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351
p. 1534-1539
L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
Début :
Mortels, soumis aux loix de l'amoureux Empire, [...]
Mots clefs :
Sylvie, Malheureux, Coeur, Amour, Épouse, Époux, Ingrate, Ciel, Dieux
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texteReconnaissance textuelle : L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
L'E POUX MALHEUREUX ,
ET TOUJOURS AMOUREUX ,
M
ELEGI E.
Ortels , soumis aux loix de l'amoureux
Empire ,
Qui contez aux Rochers votre tendret martyre
,
Suspendez vos regrets , plaignez dans un
Epoux
Un amant mille fois plus malheureux que
vous. Y
Prêtez- vous , s'il se peut , aux disgraces des autres
;
Au
JUILLET. 1733 .
1733. 1535
Au
récit de mes maux vous oublirez les vô-
+ tres.
Des charmes de l'Amour connoissant le danger
,
Je formois te dessein de ne point m'engager
,.
Quand un hazard fatal au repos de ma vie
Offrit à mes regards l'inconstante Sylvie.
Venus sembloit en elle épuiser ses attraits ,
Et l'Amour par ses yeux blessoit de mille
traits.
Eu vain de leur pouvoir je voulus me deffendre
,
Mon trop sensible coeur s'empressa de se rendre.
<
Judicieux projet , sage raisonnement
Tout fuit , tout m'abandonne au dangereux
moment.
Moment qui me fut cher , & qui m'est si funeste
!
Mes pleurs et mes soupirs sont tout ce qui m'en
reste ,
Non , que d'abord Sylvie , en dédaignant mes
feux ,
Par de honteux refus eût rebuté mes voeux.
Ma famme par l'Hymen fut bientôt con
ronnée ;
Mais ce triomphe au plus ne dura qu'une an
née.
Pour l'ingrate attentif à redoubler mes soins
Sa
153 MERCURE DE FRANCE
Sa fierté , ses mépris .ne m'accabloient pa
moins ;
Je sens à chaque instant appesantir ma chaine ,
Sans espoir de toucher un e Epouse inhumaine.
Perfide , que devient le serment solemnel ,
Que de m'aimer toujours tu me fis à l'Autel
?
•
Dieux garants du serment , mais témoins du
parjure ,
Vous êtes plus que moi blessez par cette injure
:
Ah ! d'un si noir forfait , vangez moi , vȧngez
vous ;
Que dis-je ? malheureux ! non , suspendez vos
coups ;
A vos droits violez s'il faut une victime ,
Faites -moi de Sylvie expier tout le crime ;
Si l'ingrate que j'aime éprouvoit vos rigueurs ,
Il en coûteroit trop au plus tendre des coeurs.
Vous le sçavez assez , vallons , bois & fontaines
,
Cent fois je vous parlai de mes mortelles peines
,
Cent fois je vous ai fait le récit douloureux
Des chagrins que me cause un Hymen malheu
reux .
Vous sçavez mes tourmens , mais vous sçavez
de même
Combien
JUILLET. 1733 .
1537
Combien pour qui me hait ma tendresse est extrême
?
Je l'aime , ch ! quel pinceau par des traits assez
forts
De Sylvie en courroux marqueroit les transports.
D'un souffle impétueux l'Aquilon dans nos
plaines ,
Agitant des Ormeaux les feuilles incertaines
Abbat et fait languir les plantes et les fleurs
Que la brillante Aurore arrosa de ses pleurs.
C
Mais tout renaît bien - tôt , quand le calme succede
,
Tandis qu'à mon tourment il n'est point de
reméde .
Près du Cocyte un jour succombant sous mes
maux ,
Je voyois Atropos s'armer de ses ciseaux.
Auprès de moi déja ma famille assemblée.
Sur mon sort malheureux gémissoit désolée.
Que faisiez - vous alors , Sylvie , ah ! votre
coeur
Accusoit en secret la Parque de lenteur.
Qu'osai-je dire ? Ciel ! ... non dans mon trouble
extrême ,
Je m'égare
j'aime.
et j'outrage une Epouse que
Non , encore une fois , non , tant de cruauté
Ne se trouva jamais avec tant de beauté.
Fuyés , soupçon injuste , et respectez Sylvie ;
D Jamais
1538 MERCURE DE FRANCE
Jamais d'un pareil crime elle ne s'est noircie
,
Elle sçait quand la mort a menacé ses
jours ,
Que j'ai voulu des miens finir le triste cours.
Ce trait de ma douleur , croyons - le pour sa
gloire ,
Sans doute est pour jamais gravé dans sa mémoire.
Crédule que je suis ! si de mon déplaisir
Sylvie eut conservé le moindre souvenir ,
Pourquoi n'en pas donner un leger témoi
gnage ?
Non , je n'eus de son coeur que la haine en parə
tage ,
Quand je revis le jour par un bienfait des
Dieux ,
Je fus pour elle encor un objet odieux ;
Ses rigueurs de ma flamme égalent la constance
;
Que n'eut - elle à m'aimer , même perséve
rance ' !
Penser pour mon amour séduisant et fat❤
teur ,
Que ne m'abuses- tu par une fausse ardeur !
Je suis prêt , chere, Epouse , à seconder ta
feinte ;
Mais non , sa cruauté se nourrit de ma plainte ;
Allons au bout du monde étouffer nos sou
pirs ,
Par.
JUILLET. 1733. 1539
Par ma fuite à l'ingrate offrons mille plai
sirs ;
Cependant si le Ciel appaisoit sa colere ,
S'il pouvoit être un jour sensible à ma misere
....
Helas quoiqu'il lui plaise ordonner de mon
sort .
Mon amour ne pourra s'éteindre qu'à la
mort.
Changez , changez 8 Ciel , cette aimable
cruelle ;
Je la reçûs de vous , je lui serai fidele ,
Déja des Dieux fléchis j'éprouve le pouvoir ,
Ils versent dans mon coeur quelque rayon d'es
poir .
Viens t'offrir à mes yeux , Epouse que j'adore
,
Et bannir d'un regard l'ennui qui me devore
Viens , pour me rendre heureux , il suffit en
jour
D'un instant près de toi ménagé par l'A
mour.
ET TOUJOURS AMOUREUX ,
M
ELEGI E.
Ortels , soumis aux loix de l'amoureux
Empire ,
Qui contez aux Rochers votre tendret martyre
,
Suspendez vos regrets , plaignez dans un
Epoux
Un amant mille fois plus malheureux que
vous. Y
Prêtez- vous , s'il se peut , aux disgraces des autres
;
Au
JUILLET. 1733 .
1733. 1535
Au
récit de mes maux vous oublirez les vô-
+ tres.
Des charmes de l'Amour connoissant le danger
,
Je formois te dessein de ne point m'engager
,.
Quand un hazard fatal au repos de ma vie
Offrit à mes regards l'inconstante Sylvie.
Venus sembloit en elle épuiser ses attraits ,
Et l'Amour par ses yeux blessoit de mille
traits.
Eu vain de leur pouvoir je voulus me deffendre
,
Mon trop sensible coeur s'empressa de se rendre.
<
Judicieux projet , sage raisonnement
Tout fuit , tout m'abandonne au dangereux
moment.
Moment qui me fut cher , & qui m'est si funeste
!
Mes pleurs et mes soupirs sont tout ce qui m'en
reste ,
Non , que d'abord Sylvie , en dédaignant mes
feux ,
Par de honteux refus eût rebuté mes voeux.
Ma famme par l'Hymen fut bientôt con
ronnée ;
Mais ce triomphe au plus ne dura qu'une an
née.
Pour l'ingrate attentif à redoubler mes soins
Sa
153 MERCURE DE FRANCE
Sa fierté , ses mépris .ne m'accabloient pa
moins ;
Je sens à chaque instant appesantir ma chaine ,
Sans espoir de toucher un e Epouse inhumaine.
Perfide , que devient le serment solemnel ,
Que de m'aimer toujours tu me fis à l'Autel
?
•
Dieux garants du serment , mais témoins du
parjure ,
Vous êtes plus que moi blessez par cette injure
:
Ah ! d'un si noir forfait , vangez moi , vȧngez
vous ;
Que dis-je ? malheureux ! non , suspendez vos
coups ;
A vos droits violez s'il faut une victime ,
Faites -moi de Sylvie expier tout le crime ;
Si l'ingrate que j'aime éprouvoit vos rigueurs ,
Il en coûteroit trop au plus tendre des coeurs.
Vous le sçavez assez , vallons , bois & fontaines
,
Cent fois je vous parlai de mes mortelles peines
,
Cent fois je vous ai fait le récit douloureux
Des chagrins que me cause un Hymen malheu
reux .
Vous sçavez mes tourmens , mais vous sçavez
de même
Combien
JUILLET. 1733 .
1537
Combien pour qui me hait ma tendresse est extrême
?
Je l'aime , ch ! quel pinceau par des traits assez
forts
De Sylvie en courroux marqueroit les transports.
D'un souffle impétueux l'Aquilon dans nos
plaines ,
Agitant des Ormeaux les feuilles incertaines
Abbat et fait languir les plantes et les fleurs
Que la brillante Aurore arrosa de ses pleurs.
C
Mais tout renaît bien - tôt , quand le calme succede
,
Tandis qu'à mon tourment il n'est point de
reméde .
Près du Cocyte un jour succombant sous mes
maux ,
Je voyois Atropos s'armer de ses ciseaux.
Auprès de moi déja ma famille assemblée.
Sur mon sort malheureux gémissoit désolée.
Que faisiez - vous alors , Sylvie , ah ! votre
coeur
Accusoit en secret la Parque de lenteur.
Qu'osai-je dire ? Ciel ! ... non dans mon trouble
extrême ,
Je m'égare
j'aime.
et j'outrage une Epouse que
Non , encore une fois , non , tant de cruauté
Ne se trouva jamais avec tant de beauté.
Fuyés , soupçon injuste , et respectez Sylvie ;
D Jamais
1538 MERCURE DE FRANCE
Jamais d'un pareil crime elle ne s'est noircie
,
Elle sçait quand la mort a menacé ses
jours ,
Que j'ai voulu des miens finir le triste cours.
Ce trait de ma douleur , croyons - le pour sa
gloire ,
Sans doute est pour jamais gravé dans sa mémoire.
Crédule que je suis ! si de mon déplaisir
Sylvie eut conservé le moindre souvenir ,
Pourquoi n'en pas donner un leger témoi
gnage ?
Non , je n'eus de son coeur que la haine en parə
tage ,
Quand je revis le jour par un bienfait des
Dieux ,
Je fus pour elle encor un objet odieux ;
Ses rigueurs de ma flamme égalent la constance
;
Que n'eut - elle à m'aimer , même perséve
rance ' !
Penser pour mon amour séduisant et fat❤
teur ,
Que ne m'abuses- tu par une fausse ardeur !
Je suis prêt , chere, Epouse , à seconder ta
feinte ;
Mais non , sa cruauté se nourrit de ma plainte ;
Allons au bout du monde étouffer nos sou
pirs ,
Par.
JUILLET. 1733. 1539
Par ma fuite à l'ingrate offrons mille plai
sirs ;
Cependant si le Ciel appaisoit sa colere ,
S'il pouvoit être un jour sensible à ma misere
....
Helas quoiqu'il lui plaise ordonner de mon
sort .
Mon amour ne pourra s'éteindre qu'à la
mort.
Changez , changez 8 Ciel , cette aimable
cruelle ;
Je la reçûs de vous , je lui serai fidele ,
Déja des Dieux fléchis j'éprouve le pouvoir ,
Ils versent dans mon coeur quelque rayon d'es
poir .
Viens t'offrir à mes yeux , Epouse que j'adore
,
Et bannir d'un regard l'ennui qui me devore
Viens , pour me rendre heureux , il suffit en
jour
D'un instant près de toi ménagé par l'A
mour.
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Résumé : L'EPOUX MALHEUREUX, ET TOUJOURS AMOUREUX, ELEGIE.
Le texte est une élégie intitulée 'L'Époux malheureux, et toujours amoureux' datée de juillet 1733. Le narrateur, un homme marié, exprime sa douleur et son amour pour son épouse, Sylvie, qui le rejette et le méprise malgré ses efforts pour la satisfaire. Il se remémore le moment où il a rencontré Sylvie et comment il est tombé amoureux d'elle malgré ses tentatives de résistance. Leur mariage, initialement heureux, a tourné au drame après une année, Sylvie devenant froide et méprisante. Le narrateur se lamente sur l'injustice de son sort et implore les dieux de venger son malheur, tout en exprimant son amour inconditionnel pour Sylvie. Il évoque également les paysages naturels comme témoins de ses souffrances et de son amour persistant. Malgré les cruautés de Sylvie, il espère encore un changement et un retour de son affection.
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352
p. 1552-1558
LETTRE de M. de R*** de Soissons, à Mrs ** et **. Description de la Terre de C***. / PLAN DE CH***.
Début :
J'ai pris les devants, Mrs, et je vous attends dans les lieux enchantez où [...]
Mots clefs :
Aimable, Nature, Plan, Plaisirs, Douce, Heureux, Sagesse, Aimable, Main, Amour
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de R*** de Soissons, à Mrs ** et **. Description de la Terre de C***. / PLAN DE CH***.
LETTRE de M. de R *** de
Soissons , à Mrs ** et * *. Description
de la Terre de C ***.
' Ai pris les devants , Mrs , et je vous
J'atteprisdend vanti, enchantez où
M. et Me de L ** vous invitent avec de
nouvelles instances à venir.
1: 0 . tə
L'amitié par ma voix hazarde aussi les
siennes. C'est elle , qui pour vous déterminer
, m'a engagé à tracer le plan de
cet aimable séjour . Foi d'homme sincere ,
je n'ai presque rien ajoûté à la Nature
dans la Description que je vous envoye }
arrivez et vous réaliserez mes promesses.
Je vous ferai voir les rives heureuses de
l'Eléte , nous nous promenerons dans ces
Jardins délicieux , où les Zéphirs choisissent
leur azile , où Flore les retient
dans ses chaînes , et où elle semble avoir
fixé le domicile du Printemps . Je vous
montrerai jusqu'à la Bergere dont les
amours un peu trop rapides m'ont donné
l'idée de la mienne. Elle seule perdra
quelque chose à être confrontée , et vous
serez surpris de sa métamorphose . Visà-
vis un fort joli Château vous décou
vrirez
JUILLET. 1733 . 1553
vrirez un Côteau qui produit d'excellent
vin , que Bacchus semble opposer aux
Eaux Minerales , dont la source est presque
sous ses pieds . Vous connoissez M. et
Me de L... et Me leur fille ; démentezmoi
, si vous l'osez et le pouvez
même ,
sur le portrait que j'en fais. Dès que vos
Occupations vous laisseront quelques mo.
mens , satisfaites notre impatience , elle
est commune ici sur votre compte ; Venez
prendre part à nos amusemens . Vous
serez à même de choisir dans les plaisirs
innocents , ce sont les seuls dont vous
connoissez l'usage. Vous y invoquerez
Apollon , il se plaît dans nos Solitudes.
Une Bibliotheque choisie vous offrira
des recréations et des modeles ; là Pêche ,'
la Chasse , la Musique et le Jeu , diver- •
sifieront vos plaisirs , et les nôtres seront
infailliblement augmentez pår votre aimable
présence.
PLAN DE CH **
AUXUx bords enchantez ,
Qn'arrose l'Eléte ,
La Nature prête ,
De vives beautez .
La prodigue Aurore ,
Y répand des pleurs ,
Dont
1554 MERCURE DE FRANCE
Dont l'aimable Flore ,
Forme ses couleurs.
La riche Pomone ,
De ses dons couronne ,
De vastes Vergers ,
Des Zéphirs legers ,
Volent dans la Plaine,
Parfument les Airs ;
Et leur douce haleine ,
Fait fuir les hyvers.
Amant de Nannette ,
Un Berger
pressant ,
Tendrement repete ,
Un Air
languissant ;
Sur l'herbe fleurie ;
La Nymphe attendrie ,
Ne résiste pas ;
Du tendre embarras ,
Qui la rend muette
L'Amour s'applaudit ;
Et de sa défaite ,
Le malin sourit.
Dans ces champs fertiles
La blonde Cerés ,
De moissons utiles ,
Orne ses guerets.
Sur la douce pente ,
D'un
JUILLET. 1733.
1555
D'un charmant Côteau
Bacchus nous présente
་
Son Pampre nouveau.
Rival de ton Onde ,
En biens si féconde ,
Utile Ruisseau ;
Avec abondance ,
>
Il étale aux yeux ,
Une ample esperance ,
De fruits précieux.
Là , d'Architecture ,
Un morceau vanté
Tient sur sa structure
Notre ceil arrêté.
L'Art dans sa parure;
N'a rien affecté ;
Et par la Nature ,
Tout y fut dicté.
'Un Couple fidelle ,
Et chéri des Dieux ,
Nous y renouvelle ,
Ces siecles heureux ,
Où dans la sagesse
L'homme
vertueux
Puisoit sa richesse.
•
>
Les Jeux enchanteurs ,
L'ai1556
MERCURE DE FRANCE
L'Aimable sourire ,
Assurent Thémire ,
Du tribut des coeurs .
Ses yeux pleins de charmes ,
Donnent à la fois ,
A l'Amour des armes ,
Aux Mortels des Loix.
Dans ce doux aziłe ,
Heureux d'être admis ,
Illustres amis ,
D'un destin tranquille ,
Je goûte le prix .
Rien ne m'importune ,
Loin de moi , Fortune ,
Tes appas trompeurs.
Caresse , ou menace
Eleve ou terrasse
Tes Adorateurs ;
Froid pour tes faveurs ,
Sourd â ta disgrace ,
Ta prosperité ,
N'a rien qui me tente ;
Ton adversité ,
Rien qui m'épouvante,
Loin ces repentirs,
Que l'excès nous laisse
Toujours la sagesse ,
1
I
Borne
JUILLET. 1733.
Borne mes désirs ;
Et d'intelligence ,
La douce innocence ,
Fournit des plaisirs ,
A mon insconstance.
D'un épais Berceau ,
Sous le verd feüillage ,
Où d'un tendre oiseau
J'entends le ramage ;
Ma main d'un Ouvrage,
Trace un plan nouveau.
A mes voeux docile ,
Ma Muse facile ,
Vient m'y caresser;
Pour me délasser ,
Horace ou Virgile ,
Racine on Boileau ,
Favoris des Graces ,
M'offrent sur leurs traces ,
La route du beau;
Adroite et cruelle ,
Ma main sous ses coups ,
D'une
Tourterelle ,
Fait tomber l'Epoux.
Du séjour humide ,
Le Peuple glouton ,
D'une bouche avide ,
Sous
1558 MERCURE DE FRANCE
Sous l'appas perfide ,
Saisit l'hameçon.
D'un heureux délire ,
Suivant les transports ,
Souvent de ma Lyre ,
J'unis les accords ,
Aux Chants de Thémire.
Tranquile et serein ,
Sans inquietude ,
Dans un Jeu badin
Je vois du Destin ,
La vicissitude.
>
Amis paresseux ,
Votre seule absence ,
Laisse en ma puissance
De faire des voeux.
Calmez les allarmes
De mon coeur jaloux :
Venez avec nous ,
Partager les charmes ,
D'un loisir si doux.
Soissons , à Mrs ** et * *. Description
de la Terre de C ***.
' Ai pris les devants , Mrs , et je vous
J'atteprisdend vanti, enchantez où
M. et Me de L ** vous invitent avec de
nouvelles instances à venir.
1: 0 . tə
L'amitié par ma voix hazarde aussi les
siennes. C'est elle , qui pour vous déterminer
, m'a engagé à tracer le plan de
cet aimable séjour . Foi d'homme sincere ,
je n'ai presque rien ajoûté à la Nature
dans la Description que je vous envoye }
arrivez et vous réaliserez mes promesses.
Je vous ferai voir les rives heureuses de
l'Eléte , nous nous promenerons dans ces
Jardins délicieux , où les Zéphirs choisissent
leur azile , où Flore les retient
dans ses chaînes , et où elle semble avoir
fixé le domicile du Printemps . Je vous
montrerai jusqu'à la Bergere dont les
amours un peu trop rapides m'ont donné
l'idée de la mienne. Elle seule perdra
quelque chose à être confrontée , et vous
serez surpris de sa métamorphose . Visà-
vis un fort joli Château vous décou
vrirez
JUILLET. 1733 . 1553
vrirez un Côteau qui produit d'excellent
vin , que Bacchus semble opposer aux
Eaux Minerales , dont la source est presque
sous ses pieds . Vous connoissez M. et
Me de L... et Me leur fille ; démentezmoi
, si vous l'osez et le pouvez
même ,
sur le portrait que j'en fais. Dès que vos
Occupations vous laisseront quelques mo.
mens , satisfaites notre impatience , elle
est commune ici sur votre compte ; Venez
prendre part à nos amusemens . Vous
serez à même de choisir dans les plaisirs
innocents , ce sont les seuls dont vous
connoissez l'usage. Vous y invoquerez
Apollon , il se plaît dans nos Solitudes.
Une Bibliotheque choisie vous offrira
des recréations et des modeles ; là Pêche ,'
la Chasse , la Musique et le Jeu , diver- •
sifieront vos plaisirs , et les nôtres seront
infailliblement augmentez pår votre aimable
présence.
PLAN DE CH **
AUXUx bords enchantez ,
Qn'arrose l'Eléte ,
La Nature prête ,
De vives beautez .
La prodigue Aurore ,
Y répand des pleurs ,
Dont
1554 MERCURE DE FRANCE
Dont l'aimable Flore ,
Forme ses couleurs.
La riche Pomone ,
De ses dons couronne ,
De vastes Vergers ,
Des Zéphirs legers ,
Volent dans la Plaine,
Parfument les Airs ;
Et leur douce haleine ,
Fait fuir les hyvers.
Amant de Nannette ,
Un Berger
pressant ,
Tendrement repete ,
Un Air
languissant ;
Sur l'herbe fleurie ;
La Nymphe attendrie ,
Ne résiste pas ;
Du tendre embarras ,
Qui la rend muette
L'Amour s'applaudit ;
Et de sa défaite ,
Le malin sourit.
Dans ces champs fertiles
La blonde Cerés ,
De moissons utiles ,
Orne ses guerets.
Sur la douce pente ,
D'un
JUILLET. 1733.
1555
D'un charmant Côteau
Bacchus nous présente
་
Son Pampre nouveau.
Rival de ton Onde ,
En biens si féconde ,
Utile Ruisseau ;
Avec abondance ,
>
Il étale aux yeux ,
Une ample esperance ,
De fruits précieux.
Là , d'Architecture ,
Un morceau vanté
Tient sur sa structure
Notre ceil arrêté.
L'Art dans sa parure;
N'a rien affecté ;
Et par la Nature ,
Tout y fut dicté.
'Un Couple fidelle ,
Et chéri des Dieux ,
Nous y renouvelle ,
Ces siecles heureux ,
Où dans la sagesse
L'homme
vertueux
Puisoit sa richesse.
•
>
Les Jeux enchanteurs ,
L'ai1556
MERCURE DE FRANCE
L'Aimable sourire ,
Assurent Thémire ,
Du tribut des coeurs .
Ses yeux pleins de charmes ,
Donnent à la fois ,
A l'Amour des armes ,
Aux Mortels des Loix.
Dans ce doux aziłe ,
Heureux d'être admis ,
Illustres amis ,
D'un destin tranquille ,
Je goûte le prix .
Rien ne m'importune ,
Loin de moi , Fortune ,
Tes appas trompeurs.
Caresse , ou menace
Eleve ou terrasse
Tes Adorateurs ;
Froid pour tes faveurs ,
Sourd â ta disgrace ,
Ta prosperité ,
N'a rien qui me tente ;
Ton adversité ,
Rien qui m'épouvante,
Loin ces repentirs,
Que l'excès nous laisse
Toujours la sagesse ,
1
I
Borne
JUILLET. 1733.
Borne mes désirs ;
Et d'intelligence ,
La douce innocence ,
Fournit des plaisirs ,
A mon insconstance.
D'un épais Berceau ,
Sous le verd feüillage ,
Où d'un tendre oiseau
J'entends le ramage ;
Ma main d'un Ouvrage,
Trace un plan nouveau.
A mes voeux docile ,
Ma Muse facile ,
Vient m'y caresser;
Pour me délasser ,
Horace ou Virgile ,
Racine on Boileau ,
Favoris des Graces ,
M'offrent sur leurs traces ,
La route du beau;
Adroite et cruelle ,
Ma main sous ses coups ,
D'une
Tourterelle ,
Fait tomber l'Epoux.
Du séjour humide ,
Le Peuple glouton ,
D'une bouche avide ,
Sous
1558 MERCURE DE FRANCE
Sous l'appas perfide ,
Saisit l'hameçon.
D'un heureux délire ,
Suivant les transports ,
Souvent de ma Lyre ,
J'unis les accords ,
Aux Chants de Thémire.
Tranquile et serein ,
Sans inquietude ,
Dans un Jeu badin
Je vois du Destin ,
La vicissitude.
>
Amis paresseux ,
Votre seule absence ,
Laisse en ma puissance
De faire des voeux.
Calmez les allarmes
De mon coeur jaloux :
Venez avec nous ,
Partager les charmes ,
D'un loisir si doux.
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Résumé : LETTRE de M. de R*** de Soissons, à Mrs ** et **. Description de la Terre de C***. / PLAN DE CH***.
La lettre de M. de R *** de Soissons convie les destinataires à visiter la terre de C ***. L'auteur met en avant les attraits naturels et les plaisirs que ce lieu offre, affirmant que sa description est presque fidèle à la réalité. Il promet de leur montrer les rives de l'Eléte, des jardins délicieux, ainsi qu'un château situé sur un coteau produisant un excellent vin. La lettre mentionne également diverses occupations agréables disponibles sur place, telles que la pêche, la chasse, la musique, le jeu, et une bibliothèque sélectionnée pour les moments de récréation. L'auteur exprime son impatience de les accueillir et les encourage à venir profiter des plaisirs innocents offerts par ce séjour. Le texte inclut également un plan poétique de CH **, qui décrit les beautés naturelles et les activités agréables du lieu, tout en exprimant le désir de voir les amis partager ces moments de loisir.
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353
p. 1638-1651
Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 18 Juillet, les Comédiens François représenterent pour la premiere fois, la Tragedie de [...]
Mots clefs :
Pélopée, Comédie-Française, Thyeste, Atrée, Sostrate, Égisthe, Vers, Amour, Mort, Dieux, Fils, Eurymédon, Hymen, Père, Secours, Yeux, Vengeance, Secret, Coeur, Spectateurs, Billet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 Juillet , les Comédiens François représenterent
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !
ኑ
Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643
•
gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE
€
Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE
།
execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
Fermer
Résumé : Pelopée, Tragédie nouvelle[.] Extrait. [titre d'après la table]
Le 18 juillet 1733, les Comédiens Français présentèrent pour la première fois la tragédie 'Pélopée', écrite par le Chevalier Pellegrin. La pièce, tirée des récits de Servius, Lactance et Hygin, fut accueillie avec enthousiasme. Hygin relate deux versions des événements : dans la première, Pinceste commet l'inceste volontairement après une prédiction oraculaire ; dans la seconde, Thyeste viole sa fille Pélopée sans la reconnaître. La pièce adopte cette dernière version et y ajoute des correctifs pour la décence théâtrale. Au premier acte, Sostrate, gouverneur d'Agyste, recherche le prince Ægysthe, échappé de la forêt où il a été élevé par une chèvre. Il rencontre Arcas, qui lui apprend que Thyeste, frère d'Atrée, a remporté des victoires grâce à Tyndare, roi de Sparte. Cependant, un jeune inconnu, Ægysthe, a récemment ramené la victoire à Atrée. Thyeste, désespéré, a défié ce jeune homme à un combat singulier. Sostrate reconnaît en Ægysthe son fils et cherche à l'avertir sans révéler son secret. Atrée révèle à Eurimedon que Pélopée, qu'il considère comme sa fille, est en réalité la fille de Thyeste. Il espère que le mariage de Pélopée avec Ægysthe détournera Tyndare du parti de Thyeste. Dans le second acte, Pélopée, accompagnée de Phoenice, sa confidente, attend Ægysthe. Elle révèle son mariage secret avec Thyeste et un songe prémonitoire où elle voit son fils menacé d'inceste et de parricide. Elle confie cet enfant à Sostrate, qui l'élève sans lui révéler son origine. Pélopée convainc Ægysthe de ne pas combattre Thyeste, mais Atrée, soupçonnant la vérité, ordonne à sa garde de la suivre. Au troisième acte, Thyeste, prisonnier, apprend qu'Atrée veut le tuer. Il révèle à Arbate qu'il a ordonné l'exécution de sa fille pour éviter l'inceste prédit par l'oracle. Pélopée informe Thyeste qu'Atrée propose la paix en échange de son mariage. Thyeste refuse, craignant de déshonorer Tyndare. Ægysthe, venu annoncer les menaces contre Thyeste, promet de le défendre. Atrée arrive et exige des explications d'Ægysthe, qui finit par le supplier. Dans le quatrième acte, Atrée expose son plan de vengeance, visant à faire périr ses ennemis les uns par les autres. Il feint de consentir à l'union de Pélopée et Thyeste pour manipuler Ægysthe. Ægysthe, après avoir appris que Sostrate retient Pélopée, libère Thyeste et lui révèle qu'il est son rival. Sostrate intervient alors pour révéler la vérité : Pélopée est la mère d'Ægysthe, et Atrée prévoit de tuer Ægysthe. Dans le cinquième acte, Atrée annonce à Pélopée la mort de Thyeste, mais elle révèle ensuite à Atrée que Thyeste était son époux. Ægysthe apprend alors que Thyeste est son père et que Pélopée est sa mère. Sostrate informe Ægysthe de l'arrivée des renforts de Tyndare. Finalement, Atrée, mourant, révèle à Thyeste que Pélopée est sa fille, confirmant ainsi les prédictions divines.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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354
p. 1710-1713
L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
Début :
L'Amour. / C'est à toi, charmante Beauté, [...]
Mots clefs :
Amour, Beauté, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
L'AMOUR ET LA BEAUTE' ,
ANTATE A DEUX VOIX ,
3
"A mettre en Musique.
L'Amour, 200
C'Est à toi , charmante Beauté ,
Que je dois mon immense Empire ;
Par toi tout souffre mon martyre,
Ou goûte ma félicité.
J
Mortels, qui redoutés le pouvoir de mes armes
Redoutés plutôt ses attraits.
Ce sont là mes feux et mes traits ,
Mes chaînes , mon carquois , mes plaisirs et mes
larmes.
sirdangLaw Beautés sang rebus mus
Tendre et cruel Enfant , dont tout chérit les
fers ,
Si c'est de mes attraits que tu tiens ta puissance
,
N'est-ce pas par tes soins qu'à l'envi l'on m'encense
Sur la Terre , dans l'Onde , aux Cieux , dans
les Enfers ?
Jeunes
AOUST. 1733- 1711
Jeunes coeurs , venés rendre hommage
Au plus puissant des immortels .
Ignorer son tendre esclavage ,
C'est perdre les seuls biens réels.
L'Amour.
«Et vous , tendres Amans , qui vivés dans mes
chaînes ,
Sans cesse à la Beauté prodigués votre Encens
:
Ne vous piqués jamais de ces constances vaines
,
Qui font de mes plaisirs de trop cruels tourmens.
C'est à ses charmes seuls que je dois l'éxistence
;
Oû je ne les vois plus , j'expire dans l'instant.
Et ce n'est que par l'inconstance ,
Qu'un coeur peut devenir constant.
Beauté , porte par tout mes flammes ,
Prens soin d'un Dieu qui t'est soumis
C'est faire le bonheur des ames ,
Que d'y faire régner ton Fils.
Ensemble.
Unissons à jamais nos charmes ,
Partageons l'empire des coeurs ;
Leur pouvoir triomphe des armes
Des plus redoutables Vainqueurs.
B
i
La
1712 MERCURE
DE FRANCE
La Beauté.
Au succès de tes feux , mon bonheur s'inte
resse ;
Je m'immole moi même à leurs vives ardeurs.
Helas ! je ne serois , sans l'aimable tendresse ,
Qu'un Printems dépouillé de fleurs,
Vole sur mes traces ,
Vole , tendre Amour.
Les Jeux , et les Graces ,
Vont former ta Cour,
C'est moi qui t'appelle ,
Cours ; vienm'emflamer.]
Déja Philoméle
Me parle d'aimer.
Elle te prépare
Un nouveau flambeau ,
Tandis que je pare
Ton heureux bandeau.
L'Amour.
Comment pourrois- je füir le seul objet que
{ _j'aime ?
Sans relâche je suis à te suivre empressé.
Où tu portes tes pas , on y voit l'Amour même,
Je ne suis point ailleurs , ou j'y suis déguisé. ▲
Je
AOUST. 1733.
1713
Je trouverois des coeurs rébelles ,
Qui mépriseroient mon carquois ,
Si mes Conquêtes les plus belles ,
N'étoient celles que je te dois ,
Les beaux Lauriers qui me couronnent
Far toi seul ont été cueillis ;
Et tous les feux qui m'environnent ,
Par ton éclat sont réfléchis .
Ensemble.
L'Univers nous doit sa naissance
Ainsi que ses plus doux plaisirs ;
Et pour toute reconnoissance
Nous n'éxigeons que ses désirs.
Par M. de S. R.
ANTATE A DEUX VOIX ,
3
"A mettre en Musique.
L'Amour, 200
C'Est à toi , charmante Beauté ,
Que je dois mon immense Empire ;
Par toi tout souffre mon martyre,
Ou goûte ma félicité.
J
Mortels, qui redoutés le pouvoir de mes armes
Redoutés plutôt ses attraits.
Ce sont là mes feux et mes traits ,
Mes chaînes , mon carquois , mes plaisirs et mes
larmes.
sirdangLaw Beautés sang rebus mus
Tendre et cruel Enfant , dont tout chérit les
fers ,
Si c'est de mes attraits que tu tiens ta puissance
,
N'est-ce pas par tes soins qu'à l'envi l'on m'encense
Sur la Terre , dans l'Onde , aux Cieux , dans
les Enfers ?
Jeunes
AOUST. 1733- 1711
Jeunes coeurs , venés rendre hommage
Au plus puissant des immortels .
Ignorer son tendre esclavage ,
C'est perdre les seuls biens réels.
L'Amour.
«Et vous , tendres Amans , qui vivés dans mes
chaînes ,
Sans cesse à la Beauté prodigués votre Encens
:
Ne vous piqués jamais de ces constances vaines
,
Qui font de mes plaisirs de trop cruels tourmens.
C'est à ses charmes seuls que je dois l'éxistence
;
Oû je ne les vois plus , j'expire dans l'instant.
Et ce n'est que par l'inconstance ,
Qu'un coeur peut devenir constant.
Beauté , porte par tout mes flammes ,
Prens soin d'un Dieu qui t'est soumis
C'est faire le bonheur des ames ,
Que d'y faire régner ton Fils.
Ensemble.
Unissons à jamais nos charmes ,
Partageons l'empire des coeurs ;
Leur pouvoir triomphe des armes
Des plus redoutables Vainqueurs.
B
i
La
1712 MERCURE
DE FRANCE
La Beauté.
Au succès de tes feux , mon bonheur s'inte
resse ;
Je m'immole moi même à leurs vives ardeurs.
Helas ! je ne serois , sans l'aimable tendresse ,
Qu'un Printems dépouillé de fleurs,
Vole sur mes traces ,
Vole , tendre Amour.
Les Jeux , et les Graces ,
Vont former ta Cour,
C'est moi qui t'appelle ,
Cours ; vienm'emflamer.]
Déja Philoméle
Me parle d'aimer.
Elle te prépare
Un nouveau flambeau ,
Tandis que je pare
Ton heureux bandeau.
L'Amour.
Comment pourrois- je füir le seul objet que
{ _j'aime ?
Sans relâche je suis à te suivre empressé.
Où tu portes tes pas , on y voit l'Amour même,
Je ne suis point ailleurs , ou j'y suis déguisé. ▲
Je
AOUST. 1733.
1713
Je trouverois des coeurs rébelles ,
Qui mépriseroient mon carquois ,
Si mes Conquêtes les plus belles ,
N'étoient celles que je te dois ,
Les beaux Lauriers qui me couronnent
Far toi seul ont été cueillis ;
Et tous les feux qui m'environnent ,
Par ton éclat sont réfléchis .
Ensemble.
L'Univers nous doit sa naissance
Ainsi que ses plus doux plaisirs ;
Et pour toute reconnoissance
Nous n'éxigeons que ses désirs.
Par M. de S. R.
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Résumé : L'AMOUR ET LA BEAUTÉ, CANTATE A DEUX VOIX, A mettre en Musique.
Le texte 'L'AMOUR ET LA BEAUTE' est une antate à deux voix destinée à être mise en musique. Il présente un dialogue entre l'Amour et la Beauté. L'Amour reconnaît que son pouvoir et son empire proviennent de la Beauté, qui inspire à la fois souffrance et félicité. Il met en garde les mortels contre les attraits de l'amour plutôt que ses armes. La Beauté affirme que son bonheur dépend du succès des feux de l'Amour et se décrit comme un printemps fleuri grâce à la tendresse de l'Amour. L'Amour déclare qu'il ne peut fuir l'objet de son amour et suit la Beauté partout, même déguisé. Ensemble, ils reconnaissent que l'univers doit sa naissance et ses plaisirs à leur union et qu'ils n'exigent en retour que les désirs des hommes. Le texte est daté d'août 1733 et a été publié dans le Mercure de France en 1712.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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355
p. 2039
CHANSON.
Début :
Je ne veux point faire de choix, [...]
Mots clefs :
Choix, Dieu, Amour, Vin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
E ne veux point faire de choix ,
Entre le bon vin et ma Maîtresse ;
Je ne veux point faire de choix ;
Oui , je bois et j'aime à la fois ,
Le verre en main ,
Le Dieu du vin ,
Avec son jus me verse l'allegresse ,
12 Ah quelle yvresse .
Auprès de quelqu'objet charmant ,
Le Dieu d'Amour m'occupe tendrement ,
Ah ! qu'il me blesse agréablement !
Venez tous deux ,
Me rendre heureux ;
Amour , Bacchus , partagez ma tendresse ,
Par votre adresse ,
Je suis au comble de mes voeux .
E ne veux point faire de choix ,
Entre le bon vin et ma Maîtresse ;
Je ne veux point faire de choix ;
Oui , je bois et j'aime à la fois ,
Le verre en main ,
Le Dieu du vin ,
Avec son jus me verse l'allegresse ,
12 Ah quelle yvresse .
Auprès de quelqu'objet charmant ,
Le Dieu d'Amour m'occupe tendrement ,
Ah ! qu'il me blesse agréablement !
Venez tous deux ,
Me rendre heureux ;
Amour , Bacchus , partagez ma tendresse ,
Par votre adresse ,
Je suis au comble de mes voeux .
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356
p. 2042-2046
EXTRAIT de la petite Comédie en Vers libres et en un Acte, joüée au Théatre Italien, qui a pour titre le Bouquet, annoncée dans le dernier Mercure.
Début :
Rosimont et le Chevalier Muguet, se rencontrent dans un Jardin public, [...]
Mots clefs :
Chevalier, Bouquet, Maîtresse, Bouquet, Rosimont, Florise, Amour, Inconstance, Valet, Théâtre-Italien
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la petite Comédie en Vers libres et en un Acte, joüée au Théatre Italien, qui a pour titre le Bouquet, annoncée dans le dernier Mercure.
EXTRAIT de la petite Comédie en
Vers libres et en un Acte , jouée an
Théatre Italien , qui apour titre le Bouquet
, annoncée dans le dernier Mercure
R
Osimont et le Chevalier Muguet , se
·rencontrent dans un Jardin public ,
où a Scene se passe Rosimont reproche
au chevalier , son ancien ami , de ne lui
avoir pas fait sçavoir plutôt son arrivée le
Chevalier s'excuse sur un nouvel amour
qui l'a occupé tour entier , malgré son
inconstance ordinaire ; Rosimont est surpris
d'un amour si sérieux ; le Chevalier
fait l'éloge de l'Inconstance , et Rosimont
celui de la Fidelité ; le premier proteste
que son nouvel amour sera constant , et
se flatte d'obtenir en mariage celle qui
en est l'objet ; il lui dit que ce jour étant
la Fête de sa nouvelle Maîtresse , il a
chargé Tricolor , son Valet , de lui présenter
un Bouquet de sa part. Tricolor
vient
SEPTEMBRE. 1733. 2043
fent avec le Bouquet ; Rosimont , en
'examinant , plaisante sur quelques Paillons
qui sont sur les fleurs , attendu
qu'ils sont le simbole de la légereté ; le
Chevalier lui dit que son inconstance
naturelle , exprimée dans son Bouquet ,
est un nouveau trophée pour la Beauté
qui en a triomphé ; il promet à Rosinont
de lui apprendre le succès de son
amour ,quand il en sera temps.
Rosimont doute fort de ce prétendu
succès, et quitte le Chevalier pour s'aller
promener dans une autre allée du Jardin,
dans l'esperance d'y rencontrer Florise
son ancienne Maîtresse. Violette , Suivante
de Jacinte , nouvelle Maîtresse du Che
valier , arrive ; le Chevalier lui demande
vec empressement des nouvelles de sa
Maîtresse ; Tricolor lui en demande d'ele
même ; le Chevalier Muguet lui ordonne
de se taire ; mais ce Valet lui ré
pond que c'est à lui à parler , puisqu'il
est l'Amant de Violette , et qu'il
n'auroit pas l'indiscrétion de l'interromare
s'il parloit à Jacinte , sa Maîtresse.
Le Chevalier se retire pour laisser son
Valet en liberté de faire le message dont
il l'a chargé. Aprés une conversation
courte et badine entre Tricolor et la
Soubrette , la Maîtresse arrive . Le Valet
2044 MERCURE DE FRANCE
let lui présente le Bouquet de son Maître
, Jacinte le reçoit avec plaisir , mais
y voyant briller quelques diamans , elle
veut le rendre à Tricolor . Violette s'en
saisit , de peur que sa Maîtresse ne le
refuse par bienséance . Jacinte qui craint
la sévérité de son pere , consent à le
garder , pourvû qu'elle puisse cacher
qu'il vient de la main d'un Amant. Elle
ordonne à Violette de le porter à sa cousine
Florise , Maîtresse de Rosimond ,
afin qu'elle paroisse l'Auteur de cette
galanterie ; ce projet est executé , Florise
veut pourtant avoir le plaisir de s'en
parer pour quelques heures . Rosimont ,
que le Chevalier a instruit du favorable
accueil que sa nouvelle Maîtresse a fait
à son Bouquet , sans pourtant lui apprendre
son nom , est très- surpris en
trouvant Florise , son Amante , de voir
ce fatal Bouquet sur son sein ; sa jalousie
ne peut s'empêcher d'éclater , il reproche
à Florise une infidélité dont elle
ose faire parade à ses yeux . Florise ne
comprend rien aux reproches qu'il lui
fait , et ne doute point qu'il ne prenne ,
d'une inconstance prétendue , un prétexte
pour en autoriser un veritable. Ils
se quittent très - mal satisfaits l'un de
Pautre , Florise sort.
Le
SEPTEMBRE. 1733- 2045
Le Chevalier arrive , transporté de
joye il vient joindre Rosimond , pour
lui dire que ses affaires vont à merveille,
que le Bouquet a été reçû favorablement,
et qu'il va posseder sa charmante Maîtresse
; Rosimont , peu satisfait de cette
confidence , lui répond d'un air sérieux
que cette nouvelle Maîtresse dont il vante
tant la fidelité , n'est qu'une volige ,
et que c'est lui , Rosimont , qu'elle aimoit
; le Chevalier rèpond d'un ton babadin
que cela pourroit bien être ; Rosirmont
qui prend ces discours pour une
plaisanterie , dit au Chevalier qu'il ne
lui enlevera pas impunément sa conquêté
; ils se querellent tout de bon , et prêts
à sortir pour aller terminer ailleurs leur
different à la pointe de l'épée , Florise
et Jacinte parée du Bouquet , arrivent ;
elles trouvent leurs Amans fort agitez , elles
leur demande le sujet de leur dispute;
Rosimont reproche à Florise d'aimer le
Chevalier , puisque c'est elle qui s'est parée
de son Bouquet ; le Chevalier ne
comprend rien à ce reproche , n'ayant
jamais vû , dit- il , Florise ; Jacinte reproche
aussi au Chevalier de courir de
Belle en Belle ; Violette, arrive , qui développe
1 : quiproquo du Bouquet , en
disant que Florise ne s'en étoit parée
G qu'à
2046 MERCURE DE FRANCE
qu'à la priere de sa Cousine , & c . Les
deux Amans conviennent de la bonne.
foi de leurs Maîtresses , se raccommodent
avec elles et sortent ensemble pour
aller demander le consentement à leurs
parens pour célebrer ce double Mariage.
Cette Piece , qui a été applaudie , est
des sieurs Romagnesy et Riccoboni ; elle
est terminée par une Fête très - galante'
mise en Musique par M. Mouret.
Vers libres et en un Acte , jouée an
Théatre Italien , qui apour titre le Bouquet
, annoncée dans le dernier Mercure
R
Osimont et le Chevalier Muguet , se
·rencontrent dans un Jardin public ,
où a Scene se passe Rosimont reproche
au chevalier , son ancien ami , de ne lui
avoir pas fait sçavoir plutôt son arrivée le
Chevalier s'excuse sur un nouvel amour
qui l'a occupé tour entier , malgré son
inconstance ordinaire ; Rosimont est surpris
d'un amour si sérieux ; le Chevalier
fait l'éloge de l'Inconstance , et Rosimont
celui de la Fidelité ; le premier proteste
que son nouvel amour sera constant , et
se flatte d'obtenir en mariage celle qui
en est l'objet ; il lui dit que ce jour étant
la Fête de sa nouvelle Maîtresse , il a
chargé Tricolor , son Valet , de lui présenter
un Bouquet de sa part. Tricolor
vient
SEPTEMBRE. 1733. 2043
fent avec le Bouquet ; Rosimont , en
'examinant , plaisante sur quelques Paillons
qui sont sur les fleurs , attendu
qu'ils sont le simbole de la légereté ; le
Chevalier lui dit que son inconstance
naturelle , exprimée dans son Bouquet ,
est un nouveau trophée pour la Beauté
qui en a triomphé ; il promet à Rosinont
de lui apprendre le succès de son
amour ,quand il en sera temps.
Rosimont doute fort de ce prétendu
succès, et quitte le Chevalier pour s'aller
promener dans une autre allée du Jardin,
dans l'esperance d'y rencontrer Florise
son ancienne Maîtresse. Violette , Suivante
de Jacinte , nouvelle Maîtresse du Che
valier , arrive ; le Chevalier lui demande
vec empressement des nouvelles de sa
Maîtresse ; Tricolor lui en demande d'ele
même ; le Chevalier Muguet lui ordonne
de se taire ; mais ce Valet lui ré
pond que c'est à lui à parler , puisqu'il
est l'Amant de Violette , et qu'il
n'auroit pas l'indiscrétion de l'interromare
s'il parloit à Jacinte , sa Maîtresse.
Le Chevalier se retire pour laisser son
Valet en liberté de faire le message dont
il l'a chargé. Aprés une conversation
courte et badine entre Tricolor et la
Soubrette , la Maîtresse arrive . Le Valet
2044 MERCURE DE FRANCE
let lui présente le Bouquet de son Maître
, Jacinte le reçoit avec plaisir , mais
y voyant briller quelques diamans , elle
veut le rendre à Tricolor . Violette s'en
saisit , de peur que sa Maîtresse ne le
refuse par bienséance . Jacinte qui craint
la sévérité de son pere , consent à le
garder , pourvû qu'elle puisse cacher
qu'il vient de la main d'un Amant. Elle
ordonne à Violette de le porter à sa cousine
Florise , Maîtresse de Rosimond ,
afin qu'elle paroisse l'Auteur de cette
galanterie ; ce projet est executé , Florise
veut pourtant avoir le plaisir de s'en
parer pour quelques heures . Rosimont ,
que le Chevalier a instruit du favorable
accueil que sa nouvelle Maîtresse a fait
à son Bouquet , sans pourtant lui apprendre
son nom , est très- surpris en
trouvant Florise , son Amante , de voir
ce fatal Bouquet sur son sein ; sa jalousie
ne peut s'empêcher d'éclater , il reproche
à Florise une infidélité dont elle
ose faire parade à ses yeux . Florise ne
comprend rien aux reproches qu'il lui
fait , et ne doute point qu'il ne prenne ,
d'une inconstance prétendue , un prétexte
pour en autoriser un veritable. Ils
se quittent très - mal satisfaits l'un de
Pautre , Florise sort.
Le
SEPTEMBRE. 1733- 2045
Le Chevalier arrive , transporté de
joye il vient joindre Rosimond , pour
lui dire que ses affaires vont à merveille,
que le Bouquet a été reçû favorablement,
et qu'il va posseder sa charmante Maîtresse
; Rosimont , peu satisfait de cette
confidence , lui répond d'un air sérieux
que cette nouvelle Maîtresse dont il vante
tant la fidelité , n'est qu'une volige ,
et que c'est lui , Rosimont , qu'elle aimoit
; le Chevalier rèpond d'un ton babadin
que cela pourroit bien être ; Rosirmont
qui prend ces discours pour une
plaisanterie , dit au Chevalier qu'il ne
lui enlevera pas impunément sa conquêté
; ils se querellent tout de bon , et prêts
à sortir pour aller terminer ailleurs leur
different à la pointe de l'épée , Florise
et Jacinte parée du Bouquet , arrivent ;
elles trouvent leurs Amans fort agitez , elles
leur demande le sujet de leur dispute;
Rosimont reproche à Florise d'aimer le
Chevalier , puisque c'est elle qui s'est parée
de son Bouquet ; le Chevalier ne
comprend rien à ce reproche , n'ayant
jamais vû , dit- il , Florise ; Jacinte reproche
aussi au Chevalier de courir de
Belle en Belle ; Violette, arrive , qui développe
1 : quiproquo du Bouquet , en
disant que Florise ne s'en étoit parée
G qu'à
2046 MERCURE DE FRANCE
qu'à la priere de sa Cousine , & c . Les
deux Amans conviennent de la bonne.
foi de leurs Maîtresses , se raccommodent
avec elles et sortent ensemble pour
aller demander le consentement à leurs
parens pour célebrer ce double Mariage.
Cette Piece , qui a été applaudie , est
des sieurs Romagnesy et Riccoboni ; elle
est terminée par une Fête très - galante'
mise en Musique par M. Mouret.
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Résumé : EXTRAIT de la petite Comédie en Vers libres et en un Acte, joüée au Théatre Italien, qui a pour titre le Bouquet, annoncée dans le dernier Mercure.
La pièce de théâtre 'Le Bouquet' se déroule dans un jardin public où Rosimont rencontre le Chevalier Muguet. Rosimont reproche à son ancien ami de ne pas lui avoir annoncé son arrivée plus tôt. Le Chevalier s'excuse en invoquant un nouvel amour qui l'a occupé. Rosimont est surpris par la constance de cet amour, tandis que le Chevalier vante l'inconstance. Il promet à Rosimont de lui révéler le succès de son amour en temps voulu. Tricolor, le valet du Chevalier, apporte un bouquet à Jacinte, la nouvelle maîtresse du Chevalier. Jacinte accepte le bouquet mais demande à le cacher, craignant la sévérité de son père. Elle envoie le bouquet à sa cousine Florise, la maîtresse de Rosimont, pour éviter les apparences. Rosimont, informé par le Chevalier de l'accueil favorable du bouquet, est jaloux en voyant Florise le porter. Une dispute éclate entre Rosimont et Florise, qui ne comprend pas les reproches. Le Chevalier arrive, joyeux, et annonce à Rosimont que ses affaires vont bien. Rosimont révèle que Florise est sa maîtresse, ce qui mène à une querelle entre les deux hommes. Florise et Jacinte interviennent, et Violette, la suivante de Jacinte, explique le quiproquo. Les amants se réconcilient et décident de demander le consentement de leurs parents pour célébrer un double mariage. La pièce, applaudie, est écrite par les sieurs Romagnesy et Riccoboni et se termine par une fête galante mise en musique par M. Mouret.
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357
p. 2047-2052
EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle du Mariage, de l'Opera Comique, représentée le 20. Août, annoncée dans le dernier Mercure.
Début :
Le Théatre représente une Isle, et la Mer dans l'éloignement ; on y voit [...]
