Résultats : 6 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 92-96
« Histoire ou police du Royaume de Gala. Cette brochure qui se vend chez [...] »
Début :
Histoire ou police du Royaume de Gala. Cette brochure qui se vend chez [...]
Mots clefs :
Royaume de Galam, Histoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Histoire ou police du Royaume de Gala. Cette brochure qui se vend chez [...] »
ISTOIRE OU police du Royaume de
Gala . Cette brochure qui fe vend chez
Jombert , rue Dauphine , préſente des vûes
utiles à la fociété. Je n'en donnerai point
d'extrait ; mais je placerai ici quelques réflexions
que j'ai faites , & que je defirerois
paffionnément de voir juftifier par le fuccès.
Pour peu qu'on foit obfervateur , on remarque
dans tous les efprits une fermentation
qui n'y avoit pas été peut- être depuis
la fondation de la Monarchie . Le bien
public eft l'objet des converſations , même
des gens frivoles , de l'étude des fages , &
des écrits des citoyens affez inftruits pour
éclairer les autres. Il feroit agréable & uti
le de remonter aux caufes qui ont produit
une révolution fi heureufe ; & j'oſe inviter
quelqu'une de nos Académies à propofer
ce fujet pour un de fes prix. Si j'avois
à le traiter , je m'arrêterois principalement
à l'exemple de nos refpectables rivaux les
Anglois , à l'efprit philofophique qui fait
des progrès fi rapides depuis vingt ans , &
à l'Esprit des Loix , l'ouvrage le plus lumineux
qui foit peut- être jamais forti de la
tête d'aucnn homme.
L
DECEMBRE . 1754- 93
Les difpofitions où eft la nation n'ont
pas échappé au gouvernement . Il en a profiré
pour faire des opérations , qui dans
des tems moins éclairés n'auroient pas été
pratiquables Sa probité & fon exactitude à
remplir fes engagemens , font devenues les
fondemens d'un crédit public , aujourd'hui
la baſe de notre opalence. Nous tommes
le peuple de l'Europe qui a la maffe d'argent
la plus confiderable , & le commerce
le plus riche.
Il reftoit un vice radical dans l'Etat,
L'ordre fi nombreux & fi précieux des cultivateurs
étoit gêné dans la vente de la
plus néceffaire de fes denrées. Le nouveau
Miniftre des Finances en rendant libre le
commerce du blé dans tout le Royaume ,
& en ouvrant deux ports pour le porter 2
l'étranger , s'eft affuré pour toujours le
coeur de vingt millions d'hommes .
·
Seroit ce fe flater que d'efperer que
cette fage innovation fera fuivie d'une plus
importante encore : Toute la nation fou
pire depuis long- tems après la taille réelle ,
la feule impofition capable de prévenir les
haines , les injuftices , le découragement.
Par quelle fatalité n'a - t - on pas écouté la
voix de la raifon & le cri des peuples ? Les
obftacles que pouvojent apporter d'un côté
le défaut de lumieres & le défaut de con94
MERCURE
DE FRANCE.
fiance de l'autre , font heureuſement levés.
S'il refte des difficultés , comme il n'eft
pas permis d'en douter , M. le Controlleur
Général a dans fon coeur le courage qu'il
faut les braver , & il trouvera dans pour
fon efprit des moyens pour les furmonter.
Cette opération répareroit tout le tort
qu'on a fait au Royaume , en s'occupant
toujours moins de fon bonheur que de fa
gloire , & placeroit le Miniftre qui en ſeroit
l'auteur , au- deffus de tous les grands
hommes que leurs talens ont fait appeller
à l'adminiftration des affaires.
L'ART de cultiver les muriers blancs
d'élever les vers à foye & de tirer la foye
des cocons , avec figures . A Paris , chez la
veuve Lottin , & J. H. Butard , rue S. Jacques
, 1754, I vol . in-8°.
L'ouvrage que nous annonçons , eft divifé
en trois parties. La premiere regarde
les muriers ; la feconde , les vers ; la troifieme
, le tirage de la foye. Dans la premiere
partie on expofe en général les propriétés
du murier & fes différentes efpeces .
On donne auffi divers moyens de le multiplier
, & on enfeigne la maniere de le
cultiver , foit dans les pépinieres , foit
quand il eft planté à demeure. La feconde
partie traite de tout ce qui regarde les vers
DECEMBRE. 1754.
95
à foye , du logement qui leur convient ,
du tems & de la maniere de les faire éclor
re , de les nourrir & de les gouverner en
fanté & en maladie , de les faire filer &
d'en recueillir de la graine pour l'année
fuivante. Enfin dans la troifieme partie , fur
le tirage de la foye , on enfeigne divers
moyens de tuer les papillons dans les coques
, pour qu'ils ne les percent pas. On
donne la deſcription de plufieurs tours inventés
pour le tirage de la foye , avec la
maniere de la tirer. Ces trois traités renferment
un grand nombre de choſes neuves
, qu'on chercheroit inutilement dans
les autres traités fur cette matiere. L'excellent
citoyen auquel nous devons cet ou
vrage , n'a rien négligé ni pour le fond ni
pour la forme. Tout ce qu'il eft important
de fçavoir fur la matiere qui y eft traitée ,
s'y trouve , & s'y trouve écrit avec préci
fion , avec ordre & avec clarté.
ABREGE de la Philofophie ou differ
tation fur la certitude humaine , la Logique
, la Métaphyfique & la Morale. A
Paris , chez Delaguette , rue S. Jacques ,
1754.2 vol. in- 12.
Cet ouvrage eft de feu M. l'Abbé de la
Chambre , fort connu par un grand nombre
de livres fur des matieres qu'il feroit
96 MERCURE DE FRANCE.
à fouhaiter qu'on agitât peu . Voici le portrait
qu'on nous trace de lui .
Il avoit l'efprit extrêmement jufte , les
idées fort nettes , & beaucoup de précifion ;
fçachant faire valoir une objection , fans
négliger de mettre dans tout fon jour la
réponſe. Complaifant , facile & parlant
très-peu , il n'avoit le ten ni impofant ni
déciff. La douceur dans la fociété & la
tranquillité d'ame formoient le fond de
fon caractere. Si la converfation l'engageoit
dans quelque difpute , il foutenoit
fon fentiment fans âcreté & fanş amertume.
Cette complaifance de caractere , cette
indifférence & pour ainfi dire, cette tiédeur
qu'il avoit pour les propres fentimens ,
étoient même en lui quelquefois portées
trop loin , & l'ont engagé dans une occa
fion au-delà de ce qu'il penfoit véritablement.
Mais quel eft le Sage & le Philofophe
, l'homme le plus profond & du plus
folide jugement , qui n'ait pas fait dans fa
vie quelque fauffe démarche ? Heureux
celui qui fent fes fautes , mais plus heureux
ceux qui ont le courage de les réparer !
Gala . Cette brochure qui fe vend chez
Jombert , rue Dauphine , préſente des vûes
utiles à la fociété. Je n'en donnerai point
d'extrait ; mais je placerai ici quelques réflexions
que j'ai faites , & que je defirerois
paffionnément de voir juftifier par le fuccès.
Pour peu qu'on foit obfervateur , on remarque
dans tous les efprits une fermentation
qui n'y avoit pas été peut- être depuis
la fondation de la Monarchie . Le bien
public eft l'objet des converſations , même
des gens frivoles , de l'étude des fages , &
des écrits des citoyens affez inftruits pour
éclairer les autres. Il feroit agréable & uti
le de remonter aux caufes qui ont produit
une révolution fi heureufe ; & j'oſe inviter
quelqu'une de nos Académies à propofer
ce fujet pour un de fes prix. Si j'avois
à le traiter , je m'arrêterois principalement
à l'exemple de nos refpectables rivaux les
Anglois , à l'efprit philofophique qui fait
des progrès fi rapides depuis vingt ans , &
à l'Esprit des Loix , l'ouvrage le plus lumineux
qui foit peut- être jamais forti de la
tête d'aucnn homme.
L
DECEMBRE . 1754- 93
Les difpofitions où eft la nation n'ont
pas échappé au gouvernement . Il en a profiré
pour faire des opérations , qui dans
des tems moins éclairés n'auroient pas été
pratiquables Sa probité & fon exactitude à
remplir fes engagemens , font devenues les
fondemens d'un crédit public , aujourd'hui
la baſe de notre opalence. Nous tommes
le peuple de l'Europe qui a la maffe d'argent
la plus confiderable , & le commerce
le plus riche.
Il reftoit un vice radical dans l'Etat,
L'ordre fi nombreux & fi précieux des cultivateurs
étoit gêné dans la vente de la
plus néceffaire de fes denrées. Le nouveau
Miniftre des Finances en rendant libre le
commerce du blé dans tout le Royaume ,
& en ouvrant deux ports pour le porter 2
l'étranger , s'eft affuré pour toujours le
coeur de vingt millions d'hommes .
·
Seroit ce fe flater que d'efperer que
cette fage innovation fera fuivie d'une plus
importante encore : Toute la nation fou
pire depuis long- tems après la taille réelle ,
la feule impofition capable de prévenir les
haines , les injuftices , le découragement.
Par quelle fatalité n'a - t - on pas écouté la
voix de la raifon & le cri des peuples ? Les
obftacles que pouvojent apporter d'un côté
le défaut de lumieres & le défaut de con94
MERCURE
DE FRANCE.
fiance de l'autre , font heureuſement levés.
S'il refte des difficultés , comme il n'eft
pas permis d'en douter , M. le Controlleur
Général a dans fon coeur le courage qu'il
faut les braver , & il trouvera dans pour
fon efprit des moyens pour les furmonter.
Cette opération répareroit tout le tort
qu'on a fait au Royaume , en s'occupant
toujours moins de fon bonheur que de fa
gloire , & placeroit le Miniftre qui en ſeroit
l'auteur , au- deffus de tous les grands
hommes que leurs talens ont fait appeller
à l'adminiftration des affaires.
L'ART de cultiver les muriers blancs
d'élever les vers à foye & de tirer la foye
des cocons , avec figures . A Paris , chez la
veuve Lottin , & J. H. Butard , rue S. Jacques
, 1754, I vol . in-8°.
L'ouvrage que nous annonçons , eft divifé
en trois parties. La premiere regarde
les muriers ; la feconde , les vers ; la troifieme
, le tirage de la foye. Dans la premiere
partie on expofe en général les propriétés
du murier & fes différentes efpeces .
On donne auffi divers moyens de le multiplier
, & on enfeigne la maniere de le
cultiver , foit dans les pépinieres , foit
quand il eft planté à demeure. La feconde
partie traite de tout ce qui regarde les vers
DECEMBRE. 1754.
95
à foye , du logement qui leur convient ,
du tems & de la maniere de les faire éclor
re , de les nourrir & de les gouverner en
fanté & en maladie , de les faire filer &
d'en recueillir de la graine pour l'année
fuivante. Enfin dans la troifieme partie , fur
le tirage de la foye , on enfeigne divers
moyens de tuer les papillons dans les coques
, pour qu'ils ne les percent pas. On
donne la deſcription de plufieurs tours inventés
pour le tirage de la foye , avec la
maniere de la tirer. Ces trois traités renferment
un grand nombre de choſes neuves
, qu'on chercheroit inutilement dans
les autres traités fur cette matiere. L'excellent
citoyen auquel nous devons cet ou
vrage , n'a rien négligé ni pour le fond ni
pour la forme. Tout ce qu'il eft important
de fçavoir fur la matiere qui y eft traitée ,
s'y trouve , & s'y trouve écrit avec préci
fion , avec ordre & avec clarté.
ABREGE de la Philofophie ou differ
tation fur la certitude humaine , la Logique
, la Métaphyfique & la Morale. A
Paris , chez Delaguette , rue S. Jacques ,
1754.2 vol. in- 12.
Cet ouvrage eft de feu M. l'Abbé de la
Chambre , fort connu par un grand nombre
de livres fur des matieres qu'il feroit
96 MERCURE DE FRANCE.
à fouhaiter qu'on agitât peu . Voici le portrait
qu'on nous trace de lui .
Il avoit l'efprit extrêmement jufte , les
idées fort nettes , & beaucoup de précifion ;
fçachant faire valoir une objection , fans
négliger de mettre dans tout fon jour la
réponſe. Complaifant , facile & parlant
très-peu , il n'avoit le ten ni impofant ni
déciff. La douceur dans la fociété & la
tranquillité d'ame formoient le fond de
fon caractere. Si la converfation l'engageoit
dans quelque difpute , il foutenoit
fon fentiment fans âcreté & fanş amertume.
Cette complaifance de caractere , cette
indifférence & pour ainfi dire, cette tiédeur
qu'il avoit pour les propres fentimens ,
étoient même en lui quelquefois portées
trop loin , & l'ont engagé dans une occa
fion au-delà de ce qu'il penfoit véritablement.
Mais quel eft le Sage & le Philofophe
, l'homme le plus profond & du plus
folide jugement , qui n'ait pas fait dans fa
vie quelque fauffe démarche ? Heureux
celui qui fent fes fautes , mais plus heureux
ceux qui ont le courage de les réparer !
Fermer
Résumé : « Histoire ou police du Royaume de Gala. Cette brochure qui se vend chez [...] »
En décembre 1754, le Royaume de France connaît une fermentation intellectuelle marquée par un intérêt croissant pour le bien public dans les conversations et les écrits. L'auteur suggère que les Académies devraient proposer un prix pour étudier les causes de cette révolution positive, en s'inspirant de l'exemple anglais et de l'œuvre 'L'Esprit des Lois'. Sur le plan économique, le gouvernement français a su tirer parti de cette effervescence pour renforcer le crédit public, faisant de la France le pays européen avec la plus grande masse d'argent et le commerce le plus riche. Cependant, un problème majeur subsistait : les cultivateurs rencontraient des difficultés pour vendre leurs denrées. Le nouveau ministre des Finances a alors pris des mesures pour libérer le commerce du blé et ouvrir des ports à l'exportation, ce qui lui a valu le soutien de la population. L'auteur exprime l'espoir que cette réforme sera suivie par l'instauration de la taille réelle, une forme d'imposition plus juste. Il salue le courage du contrôleur général pour surmonter les obstacles restants. Le texte mentionne également deux ouvrages : l'un traitant de la culture des muriers et de l'élevage des vers à soie, et l'autre, un abrégé de philosophie rédigé par l'Abbé de la Chambre, reconnu pour son esprit juste et sa complaisance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 96-99
« PUBLII Virgilii Maronis opera ordine perpetuo, interpretationibus Gallicis & dictionariis [...] »
Début :
PUBLII Virgilii Maronis opera ordine perpetuo, interpretationibus Gallicis & dictionariis [...]
Mots clefs :
Virgile, Signification
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « PUBLII Virgilii Maronis opera ordine perpetuo, interpretationibus Gallicis & dictionariis [...] »
PUBLII Virgilii Maronis opera ordine
perpetuo , interpretationibus Gallicis & dictionariis
illuftrabat Antonius Bourgeois
Parochus Sancti Germani , & in Collegio
Crefpiaco
DECEMBRE . 1754. 27
Crefpiaco Vallenfi primarius ; ad ufum Scholarum.
Sylvanecti , apud Nicolaum Defroques
; Parifiis , apud Carolum Hochereau
natu-majorem , ripâ de Conti , 1754 ,
I vol. in- 8°.
Quelque Auteur latin , quelque recueil
même , dit M. Bourgeois , que l'on
mette entre les mains des commençans ,
ils y trouveront toujours des difficultés
de cinq fortes , & qui confiftent , 1 °. à
faire ou à retenir la conftruction de chaque
phrafe. 2°. A trouver de foi - même les
mots fous- entendus. 3 °. A trouver la fignification
propre des expreffions figurées.
4. A choifir dans un dictionnaire la fignification
propre de chaque mot. 5 ° . Enfin
à trouver un tour françois convenable
pour traduire les phrafes latines , qu'on
peut rendre mot à mot . M. Bourgeois s'eft
appliqué à faire difparoître ces difficultés ;
voici comment il s'y eft pris.
y
1º . A côté & vis- à-vis du texte eft la
conſtruction de chaque phrafe. Les mots
font à peu près rangés comme ils doivent
l'être pour former une phrafe françoife
, quand on les aura traduits les uns
après les autres . L'auteur ne s'écarte de ce
fentier que par rapport aux mots qu'on ne
peut déranger fans pécher contre les régles
de la Grammaire , qui apprend elle-
1.Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
même où il faut les placer quand il eſt
question de traduire. La même conſtruction
offre encore tous les mots fous- entendus
dans le texte.
2º. Avec le fecours des interprétations
placées au bas des pages , il fera aifé d'apprendre
la fignification jufte des expreffions
figurées. Elles y font toutes expliquées
& traduites d'abord à la lettre , & ramenées
enfuite au fens naturel & fimple.
3° . Des remarques fur le fujet , fur les
perfonnages & fur le texte de chaque églogue
compofent la troifieme partie de l'ouvrage
de M. Bourgeois . Comme elle eſt
inutile aux commençans , l'Auteur l'a écrite
en latin . On y trouve de la fagacité , des
idées neuves & des fyltêmes vraisemblables
.
4°. La quatrieme difficulté qui confifte
à trouver dans un dictionnaire la fignification
propre de chaque mot , eft tout- àfait
infurmontable pour les commençans
,
à caufe du grand nombre des fignifications
diverfes dont le même mot eft communément
fuivi. Pour remédier à cet inconvénient
, M. Bourgeois a compofé le petit
dictionnaire qui termine le volume , &
ne laiffe rien à défirer à la jeuneffe . Ce
dictionnaire , outre qu'il eft fort exact , eſt
encore fait de façon qu'on ne peut fe tromDECEMBRE.
1754. 99.
per dans le choix de la fignification dont
on a befoin.
Nous croyons en avoir affez dit pour
faire fentir le mérite du travail de M.
Bourgeois. Il y a apparence que l'Auteur
qui ne publie aujourd'hui que les Eglogues
, fera encouragé par des fuffrages
importans & décififs à nous donner tout
le Virgile.
LES livres de Ciceron , de la Vieilleffe
de l'Amitié , traduction nouvelle ; fur l'édition
latine de Grævius , avec le latin à'
côté. A Paris , chez Jofeph Barbou , rue S.
Jacques , près la Fontaine S. Benoît , aux
Cicognes , 1754 , in - 12 .
fi
On ne fçauroit trop multiplier les traductions
des bons livres , des livres de morale
fur- tout. Il eft rare que le bien reſte
long- tems dans l'efprit , fans tomber ,
l'on peut parler ainfi , dans le coeur. Combien
de fois n'eft- il pas arrivé qu'une lecture
qui n'avoit été entreprise que par curiofité
, foit devenue une leçon de vertù ?
Nous fouhaitons cette deftinée à la traduction
que nous annonçons .
perpetuo , interpretationibus Gallicis & dictionariis
illuftrabat Antonius Bourgeois
Parochus Sancti Germani , & in Collegio
Crefpiaco
DECEMBRE . 1754. 27
Crefpiaco Vallenfi primarius ; ad ufum Scholarum.
Sylvanecti , apud Nicolaum Defroques
; Parifiis , apud Carolum Hochereau
natu-majorem , ripâ de Conti , 1754 ,
I vol. in- 8°.
Quelque Auteur latin , quelque recueil
même , dit M. Bourgeois , que l'on
mette entre les mains des commençans ,
ils y trouveront toujours des difficultés
de cinq fortes , & qui confiftent , 1 °. à
faire ou à retenir la conftruction de chaque
phrafe. 2°. A trouver de foi - même les
mots fous- entendus. 3 °. A trouver la fignification
propre des expreffions figurées.
4. A choifir dans un dictionnaire la fignification
propre de chaque mot. 5 ° . Enfin
à trouver un tour françois convenable
pour traduire les phrafes latines , qu'on
peut rendre mot à mot . M. Bourgeois s'eft
appliqué à faire difparoître ces difficultés ;
voici comment il s'y eft pris.
y
1º . A côté & vis- à-vis du texte eft la
conſtruction de chaque phrafe. Les mots
font à peu près rangés comme ils doivent
l'être pour former une phrafe françoife
, quand on les aura traduits les uns
après les autres . L'auteur ne s'écarte de ce
fentier que par rapport aux mots qu'on ne
peut déranger fans pécher contre les régles
de la Grammaire , qui apprend elle-
1.Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
même où il faut les placer quand il eſt
question de traduire. La même conſtruction
offre encore tous les mots fous- entendus
dans le texte.
2º. Avec le fecours des interprétations
placées au bas des pages , il fera aifé d'apprendre
la fignification jufte des expreffions
figurées. Elles y font toutes expliquées
& traduites d'abord à la lettre , & ramenées
enfuite au fens naturel & fimple.
3° . Des remarques fur le fujet , fur les
perfonnages & fur le texte de chaque églogue
compofent la troifieme partie de l'ouvrage
de M. Bourgeois . Comme elle eſt
inutile aux commençans , l'Auteur l'a écrite
en latin . On y trouve de la fagacité , des
idées neuves & des fyltêmes vraisemblables
.
4°. La quatrieme difficulté qui confifte
à trouver dans un dictionnaire la fignification
propre de chaque mot , eft tout- àfait
infurmontable pour les commençans
,
à caufe du grand nombre des fignifications
diverfes dont le même mot eft communément
fuivi. Pour remédier à cet inconvénient
, M. Bourgeois a compofé le petit
dictionnaire qui termine le volume , &
ne laiffe rien à défirer à la jeuneffe . Ce
dictionnaire , outre qu'il eft fort exact , eſt
encore fait de façon qu'on ne peut fe tromDECEMBRE.
1754. 99.
per dans le choix de la fignification dont
on a befoin.
Nous croyons en avoir affez dit pour
faire fentir le mérite du travail de M.
Bourgeois. Il y a apparence que l'Auteur
qui ne publie aujourd'hui que les Eglogues
, fera encouragé par des fuffrages
importans & décififs à nous donner tout
le Virgile.
LES livres de Ciceron , de la Vieilleffe
de l'Amitié , traduction nouvelle ; fur l'édition
latine de Grævius , avec le latin à'
côté. A Paris , chez Jofeph Barbou , rue S.
