l'infolent Coréen a
proclamé Roi cet enfant malheureux , mais
qu'il va marcher contr'eux fa tête à la main ;
qu'il a trop différé fa mort , & qu'il veut
enfin fans délai que Zamti lui obéiffe. Il
nous paroît que le commencement de cet
Acte fait le cercle , & retourne fur le
troisieme . Octar vient encore dire que le
Mandarin eft inflexible. Gengis s'écrie
étonné .
Quels font donc ces humains que mon bonheur
maîtrife !
A fon Roi qui n'eft plus , immolant la nature ,
L'un voit périr fon fils fans crainte & fans mur
mure ,
DECEMBRE. 1755.234
L'autre pour fon époux eft prête à s'immoler,
Rien ne peut les fléchir , rien ne les fait trembler..
Je vois un peuple antique , induftrieux , immenfes
Ses Rois fur la fageffe ont fondé leur puiffance ;
De leurs voifins foumis , heureux Législateurs ,
Gouvernant fans conquête , & regnant par les
moeurs.
Le ciel ne nous donna que la force en partage.
Nos Arts font les combats , détruire eft notre ou
vrage.
Ah ! de quoi m'ont fervi tant de fuccès divers !
Quel fruit me revient-il des pleurs de l'univers !
Nous rougiffons de fang le char de la victoire.
Peut-être qu'en effet il eft une autre gloire.
Mon coeur eft en fecret jaloux de leurs vertus ,
Et vainqueur , je voudrois égaler les vaincus.
Octar combat le fentiment de fon Maître
avec une franchife militaire , & lui dit :
Quel mérite ont des arts , enfans de la moleffe ,
Qui n'ont pu les fauver des fers & de la mort ?
Le foible eft destiné pour fervir le plus fort.
Tout céde fur la terre aux travaux , au courage
Mais c'est vous qui cédez & fouffrez un outrage.
Il ajoute que fes compagnons en murmurent
tout haut : Gengis lui répond :
Que l'on cherche Idamé . Sur ce qu'Octar infifte
: il lui replique en defpote.
Obéis.
De ton zele hardi réprime la rudeffe :
Je veux que mes fujets refpectent ma foibleffe.
Gengis feul , fe livre à tout fon amour ;
en témoignant fon mépris pour les monf232
MERCURE DE FRANCE.
tres cruels qui font à fa fuite. Idamé paroit
, il lui offre fon trône avec fa main.
Le divorce , dit-il , par mes loix eft permis ,
Et le vainqueur du monde à vous feule eft foumis.
S'il vous fut odieux , le trône a quelques charmes;
Et le bandeau des Rois peut effuyer des larmes.
La vertueufe Idamé lui répond avec une
noble ingénuité , que dans le tems qu'il
n'étoit que Temugin , elle auroit accepté
fa main qui étoit pure alors , fi fes parens
l'avoient agréé. Mais , ajoute-t'elle :
Mon hymen eft un noeud formé par le ciel même.
Mon époux m'eft facré ; je dirai plus : Je l'aime :
Je le préfere à vous , au trône , à vos grandeurs.
Pardonnez mon aveu , mais reſpectez nos moeurs :
Ne penfez pas non plus que je mette ma gloire
A remporter fur vous cette illuftre victoire ;
A braver un vainqueur , à tirer vanité
De ces juftes refus qui ne m'ont point couté.
Je remplis mon devoir , & je me rends juftice:
Je ne fais point valoir un pareil facrifice.
Portez ailleurs les dons que vous me propofez ;
Détachez- vous d'un coeur qui les a méprifez ;
Et puifqu'il faut toujours quidamé vous implore ,
Permettez qu'à jamais mon époux les ignore .
De ce foible triomphe il feroit moins flatté ,
Qu'indigné de l'outrage à ma fidélité .
Gengis lui dit en la quittant :
Quand tout nous uniffoit , vos loix que je dérefte
Ordonnerent ma honte & votre hymen funefte ;
Je les anéantis , je parle , c'eft affez ;
DECEMBRE 1755. 233
Imitez l'univers , Madame , obéiffez .
Mes ordres font donnés , & votre indigne époux
Doit remettre en mes mains votre Empereur &
vous .
Leurs jours me répondront de votre obéiffance.
Idamé gemit de fa cruelle pofition . Affeli
moins févere , lui confeille de fe relâcher
un peu de cette extrême aufterité
pour affurer les jours de fon mari , &
le bien de l'Empire . Zamti furvient , & lui
déclare qu'elle feule refte à l'Orphelin dans
l'Univers , que c'eft à elle à lui conferver
la vie , ainfi qu'à fon fils. Epoufe le Tyran
, pourſuit il.
Ta ferviras de mere à ton Roi malheureux.
Regne , que ton Roi vive , & que ton époux meure.
Elle l'interrompt , & lui dit :
Me connois-tu ? veux-tu que ce funefte rang
Soit le prix de ma honte , & le prix de ton fanga
Penfes- tu que je fois moins époufe que mere ?
Tu t'abules , cruel , & ta vertu févere
A commis contre toi deux crimes en un jour ,
Qui font frémir tous deux la nature & l'amour.
Barbare envers ton fils , & plus envers moi -même.
Ne te fouviens-tu plus qui je fuis , & qui t'aime ?
Crois-moi : le jufte ciel daigne mieux m'inſpirer ;
Je puis fauver mon Roi fans nous deshonorer.
Soit amour , foit mépris , le Tyran qui m'offenfe,
Sur moi , fur mes deffeins , n'eft pas en défiance:
Dans ces remparts fumans , & de fang abbreuvés,
234 MERCURE DE FRANCE.
Je fuis libre , & mes pas ne font pas obfervés.
Le Chef des Coréens s'ouvre un fecret paffage
Non loin de ces tombeaux , où ce précieux gage ,
A l'ail qui le pourfuit , fut caché par tes mains.
De ces tombeaux facrés je fçais tous les chemins;
Je cours y ranimer fa languiffante vie,
Le rendre aux défenfeurs armés pour la patrie ;
Le porter en mes bras dans leurs rangs belliqueux
,
Comme un préfent d'un Dieu qui combat avec
eux.
Tu mourras , je le fçais ; mais , tout couverts de
gloire
Nous laifferons de nous une illuftre mémoire,
Mettons nos noms obfcurs au rang des plus
grands noms :
Et juge fi mon coeur a fuivi tes leçons .
Zamti tranfporté , s'écrie avec juftice,
Idamé , ta veftu l'emporte ſur la mienne !
En effet , cette vertu eft puifée dans la
nature & dans la raifon. Elle forme le
véritable héroïfme , qui honore l'humanité
fans en fortir. Tout grand qu'il eft ,
nous fentons que notre efpece en eft capable.
La vertu de Zamti tient plus au
préjugé. C'est une grandeur d'ame qui dégenere
en fanatifme , & qui eft d'autant
moins vraie , qu'elle bleffe les loix primitives
, & qu'elle excede nos forces. Voilà
pourquoi le caractere d'Idamé paroît fupérieur
à celui de Zamti , & nous intéreffe
davantage , même à la lecture.
DECEMBRE. 1755. 235
Idamé & Affeli commencent le cinquieme
Acte . Idamé a été arrêtée dans fa fuite
avec l'Orphelin. Elle eft captive une feconde
fois , & n'a plus d'efpoir que dans
la mort . Octar vient lui dire d'attendre,
l'Empereur qui veut lui parler , & qui paroit
un moment après . Gengis éclate en
reproches , & finit par preffer Idamé de
s'unir à lui , ce n'eft qu'à ce prix , dit-il ,
que je puis pardonner , & changer les châtimens
en bienfaits tout dépend d'un mor.
Prononcez fans tarder , fans feinte , fans détour ,
Si je vous dois enfin ma haine ou mon amour.
Idamé qui foutient fon noble caractere
jufqu'au bout , lui répond ,
L'un & l'autre aujourd'hui feroit trop condamnable
,
Votre haine eft injufte & votre amour coupable.
Cet amour eft indigne , & de vous & de moi :
Vous me devez juftice ; & fi vous êtes Roi ,
Je la veux , je l'attens pour moi contre vous-mê
me.
Je fuis loin de braver votre grandeur fuprême ;
Je la rappelle en vous , lorfque vous l'oubliez
Et vous-même en fecret vous me juftifiez .
Vous choififfez ma haine , réplique - t'il ,
vous l'aurez .
Votre époux , votre Prince & votre fils , cruelle,
Vont payer de leur fang votre fierté rebelle.
Ce mot , que je voulois , les a tous , condamés.
236 MERCURE DE FRANCE.
C'en est fait , & c'eſt vous qui les affaffinez .
Idamé tombe alors aux pieds de fon
maître , & lui demande une grace à genoux
. Il lui ordonne de fe lever & de déclarer
ce qu'elle veur. Elle le fupplie de
permettre qu'elle ait un entretien fecret
avec fon mari . Gengis le lui accorde , en
difant ;
Non , ce n'étoit pas lui qu'il falloit confulter !
Il m'enleva fon Prince , il vous a poffedée .
Que de crimes ! fa grace eft encore accordée .
Qu'il la tienne de vous , qu'il vous doive fon
fort .
Préfentez à fes yeux le divorce ou la mort.
Il la laiffe . Zamti paroît , elle lui dit :
la mort la plus honteufe t'attend . Ecoutemoi
:
Ne fçavons- nous mourir que par l'ordre d'un Roi ?
Les taureaux aux autels tombent en facrifice ;
Les criminels tremblans font traînés au fupplice
Lés mortels généreux difpofent de leur fort ;
Pourquoi des' mains d'un maître attendre ici la
mort
L'homme étoit -il donc né pour tant de dépendancea
De nos voiſins altiers imitons la conftance.
De la nature humaine ils foutiennent les droits ,
Vivent libres chex eux , & meurent à leur choix .
Un affront leur fuffit pour fortir de la vie ,
Er plus que le néant ils craignent l'infâmie.
Le hardi Japonnois n'attend pas qu'au cercueil
Un Defpote infolent le plonge d'un coup d'oeil.
DECEMBRE. 1755 . 237
Nous avons enfeigné ces braves Infulaires :
Apprenons d'eux enfin des vertus néceffaires .
Scachons mourir comme eux.
Son époux l'approuve ; mais ajoutet'il
, que pouvons - nous feuls & défarmés ?
Idamé tire un poignard qu'elle lui préfente
, en lui difant :
Tiens , fois libre avec moi , frappe , & délivrenous.
J'ai tremblé que ma main , mal affermie encore ,
Ne portât fur moi- même un coup mal affuré,
Enfonce dans ce coeur un bras moins égaré,
Immole avec courage une époufe fidelle ,
Tout couvert de mon fang tombe , & meurs auprès
d'elle.
Qu'à mes derniers momens j'embraffe mon époux;
Que le Tyran le voie , & qu'il en foit jaloux.
Zamti prend le poignard , en tremblant,
il balance ; & comme il veut s'en frapper ,
Gengis arrive à propos pour le défarmer .
O ciel ! s'écrie til , qu'alliez- vous faire ?
Idamé lui replique :
Nous délivrer de toi , finir notre mifere ,
A tant d'atrocités dérober notre fort.
Zamti ajoute :
Veux-tu nous envier juſques à notre mort ?
Oui , lui dit Gengis , que tant de vertu
fubjugue :
Je rougis fur le trône où n'a mis la victoire ,
D'être au- deſſous de vous au milieu de ma gloire;
238 MERCURE DE FRANCE.
En vain par mes exploits j'ai fçu me fignaler :
Vous m'avez avili ; je veux vous égaler.
J'ignorois qu'un mortel pût fe dompter lui-même.
Je l'apprens ; je vous dois cette grandeur fuprême.
Jouiffez de P'honneur d'avoir pu me changer :
Je viens vous réunir , je viens vous protéger.
Veillez , heureux époux , fur l'innocente vie
De l'enfant de vos Rois , que ma main vous con."
fie.
Par le droit des combats j'en pouvois difpofer :
Je vous remets ce droit dont j'allois abuſer.
Croyez qu'à cet enfant heureux dans fa mifere ,
Ainfi qu'à votre fils , je tiendrai lieu de pere .
Vous verrez fi l'on peut fe fier à ma foi.
Je fus un conquerant , vous m'avez fait un Roi.
Zamti pénetré d'un retour fi génereux ,
dit à ce Conquerant :
Ah ! vous ferez aimer votre joug aux vaincus.
Idamé tranfportée de joie & de furprife
, lui demande à fon tour.
Qui peut vous infpirer ce deffein ?
Gengis lui répond par ce mot , qui termine
le vers & la piece.
Vos vertus.
Ce dénouement eft très - applaudi , &
fait d'autant plus de plaifir qu'il finit la
tragédie fans effufion de fang. On doit dire
à la louange des Comédiens François ,
qu'ils n'ont rien épargné pour la mettre
au théatre avec tout l'éclat qu'elle mérite.
Ils y ont même obſervé le coſtume autant
DECEMBRE . 1755. 239
qu'il eft poffible de le fuivre. Mlle Clairon
faite pour fervir de modele , a ofé la premiere
fupprimer le panier. Mlle Hus à eu
le courage de l'imiter ; elles y ont gagné :
tout Paris a approuvé le changement , &
ne les a trouvées que plus aimables.
Les mêmes Comédiens vont remettre
fucceffivement les Troyennes & Philoctete
de M. de Châteaubrun , en attendant Andromaque
& Aftianax , tragédie nouvelle
du même Auteur. Le cothurne eft riche
cette année , & promet à ce théatre un
heureux hyver.
E que nous avions annoncé dans le
Mercure d'Octobre au fujet de l'Orphelin
de la Chine , eft exactement arrivé.
L'interruption qu'il a effuyée n'a fervi
qu'à rendre fa repriſe plus brillante . L'im
preffion même nuisible ordinairement
aux pieces de Théâtre , n'a pu faire aucun
tort au fuccès de cette Tragédie. Les
Comédiens François l'ont redonnée pour
la neuvième fois le 22 Octobre , avec un
grand concours & un applaudiffement
général : l'affluence & la réuffite ont été
égales pendant toutes les repréſentations
qui ont été au nombre de dix- fept. Notre
fentiment étoit fondé fur ce qu'un rôle
intéreffant qui domine , & qui eft fupérieurement
joué , eft prefque toujours le
garand fûr d'un fuccès conftant. Il fuffic
même lui feul pour établir une piece à demeure.
Phedre , Ariane & Médée pen-
1. Vol. K
218 MERCURE DE FRANCE.
vent fervir d'exemples. Quelque beau cependant
que foit le perfonnage d'Idamé
nous ne prétendons pas qu'il doive exclure
le mérite des autres qui lui font fubordonnés.
L'extrait que nous allons faire
de l'Orphelin , prouvera que nous ne bornons
point fes beautés à celles d'un feul
rôle.
Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Cette Piece eft précédée d'une Epitre
ou d'un Difcours préliminaire adreffé à
M. le Maréchal Duc de Richelieu . L'Auteur
y déclare que l'idée de fa Tragédie
lui eft venue à la lecture de l'Orphelin de
Tchao , Tragédie Chinoife , traduite par
le P. de Prémare , & non pas Brémare ,
comme il eft imprimé dans cette épitre.
La Scene eft dans un Palais des Mandarins
, qui tient au Palais Impérial dans la
la ville de Cambalu , aujourd'hui Pekin .
Les Acteurs font au nombre de ſept. Gen
giskan , EmpereurTartare. Octar , Ofman,
guerriers Tartares. Zamti , Mandarin
lettré. Idamé , femme de Zamti. Affeli ,
attaché à Idamé. Etan , attaché à Zamti.
Idamé ouvre le premier Acte avec Affeli
dans l'inftant où le Catai eft conquis
& faccagé ; elle apprend à fa confidente en
DECEMBRE . 1755. 219
gémiffant que le deftructeur de ce vaſte
Empire
Eft un Scythe , un foldat dans la poudre élevé ,
qui vint autrefois demander un afile dans
ce même Palais , où il porte aujourd'hui
la flamme, & qu'enfin Gengiskan n'eſt autre
que Temugin qui brûla pour elle , &
qui fut rejetté par fes parens. Un refus ,
ajoute-t'elle ,
Un refus a produit les malheurs de la terre :
De nos peuples jaloux tu connois la fierté ,
De nos Arts , de nos Loix , l'augufte antiquité ;
Une Religion de tout tems épurée ,
De cent fecles de gloire une fuite avérée :
Tout nous interdifoit dans nos préventions ,
Une indigne alliance avec les Nations.
Enfin un autre hymen , un plus faint noeud m'engage
:
Le vertueux Zamti mérita mon fuffrage .
Qui l'eût cru dans ces tems de paix & de bonheur
Qu'un Scythe méprifé feroit notre vainqueur !
Voilà ce qui m'allarme , & qui me défefpere ;
J'ai refuſé la main ; je fuis épouſe & mere :
Il ne pardonne pas : il fe vit outrager ;
Et l'univers fçait trop s'il aime à fe vanger.
Affeli veut la confoler , en lui difant
que les Coréens raffemblent une armée ;
mais elle répond que tout accroît fes
frayeurs , qu'elle ignore le deftin de l'Empereur
& de la Reine , & que le dernier
fruit de leur hymen , dont l'enfance eft
confiée à fes foins , redouble encore fa
Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
crainte & fa pitié . Un foible rayon d'ef
poir vient luire dans fon ame consternée.
Mon époux , ajoute- t'elle , a porté les pas
au Palais .
Une ombre de refpect pour fon faint miniſtere ,
Peut-être adoucirá ces vainqueurs forcenés.
On dit que ces Brigands aux meurtres acharnés ,
Qui rempliffent de fang la terre intimidée
Ont d'un Dieu cependant confervé quelque idée ,
Tant la nature même en toute Nation ,
Grava l'Etre fuprême & la Religion.