Mots clefs :
Hymen, Époux, Fille, Aimer, Temple, Amour, Amant, Vaudeville, Opéra comique
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle du Mariage, de l'Opera Comique, représentée le 20. Août, annoncée dans le dernier Mercure.
EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle
du Mariage , de l'Opera Comique, représentée
le 20. Août , annoncée dans le
dernier Mercure.
L
E Théatre représente une Isle , et
la Mer dans l'éloignement ; on y voit
le Temple de l'Hymen caractérisé avec
ses attributs. L'Hymen ouvre la Scene
par ce Vaudeville , sur l'Air des Folies
d'Espagne.
Tendres Epoux , dont j'ai fini les peines,
Vous , qui goûtez les plaisirs les plus doux ,
Chantez ici le pouvoir de mes chaines ;
Dans ces beaux lieux , venez , heureux Epoux.
L'Hymen surpris de ne voir personne ,
continue de les appeller et de les exciter
au plaisir. L'Indifference personifiée paroît
seule , et chaute sur l'Air du Badinage.
Pour un Dieu comme vous
Vous n'êtes pas trop sage
D'insulter aux Epoux ,
Dans leur triste esclavage ;
Aujourd'hui qui s'engage ,
Sons les loix de l'Hymen ,
Demain ,
Renonce au badinage.
Gij L'In2048
MERCURE DE FRANCE
L'Indifference lui fait entendre que
les coeurs lui appartiennent de droit ;
aussi-tôt qu'ils sont sous son Empire , mais
Hymen rejette sur elle les mauvais procedez
des Epoux , & c.
Un Vieillard survient , qui a épousé
par inclination une jeune fille ; il se plaint
à l'Hymen de n'être point aimé , celuicy
lui répond que c'est plutôt sa faute
que la sienne , et qu'il ne doit pas lui
imputer une sottise que l'Amour lui a
fait faire , & c.
Une petite fille arrive , qui dit à
'Hymen qu'elle va se marier à un Amant
qu'elle aime , et que sa Mere veut lui
en donner un autre qu'elle n'aime point;
elle fait le portrait de tous les deux par
ce Vaudeville , qu'elle chante sur un Air
de la Comédie Italienne:
L'un est contrariant , farouche ;
Il n'a que des sermons en bouche ;
C'est un vrai Gaulois,
LOKA
L'autre est complaisant et traitable
Il badine , il aime la rable ,
C'est un vrai François ,
Autre sur l'Air des Débuts,
Quand celui-cy me sçait seulette ,
Pans ma chambre il aime à monter ;
D'abord
س و
LAYA DIL
2949 *755•
Dabord à mon col il se jette.
L'Hymen
C'est fort bien débuter.
La petite Fille.
Mais l'autre avec un air benest ,
Attend qu'on me fasse descendre'
Il me salue et puis se taist.
L'Hymen.
C'est mal s'y prendre.
La petite Fille quitte l'Hymen en le
conjurant de l'unir à l'Amant qu'elle
aime , & c.
- Un Gascon arrive et dit à l'Hymen
que si complaisance l'a conduit dans
son Temple , plutôt que lAmour , et
qu'il se fait violence pour épouser une
fille , belle , riche , sage , jeune & noble ,
il chante sur l'Air du Cap de bonne esperance.
J'attendris la plus cruelle ,
Panéantis son orgueil ,
La Beauté la plus rebelle .
M'évite comme un écueil ;
Aux Maris je fais la guerre
Mon aspect les desespere ;
Je suis leur épouvantail .
L'Univers est mon Serrail.
Ginj I
2050 MERCURE DE FRANCE
Il dit en sortant qu'il ne veut poing
se gêner en rien , et qu'il est comptable
de tous ses momens à l'Amour.
Un Suisse survient , qui se loüe fort
de l'Hymen , puisqu'il lui a donné une
femme qui , non seulement à la complaisance
de le laisser boire tant qu'il
veut , mais qui boit aussi de même pour
lui tenir compagnie.
Une jeune femme vient se plaindre
au Dieu de l'Hymen , de ce que depuis
qu'elle est mariée , son Mari lui préfere
une Maîtresse laide et coquette.
L'Hymen la plaint et blâme l'injustice
de son Epoux ; elle répond par ce Vaudeville
, sur l'Air : Charmante Gabrielle.
L'Amant est tout de flamme ,
Quand il veut être Epoux ,
Mais l'Hymen dans son ame
Eteint des feux si doux :
Triste ceremonię
Malheureux jour !
Si -tôt qu'on se marie ,
Adieu l'Amour.
Elle quitte l'Hymen , qui lui dit de
tout esperer de ses charmes et de sa
vertu .
Un gros Fermier vient remercier l'Hy .
men ,
SEPTEMBRE. 1733. 201
men , de lui avoir donné une femme
qui , par sa bonne mine , fait venir l'eau
au Moulin , il lui fait entendre qu'elle
est aimée du Seigneur de son Village
qui est complaisant , généreux et qu'il
a mille bontez pour lui ; l'Hymen répond
qu'il est charmé d'avoir fait son
bonheur et chante sur l'Air des Fraises.
Combien d'Epoux malheureux ,
Pour mieux vivre à leur aise ,
Prudemment ferment les yeux ,
Et suivent l'exemple heureux ,
Dé Blaise *, de Blaise , de Blaise
Léonore arrive avec sa Suivante Olivette
; elle est fort surprise de ne pas
trouver Léandre son Amant au Temple
de l'Hymen ce Dieu la questionne
et lui demande quel chemin elle a pris
pour arriver dans son Isle ; elle lui répond
sur l'Air de la Ceinture.
Nous avons du Temple d'Amour ,
Parcouru le séjour aimable.
L'Hymen.
Pour arriver droit à ma Cour ,
La route n'est pas favorable.
Enfin Léandre arrive , accompagné de
Pierrot , qui dit à Olivette qu'ayant pris
Giiij . le
2052 MERCURE DE FRANCE
le même chemin que son Maître , elle
doit aussi faire son bonheur. Léandre
épouse Léonore sous les auspices de l'Hymen
, qui leur promet mille douceurs ,
à quoi Olivette répond sur l'Air du
Charivari.
L'Hymen dore la pilule ,
C'est un Matois .
Dès qu'une fille crédule ,
Est sous ses Loix ,
Que fait près d'elle sọn Mary
Charivari.
Léandre dit à sa Maîtresse , sur l'Air
J'entends déja le bruit des Armes.
Couronnez l'ardeur qui me presse ,
Dans ce Temple portons nos pas ;
L'Amour m'y conduira sans cesse
Oui , j'en jure par vos appas.
Léonore.
C'est l'Amant qui fait la promesse ;
Mais l'Epoux ne la tiendra. pas.
Cette Piece , qui a été goûtée du Pưblic
, finit par un Balet caractérisé , sui .
vi d'un Vaudeville ; elle est de la conposition
de M. Carolet , qui travaille à
donner un 9. volume du Théatre de la
Foire , qui contiendra onze Pieces de sa
composition.
du Mariage , de l'Opera Comique, représentée
le 20. Août , annoncée dans le
dernier Mercure.
L
E Théatre représente une Isle , et
la Mer dans l'éloignement ; on y voit
le Temple de l'Hymen caractérisé avec
ses attributs. L'Hymen ouvre la Scene
par ce Vaudeville , sur l'Air des Folies
d'Espagne.
Tendres Epoux , dont j'ai fini les peines,
Vous , qui goûtez les plaisirs les plus doux ,
Chantez ici le pouvoir de mes chaines ;
Dans ces beaux lieux , venez , heureux Epoux.
L'Hymen surpris de ne voir personne ,
continue de les appeller et de les exciter
au plaisir. L'Indifference personifiée paroît
seule , et chaute sur l'Air du Badinage.
Pour un Dieu comme vous
Vous n'êtes pas trop sage
D'insulter aux Epoux ,
Dans leur triste esclavage ;
Aujourd'hui qui s'engage ,
Sons les loix de l'Hymen ,
Demain ,
Renonce au badinage.
Gij L'In2048
MERCURE DE FRANCE
L'Indifference lui fait entendre que
les coeurs lui appartiennent de droit ;
aussi-tôt qu'ils sont sous son Empire , mais
Hymen rejette sur elle les mauvais procedez
des Epoux , & c.
Un Vieillard survient , qui a épousé
par inclination une jeune fille ; il se plaint
à l'Hymen de n'être point aimé , celuicy
lui répond que c'est plutôt sa faute
que la sienne , et qu'il ne doit pas lui
imputer une sottise que l'Amour lui a
fait faire , & c.
Une petite fille arrive , qui dit à
'Hymen qu'elle va se marier à un Amant
qu'elle aime , et que sa Mere veut lui
en donner un autre qu'elle n'aime point;
elle fait le portrait de tous les deux par
ce Vaudeville , qu'elle chante sur un Air
de la Comédie Italienne:
L'un est contrariant , farouche ;
Il n'a que des sermons en bouche ;
C'est un vrai Gaulois,
LOKA
L'autre est complaisant et traitable
Il badine , il aime la rable ,
C'est un vrai François ,
Autre sur l'Air des Débuts,
Quand celui-cy me sçait seulette ,
Pans ma chambre il aime à monter ;
D'abord
س و
LAYA DIL
2949 *755•
Dabord à mon col il se jette.
L'Hymen
C'est fort bien débuter.
La petite Fille.
Mais l'autre avec un air benest ,
Attend qu'on me fasse descendre'
Il me salue et puis se taist.
L'Hymen.
C'est mal s'y prendre.
La petite Fille quitte l'Hymen en le
conjurant de l'unir à l'Amant qu'elle
aime , & c.
- Un Gascon arrive et dit à l'Hymen
que si complaisance l'a conduit dans
son Temple , plutôt que lAmour , et
qu'il se fait violence pour épouser une
fille , belle , riche , sage , jeune & noble ,
il chante sur l'Air du Cap de bonne esperance.
J'attendris la plus cruelle ,
Panéantis son orgueil ,
La Beauté la plus rebelle .
M'évite comme un écueil ;
Aux Maris je fais la guerre
Mon aspect les desespere ;
Je suis leur épouvantail .
L'Univers est mon Serrail.
Ginj I
2050 MERCURE DE FRANCE
Il dit en sortant qu'il ne veut poing
se gêner en rien , et qu'il est comptable
de tous ses momens à l'Amour.
Un Suisse survient , qui se loüe fort
de l'Hymen , puisqu'il lui a donné une
femme qui , non seulement à la complaisance
de le laisser boire tant qu'il
veut , mais qui boit aussi de même pour
lui tenir compagnie.
Une jeune femme vient se plaindre
au Dieu de l'Hymen , de ce que depuis
qu'elle est mariée , son Mari lui préfere
une Maîtresse laide et coquette.
L'Hymen la plaint et blâme l'injustice
de son Epoux ; elle répond par ce Vaudeville
, sur l'Air : Charmante Gabrielle.
L'Amant est tout de flamme ,
Quand il veut être Epoux ,
Mais l'Hymen dans son ame
Eteint des feux si doux :
Triste ceremonię
Malheureux jour !
Si -tôt qu'on se marie ,
Adieu l'Amour.
Elle quitte l'Hymen , qui lui dit de
tout esperer de ses charmes et de sa
vertu .
Un gros Fermier vient remercier l'Hy .
men ,
SEPTEMBRE. 1733. 201
men , de lui avoir donné une femme
qui , par sa bonne mine , fait venir l'eau
au Moulin , il lui fait entendre qu'elle
est aimée du Seigneur de son Village
qui est complaisant , généreux et qu'il
a mille bontez pour lui ; l'Hymen répond
qu'il est charmé d'avoir fait son
bonheur et chante sur l'Air des Fraises.
Combien d'Epoux malheureux ,
Pour mieux vivre à leur aise ,
Prudemment ferment les yeux ,
Et suivent l'exemple heureux ,
Dé Blaise *, de Blaise , de Blaise
Léonore arrive avec sa Suivante Olivette
; elle est fort surprise de ne pas
trouver Léandre son Amant au Temple
de l'Hymen ce Dieu la questionne
et lui demande quel chemin elle a pris
pour arriver dans son Isle ; elle lui répond
sur l'Air de la Ceinture.
Nous avons du Temple d'Amour ,
Parcouru le séjour aimable.
L'Hymen.
Pour arriver droit à ma Cour ,
La route n'est pas favorable.
Enfin Léandre arrive , accompagné de
Pierrot , qui dit à Olivette qu'ayant pris
Giiij . le
2052 MERCURE DE FRANCE
le même chemin que son Maître , elle
doit aussi faire son bonheur. Léandre
épouse Léonore sous les auspices de l'Hymen
, qui leur promet mille douceurs ,
à quoi Olivette répond sur l'Air du
Charivari.
L'Hymen dore la pilule ,
C'est un Matois .
Dès qu'une fille crédule ,
Est sous ses Loix ,
Que fait près d'elle sọn Mary
Charivari.
Léandre dit à sa Maîtresse , sur l'Air
J'entends déja le bruit des Armes.
Couronnez l'ardeur qui me presse ,
Dans ce Temple portons nos pas ;
L'Amour m'y conduira sans cesse
Oui , j'en jure par vos appas.
Léonore.
C'est l'Amant qui fait la promesse ;
Mais l'Epoux ne la tiendra. pas.
Cette Piece , qui a été goûtée du Pưblic
, finit par un Balet caractérisé , sui .
vi d'un Vaudeville ; elle est de la conposition
de M. Carolet , qui travaille à
donner un 9. volume du Théatre de la
Foire , qui contiendra onze Pieces de sa
composition.
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Résumé : EXTRAIT de la petite Piece de l'Isle du Mariage, de l'Opera Comique, représentée le 20. Août, annoncée dans le dernier Mercure.
La pièce de théâtre 'Le Mariage' de l'Opéra Comique, représentée le 20 août, se déroule sur une île où se trouve un temple dédié à l'Hymen. L'Hymen ouvre la scène en invitant les époux à célébrer leur bonheur, mais il est surpris par leur absence. L'Indifférence apparaît alors, affirmant que les cœurs lui appartiennent dès qu'ils sont sous son empire. Un vieillard se plaint à l'Hymen de ne pas être aimé par sa jeune épouse, et l'Hymen lui répond que c'est plutôt sa faute. Une petite fille arrive et explique qu'elle va se marier avec un amant qu'elle aime, tandis que sa mère veut lui imposer un autre époux. Elle décrit les deux hommes à travers des vaudevilles. Un Gascon explique ensuite qu'il se marie par complaisance plutôt que par amour. Un Suisse loue l'Hymen pour lui avoir donné une épouse qui partage son goût pour l'alcool. Une jeune femme se plaint de son mari infidèle, et l'Hymen la console en lui promettant qu'elle retrouvera l'amour grâce à ses charmes et à sa vertu. Un fermier remercie l'Hymen pour lui avoir donné une épouse aimée du seigneur du village. Léonore arrive au temple de l'Hymen à la recherche de son amant Léandre, qui finit par arriver et l'épouse sous les auspices de l'Hymen. La pièce se termine par un ballet et un vaudeville. La pièce est de la composition de M. Carolet, qui prépare un neuvième volume du Théâtre de la Foire.
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358
p. 2053
VAUDEVILLE.
Début :
L'Hymen a quelquefois des charmes, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Abbé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VAUDEVILLE.
VAUDEVILLE.
L'Hymen a quelquefois des charmes ,
Quand l'Amour lui préte ses Armes ;
Sous son Empire tout nous rit ;
Mais souvent l'Amour fait retraire
Tâtez- en tourelourirette ,
Si le coeur vous en dit.
*
Un Abbé dans une ruelle ,
En secret amuse une Belle ,
Un Petit Maître l'étourdit ;
De. l'Abbé je ferois emplette ;
Tâtez-en , & c.
M
18
;
Si cette Piece à sçû vous plaire',
Pour l'Auteur , quel plus doux salaire !'
Votre suffrage lui suffit ;
La voila telle qu'elle est faite ,
Tâtez en , tourelourirette ',,
Si le coeur vous en dit.-
L'Hymen a quelquefois des charmes ,
Quand l'Amour lui préte ses Armes ;
Sous son Empire tout nous rit ;
Mais souvent l'Amour fait retraire
Tâtez- en tourelourirette ,
Si le coeur vous en dit.
*
Un Abbé dans une ruelle ,
En secret amuse une Belle ,
Un Petit Maître l'étourdit ;
De. l'Abbé je ferois emplette ;
Tâtez-en , & c.
M
18
;
Si cette Piece à sçû vous plaire',
Pour l'Auteur , quel plus doux salaire !'
Votre suffrage lui suffit ;
La voila telle qu'elle est faite ,
Tâtez en , tourelourirette ',,
Si le coeur vous en dit.-
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Résumé : VAUDEVILLE.
Le texte est un extrait de vaudeville sur l'amour et le mariage. Il souligne que l'amour peut rendre le mariage agréable mais peut aussi se retirer. Une scène montre un abbé et un jeune homme courtisant une femme. L'auteur préfère l'abbé mais laisse le jugement au lecteur. Il invite le public à apprécier la pièce et à décider s'il l'aime.
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359
p. 2157-2159
MADRIGAUX. Imitez de l'Italien du Guarini, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Début :
LA SEDE D'AMORE. Madrig. IV. / Dov'hai tu Nido, Amore, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Imitation, Battista Guarini
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAUX. Imitez de l'Italien du Guarini, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
MADRIGAUX.
Imitez de l'Italien du Guarini
› par
Mlle de Malcrais de la Vigne , dn´
Croisic en Bretagne.
LA SEDE D'AMORE. Madrig. IV,
Dov'hai tu Nido , Amore ,
Nel viso di Madonna , o nel mio core ?
S'ia miro come splendi ,
Se' tutto in quel bel volto ;
Ma se poi come impiaghi , e come accendi ,
Se tutto in me raccolto.
V
Deb ! se mostrar le meraviglie vuoi ,
Del tuo poter in noi ;
Tal'hor cangia ricetto ,
Ed entra , à me nel viso , à lei nel petto.
La Demeure de l'Amour. Imitation ,
Amour, qui sous tes loix tiens mon ame asservie
Où loges-tu , cruel Amour ?
Est-ce sur le tein de Sylvie ?
.
Ou bien as-tu choisi mon coeur pour ton séjourt
Si je pense aux beautez dont l'éclat t'environne ,
Tu dois sur son visage avoir fondé ton Tròne;
Quand je pense au flambeau dont on t'a peint
ping ,
2158 FRCURE
DE FRANCE
Je sens que mon coeur allumé ,
Est la triste denture où s'exerce ta rage ;
Daigne faire un change, Amour , en ma fæyeur
;
Vien te placer sur mon visage ,
Et va te loger dans son coeur,
MIRAR MORTALE Madrig. LV.
To mi sento Morir , quando non miro
Colei , ch'è la mia vita ;
Poi se la miro , anco morir mi sento,
Perche del mio tormento
Non ha pietà la cruda , e non m'aità ,
E sa pur si l'adoro ,
Cosi mirando e non mirando i' more.
La vie de sa Maîtresse le met en danger
de sa vie , Imitation .
Aussi- tôt que je ne vois pas ,
Celle pour qui je voudrois vivre ,
Je sens approcher le trépas.
Quand je la voi , les maux où sa rigueur me
livre ,
Me menacent du même sort.
Ainsi la Belle que j'adore ,
Et qu'en vain ma douleur à chaque instant implore
,
Ne peut me donner que la mort.
FEDE
OCTOBRE. 1733 2159
FEDE GIUSTIFICATA . Madrig. XI.
To disleale ! ah cruda ,
Voi negate la fede' ,
Per non mi dar mercede.
Se non basta il languire ,
Provate mi al morire ;
E se ciù ricusate ,
Per che la fede negate ?
Che provar non volete
O provate , o credete.
La FIDELITE' JUSTIFIE'E , Imitation.
Moi je suis un perfide ! outrage ! ah ! cruauté!
Pour ne point accorder à ma persévérance ,
Le løyer qu'elle a mérité ,
Vous faignez de douter de ma fidelité .
Ah ! si mes tendres feux , mes tourmens , ma
constance
?
Si ces garans certains ne vous ssuufffisent pas ,
Pour vous en mieux convaincre, ordonnez mon
trépas.
}
Mais ne m'objectez point que l'épreuve est trop
dure ,
Vous dont la barbarie insulte à la Nature ;
Et lasse de me voir souffrir ,
Ou croyez-moy de grace, ou laissez-moi mourir .
Imitez de l'Italien du Guarini
› par
Mlle de Malcrais de la Vigne , dn´
Croisic en Bretagne.
LA SEDE D'AMORE. Madrig. IV,
Dov'hai tu Nido , Amore ,
Nel viso di Madonna , o nel mio core ?
S'ia miro come splendi ,
Se' tutto in quel bel volto ;
Ma se poi come impiaghi , e come accendi ,
Se tutto in me raccolto.
V
Deb ! se mostrar le meraviglie vuoi ,
Del tuo poter in noi ;
Tal'hor cangia ricetto ,
Ed entra , à me nel viso , à lei nel petto.
La Demeure de l'Amour. Imitation ,
Amour, qui sous tes loix tiens mon ame asservie
Où loges-tu , cruel Amour ?
Est-ce sur le tein de Sylvie ?
.
Ou bien as-tu choisi mon coeur pour ton séjourt
Si je pense aux beautez dont l'éclat t'environne ,
Tu dois sur son visage avoir fondé ton Tròne;
Quand je pense au flambeau dont on t'a peint
ping ,
2158 FRCURE
DE FRANCE
Je sens que mon coeur allumé ,
Est la triste denture où s'exerce ta rage ;
Daigne faire un change, Amour , en ma fæyeur
;
Vien te placer sur mon visage ,
Et va te loger dans son coeur,
MIRAR MORTALE Madrig. LV.
To mi sento Morir , quando non miro
Colei , ch'è la mia vita ;
Poi se la miro , anco morir mi sento,
Perche del mio tormento
Non ha pietà la cruda , e non m'aità ,
E sa pur si l'adoro ,
Cosi mirando e non mirando i' more.
La vie de sa Maîtresse le met en danger
de sa vie , Imitation .
Aussi- tôt que je ne vois pas ,
Celle pour qui je voudrois vivre ,
Je sens approcher le trépas.
Quand je la voi , les maux où sa rigueur me
livre ,
Me menacent du même sort.
Ainsi la Belle que j'adore ,
Et qu'en vain ma douleur à chaque instant implore
,
Ne peut me donner que la mort.
FEDE
OCTOBRE. 1733 2159
FEDE GIUSTIFICATA . Madrig. XI.
To disleale ! ah cruda ,
Voi negate la fede' ,
Per non mi dar mercede.
Se non basta il languire ,
Provate mi al morire ;
E se ciù ricusate ,
Per che la fede negate ?
Che provar non volete
O provate , o credete.
La FIDELITE' JUSTIFIE'E , Imitation.
Moi je suis un perfide ! outrage ! ah ! cruauté!
Pour ne point accorder à ma persévérance ,
Le løyer qu'elle a mérité ,
Vous faignez de douter de ma fidelité .
Ah ! si mes tendres feux , mes tourmens , ma
constance
?
Si ces garans certains ne vous ssuufffisent pas ,
Pour vous en mieux convaincre, ordonnez mon
trépas.
}
Mais ne m'objectez point que l'épreuve est trop
dure ,
Vous dont la barbarie insulte à la Nature ;
Et lasse de me voir souffrir ,
Ou croyez-moy de grace, ou laissez-moi mourir .
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Résumé : MADRIGAUX. Imitez de l'Italien du Guarini, par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.
Le texte présente une série de madrigaux, des poèmes lyriques d'origine italienne, imités par Mlle de Malcrais de la Vigne, originaire du Croisic en Bretagne. Ces madrigaux explorent divers aspects de l'amour et de la souffrance amoureuse. Dans 'La Sède d'Amore' (La Demeure de l'Amour), le poète s'interroge sur la localisation de l'amour, qu'il soit sur le visage de la bien-aimée ou dans son propre cœur, décrivant l'amour comme une force changeante. Dans 'MIRAR MORTALE', le poète exprime son tourment en présence ou en absence de sa maîtresse, se sentant mourir lorsqu'il ne la voit pas et souffrant lorsqu'il la voit, car elle ne montre aucune pitié. Dans 'FEDE GIUSTIFICATA' (La Fidélité Justifiée), le poète se plaint de l'infidélité de sa bien-aimée, qui doute de sa fidélité malgré ses souffrances et sa constance, allant jusqu'à envisager la mort comme preuve ultime. Ces madrigaux illustrent les thèmes de l'amour, de la souffrance et de la fidélité, mettant en avant les tourments du poète face à l'indifférence ou à la cruauté de sa bien-aimée.
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360
p. 2175-2178
LE TRIOMPHE de la raison. ODE.
Début :
Enfin vous êtes revenuë, [...]
Mots clefs :
Amour, Âme, Raison, Voix, Ingrate, Cieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE de la raison. ODE.
LE TRIOMPHE
de la raison .
OD E.
Enfin vous êtes revenue ,
Douce raison , fille des cieux ;
Pour une ame trop prêvenue ,
Vous êtes un présent des Dieux
Enfin j'abandonne Climene ;
Honteux d'avoir pour l'inhumaine ,
Méprisé long-temps, votre voix ,
Je hais mon ancien esclavage ,
Et pour jamais devenu sage ,
Je viens me ranger sous vos Loix. É
T
Heu2176
MERCURE DE FRANCE
Heureux qui toujours vous adore
Malgré le feu des jeunes ans !
Heureux qui vous retrouve encore
Après de longs égaremens !
La Paix , cette aimable immortelle ,
Est votre compagne éternelle.
Vous nous comblez de mille dons ;
Mais , infortunez que nous sommes
Nous cessons d'être vraiment hommes ,
Du moment que nous vous perdons.
來
Quelquefois , Neptume docile ,
Tient ses Ondes dans le repos ;
La nature paroît tranquille ;
Le Zéphir joue avec les Flots 3
Déja la voile se déploïe ,
Déja poussant des cris de joïe ,
Le Naucher s'éloigne du bord ;
Mais bien-tôt l'affreuse tempête ,.
Lui montre la mort toute prête ,
Et lui fait regretter le Port.
M
Par de semblables artifices ,
L'amour trahit les jeunes coeurs 5
Il conduit dans des Précipices ,
Par des chemins semez de Acurs ;
Nous
OCTOBRE . 1733 .
2177
Nous suivons une douce pente ;
D'abord il flatte notre attente ,
Par l'espoir d'un bien qui nous fuit;
Notre ame sans effort s'engage
Et ne chérit rien davantage ,
Que le charme qui la séduit.
龍
>
Grands Dieux ! qu'un coeur tendre et sincere ,
Ressent de troubles en un jour ,
Lorsque par un objet sévere ,
Il voit mépriser son amour !
Envain par des ruisseaux de larmes,
Par des soupirs , par des allarmes ,
Nous exprimons nos déplaisirs
L'ingrate , parmi ses caprices ,
S'applaudit de ses injustices ,
Et se moque de nos soupirs.
Enfin notre dépit éclate ;
Impatiens de nous venger ,
Non contens de quitter l'ingratte ,
Nous osons encor l'outrager ;
Le désespoir seul nous possede ,
L'amour qui pour un temps lui céde ,
Paroît expirer dans nos coeurs ,
Tandis que caché dans notre ame ,
Cer
2178 MERCURE DE FRANCE
Certain du pouvoir de sa flamme
Il rit de nos vaines fureurs.
2
Bien-tôt cet amant si rebelle ,•
Quittant un impuissant courroux ;
Revient , en Esclave fidelle ,
Reprendre ses fers à genoux ;
Superbe alors de sa victoire ,
L'Ingrate , du haut de sa gloire ,
Exerce des droits rigoureux ;
Et l'infortuné qui l'adore ,
Par ses respects lui donne encore
Le droit de mépriser ses feux.
Une Divinité puissante ,
M'affranchit de ces maux divers ;
C'est vous , ô Raison bien - faisante !
Qui brisez aujourd'hui mes fers ;
Au fond de mon ame éperduë ,
Votre voix enfin descenduë ,
Parle et m'instruit du haut des Cieux ;`
A cetre voix l'Amour docile ,
Fuit , ainsi que l'Ombre mobile ,
Qui s'évanouit à nos yeux.
de la raison .
OD E.
Enfin vous êtes revenue ,
Douce raison , fille des cieux ;
Pour une ame trop prêvenue ,
Vous êtes un présent des Dieux
Enfin j'abandonne Climene ;
Honteux d'avoir pour l'inhumaine ,
Méprisé long-temps, votre voix ,
Je hais mon ancien esclavage ,
Et pour jamais devenu sage ,
Je viens me ranger sous vos Loix. É
T
Heu2176
MERCURE DE FRANCE
Heureux qui toujours vous adore
Malgré le feu des jeunes ans !
Heureux qui vous retrouve encore
Après de longs égaremens !
La Paix , cette aimable immortelle ,
Est votre compagne éternelle.
Vous nous comblez de mille dons ;
Mais , infortunez que nous sommes
Nous cessons d'être vraiment hommes ,
Du moment que nous vous perdons.
來
Quelquefois , Neptume docile ,
Tient ses Ondes dans le repos ;
La nature paroît tranquille ;
Le Zéphir joue avec les Flots 3
Déja la voile se déploïe ,
Déja poussant des cris de joïe ,
Le Naucher s'éloigne du bord ;
Mais bien-tôt l'affreuse tempête ,.
Lui montre la mort toute prête ,
Et lui fait regretter le Port.
M
Par de semblables artifices ,
L'amour trahit les jeunes coeurs 5
Il conduit dans des Précipices ,
Par des chemins semez de Acurs ;
Nous
OCTOBRE . 1733 .
2177
Nous suivons une douce pente ;
D'abord il flatte notre attente ,
Par l'espoir d'un bien qui nous fuit;
Notre ame sans effort s'engage
Et ne chérit rien davantage ,
Que le charme qui la séduit.
龍
>
Grands Dieux ! qu'un coeur tendre et sincere ,
Ressent de troubles en un jour ,
Lorsque par un objet sévere ,
Il voit mépriser son amour !
Envain par des ruisseaux de larmes,
Par des soupirs , par des allarmes ,
Nous exprimons nos déplaisirs
L'ingrate , parmi ses caprices ,
S'applaudit de ses injustices ,
Et se moque de nos soupirs.
Enfin notre dépit éclate ;
Impatiens de nous venger ,
Non contens de quitter l'ingratte ,
Nous osons encor l'outrager ;
Le désespoir seul nous possede ,
L'amour qui pour un temps lui céde ,
Paroît expirer dans nos coeurs ,
Tandis que caché dans notre ame ,
Cer
2178 MERCURE DE FRANCE
Certain du pouvoir de sa flamme
Il rit de nos vaines fureurs.
2
Bien-tôt cet amant si rebelle ,•
Quittant un impuissant courroux ;
Revient , en Esclave fidelle ,
Reprendre ses fers à genoux ;
Superbe alors de sa victoire ,
L'Ingrate , du haut de sa gloire ,
Exerce des droits rigoureux ;
Et l'infortuné qui l'adore ,
Par ses respects lui donne encore
Le droit de mépriser ses feux.
Une Divinité puissante ,
M'affranchit de ces maux divers ;
C'est vous , ô Raison bien - faisante !
Qui brisez aujourd'hui mes fers ;
Au fond de mon ame éperduë ,
Votre voix enfin descenduë ,
Parle et m'instruit du haut des Cieux ;`
A cetre voix l'Amour docile ,
Fuit , ainsi que l'Ombre mobile ,
Qui s'évanouit à nos yeux.
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Résumé : LE TRIOMPHE de la raison. ODE.
Le poème 'Le Triomphe de la raison', publié dans le Mercure de France en octobre 1733, exprime la joie du narrateur de retrouver la raison, vue comme un don divin, après une période d'égarement. Il renonce à son ancien esclavage et se soumet aux lois de la raison. Le texte compare la raison à la paix, qui offre de nombreux bienfaits mais que les hommes perdent souvent. Il met également en garde contre les dangers de l'amour, qui trahit les jeunes cœurs en les conduisant à leur perte. Le narrateur décrit les tourments d'un cœur sincère méprisé et la lutte intérieure entre l'amour et le désespoir. Finalement, la raison triomphe, brisant les chaînes de l'amour et instruisant le narrateur.
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361
p. 2185-2189
REMARQUES sur le Combat de Cupidon, et d'un Cocq, gravé en creux sur une Cornaline antique.
Début :
Les Sçavans de l'ancienne Egypte ne communiquoient les particularitez [...]
Mots clefs :
Amour, Coq, Nuit, Chant, Dard, Soleil, Cupidon, Messager, Combat, Cornaline antique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur le Combat de Cupidon, et d'un Cocq, gravé en creux sur une Cornaline antique.
REMARQUES sur le Combat de
Cupidon , et d'un Cocq , gravé en creux
sur une Cornaline antique.
Les
Es Sçavans de l'ancienne Egypte ne
communiquoient les particularitez
de leur Histoire , les Misteres Sacrez ,
et les secrets de la Nature , dont ils
avoient acquis la connoissance par l'experience
ou par le secours de l'Astronomie
, qu'à ceux qui étoient destinez à
la Couronne , au Ministere , ou au Sacerdoce
.
Leur science étoit si profonde et si
singuliere , que les Sages de la Grece ne
dédaignoient point de les consulter , et
d'apprendre d'eux ce qu'ils ne pouvoient
acquérir par la lecture ni par la spécu-
D lation
1186 MERCURE DE FRANCE
lation la plus laborieuse . On voit même
dans les Livres Sacrez que Moyse ne dédaigna
point de s'instruire de toutes leurs
Sciences .
Ces anciens Sçavans donnerent des
roms divins aux choses créées , pour
leur attirer plus de respect et de vénétation
de la part des hommes . Ils formerent
en même temps des Hieroglifes ou
des figures misterieuses , sous lesquelles
ils cachoient leur morale , leur politique
et même leurs passions , et ils se servoient
de ces Figures pour leurs Sceaux,
leurs Cachers, leurs Bagues. Ils gravoient
ou frappoient des Talismans sous certaines
constellations , sur diff rens métaux
propres , selon eux , à recevoir les
influences des Astres ; et cela pour rendre
leurs projets heureux et fortunez .
Le Hierogliphe dont il s'agit représente
Cupidon aîlé , avec ses attributs ,
sçavoir , un Carquois , un Dard , un Bouclier
. On n'y voit point son flambeau ,
parce qu'il y paroît en posture de Combattant,
tenant un Dard en sa main droite
et un Bouclier en sa gauche. On y voit
en même temps un Cccq qui se présente
à lui , ayant le col fort tendu , la tête
haute , avec sa fierté ordinaire.
Pour entrer dans le sujet de leur querelle
OCTOBRE. 1733. 2187
relle , il est bon de remarquer que le
Cocq a été regardé des Anciens comme
le simbole de la vigilance. C'est pourquoi
il étoit consacré au Dieu Mars ,
parce qu'un General d'Armée doit toujours
veiller et être sur ses gardes ; ou
parce que , au rapport de Lucien , Mars
changea en Cocq le Soldat Alectrion ,
en punition de ce qu'il n'avoit pas fait
bonne garde la nuit , que ce Dieu fut
surpris avec Vénus par Vulcain , lequel
les ayant envelopp z dans un filet de sa
façon , les exposa à la risée de toutes les
Divinitez Celestes. Le Cocq étoit aussi
consacré à Esculape , pour marquer la
vigilance d'un parfait Médecin,
Pausanias écrit d'ailleurs que le, Cocq
étoit respecté chez les Grecs comme le
Messager d'Apollon , à cause que par
son chant du matin , il annonce le retour
du Soleil. Ils le respectoient aussi
parce qu'ils auguroient par son chant
plus fréquent ou par son silence , les
heeureux ou les malheureux Evenemens .
Les Boetiens , par exemple , prévirent la
celebre victoire qu'ils remporterent sur
les Lacédémoniens , parce que le Cocq
avoit chanté toute la nuit qui précéda le
combat ; et selon le témoignage d'Ennius
, qui suivit Scipion l'Affricain dans
Dij toutes
2188 MERCURE DE FRANCE
toutes ses guerres , lorsque cet Oiseau est
vaincu , il se cache et se tait , mais s'il est
victorieux , il se montre fier et chante
souvent. Galli victi silere solent , canere
victores.
Je crois done que le sujet du Combat
de Cupidon contre ce Cocq , exprimé
sur cette Cornaline , est que l'Empire de
l'Amour n'est jamais plus puissant que
la nuit. C'est à ceux qui sont versez dans
l'art de la galanterie d'en juger. Comme
le Cocq annonce par son chant la fin
de la nuit et l'approche du jour , l'Amour
outré d'être obligé de ne pouvoir poursuivre
ses victoires et de les suspendre ,
s'en prend au Messager du Soleil , et
d'un coup de son Dard , tâche de lui
percer le gosier pour éteindre sa voix
incommode.
L'Amour souvent troublé par le Cocq vigilant ,
Lui dit tout en colere , et d'un ton menaçant ,
Messager du Soleil , Cocq toujours incommode,
Ne sçais-tu pas , cruel , que la nuit m'est commode
!
Ton chant précipité vient troubler les douceurs
Et les transports charmants où je plonge les
coeurs.
Qu'à ta voix le Lion manifeste sa crainte .
Que l'Oiseau de Minerve en ressente l'atteinte ,
L'Amour
+
OCTOBR E. 1733. 2189
L'Amour toujours vainqueur méprise ta fierté ;
Tu vas sentir un coup de sa dexterité.
Qu'Apollon te protege et son Fils Esculape ;
Scache qu'à mon pouvoir ici bas rien n'échappe.
L'Amour tout en furie , ayant ainsi parlé ,
Éssaya , mais en vain , de son Dard enflâmé ,
De percer le gosier du Cocq , qui par adresse ,
Ayant sçû l'éviter , entonne d'allegresse :
Co- que-ri- co Co-queri- co
S'il plaisoit à quelque ingénieux Antiquaire
de donner une exposition plus
naturelle à ce Hieroglife , le Possesseur
en auroit une parfaite reconnoissance ,
puisqu'elle donnera un nouveau mérite
à sa Pierre gravée.
Cupidon , et d'un Cocq , gravé en creux
sur une Cornaline antique.
Les
Es Sçavans de l'ancienne Egypte ne
communiquoient les particularitez
de leur Histoire , les Misteres Sacrez ,
et les secrets de la Nature , dont ils
avoient acquis la connoissance par l'experience
ou par le secours de l'Astronomie
, qu'à ceux qui étoient destinez à
la Couronne , au Ministere , ou au Sacerdoce
.
Leur science étoit si profonde et si
singuliere , que les Sages de la Grece ne
dédaignoient point de les consulter , et
d'apprendre d'eux ce qu'ils ne pouvoient
acquérir par la lecture ni par la spécu-
D lation
1186 MERCURE DE FRANCE
lation la plus laborieuse . On voit même
dans les Livres Sacrez que Moyse ne dédaigna
point de s'instruire de toutes leurs
Sciences .
Ces anciens Sçavans donnerent des
roms divins aux choses créées , pour
leur attirer plus de respect et de vénétation
de la part des hommes . Ils formerent
en même temps des Hieroglifes ou
des figures misterieuses , sous lesquelles
ils cachoient leur morale , leur politique
et même leurs passions , et ils se servoient
de ces Figures pour leurs Sceaux,
leurs Cachers, leurs Bagues. Ils gravoient
ou frappoient des Talismans sous certaines
constellations , sur diff rens métaux
propres , selon eux , à recevoir les
influences des Astres ; et cela pour rendre
leurs projets heureux et fortunez .
Le Hierogliphe dont il s'agit représente
Cupidon aîlé , avec ses attributs ,
sçavoir , un Carquois , un Dard , un Bouclier
. On n'y voit point son flambeau ,
parce qu'il y paroît en posture de Combattant,
tenant un Dard en sa main droite
et un Bouclier en sa gauche. On y voit
en même temps un Cccq qui se présente
à lui , ayant le col fort tendu , la tête
haute , avec sa fierté ordinaire.
Pour entrer dans le sujet de leur querelle
OCTOBRE. 1733. 2187
relle , il est bon de remarquer que le
Cocq a été regardé des Anciens comme
le simbole de la vigilance. C'est pourquoi
il étoit consacré au Dieu Mars ,
parce qu'un General d'Armée doit toujours
veiller et être sur ses gardes ; ou
parce que , au rapport de Lucien , Mars
changea en Cocq le Soldat Alectrion ,
en punition de ce qu'il n'avoit pas fait
bonne garde la nuit , que ce Dieu fut
surpris avec Vénus par Vulcain , lequel
les ayant envelopp z dans un filet de sa
façon , les exposa à la risée de toutes les
Divinitez Celestes. Le Cocq étoit aussi
consacré à Esculape , pour marquer la
vigilance d'un parfait Médecin,
Pausanias écrit d'ailleurs que le, Cocq
étoit respecté chez les Grecs comme le
Messager d'Apollon , à cause que par
son chant du matin , il annonce le retour
du Soleil. Ils le respectoient aussi
parce qu'ils auguroient par son chant
plus fréquent ou par son silence , les
heeureux ou les malheureux Evenemens .
Les Boetiens , par exemple , prévirent la
celebre victoire qu'ils remporterent sur
les Lacédémoniens , parce que le Cocq
avoit chanté toute la nuit qui précéda le
combat ; et selon le témoignage d'Ennius
, qui suivit Scipion l'Affricain dans
Dij toutes
2188 MERCURE DE FRANCE
toutes ses guerres , lorsque cet Oiseau est
vaincu , il se cache et se tait , mais s'il est
victorieux , il se montre fier et chante
souvent. Galli victi silere solent , canere
victores.
Je crois done que le sujet du Combat
de Cupidon contre ce Cocq , exprimé
sur cette Cornaline , est que l'Empire de
l'Amour n'est jamais plus puissant que
la nuit. C'est à ceux qui sont versez dans
l'art de la galanterie d'en juger. Comme
le Cocq annonce par son chant la fin
de la nuit et l'approche du jour , l'Amour
outré d'être obligé de ne pouvoir poursuivre
ses victoires et de les suspendre ,
s'en prend au Messager du Soleil , et
d'un coup de son Dard , tâche de lui
percer le gosier pour éteindre sa voix
incommode.
L'Amour souvent troublé par le Cocq vigilant ,
Lui dit tout en colere , et d'un ton menaçant ,
Messager du Soleil , Cocq toujours incommode,
Ne sçais-tu pas , cruel , que la nuit m'est commode
!
Ton chant précipité vient troubler les douceurs
Et les transports charmants où je plonge les
coeurs.
Qu'à ta voix le Lion manifeste sa crainte .
Que l'Oiseau de Minerve en ressente l'atteinte ,
L'Amour
+
OCTOBR E. 1733. 2189
L'Amour toujours vainqueur méprise ta fierté ;
Tu vas sentir un coup de sa dexterité.
Qu'Apollon te protege et son Fils Esculape ;
Scache qu'à mon pouvoir ici bas rien n'échappe.
L'Amour tout en furie , ayant ainsi parlé ,
Éssaya , mais en vain , de son Dard enflâmé ,
De percer le gosier du Cocq , qui par adresse ,
Ayant sçû l'éviter , entonne d'allegresse :
Co- que-ri- co Co-queri- co
S'il plaisoit à quelque ingénieux Antiquaire
de donner une exposition plus
naturelle à ce Hieroglife , le Possesseur
en auroit une parfaite reconnoissance ,
puisqu'elle donnera un nouveau mérite
à sa Pierre gravée.
Fermer
Résumé : REMARQUES sur le Combat de Cupidon, et d'un Cocq, gravé en creux sur une Cornaline antique.
Le texte décrit une gravure antique sur cornaline représentant le combat entre Cupidon et un coq. Les savants de l'ancienne Égypte partageaient leurs connaissances en histoire, mystères sacrés et secrets de la nature uniquement avec ceux destinés à la couronne, au ministère ou au sacerdoce. Leur science était si profonde que les sages grecs les consultaient. Les Égyptiens attribuaient des noms divins aux créatures pour leur attirer respect et vénération, et utilisaient des hiéroglyphes pour cacher leur morale, politique et passions. La gravure montre Cupidon ailé, muni d'un carquois, d'un dard et d'un bouclier, mais sans son flambeau, car il est en posture de combattant. Le coq, symbole de vigilance, est consacré à Mars et Esculape, et est respecté comme messager d'Apollon. Le combat entre Cupidon et le coq symbolise la lutte entre l'amour et la vigilance. Le coq, annonçant le jour, trouble les activités nocturnes de l'amour. Cupidon, furieux, tente en vain de faire taire le coq avec son dard. Le coq, évitant l'attaque, chante victorieusement. Le texte invite un antiquaire à offrir une autre interprétation de ce hiéroglyphe pour enrichir la valeur de la pierre gravée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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362
p. 2233-2249
Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna le premier Octobre la premiere [...]
Mots clefs :
Hippolyte, Thésée, Diane, Phèdre, Aricie, Amour, Père, Enfers, Mort, Monstre, Fils, Dieux, Vers, Théâtre, Destin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
' Académie Royale de Musique donna
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
Fermer
Résumé : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 1er octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de la tragédie en musique 'Hippolyte et Aricie'. Le poème est de M. le Chevalier Pellegrin et la musique de M. Rameau. Le public a accueilli favorablement cet opéra, laissant espérer de nombreuses représentations. Le prologue, inspiré par Hygin, se déroule dans la forêt d'Érymanthe. Diane y évoque la victoire d'Hercule sur un monstre et l'invincibilité de l'amour. Jupiter descend et annonce que l'amour régnera partout, sauf un jour par an, éclairé par le flambeau de l'Hymen. Diane, obéissant au destin, quitte la scène. Dans la tragédie, Aricie, princesse des Pallantides, expose sa situation dans un monologue. Hippolyte assure Aricie de son indignation face à la violence de Phèdre, ordonnée par Thésée. Phèdre félicite Aricie sur sa future gloire, mais Aricie refuse ces vœux forcés. Diane descend et menace Phèdre, protégeant Hippolyte et Aricie. Phèdre, jalouse, se livre à ses transports. Arcas annonce que Thésée est descendu aux Enfers. Thésée, tourmenté par une Furie, expose ses malheurs à Pluton, qui le renvoie devant les juges des Enfers. Thésée implore Neptune, qui lui permet de revenir sur terre. Les Parques révèlent à Thésée que les Enfers l'attendent chez lui. Au troisième acte, Phèdre prie Vénus. Hippolyte, venu sur ordre de Phèdre, refuse ses avances. Phèdre, déçue, jure la mort d'Aricie. Thésée arrive et, rappelant la prédiction des Parques, ordonne à Enone de révéler la vérité. Enone accuse Phèdre d'amour funeste. Thésée, désespéré, invoque Neptune pour la mort d'Hippolyte. Au quatrième acte, Hippolyte, en exil, expose sa situation à Aricie. Ils décident de se marier et prient Diane. Une tempête apporte un monstre marin. Hippolyte combat le monstre, mais disparaît. Aricie, évanouie, est secourue par Phèdre, informée de la mort d'Hippolyte. Dans le cinquième acte, il est révélé que Phèdre est morte après avoir innocenté Hippolyte devant Thésée, son père. Thésée, désespéré, tente de se suicider mais est arrêté par Neptune, qui lui annonce qu'Hippolyte a été sauvé par Diane et que Thésée est puni pour son injustice. La scène change ensuite pour montrer Aricie, qui pleure la perte d'Hippolyte. Diane apparaît, ramène Hippolyte à la vie et les unit avec Aricie. La musique de l'opéra est décrite comme difficile mais bien exécutée, avec des performances remarquables des acteurs et musiciens. Le poète et le musicien sont loués pour leur travail, notamment pour les airs caractéristiques, les tableaux et les chœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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363
p. 2380-2385
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR. Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Début :
Vous, de qui la beauté touchante, [...]
Mots clefs :
Combat, Amour, Atalante, Hippomène, Victoire, Coeur, Mourir, Belle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE DE L'AMOUR. Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
LE TRIOMPHE
DE L'AMOUR.
Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Vous ,de qui la beauté touchante ,
Enchaîne et captive les coeurs
Quittez , trop aimable Atalante ,
Ou vos attraits , ou vos rigueurs.
Cessez de prendre pour victimes
Des amans qui n'ont d'autres crimes ,
Que l'amour dont ils sont épris ;
De cet amour est-on le maître ?
Vous-même vous le faites naître ,
Et votre haine en est le prix !
*
Songez , qu'envain vous êtes belle
Si rien ne sçauroit vous toucher ;
Que les doux plaisirs suivent celle
NOVEMBRE . 1733 2381
Que l'Hymen a sçû s'attachér.
Tant de soins joints à tant d'allarmes ,
Tant de maux causez par vos charmes ,
Méritoient bien un sort plus doux
Est-il effort que l'on n'essaye ;
La mort n'a rien qui nous effraye
Dans l'espoir d'être aimez de vous.
En ces mots un essain fidéle ,
D'Amans pénétrez de douleur ,
Oserent à cette cruelle ,
Peindre leur flâme et leur malheur.
Hélas ! quelle fut leur ressource !
İl falloit la vaincre à la course ,
Pour fléchir son coeur inhumain
Et si l'on perdoit la victoire ,
On devoit ( pourra - t-on le croire ?
Se voir d'un Dard percer le sein.
On croit que le bien qu'on souhaitte }
N'est point au dessus du pouvoir
Tous d'une victoire complette ,
Conçoivent l'agréable espoir .
Le sort leur paroissoit propice ,
Ils ne voyoient le précipice ,
Que sous les plus belles couleurs ,
Ciij D'ac
2382 MERCURE DE FRANCE
D'accord l'Amour et la Fortune ,
Avoient d'une ardeur non commune ,
Parsemé l'abîme de fleurs.
M
Non tels que ces Rois , dont l'Elide ,
'Aime à vanter les vains Lauriers ;
Le prix d'une course rapide ,
Se devoit seul à leurs coursiers . ;
Ni pareils aux vangeurs d'Héléne ;
Qu'on vit sur la rive Troyenne ,
Affronter les fureurs de Mars ;
Il leur falloit une victoire ,
Dont chacun remportât la gloire,
Et seul essuyât les hazards.
Enfin le jour prescrit arrive ,
Qu'ils devoient ou vaincre ou mourir ,
Des amours la troupe attentive ,
Sçut à ce spectacle accourir,
Atalante insensible et fiere ,
S'avance et court dans la carriere ;
Adraste le premier l'y suit ,
Restant dans la Lice après elle ,
Sur l'heure il est par la cruelle ,
Plongé dans l'éternelle nuit.
Tous semblent se faire un mérite ;
D'être
NOVEMBRE 1733 2383.
D'être par elle mis à mort ,
Ciel ! que j'en vois mourir de suite
Tous ont déja ce triste sort .
O que l'amour est redoutable !
Malgré ce massacre effroyable ,
Son empire est-il moins puissant |
Hyppoméne , fils de Neptune ,
Vient encor tenter la Fortune ,
Si rigoureuse à chaque Amant.
D'abord la Princesse à sa veuë ,
Prend de plus tendres sentimens ,
Sa fierté tombe , elle est émeuë ,
Le trouble saisit tous ses sens :
Une naissante et vive flâme ,
Se glisse en secret dans son ame
Elle sent attendrir son coeur ,
En faveur du seul Hyppoméne ,
Un penchant violent l'entraîne ,
A désirer qu'il soit vainqueur.
Où vas - tu ? Prince , lui dit-elle ,
C'est trop peu ménager tes jours ;
Songe , dans l'ardeur de ton zéle ,
Que c'est à la mort que tu cours ;
Ciiij
Måle
2384 MERCURE DE FRANCE
Malgré ta témeraire envie ,
Je veux prendre soin de ta vie ,
Va, cesse de vouloir périr ;
Envain ; ce Héros intrépide , 1
Regarde la belle homicide ,
Et compte pour rien de mourir,
Ils courent à perte d'haleine ,
Mais les plus amoureux transports
Troublent le coeur de l'inhumaine ,
Et lui font blâmer ses efforts.
Elle tremble que sa vitesse
N'ôte à l'objet de sa tendresse ; '
Les moïens de fuïr le trépas ,
L'amour approuve ses allarmes ,
Et lui fait trouver mille charmes , 1
A moderer un peu ses pas.
Les trois Pommes d'or que présente ;
Et jette Hyppoméne en courant ,
Viennent au secours d'Atalante
Seconder son tendre penchant .
Joignant la ruse à sa surprise ,
Elle affecte d'en être éprise ,
Et pour tarder s'en fait un jeu ;
Hyppoméne couvert de gloire,
•
G
NOVEMBRE. 1733. 2385
Ne trouve plus par sa victoire ,
Aucun obstacle à son beau feu.
Après ce combat mémorable,
L'on oüit ces mots dans les airs 9
Que l'Amour , ce vainqueur aimable;
Triomphe de tout PUnivers.