Jacques , près la Fontaine S. Benoît , aux
Cicognes , 1754 , in - 12 .
fi
On ne fçauroit trop multiplier les traductions
des bons livres , des livres de morale
fur- tout. Il eft rare que le bien reſte
long- tems dans l'efprit , fans tomber ,
l'on peut parler ainfi , dans le coeur. Combien
de fois n'eft- il pas arrivé qu'une lecture
qui n'avoit été entreprise que par curiofité
, foit devenue une leçon de vertù ?
Nous fouhaitons cette deftinée à la traduction
que nous annonçons .
Fermer
Résumé : « PUBLII Virgilii Maronis opera ordine perpetuo, interpretationibus Gallicis & dictionariis [...] »
Le texte présente une édition de l'œuvre de Publius Virgilius Maro, réalisée par Antonius Bourgeois, curé de Saint-Germain et membre du Collège de Crèfpiaco, en décembre 1754. Cette édition est destinée aux étudiants et est disponible à Sylvanecti chez Nicolaum Defroques et à Paris chez Carolus Hochereau. Bourgeois met en lumière les difficultés rencontrées par les débutants en latin, telles que la construction des phrases, la compréhension des mots usuels, l'interprétation des expressions figurées, le choix des significations dans un dictionnaire et la traduction en français. Pour surmonter ces obstacles, Bourgeois a structuré son ouvrage de manière pédagogique. Chaque phrase est présentée avec les mots rangés pour faciliter la traduction en français. Des interprétations au bas des pages expliquent et traduisent les expressions figurées. Des remarques sur les sujets, personnages et textes des églogues sont incluses en latin pour les lecteurs avancés. Un dictionnaire précis et clair termine le volume, aidant les débutants à choisir la bonne signification des mots. Le texte mentionne également une nouvelle traduction des livres de Cicéron sur la Vieillesse et l'Amitié, publiée à Paris chez Joseph Barbou, soulignant l'importance des traductions des ouvrages moraux pour leur impact durable sur l'esprit et le cœur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 99-128
« MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Début :
MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...]
Mots clefs :
Charles Quint, Mémoires historiques, François I, Guerre, Empereur, Roi, Succès, Conquêtes, Armée, Royaume de Naples, Italie, Prince, Troupes, Ennemis, Esprit, Bataille
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
MEMOIRES hiftoriques , militaires
& politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Em-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pire , jufqu'au traité d'Aix -la - Chapelle en
1748. Par M. l'Abbé Raynal , de la Société
royale de Londres, & de l'Académie royale
des Sciences & Belles - Lettres de Pruffe . A
Amfterdam , chez Ar ' ftée & Merkus ; & le`
vend à Paris , chez Durand , rue S. Jacques
, au Griffon , 1754 .
J'ai donné dans le Mercure dernier l'extrait
du premier volume de mon ouvrage ,
je vais continuer celui du fecond qui tenferme
l'histoire des guerres de Charles-
Quint & de François I , depuis 1521 jufqu'en
1544.
» L'Italie , ce théatre continuel & mal-
» heureux de tant de guerres , en a peu vu
» d'auffi fingulieres par les motifs & d'auffi
furprenantes par les événemens que cel-
» les qu'on va développer. Le lecteur en
» faifira mieux l'efprit , & en fuivra plus
agréablement les détails lorfqu'on l'aura
» fait remonter jufqu'à leurs caufes les plus
éloignées.
و ر
و ر
ور
و ر
Depuis la chute de l'Empire Romain
l'Italie ne s'étoit jamais trouvée dans la fituation
heureufe & brillante où elle étoit
en 1492. Une paix profonde , un commerce
étendu & floriffant , la culture des fciences
& des arts , inconnus ou méprifés ailleurs
, y faifoient regner des moeurs douces ,
aimables & polies . Tranquille , peuplée ,
DECEMBRE . 1754. tor
!
riche & magnifique au - dedans , elle avoit
au- dehors une affez grande confidération .
Cette fituation fi rare étoit particulierement
l'ouvrage de Laurent de Médicis , qui
de fimple citoyen de Florence en devint le
chef& le bienfaiteur. Sa mort fut l'époque
des troubles de l'Italie .
Ludovic Sforce méditoit d'ufurper la
Souveraineté du Milanès fur Jean Galeas
fon neveu ; mais comme il prévoyoit que
le Roi de Naples traverferoit fon projet,
il engagea la France à faire valoir les droits
qu'elle avoit par la Maiſon d'Anjou fur le
Royaume de Naples .
» Charles VIII qui n'avoit ni la péné-
» tration néceffaire pour connoître le bien
»de l'Etat , ni le fentiment qui le fait de-
» viner, & qui confondoit d'ailleurs , com-
" me prefque tous les Souverains , un fond
" méprifable d'inquiétude avec une paf-
» fion très-louable pour la gloire , s'entêta
de la conquête de Naples dès qu'on lui
» en eût fait la premiere ouverture. La né-
» ceffité de peapler fon Royaume que les
» guerres contre les Anglois avoient de-
» vafté , de réformer le gouvernement dont
» les troubles civils venoient d'augmenter
» le defordre , de rétablir les finances épui-
» fées par les bizarreries du dernier régne ,
ne balança pas une réfolution fi dange-
ود
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» reufe . Tout fut rapporté à une entrepriſe
» dont le fuccès même devoit être un mal-
» heur. Le defir de réuffir , tout vif qu'il
» étoit , peut-être même parce qu'il l'étoit ,
» n'éclaira pas fur les moyens.
و ر
ود
ود
Charles commença par gagner Ferdinand
& Maximilien , en leur abandonnant des
pays qui valoient mieux que ce qu'il ſe propofoit
d'acquerir. Il regarda fon triomphe
comme infaillible , lorfqu'il crut s'être affuré
qu'il n'auroit à combattre que des Italiens.
Il eft vrai que quand les différens
Etats de l'Italie n'auroient pas été divifés
entr'eux , ils ne pouvoient oppofer qu'une
foible réfiftance. » Leurs troupes n'étoient
compofées que de gens fans honneur ,
»fans talent & fans aveu , que quelques
Seigneurs qui jouiffoient d'une efpece
d'indépendance dans l'Etat eccléfiaftique
» ou dans d'autres états , raffembloient
»pour le fervice des Puiffances qui en
» avoient befoin . Ces chefs de bande , maî-
» tres abfolus des corps qu'ils avoient formés
, y difpofoient à leur gré de tous les
emplois , & faifoient avec leurs fubalternes
le marché qu'ils vouloient , fans que
l'Etat qui les avoit à ſa ſolde , prît con-
» noiffance de ces conventions. La diffi-
» culté ou la dépenfe des recrûes déter-
ور
"
"
minoit ces aventuriers à n'agir que de
DECEMBRE. 1754. 103
ور
ود
"
» concert ; & quoiqu'ils fuffent dans des
» camps ennemis , ils travailloient plutôt
»à fe faire valoir les uns les autres qu'à
» tenir les engagemens qu'ils avoient con-
» tractés. Un i vil intérêt avoit réduit la
» guerre à n'être qu'une comédie. On ne la
» faifoit jamais que de jour , & l'artillerie
»même fe taifoit pendant la nuit , pour
» que le repos du foldat ne fût pas troublé.
» Dans les occafions même qui font les
plus vives , il n'y avoit gueres de fang
» répandu que par inadvertance , & les
» combattans ne cherchoient réciproque-
» ment qu'à faire des prifonniers dont la
» rançon pût les enrichir. Machiavel nous
a laiffé le récit exact & détaillé des deux
plus mémorables actions de fon fiècle ,
celle d'Anghiari & celle de Caftracaro.
On y voit des aîles droites & gauches
» renversées & victorieufes , un centre
» enfoncé , le champ de bataille perdu &
regagné plufieurs fois . Ces defcriptions
>> annoncent un carnagel horrible ; il n'y
eut cependant ni mort ni bleffé dans le
premier combat , & dans le fecond il
» ne périt qu'un feul homme d'armes qui
» fut foulé par les chevaux .
ود
Charles ne trouva aucun obftacle dans
fa marche ; il fe vit maître du Royaume
de Naples fans avoir tiré l'épée , & en
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
moins de tems qu'il n'en auroit fallu pour
le parcourir. Mais la facilité & l'éclat de
cette conquête ne firent qu'aigrir la jaloufie
des autres Puiffances . Le Pape , l'Empereur
, le Roi d'Efpagne , les Vénitiens
& les Milanois s'unirent pour dépouiller
Charles qui , effrayé de cette ligue , laiffa
une partie de fes troupes pour défendre fa
conquête , & reprit la route de fes Etats
avec le refte .
Cette retraite enhardit le Roi déthrôné ,
qui vint avec des fecours confidérables
pour chaffer les François de fes Etats ; les
conquerans fe défendirent long - tems avec
affez de bonheur , mais ils furent enfin
obligés de céder & d'abandonner les places
dont ils étoient les maîtres , & il ne
refta à la France que la honte d'avoir formé
une entrepriſe confidérable fans fin déterminée
, ou fans moyens pour y parvenir .
Les mauvais fuccès de Charles VIII ne
rebuterent point fon fucceffeur. Louis XII
fut à peine parvenu au thrône qu'il tourna
fes vûes vers le Milanès fur lequel il avoit
quelques droits ; la conquête en auroit été
difficile , s'il n'avoit été fécondé par les
Vénitiens. Le Milanès ne pouvoit pas réfifter
à ces forces réunies , & il fut fubjugué
en quinze jours. Louis ne bornoit pas
fon ambition à cette conquête , il convint
DECEMBRE . 1754. 105
avec les Espagnols d'attaquer à frais communs
le Royaume de Naples & de le partager
après la victoire. Fréderic ne fit qu'u
ne très-foible réfiftance ; mais les vainqueurs
n'eurent pas plutôt accablé l'ennemi
commun , qu'ils devinrent irréconciliables.
Cette divifion eut des fuites funeftes
aux François ; les avantages qu'avoient fur
eux les Eſpagnols affurerent, après bien des
combats & des négociations , Naples à Ferdinand
, fans que Louis , que les événemens
n'éclairoient jamais , apprît à connoître
les hommes , ni même à fe défier
de fon rival . Un aveuglement fi extraordinaire
le précipita bientôt dans de nouveaux
malheurs à l'occafion que nous allons rapporter.
» La République de Venife jettoit en
1508 un éclat qu'elle n'avoit pas eu au-
» paravant , & qu'elle n'a pas eu depuis.
» Sa domination s'étendoit fur les ifles de
Chypre & de Candie , fur les meilleurs
» ports du Royaume de Naples , fur les pla-
» ces maritimes de la Romagne & fur la
partie du Milanès qui fe trouvoit à ſa
» bienféance. Des poffeffions fi fort éloignées
les unes des autres étoient en quel-
» que maniere réunies par les flottes nom-
»breufes & bien équippées de cette Puiffance
, la feule qui en eût alors. Les dé-
"
"
23
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
penfes qu'exigeoient ces armemens confidérables
ne l'épuifoient pas ; & fon
» commerce qui embraffoit tout le monde
» connu , la mettoit encore en état d'avoir
beaucoup de troupes de terre & de les
» mieux payer que les autres nations. Ces
forces n'étoient ni les feules ni même
les plus grandes reffources de l'Etat : il
pouvoit compter fur l'affection des fujets.
qui trouvoient un avantage fenfible à vi-
» vre fous un gouvernement qui entrete-
» noit l'abondance au - dedans , & qui paf-
» foit au- dehors pour le plus fage & le plus
profond de tous les gouvernemens.
99
39
"
و ر
» Pour fe maintenir dans cette pofition
» brillante , Venife travailloit fans relâche
» à mettre les forces de fes voifins dans un
tel équilibre , qu'elle pût rendre toujours
» fupérieur le parti qu'il lui conviendroit
d'embraffer. Le defir d'établir cette ba-
» lance de pouvoir , la chimere de tant de
» celebres politiques , l'empêchoit d'être fi-
» dele à fes alliances les plus folemnelles ,
» & de refpecter les droits les plus évidens
» des autres Souverains . Ses amis fatigués
" par fes défiances , & fes ennemis aigris
» par fes hauteurs , prirent peu à peu pour
» elle les mêmes fentimens . Comme cette
difpofition ne pouvoit pas être long - tems
» fecrette , on ne tarda pas à fe faire réci- '
"
DECEMBRE. 1754. 107
proquement confidence de fon averfion ,
» & cette confidence aboutit à une confpiration
générale contre la République .
L'hiftoire ne fournit gueres que le congrès
de Cambrai où plufieurs Puiffances fe
foient réunies contre une Puiffance moins
confidérable que chacune d'elles . Cette fameufe
ligue étoit compofée du Pape , du
Roi Catholique , de l'Empereur & de Louis
XII. Le Roi de France toujours fidele à
fes engagemens , entra en 1509 fur le territoire
de la République dans le tems dont
on étoit convenu , & avec les forces qu'il
devoit fournir. Il gagna par l'imprudence
du Général Vénitien qu'on lui oppofa , une
bataille complette , qui mit Venife à deux
doigts de fa perte .
La divifion des Princes confédérés fauva
la République. Louis vit tourner contre
lui les forces de la ligue , celles des
Suiffes & du Roi d'Angleterre. Malgré les
efforts réunis de tant d'ennemis , les François
fe foutinrent en Italie par des fuccès
tous les jours plus éclatans , jufqu'à la mort
du Duc de Nemours , qui fe fit tuer en foldat
à la bataille de Ravenne , qu'il avoit
gagnée en Général . Les vainqueurs déconcertés
par la mort de leur chef , s'affoibliffant
tous les jours par les divifions , les
maladies & les défertions , furent obligés
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'aller défendre le Milanès ; mais trop foibles
pour s'y maintenir , ils en furent chaf
fés par les Suiffes en 1512. Louis ne perdit
pas courage , il vint à bout d'amèner
les Venitiens à fon alliance, & de recouvrer
ce qu'il avoit perdu au - delà des Alpes .
» Cette conquête fut facile. Les Milanois
qui jufqu'alors avoient regardé les
François comme des Tyrans , les reçu-
» rent comme leurs libérateurs : ce qu'ils
éprouvoient de Sforce & fur-tout des
» Suiffes depuis la révolution , leur avoit
appris que l'orgueil , l'injuftice & le mépris
des loix & des bienféances étoient
" moins les vices d'une nation en particu-
» lier que de la profpérité en général . Ces
» réflexions les avoient conduits au paral-
» lele de leurs anciens & de leurs nou-
» veaux maîtres ; & ils avoient jugé que
33
ceux qui rachetoient les défauts des con-
» querans par la bonté de leur coeur & la
»facilité de leurs moeurs , devoient être
" préférés à ceux qui n'offroient pas les
"mêmes compenfations . » Malgré ces difpofitions
favorables , les François furent
encore chaffés de leur conquête.
François I fuivit les vûes de fon prédéceffeur
avec la même vivacité que fi elles
euffent été fes propres vûes. Il entra en
Italie , dont les Suiffes gardoient le paffaDECEMBRE
. 1754 109
ge ,
& gagna contr'eux la célebre bataille
de Marignan , qui lui ouvrit la conquête
du Milanès , où les François furent tranquilles
jufqu'en 1521 .
La guerre que commencerent alors à ſe
faire Charles- Quint & François I , fut vive
, fur- tout en Italie . Le Pape & l'Empereur
s'unirent pour chaffer les François du
Milanès dont ils étoient reftés les maîtres.
Lautrec qui y commandoit, fçavoit la guerre
, mais il n'avoit aucun talent pour le
gouvernement. On le trouvoit généralement
haut , fier & dédaigneux . Ses vices
& la dureté de fon adminiftration le rendirent
odieux aux Milanois , qui chercherent
à fortir de l'oppreffion . Lautrec qui
vit les fuites de cette fermentation , demanda
des fecours à la France , mais il nefut pas
affez fort pour fe défendre contre les confédérés
qui le chafferent du Milanès . Une
bataille que ce Général perdit enfuite
acheva la ruine des François en Italie.
François I ne fut point découragé. Il
vit toute l'Europe fe liguer contre lui fans
que cela changeât rien à fes projets. Il ne
réfléchiffoit pas affez pour voir le péril , &
avoit d'ailleurs trop de courage pour le
craindre. Il fe difpofoit à paffer les Alpes
avec une armée redoutable , lorfque la
confpiration du Connétable de Bourbon
116 MERCURE DE FRANCE.
l'arrêta dans fes Etats . Il chargea Bonnivet
de la conquête du Milanès .
33
» Profper Colonne fut le Général que
» la ligue lui oppofa . Cet Italien qui paſſa
» pour un des plus grands Capitaines
» de fon fiécle , faifoit la guerre avec
» moins d'éclat que de fageffe , & avoit
" pour maxime de ne rien abandonner à la
» fortune , même dans les cas les plus pref-
» fans. Il combinoit extrêmement toutes
fes démarches , & dans la crainte de les
déranger , il laiffoit échapper fouvent
» des occafions décifives que la négligence
» ou la foibleffe de l'ennemi lui préfen-
» toient . Sa maniere de faire la guerre
» étoit bonne en général , mais elle avoit
» le défaut d'être toujours la même ; il
ignoroit l'art de varier fes principes fui-
» vant les lieux , les tems , & les circonf
» tances. Il fut lent fans être irréfolu , &
» s'il manqua de l'activité néceffaire pour
fatiguer ou pour furprendre l'ennemi ,
" il fut affez vigilant pour n'être jamais
furpris . Le brillant & la gloire des ba-
» tailles ne le tentoient point , même dans
» fa jeuneffe ; fon ambition dans tous les
» âges fut de défendre ou de conquérir
n
33
des provinces fans répandre de fang.
» Exempt de l'inquiétude qu'on remarque
» dans la plupart des Généraux , il attenDECEMBRE.
1754.
»doit fans impatience le fruit de fes ma-
» noeuvres , & un fuccès , pour venir len-
» tement , n'en étoit pas moins un fuccès
» pour lui. Si la politique qui le porta à
» changer fi fouvent de parti le décria du
côté de la probité , elle lui donna la connoiffance
du génie militaire de plufieurs
» peuples , une autorité fuffifante pour les
» conduire , & l'adreffe néceffaire pour les
23
» accorder.
La moindre partie de ces talens eût fuffi
pour fermer l'entrée de l'Italie à Bonnivet
, vif, imprudent , préfomptueux &
inappliqué. Ce Général fit prefque autant
de fautes que de pas. Les François qui
avoient le pays contr'eux , un Général
qu'ils n'eftimoient pas , un ennemi qui
devenoit tous les jours plus fort , & à qui
on faifoit faire une guerre lente & à l'Italienne
, fe découragerent . Bonnivet qui
avoit formé un blocus devant Milan , fut
obligé de fe retirer. La mort de Colonne
ne rétablit pas les affaires des François .
L'Amiral voyant fon armée ruinée par les
défertions , ne fongea plus qu'à en ramener
les débris en France. Le Connétable de
Bourbon le pourfuivit dans fa retraite , &
entra en France avec une armée Espagnole :
il ne réuffit pas , & il fut forcé de regagner
F'Italie . Les François l'y fuivirent , & vin
rent affiéger Pavie.
112 MERCURE DE FRANCE.
"
» Antoine de Leve qui y commandoit ,
» avoit autant de génie que de valeur , &
» plus d'expérience encore que d'activité .
Né dans un état obfcur & d'abord fim-
» ple foldat , il étoit parvenu au com-
» mandement par d'utiles découvertes , &
» une fuite d'actions , la plûpart hardies &
toutes heureuſes . Un extérieur bas , igno-
"
ble même , ne lui ôtoit rien de l'auto-
» rité qu'il devoit avoir , parce qu'il avoit
»le talent de la parole , & une audace
» noble à laquelle les hommes ne réſiſ-
»tent pas. Ce qu'il y avoit d'inquiet ,
» d'auftere , & d'un peu barbare dans fon
» caractere , étoit corrigé ou adouci , fe-
» lon les occafions , par fon ambition , qui
» étoit vive , forte & éclairée. Il ne con-
»noiffoit de la religion & de la probité
» que les apparences. Sa fortune & la vo-
» lonté ou les intérêts du Prince , étoient
pour lui la fuprême loi .
Les efforts des François pour prendre
cette place étoient inutiles : l'armée diminuoit
tous les jours par le feu continuel de
la place , les maladies , les défertions , les
rigueurs de la faiſon , & le défaut des vivres
. Malgré tant de raiſons d'abandonner
le fiége , François s'y opiniâtra . Il ne
pouvoit pas fe réfoudre à abandonner une
entreprife qui lui avoit déja beaucoup cou
1
DECEMBRE. 1754 II
té, qui fixoit depuis long- tems l'attention
de toute l'Europe , & qu'il croyoit devoir
décider de fa réputation . Cette opiniâtreté
lui fut funefte. Il fut vaincu à Pavie , & fait
prifonnier.
Ce Prince étoit d'un caractere trop vif
& trop impatient pour foutenir fes malheurs
avec fermeté. Il fuccomba autant fous
le poids de fa foibleffe que fous celui de fes
revers , & il fut attaqué d'une maladie dangereufe.
Sorti de fa prifon après fa guérifon
, ilil recommença la guerre.
Il conclut un traité avec le Pape , les
Vénitiens & le Duc de Milan ; mais cette
ligue , dont le but étoit de rendre la li
berté aux Enfans de France qui étoient
reftés en ôtage à Madrid , d'affermir Sforce
dans fes Etats , & de remettre l'Italie entiere
dans la fituation où elle étoit avant
la guerre , n'eut qu'une iffue funcfte. Le
Duc d'Urbin qui commandoit les troupes
des confédérés , ruina les affaires
fes
fautes & fes incertitudes .
par
» Ce Général étoit lent & irréfolu :
» il voyoit toujours tant de raifons d'a-
" gir , & de n'agir pas , qu'il paffoit à difcuter
le tems qu'il auroit dû employer à
» combattre. Son imagination qui fe frappoit
aifément , groffiffoit toujours à fes
" yeux les forces de l'ennemi , & dimi-
"
114 MERCURE DE FRANCE.
» nuoit le nombre de fes propres troupes.