Zamti qui paroît , vient augmenter les
terreurs de fa femme.
J'entre , dit- il , par des détours ignorés du vulgaire.
Je vois ces vils humains , ces monftres des déferts ,
A notre auguftre maître ofer donner des fers ;
Traîner dans fon palais , d'une main fanguinaire ,
Le pere , les enfans & leur mourante mere ;
Le pillage , le meurtre environnoient ces lieux.
Ce Prince infortuné , tourne vers moi les yeux ;
Il m'appelle , il me dit , dans fa langue facrée
Du Conquérant tartare & du peuple ignorée :
Conferve au moins le jour au dernier de mes fils.
Jugez , fi mes fermens & mon coeur l'ont promis ;
Jugez , de mon devoir , quelle eft la voix preffante.
J'ai fenti ranimer ma force la guiffante,
J'ai revolé vers vous , & c.
Etan entre éperdu. Il leur apprend que
la fuite eft impoffible ; qu'une garde cruelle
y met une barriere infurmontable , &
que tout tremble dans l'esclavage , depuis
DECEMBRE. 1755 .
221
que l'Empereur, fes enfans , & fon épouse,
ont été malfacrés . Octar furvient , & met
le comble à leur effroi par ces terribles
mots qui caractériſent
fi bien un Scythe ,
& qui font toujours applaudis.
Je vous ordonne au nom du vainqueur des humains
De mettre fans tarder cet enfant dans mes mains ;
Je vais l'attendre . Allez , qu'on m'apporte ce gage.
Pour peu que vous tardiez , le fang & le carnage
Vont encore en ces lieux fignaler fon courroux ,
Et la deftruction commencera par vous.
La nuit vient , le jour fuit . Vous, avant qu'il finiffe,
Si vous aimez la vie , allez , qu'on obéiffe .
Ce perfonnage quoiqu'il agiffe peu , &
qu'il foit fubalterne , frappe plus au Théâ
tre , il a plus de phifionomie que Gengis
fon maître ; il eft vrai que le fieur de Bellecour
le rend très-bien , & fait un beau
Tartare. Idamé tremble pour les jours de
l'enfant de tant de Rois , & dit qu'elle fuivroit
leurs Souverains dans la tombe , fi
elle n'étoit retenue par l'intérêt d'un fils
unique qui a befoin de fa vie . Zamti
s'écrie :
Après l'atrocité de leur indigne fort ,
Qui pourroit redouter & refufer la mort !
Le coupable la craint , le malheureux l'appelle ,
Le brave la défie , & marche au-devant d'elle ,
Le fage qui l'attend , la reçoit fans regrets.
Idamé lui demande ce qu'il a réfolu ,
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
fon époux lui replique de garder le ferment
qu'il a fait de conferver la vie du
dernier rejetton de la tige royale , & lui
dit d'aller l'attendre auprès de cet enfant.
Zamti refté feul avec Etan , lui confie le.
funefte projet qu'il a conçu de fubftituer
fon fils à la place de l'orphelin , & de facrifier
fon propre fang pour fauver celui
de fes Rois. Après avoir fait jurer à ce
confident qu'il tiendra ce fecret enfeveli ,
il le charge du foin d'aller cacher ce dépôt
précieux dans le fein des tombeaux bâtis
par leurs Empereurs , en attendant qu'il
puiffe faifir l'inftant de le remettre au chef
de la Corée. On ne peut pas mettre plus
d'intérêt dans un premier Acte.
Zamti qui a fermé cet Acte , commence
feul le fecond : fes entrailles font déchirées
; il dis dans fes cruelles allarmes.
O! mon fils , mon cher fils , as-tu perdu le jour à
Aura-t'on confommé ce fatal facrifice ?
Je n'ai pu de ma main te conduire au fupplice.
Etan paroît , & lui apprend qu'il a caché
l'Orphelin dans les tombeaux de fes
peres . Il l'inftruit en même tems que dans
l'abfence d'Idamé , on a conduit fon fils
à leurs vainqueurs barbares. Ah ! s'écrie
alors Zamti qui craint les reproches de
fon épouse .
DECEMBRE. 1755 . 223
Ah ! du moins , cher Etan , fi tu pouvois lui dire
Que nous avons livré l'héritier de l'Empire ,
Que j'ai caché mon fils , qu'il eft en fûreté !
Impofons quelque tems à fa crédulité.
Hélas ! la vérité fi fouvent eft cruelle ;
On l'aime & les humains font malheureux par elle .
On ne peut pas mieux excufer la néceffité
d'un menfonge . Etan fort , Idamé entre
défolée , & forme avec fon mari la
fcene la plus forte & la plus intéreffante :
elle l'eft au point qu'il faudroit la tranſcrire
entiere pour en rendre toutes les beautés
. Eh ! comment rendre d'ailleurs l'action
admirable , & le jeu accompli de l'Acrice
! Il faut voir Mlle Clairon. Il faut l'enrendre
dans ce rôle , pour juger de fa perfection.
Idamé s'écrie en arrivant.
"
Qu'ai-je vu qu'a- t'on fait ? Barbare , eft- il pof
fible ?
L'avez- vous commandé ce facrifice horrible ?
•
Quoi? fur toi , la nature a fi peu de pouvoir?
Zamti répond.
Elle n'en a que trop , mais moins que mon devoir
Et je dois plus au fang de mon malheureux maître,
Qu'à cet enfant obfcur à qui j'ai donné l'être.
1 Idamé réplique.
Non , je ne connois point cette horrible vertu .
J'ai vu nos murs en cendres , & ce trône abattu ;
J'ai pleuré de nos Rois les difgraces affreufes :
Mais par quelles fureurs encor plus douloureuſes ,
Veux- tu de ton époufe , avançant le trépas ,
Kiv ..
124 MERCURE DE FRANCE.
Livrer le fang d'un fils qu'on ne demande pas ?
Ces Rois enfèvelis , difparus dans la poudre ,
Sont-ils pour toi des Dieux dont tu craignes la
foudre ?
A ces dieux impuiffans , dans la tombe endormis
As- tu fait le ferment d'affaffiner ton fils ?
Hélas ! grands & petits , & fujets & Monarques ,
Diftingués un moment par de frivoles marques ,
Egaux par la nature , égaux par le malheur,
Tout mortel eft charge de la propre douleur :
Sa peine lui faffit ; & dans ce grand naufrage ,
Raflembler nos débris , voilà notre partage.
Où ferois- je ? grand dieu ! fi ma crédulité
Eu: tombé dans le piége à mes pas préfenté.
Auprès du fils des Rois fi j'étois demeurée ,
La victime aux bourreaux alloit être livrée :
Je ceffois d'être mere ; & le même couteau ,
Sur le corps de mon fils , me plongeoit au tombeau.
Graces à mon amour , inquiete , troublée ,
A ce fatal berceau l'inftinet m'a rappellée.
J'ai vu porter mon fils à nos cruels vainqueurs ;
Mes mains l'ont arraché des mains des raviſſeurs.
Barbare, ils n'ont point eu ta fermeté cruelle !
J'en ai chargé foudain cette eſclave fidelle ,
Qui foutient de fon lait fes miférables jours,
Ces jours qui périſſoient fans moì , ſans mon ſecours
;
J'ai confervé le fang du fils & de la mere ,
Et j'ofe dire encor de fon malheureux pere.
Zamti perfifte à vouloir immoler fon
fils. Elle s'y oppofe toujours en mere intrepide.
Son mari lui reproche alors de trahir
à la fois , le Ciel , l'Empire . & le fang de
fes Rois. Idamé lui fait cette réponſe admirable.
t
DECEMBRE . 1755. 225
De mes Rois : va , te dis- je , ils n'ont rien à prétendre
,
Je ne dois point mon fang en tribut à leur cendre.
Va , le nom de fujet n'eft pas plus faint pour nous,
Que ces noms fi facrés & de pere & d'époux.
La nature & l'hyinen , voilà les loix premieres ,
Les devoirs , les liens des Nations entieres :
Ces loix viennent des dieux , le reſte eft des humains
.
Ne me fais point hair le fang des Souverains.
Oui , fauvons l'Orphelin d'un vainqueur homicide
,
Mais ne le fauvons pas au prix d'un parricide.
Que les jours de mon fils n'achetent point fes
jours.
Loin de l'abandonner , je vole à fon fecours.
Je prens pitié de lui ; prends pitié de toi- même ,
De ton fils innocent , de la mere qui t'aime.
Je ne menace plus : je tombe à res genoux.
O pere infortuné , cher & cruel époux ,
Pour qui j'ai méprifé , tu t'en fouviens peut être,
Ce mortel qu'aujourd'hui le fort a fait ton maître!
Accorde moi mon fils , accorde moi ce fang
Que le plus pur amour a formé dans mon flanc ;
Et ne réfifte point au cri terrible & ter dre
Qu'à tes fens défolés l'amour a fait entendre.
Le fier Octar vient les interrompre , il
annonce l'arrivée de Gengiskan , & ordons
ne à fes foldats de fuivre les pas du Mandarin
& de fa femme ; de faifir l'enfant
qu'elle a repris , & d'apporter la victime
aux pieds de leur maître. Zamti promet de
la livrer, & Idamé déclare qu'on ne l'obtiendra
qu'avec la vie.
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
Gengis paroît environné de fes guer
riers , & leur dit .
Que le glaive fe cache , & que la mort s'arrête ;
Je veux que les vaincus refpirent déformais.
J'envoiai la terreur , & j'apporte la paix :
La mort du fils des Rois fuffit à ma vengeance.
Qu'on ceffe de livrer aux flammes , au pillage ,
Ces archives de loix , ce vafte amas d'écrits ,
Tous ces fruits du génie , obiets de vos mépris .
Si l'erreur les dicta , cette erreur m'eft utile ;
Elle occupe ce peuple , & le rend plus docile.
Il renvoie fa fuite , & demeuré feul
avec Octar , il lui avoue qu'au comble
des grandeurs , le fouvenir d'une femme
qui avoit refufé fa main , lui revient dans
la penfée , qu'elle le pourfuit jufqu'au feint
de la victoire , mais qu'il veur l'oublier.
Ofman vient l'informer que la victime
alloit être égorgée , lorfqu'un événement
imprévu a fufpendu fon trépas. Dans ce
moment , dit-il ,
Une femme éperdue , & de larmes baignée
Arrive , tend les bras à la garde indignée ;
Et nous furprenant tous par fes cris forcenés ,
Arrêtez , c'est mon fils que vous affaffinez .
C'est mon fils , on vous trompe au choix de la
victime.
Cependant fon époux devant nous appellé .
De nos Rois , a - t'il dit , voilà ce qui nous refte
Frappez , voilà le fang que vous me demandez.
DECEMBRE . 1755. 227
Olman ajoute que dans ce doute confus ,
il revient demander à fon Empereur de
nouveaux ordres. Gengis charge Octar
d'interroger ce couple audacieux , & d'arracher
la vérité de leur bouche . Il ordonne
à fes autres guerriers d'aller chacun à
fon pofte , & d'y veiller fidelement de
peur d'une furprife de la part des Coréens.
Ce fecond Acte eft fi plein de chaleur
qu'on en eût fait un beau quatrieme : 'peutêtre
même que l'action y eft trop avancée ,
& qu'elle prend fur celle des Actes fuivans
, qui font un peu vuides , & qui ont
befoin des détails dont ils font embellis.
Gengis rentre pour revenir : il ouvre le
troifieme Acte , & demande à Ofnan fi
l'on a éclairci l'impofture de ces captifs.
Ce dernier lui répond qu'à l'afpect des
tourmens , le Mandarin perfifte dans fon
pemier aveu , & que fa femme , dont les
larmes augmentent la beauté , demande à
fe jetter aux pieds de Gengiskan . Elle paroît
; ce Conquérant eft frappé de fes traits ;
il la reconnoît pour cet objet qu'il a autrefois
adoré. Cette fcene ne tient pas tout ce
qu'elle promet . Gengis dit à Idamé de fe
raffurer ; que fon Empereur oublie l'affront
qu'elle a fait à Temugin ; que le dernier
rejetton d'une race ennemie eft la
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
feule victime qu'il demande ; qu'il faut
qu'on la lui livre , & qu'elle importe à fa
fureté ; qu'ldamé ne doit rien craindre
pour fon fils , & qu'il l'a prend fous fa
garde. Mais , ajoute- t'il , je veux être inftruit
de la vérité .
Quel indigne artifice ofe-t'on m'oppoſer
De vous , de votre époux , qui prétend m'impofer?
Il interroge cet époux qui eft amené devant
lui. Zamti répond qu'il a rempli fon
devoir. Gengis ordonne aux fiens qu'on
faififfe l'enfant que cet efclave a remis en
leurs mains : la tendre Idamé s'y oppofe :
le Tyran impatient , luidit de l'éclaircir fur
l'heure , ou qu'on va immoler la victime .
Eh bien ! s'écrie - t'elle , mon fils l'emporte.
Mon époux a livré ce fils .
Je devois l'imiter , mais enfin je ſuis mere;
Mon ame eft au-deffous d'un fi cruel effort.
Je n'ai pu , de mon fils , confentir à la mort.
Hélas ! au défefpoir que j'ai trop fait paroître ,
Une mere ailément pouvoit fe reconnoître..
Voyez , de cet enfant , le pere confondu ,
Qui ne vous a trahi qu'à force de vertu .
L'un n'attend fon falut que de fon innocence ,
Et l'autre eft refpectable alors qu'il vous offenfe.
Ne puniffez que moi , qui trahis à la fois
Et l'époux que j'admire , & le fang de nos Rois.
Digne époux , digne objet de toute ma tendreffe,
La pitié maternelle eft ma feule foibleffe ,
Mon fort fera le tien : Je meurs , fi tu péris :
Pardonne-moi du moins d'avoir ſauvé ton fils..
DECEMBRE. 1755. L2F
Je t'ai tout pardonné , lui répond Zamsi
, je n'ai plus rien à craindre pour le
fang de mon Roi. Ses jours font en fureté . Ils
ne le font pas , le récrie Gengis furieux.
Va réparer ton crime , ou fubir le trépas.
Zamti lui fait cette belle réplique.
Le crime eft d'obéir à des ordres injuftes ..
Tu fus notre vainqueur , & tu n'es pas mon Roi.
Si j'étois ton fujet , je te ferois fidelle.
Arrache-moi la vie , & refpecte mon zele.
Je t'ai livré mon fils , j'ai pu te l'immoler.
Penſes-tu que pour moi , je puifle encor trembler ?
Gengis commande qu'on l'entraîne :
Idamé veut le fléchir ; mais il lui ordonne
de fuivre fon mari . Comme elle infifte
il lui dit :
Allez , fi jamais la clémence
Dans mon coeur , malgré moi , pouvoit encor
entrer.
Vousfentez quels affronts il faudroit réparer.
Seul avec Octar , il fait éclater fon dépit
& fon amour. Son confident combat
cette flâme qu'il ne conçoit pas . Ofman
revient lui apprendre qu'Idamé & Zamti
refufent de découvrir l'azyle qui cache.
l'Orphelin , & qu'ils preffent tous deux
que la mort les uniffe. Gengis l'interrompt ,
& lui commande de voler vers Idamé , &c.
de l'affurer que fes jours font facrés & font
230 MERCURE DE FRANCE.
chers à fon maitre. Octar lui demande
quels ordres il veut donner fur cet enfant
des Rois qu'on cache à fa vengeance. Aucun
, répond- t'il .
Je veux qu'Idamé vive ; ordonne tout le refte.
Quel est votre efpoir , lui réplique
Octar ? Gengis termine l'Acte , en lui
difant :
D'être aimé de l'ingrate , ou de me venger d'elle ,
De la punir : tu vois ma foibleffe nouvelle .
Emporté , malgré moi , par de contraires voeux ,
Je frémis & j'ignore encor ce que je veux.
Gengis ouvre encore le quatrieme Acte,
& ordonne aux fiens de fe rendre aux pieds
des murs , en difant que l'infolent Coréen a
proclamé Roi cet enfant malheureux , mais
qu'il va marcher contr'eux fa tête à la main ;
qu'il a trop différé fa mort , & qu'il veut
enfin fans délai que Zamti lui obéiffe. Il
nous paroît que le commencement de cet
Acte fait le cercle , & retourne fur le
troisieme . Octar vient encore dire que le
Mandarin eft inflexible. Gengis s'écrie
étonné .
Quels font donc ces humains que mon bonheur
maîtrife !
A fon Roi qui n'eft plus , immolant la nature ,
L'un voit périr fon fils fans crainte & fans mur
mure ,
DECEMBRE. 1755.234
L'autre pour fon époux eft prête à s'immoler,
Rien ne peut les fléchir , rien ne les fait trembler..
Je vois un peuple antique , induftrieux , immenfes
Ses Rois fur la fageffe ont fondé leur puiffance ;
De leurs voifins foumis , heureux Législateurs ,
Gouvernant fans conquête , & regnant par les
moeurs.
Le ciel ne nous donna que la force en partage.
Nos Arts font les combats , détruire eft notre ou
vrage.
Ah ! de quoi m'ont fervi tant de fuccès divers !
Quel fruit me revient-il des pleurs de l'univers !
Nous rougiffons de fang le char de la victoire.
Peut-être qu'en effet il eft une autre gloire.
Mon coeur eft en fecret jaloux de leurs vertus ,
Et vainqueur , je voudrois égaler les vaincus.
Octar combat le fentiment de fon Maître
avec une franchife militaire , & lui dit :
Quel mérite ont des arts , enfans de la moleffe ,
Qui n'ont pu les fauver des fers & de la mort ?
Le foible eft destiné pour fervir le plus fort.
Tout céde fur la terre aux travaux , au courage
Mais c'est vous qui cédez & fouffrez un outrage.
Il ajoute que fes compagnons en murmurent
tout haut : Gengis lui répond :
Que l'on cherche Idamé . Sur ce qu'Octar infifte
: il lui replique en defpote.