Envain une belle infléxible ,
Veille sur son coeur insensible
Un seul trait peut la désarmer ;
Pour mille Amans elle est sévére ;
Mais qu'un seul ait l'art de lui plaire ,
Elle sçaura bien-tôt aimer.
DE MONTFLBURY
DE L'AMOUR.
Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Vous ,de qui la beauté touchante ,
Enchaîne et captive les coeurs
Quittez , trop aimable Atalante ,
Ou vos attraits , ou vos rigueurs.
Cessez de prendre pour victimes
Des amans qui n'ont d'autres crimes ,
Que l'amour dont ils sont épris ;
De cet amour est-on le maître ?
Vous-même vous le faites naître ,
Et votre haine en est le prix !
*
Songez , qu'envain vous êtes belle
Si rien ne sçauroit vous toucher ;
Que les doux plaisirs suivent celle
NOVEMBRE . 1733 2381
Que l'Hymen a sçû s'attachér.
Tant de soins joints à tant d'allarmes ,
Tant de maux causez par vos charmes ,
Méritoient bien un sort plus doux
Est-il effort que l'on n'essaye ;
La mort n'a rien qui nous effraye
Dans l'espoir d'être aimez de vous.
En ces mots un essain fidéle ,
D'Amans pénétrez de douleur ,
Oserent à cette cruelle ,
Peindre leur flâme et leur malheur.
Hélas ! quelle fut leur ressource !
İl falloit la vaincre à la course ,
Pour fléchir son coeur inhumain
Et si l'on perdoit la victoire ,
On devoit ( pourra - t-on le croire ?
Se voir d'un Dard percer le sein.
On croit que le bien qu'on souhaitte }
N'est point au dessus du pouvoir
Tous d'une victoire complette ,
Conçoivent l'agréable espoir .
Le sort leur paroissoit propice ,
Ils ne voyoient le précipice ,
Que sous les plus belles couleurs ,
Ciij D'ac
2382 MERCURE DE FRANCE
D'accord l'Amour et la Fortune ,
Avoient d'une ardeur non commune ,
Parsemé l'abîme de fleurs.
M
Non tels que ces Rois , dont l'Elide ,
'Aime à vanter les vains Lauriers ;
Le prix d'une course rapide ,
Se devoit seul à leurs coursiers . ;
Ni pareils aux vangeurs d'Héléne ;
Qu'on vit sur la rive Troyenne ,
Affronter les fureurs de Mars ;
Il leur falloit une victoire ,
Dont chacun remportât la gloire,
Et seul essuyât les hazards.
Enfin le jour prescrit arrive ,
Qu'ils devoient ou vaincre ou mourir ,
Des amours la troupe attentive ,
Sçut à ce spectacle accourir,
Atalante insensible et fiere ,
S'avance et court dans la carriere ;
Adraste le premier l'y suit ,
Restant dans la Lice après elle ,
Sur l'heure il est par la cruelle ,
Plongé dans l'éternelle nuit.
Tous semblent se faire un mérite ;
D'être
NOVEMBRE 1733 2383.
D'être par elle mis à mort ,
Ciel ! que j'en vois mourir de suite
Tous ont déja ce triste sort .
O que l'amour est redoutable !
Malgré ce massacre effroyable ,
Son empire est-il moins puissant |
Hyppoméne , fils de Neptune ,
Vient encor tenter la Fortune ,
Si rigoureuse à chaque Amant.
D'abord la Princesse à sa veuë ,
Prend de plus tendres sentimens ,
Sa fierté tombe , elle est émeuë ,
Le trouble saisit tous ses sens :
Une naissante et vive flâme ,
Se glisse en secret dans son ame
Elle sent attendrir son coeur ,
En faveur du seul Hyppoméne ,
Un penchant violent l'entraîne ,
A désirer qu'il soit vainqueur.
Où vas - tu ? Prince , lui dit-elle ,
C'est trop peu ménager tes jours ;
Songe , dans l'ardeur de ton zéle ,
Que c'est à la mort que tu cours ;
Ciiij
Måle
2384 MERCURE DE FRANCE
Malgré ta témeraire envie ,
Je veux prendre soin de ta vie ,
Va, cesse de vouloir périr ;
Envain ; ce Héros intrépide , 1
Regarde la belle homicide ,
Et compte pour rien de mourir,
Ils courent à perte d'haleine ,
Mais les plus amoureux transports
Troublent le coeur de l'inhumaine ,
Et lui font blâmer ses efforts.
Elle tremble que sa vitesse
N'ôte à l'objet de sa tendresse ; '
Les moïens de fuïr le trépas ,
L'amour approuve ses allarmes ,
Et lui fait trouver mille charmes , 1
A moderer un peu ses pas.
Les trois Pommes d'or que présente ;
Et jette Hyppoméne en courant ,
Viennent au secours d'Atalante
Seconder son tendre penchant .
Joignant la ruse à sa surprise ,
Elle affecte d'en être éprise ,
Et pour tarder s'en fait un jeu ;
Hyppoméne couvert de gloire,
•
G
NOVEMBRE. 1733. 2385
Ne trouve plus par sa victoire ,
Aucun obstacle à son beau feu.
Après ce combat mémorable,
L'on oüit ces mots dans les airs 9
Que l'Amour , ce vainqueur aimable;
Triomphe de tout PUnivers.
Envain une belle infléxible ,
Veille sur son coeur insensible
Un seul trait peut la désarmer ;
Pour mille Amans elle est sévére ;
Mais qu'un seul ait l'art de lui plaire ,
Elle sçaura bien-tôt aimer.
DE MONTFLBURY
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Résumé : LE TRIOMPHE DE L'AMOUR. Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Le texte narre la légende d'Atalante et Hippomène, mettant en avant le triomphe de l'amour. Atalante, célèbre pour sa beauté et sa cruauté envers ses prétendants, impose une course mortelle où les participants doivent la vaincre pour survivre. De nombreux amants tentent leur chance, mais tous trouvent la mort. Hippomène, fils de Neptune, se distingue par sa détermination. Atalante, malgré sa fierté, ressent une émotion nouvelle pour lui. Lors de la course, Hippomène utilise des pommes d'or pour ralentir Atalante, qui feint de les ramasser afin de retarder sa victoire. Finalement, Hippomène remporte la course, et l'amour triomphe, prouvant que même les cœurs les plus insensibles peuvent être conquis. Le texte se conclut par la célébration de l'amour, capable de désarmer les plus inflexibles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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364
p. 2500
MADRIGAL.
Début :
Le tendre Amour, fatigué d'un voyage, [...]
Mots clefs :
Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
MADRIGAL
LE tendre Amour , fatigué d'un voyage ,
Rencontre Iris , et s'endort sur son sein
Quel trait hardi ! bien- tôt sur son visage ,
Le petit Dieu sent le poids de sa main,
D'un air surpris regardant cette Belle ,
Il rougissoit ; me connois- tu , dit elle ?
L'Amour répond , hélas ! pardonne moy ,
Mes yeux trompez te prenoient pour ma Mere ,
Elle n'a pas plus de charmes que toi ;
Crois-en son fils et calme ta colere,
Par M. de Rougerville , Avocat an
Parlement de Rouen.
LE tendre Amour , fatigué d'un voyage ,
Rencontre Iris , et s'endort sur son sein
Quel trait hardi ! bien- tôt sur son visage ,
Le petit Dieu sent le poids de sa main,
D'un air surpris regardant cette Belle ,
Il rougissoit ; me connois- tu , dit elle ?
L'Amour répond , hélas ! pardonne moy ,
Mes yeux trompez te prenoient pour ma Mere ,
Elle n'a pas plus de charmes que toi ;
Crois-en son fils et calme ta colere,
Par M. de Rougerville , Avocat an
Parlement de Rouen.
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365
p. 2506-2507
BOUQUET.
Début :
Vite un Bouquet pour la jeune Julie ; [...]
Mots clefs :
Bouquet, Amour, Julie, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET.
BOUQUET.
V Ite un Bouquet pour la jeune Julie ;
Allons , Amour , c'est sa Fête demain ?
Bon
NOVEMBRE. 1733. 2507.
Bon , J'aime assez ces Eillets , ce Jasmin ;
Mais en Bouquets , chacun a sa folie :
La mienne , Amour , .est celle des Rimeurs ;
Toujours des Vers accompagnent mes fleurs
Vingt seulement ? j'ose te les prescrire.
Eh ! quel objet peut les mériter mieux ?
Dans son esprit , que toi- seul peus décrire ,
Regne le feu qui brille dans ses yeux ;
Ce sont des Tours neufs , vifs , ingénieux ;
C'est le talent d'a nuser sans médire ;
?
Bref , c'est .... mais quoi ! tu me laisses tout
dire !
Refuses-tu de remplir mon espoir?
J'entens , Amour , sur le coeur de la belle ,
Ton air , tes traits ont été sans pouvoir ,
Et ton orgueil est irrité contr'elle.
Dieu trop jaloux ! eh ! bien suis ton projet;
Au lieu de Vers ( l'offre sera nouvelle )
Julie aura ton dépit pour Bouquet.
ENVOY.
De la fierté qu'en vous l'on voit paroître ,
Si Cupidon quelque jour est vainqueur ,
Belle D ... ne le faites connoître ,
Qu'en me prenant pour son vangeur.
V Ite un Bouquet pour la jeune Julie ;
Allons , Amour , c'est sa Fête demain ?
Bon
NOVEMBRE. 1733. 2507.
Bon , J'aime assez ces Eillets , ce Jasmin ;
Mais en Bouquets , chacun a sa folie :
La mienne , Amour , .est celle des Rimeurs ;
Toujours des Vers accompagnent mes fleurs
Vingt seulement ? j'ose te les prescrire.
Eh ! quel objet peut les mériter mieux ?
Dans son esprit , que toi- seul peus décrire ,
Regne le feu qui brille dans ses yeux ;
Ce sont des Tours neufs , vifs , ingénieux ;
C'est le talent d'a nuser sans médire ;
?
Bref , c'est .... mais quoi ! tu me laisses tout
dire !
Refuses-tu de remplir mon espoir?
J'entens , Amour , sur le coeur de la belle ,
Ton air , tes traits ont été sans pouvoir ,
Et ton orgueil est irrité contr'elle.
Dieu trop jaloux ! eh ! bien suis ton projet;
Au lieu de Vers ( l'offre sera nouvelle )
Julie aura ton dépit pour Bouquet.
ENVOY.
De la fierté qu'en vous l'on voit paroître ,
Si Cupidon quelque jour est vainqueur ,
Belle D ... ne le faites connoître ,
Qu'en me prenant pour son vangeur.
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Résumé : BOUQUET.
Le poème 'BOUQUET', daté de novembre 1733, est dédié à une jeune femme nommée Julie à l'occasion de sa fête. L'auteur souhaite lui offrir un bouquet, mais préfère accompagner les fleurs de vers. Il apprécie les œillets et le jasmin, mais valorise davantage ses écrits. Julie est décrite comme ayant un esprit brillant et ingénieux, capable de s'amuser sans médire. Cependant, l'auteur exprime son irritation face à l'indifférence de Julie envers l'amour. Il suggère alors de lui offrir le dépit de l'amour comme bouquet. Dans l'envoi, l'auteur met en garde contre la fierté de Julie et propose de se venger si Cupidon, le dieu de l'amour, venait à triompher un jour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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366
p. 2549-2556
DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
Début :
MESSIEURS, Vos nouveaux Confreres seroient fondez à demander que vous [...]
Mots clefs :
Amour, Sujet, Amitié, Ouvrage, Matière, Lettre, Réflexions, Goût, Esprits, Confrères, Académie des jeux floraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
DISCOURS de M. de Ponsan , Trésorier,
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
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Résumé : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, a prononcé un discours à l'Académie des Jeux Floraux peu après sa réception. Il commence par exprimer son respect pour les usages de l'Académie et sa volonté de s'y conformer. Ponsan reconnaît le danger de s'exprimer devant une assemblée critique mais affirme que subir cette critique est une forme de modestie. Il critique ceux qui, par excès de prudence, se privent de contribuer au public par peur de ne pas atteindre la perfection. Ponsan loue l'Académie pour son goût des Belles Lettres et ses travaux littéraires, citant Horace pour souligner la perfection des œuvres académiques. Il mentionne un dialogue sur l'imagination et la raison, ainsi qu'un ouvrage sur un projet chimérique de transformer le fer en cuivre, illustrant comment l'imagination peut égarer la raison. Le discours se poursuit avec la présentation d'un ouvrage sur le goût, suivi de regrets pour l'absence de deux confrères. Ponsan exprime ensuite sa difficulté à égaler les plaisirs des séances précédentes et présente une lettre adressée à une dame, qui est le sujet de son intervention. Cette dame, connue pour sa beauté et son esprit, a toujours privilégié l'amitié à l'amour. La lettre vise à discuter de l'amitié, à démasquer l'amour et à établir la supériorité de l'amitié. Ponsan justifie son choix de sujet en citant des exemples de l'Académie Française, qui traitait de thèmes similaires. Il conclut en lisant sa réponse à la lettre de la dame, malgré la présence de détails personnels qu'il n'a pas pu supprimer.
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367
p. 2557-2560
LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
Début :
MADAME, J'ai reçû depuis trois jours seulement la Lettre [...]
Mots clefs :
Plaisir, Genre humain, Lettres, Éloignement, Amitié, Amour
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
LETTRE de M. de P... à Mad. de
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
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Résumé : LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
Dans une lettre datée du 10 septembre 1733 à Toulouse, M. de P... exprime sa joie de recevoir une lettre de Madame de L..., malgré un retard de quinze jours. Il évite de se plaindre des circonstances ayant causé ce retard. L'auteur note que le séjour de Madame à la campagne l'a rendue réfractaire aux propos galants et aux occupations frivoles, appréciant sa solitude comme un refuge contre les misères humaines. Il reconnaît la légitimité de ses réflexions philosophiques et de son dégoût pour les niaiseries et les vices du genre humain. M. de P... exprime son impatience de recevoir ses lettres et admire la qualité de son écriture, soulignant la nouveauté et la finesse des pensées, l'élégance du style, et la politesse du langage. Il évite cependant de trop la louanger, connaissant son éloignement pour les compliments. Madame lui a demandé un volume, et il s'engage à le lui fournir, préférant risquer de l'ennuyer plutôt que de manquer une occasion de lui montrer son dévouement. Il choisit de traiter le sujet de l'amitié et de sa prééminence sur l'amour, justifiant ainsi la préférence de Madame pour ses amis. La suite de ses réflexions apparaîtra dans le prochain Mercure.
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368
p. 2585-2586
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR, A CLORIS.
Début :
Un jour l'Enfant aîlé qu'on adore à Cythere, [...]
Mots clefs :
Amour, Cloris, Triomphe, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE DE L'AMOUR, A CLORIS.
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR ;
A CLORIS.
UN jour l'Enfant allé qu'on adore à Cythere
Pour qui les Dieux et les Mortels
Elevent dans leurs coeurs des Temples, des Autels,
Fut disgracié par sa Mere ;
Plein de dépit et de colere ,
1. Vol.
D'un
2586 MERCURE DE FRANCE
D'un vol leger l'Amour vint à Paris ,
Suivi des Jeux , des
graces et
des Ris :
Il inspira par tout l'Art d'aimer et de plaire.
Faisons naître , dit-il , dans ce charmant séjour,
Pour le Triomphe de l'Amour ,
Une Beauté frappante , une Venus nouvelle ,
Dont les attraits me vengent des mépris
De la trop altiere Cypris ;
Par un petit batement d'aîle ,
Il vous donna le jour , belle Cloris.
Les Immortels du haut de l'Empirée ,
Admirerent en vous une autre Cytheréc.
Plein de ravissement en cet aimable jour
Chaque Dieu fut d'intelligence
A faire éclater sa puissance ,
Pour rendre plus parfait l'ouvrage de l'Amour?
Jupiter vous fit don d'une ame genereuse ;
Junon vous décora d'une noble fierté ;
Le Dieu des Vers vous fit la faveur précieuse ;
De parler et d'écrire avec solidité ;
Le Destin vous rendit heureuse,
Enfin , Cloris , en vous , talens , félicité ,
Tout égale votre beauté .
Par M. L'Affichards
A CLORIS.
UN jour l'Enfant allé qu'on adore à Cythere
Pour qui les Dieux et les Mortels
Elevent dans leurs coeurs des Temples, des Autels,
Fut disgracié par sa Mere ;
Plein de dépit et de colere ,
1. Vol.
D'un
2586 MERCURE DE FRANCE
D'un vol leger l'Amour vint à Paris ,
Suivi des Jeux , des
graces et
des Ris :
Il inspira par tout l'Art d'aimer et de plaire.
Faisons naître , dit-il , dans ce charmant séjour,
Pour le Triomphe de l'Amour ,
Une Beauté frappante , une Venus nouvelle ,
Dont les attraits me vengent des mépris
De la trop altiere Cypris ;
Par un petit batement d'aîle ,
Il vous donna le jour , belle Cloris.
Les Immortels du haut de l'Empirée ,
Admirerent en vous une autre Cytheréc.
Plein de ravissement en cet aimable jour
Chaque Dieu fut d'intelligence
A faire éclater sa puissance ,
Pour rendre plus parfait l'ouvrage de l'Amour?
Jupiter vous fit don d'une ame genereuse ;
Junon vous décora d'une noble fierté ;
Le Dieu des Vers vous fit la faveur précieuse ;
De parler et d'écrire avec solidité ;
Le Destin vous rendit heureuse,
Enfin , Cloris , en vous , talens , félicité ,
Tout égale votre beauté .
Par M. L'Affichards
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Résumé : LE TRIOMPHE DE L'AMOUR, A CLORIS.
Le poème 'Le Triomphe de l'Amour' relate la quête de l'Amour, rejeté par sa mère, qui se rend à Paris pour enseigner l'art d'aimer et de plaire. Pour se venger des dédains de la déesse Cypris, il crée Cloris, une nouvelle beauté, grâce à un battement d'aile. Les Immortels admirent les attraits de Cloris. Chaque dieu contribue à la perfectionner : Jupiter lui offre une âme généreuse, Junon une noble fierté, et le dieu des Vers, le don de parler et d'écrire avec solidité. Le Destin lui accorde enfin le bonheur, faisant de Cloris une personne dont les talents et la félicité égalent sa beauté.
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369
p. 2628-2629
CANTATILLE, LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Début :
Soulage mes tendres soupirs, [...]
Mots clefs :
Amour, Nuit, Sombre, Jour, Soleil
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texteReconnaissance textuelle : CANTATILLE, LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
CANTATILLE ,
LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Soulage mes tendres soupirs ,
Amour , vole au devant de mon impatience ;
Pour flater mes brûlans désirs ,
N'as -tu rien à m'offrir qu'une folle esperance : ?
Songe, Amour,qu'il n'est point de solides plaisirs
Pour les Amans , pendant l'absence.
C'est ainsi que Diane aux Echos , des Forêts
Exhale la douleur qui dévore son ame ;
L'heureux Endimion l'enflame ,
Mais elle n'ose au jour confier ses secrets
D'une nuit sombre et bienfaisante ,
*
Elle attend l'utile secours ;
Soleil , en faveur d'une Amante ,..
Hâte , précipite ton cours .
La sombre lueur des Etoiles
Suffit aux amoureux sermens
La nuit recelle sous ses voiles .
Les entreprises des Amants ;
1. Kole
Lor
DECEMBRE . 1733. 2629
Le timide . Enfant de Cithere ,
Marche loin du jour et du bruit ;
Si-tôt que le Soleil l'éclaire ,
L'Amour s'éfarouche et s'enfuit .
LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Soulage mes tendres soupirs ,
Amour , vole au devant de mon impatience ;
Pour flater mes brûlans désirs ,
N'as -tu rien à m'offrir qu'une folle esperance : ?
Songe, Amour,qu'il n'est point de solides plaisirs
Pour les Amans , pendant l'absence.
C'est ainsi que Diane aux Echos , des Forêts
Exhale la douleur qui dévore son ame ;
L'heureux Endimion l'enflame ,
Mais elle n'ose au jour confier ses secrets
D'une nuit sombre et bienfaisante ,
*
Elle attend l'utile secours ;
Soleil , en faveur d'une Amante ,..
Hâte , précipite ton cours .
La sombre lueur des Etoiles
Suffit aux amoureux sermens
La nuit recelle sous ses voiles .
Les entreprises des Amants ;
1. Kole
Lor
DECEMBRE . 1733. 2629
Le timide . Enfant de Cithere ,
Marche loin du jour et du bruit ;
Si-tôt que le Soleil l'éclaire ,
L'Amour s'éfarouche et s'enfuit .
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Résumé : CANTATILLE, LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Le poème 'Le Triomphe de la Nuit' décrit les tourments d'un amant impatient, regrettant l'absence de plaisirs solides. Il compare cette situation à Diane, amoureuse d'Endimion, qui cache sa douleur et attend la nuit pour révéler ses secrets. La nuit est propice aux serments amoureux et dissimule les entreprises des amants. L'amour est décrit comme un enfant timide, fuyant la lumière du jour et le bruit.
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370
p. 2678-2692
L'Opéra d'Issé, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique a remis pour la quatriéme fois au Théatre [...]
Mots clefs :
Issé, Amour, Apollon, Hilas, Coeur, Philémon, Nymphe, Fête, Vers, Académie royale de musique, Théâtre, Gloire, Dragon, Pastorale, Berger
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opéra d'Issé, Extrait, [titre d'après la table]
'Académie Royale de Musique a res
mis pour la quatrième fois au Théatre
Issé , Pastorale Héroïque . Depuis l'année
1697. qu'elle parut pour la premiere
fois , on l'a reprise en 1708. et en 17194
et toujours avec plus de succès , cette
derniere reprise est des plus brillantes.
C'est le premier Ouvrage de deux jeunes
Auteurs , qui semblent se disputer
à qui entrera avec plus de vivacité dans
une carriere qu'ils ont depuis remplie
avec beaucoup d'éclat. M. de la Mothe
qui a fait le Poëme , qu'on croit antérieur
à celui de l'Europe Galante , n'y
dément pas le nom dejeune Homere , qu'il
se donne dans son Epitre Dédicatoire ,
où il choisit Monseigneur le Duc de
Bourgogne pour son Achille ; la gloire
qu'il s'est acquise depuis , a justifié son
ambition naissante ; on remarque que
son stile dans Issé n'est pas tout- à- fait
aussi correct qu'il l'a été dans beaucoup
d'autres Ouvrages qui lui ont assuré l'im
mortalité qu'il se proposoit pour prix
de ses travaux ; mais on en esr dédom
1. Vol
magt
DECEMBRE. 1733. 2679
magé par le plus beau feu qu'Apollon
puisse inspirer à un jeune Eleve.
M. Destouches , Auteur de la Musique ,
non moins avide de gloire , fait voir
dans cette Pastorale , qu'on peut dès
le premier pas faire douter si l'on pourra
se surpasser dans la suite ; son génie et
son goût s'y déployent tout entiers
rien de plus naturel que son chant , rien
de plus vif que ses peintures , sur tout
rien de plus flatteur que son récitatif.
Voilà le témoignage que la voix publique
nous excite à rendre , sur le mérite
des deux Auteurs de cette Pastorales
en voici l'Extrait .
La Fable du Jardin des Hesperides a
fourni à l'ingénieux Auteur de cette Pastorale
, le sujet d'un Prologue Allegorique.
La Paix que LOUIS LE GRAND
accorda à l'Europe , en est l'objet ; nous
ne pouvons donner une plus juste intelligence
de l'allégorie en question ,
qu'en nous servant des propres termes
de M. de, la Mothe . Les voicy.
Ce Prologue est une allégorie dont il est
aisé de découvrir les rapports. Le Jardin
des Hesperides représente l'Abondance ; le
Dragon qui en deffend l'entrée , y signifie
la Guerre , qui , suspendant le Commerce,
ferme aux Peuples qu'elle divise la voye
1. Vol.
do
2680 MERCURE DE FRANCE
de l'Abondance ; enfin Hercule , qui par
la
défaite du Dragon , rend ce Fardin accessible
à tout le monde , est l'image exacte du
Roy , qui n'a vaincu tant de fois que pour
pouvoir terminer la Guerre et rendre à ses
Peuples et à ses Voisrns , l'abondance qu'ils
souhaitoient.
Passons à l'action Théatrale.
Le Théatre représente le Jardin des Hesperides
; les Arbres sont chargez de fruits
d'or; et l'on découvre dans le fonds l'en
trée de ce Jardin deffendue par un Dragon
qui vomit incessamment des flammes.
La premiere Hesperide expose le sujet
par ces Vers :
Nous jouissons ici d'une douceur profonde ;
L'abondance en ces lieux regne de toutes parts;
Nos Bois et nos Vergers offrent à nos regards
Les seuls biens qu'adore le monde ;
Leurs fruits sont enviez du reste des Humains ;
Mais nous ne craignons rien du désir qui les
presse ;
Et ce Dragon veille sans cesse ,
Pour sauver nos trésors de leurs profanes mains.
Elle invite ses soeurs et tous les Habitans
de ce Jardin précieux à chanter le
bonheur dont ils jouissent. On entend
un bruit de guerre ; la premiere Hespeide
excite le Dragon à mettre en pieces
I. Vol. la
DECEMBRE . 1733. 268 i
téméraire Mortel qui vient chercher
La mort; Hercule combat le Dragon , et
en triomphe ; il rassure les Hesperides
par ces Vers :
Craignez-vous que mon bras vienne vous asservir,
Et faire de vos fruits un injuste pillage ?
Non ; je ne viens pas les ravir ;
Mais je veux que le monde avec vous les partage,
Jupiter vient confirmer la promesse
d'Hercule et lui parle ainsi :
Que ton bras se repose, ainsi que mon Tonnerre
Mon fils , termine tes travaux ;
Jouis toi- même du repos
Que ta valeur donne à la Terre.
Il rassemble les Peuples effrayez , qui
témoignent leur joye par ane Féte éclatante.
Jupiter termine ce charmant Pro
logue par ces Vers adressez à Hercule ,
c'est-à- dire au Héros de la France .
Alcide , ce grand jour marqué par la Victoire ,
Assure à l'Univers le sort le plus charmant ;
Plus d'un heureux évenement ,
En doit à l'avenir consacrer la memoire ,
Quand par un effort genereux ,
Ton bras vient aux Mortels rendre une Paix
profonde
5. Vol.
L'Hymenés
2682 MERCURE DE FRANCE
L'Hymenée et l'Amour joignant des plus beaux
noeuds ,
Deux coeurs formez pour le bonheur du monde.
De cette auguste Fête Apollon prend le soin ;
Viens avec tous les Dieux en être le témoin.
Tout le monde sent bien que Jupiter
annonce ici l'Hymen glorieux auquel
nous devons notre auguste Maître.
AU PREMIER ACTE , Apollon sous le
nom de Philemon , se plaint de l'Amour
qui ne l'a jamais blessé de ses Traits que
pour le rendre malheureux ; il se rappelle
la rigueur de Daphné et se reproche
de gémir encore sous de mêmes loix .
Pan , déguisé en Berger , lui conseille
de ne plus cacher sa Divinité aux yeux
d'Issé dont il est épris ; Apollon lui
répond qu'il ne veut devoir le coeur de
cette Nymphe qu'à son amour ; voyant
venir Issé , il se retire pour surprendre
son secret sans être apperçû . Issé , dans
un tendre Monologue , regrette la perte
de son heureuse indifference.
>
Doris soupçonne Issé d'aimer Hylas;
la Nymphe la laisse dans son erreur et
lui fait entendre la nouvelle situation
de son coeur par ces Vers :
Mes jours couloient dans les plaisirs ;
Je goûtois à la fois la paix et l'innocence ,
1. Vol et
DECEMBRE. 1733 2683
Et mon coeur satisfait de son indifference ,
Vivoit sans crainte et sans desirs ;
Mais depuis que l'Amour l'a rendu trop sensible,
Les plaisirs l'ont abandonné ;
Quel changement ! ô Ciel ! est- il possible ?
Non, ce n'est plus ce coeur si content , si paisible;
C'est un coeur tout nouveau que l'Amour m'a
donné.
On entend un bruit d'Instrumens s
Doris apprend à Issé que c'est une Fête
qu'Hilas a fair préparer pour elle.
La Suite d'Hilas représente les Néreïdes
et les Nymphes de Diane , conduites
par l'Amour et les Plaisirs, Hilas déclare
son amour à Issé par ces Vers :
L'Amour a tout soumis à ses loix souveraines ;
Il fait sentir ses feux dans l'humide séjour ;
Il blesse de ses traits , il charge de ses chaînes ,
La fiere Diane à son tour ;
Mais il n'est pas content de sa victoire ;
Le coeur d'Issé manque à sa gloire,
L'objet de cette Fête c'est d'inviter
Issé à aimer. Après la Fête la Nymphe
répond à Hilas :
Autant que je le puis , je résiste aux Amours ;
De leurs traits dangereux je redoute l'atteinte ;
Heureuse si ma crainte
2. Vol. M'an
2684 MERCURE DE FRANCE
M'en deffendoit toujours.
Cette réponse équivoque laisse un peu
d'esperance à Hilas .
Le Théatre représente au second Acte,
le Palais d'Issé et ses Jardins ; Issé se plaint
de l'Amour , et le prie de s'adresser à
d'autres coeurs qui se feroient un plaisir
de se rendre. Doris l'avertit que Philemon
s'avance.
Issé voudroit fuir la présence de Philemon
; mais ce Dieu , transformé en Berger,
Parrête. Cette Scene est très interessante
et très - bien dialoguée ; voici les
Vers qui la terminent.
Issé.
Cessez une ardeur si pressante ;
Je ne veux plus vous écouter .
Apollon.
'Arrêtez, Nymphe trop charmante,
Issé.
Non ; laissez - moi vous éviter.
Apollon.
Vous me fuyez et je vous aime !
Issé.
Je fuis l'Amour quand je vous fuis.
Apollon.
Dissipez le trouble où je suis,
I. Vol.
Issér
1
DECEMBRE. 1733. 2685
Issé.
N'augmentez pas celui qui m'agite moi- même.
Apollon.
Rendez-vous à mes feux.
Issé.
Ne tentez plus mon coeux,
Apollon.
Pourquoi craindre d'aimer.
Issé.
On doit craindre un
Vainqueur.
Apollon suit Issé , qui se retire. L'Acte
Eniroir ici , s'il n'y falloit une Fête ; l'Au
teur y supplée par un Episode ; Pan arrête
Doris , et lui parle d'amour , mais
sur un ton bien different de celui dont
Apellon vient d'en parler à Issé ; il sagit
d'un amour volage ; des Bergers , des
Bergeres et des Pâtres , viennent par
son ordre celebrer le plaisir d'être in ,
constans.
Au troisiéme Acte , Apollon dit à
Pan , que, tout aimé qu'il se croit de la
tendre Issé , il n'est pas encore parfaitement
heureux; il exprime ainsi ce qu'il
souhaite :
Je ne borne point mes desirs ,
A l'imparfait bonheur d'une flamme vulgaire ;
1. Vol.
G. Acheve
2686 MERCURE DE FRANCE
Acheve, acheve, Amour , de combler mes plaisirs;
Tu sçais ce qui te reste à faire,
Il dit à Pan, qui paroît surpris de voir
la celebre Forêt de Dodone , dont les
Arbres rendent des Oracles , qu'Issé doit
les consulter , et que par l'Oracle qu'ils
vont rendre , il sçaura si cette Nymphe
est digne de son amour. Il se retire avec
Pan à l'approche d'Hilas.
Hilas se plaint de l'Amour dont Issé
lui ; voici com- brûle pour un autre que
ment il s'exprime :
Sombres Déserts, témoins de mes tristes regrets;
Rien ne manque plus à ma peine.
Mes cris ont fait cent fois retentir ces Forêts ,
De la froideur d'une inhumaine ;
Hélas ! que n'est- ce encor le sujet qui m'amenę?
L'ingrate , de l'Amour ressent enfin les traits ;
Un perfide penchant l'entraîne.
Sombres Déserts , &c.
Issé qui vient consulter Dodone , veut
éviter la présence d'Hilas ; ce Berger l'arrête
pour se plaindre de l'amour qu'elle
sent pour un autre ; le Monologue et
le Dialogue font également honneur au
Poëte et au Musicien ; les plaintes d'Hilas
obligent Issé de se retirer , il la suit ,
Et le Théare resteroit vuide sans le se-
I. Vol. Cours
DECEMBRE. 1733. 2687
cours de l'Episode ; Pan et Doris se parlent
toujours sur le même ton ; ils conviennent
enfin de s'engager l'un à l'autre
le moins qu'ils pourront , ce qu'ils
font connoître par ce Duo :
Cédons à nos tendres désirs ;
Qu'un heureux penchant nous entraîne ;
Et que l'Amour laisse aux plaisirs
Le soin de serrer notre chaîne.
Leur convention étant faite, on reprend'
le fil de l'action principale ; les Prêtres
et les Prêtresses de Dodone viennent celebrer
leurs sacrez mysteres , et satisfaire le
desir curieux d'Issé , qui vient avec eux ,
et qui leur a déja fait entendre ce qu'el.e
souhaite. Rien n'est si beau que l'invccation
de Dodone ; le Poëte et le Musicien
s'y sont également surpassez ; " lcs
Rameaux mysterieux rendent enfin cet
Oracle :
3
Issé doit s'enflammer de l'ardeur la plus belle ;
Apollon veut être aimé d'elle.
Cet Oracle porte un coup fatal à l'a
mour que la Nymphe sent pour le faux
Philemon ; elle ne laisse pas d'assister à
la Fête qu'on celebre en l'honneur da
choix d'Apollon .
1. Vol. Gi
Le
1688 MERCURE DE FRANCE
Le Théatre représente au quatriéme
Acte une Grotte . Issé vient se plaindre
de la Loi fatale que l'Oracle de Dodone
vient de lui imposer ; ce Monologue.est
des plus touchants , tant par les paroles
que par la Musique ; il finit par cette
résolution d'Issé :
Vainement , Apollon , votre grandeur suprême
Fera luire à mes yeux ce qu'elle a de plus doux;
Je ne changerai pas pour vous ,
Le fidelle Berger que j'aime,
Le sommeil , accompagné des Songes ;
de Zephirs et de Nymphes , vient inviter
Issé au repos ; elle s'endort ; après
les danses , le Sommeil parle ainsi aux
Songes ;
Songes , pour Apollon , signalez votre zele ;
Il veut de cette Nymphe , éprouver tout l'amour,
Tracez à ses esprits une image fidelle
De la gloire du Dieu du jour,
Hilas vient déplorer son sort par un
Monologue , qui exprime tout l'amour
qu'il a pour Issé , qu'il trouve endormie ;
après ce récit , dont tous les Spectateurs
sont justement enchantez , Issé se reveil
le en sursaut , et dit ;
I.Vola
Qu'ai-je
DECEMBRE.
17332689
Qu'ai- je pensé quel songe est venu me séduire
?
J'ai cru voir Apollon quitter les cieux pour
moi ;
Je me trouvois sensible à l'ardeur qui l'inspire #
Un mutuel amour engageoit notre foy ,
Hélas ! cher Philemon , pour qui seul je sou
pire ,
Ne me reprochez point ces songes impuissans
Mon coeur n'a point de part à l'erreur de mes
sens.
Hilas frappé de la victoire que Philemon
remporte sur Apollon même dans
le coeur d'Issé , quitte cette Nymphe
pour jamais. Pan vient apprendre à İssé
que Philemon , instruit de l'Oracle de
Dodonne , se livre au désespoir ; Issé lui
demande où elle pourra le trouver pour
le rassurer ; Pan lui répond qu'il l'alaissé
dans le prochain Bocage . Issé part
sur le champ , pour aller secourir son
Amant, et finit ce bel Acte par ce Vers :
Vole , Amour , sui mes pas, et vien le rassurer.
Le Théatre représente au cinquième
'Acte , une Solitude. Doris commence
l'Acte , et Pan en remplit la seconde Scece
avec elle ; mais comme cela coupe l'action
dans l'endroit le plus interressant ,
nos Lecteurs ne trouveront pas mauvais
I.Vol. Giij que
2690 MERCURE DE FRANCE
que nous ne suivions pas exactement ce
Poëme ; nous passons donc à Appollon
et à Issé , pour qui tous les coeurs s'inté
ressent. Apollon jouit pleinement de la
victoire qu'il remporte sur lui - même ;
Issé n'oublie rien pour détruire les feintes
allarmes de son cher Philemon ; il
lui fait entendre ses frayeurs secrettes ,
par ces Vers :
Les noeuds
que l'Amour a formez ,
Vont être brisez par la gloire ;
Pardonnez mes transporss jaloux , &c.
La tendre Issé lui répond :
Je ne la connois point cette gloire fatale ;
Mon coeur ne reconnoit que vous ,
Ils se disent ensemble :
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement ;
Si vous m'aimiez de même ;
Mon sort seroit charmant.
&c.
On trouve que ce Duo étoit mieux
amené dans la premiere Edition ; il venoit
après ces Vers qu'Issé adressoit à son
cher Philemon :
Un vain espoir vous séduit et vous charme §
Et moi , je crains incessamment ,
I. Vol. Votre
DECEMBRE . 1733 2694
"
Votre amour espere aisément ,
Et le mien aisément s'allarme ,
Que nous aimons différemment !
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement.
Apollon fait enfin la derniere épreuve
du coeur d'Issé ; le Théatre change et représente
un Palais magnifique. On voit
les Heures qui descendent des Cieux sur
des nuages; Issé ne peut soûtenir ce spectacle
; elle tremble pour son Amant, elle
le presse de fuir avec elle , pour se dérober
à la fureur d'un Dieu jaloux ; Apollon
ne peut plus tenir contre des preuves
si éclatantes d'une fidelité inébranlable
; il se jette aux pieds d'Issé et lui
fait connoître que le Dieu qu'elle craint ',
et le Berger qu'elle aime , ne sont qu'une
même personne ; les Heures forment la
fête de ce dernier Acte , et cette aimable
Pastorale finit par un Choeur des plus
brillans.
On auroit souhaité qu'une action si interessante
ne fut pas coupée par un
Episode dont elle pourroit se passer absolument.
On doit même présumer que
M. de la Mothe s'est défié de lui- même,
quand il a appellé ce galant hors d'auvre
à son secours ; on croit même que s'il
1. Vol. Giiij avoit
2692 MERCURE DE FRANCE
avoit d'abord mis sa Pastorale en cinq
Actes , il l'auroit traitée plus séricusement
, et n'auroit pas rappellé hors de
saison ,une forme de Poëme Lyrique , dont
les Italiens sont les créateurs , que leur
premier imitateur avoit d'abord adoptée
; mais à laquelle il renonça après son
troisiéme Opera , parce qu'il s'apperçut
bien que les François ne s'en accommodoient
pas. Au reste cette Pastotale est
generalement approuvée ; et l'exécution
répond parfaitement à la bonté de l'Ouvrage.
La Dlle le Maure ne brille pas
moins dans le Rôle d'Issé , qu'elle avoit
fait dans celui d'Oriane , dans Amadis .
mis pour la quatrième fois au Théatre
Issé , Pastorale Héroïque . Depuis l'année
1697. qu'elle parut pour la premiere
fois , on l'a reprise en 1708. et en 17194
et toujours avec plus de succès , cette
derniere reprise est des plus brillantes.
C'est le premier Ouvrage de deux jeunes
Auteurs , qui semblent se disputer
à qui entrera avec plus de vivacité dans
une carriere qu'ils ont depuis remplie
avec beaucoup d'éclat. M. de la Mothe
qui a fait le Poëme , qu'on croit antérieur
à celui de l'Europe Galante , n'y
dément pas le nom dejeune Homere , qu'il
se donne dans son Epitre Dédicatoire ,
où il choisit Monseigneur le Duc de
Bourgogne pour son Achille ; la gloire
qu'il s'est acquise depuis , a justifié son
ambition naissante ; on remarque que
son stile dans Issé n'est pas tout- à- fait
aussi correct qu'il l'a été dans beaucoup
d'autres Ouvrages qui lui ont assuré l'im
mortalité qu'il se proposoit pour prix
de ses travaux ; mais on en esr dédom
1. Vol
magt
DECEMBRE. 1733. 2679
magé par le plus beau feu qu'Apollon
puisse inspirer à un jeune Eleve.
M. Destouches , Auteur de la Musique ,
non moins avide de gloire , fait voir
dans cette Pastorale , qu'on peut dès
le premier pas faire douter si l'on pourra
se surpasser dans la suite ; son génie et
son goût s'y déployent tout entiers
rien de plus naturel que son chant , rien
de plus vif que ses peintures , sur tout
rien de plus flatteur que son récitatif.
Voilà le témoignage que la voix publique
nous excite à rendre , sur le mérite
des deux Auteurs de cette Pastorales
en voici l'Extrait .
La Fable du Jardin des Hesperides a
fourni à l'ingénieux Auteur de cette Pastorale
, le sujet d'un Prologue Allegorique.
La Paix que LOUIS LE GRAND
accorda à l'Europe , en est l'objet ; nous
ne pouvons donner une plus juste intelligence
de l'allégorie en question ,
qu'en nous servant des propres termes
de M. de, la Mothe . Les voicy.
Ce Prologue est une allégorie dont il est
aisé de découvrir les rapports. Le Jardin
des Hesperides représente l'Abondance ; le
Dragon qui en deffend l'entrée , y signifie
la Guerre , qui , suspendant le Commerce,
ferme aux Peuples qu'elle divise la voye
1. Vol.
do
2680 MERCURE DE FRANCE
de l'Abondance ; enfin Hercule , qui par
la
défaite du Dragon , rend ce Fardin accessible
à tout le monde , est l'image exacte du
Roy , qui n'a vaincu tant de fois que pour
pouvoir terminer la Guerre et rendre à ses
Peuples et à ses Voisrns , l'abondance qu'ils
souhaitoient.
Passons à l'action Théatrale.
Le Théatre représente le Jardin des Hesperides
; les Arbres sont chargez de fruits
d'or; et l'on découvre dans le fonds l'en
trée de ce Jardin deffendue par un Dragon
qui vomit incessamment des flammes.
La premiere Hesperide expose le sujet
par ces Vers :
Nous jouissons ici d'une douceur profonde ;
L'abondance en ces lieux regne de toutes parts;
Nos Bois et nos Vergers offrent à nos regards
Les seuls biens qu'adore le monde ;
Leurs fruits sont enviez du reste des Humains ;
Mais nous ne craignons rien du désir qui les
presse ;
Et ce Dragon veille sans cesse ,
Pour sauver nos trésors de leurs profanes mains.
Elle invite ses soeurs et tous les Habitans
de ce Jardin précieux à chanter le
bonheur dont ils jouissent. On entend
un bruit de guerre ; la premiere Hespeide
excite le Dragon à mettre en pieces
I. Vol. la
DECEMBRE . 1733. 268 i
téméraire Mortel qui vient chercher
La mort; Hercule combat le Dragon , et
en triomphe ; il rassure les Hesperides
par ces Vers :
Craignez-vous que mon bras vienne vous asservir,
Et faire de vos fruits un injuste pillage ?
Non ; je ne viens pas les ravir ;
Mais je veux que le monde avec vous les partage,
Jupiter vient confirmer la promesse
d'Hercule et lui parle ainsi :
Que ton bras se repose, ainsi que mon Tonnerre
Mon fils , termine tes travaux ;
Jouis toi- même du repos
Que ta valeur donne à la Terre.
Il rassemble les Peuples effrayez , qui
témoignent leur joye par ane Féte éclatante.
Jupiter termine ce charmant Pro
logue par ces Vers adressez à Hercule ,
c'est-à- dire au Héros de la France .
Alcide , ce grand jour marqué par la Victoire ,
Assure à l'Univers le sort le plus charmant ;
Plus d'un heureux évenement ,
En doit à l'avenir consacrer la memoire ,
Quand par un effort genereux ,
Ton bras vient aux Mortels rendre une Paix
profonde
5. Vol.
L'Hymenés
2682 MERCURE DE FRANCE
L'Hymenée et l'Amour joignant des plus beaux
noeuds ,
Deux coeurs formez pour le bonheur du monde.
De cette auguste Fête Apollon prend le soin ;
Viens avec tous les Dieux en être le témoin.
Tout le monde sent bien que Jupiter
annonce ici l'Hymen glorieux auquel
nous devons notre auguste Maître.
AU PREMIER ACTE , Apollon sous le
nom de Philemon , se plaint de l'Amour
qui ne l'a jamais blessé de ses Traits que
pour le rendre malheureux ; il se rappelle
la rigueur de Daphné et se reproche
de gémir encore sous de mêmes loix .
Pan , déguisé en Berger , lui conseille
de ne plus cacher sa Divinité aux yeux
d'Issé dont il est épris ; Apollon lui
répond qu'il ne veut devoir le coeur de
cette Nymphe qu'à son amour ; voyant
venir Issé , il se retire pour surprendre
son secret sans être apperçû . Issé , dans
un tendre Monologue , regrette la perte
de son heureuse indifference.
>
Doris soupçonne Issé d'aimer Hylas;
la Nymphe la laisse dans son erreur et
lui fait entendre la nouvelle situation
de son coeur par ces Vers :
Mes jours couloient dans les plaisirs ;
Je goûtois à la fois la paix et l'innocence ,
1. Vol et
DECEMBRE. 1733 2683
Et mon coeur satisfait de son indifference ,
Vivoit sans crainte et sans desirs ;
Mais depuis que l'Amour l'a rendu trop sensible,
Les plaisirs l'ont abandonné ;
Quel changement ! ô Ciel ! est- il possible ?
Non, ce n'est plus ce coeur si content , si paisible;
C'est un coeur tout nouveau que l'Amour m'a
donné.
On entend un bruit d'Instrumens s
Doris apprend à Issé que c'est une Fête
qu'Hilas a fair préparer pour elle.
La Suite d'Hilas représente les Néreïdes
et les Nymphes de Diane , conduites
par l'Amour et les Plaisirs, Hilas déclare
son amour à Issé par ces Vers :
L'Amour a tout soumis à ses loix souveraines ;
Il fait sentir ses feux dans l'humide séjour ;
Il blesse de ses traits , il charge de ses chaînes ,
La fiere Diane à son tour ;
Mais il n'est pas content de sa victoire ;
Le coeur d'Issé manque à sa gloire,
L'objet de cette Fête c'est d'inviter
Issé à aimer. Après la Fête la Nymphe
répond à Hilas :
Autant que je le puis , je résiste aux Amours ;
De leurs traits dangereux je redoute l'atteinte ;
Heureuse si ma crainte
2. Vol. M'an
2684 MERCURE DE FRANCE
M'en deffendoit toujours.
Cette réponse équivoque laisse un peu
d'esperance à Hilas .
Le Théatre représente au second Acte,
le Palais d'Issé et ses Jardins ; Issé se plaint
de l'Amour , et le prie de s'adresser à
d'autres coeurs qui se feroient un plaisir
de se rendre. Doris l'avertit que Philemon
s'avance.
Issé voudroit fuir la présence de Philemon
; mais ce Dieu , transformé en Berger,
Parrête. Cette Scene est très interessante
et très - bien dialoguée ; voici les
Vers qui la terminent.
Issé.
Cessez une ardeur si pressante ;
Je ne veux plus vous écouter .
Apollon.
'Arrêtez, Nymphe trop charmante,
Issé.
Non ; laissez - moi vous éviter.
Apollon.
Vous me fuyez et je vous aime !
Issé.
Je fuis l'Amour quand je vous fuis.
Apollon.
Dissipez le trouble où je suis,
I. Vol.
Issér
1
DECEMBRE. 1733. 2685
Issé.
N'augmentez pas celui qui m'agite moi- même.
Apollon.
Rendez-vous à mes feux.
Issé.
Ne tentez plus mon coeux,
Apollon.
Pourquoi craindre d'aimer.
Issé.
On doit craindre un
Vainqueur.
Apollon suit Issé , qui se retire. L'Acte
Eniroir ici , s'il n'y falloit une Fête ; l'Au
teur y supplée par un Episode ; Pan arrête
Doris , et lui parle d'amour , mais
sur un ton bien different de celui dont
Apellon vient d'en parler à Issé ; il sagit
d'un amour volage ; des Bergers , des
Bergeres et des Pâtres , viennent par
son ordre celebrer le plaisir d'être in ,
constans.
Au troisiéme Acte , Apollon dit à
Pan , que, tout aimé qu'il se croit de la
tendre Issé , il n'est pas encore parfaitement
heureux; il exprime ainsi ce qu'il
souhaite :
Je ne borne point mes desirs ,
A l'imparfait bonheur d'une flamme vulgaire ;
1. Vol.
G. Acheve
2686 MERCURE DE FRANCE
Acheve, acheve, Amour , de combler mes plaisirs;
Tu sçais ce qui te reste à faire,
Il dit à Pan, qui paroît surpris de voir
la celebre Forêt de Dodone , dont les
Arbres rendent des Oracles , qu'Issé doit
les consulter , et que par l'Oracle qu'ils
vont rendre , il sçaura si cette Nymphe
est digne de son amour. Il se retire avec
Pan à l'approche d'Hilas.
Hilas se plaint de l'Amour dont Issé
lui ; voici com- brûle pour un autre que
ment il s'exprime :
Sombres Déserts, témoins de mes tristes regrets;
Rien ne manque plus à ma peine.
Mes cris ont fait cent fois retentir ces Forêts ,
De la froideur d'une inhumaine ;
Hélas ! que n'est- ce encor le sujet qui m'amenę?
L'ingrate , de l'Amour ressent enfin les traits ;
Un perfide penchant l'entraîne.
Sombres Déserts , &c.
Issé qui vient consulter Dodone , veut
éviter la présence d'Hilas ; ce Berger l'arrête
pour se plaindre de l'amour qu'elle
sent pour un autre ; le Monologue et
le Dialogue font également honneur au
Poëte et au Musicien ; les plaintes d'Hilas
obligent Issé de se retirer , il la suit ,
Et le Théare resteroit vuide sans le se-
I. Vol. Cours
DECEMBRE. 1733. 2687
cours de l'Episode ; Pan et Doris se parlent
toujours sur le même ton ; ils conviennent
enfin de s'engager l'un à l'autre
le moins qu'ils pourront , ce qu'ils
font connoître par ce Duo :
Cédons à nos tendres désirs ;
Qu'un heureux penchant nous entraîne ;
Et que l'Amour laisse aux plaisirs
Le soin de serrer notre chaîne.
Leur convention étant faite, on reprend'
le fil de l'action principale ; les Prêtres
et les Prêtresses de Dodone viennent celebrer
leurs sacrez mysteres , et satisfaire le
desir curieux d'Issé , qui vient avec eux ,
et qui leur a déja fait entendre ce qu'el.e
souhaite. Rien n'est si beau que l'invccation
de Dodone ; le Poëte et le Musicien
s'y sont également surpassez ; " lcs
Rameaux mysterieux rendent enfin cet
Oracle :
3
Issé doit s'enflammer de l'ardeur la plus belle ;
Apollon veut être aimé d'elle.
Cet Oracle porte un coup fatal à l'a
mour que la Nymphe sent pour le faux
Philemon ; elle ne laisse pas d'assister à
la Fête qu'on celebre en l'honneur da
choix d'Apollon .
1. Vol. Gi
Le
1688 MERCURE DE FRANCE
Le Théatre représente au quatriéme
Acte une Grotte . Issé vient se plaindre
de la Loi fatale que l'Oracle de Dodone
vient de lui imposer ; ce Monologue.est
des plus touchants , tant par les paroles
que par la Musique ; il finit par cette
résolution d'Issé :
Vainement , Apollon , votre grandeur suprême
Fera luire à mes yeux ce qu'elle a de plus doux;
Je ne changerai pas pour vous ,
Le fidelle Berger que j'aime,
Le sommeil , accompagné des Songes ;
de Zephirs et de Nymphes , vient inviter
Issé au repos ; elle s'endort ; après
les danses , le Sommeil parle ainsi aux
Songes ;
Songes , pour Apollon , signalez votre zele ;
Il veut de cette Nymphe , éprouver tout l'amour,
Tracez à ses esprits une image fidelle
De la gloire du Dieu du jour,
Hilas vient déplorer son sort par un
Monologue , qui exprime tout l'amour
qu'il a pour Issé , qu'il trouve endormie ;
après ce récit , dont tous les Spectateurs
sont justement enchantez , Issé se reveil
le en sursaut , et dit ;
I.Vola
Qu'ai-je
DECEMBRE.
17332689
Qu'ai- je pensé quel songe est venu me séduire
?