Il avoit le défaut ordinaire aux
» hommes timides , d'ôter le courage à fes
>> foldats en ne leur en croyant point , &
» d'enfer celui de l'ennemi en lui en fup-
» pofant trop. Les avantages qu'il avoit
" pour attaquer , & ceux que lui procu-
» reroit la victoire ne fe préfentoient ja-
» mais à lui : fon efprit ne voyoit que les
» hazards d'une action & les fuites d'une
» défaite. Tout , jufqu'à la réputation qu'il
ور
avoit de fçavoir fupérieurement la guer-
» re , nuifit à la caufe qu'il défendoit : fes
» maîtres éblouis par l'éclat de fon nom ,
approuvoient aveuglément toutes les dé-
» marches ; & les fubalternes accablés par
le poids de fon autorité , n'ofoient être
» d'un avis différent du fien , ou craignoient
de le foutenir.
Avec le caractere que nous venons
de tracer , il n'étoit pas poffible de rien
faire qui exigeât un peu de hardieffe ou
d'activité. Bourbon s'étant foutenu quelque
tems avec fort peu de troupes & fans
argeht , reçut enfin d'Allemagne des fecours
confidérables , avec lefquels il alla
faire le fiége de Rome , & y périt ; mais la
ville fut prife & abandonnée pendant plufieurs
mois à la licence & la cruauté du
foldat.
DECEMBRE. 1754 115
DE
lé n
C3
Ce fut l'occafion d'une nouvelle ligue
.contre l'Empereur , compofée des Rois de
France & d'Angleterre , des Vénitiens &
des Florentins , des Ducs de Milan & de
Ferrare , & du Marquis de Mantoue. Lautrec
commanda leurs forces réunies : il paffa
les Alpes à la tête d'une belle armée , &
s'en fervit pour réduire la plus grande partie
du Milanès fous les loix de Sforce ; fes
opérations furent vives , fages & fçavanres.
Il marcha enfuite à Naples pour en
faire le fiége ; il fut long , difficile , meurtrier
, & donna occafion à un événement
qui eut des fuites importantes.
33
و د
» André Doria , le plus grand homme
»de mer de fon fiécle , étoit entré au fer-
» vice de François I. & y avoit apporté la
hauteur , le courage & les moeurs d'un
Républicain. Les Miniftres accoutumés
» aux déférences & aux baffeffes des cour-
» tifans , conçurent aifément de la haine
contre un étranger qui ne vouloit recevoir
des ordres que du Roi . Comme l'ha-
» bitude de dépendre d'eux n'étoit pas en-
" core bien formée parmi les Grands , ils
craignirent qu'un exemple comme celui-
» là ne retardât les progrès de la fervitude.
générale qu'ils introduifoient avec fuc-
» cès dans le Royaume. Pour prévenir le
péril qui menaçoit leur autorité naiffan
"
"
23
116 MERCURE DE FRANCE.
te , ils confpirerent la perte d'un homme
dont ils n'étoient devenus ennemis
» que parce qu'il n'avoit pas voulu être
leur efclave. On ne pouvoit y parvenir
qu'en dégoûtant le Roi de lui , ou en le
» dégoûtant du Roi. Ces deux moyens fe
prêtant de la force l'un à l'autre , ils ne
» furent pas féparés . Doria fe vit infenfiblement
négligé , oublié , inſulté mê-
ม
» me .
D'autres injuftices ayant augmenté le
mécontentement de Doria , il alla porter
aux Impériaux fon crédit , fes confeils , fa
réputation & fon expérience , & parut
bientôt devant Naples pour la fecourir.
Ce contre- tems acheva d'abbattre Lautrec ,
qui luttoit depuis long-tems contre l'ennemi
, la pefte , la mifere & la famine.
Il mourut en déteftant les mauvais citoyens
dont l'Etat , l'armée & lui étoient les victimes.
Le Marquis de Saluces qui remplaça
Lautrec , manquoit de vûes , d'audace
& d'activité : il fe retira de devant
Naples , fe laiffa battre , & fut lui -même
prifonnier.
L'armée des confédérés qui étoit en
Lombardie , fut détruite peu de tems après
par Antoine de Leve. Cet événement avança
les négociations pour la paix , qui étoient
commencées , mais qui languiffoient ; la
DECEMBRE. 1754. 117
STA
paix fut faite à Cambray. L'Empereur ne
tarda pas à former le plan d'une ligue contre
le Roi de France , qui de fon côté ne
négligeoit rien pour fufciter des ennemis à
fon rival. Un événement fingulier prépara
le dénoument de ces intrigues.
Un Gentilhomme Milanois , nommé
Merveille , qui vivoit ordinairement en
France , étoit retourné dans fa patrie fous
prétexte de quelques affaires particulieres ;
mais en effet pour cimenter l'union qui
commençoit à fe former entre Sforce &
François I. Le fecret perça ; l'Empereur fut
inftruit de cette intelligence : le Duc de
Milan qui redoutoit fon reffentiment ,
chercha tous les moyens imaginables de
l'appaifer. Le hazard ou fon imprudence
lui en fournirent un affreux . Quelques domeftiques
de Merveille ayant tué dans une
querelle un Milanois , l'Agent de France
fut arrêté & décapité . Cet attentat , un
des plus crians que l'hiftoire fourniffe contre
le droit des gens , fit fur l'efprit de
François I. toute l'impreffion qu'il y devoit
faire ; mais il en différa la
vengeance , &
il attendit l'inftant que Charles Quint allât
porter la guerre en Afrique contre le Pirate
Barberouffe pour fatisfaire fon reffentiment
, réparer fa gloire , humilier Sforce ,
& recouvrer le Milanès, Il envoya par la
118 MERCURE DE FRANCE.
Savoye une armée nombreufe , qui débuta
par les plus brillans fuccès , & refta toutà-
coup dans une inaction dont on connoît
peu les motifs . Les Impériaux s'étant fortifiés
, elle fut obligée de repaffer en France
; l'Empereur l'y fuivit. Montmorenci ,
chargé de l'arrêter avec une armée bien
inférieure , s'étoit déterminé , malgré les
murmures des peuples & les railleries des
courtifans , à facrifier la Provence entiere
au falut du refte de l'Etat . Il avoit mis fon
armée fous Avignon , couverte par le Rhôpar
la Durance . L'Empereur , après
avoir fait quelques tentatives inutiles fur
Arles & fur Marſeille , effaya de faire fortir
Montmorenci de fes retranchemens , &
de l'engager à une bataille ; mais ce Général
fut ferme dans fes principes de reſter
fur la défenfive , & les Impériaux quitterent
la Provence , confumés par la faim ,
par les maladies , par la honte & par le
chagrin .
ne &
L'yvreffe où étoit François I. de fes derniers
fuccès , devoit entraîner néceffairement
l'abus de la victoire , & cela arriva
d'une maniere qui me paroît devoir être
remarquée.
» Les Comtés de Flandre & d'Artois re-
"levoient de tems immémorial de la Fran-
» ce. Charles- Quint en avoit rendu l'homDECEMBRE.
1754. 119
» mage comme fes prédéceffeurs , jufqu'à
» ce qu'on lui en eût cédé la fouveraineté
à Cambray. Ce Prince ayant depuis vio-
» lé ce traité en recommençant la guerre ,
" on prétendit qu'il étoit déchu de tous
» les avantages qu'on lui avoit faits , qu'il
» étoit redevenu vaffal de la Couronne
» que cette qualité le rendoit coupable de
» félonie , & devoit faire confifquer fes
» Fiefs. Ce raifonnement expofé en plein
» Parlement au Roi , aux Princes du Sang ,
» à tous les Pairs du Royaume , par l'Avo-
» cat Général Cappel , dans le mois de
» Janvier 1937 , fit ordonner que l'Empe-
» reur feroit cité fur la frontiere , pour ré-
»pondre lui- même , ou du moins par fes
Députés. Le tems prefcrit pour compa-
» roître s'étant écoulé fans que perfonne
» fe fût préfenté , la Flandre & l'Artois fu-
» rent déclarés réunis à la Couronne.
39
"3
François étoit fans doute affez éclairé
» pour regarder cette procédure comme
» une vaine formalité ; mais cette con-
» viction , loin de le juftifier , comme le
» prétendent fes panégyriftes , le rendoit
» évidemment plus blâmable . Il ne tiroit
qu'une vengeance inutile de l'Empereur ,
» qui par des calomnies femées adroite-
» ment , l'avoient décrié dans toute l'Eu-
"
rope , & il perdoit la réputation de
120 MERCURE DE FRANCE.
générofité qu'il avoit eue jufqu'alors ,
» fans qu'il lui en revînt aucun avantage..
" Cette conduite étoit la preuve que ce
» Prince ne faifoit la guerre qu'à Charles
, tandis que Charles la faifoit à la
» France. Qu'on y prenne garde , & on
» trouvera dans cette obfervation , qui
»pour être nouvelle , n'eft pas moins fondée
, la raifon des avantages que la
» Maifon d'Autriche remporta fur celle de
» France , dès les premiers tems de leur
concurrence . Le Chef de la premiere n'é-
» toit déterminé à agir que par des inté-
" rêt d'Etat , & celui de la feconde n'a-
» voit en vûe ordinairement que des paf-
»fions particulieres. Il portoit ce motif
» petit & bas qui entraîne toujours l'hu-
» miliation ou la ruine des Empires , juf-
» ques dans des événemens qui paroif-
» foient partir d'une politique profonde &
» lumineufe ; tel , par exemple , que l'al-
» liance qu'il contracta avec Soliman.
Dès que ce traité fut conclu , le Grand
Seigneur entra en Hongrie à la tête de cent
mille hommes , & envoya une flotte fur
les côtes de Naples. Ces deux armées eurent
quelques avantages , qui auroient pû
conduire plus loin fi François eût paffé les
Alpes en même tems avec une nombreuſe
armée la lenteur gâta tout. Le Roi , malgré
DECEMBRE . 1754. 121
gré d'affez grands avantages qu'il rempor
ta en Italie où il étoit enfin paffé , quitta
par légereté les armes qu'il avoit prifes par
reffentiment , & conclut une treve de dix
ans avec l'Empereur.
Une fermentation dangereufe qui commençoit
déja à agiter les Pays bas , rendoit
cet accomodement très - important pour
Charles - Quint. Ce Prince fentoit la néceffité
de pafler aux Pays-bas pour appaifer
les troubles : Montmorenci lui fit accorder
ce paffage par la France , à des conditions
que ce Prince ne tint pas. La chûte du
Connétable fuivit une infidélité dont il
avoit été caufe . La difgrace de ce favori
tout puiflant fut- elle un bonheur ou un
malheur pour la France ? le Lecteur en
pourra juger.
" Montmorenci , un des hommes les
plus célébres de fon. fiécle , avoit les
» moeurs auſteres , mais de cette auſtérité
» qui naît plutôt d'un efprit chagrin que
» d'un coeur vertueux . Plus ambitieux de
» dominer que jaloux de plaire , il ne re-
» doutoit pas d'être haï , pourvû qu'il fût
>> craint ; la fierté & de faux principes
qu'il s'étoit faits , lui faifoient regarder
»comme des baffeffes des ménagemens rai-
» fonnables qui lui auroient concilié l'eftime
& l'amour des peuples. L'ordre qu'il
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
établiffoit par tout où il avoit de l'au-
» torité , n'étoit pas précisément de l'or-
» dre , c'étoit de la gêne : on y démêloit
»une certaine pédanterie qui n'eft guere
» moins commune à la Cour & à l'armée
qu'ailleurs , quoiqu'elle y foit infiniment
plus ridicule. Il n'eftimoit & n'a-
» vançoit les hommes qu'à raifon du plus
» ou du moins de reffemblance qu'ils
» avoient avec lui , & il confondoit les
citoyens fans talens avec les citoyens
» qui en avoient d'autres que les fiens ,
Dou qui les avoient autrement que lui.
» Naturellement defpotique , il puniffoit
le crime fans obferver les formalités que
» preferit fagement la loi , & il fe croyoit
» difpenfé de récompenfer les actions uti-
» les à la patrie , fous prétexte qu'elles
» étoient d'obligation . Le furnom de Ca-
» ton de la Cour qu'on lui donna , étoit
» plutôt la cenfure de fes manieres que
l'éloge de fon coeur : il l'avoit fi aigre
» que la religion même n'avoit pû la-
" doucir , & qu'il étoit paffé en proverbe
» de dire : Dien nous garde des patenêtres du
ต
» Connétable. Il eut toute fa vie de fauffes
» idées fur la grandeur ; il la faifoit confifter
à gêner ceax qui l'approchoient , à
" faire éclater fes reffentimens , à éviter les
amuſemens publics , à tenir des difcours
22
DECEMBRE . 1754 123
"3
و ر
fiers & infultans , à outrer les dépenfes
qui étoient purement de fafte. La nature
» lui avoit refufé la connoiffance des hom-
» mes , & à plus forte raifon le talent de
» les former : il ne voyoit pour les gou-
» verner que la crainte ; maniere baffe , qui
" avilit les ames les plus élevées , & qui
» pour un crime qu'elle empêche , étouffe
» le germe de mille vertus. A juger de
» Montmorenci par les places qu'il occu-
» pa , les affaires dont il fut chargé , l'au-
» torité qu'il eut , on croiroit qu'il fut
» très intrigant ou très- habile ; cependant
» il étoit fans manége , & fa capacité étoit
» médiocre : le hazard & fa naiffance con-
» tribuerent beaucoup à fon élévation .
» Comme tous les Miniftres accrédités , il
» voulut fe mêler des finances , & par une
» erreur malheureufement trop commune ,
il crut qu'il fuffifoit d'avoir un caractere
dur pour les bien adminiftrer . On ne le
foupçonna jamais de rien détourner des
» deniers publics ; mais il abufoit de la
» facilité de fes maîtres pour fe faire don-
» ner : forte de malverfation moins crimi-
» nelle peut-être que la premiere , mais
qui n'eft gueres moins odieufe. Toutes
» les négociations dont il fut chargé réuf-
» firent mal : il y portoit de la hauteur ,
» de l'entêtement , de l'aigreur , des idées
"
"
"
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
» étroites , un goût trop marqué pour le cé-
» témonial. Son talent pour la guerre fe bornoit
prefque à une prudence lente , qui eft
» le plus fouvent la marque d'un efprit froid,
»timide & ftérile : il réuffit quelquefois
» à fe défendre , mais il ne fçut jamais ni
attaquer ni vaincre. Ce qui diftingua le
plus fa vie des vies ordinaires , c'eft la
» maniere dont il foutint les difgraces
qu'il efluya fa fermeté auroit frappé
davantage , fi l'oftentation dont elle étoit
accompagnée n'eût annoncé plus d'or-
» gueil que de vertu .
"
99
:
Cependant on chercha les moyens de
tirer une vengeance füre & éclatante de
l'Empereur ; la guerre lui fut déclarée en
1542. Les François ouvrirent la campagne
par le Rouffillon & les Pays- Bas , où
ils eurent quelques fuccès. M. d'Enguien
gagna en Piémont la bataille de Cerifolesdont
il perdit les fruits , parce qu'on ne
pût pas lui envoyer des fecours. L'Empereur
& le Roi d'Angleterre s'unirent pour
entrer en France en même tems avec une
armée nombreuſe ; la jaloufie & les divifions
de ces deux Princes fauverent le
Royaume : l'Empereur même , par le défaut
des vivres qui lui manquerent par la fage
attention qu'on eut de tout dévafter , ſe
feroit vû réduit à périr ou de fe rendre
DECEMBRE. 1754. 125
prifonnier , fi les intrigues de la Cour n'a
voient avancé la conclufion de la paix qui
fut fignée à Crépy en 1544 , & à laquelle
François I. ne furvêcut pas long-tems.
» Ce Prince joignoit à un goût décidé
» pour tous les exercices du corps , l'adreffe
» néceffaire pour y exceller , & affez de
fanté pour s'y livrer fans rifque. Il n'avoit
pas cet air impofant qui a fait le
plus grand mérite de quelques Souve-
» rains ; mais il régnoit dans toutes les ma
» nieres une franchiſe qui préparoit à l'a-
» mour & qui infpiroit la confiance . Pour
»trouver accès auprès de lui , il n'étoit pas
» néceffaire d'avoir des places , de la ré-
»putation ou de la naiffance ; il fuffifoit
d'être François ou même homme . Sa con-
» verfation réuniffoit les agrémens que
» doivent donner la gaieté , le naturel , la
» vivacité & les connoiflances. Il parloit
"
»
beaucoup ; & quand il auroit été un par-
» ticulier , on n'auroit pas trouvé qu'il
parlât trop. Le defir de la louange qui
rend quelquefois grands les Rois qui
» l'ont , mais qui ne fait le plus fouvent
» qu'avilir ceux qui les entourent , fut une
de fes paffions : fon caractere autoriſe à
penfer qu'il s'en feroit rendu digne , fi
les flateurs ne l'avoient perdu .
n
» Contre l'ordinaire des hommes nés
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
» pour gouverner , qui ne forment prefque'
jamais de projets dont le défaut même
de fuccès ne foit fuivi de quelque avan-
"9
ود
و د
tage , il ne s'occupoit que de ce que les
» événemens avoient d'éclatant : on ne l'amena
jamais à fentir que dans des coups
» d'état la gloire & l'utilité font le plus
»fouvent inféparables . Les partis violens
» qui ne font permis que dans des fitua-
» tions defefpérées , ou quand on fe fent
» affez de force & de génie pour les foute-
» nir , ne lui coutoient rien à prendre : l'efprit
romanefque de fon fiécle & fon imprudence
particuliere l'empêchoient de
» voir les difficultés attachées aux affaires
& celles que fon caractere y ajoûteroit .
"3
Quoiqu'il s'occupât beaucoup du foin.
d'étendre fon autorité , il ne gouverna
jamais lui-même. L'Etat fut fucceffive-
»ment abandonné aux caprices de la Ducheffe
d'Angoulême , aux paffions des
Miniftres , à l'avidité des favoris. Il eut
» une probité d'oftentation qui ne lui
» mettoit pas de manquer de parole à fes
» ennemis des principes vrais & réels ſe
perferoient
étendus jufqu'à fes fujets , &
» l'auroient empêché de les dépouiller de
» droits effentiels fondés fur les conven-
» tions & fur la nature. La jalousie qui eft
auffi ordinaire & plus dangereufe fur le
DECEMBRE.
1754. 127
5
I
thrône que dans les conditions privées
n'effleura pas feulement fon ame : il étoit
»foldat , il fe croyoit Général , & il louoit
fans effort , avec plaifir même , tous ceux
» qui avoient fait à la guerre une action
» de valeur ou d'habileté. Le feu qu'il met-
» toit d'abord dans fes entrepriſes , s'étei-
"gnoit tout- à - coup fans pouvoir être nour-
»ri par le fuccès , ni rallumé par les difgraces.
Il n'étoit donné à ce Prince , fi
»l'on peut parler ainfi , que d'avoir des
» demi-fentimens & de faire des demi -ac-
» tions. Comme il avoit beaucoup d'éléva
» tion & qu'il réfléchiffoit peu , il dédaignoit
l'intrigue & négligeoit trop les ap-
» parences : fon rival moins délicat & plus
appliqué , profita de cette imprudente
» hauteur , pour lui ôter dans l'Europe en-
» tiere une réputation de probité qui lui
» auroit donné des alliés fideles & parmi
» les François même , une réputation d'ha-
» bileté qui auroit affermi leur courage.
La franchife , la fenfibilité , la générofi-
» té , qui ont été dans tous les fiécles la bafe
» des réputations les plus pures , furent la
» ruine de la fienne : la premiere de ces
» vertus lui fit trahir fes fecrets ; la feconde
» ne lui infpira qu'une compaffion ftérile
pour des peuples furchargés qu'il devoit
foulager ; la derniere lui fit prodiguer à
F iiij
728 MERCURE DE FRANCE.
des Courtifans ce qui étoit dû à ceux qui
» fervoient l'Etat . Son adminiftration fut
accompagnée de tous les defordres qui
»deshonorent le regne des Souverains cré-
» dules , vains , inconftans , fans principes ,
» fans expérience , fans connoiffance des
» hommes & fans fermeté.
& politiques de l'Europe , depuis l'élévation
de Charles- Quint au thrône de l'Em-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
pire , jufqu'au traité d'Aix -la - Chapelle en
1748. Par M. l'Abbé Raynal , de la Société
royale de Londres, & de l'Académie royale
des Sciences & Belles - Lettres de Pruffe . A
Amfterdam , chez Ar ' ftée & Merkus ; & le`
vend à Paris , chez Durand , rue S. Jacques
, au Griffon , 1754 .
J'ai donné dans le Mercure dernier l'extrait
du premier volume de mon ouvrage ,
je vais continuer celui du fecond qui tenferme
l'histoire des guerres de Charles-
Quint & de François I , depuis 1521 jufqu'en
1544.
» L'Italie , ce théatre continuel & mal-
» heureux de tant de guerres , en a peu vu
» d'auffi fingulieres par les motifs & d'auffi
furprenantes par les événemens que cel-
» les qu'on va développer. Le lecteur en
» faifira mieux l'efprit , & en fuivra plus
agréablement les détails lorfqu'on l'aura
» fait remonter jufqu'à leurs caufes les plus
éloignées.
و ر
و ر
ور
و ر
Depuis la chute de l'Empire Romain
l'Italie ne s'étoit jamais trouvée dans la fituation
heureufe & brillante où elle étoit
en 1492. Une paix profonde , un commerce
étendu & floriffant , la culture des fciences
& des arts , inconnus ou méprifés ailleurs
, y faifoient regner des moeurs douces ,
aimables & polies . Tranquille , peuplée ,
DECEMBRE . 1754. tor
!
riche & magnifique au - dedans , elle avoit
au- dehors une affez grande confidération .
Cette fituation fi rare étoit particulierement
l'ouvrage de Laurent de Médicis , qui
de fimple citoyen de Florence en devint le
chef& le bienfaiteur. Sa mort fut l'époque
des troubles de l'Italie .
Ludovic Sforce méditoit d'ufurper la
Souveraineté du Milanès fur Jean Galeas
fon neveu ; mais comme il prévoyoit que
le Roi de Naples traverferoit fon projet,
il engagea la France à faire valoir les droits
qu'elle avoit par la Maiſon d'Anjou fur le
Royaume de Naples .