Obéis.
De ton zele hardi réprime la rudeffe :
Je veux que mes fujets refpectent ma foibleffe.
Gengis feul , fe livre à tout fon amour ;
en témoignant fon mépris pour les monf232
MERCURE DE FRANCE.
tres cruels qui font à fa fuite. Idamé paroit
, il lui offre fon trône avec fa main.
Le divorce , dit-il , par mes loix eft permis ,
Et le vainqueur du monde à vous feule eft foumis.
S'il vous fut odieux , le trône a quelques charmes;
Et le bandeau des Rois peut effuyer des larmes.
La vertueufe Idamé lui répond avec une
noble ingénuité , que dans le tems qu'il
n'étoit que Temugin , elle auroit accepté
fa main qui étoit pure alors , fi fes parens
l'avoient agréé. Mais , ajoute-t'elle :
Mon hymen eft un noeud formé par le ciel même.
Mon époux m'eft facré ; je dirai plus : Je l'aime :
Je le préfere à vous , au trône , à vos grandeurs.
Pardonnez mon aveu , mais reſpectez nos moeurs :
Ne penfez pas non plus que je mette ma gloire
A remporter fur vous cette illuftre victoire ;
A braver un vainqueur , à tirer vanité
De ces juftes refus qui ne m'ont point couté.
Je remplis mon devoir , & je me rends juftice:
Je ne fais point valoir un pareil facrifice.
Portez ailleurs les dons que vous me propofez ;
Détachez- vous d'un coeur qui les a méprifez ;
Et puifqu'il faut toujours quidamé vous implore ,
Permettez qu'à jamais mon époux les ignore .
De ce foible triomphe il feroit moins flatté ,
Qu'indigné de l'outrage à ma fidélité .
Gengis lui dit en la quittant :
Quand tout nous uniffoit , vos loix que je dérefte
Ordonnerent ma honte & votre hymen funefte ;
Je les anéantis , je parle , c'eft affez ;
DECEMBRE 1755. 233
Imitez l'univers , Madame , obéiffez .
Mes ordres font donnés , & votre indigne époux
Doit remettre en mes mains votre Empereur &
vous .
Leurs jours me répondront de votre obéiffance.
Idamé gemit de fa cruelle pofition . Affeli
moins févere , lui confeille de fe relâcher
un peu de cette extrême aufterité
pour affurer les jours de fon mari , &
le bien de l'Empire . Zamti furvient , & lui
déclare qu'elle feule refte à l'Orphelin dans
l'Univers , que c'eft à elle à lui conferver
la vie , ainfi qu'à fon fils. Epoufe le Tyran
, pourſuit il.
Ta ferviras de mere à ton Roi malheureux.
Regne , que ton Roi vive , & que ton époux meure.
Elle l'interrompt , & lui dit :
Me connois-tu ? veux-tu que ce funefte rang
Soit le prix de ma honte , & le prix de ton fanga
Penfes- tu que je fois moins époufe que mere ?
Tu t'abules , cruel , & ta vertu févere
A commis contre toi deux crimes en un jour ,
Qui font frémir tous deux la nature & l'amour.
Barbare envers ton fils , & plus envers moi -même.
Ne te fouviens-tu plus qui je fuis , & qui t'aime ?
Crois-moi : le jufte ciel daigne mieux m'inſpirer ;
Je puis fauver mon Roi fans nous deshonorer.
Soit amour , foit mépris , le Tyran qui m'offenfe,
Sur moi , fur mes deffeins , n'eft pas en défiance:
Dans ces remparts fumans , & de fang abbreuvés,
234 MERCURE DE FRANCE.
Je fuis libre , & mes pas ne font pas obfervés.
Le Chef des Coréens s'ouvre un fecret paffage
Non loin de ces tombeaux , où ce précieux gage ,
A l'ail qui le pourfuit , fut caché par tes mains.
De ces tombeaux facrés je fçais tous les chemins;
Je cours y ranimer fa languiffante vie,
Le rendre aux défenfeurs armés pour la patrie ;
Le porter en mes bras dans leurs rangs belliqueux
,
Comme un préfent d'un Dieu qui combat avec
eux.
Tu mourras , je le fçais ; mais , tout couverts de
gloire
Nous laifferons de nous une illuftre mémoire,
Mettons nos noms obfcurs au rang des plus
grands noms :
Et juge fi mon coeur a fuivi tes leçons .
Zamti tranfporté , s'écrie avec juftice,
Idamé , ta veftu l'emporte ſur la mienne !
En effet , cette vertu eft puifée dans la
nature & dans la raifon. Elle forme le
véritable héroïfme , qui honore l'humanité
fans en fortir. Tout grand qu'il eft ,
nous fentons que notre efpece en eft capable.
La vertu de Zamti tient plus au
préjugé. C'est une grandeur d'ame qui dégenere
en fanatifme , & qui eft d'autant
moins vraie , qu'elle bleffe les loix primitives
, & qu'elle excede nos forces. Voilà
pourquoi le caractere d'Idamé paroît fupérieur
à celui de Zamti , & nous intéreffe
davantage , même à la lecture.
DECEMBRE. 1755. 235
Idamé & Affeli commencent le cinquieme
Acte . Idamé a été arrêtée dans fa fuite
avec l'Orphelin. Elle eft captive une feconde
fois , & n'a plus d'efpoir que dans
la mort . Octar vient lui dire d'attendre,
l'Empereur qui veut lui parler , & qui paroit
un moment après . Gengis éclate en
reproches , & finit par preffer Idamé de
s'unir à lui , ce n'eft qu'à ce prix , dit-il ,
que je puis pardonner , & changer les châtimens
en bienfaits tout dépend d'un mor.
Prononcez fans tarder , fans feinte , fans détour ,
Si je vous dois enfin ma haine ou mon amour.
Idamé qui foutient fon noble caractere
jufqu'au bout , lui répond ,
L'un & l'autre aujourd'hui feroit trop condamnable
,
Votre haine eft injufte & votre amour coupable.
Cet amour eft indigne , & de vous & de moi :
Vous me devez juftice ; & fi vous êtes Roi ,
Je la veux , je l'attens pour moi contre vous-mê
me.
Je fuis loin de braver votre grandeur fuprême ;
Je la rappelle en vous , lorfque vous l'oubliez
Et vous-même en fecret vous me juftifiez .
Vous choififfez ma haine , réplique - t'il ,
vous l'aurez .
Votre époux , votre Prince & votre fils , cruelle,
Vont payer de leur fang votre fierté rebelle.
Ce mot , que je voulois , les a tous , condamés.
236 MERCURE DE FRANCE.
C'en est fait , & c'eſt vous qui les affaffinez .
Idamé tombe alors aux pieds de fon
maître , & lui demande une grace à genoux
. Il lui ordonne de fe lever & de déclarer
ce qu'elle veur. Elle le fupplie de
permettre qu'elle ait un entretien fecret
avec fon mari . Gengis le lui accorde , en
difant ;
Non , ce n'étoit pas lui qu'il falloit confulter !
Il m'enleva fon Prince , il vous a poffedée .
Que de crimes ! fa grace eft encore accordée .
Qu'il la tienne de vous , qu'il vous doive fon
fort .
Préfentez à fes yeux le divorce ou la mort.
Il la laiffe . Zamti paroît , elle lui dit :
la mort la plus honteufe t'attend . Ecoutemoi
:
Ne fçavons- nous mourir que par l'ordre d'un Roi ?
Les taureaux aux autels tombent en facrifice ;
Les criminels tremblans font traînés au fupplice
Lés mortels généreux difpofent de leur fort ;
Pourquoi des' mains d'un maître attendre ici la
mort
L'homme étoit -il donc né pour tant de dépendancea
De nos voiſins altiers imitons la conftance.
De la nature humaine ils foutiennent les droits ,
Vivent libres chex eux , & meurent à leur choix .
Un affront leur fuffit pour fortir de la vie ,
Er plus que le néant ils craignent l'infâmie.
Le hardi Japonnois n'attend pas qu'au cercueil
Un Defpote infolent le plonge d'un coup d'oeil.
DECEMBRE. 1755 . 237
Nous avons enfeigné ces braves Infulaires :
Apprenons d'eux enfin des vertus néceffaires .
Scachons mourir comme eux.
Son époux l'approuve ; mais ajoutet'il
, que pouvons - nous feuls & défarmés ?
Idamé tire un poignard qu'elle lui préfente
, en lui difant :
Tiens , fois libre avec moi , frappe , & délivrenous.
J'ai tremblé que ma main , mal affermie encore ,
Ne portât fur moi- même un coup mal affuré,
Enfonce dans ce coeur un bras moins égaré,
Immole avec courage une époufe fidelle ,
Tout couvert de mon fang tombe , & meurs auprès
d'elle.
Qu'à mes derniers momens j'embraffe mon époux;
Que le Tyran le voie , & qu'il en foit jaloux.
Zamti prend le poignard , en tremblant,
il balance ; & comme il veut s'en frapper ,
Gengis arrive à propos pour le défarmer .
O ciel ! s'écrie til , qu'alliez- vous faire ?
Idamé lui replique :
Nous délivrer de toi , finir notre mifere ,
A tant d'atrocités dérober notre fort.
Zamti ajoute :
Veux-tu nous envier juſques à notre mort ?
Oui , lui dit Gengis , que tant de vertu
fubjugue :
Je rougis fur le trône où n'a mis la victoire ,
D'être au- deſſous de vous au milieu de ma gloire;
238 MERCURE DE FRANCE.
En vain par mes exploits j'ai fçu me fignaler :
Vous m'avez avili ; je veux vous égaler.
J'ignorois qu'un mortel pût fe dompter lui-même.
Je l'apprens ; je vous dois cette grandeur fuprême.
Jouiffez de P'honneur d'avoir pu me changer :
Je viens vous réunir , je viens vous protéger.
Veillez , heureux époux , fur l'innocente vie
De l'enfant de vos Rois , que ma main vous con."
fie.
Par le droit des combats j'en pouvois difpofer :
Je vous remets ce droit dont j'allois abuſer.
Croyez qu'à cet enfant heureux dans fa mifere ,
Ainfi qu'à votre fils , je tiendrai lieu de pere .
Vous verrez fi l'on peut fe fier à ma foi.
Je fus un conquerant , vous m'avez fait un Roi.
Zamti pénetré d'un retour fi génereux ,
dit à ce Conquerant :
Ah ! vous ferez aimer votre joug aux vaincus.
Idamé tranfportée de joie & de furprife
, lui demande à fon tour.
Qui peut vous infpirer ce deffein ?
Gengis lui répond par ce mot , qui termine
le vers & la piece.
Vos vertus.
Ce dénouement eft très - applaudi , &
fait d'autant plus de plaifir qu'il finit la
tragédie fans effufion de fang. On doit dire
à la louange des Comédiens François ,
qu'ils n'ont rien épargné pour la mettre
au théatre avec tout l'éclat qu'elle mérite.
Ils y ont même obſervé le coſtume autant
DECEMBRE . 1755. 239
qu'il eft poffible de le fuivre. Mlle Clairon
faite pour fervir de modele , a ofé la premiere
fupprimer le panier. Mlle Hus à eu
le courage de l'imiter ; elles y ont gagné :
tout Paris a approuvé le changement , &
ne les a trouvées que plus aimables.
Les mêmes Comédiens vont remettre
fucceffivement les Troyennes & Philoctete
de M. de Châteaubrun , en attendant Andromaque
& Aftianax , tragédie nouvelle
du même Auteur. Le cothurne eft riche
cette année , & promet à ce théatre un
heureux hyver.
Fermer
Résumé : COMEDIE FRANÇOISE. / Extrait de l'Orphelin de la Chine.
Le texte du Mercure de France de décembre 1755 relate le succès de la pièce de théâtre 'L'Orphelin de la Chine' à Paris. Après une interruption initiale, la tragédie a été jouée avec un grand succès, atteignant dix-sept représentations. Le rôle principal, interprété par un acteur de manière exceptionnelle, a été déterminant pour ce succès. La pièce, précédée d'une épître dédiée au Maréchal Duc de Richelieu, est inspirée de la tragédie chinoise 'L'Orphelin de Tchao', traduite par le Père de Prémare. L'action se déroule dans un palais des mandarins à Cambalu, aujourd'hui Pékin, et met en scène sept personnages, dont l'empereur tartare Gengiskan, des guerriers, des mandarins et leurs serviteurs. L'intrigue commence avec Idamé, femme du mandarin Zamti, qui apprend la conquête de son pays par Gengiskan, un Scythe qu'elle avait autrefois rejeté. Zamti, de retour au palais, décrit les atrocités commises par les conquérants. Octar, un guerrier tartare, ordonne la remise de l'orphelin royal. Zamti décide de sacrifier son propre fils pour sauver l'orphelin, mais Idamé s'y oppose farouchement, préférant sauver son enfant. Gengiskan apparaît ensuite, proclamant la paix et ordonnant la cessation des pillages. Il révèle également son amour non réciproque pour Idamé. La pièce se poursuit avec des révélations et des conflits entre les personnages, notamment autour du sort de l'orphelin et des enfants des souverains. Gengis Khan, après avoir été informé par Ofnan de la confession d'un Mandarin et de la beauté d'Idamé, reconnaît en elle une ancienne flamme. Il lui propose de sauver son fils en échange de la livraison d'un orphelin, dernier rejeton d'une race ennemie. Idamé, malgré sa peur, avoue avoir sauvé son fils et est prête à se sacrifier. Zamti, interrogé par Gengis, affirme avoir agi par devoir et refuse de trahir ses principes, même face à la mort. Gengis, frustré par leur résistance, ordonne leur arrestation et exprime son admiration pour leur courage et leur fidélité. Dans le cinquième acte, Idamé, capturée, refuse les propositions de Gengis et demande à mourir dignement. Elle convainc Zamti de se suicider avec elle pour éviter l'humiliation et la dépendance envers un tyran. Cependant, Zamti et Idamé sont interrompus par Gengis, qui les dissuade de leur geste. Gengis exprime son admiration pour leur vertu et décide de les protéger, leur remettant également le droit de disposer de leur enfant, qu'il considère comme le sien. Zamti et Idamé sont touchés par la générosité de Gengis, qui est motivée par leurs vertus. Le dénouement de la pièce est acclamé pour son absence de violence et son message positif. Les comédiens français, notamment Mlle Clairon et Mlle Hus, sont loués pour leur contribution à la mise en scène et leur respect des costumes. La saison théâtrale promet d'être riche avec plusieurs tragédies prévues, dont 'Andromaque' et 'Astianax' de M. de Châteaubrun.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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74
p. 220-223
PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
Début :
On nous a envoyé trop tard l'extrait de cette Tragédie. L'abondance des [...]
Mots clefs :
Tragédie, Empereur, Collège de Louis le Grand, Pensionnaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
PRECIS de la Tragédie de Juftin , repréfentée
au College de Louis le Grand par
Penfionnaires , le 6 Août 1755 .
ΟOde cette Tragedie . L'abondance des
N nous a envoyé trop tard l'extrait
matieres qui nous font furvenues , nous
ont obligé de le réduire à un précis ou plutôt
à un Programme , pour ne pas le reculer
davantage .
La Scene eft à Conftantinople dans le
Palais d'Anaftafe. L'Auteur peint cet Empereur
d'après l'Hiftoire comme un Prince
impie , cruel , ombrageux. Une fédition
dans laquelle , pour calmer le peuple , il
s'étoit dépouillé des marques de fa dignité,
l'irrite vivement , & reveille fes foupçons
contre Juftin . Celui - ci , Thrace d'origine
, & d'une nailfance obfcure , s'eft vu
élever par dégrés aux premieres dignités
de l'Empire . Son attachement à la foi , &
fa générofité lui ont acquis l'eftime &
I amour des Citoyens . Quoiqu'innocent
il eft fur le point de périr avec Juftinien
fon neveu , lorfqu'Anaftafe
dont mille
Longes affreux avoient jufqu'alors fufpen
DECEMBRE . 1755. 221
du la vengeance , eft frappé d'un coup de
tonnere. Le P. Geoffroi , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique , a travaillé fur ce
fonds avec fuccès. Il a pris les Grecs pour
modeles , & les a heureufement imités.
Il n'a changé l'Hiftoire que dans un point;
c'eft dans le genre de mort dont Anaſtaſe
eft frappé.
Cet Empereur ouvre la Scene avec
Adrafte , Miniftre & Confident digne d'un
tel maître. Le peuple eft prêt à fe révolter.
Anaftafe témoigne fes allarmes fur cette
émeute au perfide Adrafte qui en eft l'auteur
fecret , & dont l'adreffe fcélérate fait
tomber le foupçon fur Juftin . Le Tyran
effrayé ordonne qu'on faffe entrer dans
Conftantinople les troupes étrangeres dévouées
à fa vengeance. Cependant Juftin
appaife l'orage excité par les fourdes intrigues
d'Adrafte & de Vitallien. L'Empereur
eft dépouillé des marques de fa dignité
& couvert de honte ; mais Juftin rejette
avec fermeté les hommages & le
fceptre qu'on lui préfente. Anaftafe raffermi
fur le Trône , rentre dans fon premier
caractere , & oubliant ce qu'il doit à
ce Héros , lui ordonne de juger Mégiſte
fon ami , qui lui a offert la Couronne. La
cruauté d'Anaſtaſe va plus loin : on eft fur
le point de voir périr Justin ainfi que Mé-
K iij
222 MERCURE DE FRANCE.
gifte par l'ordre de l'Empereur. Mais le
peuple qui veille à leur confervation , s'eſt
faifi de Trafille dont la vie doit répondre
pour la leur . Anaftafe court délivrer le
Prince fon neveu , mais il fe trouve invefti
de toutes parts par fes fujets , par
Vitallien à la tête des troupes étrangeres ,
& par Adrafte qui leve le mafque. Juſtin
vole une feconde fois au fecours du Tyran
qui avoit juré fa perte. Adrafte convaincu
de perfidie fubit le châtiment qu'il a mérité
, Trafille eft tué dans le combat , &
l'Empereur bleffé à mort , eft forcé de remettre
fon fceptre entre les mains de Juftin
plus digne de le porter. Ce dénouement
heureux fatisfait tous les fpectateurs,
& la piece entiere fait honneur au P. Geoffroi
par fa conduite & par les détails . Le
rôle d'Anaftafe a été parfaitement rendu
par M. le Vaffeur . Il mérite d'autant plus
d'éloge , qu'il n'en avoit été chargé que fix
jours avant la repréfentation de la Tragédie.