J'ai cru voir Apollon quitter les cieux pour
moi ;
Je me trouvois sensible à l'ardeur qui l'inspire #
Un mutuel amour engageoit notre foy ,
Hélas ! cher Philemon , pour qui seul je sou
pire ,
Ne me reprochez point ces songes impuissans
Mon coeur n'a point de part à l'erreur de mes
sens.
Hilas frappé de la victoire que Philemon
remporte sur Apollon même dans
le coeur d'Issé , quitte cette Nymphe
pour jamais. Pan vient apprendre à İssé
que Philemon , instruit de l'Oracle de
Dodonne , se livre au désespoir ; Issé lui
demande où elle pourra le trouver pour
le rassurer ; Pan lui répond qu'il l'alaissé
dans le prochain Bocage . Issé part
sur le champ , pour aller secourir son
Amant, et finit ce bel Acte par ce Vers :
Vole , Amour , sui mes pas, et vien le rassurer.
Le Théatre représente au cinquième
'Acte , une Solitude. Doris commence
l'Acte , et Pan en remplit la seconde Scece
avec elle ; mais comme cela coupe l'action
dans l'endroit le plus interressant ,
nos Lecteurs ne trouveront pas mauvais
I.Vol. Giij que
2690 MERCURE DE FRANCE
que nous ne suivions pas exactement ce
Poëme ; nous passons donc à Appollon
et à Issé , pour qui tous les coeurs s'inté
ressent. Apollon jouit pleinement de la
victoire qu'il remporte sur lui - même ;
Issé n'oublie rien pour détruire les feintes
allarmes de son cher Philemon ; il
lui fait entendre ses frayeurs secrettes ,
par ces Vers :
Les noeuds
que l'Amour a formez ,
Vont être brisez par la gloire ;
Pardonnez mes transporss jaloux , &c.
La tendre Issé lui répond :
Je ne la connois point cette gloire fatale ;
Mon coeur ne reconnoit que vous ,
Ils se disent ensemble :
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement ;
Si vous m'aimiez de même ;
Mon sort seroit charmant.
&c.
On trouve que ce Duo étoit mieux
amené dans la premiere Edition ; il venoit
après ces Vers qu'Issé adressoit à son
cher Philemon :
Un vain espoir vous séduit et vous charme §
Et moi , je crains incessamment ,
I. Vol. Votre
DECEMBRE . 1733 2694
"
Votre amour espere aisément ,
Et le mien aisément s'allarme ,
Que nous aimons différemment !
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement.
Apollon fait enfin la derniere épreuve
du coeur d'Issé ; le Théatre change et représente
un Palais magnifique. On voit
les Heures qui descendent des Cieux sur
des nuages; Issé ne peut soûtenir ce spectacle
; elle tremble pour son Amant, elle
le presse de fuir avec elle , pour se dérober
à la fureur d'un Dieu jaloux ; Apollon
ne peut plus tenir contre des preuves
si éclatantes d'une fidelité inébranlable
; il se jette aux pieds d'Issé et lui
fait connoître que le Dieu qu'elle craint ',
et le Berger qu'elle aime , ne sont qu'une
même personne ; les Heures forment la
fête de ce dernier Acte , et cette aimable
Pastorale finit par un Choeur des plus
brillans.
On auroit souhaité qu'une action si interessante
ne fut pas coupée par un
Episode dont elle pourroit se passer absolument.
On doit même présumer que
M. de la Mothe s'est défié de lui- même,
quand il a appellé ce galant hors d'auvre
à son secours ; on croit même que s'il
1. Vol. Giiij avoit
2692 MERCURE DE FRANCE
avoit d'abord mis sa Pastorale en cinq
Actes , il l'auroit traitée plus séricusement
, et n'auroit pas rappellé hors de
saison ,une forme de Poëme Lyrique , dont
les Italiens sont les créateurs , que leur
premier imitateur avoit d'abord adoptée
; mais à laquelle il renonça après son
troisiéme Opera , parce qu'il s'apperçut
bien que les François ne s'en accommodoient
pas. Au reste cette Pastotale est
generalement approuvée ; et l'exécution
répond parfaitement à la bonté de l'Ouvrage.
La Dlle le Maure ne brille pas
moins dans le Rôle d'Issé , qu'elle avoit
fait dans celui d'Oriane , dans Amadis .
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Résumé : L'Opéra d'Issé, Extrait, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique a représenté pour la quatrième fois l'œuvre 'Issé, Pastorale Héroïque' au Théâtre. Cette pastorale, créée en 1697, a été reprise en 1708 et 1719, chaque représentation rencontrant un succès croissant. La dernière reprise est particulièrement brillante. 'Issé' est le premier ouvrage de deux jeunes auteurs, M. de la Mothe et M. Destouches, qui ont tous deux brillamment entamé leur carrière. M. de la Mothe, auteur du poème, est comparé à un jeune Homère dans son épître dédicatoire à Monseigneur le Duc de Bourgogne. Son style dans 'Issé' n'est pas aussi correct que dans d'autres œuvres, mais il est marqué par un 'beau feu' inspiré par Apollon. M. Destouches, compositeur de la musique, démontre dès cette œuvre un génie et un goût remarquables, avec un chant naturel, des peintures vives et un récitatif flatteur. L'intrigue de 'Issé' s'inspire de la fable du Jardin des Hespérides, symbolisant l'abondance accordée par Louis le Grand à l'Europe après la paix. Le prologue allégorique représente le jardin défendu par un dragon (la guerre) et Hercule (le roi) qui vainc le dragon pour rendre l'abondance accessible. L'action se déroule dans le jardin des Hespérides, où les nymphes jouissent d'une abondance protégée par un dragon. Hercule combat et vainc le dragon, permettant à tous de partager les fruits du jardin. Jupiter confirme la promesse d'Hercule et annonce une fête pour célébrer la paix. Dans le premier acte, Apollon, sous le nom de Philemon, se plaint de l'amour qui le rend malheureux. Pan lui conseille de révéler son identité à Issé, dont il est épris. Issé, dans un monologue, regrette la perte de son indifférence. Doris, une amie, soupçonne Issé d'aimer Hylas. Hylas organise une fête pour déclarer son amour à Issé, mais elle résiste à ses avances. Le deuxième acte se déroule dans le palais d'Issé et ses jardins. Issé se plaint de l'amour et prie de ne pas être visée. Apollon, déguisé en berger, la retient et lui déclare son amour. Issé tente de fuir, mais Apollon la suit. Un épisode avec Pan et Doris interrompt la scène. Dans le troisième acte, Apollon exprime son désir de voir Issé partager son amour. Il consulte l'oracle de Dodone pour connaître les sentiments d'Issé. Hylas, désespéré, se plaint de l'amour non partagé d'Issé. L'oracle révèle qu'Issé doit aimer Apollon, ce qui la contrarie. Le quatrième acte montre Issé se plaindre de la loi imposée par l'oracle. Elle s'endort et rêve d'Apollon. À son réveil, elle trouve Hylas qui se lamente. Pan informe Issé du désespoir de Philemon, et elle part le rassurer. Le cinquième acte se déroule dans une solitude. Apollon et Issé expriment leurs sentiments. Issé rassure Philemon sur ses frayeurs secrètes, et ils se réconcilient. Dans la scène finale, Apollon teste la fidélité d'Issé. Un palais magnifique apparaît sur scène, avec les Heures descendant des cieux. Issé, inquiète pour son amant, le presse de fuir. Apollon, convaincu de sa fidélité, révèle qu'il est à la fois le dieu qu'elle craint et le berger qu'elle aime. Les Heures célèbrent cette révélation, et la pastorale se termine par un chœur brillant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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371
p. 2759-2776
LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
Il est tres-vrai, comme vous le dites, MADAME, qu'un véritable Ami est [...]
Mots clefs :
Amour, Amitié, Amants, Sentiments, Coeur, Charmes, Beauté, Mérite, Esprit, Honneur, Qualités, Personnes, Monde, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
LETTRE de M. de Ponsan , Trésorier
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
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Résumé : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
La lettre de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, adressée à une dame, met en avant la supériorité de l'amitié sur l'amour. L'auteur souligne que l'amitié est une ressource précieuse, particulièrement pour les femmes méritantes qui craignent les jugements publics. Il observe que l'amour et l'amitié sont souvent confondus, ce qui peut nuire à l'amitié. L'amour est motivé par la vanité et la beauté, tandis que l'amitié repose sur la générosité et les vertus. L'auteur note que l'amour peut emprunter le langage de l'amitié par hypocrisie. Il insiste sur la pureté et la tranquillité des plaisirs de l'amitié, contrastant avec les tumultes de l'amour. L'amitié persiste à travers les épreuves et les changements de fortune, renforçant les liens entre les amis. En revanche, l'amour est décrit comme orageux et corrupteur, né de l'amour-propre et source de crimes. L'auteur admire les qualités de la dame, qui incarnent une amitié solide et véritable, et se félicite de son choix de préférer l'amitié à l'amour. Il mentionne également les jaloux qui ont tenté de semer la défiance, mais son amitié est restée inébranlable. La lettre, publiée dans le Mercure de France en décembre 1733, exalte l'amitié comme seule capable de former des liens authentiques. L'auteur relate comment le public, après des jugements variés, a finalement reconnu la supériorité de l'amitié. Elle décrit les réactions de ses anciens amants, qui l'ont accusée d'insensibilité et de dureté, mais se justifie en expliquant qu'elle réservait ses sentiments pour un usage plus noble. L'auteur souligne que l'amitié est souvent compromise par l'amour, mais que l'inverse est rare. Elle loue les personnes capables de transformer leur amour en amitié, les qualifiant de méritantes. Elle exprime sa gratitude envers une dame dont les réflexions philosophiques l'ont influencée. Elle admire cette dame pour son intelligence et sa beauté, mais surtout pour son mépris de l'amour et son attachement à l'amitié. L'auteur conclut en affirmant son dévouement et son respect pour cette dame, prêt à sacrifier ses intérêts pour lui prouver son attachement sincère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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372
p. 2776-2778
IMITATIONE del Madrigale CVII del Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata da Madamigella MALCRESIA della Vigna del Crusico in Bretagna.
Début :
Si fugga l'Amore. / Chi Uuol haver felice, è lito il core, [...]
Mots clefs :
Amour, Foudre, Éclair, Mort
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texteReconnaissance textuelle : IMITATIONE del Madrigale CVII del Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata da Madamigella MALCRESIA della Vigna del Crusico in Bretagna.
IMITATIONE del Madrigale CVII del
Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata
da Madamigella MALCRESIA della
Vigna del Crusico in Bretagna.
Si fugga: l'Amore.
CHiUuol haverfelice , a lito il core ,
Non segna il crudo Amore,-
Quel lusinghier ch'ancide
Quando più scherza, e ride ,
Ma tema di Belta di leggiadria ,
L'aura fallace e ria.›
Al pregar non risponda , à la promessa
II. Vol. Nem
DECEMBRE . 1733. 2777
Non creda ; e se s'appressa ,
Függa pur , che baleno è quel ch'alletta,
Ne mai balena Amor , sc non saetta.
IMITATION.
Renoncez à l'Amour , tournez ailleurs la vuë ;
Que sur l'éclat subtil de ses apas trompeurs ;
Il blesse en caressant , en badinant il tuë ,
Des jours les plus serains , il trouble les dous
ceurs.
M
Comme un Nocher prudent . qui prévoit un
Orage ,
Pour le laisser passer , reste tranquille au port ;
Qu'ainsi l'homme au coeur tendre, évite un beau
visage ,
Qu'il fuye , et qu'il le craigne à l'égal de la
mort.
M
Qu'il soit sourd et muet , quand une Iris le
pric ;
Que même à ses sermens , il refuse sa foi ¿
Et s'il veut sans retour voir sou ame guérie ,
Qu'insensible il persiste à l'éloigner de soi.
Sur un Amant surpris quand un regard arrive
L'Enfer s'ouvre , et l'Amour lance un feu qui
fénd l'air,
11. Vol
B Mais
2778 MERCURE DE FRANCE
Mais l'Eclair ne part point , que la foudre ag
suive ,
Et la mort suit bien-tôt et la foudre et l'éclair.
Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata
da Madamigella MALCRESIA della
Vigna del Crusico in Bretagna.
Si fugga: l'Amore.
CHiUuol haverfelice , a lito il core ,
Non segna il crudo Amore,-
Quel lusinghier ch'ancide
Quando più scherza, e ride ,
Ma tema di Belta di leggiadria ,
L'aura fallace e ria.›
Al pregar non risponda , à la promessa
II. Vol. Nem
DECEMBRE . 1733. 2777
Non creda ; e se s'appressa ,
Függa pur , che baleno è quel ch'alletta,
Ne mai balena Amor , sc non saetta.
IMITATION.
Renoncez à l'Amour , tournez ailleurs la vuë ;
Que sur l'éclat subtil de ses apas trompeurs ;
Il blesse en caressant , en badinant il tuë ,
Des jours les plus serains , il trouble les dous
ceurs.
M
Comme un Nocher prudent . qui prévoit un
Orage ,
Pour le laisser passer , reste tranquille au port ;
Qu'ainsi l'homme au coeur tendre, évite un beau
visage ,
Qu'il fuye , et qu'il le craigne à l'égal de la
mort.
M
Qu'il soit sourd et muet , quand une Iris le
pric ;
Que même à ses sermens , il refuse sa foi ¿
Et s'il veut sans retour voir sou ame guérie ,
Qu'insensible il persiste à l'éloigner de soi.
Sur un Amant surpris quand un regard arrive
L'Enfer s'ouvre , et l'Amour lance un feu qui
fénd l'air,
11. Vol
B Mais
2778 MERCURE DE FRANCE
Mais l'Eclair ne part point , que la foudre ag
suive ,
Et la mort suit bien-tôt et la foudre et l'éclair.
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Résumé : IMITATIONE del Madrigale CVII del Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata da Madamigella MALCRESIA della Vigna del Crusico in Bretagna.
Le texte est une imitation du madrigale CVII de Battista Guarini, écrite par Madamigella Malcresia della Vigna del Crusico en Bretagne. Cette œuvre met en garde contre les dangers de l'amour, conseillant de le fuir pour éviter ses tromperies et ses souffrances. L'amour est décrit comme un ennemi cruel qui tue lorsqu'il semble le plus doux. Le texte recommande de ne pas répondre aux prières ou aux promesses amoureuses et de fuir les beautés séduisantes. Il compare l'amour à un orage que l'on doit éviter en restant prudent et immobile, comme un nocher au port. Il insiste sur l'importance de rester insensible aux regards et aux serments amoureux pour préserver son âme. Enfin, il souligne que l'amour, comme la foudre, apporte la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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373
p. 2781
DÉFINITION DE L'AMOUR.
Début :
Vous m'ordonnez, Philis, de définir l'Amour ; [...]
Mots clefs :
Amour, Définition
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texteReconnaissance textuelle : DÉFINITION DE L'AMOUR.
DEFINITION DE L'AMOUR,
´Ous m'ordonnez , Philis , de définir l'AVousmour
;
Pourquoi chercher à le connoître ¿
Il faut vous le dire en cejour ;
Il n'est pas toujours tel que vous le faites naître.
M
L'Amour est un Enfant , sa Mere est la beauté
L'Esperance , sa nourriture ;
Son emploi , de ravir à tous la liberté ,
En demeurant libre de sa nature.
Son Passage est semé de fleurs ;
On ne le voit suivre les traces ,
Que des Jeux , des Ris et des Graces &
Il verse rarement des pleurs.
M
Jeunes coeurs ,craignez tout de sa vive tendresse,
Pour vous séduire,il n'a que trop d'adresse;
En vain il vous promet mille et mille douceurs
;
Si vous accordez trop , ou trop peu de faveurs ;
Adicu,l'Amour s'envole , et reprend sa promesse.
M. J. DE DON CHERY.
´Ous m'ordonnez , Philis , de définir l'AVousmour
;
Pourquoi chercher à le connoître ¿
Il faut vous le dire en cejour ;
Il n'est pas toujours tel que vous le faites naître.
M
L'Amour est un Enfant , sa Mere est la beauté
L'Esperance , sa nourriture ;
Son emploi , de ravir à tous la liberté ,
En demeurant libre de sa nature.
Son Passage est semé de fleurs ;
On ne le voit suivre les traces ,
Que des Jeux , des Ris et des Graces &
Il verse rarement des pleurs.
M
Jeunes coeurs ,craignez tout de sa vive tendresse,
Pour vous séduire,il n'a que trop d'adresse;
En vain il vous promet mille et mille douceurs
;
Si vous accordez trop , ou trop peu de faveurs ;
Adicu,l'Amour s'envole , et reprend sa promesse.
M. J. DE DON CHERY.
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Résumé : DÉFINITION DE L'AMOUR.
Le texte 'Définition de l'Amour' décrit l'amour comme un enfant né de la beauté et nourri par l'espérance. Libre et capable de ravir la liberté des autres, il offre des moments joyeux mais peut aussi séduire et promettre mille douceurs. L'amour s'envole si l'on lui accorde trop ou trop peu de faveurs. L'auteur est M. J. de Don Chery.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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374
p. 2808-2816
REFLEXIONS.
Début :
Selon ce proverbe plein de sens ; Non e degne di esser obedito, chi non ha [...]
Mots clefs :
Colère, Amis, Avarice, Réflexions, Amour, Juge, Monde
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS.
Elon ce proverbe plein de sens ; Non
e degne di esser obedito , chi non ha ·
modo di esser amato.
II. Vol. Gli
DECEMBRE. 1733. 2809
Gli amici falsi sono come l'ombra dell
borivolo , che se il tempo è soreno apparisce
, s'è nebulose s'asconde.
Dans quelque liaison qu'on soit avec
son ami , et quelque épreuve qu'on en
ait faite , il est toujours d'un homme
sage de se réserver un secret pour soimême.
Ama ut oditurus , odi ut amaturus ....
En amitié on ne commence guere sans
y penser , mais en amour on commence
toujours sans refléxion. Aussi tous les
commencemens de l'amour sont semblables
, mais les suites sont differentes.
Les retours de l'amitié sont difficiles ;
ceux de l'amour sont fort aisez .
Quand nos amis nous ont trompés , on
ne doit avoir que de l'indifference pour
eux ; mais on doit toujours de la sensibilité
à leurs malheurs.
Quand on sçait se faire des amis par
ses bienfaits plutôt que par son mérite ,
on est bien digne d'en avoir , mais on
n'en a pas pour cela.
Un bon coeur approuve autant la ma-
11. Vol. Cv xime
2810 MERCURE DE FRANCE
xime de ne haïr que comme pouvant
aimer un jour , qu'il déteste celle de
n'aimer que comme si un jour on devoit
haïr.
Amigo de todos y ninguno , tode es uno.
De amigo reconciliado , guarte del come
del Diablo.
Quien de todos es amigo , o es muy pobre,
• muy rico.
Il vaut mieux être juge entre ses ennemis
qu'entre ses amis , parce qu'étant
juge entre ses ennemis. , on est assuré
au moins de se faire un ami ; mais étant
juge entre ses amis , on est assuré de se
faire un ennemi et quelquefois plusieurs.
L'avarice est un mal si incurable , qu'il
semble que le temps et la mort même
ne peuvent rien sur sa tyrannie.
La prodigalité est un grand vice à la
verité , mais qui ne fait du mal qu'à
soi même et dont les autres se trouvent
bien. L'avarice est odieuse à tout le monde
, elle nuit à soi et aux autres . Nullum
etiam vitium tetrius avaritia , dit Ciceron,
I I. Vol.
pròligus
DECEMBRE. 1733. 2817
prodigus avaro esse melior videtur , quia
ipso multis , illiberalis nemini prodest , immo
nec sibi quidam utilis avaritia .
La prodigalité peut se guérir , mais
l'avarice est une maladie désesperée qui
croît avec l'âge.
Chaque passion a ses plaisirs , et quoi
qu'on regarde la vie d'un avaricieux comme
la plus miserable du monde, jusqueslà
qu'on croit que le plus grand mal qui
puisse lui arriver , c'est qu'il vive longtemps
; cependant le plaisir qu'il a de
posseder son argent , de le voir , de le
compter , d'y songer , lui tient lieu des
plus grandes joyes , et il n'y en a point
dans le monde auxquelles il fut si sensible.
L'Avare croit qu'il n'aura jamais assez
de biens ; son avidité pour ceux qu'il
n'a pas , lui ôte le moyen de jouir de
ceux qui sont en sa possession , et on
peut dire que les richesses le possedent
et qu'il ne les possede pas.
Un Avare ne fait du bien à personne ,
pas même à soy ; et il n'use pas plus
de ce qu'il a , comme de ce qu'il n'a pas.
Tam deest avaro quod habet , quam quod
non habet . Horat .
II. Vol
V ] L
2812 MERCURE DE FRANCE
L'avarice loüable est celle du temps ,
qu'on ne sçauroit trop ménager.
On est toujours très- étroitement attaché
à ce qu'on craint de perdre , et
à ce que les autres nous envient , en sorte
qu'on peut assurer qu'un Avare cesseroit
de l'être , s'il pouvoit se persuader
que personne ne lui envie ses richesses
et qu'il les possedera toujours ; l'inquiétude
nourrit l'amour qu'on a pour elles.
Non luget quisquis laudari , Gallia quarit ;
Ille dolet verè , qui sine teste dolet . Mart.
Les pleurs d'un heritier sont des ris
cachez sous un masque . Heredis fletus sub
persona risus est. Publ. Syrus.
Les disgraces et les infortunes nous
surprendroient moins si nous faisions reflexion
sur la condition de notre nature
et sur les miseres qui en sont inséparables.
On ne doit pas plus se desesperer dans
l'adversité , que se confier trop dans la
prosperité.
Quelque inégalité qui paroisse dans La
distribution des adversitez , Socrate as-
II. Vol. sure
DECEMBRE. 1733 2813
sure que si chacun apportoit toutes ses
peines pour être mises avec celles des
autres , et ensuite partagées entre tous
les hommes en parties égales , chacun
reprendroit bien vîte les siennes , sans
vouloir les partager.
Dans toutes les disgraces qui peuvent
arriver pendant la vie , le comble de
l'infortune c'est d'avoir été heureux . In
omni adversitate fortuna in felicissimum
genus est infortunii , fuisse foelicem. Boece ,
1. 2. de Consolat.
Les grandes afflictions sont muettes ,
et les petites parlent . Cura leves loquuntur
, ingentes stupent. Senec .
Le souvenir des plaisirs passez est d'un
foible secours aux afflictions présentes.
Toute affliction est supportable quand
on a du pain ; mais sans pain tout est
affliction.
Nous devons voir nos amis dans la
prosperité , lorsqu'ils nous en prient ;
mais quand la fortune leur est contraire
et qu'ils sont dans l'adversité , il faut
y courir sans attendre qu'on soit appellé.
II. Vol.
c'est
2814 MERCURE DE FRANCE
C'est l'ordinaire à ceux qui profitent
à la mort de quelqu'un de paroître toujours
les plus affligez. Nulli jactantius
mærent , quam qui maxime lætantur.
Il y a des douleurs que l'on sent davantage
quelque temps après qu'on a
commencé de les sentir , que lorsqu'on
les sent pour la premiere fois.
Nous avons beau nous piquer d'avoir
le coeur bon pour nos amis , nous ne
sentons leurs malheurs que legerement ,
du moins nous ne les sentons pas longtemps
; car presque toutes les douleurs
de compassion sont des douleurs passageres,
dont la moindre distraction soulage.
Il est mal- aisé que celui qui a le feu
en sa maison , porte de l'eau pour éteindre
l'embrasement de son voisin .
La colere est de toutes les passions la
plus dangereuse ; elle ne produit que de
méchants effets , et marque la foiblesse
de celui qu'elle possede ; car il se laisse
aller au torrent qui l'entraîne , sans voir
le précipice et sans consulrer sa raison
qui pourroit l'en détourner et l'en rendre
maître .
11. Vol. La
DECEMBRE. 1733. 2815
La raison ne veut pas toujours qu'on
trouve juste ce qui est veritablement
justę; mais la colere veut qu'on trouve
juste tout ce qu'elle estime juste.
Sono poco da temersi , coloro aquali la lingua
serve per ispada : la colera che isfoga
per la bocca , non isfoga par le mani.
Les invectives et les menaces sont presque
, toujours l'effet et la marque d'une
colere impuissante , qui d'ordinaire ne
diminuent pas la bonne opinion qu'on
a de ceux qu'on attaque.
Non teme il colerico , perche rimira l'oggetto
inquanto lo puo offendere ; non , -inquanto
puo essèr egli offeso.
ރ
La colere la plus aigre et la plus dange
reuse est celle qui sort d'un sujet dont
la vie est molle et effeminée , car les plus
foibles sont les plus susceptibles mouvemens
de cette passion. On le voit assez
dans les ignorans , les malades , les vieil
lards , les femmes et les enfans.
La colere fait toujours trouver nos
raisons meilleures qu'elles ne sont.
II. Vol.
On
2816 MERCURE DE FRANCE
On est presque toujours obligé de continuer
de sang froid , ce qu'on a commencé
en colere .
Elon ce proverbe plein de sens ; Non
e degne di esser obedito , chi non ha ·
modo di esser amato.
II. Vol. Gli
DECEMBRE. 1733. 2809
Gli amici falsi sono come l'ombra dell
borivolo , che se il tempo è soreno apparisce
, s'è nebulose s'asconde.
Dans quelque liaison qu'on soit avec
son ami , et quelque épreuve qu'on en
ait faite , il est toujours d'un homme
sage de se réserver un secret pour soimême.
Ama ut oditurus , odi ut amaturus ....
En amitié on ne commence guere sans
y penser , mais en amour on commence
toujours sans refléxion. Aussi tous les
commencemens de l'amour sont semblables
, mais les suites sont differentes.
Les retours de l'amitié sont difficiles ;
ceux de l'amour sont fort aisez .
Quand nos amis nous ont trompés , on
ne doit avoir que de l'indifference pour
eux ; mais on doit toujours de la sensibilité
à leurs malheurs.
Quand on sçait se faire des amis par
ses bienfaits plutôt que par son mérite ,
on est bien digne d'en avoir , mais on
n'en a pas pour cela.
Un bon coeur approuve autant la ma-
11. Vol. Cv xime
2810 MERCURE DE FRANCE
xime de ne haïr que comme pouvant
aimer un jour , qu'il déteste celle de
n'aimer que comme si un jour on devoit
haïr.
Amigo de todos y ninguno , tode es uno.
De amigo reconciliado , guarte del come
del Diablo.
Quien de todos es amigo , o es muy pobre,
• muy rico.
Il vaut mieux être juge entre ses ennemis
qu'entre ses amis , parce qu'étant
juge entre ses ennemis. , on est assuré
au moins de se faire un ami ; mais étant
juge entre ses amis , on est assuré de se
faire un ennemi et quelquefois plusieurs.
L'avarice est un mal si incurable , qu'il
semble que le temps et la mort même
ne peuvent rien sur sa tyrannie.
La prodigalité est un grand vice à la
verité , mais qui ne fait du mal qu'à
soi même et dont les autres se trouvent
bien. L'avarice est odieuse à tout le monde
, elle nuit à soi et aux autres . Nullum
etiam vitium tetrius avaritia , dit Ciceron,
I I. Vol.
pròligus
DECEMBRE. 1733. 2817
prodigus avaro esse melior videtur , quia
ipso multis , illiberalis nemini prodest , immo
nec sibi quidam utilis avaritia .
La prodigalité peut se guérir , mais
l'avarice est une maladie désesperée qui
croît avec l'âge.
Chaque passion a ses plaisirs , et quoi
qu'on regarde la vie d'un avaricieux comme
la plus miserable du monde, jusqueslà
qu'on croit que le plus grand mal qui
puisse lui arriver , c'est qu'il vive longtemps
; cependant le plaisir qu'il a de
posseder son argent , de le voir , de le
compter , d'y songer , lui tient lieu des
plus grandes joyes , et il n'y en a point
dans le monde auxquelles il fut si sensible.
L'Avare croit qu'il n'aura jamais assez
de biens ; son avidité pour ceux qu'il
n'a pas , lui ôte le moyen de jouir de
ceux qui sont en sa possession , et on
peut dire que les richesses le possedent
et qu'il ne les possede pas.
Un Avare ne fait du bien à personne ,
pas même à soy ; et il n'use pas plus
de ce qu'il a , comme de ce qu'il n'a pas.
Tam deest avaro quod habet , quam quod
non habet . Horat .
II. Vol
V ] L
2812 MERCURE DE FRANCE
L'avarice loüable est celle du temps ,
qu'on ne sçauroit trop ménager.
On est toujours très- étroitement attaché
à ce qu'on craint de perdre , et
à ce que les autres nous envient , en sorte
qu'on peut assurer qu'un Avare cesseroit
de l'être , s'il pouvoit se persuader
que personne ne lui envie ses richesses
et qu'il les possedera toujours ; l'inquiétude
nourrit l'amour qu'on a pour elles.
Non luget quisquis laudari , Gallia quarit ;
Ille dolet verè , qui sine teste dolet . Mart.
Les pleurs d'un heritier sont des ris
cachez sous un masque . Heredis fletus sub
persona risus est. Publ. Syrus.
Les disgraces et les infortunes nous
surprendroient moins si nous faisions reflexion
sur la condition de notre nature
et sur les miseres qui en sont inséparables.
On ne doit pas plus se desesperer dans
l'adversité , que se confier trop dans la
prosperité.
Quelque inégalité qui paroisse dans La
distribution des adversitez , Socrate as-
II. Vol. sure
DECEMBRE. 1733 2813
sure que si chacun apportoit toutes ses
peines pour être mises avec celles des
autres , et ensuite partagées entre tous
les hommes en parties égales , chacun
reprendroit bien vîte les siennes , sans
vouloir les partager.
Dans toutes les disgraces qui peuvent
arriver pendant la vie , le comble de
l'infortune c'est d'avoir été heureux . In
omni adversitate fortuna in felicissimum
genus est infortunii , fuisse foelicem. Boece ,
1. 2. de Consolat.
Les grandes afflictions sont muettes ,
et les petites parlent . Cura leves loquuntur
, ingentes stupent. Senec .
Le souvenir des plaisirs passez est d'un
foible secours aux afflictions présentes.
Toute affliction est supportable quand
on a du pain ; mais sans pain tout est
affliction.
Nous devons voir nos amis dans la
prosperité , lorsqu'ils nous en prient ;
mais quand la fortune leur est contraire
et qu'ils sont dans l'adversité , il faut
y courir sans attendre qu'on soit appellé.
II. Vol.
c'est
2814 MERCURE DE FRANCE
C'est l'ordinaire à ceux qui profitent
à la mort de quelqu'un de paroître toujours
les plus affligez. Nulli jactantius
mærent , quam qui maxime lætantur.
Il y a des douleurs que l'on sent davantage
quelque temps après qu'on a
commencé de les sentir , que lorsqu'on
les sent pour la premiere fois.
Nous avons beau nous piquer d'avoir
le coeur bon pour nos amis , nous ne
sentons leurs malheurs que legerement ,
du moins nous ne les sentons pas longtemps
; car presque toutes les douleurs
de compassion sont des douleurs passageres,
dont la moindre distraction soulage.
Il est mal- aisé que celui qui a le feu
en sa maison , porte de l'eau pour éteindre
l'embrasement de son voisin .
La colere est de toutes les passions la
plus dangereuse ; elle ne produit que de
méchants effets , et marque la foiblesse
de celui qu'elle possede ; car il se laisse
aller au torrent qui l'entraîne , sans voir
le précipice et sans consulrer sa raison
qui pourroit l'en détourner et l'en rendre
maître .
11. Vol. La
DECEMBRE. 1733. 2815
La raison ne veut pas toujours qu'on
trouve juste ce qui est veritablement
justę; mais la colere veut qu'on trouve
juste tout ce qu'elle estime juste.
Sono poco da temersi , coloro aquali la lingua
serve per ispada : la colera che isfoga
per la bocca , non isfoga par le mani.
Les invectives et les menaces sont presque
, toujours l'effet et la marque d'une
colere impuissante , qui d'ordinaire ne
diminuent pas la bonne opinion qu'on
a de ceux qu'on attaque.
Non teme il colerico , perche rimira l'oggetto
inquanto lo puo offendere ; non , -inquanto
puo essèr egli offeso.
ރ
La colere la plus aigre et la plus dange
reuse est celle qui sort d'un sujet dont
la vie est molle et effeminée , car les plus
foibles sont les plus susceptibles mouvemens
de cette passion. On le voit assez
dans les ignorans , les malades , les vieil
lards , les femmes et les enfans.
La colere fait toujours trouver nos
raisons meilleures qu'elles ne sont.
II. Vol.
On
2816 MERCURE DE FRANCE
On est presque toujours obligé de continuer
de sang froid , ce qu'on a commencé
en colere .
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Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore plusieurs thèmes, notamment l'amitié, l'amour, l'avarice, la prodigalité et la colère. Il commence par souligner l'importance de l'amitié et la prudence nécessaire dans les relations amicales, notant que les faux amis se révèlent seulement en période de difficulté. Il met en garde contre les dangers de l'amour sans réflexion et les différences entre les retours de l'amitié et de l'amour. L'avarice est décrite comme une maladie incurable qui nuit à la fois à l'avare et aux autres, tandis que la prodigalité, bien que vice, ne fait du mal qu'à soi-même. Le texte discute des plaisirs de l'avarice et l'attachement des avares à leurs richesses. Il aborde également les réactions aux malheurs et aux infortunes, soulignant l'importance de la réflexion sur la condition humaine et les misères inévitables. Le texte conseille de ne pas désespérer dans l'adversité ni se confier excessivement dans la prospérité. Il traite des afflictions, notant que les grandes douleurs sont muettes et que le souvenir des plaisirs passés est un faible secours. Enfin, il analyse la colère, la décrivant comme la passion la plus dangereuse, marquée par la faiblesse et l'absence de raison.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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375
p. 2921
ETRENNES.
Début :
Moins conduite par la coutume, [...]
Mots clefs :
Tendre, Amour, Papa
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETRENNES.
ETRENNES.
Moins conduite par la coutume,
Que par mon tendre attachement ,
Mon cher Papa , j'ai pris la plume ,
Pour vous faire mon compliment.
A ce dessein j'ai trouvé des obstacles
Capables de m'intimider ,
Mais l'amour a daigué m'aider ,
L'Amour fait bien d'autres miracles.
Puissent les Dieux , de l'innocence amis ,
A mes voeux empressez se rendre ;
Et qu'à l'enfant le plus soumis ,
Ils conservent long tems le Pere le plus tendre.
Moins conduite par la coutume,
Que par mon tendre attachement ,
Mon cher Papa , j'ai pris la plume ,
Pour vous faire mon compliment.
A ce dessein j'ai trouvé des obstacles
Capables de m'intimider ,
Mais l'amour a daigué m'aider ,
L'Amour fait bien d'autres miracles.
Puissent les Dieux , de l'innocence amis ,
A mes voeux empressez se rendre ;
Et qu'à l'enfant le plus soumis ,
Ils conservent long tems le Pere le plus tendre.
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376
p. 11-15
ARMIDE, CANTATE.
Début :
Dans les Jardins fleuris des Isles enchantées, [...]
Mots clefs :
Amour, Armes, Armide, Gloire, Combats, Victoire, Coeurs, Amants, Charmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARMIDE, CANTATE.
ARMIDE ,
CANTATE.
Ans les Jardins fleuris des Isles enchantées ,
Armide et son Amant couloient des jours heureux
,
De nul espoir cruel leurs ames tourmentées
Se livroient tendrement aux plaisirs amoureux
.
Dans les bras du repos , au sein de la molesse
Ils goutoient les douceurs de cette aimable
yvresse ;
Que ressentent des coeurs par l'amour animez ;
Leurs yeux étoient baignez de ces heureuses
larmes ,
Que toujours font couler les désirs enflammez ;
L'un de l'autre charmez , ils vivoient sans allarmes,
Bij Er
12 MERCURE DE FRANCE
Et sentoient ces transports, ces doux saisissemens,
Qui font tous les plaisirs des plus tendres
Amans .
L'Amour ne va point sans les charmes
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Que sert contre ce Dieu terrible
D'armer une vaine rigueur ?
Par tout le titre d'invincible ,
Suit ce redoutable vainqueur,
;
L'Amour ne va point sans les charmes ,
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Dans cet agréable séjour ,
Des plus vives couleurs la terre est émaillée s
La Reine du Printemps , décemment habillée ,
Y tient sa florissante Cour.
Les Zéphirs réunis sur ce charmant rivage ,
D'un fouffle bienfaisant agitent le feuillage ;
Des Ruisseaux argentez arrosent ces beaux
lieux ;
Instruits par la seule nature
Mille
JANVIER. 1734 13
Mille Oyseaux de leur chants font retentir les
Cieux ;
Des Nymphes de riche Parure ,
Foulent d'un pied léger les verdoyans gazons ;
Et les Ris , et les Jeux, les Plaisirs , et les Graces,
Du Prince de Cythere accompagnant les traces ;
Récitent ces douces Chansons.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ;
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convie ;
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Comme un Zéphir la jeunesse s'envole ,
Nos plus beaux jours passent rapidement ;
Les ris fayans comme une ombre frivole
Se font , hélas ! regretter vainement.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ,
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convic ,
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Si-tôt que le Soleil eut dissipé les ombres ,
Armide descendit dans les Royaumes sombres ;
Pour exercer ses noirs enchantemens ;
Aux regards du Héros plongé dans la molesse ,
La gloire fait briller ses nobles agrémens ,
Il la voit , et cedant à ses puissans appas ,
B
Π
14 MERCURE DE FRANCE
Il s'éloigne soudain de cette Isle fatale ,
Et rapellant sa valeur sans égale ,
Pour signaler ses coups , il cherche les combats.
Déja la victoire
Vole sur ses pas ;
Guidé par la Gloire ,
Tout cede à son Bras.
L'horreur , le Carnage ,
Suivent ce vainqueur ;
Et par tout sa rage,
Répand la terreur .
Parmi les allarmes ,
Pallas le conduit ;
Jettant bas les armes
L'Ennemi s'enfuit.
Armide cependant revient dans son Boccage ;
Mais bien-tôt la pâleur couvre son beau visage,
Quand elle n'y voit plus son perfide Héros ,
Pleurant sa funeste disgrace ,
Elle gémit , elle menace ,
Et croit le rappeller par ses tristes sanglots,
Inutiles fureurs ! Amante inalheureuse !
Tes plaintes , tes soupirs ne pourront ramener
Celui qui , dédaignant ta beauté généreuse ,
Après tant de bienfaits a pu t'abandonner.
Um
JANVIER. 1734.
Un coeur épris de la gloire ,
D'amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire ,
Ont pour lui bien plus d'attraits.
Venus offre en vain ses charmes
Aux magnanimes Guerriers ,
Quand le puissant Dieu des Armes ,
Les couronne de Lauriers .
Un coeur épris de la gloire ,
D'Amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire
Ont pour lui bien plus d'attraits.
AUBRY DE TRUNGY.
CANTATE.
Ans les Jardins fleuris des Isles enchantées ,
Armide et son Amant couloient des jours heureux
,
De nul espoir cruel leurs ames tourmentées
Se livroient tendrement aux plaisirs amoureux
.
Dans les bras du repos , au sein de la molesse
Ils goutoient les douceurs de cette aimable
yvresse ;
Que ressentent des coeurs par l'amour animez ;
Leurs yeux étoient baignez de ces heureuses
larmes ,
Que toujours font couler les désirs enflammez ;
L'un de l'autre charmez , ils vivoient sans allarmes,
Bij Er
12 MERCURE DE FRANCE
Et sentoient ces transports, ces doux saisissemens,
Qui font tous les plaisirs des plus tendres
Amans .
L'Amour ne va point sans les charmes
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Que sert contre ce Dieu terrible
D'armer une vaine rigueur ?
Par tout le titre d'invincible ,
Suit ce redoutable vainqueur,
;
L'Amour ne va point sans les charmes ,
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Dans cet agréable séjour ,
Des plus vives couleurs la terre est émaillée s
La Reine du Printemps , décemment habillée ,
Y tient sa florissante Cour.
Les Zéphirs réunis sur ce charmant rivage ,
D'un fouffle bienfaisant agitent le feuillage ;
Des Ruisseaux argentez arrosent ces beaux
lieux ;
Instruits par la seule nature
Mille
JANVIER. 1734 13
Mille Oyseaux de leur chants font retentir les
Cieux ;
Des Nymphes de riche Parure ,
Foulent d'un pied léger les verdoyans gazons ;
Et les Ris , et les Jeux, les Plaisirs , et les Graces,
Du Prince de Cythere accompagnant les traces ;
Récitent ces douces Chansons.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ;
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convie ;
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Comme un Zéphir la jeunesse s'envole ,
Nos plus beaux jours passent rapidement ;
Les ris fayans comme une ombre frivole
Se font , hélas ! regretter vainement.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ,
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convic ,
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Si-tôt que le Soleil eut dissipé les ombres ,
Armide descendit dans les Royaumes sombres ;
Pour exercer ses noirs enchantemens ;
Aux regards du Héros plongé dans la molesse ,
La gloire fait briller ses nobles agrémens ,
Il la voit , et cedant à ses puissans appas ,
B
Π
14 MERCURE DE FRANCE
Il s'éloigne soudain de cette Isle fatale ,
Et rapellant sa valeur sans égale ,
Pour signaler ses coups , il cherche les combats.
Déja la victoire
Vole sur ses pas ;
Guidé par la Gloire ,
Tout cede à son Bras.
L'horreur , le Carnage ,
Suivent ce vainqueur ;
Et par tout sa rage,
Répand la terreur .
Parmi les allarmes ,
Pallas le conduit ;
Jettant bas les armes
L'Ennemi s'enfuit.
Armide cependant revient dans son Boccage ;
Mais bien-tôt la pâleur couvre son beau visage,
Quand elle n'y voit plus son perfide Héros ,
Pleurant sa funeste disgrace ,
Elle gémit , elle menace ,
Et croit le rappeller par ses tristes sanglots,
Inutiles fureurs ! Amante inalheureuse !
Tes plaintes , tes soupirs ne pourront ramener
Celui qui , dédaignant ta beauté généreuse ,
Après tant de bienfaits a pu t'abandonner.
Um
JANVIER. 1734.
Un coeur épris de la gloire ,
D'amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire ,
Ont pour lui bien plus d'attraits.
Venus offre en vain ses charmes
Aux magnanimes Guerriers ,
Quand le puissant Dieu des Armes ,
Les couronne de Lauriers .
Un coeur épris de la gloire ,
D'Amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire
Ont pour lui bien plus d'attraits.
AUBRY DE TRUNGY.
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Résumé : ARMIDE, CANTATE.
Le texte raconte l'histoire d'Armide et de son amant, qui vivent des jours heureux dans les jardins enchantés des îles. Leur amour les libère des tourments et ils savourent les plaisirs amoureux, décrits comme un dieu invincible prodiguant ses faveurs. Leur séjour est idyllique, avec une nature florissante et des nymphes foulant les gazons. Cependant, la jeunesse et les plaisirs passent rapidement. Un matin, Armide descend dans les royaumes sombres pour exercer ses enchantements. Son amant, rappelé à la gloire, s'éloigne de l'île et cherche les combats. Guidé par la gloire, il remporte des victoires et répand la terreur parmi ses ennemis. De son côté, Armide revient dans son bocage, mais la pâleur couvre son visage lorsqu'elle ne voit plus son héros. Elle pleure et gémit, mais ses plaintes sont inutiles. Un cœur épris de gloire méprise les traits de l'amour et préfère les combats et la victoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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377
p. 203-208
ELOGE de Madame de Bethune d'Orval, Abbesse de l'Abbaye Royale de N. D. du Val de Giff, Diocèse de Paris.
Début :
Depuis que nous avons publié la mort de cette illustre Dame dans [...]
Mots clefs :
Abbesse, Béthune d'Orval, Abbaye du Val-de-Gif, Mort, Piété, Religieuse, Gouvernement, Montglat, Amour, Mérite, Vertus
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texteReconnaissance textuelle : ELOGE de Madame de Bethune d'Orval, Abbesse de l'Abbaye Royale de N. D. du Val de Giff, Diocèse de Paris.
ELOGE de Madame de Bethune d'Or
val , Abbesse de l'Abbaye Royale de N.
D. du Val de Giff , Diocèse de Paris.
D nous
Epuis que nous avons publié la
mort de cette illustre Dame dans
le premier volume du Mercure de Décembre
dernier , nous avons eu communication
d'une Lettre , qui a été écrite
sur ce sujet par la Dame Prieure et Communauté
de la même Abbaye . Cette
Lettre nous a paru si édifiante et si digne
de considération en toute maniere ,
que nous avons crû devoir en raporter
du moins les traits les plus marquez , pour
rendre à la mémoire d'une Personne si
respectable une partie des devoirs que le
Public est en droit d'exiger de nous en
certaines occasions.
D. Anne Eleonor - Marie de Bethune
d'Orval, étoit fille de François de Bethu-
* Duc d'Orval , Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de ses Armées , et du Pays Charne
,
"
* Le Duc d'Orval êtoit fils de Maximilien de
Bethune , Duc du Sully Pair et Maréchal de
France &c. Ministre d'Etat &c. et de Rachel de
Cachefilet , sa seconde femme.
A iiij train ,
204 MERCURE DE FRANCE
train , Premier Ecuyer de la Reine Anne
d'Autriche , et de Dame Anne de Harville
de Palaiseau .
Ce fut une de ces Ames privilegiées
sur lesquelles une Providence attentive
veille dès le berceau , et dont elle dirige
tous les pas vers le terme heureux qu'elle
leur a destiné dès l'Eternité . Elle fut
dérobée au monde avant qu'elle pût en
éprouver la corruption : dès l'âge de trois
ans,le Seigneur prit soin de la cacher dans
l'Abbaye de Royal- Lieu , comme dans
un azile assuré pour son innocence. Elle
y fut élevée sous les yeux de Madame
deVaucelas sa Tante qui en étoit Abbesse ;
et la premiere attention qu'on cut sur
cette jeune Plante , fût de lui interdire
avec une severité qui pouvoit paroître
excessive , toute délicatesse , toute marque
extérieure de distinction , tout ce
qui peut flater ce fond d'orgueil et d'amour
de nous-mêmes avec lequel nous
naissons tous et que nous portons jusqu'au
tombeau. Mais on ne négligea pas
de cultiver les heureuses dispositions
qu'on trouva dans son esprit , et on eût
soin de l'orner de toutes les connoissances
qui convenoient à son sexe , en même
tems qu'on s'appliquoit à répandre dans
son coeur les semences d'une pieté d'autant
FEVRIER 1734. 205
cant plus solide qu'elle seroit plus éclairée.
Elle n'hésita point sur le parti qu'elle
devoit prendre dès qu'elle en fût
en fût capable.
Tout ce que l'éclat de sa naissance
et plus encore ses qualitez personnelles ,
pouvoient lui promettre dans le monde ,
devint pour elle la matiere d'un sacrifice
très volontaire , et coûta peu à son coeur
déja détaché de tout.
Dès l'âge de quatorze ans elle entra au
Noviciat , et elle prit l'habit de Novice,
à quinze. Son année d'épreuve n'étoit pas
achevée lorsque Madame de Vaucelas fût
transferée à une autre Abbaye. Elle se
sépara de sa chere Tante sans s'ébranler,
et pouvant la suivre par toute sorte de
raisons , elle se fixa à Royal - Lieu , Maison
où Dieu l'avoit prévenuë de ses Bénédictions
, par la Profession Religieuse qu'elle
fit à seize ans entre les mains de la nouvelle
Abbesse.
Elle ne pensoit qu'à se sanctifier dans
l'état de simple Religieuse , ne prévoyant
rien qui peut l'obliger d'en sortir, Mais
Dieu avoit d'autres desseins sur elle . Son
mérite lui fit tort , quelque soin qu'elle
prit de le cacher: elle fut mise à de grandes
épreuves ; il fallut l'arracher enfin
d'une Maison qu'elle avoit choisie par
préférence à tout et de laquelle elle étoit
tendrement aimée. AT
1
206 MERCURE DE FRANCE
Elle se retira dans l'Abbaye de S. Pierre
de Reims auprès de Madame sa Soeur
qui en étoit Abbesse . Elle Y porta l'édiy
fication et l'exemple de toutes les vertus
Chrétiennes et Religieuses. Sa retraite
dans cette Abbaye fût de cinq années.
Cependant Madame de Clermont
Monglat , Abbesse de * Giff , voulant se
décharger d'un fardeau sous lequel ses
infirmitez et encore plus son humilité
la faisoient gémir , chercha avec soin un
sujet propre à la remplacer , et à affermir
l'ouvrage de l'étroite Observance de la
Regle de S. Bencft ,'elle le trouva dans
Madame de Bethune d'Orval ,
Teile fut la vocation de cette digne
Religieuse , âgée alors de vingt- neuf ans .
Nulle considération humaine n'y eût part;
et il parut bien - tôt que Dieu avoit béni
des veues aussi pures que celles de Madame
de Monglat , et que la nouvelle
Abbesse étoit pour le Monastere de Giff
un don de sa Miséricorde .
La mort de Madame de Monglat , qui
survecût près de quinze ans à sa demis-
Cette Abaye est nommée dans les anciens
Titres. Beata Maria Valis de Giffo . Maurice de
Sully Evêque de Paris , la fonda vers l'an 1140 .
sur la petite Riviere d'Yvette , à cinq lieues de
Paris. sion ,
FEVRIER 1734. 207
sion , ne fit que mettre dans un plus
grand jour le merite deMadame d'Orval,
er justifier de plus en plus le choix qu'elle
en avoit fait pour la remplacer. Il faudroit
entreprendre d'écrire un volume
entier pour donner l'Histoire de sa vie
et de son gouvernement avec le détail
qu'elle merite ce gouvernement a été
de quarante sept ans , pendant lesquels
la résidence de la pieuse Abbesse dans
son Monastere , n'a été interrompuë
qu'une seule fois pour peu de tems , et par
ordre exprès de M. l'Archevêque de
Paris.
4
Qu'il nous soit permis du moins pour
ne point excéder nos bornes , de tracer
ici en deux mots son caractere . Une pieté
tendre , mais éclairée et sans petitesse ;
une humilité profonde mais sans pussillanimité
, un amour universel de la penitence,
mais sans ostentation ; une charité
inépuisable , mais sins acception de
personnes ; un amour de l'Ordre et de
la Regle ferme , mais sans dureté une
regularité toujours égale et toujours
sourenue , un don d'exhorter et d'instruire
peu communj appuyé d'un exemple
encore plus éloquent er plus efficace :
ajoûtons qu'une politesse simple et
noble accompagnoit toutes ces grandes
vertus.
,
A vj
Arri
208 MERCURE DE FRANCE
Arrive à la fin de sa carriere , et étant
au lit de la mort , elle dit à ses filles
qu'elle pouvoit s'appliquer ce que S. Jean
dit de J. C. que les ayant aimées pendant
sa vie , elle les aimoit jusqu'à la fin , surquoi
elle leur fit un Discours digne de sa
grande pieté et de sa parfaite charité.
Elle a conservé jusqu'au dernier soupir
tout son jugement et sa présence d'esprit,
et elle en a fait un excellent usage, pour
mettre à profit ces momens d'autant plus
précieux qu'ils touchent à l'Eternité . Son
extréme patience dans une oppression longue
et très penible, la pieté avec laquelle
elle reçut encore une fois le S. Viatique ,
quelques heures avant sa mort, et un dernier
effort qu'elle fit après cette action
ne pouvant presque plus parler , pour
demander que la Communauté récitât
Hymne d'Actions de graces , pour celle
qu'elle venoit de recevor ,
terminerent
enfin une vie sainte et riche en vertus et
enbonnes oeuvres. Elle expira doucement
au milieu de ses Filles le soir du 28 de
Novembre dernier dans la soixanteseizième
année de son âge, la soixantiéme
de sa Profession Religieuse , et la qua
rante-septiéme de son gouvernement.
val , Abbesse de l'Abbaye Royale de N.
D. du Val de Giff , Diocèse de Paris.
D nous
Epuis que nous avons publié la
mort de cette illustre Dame dans
le premier volume du Mercure de Décembre
dernier , nous avons eu communication
d'une Lettre , qui a été écrite
sur ce sujet par la Dame Prieure et Communauté
de la même Abbaye . Cette
Lettre nous a paru si édifiante et si digne
de considération en toute maniere ,
que nous avons crû devoir en raporter
du moins les traits les plus marquez , pour
rendre à la mémoire d'une Personne si
respectable une partie des devoirs que le
Public est en droit d'exiger de nous en
certaines occasions.