» Charles VIII qui n'avoit ni la péné-
» tration néceffaire pour connoître le bien
»de l'Etat , ni le fentiment qui le fait de-
» viner, & qui confondoit d'ailleurs , com-
" me prefque tous les Souverains , un fond
" méprifable d'inquiétude avec une paf-
» fion très-louable pour la gloire , s'entêta
de la conquête de Naples dès qu'on lui
» en eût fait la premiere ouverture. La né-
» ceffité de peapler fon Royaume que les
» guerres contre les Anglois avoient de-
» vafté , de réformer le gouvernement dont
» les troubles civils venoient d'augmenter
» le defordre , de rétablir les finances épui-
» fées par les bizarreries du dernier régne ,
ne balança pas une réfolution fi dange-
ود
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» reufe . Tout fut rapporté à une entrepriſe
» dont le fuccès même devoit être un mal-
» heur. Le defir de réuffir , tout vif qu'il
» étoit , peut-être même parce qu'il l'étoit ,
» n'éclaira pas fur les moyens.
و ر
ود
ود
Charles commença par gagner Ferdinand
& Maximilien , en leur abandonnant des
pays qui valoient mieux que ce qu'il ſe propofoit
d'acquerir. Il regarda fon triomphe
comme infaillible , lorfqu'il crut s'être affuré
qu'il n'auroit à combattre que des Italiens.
Il eft vrai que quand les différens
Etats de l'Italie n'auroient pas été divifés
entr'eux , ils ne pouvoient oppofer qu'une
foible réfiftance. » Leurs troupes n'étoient
compofées que de gens fans honneur ,
»fans talent & fans aveu , que quelques
Seigneurs qui jouiffoient d'une efpece
d'indépendance dans l'Etat eccléfiaftique
» ou dans d'autres états , raffembloient
»pour le fervice des Puiffances qui en
» avoient befoin . Ces chefs de bande , maî-
» tres abfolus des corps qu'ils avoient formés
, y difpofoient à leur gré de tous les
emplois , & faifoient avec leurs fubalternes
le marché qu'ils vouloient , fans que
l'Etat qui les avoit à ſa ſolde , prît con-
» noiffance de ces conventions. La diffi-
» culté ou la dépenfe des recrûes déter-
ور
"
"
minoit ces aventuriers à n'agir que de
DECEMBRE. 1754. 103
ور
ود
"
» concert ; & quoiqu'ils fuffent dans des
» camps ennemis , ils travailloient plutôt
»à fe faire valoir les uns les autres qu'à
» tenir les engagemens qu'ils avoient con-
» tractés. Un i vil intérêt avoit réduit la
» guerre à n'être qu'une comédie. On ne la
» faifoit jamais que de jour , & l'artillerie
»même fe taifoit pendant la nuit , pour
» que le repos du foldat ne fût pas troublé.
» Dans les occafions même qui font les
plus vives , il n'y avoit gueres de fang
» répandu que par inadvertance , & les
» combattans ne cherchoient réciproque-
» ment qu'à faire des prifonniers dont la
» rançon pût les enrichir. Machiavel nous
a laiffé le récit exact & détaillé des deux
plus mémorables actions de fon fiècle ,
celle d'Anghiari & celle de Caftracaro.
On y voit des aîles droites & gauches
» renversées & victorieufes , un centre
» enfoncé , le champ de bataille perdu &
regagné plufieurs fois . Ces defcriptions
>> annoncent un carnagel horrible ; il n'y
eut cependant ni mort ni bleffé dans le
premier combat , & dans le fecond il
» ne périt qu'un feul homme d'armes qui
» fut foulé par les chevaux .
ود
Charles ne trouva aucun obftacle dans
fa marche ; il fe vit maître du Royaume
de Naples fans avoir tiré l'épée , & en
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
moins de tems qu'il n'en auroit fallu pour
le parcourir. Mais la facilité & l'éclat de
cette conquête ne firent qu'aigrir la jaloufie
des autres Puiffances . Le Pape , l'Empereur
, le Roi d'Efpagne , les Vénitiens
& les Milanois s'unirent pour dépouiller
Charles qui , effrayé de cette ligue , laiffa
une partie de fes troupes pour défendre fa
conquête , & reprit la route de fes Etats
avec le refte .
Cette retraite enhardit le Roi déthrôné ,
qui vint avec des fecours confidérables
pour chaffer les François de fes Etats ; les
conquerans fe défendirent long - tems avec
affez de bonheur , mais ils furent enfin
obligés de céder & d'abandonner les places
dont ils étoient les maîtres , & il ne
refta à la France que la honte d'avoir formé
une entrepriſe confidérable fans fin déterminée
, ou fans moyens pour y parvenir .
Les mauvais fuccès de Charles VIII ne
rebuterent point fon fucceffeur. Louis XII
fut à peine parvenu au thrône qu'il tourna
fes vûes vers le Milanès fur lequel il avoit
quelques droits ; la conquête en auroit été
difficile , s'il n'avoit été fécondé par les
Vénitiens. Le Milanès ne pouvoit pas réfifter
à ces forces réunies , & il fut fubjugué
en quinze jours. Louis ne bornoit pas
fon ambition à cette conquête , il convint
DECEMBRE . 1754. 105
avec les Espagnols d'attaquer à frais communs
le Royaume de Naples & de le partager
après la victoire. Fréderic ne fit qu'u
ne très-foible réfiftance ; mais les vainqueurs
n'eurent pas plutôt accablé l'ennemi
commun , qu'ils devinrent irréconciliables.
Cette divifion eut des fuites funeftes
aux François ; les avantages qu'avoient fur
eux les Eſpagnols affurerent, après bien des
combats & des négociations , Naples à Ferdinand
, fans que Louis , que les événemens
n'éclairoient jamais , apprît à connoître
les hommes , ni même à fe défier
de fon rival . Un aveuglement fi extraordinaire
le précipita bientôt dans de nouveaux
malheurs à l'occafion que nous allons rapporter.
» La République de Venife jettoit en
1508 un éclat qu'elle n'avoit pas eu au-
» paravant , & qu'elle n'a pas eu depuis.
» Sa domination s'étendoit fur les ifles de
Chypre & de Candie , fur les meilleurs
» ports du Royaume de Naples , fur les pla-
» ces maritimes de la Romagne & fur la
partie du Milanès qui fe trouvoit à ſa
» bienféance. Des poffeffions fi fort éloignées
les unes des autres étoient en quel-
» que maniere réunies par les flottes nom-
»breufes & bien équippées de cette Puiffance
, la feule qui en eût alors. Les dé-
"
"
23
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
penfes qu'exigeoient ces armemens confidérables
ne l'épuifoient pas ; & fon
» commerce qui embraffoit tout le monde
» connu , la mettoit encore en état d'avoir
beaucoup de troupes de terre & de les
» mieux payer que les autres nations. Ces
forces n'étoient ni les feules ni même
les plus grandes reffources de l'Etat : il
pouvoit compter fur l'affection des fujets.
qui trouvoient un avantage fenfible à vi-
» vre fous un gouvernement qui entrete-
» noit l'abondance au - dedans , & qui paf-
» foit au- dehors pour le plus fage & le plus
profond de tous les gouvernemens.
99
39
"
و ر
» Pour fe maintenir dans cette pofition
» brillante , Venife travailloit fans relâche
» à mettre les forces de fes voifins dans un
tel équilibre , qu'elle pût rendre toujours
» fupérieur le parti qu'il lui conviendroit
d'embraffer. Le defir d'établir cette ba-
» lance de pouvoir , la chimere de tant de
» celebres politiques , l'empêchoit d'être fi-
» dele à fes alliances les plus folemnelles ,
» & de refpecter les droits les plus évidens
» des autres Souverains . Ses amis fatigués
" par fes défiances , & fes ennemis aigris
» par fes hauteurs , prirent peu à peu pour
» elle les mêmes fentimens . Comme cette
difpofition ne pouvoit pas être long - tems
» fecrette , on ne tarda pas à fe faire réci- '
"
DECEMBRE. 1754. 107
proquement confidence de fon averfion ,
» & cette confidence aboutit à une confpiration
générale contre la République .
L'hiftoire ne fournit gueres que le congrès
de Cambrai où plufieurs Puiffances fe
foient réunies contre une Puiffance moins
confidérable que chacune d'elles . Cette fameufe
ligue étoit compofée du Pape , du
Roi Catholique , de l'Empereur & de Louis
XII. Le Roi de France toujours fidele à
fes engagemens , entra en 1509 fur le territoire
de la République dans le tems dont
on étoit convenu , & avec les forces qu'il
devoit fournir. Il gagna par l'imprudence
du Général Vénitien qu'on lui oppofa , une
bataille complette , qui mit Venife à deux
doigts de fa perte .
La divifion des Princes confédérés fauva
la République. Louis vit tourner contre
lui les forces de la ligue , celles des
Suiffes & du Roi d'Angleterre. Malgré les
efforts réunis de tant d'ennemis , les François
fe foutinrent en Italie par des fuccès
tous les jours plus éclatans , jufqu'à la mort
du Duc de Nemours , qui fe fit tuer en foldat
à la bataille de Ravenne , qu'il avoit
gagnée en Général . Les vainqueurs déconcertés
par la mort de leur chef , s'affoibliffant
tous les jours par les divifions , les
maladies & les défertions , furent obligés
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'aller défendre le Milanès ; mais trop foibles
pour s'y maintenir , ils en furent chaf
fés par les Suiffes en 1512. Louis ne perdit
pas courage , il vint à bout d'amèner
les Venitiens à fon alliance, & de recouvrer
ce qu'il avoit perdu au - delà des Alpes .
» Cette conquête fut facile. Les Milanois
qui jufqu'alors avoient regardé les
François comme des Tyrans , les reçu-
» rent comme leurs libérateurs : ce qu'ils
éprouvoient de Sforce & fur-tout des
» Suiffes depuis la révolution , leur avoit
appris que l'orgueil , l'injuftice & le mépris
des loix & des bienféances étoient
" moins les vices d'une nation en particu-
» lier que de la profpérité en général . Ces
» réflexions les avoient conduits au paral-
» lele de leurs anciens & de leurs nou-
» veaux maîtres ; & ils avoient jugé que
33
ceux qui rachetoient les défauts des con-
» querans par la bonté de leur coeur & la
»facilité de leurs moeurs , devoient être
" préférés à ceux qui n'offroient pas les
"mêmes compenfations . » Malgré ces difpofitions
favorables , les François furent
encore chaffés de leur conquête.
François I fuivit les vûes de fon prédéceffeur
avec la même vivacité que fi elles
euffent été fes propres vûes. Il entra en
Italie , dont les Suiffes gardoient le paffaDECEMBRE
. 1754 109
ge ,
& gagna contr'eux la célebre bataille
de Marignan , qui lui ouvrit la conquête
du Milanès , où les François furent tranquilles
jufqu'en 1521 .
La guerre que commencerent alors à ſe
faire Charles- Quint & François I , fut vive
, fur- tout en Italie . Le Pape & l'Empereur
s'unirent pour chaffer les François du
Milanès dont ils étoient reftés les maîtres.
Lautrec qui y commandoit, fçavoit la guerre
, mais il n'avoit aucun talent pour le
gouvernement. On le trouvoit généralement
haut , fier & dédaigneux . Ses vices
& la dureté de fon adminiftration le rendirent
odieux aux Milanois , qui chercherent
à fortir de l'oppreffion . Lautrec qui
vit les fuites de cette fermentation , demanda
des fecours à la France , mais il nefut pas
affez fort pour fe défendre contre les confédérés
qui le chafferent du Milanès . Une
bataille que ce Général perdit enfuite
acheva la ruine des François en Italie.
François I ne fut point découragé. Il
vit toute l'Europe fe liguer contre lui fans
que cela changeât rien à fes projets. Il ne
réfléchiffoit pas affez pour voir le péril , &
avoit d'ailleurs trop de courage pour le
craindre. Il fe difpofoit à paffer les Alpes
avec une armée redoutable , lorfque la
confpiration du Connétable de Bourbon
116 MERCURE DE FRANCE.
l'arrêta dans fes Etats . Il chargea Bonnivet
de la conquête du Milanès .
33
» Profper Colonne fut le Général que
» la ligue lui oppofa . Cet Italien qui paſſa
» pour un des plus grands Capitaines
» de fon fiécle , faifoit la guerre avec
» moins d'éclat que de fageffe , & avoit
" pour maxime de ne rien abandonner à la
» fortune , même dans les cas les plus pref-
» fans. Il combinoit extrêmement toutes
fes démarches , & dans la crainte de les
déranger , il laiffoit échapper fouvent
» des occafions décifives que la négligence
» ou la foibleffe de l'ennemi lui préfen-
» toient . Sa maniere de faire la guerre
» étoit bonne en général , mais elle avoit
» le défaut d'être toujours la même ; il
ignoroit l'art de varier fes principes fui-
» vant les lieux , les tems , & les circonf
» tances. Il fut lent fans être irréfolu , &
» s'il manqua de l'activité néceffaire pour
fatiguer ou pour furprendre l'ennemi ,
" il fut affez vigilant pour n'être jamais
furpris . Le brillant & la gloire des ba-
» tailles ne le tentoient point , même dans
» fa jeuneffe ; fon ambition dans tous les
» âges fut de défendre ou de conquérir
n
33
des provinces fans répandre de fang.
» Exempt de l'inquiétude qu'on remarque
» dans la plupart des Généraux , il attenDECEMBRE.
1754.
»doit fans impatience le fruit de fes ma-
» noeuvres , & un fuccès , pour venir len-
» tement , n'en étoit pas moins un fuccès
» pour lui. Si la politique qui le porta à
» changer fi fouvent de parti le décria du
côté de la probité , elle lui donna la connoiffance
du génie militaire de plufieurs
» peuples , une autorité fuffifante pour les
» conduire , & l'adreffe néceffaire pour les
23
» accorder.
La moindre partie de ces talens eût fuffi
pour fermer l'entrée de l'Italie à Bonnivet
, vif, imprudent , préfomptueux &
inappliqué. Ce Général fit prefque autant
de fautes que de pas. Les François qui
avoient le pays contr'eux , un Général
qu'ils n'eftimoient pas , un ennemi qui
devenoit tous les jours plus fort , & à qui
on faifoit faire une guerre lente & à l'Italienne
, fe découragerent . Bonnivet qui
avoit formé un blocus devant Milan , fut
obligé de fe retirer. La mort de Colonne
ne rétablit pas les affaires des François .
L'Amiral voyant fon armée ruinée par les
défertions , ne fongea plus qu'à en ramener
les débris en France. Le Connétable de
Bourbon le pourfuivit dans fa retraite , &
entra en France avec une armée Espagnole :
il ne réuffit pas , & il fut forcé de regagner
F'Italie . Les François l'y fuivirent , & vin
rent affiéger Pavie.
112 MERCURE DE FRANCE.
"
» Antoine de Leve qui y commandoit ,
» avoit autant de génie que de valeur , &
» plus d'expérience encore que d'activité .
Né dans un état obfcur & d'abord fim-
» ple foldat , il étoit parvenu au com-
» mandement par d'utiles découvertes , &
» une fuite d'actions , la plûpart hardies &
toutes heureuſes . Un extérieur bas , igno-
"
ble même , ne lui ôtoit rien de l'auto-
» rité qu'il devoit avoir , parce qu'il avoit
»le talent de la parole , & une audace
» noble à laquelle les hommes ne réſiſ-
»tent pas. Ce qu'il y avoit d'inquiet ,
» d'auftere , & d'un peu barbare dans fon
» caractere , étoit corrigé ou adouci , fe-
» lon les occafions , par fon ambition , qui
» étoit vive , forte & éclairée. Il ne con-
»noiffoit de la religion & de la probité
» que les apparences. Sa fortune & la vo-
» lonté ou les intérêts du Prince , étoient
pour lui la fuprême loi .
Les efforts des François pour prendre
cette place étoient inutiles : l'armée diminuoit
tous les jours par le feu continuel de
la place , les maladies , les défertions , les
rigueurs de la faiſon , & le défaut des vivres
. Malgré tant de raiſons d'abandonner
le fiége , François s'y opiniâtra . Il ne
pouvoit pas fe réfoudre à abandonner une
entreprife qui lui avoit déja beaucoup cou
1
DECEMBRE. 1754 II
té, qui fixoit depuis long- tems l'attention
de toute l'Europe , & qu'il croyoit devoir
décider de fa réputation . Cette opiniâtreté
lui fut funefte. Il fut vaincu à Pavie , & fait
prifonnier.
Ce Prince étoit d'un caractere trop vif
& trop impatient pour foutenir fes malheurs
avec fermeté. Il fuccomba autant fous
le poids de fa foibleffe que fous celui de fes
revers , & il fut attaqué d'une maladie dangereufe.
Sorti de fa prifon après fa guérifon
, ilil recommença la guerre.
Il conclut un traité avec le Pape , les
Vénitiens & le Duc de Milan ; mais cette
ligue , dont le but étoit de rendre la li
berté aux Enfans de France qui étoient
reftés en ôtage à Madrid , d'affermir Sforce
dans fes Etats , & de remettre l'Italie entiere
dans la fituation où elle étoit avant
la guerre , n'eut qu'une iffue funcfte. Le
Duc d'Urbin qui commandoit les troupes
des confédérés , ruina les affaires
fes
fautes & fes incertitudes .
par
» Ce Général étoit lent & irréfolu :
» il voyoit toujours tant de raifons d'a-
" gir , & de n'agir pas , qu'il paffoit à difcuter
le tems qu'il auroit dû employer à
» combattre. Son imagination qui fe frappoit
aifément , groffiffoit toujours à fes
" yeux les forces de l'ennemi , & dimi-
"
114 MERCURE DE FRANCE.
» nuoit le nombre de fes propres troupes.
Il avoit le défaut ordinaire aux
» hommes timides , d'ôter le courage à fes
>> foldats en ne leur en croyant point , &
» d'enfer celui de l'ennemi en lui en fup-
» pofant trop. Les avantages qu'il avoit
" pour attaquer , & ceux que lui procu-
» reroit la victoire ne fe préfentoient ja-
» mais à lui : fon efprit ne voyoit que les
» hazards d'une action & les fuites d'une
» défaite. Tout , jufqu'à la réputation qu'il
ور
avoit de fçavoir fupérieurement la guer-
» re , nuifit à la caufe qu'il défendoit : fes
» maîtres éblouis par l'éclat de fon nom ,
approuvoient aveuglément toutes les dé-
» marches ; & les fubalternes accablés par
le poids de fon autorité , n'ofoient être
» d'un avis différent du fien , ou craignoient
de le foutenir.
Avec le caractere que nous venons
de tracer , il n'étoit pas poffible de rien
faire qui exigeât un peu de hardieffe ou
d'activité. Bourbon s'étant foutenu quelque
tems avec fort peu de troupes & fans
argeht , reçut enfin d'Allemagne des fecours
confidérables , avec lefquels il alla
faire le fiége de Rome , & y périt ; mais la
ville fut prife & abandonnée pendant plufieurs
mois à la licence & la cruauté du
foldat.
DECEMBRE. 1754 115
DE
lé n
C3
Ce fut l'occafion d'une nouvelle ligue
.contre l'Empereur , compofée des Rois de
France & d'Angleterre , des Vénitiens &
des Florentins , des Ducs de Milan & de
Ferrare , & du Marquis de Mantoue. Lautrec
commanda leurs forces réunies : il paffa
les Alpes à la tête d'une belle armée , &
s'en fervit pour réduire la plus grande partie
du Milanès fous les loix de Sforce ; fes
opérations furent vives , fages & fçavanres.
Il marcha enfuite à Naples pour en
faire le fiége ; il fut long , difficile , meurtrier
, & donna occafion à un événement
qui eut des fuites importantes.
33
و د
» André Doria , le plus grand homme
»de mer de fon fiécle , étoit entré au fer-
» vice de François I. & y avoit apporté la
hauteur , le courage & les moeurs d'un
Républicain. Les Miniftres accoutumés
» aux déférences & aux baffeffes des cour-
» tifans , conçurent aifément de la haine
contre un étranger qui ne vouloit recevoir
des ordres que du Roi . Comme l'ha-
» bitude de dépendre d'eux n'étoit pas en-
" core bien formée parmi les Grands , ils
craignirent qu'un exemple comme celui-
» là ne retardât les progrès de la fervitude.
générale qu'ils introduifoient avec fuc-
» cès dans le Royaume. Pour prévenir le
péril qui menaçoit leur autorité naiffan
"
"
23
116 MERCURE DE FRANCE.
te , ils confpirerent la perte d'un homme
dont ils n'étoient devenus ennemis
» que parce qu'il n'avoit pas voulu être
leur efclave. On ne pouvoit y parvenir
qu'en dégoûtant le Roi de lui , ou en le
» dégoûtant du Roi. Ces deux moyens fe
prêtant de la force l'un à l'autre , ils ne
» furent pas féparés . Doria fe vit infenfiblement
négligé , oublié , inſulté mê-
ม
» me .
D'autres injuftices ayant augmenté le
mécontentement de Doria , il alla porter
aux Impériaux fon crédit , fes confeils , fa
réputation & fon expérience , & parut
bientôt devant Naples pour la fecourir.
Ce contre- tems acheva d'abbattre Lautrec ,
qui luttoit depuis long-tems contre l'ennemi
, la pefte , la mifere & la famine.
Il mourut en déteftant les mauvais citoyens
dont l'Etat , l'armée & lui étoient les victimes.
Le Marquis de Saluces qui remplaça
Lautrec , manquoit de vûes , d'audace
& d'activité : il fe retira de devant
Naples , fe laiffa battre , & fut lui -même
prifonnier.
L'armée des confédérés qui étoit en
Lombardie , fut détruite peu de tems après
par Antoine de Leve. Cet événement avança
les négociations pour la paix , qui étoient
commencées , mais qui languiffoient ; la
DECEMBRE. 1754. 117
STA
paix fut faite à Cambray. L'Empereur ne
tarda pas à former le plan d'une ligue contre
le Roi de France , qui de fon côté ne
négligeoit rien pour fufciter des ennemis à
fon rival. Un événement fingulier prépara
le dénoument de ces intrigues.