La maladie furvenue lors de l'exercice
à M. Guerin , occafionna au nouvel
Acteur un redoublement de travail & d'applaudiffemens
dont un pere refpectable a
partagé la joie. M. de Quinfonas fils de
M le Premier Préfident du Parlement de
Befançon , s'eft furpaffé dans celui de Juſtin.
MM. de Villefranche & Chalon ont
DECEMBRE. 1755. 223
rempli avec force les perfonnages d'Adrafte
& de Vitallien ; M. Varnier ne s'eft
pas moins bien acquitté de celui de Mégifte
, & MM. Miran & Thevenin ont été
également applaudis , l'un dans le rôle
de Trafille , & l'autre dans celui de Juftinien
.
On exécuta dans les entr'actes un Ballet
intitulé , la Profpérité. M. Dupré le
jeune & M. Dourdet en avoient compofé
les pas , & le P. Geoffroi , en avoit donné
l'idée. Il l'avoit partagé en quatre entrées
qui formoient chacune les différens caracteres
de la Profpérité avec autant de jufteffe
que d'efprit.
10. Les impreffions que fait une profpérité
naiffante . 2 °. Les avantages que
produit une profpérité bien établie. 3 ° . Les
vices qui déshonorent une profpérité mal
employée. 4°. Les reffources qui peuvent
rétablir une profpérité chancelante. Le ralent
de M. la Riviere , Directeur des Ballets
de la Comédie Françoife , brilla furtout
dans cette fête , & contribuà le plus
à fa réuffite. Après la diftribution des Prix
fondés par Sa Majefté , la Séance fut
agréablement
couronnée par un feu Chinois
de la compofition des fieurs Ruggieri.
au College de Louis le Grand par
Penfionnaires , le 6 Août 1755 .
ΟOde cette Tragedie . L'abondance des
N nous a envoyé trop tard l'extrait
matieres qui nous font furvenues , nous
ont obligé de le réduire à un précis ou plutôt
à un Programme , pour ne pas le reculer
davantage .
La Scene eft à Conftantinople dans le
Palais d'Anaftafe. L'Auteur peint cet Empereur
d'après l'Hiftoire comme un Prince
impie , cruel , ombrageux. Une fédition
dans laquelle , pour calmer le peuple , il
s'étoit dépouillé des marques de fa dignité,
l'irrite vivement , & reveille fes foupçons
contre Juftin . Celui - ci , Thrace d'origine
, & d'une nailfance obfcure , s'eft vu
élever par dégrés aux premieres dignités
de l'Empire . Son attachement à la foi , &
fa générofité lui ont acquis l'eftime &
I amour des Citoyens . Quoiqu'innocent
il eft fur le point de périr avec Juftinien
fon neveu , lorfqu'Anaftafe
dont mille
Longes affreux avoient jufqu'alors fufpen
DECEMBRE . 1755. 221
du la vengeance , eft frappé d'un coup de
tonnere. Le P. Geoffroi , l'un des Profeffeurs
de Rhétorique , a travaillé fur ce
fonds avec fuccès. Il a pris les Grecs pour
modeles , & les a heureufement imités.
Il n'a changé l'Hiftoire que dans un point;
c'eft dans le genre de mort dont Anaſtaſe
eft frappé.
Cet Empereur ouvre la Scene avec
Adrafte , Miniftre & Confident digne d'un
tel maître. Le peuple eft prêt à fe révolter.
Anaftafe témoigne fes allarmes fur cette
émeute au perfide Adrafte qui en eft l'auteur
fecret , & dont l'adreffe fcélérate fait
tomber le foupçon fur Juftin . Le Tyran
effrayé ordonne qu'on faffe entrer dans
Conftantinople les troupes étrangeres dévouées
à fa vengeance. Cependant Juftin
appaife l'orage excité par les fourdes intrigues
d'Adrafte & de Vitallien. L'Empereur
eft dépouillé des marques de fa dignité
& couvert de honte ; mais Juftin rejette
avec fermeté les hommages & le
fceptre qu'on lui préfente. Anaftafe raffermi
fur le Trône , rentre dans fon premier
caractere , & oubliant ce qu'il doit à
ce Héros , lui ordonne de juger Mégiſte
fon ami , qui lui a offert la Couronne. La
cruauté d'Anaſtaſe va plus loin : on eft fur
le point de voir périr Justin ainfi que Mé-
K iij
222 MERCURE DE FRANCE.
gifte par l'ordre de l'Empereur. Mais le
peuple qui veille à leur confervation , s'eſt
faifi de Trafille dont la vie doit répondre
pour la leur . Anaftafe court délivrer le
Prince fon neveu , mais il fe trouve invefti
de toutes parts par fes fujets , par
Vitallien à la tête des troupes étrangeres ,
& par Adrafte qui leve le mafque. Juſtin
vole une feconde fois au fecours du Tyran
qui avoit juré fa perte. Adrafte convaincu
de perfidie fubit le châtiment qu'il a mérité
, Trafille eft tué dans le combat , &
l'Empereur bleffé à mort , eft forcé de remettre
fon fceptre entre les mains de Juftin
plus digne de le porter. Ce dénouement
heureux fatisfait tous les fpectateurs,
& la piece entiere fait honneur au P. Geoffroi
par fa conduite & par les détails . Le
rôle d'Anaftafe a été parfaitement rendu
par M. le Vaffeur . Il mérite d'autant plus
d'éloge , qu'il n'en avoit été chargé que fix
jours avant la repréfentation de la Tragédie.
La maladie furvenue lors de l'exercice
à M. Guerin , occafionna au nouvel
Acteur un redoublement de travail & d'applaudiffemens
dont un pere refpectable a
partagé la joie. M. de Quinfonas fils de
M le Premier Préfident du Parlement de
Befançon , s'eft furpaffé dans celui de Juſtin.
MM. de Villefranche & Chalon ont
DECEMBRE. 1755. 223
rempli avec force les perfonnages d'Adrafte
& de Vitallien ; M. Varnier ne s'eft
pas moins bien acquitté de celui de Mégifte
, & MM. Miran & Thevenin ont été
également applaudis , l'un dans le rôle
de Trafille , & l'autre dans celui de Juftinien
.
On exécuta dans les entr'actes un Ballet
intitulé , la Profpérité. M. Dupré le
jeune & M. Dourdet en avoient compofé
les pas , & le P. Geoffroi , en avoit donné
l'idée. Il l'avoit partagé en quatre entrées
qui formoient chacune les différens caracteres
de la Profpérité avec autant de jufteffe
que d'efprit.
10. Les impreffions que fait une profpérité
naiffante . 2 °. Les avantages que
produit une profpérité bien établie. 3 ° . Les
vices qui déshonorent une profpérité mal
employée. 4°. Les reffources qui peuvent
rétablir une profpérité chancelante. Le ralent
de M. la Riviere , Directeur des Ballets
de la Comédie Françoife , brilla furtout
dans cette fête , & contribuà le plus
à fa réuffite. Après la diftribution des Prix
fondés par Sa Majefté , la Séance fut
agréablement
couronnée par un feu Chinois
de la compofition des fieurs Ruggieri.
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Résumé : PRECIS de la Tragédie de Justin, représentée au College de louis le Grand par les Pensionnaires, le 6 Août 1755.
Le texte relate la représentation de la tragédie 'Juftin' au Collège de Louis le Grand le 6 août 1755 par les pensionnaires. Initialement prévue comme un extrait, la pièce a été réduite à un programme en raison de l'abondance des matières et des délais. L'action se déroule à Constantinople, dans le palais d'Anastase, un empereur impie, cruel et ombrageux. Une sédition pousse Anastase à se dépouiller des marques de sa dignité pour apaiser le peuple, mais cela réveille ses soupçons contre Justin, un Thrace d'origine modeste élevé aux plus hautes dignités de l'Empire grâce à sa foi et à sa générosité. La pièce commence avec Anastase et Adraste, son ministre et confident. Le peuple est prêt à se révolter, et Adraste, auteur secret de l'émeute, fait retomber les soupçons sur Justin. Anastase ordonne l'entrée de troupes étrangères pour réprimer la révolte. Justin apaise l'orage causé par les intrigues d'Adraste et de Vitalien. Anastase, rétabli sur le trône, ordonne à Justin de juger Mégiste, un ami qui lui a offert la couronne. Le peuple, veillant à la conservation de Justin et de Mégiste, se soulève. Anastase est blessé et contraint de remettre le sceptre à Justin, plus digne de le porter. Adraste est puni pour sa perfidie, et Trafille est tué dans le combat. Les rôles principaux ont été interprétés par des élèves du collège. M. le Vasseur a joué Anastase et a été félicité pour sa performance malgré un délai de préparation court. M. de Quinfonas a excellé dans le rôle de Justin. Les rôles d'Adraste et de Vitalien ont été joués par MM. de Villefranche et Chalon, tandis que M. Varnier a interprété Mégiste. MM. Miran et Thevenin ont été applaudis pour leurs rôles de Trafille et de Justinien, respectivement. Des ballets intitulés 'La Prosperité' ont été exécutés entre les actes, composés par M. Dupré le jeune et M. Dourdet, sous la direction du P. Geoffroi. Ces ballets illustraient différents aspects de la prospérité. La séance s'est conclue par une distribution de prix et un feu d'artifice chinois des frères Ruggieri.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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75
p. 198-201
ALLEMAGNE.
Début :
Le Comte de Konigsfeld, envoyé à l'Electeur de Baviere, eut le 27 [...]
Mots clefs :
Vienne, Comte de Konigsfeld, Empereur, Ordonnance, Invasion du roi de Prusse, Impératrice-Reine, Bohême, Prague, Combats, Escadron de dragons, Dresde, Bailliages, Général Retzow, Recrues, Lettre, Menaces, Francfort, Cercle électoral, Conclusum, État de défense, Contingent, Artillerie, Avocatoires impériaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le premier Janvier.
Le Comte de Konigsfeld , envoyé de l'Electeur
de Baviere , eut le 27 du mois dernier une audience
publique de l'Empereur , & il notifia à S. M.
Impériale la mort de l'Impératrice Douairiere de
Charles VII, arrivée le 11. Après-demain, la Cour
prendra pourdeux mois le deuil de cette Princeſſe.
L'Empereur a reçu ce matin , à l'occaſion de cette
mort , les complimens des Miniftres Etrangers &
des Seigneurs . Quoique l'Impératrice Reine ſe
porte auffi-bien qu'on puiffe le defirer , Sa Majefté,
àcauſe de la rigueur du froid, ne ſera relevées de
ſes couches que le 19 de ce mois.
On a publié depuis peu une Ordonnance qui
porte que l'invaſion du Roi de Pruſſe en Boheme
, autoriſoit ſuffisamment Impératrice Reine à
rappeller , ſous les menaces uſitées en pareil cas ,
tous ceux de ſes Vaſſaux & Sujets qui pouvoient
ſe trouver au ſervice de S. M. Pruſſienne ; mais
que cette Princeſſe a été retenue , & par ſa modération
ordinaire, & par la conſidération que des
deux côtés on plongeroit dans la miſere quantité
de Sujets innocens : Que cependant le Roi de
Pruffle ayant donné dès le 2 de Novembre des
avocatoires , par leſquels il a rappellé tous ceux
de ſes Sujets , qui étoient au ſervice de l'Impératrice
Reine , & S. M. Pruffienne les ayant mena
FEVRIER . 1757 . 199
1
1
1
1
cé d'encourir ſon indignation & la perte de leurs
biens , l'Impératrice Reine ſe trouve aujourd'hui
dans l'obligation d'en agir de même : Qu'à ces
causes , elle ordonne par la préſente , à tous ceux
des Vaſſaux ou Sujets , qui font actuellement au
ſervice Militaire ou Civil du Roi de Pruſſe , à la
Cour ou dans les Etats de ce Prince , de s'en retirer
dans le terme de deux mois. Qu'elle les aſſure
de fa faveur royale , & que ſelon leur mérite &
felon leur qualité, elle les employera à ſon ſervice.
Que ceux qui n'obéiront pas à ſes ordres , encoureront
fon indignation , & que leurs biens feront
confifqués au profit des autres Sujets de l'Impératrice
Reine , qui pourroient avoir ſouffert quelquedommage
de la part de l'ennemi. Qu'au reſte,
l'Impératrice Reine étant pouffée à cette démarche
par ce qui s'eſt fait à Berlin , ſuivra exactement
, dans l'affaire dont il s'agit , la conduite
que tiendra S. M. Pruffienne.
DE PRAGUE , le 28 Décembre.
Ces jours derniers , le ſieur d'Etvos , Colonel
Commandant du Régiment de Huſſards de Spleni
, s'avança avec un Détachement vers Guntersdorff.
Il tomba dans ſa route ſur un poſte de cent
cinquante Dragons Pruſſiens , qu'il diſperſa. Les
ennemis perdirent un enſeigne& trenteDragons.
Du côté des Autrichiens , il n'y eut que deux
Huſſards tués& un Maréchaldes Logis de bleffé.
DE DRESDE , le 2 Janvier.
Laplupart des Bailliages de l'Electorat n'ayant
pu fournir le nombre de recrues qui leur a été
demandé , le Général Retzow écrivit le 24 du
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
mois dernier , aux Commiſſaires des différens Cercles
la lettre ſuivante : « Sa Majesté Pruſſienne
>voulant abſolument que les Régimens ci-devant
>Saxons ſoient rendus complets pour le premier
>Janvier de l'année prochaine 1757 , attendu que
>le terme qui vous avoit été fixé au 24 Décem-
>>bre 1756 , & auquel toutes les recrues devoient
>> être livrées , eſt expiré ; je vous avertis que fi
>>>les recrues ne ſont pas livrées le premier Janvier
>>juſqu'au dernier homme , les Commiſſaires &
>>>les Baillis ſeront exécutés militairement. Afin de
>>compléter plutôt les Régimens , S. M. Pruffien-
>>ne conſent de recevoir des hommes qui n'aient
>que cinq pieds quatre ponces de haut , pourvu
>>qu'ils foient ſains & robuſtes. Elle acceptera
>même les adolefcens qui n'auront pas cette tail-
>>le , fi l'on a lieu d'eſpérer qu'ils puiffent y par-
>> venir. » Les menaces contenues dans cette lettre,
ont été déja miſes en exécution dans divers endroits.
Pluſieurs Baillis ont été mis en priſon.
Par ordre du Roi de Pruſſe , il doit ſe rendre ici
des Députés de la Nobleſſe & des Villes de chaque
Cercle. On croit que ce Prince ſe propoſe de leur
demander une ſubvention en argent. Il a accordé
aux habitans de Léipſick une diminution de cent
ving- cinq mille écus ſur la ſomme à laquelle il
les a taxés.
DE FRANCFORT , le 10 Janvier.
Voici le Conclufum que le Cercle Electoral du
Rhin a formé , à l'occaſion de la guerre qui s'eſt
allumée dans l'Empire.
« Pour ſe conformer aux ordres du Chef Suprême
de l'Empire , le Cercle ſe mettra en état
>>de défenſe , ainſi que l'exige plus que jamais la
FEVRIER. 1757 . 201
:
5
anéceſſité où l'on ſe trouve aujourd'hui. A cet
veffet , tous les Etats qui font armés porteront
>>ſans délai au triple , & tiendront prêt à marcher
>>l>eur contingent, tel qu'il eſt fixé en temps de
>>paix par la Matricule de 1687. On préparera
>> auſſi avecdiligence l'artillerie , les autres atti-
>>rails militaires & les munitions , comme il s'eſt
>>fait dans de ſemblables circonstances,Pro tuendâ
>Securitate Imperii publica. A l'égard des Etats
>>qui ne ſont pas armés , ils fourniront à la caiſſe
>>commune le double de leur contingent en ar-
>gent. Les Membres pour leſquels les pactes ont
>>ſtatué autrement , feront cependant exceptés.
>>S'il y a encore quelques Etats du Cercle qui
n'aient pas affiché les Avocatoires Impériaux ,
»ilsferont tenus touss,, ſans aucune exception , de
ſatisfaire à ce devoir. De même , tous ſujets du
>>Cercle , qui ſe trouvent au ſervice Electoral de
>>Brandebourg , feront obligés , après la publica-
>>tion des Préſentes , de le quitter ,&de faire cer-
>>tifier authentiquement au Cercle leur retraite.
>>On donnera part à l'Empereur de la diſpoſition
poù eſt le Cercle de déférer entiérement aux intentions
de S. M. Impériiaallee ,, &l'on notifiera pa-
>>reillement la préſente réſolution aux louables
>>Cercles de Baviere , de Franconie , de Souabe
>>& du Haut Rhin , en les requérant d'entretenir
une fidelle correſpondance avec l'Aſſemblée.>>
DE VIENNE , le premier Janvier.
Le Comte de Konigsfeld , envoyé de l'Electeur
de Baviere , eut le 27 du mois dernier une audience
publique de l'Empereur , & il notifia à S. M.
Impériale la mort de l'Impératrice Douairiere de
Charles VII, arrivée le 11. Après-demain, la Cour
prendra pourdeux mois le deuil de cette Princeſſe.
L'Empereur a reçu ce matin , à l'occaſion de cette
mort , les complimens des Miniftres Etrangers &
des Seigneurs . Quoique l'Impératrice Reine ſe
porte auffi-bien qu'on puiffe le defirer , Sa Majefté,
àcauſe de la rigueur du froid, ne ſera relevées de
ſes couches que le 19 de ce mois.
On a publié depuis peu une Ordonnance qui
porte que l'invaſion du Roi de Pruſſe en Boheme
, autoriſoit ſuffisamment Impératrice Reine à
rappeller , ſous les menaces uſitées en pareil cas ,
tous ceux de ſes Vaſſaux & Sujets qui pouvoient
ſe trouver au ſervice de S. M. Pruſſienne ; mais
que cette Princeſſe a été retenue , & par ſa modération
ordinaire, & par la conſidération que des
deux côtés on plongeroit dans la miſere quantité
de Sujets innocens : Que cependant le Roi de
Pruffle ayant donné dès le 2 de Novembre des
avocatoires , par leſquels il a rappellé tous ceux
de ſes Sujets , qui étoient au ſervice de l'Impératrice
Reine , & S. M. Pruffienne les ayant mena
FEVRIER . 1757 . 199
1
1
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1
cé d'encourir ſon indignation & la perte de leurs
biens , l'Impératrice Reine ſe trouve aujourd'hui
dans l'obligation d'en agir de même : Qu'à ces
causes , elle ordonne par la préſente , à tous ceux
des Vaſſaux ou Sujets , qui font actuellement au
ſervice Militaire ou Civil du Roi de Pruſſe , à la
Cour ou dans les Etats de ce Prince , de s'en retirer
dans le terme de deux mois. Qu'elle les aſſure
de fa faveur royale , & que ſelon leur mérite &
felon leur qualité, elle les employera à ſon ſervice.
Que ceux qui n'obéiront pas à ſes ordres , encoureront
fon indignation , & que leurs biens feront
confifqués au profit des autres Sujets de l'Impératrice
Reine , qui pourroient avoir ſouffert quelquedommage
de la part de l'ennemi. Qu'au reſte,
l'Impératrice Reine étant pouffée à cette démarche
par ce qui s'eſt fait à Berlin , ſuivra exactement
, dans l'affaire dont il s'agit , la conduite
que tiendra S. M. Pruffienne.
DE PRAGUE , le 28 Décembre.
Ces jours derniers , le ſieur d'Etvos , Colonel
Commandant du Régiment de Huſſards de Spleni
, s'avança avec un Détachement vers Guntersdorff.
Il tomba dans ſa route ſur un poſte de cent
cinquante Dragons Pruſſiens , qu'il diſperſa. Les
ennemis perdirent un enſeigne& trenteDragons.
Du côté des Autrichiens , il n'y eut que deux
Huſſards tués& un Maréchaldes Logis de bleffé.
DE DRESDE , le 2 Janvier.
Laplupart des Bailliages de l'Electorat n'ayant
pu fournir le nombre de recrues qui leur a été
demandé , le Général Retzow écrivit le 24 du
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
mois dernier , aux Commiſſaires des différens Cercles
la lettre ſuivante : « Sa Majesté Pruſſienne
>voulant abſolument que les Régimens ci-devant
>Saxons ſoient rendus complets pour le premier
>Janvier de l'année prochaine 1757 , attendu que
>le terme qui vous avoit été fixé au 24 Décem-
>>bre 1756 , & auquel toutes les recrues devoient
>> être livrées , eſt expiré ; je vous avertis que fi
>>>les recrues ne ſont pas livrées le premier Janvier
>>juſqu'au dernier homme , les Commiſſaires &
>>>les Baillis ſeront exécutés militairement. Afin de
>>compléter plutôt les Régimens , S. M. Pruffien-
>>ne conſent de recevoir des hommes qui n'aient
>que cinq pieds quatre ponces de haut , pourvu
>>qu'ils foient ſains & robuſtes. Elle acceptera
>même les adolefcens qui n'auront pas cette tail-
>>le , fi l'on a lieu d'eſpérer qu'ils puiffent y par-
>> venir. » Les menaces contenues dans cette lettre,
ont été déja miſes en exécution dans divers endroits.
Pluſieurs Baillis ont été mis en priſon.
Par ordre du Roi de Pruſſe , il doit ſe rendre ici
des Députés de la Nobleſſe & des Villes de chaque
Cercle. On croit que ce Prince ſe propoſe de leur
demander une ſubvention en argent. Il a accordé
aux habitans de Léipſick une diminution de cent
ving- cinq mille écus ſur la ſomme à laquelle il
les a taxés.
DE FRANCFORT , le 10 Janvier.
Voici le Conclufum que le Cercle Electoral du
Rhin a formé , à l'occaſion de la guerre qui s'eſt
allumée dans l'Empire.
« Pour ſe conformer aux ordres du Chef Suprême
de l'Empire , le Cercle ſe mettra en état
>>de défenſe , ainſi que l'exige plus que jamais la
FEVRIER. 1757 . 201
:
5
anéceſſité où l'on ſe trouve aujourd'hui. A cet
veffet , tous les Etats qui font armés porteront
>>ſans délai au triple , & tiendront prêt à marcher
>>l>eur contingent, tel qu'il eſt fixé en temps de
>>paix par la Matricule de 1687. On préparera
>> auſſi avecdiligence l'artillerie , les autres atti-
>>rails militaires & les munitions , comme il s'eſt
>>fait dans de ſemblables circonstances,Pro tuendâ
>Securitate Imperii publica. A l'égard des Etats
>>qui ne ſont pas armés , ils fourniront à la caiſſe
>>commune le double de leur contingent en ar-
>gent. Les Membres pour leſquels les pactes ont
>>ſtatué autrement , feront cependant exceptés.
>>S'il y a encore quelques Etats du Cercle qui
n'aient pas affiché les Avocatoires Impériaux ,
»ilsferont tenus touss,, ſans aucune exception , de
ſatisfaire à ce devoir. De même , tous ſujets du
>>Cercle , qui ſe trouvent au ſervice Electoral de
>>Brandebourg , feront obligés , après la publica-
>>tion des Préſentes , de le quitter ,&de faire cer-
>>tifier authentiquement au Cercle leur retraite.
>>On donnera part à l'Empereur de la diſpoſition
poù eſt le Cercle de déférer entiérement aux intentions
de S. M. Impériiaallee ,, &l'on notifiera pa-
>>reillement la préſente réſolution aux louables
>>Cercles de Baviere , de Franconie , de Souabe
>>& du Haut Rhin , en les requérant d'entretenir
une fidelle correſpondance avec l'Aſſemblée.>>
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Résumé : ALLEMAGNE.
Le 27 décembre, le Comte de Konigsfeld, représentant de l'Électeur de Bavière, a informé l'Empereur de la mort de l'Impératrice douairière de Charles VII, survenue le 11 décembre. La cour observera un deuil de deux mois. L'Empereur a reçu les condoléances des ministres étrangers et des seigneurs. L'Impératrice Reine, bien que en bonne santé, ne sera relevée de ses couches que le 19 janvier en raison du froid. Une ordonnance récente autorisait l'Impératrice Reine à rappeler ses vassaux et sujets au service de la Prusse après l'invasion de la Bohême par le Roi de Prusse. Cependant, par modération et pour éviter la misère des sujets innocents, elle n'a pas agi immédiatement. Le Roi de Prusse ayant rappelé ses sujets au service de l'Impératrice Reine, cette dernière ordonne maintenant à ses vassaux et sujets de quitter le service prussien sous deux mois, sous peine de confiscation de leurs biens. À Prague, le colonel d'Etvos a dispersé un poste de dragons prussiens, causant des pertes des deux côtés. À Dresde, le général Retzow a menacé les baillis de l'Électorat de Saxe de les exécuter militairement s'ils ne fournissent pas les recrues demandées. Plusieurs baillis ont déjà été emprisonnés. Le Roi de Prusse prévoit de demander une subvention en argent aux députés de la noblesse et des villes. À Francfort, le Cercle Électoral du Rhin s'est mis en état de défense, augmentant les contingents militaires et préparant les munitions. Les États non armés devront contribuer financièrement. Tous les sujets au service électoral de Brandebourg devront quitter ce service. La résolution sera notifiée à l'Empereur et aux autres cercles électoraux.
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76
p. 161
DU LEVANT.
Début :
Le 29 Octobre à quatre heures du matin, la mort du Sultan Osman III, [...]
Mots clefs :
Constantinople, Mort, Sultan, Empereur, Proclamation, Prince, Succession
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DU LEVANT.
DU LEVANT.
DE CONSTANTINOPLE , le 30 Octobre.
LE 29 E 29 Octobre à quatre heures du matin , la
mort du Sultan Ofman III , arrivéc la nuit du 28
au 29 , après une maladie qui a duré environ trois
femaines , fut annoncée par le canon du Port ,
& bientôt répandue par toute la Ville. Les Grands
furent fur le champ mandés au Serrail , & le Sultan
Muftapha fut déclaré Empereur. Tout s'eft
paffé jufqu'ici fort tranquillement , & après la
proclamation du nouveau Sultan , on procédera
aux obfeques du Grand Seigneur. Le Sultan Muf
tapha ; qui eft le premier Prince de la Maiſon
Ottomane , a quarante - un ans ; on affure qu'il
eft d'un caractere auffi pacifique que fon prédé- ,
ceffeur.
DE CONSTANTINOPLE , le 30 Octobre.
LE 29 E 29 Octobre à quatre heures du matin , la
mort du Sultan Ofman III , arrivéc la nuit du 28
au 29 , après une maladie qui a duré environ trois
femaines , fut annoncée par le canon du Port ,
& bientôt répandue par toute la Ville. Les Grands
furent fur le champ mandés au Serrail , & le Sultan
Muftapha fut déclaré Empereur. Tout s'eft
paffé jufqu'ici fort tranquillement , & après la
proclamation du nouveau Sultan , on procédera
aux obfeques du Grand Seigneur. Le Sultan Muf
tapha ; qui eft le premier Prince de la Maiſon
Ottomane , a quarante - un ans ; on affure qu'il
eft d'un caractere auffi pacifique que fon prédé- ,
ceffeur.
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Résumé : DU LEVANT.
Le 29 octobre, la mort d'Osman III est annoncée. Mustafa IV, 41 ans, est proclamé sultan. La transition est paisible. Les funérailles d'Osman III auront lieu après la proclamation. Mustafa IV est décrit comme pacifique, comme son prédécesseur.
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77
p. 194
De VERSAILLES, le 17 Juillet.
Début :
Le 27 du mois dernier, le Roi tint le Sceau. Le 30, le sieur Boyer, [...]
Mots clefs :
Roi, Médecin ordinaire du roi, Honneur, Princesse, Sceau, Comte, Ambassadeur, Empereur, Audience, Charge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 17 Juillet.
DeVERSAILLES , le 17 Juillet.
E 27 du mois dernier , le Roi tint le Sceau.
Le 30 le fieur Boyer , Médecin ordinaire de
Sa Majefté , Doyen de la Faculté de Médecine ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre de S. Michel ,
eut l'honneur de préfenter au Roi la mé faille,qui
doit être offerte à Sa Majeſté , à chaque tenue
du Chapitre de cet Ordre , conformément à la
fondation faite, par le fieur Perrotin de Barmond,
Chevalier du m me Ordre.
Le 3 de ce mois , la Princeffe Triwulfi, Dame
d'honneur de feue Madame Infante , eut l'hon.
neur de prendre congé de Leurs Majeftés, pour
Le rendre incellamment à Parme.
Le 11 de ce mois , le Roi tint le Sceau.
Le même jour , le Comte de Starhenberg,Am
baffadeur de l'Empereur & de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Bohême, eut une Audience particuliere
de Sa Majesté , à laquelle il fut conduit
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaſfadeurs.
la
Le 14 , le Roi difpofa de la Charge de Grand-
Aumônier de France , qui étoit vacante par
mort du Cardinal de Tavannes , en faveur de
l'Archevêque de Narbonne.
E 27 du mois dernier , le Roi tint le Sceau.
Le 30 le fieur Boyer , Médecin ordinaire de
Sa Majefté , Doyen de la Faculté de Médecine ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre de S. Michel ,
eut l'honneur de préfenter au Roi la mé faille,qui
doit être offerte à Sa Majeſté , à chaque tenue
du Chapitre de cet Ordre , conformément à la
fondation faite, par le fieur Perrotin de Barmond,
Chevalier du m me Ordre.
Le 3 de ce mois , la Princeffe Triwulfi, Dame
d'honneur de feue Madame Infante , eut l'hon.
neur de prendre congé de Leurs Majeftés, pour
Le rendre incellamment à Parme.
Le 11 de ce mois , le Roi tint le Sceau.
Le même jour , le Comte de Starhenberg,Am
baffadeur de l'Empereur & de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Bohême, eut une Audience particuliere
de Sa Majesté , à laquelle il fut conduit
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaſfadeurs.
la
Le 14 , le Roi difpofa de la Charge de Grand-
Aumônier de France , qui étoit vacante par
mort du Cardinal de Tavannes , en faveur de
l'Archevêque de Narbonne.
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Résumé : De VERSAILLES, le 17 Juillet.
Du 27 juin au 14 juillet, plusieurs événements marquants eurent lieu à la cour. Le 27 juin, le roi prit possession du Sceau. Le 30 juin, le médecin Boyer, Médecin ordinaire du roi et Doyen de la Faculté de Médecine, remit au roi la médaille traditionnelle du Chapitre de l'Ordre de Saint-Michel. Le 3 juillet, la Princesse Trivulzi, Dame d'honneur de la défunte Madame Infante, quitta les souverains pour se rendre à Parme. Le 11 juillet, le roi reprit le Sceau et reçut le Comte de Starhenberg, Ambassadeur de l'Empereur et de l'Impératrice Reine de Hongrie et de Bohême, accompagné par l'Introducteur des Ambassadeurs. Le 14 juillet, le roi nomma l'Archevêque de Narbonne au poste de Grand-Aumônier de France, vacant depuis la mort du Cardinal de Tavannes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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78
p. 180-186
DÉTAIL de tout ce qui s'est passé depuis l'arrivée de M. le Prince de LICHTENSTEIN jusqu'au 4.
Début :
M. le Prince de Lichtenstein arriva à Parme le 1 Septembre ; [...]
Mots clefs :
Prince du Lichtenstein, Infant, Audience, Palais, Prince Ferdinand , Ministres, Officiers, Audience publique, Comte, Marquis, Valets, Honneurs, Carosse, Bataillons, Armes, Pages, Dames, Noblesse, Empereur, Gentilshommes, Opéra, Infante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉTAIL de tout ce qui s'est passé depuis l'arrivée de M. le Prince de LICHTENSTEIN jusqu'au 4.
DETAIL de tout ce qui s'eft paffé depuis l'arrivée
de M. le Prince de LICHTENSTEIN jufqu'au 4 .
M. le Prince de Lichtenſtein arriva à Parme le
1 Septembre ; auflitôt après , il fit informer M.
Dutillot , par un de fes Gentilshommes.
M. Dutillot fe tranfporta chez lui , & lui donna
l'heure que l'Infant avoit fixé pour fon audience
particuliere.
Cette audience fut le lendemain à midi & demi;
M.Dutillot alla prendre M. le Prince de Lichtenftein
au Palais Palavicini où il eſt logé , & l'amena
chez l'Infant , il le conduifit enfuite chez le Prince
Ferdinand , de là à l'appartement de Madame
Infante Ifabelle , où le trouva auffi Madame Louiſe ..
M.le Prince de Lichtenſtein, fut au fortir du Palais
, rendre la vifire à M. Dutillot ; fortit de chez
Ge Miniftre , & y revint dîner avec les Miniftres de
France , d'Espagne , de Turin , de Gènes & de
Malte ; M. le Comte de Neuilly , M le Bailli de
Breteuil , M. l'Abbé de Canillac & M. le Comte
de Mercy . Il amena avec lui les huit Chambellans
qui l'ont accompagné , & deux Officiers Majors..
OCTOBRE. 1760. 185
M. Dutillot avoit invité le Capitaine & le Major
des Gardes du Corps , le grand Ecuyer & le premier
Ecuyer de l'Infant , le Gouverneur du Frince
Ferdinand , des Gentilshommes de la Chambre ,
des Majordomes , des Dames du Palais , M. l'Evêque
de Plaifance , frere du feu Chancelier Criftiani
chargé par l'Infant , à caufe de la mort de
l'Evêque de Parme , de la cérémonie du mariage )
& quelques Perfonnes de la premiere Nobleffe du
Pays.
Après le dîner , M. de Lichtenftein retourna à
fon Hôtel , où il reçut des vifites .
Le troifiéme jour fixé pour l'Audience publique,
M. le Comte Peroli , Introducteur, partit du
Palais à onze heures & demie , dans un caroffe
de l'Infant attelé à huit chevaux ; ce caroffe étoit
précédé par un autre à fix chevaux ( vuide ) , &
fuivi par trois autres attelés à huit chevaux ; dans
chacun de ces caroffes , étoit un Majordome.
Un Officier de l'Ecurie étoit à cheval à la tête
de ce Cortége ; douze Valets de pied étoient fur
deux files aux deux côtés de la voiture de l'Infant
, où étoit M. l'Introducteur , trois derriere ce
carofie , & deux derriere chacun des autres .
Deux Palfreniers à cheval ſuivoient l'Officier
de l'Ecurie
M. le Comte Peroli fut dans cet ordre prendre
chez lui M. le Marquis Palavicini , premier Gentilhomme
de la Chambre , que l'Infant avoir
chargé de faire les honneurs à M. le Prince de
Lichtenſtein .
M. de Palavicini monta dans le même caroffe ,
dans lequel étoit venu M. le Comte Peroli ; ce
dernier lui donna la droite.
Ils furent dans le même ordre chez M. le Prin
ce de Lichtenſtein.
Ils monterent l'efcalier , fuivis des trois Majordomes
qui les avoient accompagnés : les
182 MERCURE DE FRANCE. 1
douze valets de pieds fuivoient fur deux files.
M. le Prince de Lichtenſtein étoit venu au-devant
d'eux, & avoit defcendu deux marches; il les conduifitjufques
à la chambre. MM . les Majordomest
refterent à la piéce la plus voisine de cette chambre
, où ils entrerent un moment après M. de
Palavicini & M. Peroli , à qui M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait partout les honneurs des
Portes.
On defcendit de chez M. le Prince , qui fit
toujours les honneurs à M. de Palavicini jufques
au bas de fon efcalier ; où étant arrivé , M. de
Palavicini lui fit les honneurs du caroffe , il y
monta , fe plaça feul dans le fond , M. de Pałavicini
fur le devant à droite , M. Peroli à gauche.
MM. les Majordomes firent également les
bonneurs des caroffes de l'Infant dans lesquels
ils étoient venus , aux huit Chambellans .
On fe mit en marche dans l'ordre fuivant :
Un Officier de l'Ecurie de l'Infant , & deur
Palfreniers à cheval.
Le caroffe de M. l'Introducteur , à fix chevaux ,
vuide.
Deux Suiffes , de M. le Prince de Lichtenſtein ,
à cheval.
24 Valets de pied.
6 Coureurs.
6 Heyducs.
12 Palfreniers , tenant chacun un cheval par la
bride.
9 Officiers , de la Maifon de M. le Prince , à
cheval.
Son Ecuyer.
& Pages, dont deux Hongrois, & fix Allemands
Quatre Gentilshommes.
Le caroffe de l'Infant , où étoit M. le Prince de
Lichtenſtein , M. de Palavicini & M. Peroli , 1 %
Valets de pied de l'Infant aux deux côtés.
OCTOBRE . 1760 . 184
Un grand caroffe d'entrée , à M. le Prince,
attelé à 8 chevaux.
Les trois caroffes de l'Infant , dont les Majordomes
faifoient les honneurs.
A une diſtance de 30 ou 40 pas , trois autres
carolles , à M. le Prince de Lichtenſtein , attelés à
huit chevaux .
Les rues étoient bordées , depuis l'Hôtel Palavicini
jufques au Palais , par les deux Bataillons du
Régiment de Parme habillés de neuf, à-peu-près
comme le Corps des Grenadiers de France
douze Compagnies de Grenadiers.
> &
Les Troupes préfentoient les armes , les tambours
rappelloient , & les Officiers ont falué du
chapeau .
La Garde du Palais étoit formée devant la
porte; elle préfentoit les armes ; les tambours rappelloient
, & les Officiers ont falué du chapeau.
12 Suifles des Portes étoient fous la voute de
l'entrée du Palais.
80 Hallebardiers de la Garde de S. A. R. bordoient
l'escalier fur deux files, depuis la premiere
marche juſques au pallier d'en- haut ; & les deux
portes qui donnent de ce pallier à l'appartement
de l'Infant & à celui de Madame Ifabelle , étoient
gardées par quatre de ces mêmes Hallebardiers ,
la hallebarde fur l'épaule.
M. Le Comte Rimbaldefi, Maître des Cérémonies,
vint recevoir M. le Prince au bas de l'efcalier
& marcha devant lui.
La Livrée de l'Infant précédoit fur deux files ;
celle de M. le Prince fuivoit ce Seigneur , qui mar
choit entre M. le Marquis Palavicini & l'Introducteur.
La Livrée de M. le Prince s'arrêta dans deur
anti-falles avec celle de l'Infant ; deux Suiffes de la
porte empêchoient celle des particuliers d'y entrer,
184 MERCURE DE FRANCE.
M. le Prince de Lichtenstein , toujours précédé
par le Maître des Cérémonies , & ayant M. de Pala
vicini à fa droite & l'Introducteur à ſa gauche, traverfa
la Salle des Gardes : les Gardes du Corps
étoient fous les armes. Le Capitaine des Gardes le
reçut à la porte de la Salle en dedans, prit la place
de M. l'Introducteur à côté de lui , & marcha
ainfi à toutes les Audiences. L'Introducteur s'étoit
avancé d'un pas , & marchoit à côté du Maître
des Cérémonies . M. le Prince étoit précédé par
les Officiers de fa Maiſon qui s'arrêterent dans la
prémiere antichambre après la Salle des Gardes ,
par les Pages qui s'arrêterent dans l'antichambre
après celle où étoient reftés les Officiers de fa
Maifon , & avant celle où étoient les Pages de
S. A. R. par fes quatre Gentilshommes qui entrerentjufques
dans la piéce du Sallon de l'Audience
de l'Infant ; & par les huit Chambellans de l'Empereur
qui les précédérent jufques aux pieds , da
Throne .
Toutes les Dames de la Nobleffe du Pays &
Etrangeres , s'étoient rendues le matin chez Madame
Ifabelle .
La Nobleffe de l'Etat , les Seigneurs les plus
diftingués d'Italie , & l'Infant , étoient placés autour
de fon thrône , & rempliffoient douze Piéces
que traverfa M. le Prince de Lichtenftein , depuis
celle où s'étoient arrêtés fes Pages juſques à la
porte de la Salle de l'Audience.
Certe Salle eft , très-vaffe , & avoit été richement
& galamment ornée ; le dais de l'Infant étoit au
fond , vis-à-vis de la porte , par où entra M. le
Prince de Lichtenftein .
Au moment où ce Seigneur parut dans la Salle,
S. A. R. fe leva du fauteuil , ou il étoit affis , falua
M. le Prince de Lichtenftein & remit fon chapeau.
M.le Prince fe couvrit , & expola l'objet de fa
million..
OCTOBRE. 1760. r&'s
M. le Comte de S. Vital fut envoyé , avec deux
Gentilshommes de la Chambre , & deux Majordomes
prendre Madame Infante Ifabelle dans fon
appartement. Elle entra dans la Salle d'audience
par une porte pratiquée à côté du dais, précédée des
perfonnes qui avoient été envoyées pour la chercher
, & fuivie par Madame de Gonzales , Madame
la Comteffe de Siffa , & cing Dames du Palais.
M. le Prince de Lichtenſtein s'adreſſant à Madame
Infante Ifabelle , lui répéta la demande qu'il
avoit faite à S. A. R. Madame fe tourna du côté de
l'Infant , comme pour lui demander fon approbation
; après quoi elle répondit à M. le Prince de
Lichtenſtein , & reçut de lui une Lettre de la main
de l'Archiduc , & le portrait de ce Prince ; enfuite
elle fe retira dans fon appartement.
L'Infant & M. le Prince de Lichtenstein resterent
découverts , tout le tems que Madame Infante
Ifabelle refta dans la Salle .
M. le Prince de Lichtenftein préfenta à l'Infant
Les huit Chambellans de l'Empereur.
M. le Prince de Lichtenſtein forrit de l'audience
de l'Infant dans le même ordre qu'il yétoit entré ,
& marcha dans ce même ordre à celle du Prince
Ferdinand ; le cérémonial y fut obfervé comme à
celle de l'Infant.
M. le Prince de Lichtenstein paffa de cette audience
à celle de Madame Infante Ifabelle. Tour y
fut obfervé comme aux précédentes, excepté que M.
le Prince ne fe couvrit qu'un moment , ôta fon chapeau
, & refta découvert julques à ce qu'il fortît.
Il paffa à l'Audience de Madame Louife où tout
fut exactement obfervé comme à celle de Madame
Infante Iíabelle.
Il fut conduit enfuite dans l'appartement qui
lui avoit été préparé à la Cour , par M. de Palavicini,
M. l'Introducteur & le Maître des Cérémo186
MERCURE DE FRANCE.
nies.Il y fut fuivi par quantité de Nobleſſe .
M. de Lichtenſtein arrivé dans cet appartement
, y fut vifité par un Gentilhomme de la
Chambre de la part dé l'Infant.
Un moment après , M. le Comte de S. Vital ,
fur auffi lui annoncer que S. A. R. le faifoit
traiter. Il lui préſenta en même- tems le Majordome
, le Comte de S. Vital , le Capitaine des
Gardes , le Gouverneur du Prince Ferdinand ,
des Gentilshommes de la Chambre , le Maître
des Cérémonies , l'Introducteur , quatre Chambellans
de l'Empereur , M. le Marquis Canoffa , &
quelques autres perfonnes de la Nobleſſe du Pays ,
& Allemande.
M. Le Prince fut fervi par les Officiers de l'Infant
, propofés pour fervir S. A. R. à table :
toutes les autres perfonnes furent fervies par la
livrée de S. A. R.
On ne s'étoit mis à table qu'après que l'Infant
eut dîné.
Après le repas , M. de Lichtenſtein paſſa chez
l'Infant lui faire une vifite , & en fortit un moment
après pour retourner dans ſon appartement,
où il reçut des vifites.
Afept heures & demie , on paffa au Théâtre
pour voir l'Opéra. L'Infant & Madame Ifabelle
furent , avec leur Cour , dans la grande loge du
milieu , appellée la loge de la Couronne. M. le
Prince de Lichtenſtein étoit , avec quelques Scigneurs
de fa fuite , dans celle qui eft la plus près
du Théâtre à droite.
Trois Majordomes avoient été chargés par
l'Infant , de faire les honneurs du Théâtre où
tout fe paffa dans le plus grand ordre.
Le parterre & les loges étoient remplis de
toute la Nobleffe du Pays , & Etrangeres , qui
avoient pu y contenir.
de M. le Prince de LICHTENSTEIN jufqu'au 4 .
M. le Prince de Lichtenſtein arriva à Parme le
1 Septembre ; auflitôt après , il fit informer M.
Dutillot , par un de fes Gentilshommes.
M. Dutillot fe tranfporta chez lui , & lui donna
l'heure que l'Infant avoit fixé pour fon audience
particuliere.
Cette audience fut le lendemain à midi & demi;
M.Dutillot alla prendre M. le Prince de Lichtenftein
au Palais Palavicini où il eſt logé , & l'amena
chez l'Infant , il le conduifit enfuite chez le Prince
Ferdinand , de là à l'appartement de Madame
Infante Ifabelle , où le trouva auffi Madame Louiſe ..
M.le Prince de Lichtenſtein, fut au fortir du Palais
, rendre la vifire à M. Dutillot ; fortit de chez
Ge Miniftre , & y revint dîner avec les Miniftres de
France , d'Espagne , de Turin , de Gènes & de
Malte ; M. le Comte de Neuilly , M le Bailli de
Breteuil , M. l'Abbé de Canillac & M. le Comte
de Mercy . Il amena avec lui les huit Chambellans
qui l'ont accompagné , & deux Officiers Majors..
OCTOBRE. 1760. 185
M. Dutillot avoit invité le Capitaine & le Major
des Gardes du Corps , le grand Ecuyer & le premier
Ecuyer de l'Infant , le Gouverneur du Frince
Ferdinand , des Gentilshommes de la Chambre ,
des Majordomes , des Dames du Palais , M. l'Evêque
de Plaifance , frere du feu Chancelier Criftiani
chargé par l'Infant , à caufe de la mort de
l'Evêque de Parme , de la cérémonie du mariage )
& quelques Perfonnes de la premiere Nobleffe du
Pays.
Après le dîner , M. de Lichtenftein retourna à
fon Hôtel , où il reçut des vifites .
Le troifiéme jour fixé pour l'Audience publique,
M. le Comte Peroli , Introducteur, partit du
Palais à onze heures & demie , dans un caroffe
de l'Infant attelé à huit chevaux ; ce caroffe étoit
précédé par un autre à fix chevaux ( vuide ) , &
fuivi par trois autres attelés à huit chevaux ; dans
chacun de ces caroffes , étoit un Majordome.
Un Officier de l'Ecurie étoit à cheval à la tête
de ce Cortége ; douze Valets de pied étoient fur
deux files aux deux côtés de la voiture de l'Infant
, où étoit M. l'Introducteur , trois derriere ce
carofie , & deux derriere chacun des autres .
Deux Palfreniers à cheval ſuivoient l'Officier
de l'Ecurie
M. le Comte Peroli fut dans cet ordre prendre
chez lui M. le Marquis Palavicini , premier Gentilhomme
de la Chambre , que l'Infant avoir
chargé de faire les honneurs à M. le Prince de
Lichtenſtein .
M. de Palavicini monta dans le même caroffe ,
dans lequel étoit venu M. le Comte Peroli ; ce
dernier lui donna la droite.
Ils furent dans le même ordre chez M. le Prin
ce de Lichtenſtein.
Ils monterent l'efcalier , fuivis des trois Majordomes
qui les avoient accompagnés : les
182 MERCURE DE FRANCE. 1
douze valets de pieds fuivoient fur deux files.
M. le Prince de Lichtenſtein étoit venu au-devant
d'eux, & avoit defcendu deux marches; il les conduifitjufques
à la chambre. MM . les Majordomest
refterent à la piéce la plus voisine de cette chambre
, où ils entrerent un moment après M. de
Palavicini & M. Peroli , à qui M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait partout les honneurs des
Portes.
On defcendit de chez M. le Prince , qui fit
toujours les honneurs à M. de Palavicini jufques
au bas de fon efcalier ; où étant arrivé , M. de
Palavicini lui fit les honneurs du caroffe , il y
monta , fe plaça feul dans le fond , M. de Pałavicini
fur le devant à droite , M. Peroli à gauche.
MM. les Majordomes firent également les
bonneurs des caroffes de l'Infant dans lesquels
ils étoient venus , aux huit Chambellans .
On fe mit en marche dans l'ordre fuivant :
Un Officier de l'Ecurie de l'Infant , & deur
Palfreniers à cheval.
Le caroffe de M. l'Introducteur , à fix chevaux ,
vuide.
Deux Suiffes , de M. le Prince de Lichtenſtein ,
à cheval.
24 Valets de pied.
6 Coureurs.
6 Heyducs.
12 Palfreniers , tenant chacun un cheval par la
bride.
9 Officiers , de la Maifon de M. le Prince , à
cheval.
Son Ecuyer.
& Pages, dont deux Hongrois, & fix Allemands
Quatre Gentilshommes.
Le caroffe de l'Infant , où étoit M. le Prince de
Lichtenſtein , M. de Palavicini & M. Peroli , 1 %
Valets de pied de l'Infant aux deux côtés.
OCTOBRE . 1760 . 184
Un grand caroffe d'entrée , à M. le Prince,
attelé à 8 chevaux.
Les trois caroffes de l'Infant , dont les Majordomes
faifoient les honneurs.
A une diſtance de 30 ou 40 pas , trois autres
carolles , à M. le Prince de Lichtenſtein , attelés à
huit chevaux .
Les rues étoient bordées , depuis l'Hôtel Palavicini
jufques au Palais , par les deux Bataillons du
Régiment de Parme habillés de neuf, à-peu-près
comme le Corps des Grenadiers de France
douze Compagnies de Grenadiers.
> &
Les Troupes préfentoient les armes , les tambours
rappelloient , & les Officiers ont falué du
chapeau .
La Garde du Palais étoit formée devant la
porte; elle préfentoit les armes ; les tambours rappelloient
, & les Officiers ont falué du chapeau.
12 Suifles des Portes étoient fous la voute de
l'entrée du Palais.
80 Hallebardiers de la Garde de S. A. R. bordoient
l'escalier fur deux files, depuis la premiere
marche juſques au pallier d'en- haut ; & les deux
portes qui donnent de ce pallier à l'appartement
de l'Infant & à celui de Madame Ifabelle , étoient
gardées par quatre de ces mêmes Hallebardiers ,
la hallebarde fur l'épaule.
M. Le Comte Rimbaldefi, Maître des Cérémonies,
vint recevoir M. le Prince au bas de l'efcalier
& marcha devant lui.
La Livrée de l'Infant précédoit fur deux files ;
celle de M. le Prince fuivoit ce Seigneur , qui mar
choit entre M. le Marquis Palavicini & l'Introducteur.
La Livrée de M. le Prince s'arrêta dans deur
anti-falles avec celle de l'Infant ; deux Suiffes de la
porte empêchoient celle des particuliers d'y entrer,
184 MERCURE DE FRANCE.
M. le Prince de Lichtenstein , toujours précédé
par le Maître des Cérémonies , & ayant M. de Pala
vicini à fa droite & l'Introducteur à ſa gauche, traverfa
la Salle des Gardes : les Gardes du Corps
étoient fous les armes. Le Capitaine des Gardes le
reçut à la porte de la Salle en dedans, prit la place
de M. l'Introducteur à côté de lui , & marcha
ainfi à toutes les Audiences. L'Introducteur s'étoit
avancé d'un pas , & marchoit à côté du Maître
des Cérémonies . M. le Prince étoit précédé par
les Officiers de fa Maiſon qui s'arrêterent dans la
prémiere antichambre après la Salle des Gardes ,
par les Pages qui s'arrêterent dans l'antichambre
après celle où étoient reftés les Officiers de fa
Maifon , & avant celle où étoient les Pages de
S. A. R. par fes quatre Gentilshommes qui entrerentjufques
dans la piéce du Sallon de l'Audience
de l'Infant ; & par les huit Chambellans de l'Empereur
qui les précédérent jufques aux pieds , da
Throne .
Toutes les Dames de la Nobleffe du Pays &
Etrangeres , s'étoient rendues le matin chez Madame
Ifabelle .
La Nobleffe de l'Etat , les Seigneurs les plus
diftingués d'Italie , & l'Infant , étoient placés autour
de fon thrône , & rempliffoient douze Piéces
que traverfa M. le Prince de Lichtenftein , depuis
celle où s'étoient arrêtés fes Pages juſques à la
porte de la Salle de l'Audience.
Certe Salle eft , très-vaffe , & avoit été richement
& galamment ornée ; le dais de l'Infant étoit au
fond , vis-à-vis de la porte , par où entra M. le
Prince de Lichtenftein .
Au moment où ce Seigneur parut dans la Salle,
S. A. R. fe leva du fauteuil , ou il étoit affis , falua
M. le Prince de Lichtenftein & remit fon chapeau.
M.le Prince fe couvrit , & expola l'objet de fa
million..
OCTOBRE. 1760. r&'s
M. le Comte de S. Vital fut envoyé , avec deux
Gentilshommes de la Chambre , & deux Majordomes
prendre Madame Infante Ifabelle dans fon
appartement. Elle entra dans la Salle d'audience
par une porte pratiquée à côté du dais, précédée des
perfonnes qui avoient été envoyées pour la chercher
, & fuivie par Madame de Gonzales , Madame
la Comteffe de Siffa , & cing Dames du Palais.
M. le Prince de Lichtenſtein s'adreſſant à Madame
Infante Ifabelle , lui répéta la demande qu'il
avoit faite à S. A. R. Madame fe tourna du côté de
l'Infant , comme pour lui demander fon approbation
; après quoi elle répondit à M. le Prince de
Lichtenſtein , & reçut de lui une Lettre de la main
de l'Archiduc , & le portrait de ce Prince ; enfuite
elle fe retira dans fon appartement.
L'Infant & M. le Prince de Lichtenstein resterent
découverts , tout le tems que Madame Infante
Ifabelle refta dans la Salle .
M. le Prince de Lichtenftein préfenta à l'Infant
Les huit Chambellans de l'Empereur.
M. le Prince de Lichtenſtein forrit de l'audience
de l'Infant dans le même ordre qu'il yétoit entré ,
& marcha dans ce même ordre à celle du Prince
Ferdinand ; le cérémonial y fut obfervé comme à
celle de l'Infant.
M. le Prince de Lichtenstein paffa de cette audience
à celle de Madame Infante Ifabelle. Tour y
fut obfervé comme aux précédentes, excepté que M.
le Prince ne fe couvrit qu'un moment , ôta fon chapeau
, & refta découvert julques à ce qu'il fortît.
Il paffa à l'Audience de Madame Louife où tout
fut exactement obfervé comme à celle de Madame
Infante Iíabelle.
Il fut conduit enfuite dans l'appartement qui
lui avoit été préparé à la Cour , par M. de Palavicini,
M. l'Introducteur & le Maître des Cérémo186
MERCURE DE FRANCE.
nies.Il y fut fuivi par quantité de Nobleſſe .
M. de Lichtenſtein arrivé dans cet appartement
, y fut vifité par un Gentilhomme de la
Chambre de la part dé l'Infant.
Un moment après , M. le Comte de S. Vital ,
fur auffi lui annoncer que S. A. R. le faifoit
traiter. Il lui préſenta en même- tems le Majordome
, le Comte de S. Vital , le Capitaine des
Gardes , le Gouverneur du Prince Ferdinand ,
des Gentilshommes de la Chambre , le Maître
des Cérémonies , l'Introducteur , quatre Chambellans
de l'Empereur , M. le Marquis Canoffa , &
quelques autres perfonnes de la Nobleſſe du Pays ,
& Allemande.
M. Le Prince fut fervi par les Officiers de l'Infant
, propofés pour fervir S. A. R. à table :
toutes les autres perfonnes furent fervies par la
livrée de S. A. R.
On ne s'étoit mis à table qu'après que l'Infant
eut dîné.
Après le repas , M. de Lichtenſtein paſſa chez
l'Infant lui faire une vifite , & en fortit un moment
après pour retourner dans ſon appartement,
où il reçut des vifites.
Afept heures & demie , on paffa au Théâtre
pour voir l'Opéra. L'Infant & Madame Ifabelle
furent , avec leur Cour , dans la grande loge du
milieu , appellée la loge de la Couronne. M. le
Prince de Lichtenſtein étoit , avec quelques Scigneurs
de fa fuite , dans celle qui eft la plus près
du Théâtre à droite.
Trois Majordomes avoient été chargés par
l'Infant , de faire les honneurs du Théâtre où
tout fe paffa dans le plus grand ordre.
Le parterre & les loges étoient remplis de
toute la Nobleffe du Pays , & Etrangeres , qui
avoient pu y contenir.
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Résumé : DÉTAIL de tout ce qui s'est passé depuis l'arrivée de M. le Prince de LICHTENSTEIN jusqu'au 4.
Le 1er septembre 1760, le Prince de Lichtenstein arriva à Parme et fut informé par M. Dutillot de l'heure de son audience privée avec l'Infant, fixée au lendemain à midi et demi. L'audience débuta au Palais Palavicini, où M. Dutillot accompagna le Prince de Lichtenstein chez l'Infant, puis chez le Prince Ferdinand, et enfin chez l'Infante Isabelle, en présence de Madame Louise. Après l'audience, le Prince de Lichtenstein rendit visite à M. Dutillot et dîna avec divers ministres, dont ceux de France, d'Espagne, de Turin, de Gênes et de Malte. Le troisième jour, pour l'audience publique, un cortège composé de plusieurs carrosses et de nombreux valets se rendit chez le Marquis Palavicini, premier Gentilhomme de la Chambre, qui fut chargé de faire les honneurs au Prince de Lichtenstein. Le cortège se dirigea ensuite vers l'hôtel du Prince de Lichtenstein, où il fut accueilli et conduit à l'intérieur. Le cortège, incluant le Prince de Lichtenstein, le Marquis Palavicini et l'Introducteur, se rendit au Palais de l'Infant. Les rues étaient bordées par des troupes en uniforme, et la garde du Palais était formée. À l'intérieur, le Prince de Lichtenstein traversa plusieurs salles ornées, où étaient présents la noblesse du pays et des étrangers. L'Infant se leva et salua le Prince, qui exposa l'objet de sa mission. Madame Infante Isabelle fut ensuite amenée dans la salle d'audience et reçut une lettre et un portrait de l'Archiduc. Le Prince de Lichtenstein présenta les Chambellans de l'Empereur à l'Infant et passa aux audiences du Prince Ferdinand et de Madame Infante Isabelle, suivant le même cérémonial. Il fut ensuite conduit dans son appartement à la Cour, où il reçut diverses visites de la noblesse. Après le dîner, le Prince de Lichtenstein rendit visite à l'Infant et retourna dans son appartement. En soirée, il se rendit au théâtre pour assister à l'opéra, où l'Infant et Madame Isabelle occupaient la loge royale, tandis que le Prince de Lichtenstein était dans une loge voisine.
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79
p. 174-175
De MADRID, le 11 Octobre 1763.
Début :
Le Comte de Maillebois, Chevalier des Ordres du Roi Très-Chrétien & Lieutenant-Général [...]
Mots clefs :
Comte, Chevalier des Ordres du roi, Nominations, Ambassadeur, Empereur, Mariage, Successeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De MADRID, le 11 Octobre 1763.
De MADRID , le 11 Octobre 1763.
Le Comte de Maillebois , Chevalier des Ordres
du Roi Très- Chrétien & Lieutenant- Général
de fes Armées , arriva le 10 du mois dernier , રે
S. Ildephone , & fut préſenté le lendemain au
par l'Ambaffadeur de France . Roi
Le Comte de Rofemberg a été nommé auprès
de Sa Majesté Anballadeur de l'Empereur
& de l'Impératrice Reine qui ont bien voulu le
revêtir de cette qualité , pour lui témoigner leur
JANVIER. 1764. 175
fatisfaction de la manière avec laquelle il a né
gocié & conclu le mariage de l'Archiduc Léopold
, défigné Succeffeur de l'Empereur dans fes
Etats de Toſcane , avec l'Infante Marie- Louiſe .
Le Comte de Maillebois , Chevalier des Ordres
du Roi Très- Chrétien & Lieutenant- Général
de fes Armées , arriva le 10 du mois dernier , રે
S. Ildephone , & fut préſenté le lendemain au
par l'Ambaffadeur de France . Roi
Le Comte de Rofemberg a été nommé auprès
de Sa Majesté Anballadeur de l'Empereur
& de l'Impératrice Reine qui ont bien voulu le
revêtir de cette qualité , pour lui témoigner leur
JANVIER. 1764. 175
fatisfaction de la manière avec laquelle il a né
gocié & conclu le mariage de l'Archiduc Léopold
, défigné Succeffeur de l'Empereur dans fes
Etats de Toſcane , avec l'Infante Marie- Louiſe .
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Résumé : De MADRID, le 11 Octobre 1763.
Le 11 octobre 1763, le Comte de Maillebois, Lieutenant-Général des Armées, est arrivé à Madrid et présenté au Roi d'Espagne. Le Comte de Rosenberg est nommé Ambassadeur de l'Empereur et de l'Impératrice Reine. Cette nomination marque leur satisfaction sur le mariage entre l'Archiduc Léopold et l'Infante Marie-Louise.
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80
p. 187-188
DE BRUXELLES, le 3 Novembre 1763.
Début :
L'Empereur a adressé au Chapitre de Liége un Rescrit [...]
Mots clefs :
Chapitre de Liège, Rescrit, Empereur, Offense, Constitution, Chambre, Évêque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE BRUXELLES, le 3 Novembre 1763.
DE BRUXELLES , le 3 Novembre 1763 .
L'Empereur a adreffé au Chapitre de Liége un
Refcrit , en date du o de ce mois , par lequel Sa
Majeſté Impériale , juſtement offenféc de ce que ,
contre les Conftitutions du Pays & l'ordre qui leur
étoit prefcrit , les feize Chambres avoient violé
leur ferment & les règles établies , en prenant la
réfolution de remercier formellement le Chapitre
188 MERCURE DE FRANCE.
du choix qu'il avoit fait d'un Evêque dans la per
fonne du Comte d'Outremont , annulle tout ce
qui a été fait & conclu alors par le Chapitre ; lui
défend de s'écarter en rien à l'avenir des formes
prefcrites par les Conftitutions ; & lui enjoint de
gérer , fans innovation pendant la vacance du Siége
Epifcopal , l'Adminiſtration du Temporel de la
Principauté de Liége.
L'Empereur a adreffé au Chapitre de Liége un
Refcrit , en date du o de ce mois , par lequel Sa
Majeſté Impériale , juſtement offenféc de ce que ,
contre les Conftitutions du Pays & l'ordre qui leur
étoit prefcrit , les feize Chambres avoient violé
leur ferment & les règles établies , en prenant la
réfolution de remercier formellement le Chapitre
188 MERCURE DE FRANCE.
du choix qu'il avoit fait d'un Evêque dans la per
fonne du Comte d'Outremont , annulle tout ce
qui a été fait & conclu alors par le Chapitre ; lui
défend de s'écarter en rien à l'avenir des formes
prefcrites par les Conftitutions ; & lui enjoint de
gérer , fans innovation pendant la vacance du Siége
Epifcopal , l'Adminiſtration du Temporel de la
Principauté de Liége.
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Résumé : DE BRUXELLES, le 3 Novembre 1763.
Le 3 novembre 1763, l'Empereur a adressé un récrit au Chapitre de Liège, exprimant son offense face à la violation des Constitutions du Pays et des règles des seize Chambres. Il annule les décisions du Chapitre concernant le choix de l'Évêque, le Comte d'Outremont, et interdit toute nouvelle pratique administrative pendant la vacance du Siège Épiscopal.
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81
p. 192-193
Du 24.
Début :
Madame l'Archiduchesse Infante, qui étoit grosse de sept mois, [...]
Mots clefs :
Archiduchesse, Accouchement, Maladies, Princesse, Symptômes, Médecins, Désolation, Fausse couche, Affaiblissement, Empereur, Commissaire, Diète, Conseiller
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texteReconnaissance textuelle : Du 24.
Du 24.
Madame l'Archiducheffe Infante , qui étoit
groffe de fept mois , eft accouchée d'une fille
qui a vécu aflez de temps pour recevoir le baptême.
Cette faulle couche avoit rendu plus dangereux
les accidens da la petite vérole , les bou
tons s'étoient applatis , & la tête étoit embarrallée
; ces fymptêmes donnoient les plus vives
inquiétudes fur l'état de cette Princeſſe ; mais
aujourd'hui l'éruption paroît le rétablir , la tête
eft libre , & les Médecins ont repris efpérance.
Du 24. กา
·Rien ne peut exprimer la déſolation que répand
à la Cour & dans cette Ville la perte que
nous venons de faire. Tous les fecours de l'Art
n'ont pû conferver Madame l'Archiducheffe Inwicy
to tivist Alefante
JANVIER. 1764. 193
fante: les fuites de fa fauffe couche avoient entiérement
épuisé les forces , & rendoient , chaque
jour , plus dangereux les accidens de la petite vérole.
Hier au matin fe font manifeftés quelques
fymptômes de gangrene ; après midi , la Princeffe
a commencé à avoir la diglutition plus difficile ,
& peu de temps après , elle a refufé tout ce qu'on
lui préfentoit , le poulx s'eft affoibli , la refpira--
tion s'eft embarraffée de plus en plus , & tout a
annoncé dès ce moment les approches de la mort.
Cet état a duré toute la nuit ; ce matin à cinq
heures , fon Alteffe Royale a rendu le dernier foupir
après une agonie courte & tranquille . Cette
Princeffe avoit reçu les facremens le 22 , & le lendemain
, on lui avoit adminiftré l'extrême-onction
dans tout le cours de fa maladie ,
elle a
montré beaucoup de réfignation & de courage.
L'Archiduc s'eſt enfermé avec elle , dès l'inſtant
que la petite véroles'eft manifeftée, & il ne l'a pas
quittée jufqu'au dernier moment.7
Durs Décembre.
L'Empereur a nommé pour fon premier Commiffaire
à la Diete Electorale de Francfort le Prin
ce Jofeph de Lichtenſtein & pour ſecond , le Baron
de Bartenſtein , Confeiller Aulique de Sa Majefté
Impériale . On travaille avec activité aux préparatifs
néceffaires pour le départ de l'Empereur
& des Ambafladeurs qui fuivront Sa Majeſté Impériale
à Francfort .
Madame l'Archiducheffe Infante , qui étoit
groffe de fept mois , eft accouchée d'une fille
qui a vécu aflez de temps pour recevoir le baptême.
Cette faulle couche avoit rendu plus dangereux
les accidens da la petite vérole , les bou
tons s'étoient applatis , & la tête étoit embarrallée
; ces fymptêmes donnoient les plus vives
inquiétudes fur l'état de cette Princeſſe ; mais
aujourd'hui l'éruption paroît le rétablir , la tête
eft libre , & les Médecins ont repris efpérance.
Du 24. กา
·Rien ne peut exprimer la déſolation que répand
à la Cour & dans cette Ville la perte que
nous venons de faire. Tous les fecours de l'Art
n'ont pû conferver Madame l'Archiducheffe Inwicy
to tivist Alefante
JANVIER. 1764. 193
fante: les fuites de fa fauffe couche avoient entiérement
épuisé les forces , & rendoient , chaque
jour , plus dangereux les accidens de la petite vérole.
Hier au matin fe font manifeftés quelques
fymptômes de gangrene ; après midi , la Princeffe
a commencé à avoir la diglutition plus difficile ,
& peu de temps après , elle a refufé tout ce qu'on
lui préfentoit , le poulx s'eft affoibli , la refpira--
tion s'eft embarraffée de plus en plus , & tout a
annoncé dès ce moment les approches de la mort.
Cet état a duré toute la nuit ; ce matin à cinq
heures , fon Alteffe Royale a rendu le dernier foupir
après une agonie courte & tranquille . Cette
Princeffe avoit reçu les facremens le 22 , & le lendemain
, on lui avoit adminiftré l'extrême-onction
dans tout le cours de fa maladie ,
elle a
montré beaucoup de réfignation & de courage.
L'Archiduc s'eſt enfermé avec elle , dès l'inſtant
que la petite véroles'eft manifeftée, & il ne l'a pas
quittée jufqu'au dernier moment.7
Durs Décembre.
L'Empereur a nommé pour fon premier Commiffaire
à la Diete Electorale de Francfort le Prin
ce Jofeph de Lichtenſtein & pour ſecond , le Baron
de Bartenſtein , Confeiller Aulique de Sa Majefté
Impériale . On travaille avec activité aux préparatifs
néceffaires pour le départ de l'Empereur
& des Ambafladeurs qui fuivront Sa Majeſté Impériale
à Francfort .
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Résumé : Du 24.
Le 24 janvier 1764, Madame l'Archiduchesse Infante, enceinte de sept mois, accoucha d'une fille qui fut baptisée. Cependant, sa grossesse compliqua une infection de petite vérole qu'elle avait contractée. Les symptômes s'aggravèrent, avec des boutons sur le visage et la tête, provoquant une inquiétude croissante. Le 24, une amélioration temporaire fut observée, mais ses forces diminuèrent, rendant l'évolution de la maladie plus dangereuse. Le 25, des signes de gangrène apparurent, suivis de difficultés à avaler et d'un refus de nourriture. Son pouls s'affaiblit, sa respiration devint laborieuse, et elle mourut à cinq heures du matin après une agonie courte et tranquille. Elle avait reçu les sacrements le 22 et l'extrême-onction le lendemain. L'Archiduc resta à ses côtés jusqu'à son dernier moment. Par ailleurs, l'Empereur nomma le Prince Joseph de Lichtenstein et le Baron de Bartenstein comme commissaires pour la Diète électorale de Francfort, et les préparatifs pour le départ de l'Empereur et des ambassadeurs étaient en cours.
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82
p. 158
DE FRANCFORT, le 5 Avril 1764.
Début :
Le Couronnement du Roi des Romains s'est fait avant hier avec la plus [...]
Mots clefs :
Couronnement, Roi des Romains, Cérémonie, Empereur, Prince, Comte, Chancelier
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texteReconnaissance textuelle : DE FRANCFORT, le 5 Avril 1764.
DE FRANCFORT , les Avril 1764.
Le Couronnement du Roi des Romains s'eft fait
avanthier avec la plus grande pompe. La cérémonie
a duré depuis dix heures du matin juſqu'à huit
heures du foir.
L'Empereur a élevé à la dignité de Princes
de l'Empire le Maréchal de Bathiani , ci-devant
Gouverneur de l'Archiduc Jofeph , aujourd'hui
Roi des Romains , & enfuite Grand-Maître de fa
Maiſon , le Comte de Kevenuller , Grand-Chambellan
de Sa Majesté Impériale ; le Comte de
Colloredo , Vice- Chancelier de l'Empire , & le
Comte de Kaunitz- Rittberg , Chancelier de Cour
& d'Etat de l'Impératrice Reine.
Le Couronnement du Roi des Romains s'eft fait
avanthier avec la plus grande pompe. La cérémonie
a duré depuis dix heures du matin juſqu'à huit
heures du foir.
L'Empereur a élevé à la dignité de Princes
de l'Empire le Maréchal de Bathiani , ci-devant
Gouverneur de l'Archiduc Jofeph , aujourd'hui
Roi des Romains , & enfuite Grand-Maître de fa
Maiſon , le Comte de Kevenuller , Grand-Chambellan
de Sa Majesté Impériale ; le Comte de
Colloredo , Vice- Chancelier de l'Empire , & le
Comte de Kaunitz- Rittberg , Chancelier de Cour
& d'Etat de l'Impératrice Reine.
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Résumé : DE FRANCFORT, le 5 Avril 1764.
Le 16 avril 1764 à Francfort, le couronnement du Roi des Romains a eu lieu de dix heures à huit heures du soir. L'Empereur a élevé plusieurs personnalités au rang de Princes de l'Empire. Le Maréchal de Bathiani est devenu Grand-Maître de la Maison du Roi. Les Comtes de Kevenuller, Colloredo et Kaunitz-Rittberg ont été nommés Grand-Chambellan, Vice-Chancelier de l'Empire et Chancelier de Cour et d'État de l'Impératrice Reine, respectivement.
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83
p. 173-176
CÉRÉMONIE PUBLIQUE. De Francfort, le 11 Avril 1764.
Début :
L'Empereur, le Roi des Romains & l'Archiduc Leopold sont partis hier de [...]
Mots clefs :
Empereur, Roi des Romains, Archiduc, Cérémonie, Couronnement, Musique, Vêtements d'apparat, Soldats, Église, Magistrats, Cour, Ambassadeur, Ornements, Trône, Illuminations, Inscriptions
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texteReconnaissance textuelle : CÉRÉMONIE PUBLIQUE. De Francfort, le 11 Avril 1764.
CÉRÉMONIE PUBLIQUE.
De Francfort , le 11´ Avril 1764.
L'Empereur , le Roi des Romains & l'Archiduc
Leopold font partis hier de certe Ville aux acclamations
d'un peuple innombrable. Leurs Majeſtés
& l'Archiduc font arrivés , le même jour , à Mergenthal
d'où ils fe rendront aujourd'hui à Creilsheim
, demain à Wallerſtein & le 13 à Donawerth:
on compte qu'ils arriveront à Vienne le 23.
On joint ici les principaux détails de la cérémonie
du couronnement du Roi des Romains.
Le 1. de ce mois , à trois heures après-midi , on
H iij
174 MERCURE DE FRANCE .
fit , au fon des trompettes & des tymbales , la
publication folemnelle du Couronnement . Le
lendemain , le boeuf deſtiné ſuivant l'uſage , à
être rôti & livré au peuple le jour de cette cérémonie
fut promené par toute la Ville : les cornes
de cet animal étoient dorées & il étoit orné de
guirlandes de fleurs : les Bouchers de la Cour Impériale
qui le conduifoient étoient vêtus d'habits
d'écarlate galonnés d'argent , les gaînes & les
manches de leurs couteaux , ainfi que la hache
dont le boeuf devoit être frappé , étoit d'argent
maffif. Cette marche fe fit au fon de plufieurs inftrumens
de Mufique. Le 3 jour du couronne
ment , la Bourgeoifie fe mit fous les armes dès les
fept heures du matin , & la Cavalerie monta à
cheval fur la grande Place qui aboutit à la rue du
marché aux herbes. La Garnifon de la Ville fe
mit auffi en parade devant le corps - de - Garde éle--
vé vis- à- vis le Roemer ou Hôtel de Ville . Depuis
huit heures jufqu'à onze les Electeurs de Cologne
& de Treves , ainfi que les feconds & troifiémes
Ambaffadeurs des Electeurs Séculiers , fe rendirent
fucceffivement du Roemer à l'Eglife du
Dôme dans l'appareil le plus pompeux. Le Prince
Archi Chancelier de l'Empire , devant facrer
& couronner le Roi , fe rendit en droiture à la
même Eglife. Avant onze heures , deux Seigneurs
Eccléfiaftiques de la Cour de Mayence , la pre
mière des Cours Electorales , tranfportérent au
Roemer , dans un carroffe précédé de la livrée
du Prince , la Couronne Royale. Enfin à onze
heures & demie , l'Empereur & le nouveau Roi
fe mirent en marche , depuis le Roemer jufqu'à
l'Eglife du Dôme , précédés de leurs livrées , de
leurs Pages & des Grands Officiers de leurs
Maiſons , & fuivis des fix premiers Ambaſſadeurs
JUILLET. 1764. 175
Electoraux & d'un multitude de Seigneurs , de
Chevaliers & de Généraux des Armées de S M.I.
qui formoit un cortège auffi brillant que nombreux.
L'Empereur , revêtu des ornemens & du
manteau Impériaux , ainſi que du grand Collier
de la Toifon d'Or la Couronne Impériale fur la
tête & le Sceptre à la main , étoit monté fur un
fuperbe cheval , ainfi que le nouveau Roi des
Romains qui marchoit après Sa Majesté Impériale
couvert de la Couronne Archiducale & revêtu des
ornemens de cette dignité Le dais fous lequel
l'Empereur & le nouveau Roi marchoient , étoit
porté par les deux plus anciens Echevins & les
deux Bourguemaîtres actuels du Sénat. La marche
étoit fermée par les Gardes , tant de l'Em
pereur que du Roi des Romains & des Electeurs
de Mayence , de Tréves & de Cologne. La porte
d'entrée de l'Eglife da Dôme étoit gardée par les
Trabans Saxons . Sa Majesté Impériale & le nouveau
Roi y furent reçus par Lears Alteffes Electorales
fuivies de tous les Membres de ce Chapitre.
L'Eglife étoit tendue en entier de tapifferies
de haureliffe qui repréſentoient les faits mémorables
qui le fout paffé ( pécialement fous les régnes
de la Mailon d'Autriche. On avoit placé à la
droite de l'Aurel , qui avoit été élevé devant la
porte du choeur , le Trône de Sa Majefté Impériale
; à ganche , celui de l'Electeur de Mayence,
& vis-a- vis celui du nouveau Rọi. Après la cérémonie
& la Melle du Sacre qui fut chantée par
une très - belle Mafique , le Roi des Romains fit
une inauguration de Chevaliers. Comme il eft
d'usage qu'au retour du Sacre l'Empereur & le
Roi des Romains reviennent à pied au Roemer ,
on avoit dreſſé , pendant la cérémonie même ,
depuis la porte d'entrée de l'Eglife jufqu'au haut
H iv
176 MERCURE DE FRANCE .
de cet Hôtel , une efpéce de pont de planches
couvert de tapis . Le cortége Impérial & Royal
retourna au Roemer à - peu-près dans le même
ordre qu'auparavant , excepté que le Roi des
Romains étoit revêtu des ornemens Royaux , la
tête couverte de la Couronne Royale & le Sceptre
à la main . Le feftin s'eft donné dans la
voute du Romer. On a fait diftribuer à la populace
une grande quantité de piéces d'or & d'argent
; & Leurs Majeftés Impériale & Royale fe
font montrées au Peuple d'une fenêtre de la
Salle après le feftin qui a commencé à cinq
heures & a fini à fept , Leurs Majeftés font retournées
en grande pompe à leur Palais. Parmi
les illuminations qu'il y a eu à l'occafion du
Couronnement du Roi des Romains , on a diftingué
celles que le Prince Efterhazy de Galanta
, Premier Ambaffadeur Royal- Electoral de Bohême
, a fait faire dans la grande promenade
qui aboutit à la place de Rofmarek :
:: on y a furrout
remarqué à l'extrémité qui termine cette
promenade un fuperbe arc de triomphe , au-deffus
duquel étoit repréfenté le Monarque environné
de la Valeur , de la Piété , de la Prudence &
de la Juſtice , & recevant la Couronne des mains
de la Nation , ainfi que le coeur des Peuples :
aux deux côtés étoient deux Renommées annon
çant à toute la Tèrre le Couronnement de ce
Prince. Au- deſſous des deux côtés on lifoit ces
mors : Cara Deûmfoboles. Cet arc étoit orné de
deux Médaillons , fur l'un defquels étoit cette Légende
: Curru nitido diem promit , & fur l'autre:
Deus nobis hac otia fecit . L'Inſcription étoit ,
Jos. BENED. AUG . OPT . PIO.. FELICI ROM. R.
INAUG. A. R. S. M. BCC. LXIV.
De Francfort , le 11´ Avril 1764.
L'Empereur , le Roi des Romains & l'Archiduc
Leopold font partis hier de certe Ville aux acclamations
d'un peuple innombrable. Leurs Majeſtés
& l'Archiduc font arrivés , le même jour , à Mergenthal
d'où ils fe rendront aujourd'hui à Creilsheim
, demain à Wallerſtein & le 13 à Donawerth:
on compte qu'ils arriveront à Vienne le 23.
On joint ici les principaux détails de la cérémonie
du couronnement du Roi des Romains.
Le 1. de ce mois , à trois heures après-midi , on
H iij
174 MERCURE DE FRANCE .
fit , au fon des trompettes & des tymbales , la
publication folemnelle du Couronnement . Le
lendemain , le boeuf deſtiné ſuivant l'uſage , à
être rôti & livré au peuple le jour de cette cérémonie
fut promené par toute la Ville : les cornes
de cet animal étoient dorées & il étoit orné de
guirlandes de fleurs : les Bouchers de la Cour Impériale
qui le conduifoient étoient vêtus d'habits
d'écarlate galonnés d'argent , les gaînes & les
manches de leurs couteaux , ainfi que la hache
dont le boeuf devoit être frappé , étoit d'argent
maffif. Cette marche fe fit au fon de plufieurs inftrumens
de Mufique. Le 3 jour du couronne
ment , la Bourgeoifie fe mit fous les armes dès les
fept heures du matin , & la Cavalerie monta à
cheval fur la grande Place qui aboutit à la rue du
marché aux herbes. La Garnifon de la Ville fe
mit auffi en parade devant le corps - de - Garde éle--
vé vis- à- vis le Roemer ou Hôtel de Ville . Depuis
huit heures jufqu'à onze les Electeurs de Cologne
& de Treves , ainfi que les feconds & troifiémes
Ambaffadeurs des Electeurs Séculiers , fe rendirent
fucceffivement du Roemer à l'Eglife du
Dôme dans l'appareil le plus pompeux. Le Prince
Archi Chancelier de l'Empire , devant facrer
& couronner le Roi , fe rendit en droiture à la
même Eglife. Avant onze heures , deux Seigneurs
Eccléfiaftiques de la Cour de Mayence , la pre
mière des Cours Electorales , tranfportérent au
Roemer , dans un carroffe précédé de la livrée
du Prince , la Couronne Royale. Enfin à onze
heures & demie , l'Empereur & le nouveau Roi
fe mirent en marche , depuis le Roemer jufqu'à
l'Eglife du Dôme , précédés de leurs livrées , de
leurs Pages & des Grands Officiers de leurs
Maiſons , & fuivis des fix premiers Ambaſſadeurs
JUILLET. 1764. 175
Electoraux & d'un multitude de Seigneurs , de
Chevaliers & de Généraux des Armées de S M.I.
qui formoit un cortège auffi brillant que nombreux.
L'Empereur , revêtu des ornemens & du
manteau Impériaux , ainſi que du grand Collier
de la Toifon d'Or la Couronne Impériale fur la
tête & le Sceptre à la main , étoit monté fur un
fuperbe cheval , ainfi que le nouveau Roi des
Romains qui marchoit après Sa Majesté Impériale
couvert de la Couronne Archiducale & revêtu des
ornemens de cette dignité Le dais fous lequel
l'Empereur & le nouveau Roi marchoient , étoit
porté par les deux plus anciens Echevins & les
deux Bourguemaîtres actuels du Sénat. La marche
étoit fermée par les Gardes , tant de l'Em
pereur que du Roi des Romains & des Electeurs
de Mayence , de Tréves & de Cologne. La porte
d'entrée de l'Eglife da Dôme étoit gardée par les
Trabans Saxons . Sa Majesté Impériale & le nouveau
Roi y furent reçus par Lears Alteffes Electorales
fuivies de tous les Membres de ce Chapitre.
L'Eglife étoit tendue en entier de tapifferies
de haureliffe qui repréſentoient les faits mémorables
qui le fout paffé ( pécialement fous les régnes
de la Mailon d'Autriche. On avoit placé à la
droite de l'Aurel , qui avoit été élevé devant la
porte du choeur , le Trône de Sa Majefté Impériale
; à ganche , celui de l'Electeur de Mayence,
& vis-a- vis celui du nouveau Rọi. Après la cérémonie
& la Melle du Sacre qui fut chantée par
une très - belle Mafique , le Roi des Romains fit
une inauguration de Chevaliers. Comme il eft
d'usage qu'au retour du Sacre l'Empereur & le
Roi des Romains reviennent à pied au Roemer ,
on avoit dreſſé , pendant la cérémonie même ,
depuis la porte d'entrée de l'Eglife jufqu'au haut
H iv
176 MERCURE DE FRANCE .
de cet Hôtel , une efpéce de pont de planches
couvert de tapis . Le cortége Impérial & Royal
retourna au Roemer à - peu-près dans le même
ordre qu'auparavant , excepté que le Roi des
Romains étoit revêtu des ornemens Royaux , la
tête couverte de la Couronne Royale & le Sceptre
à la main . Le feftin s'eft donné dans la
voute du Romer. On a fait diftribuer à la populace
une grande quantité de piéces d'or & d'argent
; & Leurs Majeftés Impériale & Royale fe
font montrées au Peuple d'une fenêtre de la
Salle après le feftin qui a commencé à cinq
heures & a fini à fept , Leurs Majeftés font retournées
en grande pompe à leur Palais. Parmi
les illuminations qu'il y a eu à l'occafion du
Couronnement du Roi des Romains , on a diftingué
celles que le Prince Efterhazy de Galanta
, Premier Ambaffadeur Royal- Electoral de Bohême
, a fait faire dans la grande promenade
qui aboutit à la place de Rofmarek :
:: on y a furrout
remarqué à l'extrémité qui termine cette
promenade un fuperbe arc de triomphe , au-deffus
duquel étoit repréfenté le Monarque environné
de la Valeur , de la Piété , de la Prudence &
de la Juſtice , & recevant la Couronne des mains
de la Nation , ainfi que le coeur des Peuples :
aux deux côtés étoient deux Renommées annon
çant à toute la Tèrre le Couronnement de ce
Prince. Au- deſſous des deux côtés on lifoit ces
mors : Cara Deûmfoboles. Cet arc étoit orné de
deux Médaillons , fur l'un defquels étoit cette Légende
: Curru nitido diem promit , & fur l'autre:
Deus nobis hac otia fecit . L'Inſcription étoit ,
Jos. BENED. AUG . OPT . PIO.. FELICI ROM. R.
INAUG. A. R. S. M. BCC. LXIV.
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Résumé : CÉRÉMONIE PUBLIQUE. De Francfort, le 11 Avril 1764.
Le 11 avril 1764, à Francfort, l'Empereur, le Roi des Romains et l'Archiduc Léopold quittèrent la ville sous les acclamations de la population. Ils se dirigèrent ensuite vers Mergenthal, Creilsheim, Wallerstein et Donawerth, avec l'intention d'arriver à Vienne le 23 avril. La cérémonie du couronnement du Roi des Romains débuta le 1er avril. Ce jour-là, la publication solennelle du couronnement eut lieu au son des trompettes et des tymbales. Le lendemain, un bœuf destiné à être rôti et distribué au peuple fut promené dans la ville, orné de guirlandes de fleurs et accompagné par des musiciens. Le 3 avril, la bourgeoisie se mit sous les armes et la cavalerie se rassembla sur la grande place. Les électeurs de Cologne et de Trèves, ainsi que les ambassadeurs des électeurs séculiers, se rendirent à l'église du Dôme dans un appareil pompeux. À onze heures et demie, l'Empereur et le nouveau Roi des Romains se mirent en marche vers l'église du Dôme, précédés de leurs livrées et suivis d'un cortège nombreux et brillant. L'Empereur, revêtu des ornements impériaux, et le nouveau Roi, couvert de la couronne archiducale, montèrent à cheval. La marche fut fermée par les gardes de l'Empereur et du Roi des Romains. L'église du Dôme était tendue de tapisseries représentant des faits mémorables, notamment sous les règnes de la Maison d'Autriche. Après la cérémonie et la messe du sacre, le Roi des Romains procéda à l'inauguration de chevaliers. Au retour, l'Empereur et le Roi des Romains revinrent à pied au Roemer sur un pont de planches couvert de tapis. Un festin fut donné dans la voûte du Roemer, et des pièces d'or et d'argent furent distribuées à la populace. Des illuminations, notamment un arc de triomphe, furent remarquées lors du couronnement.
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