D. Anne Eleonor - Marie de Bethune
d'Orval, étoit fille de François de Bethu-
* Duc d'Orval , Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de ses Armées , et du Pays Charne
,
"
* Le Duc d'Orval êtoit fils de Maximilien de
Bethune , Duc du Sully Pair et Maréchal de
France &c. Ministre d'Etat &c. et de Rachel de
Cachefilet , sa seconde femme.
A iiij train ,
204 MERCURE DE FRANCE
train , Premier Ecuyer de la Reine Anne
d'Autriche , et de Dame Anne de Harville
de Palaiseau .
Ce fut une de ces Ames privilegiées
sur lesquelles une Providence attentive
veille dès le berceau , et dont elle dirige
tous les pas vers le terme heureux qu'elle
leur a destiné dès l'Eternité . Elle fut
dérobée au monde avant qu'elle pût en
éprouver la corruption : dès l'âge de trois
ans,le Seigneur prit soin de la cacher dans
l'Abbaye de Royal- Lieu , comme dans
un azile assuré pour son innocence. Elle
y fut élevée sous les yeux de Madame
deVaucelas sa Tante qui en étoit Abbesse ;
et la premiere attention qu'on cut sur
cette jeune Plante , fût de lui interdire
avec une severité qui pouvoit paroître
excessive , toute délicatesse , toute marque
extérieure de distinction , tout ce
qui peut flater ce fond d'orgueil et d'amour
de nous-mêmes avec lequel nous
naissons tous et que nous portons jusqu'au
tombeau. Mais on ne négligea pas
de cultiver les heureuses dispositions
qu'on trouva dans son esprit , et on eût
soin de l'orner de toutes les connoissances
qui convenoient à son sexe , en même
tems qu'on s'appliquoit à répandre dans
son coeur les semences d'une pieté d'autant
FEVRIER 1734. 205
cant plus solide qu'elle seroit plus éclairée.
Elle n'hésita point sur le parti qu'elle
devoit prendre dès qu'elle en fût
en fût capable.
Tout ce que l'éclat de sa naissance
et plus encore ses qualitez personnelles ,
pouvoient lui promettre dans le monde ,
devint pour elle la matiere d'un sacrifice
très volontaire , et coûta peu à son coeur
déja détaché de tout.
Dès l'âge de quatorze ans elle entra au
Noviciat , et elle prit l'habit de Novice,
à quinze. Son année d'épreuve n'étoit pas
achevée lorsque Madame de Vaucelas fût
transferée à une autre Abbaye. Elle se
sépara de sa chere Tante sans s'ébranler,
et pouvant la suivre par toute sorte de
raisons , elle se fixa à Royal - Lieu , Maison
où Dieu l'avoit prévenuë de ses Bénédictions
, par la Profession Religieuse qu'elle
fit à seize ans entre les mains de la nouvelle
Abbesse.
Elle ne pensoit qu'à se sanctifier dans
l'état de simple Religieuse , ne prévoyant
rien qui peut l'obliger d'en sortir, Mais
Dieu avoit d'autres desseins sur elle . Son
mérite lui fit tort , quelque soin qu'elle
prit de le cacher: elle fut mise à de grandes
épreuves ; il fallut l'arracher enfin
d'une Maison qu'elle avoit choisie par
préférence à tout et de laquelle elle étoit
tendrement aimée. AT
1
206 MERCURE DE FRANCE
Elle se retira dans l'Abbaye de S. Pierre
de Reims auprès de Madame sa Soeur
qui en étoit Abbesse . Elle Y porta l'édiy
fication et l'exemple de toutes les vertus
Chrétiennes et Religieuses. Sa retraite
dans cette Abbaye fût de cinq années.
Cependant Madame de Clermont
Monglat , Abbesse de * Giff , voulant se
décharger d'un fardeau sous lequel ses
infirmitez et encore plus son humilité
la faisoient gémir , chercha avec soin un
sujet propre à la remplacer , et à affermir
l'ouvrage de l'étroite Observance de la
Regle de S. Bencft ,'elle le trouva dans
Madame de Bethune d'Orval ,
Teile fut la vocation de cette digne
Religieuse , âgée alors de vingt- neuf ans .
Nulle considération humaine n'y eût part;
et il parut bien - tôt que Dieu avoit béni
des veues aussi pures que celles de Madame
de Monglat , et que la nouvelle
Abbesse étoit pour le Monastere de Giff
un don de sa Miséricorde .
La mort de Madame de Monglat , qui
survecût près de quinze ans à sa demis-
Cette Abaye est nommée dans les anciens
Titres. Beata Maria Valis de Giffo . Maurice de
Sully Evêque de Paris , la fonda vers l'an 1140 .
sur la petite Riviere d'Yvette , à cinq lieues de
Paris. sion ,
FEVRIER 1734. 207
sion , ne fit que mettre dans un plus
grand jour le merite deMadame d'Orval,
er justifier de plus en plus le choix qu'elle
en avoit fait pour la remplacer. Il faudroit
entreprendre d'écrire un volume
entier pour donner l'Histoire de sa vie
et de son gouvernement avec le détail
qu'elle merite ce gouvernement a été
de quarante sept ans , pendant lesquels
la résidence de la pieuse Abbesse dans
son Monastere , n'a été interrompuë
qu'une seule fois pour peu de tems , et par
ordre exprès de M. l'Archevêque de
Paris.
4
Qu'il nous soit permis du moins pour
ne point excéder nos bornes , de tracer
ici en deux mots son caractere . Une pieté
tendre , mais éclairée et sans petitesse ;
une humilité profonde mais sans pussillanimité
, un amour universel de la penitence,
mais sans ostentation ; une charité
inépuisable , mais sins acception de
personnes ; un amour de l'Ordre et de
la Regle ferme , mais sans dureté une
regularité toujours égale et toujours
sourenue , un don d'exhorter et d'instruire
peu communj appuyé d'un exemple
encore plus éloquent er plus efficace :
ajoûtons qu'une politesse simple et
noble accompagnoit toutes ces grandes
vertus.
,
A vj
Arri
208 MERCURE DE FRANCE
Arrive à la fin de sa carriere , et étant
au lit de la mort , elle dit à ses filles
qu'elle pouvoit s'appliquer ce que S. Jean
dit de J. C. que les ayant aimées pendant
sa vie , elle les aimoit jusqu'à la fin , surquoi
elle leur fit un Discours digne de sa
grande pieté et de sa parfaite charité.
Elle a conservé jusqu'au dernier soupir
tout son jugement et sa présence d'esprit,
et elle en a fait un excellent usage, pour
mettre à profit ces momens d'autant plus
précieux qu'ils touchent à l'Eternité . Son
extréme patience dans une oppression longue
et très penible, la pieté avec laquelle
elle reçut encore une fois le S. Viatique ,
quelques heures avant sa mort, et un dernier
effort qu'elle fit après cette action
ne pouvant presque plus parler , pour
demander que la Communauté récitât
Hymne d'Actions de graces , pour celle
qu'elle venoit de recevor ,
terminerent
enfin une vie sainte et riche en vertus et
enbonnes oeuvres. Elle expira doucement
au milieu de ses Filles le soir du 28 de
Novembre dernier dans la soixanteseizième
année de son âge, la soixantiéme
de sa Profession Religieuse , et la qua
rante-septiéme de son gouvernement.
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Résumé : ELOGE de Madame de Bethune d'Orval, Abbesse de l'Abbaye Royale de N. D. du Val de Giff, Diocèse de Paris.
Le texte rend hommage à Madame de Bethune d'Orval, Abbesse de l'Abbaye Royale de Val-de-Giff, dans le Diocèse de Paris. Après l'annonce de sa mort dans le Mercure de Décembre précédent, les auteurs reçoivent une lettre de la Dame Prieure et de la Communauté de l'Abbaye, qu'ils résument pour honorer sa mémoire. Madame Anne Éléonore-Marie de Bethune d'Orval était la fille de François de Bethune, Duc d'Orval, Pair de France, et de Dame Anne de Harville de Palaiseau. Son grand-père paternel était Maximilien de Bethune, Duc de Sully, Maréchal de France et Ministre d'État. Dès son jeune âge, elle fut placée à l'Abbaye de Royal-Lieu, où elle fut élevée par sa tante, Madame de Vaucelas, Abbesse de l'Abbaye. Elle y reçut une éducation basée sur la simplicité et la piété, tout en cultivant ses dispositions naturelles. À l'âge de quatorze ans, elle entra au Noviciat et prit l'habit de Novice à quinze ans. Elle fit sa Profession Religieuse à seize ans. Bien qu'elle souhaitât rester simple Religieuse, elle fut nommée Abbesse de l'Abbaye de Saint-Pierre de Reims, puis de l'Abbaye de Val-de-Giff à l'âge de vingt-neuf ans. Son gouvernement dura quarante-sept ans, caractérisé par une piété tendre et éclairée, une humilité profonde, une charité inépuisable, et un amour de l'Ordre et de la Règle. À sa mort, le 28 novembre, elle conserva jusqu'au dernier moment son jugement et sa présence d'esprit. Elle reçut le Saint Viatique avec piété et demanda à la Communauté de réciter un Hymne d'Actions de grâces. Elle s'éteignit à l'âge de soixante-six ans, après soixante ans de Profession Religieuse et quarante-sept ans de gouvernement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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378
p. 250-253
A MADEMOISELLE D*** Sur la mort d'un Serin de Canarie.
Début :
Il n'est plus ce Serin, si joli, si charmant, [...]
Mots clefs :
Serin, Canaries, Amour, Sylvie, Chat, Charmes, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE D*** Sur la mort d'un Serin de Canarie.
A MADEMOISELLE D ***
I
Sur la mort d'un Serin de Canarie.
L n'est plus ce Serin , si joli , si charmant ,
Ce Serin , dont le sort étoit digne d'envie .
Il fut l'objet des soins de l'aimable Silvie ,
Il en fut aimé tendrement .
Il étoit jeune encor , mais un Enfant perfide
A suscité contre ses jours ,
Un Chat cruel , un Chat avide ,
Qui vient d'en terminer le cours.
Quel est donc,direz- vous, cet Enfant téméraires
Connoissez-le , Silvie , et craignez sa colere ;
Il peut vous porter d'autres coups ,
C'est un Dieu terrible et jaloux ,
On
1
FEVRIER 1734 251
On l'adore à Paphos , et Venus est sa mere ;
A ces traits , le connoissez - vous ?
Quoi , l'Amour ? ..... Oüi , l'Amour luimême
.
Calmez cette surprise extrême ,
Silvie , écoutez -moi , vous ne douterëz pas ,
Que lui seul , du Serin , n'ait causé le trépas ,
Je vais en peu de mots ,
éclairer ce mistère ;
Ce Serin étoit né dans les Bois de Cithere ,
Dans son nid l'Amour l'avoit pris ,
Il le destinoit à Cipris ;
Il vous vit par hazard , et touché de vos charmes,
Il change d'abord de dessein ,
Il veut vous offrir le Serin.
Sa présence auroit pû vous causer des allarmes ,
Peut-être auriez - vous craint ses traits .
Il se présente à vous , sans aîles , et sans armes ;
Dépouillé de tous ses attraits ,
D'une Prude il emprunte et la taille et les traits ›
Le Serin est offert , on l'accepte , une cage
Le retient près de vous dans la captivité.
On dit qu'il témoigna d'abord par son rámage,
Que son premier état n'étoit pas regretté ,
Il préferoit cet esclavage ,
A la plus grande liberté .
Que son sort étoit doux ! de la belle Silvie
Le voilà devenu l'unique amusement ;
Ses soins le rendirent charmant .
C iiij
Hélas !
252 MERCURE DE FRANCE
Hélas ! il méritoit une plus longue vie.
Par mille tours vifs , gracieux ,
Par son ramage harmonieux ,
Il invitoit souvent son aimable Maîtresse ,
A le reposer sur sa main ;
Mais il s'en échappoit bien-tôt avec adresse
Et d'une aîle légere , il voloit sur son sein.
L'Amour voyoit ce badinage ,
Il en devint bien- tôt jaloux ,
?
Voilà donc , dit- il , mon ouvrage ;
Si ce Serin jouit des plaisirs les plus doux ,
C'est à moi seul qu'il doit un si rare avantage ;
Mais cependant Silvie , au Printems de son âge ,
Perd avec lui trop de momens
Il est temps qu'elle fasse usage ,
De ces traits , de ces agrémens
Qu'elle reçut
de la nature ;
>
Soumettons- lui les coeurs d'une foule d'Amans.
Il dit , il tente l'avanture ,
Autant de traits qu'il lance , autant de coeurs
blessez ,
Parmi ces triomphes passez ,
Il n'en voyoit aucun qui fut si mémorable ;
Il conduit à vos pieds cette foule innombrable
Et croit que docile à ses loix ,
Vous allez faire enfin un choix.
Cupidon se trompa : Quelle fut sa colere ,
Quand il vit ces mortels de vos charmes
épris ,
S'etFEVRIER.
1734. 253
S'efforcer envain de vous plaire ;
L'indifférence , ou le mépris ,
De leur vive tendresse étoit l'indigne prix ,
Ainsi donc, dit l'Amour, le plaisir d'être aimée ,
Ne fatte point son jeune coeur !
Elle est de son Serin uniquement charmée !
Eh bien ! sur ce Serin exerçons ma fureur .
Pour l'amour outragé, la vangeance a des charmes
Que sa mort va couter de larmès !
Qu'il périsse... Il alloit le percer de ses Dards,
Quand un Chat frappe ses regards ;
Sois le Ministre de ma rage ;
Viens , dit-il , il le guide à l'instant vers la cage,
Il en ouvre l'entrée , et le Chat furieux ,
Şaisit le beau Serin , le devore à ses yeux.
Tel fut de ce Serin aimable ,
Le sort tragique et déplorable.
C'est un Char qui commit ce forfait odieux ,
Mais Cupidon fut son complice ;
Vous voyez de ce Dieu , jusqu'où va la malice ,
Quand il veut se vanger d'un coeur audacieux ,
Qui brave de ses traits les terribles atteintes.
Pardonnez-lui , Silvie , et retenez vos plaintes ,
Elles aigriroient son couroux ;
Qu'à ses loix votre coeur daigne enfin se soumettre
;
De sa part j'ose vous promettre ,
Le sort le plus heureux , les plaisirs les plus doux.
Par M. de la T... d'Aix.
I
Sur la mort d'un Serin de Canarie.
L n'est plus ce Serin , si joli , si charmant ,
Ce Serin , dont le sort étoit digne d'envie .
Il fut l'objet des soins de l'aimable Silvie ,
Il en fut aimé tendrement .
Il étoit jeune encor , mais un Enfant perfide
A suscité contre ses jours ,
Un Chat cruel , un Chat avide ,
Qui vient d'en terminer le cours.
Quel est donc,direz- vous, cet Enfant téméraires
Connoissez-le , Silvie , et craignez sa colere ;
Il peut vous porter d'autres coups ,
C'est un Dieu terrible et jaloux ,
On
1
FEVRIER 1734 251
On l'adore à Paphos , et Venus est sa mere ;
A ces traits , le connoissez - vous ?
Quoi , l'Amour ? ..... Oüi , l'Amour luimême
.
Calmez cette surprise extrême ,
Silvie , écoutez -moi , vous ne douterëz pas ,
Que lui seul , du Serin , n'ait causé le trépas ,
Je vais en peu de mots ,
éclairer ce mistère ;
Ce Serin étoit né dans les Bois de Cithere ,
Dans son nid l'Amour l'avoit pris ,
Il le destinoit à Cipris ;
Il vous vit par hazard , et touché de vos charmes,
Il change d'abord de dessein ,
Il veut vous offrir le Serin.
Sa présence auroit pû vous causer des allarmes ,
Peut-être auriez - vous craint ses traits .
Il se présente à vous , sans aîles , et sans armes ;
Dépouillé de tous ses attraits ,
D'une Prude il emprunte et la taille et les traits ›
Le Serin est offert , on l'accepte , une cage
Le retient près de vous dans la captivité.
On dit qu'il témoigna d'abord par son rámage,
Que son premier état n'étoit pas regretté ,
Il préferoit cet esclavage ,
A la plus grande liberté .
Que son sort étoit doux ! de la belle Silvie
Le voilà devenu l'unique amusement ;
Ses soins le rendirent charmant .
C iiij
Hélas !
252 MERCURE DE FRANCE
Hélas ! il méritoit une plus longue vie.
Par mille tours vifs , gracieux ,
Par son ramage harmonieux ,
Il invitoit souvent son aimable Maîtresse ,
A le reposer sur sa main ;
Mais il s'en échappoit bien-tôt avec adresse
Et d'une aîle légere , il voloit sur son sein.
L'Amour voyoit ce badinage ,
Il en devint bien- tôt jaloux ,
?
Voilà donc , dit- il , mon ouvrage ;
Si ce Serin jouit des plaisirs les plus doux ,
C'est à moi seul qu'il doit un si rare avantage ;
Mais cependant Silvie , au Printems de son âge ,
Perd avec lui trop de momens
Il est temps qu'elle fasse usage ,
De ces traits , de ces agrémens
Qu'elle reçut
de la nature ;
>
Soumettons- lui les coeurs d'une foule d'Amans.
Il dit , il tente l'avanture ,
Autant de traits qu'il lance , autant de coeurs
blessez ,
Parmi ces triomphes passez ,
Il n'en voyoit aucun qui fut si mémorable ;
Il conduit à vos pieds cette foule innombrable
Et croit que docile à ses loix ,
Vous allez faire enfin un choix.
Cupidon se trompa : Quelle fut sa colere ,
Quand il vit ces mortels de vos charmes
épris ,
S'etFEVRIER.
1734. 253
S'efforcer envain de vous plaire ;
L'indifférence , ou le mépris ,
De leur vive tendresse étoit l'indigne prix ,
Ainsi donc, dit l'Amour, le plaisir d'être aimée ,
Ne fatte point son jeune coeur !
Elle est de son Serin uniquement charmée !
Eh bien ! sur ce Serin exerçons ma fureur .
Pour l'amour outragé, la vangeance a des charmes
Que sa mort va couter de larmès !
Qu'il périsse... Il alloit le percer de ses Dards,
Quand un Chat frappe ses regards ;
Sois le Ministre de ma rage ;
Viens , dit-il , il le guide à l'instant vers la cage,
Il en ouvre l'entrée , et le Chat furieux ,
Şaisit le beau Serin , le devore à ses yeux.
Tel fut de ce Serin aimable ,
Le sort tragique et déplorable.
C'est un Char qui commit ce forfait odieux ,
Mais Cupidon fut son complice ;
Vous voyez de ce Dieu , jusqu'où va la malice ,
Quand il veut se vanger d'un coeur audacieux ,
Qui brave de ses traits les terribles atteintes.
Pardonnez-lui , Silvie , et retenez vos plaintes ,
Elles aigriroient son couroux ;
Qu'à ses loix votre coeur daigne enfin se soumettre
;
De sa part j'ose vous promettre ,
Le sort le plus heureux , les plaisirs les plus doux.
Par M. de la T... d'Aix.
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Résumé : A MADEMOISELLE D*** Sur la mort d'un Serin de Canarie.
Le poème 'A Mademoiselle D ***' raconte la mort d'un serin de Canarie, chéri par Silvie. Ce serin, né dans les bois de Cythère, est offert à Silvie par l'Amour, qui le prive d'ailes et d'armes pour éviter qu'il ne l'alerte. Silvie accepte l'oiseau et en prend soin. Cependant, l'Amour, jaloux de leur complicité, décide de se venger. Il utilise un chat pour tuer le serin, frustré que Silvie ne réponde pas à ses avances et reste attachée à l'oiseau. Le poème se conclut par une exhortation à Silvie de se soumettre aux lois de l'Amour pour éviter sa colère et obtenir un sort heureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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379
p. 322-335
Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
Début :
LES DONS DES ENFANS DE LATONE, la Musique est la Chasse du Cerf, Poëmes [...]
Mots clefs :
Musique, Apollon, Dieux, Chant, Amour, Auteur, Voix, Épître, Bergers, Chants, Inventer, Genre, Mortels, Latone, Enfants
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texteReconnaissance textuelle : Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
LES DONS DES ENFANS DE LATONE ,
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
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Résumé : Les Dons des Enfans de Latone, &c. [titre d'après la table]
Le document présente une œuvre poétique intitulée 'Les Dons des Enfants de Latone', dédiée au roi de France et publiée en 1734. Cette œuvre comprend deux poèmes, 'La Musique' et 'La Chasse du Cerf', et se compose de 330 pages, excluant l'épître, la préface et les partitions de chasse et fanfares. L'épître, adressée au roi, loue sa bonté, sa grâce et sa sagesse, et lui offre les dons des enfants de Latone, Apollon et Diane. Le poème 'La Musique' raconte l'origine des spectacles musicaux et l'invention successive des instruments. Apollon, déguisé en berger, reproche aux dieux d'avoir refusé à l'homme le talent de chanter comme les oiseaux et lui apprend que le don de la voix est supérieur à celui des oiseaux. Le premier chant décrit les dons naturels de l'homme : voir, parler et entendre. Apollon explique les éléments de la musique, réservant certaines subtilités aux dieux. Les chants suivants narrent l'invention de la flûte par Minerve et de la lyre par Apollon. L'Amour, après avoir observé Apollon jouer, apprend les secrets de la musique et les utilise pour corrompre les cœurs. Minerve et Apollon réagissent en inventant la trompette pour inspirer la valeur et la vertu. Le troisième chant relate comment l'Amour enseigne ses secrets à Pan, corrompant ainsi la Grèce. Minerve et Apollon interviennent pour rétablir l'ordre. Le quatrième chant décrit la punition des Sirènes, qui persistaient à chanter des chansons amoureuses. Apollon leur pardonne et les charge d'enseigner l'art du chant aux Tritons et aux Naïades pour établir un théâtre lyrique. Circé organise un spectacle magnifique sur les eaux, marquant l'origine des opéras italiens. Le texte traite également de l'évolution de la musique en France et de l'influence de Jean-Baptiste Lully, considéré comme le second inventeur d'un nouveau spectacle musical. L'Épître sur la Musique, dans sa troisième édition, est acclamée par le public. Le premier chant de cet ouvrage retrace l'histoire de la musique en France au cours des 80 dernières années, en louant les opéras de Lully et de Quinault, qui ont reçu des éloges unanimes. Le deuxième chant offre des préceptes sur la poésie et la musique des opéras, et évalue de manière impartiale les opéras récents. Le troisième chant analyse le mérite des opéras italiens, leurs beautés et défauts, ainsi que les maîtres italiens les plus éminents. Le quatrième chant discute du nouveau genre de musique importé d'Italie, comme les sonates et les cantates, et propose de fusionner les goûts français et italiens pour perfectionner l'art musical.
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380
p. 413-416
SAMSON. POEME HÉROIQUE.
Début :
Je chante ce Héros, qu'aima la Main céleste, [...]
Mots clefs :
Dieu, Amour, Samson, Force, Bras, Triompher, Peuple, Main
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texteReconnaissance textuelle : SAMSON. POEME HÉROIQUE.
SAM SO N.
POEME HEROIQUE.
E chante ce Héros , qu'atma la
Main céleste ,
Pour rendre aux Philistins son pouvoir
manifeste ;
Qui sçut triompher seul , d'un Peuple de Guerriers
;
Mais qui vit par l'amour , flétrir tous ses Lauriers.
A ij
Sévere
414 MERCURE DE FRANCE
Saisi d'un saint remors , ah !dit- il au Seigneur ,
Daigne encore une fois armer mon bras vengeur.
Il dit, et dans l'instant dispersant leurs cohortes ,
A leurs yeux étonnez il enleve leurs Portes ;
Tout tremble devant lui ; tel l'Aquilon bruïant ,
Dépouille les Forêts , et triomphe en fuïant.
Heureux , si désormais rebelle à la tendresse ,
Son coeur n'eut plus senti cette indigne foiblesse .
Mais il voulut envain fuir le funeste écueil ,
Où sa force devoit rencontrer son cercueil ;
L'ingrate Dalila , cette beauté cruelle
Que le secours de l'art rend encore plus belle ,
Se montre , le ravit , et l'enflame soudain`;
L'amour est dans ses yeux , la haine est dans son
sein
Les soupirs , les regards par des langues muettes
,
Sont autant pour l'amour d'éloquents interpretés;
Samson brule , languit , soupire , est généreux ,
Et son Amante alors médite un coup affreux .
Moins cruelles cent fois , les Sirenes perfides ,
Par leurs concerts trompeurs , deviennent homicides.
L'Amour paroît enfin couronner ses ardeurs ;
Mais c'est du crime seul qu'il reçoit des faveurs.
Dans les heureux instans que ce Dieu seul fait
naître ,
Et qu'on ne peut sans lui,ni sentir, ni connoître,
Enyvré du poison dont il est enchanté ,
SouMARS.
1734.
415
Soumis au joug des sens , et de la volupté ,
Il révele à regret à sa perfide Amante
Ce qui donne à son bras cette force étonante ,
Que l'on vit triompher en tout tomps ', en tour
lieu 1
Des ennemis cruels d'Israël et de Dieu.
Pour comble de malheurs le perfide Morphée ,
Acheve de l'Amour le funeste Trophée ,
Et Dalila trahit , et livre à des Bourreaux
Ce trop crédule Amant qu'abusent les Pavots.
Envain il compte encor triompher de leur rage ,
Quand la force n'est plus,à quoi sert le courage ?
Vaincu , désespéré , privé de la clarté ,
Il gémit sous le joug de la captivité.
Mais Dieu, qui de nos coeurs sçait pénétrer l'écorce
,
Connut son repentir , et lui rendit sa force .
Samson sentit dans peu son bras victorieux
En état de venger Israël et les Cieux.
Cependant de Dagon la fête se prépare ;
Ce vil Dieu de Métal , habitant du Ténare ;
Déja l'on méne en pompe aux pieds de ce Démon
L'Encensoir à la main , le malheureux Samson .
Seigneur , dit - il , permets qu'à la fois je t'immole
,
Et le Peuple idolatre , et le Temple , et l'idole.
Dieu l'entend , lui répond , et l'exauce soudain
Rien ne résiste plus à l'effort de sa main.
A iiij
Du
416 MERCURE DE FRANCE
Du Ciel en même- temps part et gronde la Four
dre;
Le Temple de Dagon tombe , réduit en poudre
Et Samson triomphant dans les bras de la mort
Venge son Dieu , son Peuple , et couronne son
sort.
Par M. de S....
POEME HEROIQUE.
E chante ce Héros , qu'atma la
Main céleste ,
Pour rendre aux Philistins son pouvoir
manifeste ;
Qui sçut triompher seul , d'un Peuple de Guerriers
;
Mais qui vit par l'amour , flétrir tous ses Lauriers.
A ij
Sévere
414 MERCURE DE FRANCE
Saisi d'un saint remors , ah !dit- il au Seigneur ,
Daigne encore une fois armer mon bras vengeur.
Il dit, et dans l'instant dispersant leurs cohortes ,
A leurs yeux étonnez il enleve leurs Portes ;
Tout tremble devant lui ; tel l'Aquilon bruïant ,
Dépouille les Forêts , et triomphe en fuïant.
Heureux , si désormais rebelle à la tendresse ,
Son coeur n'eut plus senti cette indigne foiblesse .
Mais il voulut envain fuir le funeste écueil ,
Où sa force devoit rencontrer son cercueil ;
L'ingrate Dalila , cette beauté cruelle
Que le secours de l'art rend encore plus belle ,
Se montre , le ravit , et l'enflame soudain`;
L'amour est dans ses yeux , la haine est dans son
sein
Les soupirs , les regards par des langues muettes
,
Sont autant pour l'amour d'éloquents interpretés;
Samson brule , languit , soupire , est généreux ,
Et son Amante alors médite un coup affreux .
Moins cruelles cent fois , les Sirenes perfides ,
Par leurs concerts trompeurs , deviennent homicides.
L'Amour paroît enfin couronner ses ardeurs ;
Mais c'est du crime seul qu'il reçoit des faveurs.
Dans les heureux instans que ce Dieu seul fait
naître ,
Et qu'on ne peut sans lui,ni sentir, ni connoître,
Enyvré du poison dont il est enchanté ,
SouMARS.
1734.
415
Soumis au joug des sens , et de la volupté ,
Il révele à regret à sa perfide Amante
Ce qui donne à son bras cette force étonante ,
Que l'on vit triompher en tout tomps ', en tour
lieu 1
Des ennemis cruels d'Israël et de Dieu.
Pour comble de malheurs le perfide Morphée ,
Acheve de l'Amour le funeste Trophée ,
Et Dalila trahit , et livre à des Bourreaux
Ce trop crédule Amant qu'abusent les Pavots.
Envain il compte encor triompher de leur rage ,
Quand la force n'est plus,à quoi sert le courage ?
Vaincu , désespéré , privé de la clarté ,
Il gémit sous le joug de la captivité.
Mais Dieu, qui de nos coeurs sçait pénétrer l'écorce
,
Connut son repentir , et lui rendit sa force .
Samson sentit dans peu son bras victorieux
En état de venger Israël et les Cieux.
Cependant de Dagon la fête se prépare ;
Ce vil Dieu de Métal , habitant du Ténare ;
Déja l'on méne en pompe aux pieds de ce Démon
L'Encensoir à la main , le malheureux Samson .
Seigneur , dit - il , permets qu'à la fois je t'immole
,
Et le Peuple idolatre , et le Temple , et l'idole.
Dieu l'entend , lui répond , et l'exauce soudain
Rien ne résiste plus à l'effort de sa main.
A iiij
Du
416 MERCURE DE FRANCE
Du Ciel en même- temps part et gronde la Four
dre;
Le Temple de Dagon tombe , réduit en poudre
Et Samson triomphant dans les bras de la mort
Venge son Dieu , son Peuple , et couronne son
sort.
Par M. de S....
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Résumé : SAMSON. POEME HÉROIQUE.
Le poème héroïque 'Samson' relate l'histoire de Samson, un héros choisi par Dieu pour combattre les Philistins. Doté d'une force surhumaine, Samson parvient à vaincre seul un peuple de guerriers. Cependant, son amour pour Dalila, une femme cruelle, le conduit à sa perte. Dalila, utilisant ses charmes et sa ruse, découvre le secret de la force de Samson et le trahit, le livrant à ses ennemis. Capturé et aveuglé, Samson est soumis à la captivité. Repentant, il prie Dieu qui lui rend sa force. Lors d'une fête en l'honneur du dieu Dagon, Samson demande à Dieu de lui permettre de détruire le temple et les idolâtres. Sa prière exaucée, il abat le temple, se vengeant ainsi de ses ennemis et mourant en martyr.
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381
p. 447-450
VOYAGE DE L'AMOUR ET DE L'HYMEN. A Madame de M.... du Croisic. Par Mlle de Malcrais de la Vigne. IDYLLE.
Début :
Cupidon et l'Hymen, compagnons de voyage, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Iris, Dieu, Coeur, Haine
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texteReconnaissance textuelle : VOYAGE DE L'AMOUR ET DE L'HYMEN. A Madame de M.... du Croisic. Par Mlle de Malcrais de la Vigne. IDYLLE.
VOYAGE
DE L'AMOUR ET DE L'HYMEN
A Madame de M.... du Croisic.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne,
IDYLLE.
Cupidon et l'Hymen,compagnons de voyage ,.
Vivoient en bons amis , et n'avoient pour tous
deux
Que la charmante Iris , dont le coeur jeune et
sage
Partageoit ses égards également entre eux.
Plus étroite amitié n'avoit uni deux Freres ;
A l'Hymen volontiers l'Amour prêtoit ses traits .
L'Hymen adoucissoit ses préceptes sévéres ,
Et faisoit de l'Amour réussir les souhaits .
Les Ombres de la nuit par malheur les surprirent
,
Dans un Désert sauvage, éloigné des Hameaux
L'air
448 MERCURE DE FRANCE
L'air étoit calme et pur ; à terre ils s'étendirent
Un Buisson arrondi leur servit de rideaux.
Iris nonchalamment tomba sur la Fougére ;
Ses Amans au hazard se mirent à côté ;
Quelque part qu'on se trouve auprès de sa Ber
gére ,
Le lieu le moins commode est un lit enchanté .
L'aimable et petit Dieu que révére Amathonte,
Trompé par le sommeil le premier s'endormit ;
L'autre entretint Iris , et fit si - bien son compte
Qu'il la persuada par ce qu'il lui promit.
Quitte en Marmot , dit- il ; ses Jeux , sa folle
enfance ,
Ses vains tours en ont dû détacher ta raison ;
Vien , ma Belle , avec moi ; ma durable constance
,
Mes Palais, mes trésors sont toujours de saison.
Iris crut , et s'enfuit ; l'Amour avec l'Aurore
Ouvrit ses tristes yeux,pour répandre des pleurs;
Vainement un Zéphir volant autour de Flore ,
Fit pleuvoir dans son sein des parfums et des
Aeurs.
Le Rossignol plaintif soupira ses allarmes ,
L'Onde sur le Gravier , murmura ses tourmens,
LES
MARS. 1734 449
Les Rochers attendris se fondirent en larmes ;
Et l'Echo bégaya ses longs gémissemens.
L'Hymen fier et pompeux , fit célébrer la fête
Qui devoit enchaîner son destin pour toûjours
Imprudent , qui croyoit jouir de sa conquête ,
Sans que rien traversât le bonheur de ses jours.
Iris ne tarda point à sentir sa tendresse
Languissante et changée en éternels dégouts ,
Le devoir gâta tout , et la délicatesse
Chercha l'Amour en vain dans les bras d'un
Epoux.
L'ennui la dévora ; son ardeur insensée ;
Maudit un importun, et s'en plaignit cent fois
Heureuse en l'enlevant , s'il eut cu la pensée ,
De ravir à l'Amour ses traits et son Carquois !
Le Fils de la Déesse à qui l'Onde enflammée
Fit voir le jour parmi le tumulte des flots ,
Nourrissant en son coeur sa haine envenimée
Défendit à l'Hymen de paroître à Paphos.
Il jura par Vénus de fuir sa compagnie ,
Et depuis que l'Hymen lui fit ce cruel tour ,
Les plus tendres Amans , aussi -tôt qu'il les lie
Voyent voler loin d'eux le Galant Dieu d'A
mour.
Aima
450 MERCURE DE FRANCE
Aimable M... ingénieuse Amie ,
C'est parmi les Jardins verdova is et fleuris ,
Que vainqueur des brouillards de ma mélancolie
Le Dieu des Vers cent fois éclaira mes esprits.
Quand le fidelle Hymen sous la plus douce chaîne,
Entrelassoit vos jours qui couloient sans ennui ,
L'Amour parut alors renoncer à sa haine ,
Et vouloir désormais s'accorder avec lui.
Mais votre Epoux passant dans la Barquefatale,
L'Amour contre l'Hymen ralluma son courroux
Irrité de vous voir , Epouse sans égale ,
L'un et l'autre à jamais les bannir loin de vous.
J'ai tardé trop long temps à parer mes ouvrages
D'un nom cher à mon coeur , pendant queje vi
vrai ;
Ah ! si je quitte un jour ces maritimes Plages
Ce sera vous sur tout que je regretterai.
DE L'AMOUR ET DE L'HYMEN
A Madame de M.... du Croisic.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne,
IDYLLE.
Cupidon et l'Hymen,compagnons de voyage ,.
Vivoient en bons amis , et n'avoient pour tous
deux
Que la charmante Iris , dont le coeur jeune et
sage
Partageoit ses égards également entre eux.
Plus étroite amitié n'avoit uni deux Freres ;
A l'Hymen volontiers l'Amour prêtoit ses traits .
L'Hymen adoucissoit ses préceptes sévéres ,
Et faisoit de l'Amour réussir les souhaits .
Les Ombres de la nuit par malheur les surprirent
,
Dans un Désert sauvage, éloigné des Hameaux
L'air
448 MERCURE DE FRANCE
L'air étoit calme et pur ; à terre ils s'étendirent
Un Buisson arrondi leur servit de rideaux.
Iris nonchalamment tomba sur la Fougére ;
Ses Amans au hazard se mirent à côté ;
Quelque part qu'on se trouve auprès de sa Ber
gére ,
Le lieu le moins commode est un lit enchanté .
L'aimable et petit Dieu que révére Amathonte,
Trompé par le sommeil le premier s'endormit ;
L'autre entretint Iris , et fit si - bien son compte
Qu'il la persuada par ce qu'il lui promit.
Quitte en Marmot , dit- il ; ses Jeux , sa folle
enfance ,
Ses vains tours en ont dû détacher ta raison ;
Vien , ma Belle , avec moi ; ma durable constance
,
Mes Palais, mes trésors sont toujours de saison.
Iris crut , et s'enfuit ; l'Amour avec l'Aurore
Ouvrit ses tristes yeux,pour répandre des pleurs;
Vainement un Zéphir volant autour de Flore ,
Fit pleuvoir dans son sein des parfums et des
Aeurs.
Le Rossignol plaintif soupira ses allarmes ,
L'Onde sur le Gravier , murmura ses tourmens,
LES
MARS. 1734 449
Les Rochers attendris se fondirent en larmes ;
Et l'Echo bégaya ses longs gémissemens.
L'Hymen fier et pompeux , fit célébrer la fête
Qui devoit enchaîner son destin pour toûjours
Imprudent , qui croyoit jouir de sa conquête ,
Sans que rien traversât le bonheur de ses jours.
Iris ne tarda point à sentir sa tendresse
Languissante et changée en éternels dégouts ,
Le devoir gâta tout , et la délicatesse
Chercha l'Amour en vain dans les bras d'un
Epoux.
L'ennui la dévora ; son ardeur insensée ;
Maudit un importun, et s'en plaignit cent fois
Heureuse en l'enlevant , s'il eut cu la pensée ,
De ravir à l'Amour ses traits et son Carquois !
Le Fils de la Déesse à qui l'Onde enflammée
Fit voir le jour parmi le tumulte des flots ,
Nourrissant en son coeur sa haine envenimée
Défendit à l'Hymen de paroître à Paphos.
Il jura par Vénus de fuir sa compagnie ,
Et depuis que l'Hymen lui fit ce cruel tour ,
Les plus tendres Amans , aussi -tôt qu'il les lie
Voyent voler loin d'eux le Galant Dieu d'A
mour.
Aima
450 MERCURE DE FRANCE
Aimable M... ingénieuse Amie ,
C'est parmi les Jardins verdova is et fleuris ,
Que vainqueur des brouillards de ma mélancolie
Le Dieu des Vers cent fois éclaira mes esprits.
Quand le fidelle Hymen sous la plus douce chaîne,
Entrelassoit vos jours qui couloient sans ennui ,
L'Amour parut alors renoncer à sa haine ,
Et vouloir désormais s'accorder avec lui.
Mais votre Epoux passant dans la Barquefatale,
L'Amour contre l'Hymen ralluma son courroux
Irrité de vous voir , Epouse sans égale ,
L'un et l'autre à jamais les bannir loin de vous.
J'ai tardé trop long temps à parer mes ouvrages
D'un nom cher à mon coeur , pendant queje vi
vrai ;
Ah ! si je quitte un jour ces maritimes Plages
Ce sera vous sur tout que je regretterai.
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Résumé : VOYAGE DE L'AMOUR ET DE L'HYMEN. A Madame de M.... du Croisic. Par Mlle de Malcrais de la Vigne. IDYLLE.
L'idylle 'Voyage de l'Amour et de l'Hymen' est dédiée à Madame de M.... du Croisic par Mlle de Malcrais de la Vigne. Elle raconte le voyage de Cupidon (l'Amour) et de l'Hymen, accompagnés par Iris, une jeune femme sage. Les deux dieux vivaient en harmonie, partageant leurs traits et préceptes. Une nuit, dans un désert sauvage, Iris, séduite par l'Amour, s'enfuit avec lui, laissant l'Hymen endormi. À l'aube, l'Amour découvre la fuite d'Iris et pleure sa perte. Iris, devenue l'épouse de l'Hymen, ressent bientôt du dégoût et de l'ennui. L'Amour, furieux, interdit à l'Hymen de paraître à Paphos et jure de fuir sa compagnie. Depuis lors, les amants unis par l'Hymen voient l'Amour s'éloigner. L'auteur exprime son admiration pour Madame de M..., soulignant que l'Amour et l'Hymen avaient trouvé une harmonie lors de son mariage, mais que la mort de son époux a ravivé la haine entre les deux dieux, les bannissant tous deux de sa vie. L'auteur conclut en exprimant son attachement profond pour Madame de M....
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382
p. 475-477
APOTHÉOSE ANTICIPÉE, Pour Mlle de Malcrais de la Vigne.
Début :
L'Autre jour, au Conseil des Dieux [...]
Mots clefs :
Amour, Malcrais, Cieux, Minerve, Apollon, Apothéose
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : APOTHÉOSE ANTICIPÉE, Pour Mlle de Malcrais de la Vigne.
APOTHE'OSE ANTICIPE'E ,'
Pour Mlle de Malcrais de la Vigne.
L'Autre jour , au Conseil des Dieux
Appollon présenta requête ,
Pour demander que MALCRAIS , sa conquête ,
Eut son rang marqué dans les Cieux ;
Amour étoit un peu mêlé dans cette affaire ,
Et par le Dieu du jour en secret prévenu :
Amour
476 MERCURE DE FRANCE
Amour , par tout le bien venu ,
Engagea , pour le satisfaire ,
Les plus grandes Divinitez ,
D'être à son dessein favorables ;
Apollon fit valoir les rares qualitez ,
Et les talens inestimables ,
De Malcrais , l'objet de ses voeux ,
Le son enchanteur de sa Lyre ,
Qui dans son tendre coeur a porté mille feux à
Digne enfin du celeste Empire ;
Minerve dit , au même instant ,
Je lui fis don de la sagesse ,
Lorsqu'elle étoit encore Enfant ,
De Paphos , l'aimable Déesse ,
Dit , l'avoir doüée amplement ,
Et de beautez et d'agrément.
Pou'r enlever enfin tous les suffrages ,
Anacréon vint lire ses Ouvrages ,
Qu'on lui fit trois fois répérer ,
Aussi- tôt le grand Jupiter
Remarquant le plaisir extrême ,
Qu'avoit goûté toute sa Cour ,
Et qu'il avoit senti lui - même ,
Fir , par la bouche de l'Amour ,
Annoncer à l'instant sa volonté suprêmea
Dans les Cieux , l'aimable Malcrais ',
Près d'Apollon et de Minerve ,
A
MARS 1734 . '477.
A son rang marqué désormais ,
Quant au surplus le sort se le reserve,
Par M. SERVIN , Auteur de l'Ode à
M. le Maréchal de Villars , qui est
à la tête du Mercure de Juin 1733 .
Pour Mlle de Malcrais de la Vigne.
L'Autre jour , au Conseil des Dieux
Appollon présenta requête ,
Pour demander que MALCRAIS , sa conquête ,
Eut son rang marqué dans les Cieux ;
Amour étoit un peu mêlé dans cette affaire ,
Et par le Dieu du jour en secret prévenu :
Amour
476 MERCURE DE FRANCE
Amour , par tout le bien venu ,
Engagea , pour le satisfaire ,
Les plus grandes Divinitez ,
D'être à son dessein favorables ;
Apollon fit valoir les rares qualitez ,
Et les talens inestimables ,
De Malcrais , l'objet de ses voeux ,
Le son enchanteur de sa Lyre ,
Qui dans son tendre coeur a porté mille feux à
Digne enfin du celeste Empire ;
Minerve dit , au même instant ,
Je lui fis don de la sagesse ,
Lorsqu'elle étoit encore Enfant ,
De Paphos , l'aimable Déesse ,
Dit , l'avoir doüée amplement ,
Et de beautez et d'agrément.
Pou'r enlever enfin tous les suffrages ,
Anacréon vint lire ses Ouvrages ,
Qu'on lui fit trois fois répérer ,
Aussi- tôt le grand Jupiter
Remarquant le plaisir extrême ,
Qu'avoit goûté toute sa Cour ,
Et qu'il avoit senti lui - même ,
Fir , par la bouche de l'Amour ,
Annoncer à l'instant sa volonté suprêmea
Dans les Cieux , l'aimable Malcrais ',
Près d'Apollon et de Minerve ,
A
MARS 1734 . '477.
A son rang marqué désormais ,
Quant au surplus le sort se le reserve,
Par M. SERVIN , Auteur de l'Ode à
M. le Maréchal de Villars , qui est
à la tête du Mercure de Juin 1733 .
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Résumé : APOTHÉOSE ANTICIPÉE, Pour Mlle de Malcrais de la Vigne.
Le texte décrit une scène mythologique où Apollon demande aux dieux l'élévation de Mlle de Malcrais de la Vigne au rang des dieux. Apollon, soutenu par Amour, met en avant les qualités exceptionnelles de Malcrais, notamment son talent pour la musique et sa sagesse. Minerve et Vénus confirment respectivement les dons de sagesse et de beauté qu'elles lui ont accordés. Anacréon lit les œuvres de Malcrais, suscitant l'admiration de toute la cour divine. Impressionné, Jupiter décide de l'élever au rang des dieux, près d'Apollon et de Minerve. Le texte se conclut par une mention de l'auteur, M. Servin, et de son œuvre précédente.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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383
p. 482-485
CANTATE. L'AMOUR AMANT.
Début :
Le plus beau des Ruisseaux, l'Amant de nos prairies, [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Aimer, Berger, Roi, Sympathie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CANTATE. L'AMOUR AMANT.
CANTАТЕ.
L'AMOUR AMAN T.
E plus beau des Ruisseaux , l'Amant de nos
LE
Prairies ,
M'attira l'autre jour sur les bords enchantez,
Qui devroient être
respectez
D'un jeune coeur qui craint les douces réverie sz
Pour sa tranquillité le péril est certain ;
Je voulus l'éviter et le voulus envain;
On hésite longtems , et la peine est extrême,
Quand il faut quitter ce qu'on aime.
J'héritai trop l'Amour qui venoit en ces lieux
Me voit .. rit .. et s'approche , il étoit plein
de charmes >
Sans aîles , sans bandeau , sans armes
Hélas ! en cet état qui l'eut crû dangereux ?
Imprudente et foible jeunesse
Fuyez , jusqu'au nom de l'Amour ,
Il n'est point d'état ni de jour
Où le perfide Enfant ne blesse .
Ah ! Berger , me dit-il , je ne suis plus ce Dicu
Si
MARS 1734. 483
Si fier et si craint en tout lieu ;
J'ai fait des malheureux , et pour prix de mon
crime ,
Je souffre le même tourment ;
Le Sacrificateur est enfin la victime ;
J'étois Amour , je suis Amant ;
Baccus dans un repas l'autre jour me fit boire ;
Je pris trop de ce Jus divin ;
Le traître alors .. est - il de trahison plus noire
Choisit dans mon carquois , et me perce le sein .
Vous croyez qu'une douce yvresse
Ne fait qu'éclipser la raison ;
Mais quand d'une vive tendresse
On a gouté le doux poison ,
Son retour n'est qu'une Chanson.
Ensuite à mes regards cet enfant de Cythére ,
Offre le plus beau des Portraits,
Don't la grace et les moindres traits
Effaçoient tous ceux de sa Mere;
C'étoit celui de la Beauté ,
1
Qui captivoit le Dieu dont la douce puissance,
Me ravit à l'instant toute ma liberté
Par son amoureuse imprudence .
De mon trouble aussi-tôt devinant le sujet ,
Il sourit , me regarde , et s'échappe à ma vie
Depuis ce tems mon ame inquiéte, éperduë
Dij
Se
484 MERCURE DE FRANCE
Se remplit trop d'un même objet ;
Je désire la solitude ;
Le silence des bois , et le bruit des ruisseaux
Nourrissent mon inquiétude :
Et je n'ai de plaisir qu'en pensant à mes maux.
Digne et charmant objet de ma tendresse extrême
,
Je vis pour vous aimer et meurs en vous ai
mant ;
Un Berger vous peut - il aimer heureusement ?
Il n'est qu'un Dieu , c'est l'Amour même
Qui vous puisse aimer dignement ,
Se laisser aisément charmer
Est une dangereuse affaire ;
Ce n'est pas un plaisir d'aimer
Quand on n'a pas celui de plaire.
Se laisser aisément charmer
N'est pas une mauvaise affaire ;
Sachez seulement bien aimer ,
Vous s'çaurez bien - tôt l'air de plaire ,
N'allez pas
dans le doux mistére ,
Imprudemment
vous engager ;
Et souvenez-vous qu'un Berger
Ne doit aimer qu'une Bergere,
Allez et dans le doux mistére
CraiMARS
1734. 485
Craignez peu de vous engager ;
Reine peut aimer un Berger
Roy peut aimer une Bergere,
Quand une douce sympathie
Pour deux coeurs n'auroit qu'une Loy ;
De l'Amour toute l'industrie
D'un Berger feroit- il un Roy ?
Quand une douce sympathie
Donne à deux coeurs là même Loy ,
De l'Amour telle est l'industrie ,
Qu'il peut d'un Berger faire un Roy.
L'AMOUR AMAN T.
E plus beau des Ruisseaux , l'Amant de nos
LE
Prairies ,
M'attira l'autre jour sur les bords enchantez,
Qui devroient être
respectez
D'un jeune coeur qui craint les douces réverie sz
Pour sa tranquillité le péril est certain ;
Je voulus l'éviter et le voulus envain;
On hésite longtems , et la peine est extrême,
Quand il faut quitter ce qu'on aime.
J'héritai trop l'Amour qui venoit en ces lieux
Me voit .. rit .. et s'approche , il étoit plein
de charmes >
Sans aîles , sans bandeau , sans armes
Hélas ! en cet état qui l'eut crû dangereux ?
Imprudente et foible jeunesse
Fuyez , jusqu'au nom de l'Amour ,
Il n'est point d'état ni de jour
Où le perfide Enfant ne blesse .
Ah ! Berger , me dit-il , je ne suis plus ce Dicu
Si
MARS 1734. 483
Si fier et si craint en tout lieu ;
J'ai fait des malheureux , et pour prix de mon
crime ,
Je souffre le même tourment ;
Le Sacrificateur est enfin la victime ;
J'étois Amour , je suis Amant ;
Baccus dans un repas l'autre jour me fit boire ;
Je pris trop de ce Jus divin ;
Le traître alors .. est - il de trahison plus noire
Choisit dans mon carquois , et me perce le sein .
Vous croyez qu'une douce yvresse
Ne fait qu'éclipser la raison ;
Mais quand d'une vive tendresse
On a gouté le doux poison ,
Son retour n'est qu'une Chanson.
Ensuite à mes regards cet enfant de Cythére ,
Offre le plus beau des Portraits,
Don't la grace et les moindres traits
Effaçoient tous ceux de sa Mere;
C'étoit celui de la Beauté ,
1
Qui captivoit le Dieu dont la douce puissance,
Me ravit à l'instant toute ma liberté
Par son amoureuse imprudence .
De mon trouble aussi-tôt devinant le sujet ,
Il sourit , me regarde , et s'échappe à ma vie
Depuis ce tems mon ame inquiéte, éperduë
Dij
Se
484 MERCURE DE FRANCE
Se remplit trop d'un même objet ;
Je désire la solitude ;
Le silence des bois , et le bruit des ruisseaux
Nourrissent mon inquiétude :
Et je n'ai de plaisir qu'en pensant à mes maux.
Digne et charmant objet de ma tendresse extrême
,
Je vis pour vous aimer et meurs en vous ai
mant ;
Un Berger vous peut - il aimer heureusement ?
Il n'est qu'un Dieu , c'est l'Amour même
Qui vous puisse aimer dignement ,
Se laisser aisément charmer
Est une dangereuse affaire ;
Ce n'est pas un plaisir d'aimer
Quand on n'a pas celui de plaire.
Se laisser aisément charmer
N'est pas une mauvaise affaire ;
Sachez seulement bien aimer ,
Vous s'çaurez bien - tôt l'air de plaire ,
N'allez pas
dans le doux mistére ,
Imprudemment
vous engager ;
Et souvenez-vous qu'un Berger
Ne doit aimer qu'une Bergere,
Allez et dans le doux mistére
CraiMARS
1734. 485
Craignez peu de vous engager ;
Reine peut aimer un Berger
Roy peut aimer une Bergere,
Quand une douce sympathie
Pour deux coeurs n'auroit qu'une Loy ;
De l'Amour toute l'industrie
D'un Berger feroit- il un Roy ?
Quand une douce sympathie
Donne à deux coeurs là même Loy ,
De l'Amour telle est l'industrie ,
Qu'il peut d'un Berger faire un Roy.
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Résumé : CANTATE. L'AMOUR AMANT.