Un Gentilhomme Milanois , nommé
Merveille , qui vivoit ordinairement en
France , étoit retourné dans fa patrie fous
prétexte de quelques affaires particulieres ;
mais en effet pour cimenter l'union qui
commençoit à fe former entre Sforce &
François I. Le fecret perça ; l'Empereur fut
inftruit de cette intelligence : le Duc de
Milan qui redoutoit fon reffentiment ,
chercha tous les moyens imaginables de
l'appaifer. Le hazard ou fon imprudence
lui en fournirent un affreux . Quelques domeftiques
de Merveille ayant tué dans une
querelle un Milanois , l'Agent de France
fut arrêté & décapité . Cet attentat , un
des plus crians que l'hiftoire fourniffe contre
le droit des gens , fit fur l'efprit de
François I. toute l'impreffion qu'il y devoit
faire ; mais il en différa la
vengeance , &
il attendit l'inftant que Charles Quint allât
porter la guerre en Afrique contre le Pirate
Barberouffe pour fatisfaire fon reffentiment
, réparer fa gloire , humilier Sforce ,
& recouvrer le Milanès, Il envoya par la
118 MERCURE DE FRANCE.
Savoye une armée nombreufe , qui débuta
par les plus brillans fuccès , & refta toutà-
coup dans une inaction dont on connoît
peu les motifs . Les Impériaux s'étant fortifiés
, elle fut obligée de repaffer en France
; l'Empereur l'y fuivit. Montmorenci ,
chargé de l'arrêter avec une armée bien
inférieure , s'étoit déterminé , malgré les
murmures des peuples & les railleries des
courtifans , à facrifier la Provence entiere
au falut du refte de l'Etat . Il avoit mis fon
armée fous Avignon , couverte par le Rhôpar
la Durance . L'Empereur , après
avoir fait quelques tentatives inutiles fur
Arles & fur Marſeille , effaya de faire fortir
Montmorenci de fes retranchemens , &
de l'engager à une bataille ; mais ce Général
fut ferme dans fes principes de reſter
fur la défenfive , & les Impériaux quitterent
la Provence , confumés par la faim ,
par les maladies , par la honte & par le
chagrin .
ne &
L'yvreffe où étoit François I. de fes derniers
fuccès , devoit entraîner néceffairement
l'abus de la victoire , & cela arriva
d'une maniere qui me paroît devoir être
remarquée.
» Les Comtés de Flandre & d'Artois re-
"levoient de tems immémorial de la Fran-
» ce. Charles- Quint en avoit rendu l'homDECEMBRE.
1754. 119
» mage comme fes prédéceffeurs , jufqu'à
» ce qu'on lui en eût cédé la fouveraineté
à Cambray. Ce Prince ayant depuis vio-
» lé ce traité en recommençant la guerre ,
" on prétendit qu'il étoit déchu de tous
» les avantages qu'on lui avoit faits , qu'il
» étoit redevenu vaffal de la Couronne
» que cette qualité le rendoit coupable de
» félonie , & devoit faire confifquer fes
» Fiefs. Ce raifonnement expofé en plein
» Parlement au Roi , aux Princes du Sang ,
» à tous les Pairs du Royaume , par l'Avo-
» cat Général Cappel , dans le mois de
» Janvier 1937 , fit ordonner que l'Empe-
» reur feroit cité fur la frontiere , pour ré-
»pondre lui- même , ou du moins par fes
Députés. Le tems prefcrit pour compa-
» roître s'étant écoulé fans que perfonne
» fe fût préfenté , la Flandre & l'Artois fu-
» rent déclarés réunis à la Couronne.
39
"3
François étoit fans doute affez éclairé
» pour regarder cette procédure comme
» une vaine formalité ; mais cette con-
» viction , loin de le juftifier , comme le
» prétendent fes panégyriftes , le rendoit
» évidemment plus blâmable . Il ne tiroit
qu'une vengeance inutile de l'Empereur ,
» qui par des calomnies femées adroite-
» ment , l'avoient décrié dans toute l'Eu-
"
rope , & il perdoit la réputation de
120 MERCURE DE FRANCE.
générofité qu'il avoit eue jufqu'alors ,
» fans qu'il lui en revînt aucun avantage..
" Cette conduite étoit la preuve que ce
» Prince ne faifoit la guerre qu'à Charles
, tandis que Charles la faifoit à la
» France. Qu'on y prenne garde , & on
» trouvera dans cette obfervation , qui
»pour être nouvelle , n'eft pas moins fondée
, la raifon des avantages que la
» Maifon d'Autriche remporta fur celle de
» France , dès les premiers tems de leur
concurrence . Le Chef de la premiere n'é-
» toit déterminé à agir que par des inté-
" rêt d'Etat , & celui de la feconde n'a-
» voit en vûe ordinairement que des paf-
»fions particulieres. Il portoit ce motif
» petit & bas qui entraîne toujours l'hu-
» miliation ou la ruine des Empires , juf-
» ques dans des événemens qui paroif-
» foient partir d'une politique profonde &
» lumineufe ; tel , par exemple , que l'al-
» liance qu'il contracta avec Soliman.
Dès que ce traité fut conclu , le Grand
Seigneur entra en Hongrie à la tête de cent
mille hommes , & envoya une flotte fur
les côtes de Naples. Ces deux armées eurent
quelques avantages , qui auroient pû
conduire plus loin fi François eût paffé les
Alpes en même tems avec une nombreuſe
armée la lenteur gâta tout. Le Roi , malgré
DECEMBRE . 1754. 121
gré d'affez grands avantages qu'il rempor
ta en Italie où il étoit enfin paffé , quitta
par légereté les armes qu'il avoit prifes par
reffentiment , & conclut une treve de dix
ans avec l'Empereur.
Une fermentation dangereufe qui commençoit
déja à agiter les Pays bas , rendoit
cet accomodement très - important pour
Charles - Quint. Ce Prince fentoit la néceffité
de pafler aux Pays-bas pour appaifer
les troubles : Montmorenci lui fit accorder
ce paffage par la France , à des conditions
que ce Prince ne tint pas. La chûte du
Connétable fuivit une infidélité dont il
avoit été caufe . La difgrace de ce favori
tout puiflant fut- elle un bonheur ou un
malheur pour la France ? le Lecteur en
pourra juger.
" Montmorenci , un des hommes les
plus célébres de fon. fiécle , avoit les
» moeurs auſteres , mais de cette auſtérité
» qui naît plutôt d'un efprit chagrin que
» d'un coeur vertueux . Plus ambitieux de
» dominer que jaloux de plaire , il ne re-
» doutoit pas d'être haï , pourvû qu'il fût
>> craint ; la fierté & de faux principes
qu'il s'étoit faits , lui faifoient regarder
»comme des baffeffes des ménagemens rai-
» fonnables qui lui auroient concilié l'eftime
& l'amour des peuples. L'ordre qu'il
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
établiffoit par tout où il avoit de l'au-
» torité , n'étoit pas précisément de l'or-
» dre , c'étoit de la gêne : on y démêloit
»une certaine pédanterie qui n'eft guere
» moins commune à la Cour & à l'armée
qu'ailleurs , quoiqu'elle y foit infiniment
plus ridicule. Il n'eftimoit & n'a-
» vançoit les hommes qu'à raifon du plus
» ou du moins de reffemblance qu'ils
» avoient avec lui , & il confondoit les
citoyens fans talens avec les citoyens
» qui en avoient d'autres que les fiens ,
Dou qui les avoient autrement que lui.
» Naturellement defpotique , il puniffoit
le crime fans obferver les formalités que
» preferit fagement la loi , & il fe croyoit
» difpenfé de récompenfer les actions uti-
» les à la patrie , fous prétexte qu'elles
» étoient d'obligation . Le furnom de Ca-
» ton de la Cour qu'on lui donna , étoit
» plutôt la cenfure de fes manieres que
l'éloge de fon coeur : il l'avoit fi aigre
» que la religion même n'avoit pû la-
" doucir , & qu'il étoit paffé en proverbe
» de dire : Dien nous garde des patenêtres du
ต
» Connétable. Il eut toute fa vie de fauffes
» idées fur la grandeur ; il la faifoit confifter
à gêner ceax qui l'approchoient , à
" faire éclater fes reffentimens , à éviter les
amuſemens publics , à tenir des difcours
22
DECEMBRE . 1754 123
"3
و ر
fiers & infultans , à outrer les dépenfes
qui étoient purement de fafte. La nature
» lui avoit refufé la connoiffance des hom-
» mes , & à plus forte raifon le talent de
» les former : il ne voyoit pour les gou-
» verner que la crainte ; maniere baffe , qui
" avilit les ames les plus élevées , & qui
» pour un crime qu'elle empêche , étouffe
» le germe de mille vertus. A juger de
» Montmorenci par les places qu'il occu-
» pa , les affaires dont il fut chargé , l'au-
» torité qu'il eut , on croiroit qu'il fut
» très intrigant ou très- habile ; cependant
» il étoit fans manége , & fa capacité étoit
» médiocre : le hazard & fa naiffance con-
» tribuerent beaucoup à fon élévation .
» Comme tous les Miniftres accrédités , il
» voulut fe mêler des finances , & par une
» erreur malheureufement trop commune ,
il crut qu'il fuffifoit d'avoir un caractere
dur pour les bien adminiftrer . On ne le
foupçonna jamais de rien détourner des
» deniers publics ; mais il abufoit de la
» facilité de fes maîtres pour fe faire don-
» ner : forte de malverfation moins crimi-
» nelle peut-être que la premiere , mais
qui n'eft gueres moins odieufe. Toutes
» les négociations dont il fut chargé réuf-
» firent mal : il y portoit de la hauteur ,
» de l'entêtement , de l'aigreur , des idées
"
"
"
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
» étroites , un goût trop marqué pour le cé-
» témonial. Son talent pour la guerre fe bornoit
prefque à une prudence lente , qui eft
» le plus fouvent la marque d'un efprit froid,
»timide & ftérile : il réuffit quelquefois
» à fe défendre , mais il ne fçut jamais ni
attaquer ni vaincre. Ce qui diftingua le
plus fa vie des vies ordinaires , c'eft la
» maniere dont il foutint les difgraces
qu'il efluya fa fermeté auroit frappé
davantage , fi l'oftentation dont elle étoit
accompagnée n'eût annoncé plus d'or-
» gueil que de vertu .
"
99
:
Cependant on chercha les moyens de
tirer une vengeance füre & éclatante de
l'Empereur ; la guerre lui fut déclarée en
1542. Les François ouvrirent la campagne
par le Rouffillon & les Pays- Bas , où
ils eurent quelques fuccès. M. d'Enguien
gagna en Piémont la bataille de Cerifolesdont
il perdit les fruits , parce qu'on ne
pût pas lui envoyer des fecours. L'Empereur
& le Roi d'Angleterre s'unirent pour
entrer en France en même tems avec une
armée nombreuſe ; la jaloufie & les divifions
de ces deux Princes fauverent le
Royaume : l'Empereur même , par le défaut
des vivres qui lui manquerent par la fage
attention qu'on eut de tout dévafter , ſe
feroit vû réduit à périr ou de fe rendre
DECEMBRE. 1754. 125
prifonnier , fi les intrigues de la Cour n'a
voient avancé la conclufion de la paix qui
fut fignée à Crépy en 1544 , & à laquelle
François I. ne furvêcut pas long-tems.
» Ce Prince joignoit à un goût décidé
» pour tous les exercices du corps , l'adreffe
» néceffaire pour y exceller , & affez de
fanté pour s'y livrer fans rifque. Il n'avoit
pas cet air impofant qui a fait le
plus grand mérite de quelques Souve-
» rains ; mais il régnoit dans toutes les ma
» nieres une franchiſe qui préparoit à l'a-
» mour & qui infpiroit la confiance . Pour
»trouver accès auprès de lui , il n'étoit pas
» néceffaire d'avoir des places , de la ré-
»putation ou de la naiffance ; il fuffifoit
d'être François ou même homme . Sa con-
» verfation réuniffoit les agrémens que
» doivent donner la gaieté , le naturel , la
» vivacité & les connoiflances. Il parloit
"
»
beaucoup ; & quand il auroit été un par-
» ticulier , on n'auroit pas trouvé qu'il
parlât trop. Le defir de la louange qui
rend quelquefois grands les Rois qui
» l'ont , mais qui ne fait le plus fouvent
» qu'avilir ceux qui les entourent , fut une
de fes paffions : fon caractere autoriſe à
penfer qu'il s'en feroit rendu digne , fi
les flateurs ne l'avoient perdu .
n
» Contre l'ordinaire des hommes nés
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
» pour gouverner , qui ne forment prefque'
jamais de projets dont le défaut même
de fuccès ne foit fuivi de quelque avan-
"9
ود
و د
tage , il ne s'occupoit que de ce que les
» événemens avoient d'éclatant : on ne l'amena
jamais à fentir que dans des coups
» d'état la gloire & l'utilité font le plus
»fouvent inféparables . Les partis violens
» qui ne font permis que dans des fitua-
» tions defefpérées , ou quand on fe fent
» affez de force & de génie pour les foute-
» nir , ne lui coutoient rien à prendre : l'efprit
romanefque de fon fiécle & fon imprudence
particuliere l'empêchoient de
» voir les difficultés attachées aux affaires
& celles que fon caractere y ajoûteroit .
"3
Quoiqu'il s'occupât beaucoup du foin.
d'étendre fon autorité , il ne gouverna
jamais lui-même. L'Etat fut fucceffive-
»ment abandonné aux caprices de la Ducheffe
d'Angoulême , aux paffions des
Miniftres , à l'avidité des favoris. Il eut
» une probité d'oftentation qui ne lui
» mettoit pas de manquer de parole à fes
» ennemis des principes vrais & réels ſe
perferoient
étendus jufqu'à fes fujets , &
» l'auroient empêché de les dépouiller de
» droits effentiels fondés fur les conven-
» tions & fur la nature. La jalousie qui eft
auffi ordinaire & plus dangereufe fur le
DECEMBRE.
1754. 127
5
I
thrône que dans les conditions privées
n'effleura pas feulement fon ame : il étoit
»foldat , il fe croyoit Général , & il louoit
fans effort , avec plaifir même , tous ceux
» qui avoient fait à la guerre une action
» de valeur ou d'habileté. Le feu qu'il met-
» toit d'abord dans fes entrepriſes , s'étei-
"gnoit tout- à - coup fans pouvoir être nour-
»ri par le fuccès , ni rallumé par les difgraces.
Il n'étoit donné à ce Prince , fi
»l'on peut parler ainfi , que d'avoir des
» demi-fentimens & de faire des demi -ac-
» tions. Comme il avoit beaucoup d'éléva
» tion & qu'il réfléchiffoit peu , il dédaignoit
l'intrigue & négligeoit trop les ap-
» parences : fon rival moins délicat & plus
appliqué , profita de cette imprudente
» hauteur , pour lui ôter dans l'Europe en-
» tiere une réputation de probité qui lui
» auroit donné des alliés fideles & parmi
» les François même , une réputation d'ha-
» bileté qui auroit affermi leur courage.
La franchife , la fenfibilité , la générofi-
» té , qui ont été dans tous les fiécles la bafe
» des réputations les plus pures , furent la
» ruine de la fienne : la premiere de ces
» vertus lui fit trahir fes fecrets ; la feconde
» ne lui infpira qu'une compaffion ftérile
pour des peuples furchargés qu'il devoit
foulager ; la derniere lui fit prodiguer à
F iiij
728 MERCURE DE FRANCE.
des Courtifans ce qui étoit dû à ceux qui
» fervoient l'Etat . Son adminiftration fut
accompagnée de tous les defordres qui
»deshonorent le regne des Souverains cré-
» dules , vains , inconftans , fans principes ,
» fans expérience , fans connoiffance des
» hommes & fans fermeté.
Fermer
Résumé : « MEMOIRES historiques, militaires & politiques de l'Europe, depuis l'élévation [...] »
Les 'Mémoires historiques, militaires et politiques de l'Europe' de l'abbé Raynal couvrent la période de 1519 à 1748, avec un focus sur les guerres entre Charles Quint et François Ier de 1521 à 1544. L'Italie, prospère en 1492 grâce à Laurent de Médicis, connut des troubles après sa mort. Ludovic Sforza, duc de Milan, incita Charles VIII de France à revendiquer le royaume de Naples. Charles VIII, motivé par la gloire et la nécessité de repeupler son royaume, entreprit cette conquête sans préparation adéquate et s'allia avec Ferdinand et Maximilien. L'Italie, divisée, ne put offrir une résistance efficace. Charles VIII conquit Naples sans combat, mais une coalition le força à se retirer. Louis XII, successeur de Charles VIII, conquit le Milanais avec l'aide des Vénitiens, mais des divisions internes et des rivalités avec les Espagnols lui firent perdre Naples. La République de Venise, puissante et prospère, chercha à maintenir un équilibre de pouvoir en Italie. Une coalition formée par le Pape, le Roi Catholique, l'Empereur et Louis XII attaqua Venise. Louis XII remporta une bataille décisive, mais des divisions internes et des maladies affaiblirent les forces françaises. Venise récupéra ses territoires grâce à l'alliance avec Louis XII. François Ier poursuivit les ambitions italiennes de ses prédécesseurs. Il remporta la bataille de Marignan et conquit le Milanais, mais une coalition menée par Charles Quint et le Pape le chassa du Milanais. Malgré les ligues européennes contre lui, François Ier resta déterminé à reconquérir l'Italie. Profper Colonne, un général italien, menait une guerre méthodique mais manquait de flexibilité. Bonnivet, un général français, fut opposé à Colonne. Ses erreurs stratégiques contribuèrent à la défaite des Français. Antoine de Leve, commandant à Pavie, était un soldat talentueux, mais les efforts des Français pour prendre Pavie échouèrent. François Ier fut vaincu et fait prisonnier à Pavie. Après sa libération, il recommença la guerre et forma une ligue avec le Pape, les Vénetiens et le Duc de Milan. Cette alliance fut inefficace en raison des erreurs du Duc d'Urbin. Le Connétable de Bourbon, timide et hésitant, ne parvint pas à exploiter les avantages stratégiques. Il fut tué lors du siège de Rome, qui fut pris et pillé par les troupes impériales. Une nouvelle ligue contre l'Empereur fut formée, incluant la France, l'Angleterre, Venise, Florence, Milan, Ferrare et Mantoue. Lautrec réussit à réduire une grande partie du Milanais mais mourut lors du siège de Naples. André Doria, un amiral réputé, se mit au service de l'Empereur après avoir été négligé par les ministres français. Le Marquis de Saluces manqua de vision et fut battu, entraînant la destruction de l'armée des confédérés. La paix de Cambray fut signée, mais les intrigues continuèrent. François Ier envoya une armée en Italie, qui connut des succès initiaux mais dut se retirer face aux Impériaux. Montmorency réussit à repousser l'Empereur. François Ier décida de confisquer les comtés de Flandre et d'Artois, accusant Charles Quint de félonie. Cette décision montra que François Ier menait une guerre personnelle contre Charles Quint, tandis que ce dernier combattait pour la France. En 1542, François Ier conclut une alliance avec Soliman, permettant au Grand Seigneur d'envahir la Hongrie et d'envoyer une flotte sur les côtes de Naples. Cependant, la lenteur de François Ier à passer les Alpes compromit ces avantages. Malgré quelques succès en Italie, il conclut une trêve de dix ans avec l'Empereur en raison de troubles dans les Pays-Bas. Montmorency, un homme célèbre de son siècle, établit un ordre rigide et fut perçu comme despotique. La guerre contre l'Empereur fut déclarée en 1542, avec des succès initiaux en Rouffillon et en Pays-Bas. La paix fut signée à Crépy en 1544. François Ier était franc et généreux, mais manquait de projets à long terme et laissait l'État aux caprices de ses ministres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 128-147
« EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
Début :
EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...]
Mots clefs :
Physique, Électricité, Expérience, Newton, Almanach, Francis Hauksbee, Effets, Nature, Impulsion, Attraction, Physicien, Cartésiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
EXPÉRIENCES Phyfico - méchaniques
fur différens fujets , & principalement
fur l'Electricité, produites par le frottement
des corps , traduites de l'Anglois de M.
Hauksbée ; par feu M. de Bremond , de
l'Académie royale des Sciences ; revûes ,
mifes au jour , avec un difcours préliminaire
, des remarques & des notes par M.
Defmareft , avec des figures ; 2 vol . in- 12.
A Paris , chez la veuve Cavelier & fils , rue
S. Jacques , au Lys d'or , 1754.
La réputation dont jouiffent en Angleterre
les expériences de M. Hauksbée , le
dégré d'authenticité qu'elles y ont acquis
d'abord & que le tems n'a point affoibli ,
font des titres qui affurent à la traduction
un accueil favorable de tous ceux qui aiment
à puifer dans des fources fûres. Feu
M. de Bremond qui connoiffoit les bons
ouvrages de Phyfique Anglois , & qui étoit
fi zélé pour les faire connoître par fes traductions
, s'attacha dans fes premiers eſſais
DECEMBRE. 1754. 129
aux expériences que nous annonçons ; mais
des travaux plus importans dont le public
a recueilli les fruits , ne lui ont pas permis
de les revoir & de les publier. M. Defmareft
qui s'en eft chargé , a revû & retouché
exactement la traduction , & l'a accompagnée
de notes & de remarques. A mefure
qu'il travailloit fur cet ouvrage , fes
réflexions fe font multipliées , & il les a
développées dans un difcours préliminaire
, qu'il a placé à la tête du recueil. Dans
la premiere fection à laquelle nous nous
bornerons dans cet extrait , M. D. établit les
raifons des principes qui ont guidé M.
Hauksbée dans un grand nombre de fes
expériences , & il mêle à cette difcuffion
quelques détails hiftoriques qui concernent
le Phyficien Anglois . Nous allons commencer
par expofer ces faits en abrégé , &
nous fuivrons enfuite M. Defmareft dans
l'expofition des principes.
M. Hauksbée s'annonça vers 1704 comme
un Phyficien d'une dexterité très- grande
dans le manuel des opérations , & d'une
exactitude fcrupuleufe dans la difcuffion
des phénomenes. Il peut être regardé comme
le premier qui à Londres ait expofé les
phénomenes de la Phyfique expérimentale
aux yeux d'une nation férieufe & capable
de faifir les objets fufceptibles de préciſion .
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Ce Phyficien ne fe borna pas à préfenter
au public d'anciennes obfervations un peu
rajeunies , ou par le procédé ou par les machines
; il fe fit à lui- même un fonds d'expériences
nouvelles & très- curieuſes , qui
forment le recueil que nous annonçons .
C'étoit auffi le Phyficien de la Société royale.
Cette illuftre compagnie le chargea de
répéter dans plufieurs occafions importantes
des expériences délicates , & il a toujours
juftifié cette diftinction , en ne faifant
pas moins admirer un coup d'oeil fûr
& la fineffe de fon tact , que fa pénétration
& fa fagacité , qualités dont la réunion
forme le phyficien.
Il avoit un grand talent pour toutes les
machines propres aux expériences de Phyfique
, & il en fourniffoit à la Société royale
& aux Sçavans d'Angleterre ; mais il
n'abufoit pas de cette confiance pour faire
de ces machines un objet de commerce
dont il auroit abandonné la direction à des
ignorans. Il veilloit à tout , & tout ce qui
portoit fon nom portoit auffi l'exactitude
& l'empreinte de fon génie. Il réforma
la machine pneumatique ; il inventa une
machine de rotation très -commode pour
communiquer du mouvement aux corps
placés dans le vuide ; il conftruifit un thermometre
que la Societé royale adopta.
DECEMBRE. 1754. 131
Ce mérite n'échappa pas à M. Newton.
M. Hauksbée fut lié étroitement avec ce
grand homme. Un commerce auffi intime
mit notre Phyficien à portée de s'inftruire
des vûes qu'avoit Newton , en introduifant
l'attraction de cobéfion dans la Phyfique
expérimentale ; il lui fournit auffi une occafion
favorable de préfenter à cet illuftre
Géometre des expériences délicates trèspropres
à établir folidement la marche de
l'agent qu'on fubftituoit à la matiere fubtile
, &c . Témoin de la révolution que la
phyfique expérimentale éprouva pour lors
en Angleterre , par rapport à l'attraction de
cohésion , M. Hauksbée ne parut pas pour
lors comme un fpectateur oifif, qui attend
le fuccès pour fe décider, ou comme un
adverfaire incommode, qui ne fçait qu'obfcurcir
les queftions par une métaphyfique
contentieufe : il y prit part , il fit des expériences.
11 fçavoit que les phénomenes pou
voient feuls lui découvrir les loix aufquelles
les attractions étoient foumiſes ; il varia
les obfervations pour en faifir la marche
, & ce fut dans ces vûes qu'il fuivit
avec zéle les expériences fur l'afcenfion
des liqueurs dans les efpaces capillaires ;
expériences qui fe trouvent toutes dans ce
recueil , & dont Newton adopta les plus
curieufes dans fon Traité d'Optique.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
M. Hauksbée ne s'attacha pas témérairement
au parti naiffant , fans y être entraîné
par des raifons folides . Il confidéra
d'abord , comme l'obſerve M. Deſmareſt ,
que la phyfique expérimentale ne confifte
pas dans la connoiffance fterile des chofes
poffibles , mais qu'elle s'occupe de la difcuffion
des effets réels , & qui peuvent fervir
à notre inſtruction ou à nos befoins, Il
cut foin de la diftinguer de la phyfique
fyftématique qui en retarde les progrès ,
parce qu'elle confond le plus fouvent des
affemblages d'idées abitraites avec des vérités
de fait . Il fe convainquit facilement
que faire des fyftêmes , c'étoit combiner le
plus fouvent ce que la nature nous daigne
montrer , avec ce que notre imagination
croit devoir y fuppléer , fans doute pour
fe dédommager de l'ignorance du vrai , en
fe forgeant une brillante chimere qui lui
en tienne lieu .
Il n'avoit garde au refte de taxer d'inutilité
tous les fyftêmes que l'on a formés
fur différens points de la phyfique expérimentale
; mais il diftingua avec foin l'efprit
fyftématique qui s'occupe à faifir les
rapports mutuels ; les analogies des princi
paux faits qui fe préfentent à fes recherches
, d'avec l'efprit de fyftême qui malheureufement
s'étoit emparé de toute la
P
DECEMBRE. 1754. 133
phyfique , & qui préfuma tout voir , tour
éclaircir , parce qu'il croyoit tout deviner .
M. Hauksbée crut devoir éviter des inconvéniens
qui regardoient les progrès de
la Phyfique ; les vues éclairées qui le guiderent
dans fes demarches , lui firent fentir
qu'un Phyficien devoit confulter plutôt
la nature que fon imagination , être plus
porté à difcuter qu'à décider : auffi s'occupa-
t-il à rechercher les loix conftantes
& uniformes aufquelles les phénomenes
étoient affujettis , à évaluer l'étendue des
effets , perfuadé que rien n'eft bien connu
en phyfique que ce qui eft réduit à des
mefures précifes, & que l'art de mefurer eft
d'autant plus ingénieux qu'on l'applique
à des objets qui en paroiffent moins fufceptibles.
A la lecture des expériences de
M. Hauksbée on reconnoît qu'il fut guidé
par ces principes : il fe contente de développer
ce qu'il a obfervé , d'en indiquer
la liaiſon avec d'autres faits avérés qu'il
rapproche , & il ne fe livre à l'analogie.
que lorfque l'enfemble des circonstances
parle en fa faveur. S'il hazarde des conjectures
il ne les porte pas au- delà des détails
principaux de fes obfervations ; il s'en fert
comme d'échafaudage pour bâtir quelque
chofe de plus folide , où comme de doutes
méthodiques pour fonder la nature ; mais
134 MERCURE DE FRANCE.
il fe fouvient que fes conjectures ne font
pas plus de la phyfique qu'un échafaudage
n'eft un bâtiment , ou que le doute méthodique
n'eft un principe de conduite.
Dans les queſtions de phyfique où les
caufes ne fe décelent par aucun endroit , M.
Hauksbée , difciple éclairé de Newton , fe
borne aux effets , dont il fçait varier les
circonftances pour démêler les loix des
agens inconnus qui concourent à leur production
. Il étoit perfuadé que dans ces
matieres les faits doivent feuls attirer notre
attention , & qu'un Phyficien judicieux
ne s'aventure pas au - delà. Cette prudence ,
cette réferve , fi oppofées à la confiance téméraire
& au charlatanifme de quelques
Phyficiens , M. Hauksbée l'avoit puifée
dans les ouvrages & le commerce de M.
Newton. Un efprit auffi conféquent que ce
grand Géométre , comprit en examinant
une infinité de phénomenes , qu'il falloit
s'en tenir aux faits , & ce fut dans ces vûes
qu'il admit l'auration de cohésion dont nous
avons parlé plus haut .
On obferve dans les petites particules
des corps une tendance à fe réunir. Cette
tendance réciproque qu'elles ont les unes
vers les autres , prefque infenfible lorfque
la diftance eft appréciable , devient d'autant
plus confidérable que le contact eft
DECEMBRE. 1754.
1754 135
plus immédiat & plus étendu . Comme la
caufe de ces mouvemens eft cachée à ceux
qui font de bonne foi , le mot attraction
marque le fait de la tendance . Outre cette
confidération qui détermina Newton à introduire
cette expreffion , il y fut porté
encore lorfqu'il eut été convaincu que les
liquides ne s'attachoient pas aux folides ,
que les gouttes d'eau ne fe réuniffoient
pas par un effet de la preffion d'un fluide
ambiant , dont on les fuppofoit gratuitement
enveloppées. Il prouva que deux
gouttes d'eau ne pouvoient iamais fe réunir
dans cette hypothèfe , parce que la figure
d'une portion de fluide foumiſe à la
preffion uniforme d'un autre fluide ne
pouvoit être altérée par cette preffion.
Newton reconnut d'ailleurs que ces petites
malles s'arrondiffoient par une tendance
fort approchante de celle qui arrondit la
furface immenfe de la mer autour de notre
globe . Enfin ce qui achevoit de convaincre
Newton , c'est que la force néceſſaire
pour un tel arrondiffement eft de beaucoup
fupérieure à celle de la pefanteur ,
puifqu'une goutte de mercure pofée fur
une table s'applatit à peine par le point de
contact.
Suivant ces principes , les faits que l'on
tangea pour lors fous les loix de l'attrac
136 MERCURE DE FRANCE.
tion de cohéfion purent être la matiere
des recherches phyfiques ; mais les Cartéfiens
de ce tems là qui foutenoient l'impulfion
exclufivement à tout autre agent ,
s'oppoferent à l'introduction de cette force
; cependant , fi nous en croyons M. Defmareft
, ce ne fut qu'avec de foibles armes
qu'une métaphysique brillante qui les féduifoit
, leur mit en main. En vain nous
repréfentent- ils le méchanifme de la nature
dépendant de la feule impulfion , il fe
plaint que l'expérience refléchie n'a pas
préfidé à la conftruction d'un auffi beau
plan ; & il avance même que bien loin qu'il
ait été formé d'après ces précautions , c'eſt
en les employant qu'on découvre combien
il eft imaginaire & hazardé.
Newton ne peut diffimuler fes allarmes
en voyant les Phyficiens de fon tems fe
tourmenter inutilement pour réduire tous
les effets à des agens méchaniques. Selon
lui , la fonction des Phyficiens eft de raifonner
fur les faits , d'en fuivre les loix
conftantes , & non d'admettre des cauſes ,
parce qu'ils en peuvent imaginer. Les défenfeurs
de l'impulfion exclufive tomberent
dans ces inconvéniens : ils foumettoient
les opérations les plus cachées de la
nature à des agens invifibles , mais qu'ils
décorerent de propriétés copiées fur des
DECEMBRE. 1754. 137
agens palpables. Fiers de ces reffources , ils
fe vanterent d'être feuls en poffeffion d'un
méchaniſme intelligible , & publierent même
que les Newtoniens ne tendoient à rien
moins qu'à le détruire : c'étoit l'imagination
qui rendoit témoignage à la beauté
de fes productions.
M. Defmareſt foutient au contraire que
tout bien apprécié , les partifans de l'impulfion
exclufive détruifoient le méchanifme
de la nature , & il appuye cette prétention
en faifant obferver , 1 °. que les
impulfionnaires fe trouvent visiblement en
défaut , lorsqu'ils entreprennent d'expliquer
avec une certaine étendue & une certaine
préciſion quelque fait de l'ordre de
ceux que les Newtoniens attribuent à l'attraction.
Il renvoye ceux qui voudront s'en
convaincre, à une hiftoire critique des ſyſtêmes
fur la caufe de l'afcenfion des liqueurs
dans les tubes capillaires , qu'il a
placée dans le fecond volume du recueil.
» Tout impulfionnaire , ajoute - t - il , fait
» voir par fon peu de fuccès , ou qu'il n'y
» a pas de méchaniſme dans la nature , ce
qui eft abfurde , ou qu'il ne le fçait pas
»faifir , ce qui eft palpable. Les attraction-
" naires au contraire font heureux dans les
» détails ; ils nous affignent des loix , des
93
proportions , des analogies , & tout ceci
138 MERCURE DE FRANCE.
"
"
» bien développé nous préſente pour les
effets dont nous venons de parler , le vrai
» méchanifme de la nature : ainfi , nous di-
» fent - ils , les hauteurs d'une même li-
»queur en divers tubes capillaires font en
raifon inverte des diametres de ces tubes.
Les impulfionnaires euffent - ils trouvés
cette analogie par le fecours de leurs
principes compliqués ? elle explique plus
» de chofes , elle préfente plus de lumiere
» que tout le long tiffu des imaginations
cartéfiennes fur les mêmes effets . Ainfi
lorfqu'on fera parvenu ( & on le peut
fans le fecours d'agens méchaniques ) à
découvrir les proportions qui peuvent fe
rencontrer entre les différens phénomenes
, à fixer les limites & l'étendue des
» effets , à fuivre les loix générales qui les
maîtrifent , à en déterminer la marche ,
ne les aura-t-on pas expliqués ? Peut-on
regarder ceux qui font en état de faire
» valoir de tels fuccès , & qui les doivent
» à la maniere dont ils envifagent les phé-
» nomenes , comme ayant un plan de phyfique
barbare & copié fur le péripate-
» tifme ? Peut - on fe perfuader que l'inf-
" trument de leurs découvertes , l'attrac-
» tion , foit une chimere en phyfique &
une qualité occulte ?
n
ל כ
- M. D. appuye cette confidération en reDECEMBRE.
1754. 139
marquant que Diea eft libre de pouvoir
établir plus d'un principe primitif, & que
tout ce qu'il nous plaît de décorer du nom
de caufe , fe réduit en derniere analyſe à
une maniere d'agir de la part de Dieu , par
laquelle il s'eft affujetti très- librement à
donner de l'activité à quelque loi conftante
: c'eſt , ajoute - t - il , la découverte de
cette loi qui doit faire l'objet de nos recherches
& la gloire de nos fuccès .
En 3 lieu , notre Editeur confidere qu'on
n'a pu refufer d'admettre l'exiſtence de la
pefanteur comme une force particuliere ,
quoiqu'on n'ait pu trouver jufqu'à préfent
un méchanifme d'impulfion fatisfaifant
qui donnât le dénouement des différens
phénomenes de la pefanteur. Galilée luimême
n'a découvert les loix de l'accélération
qu'en fouftrayant tour Auide , toute
impulfion ; & quelques impulfionnaires
rigides qui ont tenté d'introduire dans cette
queftion leur machine favorite , ont contredit
les loix découvertes par Galilée .
Voilà un abus & en même tems une impuiffance
de l'impulfion bien avérées.
De toutes ces raifons M. D. conclut que
les attractionnaires , en fuivant les phenomenes
& s'y bornant , s'en tiennent à des
évaluations précifes qui aftreignent les effets
à des loix exactes. Il ne diffimule pas
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles laiffent quelque obfcurité dont
l'imagination peut s'allarmer : » mais ne
» vaut - il pas mieux , dit- il , préférer des
traits lumineux & vifs accompagnés de.
» certains nuages qui les enveloppent , à des
» opinions qui faififfent par un air de clarté,
mais certainement fauffes , à un ſyſ-
» tême brillant & intelligible , mais qui
» n'eft qu'une illufion ? Des faits finguliers
» fe préfentent à nous , nous en étudions.
» les rapports , nous n'allons pas d'abord
au- delà , ayant lieu de reconnoître par
expérience que la nature nous montre
» infenfiblement fes fecrets & ne fe décou-
» vre à nous que fous de très petites faces.
Une affinité , une attraction fera pour
moi un effet dont je chercherai à varier
les circonftances & à établir les loix en
» les ramenant à des précifions folides &
» inftructives ; tandis que pour ceux qui
» veulent rapporter à des agens fubordonnés
d'un méchanifme intelligible , ce fera
un paradoxe , une fource de contradictions
& d'erreurs .
Les Cartéfiens qui ne faifirent pas les
vûes de Newton & de fes difciples, crurent
qu'ils vouloient ramener les qualités occultes
du péripatetiſme ; mais il eit aifé de ſe
convaincre que l'attraction de cohésion ,
dont M. Hauksbée a obſervé les loix dans
DECEMBRE. 1754.141
plufieurs expériences délicates , étoient
aufli manifeftes que les qualités des péripatéticiens
étoient cachées. Ces difcoureurs
oififs abandonnoient la conſidération
des effets qu'ils auroient dû difcuter , pour
imaginer & fuppofer des caufes dont ils
n'avoient nulle idée ; bien différens en cela
des Newtoniens , qui fe bornent aux phé
nomenes & qui en examinent fcrupuleufement
les différentes circonftances. Les
Cartéfiens au contraire n'étoient - ils pas
plus dans le cas du péripatetifme , puifqu'on
ne peut diffimuler que dans beaucoup
de queftions ils ne fuppofent des
agens très-occultes , & dans leur nature &
dans leurs fonctions ? M.D. cite pour exem
ple la Phyfique de Regis , où la plupart des
phénomenes font expliqués d'une maniere
ennuyeufe& monotone , par l'entremise de
la matiere fubtile , & c.
Par rapport à l'obfcurité qui environne
la maniere d'agir de l'attraction , on peut
répondre que l'impulfion n'eft pas fans
difficulté , & dès lors ces deux forces fe
trouveront à peu près au même niveau , fi
on les confidere d'une vûe métaphysique :
cependant M. Defmareſt voudroit qu'on
fût réfervé dans l'application de l'attrac
tion aux phénomenes . Il ne fuffit pas , fe
lon lui , d'annoncer cette force comme
142 MERCURE DE FRANCE.
caufe d'un effet , pour avoir fatisfait à ce que
les progrès de la phyfique demandent de
nous ; on ne peut y avoir recours qu'en indiquant
les loix qu'elle fuit dans les effets
qu'on lui foumet ; & en général il faut
plus s'appliquer à approfondir les loix de
cet agent qu'à étendre fon empire fans
fpécifier fes droits. Nous parlerons du
corps de l'ouvrage dans le Mercure prochain.
On trouvera dans le difcours que nous
venons d'extraire , un ftyle net & concis ,
de grandes recherches , des principes lumineux
, une Logique exacte. L'Auteur ,
homme appliqué , modefte , vertueux , a
des connoiffances qui devroient le faire
rechercher par les gens en place.
La pratique univerfelle pour la renovation
des terriers & des droits feigneuriaux
, contenant les queftions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déci
fions , tant pour les pays coutumiers que
ceux régis par le Droit écrit ; Ouvrage utile
à tous les Seigneurs , tant laïques qu'eccléfiaftiques
, à leurs Intendans , Gens d'affaires
, Receveurs & Régiffeurs , de même
qu'aux Notaires & Commiffaires à terriers
& autres Officiers : dans lequel on trouvera
tout ce qui eft néceffaire de fçavoir concer
C
DECEMBRE. 1754. 143
nant les péages & leur établiffement; les foires
& marchés , & leur origine ; les che
mins , les fleuves & rivieres ; la pêche , tant
des rivieres navigables que des étangs ; la
chaffe & fon origine ; les garennes , les
colombiers , & tout ce qui doit être pratiqué
fur ces objets par les Apanagiftes ,
Engagiftes , Douairiers , Ufufruitiers , Bénéficiers
, Commandeurs de Malthe , Communautés
eccléfiaftiques & laïques , & tous
gens de main- morte , Seigneurs particuliers
; le tout accompagné de modeles &
ftyles des procès verbaux de délits , faifies
& reconnoiffances à terriers. Par M. Edme
de la Poix de Frémenville , Bailli des ville
& Marquifat de la Paliffe , Commiffaire
aux droits feigneuriaux ; in-4°. A Paris ,
chez Giffey , rue de la Vieille Bouclerie , à
l'Arbre de Jeffé .
Cet ouvrage eft fi connu & fi néceffaire,
qu'il fuffit de l'annoncer pour le faire rechercher.
DICTIONNAIRE portatif des Théatres ,
contenant l'origine des différens théatres
de Paris ; le nom de toutes les pieces qui
y ont été repréſentées depuis leur établiſ
fement , & des pieces jouées en province ,
ou qui ont fimplement paru par la voie de
l'impreffion depuis plus de trois fiécles ;
134 MERCURE DE FRANCE.
avec des anecdotes & des remarques fur la
plûpart. Le nom & les particularités intéreffantes
de la vie des Auteurs , Muſiciens ,
& Acteurs ; avec le catalogue de leurs ouvrages
, & l'expofé de leurs talens. Une
chronologie des Auteurs , des Muficiens &
des Opéra ; avec une chronologie des pieces
qui ont paru depuis vingt- cinq ans. A
Paris , chez Jombert , rue Dauphine , à
l'image Notre -Dame , 1754 , in- 8 ° . 1 vol.
petit caractere , prix cinq livres.
Quelques corrections & des additions
qu'on vient de joindre à ce Dictionnaire ,
le rendent encore plus intéreffant , & nous
engagent à l'annoncer de nouveau . On
peut voir ce que nous en avons déja dit
dans le Mercure du mois de Septembre de
cette année .
TOUTE la France connoit le plan d'une
Maifon d'affociation . Il a rendu refpectable
M. de Chamouffet aux yeux même de
ceux qui ont trouvé fes idées chimeriques.
Cet excellent citoyen vient de répondre à
une critique qui a été faite de fon projet.
Sa lettre qui eft de feize pages in - 4° , eft
écrite avec cette force de raifonnement que
pouvoit lui donner la bonté de fa caufe , &
avec cette chaleur de fentiment dont il a
déja donné tant de preuves.
MÉMOIRES
DECEMBRE . 1754 145
MÉMOIRES du Marquis de Benavidès ,
dédiés à S. A. S. Madame la Ducheffe d'Orléans
; par M. le Chevalier de Mouhy , de
'Académie des Belles- Lettres de Dijon ;
eroifieme & quatrieme parties. A Paris ,
chez Jorry , quai des Auguftins ; & chez
Duchefne , rue S. Jacques , 1754.
On trouvera dans ce Roman de grands
fentimens , & un ftyle convenable au fujet.
DUCHESNE , Libraire , rue S. Jacques ,
au Temple du Goût , vient de réimprimer
'Architecture des voûtes , ou l'art des traits
& coupes des voûtes . Par le Pere Derand
Jéfuite. Cet ouvrage qui jouit d'une grande
réputation , & dont on a retouché les
planches , eft très - néceffaire à tous les Architectes
, Maîtres Maçons , Appareilleurs ,
Tailleurs de pierre , & à tous ceux qui fe
mêlent de l'Architecture militaire,
Le même Libraire diftribue pour l'année
1755 , les Almanachs fuivans.
Les Spectacles de Paris , ou Calendrier
hiftorique & chronologique de tous les
théatres : quatrieme partie , 1755. Chaque
partie fe vend féparément.
La France littéraire , ou Almanach des
beaux Arts , contenant les noms & ouvra
ges de tous les Auteurs François qui vivent
actuellement.
I. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
Almanach des Corps des Marchands ,
arts , métiers & communautés du royaume.
Almanach eccléfiaftique & hiftorique.
Almanach de perte & gain , avec une
table alphabétique de tous les Jeux qui fe
jouent en Europe.
Almanach danfant , chantant.
Almanach chantant du beau fexe , ou
nouvelle Ethomancie des Dames.
Almanach chantant , ou nouvelles allégories
& autres chanfons fur tout ce qui
appartient au Calendrier .
Nouvelle Lotterie d'Etrennes magiques.
Deux Almanachs de Fables en Vaudevilles.
Le Noftradamus moderne , en Vaudevilles
.
Nouveau Calendrier du deftin , précédé
de tous les amufemens de Paris .
Nouvelles tablettes de Thalie , ou les
promenades de Paris.
L'Oracle de Cythere , ou l'Almanach du
Berger.