La cantate 'L'AMOUR AMANT', datée de mars 1734, raconte la rencontre d'un berger avec l'Amour. Attiré par un ruisseau, le berger découvre l'Amour sous une forme charmante mais dangereuse. L'Amour avoue ses souffrances et ses erreurs passées, expliquant avoir été blessé par une trahison après avoir bu un jus divin. Il montre ensuite au berger le portrait d'une beauté captivante, troublant profondément ce dernier. Depuis cette rencontre, le berger est tourmenté et ne trouve de plaisir qu'en pensant à ses maux. Il exprime son amour extrême pour un objet non nommé, se demandant s'il peut aimer heureusement. Le texte met en garde contre les dangers de l'amour et souligne l'importance de bien aimer pour plaire. Il conclut en affirmant que l'amour peut transcender les différences sociales, rendant un berger digne d'une bergère ou d'une reine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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384
p. 512-524
Artaxare, Tragédie, [titre d'après la table]
Début :
On vient d'imprimer une Tragédie, intitulée ARTAXARE. L'Auteur nous apprend [...]
Mots clefs :
Pharnabaze, Sapor, Roi, Arsace, Artaxare, Fils, Aspasie, Père, Mort, Tragédie, Mère, Prince, Amour, Fille, Conspiration , Reine, Sauver, Conjuration
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Artaxare, Tragédie, [titre d'après la table]
On vient d'imprimer une Tragédie , intitulée
ARTAXARE. L'Auteur nous apprend
dans un Avertissement que cette
Piéce fut representée pour la premiere
fois , le 3 Mai , de l'année 1718 , qu'elle
fut interrompue , lorsqu'on commençoit
à la gouter, par la maladie du sieur Ponteuil;
que le succès qu'elle promettoit ,
enMAR
S. 1734. 513
engagea les Comédiens François à le prier
de ne la point faire imprimer , attendu
qu'ils vouloient la reprendre l'hyver d'après
; mais que
la mort du même Acteur
en avoit fait remettre la reprise à un autre
temps . Il ajoute qu'on en auroit renvoyé
l'impression plus loin , si des raisons
tres interessantes ne l'eussent déterminé
à l'exposer aux yeux du Public, telle
qu'on l'avoit vue dans sa naissance.
La lecture de cette Tragédie ,à ce qu'on
prétend , fait voir quelles sont les rai
sons que l'Auteur n'explique pas ; la ressemblance
qui se trouve entre le cinquiéme
Acte d'Adelaïde , et celui d'Artaxare
, a , dit- on , frappé tout le monde ;
on n'accuse pas l'Auteur d'Adelaïde d'avoir
imité un dénouement qui a produit
un si grand interêt dans les Représentations
de l'une et de l'autre Tragédie ; le
hazard forme des combinaisons plus
frappantes ; mais comme la malignité de
la censure pourroit faire pancher du côté
le plus défavorable , l'Auteur d'Artaxare
a cru qu'il ne pouvoit mieux se justifier
de tout soupçon , qu'en faisant voir que
sa Tragédie existoit seize ans avant celle
d'Adelaïde . Voici un Extrait de ce Poë-.-
me.
Artaxare ayant déthrôné le dernier des
Ev Arsa
514 MERCURE DE FRANCE
#
Arsacides , réunit les - Parthes et les Persans
sous le même Empire ; Vardanes ,
l'aîné de ses Fils , ayant conspiré contre
lui , il lui fit donner la mort , et fit emprisonner
Arsinoé sa femme et mere de
ce Prince rebelle. Sapor , son second Fils,
craignant que sa Mere n'éprouvât le sort
de son aîné , la tira de sa prison et la mit
en lieu de sureté près d'Ecatompile, en attendant
qu'il pût la faire transporter en
Armenie. C'est icy que l'action théatrale
commence.
Sapor s'applaudit dans le premier Acte
d'avoir sauvé sa mere ; Arsace , le dernier
des Arsacides , lui dit qu'il n'a rien fait
s'il n'acheve pas ; que sa mere peut être
découverte , étant si près d'Ecatompile ;
il l'enhardit à monter au Thrône ; Sapor
frémit à cette proposition ; Arsace ne
pouvant le surmonter par l'ambition , le
tente du côté de l'amour , en lui appre
nant qu'Artaxare lui demande Arpasie
sa fille , pour Pharnabaze son favori ;
Sapor s'irrite, mais il n'ose aller plus loin
et quitte Arsace de peur de succomber
& c.
Arsace fait entendre à Arbate , son con
fident , qu'il a formé une conspiration
sous le nom de Sapor , mais à l'insçu de
ce Prince , trop fidelle à son Pere ; il
prend
MARS 1.734.
SIS
prend le parti d'offrir le Thrône à Phar
nabaze , afin qu'il y place sa fille.
Pharnabaze , déja instruit de la conspiration
, sans en connoître l'Auteur , est
surpris de trouver Arsace si agité ; Arsace
lui apprend que sa fille n'est pas insensible
à son amour, et qu'il ne lui manque
qu'une Couronne pour la résoudre
à lui donner la main ; il n'en dit que
trop pour faire entendre à Pharnabaze
qu'il est le chef de la conspiration ; sa fidelité
pour son Roy l'emporte sur son
amour pour sa Maîtresse Il s'exprime
ainsi .
Si d'un juste courroux , je suivois le transport ,
Je ne vous répondrois qu'en vous donnant la
mort ;
Mais je respecte en vous le Pere d'Aspasie, &c . ,
Il lui apprend encore qu'Artane , l'un
des conjurez , est prêt de découvrir le
complot au Roy , et qu'il va le présenter
lui- même à Artaxare .
Aspasie paroît; Arsace lui dit que Pharnabaze
va le perdre , malgré tout l'amour
qu'il a pour elle. Aspasie n'oublie rien
pour fléchir Pharnabaze en faveur de son
Pere ; Pharnabaze lui promet d'obtenir
la grace d'Arsace , et lui fait entendre
qu'il sera le plus heureux des Mortels, s'il
E vj peut
116 MERCURE DE FRANCE
peut par là mériter le prix dont son Pere
vient de le flatter.
Aspasie réfléchit tristement sur les dernieres
paroles de Pharnabaze , et finit ce
premier Acte , par ces quatre Vers :
Quel parti prendre, hélas ! quand tout me désespere
!
Quoiqu'il puisse arriver , Grands Dieux, sauvez
mon Pere ;
Au plus affreux trépas dûssay- je recourir ;
Qu'il vive seulement , et je sçaurai mourir.
Artaxare commence le second Acte
avec Pharnabaze ; le Roy n'est encore in
formé que de la fuite de la Reine ; il ordonne
à Pharnabaze de courir après elle ;
ce Ministre fidelle s'en excuse sur le peril
qui menace les jours du Roy , péril qui
exige sa présence ; il apprend à Artaxare,
qu'on conspire contre lui , et le prie de
faire grace au chef de la coujuration ; le
Roy soupçonne d'abord son Fils , mais
Pharnabaze l'ayant rassuré de ce côté-là
obtient la grace d'Arsace avant qu'il le
lui nomme ; il ordonne qu'on fasse entrer
Artane. Celui - ci se jette aux pieds du
Roy , et se justifie de la conjuration , en
lui disant qu'il n'y est entré que pour la
réveler ; il nomme Sapor pour Chef. Artaxare
frémit de colere au nom de son
Fils ; il congédie Artane.
MARS. 1734 317
Le Roy se plaint à Pharnabaze de lui
avoir caché le veritable Chef. Pharnabaze
lui répond qu'il a été trompé tout le premier
; après une conversation , où la vertu
de Pharnabaze se déploye tout entiere.
Le Roy lui ordonne d'interroger Sapor,
et de le faire arrêter , s'il est criminel.
La Scene entre Sapor et Phirnabaze est
une des plus belles de la Piéce. Pharnabaze
croyant que Sapor n'est que trop convaincu
par son propre aveu , dont les termes
ambigus lui font prendre le change ,
ordonne qu'on l'arrête. Cela est exécuté.
Pharnabaze craignant pour sa glaire ,
s'exprime ainsi dans un Monologue.
Où vas- tu , Pharnabaze ? fremis.
Cruel ! tu vas armer un Pere contre un Fils?
Barbare ! quelle rage auprès de lui te guide
Tu Pas fait Roy ; tu vas en faire un parricide
!
Dans la mort de son Fils , prends - tu quelque
intérêt ?
Lâche l'Amour jaloux va
l'Arrêt ?
- · il dicter
Ah ! plutôt , s'il se peut , cours obtenir sa
grace ;
Non , Sapor ne doit pas t'être moins cher
qu'Arsace.
Arsace vient Pharnabaze lui dit d'aller
rea18
MERCURE DE FRANCE
rendre graces au Roy du pardon qu'il
vient d'obtenir pour lui , quoiqu'il soit
plus coupable que Sapor , pour qui il va
implorer la clémence du Roy.
Arsace , irrité des reproches de Pharnabaze
, renonce au dessein qu'il avoit
formé de lui donner sa fille ; il tourne
toutes ses vûës du côté de Sapor ; il se
flatte que ce Prince indigné de son emprisonnement
l'avouera de tout , et se
déclarera chef d'une entreprise qui doit
le venger. Il ordonne à Arbate d'aller
faire venir la Reine , de lui apprendre le
péril qui menace son fils , afin qu'il renonce
à une soumission qui lui couteroit
le Trône et la vie.
Au troisiéme Acte , Aspasie allarmée
de l'emprisonnement de Sapor , demande
à Cleone des nouvelles de ce qui se
passe à la Cour ; Cleone lui en fait une
image qui redouble son effroi . Arsace
vient dire à sa fille ce qui s'est passé entre
le Roy et lui ; voici ce que le Roy
lui a dit .
Par vos soumissions méritez vôtre grace ;
J'ai tout à redouter d'un sujet tel qu'Arsace
Pharnabaze peut seul me répondre de vous
Je veux que d'Aspasie il devienne l'Epoux .
Aspasie est mortellement affligée de
cet
MARS . 1734
519
cet ordre du Roy ; Arsace lui répond
qu'il faut tout promettre , pour ne rien.
tenir ; Arpasie lui dit qu'elle ne veut
point tromper un homme tel que Pharnabase
, et que si elle doit résoudre Sapor
à la céder à un autre , ce ne sera pas
pour lui manquer de foy & c. -
Aspasie annonce à Sapor qu'elle ne
peut le sauver qu'en épousant son Rival;
Sapor l'accuse d'infidelité , elle lui reproche
tendrement son injustice , et lui fait
entendre qu'après l'avoir sauvé par un
Hymen si affreux pour elle , elle sçaura
bien s'affranchir, en se donnant la mort,
d'un malheur qui dureroit autant que sa
vie. &c. Pharnabaze vient , Sapor lui
parle ainsi :
Prens garde à la Princesse ,
Pharnabaze ; entraîné par l'ardeur qui te presse,
Tn la suis à l'Autel , tremble , apprend son dessein
Elle y va se plonger un poignard dans le sein..
Pharnabaze étant surpris d'un tel pro
jet , Sapor poursuit.
C'est à toi de m'en croire
On n'en impose point , quand on aime la gloire,
Adieu , si sur ton coeur la vertu regne encor
Songe à justifier l'estime de Sapor.
2
Cette
20 MERCURE DE FRANCE
Cette estime réciproque entre deux
Rivaux interesse également pour l'un
et pour l'autre. Pharnabaze se plaint à
Aspasie de ce qu'elle préfere la mort à
son Hymen ; Aspasie lui avoüc tout & c.
Voici comme elle lui parle ;
J'allois sur les Autels vous tenir ma promesse;
Mais , trompant un Epoux digne de ma tendresse
,
Ma main contre mes jours n'étoit prête à s'armer,
Que pour punir mon coeur de ne pouvoir l'aimer.
Pharnabaze ne voulant point lui céder
en genérosité , lui promet de ne rien
oublier pour sauver Sapor , et de ne lui
faire aucune violence sur l'Hymen que le
Roy exige d'elle ; cependant pour la sureté
de son Maître , il ordonne qu'on arrête
Arsace dont il promet aussi de prendre
la deffense. & c.
Pharnabase instruit que Sapor n'a point
de part à la conjuration , obtient du Roy
qu'il ne sera point condamné , qu'il ne
soit convaincu & c.
,
La fierté de la Reine s'irrite par la
présence de Pharnabaze qu'elle haït et
qu'elle croit aspirer à la Couronne ; les
menaces qu'elle fait à ce favori en le
quicMARS.
17340 - 521
quittant , augmentent les soupçons du
Roy ; mais Pharnabaze appaise son couroux
, et lui fait promettre d'écouter la
Reine , que la présence d'un Ministre
trop aimé de son Roy , a fait parler avec
trop d'aigreur.
,
,
Artaxare parlant à Arsinoë accuse Sapor
dans le quatrième Acte d'avoir
conspiré contre ses jours ; Arsinoë frémit
d'une imposture si affreuse ; elle convient
que Vardanes son premier fils s'étoit révolté
contre lui , mais que ce n'étoit que
pour perdre Pharnabaze ; ce dernier arrive
Arsinoe s'emporte contre lui ;
Artaxare lui dit que ce fidele Ministre
vient par son ordre exprès et va lui dicter
ses souveraines loix.
Arsinoe lui parle avec hauteur ; Pharnabaze
lui dit qu'il veut sauver Sapor ;
mais qu'il ne le peut tant que le Roy le
croira coupable ; il la prie de le porter
à faire éclater son innocence et sur
›
›
tout à désavoüer Arsace qui le fait
chef de la conspiration . Arsinoë se rend
enfin au conseil de Pharnabaze : elle le
prie de faire venir son fils ; Pharnabaze
y court , et ordonne aux Gardes &c.
Arbate profite de ce moment
Reine n'est point observée
rendre ce billet d'Arsace :
›
, où la
pour lui
Vo522
MERCURE DE FRANCE
Votre fils touche au rang suprême ;
C'est à son insçu qu'on le sert ;
S'il nous désavoüe , il nous perd :
Ou plutôt il se perd lui-même .
Ses nouveaux suje¹s périront
Plutôt que de souffrir
que son sang se répande
;
Mais s'il les abandonne
, ils l'abandonneront
;
Et c'est , pour l'immoler , ce que le Roy de
mande.
A la lecture de ce fatal billet, Arsinoë
ne doute point que Pharnabaze ne lui
ait tendu un piége , pour ôter à son fils
le fruit d'une conjuration qui n'a d'autre
objet que de le sauver. Sapor vient,
elle lui donne le billet ; mais à peine ce
Prince a-t- il lû le premier vers , qui lui
annonce qu'il touche au rang sa priere ,
qu'il n'en veut pas lire davantage ; les
prieres et les larmes d'une Mere éperduë,
ne peuvent ébranler sa vertu ; Arsinoë
se retire , voyant approcher le Roy ,
Sapor se contente de dire à son Pere
qu'il n'a point trempé dans la conspiration
; mais Artaxare exigeant de lui ,
qu'il désavole Arsace , il ne veut pas
consentir à cette confrontation , qui le
rendroit coupable de la mort du pere
d'Arsinoë.
Pharnabaze vient annoncer au Roy
que ..
MARS 1734- 523
que les mutins ont brisé les fers d'Arsace
, qu'ils viennent de le proclamer , et
que la Flotte des Armeniens approche ?
Artaxate accable Sapor de reproches et
de noms si injurieux qu'il ne peut plus
les soutenir et se retire. Artaxare est prêt
à prononcer l'Arrêt de sa mort ; Pharnabaze
en frémit , il feint cependant d'y
consentir , et se charge de l'exécution
pendant la nuit pour la rendre plus
sûre.
•
On abrege ce qui reste à dire du dernier
Acte , il a paru si interressant par
la seule action , qu'il n'a pas besoin des
ornemens du détail pour faire juger du
succès qu'il a eu aux Représentations.
Aspasie sort de son Appartement toute
éperdue d'un songe qu'elle a fait . Arbase
vient lui annoncer la mort de Sapor
par un récit des plus effrayans ,
l'Auteur a si bien menagé les termes
équivoques pour inspirer la terreur
qu'on ne peut prévoir que Sapor a été
sauvé , que parce qu'on le souhaite. Artaxate
vient ; Aspasie le charge de reproches
, qui ne sont interrompus que par
l'arrivée de son Pere expirant . Arsace
apprend au Roy que son fils est mort
innocent. Artaxare croit qu'il ne justifie
Sapor , que pour lui laisser un plus
grand
524 MERCURE DE FRANCE
grand regret ; Arsinoë ignorant le sört
de son fils , vient le justifier par la lettre
qu'Arsace lui a écrite dans l'Acte précédent,
Ce malheureux pere lui apprend
en gémissant qu'il n'est plus tems de sauver
la vie à son fils ; Pharnabaze arrive.
Artaxare lui demande un coup mortel
comme une grace ; Pharnabaze voyant
que Sapor est pleinement justifié , lui dit
qu'il l'a sauvé. On fait venir ce Prince ;
Pharnabaze , ne se contentant pas d'avoir
conservé ses jours , lui céde si chere Aspasie.
Cette Tragédie se vend chez la veuve
Pissot Quay de Conty.
ARTAXARE. L'Auteur nous apprend
dans un Avertissement que cette
Piéce fut representée pour la premiere
fois , le 3 Mai , de l'année 1718 , qu'elle
fut interrompue , lorsqu'on commençoit
à la gouter, par la maladie du sieur Ponteuil;
que le succès qu'elle promettoit ,
enMAR
S. 1734. 513
engagea les Comédiens François à le prier
de ne la point faire imprimer , attendu
qu'ils vouloient la reprendre l'hyver d'après
; mais que
la mort du même Acteur
en avoit fait remettre la reprise à un autre
temps . Il ajoute qu'on en auroit renvoyé
l'impression plus loin , si des raisons
tres interessantes ne l'eussent déterminé
à l'exposer aux yeux du Public, telle
qu'on l'avoit vue dans sa naissance.
La lecture de cette Tragédie ,à ce qu'on
prétend , fait voir quelles sont les rai
sons que l'Auteur n'explique pas ; la ressemblance
qui se trouve entre le cinquiéme
Acte d'Adelaïde , et celui d'Artaxare
, a , dit- on , frappé tout le monde ;
on n'accuse pas l'Auteur d'Adelaïde d'avoir
imité un dénouement qui a produit
un si grand interêt dans les Représentations
de l'une et de l'autre Tragédie ; le
hazard forme des combinaisons plus
frappantes ; mais comme la malignité de
la censure pourroit faire pancher du côté
le plus défavorable , l'Auteur d'Artaxare
a cru qu'il ne pouvoit mieux se justifier
de tout soupçon , qu'en faisant voir que
sa Tragédie existoit seize ans avant celle
d'Adelaïde . Voici un Extrait de ce Poë-.-
me.
Artaxare ayant déthrôné le dernier des
Ev Arsa
514 MERCURE DE FRANCE
#
Arsacides , réunit les - Parthes et les Persans
sous le même Empire ; Vardanes ,
l'aîné de ses Fils , ayant conspiré contre
lui , il lui fit donner la mort , et fit emprisonner
Arsinoé sa femme et mere de
ce Prince rebelle. Sapor , son second Fils,
craignant que sa Mere n'éprouvât le sort
de son aîné , la tira de sa prison et la mit
en lieu de sureté près d'Ecatompile, en attendant
qu'il pût la faire transporter en
Armenie. C'est icy que l'action théatrale
commence.
Sapor s'applaudit dans le premier Acte
d'avoir sauvé sa mere ; Arsace , le dernier
des Arsacides , lui dit qu'il n'a rien fait
s'il n'acheve pas ; que sa mere peut être
découverte , étant si près d'Ecatompile ;
il l'enhardit à monter au Thrône ; Sapor
frémit à cette proposition ; Arsace ne
pouvant le surmonter par l'ambition , le
tente du côté de l'amour , en lui appre
nant qu'Artaxare lui demande Arpasie
sa fille , pour Pharnabaze son favori ;
Sapor s'irrite, mais il n'ose aller plus loin
et quitte Arsace de peur de succomber
& c.
Arsace fait entendre à Arbate , son con
fident , qu'il a formé une conspiration
sous le nom de Sapor , mais à l'insçu de
ce Prince , trop fidelle à son Pere ; il
prend
MARS 1.734.
SIS
prend le parti d'offrir le Thrône à Phar
nabaze , afin qu'il y place sa fille.
Pharnabaze , déja instruit de la conspiration
, sans en connoître l'Auteur , est
surpris de trouver Arsace si agité ; Arsace
lui apprend que sa fille n'est pas insensible
à son amour, et qu'il ne lui manque
qu'une Couronne pour la résoudre
à lui donner la main ; il n'en dit que
trop pour faire entendre à Pharnabaze
qu'il est le chef de la conspiration ; sa fidelité
pour son Roy l'emporte sur son
amour pour sa Maîtresse Il s'exprime
ainsi .
Si d'un juste courroux , je suivois le transport ,
Je ne vous répondrois qu'en vous donnant la
mort ;
Mais je respecte en vous le Pere d'Aspasie, &c . ,
Il lui apprend encore qu'Artane , l'un
des conjurez , est prêt de découvrir le
complot au Roy , et qu'il va le présenter
lui- même à Artaxare .
Aspasie paroît; Arsace lui dit que Pharnabaze
va le perdre , malgré tout l'amour
qu'il a pour elle. Aspasie n'oublie rien
pour fléchir Pharnabaze en faveur de son
Pere ; Pharnabaze lui promet d'obtenir
la grace d'Arsace , et lui fait entendre
qu'il sera le plus heureux des Mortels, s'il
E vj peut
116 MERCURE DE FRANCE
peut par là mériter le prix dont son Pere
vient de le flatter.
Aspasie réfléchit tristement sur les dernieres
paroles de Pharnabaze , et finit ce
premier Acte , par ces quatre Vers :
Quel parti prendre, hélas ! quand tout me désespere
!
Quoiqu'il puisse arriver , Grands Dieux, sauvez
mon Pere ;
Au plus affreux trépas dûssay- je recourir ;
Qu'il vive seulement , et je sçaurai mourir.
Artaxare commence le second Acte
avec Pharnabaze ; le Roy n'est encore in
formé que de la fuite de la Reine ; il ordonne
à Pharnabaze de courir après elle ;
ce Ministre fidelle s'en excuse sur le peril
qui menace les jours du Roy , péril qui
exige sa présence ; il apprend à Artaxare,
qu'on conspire contre lui , et le prie de
faire grace au chef de la coujuration ; le
Roy soupçonne d'abord son Fils , mais
Pharnabaze l'ayant rassuré de ce côté-là
obtient la grace d'Arsace avant qu'il le
lui nomme ; il ordonne qu'on fasse entrer
Artane. Celui - ci se jette aux pieds du
Roy , et se justifie de la conjuration , en
lui disant qu'il n'y est entré que pour la
réveler ; il nomme Sapor pour Chef. Artaxare
frémit de colere au nom de son
Fils ; il congédie Artane.
MARS. 1734 317
Le Roy se plaint à Pharnabaze de lui
avoir caché le veritable Chef. Pharnabaze
lui répond qu'il a été trompé tout le premier
; après une conversation , où la vertu
de Pharnabaze se déploye tout entiere.
Le Roy lui ordonne d'interroger Sapor,
et de le faire arrêter , s'il est criminel.
La Scene entre Sapor et Phirnabaze est
une des plus belles de la Piéce. Pharnabaze
croyant que Sapor n'est que trop convaincu
par son propre aveu , dont les termes
ambigus lui font prendre le change ,
ordonne qu'on l'arrête. Cela est exécuté.
Pharnabaze craignant pour sa glaire ,
s'exprime ainsi dans un Monologue.
Où vas- tu , Pharnabaze ? fremis.
Cruel ! tu vas armer un Pere contre un Fils?
Barbare ! quelle rage auprès de lui te guide
Tu Pas fait Roy ; tu vas en faire un parricide
!
Dans la mort de son Fils , prends - tu quelque
intérêt ?
Lâche l'Amour jaloux va
l'Arrêt ?
- · il dicter
Ah ! plutôt , s'il se peut , cours obtenir sa
grace ;
Non , Sapor ne doit pas t'être moins cher
qu'Arsace.
Arsace vient Pharnabaze lui dit d'aller
rea18
MERCURE DE FRANCE
rendre graces au Roy du pardon qu'il
vient d'obtenir pour lui , quoiqu'il soit
plus coupable que Sapor , pour qui il va
implorer la clémence du Roy.
Arsace , irrité des reproches de Pharnabaze
, renonce au dessein qu'il avoit
formé de lui donner sa fille ; il tourne
toutes ses vûës du côté de Sapor ; il se
flatte que ce Prince indigné de son emprisonnement
l'avouera de tout , et se
déclarera chef d'une entreprise qui doit
le venger. Il ordonne à Arbate d'aller
faire venir la Reine , de lui apprendre le
péril qui menace son fils , afin qu'il renonce
à une soumission qui lui couteroit
le Trône et la vie.
Au troisiéme Acte , Aspasie allarmée
de l'emprisonnement de Sapor , demande
à Cleone des nouvelles de ce qui se
passe à la Cour ; Cleone lui en fait une
image qui redouble son effroi . Arsace
vient dire à sa fille ce qui s'est passé entre
le Roy et lui ; voici ce que le Roy
lui a dit .
Par vos soumissions méritez vôtre grace ;
J'ai tout à redouter d'un sujet tel qu'Arsace
Pharnabaze peut seul me répondre de vous
Je veux que d'Aspasie il devienne l'Epoux .
Aspasie est mortellement affligée de
cet
MARS . 1734
519
cet ordre du Roy ; Arsace lui répond
qu'il faut tout promettre , pour ne rien.
tenir ; Arpasie lui dit qu'elle ne veut
point tromper un homme tel que Pharnabase
, et que si elle doit résoudre Sapor
à la céder à un autre , ce ne sera pas
pour lui manquer de foy & c. -
Aspasie annonce à Sapor qu'elle ne
peut le sauver qu'en épousant son Rival;
Sapor l'accuse d'infidelité , elle lui reproche
tendrement son injustice , et lui fait
entendre qu'après l'avoir sauvé par un
Hymen si affreux pour elle , elle sçaura
bien s'affranchir, en se donnant la mort,
d'un malheur qui dureroit autant que sa
vie. &c. Pharnabaze vient , Sapor lui
parle ainsi :
Prens garde à la Princesse ,
Pharnabaze ; entraîné par l'ardeur qui te presse,
Tn la suis à l'Autel , tremble , apprend son dessein
Elle y va se plonger un poignard dans le sein..
Pharnabaze étant surpris d'un tel pro
jet , Sapor poursuit.
C'est à toi de m'en croire
On n'en impose point , quand on aime la gloire,
Adieu , si sur ton coeur la vertu regne encor
Songe à justifier l'estime de Sapor.
2
Cette
20 MERCURE DE FRANCE
Cette estime réciproque entre deux
Rivaux interesse également pour l'un
et pour l'autre. Pharnabaze se plaint à
Aspasie de ce qu'elle préfere la mort à
son Hymen ; Aspasie lui avoüc tout & c.
Voici comme elle lui parle ;
J'allois sur les Autels vous tenir ma promesse;
Mais , trompant un Epoux digne de ma tendresse
,
Ma main contre mes jours n'étoit prête à s'armer,
Que pour punir mon coeur de ne pouvoir l'aimer.
Pharnabaze ne voulant point lui céder
en genérosité , lui promet de ne rien
oublier pour sauver Sapor , et de ne lui
faire aucune violence sur l'Hymen que le
Roy exige d'elle ; cependant pour la sureté
de son Maître , il ordonne qu'on arrête
Arsace dont il promet aussi de prendre
la deffense. & c.
Pharnabase instruit que Sapor n'a point
de part à la conjuration , obtient du Roy
qu'il ne sera point condamné , qu'il ne
soit convaincu & c.
,
La fierté de la Reine s'irrite par la
présence de Pharnabaze qu'elle haït et
qu'elle croit aspirer à la Couronne ; les
menaces qu'elle fait à ce favori en le
quicMARS.
17340 - 521
quittant , augmentent les soupçons du
Roy ; mais Pharnabaze appaise son couroux
, et lui fait promettre d'écouter la
Reine , que la présence d'un Ministre
trop aimé de son Roy , a fait parler avec
trop d'aigreur.
,
,
Artaxare parlant à Arsinoë accuse Sapor
dans le quatrième Acte d'avoir
conspiré contre ses jours ; Arsinoë frémit
d'une imposture si affreuse ; elle convient
que Vardanes son premier fils s'étoit révolté
contre lui , mais que ce n'étoit que
pour perdre Pharnabaze ; ce dernier arrive
Arsinoe s'emporte contre lui ;
Artaxare lui dit que ce fidele Ministre
vient par son ordre exprès et va lui dicter
ses souveraines loix.
Arsinoe lui parle avec hauteur ; Pharnabaze
lui dit qu'il veut sauver Sapor ;
mais qu'il ne le peut tant que le Roy le
croira coupable ; il la prie de le porter
à faire éclater son innocence et sur
›
›
tout à désavoüer Arsace qui le fait
chef de la conspiration . Arsinoë se rend
enfin au conseil de Pharnabaze : elle le
prie de faire venir son fils ; Pharnabaze
y court , et ordonne aux Gardes &c.
Arbate profite de ce moment
Reine n'est point observée
rendre ce billet d'Arsace :
›
, où la
pour lui
Vo522
MERCURE DE FRANCE
Votre fils touche au rang suprême ;
C'est à son insçu qu'on le sert ;
S'il nous désavoüe , il nous perd :
Ou plutôt il se perd lui-même .
Ses nouveaux suje¹s périront
Plutôt que de souffrir
que son sang se répande
;
Mais s'il les abandonne
, ils l'abandonneront
;
Et c'est , pour l'immoler , ce que le Roy de
mande.
A la lecture de ce fatal billet, Arsinoë
ne doute point que Pharnabaze ne lui
ait tendu un piége , pour ôter à son fils
le fruit d'une conjuration qui n'a d'autre
objet que de le sauver. Sapor vient,
elle lui donne le billet ; mais à peine ce
Prince a-t- il lû le premier vers , qui lui
annonce qu'il touche au rang sa priere ,
qu'il n'en veut pas lire davantage ; les
prieres et les larmes d'une Mere éperduë,
ne peuvent ébranler sa vertu ; Arsinoë
se retire , voyant approcher le Roy ,
Sapor se contente de dire à son Pere
qu'il n'a point trempé dans la conspiration
; mais Artaxare exigeant de lui ,
qu'il désavole Arsace , il ne veut pas
consentir à cette confrontation , qui le
rendroit coupable de la mort du pere
d'Arsinoë.
Pharnabaze vient annoncer au Roy
que ..
MARS 1734- 523
que les mutins ont brisé les fers d'Arsace
, qu'ils viennent de le proclamer , et
que la Flotte des Armeniens approche ?
Artaxate accable Sapor de reproches et
de noms si injurieux qu'il ne peut plus
les soutenir et se retire. Artaxare est prêt
à prononcer l'Arrêt de sa mort ; Pharnabaze
en frémit , il feint cependant d'y
consentir , et se charge de l'exécution
pendant la nuit pour la rendre plus
sûre.
•
On abrege ce qui reste à dire du dernier
Acte , il a paru si interressant par
la seule action , qu'il n'a pas besoin des
ornemens du détail pour faire juger du
succès qu'il a eu aux Représentations.
Aspasie sort de son Appartement toute
éperdue d'un songe qu'elle a fait . Arbase
vient lui annoncer la mort de Sapor
par un récit des plus effrayans ,
l'Auteur a si bien menagé les termes
équivoques pour inspirer la terreur
qu'on ne peut prévoir que Sapor a été
sauvé , que parce qu'on le souhaite. Artaxate
vient ; Aspasie le charge de reproches
, qui ne sont interrompus que par
l'arrivée de son Pere expirant . Arsace
apprend au Roy que son fils est mort
innocent. Artaxare croit qu'il ne justifie
Sapor , que pour lui laisser un plus
grand
524 MERCURE DE FRANCE
grand regret ; Arsinoë ignorant le sört
de son fils , vient le justifier par la lettre
qu'Arsace lui a écrite dans l'Acte précédent,
Ce malheureux pere lui apprend
en gémissant qu'il n'est plus tems de sauver
la vie à son fils ; Pharnabaze arrive.
Artaxare lui demande un coup mortel
comme une grace ; Pharnabaze voyant
que Sapor est pleinement justifié , lui dit
qu'il l'a sauvé. On fait venir ce Prince ;
Pharnabaze , ne se contentant pas d'avoir
conservé ses jours , lui céde si chere Aspasie.
Cette Tragédie se vend chez la veuve
Pissot Quay de Conty.
Fermer
Résumé : Artaxare, Tragédie, [titre d'après la table]
La tragédie 'Artaxare' a été récemment imprimée. La pièce a été représentée pour la première fois le 3 mai 1718, mais la représentation a été interrompue en raison de la maladie de l'acteur Ponteuil. Les Comédiens Français ont demandé à l'auteur de ne pas faire imprimer la pièce, souhaitant la reprendre l'hiver suivant. Cependant, la mort de Ponteuil a retardé cette reprise, et l'auteur a finalement décidé de publier la pièce telle qu'elle a été présentée initialement. La lecture de 'Artaxare' révèle une ressemblance notable entre le cinquième acte de cette tragédie et celui d'une autre pièce, 'Adelaïde'. Pour éviter toute accusation de plagiat, l'auteur d''Artaxare' souligne que sa pièce existe depuis seize ans avant celle d''Adelaïde'. L'intrigue d''Artaxare' commence après qu'Artaxare a détrôné le dernier des Arsacides et uni les Parthes et les Persans sous son empire. Vardanes, son fils aîné, a conspiré contre lui et a été exécuté. Arsinoé, la mère de Vardanes, a été emprisonnée. Sapor, le second fils d'Artaxare, craint pour la vie de sa mère et la sauve en la plaçant en sécurité près d'Ecatompile. Arsace, le dernier des Arsacides, encourage Sapor à monter sur le trône. La pièce explore les conspirations et les intrigues au sein de la cour, impliquant notamment Pharnabaze, un favori d'Artaxare, et Aspasie, la fille de Pharnabaze. Les principaux personnages incluent Artaxare, Sapor, Arsace, Arsinoé, Pharnabaze, et Aspasie. Les conflits et les alliances entre ces personnages sont au cœur de l'action dramatique, avec des thèmes de loyauté, de trahison et de pouvoir. La pièce se conclut par des révélations sur les véritables conspirations et les sacrifices personnels des personnages. Dans une scène tragique, un père, désespéré, exprime son impuissance à sauver la vie de son fils. Pharnabaze arrive et, après avoir constaté que Sapor est pleinement justifié, lui annonce qu'il l'a sauvé. Pharnabaze offre également Aspasie à Sapor. La pièce est disponible à l'achat chez la veuve Pissot, située Quai de Conty.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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385
p. *560-560
CHANSON.
Début :
Pour chanter des beautez mortelles, [...]
Mots clefs :
Amour, Criminelles, Consacrer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Pour chanter des beautez mortelles ,
L'Amour épuise tous ses sons ,
Et nourrit dans le coeur des flammes criminelles,
Par des criminelles chansons.
Brulons d'une flamme plus pure ;
D'un saint Amour suivons les Loix ;
Chantons l'Auteur de la Nature ;
Consacrons - lui nos coeurs , consacrons-lui nos
voix .
Pour chanter des beautez mortelles ,
L'Amour épuise tous ses sons ,
Et nourrit dans le coeur des flammes criminelles,
Par des criminelles chansons.
Brulons d'une flamme plus pure ;
D'un saint Amour suivons les Loix ;
Chantons l'Auteur de la Nature ;
Consacrons - lui nos coeurs , consacrons-lui nos
voix .
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386
p. 560-564
EXTRAIT de la Comédie de la Surprise de la Haine, annoncée dans le dernier Mercure.
Début :
Deux Familles qui ont été long-temps divisées par des Procès, veulent se [...]
Mots clefs :
Haine, Lucile, Lettre, Lisidor, Amour, Comédie, Hymen, Manière, Arlequin, Valet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Comédie de la Surprise de la Haine, annoncée dans le dernier Mercure.
EXTRAIT de la Comédie de la Surprise
de la Haine , annoncée dans le
dernier Mercure.
Eux Familles qui ont été long- temps
Ddivisées par des Procès , veulent se par
réünir par un Hymen , qui semble d'abord
projetté sous les meilleurs auspices.
Cléon , Pere de Lisidor , et Clarice , Mere
de Lucile , sont les deux Chefs des Familles
divisées ; Lisidor aime Lucile , et a le
bonheur de ne pas déplaire à l'objet de
son
Tend
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MARS. 1734. 161
son amour ; il lui fait une déclaration toute
des plus tendres ; elle y répond de la
maniere la plus favorable ; mais par malheur
cet Amant aimé , lui dit , lui dit , pour lui
prouver l'excès de son amour , qu'il voudroit
la voir , l'adorer et le lui dire sans
cesse ; cette maniere d'aimer paroît toutà-
fait romanesque à Lucile , qui au grand
étonnement de Lisidor passe rapidement
des sentimens les plus raisonnables aux
plus capricieux; son Amant ne dit pas un
mot qu'elle ne saisisse du mauvais côté ;
il a beau lui en témoigner sou juste étonnement
, elle ne fait qu'enchérir sur ce
qu'elle a déja avancés enfin il en est si
mécontent qu'après qu'ils se sont séparez;
il lui écrit une Lettre que le dépit lui dicte
, et dans laquelle cependant l'amour et
la plainte regnent également à peine.
a-t-il donné cette Lettre à Arlequin son
valet , pour la rendre à sa capricieuse
Maîtresse , qu'il se repent de l'avoir écrite
et qu'il deffend à Arlequin de la porter à
Lucile ; heureux s'il avoit eu le temps de
la retirer des mains d'un Valet si étourdi .
Cette Lettre arrive malgré lui jusqu'à
Lucile ; Arlequin déja engagé à dire du
mal de son Maître , par la libéralité de
Lucile , lui dit qu'il a sur lui une piéce
impayable. Lucile lui met entre les
Gv mains
562 MERCURE DE FRANCE
mains une Tabatiere d'or ; ce nouveau
don est payé sur le champ , par celui de
la fatale Lettre ; Lucile en fait l'usage qui
convient au dessein qu'elle a formé de ne
point épouser un homme qui l'aime trop,
elle la montre à Clarice sa mere , qui ce
pendant n'en est pas si allarmée que sa
Fille l'auroit souhaité. Cléon à qui la Let
tre est aussi communiquée , traite cela de
bagatelle , et commande à son fils d'achever
un Hymen qui les va tous reconcilier.
Lisidor surmonte la repugnance secrette
qui devroit l'empêcher d'épouser une fille
aussi capricieuse que Lucille ; il n'oublie
rien pour caliner sa colere au sujet de
la Lettre, où il lui dit de si mortifiantes
véritez il lui proteste que cette Lettre
n'a été écrite que dans un mouvement de
dépit qu'elle avoit excité par des réponses
que son amour n'avoit pas meritées ; il
ajoute que son valet lui a rendu cette
Lettre contre ses ordres .
Lucille ne reçoit point ses excuses , et
voulant rompre à quelque prix que ce
soit un mariage , pour lequel elle a conçu
une secrette aversion , sans qu'on puisse
démêler pourquoi ; elle se transforme,
pour ainsi dire , en Furie à ses yeux , pour
lui faire entendre à quel point elle le hai
roit , s'il osoit la prendre pour femme ;
c'est
MARS. 1734- 15%
c'est ici où elle fait l'image la plus affreuse
d'une haine , qu'elle seroit peutêtre
incapable de sentir , et cela fait une
telle impression sur le Spectateur qu'il
est presque saisi d'horreur .
Nous n'avons point encore parlé de
l'Episode de Mylord Guinée, pour ne pas
interrompre le fil d'une action à laquel
le il est étranger ; il faut pourtant avouer
qu'il n'est pas inutile , puisque la Piéce
lui doit une bonne partie de son grand
succès ; le Rôle de ce Mylord est parfaitement
bien joué par le Sr Riccoboni , et
'il fait une heureuse diversion à tout ce
qu'il y a de révoltant et d'outré dans le caractere
de Lucille ; on auroit même été
embarrassé à ajouter un Divertissement à
cette Comédie sans le secours du Mylord ,
qui par une espece de coup du hazard , a
fait préparer une fête si analogue à la
Piéce , il semble en avoir prévu le dénoument.
Voici en quoi consiste ce Divertissement
: La Haine travestie en Hymen
paroît vouloir unir plusieursAmans;
mais dès qu'ils touchent au moment qui
doit les rendre heureux , elle reprend sa
véritable forme, et souffle par tout la discorde.
Au reste tout le monde convient.
que cette Comédie est tres bien et tresvivement
écrite . On n'en trouve pas à
G vj beau
564 MERCURE DE FRANCE
beaucoup près , les moeurs si admirables,
ni le fond si heureux : Elle est applaudie
par de tres nombreuses assemblées . La
DlleSilvia y jouë le principal personnage
d'une maniere inimitable.
de la Haine , annoncée dans le
dernier Mercure.
Eux Familles qui ont été long- temps
Ddivisées par des Procès , veulent se par
réünir par un Hymen , qui semble d'abord
projetté sous les meilleurs auspices.
Cléon , Pere de Lisidor , et Clarice , Mere
de Lucile , sont les deux Chefs des Familles
divisées ; Lisidor aime Lucile , et a le
bonheur de ne pas déplaire à l'objet de
son
Tend
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
MARS. 1734. 161
son amour ; il lui fait une déclaration toute
des plus tendres ; elle y répond de la
maniere la plus favorable ; mais par malheur
cet Amant aimé , lui dit , lui dit , pour lui
prouver l'excès de son amour , qu'il voudroit
la voir , l'adorer et le lui dire sans
cesse ; cette maniere d'aimer paroît toutà-
fait romanesque à Lucile , qui au grand
étonnement de Lisidor passe rapidement
des sentimens les plus raisonnables aux
plus capricieux; son Amant ne dit pas un
mot qu'elle ne saisisse du mauvais côté ;
il a beau lui en témoigner sou juste étonnement
, elle ne fait qu'enchérir sur ce
qu'elle a déja avancés enfin il en est si
mécontent qu'après qu'ils se sont séparez;
il lui écrit une Lettre que le dépit lui dicte
, et dans laquelle cependant l'amour et
la plainte regnent également à peine.
a-t-il donné cette Lettre à Arlequin son
valet , pour la rendre à sa capricieuse
Maîtresse , qu'il se repent de l'avoir écrite
et qu'il deffend à Arlequin de la porter à
Lucile ; heureux s'il avoit eu le temps de
la retirer des mains d'un Valet si étourdi .
Cette Lettre arrive malgré lui jusqu'à
Lucile ; Arlequin déja engagé à dire du
mal de son Maître , par la libéralité de
Lucile , lui dit qu'il a sur lui une piéce
impayable. Lucile lui met entre les
Gv mains
562 MERCURE DE FRANCE
mains une Tabatiere d'or ; ce nouveau
don est payé sur le champ , par celui de
la fatale Lettre ; Lucile en fait l'usage qui
convient au dessein qu'elle a formé de ne
point épouser un homme qui l'aime trop,
elle la montre à Clarice sa mere , qui ce
pendant n'en est pas si allarmée que sa
Fille l'auroit souhaité. Cléon à qui la Let
tre est aussi communiquée , traite cela de
bagatelle , et commande à son fils d'achever
un Hymen qui les va tous reconcilier.
Lisidor surmonte la repugnance secrette
qui devroit l'empêcher d'épouser une fille
aussi capricieuse que Lucille ; il n'oublie
rien pour caliner sa colere au sujet de
la Lettre, où il lui dit de si mortifiantes
véritez il lui proteste que cette Lettre
n'a été écrite que dans un mouvement de
dépit qu'elle avoit excité par des réponses
que son amour n'avoit pas meritées ; il
ajoute que son valet lui a rendu cette
Lettre contre ses ordres .
Lucille ne reçoit point ses excuses , et
voulant rompre à quelque prix que ce
soit un mariage , pour lequel elle a conçu
une secrette aversion , sans qu'on puisse
démêler pourquoi ; elle se transforme,
pour ainsi dire , en Furie à ses yeux , pour
lui faire entendre à quel point elle le hai
roit , s'il osoit la prendre pour femme ;
c'est
MARS. 1734- 15%
c'est ici où elle fait l'image la plus affreuse
d'une haine , qu'elle seroit peutêtre
incapable de sentir , et cela fait une
telle impression sur le Spectateur qu'il
est presque saisi d'horreur .
Nous n'avons point encore parlé de
l'Episode de Mylord Guinée, pour ne pas
interrompre le fil d'une action à laquel
le il est étranger ; il faut pourtant avouer
qu'il n'est pas inutile , puisque la Piéce
lui doit une bonne partie de son grand
succès ; le Rôle de ce Mylord est parfaitement
bien joué par le Sr Riccoboni , et
'il fait une heureuse diversion à tout ce
qu'il y a de révoltant et d'outré dans le caractere
de Lucille ; on auroit même été
embarrassé à ajouter un Divertissement à
cette Comédie sans le secours du Mylord ,
qui par une espece de coup du hazard , a
fait préparer une fête si analogue à la
Piéce , il semble en avoir prévu le dénoument.
Voici en quoi consiste ce Divertissement
: La Haine travestie en Hymen
paroît vouloir unir plusieursAmans;
mais dès qu'ils touchent au moment qui
doit les rendre heureux , elle reprend sa
véritable forme, et souffle par tout la discorde.
Au reste tout le monde convient.
que cette Comédie est tres bien et tresvivement
écrite . On n'en trouve pas à
G vj beau
564 MERCURE DE FRANCE
beaucoup près , les moeurs si admirables,
ni le fond si heureux : Elle est applaudie
par de tres nombreuses assemblées . La
DlleSilvia y jouë le principal personnage
d'une maniere inimitable.
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Résumé : EXTRAIT de la Comédie de la Surprise de la Haine, annoncée dans le dernier Mercure.
L'extrait de la comédie 'La Surprise de la Haine' raconte l'histoire de deux familles divisées par des procès et cherchant à se réconcilier par le mariage de Lisidor et Lucile. Lisidor, fils de Cléon, et Lucile, fille de Clarice, s'aiment mutuellement. Cependant, Lucile trouve les déclarations d'amour de Lisidor trop romanesques et les interprète mal. Lisidor, mécontent, écrit une lettre sous le coup du dépit qu'il regrette immédiatement et tente d'empêcher Arlequin, son valet, de la livrer. Malgré ses efforts, la lettre parvient à Lucile, qui la montre à sa mère Clarice et à Cléon. Malgré les excuses de Lisidor, Lucile refuse de l'accepter et exprime une haine soudaine envers lui. La pièce inclut également un épisode avec Mylord Guinée, interprété par le Sr Riccoboni, qui apporte une diversion bienvenue et prépare une fête en lien avec le dénouement. La comédie est bien accueillie pour son écriture vive et ses mœurs admirables, avec une performance remarquable de la Dlle Silvia dans le rôle principal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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387
p. 576-579
EXTRAIT de la Fête de Diane, nouvelle Entrée, ajoûtée au Ballet des Fêtes Grecques et Romaines.
Début :
Nous ne pouvons donner une idée plus juste de ce petit Poëme, qu'en [...]
Mots clefs :
Périandre, Amour, Mélisse, Diane, Fête, Corinthe
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Fête de Diane, nouvelle Entrée, ajoûtée au Ballet des Fêtes Grecques et Romaines.
EXTRAIT de la Fête de Diane ,
nouvelle Entrée , ajoûtée au Ballet des
Fêtes Grecques et Romaines .
N
Ous ne pouvons donner une idée
plus juste de ce petit Poëme , qu'en
nous servant de l'Argument que l'Auteur
y a mis à la tête : le voici.
Periandre, Roy de Corinthe , que la Grece
a compié parmi ses Sages , ent le malheur
d'inspirer à sa Mere une passion incestuen ,
se. Cette Reine coupable remplit ses voeux ,
on se supposant elle - même à son Fils pour
une prétendue Maîtresse qu'elle lui avoit
fait esperer les tenebres de la nuit conser
verent l'innocence de Periandre , en favorisant
le crime de sa Mere. Dès que ce
Prince abusé le découvrit , il le détesta ,et
sette fausse avanture fit naître sa haine
Contre
MARS. 1731 . 577
contre l'Amour. Les charmes et les verius
de Melisse, Fille du Roy d'Epidaure, triompherent
enfin d'une aversion si bien fondée ,
et soumirent Periandre aux loix de l'Amour
et de l'Hymen.
Le Théatre représente un Bois , coupé
de Ruisseaux, et voisin de la Ville de Corinthe.
Periandre expose la situation de
son coeur par ce Monologue :
Ruisseaux, qui disputez aux volages Zéphirs ,
Le soin de conserver les Fleurs et la Verdure
Coulez, que votre doux murmure ,
Réponde à mes soupirs.
Sur ces Bords , l'objet qui m'engage ,
De votre Onde , en rêvant suit quelquefois le
cours ;
Vos Eaux , de ses attraits ne gardent pas l'i
mage ;
Mais dans mon tendre coeur elle reste toujours
C'est là qu'elle reçoit un éternel hommage.
Ruisseaux , &c.
Idas, Confident de Periandre, est sürpris
de le trouver rêveur et solitaire,
tandis qu'on a déjà commencé de celebrer
la Fête de Diane , où assistent tant
de Rois et de Héros assemblez ; il lui
dit qu'il le soupçonneroit de quelque attachement
secret , s'il ne sçavoit pas la
H haine
$78 MERCURE DE FRANCE
haine éternelle qu'il a jurée à l'Amour.
Periandre lui fait l'aveu de sa défaite
par ces Vers :
Claires Ondes , votre repos
De l'indifference est l'image ;
Il ne faut qu'un moment pour agiter les flots ;
Pour agiter les coeurs en faut- il davantage
Il lui fait connoître que les charmes
de Melisse causent le trouble dont il le
voit agité ; Melisse vient ; Periandre ap
plaudit en apparence à son heureuse
insensibilité ; mais c'est pour lui faire
entendre qu'il la lui envie. Melisse est
étonnée d'un langage si contraire à celui
que Periandre lui a cent fois tenu. Periandre
rougit de ce reproche et la prie
d'oublier tout ce qu'il a pû dire contre
l'Amour ; il ajoûte que si quelqu'un doit
rendre hommage à l'Amour , c'est elle
à qui il a prodigué tant d'attraits . Voici
comment il fait cette galante déclaration .
Ah! qui doit plus aimer que vous ,
S'il faut aimer autant qu'on est aimable ?
La tendresse la plus durable
Ne peut vous acquitter d'un hommage si doux.
Ah ! qui doit plus aimer que vous ,
S'il faut aimer autant qu'on est aimable ?
Melisse
MARS. 17340. 579
Melisse toujours plus surprise , feint
de vouloir se retirer ; Periandre l'arrête ;
après un grand nombre de Vers très- délicats
, Melisse dit à Periandre qu'elle a
imité son indifference , et finit par lui
dire qu'elle imite encore son amour ; que
non- seulement elle l'aime , mais qu'elle
l'a toûjours aimé , malgré sa feinte insensibilité.
Pour autoriser la Fête galante
qui suit cette tendre Scene , Periandre
dit à Melisse , qui veut dérober son
amour aux yeux des Sujets de Diane :
Ignorez-vous que la Déesse
De l'Amour , a senti les feux ?
Nous pouvons chanter sa puissance ,
Et mêler son nom dans nos Jeux ,
Sans que Diane s'en offense .
Ces cinq Vers préviennent heureusement
la Critique qu'on auroit pû faire ,
car la Fête de Diane roule également
sur l'Amour et sur la Chasse.
Cette Entrée a paru très - bien traitée
par l'Auteur du Poëme et par celui de
la Musique. Le sieur Geliote , et la Dlle
Petitpas ont rempli les Rôles de Periandre
et de Melisse , à la satisfaction du
Public , et la beauté du Ballet a couron
né l'Ouvrage.
nouvelle Entrée , ajoûtée au Ballet des
Fêtes Grecques et Romaines .
N
Ous ne pouvons donner une idée
plus juste de ce petit Poëme , qu'en
nous servant de l'Argument que l'Auteur
y a mis à la tête : le voici.
Periandre, Roy de Corinthe , que la Grece
a compié parmi ses Sages , ent le malheur
d'inspirer à sa Mere une passion incestuen ,
se. Cette Reine coupable remplit ses voeux ,
on se supposant elle - même à son Fils pour
une prétendue Maîtresse qu'elle lui avoit
fait esperer les tenebres de la nuit conser
verent l'innocence de Periandre , en favorisant
le crime de sa Mere. Dès que ce
Prince abusé le découvrit , il le détesta ,et
sette fausse avanture fit naître sa haine
Contre
MARS. 1731 . 577
contre l'Amour. Les charmes et les verius
de Melisse, Fille du Roy d'Epidaure, triompherent
enfin d'une aversion si bien fondée ,
et soumirent Periandre aux loix de l'Amour
et de l'Hymen.
Le Théatre représente un Bois , coupé
de Ruisseaux, et voisin de la Ville de Corinthe.
Periandre expose la situation de
son coeur par ce Monologue :
Ruisseaux, qui disputez aux volages Zéphirs ,
Le soin de conserver les Fleurs et la Verdure
Coulez, que votre doux murmure ,
Réponde à mes soupirs.
Sur ces Bords , l'objet qui m'engage ,
De votre Onde , en rêvant suit quelquefois le
cours ;
Vos Eaux , de ses attraits ne gardent pas l'i
mage ;
Mais dans mon tendre coeur elle reste toujours
C'est là qu'elle reçoit un éternel hommage.
Ruisseaux , &c.
Idas, Confident de Periandre, est sürpris
de le trouver rêveur et solitaire,
tandis qu'on a déjà commencé de celebrer
la Fête de Diane , où assistent tant
de Rois et de Héros assemblez ; il lui
dit qu'il le soupçonneroit de quelque attachement
secret , s'il ne sçavoit pas la
H haine
$78 MERCURE DE FRANCE
haine éternelle qu'il a jurée à l'Amour.
Periandre lui fait l'aveu de sa défaite
par ces Vers :
Claires Ondes , votre repos
De l'indifference est l'image ;
Il ne faut qu'un moment pour agiter les flots ;
Pour agiter les coeurs en faut- il davantage
Il lui fait connoître que les charmes
de Melisse causent le trouble dont il le
voit agité ; Melisse vient ; Periandre ap
plaudit en apparence à son heureuse
insensibilité ; mais c'est pour lui faire
entendre qu'il la lui envie. Melisse est
étonnée d'un langage si contraire à celui
que Periandre lui a cent fois tenu. Periandre
rougit de ce reproche et la prie
d'oublier tout ce qu'il a pû dire contre
l'Amour ; il ajoûte que si quelqu'un doit
rendre hommage à l'Amour , c'est elle
à qui il a prodigué tant d'attraits . Voici
comment il fait cette galante déclaration .
Ah! qui doit plus aimer que vous ,
S'il faut aimer autant qu'on est aimable ?
La tendresse la plus durable
Ne peut vous acquitter d'un hommage si doux.
Ah ! qui doit plus aimer que vous ,
S'il faut aimer autant qu'on est aimable ?
Melisse
MARS. 17340. 579
Melisse toujours plus surprise , feint
de vouloir se retirer ; Periandre l'arrête ;
après un grand nombre de Vers très- délicats
, Melisse dit à Periandre qu'elle a
imité son indifference , et finit par lui
dire qu'elle imite encore son amour ; que
non- seulement elle l'aime , mais qu'elle
l'a toûjours aimé , malgré sa feinte insensibilité.
Pour autoriser la Fête galante
qui suit cette tendre Scene , Periandre
dit à Melisse , qui veut dérober son
amour aux yeux des Sujets de Diane :
Ignorez-vous que la Déesse
De l'Amour , a senti les feux ?
Nous pouvons chanter sa puissance ,
Et mêler son nom dans nos Jeux ,
Sans que Diane s'en offense .
Ces cinq Vers préviennent heureusement
la Critique qu'on auroit pû faire ,
car la Fête de Diane roule également
sur l'Amour et sur la Chasse.
Cette Entrée a paru très - bien traitée
par l'Auteur du Poëme et par celui de
la Musique. Le sieur Geliote , et la Dlle
Petitpas ont rempli les Rôles de Periandre
et de Melisse , à la satisfaction du
Public , et la beauté du Ballet a couron
né l'Ouvrage.
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Résumé : EXTRAIT de la Fête de Diane, nouvelle Entrée, ajoûtée au Ballet des Fêtes Grecques et Romaines.
L'extrait de la 'Fête de Diane' relate l'histoire de Périandre, roi de Corinthe, qui, après avoir découvert l'inceste de sa mère, avait juré haine à l'amour. Cependant, il finit par succomber aux charmes de Mélisse, fille du roi d'Épidaure, et se soumet aux lois de l'amour et du mariage. La pièce se déroule dans un bois près de Corinthe, où Périandre exprime ses sentiments dans un monologue. Son confident, Idas, le trouve rêveur et solitaire, contrastant avec la fête de Diane en cours. Périandre avoue à Idas que Mélisse est la cause de son trouble. Lorsqu'elle arrive, Périandre feint l'indifférence mais finit par déclarer son amour. Mélisse, surprise, révèle qu'elle l'aime également. Périandre justifie la célébration de l'amour lors de la fête de Diane, car Diane elle-même a ressenti les feux de l'amour. La pièce est bien accueillie par le public, avec des performances remarquées de Geliote et de la demoiselle Petitpas dans les rôles principaux.
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388
p. 686-689
LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
Début :
Trop severe Bailleul, l'Hymenée et l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Raison, Mlle de Bailleul, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
LE TRIOMPHE DE LA RAISON,
Par M. Claville , à Mlle de Bailleul
pour le jour de sa Naissance.
EPITRE
TRop severe Bailleul , l'Hymenée et l'Amour
Soupant ensemble un certain jour ,
Concerterent votre naissance.
Chacun des trois fit de son mieux ;
Et chacun réussit. Jamais entre ces Dieux ,
On ne vit tant d'intelligence.
La vertu , les dons , les talens ,
Tandis que lesAmours crayonnoient votre image,
Charmez des dehors de l'ouvrage ,
Jurerent à l'envi d'enrichir les dedans.
Ce projet flatte la Nature ,
Au succès le Destin souscrit.
La
AVRIL: 787
1734
La raison prend soin de l'esprit ,
Et les graces de la figure.
Enfin , Dieu merci vous voilà ;
L'attente generale est dignement remplie.
On voit qu'à tous égards vous êtes accomplie ;.
Mais croyez-vous qu'Amour veuille en demenrer
là g
Ce petit usurier fait bien payer ses graces ;
A chaque instant le séducteur ,
Se loge dans vos yeux, par tout il suit vos traces,
Je crois que le fripon en veut à votre coeur.
Helas ! j'en puis parler en Maître ,
Il est bien séduisant , mais il est un peu traître.
Heureux qui peut s'en garantir !
Ne craignez pas de le connoître ,
Ne craignez que de le sentir .
Je sçais tout ce qui vous rassure ;
Vous aimez vos devoirs , le travail , la lecture ,
Vous ne lisez que du meilleur ,
Et le nom de Roman vous fit toujours horreur
Le Latin , la Musique et la Géographie
Font vos plus doux plaisirs , prennent tous vos
momens ,
Ce sont vos seuls amusemens .
Tant de préservatifs et de Philosophie
Ne conviennent pas trop aux tendres sentimens.
Mais
788 MERCURE DE FRANCE
Mais que l'Amour a de finesse !
Lui qui connoît à fond toute votre sagesse ,
Ne viendra pas grossierement
Vous faire un mauvais compliment ;
Vous n'entendrez qu'esprit , respect et politesse,
Il vous prendra par la raison ,
-
Et par ce nouveau tour d'adresse ,
Subtilisera son poison."
Il choisira pour Interprete ,
Quelque Cavalier bien bâti ,
Riche autant que Crésus , et d'un nom assorti ,
Qui sans vouloir foüiller au fond de la cassette j
Se croira trop heureux d'avoir
Le seul le digne objet qui flate son espoir ;
Enfin il contera son amoureux martyre ,
Et Dieu sçait ce qu'Amour inspire ;
Mais votre coeur , Iris , ne sent- il encor rien
Non. Il faut donc tenter un plus puissant moyen;
Hé bien ! on prend la main , on la baise , on la
serre ;
à terre Larmes aux yeux , genoux
On fait les sermens les plus doux
De n'adorer jamais que vous ;
On hazardera quelque Lettre ;
Mais quoi vous ne voulez permettre
Regards , soupirs , discours , billets , ni tendres
soins
Bien
A VRIL. 1734. 689
Bien d'autres se rendroient à moins ;
Mais avant le Contrat rien ne peut vous soumettre.
• L'Amour va donc secher d'ennui ,
De trouver la raison plus puissante que lui.
L'exemple est rare , il en soupire ;
Et Fille qui ne veut voir , entendre , ni lire ,
Est un vrai Phénix aujourd'hui.
l'ai bien deviné , j'entends quelqu'un qui crie.
Tout doux , beau petit Dieu , calmez- vous , je
vous prie ;
Bien- tôt vous aurez du bọn bon.
Voyez cette sotte raison
Qui met notre Enfant en furie.
Voulez-vous , chez Iris, trouver le même accès ,
Consultez , tendre Amour , l'aimable simpathie ,
Qu'elle plaide votre procès ;
Mettez l'Hymen de la partie ,
Et je vous réponds du succès.
Par M. Claville , à Mlle de Bailleul
pour le jour de sa Naissance.
EPITRE
TRop severe Bailleul , l'Hymenée et l'Amour
Soupant ensemble un certain jour ,
Concerterent votre naissance.
Chacun des trois fit de son mieux ;
Et chacun réussit. Jamais entre ces Dieux ,
On ne vit tant d'intelligence.
La vertu , les dons , les talens ,
Tandis que lesAmours crayonnoient votre image,
Charmez des dehors de l'ouvrage ,
Jurerent à l'envi d'enrichir les dedans.
Ce projet flatte la Nature ,
Au succès le Destin souscrit.
La
AVRIL: 787
1734
La raison prend soin de l'esprit ,
Et les graces de la figure.
Enfin , Dieu merci vous voilà ;
L'attente generale est dignement remplie.
On voit qu'à tous égards vous êtes accomplie ;.
Mais croyez-vous qu'Amour veuille en demenrer
là g
Ce petit usurier fait bien payer ses graces ;
A chaque instant le séducteur ,
Se loge dans vos yeux, par tout il suit vos traces,
Je crois que le fripon en veut à votre coeur.
Helas ! j'en puis parler en Maître ,
Il est bien séduisant , mais il est un peu traître.
Heureux qui peut s'en garantir !
Ne craignez pas de le connoître ,
Ne craignez que de le sentir .
Je sçais tout ce qui vous rassure ;
Vous aimez vos devoirs , le travail , la lecture ,
Vous ne lisez que du meilleur ,
Et le nom de Roman vous fit toujours horreur
Le Latin , la Musique et la Géographie
Font vos plus doux plaisirs , prennent tous vos
momens ,
Ce sont vos seuls amusemens .
Tant de préservatifs et de Philosophie
Ne conviennent pas trop aux tendres sentimens.
Mais
788 MERCURE DE FRANCE
Mais que l'Amour a de finesse !
Lui qui connoît à fond toute votre sagesse ,
Ne viendra pas grossierement
Vous faire un mauvais compliment ;
Vous n'entendrez qu'esprit , respect et politesse,
Il vous prendra par la raison ,
-
Et par ce nouveau tour d'adresse ,
Subtilisera son poison."
Il choisira pour Interprete ,
Quelque Cavalier bien bâti ,
Riche autant que Crésus , et d'un nom assorti ,
Qui sans vouloir foüiller au fond de la cassette j
Se croira trop heureux d'avoir
Le seul le digne objet qui flate son espoir ;
Enfin il contera son amoureux martyre ,
Et Dieu sçait ce qu'Amour inspire ;
Mais votre coeur , Iris , ne sent- il encor rien
Non. Il faut donc tenter un plus puissant moyen;
Hé bien ! on prend la main , on la baise , on la
serre ;
à terre Larmes aux yeux , genoux
On fait les sermens les plus doux
De n'adorer jamais que vous ;
On hazardera quelque Lettre ;
Mais quoi vous ne voulez permettre
Regards , soupirs , discours , billets , ni tendres
soins
Bien
A VRIL. 1734. 689
Bien d'autres se rendroient à moins ;
Mais avant le Contrat rien ne peut vous soumettre.
• L'Amour va donc secher d'ennui ,
De trouver la raison plus puissante que lui.
L'exemple est rare , il en soupire ;
Et Fille qui ne veut voir , entendre , ni lire ,
Est un vrai Phénix aujourd'hui.
l'ai bien deviné , j'entends quelqu'un qui crie.
Tout doux , beau petit Dieu , calmez- vous , je
vous prie ;
Bien- tôt vous aurez du bọn bon.
Voyez cette sotte raison
Qui met notre Enfant en furie.
Voulez-vous , chez Iris, trouver le même accès ,
Consultez , tendre Amour , l'aimable simpathie ,
Qu'elle plaide votre procès ;
Mettez l'Hymen de la partie ,
Et je vous réponds du succès.
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Résumé : LE TRIOMPHE DE LA RAISON, Par M. Claville, à Mlle de Bailleul, pour le jour de sa Naissance. EPITRE
M. Claville adresse une épître à Mlle de Bailleul pour son anniversaire, célébrant la conjonction de l'Hyménée, de l'Amour et de la vertu lors de sa naissance. Il loue les qualités intérieures et extérieures de la jeune fille, protégée par la raison et les grâces. L'auteur met en garde contre les séductions de l'Amour, tout en reconnaissant les passions de Mlle de Bailleul pour le travail, la lecture et les arts. Il prédit que l'Amour tentera de la séduire par la raison et la politesse, utilisant des intermédiaires respectables. Cependant, Mlle de Bailleul reste insensible à ces avances, préférant la raison à l'amour. L'Amour, frustré, reconnaît la puissance de la raison chez elle, un cas rare selon lui. L'auteur conseille à l'Amour de recourir à la sympathie et à l'Hyménée pour espérer réussir.
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389
p. 706
A MLLE DE AU JOUR DE SA NAISSANCE.
Début :
Votre Naissance, Iris, est un deüil à Cythere, [...]
Mots clefs :
Naissance, Amour
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texteReconnaissance textuelle : A MLLE DE AU JOUR DE SA NAISSANCE.
A MLLE DE
AU JOUR DE SA NAISSANCE.
V
Otre Naissance , Iris , est un deüil à Cythere
,
Ah ! craignez la vengeance et les traits de l'Amour
;
Vos charmes , de dépit ont fait mourir sa Mere;
Mais tant que vous vivrez , son fils verra le jour.
AU JOUR DE SA NAISSANCE.
V
Otre Naissance , Iris , est un deüil à Cythere
,
Ah ! craignez la vengeance et les traits de l'Amour
;
Vos charmes , de dépit ont fait mourir sa Mere;
Mais tant que vous vivrez , son fils verra le jour.
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390
p. 754-756
CHANSON.
Début :
Que chacun de nous se livre [...]
Mots clefs :
Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
Ue chacun de nous se livre
Aux plus aimables transports ,
Et n'attendons pas pour vivre
Que
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS .
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
AVRIL. 1734. 755
Que nous soyons chez les morts :
De fleurs ceignons notre tête ,
Et pour mieux passer le jour
Invitons à cette Fête ,
Bacchus et le Dieu d'Amour.
Vos yeux ,
M
aimable Thémire ,
Lancent mille traits vainqueurs ;
Profitez de cet Empire ,
Qu'il vous donne sur les coeurs ;
Ce n'est pas assez, de plaire ,
Il faut se laisser charmer ,
La gloire d'être sévere
Ne vaut pas le bien d'aimer.
Aux erreurs de l'esperance ,
N'immolons point nos desirs ;
L'heure fatale s'avance
Qui détruira nos plaisirs ;
L'Amour , aux Royaumes sombres ,
Ne porte point son flambeau ,
L'on n'y parle qu'à des Ombres ,
Et l'on n'y boit que de l'eau.
Rions de l'erreur extrême
De ce Sage prétendu ,
Toujours
756 MERCURE DE FRANCE
Toujours contraire à lui- même ,
A s'attrister assidu ;
Que fidelle à son Systême ,
Dans un douteux avenir r
Il cherche le bien suprême ,
Contentons - nous d'en jouir.
Ue chacun de nous se livre
Aux plus aimables transports ,
Et n'attendons pas pour vivre
Que
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS .
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
AVRIL. 1734. 755
Que nous soyons chez les morts :
De fleurs ceignons notre tête ,
Et pour mieux passer le jour
Invitons à cette Fête ,
Bacchus et le Dieu d'Amour.
Vos yeux ,
M
aimable Thémire ,
Lancent mille traits vainqueurs ;
Profitez de cet Empire ,
Qu'il vous donne sur les coeurs ;
Ce n'est pas assez, de plaire ,
Il faut se laisser charmer ,
La gloire d'être sévere
Ne vaut pas le bien d'aimer.
Aux erreurs de l'esperance ,
N'immolons point nos desirs ;
L'heure fatale s'avance
Qui détruira nos plaisirs ;
L'Amour , aux Royaumes sombres ,
Ne porte point son flambeau ,
L'on n'y parle qu'à des Ombres ,
Et l'on n'y boit que de l'eau.
Rions de l'erreur extrême
De ce Sage prétendu ,
Toujours
756 MERCURE DE FRANCE
Toujours contraire à lui- même ,
A s'attrister assidu ;
Que fidelle à son Systême ,
Dans un douteux avenir r
Il cherche le bien suprême ,
Contentons - nous d'en jouir.
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Résumé : CHANSON.
Le poème 'CHANSON', daté d'avril 1734, incite à savourer les plaisirs présents sans attendre. Il recommande de célébrer la vie même après la mort, en s'entourant de fleurs et en invitant Bacchus et le dieu de l'Amour. Le texte vante la beauté et le charme de Thémire, une figure aimable, et prône la séduction plutôt que la sévérité. Il met en garde contre les illusions de l'espérance qui peuvent ruiner les plaisirs, affirmant que l'amour ne survit pas dans des environnements austères. Le poème critique également un sage prétendu qui s'attriste constamment et cherche le bien suprême dans un avenir incertain, préférant jouir du bien présent.
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391
p. 835-838
ANDROMEDE. CANTATE.
Début :
Sur un affreux Rocher que la Mer irritée, [...]
Mots clefs :
Andromède, Monstre, Rocher, Attraits, Amour, Instant, Mer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANDROMEDE. CANTATE.
MEDE.
CANTATE.
"
UR un affreux Rocher que la Mer
irritée ,
Battoit de tous côtez de ses flots
écumeux ,
Andromede, étoit enchaînée :
Victime du courroux des Dieux ,
:
Pour expier l'orgueil d'une More insensée ,
A périr sous les coups d'un Monstre furicux ,
A ij
L'Ora
SH.P
836
MERCURE
DE
FRANCE
:
L'Oracle l'avoit condamnée :
Jeune , pleine d'attraits , fille d'un Roy puissane
Sur le point d'allumer les feux de l'himenée ,
Par un revers terrible , elle est en un instant
Seule , proscrite , abandonnée ;
Envain l'air retentit de ses gémissemens ;
Le Ciel s'est déclaré contre elle ;
Rien ne peut adoucir ses Arrêts violents :
En vain par ces tristes accents ,
7
Bile exprime l'excès de sa douleur mortelle ;
Vains attraits , funeste Beauté ,
Objet d'une jalouse envie ,
Qui faisoit ma félicité ,.
Tu fais le malheur de ma vie
C'en est fait , ces traits séduisants ,
Qui bruloient des plus vives flammes
Les coeurs d'une foule d'A
N'ont plus de pouvoir sur leurs ames
Grands Dieux ! quel affreux changement !
Tout me fuit , que dis- je! Phinée ,
Peu touché de ma destinée ,
N'est plus qu'un lâche , un inconstant,
Tandis que sa douleur profonde ,
Porte ses plaintes jusqu'aux Cieux ,
L'air s'obscurcit , la foudre gronde ,
Les vents souflent , le Ciel brille de mille feux ,
La
MAY: 1734 7837
La Mer s'agite, un flot avec force s'élance ,
S'abbaisse tout à coup , vers le Rocher s'avance ,
Et vomit le Monstre à ses yeux .
Déja vers l'aimable Princesse ,
Il marche à pas précipité ,
Il atteint le Rocher ; sa fureur vengeresse ,
Est prête à dévorer cette jeune Beauté ;
Ne craignez ' rien , Princesse infortunée ,
L'Amour s'interesse à vos jours ;
Ce Dieu vous amene Persée ;
Esperez tout avec de tels secours ,
Cet Amant génereux , mieux que l'ingrat Phi
née ,*
Sçaura de vos malheurs faire finir le cours ;
Persée à cet instant s'avance vers la Roche
L'aspect de tant d'appas redouble sa valeur ;
Furieux , du Monstre il s'approche ,
Il l'arrête , et d'un trait il lui perce le cour
Le'Monstre fait des résistances vaines ;
Il perd son sang , il tombe , il meurt ;
Cependant cet Amant vainqueur ,
D'Andromede brise les chaînes ,
Et lui fait un aveu de sa secrette ardeur ;
La Belle ne fut pas insensible à ses peines ,
Un service si grand parloit en sa faveur
L'Amour se mit d'intelligence ;
Une tendre reconnoissance |
La fit ceder bien- tôt à son Liberateur ;
3
A iij Amans ,
838 MERCURE DE FRANCE
Amans , les froideurs de vos Belles ,
Ne doivent point vous dégager
Les plus ficres , les plus cruelles ,
Peuvent en un instant changer.
Soyez tendres , soyez fidelles ,
Et ne vous relâchez jamais ,
Le moindre service pour elles ,
A toûjours de puissants attraits.
Un amour de reconnoissance
Chez le Sexe naît aisément ;
Et souvent plus loin qu'il ne pense ,
Il porte cet engagement.
V. D. G.
CANTATE.
"
UR un affreux Rocher que la Mer
irritée ,
Battoit de tous côtez de ses flots
écumeux ,
Andromede, étoit enchaînée :
Victime du courroux des Dieux ,
:
Pour expier l'orgueil d'une More insensée ,
A périr sous les coups d'un Monstre furicux ,
A ij
L'Ora
SH.P
836
MERCURE
DE
FRANCE
:
L'Oracle l'avoit condamnée :
Jeune , pleine d'attraits , fille d'un Roy puissane
Sur le point d'allumer les feux de l'himenée ,
Par un revers terrible , elle est en un instant
Seule , proscrite , abandonnée ;
Envain l'air retentit de ses gémissemens ;
Le Ciel s'est déclaré contre elle ;
Rien ne peut adoucir ses Arrêts violents :
En vain par ces tristes accents ,
7
Bile exprime l'excès de sa douleur mortelle ;
Vains attraits , funeste Beauté ,
Objet d'une jalouse envie ,
Qui faisoit ma félicité ,.
Tu fais le malheur de ma vie
C'en est fait , ces traits séduisants ,
Qui bruloient des plus vives flammes
Les coeurs d'une foule d'A
N'ont plus de pouvoir sur leurs ames
Grands Dieux ! quel affreux changement !
Tout me fuit , que dis- je! Phinée ,
Peu touché de ma destinée ,
N'est plus qu'un lâche , un inconstant,
Tandis que sa douleur profonde ,
Porte ses plaintes jusqu'aux Cieux ,
L'air s'obscurcit , la foudre gronde ,
Les vents souflent , le Ciel brille de mille feux ,
La
MAY: 1734 7837
La Mer s'agite, un flot avec force s'élance ,
S'abbaisse tout à coup , vers le Rocher s'avance ,
Et vomit le Monstre à ses yeux .
Déja vers l'aimable Princesse ,
Il marche à pas précipité ,
Il atteint le Rocher ; sa fureur vengeresse ,
Est prête à dévorer cette jeune Beauté ;
Ne craignez ' rien , Princesse infortunée ,
L'Amour s'interesse à vos jours ;
Ce Dieu vous amene Persée ;
Esperez tout avec de tels secours ,
Cet Amant génereux , mieux que l'ingrat Phi
née ,*
Sçaura de vos malheurs faire finir le cours ;
Persée à cet instant s'avance vers la Roche
L'aspect de tant d'appas redouble sa valeur ;
Furieux , du Monstre il s'approche ,
Il l'arrête , et d'un trait il lui perce le cour
Le'Monstre fait des résistances vaines ;
Il perd son sang , il tombe , il meurt ;
Cependant cet Amant vainqueur ,
D'Andromede brise les chaînes ,
Et lui fait un aveu de sa secrette ardeur ;
La Belle ne fut pas insensible à ses peines ,
Un service si grand parloit en sa faveur
L'Amour se mit d'intelligence ;
Une tendre reconnoissance |
La fit ceder bien- tôt à son Liberateur ;
3
A iij Amans ,
838 MERCURE DE FRANCE
Amans , les froideurs de vos Belles ,
Ne doivent point vous dégager
Les plus ficres , les plus cruelles ,
Peuvent en un instant changer.
Soyez tendres , soyez fidelles ,
Et ne vous relâchez jamais ,
Le moindre service pour elles ,
A toûjours de puissants attraits.
Un amour de reconnoissance
Chez le Sexe naît aisément ;
Et souvent plus loin qu'il ne pense ,
Il porte cet engagement.
V. D. G.
Fermer
Résumé : ANDROMEDE. CANTATE.
Le texte raconte l'histoire d'Andromède, fille d'un roi puissant, condamnée par un oracle à périr sous les coups d'un monstre en raison de l'orgueil de sa mère. Jeune et belle, elle est sur le point de se marier mais se retrouve seule et abandonnée. Ses appels à l'aide restent vains, y compris auprès de Phinée, son amant. Alors que le monstre approche, Persée, guidé par l'Amour, arrive pour la sauver. Il tue le monstre et libère Andromède, lui avouant son amour. Touchée par son geste, Andromède répond à ses sentiments. Le texte conclut en conseillant aux amants de rester tendres et fidèles, car même les femmes les plus froides peuvent changer et éprouver de la reconnaissance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
392
p. 861-870
LETTRE de M. *** à Mlle *** sur l'Origine de la Musique.
Début :
Vous m'avez souvent demandé ce que je pensois sur les différentes [...]
Mots clefs :
Origine de la musique, Musique, Amour, Psyché, Ballet, Coeur, Yeux, Sons, Vénus, Chant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. *** à Mlle *** sur l'Origine de la Musique.
LETTRE de M. *** à Mlle ***
sur l'Origine de la Musique.
V
Ous m'avez souvent demandé ce
que je pensois sur les différentes
sortes de Musique , en personne qui n'a
pas decidé quel est son gout , qui n'ose
s'y fier, et qui reste dans l'incertitude ; les
différentes opinions n'ont pas la force
de vous entraîner mais bien celle de
suspendre l'impression du sentiment auquel
vous n'osez vous livrer : voici votre
excuse.
"
د
Votre coeur n'a jamais été touché,vous
ne connoissez point l'amour, vos Amants
ont voulu vainement vous le faire connoître
vous n'avez connu que vos
Amants , les uns emportez et grossiers ne
vouloient que vous corrompre , ils vous
ont inspiré de l'horreur , d'autres ayant
Bilj le
852 MERCURE DE FRANCE
le même projet l'ont dissimulé , les uns
se sont donnez pour Philosophes uniquement
charmez de vos vertus , la plûpart
se disoient séduits par les graces de
votre esprit , ce même esprit qu'ils vantoient
vous a servi à connoître la fausseté
de leur caractere , les voilà démasquez er
méprisez ; d'autres encore ont essayé de
vous plaire par les discours flatteurs , les
coquetteries et les gentillesses frivoles
qui séduisent presque toutes les femmes ;
cet art , ce manége vous a paru plat¸
et tous les Amans vous ont paru dangereux
et incapables de satisfaire vôtre esprit
et de toucher votre coeur.
Il m'a paru nécessaire de débroüiller
en vous les idées fausses que vous avez de
l'amour avant que de vous parler de lui .
Ne croyez pas que j'entreprenne de vous
le faire connoître autrement que par la
simple théorie,peut-être un jour l'Amant
qu'il vous a destiné vous fera sentir quel
il est.
amours
On a distingué il y a longtems deux
l'un sous le nom d'Eros et
l'autre d'Anteros , c'est du premier dont
je veux vous parler , c'est lui qui aima
Psiché , cet amour tendre , pur , vrai ,
vif , constant , fidele , ne pouvoit aimer
que Psiché, il vouloit être aimé de même;
1
pour
MAY . 1734 863
"
>
pour cela il lui falloit une ame toute entiere
, il trouvoit dans toutes les femmes
les deffauts et les dégouts que Psiché
trouvoit dans tous les hommes , rien ne
pouvoit plaire à Psiché et n'étoit digne
d'elle que l'Amour lui - même , la Fable
vous a apris tous ses malheurs, la curiosité
et la vanité les causerent , elle y joignit
la défiance , crime pour l'amitié
mais affreux et irrémissible aux yeux du
véritable Amour , vous êtes étonnée de
m'entendre dire aux yeux du véritable
Amour:Oui à ces yeux: celui là n'est point
aveugle, ilest clairvoyant,mais silentieux ;
il parle peu , simplement, évite les frases
et les tours affectez , son langage est vif ;
plein de naiveté et d'expressions , tout
parle en lui rien n'étoit perdu pour
Psiché, une ame n'a pas besoin de grands
discours pour entendre toute la force et
toute la grace d'une pensée, encore moins
lorsque ces pensées viennent du sentiment.
Après toutes les peines que les défauts
de Psiché lui avoient causées , après
qu'elle eut expié ses crimes , en se livrant
entierement a l'Amour , il l'épousa ; les
Dieux approuvérent ce mariage, ils étoient
seuls dans l'univers faits l'un pour l'autte;
de ce couple charmant naquit la volup
té , cette Deésse étoit digne de son ori-
و
Bilij gine ,
864 MERCURE DE FRANCE
•
gine , elle ne se sépara jamais de son pere
et de sa mere , elle enfaisoit les délices
sans parler les différens idiomes , elle se faisoit
entendre à toutesles nations , il suffisoit
pour cela d'avoir une ame ou de l'amour
, tout ce qui étoit privé de l'un ou
de l'autre ne l'entendoit point , tout ce
qui suivoit les étendarts d'Anteros étois
sourd pour sa voix délicate et gracieuse ;
vous sçavez qu'Anteros , le faux amour
vint s'établir sur la terre , qu'il subjugua
presque tous les mortels , il les blessoit
avec des fléches empoisonnées, il trainoit
après lui la jalousie , la fraude , la trahil'inconstance
, l'indiscretion ; delà
vinrent des guerres et des meurtres sans
nombre ; pour les séduire , il menoit avec
lui une fausse volupté qui ne ressembloit
en rien à la fille de Psiché ; elle ne don- .
noit que
des plaisirs grossiers qui ne flattant
les sens que pour des instants, les détruisoient
en peu de temps ; la fille de
Psiché un jour en badinant essaya
d'imiter
les soupirs d'amour sur un instrument
qu'elle fit avec un roseau ; sur ce même
instrument elle trouva le moyen de peindre
par des sons les differentes agitations
d'un coeur amoureux : langueurs, larmes,
délices , joye douce et naïve ; son pere et
sa mere sentoient augmenter leurs plaisirs
son ,
pac
MAY. 1734. `865
par les sons touchans qui les représentoient
; la volupté ne s'en tint pas à ce
coup d'essay , elle inventa plusieurs instrumens
, ayant tous des beautez particulieres
et propres à caractériser et à peindre
tous les differents mouvements de
l'ame au point de les faire ressentir à ceux
qui en étoient susceptibles : les Oyseaux
habitans des bocages du pays fortuné ou
ces Dieux charmans avoient choisi leur
retraite , apprirent bien- tôt à former des
sons mélodieux et agréables ; les Bergers
soupiroient sur la flutte & animoient
leurs danses , par le son de la Musette et
du Tambourin . Un jour un Rosignol
s'étant éloigné de sa demeure ordinaire ,
fut surpris par un amour folâtre qui voltigeoit
près de l'isle fortunée , son chant
lui parut nouveau ; il porta l'Oyseau à
Venus comme un présent rare et digne
d'elle , elle en connut tout le prix , et sur
le champ ayant fait atteler son Char, elle
ordonna au Rossignol de voler devant
ses Pigeons et de la conduire dans les
climats , inconnus jusqu'alors , où les
Oyseaux avoient un ramage si tendre ,
il obeït , elle part et arrive , son Char
resta suspendu dans les airs enveloppé
d'un nuage ; elle vouloit vor sans être
apperçue , ses yeux furent frappez du
>
B v plus
866 MERCURE DE FRANCE
plus agréable spectacle qui fut jamais
son fils et Psiché sur un Trône de gazon
et de fleurs dans le lieu le plus délicieux
de l'univers. Je n'en ferai point la description
, l'Amour l'avoit choisi pour
sa demeure , et sa fille l'avoit orné , à la
tête des Nimphes et de leur cour elle
leur donnoit une Fête champêtre , elles
dansoient sur le gazon , les Zephirs legers
dansoient avec elles , les Bergers et les
Bergeres danserent quelques Entrées de
ce Ballet ; les Graces de la suite de Psiché
en danserent aussi; ces Graces ne ressemblent
point à celles qui accompagnent
Venus , elles sont aussi modestes, naïves et
touchantes , que les dernieres sont effrontées
et minaudieres , toute la Musique du
Ballet étoit caractérisée, les yeux fermez,
on pouvoit deviner quels étoient lesDanseurs
et se représenter à peu près les différentes
figures du Ballet , tant la même
expression regnoit et dans le Chant et
dans la Danse ; il sembloit que la nature
seule eut produit l'une et l'autre ; et sans
que l'on s'en apperçut , on ressentoit les
plus délicates nuances des douces passions
exprimées par les Sons. Lorsque les jeux
furent terminez , Venus regagna Cichére
plus jalouse que jamais de la beauté et
du bonheur de Psiché , il n'étoit plus en
1
son
MA Y. 867
1734
son pouvoir de le troubler , elle voulut
du moins essayer de joüir du même plaisir
, et si les spectacles qu'elle donneroit
à Cithére n'avoient pas les mêmes charmes
, les surpasser du moins en magnificence
; elle fit construire un Theatre dont
les ornemens étoient chargez d'or et de
Pierres précieuses , les Décorations et les
Prespectives tâcherent d'imiter ce beau
Paysage qu'elle venoit de voir , un nombre
prodigieux d'Instrumens furent fabriquez
, Venus promit des dons et des
faveurs à tous ceux qui travailleroient
avec succès pour son Théatre ; tous les
hommes croyant avoir besoin de la protection
de Venus ont recours à elle
comme à une Divinité bienfaisante ; ils
ignorent que
d'elle et de ses enfans viennent
les peines dont ils gémissent , tous
travaillent à l'envi à composer de la
Musique , chacun vantoit son travail et.
la peine qu'il s'étoit donnée , les Grométres
même s'en mêlerent , ils loüoient les
calculs immenses qu'ils avoient fait pour
trouver moyen de parcourir dans les Airs
de violons toutes les differentes combinaisons
d'un ré ou d'un mi , avec les au
tres Notes; il est vrai que cet Air n'avoit
point de chant , et dans cette Musique
contrainte et si pénible à composer , rien
B vj
>
ne
868 MERCURE DE FRANCE
•
2
que
ne couloit de source , nul génie ne les
animoit , ils fuioient la nature et le sentiment
, l'art n'auroit dû servir qu'à chercher
l'un et l'autre pour les orner et les
mettre dans leur plus beau jour : quand
celui où l'on devoit exécuter sur leThéatre
deCithére ce Ballet tant vanté,fut arrivé,
la plus part des Spectateurs s'écriérent
les Instrumens étoient faux , leurs
Sons faisoient peine aux oreilles les moins
délicates on leur déclara dogmatiquement
que c'étoit des dissonnances faites
exprès et le chef- d'oeuvre de l'Art , les
Chats originaires de Cithére ont transmis
jusqu'à nous quelques tons de cette harmonie,
comme lesRosignols nous en font
entendre quelqu'uns de celle qu'ils ont
entendue dans l'isle de l'Amour.
Le Ballet fut dansé par les Nimphes de
la suite deVenus , Danses indécentes où
se mêloient des Athlettes de la suite de
Mars , les Graces faisoient des sauts et des
tours de force la confusion regnoit ,
la Musique n'avoit de raport à la Danse
que par le mouvement plus ou moins
vif , point de pensée par conséquent ,
point d'expression; on parcouroit tous les
tours avec rapidité , les dissonances prodiguées
sans cesses quelquefois on s'obsti
noit à rebattre deux Notes pendant un
quart
M/ACY. 1734. 369
quart d'heure , beaucoup de bruit , force
fredons ; et lorsque par hazard il se rencontroit
deux mesures qui pouvoient
faire un Chant agréable , l'on changeoit
bien vîte de ton , de mode et de mesure,
toujours de la tristesse au lieu de tendresse,
le singulier étoit du barocque , la fureur
du tintamare; au licu de gayeté, du turbulant,
et jamais de gentillesse, ni rien qui
put aller au coeur ; vous en sçavez à présent
autant que moi , faite votre choix
l'une des deux Musiques vient de Cithére,
l'autre de la fille de l'Amour et de Psiché ,
ne croyez pas qu'une nation s'en soit
proprié, l'une à l'exclusion de l'autre ; les
deux Musiques se sont répandues dans
toutes les nations , vôtre coeur et vôtre
gout vous feront démêler quelle est leur
origine. K
ap-
Vous trouverez peut- être que j'avance
sans preuve que les Chats sont originaires
de Cithere , ils en conservent encore
les inclinations et les manieres , remplis
de gentillesses dans leurs badinages , un
cruels
trompeurs, féroces, sans amitié ; lorsque
l'Amour les rend heureux, leur indiscrétion
l'aprend au voisinage par leurs clameurs
ils sont légers et volages comme
les Cupidons , le Rosignol amoureux
air doux
plein de dissinmitié
,
I
Venu
870 MERCURE DE FRANCE
venu de l'Ifle fortunée ne chante que
pour toucher sa Maîtresse ; est - il heureux
? il se tait et ne chante plus. Content
de sa bonne fortune , il la goute
en silence.
sur l'Origine de la Musique.
V
Ous m'avez souvent demandé ce
que je pensois sur les différentes
sortes de Musique , en personne qui n'a
pas decidé quel est son gout , qui n'ose
s'y fier, et qui reste dans l'incertitude ; les
différentes opinions n'ont pas la force
de vous entraîner mais bien celle de
suspendre l'impression du sentiment auquel
vous n'osez vous livrer : voici votre
excuse.
"
د
Votre coeur n'a jamais été touché,vous
ne connoissez point l'amour, vos Amants
ont voulu vainement vous le faire connoître
vous n'avez connu que vos
Amants , les uns emportez et grossiers ne
vouloient que vous corrompre , ils vous
ont inspiré de l'horreur , d'autres ayant
Bilj le
852 MERCURE DE FRANCE
le même projet l'ont dissimulé , les uns
se sont donnez pour Philosophes uniquement
charmez de vos vertus , la plûpart
se disoient séduits par les graces de
votre esprit , ce même esprit qu'ils vantoient
vous a servi à connoître la fausseté
de leur caractere , les voilà démasquez er
méprisez ; d'autres encore ont essayé de
vous plaire par les discours flatteurs , les
coquetteries et les gentillesses frivoles
qui séduisent presque toutes les femmes ;
cet art , ce manége vous a paru plat¸
et tous les Amans vous ont paru dangereux
et incapables de satisfaire vôtre esprit
et de toucher votre coeur.
Il m'a paru nécessaire de débroüiller
en vous les idées fausses que vous avez de
l'amour avant que de vous parler de lui .
Ne croyez pas que j'entreprenne de vous
le faire connoître autrement que par la
simple théorie,peut-être un jour l'Amant
qu'il vous a destiné vous fera sentir quel
il est.
amours
On a distingué il y a longtems deux
l'un sous le nom d'Eros et
l'autre d'Anteros , c'est du premier dont
je veux vous parler , c'est lui qui aima
Psiché , cet amour tendre , pur , vrai ,
vif , constant , fidele , ne pouvoit aimer
que Psiché, il vouloit être aimé de même;
1
pour
MAY . 1734 863
"
>
pour cela il lui falloit une ame toute entiere
, il trouvoit dans toutes les femmes
les deffauts et les dégouts que Psiché
trouvoit dans tous les hommes , rien ne
pouvoit plaire à Psiché et n'étoit digne
d'elle que l'Amour lui - même , la Fable
vous a apris tous ses malheurs, la curiosité
et la vanité les causerent , elle y joignit
la défiance , crime pour l'amitié
mais affreux et irrémissible aux yeux du
véritable Amour , vous êtes étonnée de
m'entendre dire aux yeux du véritable
Amour:Oui à ces yeux: celui là n'est point
aveugle, ilest clairvoyant,mais silentieux ;
il parle peu , simplement, évite les frases
et les tours affectez , son langage est vif ;
plein de naiveté et d'expressions , tout
parle en lui rien n'étoit perdu pour
Psiché, une ame n'a pas besoin de grands
discours pour entendre toute la force et
toute la grace d'une pensée, encore moins
lorsque ces pensées viennent du sentiment.
Après toutes les peines que les défauts
de Psiché lui avoient causées , après
qu'elle eut expié ses crimes , en se livrant
entierement a l'Amour , il l'épousa ; les
Dieux approuvérent ce mariage, ils étoient
seuls dans l'univers faits l'un pour l'autte;
de ce couple charmant naquit la volup
té , cette Deésse étoit digne de son ori-
و
Bilij gine ,
864 MERCURE DE FRANCE
•
gine , elle ne se sépara jamais de son pere
et de sa mere , elle enfaisoit les délices
sans parler les différens idiomes , elle se faisoit
entendre à toutesles nations , il suffisoit
pour cela d'avoir une ame ou de l'amour
, tout ce qui étoit privé de l'un ou
de l'autre ne l'entendoit point , tout ce
qui suivoit les étendarts d'Anteros étois
sourd pour sa voix délicate et gracieuse ;
vous sçavez qu'Anteros , le faux amour
vint s'établir sur la terre , qu'il subjugua
presque tous les mortels , il les blessoit
avec des fléches empoisonnées, il trainoit
après lui la jalousie , la fraude , la trahil'inconstance
, l'indiscretion ; delà
vinrent des guerres et des meurtres sans
nombre ; pour les séduire , il menoit avec
lui une fausse volupté qui ne ressembloit
en rien à la fille de Psiché ; elle ne don- .
noit que
des plaisirs grossiers qui ne flattant
les sens que pour des instants, les détruisoient
en peu de temps ; la fille de
Psiché un jour en badinant essaya
d'imiter
les soupirs d'amour sur un instrument
qu'elle fit avec un roseau ; sur ce même
instrument elle trouva le moyen de peindre
par des sons les differentes agitations
d'un coeur amoureux : langueurs, larmes,
délices , joye douce et naïve ; son pere et
sa mere sentoient augmenter leurs plaisirs
son ,
pac
MAY. 1734. `865
par les sons touchans qui les représentoient
; la volupté ne s'en tint pas à ce
coup d'essay , elle inventa plusieurs instrumens
, ayant tous des beautez particulieres
et propres à caractériser et à peindre
tous les differents mouvements de
l'ame au point de les faire ressentir à ceux
qui en étoient susceptibles : les Oyseaux
habitans des bocages du pays fortuné ou
ces Dieux charmans avoient choisi leur
retraite , apprirent bien- tôt à former des
sons mélodieux et agréables ; les Bergers
soupiroient sur la flutte & animoient
leurs danses , par le son de la Musette et
du Tambourin . Un jour un Rosignol
s'étant éloigné de sa demeure ordinaire ,
fut surpris par un amour folâtre qui voltigeoit
près de l'isle fortunée , son chant
lui parut nouveau ; il porta l'Oyseau à
Venus comme un présent rare et digne
d'elle , elle en connut tout le prix , et sur
le champ ayant fait atteler son Char, elle
ordonna au Rossignol de voler devant
ses Pigeons et de la conduire dans les
climats , inconnus jusqu'alors , où les
Oyseaux avoient un ramage si tendre ,
il obeït , elle part et arrive , son Char
resta suspendu dans les airs enveloppé
d'un nuage ; elle vouloit vor sans être
apperçue , ses yeux furent frappez du
>
B v plus
866 MERCURE DE FRANCE
plus agréable spectacle qui fut jamais
son fils et Psiché sur un Trône de gazon
et de fleurs dans le lieu le plus délicieux
de l'univers. Je n'en ferai point la description
, l'Amour l'avoit choisi pour
sa demeure , et sa fille l'avoit orné , à la
tête des Nimphes et de leur cour elle
leur donnoit une Fête champêtre , elles
dansoient sur le gazon , les Zephirs legers
dansoient avec elles , les Bergers et les
Bergeres danserent quelques Entrées de
ce Ballet ; les Graces de la suite de Psiché
en danserent aussi; ces Graces ne ressemblent
point à celles qui accompagnent
Venus , elles sont aussi modestes, naïves et
touchantes , que les dernieres sont effrontées
et minaudieres , toute la Musique du
Ballet étoit caractérisée, les yeux fermez,
on pouvoit deviner quels étoient lesDanseurs
et se représenter à peu près les différentes
figures du Ballet , tant la même
expression regnoit et dans le Chant et
dans la Danse ; il sembloit que la nature
seule eut produit l'une et l'autre ; et sans
que l'on s'en apperçut , on ressentoit les
plus délicates nuances des douces passions
exprimées par les Sons. Lorsque les jeux
furent terminez , Venus regagna Cichére
plus jalouse que jamais de la beauté et
du bonheur de Psiché , il n'étoit plus en
1
son
MA Y. 867
1734
son pouvoir de le troubler , elle voulut
du moins essayer de joüir du même plaisir
, et si les spectacles qu'elle donneroit
à Cithére n'avoient pas les mêmes charmes
, les surpasser du moins en magnificence
; elle fit construire un Theatre dont
les ornemens étoient chargez d'or et de
Pierres précieuses , les Décorations et les
Prespectives tâcherent d'imiter ce beau
Paysage qu'elle venoit de voir , un nombre
prodigieux d'Instrumens furent fabriquez
, Venus promit des dons et des
faveurs à tous ceux qui travailleroient
avec succès pour son Théatre ; tous les
hommes croyant avoir besoin de la protection
de Venus ont recours à elle
comme à une Divinité bienfaisante ; ils
ignorent que
d'elle et de ses enfans viennent
les peines dont ils gémissent , tous
travaillent à l'envi à composer de la
Musique , chacun vantoit son travail et.
la peine qu'il s'étoit donnée , les Grométres
même s'en mêlerent , ils loüoient les
calculs immenses qu'ils avoient fait pour
trouver moyen de parcourir dans les Airs
de violons toutes les differentes combinaisons
d'un ré ou d'un mi , avec les au
tres Notes; il est vrai que cet Air n'avoit
point de chant , et dans cette Musique
contrainte et si pénible à composer , rien
B vj
>
ne
868 MERCURE DE FRANCE
•
2
que
ne couloit de source , nul génie ne les
animoit , ils fuioient la nature et le sentiment
, l'art n'auroit dû servir qu'à chercher
l'un et l'autre pour les orner et les
mettre dans leur plus beau jour : quand
celui où l'on devoit exécuter sur leThéatre
deCithére ce Ballet tant vanté,fut arrivé,
la plus part des Spectateurs s'écriérent
les Instrumens étoient faux , leurs
Sons faisoient peine aux oreilles les moins
délicates on leur déclara dogmatiquement
que c'étoit des dissonnances faites
exprès et le chef- d'oeuvre de l'Art , les
Chats originaires de Cithére ont transmis
jusqu'à nous quelques tons de cette harmonie,
comme lesRosignols nous en font
entendre quelqu'uns de celle qu'ils ont
entendue dans l'isle de l'Amour.
Le Ballet fut dansé par les Nimphes de
la suite deVenus , Danses indécentes où
se mêloient des Athlettes de la suite de
Mars , les Graces faisoient des sauts et des
tours de force la confusion regnoit ,
la Musique n'avoit de raport à la Danse
que par le mouvement plus ou moins
vif , point de pensée par conséquent ,
point d'expression; on parcouroit tous les
tours avec rapidité , les dissonances prodiguées
sans cesses quelquefois on s'obsti
noit à rebattre deux Notes pendant un
quart
M/ACY. 1734. 369
quart d'heure , beaucoup de bruit , force
fredons ; et lorsque par hazard il se rencontroit
deux mesures qui pouvoient
faire un Chant agréable , l'on changeoit
bien vîte de ton , de mode et de mesure,
toujours de la tristesse au lieu de tendresse,
le singulier étoit du barocque , la fureur
du tintamare; au licu de gayeté, du turbulant,
et jamais de gentillesse, ni rien qui
put aller au coeur ; vous en sçavez à présent
autant que moi , faite votre choix
l'une des deux Musiques vient de Cithére,
l'autre de la fille de l'Amour et de Psiché ,
ne croyez pas qu'une nation s'en soit
proprié, l'une à l'exclusion de l'autre ; les
deux Musiques se sont répandues dans
toutes les nations , vôtre coeur et vôtre
gout vous feront démêler quelle est leur
origine. K
ap-
Vous trouverez peut- être que j'avance
sans preuve que les Chats sont originaires
de Cithere , ils en conservent encore
les inclinations et les manieres , remplis
de gentillesses dans leurs badinages , un
cruels
trompeurs, féroces, sans amitié ; lorsque
l'Amour les rend heureux, leur indiscrétion
l'aprend au voisinage par leurs clameurs
ils sont légers et volages comme
les Cupidons , le Rosignol amoureux
air doux
plein de dissinmitié
,
I
Venu
870 MERCURE DE FRANCE
venu de l'Ifle fortunée ne chante que
pour toucher sa Maîtresse ; est - il heureux
? il se tait et ne chante plus. Content
de sa bonne fortune , il la goute
en silence.
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Résumé : LETTRE de M. *** à Mlle *** sur l'Origine de la Musique.
La lettre de M. *** à Mlle *** aborde l'origine de la musique et les différentes formes d'amour. L'auteur observe que Mlle *** n'a jamais été véritablement touchée par l'amour, ayant rencontré des amants grossiers, hypocrites, flatteurs ou superficiels. Il estime nécessaire de clarifier ses idées sur l'amour avant d'en discuter. L'auteur distingue deux types d'amour : Éros et Anteros. Il se concentre sur Éros, l'amour tendre, pur et fidèle, illustré par l'histoire de Psyché et Amour. Psyché, après avoir surmonté ses erreurs, est récompensée par un mariage avec Amour, et de leur union naît la Volupté, une déesse qui exprime les délices de l'amour à travers la musique. La lettre décrit ensuite l'invention de la musique par la fille de Psyché et Amour, qui utilise un roseau pour imiter les soupirs d'amour. La Volupté invente divers instruments pour exprimer les mouvements de l'âme. Les oiseaux et les bergers adoptent ces sons mélodieux. Venus, jalouse du bonheur de Psyché, tente de recréer cette musique sur Cythère, mais échoue, produisant une musique artificielle et dissonante. L'auteur conclut en opposant la musique authentique, née de l'amour véritable, à celle, artificielle et barbare, venue de Cythère. Il invite Mlle *** à reconnaître les origines de ces deux types de musique pour faire son propre choix.
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393
p. 944-946
LE SAGE DU TEMPS. Par M. D. R. A. A. P.
Début :
Du sçavoir, je me défie, [...]
Mots clefs :
Bacchus, Amour, Partage, Philis
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texteReconnaissance textuelle : LE SAGE DU TEMPS. Par M. D. R. A. A. P.
LE SAGE DU TEMP S.
DU
Par M. D. R. A. A. P.
U sçavoir , je me défie ,
J'en suis peu jaloux ;
Histoire , Philosophie ,
Je ne pense point à vous ;
Entre Bacchus et l'Amour ,
Je partage le jour.
M
Ces Dieux à mes voeux propices ,
Font mes seuls plaisirs ,
Et
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND >
TILDEN
FOUNDATIONS
MAY.
1734 945
Et par d'heureux artifices ,
Enchainent tous mes desirs ,
Entre Bacchus , &c .
爽
Si la tristesse m'obsede ,
Par son noir venin ,
Je cours vîte à mon remede ,
Ma Philis et de bon vin :
Entre Bacchus , &c.
Loin de moi , sombre sagesse ;
Es - tu de saison ?
Plein de vin et de tendresse ,
Puis -je écouter la raison ?
.
Entre Bacchus , &c.
Par un aimable mensongé ,
L'avenir séduit :
Le passé n'est plus qu'un'songe ,
Le present seul me suffit.
Entre Bacchus , & c ..
M
Tout ici pour moi conspire
Beaux yeux , vin flatéur ;
O l'agréable délire !
Vou
946 MERCURE DE FRANCE
Voudrois - je garder mon coeur ?
Entre Bacchus , &c .
Quand je tiens Philis à table ,
Que je suis content !
Oui , la Parque pitoyable
Y file plus lentement.
Entre Bacchus , &c.
M
Amis , celebrez ma gloire
Par maintes Chansons ;
Je sçais aimer , je sçais boire ,
Comme un autre Anacréon .
Entre Bacchus et l'Amour
Je partage le jour .
DU
Par M. D. R. A. A. P.
U sçavoir , je me défie ,
J'en suis peu jaloux ;
Histoire , Philosophie ,
Je ne pense point à vous ;
Entre Bacchus et l'Amour ,
Je partage le jour.
M
Ces Dieux à mes voeux propices ,
Font mes seuls plaisirs ,
Et
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND >
TILDEN
FOUNDATIONS
MAY.
1734 945
Et par d'heureux artifices ,
Enchainent tous mes desirs ,
Entre Bacchus , &c .
爽
Si la tristesse m'obsede ,
Par son noir venin ,
Je cours vîte à mon remede ,
Ma Philis et de bon vin :
Entre Bacchus , &c.
Loin de moi , sombre sagesse ;
Es - tu de saison ?
Plein de vin et de tendresse ,
Puis -je écouter la raison ?
.
Entre Bacchus , &c.
Par un aimable mensongé ,
L'avenir séduit :
Le passé n'est plus qu'un'songe ,
Le present seul me suffit.
Entre Bacchus , & c ..
M
Tout ici pour moi conspire
Beaux yeux , vin flatéur ;
O l'agréable délire !
Vou
946 MERCURE DE FRANCE
Voudrois - je garder mon coeur ?
Entre Bacchus , &c .
Quand je tiens Philis à table ,
Que je suis content !
Oui , la Parque pitoyable
Y file plus lentement.
Entre Bacchus , &c.
M
Amis , celebrez ma gloire
Par maintes Chansons ;
Je sçais aimer , je sçais boire ,
Comme un autre Anacréon .
Entre Bacchus et l'Amour
Je partage le jour .
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Résumé : LE SAGE DU TEMPS. Par M. D. R. A. A. P.
Le poème 'Le Sage du Temps' de M. D. R. A. A. P. exprime le désintérêt de l'auteur pour la sagesse, l'histoire et la philosophie. Il privilégie les plaisirs procurés par Bacchus et l'Amour, qui comblent tous ses désirs et le préservent de la tristesse. En période de mélancolie, il se tourne vers sa bien-aimée Philis et le vin pour trouver du réconfort. Le poète rejette la sagesse austère et préfère se laisser guider par le vin et la tendresse. Il savoure le présent sans se soucier du futur ou du passé. Le poème se conclut par une célébration de la joie et du contentement, comparant l'auteur à Anacréon, célèbre pour ses chants sur l'amour et le vin.
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394
p. 1065-1068
LAURE A PETRARQUE, ELEGIE.
Début :
En vain vous combattez un progrès salutaire, [...]
Mots clefs :
Pétrarque, Laure, Amour, Amant, Raison, Douceur
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texteReconnaissance textuelle : LAURE A PETRARQUE, ELEGIE.
LAURE A PETRARQUE ,
ELEGI E.
EN vain vous combattez un progrès salutaire;
Petrarque , c'en est fait , rien ne peut m'en distraire
;
Si je vous aimois moins , je ne vous fuirois pas ;
Hymen, je l'avouerai , n'a pour moi nul appas ,
' est le tombeau fatal de l'ardeur le plus tendre;
.. peine quelques feux renaissent de sa cendre;
L'Amant le plus soumis et le plus empressé
1.poux , devient un Maître, imperieux , glacé ,
Jaloux sans amour même , esclave du caprice
Dont le front inquiet sans cesse se herisse ,
Et qui lassé d'un bien dont il est possesseur ,
Souvent d'un vil objet injuste adorateur ,
Laisse une Epouse aimable aux pleurs abandonnée ;
* Laure se retira du monde et exhorta son Amant
à faire de même , il se fit Ecclesiastique : In vitâ
Petrarcha autore Savellio .
I Vol.
Accu1066
MERCURE DE FRANCE
Accuser en secret sa triste destinée ;
Vous me jurez , Petrarque, une constaute foi ;
Mais l'homme est si leger, si vous changiez pour
moi...
Ah ! je m'en fais d'avance une image cruelle ,
Oui, je craindrois toujours de vous voir infidelle,"
Et je cherche uu Amant qui ne change jamais
D'ailleurs le temps jaloux effacera mes traits ;
Vous ne trouverez plus en moi les mêmes char
mes ,
Vous faites mon bonheur , vous causeriez mes
larmes ;
Mais pourquoi m'arrêter à ces motifs humains
Elevons-nous par eux à de plus hauts desseins
Qu'un feu plus pur succede à de terrestres flammes
;
De l'Empire des sens affranchiffons nos ames ;
Dieu m'appelle , sa voix excite mes remords ,
Je fais pour les calmer d'inutiles efforts ;
Dès mes plus tendres ans je lui fus consacrée
Trop long-tems loin de lui je me suis égarée ;
Il a versé sur nous ses plus rares présens ,
Vous devez à sa gloire employer vos talens ,
Et c'est moi contre lui qui vous prête des armes;
De ma foible beauté vous celebrez les charmes
J'ai troublé le repos de votre heureux séjour ,
Mes yeux vous ont appris à connoître l'amour ;
Cet amour vous arrache à votre solitude ,
Vous ne pensez qu'à moi ; la sagesse et l'étude
I. Vol. N'ont
JUIN.
1734 1067
N'ont pour vous aujourd'hui que de tristes plaisirs
;
Vous seul êtes l'objet de mes tendres desirs ;
La vertu , dites-vous , regle notre tendresse ,
La plus pure amitié tous deux nous interesse ;
Ne nous engageons pas dans un combat douteux
;
Des amis tels que nous sout toujours dangereux ;
Cette ardeur délicate est une idolâtrie
Sous des traits vertueux dans notre ame nourrie ;
Elle sait la séduire en cachant le poison ,
Dont la douceur perfide enyvre la raison.
Le Dieu que nous servons ne veut point de partage
;
Ne dites point qu'en moi vous aimez son Image ;
it au fond des coeurs ; cessons de nous tromper
;
A ces regards perçans rien ne peut échaper 3
Gardons-nous d'alleguer d'invincibles obstacles;
Son bras n'interrompt point le cours de ses miracles.
Sur un penchant fatal l'homme s'excuse envain
Aussi tendres que nous , Madeleine , Augustin,
Cherchant le vrai bonheur et lassés dans leur
course "
N'en ont trouvé qu'en Dieu l'inépuisable source,
Comine eux nous le cherchons , il nous fuit ; "
mais helas !
Peut-on le rencontrer où Dieu ne regne pas ?
I. Vol. Et
1e68 MERCURE DE FRANCE
Et regne t'il , Petrarque , où triomphent les cri
mes ?
D'un monde séducteur déplorables victimes
Nous avons trop suivi ses pompes et ses jeux ›
Il amusa nos sens , a- t'il rempli nos voeux ?
Aspirons l'un et l'autre à des biens plus solides;
Que la raison , la foi , la grace soient nos gui
des ;
C'est Dieu seul qui sur vous l'emporte dans mon
coeur ;
Vous pouvez avoüer un si noble vainqueur ;
Mais ce n'est point assez, il faut nous interdire
La douceur de nous voir , celle de nous écrire ;
Au danger qui nous plaît imprudemment s'of
frir ,
Est- ce combattre ? non , c'est chercher à périr.
Par M. Poncy de Neuville .
ELEGI E.
EN vain vous combattez un progrès salutaire;
Petrarque , c'en est fait , rien ne peut m'en distraire
;
Si je vous aimois moins , je ne vous fuirois pas ;
Hymen, je l'avouerai , n'a pour moi nul appas ,
' est le tombeau fatal de l'ardeur le plus tendre;
.. peine quelques feux renaissent de sa cendre;
L'Amant le plus soumis et le plus empressé
1.poux , devient un Maître, imperieux , glacé ,
Jaloux sans amour même , esclave du caprice
Dont le front inquiet sans cesse se herisse ,
Et qui lassé d'un bien dont il est possesseur ,
Souvent d'un vil objet injuste adorateur ,
Laisse une Epouse aimable aux pleurs abandonnée ;
* Laure se retira du monde et exhorta son Amant
à faire de même , il se fit Ecclesiastique : In vitâ
Petrarcha autore Savellio .
I Vol.
Accu1066
MERCURE DE FRANCE
Accuser en secret sa triste destinée ;
Vous me jurez , Petrarque, une constaute foi ;
Mais l'homme est si leger, si vous changiez pour
moi...
Ah ! je m'en fais d'avance une image cruelle ,
Oui, je craindrois toujours de vous voir infidelle,"
Et je cherche uu Amant qui ne change jamais
D'ailleurs le temps jaloux effacera mes traits ;
Vous ne trouverez plus en moi les mêmes char
mes ,
Vous faites mon bonheur , vous causeriez mes
larmes ;
Mais pourquoi m'arrêter à ces motifs humains
Elevons-nous par eux à de plus hauts desseins
Qu'un feu plus pur succede à de terrestres flammes
;
De l'Empire des sens affranchiffons nos ames ;
Dieu m'appelle , sa voix excite mes remords ,
Je fais pour les calmer d'inutiles efforts ;
Dès mes plus tendres ans je lui fus consacrée
Trop long-tems loin de lui je me suis égarée ;
Il a versé sur nous ses plus rares présens ,
Vous devez à sa gloire employer vos talens ,
Et c'est moi contre lui qui vous prête des armes;
De ma foible beauté vous celebrez les charmes
J'ai troublé le repos de votre heureux séjour ,
Mes yeux vous ont appris à connoître l'amour ;
Cet amour vous arrache à votre solitude ,
Vous ne pensez qu'à moi ; la sagesse et l'étude
I. Vol. N'ont
JUIN.
1734 1067
N'ont pour vous aujourd'hui que de tristes plaisirs
;
Vous seul êtes l'objet de mes tendres desirs ;
La vertu , dites-vous , regle notre tendresse ,
La plus pure amitié tous deux nous interesse ;
Ne nous engageons pas dans un combat douteux
;
Des amis tels que nous sout toujours dangereux ;
Cette ardeur délicate est une idolâtrie
Sous des traits vertueux dans notre ame nourrie ;
Elle sait la séduire en cachant le poison ,
Dont la douceur perfide enyvre la raison.
Le Dieu que nous servons ne veut point de partage
;
Ne dites point qu'en moi vous aimez son Image ;
it au fond des coeurs ; cessons de nous tromper
;
A ces regards perçans rien ne peut échaper 3
Gardons-nous d'alleguer d'invincibles obstacles;
Son bras n'interrompt point le cours de ses miracles.
Sur un penchant fatal l'homme s'excuse envain
Aussi tendres que nous , Madeleine , Augustin,
Cherchant le vrai bonheur et lassés dans leur
course "
N'en ont trouvé qu'en Dieu l'inépuisable source,
Comine eux nous le cherchons , il nous fuit ; "
mais helas !
Peut-on le rencontrer où Dieu ne regne pas ?
I. Vol. Et
1e68 MERCURE DE FRANCE
Et regne t'il , Petrarque , où triomphent les cri
mes ?
D'un monde séducteur déplorables victimes
Nous avons trop suivi ses pompes et ses jeux ›
Il amusa nos sens , a- t'il rempli nos voeux ?
Aspirons l'un et l'autre à des biens plus solides;
Que la raison , la foi , la grace soient nos gui
des ;
C'est Dieu seul qui sur vous l'emporte dans mon
coeur ;
Vous pouvez avoüer un si noble vainqueur ;
Mais ce n'est point assez, il faut nous interdire
La douceur de nous voir , celle de nous écrire ;
Au danger qui nous plaît imprudemment s'of
frir ,
Est- ce combattre ? non , c'est chercher à périr.
Par M. Poncy de Neuville .
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Résumé : LAURE A PETRARQUE, ELEGIE.
Dans cette élégie, Pétrarque exprime son amour pour Laure tout en soulignant les dangers et les limitations du mariage, qu'il qualifie de 'tombeau fatal de l'ardeur la plus tendre'. Il craint l'infidélité et les changements dans l'amour. Laure, ayant choisi de se retirer du monde, encourage Pétrarque à faire de même, ce qu'il finit par faire en devenant ecclésiastique. Laure reconnaît que l'amour de Pétrarque l'a éloigné de sa solitude et de ses études, le plongeant dans une passion troublante. Elle avoue que leur amour est une 'idolâtrie' déguisée en vertu, les éloignant de Dieu. Elle appelle à un amour plus pur et à un retour à la foi, affirmant que le véritable bonheur se trouve en Dieu. Pour éviter les tentations et les dangers spirituels, Laure propose de cesser leurs relations. Elle conclut en affirmant que Dieu doit être leur unique guide, toute autre voie les menant à la perdition.
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395
p. 1192-1201
Tragédie d'Adelaïde, &c. [titre d'après la table]
Début :
Sur les plaintes qu'on a faites, de n'avoir fait qu'annoncer la Tragedie [...]
Mots clefs :
Duc de Vendôme, Adélaïde du Guesclin, Duc de Nemours, Coucy, Frère, Amour, Gardes, Mort, Prison, Vengeance, Voltaire
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texteReconnaissance textuelle : Tragédie d'Adelaïde, &c. [titre d'après la table]
Ur les plaintes qu'on a faites , de n'avoir
fait qu'annoncer la Tragedie
d'Adelaide de M. de Voltaire , après
avoir promis d'en parler plus au long :
nous avons composé l'Extrait qu'on va
lire , avec le plus de soin qu'il nous a été
possible.
Adelaïde du Guesclin , niéce du Conétable
de ce nom , est l'Heroine de ce Poëme.
L'époque de l'action Theatrale , est
le tems des guerres de Charles VII . contre
les Anglois , et la Ville de Lille est
le lieu de la Scene .
.
Adelaide commence la Piece avec le
1. Vol -Sire
JUIN. 1734. 1193
-
Sire de Coucy , Seigneur François . Ce der
nier a aimé Adelaïde avant qu'elle fût
aimée du Duc de Vendôme ; son amitié
pour ce Prince du Sang des Bourbons le
porte non seulement à sacrifier son
amour , mais encore à parler en faveur
de son Rival . Quelques Critiques auroient
souhaité que son amitié ne fut pas allée
plus loin , et jusqu'à lui fire prendre les
armes contre son Maître legitime. Adelaïde
lui fait presser.tir qu'elle ne sçauroit
donner ni son coeur , ni sa main au
Duc de Vendôme , et le prie de détourner
son Ami d'une passion qui le rendroit
malheureux ; Coucy se refuse à ce
bon office , sous prétexte
, sous prétexte qu'il ne veut
pas affliger Vendôme.
Adelaïde allarmée d'un faux bruit qui
court sur la mort du Duc de Nemours ,
Frere du Duc de Vendôme , fait connoî
tre par sa frayeur qu'elle aime Nemours,
elle l'avoue même à Jaise d'Aglure , sa
confidente.
Vendôme vient , il parle d'amour à
Adelaide ; elle lui demande si Coucy ne
lui a point parlé ; le nom de Nemours
lui échappe elle n'en dit pas davantage
, ou plutôt elle pallie ce demi aveu
par une feinte ingenieuse , en lui disant
que le bruit de la mort d'un frere si cher
1.Vol.
Giij ne
194 MERCURE DE FRANCE
ne lui permet pas de parler d'Hymen .
Heureusement pour elle Coucy vient annoncer
à Vendôme que les Troupes du
Dauphin s'avancent à grand pas . Vendôme
est obligé de partir incertain de son
sort.
Adelaïde , ayant appris dans la Scene
précedente , que non- seulement son cher
Nemours n'est pas mort , mais qu'il est
à la tête des Troupes qui s'avancent vers
Lille , flotte entre l'esperance et la crainte .
Vendôme et Coucy ouvrent la Scene
du II . Acre , et font entendre que les
Assiegeans ont été repoussez vigoureusement.
Vendôme rend justice à la valeur
d'un de leurs Chefs qu'il n'a fait prisonnier
qu'après l'avoir blessé ; il dit même
qu'en le combattant il a senti des mouvemens
de pitié qu'il attribuë à l'amour
qu'il sent pour Adelaide , qui ne lui permet
plus cette ferocité qu'il avoit autrefois
dans les combats .
On amene le Prisonnier blessé , c'est
Nemours lui même;Vendôme court l'embrasser
; Nemours se refuse à ses caresses ;
il lui reproche sa rebellion contre son
Prince , et son union avec les Ennemis.
de sa Patrie ; Vendôme ne peut entendre
ces reproches sans colere , et prie son Frere
de les lui épargner ; il l'invite à la fêre
I. Vol.
qui ..
JUIN. 1734.
1195
qui se prépare pour son Hymen avec Ade
laïde. Nemours lui reproche son amour
comme violent et même effrené ; Vendô
me lui répond que la vûë de cet aimable
objet va suffire pour justifier la violence
de sa passion : Il ordonne qu'on fasse venir
Adelaïde.
A la vûë d'Adelaïde , la blessure de
Nemours se rouvre , Vendôme en est allarmé
, il suit ce malheureux Frere qu'on
em porte.
Adelaïde se plaint au Ciel de ce qu'il
ne lui rend son Amant que pour le lui
faire perdre une seconde fois .
Vendôme revient , Adelaïde lui demande
avec empressement des nouvelles de
Nemours ; il lui répond qu'il a arrêté son
sang et Ini reparle d'Amour et d'Hymen.
Adelaïde lui répond fierement
qu'elle ne donnera jamais ni sa main , ni
son coeur à un Prince armé contre son
Roi Vendôme éclate de colere contre
elle. Adelaide le quitte avec une noble
intrépidité , et en l'assurant qu'elle sera
toujours la même. Vendôme ne sçait à
quoi attribuer la resolution d'Adelaïde ,
il en soupçonne quelque secrette inclination;
le silense que Coucy a gardé depuis
qu'il l'a prié de disposer le coeur d'Adelaïde
en sa faveur , lui fait croire qu'il est
I. Vol.
Giljson
1198 MERCURE DE FRANCE
sa parole , il ne peut la suivre sans se deshonorer
; elle lui dit tendrement que la
fortune jalouse lui a toujours envié le nom
de son Epouse ; Nemours lui dir que la
foi qu'il a donnée n'a pas besoin de l'appareil
pompeux qui ne sert qu'à la rendre
plus éclatante sans la rendre plus sûre`s
il atteste les Manes des Rois ses Ayeux ,
et l'ombre du Grand - du Guesclin
dont la cendre repose avec celle de ses
Maîtres ; et c'est sur de si Illustres Garans
qu'il lui jure une foi immortelle.
Adelaide rassurée par de si augustes sermens
, se resout à partir d'un lieu qui
peut lui devenir fatal...
>
Vendôme entre sur le champ , et il
ordonne à ses Gardes de saisir Nemours : *
c'est alors que Nemours croit n'avoir plus
rien à dissimuler ; il brave la colere de
son Frere , le traite d'infidele à son Roi
et à sa Patrie ; Vendôme ordonne à ses
Gardes de le conduire en lien de sûreté
Nemours continuëà le braver , et renouvellant
son serment à Adélaïde , il dit fiement
à leur commun Tyran , qu'il l'en
rend témoin malgré lui. Adelaïde en
pleurs n'oublie rien pour desarmer son fu
bon
que
Vendo
* Les Critiques ne trouvent pas
me ne dise rien aux Spectateurs , de ce qu'il a appris
dans l'entr Acte.
1. Vel. rieux
JUIN. 1734 1199
rieux Amant ; il lui répond que la grace
de Nemours est à l'Autel , et que si elle
balance à l'y suivre , c'est fait de ce trop
heureux Rival.
Un Officier lui vient annoncer qu'on
le trahit , et que c'est le Duc de Nemours
qui est l'Auteur de la trahison
Coucy vient l'inviter à se défendre , il
répond à Coucy qu'il n'est présentement
Occupé que de sa vengeance contre son
Rival , et que dès qu'il l'aura remplie ',
il ira chercher la mort parmi ses ennemis ;
Coucy fremit de cette resolution ; Vendôme
lui dit qu'il n'attend pas ce service
de sa main , et qu'il en trouvera de plus
sûres ; Coucy craignant d'être prévenu
lui promet de lui donner des preuves de
sou zele dont il n'aura plus à douter .
Vendôme le reconnoît pour son veritable
Ami , et lui dit de l'avertir par un
coup de canon de l'execution de sa promesse.
Au V. Acte , Vendôme , tout plein de
sa vengeance dont il n'a pas voulu se reposer
sur un Ami aussi vertueux que
Coucy , demande à un de ses gardes si le
Soldat qu'il a choisi pour tuer Nemours
est prêt à executer ses ordres ; ce Garde
lui répond qu'il n'en doit point douterjet
qu'on a vû ce Soldat s'avancer vers
1. Vol.
G vj la
1200 MERCURE DE FRANCE
la prison ; Vendôme ordonne qu'on se
retire .
C'est ici le premier moment où la nature
lui fait sentir des remords , il flotte assez
long tems entre la haine et l'amitié. Il
se détermine enfin en faveur du sang ; il
appelle ses Gardes, un Officier vient; Vendôme
lui ordonne d'aller faire revoquer
l'ordre sanglant qu'il a donné contre son
Frere ; cet Officier lui fait connoître qu'il
craint qu'ikn'en soit plus tems , et qu'on
vient de transporter un Cadavre de la
Prison par l'ordre de Coucy. Vendôme
ne doute point que Coucy ne l'ait trop
bien servi ; un coup de canon qu'il entend
, ou qu'il croit entendre ne lui permet
plus de douter de l'assassinat ; il se
livre tout entier aux plus vifs remords .
Adelaïde , qui ignore ce qui peut s'être
passé , vient le trouver prête à le suivre à
'Autel , puisque la vie de son Amant
est à ce prix ; Vendôme ne lui répond que
par des gemissemens , et lui dit enfin que
Nemours n'est plus . Adelaide l'accable
de reproches et d'injures ; il veut se donner
la mort ; Coucy arrive et lui retient
le bras ; Vendôme lui reproche d'avoir
exccuté un Arrêt dicté par la jalousie s
Coucy lui répond que le crime n'en auroit
pas été moins commis , puisqu'une
1. Vola autre
JUIN. 1734. 1201
autre main en alloit être chargée. Adelaide
fait des reproches très touchans à
Coucy , dont elle n'auroit jamais soupçonné
qu'un coup si funeste pût partir.
Coucy se justifie enfin envers tous les
il déclare que le corps qu'on a vû
deux ,
sortir de la Prison est celui du Soldat qui
avoit déja le bras levé pour le poignarder
, et qui auroit achevé le crime s'il
n'avoit pas été poignardé lui même . Il ordonne
qu'on fasse venir Nemours ; ce
Prince vient , son Frere le reçoit à bras
ouverts ; il se punit des ordres cruels
qu'il avoit donnés , en se privant d'Adelaïde
, et se reconcilie avec son Frere , en
lui cedant cet objet de son Amour. La
Tragedie finit par une ferme resolution
que Vendôme fait de faire oublier ses égaremens
à force de vertus ; il consent à
rentrer sous l'obéissance de son Maître.
La fin de cette Piece à paru très- touchante.
Les principaux Roles qui sont celui
de Vendôme , d'Adelaïde , de Nemours,
et de Coucy , ont été patfaitement bien
remplis , par le sieur du Frêne , la Dlle
Gossin , le sieur Grandval , et le sieur le
Grand.
fait qu'annoncer la Tragedie
d'Adelaide de M. de Voltaire , après
avoir promis d'en parler plus au long :
nous avons composé l'Extrait qu'on va
lire , avec le plus de soin qu'il nous a été
possible.
Adelaïde du Guesclin , niéce du Conétable
de ce nom , est l'Heroine de ce Poëme.
L'époque de l'action Theatrale , est
le tems des guerres de Charles VII . contre
les Anglois , et la Ville de Lille est
le lieu de la Scene .
.
Adelaide commence la Piece avec le
1. Vol -Sire
JUIN. 1734. 1193
-
Sire de Coucy , Seigneur François . Ce der
nier a aimé Adelaïde avant qu'elle fût
aimée du Duc de Vendôme ; son amitié
pour ce Prince du Sang des Bourbons le
porte non seulement à sacrifier son
amour , mais encore à parler en faveur
de son Rival . Quelques Critiques auroient
souhaité que son amitié ne fut pas allée
plus loin , et jusqu'à lui fire prendre les
armes contre son Maître legitime. Adelaïde
lui fait presser.tir qu'elle ne sçauroit
donner ni son coeur , ni sa main au
Duc de Vendôme , et le prie de détourner
son Ami d'une passion qui le rendroit
malheureux ; Coucy se refuse à ce
bon office , sous prétexte
, sous prétexte qu'il ne veut
pas affliger Vendôme.
Adelaïde allarmée d'un faux bruit qui
court sur la mort du Duc de Nemours ,
Frere du Duc de Vendôme , fait connoî
tre par sa frayeur qu'elle aime Nemours,
elle l'avoue même à Jaise d'Aglure , sa
confidente.
Vendôme vient , il parle d'amour à
Adelaide ; elle lui demande si Coucy ne
lui a point parlé ; le nom de Nemours
lui échappe elle n'en dit pas davantage
, ou plutôt elle pallie ce demi aveu
par une feinte ingenieuse , en lui disant
que le bruit de la mort d'un frere si cher
1.Vol.
Giij ne
194 MERCURE DE FRANCE
ne lui permet pas de parler d'Hymen .
Heureusement pour elle Coucy vient annoncer
à Vendôme que les Troupes du
Dauphin s'avancent à grand pas . Vendôme
est obligé de partir incertain de son
sort.
Adelaïde , ayant appris dans la Scene
précedente , que non- seulement son cher
Nemours n'est pas mort , mais qu'il est
à la tête des Troupes qui s'avancent vers
Lille , flotte entre l'esperance et la crainte .
Vendôme et Coucy ouvrent la Scene
du II . Acre , et font entendre que les
Assiegeans ont été repoussez vigoureusement.
Vendôme rend justice à la valeur
d'un de leurs Chefs qu'il n'a fait prisonnier
qu'après l'avoir blessé ; il dit même
qu'en le combattant il a senti des mouvemens
de pitié qu'il attribuë à l'amour
qu'il sent pour Adelaide , qui ne lui permet
plus cette ferocité qu'il avoit autrefois
dans les combats .
On amene le Prisonnier blessé , c'est
Nemours lui même;Vendôme court l'embrasser
; Nemours se refuse à ses caresses ;
il lui reproche sa rebellion contre son
Prince , et son union avec les Ennemis.
de sa Patrie ; Vendôme ne peut entendre
ces reproches sans colere , et prie son Frere
de les lui épargner ; il l'invite à la fêre
I. Vol.
qui ..
JUIN. 1734.
1195
qui se prépare pour son Hymen avec Ade
laïde. Nemours lui reproche son amour
comme violent et même effrené ; Vendô
me lui répond que la vûë de cet aimable
objet va suffire pour justifier la violence
de sa passion : Il ordonne qu'on fasse venir
Adelaïde.
A la vûë d'Adelaïde , la blessure de
Nemours se rouvre , Vendôme en est allarmé
, il suit ce malheureux Frere qu'on
em porte.
Adelaïde se plaint au Ciel de ce qu'il
ne lui rend son Amant que pour le lui
faire perdre une seconde fois .
Vendôme revient , Adelaïde lui demande
avec empressement des nouvelles de
Nemours ; il lui répond qu'il a arrêté son
sang et Ini reparle d'Amour et d'Hymen.
Adelaïde lui répond fierement
qu'elle ne donnera jamais ni sa main , ni
son coeur à un Prince armé contre son
Roi Vendôme éclate de colere contre
elle. Adelaide le quitte avec une noble
intrépidité , et en l'assurant qu'elle sera
toujours la même. Vendôme ne sçait à
quoi attribuer la resolution d'Adelaïde ,
il en soupçonne quelque secrette inclination;
le silense que Coucy a gardé depuis
qu'il l'a prié de disposer le coeur d'Adelaïde
en sa faveur , lui fait croire qu'il est
I. Vol.
Giljson
1198 MERCURE DE FRANCE
sa parole , il ne peut la suivre sans se deshonorer
; elle lui dit tendrement que la
fortune jalouse lui a toujours envié le nom
de son Epouse ; Nemours lui dir que la
foi qu'il a donnée n'a pas besoin de l'appareil
pompeux qui ne sert qu'à la rendre
plus éclatante sans la rendre plus sûre`s
il atteste les Manes des Rois ses Ayeux ,
et l'ombre du Grand - du Guesclin
dont la cendre repose avec celle de ses
Maîtres ; et c'est sur de si Illustres Garans
qu'il lui jure une foi immortelle.
Adelaide rassurée par de si augustes sermens
, se resout à partir d'un lieu qui
peut lui devenir fatal...
>
Vendôme entre sur le champ , et il
ordonne à ses Gardes de saisir Nemours : *
c'est alors que Nemours croit n'avoir plus
rien à dissimuler ; il brave la colere de
son Frere , le traite d'infidele à son Roi
et à sa Patrie ; Vendôme ordonne à ses
Gardes de le conduire en lien de sûreté
Nemours continuëà le braver , et renouvellant
son serment à Adélaïde , il dit fiement
à leur commun Tyran , qu'il l'en
rend témoin malgré lui. Adelaïde en
pleurs n'oublie rien pour desarmer son fu
bon
que
Vendo
* Les Critiques ne trouvent pas
me ne dise rien aux Spectateurs , de ce qu'il a appris
dans l'entr Acte.
1. Vel. rieux
JUIN. 1734 1199
rieux Amant ; il lui répond que la grace
de Nemours est à l'Autel , et que si elle
balance à l'y suivre , c'est fait de ce trop
heureux Rival.
Un Officier lui vient annoncer qu'on
le trahit , et que c'est le Duc de Nemours
qui est l'Auteur de la trahison
Coucy vient l'inviter à se défendre , il
répond à Coucy qu'il n'est présentement
Occupé que de sa vengeance contre son
Rival , et que dès qu'il l'aura remplie ',
il ira chercher la mort parmi ses ennemis ;
Coucy fremit de cette resolution ; Vendôme
lui dit qu'il n'attend pas ce service
de sa main , et qu'il en trouvera de plus
sûres ; Coucy craignant d'être prévenu
lui promet de lui donner des preuves de
sou zele dont il n'aura plus à douter .
Vendôme le reconnoît pour son veritable
Ami , et lui dit de l'avertir par un
coup de canon de l'execution de sa promesse.
Au V. Acte , Vendôme , tout plein de
sa vengeance dont il n'a pas voulu se reposer
sur un Ami aussi vertueux que
Coucy , demande à un de ses gardes si le
Soldat qu'il a choisi pour tuer Nemours
est prêt à executer ses ordres ; ce Garde
lui répond qu'il n'en doit point douterjet
qu'on a vû ce Soldat s'avancer vers
1. Vol.
G vj la
1200 MERCURE DE FRANCE
la prison ; Vendôme ordonne qu'on se
retire .
C'est ici le premier moment où la nature
lui fait sentir des remords , il flotte assez
long tems entre la haine et l'amitié. Il
se détermine enfin en faveur du sang ; il
appelle ses Gardes, un Officier vient; Vendôme
lui ordonne d'aller faire revoquer
l'ordre sanglant qu'il a donné contre son
Frere ; cet Officier lui fait connoître qu'il
craint qu'ikn'en soit plus tems , et qu'on
vient de transporter un Cadavre de la
Prison par l'ordre de Coucy. Vendôme
ne doute point que Coucy ne l'ait trop
bien servi ; un coup de canon qu'il entend
, ou qu'il croit entendre ne lui permet
plus de douter de l'assassinat ; il se
livre tout entier aux plus vifs remords .
Adelaïde , qui ignore ce qui peut s'être
passé , vient le trouver prête à le suivre à
'Autel , puisque la vie de son Amant
est à ce prix ; Vendôme ne lui répond que
par des gemissemens , et lui dit enfin que
Nemours n'est plus . Adelaide l'accable
de reproches et d'injures ; il veut se donner
la mort ; Coucy arrive et lui retient
le bras ; Vendôme lui reproche d'avoir
exccuté un Arrêt dicté par la jalousie s
Coucy lui répond que le crime n'en auroit
pas été moins commis , puisqu'une
1. Vola autre
JUIN. 1734. 1201
autre main en alloit être chargée. Adelaide
fait des reproches très touchans à
Coucy , dont elle n'auroit jamais soupçonné
qu'un coup si funeste pût partir.
Coucy se justifie enfin envers tous les
il déclare que le corps qu'on a vû
deux ,
sortir de la Prison est celui du Soldat qui
avoit déja le bras levé pour le poignarder
, et qui auroit achevé le crime s'il
n'avoit pas été poignardé lui même . Il ordonne
qu'on fasse venir Nemours ; ce
Prince vient , son Frere le reçoit à bras
ouverts ; il se punit des ordres cruels
qu'il avoit donnés , en se privant d'Adelaïde
, et se reconcilie avec son Frere , en
lui cedant cet objet de son Amour. La
Tragedie finit par une ferme resolution
que Vendôme fait de faire oublier ses égaremens
à force de vertus ; il consent à
rentrer sous l'obéissance de son Maître.
La fin de cette Piece à paru très- touchante.
Les principaux Roles qui sont celui
de Vendôme , d'Adelaïde , de Nemours,
et de Coucy , ont été patfaitement bien
remplis , par le sieur du Frêne , la Dlle
Gossin , le sieur Grandval , et le sieur le
Grand.
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Résumé : Tragédie d'Adelaïde, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un résumé de la tragédie 'Adelaïde' de Voltaire. L'action se déroule durant les guerres de Charles VII contre les Anglais, à Lille, et met en scène Adelaïde du Guesclin, nièce du Conétable du Guesclin. La pièce commence avec le sire de Coucy, François, qui aime Adelaïde mais renonce à elle pour le duc de Vendôme, son ami et rival. Adelaïde, alarmée par une fausse rumeur sur la mort du duc de Nemours, frère de Vendôme, avoue son amour pour Nemours à sa confidente. Vendôme, ignorant ces sentiments, déclare son amour à Adelaïde, qui lui demande s'il a parlé à Coucy. Nemours, blessé, est capturé et amené devant Vendôme, qui organise un mariage avec Adelaïde. Nemours, gravement blessé, est soigné, et Adelaïde refuse Vendôme, révélant son amour pour Nemours. Vendôme, jaloux, ordonne l'assassinat de Nemours, mais Coucy empêche l'exécution. Nemours survit, et Vendôme, rongé par les remords, se réconcilie avec son frère en lui cédant Adelaïde. La pièce se termine par la résolution de Vendôme de se racheter par des vertus et de se soumettre à son maître. Les rôles principaux ont été interprétés par le sieur du Frêne, la Dlle Gossin, le sieur Grandval, et le sieur le Grand.
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396
p. 1290-1291
LA PUISSANCE DE L'AMOUR, ODE ANACREONTIQUE.
Début :
Enfin la sagesse m'écaire ; [...]
Mots clefs :
Amour, Puissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PUISSANCE DE L'AMOUR, ODE ANACREONTIQUE.
LA PUISSANCE DE L'AMOUR
ODE
ANACREONTIQUE
Enfin la sagesse m'éclaire ;
Je n'offrirai plus à Cypris ,
Un encens qui n'a pour
Qu'infidelités ou mépris.
salaire
Tel est à peu près le langage ,
Que je tenois contre l'amour ;
Quand la Bergere qui m'engage ,
Parut dans son galant atour.
逛
Quel port ? quel air ? et quelle grace ?
Tout en elle m'a désarmé :
Mon coeur que je croyois de glace
Ne fut jamais plus enflammé.
來
Dans un doux transport , je lui jure ,
De vivre à jamais sous sa loi ,
Avec tendresse ele m'assure ,
Qu'elle vivra toujours pour moi.
1
Elle a de notre amour extrême ,
II Vei
JUIN. 1734. T291
D'un baiser scelé les sermens ;
Les Dieux dans leur grandeur suprême ;
Goutent des plaisirs moins charmans.”
龍
Envain une morale austere ,
Contre l'amour vient déclamer ;
Il n'est de mortel sur la terre ,
Qui ne céde au plaisir d'aimer.
Par M. de Sommevel.
ODE
ANACREONTIQUE
Enfin la sagesse m'éclaire ;
Je n'offrirai plus à Cypris ,
Un encens qui n'a pour
Qu'infidelités ou mépris.
salaire
Tel est à peu près le langage ,
Que je tenois contre l'amour ;
Quand la Bergere qui m'engage ,
Parut dans son galant atour.
逛
Quel port ? quel air ? et quelle grace ?
Tout en elle m'a désarmé :
Mon coeur que je croyois de glace
Ne fut jamais plus enflammé.
來
Dans un doux transport , je lui jure ,
De vivre à jamais sous sa loi ,
Avec tendresse ele m'assure ,
Qu'elle vivra toujours pour moi.
1
Elle a de notre amour extrême ,
II Vei
JUIN. 1734. T291
D'un baiser scelé les sermens ;
Les Dieux dans leur grandeur suprême ;
Goutent des plaisirs moins charmans.”
龍
Envain une morale austere ,
Contre l'amour vient déclamer ;
Il n'est de mortel sur la terre ,
Qui ne céde au plaisir d'aimer.
Par M. de Sommevel.
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Résumé : LA PUISSANCE DE L'AMOUR, ODE ANACREONTIQUE.
Le narrateur, initialement désillusionné par l'amour, change d'avis en voyant une bergère. Il s'enflamme pour elle et ils se jurent un amour éternel. Le narrateur affirme que même les dieux envient leur bonheur. Il conclut que nul ne peut résister au plaisir d'aimer. L'ode est signée par M. de Sommevel et datée du 21 juin 1734.
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397
p. 1329-1331
PORTRAIT De Mlle P...
Début :
Entreprendre, Iris, ton Portrait, [...]
Mots clefs :
Portrait, Yeux, Plaire, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT De Mlle P...
PORTRAIT
De Mlle P ...
E Ntreprendre , Iris, ton Portrait ,
N'est-ce point être témeraire ,
JIVol.
a
D Puis1330
MERCURE DE FRANCE
Puisque te rendre trait pour trait ,
N'est pas une petite affaire▸
Toy , qui sçais le grand art de plaire ,
Amour , pour un objet si beau',
La vraye image de ta Mere ,
Anime et condui mon pinceau .
Déja je la vois , elle avance
D'un pas noble et majestueux ,
Et m'impose par sa présence
Un silence respectueux.
Mais bien- tôt ses levres vermeilles ,
Formant un souris gracieux ,
Vont apprêter à mes oreilles
Autant de plaisir qu'à mes yeux .
Tout ce que profere sa bouche ,
Est rempli de grace et d'esprit ;
Je sens dans tout ce qu'elle dit ,
Un je ne sçais quoi qui me touche ;
Son port , sa taille , son maintien ,
Tout me parle à son avantage ,
2
Et l'air doux dont elle prévient ,
Se trouve peint sur son visage.
Des traits dont l'Amour fait un jeu
Un teint, tout de Lys et de Roses ; "
Certains yeux vifs et pleins de feu ,
De ces yeux qui disent cent choses ,
Quand d'autres en disent si peu.
Mais parlons de son caractère ,
II. Vol.
Tout
JUIN. 1734
1334
Tout plein d'honneur et de vertu ;
Parlons du coeur le plus sincere
Que sur la Terre on ait connu .
Sa maxime est de toujours être
De l'humeur dont elle paroît ,
Et telle qu'on la voit paroître ,
C'est ainsi que toujours elle est.
Parmi tout ce qu'on lui voit faire ,
Elle mêle de l'agrément ,
Et par un certain enjoüement
Elle est toujours seure de plaire.
On n'en peut dire assez de bien ,
J'en dirois encore davantage ,
Mais cette Belle n'aime rien ,
Hélas ! n'est - ce pas grand dommage ?
***
D ....
De Mlle P ...
E Ntreprendre , Iris, ton Portrait ,
N'est-ce point être témeraire ,
JIVol.
a
D Puis1330
MERCURE DE FRANCE
Puisque te rendre trait pour trait ,
N'est pas une petite affaire▸
Toy , qui sçais le grand art de plaire ,
Amour , pour un objet si beau',
La vraye image de ta Mere ,
Anime et condui mon pinceau .
Déja je la vois , elle avance
D'un pas noble et majestueux ,
Et m'impose par sa présence
Un silence respectueux.
Mais bien- tôt ses levres vermeilles ,
Formant un souris gracieux ,
Vont apprêter à mes oreilles
Autant de plaisir qu'à mes yeux .
Tout ce que profere sa bouche ,
Est rempli de grace et d'esprit ;
Je sens dans tout ce qu'elle dit ,
Un je ne sçais quoi qui me touche ;
Son port , sa taille , son maintien ,
Tout me parle à son avantage ,
2
Et l'air doux dont elle prévient ,
Se trouve peint sur son visage.
Des traits dont l'Amour fait un jeu
Un teint, tout de Lys et de Roses ; "
Certains yeux vifs et pleins de feu ,
De ces yeux qui disent cent choses ,
Quand d'autres en disent si peu.
Mais parlons de son caractère ,
II. Vol.
Tout
JUIN. 1734
1334
Tout plein d'honneur et de vertu ;
Parlons du coeur le plus sincere
Que sur la Terre on ait connu .
Sa maxime est de toujours être
De l'humeur dont elle paroît ,
Et telle qu'on la voit paroître ,
C'est ainsi que toujours elle est.
Parmi tout ce qu'on lui voit faire ,
Elle mêle de l'agrément ,
Et par un certain enjoüement
Elle est toujours seure de plaire.
On n'en peut dire assez de bien ,
J'en dirois encore davantage ,
Mais cette Belle n'aime rien ,
Hélas ! n'est - ce pas grand dommage ?
***
D ....
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Résumé : PORTRAIT De Mlle P...
Le texte est un portrait en vers de Mlle P..., dont la beauté et la grâce impressionnent l'auteur. Il exprime sa difficulté à décrire adéquatement la jeune femme, qui avance avec noblesse et majesté, imposant un silence respectueux. Ses lèvres vermeilles et son sourire gracieux charment autant les oreilles que les yeux. Tout ce qu'elle dit est empreint de grâce et d'esprit, touchant profondément l'auteur. Son port, sa taille et son maintien sont remarquables, et son visage reflète la douceur avec laquelle elle agit. Elle possède un teint de lys et de roses, des yeux vifs et pleins de feu, capables de transmettre beaucoup plus que des mots. Son caractère est marqué par l'honneur et la vertu, avec un cœur sincère. Toujours de bonne humeur, elle sait ajouter de l'agrément à tout ce qu'elle fait, plaisant ainsi à tous. Cependant, l'auteur déplore qu'elle n'aime personne, ce qu'il considère comme un grand dommage.
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398
p. 1350-1352
EPITRE A ....
Début :
Quoy ? vous croyez, Cloris, que la haute sagesse, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Aimable, Désirs, Caractère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A ....
EPITRE A ....
Uoy ? vous croyez , Cloris , que la haute
sagesse ,
Consiste à rebuter les voeux de vos amants !
Vous payez de mépris l'aveu de leur tendresse !
Vous traitez d'insensez tous leurs empresse→
mens !
L'amour ne peut - il pas , quand la raison
l'éclaire ,
Lorsque sa flamme est pure ,
parfait ,
enfin qu'il est
Conserver ,des vertus l'aimable caractére ,
Et n'avoir que l'honneur pour son unique objet?
Non ! ce n'est pas toujours un Dieu traître et
parjure ,
Et quoique d'ordinaire un Amant soit trompeur
,
Son coeur sent quelquefois ce que sa bouche
jure ;
Et peut entretenir une sincere ardeur.
Distinguons dans l'amour differentes especes ;
L'une dont le feu pur montre les vrais amans ;
L'autre qui ne contient que de fausses tendress
s
Que d'infames désirs , de honteux sentimens ;
Le véritable amour est une douce chaîne ,
II Vol.
Oni
JUIN. 1724.
1351
Qui sçait unir les coeurs , et que rien ne détruit
;
Un aimable panchant qui pour sa souveraine ,
Reconnoît la raison qui toujours le conduit ;
Son bonheur , quoique simple , est cependant
extrême
Quel plaisir est plus grand , plus parfait , er
plus beau ,
Que de dire cent fois aimez moi , je vous
aime ;
9
Ma tendresse pour vous ira jusqu'au tombeau
Toujours nouveaux désirs de se voir , de se
plaire ;
> > Voeux serments
, billets doux
douceurs
tendres
discours ,
Regards passionnez , aimable caractére ;
Voilà l'échantillon des sinceres amours.
La fatale discorde , avec la jalousie ,
Ne traverse jamais leur tranquille union ;
Jamais de trahison , jamais de perfidie ;
Rien ne peut altérer leur tendre passion.
L'autre amour au contraire est rempli de cas
prices ;
Honteux , brutal , jaloux , il ne tend qu'aux
plaisirs ;
Plein de faux sentimens et plus encor de
vices ,
2
Même dans son triomphe il éteint les désirs ,
Je vous aime , Cloris , mais de cet amour sage ,
Qui suit de la vertu les augustes leçons ,
I I. Vol. Qui
2352 MERCURE DE FRANCE
Qui considere moins les attrairs d'un visage ,
Que les beautez d'un coeur ornez de mille dons,
Qu'en ma faveur aussi votre coeur se déclare ,
De ce charmant aveu dépend tout mon bonheur
:
Un coeur si vertueux ne peut être barbare :
Non , pour l'être jamais, il a trop de douceur,
Uoy ? vous croyez , Cloris , que la haute
sagesse ,
Consiste à rebuter les voeux de vos amants !
Vous payez de mépris l'aveu de leur tendresse !
Vous traitez d'insensez tous leurs empresse→
mens !
L'amour ne peut - il pas , quand la raison
l'éclaire ,
Lorsque sa flamme est pure ,
parfait ,
enfin qu'il est
Conserver ,des vertus l'aimable caractére ,
Et n'avoir que l'honneur pour son unique objet?
Non ! ce n'est pas toujours un Dieu traître et
parjure ,
Et quoique d'ordinaire un Amant soit trompeur
,
Son coeur sent quelquefois ce que sa bouche
jure ;
Et peut entretenir une sincere ardeur.
Distinguons dans l'amour differentes especes ;
L'une dont le feu pur montre les vrais amans ;
L'autre qui ne contient que de fausses tendress
s
Que d'infames désirs , de honteux sentimens ;
Le véritable amour est une douce chaîne ,
II Vol.
Oni
JUIN. 1724.
1351
Qui sçait unir les coeurs , et que rien ne détruit
;
Un aimable panchant qui pour sa souveraine ,
Reconnoît la raison qui toujours le conduit ;
Son bonheur , quoique simple , est cependant
extrême
Quel plaisir est plus grand , plus parfait , er
plus beau ,
Que de dire cent fois aimez moi , je vous
aime ;
9
Ma tendresse pour vous ira jusqu'au tombeau
Toujours nouveaux désirs de se voir , de se
plaire ;
> > Voeux serments
, billets doux
douceurs
tendres
discours ,
Regards passionnez , aimable caractére ;
Voilà l'échantillon des sinceres amours.
La fatale discorde , avec la jalousie ,
Ne traverse jamais leur tranquille union ;
Jamais de trahison , jamais de perfidie ;
Rien ne peut altérer leur tendre passion.
L'autre amour au contraire est rempli de cas
prices ;
Honteux , brutal , jaloux , il ne tend qu'aux
plaisirs ;
Plein de faux sentimens et plus encor de
vices ,
2
Même dans son triomphe il éteint les désirs ,
Je vous aime , Cloris , mais de cet amour sage ,
Qui suit de la vertu les augustes leçons ,
I I. Vol. Qui
2352 MERCURE DE FRANCE
Qui considere moins les attrairs d'un visage ,
Que les beautez d'un coeur ornez de mille dons,
Qu'en ma faveur aussi votre coeur se déclare ,
De ce charmant aveu dépend tout mon bonheur
:
Un coeur si vertueux ne peut être barbare :
Non , pour l'être jamais, il a trop de douceur,
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Résumé : EPITRE A ....
L'épître s'adresse à Cloris et traite de la nature de l'amour. L'auteur reproche à Cloris de mépriser les déclarations d'amour de ses amants, affirmant que l'amour peut être sincère et honorable. Il distingue deux types d'amour : l'un authentique et pur, qui unit les cœurs et respecte la raison, et l'autre, faux et égoïste, motivé par des désirs honteux. L'amour véritable est décrit comme une chaîne douce qui unit les cœurs sans jamais se briser, tandis que l'autre amour est marqué par la discorde, la jalousie et la perfidie. L'auteur exprime son amour pour Cloris, un amour sage et vertueux qui valorise les qualités du cœur plus que les attraits physiques. Il espère que Cloris reconnaîtra cet amour et y répondra favorablement, soulignant que son cœur vertueux ne peut être barbare.
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399
p. 1404-1405
Nouvelles Estampes, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le Samedy 26. Juin 1734. le sieur Lépicié, habile Graveur, fut agréé unanimement dans [...]
Mots clefs :
Amour, Portrait, Lepicié, Académie royale de peinture et de sculpture, Charles Coypel, Antoine de La Roque, Veuve Chéreau, Laureolly, Juste-Aurèle Meissonnier
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, &c. [titre d'après la table]
Le Samedy 26. Juin 1734. le sieur Lépicié ,
habile Graveur , fut agréé unanimement dans
une Assemblée generale de l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture il avoit présenté à la
Compagnie plusieurs de ses Estampes ; sçavoir ,
le Jeu d'Enfans, ou la Toilette , d'après M.Coypel.
L'Amour Précepteur , du même.
Le Printemps, d'après la Signora Rosalba .
Le Portrait de M. Grassin , d'après M. De-
Jargilliere.
II. Vol. L'Amour
JUIN. 1734 1405
L'Amour Moissonneur et l'Amour O iseleur ,
d'après M. Boucher .
Le Portrait du Chevalier de la Roque , d'après
Wattau.
Il a à graver pour sa réception , le Portrait
de M. Rigaud et celui de M. Bertin.
Il paroit une nouvelle Estampe en large , ruž
S. Jacques , chez la Veuve Chereau , où l'Archi
tecture et les divers ornemens de la Sculpture ,
offrent aux yeux ce qu'il y a de plus agreable
pour les formes et pour l'élégance des diverses
parties . Le tout forme la façade d'un magnifique
Palais , dont le Plan est circulaire , élevé sur un
double Perron , et un du côté d'un Jardin , avee
deux aîles , Cette Estample est très - bien gravée
d'après le Dessein de M. Meissonnier , par le
sicur Laureolly.
habile Graveur , fut agréé unanimement dans
une Assemblée generale de l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture il avoit présenté à la
Compagnie plusieurs de ses Estampes ; sçavoir ,
le Jeu d'Enfans, ou la Toilette , d'après M.Coypel.
L'Amour Précepteur , du même.
Le Printemps, d'après la Signora Rosalba .
Le Portrait de M. Grassin , d'après M. De-
Jargilliere.
II. Vol. L'Amour
JUIN. 1734 1405
L'Amour Moissonneur et l'Amour O iseleur ,
d'après M. Boucher .
Le Portrait du Chevalier de la Roque , d'après
Wattau.
Il a à graver pour sa réception , le Portrait
de M. Rigaud et celui de M. Bertin.
Il paroit une nouvelle Estampe en large , ruž
S. Jacques , chez la Veuve Chereau , où l'Archi
tecture et les divers ornemens de la Sculpture ,
offrent aux yeux ce qu'il y a de plus agreable
pour les formes et pour l'élégance des diverses
parties . Le tout forme la façade d'un magnifique
Palais , dont le Plan est circulaire , élevé sur un
double Perron , et un du côté d'un Jardin , avee
deux aîles , Cette Estample est très - bien gravée
d'après le Dessein de M. Meissonnier , par le
sicur Laureolly.
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Résumé : Nouvelles Estampes, &c. [titre d'après la table]
Le 26 juin 1734, l'Académie Royale de Peinture et Sculpture a agréé à l'unanimité le sieur Lépicié, un graveur talentueux. Lors de l'assemblée générale, il a présenté plusieurs de ses œuvres, dont 'Le Jeu d'Enfants, ou la Toilette' et 'L'Amour Précepteur' d'après Coypel, 'Le Printemps' d'après Rosalba, 'Le Portrait de M. Grassin' d'après Dejargilliere, 'L'Amour Moissonneur et l'Amour Oiseleur' d'après Boucher, et 'Le Portrait du Chevalier de la Roque' d'après Watteau. Pour sa réception, Lépicié doit graver les portraits de Rigaud et Bertin. Par ailleurs, une nouvelle estampe en large a été publiée chez la Veuve Chereau, représentant la façade d'un palais d'après Meissonnier, gravée par Laureolly. Cette estampe met en valeur l'architecture et les ornements sculptés, offrant des formes et une élégance remarquables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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