Etrennes des Amans .
Almanach des Francs- Maçons .
La Bagatelle ou Etrennes à tout le monde .
GISSEY , rue de la vieille Bouclerie ,
à l'arbre de Jeffé , donne pour l'année 1755 ,
les deux Almanachs fuivans.
DECEMBRE . 1754 147
Etrennes hiftoriques , ou mêlange curieux
pour l'année 1755 , contenant plufieurs
remarques de chronologie & d'hiftoire
; enſemble les naiffances & morts
des Rois , Reines , Princes & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'époques & de
remarques que l'on ne trouve point dans
les autres calendriers ; avec un recueil de
diverfes matieres variées , utiles , curieufes
& amufantes .
Almanach des curieux pour la même
année , où les curieux trouveront la réponſe
agréable des demandes les plus divertiffantes
, pour fe réjouir dans les compagnies.
fur différens fujets , & principalement
fur l'Electricité, produites par le frottement
des corps , traduites de l'Anglois de M.
Hauksbée ; par feu M. de Bremond , de
l'Académie royale des Sciences ; revûes ,
mifes au jour , avec un difcours préliminaire
, des remarques & des notes par M.
Defmareft , avec des figures ; 2 vol . in- 12.
A Paris , chez la veuve Cavelier & fils , rue
S. Jacques , au Lys d'or , 1754.
La réputation dont jouiffent en Angleterre
les expériences de M. Hauksbée , le
dégré d'authenticité qu'elles y ont acquis
d'abord & que le tems n'a point affoibli ,
font des titres qui affurent à la traduction
un accueil favorable de tous ceux qui aiment
à puifer dans des fources fûres. Feu
M. de Bremond qui connoiffoit les bons
ouvrages de Phyfique Anglois , & qui étoit
fi zélé pour les faire connoître par fes traductions
, s'attacha dans fes premiers eſſais
DECEMBRE. 1754. 129
aux expériences que nous annonçons ; mais
des travaux plus importans dont le public
a recueilli les fruits , ne lui ont pas permis
de les revoir & de les publier. M. Defmareft
qui s'en eft chargé , a revû & retouché
exactement la traduction , & l'a accompagnée
de notes & de remarques. A mefure
qu'il travailloit fur cet ouvrage , fes
réflexions fe font multipliées , & il les a
développées dans un difcours préliminaire
, qu'il a placé à la tête du recueil. Dans
la premiere fection à laquelle nous nous
bornerons dans cet extrait , M. D. établit les
raifons des principes qui ont guidé M.
Hauksbée dans un grand nombre de fes
expériences , & il mêle à cette difcuffion
quelques détails hiftoriques qui concernent
le Phyficien Anglois . Nous allons commencer
par expofer ces faits en abrégé , &
nous fuivrons enfuite M. Defmareft dans
l'expofition des principes.
M. Hauksbée s'annonça vers 1704 comme
un Phyficien d'une dexterité très- grande
dans le manuel des opérations , & d'une
exactitude fcrupuleufe dans la difcuffion
des phénomenes. Il peut être regardé comme
le premier qui à Londres ait expofé les
phénomenes de la Phyfique expérimentale
aux yeux d'une nation férieufe & capable
de faifir les objets fufceptibles de préciſion .
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Ce Phyficien ne fe borna pas à préfenter
au public d'anciennes obfervations un peu
rajeunies , ou par le procédé ou par les machines
; il fe fit à lui- même un fonds d'expériences
nouvelles & très- curieuſes , qui
forment le recueil que nous annonçons .
C'étoit auffi le Phyficien de la Société royale.
Cette illuftre compagnie le chargea de
répéter dans plufieurs occafions importantes
des expériences délicates , & il a toujours
juftifié cette diftinction , en ne faifant
pas moins admirer un coup d'oeil fûr
& la fineffe de fon tact , que fa pénétration
& fa fagacité , qualités dont la réunion
forme le phyficien.
Il avoit un grand talent pour toutes les
machines propres aux expériences de Phyfique
, & il en fourniffoit à la Société royale
& aux Sçavans d'Angleterre ; mais il
n'abufoit pas de cette confiance pour faire
de ces machines un objet de commerce
dont il auroit abandonné la direction à des
ignorans. Il veilloit à tout , & tout ce qui
portoit fon nom portoit auffi l'exactitude
& l'empreinte de fon génie. Il réforma
la machine pneumatique ; il inventa une
machine de rotation très -commode pour
communiquer du mouvement aux corps
placés dans le vuide ; il conftruifit un thermometre
que la Societé royale adopta.
DECEMBRE. 1754. 131
Ce mérite n'échappa pas à M. Newton.
M. Hauksbée fut lié étroitement avec ce
grand homme. Un commerce auffi intime
mit notre Phyficien à portée de s'inftruire
des vûes qu'avoit Newton , en introduifant
l'attraction de cobéfion dans la Phyfique
expérimentale ; il lui fournit auffi une occafion
favorable de préfenter à cet illuftre
Géometre des expériences délicates trèspropres
à établir folidement la marche de
l'agent qu'on fubftituoit à la matiere fubtile
, &c . Témoin de la révolution que la
phyfique expérimentale éprouva pour lors
en Angleterre , par rapport à l'attraction de
cohésion , M. Hauksbée ne parut pas pour
lors comme un fpectateur oifif, qui attend
le fuccès pour fe décider, ou comme un
adverfaire incommode, qui ne fçait qu'obfcurcir
les queftions par une métaphyfique
contentieufe : il y prit part , il fit des expériences.
11 fçavoit que les phénomenes pou
voient feuls lui découvrir les loix aufquelles
les attractions étoient foumiſes ; il varia
les obfervations pour en faifir la marche
, & ce fut dans ces vûes qu'il fuivit
avec zéle les expériences fur l'afcenfion
des liqueurs dans les efpaces capillaires ;
expériences qui fe trouvent toutes dans ce
recueil , & dont Newton adopta les plus
curieufes dans fon Traité d'Optique.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
M. Hauksbée ne s'attacha pas témérairement
au parti naiffant , fans y être entraîné
par des raifons folides . Il confidéra
d'abord , comme l'obſerve M. Deſmareſt ,
que la phyfique expérimentale ne confifte
pas dans la connoiffance fterile des chofes
poffibles , mais qu'elle s'occupe de la difcuffion
des effets réels , & qui peuvent fervir
à notre inſtruction ou à nos befoins, Il
cut foin de la diftinguer de la phyfique
fyftématique qui en retarde les progrès ,
parce qu'elle confond le plus fouvent des
affemblages d'idées abitraites avec des vérités
de fait . Il fe convainquit facilement
que faire des fyftêmes , c'étoit combiner le
plus fouvent ce que la nature nous daigne
montrer , avec ce que notre imagination
croit devoir y fuppléer , fans doute pour
fe dédommager de l'ignorance du vrai , en
fe forgeant une brillante chimere qui lui
en tienne lieu .
Il n'avoit garde au refte de taxer d'inutilité
tous les fyftêmes que l'on a formés
fur différens points de la phyfique expérimentale
; mais il diftingua avec foin l'efprit
fyftématique qui s'occupe à faifir les
rapports mutuels ; les analogies des princi
paux faits qui fe préfentent à fes recherches
, d'avec l'efprit de fyftême qui malheureufement
s'étoit emparé de toute la
P
DECEMBRE. 1754. 133
phyfique , & qui préfuma tout voir , tour
éclaircir , parce qu'il croyoit tout deviner .
M. Hauksbée crut devoir éviter des inconvéniens
qui regardoient les progrès de
la Phyfique ; les vues éclairées qui le guiderent
dans fes demarches , lui firent fentir
qu'un Phyficien devoit confulter plutôt
la nature que fon imagination , être plus
porté à difcuter qu'à décider : auffi s'occupa-
t-il à rechercher les loix conftantes
& uniformes aufquelles les phénomenes
étoient affujettis , à évaluer l'étendue des
effets , perfuadé que rien n'eft bien connu
en phyfique que ce qui eft réduit à des
mefures précifes, & que l'art de mefurer eft
d'autant plus ingénieux qu'on l'applique
à des objets qui en paroiffent moins fufceptibles.
A la lecture des expériences de
M. Hauksbée on reconnoît qu'il fut guidé
par ces principes : il fe contente de développer
ce qu'il a obfervé , d'en indiquer
la liaiſon avec d'autres faits avérés qu'il
rapproche , & il ne fe livre à l'analogie.
que lorfque l'enfemble des circonstances
parle en fa faveur. S'il hazarde des conjectures
il ne les porte pas au- delà des détails
principaux de fes obfervations ; il s'en fert
comme d'échafaudage pour bâtir quelque
chofe de plus folide , où comme de doutes
méthodiques pour fonder la nature ; mais
134 MERCURE DE FRANCE.
il fe fouvient que fes conjectures ne font
pas plus de la phyfique qu'un échafaudage
n'eft un bâtiment , ou que le doute méthodique
n'eft un principe de conduite.
Dans les queſtions de phyfique où les
caufes ne fe décelent par aucun endroit , M.
Hauksbée , difciple éclairé de Newton , fe
borne aux effets , dont il fçait varier les
circonftances pour démêler les loix des
agens inconnus qui concourent à leur production
. Il étoit perfuadé que dans ces
matieres les faits doivent feuls attirer notre
attention , & qu'un Phyficien judicieux
ne s'aventure pas au - delà. Cette prudence ,
cette réferve , fi oppofées à la confiance téméraire
& au charlatanifme de quelques
Phyficiens , M. Hauksbée l'avoit puifée
dans les ouvrages & le commerce de M.
Newton. Un efprit auffi conféquent que ce
grand Géométre , comprit en examinant
une infinité de phénomenes , qu'il falloit
s'en tenir aux faits , & ce fut dans ces vûes
qu'il admit l'auration de cohésion dont nous
avons parlé plus haut .
On obferve dans les petites particules
des corps une tendance à fe réunir. Cette
tendance réciproque qu'elles ont les unes
vers les autres , prefque infenfible lorfque
la diftance eft appréciable , devient d'autant
plus confidérable que le contact eft
DECEMBRE. 1754.
1754 135
plus immédiat & plus étendu . Comme la
caufe de ces mouvemens eft cachée à ceux
qui font de bonne foi , le mot attraction
marque le fait de la tendance . Outre cette
confidération qui détermina Newton à introduire
cette expreffion , il y fut porté
encore lorfqu'il eut été convaincu que les
liquides ne s'attachoient pas aux folides ,
que les gouttes d'eau ne fe réuniffoient
pas par un effet de la preffion d'un fluide
ambiant , dont on les fuppofoit gratuitement
enveloppées. Il prouva que deux
gouttes d'eau ne pouvoient iamais fe réunir
dans cette hypothèfe , parce que la figure
d'une portion de fluide foumiſe à la
preffion uniforme d'un autre fluide ne
pouvoit être altérée par cette preffion.
Newton reconnut d'ailleurs que ces petites
malles s'arrondiffoient par une tendance
fort approchante de celle qui arrondit la
furface immenfe de la mer autour de notre
globe . Enfin ce qui achevoit de convaincre
Newton , c'est que la force néceſſaire
pour un tel arrondiffement eft de beaucoup
fupérieure à celle de la pefanteur ,
puifqu'une goutte de mercure pofée fur
une table s'applatit à peine par le point de
contact.
Suivant ces principes , les faits que l'on
tangea pour lors fous les loix de l'attrac
136 MERCURE DE FRANCE.
tion de cohéfion purent être la matiere
des recherches phyfiques ; mais les Cartéfiens
de ce tems là qui foutenoient l'impulfion
exclufivement à tout autre agent ,
s'oppoferent à l'introduction de cette force
; cependant , fi nous en croyons M. Defmareft
, ce ne fut qu'avec de foibles armes
qu'une métaphysique brillante qui les féduifoit
, leur mit en main. En vain nous
repréfentent- ils le méchanifme de la nature
dépendant de la feule impulfion , il fe
plaint que l'expérience refléchie n'a pas
préfidé à la conftruction d'un auffi beau
plan ; & il avance même que bien loin qu'il
ait été formé d'après ces précautions , c'eſt
en les employant qu'on découvre combien
il eft imaginaire & hazardé.
Newton ne peut diffimuler fes allarmes
en voyant les Phyficiens de fon tems fe
tourmenter inutilement pour réduire tous
les effets à des agens méchaniques. Selon
lui , la fonction des Phyficiens eft de raifonner
fur les faits , d'en fuivre les loix
conftantes , & non d'admettre des cauſes ,
parce qu'ils en peuvent imaginer. Les défenfeurs
de l'impulfion exclufive tomberent
dans ces inconvéniens : ils foumettoient
les opérations les plus cachées de la
nature à des agens invifibles , mais qu'ils
décorerent de propriétés copiées fur des
DECEMBRE. 1754. 137
agens palpables. Fiers de ces reffources , ils
fe vanterent d'être feuls en poffeffion d'un
méchaniſme intelligible , & publierent même
que les Newtoniens ne tendoient à rien
moins qu'à le détruire : c'étoit l'imagination
qui rendoit témoignage à la beauté
de fes productions.
M. Defmareſt foutient au contraire que
tout bien apprécié , les partifans de l'impulfion
exclufive détruifoient le méchanifme
de la nature , & il appuye cette prétention
en faifant obferver , 1 °. que les
impulfionnaires fe trouvent visiblement en
défaut , lorsqu'ils entreprennent d'expliquer
avec une certaine étendue & une certaine
préciſion quelque fait de l'ordre de
ceux que les Newtoniens attribuent à l'attraction.
Il renvoye ceux qui voudront s'en
convaincre, à une hiftoire critique des ſyſtêmes
fur la caufe de l'afcenfion des liqueurs
dans les tubes capillaires , qu'il a
placée dans le fecond volume du recueil.
» Tout impulfionnaire , ajoute - t - il , fait
» voir par fon peu de fuccès , ou qu'il n'y
» a pas de méchaniſme dans la nature , ce
qui eft abfurde , ou qu'il ne le fçait pas
»faifir , ce qui eft palpable. Les attraction-
" naires au contraire font heureux dans les
» détails ; ils nous affignent des loix , des
93
proportions , des analogies , & tout ceci
138 MERCURE DE FRANCE.
"
"
» bien développé nous préſente pour les
effets dont nous venons de parler , le vrai
» méchanifme de la nature : ainfi , nous di-
» fent - ils , les hauteurs d'une même li-
»queur en divers tubes capillaires font en
raifon inverte des diametres de ces tubes.
Les impulfionnaires euffent - ils trouvés
cette analogie par le fecours de leurs
principes compliqués ? elle explique plus
» de chofes , elle préfente plus de lumiere
» que tout le long tiffu des imaginations
cartéfiennes fur les mêmes effets . Ainfi
lorfqu'on fera parvenu ( & on le peut
fans le fecours d'agens méchaniques ) à
découvrir les proportions qui peuvent fe
rencontrer entre les différens phénomenes
, à fixer les limites & l'étendue des
» effets , à fuivre les loix générales qui les
maîtrifent , à en déterminer la marche ,
ne les aura-t-on pas expliqués ? Peut-on
regarder ceux qui font en état de faire
» valoir de tels fuccès , & qui les doivent
» à la maniere dont ils envifagent les phé-
» nomenes , comme ayant un plan de phyfique
barbare & copié fur le péripate-
» tifme ? Peut - on fe perfuader que l'inf-
" trument de leurs découvertes , l'attrac-
» tion , foit une chimere en phyfique &
une qualité occulte ?
n
ל כ
- M. D. appuye cette confidération en reDECEMBRE.
1754. 139
marquant que Diea eft libre de pouvoir
établir plus d'un principe primitif, & que
tout ce qu'il nous plaît de décorer du nom
de caufe , fe réduit en derniere analyſe à
une maniere d'agir de la part de Dieu , par
laquelle il s'eft affujetti très- librement à
donner de l'activité à quelque loi conftante
: c'eſt , ajoute - t - il , la découverte de
cette loi qui doit faire l'objet de nos recherches
& la gloire de nos fuccès .
En 3 lieu , notre Editeur confidere qu'on
n'a pu refufer d'admettre l'exiſtence de la
pefanteur comme une force particuliere ,
quoiqu'on n'ait pu trouver jufqu'à préfent
un méchanifme d'impulfion fatisfaifant
qui donnât le dénouement des différens
phénomenes de la pefanteur. Galilée luimême
n'a découvert les loix de l'accélération
qu'en fouftrayant tour Auide , toute
impulfion ; & quelques impulfionnaires
rigides qui ont tenté d'introduire dans cette
queftion leur machine favorite , ont contredit
les loix découvertes par Galilée .
Voilà un abus & en même tems une impuiffance
de l'impulfion bien avérées.
De toutes ces raifons M. D. conclut que
les attractionnaires , en fuivant les phenomenes
& s'y bornant , s'en tiennent à des
évaluations précifes qui aftreignent les effets
à des loix exactes. Il ne diffimule pas
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles laiffent quelque obfcurité dont
l'imagination peut s'allarmer : » mais ne
» vaut - il pas mieux , dit- il , préférer des
traits lumineux & vifs accompagnés de.
» certains nuages qui les enveloppent , à des
» opinions qui faififfent par un air de clarté,
mais certainement fauffes , à un ſyſ-
» tême brillant & intelligible , mais qui
» n'eft qu'une illufion ? Des faits finguliers
» fe préfentent à nous , nous en étudions.
» les rapports , nous n'allons pas d'abord
au- delà , ayant lieu de reconnoître par
expérience que la nature nous montre
» infenfiblement fes fecrets & ne fe décou-
» vre à nous que fous de très petites faces.
Une affinité , une attraction fera pour
moi un effet dont je chercherai à varier
les circonftances & à établir les loix en
» les ramenant à des précifions folides &
» inftructives ; tandis que pour ceux qui
» veulent rapporter à des agens fubordonnés
d'un méchanifme intelligible , ce fera
un paradoxe , une fource de contradictions
& d'erreurs .
Les Cartéfiens qui ne faifirent pas les
vûes de Newton & de fes difciples, crurent
qu'ils vouloient ramener les qualités occultes
du péripatetiſme ; mais il eit aifé de ſe
convaincre que l'attraction de cohésion ,
dont M. Hauksbée a obſervé les loix dans
DECEMBRE. 1754.141
plufieurs expériences délicates , étoient
aufli manifeftes que les qualités des péripatéticiens
étoient cachées. Ces difcoureurs
oififs abandonnoient la conſidération
des effets qu'ils auroient dû difcuter , pour
imaginer & fuppofer des caufes dont ils
n'avoient nulle idée ; bien différens en cela
des Newtoniens , qui fe bornent aux phé
nomenes & qui en examinent fcrupuleufement
les différentes circonftances. Les
Cartéfiens au contraire n'étoient - ils pas
plus dans le cas du péripatetifme , puifqu'on
ne peut diffimuler que dans beaucoup
de queftions ils ne fuppofent des
agens très-occultes , & dans leur nature &
dans leurs fonctions ? M.D. cite pour exem
ple la Phyfique de Regis , où la plupart des
phénomenes font expliqués d'une maniere
ennuyeufe& monotone , par l'entremise de
la matiere fubtile , & c.
Par rapport à l'obfcurité qui environne
la maniere d'agir de l'attraction , on peut
répondre que l'impulfion n'eft pas fans
difficulté , & dès lors ces deux forces fe
trouveront à peu près au même niveau , fi
on les confidere d'une vûe métaphysique :
cependant M. Defmareſt voudroit qu'on
fût réfervé dans l'application de l'attrac
tion aux phénomenes . Il ne fuffit pas , fe
lon lui , d'annoncer cette force comme
142 MERCURE DE FRANCE.
caufe d'un effet , pour avoir fatisfait à ce que
les progrès de la phyfique demandent de
nous ; on ne peut y avoir recours qu'en indiquant
les loix qu'elle fuit dans les effets
qu'on lui foumet ; & en général il faut
plus s'appliquer à approfondir les loix de
cet agent qu'à étendre fon empire fans
fpécifier fes droits. Nous parlerons du
corps de l'ouvrage dans le Mercure prochain.
On trouvera dans le difcours que nous
venons d'extraire , un ftyle net & concis ,
de grandes recherches , des principes lumineux
, une Logique exacte. L'Auteur ,
homme appliqué , modefte , vertueux , a
des connoiffances qui devroient le faire
rechercher par les gens en place.
La pratique univerfelle pour la renovation
des terriers & des droits feigneuriaux
, contenant les queftions les plus importantes
fur cette matiere , & leurs déci
fions , tant pour les pays coutumiers que
ceux régis par le Droit écrit ; Ouvrage utile
à tous les Seigneurs , tant laïques qu'eccléfiaftiques
, à leurs Intendans , Gens d'affaires
, Receveurs & Régiffeurs , de même
qu'aux Notaires & Commiffaires à terriers
& autres Officiers : dans lequel on trouvera
tout ce qui eft néceffaire de fçavoir concer
C
DECEMBRE. 1754. 143
nant les péages & leur établiffement; les foires
& marchés , & leur origine ; les che
mins , les fleuves & rivieres ; la pêche , tant
des rivieres navigables que des étangs ; la
chaffe & fon origine ; les garennes , les
colombiers , & tout ce qui doit être pratiqué
fur ces objets par les Apanagiftes ,
Engagiftes , Douairiers , Ufufruitiers , Bénéficiers
, Commandeurs de Malthe , Communautés
eccléfiaftiques & laïques , & tous
gens de main- morte , Seigneurs particuliers
; le tout accompagné de modeles &
ftyles des procès verbaux de délits , faifies
& reconnoiffances à terriers. Par M. Edme
de la Poix de Frémenville , Bailli des ville
& Marquifat de la Paliffe , Commiffaire
aux droits feigneuriaux ; in-4°. A Paris ,
chez Giffey , rue de la Vieille Bouclerie , à
l'Arbre de Jeffé .
Cet ouvrage eft fi connu & fi néceffaire,
qu'il fuffit de l'annoncer pour le faire rechercher.
DICTIONNAIRE portatif des Théatres ,
contenant l'origine des différens théatres
de Paris ; le nom de toutes les pieces qui
y ont été repréſentées depuis leur établiſ
fement , & des pieces jouées en province ,
ou qui ont fimplement paru par la voie de
l'impreffion depuis plus de trois fiécles ;
134 MERCURE DE FRANCE.
avec des anecdotes & des remarques fur la
plûpart. Le nom & les particularités intéreffantes
de la vie des Auteurs , Muſiciens ,
& Acteurs ; avec le catalogue de leurs ouvrages
, & l'expofé de leurs talens. Une
chronologie des Auteurs , des Muficiens &
des Opéra ; avec une chronologie des pieces
qui ont paru depuis vingt- cinq ans. A
Paris , chez Jombert , rue Dauphine , à
l'image Notre -Dame , 1754 , in- 8 ° . 1 vol.
petit caractere , prix cinq livres.
Quelques corrections & des additions
qu'on vient de joindre à ce Dictionnaire ,
le rendent encore plus intéreffant , & nous
engagent à l'annoncer de nouveau . On
peut voir ce que nous en avons déja dit
dans le Mercure du mois de Septembre de
cette année .
TOUTE la France connoit le plan d'une
Maifon d'affociation . Il a rendu refpectable
M. de Chamouffet aux yeux même de
ceux qui ont trouvé fes idées chimeriques.
Cet excellent citoyen vient de répondre à
une critique qui a été faite de fon projet.
Sa lettre qui eft de feize pages in - 4° , eft
écrite avec cette force de raifonnement que
pouvoit lui donner la bonté de fa caufe , &
avec cette chaleur de fentiment dont il a
déja donné tant de preuves.
MÉMOIRES
DECEMBRE . 1754 145
MÉMOIRES du Marquis de Benavidès ,
dédiés à S. A. S. Madame la Ducheffe d'Orléans
; par M. le Chevalier de Mouhy , de
'Académie des Belles- Lettres de Dijon ;
eroifieme & quatrieme parties. A Paris ,
chez Jorry , quai des Auguftins ; & chez
Duchefne , rue S. Jacques , 1754.
On trouvera dans ce Roman de grands
fentimens , & un ftyle convenable au fujet.
DUCHESNE , Libraire , rue S. Jacques ,
au Temple du Goût , vient de réimprimer
'Architecture des voûtes , ou l'art des traits
& coupes des voûtes . Par le Pere Derand
Jéfuite. Cet ouvrage qui jouit d'une grande
réputation , & dont on a retouché les
planches , eft très - néceffaire à tous les Architectes
, Maîtres Maçons , Appareilleurs ,
Tailleurs de pierre , & à tous ceux qui fe
mêlent de l'Architecture militaire,
Le même Libraire diftribue pour l'année
1755 , les Almanachs fuivans.
Les Spectacles de Paris , ou Calendrier
hiftorique & chronologique de tous les
théatres : quatrieme partie , 1755. Chaque
partie fe vend féparément.
La France littéraire , ou Almanach des
beaux Arts , contenant les noms & ouvra
ges de tous les Auteurs François qui vivent
actuellement.
I. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
Almanach des Corps des Marchands ,
arts , métiers & communautés du royaume.
Almanach eccléfiaftique & hiftorique.
Almanach de perte & gain , avec une
table alphabétique de tous les Jeux qui fe
jouent en Europe.
Almanach danfant , chantant.
Almanach chantant du beau fexe , ou
nouvelle Ethomancie des Dames.
Almanach chantant , ou nouvelles allégories
& autres chanfons fur tout ce qui
appartient au Calendrier .
Nouvelle Lotterie d'Etrennes magiques.
Deux Almanachs de Fables en Vaudevilles.
Le Noftradamus moderne , en Vaudevilles
.
Nouveau Calendrier du deftin , précédé
de tous les amufemens de Paris .
Nouvelles tablettes de Thalie , ou les
promenades de Paris.
L'Oracle de Cythere , ou l'Almanach du
Berger.
Etrennes des Amans .
Almanach des Francs- Maçons .
La Bagatelle ou Etrennes à tout le monde .
GISSEY , rue de la vieille Bouclerie ,
à l'arbre de Jeffé , donne pour l'année 1755 ,
les deux Almanachs fuivans.
DECEMBRE . 1754 147
Etrennes hiftoriques , ou mêlange curieux
pour l'année 1755 , contenant plufieurs
remarques de chronologie & d'hiftoire
; enſemble les naiffances & morts
des Rois , Reines , Princes & Princeffes de
l'Europe , accompagnées d'époques & de
remarques que l'on ne trouve point dans
les autres calendriers ; avec un recueil de
diverfes matieres variées , utiles , curieufes
& amufantes .
Almanach des curieux pour la même
année , où les curieux trouveront la réponſe
agréable des demandes les plus divertiffantes
, pour fe réjouir dans les compagnies.
Fermer
Résumé : « EXPÉRIENCES Physico-méchaniques sur différens sujets, & principalement [...] »
Le texte présente une traduction des expériences physico-mécaniques de M. Hauksbée, réalisée par feu M. de Bremond et révisée par M. Desmarets. Publiée en 1754 à Paris, cette œuvre se compose de deux volumes et inclut un discours préliminaire, des remarques et des notes de M. Desmarets. M. Hauksbée, physicien anglais du début du XVIIIe siècle, est reconnu pour sa dextérité et son exactitude dans les expériences physiques. Il a introduit la physique expérimentale à Londres et a réalisé de nombreuses expériences novatrices. Membre de la Société royale, il a inventé plusieurs machines, dont une machine de rotation pour les expériences sous vide et un thermomètre adopté par la Société royale. Hauksbée a collaboré avec Isaac Newton, contribuant à des expériences sur l'attraction de cohésion. Il a distingué la physique expérimentale de la physique systématique, préférant observer les effets réels plutôt que de spéculer sur des idées abstraites. Ses travaux se concentrent sur l'observation précise et la mesure des phénomènes physiques. Le texte souligne la controverse entre les partisans de l'attraction et ceux de l'impulsion exclusive. Influencé par Newton, Hauksbée a préféré se baser sur les faits observables plutôt que sur des hypothèses métaphysiques, évitant les conjectures non fondées et cherchant à comprendre les lois constantes des phénomènes physiques. Le texte discute également des approches scientifiques et philosophiques concernant les phénomènes naturels, en particulier l'attraction et la pesanteur. Il met en avant les travaux de scientifiques comme Newton et Galilée, qui ont étudié les lois régissant ces phénomènes sans recourir à des causes occultes ou des mécanismes complexes. Les 'attractionnaires' sont loués pour leur méthode qui consiste à observer et à suivre les phénomènes sans chercher à les expliquer par des agents subordonnés. Ils préfèrent des explications lumineuses, même si elles laissent certaines obscurités, plutôt que des systèmes brillants mais faux. Le texte critique les Cartésiens, qui refusaient les vues de Newton, en les accusant de supposer des agents occultes similaires à ceux des péripatéticiens. Il souligne que les Newtoniens se contentent d'examiner les phénomènes et leurs circonstances, contrairement aux Cartésiens qui imaginent des causes dont ils n'ont aucune idée. Enfin, le texte mentionne divers ouvrages et almanachs publiés en 1754, couvrant des sujets variés comme la physique, le droit seigneurial, le théâtre, et les associations. Il loue l'auteur d'un discours sur la physique pour son style concis et ses principes lumineux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 147-149
LETTRE écrite à M. le Chevalier de Mouhy, de l'Académie des Belles-Lettres de Dijon ; par M. le Marquis d'Argens, Chambellan de Sa Majesté le Roi de Prusse.
Début :
J'ai été vivement mortifié, Monsieur, en apprenant le juste sujet que vous [...]
Mots clefs :
Académie des belles-lettres de Dijon, Lettres juives
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. le Chevalier de Mouhy, de l'Académie des Belles-Lettres de Dijon ; par M. le Marquis d'Argens, Chambellan de Sa Majesté le Roi de Prusse.
LETTRE écrite à M. le Chevalier de
Mouhy , de l'Académie des Belles - Lettres
de Dijon ; par M. le Marquis d'Argens
Chambellan de Sa Majesté le Roi de
Pruffe.
J
'Ai été vivement mortifié , Monfieur ,
en apprenant le jufte fujet que vous
avez de vous plaindre de ce qui fe trouve
encore dans la nouvelle édition des
Lettres Juives dont vous me parlez . Je
vous jure , Monfieur , que je n'ai eu aucune
connoiffance de cette édition ; & elle
Gij
TS MERCURE DE FRANCE.
me furprend d'autant plus , que j'étois à la
veille d'en faire faire une par un Libraire
d'Amfterdam , qui a acheté le droit de copie
de cet ouvrage , & à qui cet accident
ne peut être que très- defavantageux . J'avois
réfolu de mettre à la tête de mon ouvrage
une préface que j'ai déja envoyée
en Hollande , dans laquelle je rends à votre
mérite perfonnel , à vos talens & à votre
politeffe la juftice que leur doit tout
homme équitable & éclairé. Mais comme
il pourroit arriver aujourd'hui que l'édition
d'Amfterdam fût retardée , & que je
fuis intéreffé encore plus que vous ne l'êtes
, que ma façon de penfer foit connue
du public , & qu'il fçache que la réflexion ,
un jugement plus mûr & la lecture de plufieurs
ouvrages très - ingénieux que vous
avez composés depuis quinze ans , m'ont
évidemment convaincu de la précipitation
& du peu de jufteffe de mon jugement ; je
vous prie , Monfieur , de vouloir communiquer
la lettre que j'ai l'honneur de vous
écrire , àM. l'Abbé Raynal , qui me fait la
grace de m'accorder fon amitié , & qui aura
la bonté de vouloir la faire inférer dans
le premier Mercure.
Je ne fçaurois vous exprimer , Monfieur ,
quel est mon chagrin . Je me rappelle fans:
celle que bien éloigné de fuivre la maxime:
DECEMBRE . 1754 149
des Auteurs qui cherchent à accabler d'injures
ceux qui ont ofé blâmer leurs ouvrages
, j'ai toujours trouvé en vous , Monfieur
, un défenfeur ; & dans le tems que
vous aviez à vous plaindre de moi , vous
ne vous en vengiez qu'en me rendant fervice
. Votre conduite , Monfieur , m'a plus
puni de mon impoliteffe que les réponfes
les plus piquantes , & elle m'a convaincu
que je ne pouvois trop dans toutes les
occafions vous donner des marques de mon
fincere attachement. Jugez donc de ma
douleur , lorsque j'ai vû que l'imprudence
de certains Libraires , en imprimant un
livre fans confulter l'Auteur , renouvelloit
une chofe que je voudrois mettre , s'il étoit
poffible , dans un éternel oubli .
J'ai l'honneur d'être , & c.
Le Marquis d'Argens.
A Poftdam, ces Octobre 1754.
Mouhy , de l'Académie des Belles - Lettres
de Dijon ; par M. le Marquis d'Argens
Chambellan de Sa Majesté le Roi de
Pruffe.
J
'Ai été vivement mortifié , Monfieur ,
en apprenant le jufte fujet que vous
avez de vous plaindre de ce qui fe trouve
encore dans la nouvelle édition des
Lettres Juives dont vous me parlez . Je
vous jure , Monfieur , que je n'ai eu aucune
connoiffance de cette édition ; & elle
Gij
TS MERCURE DE FRANCE.
me furprend d'autant plus , que j'étois à la
veille d'en faire faire une par un Libraire
d'Amfterdam , qui a acheté le droit de copie
de cet ouvrage , & à qui cet accident
ne peut être que très- defavantageux . J'avois
réfolu de mettre à la tête de mon ouvrage
une préface que j'ai déja envoyée
en Hollande , dans laquelle je rends à votre
mérite perfonnel , à vos talens & à votre
politeffe la juftice que leur doit tout
homme équitable & éclairé. Mais comme
il pourroit arriver aujourd'hui que l'édition
d'Amfterdam fût retardée , & que je
fuis intéreffé encore plus que vous ne l'êtes
, que ma façon de penfer foit connue
du public , & qu'il fçache que la réflexion ,
un jugement plus mûr & la lecture de plufieurs
ouvrages très - ingénieux que vous
avez composés depuis quinze ans , m'ont
évidemment convaincu de la précipitation
& du peu de jufteffe de mon jugement ; je
vous prie , Monfieur , de vouloir communiquer
la lettre que j'ai l'honneur de vous
écrire , àM. l'Abbé Raynal , qui me fait la
grace de m'accorder fon amitié , & qui aura
la bonté de vouloir la faire inférer dans
le premier Mercure.
Je ne fçaurois vous exprimer , Monfieur ,
quel est mon chagrin . Je me rappelle fans:
celle que bien éloigné de fuivre la maxime:
DECEMBRE . 1754 149
des Auteurs qui cherchent à accabler d'injures
ceux qui ont ofé blâmer leurs ouvrages
, j'ai toujours trouvé en vous , Monfieur
, un défenfeur ; & dans le tems que
vous aviez à vous plaindre de moi , vous
ne vous en vengiez qu'en me rendant fervice
. Votre conduite , Monfieur , m'a plus
puni de mon impoliteffe que les réponfes
les plus piquantes , & elle m'a convaincu
que je ne pouvois trop dans toutes les
occafions vous donner des marques de mon
fincere attachement. Jugez donc de ma
douleur , lorsque j'ai vû que l'imprudence
de certains Libraires , en imprimant un
livre fans confulter l'Auteur , renouvelloit
une chofe que je voudrois mettre , s'il étoit
poffible , dans un éternel oubli .
J'ai l'honneur d'être , & c.
Le Marquis d'Argens.
A Poftdam, ces Octobre 1754.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. le Chevalier de Mouhy, de l'Académie des Belles-Lettres de Dijon ; par M. le Marquis d'Argens, Chambellan de Sa Majesté le Roi de Prusse.
Le Marquis d'Argens écrit au Chevalier de Mouhy pour exprimer sa surprise et sa mortification après avoir découvert une nouvelle édition des 'Lettres Juives' contenant des éléments dont Mouhy se plaint. D'Argens affirme ignorer cette édition, alors qu'il préparait une nouvelle version via un libraire d'Amsterdam, incluant une préface pour rendre hommage au mérite, aux talents et à la politesse de Mouhy. Craignant que ses réflexions actuelles soient publiées, il demande à Mouhy de transmettre sa lettre à l'Abbé Raynal pour publication dans le Mercure de France. D'Argens admire la conduite de Mouhy, qui malgré les raisons de se plaindre, a toujours défendu d'Argens et lui a rendu service. Il condamne l'imprudence des libraires qui impriment sans consulter l'auteur, renouvelant une situation qu'il souhaiterait oublier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 149-151
« M. Morand, de l'Académie des Sciences, & Secrétaire perpétuel de l'Académie [...] »
Début :
M. Morand, de l'Académie des Sciences, & Secrétaire perpétuel de l'Académie [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Académie de chirurgie, Moscou, Saint-Petersbourg, Sages-femmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « M. Morand, de l'Académie des Sciences, & Secrétaire perpétuel de l'Académie [...] »
M. Morand , de l'Académie des Sciences
, & Secrétaire perpétuel de l'Académie
de Chirurgie , qui a autant de zéle pour le
bien de l'humanité de talent pour le
procurer , nous a communiqué une ordonnance
rendue par l'Impératrice de Ruffe
, qui porte que » toutes les Sages fem-
» mes , tant à Mofcou qu'à Petersbourg ,
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
39
» devront être examinées par des Médecins
» & Chirurgiens experts , ainfi que par
» des Sages femmes jurées , après quoi on
» leur fera prêter ferment fuivant le for-
» mulaire joint à la même ordonnance . Le
» nombre de ces Sages femmes eft fixé à
» quinze pour Mofcou , & à dix pour Pétersbourg.
A mesure qu'il y en aura de
» furnuméraires , on en fera paffer une
» dans chaque ville du Gouvernement , &
fucceffivement dans les villes provinciales
, afin qu'avec le tems tout l'Empire
» foit pourvû de Sages femmes. Leur ſalai-
» re eft reglé par une lifte annexée à ladite
» Ordonnance , & chacun fera tenu de le
» payer fans contradiction . Outre les Sages
» femmes ordinaires , il y en aura deux à
" Mofcou & deux à Pétersbourg pour tou
» tes fortes de cas extraordinaires , lefquel-
» les feront aux gages de la Couronne.
» Celles de Mofcou auront , la premiere
» deux cens roubles , & la feconde cent
cinquante ; celles de Pétersbourg , la pre-
» miere trois cens , & la feconde deux
» cens roubles par année . Chaque Sage
» femme jurée tiendra deux apprentives.
»
Pour l'inftruction fondamentale & la
»confirmation réguliere des Sages fem-
» mes , on établira tant à Mofcou qu'à Pé-
» tersbourg , dans chacune de ces deux vil-
00
DECEMBRE. 1754 151
»
"
» les , une école fous l'infpection d'un Mé-
>> decin & d'un Chirurgien , lefquels Méde-
» cins & Chirurgiens feront nommés Profeffeurs
en l'art d'accoucher , & les Chirur-
" giens , Accoucheurs ; ils feront auffi aux
» gages de la Couronne. Les premiers au-
» ront depuis trois cens jufqu'à fix cens
» roubles , & les derniers entre deux cens
»& quatre cens roubles par année . Le Collégé
de Médecine ne demande pour tous
» ces frais & autres qu'une fimple fomme
>> annuelle de trois mille roubles ; laquelle
» fomme devant être , comme de raifon
» fupportée par le public , l'on a formé
» une taxe , dont la liſte eft de même join-
» te à l'Ordonnance , & en conféquence de
laquelle chacun fera obligé de payer fuivant
le rang du mari de l'accouchée , fans
exception de qui que ce foit , fous peine
» d'exécution. Cette fomme fera avancée
» en trois termes annuellement par le tré-
»for de la Couronne , au Collège de Mé-
» decine , qui en fera enfuite la reftitution
» du produit de la taxe . Tout cet établif-
» fement eft foumis à la direction du même
» Collége , qui eft chargé auffi de la per-
»ception des deniers affectés à fon ufage.
, & Secrétaire perpétuel de l'Académie
de Chirurgie , qui a autant de zéle pour le
bien de l'humanité de talent pour le
procurer , nous a communiqué une ordonnance
rendue par l'Impératrice de Ruffe
, qui porte que » toutes les Sages fem-
» mes , tant à Mofcou qu'à Petersbourg ,
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
39
» devront être examinées par des Médecins
» & Chirurgiens experts , ainfi que par
» des Sages femmes jurées , après quoi on
» leur fera prêter ferment fuivant le for-
» mulaire joint à la même ordonnance . Le
» nombre de ces Sages femmes eft fixé à
» quinze pour Mofcou , & à dix pour Pétersbourg.
A mesure qu'il y en aura de
» furnuméraires , on en fera paffer une
» dans chaque ville du Gouvernement , &
fucceffivement dans les villes provinciales
, afin qu'avec le tems tout l'Empire
» foit pourvû de Sages femmes. Leur ſalai-
» re eft reglé par une lifte annexée à ladite
» Ordonnance , & chacun fera tenu de le
» payer fans contradiction . Outre les Sages
» femmes ordinaires , il y en aura deux à
" Mofcou & deux à Pétersbourg pour tou
» tes fortes de cas extraordinaires , lefquel-
» les feront aux gages de la Couronne.
» Celles de Mofcou auront , la premiere
» deux cens roubles , & la feconde cent
cinquante ; celles de Pétersbourg , la pre-
» miere trois cens , & la feconde deux
» cens roubles par année . Chaque Sage
» femme jurée tiendra deux apprentives.
»
Pour l'inftruction fondamentale & la
»confirmation réguliere des Sages fem-
» mes , on établira tant à Mofcou qu'à Pé-
» tersbourg , dans chacune de ces deux vil-
00
DECEMBRE. 1754 151
»
"
» les , une école fous l'infpection d'un Mé-
>> decin & d'un Chirurgien , lefquels Méde-
» cins & Chirurgiens feront nommés Profeffeurs
en l'art d'accoucher , & les Chirur-
" giens , Accoucheurs ; ils feront auffi aux
» gages de la Couronne. Les premiers au-
» ront depuis trois cens jufqu'à fix cens
» roubles , & les derniers entre deux cens
»& quatre cens roubles par année . Le Collégé
de Médecine ne demande pour tous
» ces frais & autres qu'une fimple fomme
>> annuelle de trois mille roubles ; laquelle
» fomme devant être , comme de raifon
» fupportée par le public , l'on a formé
» une taxe , dont la liſte eft de même join-
» te à l'Ordonnance , & en conféquence de
laquelle chacun fera obligé de payer fuivant
le rang du mari de l'accouchée , fans
exception de qui que ce foit , fous peine
» d'exécution. Cette fomme fera avancée
» en trois termes annuellement par le tré-
»for de la Couronne , au Collège de Mé-
» decine , qui en fera enfuite la reftitution
» du produit de la taxe . Tout cet établif-
» fement eft foumis à la direction du même
» Collége , qui eft chargé auffi de la per-
»ception des deniers affectés à fon ufage.
Fermer
Résumé : « M. Morand, de l'Académie des Sciences, & Secrétaire perpétuel de l'Académie [...] »
M. Morand, membre de l'Académie des Sciences et Secrétaire perpétuel de l'Académie de Chirurgie, a communiqué une ordonnance de l'Impératrice de Russie. Cette ordonnance impose que toutes les sages-femmes à Moscou et à Saint-Pétersbourg soient examinées par des médecins, chirurgiens experts et sages-femmes jurées. Le nombre de sages-femmes est limité à quinze pour Moscou et dix pour Saint-Pétersbourg. Les sages-femmes surnuméraires seront envoyées dans les villes du gouvernement et les villes provinciales pour couvrir l'ensemble de l'Empire. Leur salaire est réglementé et doit être payé sans contestation. Deux sages-femmes à Moscou et deux à Saint-Pétersbourg seront dédiées aux cas extraordinaires, rémunérées par la Couronne. Chaque sage-femme jurée supervisera deux apprenties. Pour la formation et la confirmation des sages-femmes, des écoles seront établies à Moscou et à Saint-Pétersbourg sous la supervision de médecins et chirurgiens, nommés professeurs en art d'accoucher et accoucheurs, également rémunérés par la Couronne. Le Collège de Médecine demande une somme annuelle de trois mille roubles pour ces frais, soutenue par le public via une taxe basée sur le rang du mari de l'accouchée. Cette somme sera avancée par le trésor de la Couronne et restituée par le Collège de Médecine, qui dirige l'ensemble de cet établissement et perçoit les fonds affectés à son usage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer