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101
p. 217-xi
AVANTURE du Carnaval dernier.
Début :
Plusieurs personnes d'une mesme famille s'estoient assemblées pour [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Carnaval, Cavalier, Mariage, Fidélité, Infidélité, Mère
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texteReconnaissance textuelle : AVANTURE du Carnaval dernier.
AVANTURE
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
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Résumé : AVANTURE du Carnaval dernier.
Le texte raconte une aventure amoureuse et stratégique centrée autour d'un mariage arrangé. Une famille se rassemble pour discuter d'un mariage imminent. La fille, vêtue de manière négligée, explique qu'elle n'a pas pris soin de son apparence car elle a rencontré le cavalier la veille sans attirer son attention. Le cavalier arrive et avoue son honnêteté et son manque d'intérêt pour le mariage, mais promet de bien traiter la fille s'il doit l'épouser. La fille, bien que d'apparence ordinaire, est intelligente et a un plan. Elle se rend à un bal déguisée en sultane, charmant ainsi le cavalier. Ce dernier, malgré ses efforts pour résister, finit par tomber amoureux de la sultane sans reconnaître la fille. La mère de la fille organise une mascarade pour révéler la vérité. Lors de cette mascarade, la fille, toujours déguisée, danse avec le cavalier, qui est troublé par sa beauté. La mère révèle finalement l'identité de la sultane, provoquant une surprise et une révélation émotionnelle. La fille, démasquée, montre son amour et son intelligence, réussissant à conquérir le cœur du cavalier.
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102
p. 17-20
L'ÉTENDART. Fable Allegorique sur le retour de Mr le D. de B. de la Campagne de Nimegue.
Début :
Amour voulant lever un Regiment, [...]
Mots clefs :
Amour, Étendard
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texteReconnaissance textuelle : L'ÉTENDART. Fable Allegorique sur le retour de Mr le D. de B. de la Campagne de Nimegue.
L'ETENDAR T.
Fable Allegorique fur le retour
de Mrle D. de B. de la Cam
pagne de Nimegue.
Amour voulant lever un
Regiment,
Février
1711. Y
18 PIECES
Battoit la caiffe autour de
fes domaines ;
Soins & Soupirs eftoient fes
Capitaines ,
Dards & Brandons faifoient
fon armement :
Un Etendart lui manquoit
feulement .
Il en cherchoit , quand nôtre
Alcide ,
Victorieux du Batave perfi
dc ,
Lui dit : Amour, daigne entendre
ma voix ;
Va de ma part trouver Adelaïde
,
Entretiens - la de mes premiers
Exploits.
FUGITIVES . 19
C'est elle feule à qui j'en
rend l'hommage ;
Vole & reviens : le Dieu fait
fon meffage
,
Et luy parlant il voit couler
foudain
Des pleurs mêlez de tendref
Le & de joye ;
Prix du Vainqueur qu'une
foigneufe main ,
Va recueillir dans un drapeau
de foye.
Amour foûrit , & le mettant
à
part :
Bon , bon , dit-il , voila mon
Eccndart.
Sous ces Drapeaux , Caporaux
ny Gendarmes ,
20 PIECES
Tours ni Remparts , rien ne
refiftera ;
Et
par hafard quand il me
manquera ,
J'ay ma reffource en ces
yeux pleins de charmes :
Noftre Heros fouvent luy
donnera
Nouveaux fujets à de pareil
les larmes..
Fable Allegorique fur le retour
de Mrle D. de B. de la Cam
pagne de Nimegue.
Amour voulant lever un
Regiment,
Février
1711. Y
18 PIECES
Battoit la caiffe autour de
fes domaines ;
Soins & Soupirs eftoient fes
Capitaines ,
Dards & Brandons faifoient
fon armement :
Un Etendart lui manquoit
feulement .
Il en cherchoit , quand nôtre
Alcide ,
Victorieux du Batave perfi
dc ,
Lui dit : Amour, daigne entendre
ma voix ;
Va de ma part trouver Adelaïde
,
Entretiens - la de mes premiers
Exploits.
FUGITIVES . 19
C'est elle feule à qui j'en
rend l'hommage ;
Vole & reviens : le Dieu fait
fon meffage
,
Et luy parlant il voit couler
foudain
Des pleurs mêlez de tendref
Le & de joye ;
Prix du Vainqueur qu'une
foigneufe main ,
Va recueillir dans un drapeau
de foye.
Amour foûrit , & le mettant
à
part :
Bon , bon , dit-il , voila mon
Eccndart.
Sous ces Drapeaux , Caporaux
ny Gendarmes ,
20 PIECES
Tours ni Remparts , rien ne
refiftera ;
Et
par hafard quand il me
manquera ,
J'ay ma reffource en ces
yeux pleins de charmes :
Noftre Heros fouvent luy
donnera
Nouveaux fujets à de pareil
les larmes..
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Résumé : L'ÉTENDART. Fable Allegorique sur le retour de Mr le D. de B. de la Campagne de Nimegue.
La fable allégorique 'L'ETENDAR T.' de février 1711 raconte le désir d'Amour de lever un régiment. Après avoir rassemblé ses troupes et préparé son armement, Amour cherche un étendard. Alcide, victorieux des Bataves, suggère à Amour de consulter Adélaïde au sujet de ses premiers exploits. Amour rencontre Adélaïde, qui verse des larmes de tendresse et de joie. Elle offre à Amour un drapeau de soie en guise de prix, qu'il accepte comme étendard. Amour affirme que sous ce drapeau, rien ne résistera et qu'il pourra toujours compter sur les charmes d'Adélaïde pour obtenir de nouvelles larmes, symbolisant ainsi l'amour et la victoire.
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103
p. 49-75
EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
Début :
Du faux encens dédaigneuse ennemie, [...]
Mots clefs :
Dieux, Amour, Vertu, Paix, Héros
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
EPITRE
à Madame D ****
fur le veritable Amour.
Dufaux encens dédaigneuſe
ennemie
Qui dans le vray par l'e.
xemple affermic ,
Sçavez fi bien de tout éloge
plat ,
Diftinguer l'art d'un pinceau
délicat :
Sage Uranie , en qui le don
de plaire ,
Février 1711. Bb
50 PIECES
Eft joint au don de hair le
vulgaire ,
De démêler , libre en vos
fentimens ,
Les préjugez de fes faux
jugemens ;
Et d'abhorrer ces loüanges
guindées ,
Qui n'ont d'appuy que fes
folles idées :
Si quelqu'Auteur pour vous
faire fa cour ,
S'imaginant avoir pris un
beau tour
Vous décrivoit dans fes
peintures feiches ,
" Le Dieu d'Amour , fon carFUGITIVES.
St
quois , & fes fléches :
De la raifon ennemy
langoureux
,
Et de nos fens enchanteur
doucereux ,
Vous déploiant ces lieux
communs poftiches ,
Dont l'Opera brode fes
hemiſtiches :
Sur ce tableau frivolement
conceù ,
Probablement il feroit mal
receu ,
De vous chanter en rimes
indifcretes ,
Que cet Amour ne fe plaît
qu'où vous cftes ;
Bb ij
52 PIECES
Qu'il regne en vous , qu'il
fuit par tout vos pas ,
Et qu'il languit où l'on ne
vous voit pas.
Mais fi quelqu'un plus fage
& plus habile
Vous dépeignoit d'un
crayon moins fterile
Le même Amour
, non tel
qu'on l'avoit feint
Mais en effet , tel qu'il doit
eftre peint
:
Tel qu'autrefois l'ont vŷ
nos premiers fages ,
Lors qu'au Parnaffe attirang
leurs hommages ,
FUGITIVES . 53
cux de guirlan- Le Dieu
par
des orné ,
Fût dans la Grece en triomphe
amené ;
Si pourfuivant cette noble
peinture >
Il vous traçoit d'une main
libre & feure ,
Ces vifs rayons , ces fublimes
ardeurs
Ce feu divin qu'il répand
dans les coeurs ,
Dont la fplendeur les éclaire
& les guide
Dans les fentiers de la vertu
folide :
Vous faifant voir affis à fon
côté Bb iij
54
PIECES
L'Honneur , la Paix , la Vertu
, l'Equité ;
Peut -être alors à le bannir
moins prompte
Vous fouffririez , fans rougeur
, & fans honte ,
Que ce Dieu vint embellir
vôtre Cour :
Connoiffez donc ce que c'eſt
que l'Amour ;
Et deformais l'ame débarafféc
Des préjugez d'une troupe
infenfée ,
Qui ne l'a peint que fous de
faux portraits
;
Gardons nous bien d'en
FUGITIVES .
juger fur leurs traits
De le confondre avec ce
Dieu frivole ,
De qui l'erreur nous a fait
une Idole
Et qui n'épand que des feux
criminels.
Ces deux rivaux ennemis
érernels ,
L'un fils du Ciel ; l'autre né
de la Terre ,
Se font entre eux une immortelle
guerre ;
Plus fignalez en leur divifion
,
Que les Heros de Grece ,
& d'llion.
Bb iiij
66 PIECES
Quelqu'un peut - eftre à ce
début miſtique ,
Va me traiter de cerveau
fanatique
Et me voyant monter fur
ce haut ton >
Traiter l'Amour en ftile de
Platon ,
M'objectera qu'une jeune
Heroïne ,
Mériteroit un peu moins
de doctrine .
Mais fans répondre à ce
langage vain
Laiffons - le en paix fon
Cyrus à la main :
De nos raifons l'ame peu
combatue
,
FUGITIVES . 7
Du Dieu d'Amour encen
fer la ftatuë ,
Et poursuivons nos propos
commencez .
Jadis fans choix les humains
difperfez ,
Troupe feroce & nourrie au
carnage ,
Du feul inftinct fuivoient
la loy fauvage:
Se renfermoient dans les
autres cachez ;
Et des forêts par la faim
arrachez ,
Alloient errans au gré de la
nature
Avec les Ours difputer la
pâture.
58 PIECES
De ce cahos l'Amour répara
teur
Fût de leurs loix le premier
fondateur.
Il fçait fléchir leurs humeurs
indociles..
Les réunit dans l'enceinte
des Villes.
Leur enfeigna le fecours- des
moiffons
,
Des premiers arts leur donna
des leçons ,
Chez eux logea l'amitié fecourable
,
Avec la paix fa foeur infeparable:
› Et
devant tout dans les
terreftres
lieux
FUGITIVES
. 59
Fit refpecter
l'autorité
des
Dieux .
Tel fut ici le fiecle de Ci
belle
;
Mais à ce Dieu la Terre enfin
rebelle
Se rebuta d'une fi douce
Loy ,
Et de fes mains voulut fe
faire un Roy.
Tout auffi toft , évoqué par
la haine ;
Sort de fes flancs un montre
àforme humaine ,
Refte dernier de ces affreux
Tiphons ,
Jadis formé dans des gouffres
profonds ;
PIECES
D'un foible
enfant il a le
front
timide ,
Dans fes
yeux
brille une
douceur
perfide ,
Nouveau
Prothée à
toute
heure , en
tous lieux ,
Sous un
faux
mafque il a
bufe nos
yeux.
Dabord
voilé
d'une
crainte
ingenuë ,
Humble ,
captif, il
tremble,
il
s'infinuë ,
Puis tout à
coup
imperieux
vainqueur
Porte le
trouble &
l'effroy
dans le
coeur ;
Les
trahifons , la
noire tirannie
,
FUGITIVES. GE
Le
defefpoir , la peur , l'i
gnominic ,
Et le tumulte au regard effaré
Suivent fon char de foupçons
entouré.
Ce fut fur lui que la Terre
ennemic
De fa revolte appuya l'infamic
,
Bientoft feduits par les trom
peurs appas
Les fols humains marcherent
fur fes pas.
L'Amour par lui dépouillé
de puiffance
Remonte au Ciel ſéjour de
fa naiffance ,
62
PIECES
Et las de voir l'homme
fourd à fa voix ,
Il l'abandonne à fon malheureux
choix .
Alors enflé d'une nouvelle
audace ,
L'ufurpateur prend fon
nom & fa place :
Et fous ce nom l'erreur de
toutes parts
Fait ici bas , voler fes Etendarts
.
C'eft de ce temps que nous
vîmes éclore
Tous les malheurs envoyez
par Pandore ,
La jaloufic allumant fes flambeaux
FUGITIVES. 63
Creufa dés lors mille horribles
tombeaux ;
Et des forfaits de plus d'une
Medée
Plus d'un climat vit fa rive
innondée .
Un fiecle à l'autre enviant
Les furcurs
Imagina de nouvelles horreurs
;
Chaque âge vit augmen
ter fes miferes ,
Et nos ayeux plus méchans
que leurs peres ,
Nous firent naiſtre encor
plus méchans qu'eux ,
Bientoft fuivis par de pires
neveux.
64
-PIECES
Enfin le Ciel touché de nos
difgraces
Se réfolut d'en effacer les
traces ,
Et tous les Dieux convinrent
que l'Amour
Fut renvoyé dans ce mortel
fejour :
Chacun s'en forme un agreable
augure
,
Le feul Amour,l'Amour ſcul
en murmure.
Qu'a t- il commis, pourquoi
feul immolé
D'entre les Dieux fera t- il
exilé ?
Quittera til ces demeures
heureuſes,
FUGITIVES . 65
Ces regions pures & lumineufes
,
Sejour brillant de gloire &
de clarté ,
Lieux confacrez à la felicité,
Aux doux plaiſirs enfans de
l'innocence ,
Plaifirs qu'échauffe & nourrit
fa prefence ,
Vifs fans tumulte , éternels
fans ennuy
,
Et que les Dieux ne tiennent
que de lui ?
Quoi , difoit- il , de la troupe
celefte ,
J'irai defcendre en un ſejour
funeſte ?
Février
1711.
Cc
66 PIECES
Où l'impudence étale un
front ferain ,
Où les mortels au vifage
d'airain ,
De mon fantôme eſcortant
les bannieres ,
De
l'innocence ont
rompu
les barrieres ;
Et qui d'entr'eux voudra
fuivre mes pas ?
Amour , amour ne vous allarmez
pas
Venez à moi , je connois un
azile ,
Dont les vertus ont fait leur
domicile :
Un feur rempart , un lieu de
qui jamais
FUGITIVES. 67
Nos ennemis ne troubleront
la
paix .
Celui qui regne en ce ſejour
propice ,
En a banny le coupable artifice
,
La perfidie au coup d'oeil
emprunté ,
Et la malice au rire concerté
:
Amour dit vrai, candeur hereditaire
,
Dés le berceau marqua fon
caractere ,
!
Nourry formé
par
doctes foeurs ;
les neuf
Ainfi des arts épris de leurs
douceurs Ccij
68 PIECES
Le Dieu du Pinde & la fage
Minerve ,
De leurs trefors l'ont comblé
fans referve ;
Dans ce réduit des Mufes
habité
Prefide encore une divinité :
Car la beauté dont les Dieux'
l'ont formée,
D'un moindre nom feroit
trop prohanée.
Un doux accueil , un modefte
enjouëment {
Préte à fes traits un nouvel
agrément ;
D'Enfans aîlez une troupe
fidelle ,
FUGITIVES. 69
JPlaifirs
, Amours voltigent
autour d'elle ,
Et fans effort prés d'elle
retenus ,
Pour la fervir ont oublié
Venus.
Non , non Amour ce n'eft
point à Cithere ,
Ny dans les bois qu'Amatonthe
révere ,
Qu'il faut chercher & les
jeux & les ris ? 7
Si vous voulez de vos freres
cheris ;
Revoir un jour la troupe
réünic ,
N'hefitez point , volez chez
Uranic.
70 PIECES
Mais à qui vais - je étaler ces
propos ,
Puis -je penfer qu'un Dicu
qui du cahos ,
Débarafla cette machine
ronde >
Qui voit , qui meut tous les
eftres du monde ,
De fes refforts & l'ame &
l'inftrument
Puiffe ignorer fon plus bel
ornement !
Déja porté fur les ailes
d'Eole
,
Du haut des Cieux je le vois
qui s'envole ,
Plus glorieux d'obéïr en ſa
cour >
FUGITIVES. 71
Que de regner au celefte
féjour .
Confervez bien genereufe
Uranic ,
Ce Dieu puiffant ce celeſte
genie ,
Ame du monde , Auteur
de tous les biens ,
Par qui brifant les terreftres
liens ,
D'un vol hardi nos ames
élancées ,
Jufques au Ciel élévent leurs
penſées
;
Sans fa beauté, fans fes dons
precieux ,
La vertu même eft moins
belle ànos yeux
72 PIECES
Ila produit fous d'heureux
caracteres ,
La dépouillant de fes rides
feveres ,
De qui l'afpest effrayant
les mortels ,
Leur fait fouvent deferter
fes Autels ,
De fon flambeau les flammes
immortelles ,
Jettent en nous ces vives
éteincelles
,
Dont autrefois les Heros
embrafez ,
Malgré la mort fe font
éternifez
;
Cette chaleur fi promte & fi
rapide ,
Sceut
FUGITIVES 7
Sceut échauffer un Thefée ,
un Alcide ,
Arma leurs bras pour calmer
l'Univers ,
Et pour vanger l'équité
mife aux fers .
Telle eft l'ardeur dont ce
Dieu nous enflame .
Tel eft le feu qu'il alluma
dans l'ame ,
De ce Heros aux triomphes
inftruit
>
Dont vous tenez la clarté
qui vous luit ;
}
C'est cet amour impatient
de gloire ,
Février 1711 Dd
44 PIECES
Qui tant de fois affûra la
memoire
,
Luy fic braver les feux & le
trépas ,
Luy fit chercher la guerre
& les combats :
De Jupiter allumant le tonnere
,
Brifer l'orgueil des enfans
de la terre
,
Contre leur rage armer nos
boulevarts ,
Er foudroyer leurs plus fermės
remparts.
Puiffe-t- il voir les nombreu .
ſes années
Toûjours de gloire &
d'honneurs couronnées ,
FUGITIVES 7
Et quand la Paix reviendra
parmi nous,
Se confacrer à des travaux
plus doux:
Non moins heureux fous
l'Empire de Rhée
Que quand la terre à Bellonne
eft livrée.
à Madame D ****
fur le veritable Amour.
Dufaux encens dédaigneuſe
ennemie
Qui dans le vray par l'e.
xemple affermic ,
Sçavez fi bien de tout éloge
plat ,
Diftinguer l'art d'un pinceau
délicat :
Sage Uranie , en qui le don
de plaire ,
Février 1711. Bb
50 PIECES
Eft joint au don de hair le
vulgaire ,
De démêler , libre en vos
fentimens ,
Les préjugez de fes faux
jugemens ;
Et d'abhorrer ces loüanges
guindées ,
Qui n'ont d'appuy que fes
folles idées :
Si quelqu'Auteur pour vous
faire fa cour ,
S'imaginant avoir pris un
beau tour
Vous décrivoit dans fes
peintures feiches ,
" Le Dieu d'Amour , fon carFUGITIVES.
St
quois , & fes fléches :
De la raifon ennemy
langoureux
,
Et de nos fens enchanteur
doucereux ,
Vous déploiant ces lieux
communs poftiches ,
Dont l'Opera brode fes
hemiſtiches :
Sur ce tableau frivolement
conceù ,
Probablement il feroit mal
receu ,
De vous chanter en rimes
indifcretes ,
Que cet Amour ne fe plaît
qu'où vous cftes ;
Bb ij
52 PIECES
Qu'il regne en vous , qu'il
fuit par tout vos pas ,
Et qu'il languit où l'on ne
vous voit pas.
Mais fi quelqu'un plus fage
& plus habile
Vous dépeignoit d'un
crayon moins fterile
Le même Amour
, non tel
qu'on l'avoit feint
Mais en effet , tel qu'il doit
eftre peint
:
Tel qu'autrefois l'ont vŷ
nos premiers fages ,
Lors qu'au Parnaffe attirang
leurs hommages ,
FUGITIVES . 53
cux de guirlan- Le Dieu
par
des orné ,
Fût dans la Grece en triomphe
amené ;
Si pourfuivant cette noble
peinture >
Il vous traçoit d'une main
libre & feure ,
Ces vifs rayons , ces fublimes
ardeurs
Ce feu divin qu'il répand
dans les coeurs ,
Dont la fplendeur les éclaire
& les guide
Dans les fentiers de la vertu
folide :
Vous faifant voir affis à fon
côté Bb iij
54
PIECES
L'Honneur , la Paix , la Vertu
, l'Equité ;
Peut -être alors à le bannir
moins prompte
Vous fouffririez , fans rougeur
, & fans honte ,
Que ce Dieu vint embellir
vôtre Cour :
Connoiffez donc ce que c'eſt
que l'Amour ;
Et deformais l'ame débarafféc
Des préjugez d'une troupe
infenfée ,
Qui ne l'a peint que fous de
faux portraits
;
Gardons nous bien d'en
FUGITIVES .
juger fur leurs traits
De le confondre avec ce
Dieu frivole ,
De qui l'erreur nous a fait
une Idole
Et qui n'épand que des feux
criminels.
Ces deux rivaux ennemis
érernels ,
L'un fils du Ciel ; l'autre né
de la Terre ,
Se font entre eux une immortelle
guerre ;
Plus fignalez en leur divifion
,
Que les Heros de Grece ,
& d'llion.
Bb iiij
66 PIECES
Quelqu'un peut - eftre à ce
début miſtique ,
Va me traiter de cerveau
fanatique
Et me voyant monter fur
ce haut ton >
Traiter l'Amour en ftile de
Platon ,
M'objectera qu'une jeune
Heroïne ,
Mériteroit un peu moins
de doctrine .
Mais fans répondre à ce
langage vain
Laiffons - le en paix fon
Cyrus à la main :
De nos raifons l'ame peu
combatue
,
FUGITIVES . 7
Du Dieu d'Amour encen
fer la ftatuë ,
Et poursuivons nos propos
commencez .
Jadis fans choix les humains
difperfez ,
Troupe feroce & nourrie au
carnage ,
Du feul inftinct fuivoient
la loy fauvage:
Se renfermoient dans les
autres cachez ;
Et des forêts par la faim
arrachez ,
Alloient errans au gré de la
nature
Avec les Ours difputer la
pâture.
58 PIECES
De ce cahos l'Amour répara
teur
Fût de leurs loix le premier
fondateur.
Il fçait fléchir leurs humeurs
indociles..
Les réunit dans l'enceinte
des Villes.
Leur enfeigna le fecours- des
moiffons
,
Des premiers arts leur donna
des leçons ,
Chez eux logea l'amitié fecourable
,
Avec la paix fa foeur infeparable:
› Et
devant tout dans les
terreftres
lieux
FUGITIVES
. 59
Fit refpecter
l'autorité
des
Dieux .
Tel fut ici le fiecle de Ci
belle
;
Mais à ce Dieu la Terre enfin
rebelle
Se rebuta d'une fi douce
Loy ,
Et de fes mains voulut fe
faire un Roy.
Tout auffi toft , évoqué par
la haine ;
Sort de fes flancs un montre
àforme humaine ,
Refte dernier de ces affreux
Tiphons ,
Jadis formé dans des gouffres
profonds ;
PIECES
D'un foible
enfant il a le
front
timide ,
Dans fes
yeux
brille une
douceur
perfide ,
Nouveau
Prothée à
toute
heure , en
tous lieux ,
Sous un
faux
mafque il a
bufe nos
yeux.
Dabord
voilé
d'une
crainte
ingenuë ,
Humble ,
captif, il
tremble,
il
s'infinuë ,
Puis tout à
coup
imperieux
vainqueur
Porte le
trouble &
l'effroy
dans le
coeur ;
Les
trahifons , la
noire tirannie
,
FUGITIVES. GE
Le
defefpoir , la peur , l'i
gnominic ,
Et le tumulte au regard effaré
Suivent fon char de foupçons
entouré.
Ce fut fur lui que la Terre
ennemic
De fa revolte appuya l'infamic
,
Bientoft feduits par les trom
peurs appas
Les fols humains marcherent
fur fes pas.
L'Amour par lui dépouillé
de puiffance
Remonte au Ciel ſéjour de
fa naiffance ,
62
PIECES
Et las de voir l'homme
fourd à fa voix ,
Il l'abandonne à fon malheureux
choix .
Alors enflé d'une nouvelle
audace ,
L'ufurpateur prend fon
nom & fa place :
Et fous ce nom l'erreur de
toutes parts
Fait ici bas , voler fes Etendarts
.
C'eft de ce temps que nous
vîmes éclore
Tous les malheurs envoyez
par Pandore ,
La jaloufic allumant fes flambeaux
FUGITIVES. 63
Creufa dés lors mille horribles
tombeaux ;
Et des forfaits de plus d'une
Medée
Plus d'un climat vit fa rive
innondée .
Un fiecle à l'autre enviant
Les furcurs
Imagina de nouvelles horreurs
;
Chaque âge vit augmen
ter fes miferes ,
Et nos ayeux plus méchans
que leurs peres ,
Nous firent naiſtre encor
plus méchans qu'eux ,
Bientoft fuivis par de pires
neveux.
64
-PIECES
Enfin le Ciel touché de nos
difgraces
Se réfolut d'en effacer les
traces ,
Et tous les Dieux convinrent
que l'Amour
Fut renvoyé dans ce mortel
fejour :
Chacun s'en forme un agreable
augure
,
Le feul Amour,l'Amour ſcul
en murmure.
Qu'a t- il commis, pourquoi
feul immolé
D'entre les Dieux fera t- il
exilé ?
Quittera til ces demeures
heureuſes,
FUGITIVES . 65
Ces regions pures & lumineufes
,
Sejour brillant de gloire &
de clarté ,
Lieux confacrez à la felicité,
Aux doux plaiſirs enfans de
l'innocence ,
Plaifirs qu'échauffe & nourrit
fa prefence ,
Vifs fans tumulte , éternels
fans ennuy
,
Et que les Dieux ne tiennent
que de lui ?
Quoi , difoit- il , de la troupe
celefte ,
J'irai defcendre en un ſejour
funeſte ?
Février
1711.
Cc
66 PIECES
Où l'impudence étale un
front ferain ,
Où les mortels au vifage
d'airain ,
De mon fantôme eſcortant
les bannieres ,
De
l'innocence ont
rompu
les barrieres ;
Et qui d'entr'eux voudra
fuivre mes pas ?
Amour , amour ne vous allarmez
pas
Venez à moi , je connois un
azile ,
Dont les vertus ont fait leur
domicile :
Un feur rempart , un lieu de
qui jamais
FUGITIVES. 67
Nos ennemis ne troubleront
la
paix .
Celui qui regne en ce ſejour
propice ,
En a banny le coupable artifice
,
La perfidie au coup d'oeil
emprunté ,
Et la malice au rire concerté
:
Amour dit vrai, candeur hereditaire
,
Dés le berceau marqua fon
caractere ,
!
Nourry formé
par
doctes foeurs ;
les neuf
Ainfi des arts épris de leurs
douceurs Ccij
68 PIECES
Le Dieu du Pinde & la fage
Minerve ,
De leurs trefors l'ont comblé
fans referve ;
Dans ce réduit des Mufes
habité
Prefide encore une divinité :
Car la beauté dont les Dieux'
l'ont formée,
D'un moindre nom feroit
trop prohanée.
Un doux accueil , un modefte
enjouëment {
Préte à fes traits un nouvel
agrément ;
D'Enfans aîlez une troupe
fidelle ,
FUGITIVES. 69
JPlaifirs
, Amours voltigent
autour d'elle ,
Et fans effort prés d'elle
retenus ,
Pour la fervir ont oublié
Venus.
Non , non Amour ce n'eft
point à Cithere ,
Ny dans les bois qu'Amatonthe
révere ,
Qu'il faut chercher & les
jeux & les ris ? 7
Si vous voulez de vos freres
cheris ;
Revoir un jour la troupe
réünic ,
N'hefitez point , volez chez
Uranic.
70 PIECES
Mais à qui vais - je étaler ces
propos ,
Puis -je penfer qu'un Dicu
qui du cahos ,
Débarafla cette machine
ronde >
Qui voit , qui meut tous les
eftres du monde ,
De fes refforts & l'ame &
l'inftrument
Puiffe ignorer fon plus bel
ornement !
Déja porté fur les ailes
d'Eole
,
Du haut des Cieux je le vois
qui s'envole ,
Plus glorieux d'obéïr en ſa
cour >
FUGITIVES. 71
Que de regner au celefte
féjour .
Confervez bien genereufe
Uranic ,
Ce Dieu puiffant ce celeſte
genie ,
Ame du monde , Auteur
de tous les biens ,
Par qui brifant les terreftres
liens ,
D'un vol hardi nos ames
élancées ,
Jufques au Ciel élévent leurs
penſées
;
Sans fa beauté, fans fes dons
precieux ,
La vertu même eft moins
belle ànos yeux
72 PIECES
Ila produit fous d'heureux
caracteres ,
La dépouillant de fes rides
feveres ,
De qui l'afpest effrayant
les mortels ,
Leur fait fouvent deferter
fes Autels ,
De fon flambeau les flammes
immortelles ,
Jettent en nous ces vives
éteincelles
,
Dont autrefois les Heros
embrafez ,
Malgré la mort fe font
éternifez
;
Cette chaleur fi promte & fi
rapide ,
Sceut
FUGITIVES 7
Sceut échauffer un Thefée ,
un Alcide ,
Arma leurs bras pour calmer
l'Univers ,
Et pour vanger l'équité
mife aux fers .
Telle eft l'ardeur dont ce
Dieu nous enflame .
Tel eft le feu qu'il alluma
dans l'ame ,
De ce Heros aux triomphes
inftruit
>
Dont vous tenez la clarté
qui vous luit ;
}
C'est cet amour impatient
de gloire ,
Février 1711 Dd
44 PIECES
Qui tant de fois affûra la
memoire
,
Luy fic braver les feux & le
trépas ,
Luy fit chercher la guerre
& les combats :
De Jupiter allumant le tonnere
,
Brifer l'orgueil des enfans
de la terre
,
Contre leur rage armer nos
boulevarts ,
Er foudroyer leurs plus fermės
remparts.
Puiffe-t- il voir les nombreu .
ſes années
Toûjours de gloire &
d'honneurs couronnées ,
FUGITIVES 7
Et quand la Paix reviendra
parmi nous,
Se confacrer à des travaux
plus doux:
Non moins heureux fous
l'Empire de Rhée
Que quand la terre à Bellonne
eft livrée.
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Résumé : EPITRE à Madame D**** sur le veritable Amour.
L'épître est adressée à Madame D ****, en louant son discernement et sa sagesse dans la compréhension de l'amour véritable. L'auteur dénonce les représentations superficielles et trompeuses de l'amour, souvent décrit comme un dieu langoureux et capricieux. Il oppose ce faux amour à une vision noble et vertueuse, inspirée par les anciens sages qui voyaient en l'amour un guide vers la vertu, l'honneur et la paix. L'épître retrace l'histoire de l'amour, d'abord réparateur et civilisateur, puis corrompu par la Terre, qui engendra un amour tyrannique et destructeur. Ce faux amour provoqua des malheurs et des forfaits, menant à une dégradation morale des générations. Touchés par ces disgrâces, les Dieux décidèrent de renvoyer l'amour véritable sur Terre. L'auteur invite l'amour à se réfugier auprès de Madame D ****, dont la cour est un sanctuaire de vertu et de beauté. Il loue ses qualités, soutenues par les Muses et les arts, et la décrit comme un havre de paix et de candeur. L'épître se conclut par une célébration de l'amour véritable, source de gloire et de vertu, capable d'inspirer les héros et de guider les âmes vers le bien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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104
p. 97-103
ODE A une belle Veuve.
Début :
Quel respect imaginaire, [...]
Mots clefs :
Veuve, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A une belle Veuve.
ODE
A une belle Veuve.
Quel refpect imaginaire ,
Pour les cendres d'un Epoux
Vous rend vous même contraire
A vos defirs les plus doux ;
Quand fa courfe fut bornéc
Par la fatale journée ;
Qui le mit dans le tombeau,
Penfez vous que l'Hymenéc
,
Février
1711. Ff
93 PIECES
Nair pas efteint ſon Alımbeau
.
Pourquoy ces fombres tenebres
,
Dans ce lugubre réduit ,
Pourquoy ces clartez funé-
2009 bres
2
Plus affreufes que la nuit ;
De ces noirs objets troublée
,
Trifte & fans ceffe immolée,
A de frivoles égards ,
Ferez vous d'un Mauzolée ,
Le plaifir de vos regards.
Voyez les Graces fidelles
BIBLIOTHE
LYON
18931
THEQUE
DE
L
FUGITIVE
Malgré vous fuivre vos
Er voltiger autour d'elles ,
L'Amour qui vous tend les
brasjevamo
Voyez ce Dieu plein de
charmes ;
Qui vous dit les yeux en
larmes
Pourquoy ces foins fuper
Alus ,
Pourquoy ces cris ces
palarmesil
Ton Epoux ne t'entend plus .
Si vôtre premiere flame,
Eut jadis un cours fi beau ,
Il doit enhardir vôtre anie ,
·Ff ij
100 PIECES I
A brûler d'un fau nouveau,
Plus d'un bonheur fi paifi
ble ,
La perte vous fut fenfible ;
Plus vous devez afpirer:
Au feul remede infaillible ,
Qui puiffe la réparer.
De la veuve de Sichée
L'Hiftoire vous a fait peur
Didon mourut attachée ,
Au Char d'un Amant trompcur
Mais l'impudente mortelle ,
N'eut à fe plaindre que
d'elle ,
Ce fut fa faute en un mot,
FUGITIVES . fot
A quoy fongeoit cette belle,
De prendre un Amant
bigot .
009
Pouvoit elle mieux atten
dre ,
De ce Heros Voyageur : Y
Qui fuyant fa Ville en
cendre
,
Et le fer du Grec vangeur
Chargé des Dieux de Pergame
Ravit fon pere à la flame
Tenant fon fils par la main
Sans prendre gårde à fa
femme
Qui le perdit en chemin.
Ff iij
102 PIECES
1
Sous un plus heureux aufpice
,
La Déeffe des Amours ,
Veut qu'un nouveau Sacri,
fice
,
Luy. confacre vos beaux
E jours
Déja le Bucher s'allume ,
L'Autel brille
* fume ,
l'Encens
La Victime s'embellit ,
L'Amour même la confume
Enfin l'Hmen
s'accomplit .
Tout confpire à l'allegreffe,
FUGITIVES. 103
De cet inftant folemnel
Une riante Jeunefle ,
Folaftre autour de l'Autel ,
Les Graces à demy nuës ]
A ces danfes ingénues ,
Meflent de tendres accens
Et fur un Trône de nues ,
Venus reçoit voftre encens
A une belle Veuve.
Quel refpect imaginaire ,
Pour les cendres d'un Epoux
Vous rend vous même contraire
A vos defirs les plus doux ;
Quand fa courfe fut bornéc
Par la fatale journée ;
Qui le mit dans le tombeau,
Penfez vous que l'Hymenéc
,
Février
1711. Ff
93 PIECES
Nair pas efteint ſon Alımbeau
.
Pourquoy ces fombres tenebres
,
Dans ce lugubre réduit ,
Pourquoy ces clartez funé-
2009 bres
2
Plus affreufes que la nuit ;
De ces noirs objets troublée
,
Trifte & fans ceffe immolée,
A de frivoles égards ,
Ferez vous d'un Mauzolée ,
Le plaifir de vos regards.
Voyez les Graces fidelles
BIBLIOTHE
LYON
18931
THEQUE
DE
L
FUGITIVE
Malgré vous fuivre vos
Er voltiger autour d'elles ,
L'Amour qui vous tend les
brasjevamo
Voyez ce Dieu plein de
charmes ;
Qui vous dit les yeux en
larmes
Pourquoy ces foins fuper
Alus ,
Pourquoy ces cris ces
palarmesil
Ton Epoux ne t'entend plus .
Si vôtre premiere flame,
Eut jadis un cours fi beau ,
Il doit enhardir vôtre anie ,
·Ff ij
100 PIECES I
A brûler d'un fau nouveau,
Plus d'un bonheur fi paifi
ble ,
La perte vous fut fenfible ;
Plus vous devez afpirer:
Au feul remede infaillible ,
Qui puiffe la réparer.
De la veuve de Sichée
L'Hiftoire vous a fait peur
Didon mourut attachée ,
Au Char d'un Amant trompcur
Mais l'impudente mortelle ,
N'eut à fe plaindre que
d'elle ,
Ce fut fa faute en un mot,
FUGITIVES . fot
A quoy fongeoit cette belle,
De prendre un Amant
bigot .
009
Pouvoit elle mieux atten
dre ,
De ce Heros Voyageur : Y
Qui fuyant fa Ville en
cendre
,
Et le fer du Grec vangeur
Chargé des Dieux de Pergame
Ravit fon pere à la flame
Tenant fon fils par la main
Sans prendre gårde à fa
femme
Qui le perdit en chemin.
Ff iij
102 PIECES
1
Sous un plus heureux aufpice
,
La Déeffe des Amours ,
Veut qu'un nouveau Sacri,
fice
,
Luy. confacre vos beaux
E jours
Déja le Bucher s'allume ,
L'Autel brille
* fume ,
l'Encens
La Victime s'embellit ,
L'Amour même la confume
Enfin l'Hmen
s'accomplit .
Tout confpire à l'allegreffe,
FUGITIVES. 103
De cet inftant folemnel
Une riante Jeunefle ,
Folaftre autour de l'Autel ,
Les Graces à demy nuës ]
A ces danfes ingénues ,
Meflent de tendres accens
Et fur un Trône de nues ,
Venus reçoit voftre encens
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Résumé : ODE A une belle Veuve.
Le poème 'ODE À une belle Veuve', daté de février 1711, s'adresse à une veuve qui, malgré ses désirs, respecte la mémoire de son époux défunt. Il évoque les souvenirs sombres et lugubres liés à la mort de son mari, contrastant avec les avances de l'amour qui tente de la séduire. La veuve est invitée à surmonter sa douleur et à aspirer à un nouveau bonheur, symbolisé par un mariage imminent. Le poème fait référence à des figures historiques comme la veuve de Sichée et Didon, soulignant les erreurs de ces dernières. Il décrit également la déesse des Amours préparant un sacrifice pour consacrer les beaux jours de la veuve. La scène finale montre une jeune fille joyeuse et les Grâces dansant autour de l'autel, tandis que Vénus reçoit l'encens, symbolisant l'accomplissement du mariage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
105
p. 111-112
EPITALAME sur le Mariage de Mademoiselle D**
Début :
Seigneur Hymen, comment l'entendez vous, [...]
Mots clefs :
Mariage, Hymen, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITALAME sur le Mariage de Mademoiselle D**
EPIT ALAME
fur le Mariage de
Mademoiselle D **
Seigneur Hymen, comment
l'enténdez vous,
Difoit l'aîné des enfans de
Cythere ,
De cet objet qui fut formé
pour vous ,
Croyez vous feul eſtre dé.
pofitaire ,
Non dit l'Hymen , quoi
qu'à ne vous rien faire.
Pour mon profit vous soyez
peu zelé,
2 PIECES
Eh mon amy , lui dit l'enfant
aiflé,
Conſerve nous ainfi que ta
prunelle ,
Quand une fois l'Amour
s'eft envolé
Le pauvre Hymen ne bat
plus que d'une aifle.
fur le Mariage de
Mademoiselle D **
Seigneur Hymen, comment
l'enténdez vous,
Difoit l'aîné des enfans de
Cythere ,
De cet objet qui fut formé
pour vous ,
Croyez vous feul eſtre dé.
pofitaire ,
Non dit l'Hymen , quoi
qu'à ne vous rien faire.
Pour mon profit vous soyez
peu zelé,
2 PIECES
Eh mon amy , lui dit l'enfant
aiflé,
Conſerve nous ainfi que ta
prunelle ,
Quand une fois l'Amour
s'eft envolé
Le pauvre Hymen ne bat
plus que d'une aifle.
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106
p. 123-131
AUTRE EPITALAME. A Monsieur de M** Par Monsieur ROY.
Début :
Le jour de l'Hymenée & souvent dés la veille [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE EPITALAME. A Monsieur de M** Par Monsieur ROY.
AUTRE EPITALAME
A Monfieur de M **
Par Monfieur Roy. I
Le jour de l'Hymenée , &
fouvent dés la veille.
Une Muſe fait à merveille i
Dépeindre les Epoux dans
leur naiflante ardeur.
Huit jours plus tard c'eft
trop attendre
Le couple devenu pas tendre
,
Baille au recit de fon bon-
む
heur.
Hhij
124
PIECES
Cher Morville pour toi dans
l'objet qui t'engage ,
Tu trouves chaque jour à
l'aimer davantage .
Je viens donc affez toſt chanter
Un
bonheur que le temps
doit encor
augmenter.
Le mois paffé Venus quittas
Cythere
Pour fe rendre auprés de
Themis ;
C'eft une nouveauté ; car
- Themis eft fevore ,
Venus voudroit changer
les Juges en amis ,
Themis peur de foupçon ne
la fréquente guere.
FUGITIVES. 125
Venus pour ce jour là prit
un fage maintien,
Elle affecta certain air do
referve
Sur le regard de Minerve ;
Elle compofa le fien ;
L'Amour marchoit à cofté
de fa mere
Déguilé fous les atours
De l'Hymen fon grave frere;
Mais il fautoit , danfoit toû
jours ,
Et fi ce n'eftoit pas le plus
svif des Amours ,
C'eftoit du moins l'Hymen
plus gay que l'ordinaire,
Ils entrerent à petit bruit.
Hh iij
126: PIECES
Au fonds du Temple eſt un
réduit
Où la Déeffe retirée
Jugeoit des Epoux diviſez
Voilà , dit- elle , à Citherée,
Les querelles que vous caufez.
Vous donnez aux Amans
l'efperance frivole
De ne les point quitter, d'entretenir
leur feux
Sur votrefoy l'Hymen ferre
leurs noeuds ,
Puis vous leur manquez de
parole.
Eh bien pour tous les coeurs
dont j'ai trompé les voeux
FUGITIVES . 127
J'en fçai deux,dit Venus , que
je vais rendre heureux ,
Vous & moi formerons leur
chaîne
,
Vous n'avez qu'à vouloir
voilà ce qui m'amene ,
Qu'avec plaifir je rappelle ce
temps
Où l'on vous vit regner
fous le beau nom d'Aftrée !
Il n'eftoit point alors d'u
nion alterée
Que vous rendiez d'Epour
contens !
Formons encor des noeuds
fur ce premier modele ,
Dans voſtre vertueufe Cour
Hh iii
128 PIECES
S'éleve une aimable mortelle
Celui dont elle tient le jour,
Eft voftre Miniftre fidelle.
La jeune de Vienne ; c'eſt
elle
Dont je voudrois difpofer
avec vous .
Mais , dit Themis à qui la
deſtinerons nous ?
Epoufe du Dieu Mars, vous
me parlez peut eftre
Pour vos Guerriers préfomptueux
;
La modefte raifon chez eux
n'ole paroiftre ,
Penfez vous que mon goût
fimpatife avec eux ?
Ad H
FUGITIVES . 119
Scachez auffi que ma candeur
abhore ..
Ces honneftes trompeurs
qu'on nomme courtisans.
Que de Vienne à jamais
ignore
Leurs Arts flateurs ou méprifants.
Tant mieux reprit Venus
nous n'avons plus
d'obſtacles ,
Celui que je propofe , eft un
de vos Oracles ;
Il faut vous dire tout , il eft
auffi le mien ,
Et pour vous & pour moi
parle également bien ,
130 PIECES
Pour vous , il perfuade , il
touche
Quand il s'explique en mon
nom ,
Et je crois parler raifon
Quand je parle par ſa bouche.
Lagrave Themis lui fourit :
C'eft Morville,à ces traits je
ne m'y puis méprendre;
L'Hymen qui fuit vos pas
lui peut aller aprendre
Que vos voeux , qu'aux fiens
j'ai fouferit ,
Au moins nous n'imitons ni
l'Amant , ni la Belle ,
S'ils ne devoient s'aimer
FUGITIVES. 131
d'un amour éternelle ,
Et mieux qu'on n'aime en ce
temps.ci.
Mais qui m'en répondra
l'Amour n'eft point ici.
Hymen amenezvoftre frere:
Non
, non il n'eſt pas ncceffaire,
>
Je vous en répond , moi ,
criá le petit Dieu ,
Themis le reconnut , Amour
fongez un peu
A ne pas nous en faire accroire
,
Allez , lui dit l'Amour , il y
va de ma gloire
J'en jure par de Vienne
Adicu.
A Monfieur de M **
Par Monfieur Roy. I
Le jour de l'Hymenée , &
fouvent dés la veille.
Une Muſe fait à merveille i
Dépeindre les Epoux dans
leur naiflante ardeur.
Huit jours plus tard c'eft
trop attendre
Le couple devenu pas tendre
,
Baille au recit de fon bon-
む
heur.
Hhij
124
PIECES
Cher Morville pour toi dans
l'objet qui t'engage ,
Tu trouves chaque jour à
l'aimer davantage .
Je viens donc affez toſt chanter
Un
bonheur que le temps
doit encor
augmenter.
Le mois paffé Venus quittas
Cythere
Pour fe rendre auprés de
Themis ;
C'eft une nouveauté ; car
- Themis eft fevore ,
Venus voudroit changer
les Juges en amis ,
Themis peur de foupçon ne
la fréquente guere.
FUGITIVES. 125
Venus pour ce jour là prit
un fage maintien,
Elle affecta certain air do
referve
Sur le regard de Minerve ;
Elle compofa le fien ;
L'Amour marchoit à cofté
de fa mere
Déguilé fous les atours
De l'Hymen fon grave frere;
Mais il fautoit , danfoit toû
jours ,
Et fi ce n'eftoit pas le plus
svif des Amours ,
C'eftoit du moins l'Hymen
plus gay que l'ordinaire,
Ils entrerent à petit bruit.
Hh iij
126: PIECES
Au fonds du Temple eſt un
réduit
Où la Déeffe retirée
Jugeoit des Epoux diviſez
Voilà , dit- elle , à Citherée,
Les querelles que vous caufez.
Vous donnez aux Amans
l'efperance frivole
De ne les point quitter, d'entretenir
leur feux
Sur votrefoy l'Hymen ferre
leurs noeuds ,
Puis vous leur manquez de
parole.
Eh bien pour tous les coeurs
dont j'ai trompé les voeux
FUGITIVES . 127
J'en fçai deux,dit Venus , que
je vais rendre heureux ,
Vous & moi formerons leur
chaîne
,
Vous n'avez qu'à vouloir
voilà ce qui m'amene ,
Qu'avec plaifir je rappelle ce
temps
Où l'on vous vit regner
fous le beau nom d'Aftrée !
Il n'eftoit point alors d'u
nion alterée
Que vous rendiez d'Epour
contens !
Formons encor des noeuds
fur ce premier modele ,
Dans voſtre vertueufe Cour
Hh iii
128 PIECES
S'éleve une aimable mortelle
Celui dont elle tient le jour,
Eft voftre Miniftre fidelle.
La jeune de Vienne ; c'eſt
elle
Dont je voudrois difpofer
avec vous .
Mais , dit Themis à qui la
deſtinerons nous ?
Epoufe du Dieu Mars, vous
me parlez peut eftre
Pour vos Guerriers préfomptueux
;
La modefte raifon chez eux
n'ole paroiftre ,
Penfez vous que mon goût
fimpatife avec eux ?
Ad H
FUGITIVES . 119
Scachez auffi que ma candeur
abhore ..
Ces honneftes trompeurs
qu'on nomme courtisans.
Que de Vienne à jamais
ignore
Leurs Arts flateurs ou méprifants.
Tant mieux reprit Venus
nous n'avons plus
d'obſtacles ,
Celui que je propofe , eft un
de vos Oracles ;
Il faut vous dire tout , il eft
auffi le mien ,
Et pour vous & pour moi
parle également bien ,
130 PIECES
Pour vous , il perfuade , il
touche
Quand il s'explique en mon
nom ,
Et je crois parler raifon
Quand je parle par ſa bouche.
Lagrave Themis lui fourit :
C'eft Morville,à ces traits je
ne m'y puis méprendre;
L'Hymen qui fuit vos pas
lui peut aller aprendre
Que vos voeux , qu'aux fiens
j'ai fouferit ,
Au moins nous n'imitons ni
l'Amant , ni la Belle ,
S'ils ne devoient s'aimer
FUGITIVES. 131
d'un amour éternelle ,
Et mieux qu'on n'aime en ce
temps.ci.
Mais qui m'en répondra
l'Amour n'eft point ici.
Hymen amenezvoftre frere:
Non
, non il n'eſt pas ncceffaire,
>
Je vous en répond , moi ,
criá le petit Dieu ,
Themis le reconnut , Amour
fongez un peu
A ne pas nous en faire accroire
,
Allez , lui dit l'Amour , il y
va de ma gloire
J'en jure par de Vienne
Adicu.
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Résumé : AUTRE EPITALAME. A Monsieur de M** Par Monsieur ROY.
Le poème 'Autre Épithalame' de Monsieur Roy célèbre un mariage et les sentiments amoureux des époux. La Muse loue les jeunes mariés dans leur ardeur initiale. Huit jours plus tard, le couple partage un bonheur plus serein. Venus, déesse de l'amour, consulte Thémis, déesse de la justice, pour un mariage. Venus souhaite transformer les juges en amis, mais Thémis reste prudente. Venus et l'Amour, déguisé en Hymen, se rendent dans le temple de Thémis. Thémis reproche à Venus de donner de faux espoirs aux amants. Venus propose de former un couple heureux et évoque les unions réussies sous le règne d'Astrée. Thémis exprime ses réserves sur les courtisans et les guerriers présomptueux. Venus suggère Morville comme époux pour la jeune de Vienne, fille du ministre fidèle de Thémis. Thémis reconnaît Morville comme un oracle favorable à l'amour. L'Amour assure que les vœux des époux seront éternels et que leur amour surpassera celui des amants actuels. Thémis accepte finalement, et l'Amour jure de la véracité de ses paroles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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107
s. p.
REFLEXIONS DE M** Sur la Tragedie de Rhadamiste & de Zenobie.
Début :
Vous me demandez, Monsieur, une Critique exacte de la Tragedie [...]
Mots clefs :
Spectateur, Amour, Caractère, Théâtre, Vertu, Scène, Auteur, Crimes, Horreur, Sentiments, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS DE M** Sur la Tragedie de Rhadamiste & de Zenobie.
REFLEXIONS
DEM **
SurlaTragedie de Rhadamiste&
deZenobie.
Vous me demandez ,
Monficur
, une Critique
exaéte de la Tragedie de
Rhadamiste* j'ay fait en la
lisant quelques Reflexions
dont j'espere quevous voudrez
bien vous contenter.
L'exposition du sujet
me paroist tres simple
pour la quantité de faits
dont elle est necessaire-
-
ment chargée
,
le recit
de Zenobie ne larenferme
pas toute entiere
Rhadamiste , vient l'achever
au sécond Aéte
,
dans le
rccit qu'il fait à Hieron
de quelques circonstances
que Zenobie ne peut pas
sçavoir :
il estoit bien
difficile d'éviter l'inconvenient
des répetitions,
en introduisant sur la
Scene deux personnes qui
racontent les mêmes faits:
l'Autcury a merveilleusement
réüssi. Rhadamiste
ne par le qu'en passant de
ceux donc Zenobie a déja
instruit sa Considence, &
seulement pour entrer avec
nettetédans ce que le Spectateur
ne sçait pas encore s'il
a donné dans cette occasion
une marque de sonhabileté,
sa délicatesse ne me paroist
pas moins grande dans le
récit qu'il fait faire à Zenobie
descruautez de Rhadamiste;
cette-Princesse garde
tous les ménagemens qu'elle
doit aux manes de son
époux ,&quand l'ordrede
son Di scours la conduit àce
moment horrible de sa vie,
où aprés avoir esté poignardée
,
elle fut jettée dans
l'Araxe; on diroit qu'elle
l'interrompt exprés pour
laisser ignorer à sa Considente
que son époux est l'Auteur
ducoup le plus barbare
que l'Histoire ait jamais
raporté; je ne sçay si ces sinesses
de l'art ont également
rciiffi dans tous les tfprKs ;
mais j'ay cru y trouver la
main de maistre.
A 'peine Zenobie a fini
son récit, qu'Arsameparoist
sur le Theatre: ce Prince
amoureux de Zenobie ne
peut plus supporter son
absence
,
&sans l'ordre
de Pharasmane son pere il
arrive dans sa Cour : Pharasmane
également charmé
de la Princesse la furprcnd
avec son fils: c'est-là que
son caractere commence à
se découvrir, peu arraché à
sesenfans par les sentimens
de la nature, rival pour eux
aussi dangereux que le plus
cruel ennemy ,
grand d'ailleurs
par son courage
, par son ambition
, & par -Ces
succés contre les Romains,
dont il n'est pas moins cnncmy
que Mithridate ,c'estce
me semble un fort beau
caractere,j'auroisvoulu seulement,
le trouver dans son
intrigue aussi fourbe ,&
aussiperside qu'il l'est dans rHIHoire;cnessèt l'artifice
n'est pas un des moindres
traits qui l'y caracterisenr,
& c'est à cetrait si négligé
dans la pieçequePharasmanme
deveoit lna coiureonn.e d'Ar-
Le second ACtc est ouvert
par Rhadamiste qui
arrive à la Cour de son
perc donc il se flatequ'il
ne sera pas. reconnu;chargé
des volontez du Senat il
vient de sa part deffendreà
Pharasmane d'aspirer à la
Couronne d'Armenie, il
opofe en fort beaux termes
les motifs qui ont engagé
les Romains à le nommer
leur A01baffadeur,&.
lesraisons qui l'ont porté à
demander cet honneur:
on y voit cette haine si violence
contre son pere , cet
amour furieux pour objet un qu'il desespere de
revoir jamais; c'est-là que
paroissent ces projets affreux
de vangeance, ces remords
pour des crimes passez
,
l'ardeur qui l'entraîne à des
crimes nouveaux: en un
mot on y trouve déja tout
son caractere qui doit se
développer par les circonstances
ou l'Auteur le place
dans le cours de la Tragédie.
C'est sur ce caractère que
je doit insister davantage,
c'est dans le contraste qu'il
fait avec celuy de Zenobie,
que l'Auteur a pris les plus
grandes beautezde sa Piece,
& sij'y trouve quelle dcffaut,
c'est sur tout dans ce
caractere que je les auray
cherchez
:
il mérite donc
une attention particuliers
que je luy donneray après
des reflexions plus generales.
Me voicy maintenant à la
Scene de l'Ambassade, elle
est bien digne d'un Ambassadeur
Romain,& Corneille
n'a pasce me femblc
fait parler Flaminius à Nicomede
avec plus de noblesse
& de dignité ; la manière
dont Pharasmane reçoit cet
Ambassadeur ne céde en
rien àcelle dont Nicomede
reçoitFlaminius: il en beau )de voir Pharasmane reprimer
l'orgueil des Romains,
jurqu'à traiter de fanfarons
ces Maistres du monde;
quel domageque l'Ambassadeurd'Armenie
rompe un
Discours qui ne finit pas à
l'honneur du Senat, on
attend une Sceneoù la grandeur
des Romains & celle
de Pharasmane soit soutenue
par les differens traits
qui les caraéterisent, & le
Spectateur ne peut souffrir
qu'un homme tel quHicron,
luy ostele plaisir d'entendre
deux Héros qui contcftent
de la grandeur, &
qui l'établissen0t sur l'opposition
de leurs interests, & de
leurs maximes: c'estencela
sur tout que la Scene entre
Nicomede & Flaminius est
admirable, en tâchant à
l'envy de diminuer la grandeur
l'un de l'autre: ils
se montrent tous deux si
grands que la Scene finit
sans que le Speétareur puisse
decider lequell'emporte ,si
l'Ambassadeurd'Arménie
estoitnecessaire icy comme
on le prétend, c'est une
necessité bien fatale à cette
Scene si digne d'une plus
belle fin.
Dans le troisiémeActe
Arsame quineconnoist pas
Rhadamistepour son frere,
vient luy demander son secours
pour Zenobie contre
les fureurs de Pharafmane , l'amour qu'il a pour cette
Princesse fait faire à ce
Prince vertueux & fidelle,
une démarche qui paroist
estre un peu contre son devoir
, le plaisir que Rhadamistesepropose
derenverfer
les projets d'amour d'un
pere qu'il deteste
, & sans
doute son penchant à prendre
des partis extrêmes,lui
font accepter avec transport
les propositions de son frere;
la haine qu'il aconçeuë contre
Pharafmane
, va jusqu'à
vouloir soustraire à son autorité
Ar same que les sentimens
de la nature &de laprobiré
ornent aux dépens de
toute sa famille. Un projet si
dénaturé révol te cette amc
si bien née, & l'exemple de
vertu que donne Arfame cn5
cette occasion, réveille des
remords dans le coeur du
plus grand des scelerats
c'est ainsi qu'en détestant
l'horrible caractere de Rhadamiste
, on admire celuy
d'Arsame qui feroit de plus
vives impressions dans le
coeur des Spéculateurs, s'ils
n'estoient pas accoutûmez
par les horreurs de son frère
à des mouvemens d'un autre
ordre.
Je passe à la Scene de la
reconnoinance, c'estàmon
avis la situation du monde
a plus interessante, ces deux
personnes
personnes autrefois si chercs
l'une à l'autre, & que l'action
la plus affreuse avoit
séparez, sont par leur réünion
un Spectacle bien
touchant à toute l'Assemblée.
Zenobie à qui la vertu
ne permet pas de méconnoistre
son époux, & dont
le bon coeur sent même du
plaisir à le retrouver ,excite
les transports de Rhadamille
; illuy promet d'effacer
tous ses forfaits à force
de vertus; les promesses
accompagnées de larmes
& de transports trouvent
grace devant le Spectateur
qui croit aux sermens de
Rhadai-nifle,&qui souhaite
de les luy voir observer;
parce que ceux en qui il
place son interest ne doivent
ny ne peuvent luy est suspeas
; si le Spectateur est
dans la suite la dupe de
ces sermens,c'est qu'en effet
il n'y a personne quinefut
trompé aux sentimens tendres,&
délicats que Rhadamiste
y fait paroistre : en
s'interessant pour luy on
0a fait que suivre le coeur
deZenobie qui s'attendrit
au Discours de son époux
tout barbare qu'elle le connoist
: je ne sçaurois trop
dire combien cette Scene
m'a paru belle Lorsque
Rhadamiste exagere l'horreur
de ses crimes à Zenobie
qui les luy pardonne, il
marque qu'illent bien vivement
une generosité si heroïque
,
il ne se trouve dans
ce moment si coupable que
parce qu'il est plus sensible à
la vertu de Zenobie
,
lorsqu'il
prétend en diminuer
l'horreur en les rapportant
tous à son amour excessif
les dispositions sont dans,
cet instant si contraires à
celles d'un scelerat qu'il ne
croit même pas qu'on ait
pu lettreautantqu'il l'a été,
le Spectateur touché de
tant de délicatesse
,
cesse de
lui imputer ses fortfaits,&
commence à les regarder
c?
comme des circonstances
malheureuses qui serviront
à son Heroîme : voilà l'efset
de cet espece de délicatesse
raisonée: elle est d'autant
plusaudessus de la simplevivacité,
quel'esprit &
le coeur en partagent également
le plaisir. >
Dans le quatrièmeActe,
Arsame vient chercher
Zenobie, allarmé de sa froideur
il s'en plaint à elle en
en amant respecteux , Zenobie
qui croit devoir du
moins payer son amour par
un aveu necessaireàson repos
luiaprend qu'elleest Zenobic,
& que l'Ambassadeur
Romain est son époux
, c'est un trait de generosité,
bien digne de cette Princesse
mais si malreçu de Rhadamiste
qu'ilestprêtd'éclater
contre elle,& contre son
frere ; le Spectateur se repent
alors de s'être interessépourlui,
il envisage de
continuels malheurs pour
Zenobie ; & fâché de voir
tant de vertus livrées à des
fureurs qu'il n'espere plus
de voir finir, il retracte
pour ainsi dire la joye que
lui a donné sa reconnaissance
, & souhaite quequelque
heureuse circonstance les separe
pour toujours, la vertu
deZenobie tire un merveilleux
lustred'une circonstancc
si désagrable d'ailleurs
pour clic; sa fermeté
,
son
courage&l'amourdu devoir
éclate dans le parti qu'elle
prend de suivre son époux.
Ils partent enfin, & Pharasmane
bien-tost averti de
leur fuite, court&s'en van;..
ge dans le fang de Rhadamiste,
qui vient rendre son
dernier soupir entre les bras
de Zenobie au milieu de toute
sa famille, Pharafmanc
qui le reconnaît fremit du
coup qu'illuy a porté; l'ignorance
ne diminuë point
assez à son gré l'horreur de
son crime, & il paraît ce
me semble bien touché d'une
mort qu'il avait autrefois
ordonnée avec tant de
barbarie; il cft bien Pere
en ce moment pour ne l'avoir
encore jamais été
, &
cet homme sur qui lanature
avoit eu jusques làsipeu
de pouvoir me paraît du
moins se démentir un peu: Quant à Rhadamiste il
meurt comme il a vécu, d'abord
il craint de répandre
le fang de son pere, & préféréla
mort à l'horreur du
parricide, c'était son, bon
intervalle qui ne dure pas
long-temps, un moment
après il accable la douleur
de son Pere loin de la respecter
, on ne devinerait
pas qu'un Fils qui craint
moins la mort que le parricide
,deust outrager un Pere
qui semontre tel pour la
premiere fois, dans ces derniers
moments où la nature
& la vertu se produisent.
plus que dans tous les ail*
très.
Un pareil caractere est
bien plein de bizarrerie, c'est
ici le lieu d'examiner s'il
convient au Theatre, Rhadamistefait
lui même son
portrait en ces termes :
Et que (fay
- je Hieron
J
furieux
,
incertain,
Criminelsans penchant
, vertueuxsans
dessein.
Jouet infortuné de ma douleur
extrême,
Dans l'état oùjefuismeconnais-
jemoi même
Mon coeur de soinsdiverssans
cesse combatu,
Ennemi duforfaitsans aimer
la vertu,
D'un amour malheureux déplorablevictime
S'abandonne au remord sans
renoncer au crime ;
Je cede au repentir, mais sans
en profiter
Et je ne me connois que pour
me detefler,cec.
S'il est vray que Rhadamisteest
criminel sans penchant,
Zenobie le connaît
mal, ou ne lui rend pas justicc
quand elle dit.
Je l'avouerai
,
sensible à sa
tcndrcjje extrême,
Je mefis un devoird'yreport«•
dre de même,
Ignorantqu'en effetsous des dehors
heureux
On peut cacher au crime un
penchant dangereux.
D'ailleurs ses crimes sont
trop noirs& en trop grand
nombre pour les rapporter
tous à sa jalousie ou aux circonstances
où il s'est trouvé;
il me semble que la fureur
qui l'anime contre son pere,
& qui peut le conduire jusqu'au
parricide, marque
un scelerat bien déterminé.
Quoi qu'il en foit la continuité
& l'uniformité de ses
remords m'étonnent; je ne
puis comprendre qu'il soit
si peu fait au crime
,
après
en avoir fait de si noirs.
Que les plus fameux criminelsayant
eu quelque fois
des retours je n'en fuis pas
surpris, ils ne franchissent
point de certaines bornes,
sans quelque effort qu'ils
doivent sentir ; mais qu'ils
detestent uniformement les
crimes dont ils ont une longue
habitude, de telle sorte
que les remords les caracterisent;
c'est ce qui me paroist
incroyable.
J avoue que les remords
que l'Auteur donne à son
Heros fondent l'interêt
que nous prenons à la Scene
de la reconnaissance ; mais
celle de la jalousie qui la
suit de près n'apprent elle
pas au Spectateur que Rhadamiste
en un phrenetique
dangereux qui a successivement
de bons & de mauvais
intervalles,avec lequel il
faut perpétuellement de
compter, qui ne merite ny
attention ny creance ny
iDtcrefi) était-ce la peine
de bâtirpourdétruire si
promptement; & ne valoiril
pas mieux réduire le mcrite
de la reconnoissance au
merveilleux de la furprifc
que fait naître larencontre
impreveüe de deux person-
- nes que de grands interests
unissent ouséparent ,il faloit
donc ou faire voir les fruits
de tant de remords,ou en
retrancher le principe, on
auroit sçeu à quoys'en tenir
avec Rhadamiste & nous
l'aurions aimé ou haï sans
risquer d'en estre un moment
la dupe: Cleoparre
ne s'estoit pas signalée par
plus de forfaits que Rhadamiste,
leur ressamblance est
assez grande en ce point,
Corneille n'a eu garde de
luy donner des remords qui
ne pouvant estre le fruit
d'une vertu qu'elle avoit
absolument étouffée,n'auroit
esté que foiblesse dans
sonesprit & qu'inconstance
dans son coeur; loinqu'ils
eussent adouci son caractère
par raport au Spectateur;ils
luy auroient osté le merveilleux
attaché aux grands
crimes : cette détestable
constance qui brave les loix
est d'autant plus grande au
Theatre qu'elle inspire plus
d'horreur.
C'est pour cela que les remords
Infructueux de Rhadamiste
rendent son caractere
petit & peu digne du
Theatre, un homme qu'on
me represente le joüet des
plus noires fureurs, & des
plus beaux sentimens, qui
n'a pas la force de secouër
l'un ou l'autre joug, un
pareil caraétere est-il digne
de l'attention publique, &
n'estil pas aussi méprisable
dans ses remords, qu'il est
detestable dans ses crimes.
Jugez, Monsieur, par
ce que je viens de vous dire
combien le caraé1;ere de
Zenobie doit briller par
opposition à celuy de Rhadamiste
: on ne peut mettre
sur le Theatre plus de generosité
,
plus de constance,
& plus de toutes ces qualitez
qui forment une Heroïne,
j'aurais seulement souhaité
que son amour pour Arfame
eut esté plus vif, sa gloire
auroit esté plus grande à
le surmonter
, ce caractère
c11 d'ailleurs plein des plus
grandes beautez : j'admire
sur tout l'aveu qu'elle fait
de son amour pour Arsame
en presence de son époux:
j'aime avoir un Auteur de
nostre siecle faire revivre la
fage hardiesse du grand
Corneille,& sij'estime beaucoup
ce qu'il a fait, j'admire
encore plus ce qu'il est capable
de faire.
DEM **
SurlaTragedie de Rhadamiste&
deZenobie.
Vous me demandez ,
Monficur
, une Critique
exaéte de la Tragedie de
Rhadamiste* j'ay fait en la
lisant quelques Reflexions
dont j'espere quevous voudrez
bien vous contenter.
L'exposition du sujet
me paroist tres simple
pour la quantité de faits
dont elle est necessaire-
-
ment chargée
,
le recit
de Zenobie ne larenferme
pas toute entiere
Rhadamiste , vient l'achever
au sécond Aéte
,
dans le
rccit qu'il fait à Hieron
de quelques circonstances
que Zenobie ne peut pas
sçavoir :
il estoit bien
difficile d'éviter l'inconvenient
des répetitions,
en introduisant sur la
Scene deux personnes qui
racontent les mêmes faits:
l'Autcury a merveilleusement
réüssi. Rhadamiste
ne par le qu'en passant de
ceux donc Zenobie a déja
instruit sa Considence, &
seulement pour entrer avec
nettetédans ce que le Spectateur
ne sçait pas encore s'il
a donné dans cette occasion
une marque de sonhabileté,
sa délicatesse ne me paroist
pas moins grande dans le
récit qu'il fait faire à Zenobie
descruautez de Rhadamiste;
cette-Princesse garde
tous les ménagemens qu'elle
doit aux manes de son
époux ,&quand l'ordrede
son Di scours la conduit àce
moment horrible de sa vie,
où aprés avoir esté poignardée
,
elle fut jettée dans
l'Araxe; on diroit qu'elle
l'interrompt exprés pour
laisser ignorer à sa Considente
que son époux est l'Auteur
ducoup le plus barbare
que l'Histoire ait jamais
raporté; je ne sçay si ces sinesses
de l'art ont également
rciiffi dans tous les tfprKs ;
mais j'ay cru y trouver la
main de maistre.
A 'peine Zenobie a fini
son récit, qu'Arsameparoist
sur le Theatre: ce Prince
amoureux de Zenobie ne
peut plus supporter son
absence
,
&sans l'ordre
de Pharasmane son pere il
arrive dans sa Cour : Pharasmane
également charmé
de la Princesse la furprcnd
avec son fils: c'est-là que
son caractere commence à
se découvrir, peu arraché à
sesenfans par les sentimens
de la nature, rival pour eux
aussi dangereux que le plus
cruel ennemy ,
grand d'ailleurs
par son courage
, par son ambition
, & par -Ces
succés contre les Romains,
dont il n'est pas moins cnncmy
que Mithridate ,c'estce
me semble un fort beau
caractere,j'auroisvoulu seulement,
le trouver dans son
intrigue aussi fourbe ,&
aussiperside qu'il l'est dans rHIHoire;cnessèt l'artifice
n'est pas un des moindres
traits qui l'y caracterisenr,
& c'est à cetrait si négligé
dans la pieçequePharasmanme
deveoit lna coiureonn.e d'Ar-
Le second ACtc est ouvert
par Rhadamiste qui
arrive à la Cour de son
perc donc il se flatequ'il
ne sera pas. reconnu;chargé
des volontez du Senat il
vient de sa part deffendreà
Pharasmane d'aspirer à la
Couronne d'Armenie, il
opofe en fort beaux termes
les motifs qui ont engagé
les Romains à le nommer
leur A01baffadeur,&.
lesraisons qui l'ont porté à
demander cet honneur:
on y voit cette haine si violence
contre son pere , cet
amour furieux pour objet un qu'il desespere de
revoir jamais; c'est-là que
paroissent ces projets affreux
de vangeance, ces remords
pour des crimes passez
,
l'ardeur qui l'entraîne à des
crimes nouveaux: en un
mot on y trouve déja tout
son caractere qui doit se
développer par les circonstances
ou l'Auteur le place
dans le cours de la Tragédie.
C'est sur ce caractère que
je doit insister davantage,
c'est dans le contraste qu'il
fait avec celuy de Zenobie,
que l'Auteur a pris les plus
grandes beautezde sa Piece,
& sij'y trouve quelle dcffaut,
c'est sur tout dans ce
caractere que je les auray
cherchez
:
il mérite donc
une attention particuliers
que je luy donneray après
des reflexions plus generales.
Me voicy maintenant à la
Scene de l'Ambassade, elle
est bien digne d'un Ambassadeur
Romain,& Corneille
n'a pasce me femblc
fait parler Flaminius à Nicomede
avec plus de noblesse
& de dignité ; la manière
dont Pharasmane reçoit cet
Ambassadeur ne céde en
rien àcelle dont Nicomede
reçoitFlaminius: il en beau )de voir Pharasmane reprimer
l'orgueil des Romains,
jurqu'à traiter de fanfarons
ces Maistres du monde;
quel domageque l'Ambassadeurd'Armenie
rompe un
Discours qui ne finit pas à
l'honneur du Senat, on
attend une Sceneoù la grandeur
des Romains & celle
de Pharasmane soit soutenue
par les differens traits
qui les caraéterisent, & le
Spectateur ne peut souffrir
qu'un homme tel quHicron,
luy ostele plaisir d'entendre
deux Héros qui contcftent
de la grandeur, &
qui l'établissen0t sur l'opposition
de leurs interests, & de
leurs maximes: c'estencela
sur tout que la Scene entre
Nicomede & Flaminius est
admirable, en tâchant à
l'envy de diminuer la grandeur
l'un de l'autre: ils
se montrent tous deux si
grands que la Scene finit
sans que le Speétareur puisse
decider lequell'emporte ,si
l'Ambassadeurd'Arménie
estoitnecessaire icy comme
on le prétend, c'est une
necessité bien fatale à cette
Scene si digne d'une plus
belle fin.
Dans le troisiémeActe
Arsame quineconnoist pas
Rhadamistepour son frere,
vient luy demander son secours
pour Zenobie contre
les fureurs de Pharafmane , l'amour qu'il a pour cette
Princesse fait faire à ce
Prince vertueux & fidelle,
une démarche qui paroist
estre un peu contre son devoir
, le plaisir que Rhadamistesepropose
derenverfer
les projets d'amour d'un
pere qu'il deteste
, & sans
doute son penchant à prendre
des partis extrêmes,lui
font accepter avec transport
les propositions de son frere;
la haine qu'il aconçeuë contre
Pharafmane
, va jusqu'à
vouloir soustraire à son autorité
Ar same que les sentimens
de la nature &de laprobiré
ornent aux dépens de
toute sa famille. Un projet si
dénaturé révol te cette amc
si bien née, & l'exemple de
vertu que donne Arfame cn5
cette occasion, réveille des
remords dans le coeur du
plus grand des scelerats
c'est ainsi qu'en détestant
l'horrible caractere de Rhadamiste
, on admire celuy
d'Arsame qui feroit de plus
vives impressions dans le
coeur des Spéculateurs, s'ils
n'estoient pas accoutûmez
par les horreurs de son frère
à des mouvemens d'un autre
ordre.
Je passe à la Scene de la
reconnoinance, c'estàmon
avis la situation du monde
a plus interessante, ces deux
personnes
personnes autrefois si chercs
l'une à l'autre, & que l'action
la plus affreuse avoit
séparez, sont par leur réünion
un Spectacle bien
touchant à toute l'Assemblée.
Zenobie à qui la vertu
ne permet pas de méconnoistre
son époux, & dont
le bon coeur sent même du
plaisir à le retrouver ,excite
les transports de Rhadamille
; illuy promet d'effacer
tous ses forfaits à force
de vertus; les promesses
accompagnées de larmes
& de transports trouvent
grace devant le Spectateur
qui croit aux sermens de
Rhadai-nifle,&qui souhaite
de les luy voir observer;
parce que ceux en qui il
place son interest ne doivent
ny ne peuvent luy est suspeas
; si le Spectateur est
dans la suite la dupe de
ces sermens,c'est qu'en effet
il n'y a personne quinefut
trompé aux sentimens tendres,&
délicats que Rhadamiste
y fait paroistre : en
s'interessant pour luy on
0a fait que suivre le coeur
deZenobie qui s'attendrit
au Discours de son époux
tout barbare qu'elle le connoist
: je ne sçaurois trop
dire combien cette Scene
m'a paru belle Lorsque
Rhadamiste exagere l'horreur
de ses crimes à Zenobie
qui les luy pardonne, il
marque qu'illent bien vivement
une generosité si heroïque
,
il ne se trouve dans
ce moment si coupable que
parce qu'il est plus sensible à
la vertu de Zenobie
,
lorsqu'il
prétend en diminuer
l'horreur en les rapportant
tous à son amour excessif
les dispositions sont dans,
cet instant si contraires à
celles d'un scelerat qu'il ne
croit même pas qu'on ait
pu lettreautantqu'il l'a été,
le Spectateur touché de
tant de délicatesse
,
cesse de
lui imputer ses fortfaits,&
commence à les regarder
c?
comme des circonstances
malheureuses qui serviront
à son Heroîme : voilà l'efset
de cet espece de délicatesse
raisonée: elle est d'autant
plusaudessus de la simplevivacité,
quel'esprit &
le coeur en partagent également
le plaisir. >
Dans le quatrièmeActe,
Arsame vient chercher
Zenobie, allarmé de sa froideur
il s'en plaint à elle en
en amant respecteux , Zenobie
qui croit devoir du
moins payer son amour par
un aveu necessaireàson repos
luiaprend qu'elleest Zenobic,
& que l'Ambassadeur
Romain est son époux
, c'est un trait de generosité,
bien digne de cette Princesse
mais si malreçu de Rhadamiste
qu'ilestprêtd'éclater
contre elle,& contre son
frere ; le Spectateur se repent
alors de s'être interessépourlui,
il envisage de
continuels malheurs pour
Zenobie ; & fâché de voir
tant de vertus livrées à des
fureurs qu'il n'espere plus
de voir finir, il retracte
pour ainsi dire la joye que
lui a donné sa reconnaissance
, & souhaite quequelque
heureuse circonstance les separe
pour toujours, la vertu
deZenobie tire un merveilleux
lustred'une circonstancc
si désagrable d'ailleurs
pour clic; sa fermeté
,
son
courage&l'amourdu devoir
éclate dans le parti qu'elle
prend de suivre son époux.
Ils partent enfin, & Pharasmane
bien-tost averti de
leur fuite, court&s'en van;..
ge dans le fang de Rhadamiste,
qui vient rendre son
dernier soupir entre les bras
de Zenobie au milieu de toute
sa famille, Pharafmanc
qui le reconnaît fremit du
coup qu'illuy a porté; l'ignorance
ne diminuë point
assez à son gré l'horreur de
son crime, & il paraît ce
me semble bien touché d'une
mort qu'il avait autrefois
ordonnée avec tant de
barbarie; il cft bien Pere
en ce moment pour ne l'avoir
encore jamais été
, &
cet homme sur qui lanature
avoit eu jusques làsipeu
de pouvoir me paraît du
moins se démentir un peu: Quant à Rhadamiste il
meurt comme il a vécu, d'abord
il craint de répandre
le fang de son pere, & préféréla
mort à l'horreur du
parricide, c'était son, bon
intervalle qui ne dure pas
long-temps, un moment
après il accable la douleur
de son Pere loin de la respecter
, on ne devinerait
pas qu'un Fils qui craint
moins la mort que le parricide
,deust outrager un Pere
qui semontre tel pour la
premiere fois, dans ces derniers
moments où la nature
& la vertu se produisent.
plus que dans tous les ail*
très.
Un pareil caractere est
bien plein de bizarrerie, c'est
ici le lieu d'examiner s'il
convient au Theatre, Rhadamistefait
lui même son
portrait en ces termes :
Et que (fay
- je Hieron
J
furieux
,
incertain,
Criminelsans penchant
, vertueuxsans
dessein.
Jouet infortuné de ma douleur
extrême,
Dans l'état oùjefuismeconnais-
jemoi même
Mon coeur de soinsdiverssans
cesse combatu,
Ennemi duforfaitsans aimer
la vertu,
D'un amour malheureux déplorablevictime
S'abandonne au remord sans
renoncer au crime ;
Je cede au repentir, mais sans
en profiter
Et je ne me connois que pour
me detefler,cec.
S'il est vray que Rhadamisteest
criminel sans penchant,
Zenobie le connaît
mal, ou ne lui rend pas justicc
quand elle dit.
Je l'avouerai
,
sensible à sa
tcndrcjje extrême,
Je mefis un devoird'yreport«•
dre de même,
Ignorantqu'en effetsous des dehors
heureux
On peut cacher au crime un
penchant dangereux.
D'ailleurs ses crimes sont
trop noirs& en trop grand
nombre pour les rapporter
tous à sa jalousie ou aux circonstances
où il s'est trouvé;
il me semble que la fureur
qui l'anime contre son pere,
& qui peut le conduire jusqu'au
parricide, marque
un scelerat bien déterminé.
Quoi qu'il en foit la continuité
& l'uniformité de ses
remords m'étonnent; je ne
puis comprendre qu'il soit
si peu fait au crime
,
après
en avoir fait de si noirs.
Que les plus fameux criminelsayant
eu quelque fois
des retours je n'en fuis pas
surpris, ils ne franchissent
point de certaines bornes,
sans quelque effort qu'ils
doivent sentir ; mais qu'ils
detestent uniformement les
crimes dont ils ont une longue
habitude, de telle sorte
que les remords les caracterisent;
c'est ce qui me paroist
incroyable.
J avoue que les remords
que l'Auteur donne à son
Heros fondent l'interêt
que nous prenons à la Scene
de la reconnaissance ; mais
celle de la jalousie qui la
suit de près n'apprent elle
pas au Spectateur que Rhadamiste
en un phrenetique
dangereux qui a successivement
de bons & de mauvais
intervalles,avec lequel il
faut perpétuellement de
compter, qui ne merite ny
attention ny creance ny
iDtcrefi) était-ce la peine
de bâtirpourdétruire si
promptement; & ne valoiril
pas mieux réduire le mcrite
de la reconnoissance au
merveilleux de la furprifc
que fait naître larencontre
impreveüe de deux person-
- nes que de grands interests
unissent ouséparent ,il faloit
donc ou faire voir les fruits
de tant de remords,ou en
retrancher le principe, on
auroit sçeu à quoys'en tenir
avec Rhadamiste & nous
l'aurions aimé ou haï sans
risquer d'en estre un moment
la dupe: Cleoparre
ne s'estoit pas signalée par
plus de forfaits que Rhadamiste,
leur ressamblance est
assez grande en ce point,
Corneille n'a eu garde de
luy donner des remords qui
ne pouvant estre le fruit
d'une vertu qu'elle avoit
absolument étouffée,n'auroit
esté que foiblesse dans
sonesprit & qu'inconstance
dans son coeur; loinqu'ils
eussent adouci son caractère
par raport au Spectateur;ils
luy auroient osté le merveilleux
attaché aux grands
crimes : cette détestable
constance qui brave les loix
est d'autant plus grande au
Theatre qu'elle inspire plus
d'horreur.
C'est pour cela que les remords
Infructueux de Rhadamiste
rendent son caractere
petit & peu digne du
Theatre, un homme qu'on
me represente le joüet des
plus noires fureurs, & des
plus beaux sentimens, qui
n'a pas la force de secouër
l'un ou l'autre joug, un
pareil caraétere est-il digne
de l'attention publique, &
n'estil pas aussi méprisable
dans ses remords, qu'il est
detestable dans ses crimes.
Jugez, Monsieur, par
ce que je viens de vous dire
combien le caraé1;ere de
Zenobie doit briller par
opposition à celuy de Rhadamiste
: on ne peut mettre
sur le Theatre plus de generosité
,
plus de constance,
& plus de toutes ces qualitez
qui forment une Heroïne,
j'aurais seulement souhaité
que son amour pour Arfame
eut esté plus vif, sa gloire
auroit esté plus grande à
le surmonter
, ce caractère
c11 d'ailleurs plein des plus
grandes beautez : j'admire
sur tout l'aveu qu'elle fait
de son amour pour Arsame
en presence de son époux:
j'aime avoir un Auteur de
nostre siecle faire revivre la
fage hardiesse du grand
Corneille,& sij'estime beaucoup
ce qu'il a fait, j'admire
encore plus ce qu'il est capable
de faire.
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Résumé : REFLEXIONS DE M** Sur la Tragedie de Rhadamiste & de Zenobie.
Le texte est une critique de la tragédie 'Rhadamiste et Zénobie'. L'auteur admire la simplicité de l'exposition du sujet malgré la complexité des faits à traiter. Il apprécie l'évitation des répétitions grâce à l'introduction de personnages relatant les mêmes événements sous différents angles. La délicatesse avec laquelle Rhadamiste et Zénobie racontent leurs histoires est soulignée, notamment la manière dont Zénobie mentionne la cruauté de Rhadamiste avec ménagement. Le caractère de Pharasmane, le père d'Arsame, se révèle progressivement, bien que l'auteur regrette que Pharasmane ne soit pas aussi fourbe et perspicace dans la pièce qu'il l'est dans l'histoire. Le second acte commence avec Rhadamiste arrivant à la cour de son père en se dissimulant. Il est chargé par le Sénat romain de défendre les droits de Pharasmane sur la couronne d'Arménie. Rhadamiste exprime sa haine pour son père et son amour désespéré pour Zénobie, révélant ainsi son caractère complexe et ses projets de vengeance. L'auteur critique la scène de l'ambassade romaine, qu'il trouve digne mais interrompue de manière regrettable par l'ambassadeur arménien. Il admire la scène où Arsame demande de l'aide pour Zénobie contre Pharasmane, soulignant la vertu et la fidélité d'Arsame. La scène de la reconnaissance entre Rhadamiste et Zénobie est particulièrement touchante. Zénobie pardonne à Rhadamiste malgré ses crimes, émouvant le spectateur par cette générosité. Cependant, Rhadamiste retombe rapidement dans sa jalousie et sa fureur, décevant le spectateur. Dans le quatrième acte, Arsame découvre la véritable identité de l'ambassadeur romain, qui est Rhadamiste. Pharasmane, informé de la fuite de Rhadamiste et Zénobie, les poursuit et trouve Rhadamiste mourant. Pharasmane est touché par cette mort, contrairement à Rhadamiste qui, dans ses derniers moments, montre une bizarrerie de caractère en oscillant entre la crainte du parricide et l'outrage envers son père. L'auteur critique le caractère de Rhadamiste, le trouvant plein de bizarrerie et d'incohérence. Il juge les remords constants de Rhadamiste incroyables pour un criminel de son envergure, suggérant que la pièce aurait gagné en cohérence en montrant les fruits de ces remords ou en les supprimant complètement. Le texte souligne également que la faiblesse et l'inconstance d'un personnage ne le rendent pas admirable sur scène, car elles enlèvent le caractère extraordinaire des grands crimes. La constance dans le mal est plus impressionnante au théâtre car elle inspire l'horreur. Les remords infructueux de Rhadamiste sont critiqués car ils le rendent petit et indigne du théâtre, incapable de surmonter ses passions ou ses crimes. En opposition, le caractère de Zénobie est loué pour sa générosité, sa constance et ses qualités héroïques. L'auteur regrette seulement que son amour pour Arsame ne soit pas plus intense, ce qui aurait accru sa gloire en le surmontant. Zénobie est admirée pour son aveu d'amour en présence de son époux, une audace comparée à celle de Corneille. L'auteur apprécie l'œuvre et admire le potentiel de l'auteur pour de futures créations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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108
p. 125-134
JUGEMENT du Procés de la petite fille à deux meres, dont j'ai parlé dans le Mercure de Novembre. De Lion ce 20 Fevrier.
Début :
De Lion ce 20 Fevrier. Il seroit inutile de vous envoyer un dispositif [...]
Mots clefs :
Procès, Lyon, Enfant, Mères, Amour
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texteReconnaissance textuelle : JUGEMENT du Procés de la petite fille à deux meres, dont j'ai parlé dans le Mercure de Novembre. De Lion ce 20 Fevrier.
IIIe PARTIE
DU MERCURE.
HISTORIETTES
& autres Amusemens.
JUGEMENT du
Procés de la petitefille
à deuxmeres
,
dont
j'aiparlédansle Mercure
de Novembre.
De Lion ce 20 Fevrier.
'i Ilseroitinutiledevous
envoyer un dispositifennuïeux
de la Sentenceren
duë au sujet de la petite
fille à deux meres ,
suffit
de vous dire que la mere
mariéea estéreceuë à
prouver les faits par elle
articulezauprocés ;sçavoirquelle
avoit esté
grosse
,
quelle avoit à
laitél'enfant,&c. mais
par provision l'enfant a
estéremis entre les mains
de la merefille, qui le reclamoit,
& cela termine
le procés ; parce que la
mere mariée ditqu'ellen'a
pas le moyen depoursuivre,
& l'on Ifllit dans
la Ville, qu'outre qu'elle
riapas de preuvessuffisantes,
le pere qui estoit
si curieux d'avoir ligneé,,
n'aplusdegoustpourun
enfantéquivoque;&ainsi
l'on croit que leschoses
en demeureront là : au
reste
, vous m'avcZ-J demandé
avec instance les
particularitéssecrettesde
ce que vous appcfteZ-J dans
vostre Mercure. La circonfiance
la plus étcnante
de toute l'Histoire
,
l'on a vû la timide
Angelique cacher
en tremblant les suites de
son mariage secret, &on
la voit à present reclamer
publiquement le témoin
desa faute. Ellenecraint
plus de publier sa honte;
ce changement ne paroît
pas vrai-semblable, &c.
Je vous envoye, MonsieuryUsratjonssecrettes
qui rendentcet éclat vraipmblahLs,
y vousajufie-,
rez ces vevïtez^ak refle de
l'Histoire. Jesuis, &c.
FIN
De l'Histoire de Cleonte
& d*Angclique*
Angeliquenavoit aucunes eu aucunes nnoouuvveelllleess de ffbann
cherCleonte,depuis qu'el
le l'avoit vû partir pour
aller obtenir de son pere
la permission d'achever
ce mariage dont le commencement
avoitesté
trop précipité; Cleonte
en partant de Lion estoit
rempli d'amour & de
reconnoissance ; mais
tout cela se refroidit un
peu sur les chemins ; il y
a cent lieuës de Lion à
Paris, peu de jeunes
Cleontes peuvent porter
Ci loin un violent
amour sans en rien perdre
, &surtout un amour
heureux, celui-ci
aimoit pourtant encore
Angelique en arrivant à
Paris J mais il y trouva
son pere mort, il salut
heriter de cent mil écus ;
il fut sioccupé du plaisir
&de soins de cette grosse
succession,quiln'eut pas
leloisirde penser davantageàAngelique.
-
Aprés un oubli de quelques
années --;. Cleonte
tombamalade de la maladiedontil
mourut,&
avant sa more un de ses
amis lui aprit qu'il estoit
ressé à la pauvre Angélique
un gage vivant de
l'amour qu'elle avoiteu
pour lui ; il eftoiç honneste
homme à l'inconscontance
prés, & de plus
il alloitmourir ; il écrivitde
sa mainune espece
de Testament,par lequel
il époufoit Angelique
,
en laissant vingt mille
livres, dont la mere joüira
jusqu'a la majorité de
l'enfant, & de plus, une
forte pension à la mere
sa vie durant.
Cleonte mourut ensuite,
& surcette nouvelle,
Angelique fut agitée de
divers mouvemens,elle
apprend que son cher
Cleonte est mort ; mais
elle lavoit cru inconstant;
c'est encore pis
pour une femme; joignez
à cela le mariage posthume
qui reparc son
honneur, elle doit estre
un peu consolée ; quoi
qu'il en fair, ces raisons
l'ont obligée à reclamer
la petite fille, & à faire
cet éclat qui ne paroissoit
pas vrai-semblable dans
une fille sage & modèle.
DU MERCURE.
HISTORIETTES
& autres Amusemens.
JUGEMENT du
Procés de la petitefille
à deuxmeres
,
dont
j'aiparlédansle Mercure
de Novembre.
De Lion ce 20 Fevrier.
'i Ilseroitinutiledevous
envoyer un dispositifennuïeux
de la Sentenceren
duë au sujet de la petite
fille à deux meres ,
suffit
de vous dire que la mere
mariéea estéreceuë à
prouver les faits par elle
articulezauprocés ;sçavoirquelle
avoit esté
grosse
,
quelle avoit à
laitél'enfant,&c. mais
par provision l'enfant a
estéremis entre les mains
de la merefille, qui le reclamoit,
& cela termine
le procés ; parce que la
mere mariée ditqu'ellen'a
pas le moyen depoursuivre,
& l'on Ifllit dans
la Ville, qu'outre qu'elle
riapas de preuvessuffisantes,
le pere qui estoit
si curieux d'avoir ligneé,,
n'aplusdegoustpourun
enfantéquivoque;&ainsi
l'on croit que leschoses
en demeureront là : au
reste
, vous m'avcZ-J demandé
avec instance les
particularitéssecrettesde
ce que vous appcfteZ-J dans
vostre Mercure. La circonfiance
la plus étcnante
de toute l'Histoire
,
l'on a vû la timide
Angelique cacher
en tremblant les suites de
son mariage secret, &on
la voit à present reclamer
publiquement le témoin
desa faute. Ellenecraint
plus de publier sa honte;
ce changement ne paroît
pas vrai-semblable, &c.
Je vous envoye, MonsieuryUsratjonssecrettes
qui rendentcet éclat vraipmblahLs,
y vousajufie-,
rez ces vevïtez^ak refle de
l'Histoire. Jesuis, &c.
FIN
De l'Histoire de Cleonte
& d*Angclique*
Angeliquenavoit aucunes eu aucunes nnoouuvveelllleess de ffbann
cherCleonte,depuis qu'el
le l'avoit vû partir pour
aller obtenir de son pere
la permission d'achever
ce mariage dont le commencement
avoitesté
trop précipité; Cleonte
en partant de Lion estoit
rempli d'amour & de
reconnoissance ; mais
tout cela se refroidit un
peu sur les chemins ; il y
a cent lieuës de Lion à
Paris, peu de jeunes
Cleontes peuvent porter
Ci loin un violent
amour sans en rien perdre
, &surtout un amour
heureux, celui-ci
aimoit pourtant encore
Angelique en arrivant à
Paris J mais il y trouva
son pere mort, il salut
heriter de cent mil écus ;
il fut sioccupé du plaisir
&de soins de cette grosse
succession,quiln'eut pas
leloisirde penser davantageàAngelique.
-
Aprés un oubli de quelques
années --;. Cleonte
tombamalade de la maladiedontil
mourut,&
avant sa more un de ses
amis lui aprit qu'il estoit
ressé à la pauvre Angélique
un gage vivant de
l'amour qu'elle avoiteu
pour lui ; il eftoiç honneste
homme à l'inconscontance
prés, & de plus
il alloitmourir ; il écrivitde
sa mainune espece
de Testament,par lequel
il époufoit Angelique
,
en laissant vingt mille
livres, dont la mere joüira
jusqu'a la majorité de
l'enfant, & de plus, une
forte pension à la mere
sa vie durant.
Cleonte mourut ensuite,
& surcette nouvelle,
Angelique fut agitée de
divers mouvemens,elle
apprend que son cher
Cleonte est mort ; mais
elle lavoit cru inconstant;
c'est encore pis
pour une femme; joignez
à cela le mariage posthume
qui reparc son
honneur, elle doit estre
un peu consolée ; quoi
qu'il en fair, ces raisons
l'ont obligée à reclamer
la petite fille, & à faire
cet éclat qui ne paroissoit
pas vrai-semblable dans
une fille sage & modèle.
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Résumé : JUGEMENT du Procés de la petite fille à deux meres, dont j'ai parlé dans le Mercure de Novembre. De Lion ce 20 Fevrier.
Le texte décrit un procès impliquant Angelique et son enfant, né d'une relation secrète avec Cleonte. Deux mères se disputent la garde : la mère biologique, Angelique, et la mère adoptive. Angelique n'a pas pu prouver sa grossesse et l'allaitement, ce qui a conduit à la garde de l'enfant par la mère adoptive. Angelique a abandonné le procès, probablement en raison du manque de preuves et du désintérêt de Cleonte. La relation entre Angelique et Cleonte a commencé par un mariage secret, mais Cleonte a changé d'avis en route vers Paris, où il a hérité d'une fortune et oublié Angelique. Des années plus tard, malade, Cleonte a reconnu Angelique et leur fille dans un testament, leur laissant une somme d'argent et une pension. Après sa mort, Angelique a réclamé l'enfant, déclenchant le procès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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109
p. 147-154
« A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Début :
A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...]
Mots clefs :
Sang, Amour, Mariage, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Apropos de cette Enig.>,,
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
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Résumé : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Un jeune Anglais, logeant dans une auberge du faubourg Saint-Germain, s'éprend de la fille de l'aubergiste, qui refuse toute relation hors mariage. Le père du jeune homme menace de le déshériter s'il l'épouse. Désespéré, le jeune Anglais tombe gravement malade. Le médecin Guenaut diagnostique l'amour et la fièvre dans son sang et prescrit des saignées. Après plusieurs saignées, le jeune homme survit malgré l'abandon des médecins. Informé, le père arrive de Londres et promet le mariage pour sauver son fils. Cependant, il reconsidère sa décision et s'oppose au mariage à mesure que la santé du jeune homme s'améliore. La passion du jeune homme, fondée sur la beauté, s'estompe avec son sang et ne revient que faiblement. Finalement, la raison et le père prévalent, et le jeune homme renonce à la belle aubergiste. Cette histoire montre comment l'amour, surtout celui basé sur la beauté, peut être influencé par des changements physiques.
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110
p. 163-166
I. QUESTION.
Début :
S'il vaudroit mieux ne point voir celle qu'on [...]
Mots clefs :
Âge, Aimer, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : I. QUESTION.
QUESTION.
S'il vaudroit mieux ne
point voir celle qu'on
aime,que de la voir indifférente
à nostre Amour.
II,QUESTION.
Jusqu'à quel âge l'Amour
doit l'emporter sur
la Raison;cest-à-dire à
quel âge on doit commencer
d'aimer
-
fagemène.
III. QUESTION.
S'il est raisonnable
de haïr celle qui nous a
charlué, quand elle nous
méprise.
IV. QUESTION.
Lequel estle moins fâcheux
d'aimer une periorïne
dont le coeur est
déjà touché d'une autre
passion, ou une dont le
acoevur eost iincrap.able d'en
V.QUESTION.
S'il vaut mieux estre;
aimé, que d'estre aimable.
S'il vaudroit mieux ne
point voir celle qu'on
aime,que de la voir indifférente
à nostre Amour.
II,QUESTION.
Jusqu'à quel âge l'Amour
doit l'emporter sur
la Raison;cest-à-dire à
quel âge on doit commencer
d'aimer
-
fagemène.
III. QUESTION.
S'il est raisonnable
de haïr celle qui nous a
charlué, quand elle nous
méprise.
IV. QUESTION.
Lequel estle moins fâcheux
d'aimer une periorïne
dont le coeur est
déjà touché d'une autre
passion, ou une dont le
acoevur eost iincrap.able d'en
V.QUESTION.
S'il vaut mieux estre;
aimé, que d'estre aimable.
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Résumé : I. QUESTION.
Le texte explore cinq questions philosophiques sur l'amour et les émotions. Il examine si préférer ne pas voir une personne indifférente est mieux, jusqu'à quel âge l'amour doit primer sur la raison, la rationalité de haïr après un mépris, les désagréments d'aimer une personne engagée ou incapable d'aimer, et s'il est préférable d'être aimé ou aimable.
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111
p. 314-324
EPITHALAME nouvelle POUR Monsieur le Comte de Chastillon, & Mademoiselle Voysin.
Début :
Quelle merveille on voit dans ce séjour ? [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Comte de Châtillon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME nouvelle POUR Monsieur le Comte de Chastillon, & Mademoiselle Voysin.
EPITHALAME
nouvelle
POUR Monsieur le
Comte de Chastillon,
Mademoiselle Voy-
,
fin.
Quclle merveille on voit
dans ce sejour?
On y confond Hymen avec
l'Amour.
Jadis rivaux, ces Dieux en
mainte plage
Se molestoient par four bes
& combats;
Oncqucsne fut entre Rome
& Carthage
Tant de discord ;mais enfin
leurs débats
Sont terminez à commun
avantage.
Plus d'un Epoux me dénira
le cas:
Tout Mécreant se taira s'il
en sage,
Secrets chagr ins en fait de
Mariage
A Confidens ne se révèlent
pas;
Car Confidens en font souventusage,
Ddij
Qui des Conjoints augmente
l'Altercas.
Sous plus d'un coic les Amours
font fracas;
On n'entend pas crier à chaque
étage
, Quelle merveille on voit
dans ce séjour!
On y confond Hymen avec
Amour.
Ces Dieux d'accord ont
broüllé leur bagage,
Les deux enfans de ladite
Cypris
Ne seront plus connus à
l'équipage.
Quand guerroyoient ensemble
au temps jadis,
Non moins divers en leurs
faits qu'en leurs dits,
L'un serieux & quelquefois
sauvage,
Cherchant son aise & n'ufant
que de Lis;
Bien emplumez, l'autre
escorté des Ris,
Peu façonnier
)
aimant le
ba)dinage,
A fin Duvet préferant verd
Tapis,
Qui les eut cru gens de
mêmelignage, Irtgnage ?
Mais à presentquecesnouveaux
amis
Chez Chastillon ne font plus
qu'un Ménage,
Quelle merveille on voit
dans ce séjour?
On y confond Hymen avec
Amour.
Le jeune objet que ces Rivaux
engage
As'entr'aimer, porte coups
si chéris,
Que Scythe n'est qui ne s'en
trouve épris,
Tost ne devint un tendre
Abencerrage.
Dieux:quelle Feste ! ô nô ces
,
deThetis,
Vous n'en citiezqu'une imparfaite
Image;
Discorde ici n'excitera d'orage
Si pomme d',or s'y jette comme
prix
De la Beauté :
besoin nest
de Paris ;
Amour
,
Hymen,vous en
ferez hommage
Aux yeux charmans qui
vous ont réunis,
Et cet Arrestapprouvé par
Thecis
, Censé fera statut d'Areopage.
Que de beaux jours cet
heureux jour présage!
Vostre union console maint s
Maris,
Qui routes fois n'y trouveront
je gage,
Profit aucun enchantez & - surpris,
-
Ils vont par tout redire au
voisinage,
Quelle merveille on voit en » ce séjour!
On y confond Hymen avec
Amour.
Ou'en s'acordant ces Dieux
font digne ouvrage?
Guerrier aimable autant que
genereux,
De leur Traité Chastillon
estlegage;
Pas ne pouvoient avoir pltis
noble ôtage,
Il est issu de ces Princes f-,>
meux,
Que Loire vit jadis sur [on
rivage
Regner dans, Blois leur scal
pour héritage,
Comtes puissantsdont Cadcts
valeureux,
Gueldre ôc Bretagne eurent
pour appanage Seul rejetton du f,ang do
tant de Preux;
Aux Souverains de la Seine
&duTage,
Il est lié par cent illustres
noeuds.
Biensoûtiendra par faits
chevalureux
De ces grands noms le brillantassemblage
, Et bien sçauralaisser dignes
Neveux.
Or donc Epoux ne tardez
davantage,
Plus ne vous faut de cortège
facheux,
Cupidon seul vous servira
de Page;
Allez d'Hymenvanger l'antiqueoutrage
, Rétablissezla gloire de ses
feux,.
Et rassurez qui craint son
esclavage
,
Si que Mortels préconisant
entr'eux,
Vos coeurs constans, bien
que toûjours heureux,
Cent & cent fois repetent
cc langage,
Quelle merveille on voit
dans ce sejour!
On yconfond Hymenavec
Amour.
Charles Chastillon
,
Duc
deBretagne l'an 1341. IL
fils de Guy, 1e. du nom, Comte de Blois,&de Marguerite
de Valois, soeur du
Roy Philippe de Valois.
„ Jean deChastillon Duc de
Gueldre
,
l'an
1 372.. 1 r'
fils de Louis Ie. du nom, Comte de Blois,&deJeanne
de Hainaut..
Par Gaucher de Chastillon,
Ve. dunom
,Comte
de Porccau, &Connestable
de France sous six Rois.
nouvelle
POUR Monsieur le
Comte de Chastillon,
Mademoiselle Voy-
,
fin.
Quclle merveille on voit
dans ce sejour?
On y confond Hymen avec
l'Amour.
Jadis rivaux, ces Dieux en
mainte plage
Se molestoient par four bes
& combats;
Oncqucsne fut entre Rome
& Carthage
Tant de discord ;mais enfin
leurs débats
Sont terminez à commun
avantage.
Plus d'un Epoux me dénira
le cas:
Tout Mécreant se taira s'il
en sage,
Secrets chagr ins en fait de
Mariage
A Confidens ne se révèlent
pas;
Car Confidens en font souventusage,
Ddij
Qui des Conjoints augmente
l'Altercas.
Sous plus d'un coic les Amours
font fracas;
On n'entend pas crier à chaque
étage
, Quelle merveille on voit
dans ce séjour!
On y confond Hymen avec
Amour.
Ces Dieux d'accord ont
broüllé leur bagage,
Les deux enfans de ladite
Cypris
Ne seront plus connus à
l'équipage.
Quand guerroyoient ensemble
au temps jadis,
Non moins divers en leurs
faits qu'en leurs dits,
L'un serieux & quelquefois
sauvage,
Cherchant son aise & n'ufant
que de Lis;
Bien emplumez, l'autre
escorté des Ris,
Peu façonnier
)
aimant le
ba)dinage,
A fin Duvet préferant verd
Tapis,
Qui les eut cru gens de
mêmelignage, Irtgnage ?
Mais à presentquecesnouveaux
amis
Chez Chastillon ne font plus
qu'un Ménage,
Quelle merveille on voit
dans ce séjour?
On y confond Hymen avec
Amour.
Le jeune objet que ces Rivaux
engage
As'entr'aimer, porte coups
si chéris,
Que Scythe n'est qui ne s'en
trouve épris,
Tost ne devint un tendre
Abencerrage.
Dieux:quelle Feste ! ô nô ces
,
deThetis,
Vous n'en citiezqu'une imparfaite
Image;
Discorde ici n'excitera d'orage
Si pomme d',or s'y jette comme
prix
De la Beauté :
besoin nest
de Paris ;
Amour
,
Hymen,vous en
ferez hommage
Aux yeux charmans qui
vous ont réunis,
Et cet Arrestapprouvé par
Thecis
, Censé fera statut d'Areopage.
Que de beaux jours cet
heureux jour présage!
Vostre union console maint s
Maris,
Qui routes fois n'y trouveront
je gage,
Profit aucun enchantez & - surpris,
-
Ils vont par tout redire au
voisinage,
Quelle merveille on voit en » ce séjour!
On y confond Hymen avec
Amour.
Ou'en s'acordant ces Dieux
font digne ouvrage?
Guerrier aimable autant que
genereux,
De leur Traité Chastillon
estlegage;
Pas ne pouvoient avoir pltis
noble ôtage,
Il est issu de ces Princes f-,>
meux,
Que Loire vit jadis sur [on
rivage
Regner dans, Blois leur scal
pour héritage,
Comtes puissantsdont Cadcts
valeureux,
Gueldre ôc Bretagne eurent
pour appanage Seul rejetton du f,ang do
tant de Preux;
Aux Souverains de la Seine
&duTage,
Il est lié par cent illustres
noeuds.
Biensoûtiendra par faits
chevalureux
De ces grands noms le brillantassemblage
, Et bien sçauralaisser dignes
Neveux.
Or donc Epoux ne tardez
davantage,
Plus ne vous faut de cortège
facheux,
Cupidon seul vous servira
de Page;
Allez d'Hymenvanger l'antiqueoutrage
, Rétablissezla gloire de ses
feux,.
Et rassurez qui craint son
esclavage
,
Si que Mortels préconisant
entr'eux,
Vos coeurs constans, bien
que toûjours heureux,
Cent & cent fois repetent
cc langage,
Quelle merveille on voit
dans ce sejour!
On yconfond Hymenavec
Amour.
Charles Chastillon
,
Duc
deBretagne l'an 1341. IL
fils de Guy, 1e. du nom, Comte de Blois,&de Marguerite
de Valois, soeur du
Roy Philippe de Valois.
„ Jean deChastillon Duc de
Gueldre
,
l'an
1 372.. 1 r'
fils de Louis Ie. du nom, Comte de Blois,&deJeanne
de Hainaut..
Par Gaucher de Chastillon,
Ve. dunom
,Comte
de Porccau, &Connestable
de France sous six Rois.
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Résumé : EPITHALAME nouvelle POUR Monsieur le Comte de Chastillon, & Mademoiselle Voysin.
Le texte est un épithalame célébrant le mariage de Monsieur le Comte de Chastillon et de Mademoiselle Voy-. Il met en avant l'union harmonieuse entre Hymen et Amour, comparée à la paix entre Rome et Carthage. Le texte souligne la difficulté de percer les secrets des mariages et les risques de confidents augmentant les altercations. Le jeune couple est décrit comme un modèle d'amour, capable de charmer même les plus durs. Leur fête d'union est célébrée comme plus belle que celles des dieux, et des beaux jours sont prédits pour eux. Le Comte de Chastillon est loué pour sa noblesse et ses illustres ancêtres, incluant Charles Chastillon, Duc de Bretagne en 1341, Jean de Chastillon, Duc de Gueldre en 1372, et Gaucher de Chastillon, Connétable de France sous six rois. Le texte se termine par une exhortation à célébrer leur union avec l'aide de Cupidon, rétablissant la gloire du mariage et rassurant ceux qui craignent son esclavage.
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112
p. 1-70
AVANTURE amoureuse, dont je viens de parler dans le Journal de Madrid.
Début :
Il y avoit à Madrid un petit vieillard Espagnol fort [...]
Mots clefs :
Amour, Vieillard, Mariage, Fille, Couvent, Madrid, Archiduc, Amie, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE amoureuse, dont je viens de parler dans le Journal de Madrid.
AVANTURE
amoureuse, dont jeviens
deparler dans le Journal
de Madrid.
*
I y avoità Madrid
un petit
vieillard Espagnol fort
passionne pour la Maison
d'Autriche,& cet
attachement n'estoit
que tres louable dans le
temps que la Maison
d'Autriche possedoit légitimement
la Couronne
d'Espagne ; ce vieillard
estoit nouveliste
de profession, non pas
de ces nouvelistes équitables
& censez que je
hante volontiers : mais
decesnouvelistes frondeurs
qui débitent leurs
prejugez malins pour
des faits averez ,
chagrins,
incrédules dans
lesévenemens avantageux
à leur Patrie; &C
triomphans d'un malheur
public qu'ils auront
deviné par hazard,
comme si c'estoit l'ouvrage
de leur politique
rafinée.
Ce petit vieillard Autrichien
avoit jette les
yeux sur un Espagnol
de sa cabale) pour marier
une hiletrèsaimablequ'il
avoit, cetEspagnol,
qui se nommoit
D.Diegueavoit gagné
le coeur du pereen luy
apprenant toujours le
premier les mauvaises
nouvelles
, en traitant
les bonnes de visions &
se déchaînant avec fureur
contre le Gouvernement
present dePhilippeV.
ensortequ'étant
venu un jour lui aprendre
la défaite de l'armee
de ce Prince, dans
la bataille deSa-ragoffe,
ce mauvais Espagnol
en fut si transporté de
joye qu'il l'embrassa
tendrement,&luy promit
déstors sa fille en
mariage pour prix d'une
si bonne.nouvelle.
Cette charmante fille
se nommoit Dorotée ,
elle estoit aussi judicieuse
que son pereestoit
entjesté. Dorotée ne se
croyoit pas si habile que
quelquesunes de nos
Dames qui decident à
present des droits &
des démêlez des Princes.
ellen'eutpris aucun
party entre l'Archiduc
& PhilippeV.sicertain
Cavalier aimable, fort
attaché à cedernier.,
ne l'eût déterminée
dans la fuite pour ce
Roy légitimé.
Un jour ce Cavalier
qu'onappelloit Don
Pedre, après toutes les
attentions dun amant
respedueux, s'étant enfin
flatté de n'estre pas
haï de Dorotée luy déclara
son amour, Dorotée
en rougit, elle baissa
les yeuX)8C ne repondit
rien, c'est ce qu'-
on peut faire de mieux
pour un amant, sur sa
première déclaration
il en fit plusieurs , autres,
ilfaloit bien en fin
qu'elle s'expliqua, elle
ne voyoit rien à desirer
en luyque dela confiance
, elle se défioit naturellement
de celle des
hommes, c'estoit son
faible; si toutes les femmes
avoient ce faible:,
illes çueriroit de bien
d'autres; Dorotee ne
put s'empêcherdédire
à Don Pedre tout ce
qu'elle craignoitlà-defsus
, il répondit à ses
craintes par des sermens
; c'est la réponse
ordinaire: il luy jura
que sa fidélité pourelle
feroit aussi inviolable
que celle qu'il avoit
pour son Roy, c'estoit
là son sermentle plus
familier. Cet Espagnol
zélé ne juroit que par
son Roy.
Dans lemomenr que
Don Pedre prononça
avec transport le nom
de Philippe V. Dorotée
s'écria tout à coup, ah
nous sommes perdus !
ensuiteelle luyditavec
douleur que ion pere
neferoic jamaisd'alliance
avec un fidele sujet
de Philippe V. ah,
Dorotée
,
s'écriat-il à j
son tour, pourquoy estes-
vous si charmante,
j'avois juré que je ne
ferois jamais nulle liaison
avec les Partisans
entêtez del'Archiduc;
il faudra donc me faire
la violence decacher à
vostre pere mon zele
pour mon Roy.
,.
cela
ne suffira pas, reprit
Dorotée en le regardant
tendrement, vous
n'obtiendrez jamais
rien de luy si vous ne
feignez. moy feindre!
reprit brusquement le
franc castillan, les deux
amans se regardèrent
quelques temps sans
rien dire. Don Pedre
ne pouvoit se resoudre
à feindre, & Dorotée
n'osoit exiger de luy
unsi grandsacrifice, ils
se quicterécfortaffligez
de l'obstacle invincible
qu'ils voyoient à leur
union,& lejurerent qu'-
aumoins rien ne les pouroit
empêcher de s'aimer
lereste de leur vie.
Quelques jours sécoulerent,&
Don Pedre
les passoit à rêver
auxmoyens dont il
pourroit user pour gagner
le pere, sans commettre
sa sincerité ; ce
vieillardn'estoit
• pas
riche, il n'avoit que le
desir des richesses, &
l'avarice estoit sa plus
force passion après celle
de reformer le Gouvernement
; nostrejeune
Espagnol avoir de
grands biens, il acheta
exprésde quelqu'un je
ne sçai quel contrat
qui le mir en liaison
d'affaire avec le vieillard,
il eut occasionpar
làdeluy faire ledétail
de les grands biens, &
deluimontrer plusieurs
contrats,tîtres & papiers,
le hazard fit qu'en
tirant d'unportefeüille
ces papiers, il s'y trouva
une lettre ouverte, où
le vieillardapperçut ces
mots. Du Campdel'archiduc
ce 20. Aouct.
Cette date estoit fraîche,
quelle amorce pour
un nouveliste!Il se jeta
sur cette lettre, qu'il
connut estre de l'écriture
d'un zélé Espagnol
rebele, qui estoitdu
Conseil secret de Stanope,
il crut fermement
par cette lettre que
Don Pedre avoir des
intelligences secrettes
dans le parti de l'Archiduc.
Don Pedre eut
beau luy protester qu'il
estoit bon Espagnol,
je ne suis point surpris,
luy dit le vieillard en
riant, qu'ayant quantité
de biens qui dépendent
du Gouvernement
prelent
, vous cachiez
avec foin vos intrigues
secretes avec ceux de
mon parti. Plus, Don
Pèdres'obstinaà paroître
ce qu'il estoit,plus
l'autre Je crut ce qu'il
desiroit qu'il fût, caril
commençoit à l'aimer
parce qu'il le voyoit
très-riche. -
Pour expliquer icy
comment cette lettre
s'estoit trouvée entre
les mains de Don Pedre
, ilfaut reprendre
son hiftoiredeplus loin,
il avoit esté destiné par
son pere à une veuve
Espagnole,nommée
Elvire, encore jeune&
belle : mais que Don
Pedre n'avoit jamais
aimée, à qui même depuis
la mort de son pere
il avoit: fait comprendre
qu'il ne pouvoir jamais
se resoudre d'encrer
dans une famille ennemie
de son Prince, &
le frere d'Elvire estoit
Colonel dans l'armée
ennemie; c'estoit justement
de luy que v£-
noit la lettre en question
: Les nouvelles que
ce frere nlandoit..ectoient
tres - mauvaises
pour Philippe V. Elvire
les montroit avec
soinà Don Pedrepour
luy persuader de s'attacher
à l'Archiduc qui
alloit estre son Souverain,
car elle estoit
persuadée que la difference
des partis estoit
le seul obstacle qui s'oppofoit
à son mariage
avec DomPedre.
Ce fidele & sincere
Espagnol se trouveicy
dans une situationbien
delicate : Elvire luy
donnoit tous les jours
par ces lettres des détails
qui l'affligeoient
beaucoup, parce qu'ils
estoient malheureux
pour son Roy: mais
ils estoient heureux
pour ton amour,car en
les faisant voir au petit
vieillard Autrichien,
il alloit obtenir de luy
Dorotée,j'eusse voulu
demander en cette occasion
à Don Pedre si
dans le fond du coeur il
souhaitoit de voir cesser
latriste cau se qui produisoit
un si bon effet,
il m'eût répondu sans
doute qu'il ne pouvoit
démêler un sentiment
si de licat à travers un
amour violent, il se
contentoit de jurer sincerement
qu'il seroitau
desespoir si l'Archiduc
depossedoit Pbilippe V.
mais s'il efloit bien aise
qu'on le crût sur sa parole,
c'est la question:
quoyqu'il en soit il fit
si bien que le pere de
Dorotée luy donna sa
parole : mais la difficulté
estoit de retirer celle
qu'il avoit donnée au
premier, il netrouvapoint
de pretexte plus
specieux pour sauver
Ton honneur que de
mettre sa fille dans un
Convent, comme siellet
eût voulu se faire Religieufe,
Don Diegue
alarmé vint se plaindre
à son beau-pere, qui
luy dit qu'en conscience
ilne pouvoit empêcher
sa fille d'embrasser
un estatoù elleestoit si
bien appellée, &' de
peur qu'on ne découvrit
le veritable motif
d'une vocation si subite
y il défenditàDon
Pedre d'aller voir Dorotée
auConvent,jusqu'à
ce que Don Diegue
sefut rengagé dans
un autre Mariage qu'il
avoit rompu pour celui-
ci, pour lors dit le
petit vieillard, ce fera
lui qui manquera de
parole & non pas moi.
Dorotée entra donc
dans le Convent [ûre
ducoeurde Don Pedre,
dont Elvire estoit prcfqne
sûre aussi, elle en
jugeoit par l'empressement
qu'elle lui voyoic
de tirerd'elle des lettres
qui lui apprenoient la
défaite de l'armée de
Philippe V. il fera bientôt
du parti du Vainqueur,
disoit-elle en
elle-même, & il m'aimera
sans doute dés
qu'il n'aura plus cet attachetachement
à Philippe
V. qui l'empêchoit
d'en avoir pour moy;
c'estainsi qu'elle se flattoit,
lors qu'une amie
quelleavoit dans le
même Couvent où estoit
Dorotée, lui dit
qu'elle avoit surpris sur
la table de cette aimable
compagne, une lettre
fort tendre,signée
DonPedre; Elviresça.
voit d'un autre côté
que D. Diegue moins
riche avoit esté congédié
par lePere avare,
sa penetration lui fit
deviner le reste, & son
caractere artificieux &
interessé lui fit former
sur tout cela un projet
qui lui réussit comme
vous allez voir.
Premièrement, elle
prit le parti de ne point
témoigner à Don Pedre
qu'elle estoit informée
de son engagement
avec Dorotée;
cet eclaircissement n'eût
rien produit, elle sçavoit
agir bien plus finement
; cette amie,
qu'elle alloit voir au
Couvent,s'y estoit retirée
parce qu'elleétoit
pauvres El vire lui promit,
pour adoucir les
chagrins de sa retraite,
une pension considerable,
si elle vouloit lui
aider à époufer le riche
Don Pedre, & elles
convinrent du rolle
qu'elles jouëroiet pour
venir à bout de leur
dessein.
Cette amie d'Elvire
estoit complaisante,
insinuante, c'estoit la
flateuse du Couvent,
il en faut bien au moins
une dans une Communauté
pour amadouer
les nouvelles venues;
elle plaisoit assez à Dorotee,
qui commençoit
à s'ennuyer destre separée
de Don Pedre,
& qui mouroitd'envie
d'avoir une confidente
pour parler au moins
de celui qu'elle ne pouvoit
voir, celle-ci n'ayant
d'autre but que
de s'attirer .cette confidence
, l'amitié fut
bien-tôt liée entr'elles,
elles ne se quittoient
plus.
Ce-tte compagne
chagrine naturellement
par la mauvaise
situation de ses assai,
res, aflfcéta de le paroître
encore davantage,
& Dorotée l'ayant un
soir pressee de lui dire
la cause de ses chagrins
helas répondit-elle,en
soupirant, les chagrins
de la plus part des
femmes sont causez par
l'inconstance des hommes
; ce mot fit quelque
impression sur le
coeur de Dorotée, qui
par hazard n'avoit
point receu ce jour la
deletrre de son amant,
enfuiré la fausse affligée
se plaignit de l'insidelité
du ifen,& fit Ltdessus
le récit d'une
avanture ajustée au Cujet,
qui tira des larmes
de Dorotée,&qui donna
occasion à l'autre de
se déchaîner contre les
hommes, & contre la
crédulité des femmes
qui osent s'y fier; comme
cette matiere fournit
beaucoup à la conversation
des Dames,
les deux amies le couchèrent
fort tard,
toutes ces idées d'inconfiance
ne laisserent
pas de troubler un peu
le sommeil de Dorotée;
elle ne vit en songe que
des inconstans & tous
ressèmbloient à celuy
dont elle avoit l'imagination
frappée; elle se
réveillaassez inquiete,
mais une lettre fort tendre
qu'elle reçut le matin
de Don Pedre la rassura,&
luy fîtcomprendre
combien il est ridicule
d'ajouter foy aux
songes.
Le lendemain Elvire
vint sçavoir au Couvent
quel progrès avoit
fait son amie, elles en
parloient ensemble lors
que Dorotée, qui ne
pouvait, plus estre un
moment sans sa confidente,
vint la chercher
au Parloir;larusée fit figne.
à Elvire de partir;
& assectant d'avoir eu
quelque dispute avec
celle qui fuyoit,ellese
leva brusquement avec
un reste de colere affeaée,
vous me voyez fâ.
chée; dit-elle à sa compagne,
mais tres fâchée
contre cette amie a qui
je voudrois bien épargner
des chagrins pareils
à ceux qui m'accablent,
elle cft aimée
d'un jeune Cavalier,
elle lui a avoue quelle
l'aimoit, elle en va faire
un infidèle,cela ne
peut lui manquer, Dorotée
eut d'abord cette
curiosité qu'une femme
a toûjours de sçavoir
l'intrigue d'un autre,
mais celle-ci lui remontra
qu'on ne doit jamais
exiger d'uneamie
le secret d'une autre amie,
parce que d'amie
en amie les secrets les
plus cachez font divulguez
par toute une
Ville, elle fit ainsi la
discrete pendant le reste
du jour, mais enfin
sur le foir elle se laissa
vaincre par la tendresse
qu'elle juroit à Dorotée,
& lui appritavec
cent circon stances étudiées
8c interessantes,
l'intrigue d'Elvire &
d'un Cavalier qu'elle
ne nommoit point d'abord
,mais après avoir
fait un portrait, dont
chaque trait de reiférnblance
perçoit le coeur
de Dorotée, elle luy
porta le coup de Poignard
en luy nommant
Don Pedre., à ce mot
Dorotée tomba presque
évanoüie, & l'au-
-
tre feignant de ne s'en
pas appercevoir lui dit
en se levant brusquement,
ah Ciel! jecroy
que j'entends sonner
rnitiait-on nes'ennuye
point avec vous, à demain
, chere amie, à
demain, je vous apprendrayqui
est ce D.
Pedre.
On peut s'imaginer
a peu prés comment
Dorotée passa la nuit,
on lui apporta le matin
une lettre de Don Pedre
, persuadée de sa
froideur, elle croyoit
la voir dans quelques
endroits moins tendres
que les autres, él ce
qu'il y avoit de plus
passionné lui paroissoit
outré par affectation,
elle ne voyoit que perfidie
enveloppée, que
trahison cachée fous des
expressions que l'amour
seul avoit diétées à cet
amant sincere, enfin
elle expliqua sa lettre
comme on explique
presque tout, selon les
idées dont on est prévenu;
elle prit d'abord
la plume pour lui faire
une réponse fulminante,
mais elle fit reflexion
que les reproches
ne font point revenir
un infidele,il n'estquession
que de se bien asseurer
s'ill'estréellement,
& de prendre
enfuire le parti de l'oublier
si l'on peut.
Dorotée avoit beaucoup
de confiance en
un valet de son pere qui
lui apportoit les lettres
de Don Pedre, c'estoit
un ancien domestique,
dune fidélité sûre,elle
le chargea d'examiner
toutes les démarches
de Don Pedre, & illui
rapporta dés le lendemain
qu'il l'avoit vû
entrer chez Elvire,
qu'il y alloit tous les
jours & cela estoit vrai,
il continuoit d'y aller
frequément pour avoir
des nouvelles comme
nous l'avons dit: Elvire
ne pouvoir sedouter
que les lettres qu'elle
fournissoit à D. Pedre
lui servissent à obtenir
Dorotée d'un Perenouveliste,
elle lui en donna
une enfin, qui portoit
qu'apréslaBataille
gagnée, l'Archiducs'avançoit
vers Madrid;
quelques jours aprés
PhilippeV.resolut d'en
sortir,& cette nouvelle
mit Don Pedre au
desespoir, il écrivit à
Dorotée tout ce qu'on
pouvoit écrire de plus
tendre la-dessus, mais
enfin il marquoit par sa
lettre: que si le Roy
quittoit Madrid il feroit
obligé de le suivre,
&cela parutàDorotée
prévenuë,une preuve
certaine del'infidelité
de D. Pedre; en lisant
cette lettre sa douleur
,.
fut si violente qu'elle
* ne put la cacher à sa
confidente, qui luy
donna pour toute consolation
son exemple à
suivre : J'ai esté trahie
comme vous, lui ditelle,
& ce n'est que par
le mépris qu'on doit se 1
venger d'un traitre.
Pendant que Dorotée
s'affligeoit,Elvirese réjoüissoitd'avoir
découvert
que sa fille de
chambre reportoit au
valet, espion de Dorotée,
tout ce qu'elle pouvoit
sçavoir de ce qui
sepassoitchez elle;elle
fit à cette fille une fausse
confidence, elle lui dit
que son mariage estoit
réf.tu avec Don Pedre,
le un jour qu'il vint
lui demander des nouvelles
,
elle ordonna
misterieusement à cette
fille de chambre de fai-
J.re venir son Notaire,
le Notaire arrivé, Elvire
le fit passerdans
* son cabinet, resta dans
sa - chambre avec Don
Pedre
,
fit sortir ses
gens, & fit enfin tout le
manége necessairepour
persuader à la fille de
chambre qu'on alloit
signer le Contrat de
mariage de Don Pedre
qu'Elvire amufoit cependant
,comme ayant
une affairepressée à terminer
avec son Notaire.
La fille de chambre
ne manqua pas
de tout raconter au
valet, & le valet affectionné
ne doutant plus
qu'Elvire & Don Pedre
ne sussent mariez
ensemble, alla porterà
8.r.téc cetre nouvelle
-qui la mit dans un
état aisé à comprendre,
mais tres difficile à dé- -dite.
Dans le temps que
L
Doret'ée s'abandonnoit
à sa douleur, Don Pedre
deson costé estoit
dans de cruelles agitations
: Le Roy devoit
partir le
-
lendemain ;
en le suivant il se dc-
- -
claroit bon Espagnol,
& par consequent ennemi
du pere de Dorotée;
il la perdoitenfin.
Dans cette extremité il
luy écrivit qu'il falloit
absolument qu'il
la pût voir ce jour-là au !
Couvent; mais par malheur
le valet qui portoit
la lettre rencontra à la
porte du Couvent le
petit vieillard, qui vint
à luy comme un fu- 1
rieux, se doutant qu'il
porportoit
comme à l'ordinaire
une lettre de
Don Pedre à sa fille,
il contraignit le valet
à lui donner la lettre,
qu'il déchira en mille
morceaux aprés avoir
battu le porteur, car ce
petit vieillard colerique
ne sepossedoit plus
depuis qu'il avoit ap- pris, des gens mêmes
de Don Pedre, qu'il
fuyoit la Domina- * tiond'Autriche en
suivant le lendemain
Philippe V. hors de
Madrid.
Ce pere, outré contre
Don Pedre, tâcha
ensuited'inspirer sa colere
à sa fille, mais
quoiqu'elle fût irritée
contre cet amant, elle
eut voulu que son pere
ne l'eût pas esté jusqu'à
jurer qu'il n'en feroit
jamais son Gendre, car
elle esperoit toûjours
de le trouver innocent,
oubliant même en certains
momens qu'ilcftoit
marié à Elvire,elle
,. J:.. ne pouvoir s în-raginer
qu'un homme si fidele
à son Roy eût pu estre
infidele à sa Maîtresse,
mais plusieurs personnes
l'affeurerent de son
malheur: Elvirevoyat
le Roy & la Reine partis
, & sçachant que
plusieurs Dames alloient
suivre leurs maris
à Valladolid, ou al..
loit la Cour, fit courir
le bruit qu'elle alloit y
suivre Don Pedre, &
prepara~t son départ
avec des circonstances
& des discours propres
à persuader à tout le
monde qu'elle estoit
mariée fecrettement à
cet époux qu'elle vouloit
suivre, elle sortit
de la Ville avec les Dames,
mais à quelques
lieuës de là elle prit la
route de Cuensa, où
son frere lui avoit écrit
de l'aller attendre dans
un petit Château qu'il
avoit de ces côtez-là,
où devoient bien-tost
arriver les Troupes de
l'Archiduc, dans lesquelles
ce frere avoit
un Regiment.
Revenons à Don Pedre,
quelques heures
avant que de partir
pour suivre le Roy, estant
fort inquiet de n'avoir
point réponse, il
alla luy-mêmeau Couveut
, voulant parler
absolument à Dorotée
pour Patfïirer de sa fidelité
pendant son abfence,
mais il rencontra
justement le vieillard
irrité, qui venoit
de donner des ordres si
precis à la Porte, qu'il
futimpossible à cetamant
desesperé de parler
à Dorotée, son uniqueressource
fut d'aller
écrire chez luy une feconde
lettre qu'il donna
à une Touriere qui
promit enfin à force
d'argent, qu'elle la
donneroit à Dorotée,
avec cette legere consolation
l'affligé Don
Pedre partit de Madrid
&: sacrifia plus à Philippe
V. en quittant
Dorotée, que tous les
Grands & les Nobles
ensemble, en quittant
leurs biens & leurs familles
pour leur Roy.
Voila donc ce tendre
amant party sans fçavoir
qu'illaissoit Dorotée
dans un desespoir
affreux
,
elle estoit
fermement persuadée
- qu'il estoit marié à Elvire,&
qu'illaméprisoit
mêmejusqu'au
point de n'avoir pas
daigné luy écrire une
lettre, car vous sçavez
que la premiere a esté
déchirée par le vieillard
mutin
,
à l'égard de la
seconde, cette Touriere
,qui connoissoit la
compagne de Dorotée
pour estre son intime
amie & sa confidente,
n'élira point à luy avoüer
qu'elle avoit une
lettre pour elle, elle
l'avoit déjà prévenuë
sur tout ce qu'il faloit
qu'elle fçût, elle lui dit
la larme à l'oeil, car elle
avoit les larmesàcommandement
, que sa
pauvre amie estoitdans
un si grand accablej
ment qu'il faloit bien
se garder de luy donner
sîtost cette lettre, elle
l'ouvrit ensuite 1
,
la lut
& la déchira, comme
par un excès de colcre 1
contre Don Pedre, en s'écriant, hon j que
les,.
hommes sontperfides!
il faut épargner à mon |
amie la douleur de lire
de fausses excuses qui
font pour une femme
plus cruelles que Tofsense
memejtout cela
parut si naturel à la
Touriere, qu'elle répondit
naïvement, hélas
vous avez bien raison,
il ne faut pas seulement
dire à vôtre amie
que j'ay receu cette lettre
pour elle.
Après cecy la confidente
scelerate ne pensa
plus qu'à faire oublier
Don PedreàDorotée
: mais a tout ce qu'ellepouvoit dire
contre luy, Dorotée répondoic
seulement, ah
je le hais trop pour l'oublier;
en effet elle pensoit
à luy nuit & jour,
croyant le haïr, l'avoir
en horreur: mais elle
n'avoit en horreur que
sa trahison.
Pendant qu'elle se
défoloitainsi, Don Pedre
dit à Don Diegue
qu'elleavoiechangé de
vocation, & il la retira
du Couvent pour rernoucrce
mariage,cetftoit
dans le temps que [fArchiduc arrivoit à
Madrid5 deux jours
aprés son arrivée, il y
eût de grandes réjoüiffanceschezquelquesEs
pagnols Partisans dela
Maison d)Autriche, nôtrevieillard,
leplus zelé
de tousjdonnaungrand
*
souper, &dit à safille
qu'il faloit quelle en fit
les honneurs avec Don
Diegue qui alloit estre
son époux. Ces mot
prononcez par un per
terrible, àrquiellen'oJ
foit feulement répon-1
dre, la saisirent viverl
ment: il ne manquoit
plus à sa douleur que
la presence de Don
Diegue, & il arriva.
Quelle situation pour
elle d'estreplacée auprès
de luy dansun fcltin
où tour le monde la
felicitoit de ce qui alloit
faire son fuplicejon
parla des le lendemain
deconclurece mariage.
Elviré avertie de tout
par son amie du Couvent,
à qui Dorotée
contoit tous les jours
ses malheurs,alloit estre
au comble de sa joye,
cest-a-dire que Dorotée
alloitestre sacrifiée
à Don Diegue, lorsque
tout à coup les affaires
changèrent de face en
Espagne: le bruit courut
que TArchiduç à
son tour alloit quitter
Madrid: ce fut un coup
terrible pour le vieillard
Autrichien, qui
tomba malade à cette
premiere nouvelle: A
mesure que les affaires
de l'Archiduc empiroient,
le petit vieillard
déperissoit; enfin
quatrevingt-cinq ans
qu'ilavoir, & le départ
de l'Archiduc le firent
mourir:Secette mort
affligeaautant Dorotée
que si elle ne l'eût pas - délivrée d'un mariage
odieux,
Sitoftqu'elle fut maitresse
de son fort, elle
resolut de donner à un -
couvent le peu de bien
qu'elle avoit, & d'y
passer le reste de ses
jours qu'elle contoit devoir
~cftre fort cours,
puis qu'elle avoit perdu
Don Pedre:elle estoit
dans cette triste resolution
quinze jours après
la more de son pere, &
feule avec une fillede
chambre, à quielleracontait,
peuteftre pour
la centiéme fois, latrahison
de ce perfide.
Quelle fut sa surprise
quand elle le vit encrer;
il ne fut pas moins furpris
qu'elle, car en arrivant
deValladolid avec
le Roy, il avoit couru
droit chwZ le pere pour
~tafther de le fléchir:
Le hazard voulut qu'il
trouva les portes ouvertes,
& qu'il entra
d'abord dans une fale
tendue de noir,où estoit
Dorotée en deuil. Frapé
de ce fpdacle il estoit
relié immobile: Dorotée
croyant qu'il ve- - noit luy faire de mauvassesexcuses
dece quiL'estoitmarié,
fut d'abord
saisie d'ind ignation,
puis transportée
d'une colere si violente
qu'clle éclata malgré sa
modération naturelle:
elle joignit aux noms
de perfide & de traitre
des reproches où il ne
comprenoit rien, car ils
rouloient sur un mariage
&;- sur des circonstances
dont il n'avait
nulle idée; il pensa
que peutêtreTalffidion
auroit pu alterer son
bon sens: enfin sa colere
finit comme celle
de toutes les femmes,
quand elle a elle allumée
par l'amour; leur
colcre s'épuise en in j ures,
il ne leur reste que
les pleurs & la tendres
se : Dorotée fondit en
larmes, Don Pedrene
put retenir les siennes,
& je sens que je pleurerois
peutestre aussi en
écrivant cette sene, si
je ne sçavois que le dénouëment
en fera heureux;
il se fit par un
éclaircissement qui ennuyeroit
le Lecteur ,
mais qui nennuya pas
à coup seur nos deux
Amans; comme rien ne
s'opposoit plus à leur
union,ils furent si transportez
de plaisir
,
qu'ils
oublièrent de pester
contre l'artificieuse Elvire
, & sa fourbe compagne.
Elles furent asfez
punies quand elles
apprirent le mariage
de Dorotée & de Don.
Pedre.
amoureuse, dont jeviens
deparler dans le Journal
de Madrid.
*
I y avoità Madrid
un petit
vieillard Espagnol fort
passionne pour la Maison
d'Autriche,& cet
attachement n'estoit
que tres louable dans le
temps que la Maison
d'Autriche possedoit légitimement
la Couronne
d'Espagne ; ce vieillard
estoit nouveliste
de profession, non pas
de ces nouvelistes équitables
& censez que je
hante volontiers : mais
decesnouvelistes frondeurs
qui débitent leurs
prejugez malins pour
des faits averez ,
chagrins,
incrédules dans
lesévenemens avantageux
à leur Patrie; &C
triomphans d'un malheur
public qu'ils auront
deviné par hazard,
comme si c'estoit l'ouvrage
de leur politique
rafinée.
Ce petit vieillard Autrichien
avoit jette les
yeux sur un Espagnol
de sa cabale) pour marier
une hiletrèsaimablequ'il
avoit, cetEspagnol,
qui se nommoit
D.Diegueavoit gagné
le coeur du pereen luy
apprenant toujours le
premier les mauvaises
nouvelles
, en traitant
les bonnes de visions &
se déchaînant avec fureur
contre le Gouvernement
present dePhilippeV.
ensortequ'étant
venu un jour lui aprendre
la défaite de l'armee
de ce Prince, dans
la bataille deSa-ragoffe,
ce mauvais Espagnol
en fut si transporté de
joye qu'il l'embrassa
tendrement,&luy promit
déstors sa fille en
mariage pour prix d'une
si bonne.nouvelle.
Cette charmante fille
se nommoit Dorotée ,
elle estoit aussi judicieuse
que son pereestoit
entjesté. Dorotée ne se
croyoit pas si habile que
quelquesunes de nos
Dames qui decident à
present des droits &
des démêlez des Princes.
ellen'eutpris aucun
party entre l'Archiduc
& PhilippeV.sicertain
Cavalier aimable, fort
attaché à cedernier.,
ne l'eût déterminée
dans la fuite pour ce
Roy légitimé.
Un jour ce Cavalier
qu'onappelloit Don
Pedre, après toutes les
attentions dun amant
respedueux, s'étant enfin
flatté de n'estre pas
haï de Dorotée luy déclara
son amour, Dorotée
en rougit, elle baissa
les yeuX)8C ne repondit
rien, c'est ce qu'-
on peut faire de mieux
pour un amant, sur sa
première déclaration
il en fit plusieurs , autres,
ilfaloit bien en fin
qu'elle s'expliqua, elle
ne voyoit rien à desirer
en luyque dela confiance
, elle se défioit naturellement
de celle des
hommes, c'estoit son
faible; si toutes les femmes
avoient ce faible:,
illes çueriroit de bien
d'autres; Dorotee ne
put s'empêcherdédire
à Don Pedre tout ce
qu'elle craignoitlà-defsus
, il répondit à ses
craintes par des sermens
; c'est la réponse
ordinaire: il luy jura
que sa fidélité pourelle
feroit aussi inviolable
que celle qu'il avoit
pour son Roy, c'estoit
là son sermentle plus
familier. Cet Espagnol
zélé ne juroit que par
son Roy.
Dans lemomenr que
Don Pedre prononça
avec transport le nom
de Philippe V. Dorotée
s'écria tout à coup, ah
nous sommes perdus !
ensuiteelle luyditavec
douleur que ion pere
neferoic jamaisd'alliance
avec un fidele sujet
de Philippe V. ah,
Dorotée
,
s'écriat-il à j
son tour, pourquoy estes-
vous si charmante,
j'avois juré que je ne
ferois jamais nulle liaison
avec les Partisans
entêtez del'Archiduc;
il faudra donc me faire
la violence decacher à
vostre pere mon zele
pour mon Roy.
,.
cela
ne suffira pas, reprit
Dorotée en le regardant
tendrement, vous
n'obtiendrez jamais
rien de luy si vous ne
feignez. moy feindre!
reprit brusquement le
franc castillan, les deux
amans se regardèrent
quelques temps sans
rien dire. Don Pedre
ne pouvoit se resoudre
à feindre, & Dorotée
n'osoit exiger de luy
unsi grandsacrifice, ils
se quicterécfortaffligez
de l'obstacle invincible
qu'ils voyoient à leur
union,& lejurerent qu'-
aumoins rien ne les pouroit
empêcher de s'aimer
lereste de leur vie.
Quelques jours sécoulerent,&
Don Pedre
les passoit à rêver
auxmoyens dont il
pourroit user pour gagner
le pere, sans commettre
sa sincerité ; ce
vieillardn'estoit
• pas
riche, il n'avoit que le
desir des richesses, &
l'avarice estoit sa plus
force passion après celle
de reformer le Gouvernement
; nostrejeune
Espagnol avoir de
grands biens, il acheta
exprésde quelqu'un je
ne sçai quel contrat
qui le mir en liaison
d'affaire avec le vieillard,
il eut occasionpar
làdeluy faire ledétail
de les grands biens, &
deluimontrer plusieurs
contrats,tîtres & papiers,
le hazard fit qu'en
tirant d'unportefeüille
ces papiers, il s'y trouva
une lettre ouverte, où
le vieillardapperçut ces
mots. Du Campdel'archiduc
ce 20. Aouct.
Cette date estoit fraîche,
quelle amorce pour
un nouveliste!Il se jeta
sur cette lettre, qu'il
connut estre de l'écriture
d'un zélé Espagnol
rebele, qui estoitdu
Conseil secret de Stanope,
il crut fermement
par cette lettre que
Don Pedre avoir des
intelligences secrettes
dans le parti de l'Archiduc.
Don Pedre eut
beau luy protester qu'il
estoit bon Espagnol,
je ne suis point surpris,
luy dit le vieillard en
riant, qu'ayant quantité
de biens qui dépendent
du Gouvernement
prelent
, vous cachiez
avec foin vos intrigues
secretes avec ceux de
mon parti. Plus, Don
Pèdres'obstinaà paroître
ce qu'il estoit,plus
l'autre Je crut ce qu'il
desiroit qu'il fût, caril
commençoit à l'aimer
parce qu'il le voyoit
très-riche. -
Pour expliquer icy
comment cette lettre
s'estoit trouvée entre
les mains de Don Pedre
, ilfaut reprendre
son hiftoiredeplus loin,
il avoit esté destiné par
son pere à une veuve
Espagnole,nommée
Elvire, encore jeune&
belle : mais que Don
Pedre n'avoit jamais
aimée, à qui même depuis
la mort de son pere
il avoit: fait comprendre
qu'il ne pouvoir jamais
se resoudre d'encrer
dans une famille ennemie
de son Prince, &
le frere d'Elvire estoit
Colonel dans l'armée
ennemie; c'estoit justement
de luy que v£-
noit la lettre en question
: Les nouvelles que
ce frere nlandoit..ectoient
tres - mauvaises
pour Philippe V. Elvire
les montroit avec
soinà Don Pedrepour
luy persuader de s'attacher
à l'Archiduc qui
alloit estre son Souverain,
car elle estoit
persuadée que la difference
des partis estoit
le seul obstacle qui s'oppofoit
à son mariage
avec DomPedre.
Ce fidele & sincere
Espagnol se trouveicy
dans une situationbien
delicate : Elvire luy
donnoit tous les jours
par ces lettres des détails
qui l'affligeoient
beaucoup, parce qu'ils
estoient malheureux
pour son Roy: mais
ils estoient heureux
pour ton amour,car en
les faisant voir au petit
vieillard Autrichien,
il alloit obtenir de luy
Dorotée,j'eusse voulu
demander en cette occasion
à Don Pedre si
dans le fond du coeur il
souhaitoit de voir cesser
latriste cau se qui produisoit
un si bon effet,
il m'eût répondu sans
doute qu'il ne pouvoit
démêler un sentiment
si de licat à travers un
amour violent, il se
contentoit de jurer sincerement
qu'il seroitau
desespoir si l'Archiduc
depossedoit Pbilippe V.
mais s'il efloit bien aise
qu'on le crût sur sa parole,
c'est la question:
quoyqu'il en soit il fit
si bien que le pere de
Dorotée luy donna sa
parole : mais la difficulté
estoit de retirer celle
qu'il avoit donnée au
premier, il netrouvapoint
de pretexte plus
specieux pour sauver
Ton honneur que de
mettre sa fille dans un
Convent, comme siellet
eût voulu se faire Religieufe,
Don Diegue
alarmé vint se plaindre
à son beau-pere, qui
luy dit qu'en conscience
ilne pouvoit empêcher
sa fille d'embrasser
un estatoù elleestoit si
bien appellée, &' de
peur qu'on ne découvrit
le veritable motif
d'une vocation si subite
y il défenditàDon
Pedre d'aller voir Dorotée
auConvent,jusqu'à
ce que Don Diegue
sefut rengagé dans
un autre Mariage qu'il
avoit rompu pour celui-
ci, pour lors dit le
petit vieillard, ce fera
lui qui manquera de
parole & non pas moi.
Dorotée entra donc
dans le Convent [ûre
ducoeurde Don Pedre,
dont Elvire estoit prcfqne
sûre aussi, elle en
jugeoit par l'empressement
qu'elle lui voyoic
de tirerd'elle des lettres
qui lui apprenoient la
défaite de l'armée de
Philippe V. il fera bientôt
du parti du Vainqueur,
disoit-elle en
elle-même, & il m'aimera
sans doute dés
qu'il n'aura plus cet attachetachement
à Philippe
V. qui l'empêchoit
d'en avoir pour moy;
c'estainsi qu'elle se flattoit,
lors qu'une amie
quelleavoit dans le
même Couvent où estoit
Dorotée, lui dit
qu'elle avoit surpris sur
la table de cette aimable
compagne, une lettre
fort tendre,signée
DonPedre; Elviresça.
voit d'un autre côté
que D. Diegue moins
riche avoit esté congédié
par lePere avare,
sa penetration lui fit
deviner le reste, & son
caractere artificieux &
interessé lui fit former
sur tout cela un projet
qui lui réussit comme
vous allez voir.
Premièrement, elle
prit le parti de ne point
témoigner à Don Pedre
qu'elle estoit informée
de son engagement
avec Dorotée;
cet eclaircissement n'eût
rien produit, elle sçavoit
agir bien plus finement
; cette amie,
qu'elle alloit voir au
Couvent,s'y estoit retirée
parce qu'elleétoit
pauvres El vire lui promit,
pour adoucir les
chagrins de sa retraite,
une pension considerable,
si elle vouloit lui
aider à époufer le riche
Don Pedre, & elles
convinrent du rolle
qu'elles jouëroiet pour
venir à bout de leur
dessein.
Cette amie d'Elvire
estoit complaisante,
insinuante, c'estoit la
flateuse du Couvent,
il en faut bien au moins
une dans une Communauté
pour amadouer
les nouvelles venues;
elle plaisoit assez à Dorotee,
qui commençoit
à s'ennuyer destre separée
de Don Pedre,
& qui mouroitd'envie
d'avoir une confidente
pour parler au moins
de celui qu'elle ne pouvoit
voir, celle-ci n'ayant
d'autre but que
de s'attirer .cette confidence
, l'amitié fut
bien-tôt liée entr'elles,
elles ne se quittoient
plus.
Ce-tte compagne
chagrine naturellement
par la mauvaise
situation de ses assai,
res, aflfcéta de le paroître
encore davantage,
& Dorotée l'ayant un
soir pressee de lui dire
la cause de ses chagrins
helas répondit-elle,en
soupirant, les chagrins
de la plus part des
femmes sont causez par
l'inconstance des hommes
; ce mot fit quelque
impression sur le
coeur de Dorotée, qui
par hazard n'avoit
point receu ce jour la
deletrre de son amant,
enfuiré la fausse affligée
se plaignit de l'insidelité
du ifen,& fit Ltdessus
le récit d'une
avanture ajustée au Cujet,
qui tira des larmes
de Dorotée,&qui donna
occasion à l'autre de
se déchaîner contre les
hommes, & contre la
crédulité des femmes
qui osent s'y fier; comme
cette matiere fournit
beaucoup à la conversation
des Dames,
les deux amies le couchèrent
fort tard,
toutes ces idées d'inconfiance
ne laisserent
pas de troubler un peu
le sommeil de Dorotée;
elle ne vit en songe que
des inconstans & tous
ressèmbloient à celuy
dont elle avoit l'imagination
frappée; elle se
réveillaassez inquiete,
mais une lettre fort tendre
qu'elle reçut le matin
de Don Pedre la rassura,&
luy fîtcomprendre
combien il est ridicule
d'ajouter foy aux
songes.
Le lendemain Elvire
vint sçavoir au Couvent
quel progrès avoit
fait son amie, elles en
parloient ensemble lors
que Dorotée, qui ne
pouvait, plus estre un
moment sans sa confidente,
vint la chercher
au Parloir;larusée fit figne.
à Elvire de partir;
& assectant d'avoir eu
quelque dispute avec
celle qui fuyoit,ellese
leva brusquement avec
un reste de colere affeaée,
vous me voyez fâ.
chée; dit-elle à sa compagne,
mais tres fâchée
contre cette amie a qui
je voudrois bien épargner
des chagrins pareils
à ceux qui m'accablent,
elle cft aimée
d'un jeune Cavalier,
elle lui a avoue quelle
l'aimoit, elle en va faire
un infidèle,cela ne
peut lui manquer, Dorotée
eut d'abord cette
curiosité qu'une femme
a toûjours de sçavoir
l'intrigue d'un autre,
mais celle-ci lui remontra
qu'on ne doit jamais
exiger d'uneamie
le secret d'une autre amie,
parce que d'amie
en amie les secrets les
plus cachez font divulguez
par toute une
Ville, elle fit ainsi la
discrete pendant le reste
du jour, mais enfin
sur le foir elle se laissa
vaincre par la tendresse
qu'elle juroit à Dorotée,
& lui appritavec
cent circon stances étudiées
8c interessantes,
l'intrigue d'Elvire &
d'un Cavalier qu'elle
ne nommoit point d'abord
,mais après avoir
fait un portrait, dont
chaque trait de reiférnblance
perçoit le coeur
de Dorotée, elle luy
porta le coup de Poignard
en luy nommant
Don Pedre., à ce mot
Dorotée tomba presque
évanoüie, & l'au-
-
tre feignant de ne s'en
pas appercevoir lui dit
en se levant brusquement,
ah Ciel! jecroy
que j'entends sonner
rnitiait-on nes'ennuye
point avec vous, à demain
, chere amie, à
demain, je vous apprendrayqui
est ce D.
Pedre.
On peut s'imaginer
a peu prés comment
Dorotée passa la nuit,
on lui apporta le matin
une lettre de Don Pedre
, persuadée de sa
froideur, elle croyoit
la voir dans quelques
endroits moins tendres
que les autres, él ce
qu'il y avoit de plus
passionné lui paroissoit
outré par affectation,
elle ne voyoit que perfidie
enveloppée, que
trahison cachée fous des
expressions que l'amour
seul avoit diétées à cet
amant sincere, enfin
elle expliqua sa lettre
comme on explique
presque tout, selon les
idées dont on est prévenu;
elle prit d'abord
la plume pour lui faire
une réponse fulminante,
mais elle fit reflexion
que les reproches
ne font point revenir
un infidele,il n'estquession
que de se bien asseurer
s'ill'estréellement,
& de prendre
enfuire le parti de l'oublier
si l'on peut.
Dorotée avoit beaucoup
de confiance en
un valet de son pere qui
lui apportoit les lettres
de Don Pedre, c'estoit
un ancien domestique,
dune fidélité sûre,elle
le chargea d'examiner
toutes les démarches
de Don Pedre, & illui
rapporta dés le lendemain
qu'il l'avoit vû
entrer chez Elvire,
qu'il y alloit tous les
jours & cela estoit vrai,
il continuoit d'y aller
frequément pour avoir
des nouvelles comme
nous l'avons dit: Elvire
ne pouvoir sedouter
que les lettres qu'elle
fournissoit à D. Pedre
lui servissent à obtenir
Dorotée d'un Perenouveliste,
elle lui en donna
une enfin, qui portoit
qu'apréslaBataille
gagnée, l'Archiducs'avançoit
vers Madrid;
quelques jours aprés
PhilippeV.resolut d'en
sortir,& cette nouvelle
mit Don Pedre au
desespoir, il écrivit à
Dorotée tout ce qu'on
pouvoit écrire de plus
tendre la-dessus, mais
enfin il marquoit par sa
lettre: que si le Roy
quittoit Madrid il feroit
obligé de le suivre,
&cela parutàDorotée
prévenuë,une preuve
certaine del'infidelité
de D. Pedre; en lisant
cette lettre sa douleur
,.
fut si violente qu'elle
* ne put la cacher à sa
confidente, qui luy
donna pour toute consolation
son exemple à
suivre : J'ai esté trahie
comme vous, lui ditelle,
& ce n'est que par
le mépris qu'on doit se 1
venger d'un traitre.
Pendant que Dorotée
s'affligeoit,Elvirese réjoüissoitd'avoir
découvert
que sa fille de
chambre reportoit au
valet, espion de Dorotée,
tout ce qu'elle pouvoit
sçavoir de ce qui
sepassoitchez elle;elle
fit à cette fille une fausse
confidence, elle lui dit
que son mariage estoit
réf.tu avec Don Pedre,
le un jour qu'il vint
lui demander des nouvelles
,
elle ordonna
misterieusement à cette
fille de chambre de fai-
J.re venir son Notaire,
le Notaire arrivé, Elvire
le fit passerdans
* son cabinet, resta dans
sa - chambre avec Don
Pedre
,
fit sortir ses
gens, & fit enfin tout le
manége necessairepour
persuader à la fille de
chambre qu'on alloit
signer le Contrat de
mariage de Don Pedre
qu'Elvire amufoit cependant
,comme ayant
une affairepressée à terminer
avec son Notaire.
La fille de chambre
ne manqua pas
de tout raconter au
valet, & le valet affectionné
ne doutant plus
qu'Elvire & Don Pedre
ne sussent mariez
ensemble, alla porterà
8.r.téc cetre nouvelle
-qui la mit dans un
état aisé à comprendre,
mais tres difficile à dé- -dite.
Dans le temps que
L
Doret'ée s'abandonnoit
à sa douleur, Don Pedre
deson costé estoit
dans de cruelles agitations
: Le Roy devoit
partir le
-
lendemain ;
en le suivant il se dc-
- -
claroit bon Espagnol,
& par consequent ennemi
du pere de Dorotée;
il la perdoitenfin.
Dans cette extremité il
luy écrivit qu'il falloit
absolument qu'il
la pût voir ce jour-là au !
Couvent; mais par malheur
le valet qui portoit
la lettre rencontra à la
porte du Couvent le
petit vieillard, qui vint
à luy comme un fu- 1
rieux, se doutant qu'il
porportoit
comme à l'ordinaire
une lettre de
Don Pedre à sa fille,
il contraignit le valet
à lui donner la lettre,
qu'il déchira en mille
morceaux aprés avoir
battu le porteur, car ce
petit vieillard colerique
ne sepossedoit plus
depuis qu'il avoit ap- pris, des gens mêmes
de Don Pedre, qu'il
fuyoit la Domina- * tiond'Autriche en
suivant le lendemain
Philippe V. hors de
Madrid.
Ce pere, outré contre
Don Pedre, tâcha
ensuited'inspirer sa colere
à sa fille, mais
quoiqu'elle fût irritée
contre cet amant, elle
eut voulu que son pere
ne l'eût pas esté jusqu'à
jurer qu'il n'en feroit
jamais son Gendre, car
elle esperoit toûjours
de le trouver innocent,
oubliant même en certains
momens qu'ilcftoit
marié à Elvire,elle
,. J:.. ne pouvoir s în-raginer
qu'un homme si fidele
à son Roy eût pu estre
infidele à sa Maîtresse,
mais plusieurs personnes
l'affeurerent de son
malheur: Elvirevoyat
le Roy & la Reine partis
, & sçachant que
plusieurs Dames alloient
suivre leurs maris
à Valladolid, ou al..
loit la Cour, fit courir
le bruit qu'elle alloit y
suivre Don Pedre, &
prepara~t son départ
avec des circonstances
& des discours propres
à persuader à tout le
monde qu'elle estoit
mariée fecrettement à
cet époux qu'elle vouloit
suivre, elle sortit
de la Ville avec les Dames,
mais à quelques
lieuës de là elle prit la
route de Cuensa, où
son frere lui avoit écrit
de l'aller attendre dans
un petit Château qu'il
avoit de ces côtez-là,
où devoient bien-tost
arriver les Troupes de
l'Archiduc, dans lesquelles
ce frere avoit
un Regiment.
Revenons à Don Pedre,
quelques heures
avant que de partir
pour suivre le Roy, estant
fort inquiet de n'avoir
point réponse, il
alla luy-mêmeau Couveut
, voulant parler
absolument à Dorotée
pour Patfïirer de sa fidelité
pendant son abfence,
mais il rencontra
justement le vieillard
irrité, qui venoit
de donner des ordres si
precis à la Porte, qu'il
futimpossible à cetamant
desesperé de parler
à Dorotée, son uniqueressource
fut d'aller
écrire chez luy une feconde
lettre qu'il donna
à une Touriere qui
promit enfin à force
d'argent, qu'elle la
donneroit à Dorotée,
avec cette legere consolation
l'affligé Don
Pedre partit de Madrid
&: sacrifia plus à Philippe
V. en quittant
Dorotée, que tous les
Grands & les Nobles
ensemble, en quittant
leurs biens & leurs familles
pour leur Roy.
Voila donc ce tendre
amant party sans fçavoir
qu'illaissoit Dorotée
dans un desespoir
affreux
,
elle estoit
fermement persuadée
- qu'il estoit marié à Elvire,&
qu'illaméprisoit
mêmejusqu'au
point de n'avoir pas
daigné luy écrire une
lettre, car vous sçavez
que la premiere a esté
déchirée par le vieillard
mutin
,
à l'égard de la
seconde, cette Touriere
,qui connoissoit la
compagne de Dorotée
pour estre son intime
amie & sa confidente,
n'élira point à luy avoüer
qu'elle avoit une
lettre pour elle, elle
l'avoit déjà prévenuë
sur tout ce qu'il faloit
qu'elle fçût, elle lui dit
la larme à l'oeil, car elle
avoit les larmesàcommandement
, que sa
pauvre amie estoitdans
un si grand accablej
ment qu'il faloit bien
se garder de luy donner
sîtost cette lettre, elle
l'ouvrit ensuite 1
,
la lut
& la déchira, comme
par un excès de colcre 1
contre Don Pedre, en s'écriant, hon j que
les,.
hommes sontperfides!
il faut épargner à mon |
amie la douleur de lire
de fausses excuses qui
font pour une femme
plus cruelles que Tofsense
memejtout cela
parut si naturel à la
Touriere, qu'elle répondit
naïvement, hélas
vous avez bien raison,
il ne faut pas seulement
dire à vôtre amie
que j'ay receu cette lettre
pour elle.
Après cecy la confidente
scelerate ne pensa
plus qu'à faire oublier
Don PedreàDorotée
: mais a tout ce qu'ellepouvoit dire
contre luy, Dorotée répondoic
seulement, ah
je le hais trop pour l'oublier;
en effet elle pensoit
à luy nuit & jour,
croyant le haïr, l'avoir
en horreur: mais elle
n'avoit en horreur que
sa trahison.
Pendant qu'elle se
défoloitainsi, Don Pedre
dit à Don Diegue
qu'elleavoiechangé de
vocation, & il la retira
du Couvent pour rernoucrce
mariage,cetftoit
dans le temps que [fArchiduc arrivoit à
Madrid5 deux jours
aprés son arrivée, il y
eût de grandes réjoüiffanceschezquelquesEs
pagnols Partisans dela
Maison d)Autriche, nôtrevieillard,
leplus zelé
de tousjdonnaungrand
*
souper, &dit à safille
qu'il faloit quelle en fit
les honneurs avec Don
Diegue qui alloit estre
son époux. Ces mot
prononcez par un per
terrible, àrquiellen'oJ
foit feulement répon-1
dre, la saisirent viverl
ment: il ne manquoit
plus à sa douleur que
la presence de Don
Diegue, & il arriva.
Quelle situation pour
elle d'estreplacée auprès
de luy dansun fcltin
où tour le monde la
felicitoit de ce qui alloit
faire son fuplicejon
parla des le lendemain
deconclurece mariage.
Elviré avertie de tout
par son amie du Couvent,
à qui Dorotée
contoit tous les jours
ses malheurs,alloit estre
au comble de sa joye,
cest-a-dire que Dorotée
alloitestre sacrifiée
à Don Diegue, lorsque
tout à coup les affaires
changèrent de face en
Espagne: le bruit courut
que TArchiduç à
son tour alloit quitter
Madrid: ce fut un coup
terrible pour le vieillard
Autrichien, qui
tomba malade à cette
premiere nouvelle: A
mesure que les affaires
de l'Archiduc empiroient,
le petit vieillard
déperissoit; enfin
quatrevingt-cinq ans
qu'ilavoir, & le départ
de l'Archiduc le firent
mourir:Secette mort
affligeaautant Dorotée
que si elle ne l'eût pas - délivrée d'un mariage
odieux,
Sitoftqu'elle fut maitresse
de son fort, elle
resolut de donner à un -
couvent le peu de bien
qu'elle avoit, & d'y
passer le reste de ses
jours qu'elle contoit devoir
~cftre fort cours,
puis qu'elle avoit perdu
Don Pedre:elle estoit
dans cette triste resolution
quinze jours après
la more de son pere, &
feule avec une fillede
chambre, à quielleracontait,
peuteftre pour
la centiéme fois, latrahison
de ce perfide.
Quelle fut sa surprise
quand elle le vit encrer;
il ne fut pas moins furpris
qu'elle, car en arrivant
deValladolid avec
le Roy, il avoit couru
droit chwZ le pere pour
~tafther de le fléchir:
Le hazard voulut qu'il
trouva les portes ouvertes,
& qu'il entra
d'abord dans une fale
tendue de noir,où estoit
Dorotée en deuil. Frapé
de ce fpdacle il estoit
relié immobile: Dorotée
croyant qu'il ve- - noit luy faire de mauvassesexcuses
dece quiL'estoitmarié,
fut d'abord
saisie d'ind ignation,
puis transportée
d'une colere si violente
qu'clle éclata malgré sa
modération naturelle:
elle joignit aux noms
de perfide & de traitre
des reproches où il ne
comprenoit rien, car ils
rouloient sur un mariage
&;- sur des circonstances
dont il n'avait
nulle idée; il pensa
que peutêtreTalffidion
auroit pu alterer son
bon sens: enfin sa colere
finit comme celle
de toutes les femmes,
quand elle a elle allumée
par l'amour; leur
colcre s'épuise en in j ures,
il ne leur reste que
les pleurs & la tendres
se : Dorotée fondit en
larmes, Don Pedrene
put retenir les siennes,
& je sens que je pleurerois
peutestre aussi en
écrivant cette sene, si
je ne sçavois que le dénouëment
en fera heureux;
il se fit par un
éclaircissement qui ennuyeroit
le Lecteur ,
mais qui nennuya pas
à coup seur nos deux
Amans; comme rien ne
s'opposoit plus à leur
union,ils furent si transportez
de plaisir
,
qu'ils
oublièrent de pester
contre l'artificieuse Elvire
, & sa fourbe compagne.
Elles furent asfez
punies quand elles
apprirent le mariage
de Dorotée & de Don.
Pedre.
Fermer
Résumé : AVANTURE amoureuse, dont je viens de parler dans le Journal de Madrid.
Le texte narre une aventure amoureuse complexe à Madrid. Un vieillard espagnol, passionné par la Maison d'Autriche, est un nouvelliste frondeur qui se réjouit des malheurs publics. Il a une fille, Dorotée, et un allié, Diego, qui gagne la confiance du vieillard en lui rapportant de mauvaises nouvelles et en critiquant le gouvernement de Philippe V. Diego obtient la main de Dorotée en mariage après avoir annoncé la défaite de l'armée de Philippe V. Dorotée, judicieuse contrairement à son père entêté, est courtisée par Don Pedre, un cavalier attaché à Philippe V. Don Pedre déclare son amour à Dorotée, mais elle exprime ses craintes concernant la fidélité des hommes. Don Pedre jure sa fidélité, mais Dorotée révèle que son père ne consentira jamais à une alliance avec un fidèle de Philippe V. Ils décident de s'aimer secrètement. Pour gagner la confiance du père de Dorotée, Don Pedre utilise des contrats et des papiers pour montrer ses richesses. Par hasard, le vieillard découvre une lettre datée du camp de l'archiduc, ce qui le convainc que Don Pedre a des intelligences secrètes avec le parti de l'archiduc. Malgré les protestations de Don Pedre, le vieillard le croit riche et commence à l'aimer. La lettre provient du frère d'Elvire, une veuve espagnole à qui Don Pedre avait été destiné par son père. Elvire tente de persuader Don Pedre de s'attacher à l'archiduc, mais il reste fidèle à Philippe V. Finalement, le père de Dorotée accepte de donner sa fille à Don Pedre, mais ce dernier doit d'abord rompre son engagement avec Elvire. Pour ce faire, il place Dorotée dans un couvent. Elvire, informée de la situation, forme un projet avec une amie au couvent pour séduire Don Pedre. Cette amie, complaisante et insinuante, gagne la confiance de Dorotée et lui raconte des histoires d'inconstance masculine. Dorotée, troublée, reçoit une lettre tendre de Don Pedre qui la rassure. Elvire, lors d'une visite au couvent, apprend de son amie que Dorotée est curieuse de l'intrigue d'Elvire et d'un cavalier. L'amie révèle à Dorotée que ce cavalier est Don Pedre, ce qui la plonge dans le désespoir. Dorotée passe une nuit agitée et, le matin, interprète la lettre de Don Pedre comme une preuve de sa froideur et de sa perfidie. Dorotée, après avoir reçu une lettre de Don Pedre, décide de ne pas répondre immédiatement, réfléchissant que les reproches ne ramèneraient pas un infidèle. Elle confie à un valet fidèle de son père la surveillance des démarches de Don Pedre, qui découvre que ce dernier fréquente Elvire. Dorotée, malgré ses doutes, continue d'espérer la fidélité de Don Pedre. Elvire manipule la situation pour sembler mariée à Don Pedre, utilisant sa femme de chambre comme espionne. Dorotée, désespérée, apprend la prétendue infidélité de Don Pedre et sombre dans le chagrin. Don Pedre, obligé de suivre le roi Philippe V, tente en vain de voir Dorotée, ses lettres étant interceptées par le père de Dorotée. Dorotée, convaincue de l'infidélité de Don Pedre, est forcée de se préparer à un mariage arrangé avec Don Diegue. Cependant, les événements politiques en Espagne changent, et le père de Dorotée meurt. Dorotée décide de se retirer dans un couvent. Finalement, Don Pedre revient et retrouve Dorotée en deuil. Après des malentendus et des éclats de colère, ils se réconcilient et se marient, oubliant les manipulations d'Elvire et de sa complice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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113
p. 1-8
2. Chansons nouvelles.
Début :
Qui se peuvent chanter separément, mais elles sont faites pour [...]
Mots clefs :
Vin, Amour, Amants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : 2. Chansons nouvelles.
Chansonsnouvelles.
Quise peuvent chanter
separément, mais
, elles font faites pour
estre placées entre
les trois Couplets
qu'on a donnez dans
le mois precedent.
Onamisicy en petit
caractere ces trois
Couplets avec les
deux Chansons nouvelles,
dans l'ordre
où Ce doitchanter le
tout ensemble.
1. Couplet.
LE vin nousfait parler le
vinnousfait tairey
Lesilence à longs traits s'avale
avec levin, .,
Et le caquetse trouve au fond do
verre,
'Dés qu'on le voit on jaz.e comme
une commere
De la voisine & du voisin,
De la cousine & du cousin,
Dugalant homme&dufaquin,
iEt d'Alexandre
De Jupiter& de Catin.
Adieupudeur,adieu mystere, *
Viste, viste, viste,pourmefaire
taire,
Remplissezmon verre,
On ne dit motpendant qu'on boit,
L6vin m'afaitparler & le vin
,
I. m'a faittaire. CHANSON. LEvin endortl'amour,&
levin
le reveille.
L-icidas agitéd'une, aï
moureuseardeur,
Ne pouvoit s'endormir
sans vuider la hou.
teille,
Fdu le rend heureux;
il dortsur son bonheur.
A boire à cet ingrat dor.
meure
Le vin endort l'amour
& le vin le réveille.
2. Couplet. L E vin nous faitparler,& le
vin nous fait taire.
Lorsqu'à table un sçavantlar
perçoit à propos
jQuun esprit naturel va le con-
,
fondre,
S'il
y répont par boire, il hy
peut mieux répondre.
Maissi,buvant plus qu'il ne
faut,
'Vlflt prouverpar de grands
mots
Que les modernes font des sots
, pue les anciens sont sans defjÛftt,
Que tous les secrets du tres- haut ;S(}nt developpez. dans Hemere,
Viste, viste,viste , pour le faire
taire
Rempli(seX^fion verre.
Qu'il a d'espritpendant qu'il
boit, - Levin l'afaitparler d- le vist
lefait taire.
2. CHANSON.
L'Amour noUl fait
aimer, & l'amour
nousfaitboire.
Quon ait vû boire des
amans,
C'efl ce qu'on ne sçauroit
croire
Quand on a lû des T~-
mans: Mais ceux qui liront
no(Ire hTifioire
Pourront chanter à la
gloire
DesTirsisdece temps,
Des Ftits de ce temps,
Levin les fait atmer,&
l'amour les fait boire.
e- 1 t. -
3.
Çouplct. -
LE vin nous fait parler, & le
vin nous fait taire.
En silence une prude à petits
coups boira:
Mais si vous remplissezsouvent
son verre , La charité bien-tost émeut fit
bile amere:
Par zele pur elle dira,
Qu'en mariage celie-la. àson mary
rienn'apporta,
Que cependant ce mari-là
Tient <£tlle tout - 1 lebienqu'il
Pusqueparelle ille tira
D'un riche nobledont lepere.
rifle) viste , viste,pour la faire
taire,
Rempliffez^[on verre,
On ne méditpointquandonboit,
Le vin l'a fait parler &- le vis
l'a fait taire
Quise peuvent chanter
separément, mais
, elles font faites pour
estre placées entre
les trois Couplets
qu'on a donnez dans
le mois precedent.
Onamisicy en petit
caractere ces trois
Couplets avec les
deux Chansons nouvelles,
dans l'ordre
où Ce doitchanter le
tout ensemble.
1. Couplet.
LE vin nousfait parler le
vinnousfait tairey
Lesilence à longs traits s'avale
avec levin, .,
Et le caquetse trouve au fond do
verre,
'Dés qu'on le voit on jaz.e comme
une commere
De la voisine & du voisin,
De la cousine & du cousin,
Dugalant homme&dufaquin,
iEt d'Alexandre
De Jupiter& de Catin.
Adieupudeur,adieu mystere, *
Viste, viste, viste,pourmefaire
taire,
Remplissezmon verre,
On ne dit motpendant qu'on boit,
L6vin m'afaitparler & le vin
,
I. m'a faittaire. CHANSON. LEvin endortl'amour,&
levin
le reveille.
L-icidas agitéd'une, aï
moureuseardeur,
Ne pouvoit s'endormir
sans vuider la hou.
teille,
Fdu le rend heureux;
il dortsur son bonheur.
A boire à cet ingrat dor.
meure
Le vin endort l'amour
& le vin le réveille.
2. Couplet. L E vin nous faitparler,& le
vin nous fait taire.
Lorsqu'à table un sçavantlar
perçoit à propos
jQuun esprit naturel va le con-
,
fondre,
S'il
y répont par boire, il hy
peut mieux répondre.
Maissi,buvant plus qu'il ne
faut,
'Vlflt prouverpar de grands
mots
Que les modernes font des sots
, pue les anciens sont sans defjÛftt,
Que tous les secrets du tres- haut ;S(}nt developpez. dans Hemere,
Viste, viste,viste , pour le faire
taire
Rempli(seX^fion verre.
Qu'il a d'espritpendant qu'il
boit, - Levin l'afaitparler d- le vist
lefait taire.
2. CHANSON.
L'Amour noUl fait
aimer, & l'amour
nousfaitboire.
Quon ait vû boire des
amans,
C'efl ce qu'on ne sçauroit
croire
Quand on a lû des T~-
mans: Mais ceux qui liront
no(Ire hTifioire
Pourront chanter à la
gloire
DesTirsisdece temps,
Des Ftits de ce temps,
Levin les fait atmer,&
l'amour les fait boire.
e- 1 t. -
3.
Çouplct. -
LE vin nous fait parler, & le
vin nous fait taire.
En silence une prude à petits
coups boira:
Mais si vous remplissezsouvent
son verre , La charité bien-tost émeut fit
bile amere:
Par zele pur elle dira,
Qu'en mariage celie-la. àson mary
rienn'apporta,
Que cependant ce mari-là
Tient <£tlle tout - 1 lebienqu'il
Pusqueparelle ille tira
D'un riche nobledont lepere.
rifle) viste , viste,pour la faire
taire,
Rempliffez^[on verre,
On ne méditpointquandonboit,
Le vin l'a fait parler &- le vis
l'a fait taire
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Résumé : 2. Chansons nouvelles.
Le texte présente une série de chansons et de couplets centrés sur le thème du vin et ses effets. Il explique que les nouvelles chansons doivent être chantées séparément mais sont conçues pour être placées entre trois couplets publiés précédemment. Ces éléments sont imprimés en petit caractère dans l'ordre approprié pour être chantés ensemble. Le premier couplet décrit comment le vin fait parler et taire les gens, incitant à la conversation sur divers sujets, allant des voisins aux figures mythologiques comme Alexandre et Jupiter. Le vin est également présenté comme un moyen de faire taire les gens, car on ne parle pas pendant qu'on boit. La première chanson explore comment le vin endort et réveille l'amour, racontant l'histoire de Licidas, qui ne peut s'endormir sans boire et trouve le bonheur grâce au vin. Le deuxième couplet aborde la sagesse et la conversation à table, soulignant que boire peut aider à répondre à des propos savants, mais que boire excessivement peut conduire à des discours pompeux et sans fondement. La deuxième chanson parle de l'amour et du vin, notant que l'amour fait aimer et boire, et que les amants boivent ensemble. Le troisième couplet traite de la prudence et de la charité, décrivant comment une femme prude boit en silence, mais que remplir souvent son verre peut la faire parler amèrement sur son mariage et ses biens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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114
p. 9-51
LE MARIAGE PAR INTEREST, OU LA FILLE A L'ENCHERE.
Début :
Un Pere avare, qui ne pensoit qu'à marier richement [...]
Mots clefs :
Fille, Père, Mariage, Homme, Marquis, Amour, Ami, Conseiller, Enchère, Jalousie
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texteReconnaissance textuelle : LE MARIAGE PAR INTEREST, OU LA FILLE A L'ENCHERE.
LE MARIAGE
PAR INTEREST,
ou
LA FILLE
A L'ENCHERE. UN Pereavare, qui
ne penloit qu'à
marier richement sa
fille, avoit déja rompu
plusieurs affaires, cro-
* yant toûjours trouver
un- nouveau Gendre
plus riche que lespremiers;
il retiroit fà"pàrole.
aussi facilement
qûTI l'avoit donnée,&
ce caractère luy avoit
attiré un ridicule,que
quelquesvoisines,jaloules
de la vertu desa
fille, faisoient retoixw
ber malignement sur
elle; elles l'appelloient
la Fille à revehere; Ce
Pere ridicule disoitluimême
: Ma fille est à
cent mil francs, elle ne
sortira pas de chez moy
à moins, mais je préférerai
celui qui en aura
cent cinquante. Il le
fit comme il le disoit,
car tout prêt à concl ure
avec un jeune Marquis
dont sa Fille étoit aimée
& qu'elle aimoit,
un Gentilhomme plus
riche vint mettre enchere
; & te pere luy
ad jugea la fille, ce qui
fit imaginer au Marquis
desesperé - un
moyen de retarder au
moins ce dernier mariage.
Persuadé qu'il ne
s'agissort que de faire
paroistreun nouvel en*
chenfïèur, il alla trouver
un de ses intimes
amis
, cet ami s'appelloit
Damon, il étoit
très riche, & on le
comoi(Toit- pour tel; le
Marquis le pria d'aller
faire des offresau pere
pour l'amuser & gagnerdutemps.
Damon
rebuta d'abord son ami,
cette feinte ne lui convenoit
point,c'étoit un
des plushonnêtes hommes
du monde: mais
l'autre étoit un des plus
vifs ,& des plus deraisonnables
Marquis de
la Ville : il presse, il
conjure,ilsedesespere.
Non,lui dit Damon
,
non, rien ne peut mengager
à faire une telle
démarche; cependant
s'il ne s'agissoit que de
faire connoissance avec
ta maistresse, on ditque
c'est une des plus aimables
personnesdu
monde, en luy disant
que je la trouve telle,
jenecommettroispoint
ma sincerité:en un mot
si le pere peut concevoir
quelque esperance
surmon assiduité auprés
de sa fille, je laverrai,
à cela ne tienne,que
je ne terende service:
mais je t'avertis que si
l'on me veut faire expliquer,
je parlerai sincerement.
Tout ce que
je puis faire pour toy,
c'est d'éviter l'explication.
Le Marquis se
contenta de ce qu'il
pouvoit exiger, & dés
le même jour Damon
fit connoissanceavecla
fille, & la vit ensuite
pédant quelques jours.
-
Lucie
,
c'étoit le
nom de cette charmante
persnne,Lucie étoit
dune delicaresse scrupuleuse
sur tous ses devoirs,
& quoyqu'elle
eust de l'inclination
pour le Marquis, elle
obéissoit aveuglement
à son pere ;cependant
elle avoit conçu
une aversioneffroyable
pour le Gentilhomme,
a quielle étoit promise
en dernier lieu: elle
eust beaucoup mieux
aimé Damon,si elleeust
pû
,
pû aimer quelqu'autre
que le Marquis
J.
&
Damon de soncôtéla
trouva si belle, si vertueuse
& si affligée,
qu'il sentit bientost
pourelleunepitié fort
tendre, & cette ten-
:
dresse augmentant de
jour en jour,il s'apper-
£ut enfinqu'il étoit le
rival de son amy. Je
croirois bien que malgré
sa probité, il ne
s'aperçut de cetamour
que le plustard qu'il
put: mais enfin se trouvant
à peu prés dans la
situation où l'auteur
de Don Quixote met
l'ami du Curieux Impertinent,
& ne pouvant
plus se cacher son
amour à uy-meme, il
crut ne devoir pas le
cacher à son ami. Je ne
veux plus voir Lucie,
lui dit-il un jour, je
fuis trop honnête homme
pour vouloirmen
faire aimera je n'ai pas lecouragedeservirson
amour en lavoyant. Le
Marquis, quoyqu'un
peu extravagant d'ailleurs,
ne [ç fut pas assez
pour exiger deson ami
unservice sidangèl'eux.
Damon cessa de
voir Lucie,& le pere
quiavoit déjà ses vues
sur lui, futallarmé de
ne le plus voir: mais
la destinée de ce pere
.avare vouloirqu'il luy
vînt coup sur coup des
offres toutes plus avantageuses
les unes que
les autres:Voicy un
nouvel encherisseur
plusriche que les precedens
,
c'étoitun Conseiller
de Province,qui
étoit devenu passionnement
amoureux de
Lucie, chez une parente
où ill'avoitvûë
plusieurs fois. Abregeons
le recit des poursuitesde
cet amant,&
des chagrins qu'en eut
Lucie ;le peresedétermina
absolument pour
celui-ci : voila les articles
dressez,& le Conseillerafifuré
qu'il possedera
bientôt la fille
du monde la plus aimable
, &C la plus sage
Icyetf ce qui letouchoit
davantage car il étoit
naturellement fort jaloux.
«
""1'11--', est bon de faire
ici attention surla
sagesse de Lucie, 6C
sur la jalousie du Conseiller,
pour mieux ccm.,
prendre la surprise où
fut ce jaloux en trouvant
sur la table de sa
maitresseune lettredécachetée:
cette lettre qu'-
il crut avoir déja droit
de lire luy parut être
: d'unCavalier fort amoureux
de Lucie, &:
qui lui écrivoit d'un
stile d'amant ajlné.Ah,
WÀ chere Lucie, disoit
la lettre
,
faut-ilquun
triste devoirnous separe!
Que jesuis à plaindrey
& que <voui Î, es aplaindre
vous-même d'être
sacrifiée par un pire injujle
à un homme que
- VOl« ne pourrez, jamais
aimer,à un incotïjmode,
,- à un fâcheux. en un
mot le Conseiller voit
qu'on parle de luicomme
s'il étoitdéja mari
»
&C qu'aparemment Lucie
estdemoitiédumér
pris que ce rival témoii
gne pour lui;imaginezvous
l'effet d'une pareille
avanrure sur un
jaloux.Ce n'est pas tout
la lettre marquait ques
le Cavalier ne manqueroit
pasde se trouver
onze heures du foir*
chez Lucie pour la.
consoler, & qu'il y seroit
reçupar la porte
d'un jardin, par où la
maison tenoit à une petite
rue écartée. Enfin
tout
tout étoit si bien circonstancié
dans la lettre,
que le Conseiller resolut
d'atendre l'heurede
ce rendezvous pousséclaircir
, avant que de
prend re la dessus un parti
violent digne d'un
homme tres - vindicatif
, Se qui n'avoit
d'autre merite que celuy
d'être riche & amoureux
d'une personne
qui meritoit d'être
aimée.
Après avoir attendu
l'heure du rendez vous
avec impudence, nôA -
tre jaloux se trouve dãs
la petite ruë, par où
devoit arriver le Marquis,
carc'étoirluyqui
avoit écrit la Lettre;
que vous diraije, l'heure
sonne, le Marquis
vient, on lui ouvre une
petite porte, on la referme,
& le ja loux restant
au guet ju hlu'an
matin, eut tout le loisir
de se convaincre que le
galandn'étoit pas entré
chez Lucie pour une
conversation passagere,
ce fut pendant ces heures
si cruelles à passer,
qu'ilmédira contre Lucie
une vengeance inoüie,
voicy comment
il s'y prit. irmn
,il On devoit signer le
contrat le lendemain
au soir, il fit préparer
un souper magnifique,
cC prit foin pendant le
jour de rassembler toute
la famille de Lucie,
qui étoit nombreuse;
il y joignit quantitéde
femmes qu'il choisir exprés
les plus médisantes
qu'il pût, sans compter
les hommes, qui
sont encore plus dangereux
que les femmes,
parce qu'on les croit
moins médifans.
Le soir venu le Conseiller
fit remettre la
signature du Contrat
a près le sou per,& les
deux concradas furent
placez solemnellement
au bout de la table, le
repas fut fort serieux,
parce qu'on voyoit les
époux futurs fort taciturnes,&
enfin quand
on fut prest à forcir de
table, le Conseiller addressa
la paroleau Pere.
Monsieur, luy dit-il,
enélevant lavoix,afin
que toute l'assemblée
pût l'entendre: Je n'ai
jamais manqné, de paro
l e a personne, c'efb
pourquay j'ay -voulu
avoir icy grand nom- bretémoins des justes
raisons qui m'en
sontmanquer pour la
premiere fois,
Ce debut parue singulier
à toute l'assemblée,
on fut curieux
d'entendre ce qu'alloit
prononcer ce grave Juge
de Province, tout le
monde scaitcoiità-luat-
il, que vous avez
manqué de parole à
trois ou quatre Gendres
de suite, vous m'en
manqueriez aussi sans
doute s' il s'en pre sentoit
un plus riche que
fmiloOyY>)vvoouussmmeenmlceppri1i--
feriez, ainsi je fuis en
droit demépriservôtre
fille"1puisque j'en trouve
une plus sage qu'-
elle.
A ce discours on crut
d'abord que le vin de
la Noce avoit troublé
le cerveau du Conseiller,
le profond si lence
où l'on étoit, lui donna
le laillr de lire aux
convives la Lettre du
Marquis, & de cjrcon..
stancier il bien le rendez-
vous nocturne
qu'alors on ne l'accusa
plus que d'avoirpoulsé
trop loin sa vengeance,
tous les parens de
cette fille de s- honorée
baissent les yeux ou
s'entre-regardent sans
oser ouvrir la bouche,
les uns s'affligent de
bonne 'foy;"les autres
n'osentrireencore de
ce qui réjouit leur malignité
, ceux-cy feignent
de douter, afin
qu'on-leur en aprenne
encor davantage, quelques-
uns excusent, la
plûpartblâment,mais
presque tous ont les
yeux sur Lucie, qui
devenue immobile, pâh?
& défaite estpreste
à tomber en foiblesse.
Cependant le Conseiller
est dé-ja bien
loin, il avoir médité
son départ pour la Province,
une Chaise de
poste l'attendoit, & il
étoit sorti de la Sale
sans que pcrfonne eut
eu le courage de le retenir.
On alloit se separer,
& quelques-uns commençoient
àdéfilerlors
qu'un nouveau su jet
d'attention les rassembla
tous: C'était le jeune
Marquis, aut heur
de la Lettre, il avoit
vu partirsonrival, &C
seroit sans doute entré
triomphant, del'avoir
fait fuir par un coup de
sa rêre
,
mais a y ant a ppris
l'éclat quecebrutalvenoit
de faire,il
accouroit pour reparer
l'honneur de sa Maîtresse,
pendant que l'assemblée
étoit encore-ntière
; il dit d'abord
pour justifier Lucie ce
qui étoit vray, c'est
que la connoissant trop
scrupuleuse pour entier
d^o-ns- foa projet il
savoit gagné sa femme
de chac3mbre pour luy
aider à donner tie violens
soupçons au Conseiller
jaloux; en un
mot la Femme de
chambre à l'insçû de sa
-
maistresseavoit joüé le
stratagême de la lettre,
& se doutant bien que
le Conseiller voudroit .- approfondir la circonstance
du rendezvous,
avoit introduit le Marquis
par la petite porte
du jardin, mais il en
étoic sorti à l'instant
par la grande.
Aprés cette explication
le jeune Marquis
t pour se justifierluymême,
s'écria, pardonnez,
belle Lucie, à 1amour,&
audesespoir,je
sçavois bien continuat-
il, que mon rival estoit
allez jaloux pour
rompre l'affaire: mais
jene lecroyoispasassez
vindicatifpour la rompre
a," c tclat.
Pendant tout cedifcours
Lucieavoir pa- ruagitée hors d'ellemême,&
sacolere fut
prête - d'éclater contre
ce Marquis extravagant,
quil'avoit sicruelI.
ment offensée : mais
tout à coup on la vit
redevenir tranquile
comme une personne
qui a pris son parry ;
les femmes seules sont
ca pa bles de prend re à
l'instant le bon pary
quand ellesont i'elpriC
bon ;celles qui prenent
de mauvais partis les
prennent avec la même
vivacité, & c'est
,.
encore un avantage
qu'elles ont surnous;
car leurs fautes estant
moins reflec hies que
celles des hommes,elles
font plus excusables.
Le Marquis après
avoir parlé à toute l'assemblée,
se jetta aux
pieds deLucie,bien
feur d'obtenir pardon
d'une personne qui luy
avoitavoüé qu'elle l'aimoit
; il lui representa
que la justification la
plus authentique qu'une
fille put desirer,C"étoit
toit que celui qui avoit
fait soupçonner sa ver- tuprouvât en épousant
qu'ilcroyoit cette vertu
horsdesoupçon.
• Un murmure d'approbation
qui s'éleva
dans toute l'assemblée ,marqua qu on jugeoit
ce mariage necessaire;
la familleàl'instant
exigea du pere qu'il y
consentit, & la joye
qu'il avoit de voir sa
fille justifiée, le rendit
en ce moment moins
avare qu'iln'avoit jamais
elté; il se tourna
vers safille, & luy dit
qu'illui laissoit le choix
de sadessinée.
Puisque vous avez
la bontéarépondit modestement
Lucie, de
remettre à mon choix
la maniere de me justifier,
je veux estre justifiée
le plusparfaitement
qu'il se pourra;
il est clair que le MarKjuisme
justifie en quelque
façon par ses offres;
car il est rare qu'un
homme épQufe volontiers
celle qu'il auroit
deshonorée : mais il cO:
encore plus rarequ'une
fille refuse de pareilles
offres de celui pour
qui elle auroit eu quelque
foiblesse, ainsi je
me crois plus parfaitement
justifïée en declarant
que je n'épouserasjamais
un homme
qui a esté capable de
sacrifîer ma réputation
à son caprice.
Le Marquis futconfondu
par la fermeté de
cette resolution, tout
le monde, & le pere
même la trouvant sensée,
approuvoic le parti
que Lucie venoit de
prendre, lorsqu'on vit
paroistre Damon, qui
avoit suivi le Marquis
pour voir comment sa
justification feroit receuë,
indigné de l'imprudence
de cet amy, voici comment il parla:
Puisque mon amy,
dit-il à Lucie, a perdu
par sa faute les droits
qu'il avoitsur vostre
coeur, je crois ne devoir
plus avoir d'égards
que pour vostre justifïcation,
vous avezdéclaré
que vous choisiriez la
plus parfaite de toutes,
daignez donc comparer
aux deux autres
celle que je vais vous
proposer.
Il est rare, comme
vous l'avez dit, qu'on
fasse des offres telles
qu'en a fait le Marquis;
il est rare aussiqu'en pareil
cas une fille à marier
refuse de pareilles
offres: mais il est sans
doute encore plus rare
qu'après l'éclat que
vient de faire ce Conseiller
, un homme
aussiriche que moy3
qui passe pour homme
sensé, & quise pique
de delicatesse sur l'honneur
,prouve en offrant
de vous époufer qu'il
est assez feur de vostre
vertu pour croire rneme
que vous oublierez
entièrement le Marquis.
Tout le monde fut
attentif à cette derniere
justification on attendoit
la decision de
Lucie, oui, Monsieur,
dit- elle à Damon
, me
croirecapable d'oublîer
par estime pour vous,
un homme que j'ai eu
la foiblesse d'aimer c'est
meriter mon coeur aussi-
bien que mon estime.
Aprés avoir ainsî
parlé, Lucie tourna les
yeux vers son pere qui
n'avoit garde d'oublier
en cette occasion que
Damon étoit le plus
riche de tous ceux qui
Scs'étoient
presenté, exceptéleConseiller
5,
one joyeunanimedécida
pour Damon, &C
les plaintes du Marquis
se perdirent parmi les
applaudissemens de
toute l'assemblée.
Ceux qui soupçonneront
cettehistoriette
d'avoir esté imaginée,
diront que l'amour en
devoit faire le dénoument,
on pourroit leur
répondre qu'undénoument
fait par la raison,
est encore plus beau
felon les moeurs ,d'autant
plus que le Marquis
a méritéd'estre
puni; il est vnry qu'il
peut rester à Lucie
quelque tendresse pour
luy : mais celle qui a
fçû sacrifiercette tendresse,
à l'estimesolide
qu'elle a pour Damon , sçaurabien acheverce
qu'elle a commencé;
en tout cas c'est l'affaire
de Lucie, si l'histoire
est veritable, & si
elle est feinte, c'est l'affaire
de l'auteur, de répondre
à la critique
qu'on pourroit faire de
ton dénoûment.
PAR INTEREST,
ou
LA FILLE
A L'ENCHERE. UN Pereavare, qui
ne penloit qu'à
marier richement sa
fille, avoit déja rompu
plusieurs affaires, cro-
* yant toûjours trouver
un- nouveau Gendre
plus riche que lespremiers;
il retiroit fà"pàrole.
aussi facilement
qûTI l'avoit donnée,&
ce caractère luy avoit
attiré un ridicule,que
quelquesvoisines,jaloules
de la vertu desa
fille, faisoient retoixw
ber malignement sur
elle; elles l'appelloient
la Fille à revehere; Ce
Pere ridicule disoitluimême
: Ma fille est à
cent mil francs, elle ne
sortira pas de chez moy
à moins, mais je préférerai
celui qui en aura
cent cinquante. Il le
fit comme il le disoit,
car tout prêt à concl ure
avec un jeune Marquis
dont sa Fille étoit aimée
& qu'elle aimoit,
un Gentilhomme plus
riche vint mettre enchere
; & te pere luy
ad jugea la fille, ce qui
fit imaginer au Marquis
desesperé - un
moyen de retarder au
moins ce dernier mariage.
Persuadé qu'il ne
s'agissort que de faire
paroistreun nouvel en*
chenfïèur, il alla trouver
un de ses intimes
amis
, cet ami s'appelloit
Damon, il étoit
très riche, & on le
comoi(Toit- pour tel; le
Marquis le pria d'aller
faire des offresau pere
pour l'amuser & gagnerdutemps.
Damon
rebuta d'abord son ami,
cette feinte ne lui convenoit
point,c'étoit un
des plushonnêtes hommes
du monde: mais
l'autre étoit un des plus
vifs ,& des plus deraisonnables
Marquis de
la Ville : il presse, il
conjure,ilsedesespere.
Non,lui dit Damon
,
non, rien ne peut mengager
à faire une telle
démarche; cependant
s'il ne s'agissoit que de
faire connoissance avec
ta maistresse, on ditque
c'est une des plus aimables
personnesdu
monde, en luy disant
que je la trouve telle,
jenecommettroispoint
ma sincerité:en un mot
si le pere peut concevoir
quelque esperance
surmon assiduité auprés
de sa fille, je laverrai,
à cela ne tienne,que
je ne terende service:
mais je t'avertis que si
l'on me veut faire expliquer,
je parlerai sincerement.
Tout ce que
je puis faire pour toy,
c'est d'éviter l'explication.
Le Marquis se
contenta de ce qu'il
pouvoit exiger, & dés
le même jour Damon
fit connoissanceavecla
fille, & la vit ensuite
pédant quelques jours.
-
Lucie
,
c'étoit le
nom de cette charmante
persnne,Lucie étoit
dune delicaresse scrupuleuse
sur tous ses devoirs,
& quoyqu'elle
eust de l'inclination
pour le Marquis, elle
obéissoit aveuglement
à son pere ;cependant
elle avoit conçu
une aversioneffroyable
pour le Gentilhomme,
a quielle étoit promise
en dernier lieu: elle
eust beaucoup mieux
aimé Damon,si elleeust
pû
,
pû aimer quelqu'autre
que le Marquis
J.
&
Damon de soncôtéla
trouva si belle, si vertueuse
& si affligée,
qu'il sentit bientost
pourelleunepitié fort
tendre, & cette ten-
:
dresse augmentant de
jour en jour,il s'apper-
£ut enfinqu'il étoit le
rival de son amy. Je
croirois bien que malgré
sa probité, il ne
s'aperçut de cetamour
que le plustard qu'il
put: mais enfin se trouvant
à peu prés dans la
situation où l'auteur
de Don Quixote met
l'ami du Curieux Impertinent,
& ne pouvant
plus se cacher son
amour à uy-meme, il
crut ne devoir pas le
cacher à son ami. Je ne
veux plus voir Lucie,
lui dit-il un jour, je
fuis trop honnête homme
pour vouloirmen
faire aimera je n'ai pas lecouragedeservirson
amour en lavoyant. Le
Marquis, quoyqu'un
peu extravagant d'ailleurs,
ne [ç fut pas assez
pour exiger deson ami
unservice sidangèl'eux.
Damon cessa de
voir Lucie,& le pere
quiavoit déjà ses vues
sur lui, futallarmé de
ne le plus voir: mais
la destinée de ce pere
.avare vouloirqu'il luy
vînt coup sur coup des
offres toutes plus avantageuses
les unes que
les autres:Voicy un
nouvel encherisseur
plusriche que les precedens
,
c'étoitun Conseiller
de Province,qui
étoit devenu passionnement
amoureux de
Lucie, chez une parente
où ill'avoitvûë
plusieurs fois. Abregeons
le recit des poursuitesde
cet amant,&
des chagrins qu'en eut
Lucie ;le peresedétermina
absolument pour
celui-ci : voila les articles
dressez,& le Conseillerafifuré
qu'il possedera
bientôt la fille
du monde la plus aimable
, &C la plus sage
Icyetf ce qui letouchoit
davantage car il étoit
naturellement fort jaloux.
«
""1'11--', est bon de faire
ici attention surla
sagesse de Lucie, 6C
sur la jalousie du Conseiller,
pour mieux ccm.,
prendre la surprise où
fut ce jaloux en trouvant
sur la table de sa
maitresseune lettredécachetée:
cette lettre qu'-
il crut avoir déja droit
de lire luy parut être
: d'unCavalier fort amoureux
de Lucie, &:
qui lui écrivoit d'un
stile d'amant ajlné.Ah,
WÀ chere Lucie, disoit
la lettre
,
faut-ilquun
triste devoirnous separe!
Que jesuis à plaindrey
& que <voui Î, es aplaindre
vous-même d'être
sacrifiée par un pire injujle
à un homme que
- VOl« ne pourrez, jamais
aimer,à un incotïjmode,
,- à un fâcheux. en un
mot le Conseiller voit
qu'on parle de luicomme
s'il étoitdéja mari
»
&C qu'aparemment Lucie
estdemoitiédumér
pris que ce rival témoii
gne pour lui;imaginezvous
l'effet d'une pareille
avanrure sur un
jaloux.Ce n'est pas tout
la lettre marquait ques
le Cavalier ne manqueroit
pasde se trouver
onze heures du foir*
chez Lucie pour la.
consoler, & qu'il y seroit
reçupar la porte
d'un jardin, par où la
maison tenoit à une petite
rue écartée. Enfin
tout
tout étoit si bien circonstancié
dans la lettre,
que le Conseiller resolut
d'atendre l'heurede
ce rendezvous pousséclaircir
, avant que de
prend re la dessus un parti
violent digne d'un
homme tres - vindicatif
, Se qui n'avoit
d'autre merite que celuy
d'être riche & amoureux
d'une personne
qui meritoit d'être
aimée.
Après avoir attendu
l'heure du rendez vous
avec impudence, nôA -
tre jaloux se trouve dãs
la petite ruë, par où
devoit arriver le Marquis,
carc'étoirluyqui
avoit écrit la Lettre;
que vous diraije, l'heure
sonne, le Marquis
vient, on lui ouvre une
petite porte, on la referme,
& le ja loux restant
au guet ju hlu'an
matin, eut tout le loisir
de se convaincre que le
galandn'étoit pas entré
chez Lucie pour une
conversation passagere,
ce fut pendant ces heures
si cruelles à passer,
qu'ilmédira contre Lucie
une vengeance inoüie,
voicy comment
il s'y prit. irmn
,il On devoit signer le
contrat le lendemain
au soir, il fit préparer
un souper magnifique,
cC prit foin pendant le
jour de rassembler toute
la famille de Lucie,
qui étoit nombreuse;
il y joignit quantitéde
femmes qu'il choisir exprés
les plus médisantes
qu'il pût, sans compter
les hommes, qui
sont encore plus dangereux
que les femmes,
parce qu'on les croit
moins médifans.
Le soir venu le Conseiller
fit remettre la
signature du Contrat
a près le sou per,& les
deux concradas furent
placez solemnellement
au bout de la table, le
repas fut fort serieux,
parce qu'on voyoit les
époux futurs fort taciturnes,&
enfin quand
on fut prest à forcir de
table, le Conseiller addressa
la paroleau Pere.
Monsieur, luy dit-il,
enélevant lavoix,afin
que toute l'assemblée
pût l'entendre: Je n'ai
jamais manqné, de paro
l e a personne, c'efb
pourquay j'ay -voulu
avoir icy grand nom- bretémoins des justes
raisons qui m'en
sontmanquer pour la
premiere fois,
Ce debut parue singulier
à toute l'assemblée,
on fut curieux
d'entendre ce qu'alloit
prononcer ce grave Juge
de Province, tout le
monde scaitcoiità-luat-
il, que vous avez
manqué de parole à
trois ou quatre Gendres
de suite, vous m'en
manqueriez aussi sans
doute s' il s'en pre sentoit
un plus riche que
fmiloOyY>)vvoouussmmeenmlceppri1i--
feriez, ainsi je fuis en
droit demépriservôtre
fille"1puisque j'en trouve
une plus sage qu'-
elle.
A ce discours on crut
d'abord que le vin de
la Noce avoit troublé
le cerveau du Conseiller,
le profond si lence
où l'on étoit, lui donna
le laillr de lire aux
convives la Lettre du
Marquis, & de cjrcon..
stancier il bien le rendez-
vous nocturne
qu'alors on ne l'accusa
plus que d'avoirpoulsé
trop loin sa vengeance,
tous les parens de
cette fille de s- honorée
baissent les yeux ou
s'entre-regardent sans
oser ouvrir la bouche,
les uns s'affligent de
bonne 'foy;"les autres
n'osentrireencore de
ce qui réjouit leur malignité
, ceux-cy feignent
de douter, afin
qu'on-leur en aprenne
encor davantage, quelques-
uns excusent, la
plûpartblâment,mais
presque tous ont les
yeux sur Lucie, qui
devenue immobile, pâh?
& défaite estpreste
à tomber en foiblesse.
Cependant le Conseiller
est dé-ja bien
loin, il avoir médité
son départ pour la Province,
une Chaise de
poste l'attendoit, & il
étoit sorti de la Sale
sans que pcrfonne eut
eu le courage de le retenir.
On alloit se separer,
& quelques-uns commençoient
àdéfilerlors
qu'un nouveau su jet
d'attention les rassembla
tous: C'était le jeune
Marquis, aut heur
de la Lettre, il avoit
vu partirsonrival, &C
seroit sans doute entré
triomphant, del'avoir
fait fuir par un coup de
sa rêre
,
mais a y ant a ppris
l'éclat quecebrutalvenoit
de faire,il
accouroit pour reparer
l'honneur de sa Maîtresse,
pendant que l'assemblée
étoit encore-ntière
; il dit d'abord
pour justifier Lucie ce
qui étoit vray, c'est
que la connoissant trop
scrupuleuse pour entier
d^o-ns- foa projet il
savoit gagné sa femme
de chac3mbre pour luy
aider à donner tie violens
soupçons au Conseiller
jaloux; en un
mot la Femme de
chambre à l'insçû de sa
-
maistresseavoit joüé le
stratagême de la lettre,
& se doutant bien que
le Conseiller voudroit .- approfondir la circonstance
du rendezvous,
avoit introduit le Marquis
par la petite porte
du jardin, mais il en
étoic sorti à l'instant
par la grande.
Aprés cette explication
le jeune Marquis
t pour se justifierluymême,
s'écria, pardonnez,
belle Lucie, à 1amour,&
audesespoir,je
sçavois bien continuat-
il, que mon rival estoit
allez jaloux pour
rompre l'affaire: mais
jene lecroyoispasassez
vindicatifpour la rompre
a," c tclat.
Pendant tout cedifcours
Lucieavoir pa- ruagitée hors d'ellemême,&
sacolere fut
prête - d'éclater contre
ce Marquis extravagant,
quil'avoit sicruelI.
ment offensée : mais
tout à coup on la vit
redevenir tranquile
comme une personne
qui a pris son parry ;
les femmes seules sont
ca pa bles de prend re à
l'instant le bon pary
quand ellesont i'elpriC
bon ;celles qui prenent
de mauvais partis les
prennent avec la même
vivacité, & c'est
,.
encore un avantage
qu'elles ont surnous;
car leurs fautes estant
moins reflec hies que
celles des hommes,elles
font plus excusables.
Le Marquis après
avoir parlé à toute l'assemblée,
se jetta aux
pieds deLucie,bien
feur d'obtenir pardon
d'une personne qui luy
avoitavoüé qu'elle l'aimoit
; il lui representa
que la justification la
plus authentique qu'une
fille put desirer,C"étoit
toit que celui qui avoit
fait soupçonner sa ver- tuprouvât en épousant
qu'ilcroyoit cette vertu
horsdesoupçon.
• Un murmure d'approbation
qui s'éleva
dans toute l'assemblée ,marqua qu on jugeoit
ce mariage necessaire;
la familleàl'instant
exigea du pere qu'il y
consentit, & la joye
qu'il avoit de voir sa
fille justifiée, le rendit
en ce moment moins
avare qu'iln'avoit jamais
elté; il se tourna
vers safille, & luy dit
qu'illui laissoit le choix
de sadessinée.
Puisque vous avez
la bontéarépondit modestement
Lucie, de
remettre à mon choix
la maniere de me justifier,
je veux estre justifiée
le plusparfaitement
qu'il se pourra;
il est clair que le MarKjuisme
justifie en quelque
façon par ses offres;
car il est rare qu'un
homme épQufe volontiers
celle qu'il auroit
deshonorée : mais il cO:
encore plus rarequ'une
fille refuse de pareilles
offres de celui pour
qui elle auroit eu quelque
foiblesse, ainsi je
me crois plus parfaitement
justifïée en declarant
que je n'épouserasjamais
un homme
qui a esté capable de
sacrifîer ma réputation
à son caprice.
Le Marquis futconfondu
par la fermeté de
cette resolution, tout
le monde, & le pere
même la trouvant sensée,
approuvoic le parti
que Lucie venoit de
prendre, lorsqu'on vit
paroistre Damon, qui
avoit suivi le Marquis
pour voir comment sa
justification feroit receuë,
indigné de l'imprudence
de cet amy, voici comment il parla:
Puisque mon amy,
dit-il à Lucie, a perdu
par sa faute les droits
qu'il avoitsur vostre
coeur, je crois ne devoir
plus avoir d'égards
que pour vostre justifïcation,
vous avezdéclaré
que vous choisiriez la
plus parfaite de toutes,
daignez donc comparer
aux deux autres
celle que je vais vous
proposer.
Il est rare, comme
vous l'avez dit, qu'on
fasse des offres telles
qu'en a fait le Marquis;
il est rare aussiqu'en pareil
cas une fille à marier
refuse de pareilles
offres: mais il est sans
doute encore plus rare
qu'après l'éclat que
vient de faire ce Conseiller
, un homme
aussiriche que moy3
qui passe pour homme
sensé, & quise pique
de delicatesse sur l'honneur
,prouve en offrant
de vous époufer qu'il
est assez feur de vostre
vertu pour croire rneme
que vous oublierez
entièrement le Marquis.
Tout le monde fut
attentif à cette derniere
justification on attendoit
la decision de
Lucie, oui, Monsieur,
dit- elle à Damon
, me
croirecapable d'oublîer
par estime pour vous,
un homme que j'ai eu
la foiblesse d'aimer c'est
meriter mon coeur aussi-
bien que mon estime.
Aprés avoir ainsî
parlé, Lucie tourna les
yeux vers son pere qui
n'avoit garde d'oublier
en cette occasion que
Damon étoit le plus
riche de tous ceux qui
Scs'étoient
presenté, exceptéleConseiller
5,
one joyeunanimedécida
pour Damon, &C
les plaintes du Marquis
se perdirent parmi les
applaudissemens de
toute l'assemblée.
Ceux qui soupçonneront
cettehistoriette
d'avoir esté imaginée,
diront que l'amour en
devoit faire le dénoument,
on pourroit leur
répondre qu'undénoument
fait par la raison,
est encore plus beau
felon les moeurs ,d'autant
plus que le Marquis
a méritéd'estre
puni; il est vnry qu'il
peut rester à Lucie
quelque tendresse pour
luy : mais celle qui a
fçû sacrifiercette tendresse,
à l'estimesolide
qu'elle a pour Damon , sçaurabien acheverce
qu'elle a commencé;
en tout cas c'est l'affaire
de Lucie, si l'histoire
est veritable, & si
elle est feinte, c'est l'affaire
de l'auteur, de répondre
à la critique
qu'on pourroit faire de
ton dénoûment.
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Résumé : LE MARIAGE PAR INTEREST, OU LA FILLE A L'ENCHERE.
Le texte relate l'histoire d'un père avare déterminé à marier sa fille Lucie au plus offrant. Plusieurs fiançailles sont rompues, attirant ainsi le ridicule et des rumeurs malveillantes sur Lucie. Un jeune Marquis, amoureux de Lucie, voit sa demande rejetée au profit d'un gentilhomme plus riche. Désespéré, le Marquis demande à son ami Damon, un homme riche et honnête, de faire une offre pour gagner du temps. Damon accepte à contrecœur et rencontre Lucie, qu'il trouve charmante et vertueuse. Il finit par tomber amoureux d'elle, mais décide de ne plus la voir pour éviter de trahir son ami. Lucie est ensuite promise à un Conseiller de Province, mais elle est horrifiée par cette perspective. Le Conseiller, jaloux, découvre une lettre d'amour prétendument écrite par un autre homme, ce qui le pousse à quitter Lucie. Le Marquis révèle alors que la lettre était un stratagème pour éloigner le Conseiller. Lucie, offensée par l'imprudence du Marquis, refuse de l'épouser. Damon, présent lors de cette révélation, propose alors de l'épouser pour la justifier pleinement. Lucie accepte, impressionnée par la délicatesse et l'estime de Damon. Le père, voyant l'unanimité en faveur de Damon, consent au mariage. Le texte se termine par l'approbation générale de cette union, soulignant la sagesse et la raison qui ont guidé la décision de Lucie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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115
p. 18-19
EPIGRAMME.
Début :
Le traître Amour prit à Venus la Mere [...]
Mots clefs :
Amour, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME.
EPIGRAMME.
Letraître Amour prità Venus
la Merc
Certain bouquet pour donnerà
Psiché,
Puis dans les yeux de celle
qui mest chere
S'enfuie tout droit se croïant
bien caché:
Lors je luy dis : Te voilà
mal niché,
Petit Garçon ,cherche une
autre retraitte,
Celle du coeur fera bien plus
secrette.
Vrrayment,ditil, Amy"ê
c'estm'obliger;
Et pour payer ton amitié
discrette,
C'e{t dans ton coeur que je
me veux loger.
Letraître Amour prità Venus
la Merc
Certain bouquet pour donnerà
Psiché,
Puis dans les yeux de celle
qui mest chere
S'enfuie tout droit se croïant
bien caché:
Lors je luy dis : Te voilà
mal niché,
Petit Garçon ,cherche une
autre retraitte,
Celle du coeur fera bien plus
secrette.
Vrrayment,ditil, Amy"ê
c'estm'obliger;
Et pour payer ton amitié
discrette,
C'e{t dans ton coeur que je
me veux loger.
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116
p. 23-39
EXTRAIT De la Réponse que fit à ce Discours Monsieur de Valincour, Secretaire General de la Marine, alors Chancelier de l'Academie.
Début :
MONSIEUR, Le consentement unanime de vos suffrages vous a fait [...]
Mots clefs :
Académie française, Amour, Vertu, Ennemis, Hommes, Despréaux, Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT De la Réponse que fit à ce Discours Monsieur de Valincour, Secretaire General de la Marine, alors Chancelier de l'Academie.
EXTRAIT
De la Réponseque fit à
ce Discours Monsieur
de Valincour
,
Secretaire
General de la Marine,
alors Chancelier
de l'Academie.
MONSIEUR,
Le consentement unanime
de njos fufJra(es vous afait
ajJeZ voir combien nous estJeZ,
desiré, & avec quel
plaisir l' AcademieFrançoise
IVa pourlaseconde fois écrire
dans Ilof fastes
, un nom dont
elles'honore depuis tant d'années.
Quelles terres, quelles
mers quelles guerres, quelles
negociation s & pour
parler de ce qui nous convientparticulièrement,
quelles
académies peut-on citer
aujourd'huyoù l'on nftrvUve
des traces delagloire de
ce nom illustre? Qujl amour
pour lesLettres dans tous ceux
qui le portent, &qu'ils ont
Sçu joindre à tant àaéhons
éclatantes &a tant deservices
tanins à l'Etat?
§l*el
Quel exemple plus propre
à confondreégalement & la
grojjieretè barbare qui mé..
prise l'amour des Lettres,
comme indigne des Grands
Hommes, fY lA delicatesse
oisive,qui n'y cherche qu'un
amusement, frivole, ou une
vaine reputation.
N'a-t on pas vû vôtre
illustre pere donner encore
à la lecture des bons livres,
les plus doux momens
de son loisir,dansunevieillejîe
echapée à tant de combats
qu'aavoit rendusfunestesà
nos ennemis. J'ay vû ce
Frere, qui vous est sicher
adoucir les ennuisd'une lono-
ue navigation, tantôt avec
ce Poëte qui fut l'amy de Sri*
pion, tantôt avec celuy qui
fit lesdelices SAugujle *•
& à la veille d'un grand
combat étudiertranquillement
dans les Heros des terris
pastr des actions deconduite
& de valeur dont il alloit
lui-même donner de nou-
'VeAUX exemples.
Et quel honneur n'apoint
fait*uk Lettres, ce grand
Cardinaly Doyen del'Academie,
lorflue joignantà la
force d'un genie superieur,
toutes les graces & toutes
les lumieres qu'on trouve
dans le commerce des Muses,
il regnoit par la parole dans
toutes les Cours de l'Europe,
Maître dans l'art de persuader,
dont il pouvoit donner
des preceptes comme Aristote,
(IF des exemples comme
Demostenes, il rassuroit nos
A¡lteZ' incertains, dissipoit
les Irgues de nos ennemis,
(§£> jjLtjoit ceder aux seuLs
forces de la raison, ceux qui
étoient en état de rellff,r
aux plus puissantes armées.
Quidenousen levoyant
aujourd'hui dans ce noble repos
aquis partant de travaux
celebres, ne croit voir ce
Nestor d'Homere, qui par
les charmes desonéloquence,
&par lasagesse deses conseils
, avoit modéré si longtemps
les passions des Princes
& des Republiques,& qui
avoit esté l'amy & le compagnon
fidele des Heros de
trois âges? & dans quels
Agesy & dans quels siecles
cet illustreCardinal ne paroist-
ilpointavoirvécu?&..
Puisquenous sommes pri'
VeZ duplaisir de le oir à
nos exercices, c'est à VOUS,
Monsieur, d'en remplir la
place,tl,ujJi bien que celle de
l'excellent hommeà quivous
JucceàeXj, faites-nous part
de ces richesses qui 'VOU$ font
naturelles, & de celles que
'UOIU aveZ acquises par vos
grandsemplois dans les Païs
étrangers; montrez-nous en
quoy la Langue Franfoife
peut estre comparable
, ou
même préferée à tant d'autres
Langues qui vous sont sifamilieres.
Que l'Academie, en
vous voyant, croye voir
son illustre Doyen, & l'illustre
confrere qu'elle a
perdu. .4
Je ne crains point,Messieurs
, que l'amitié me
rende suspect sur le sujet
de MonsieurDESPREAUX..
quel éloge en puis je faire
que vous n'ayiez déja prévenu?
J'ose attester, Messieurs
,
le jugement que
tant de fois vous en avez
porté vous-mêmes ,
j'atteste
celui de tous les Peuples
de l'Europe. L'approbation
universelle
, ,
cft le plusgrand éloge
que les homimes puissent
donner à un écrivain, &
en même temps la marque
la plus certaine de la
perfection des ouvrages;
par quel heureuxsecret
peut-on acquérir cette
approbation. Monsieur
Despreaux nous l'aappris
lui-même, c'est par l'amour
du vray.
En t/Jet, ce rirft que dans
levrayfeulement que tous les
hommes je jéumjjtnt, différens
d'ailleurs dans leurs
moeurs, dans leurs prejugeT9
dans leurmaniere depenser,
d'ecrire, cV- dejuger de ceux
quiecrivent; des que le vray
paroît clairementàleursyeux,
il enleve toujours leurconsentement&
leuradmiration.
Monsieur Despreaux
avoit puisé dans la nature
même, ce Vrayqu'on ne
peut voir qu'enelle, mais
qu'elle ne laiiIè voir qu'à
les favoris.
Mais c'eiten vain qu'un
auteur choisitle vraypour
modele
,
il est toûjours sujetas'égarer,
s'il ne prend
.auLIJ laraifon pour guide:
elle apprit a Monsieur
Despréaux à éviter les excez
de Juven.al,& d'Hora- - cemême,qui avoient atta--
que les vices de leur temps
avec des armes qui faisoient
rougir la vertu. Il
osa le premier faire voir
aux hommes une satyre
fage & modeste , & renédit
sacvierausisi pturse qu.e ses .;}
Incapablededéguisement
,
dansses moeurs, comme d'affectation
dans ses ouvrages, il S'elf toûjours montré tel
qu'ilestoit, aimant mieux,
dzjoit-it> laisser voir de veritables
deffautsque de les
couvrir par de fausses vertus.
Tout ce qui choquoit la
raison oulaverité
,
excitoit
en luy-même un chagrin,
dont il n'etoit pas lemaistre,
& auquel peut estre sommes
nous redevables de ses p us
ingenieusescompositions:mais
en attaquant ce déffaut des
Ecrivains,ila toujours épargné
l urs personnes.
il croyoit permu à tout
homme qui sçait parler ou
écrire de censurer publiquementde
mauvais livres:mais
il ne regardoit qu'avec horreur
ces dangereux ennemis
du genre humain, qui sans
respectpour l'amitié,pour la
véritémême, déchirent indifféremment
tout ce qui s'offre
à leur imagination
,
(9i
qluesi du fonds des tenebrts qui
dérobent à la rigueur des
JLoix^sefont un jeu cruel de
publier les fautes les plus cac/;
éts,& de noircir les actions
lesplus innocentes.
M. Despreaux s'animoit
sur tout contre ces genres
de poësies
,
où la Religion
luy paroissoitoffensée &.
Heureux d'avoir pûd'une
même main imprimer un
oprobre éternel à des ouvrages
si contraires aux bonnes
moeurs,& donner à ],:r.vertu,
enlapersonnede notre Auguste
Monarque, des louan
ges qui nepérirontjamais.
Souvenons- nous que
nôtre siecle fera regardé
un jour du même point
d'éloignement d'où nous
regardons maintenant celuy
d'Auguste.
On ne voit que foiblement
sa gloire dans les
arcs de triomphes, médailles
& autres monumens
que ce temps a détruits
ou alterez : mais quand
on le contemple dans les
vers de Virgile & d'Horace
soûtenant luy seul tout
le poids des affaires du
monde,vainqueur de ses
1\ * ennemis, & toujours pere
de ses sujets,banissant le
vice par ses Loix, enseignant
la vertu par ses
exemples,&.
Alors les coeurs & les
esprits sereünissent pourformer
un noHveau çenctrt de
louanges. On bénit le Ciel
d'avoir donne aux hommes
un si bon Maijlre, & l'on
souhaite que tous ceux qui
viendront Aprés luy puijjtnt
luy ressembler.
N'en d,),,,tonspoint,Monsieur,
tel & plus grand encore
la posterité verra tÀuguste
Loüis dans les ouvrages
de M. Despreaux, é..
& dans ceux decette illustre
Compagnie.
PurjJt t-il encore durant
nn grand nombre d'années
préparer aux siecles à venir
-
de nouveauxsujets d'admiration;&
puisse une longue (ST
heureuse paix le mettre bientost
en estat de procureràses
peuples un bonheur qui fait
le plus cher objet deses desirs
&qui fera la consommation
desa gloire
De la Réponseque fit à
ce Discours Monsieur
de Valincour
,
Secretaire
General de la Marine,
alors Chancelier
de l'Academie.
MONSIEUR,
Le consentement unanime
de njos fufJra(es vous afait
ajJeZ voir combien nous estJeZ,
desiré, & avec quel
plaisir l' AcademieFrançoise
IVa pourlaseconde fois écrire
dans Ilof fastes
, un nom dont
elles'honore depuis tant d'années.
Quelles terres, quelles
mers quelles guerres, quelles
negociation s & pour
parler de ce qui nous convientparticulièrement,
quelles
académies peut-on citer
aujourd'huyoù l'on nftrvUve
des traces delagloire de
ce nom illustre? Qujl amour
pour lesLettres dans tous ceux
qui le portent, &qu'ils ont
Sçu joindre à tant àaéhons
éclatantes &a tant deservices
tanins à l'Etat?
§l*el
Quel exemple plus propre
à confondreégalement & la
grojjieretè barbare qui mé..
prise l'amour des Lettres,
comme indigne des Grands
Hommes, fY lA delicatesse
oisive,qui n'y cherche qu'un
amusement, frivole, ou une
vaine reputation.
N'a-t on pas vû vôtre
illustre pere donner encore
à la lecture des bons livres,
les plus doux momens
de son loisir,dansunevieillejîe
echapée à tant de combats
qu'aavoit rendusfunestesà
nos ennemis. J'ay vû ce
Frere, qui vous est sicher
adoucir les ennuisd'une lono-
ue navigation, tantôt avec
ce Poëte qui fut l'amy de Sri*
pion, tantôt avec celuy qui
fit lesdelices SAugujle *•
& à la veille d'un grand
combat étudiertranquillement
dans les Heros des terris
pastr des actions deconduite
& de valeur dont il alloit
lui-même donner de nou-
'VeAUX exemples.
Et quel honneur n'apoint
fait*uk Lettres, ce grand
Cardinaly Doyen del'Academie,
lorflue joignantà la
force d'un genie superieur,
toutes les graces & toutes
les lumieres qu'on trouve
dans le commerce des Muses,
il regnoit par la parole dans
toutes les Cours de l'Europe,
Maître dans l'art de persuader,
dont il pouvoit donner
des preceptes comme Aristote,
(IF des exemples comme
Demostenes, il rassuroit nos
A¡lteZ' incertains, dissipoit
les Irgues de nos ennemis,
(§£> jjLtjoit ceder aux seuLs
forces de la raison, ceux qui
étoient en état de rellff,r
aux plus puissantes armées.
Quidenousen levoyant
aujourd'hui dans ce noble repos
aquis partant de travaux
celebres, ne croit voir ce
Nestor d'Homere, qui par
les charmes desonéloquence,
&par lasagesse deses conseils
, avoit modéré si longtemps
les passions des Princes
& des Republiques,& qui
avoit esté l'amy & le compagnon
fidele des Heros de
trois âges? & dans quels
Agesy & dans quels siecles
cet illustreCardinal ne paroist-
ilpointavoirvécu?&..
Puisquenous sommes pri'
VeZ duplaisir de le oir à
nos exercices, c'est à VOUS,
Monsieur, d'en remplir la
place,tl,ujJi bien que celle de
l'excellent hommeà quivous
JucceàeXj, faites-nous part
de ces richesses qui 'VOU$ font
naturelles, & de celles que
'UOIU aveZ acquises par vos
grandsemplois dans les Païs
étrangers; montrez-nous en
quoy la Langue Franfoife
peut estre comparable
, ou
même préferée à tant d'autres
Langues qui vous sont sifamilieres.
Que l'Academie, en
vous voyant, croye voir
son illustre Doyen, & l'illustre
confrere qu'elle a
perdu. .4
Je ne crains point,Messieurs
, que l'amitié me
rende suspect sur le sujet
de MonsieurDESPREAUX..
quel éloge en puis je faire
que vous n'ayiez déja prévenu?
J'ose attester, Messieurs
,
le jugement que
tant de fois vous en avez
porté vous-mêmes ,
j'atteste
celui de tous les Peuples
de l'Europe. L'approbation
universelle
, ,
cft le plusgrand éloge
que les homimes puissent
donner à un écrivain, &
en même temps la marque
la plus certaine de la
perfection des ouvrages;
par quel heureuxsecret
peut-on acquérir cette
approbation. Monsieur
Despreaux nous l'aappris
lui-même, c'est par l'amour
du vray.
En t/Jet, ce rirft que dans
levrayfeulement que tous les
hommes je jéumjjtnt, différens
d'ailleurs dans leurs
moeurs, dans leurs prejugeT9
dans leurmaniere depenser,
d'ecrire, cV- dejuger de ceux
quiecrivent; des que le vray
paroît clairementàleursyeux,
il enleve toujours leurconsentement&
leuradmiration.
Monsieur Despreaux
avoit puisé dans la nature
même, ce Vrayqu'on ne
peut voir qu'enelle, mais
qu'elle ne laiiIè voir qu'à
les favoris.
Mais c'eiten vain qu'un
auteur choisitle vraypour
modele
,
il est toûjours sujetas'égarer,
s'il ne prend
.auLIJ laraifon pour guide:
elle apprit a Monsieur
Despréaux à éviter les excez
de Juven.al,& d'Hora- - cemême,qui avoient atta--
que les vices de leur temps
avec des armes qui faisoient
rougir la vertu. Il
osa le premier faire voir
aux hommes une satyre
fage & modeste , & renédit
sacvierausisi pturse qu.e ses .;}
Incapablededéguisement
,
dansses moeurs, comme d'affectation
dans ses ouvrages, il S'elf toûjours montré tel
qu'ilestoit, aimant mieux,
dzjoit-it> laisser voir de veritables
deffautsque de les
couvrir par de fausses vertus.
Tout ce qui choquoit la
raison oulaverité
,
excitoit
en luy-même un chagrin,
dont il n'etoit pas lemaistre,
& auquel peut estre sommes
nous redevables de ses p us
ingenieusescompositions:mais
en attaquant ce déffaut des
Ecrivains,ila toujours épargné
l urs personnes.
il croyoit permu à tout
homme qui sçait parler ou
écrire de censurer publiquementde
mauvais livres:mais
il ne regardoit qu'avec horreur
ces dangereux ennemis
du genre humain, qui sans
respectpour l'amitié,pour la
véritémême, déchirent indifféremment
tout ce qui s'offre
à leur imagination
,
(9i
qluesi du fonds des tenebrts qui
dérobent à la rigueur des
JLoix^sefont un jeu cruel de
publier les fautes les plus cac/;
éts,& de noircir les actions
lesplus innocentes.
M. Despreaux s'animoit
sur tout contre ces genres
de poësies
,
où la Religion
luy paroissoitoffensée &.
Heureux d'avoir pûd'une
même main imprimer un
oprobre éternel à des ouvrages
si contraires aux bonnes
moeurs,& donner à ],:r.vertu,
enlapersonnede notre Auguste
Monarque, des louan
ges qui nepérirontjamais.
Souvenons- nous que
nôtre siecle fera regardé
un jour du même point
d'éloignement d'où nous
regardons maintenant celuy
d'Auguste.
On ne voit que foiblement
sa gloire dans les
arcs de triomphes, médailles
& autres monumens
que ce temps a détruits
ou alterez : mais quand
on le contemple dans les
vers de Virgile & d'Horace
soûtenant luy seul tout
le poids des affaires du
monde,vainqueur de ses
1\ * ennemis, & toujours pere
de ses sujets,banissant le
vice par ses Loix, enseignant
la vertu par ses
exemples,&.
Alors les coeurs & les
esprits sereünissent pourformer
un noHveau çenctrt de
louanges. On bénit le Ciel
d'avoir donne aux hommes
un si bon Maijlre, & l'on
souhaite que tous ceux qui
viendront Aprés luy puijjtnt
luy ressembler.
N'en d,),,,tonspoint,Monsieur,
tel & plus grand encore
la posterité verra tÀuguste
Loüis dans les ouvrages
de M. Despreaux, é..
& dans ceux decette illustre
Compagnie.
PurjJt t-il encore durant
nn grand nombre d'années
préparer aux siecles à venir
-
de nouveauxsujets d'admiration;&
puisse une longue (ST
heureuse paix le mettre bientost
en estat de procureràses
peuples un bonheur qui fait
le plus cher objet deses desirs
&qui fera la consommation
desa gloire
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Résumé : EXTRAIT De la Réponse que fit à ce Discours Monsieur de Valincour, Secretaire General de la Marine, alors Chancelier de l'Academie.
Monsieur de Valincour, Secrétaire Général de la Marine et Chancelier de l'Académie, répond à un discours en exprimant la joie de l'Académie d'honorer à nouveau un nom illustre. Il souligne les nombreuses contributions de cette personne dans divers domaines, notamment les lettres, les guerres et les négociations. Valincour mentionne l'amour des lettres partagé par tous ceux qui portent ce nom, citant des exemples de membres éminents comme le père de l'interlocuteur et le Cardinal Doyen de l'Académie, qui ont combiné des talents littéraires et des actions héroïques. Valincour loue également Monsieur Despreaux, dont l'œuvre a reçu une approbation universelle en Europe. Despreaux est salué pour son attachement à la vérité et à la raison, évitant les excès et les affectations. Il est reconnu pour ses compositions ingénieuses et son engagement à censurer les mauvais livres sans attaquer les personnes. Despreaux est particulièrement admiré pour avoir défendu la religion et les bonnes mœurs, et pour avoir célébré la vertu du monarque. Valincour conclut en espérant que la postérité verra le roi Auguste Louis à travers les œuvres de Despreaux et de l'Académie. Il souhaite également une longue et heureuse paix pour le bonheur des peuples.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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117
p. 61-64
Histoire Espagnole. [titre d'après la table]
Début :
L'histoire qui suit, tirée d'anciens memoires Espagnols, est [...]
Mots clefs :
Histoire, Amour
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texteReconnaissance textuelle : Histoire Espagnole. [titre d'après la table]
tirée d'anciens memoires
Espagnols, est écrite
dans le gout deZaïde,
& de la Princesse de
Cleves, genre d'écrire
excellent; mais qui paroist
allongé & languissant
à ceux qui ne veulent
dans une avanture
amoureuseniconversations,
ni sentimens, défaut
de gout, fondé sur
le défaut des moeurs.
Nos jeunes gens feroient
ravisqu'on traitât
l'amour dans un livre
come ils letraitent
dans le monde;ils voudroient
voir le dénouement
dés la seconde page;
ils ne veulent plus
que l'extrait d'une histoire
, parce qu'ils n'aiment
plus que l'extrait
d'une intrigue: tout ce
qui doit interesser les
ennuye , ils appellent
romanesques
, tous les
sentimens élevez & delicats
que produir la
belle nature ; extrémité
opoféeà celle du temps
de Voiture, où l'on appelloit
beau naturel les
spiritual itez quintessenciées
d'Alcidalis & de
Zelide. L'histoire suivante
eftécrite aussi noblement,
mais plus naturellement
qu'on ne
l'eût écrite en ce tems- là, &j'aycrû faire
honneur au nostre en
luy donnant une histoire
où l'amour est traité
avec delicatesse. Puis
qu'on donnoit en ce
temps-là, pourra dire
quelqu'un dans cent
ans,un tel ouvrage dans
un Journal public, il
falloitdoncqu'ilyeût
encore un certain nombre
de gens à qui cette
maniere d'aimer fist
plaisir.
Espagnols, est écrite
dans le gout deZaïde,
& de la Princesse de
Cleves, genre d'écrire
excellent; mais qui paroist
allongé & languissant
à ceux qui ne veulent
dans une avanture
amoureuseniconversations,
ni sentimens, défaut
de gout, fondé sur
le défaut des moeurs.
Nos jeunes gens feroient
ravisqu'on traitât
l'amour dans un livre
come ils letraitent
dans le monde;ils voudroient
voir le dénouement
dés la seconde page;
ils ne veulent plus
que l'extrait d'une histoire
, parce qu'ils n'aiment
plus que l'extrait
d'une intrigue: tout ce
qui doit interesser les
ennuye , ils appellent
romanesques
, tous les
sentimens élevez & delicats
que produir la
belle nature ; extrémité
opoféeà celle du temps
de Voiture, où l'on appelloit
beau naturel les
spiritual itez quintessenciées
d'Alcidalis & de
Zelide. L'histoire suivante
eftécrite aussi noblement,
mais plus naturellement
qu'on ne
l'eût écrite en ce tems- là, &j'aycrû faire
honneur au nostre en
luy donnant une histoire
où l'amour est traité
avec delicatesse. Puis
qu'on donnoit en ce
temps-là, pourra dire
quelqu'un dans cent
ans,un tel ouvrage dans
un Journal public, il
falloitdoncqu'ilyeût
encore un certain nombre
de gens à qui cette
maniere d'aimer fist
plaisir.
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Résumé : Histoire Espagnole. [titre d'après la table]
Le texte traite d'un style littéraire comparé à celui de 'Zaïde' et de 'La Princesse de Clèves', jugé excellent mais trop long et languissant par ceux qui préfèrent des aventures amoureuses et des conversations rapides. Les jeunes modernes recherchent des récits où l'amour est traité de manière réaliste, avec des dénouements rapides et des intrigues concises. Ils trouvent ennuyeux les aspects 'romanesques' et apprécient peu les sentiments élevés et délicats. Le texte souligne une évolution des goûts littéraires, passant des spiritualités raffinées du temps de Voiture à une préférence pour des histoires plus naturelles et délicates. L'auteur affirme avoir écrit une histoire traitant l'amour avec délicatesse, en accord avec son époque. Il note que, même dans cent ans, un tel ouvrage pourrait encore plaire à certains lecteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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118
p. 1-74
Historiette Espagnole.
Début :
Dans le temps que l'Espagne estoit divisée en plusieurs [...]
Mots clefs :
Prince, Amour, Coeur, Joie, Bonheur, Mariage, Princesse, Amant, Liberté, Duc, Combat, Époux, Choix, Rival, Espagne, Andalousie, Mort, Malheur, Vertu, Générosité, Père, Sensible, Aveu, Discours, Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Historiette Espagnole.
Historiette Espagnole.
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
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Résumé : Historiette Espagnole.
En Espagne, divisée en plusieurs pays souverains, le Duc d'Andalousie se distinguait par l'étendue de ses États et sa sagesse gouvernante. Il était respecté et vénéré, attirant les jeunes princes qui admiraient son modèle de souveraineté. Sa fille, la princesse Léonore, était célèbre pour sa beauté, son esprit et son cœur excellent, attirant l'admiration des princes à la cour. Dom Juan, fils du Duc de Grenade, osa déclarer son amour à Léonore, mais elle répondit avec modération, révélant une indifférence qui irrita Dom Juan. Malgré cela, Dom Juan pressa le mariage, espérant que Léonore aimerait son époux par défaut. Léonore, cependant, aimait secrètement le Prince de Murcie, qui arriva à Séville et fut désolé d'apprendre le mariage imminent. Le Prince de Murcie, désespéré, avoua son amour à Léonore, qui lui répondit avec générosité, confessant son amour réciproque. Ils partagèrent un moment tendre mais craignirent d'être découverts. Le Prince de Murcie rencontra Dom Juan dans les jardins, dissimulant sa colère. Léonore informa le Prince que son père insistait sur le mariage, ce qui le désespéra. Le Prince de Murcie voulut défier Dom Juan, mais Léonore le supplia de ne pas risquer sa vie. Dom Juan, soupçonnant leur amour, les surprit ensemble et confronta le Prince de Murcie. Leur secret fut révélé, mettant en danger leur amour et leur vie.
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119
p. 145
Rseponse par M. Rig....
Début :
Qui pour laide a tant fait que d'avoir de l'amour, [...]
Mots clefs :
Amour
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texteReconnaissance textuelle : Rseponse par M. Rig....
RseponseparM. Rig.
Qui pour laide a tantfait que
d'avoir de l'amour,
Est plus sur d'un tendre retour.
Qui pour laide a tantfait que
d'avoir de l'amour,
Est plus sur d'un tendre retour.
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120
p. 146-147
Reponse par la plus spirituelle & la plus laide fille du Faux-bourg S. Germain.
Début :
Est-on l'unique amant [...]
Mots clefs :
Femme, Laide, Amour
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texteReconnaissance textuelle : Reponse par la plus spirituelle & la plus laide fille du Faux-bourg S. Germain.
Reponse par la plus spirituelle
cm laplus laidefille du
Faux-bourg S. Germain,
Est-onl'unique amant
D'unefemme si belle
Elle en merite tant
Qjf'uncefttrop peu pour elle.
La laide craint toujours de
perdre son amant - Et qui craint inconstance diJ
me plus constamment.
Femme trop belle est arrogante
La laide est douce & complaifante;
-', :
Enfin l'amour propre me dit
Qu'une laide est plus amusante
A meilleur , coeur, & plus
d'esprit.
cm laplus laidefille du
Faux-bourg S. Germain,
Est-onl'unique amant
D'unefemme si belle
Elle en merite tant
Qjf'uncefttrop peu pour elle.
La laide craint toujours de
perdre son amant - Et qui craint inconstance diJ
me plus constamment.
Femme trop belle est arrogante
La laide est douce & complaifante;
-', :
Enfin l'amour propre me dit
Qu'une laide est plus amusante
A meilleur , coeur, & plus
d'esprit.
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121
p. 15-18
EPITAPHE Du Chien de Madame D...
Début :
PASSANS pleurez mon triste sort, [...]
Mots clefs :
Amour, Mort
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texteReconnaissance textuelle : EPITAPHE Du Chien de Madame D...
EPITAPHE
DPu Chien de Madame D. ASSANS pleurez
montristefort,
Il fut toûjours digne
d'envie,
Tant que je fus prés
de Silvie,
Mais sa rigueur causa
ma mort,
Amour voyant que la
cruelle
Bravoit ses coups, suyoitsesloix,
Voulut punir ce coeur
rebelle,
Il prend son arc &son
carquois,
Et dans son courroux
il fit choix
De sa fleche la plus
mortelle;
J'estois alors prés de la :
belle,
Je joiiois sans songer à
mal Amour
Amour tira, le trait
fatal,
Pàrt,vole, & m'atteint
au lieu d'elle,
Un feu prompt & séditicux
S'alluma dés-lors dans
mes veines,
Apres mille secrettes
peines,
La mort vint me fermer
les yeux,
Ainsi je garantis Sylvie
Du plus cruel de tous
les maux;
Elle joüit d'un plein repos,
Mais il m'en a cousté
la vie.
DPu Chien de Madame D. ASSANS pleurez
montristefort,
Il fut toûjours digne
d'envie,
Tant que je fus prés
de Silvie,
Mais sa rigueur causa
ma mort,
Amour voyant que la
cruelle
Bravoit ses coups, suyoitsesloix,
Voulut punir ce coeur
rebelle,
Il prend son arc &son
carquois,
Et dans son courroux
il fit choix
De sa fleche la plus
mortelle;
J'estois alors prés de la :
belle,
Je joiiois sans songer à
mal Amour
Amour tira, le trait
fatal,
Pàrt,vole, & m'atteint
au lieu d'elle,
Un feu prompt & séditicux
S'alluma dés-lors dans
mes veines,
Apres mille secrettes
peines,
La mort vint me fermer
les yeux,
Ainsi je garantis Sylvie
Du plus cruel de tous
les maux;
Elle joüit d'un plein repos,
Mais il m'en a cousté
la vie.
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Résumé : EPITAPHE Du Chien de Madame D...
L'épitaphe raconte la mort de Montristefort, chien de Madame D. Assans. Proche de Sylvie, il fut tué par Amour pour punir Sylvie. Une flèche mortelle atteignit le chien, le tuant après mille souffrances. Il sauva ainsi Sylvie, lui permettant de reposer en paix.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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122
p. 1-64
SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Début :
LEONORE arriva bien-tost dans l'Isle de Gade sans [...]
Mots clefs :
Prince, Grenade, Amour, Temps, Seigneur, Fortune, Père, Sujets, Amant, Douleur, Vaisseau, Princesse, Inconnue, Pouvoir, Andalousie, Malheur, Coeur, Ciel, Bonheur, Homme, Mort, Vertu, Souverain, Soeur, Duc, Usurpateur, Mariage, Doute, Perfidie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
AM~USE-ME~NS. SUITE
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
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Résumé : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Le texte relate les aventures de Léonore et du Prince de Murcie, séparés par des circonstances tragiques. Léonore arrive sur l'île de Gade, où elle est accablée par l'absence du Prince et les discours moralisateurs de sa tante, sœur du Duc d'Andalousie. Elle y rencontre Elvire, une jeune femme également triste, qui lui raconte son histoire : promise à un prince, elle dut épouser Dom Garcie après la mort de son père. Elvire parvint à s'échapper et se retrouva sur l'île de Gade. Pendant ce temps, le Prince de Murcie, désespéré par l'absence de Léonore, décide de se rendre en Andalousie malgré les dangers. Sur le rivage, il rencontre Dom Pedre, le frère d'Elvire, qui lui révèle que le Duc de Grenade est mort et que Dom Garcie, un traître, s'apprête à usurper le trône de Dom Juan. Ils s'allient pour chasser Dom Garcie et restaurer Dom Juan sur le trône de Grenade. Dom Pedre rallie les habitants contre Dom Garcie, qui s'enfuit. Dom Juan, informé de la mort de son père, rencontre Dom Garcie, qui le persuade que le Prince de Murcie a usurpé ses États. Dom Juan décide de se venger et se rend chez le Duc d'Andalousie, un allié. En mer, une tempête éclate et Dom Juan sauve Léonore, qui est troublée par les révélations sur la perfidie du Prince de Murcie. Le Duc d'Andalousie décide de marier Léonore à Dom Juan, malgré la tristesse de la jeune femme. Léonore, obligée d'obéir à son père, se prépare à épouser Dom Juan. Le Prince de Murcie, après avoir assuré la tranquillité du Duché de Grenade, est dominé par sa passion pour Léonore. Il se retrouve sur l'île de Gade et apprend de manière fortuite que Léonore a épousé Dom Juan huit jours plus tôt. À cette nouvelle, il s'évanouit.
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123
p. 123-126
Bouquet à Madame B... envoyé de Paris à la Campagne.
Début :
Facile tribut de ma veine, [...]
Mots clefs :
Fleurs, Amour
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texteReconnaissance textuelle : Bouquet à Madame B... envoyé de Paris à la Campagne.
Bouquet à Madame B
envoyé de Paris à la
Campagne.
FAcile tribut de ma veine,
iltes vers à L * * * alleztrouver
Climene
Dans ces Vallons fleuris, ces
détours& ces bois3
Toûjours ornezdes jeux qu'yforme
L'Onde,
Zîcux faits pour oublier tout le
reste du monde,
JElie pense à moy quelquefois.
Assise au pied des cascades
Peut-être en et moment ellemêle
ses chants
Att bruit confus des Nayades:
Et c'est lu queses airs m'ont paru
si touchants.
Ne l'interrompezpoint, mes verf, ilfaut attendre
Qu'elleait cesse de chanter:
Vous risqueriezd'irriter
Des Dieux avides de l'entendre.
Prenez, le temps, le lieu propre 4
, vous presenter,
Conduisezla dans tlfle*solitaire,
Azyle que l'amour fîtfaire
Contre tout témoinindiscret.
Soyez-y comme amans reçus avec
myflere3
Jou'Jfet^y d'un triomphesecret.
Vous n'êtesfaits quepour elle
)
* Bosquet entouré d'eau.
Ne recherchezque ses yeux.
Vouloir paroistre ingenieux
u4 quelqu'autre qu'à sa belle,
Ç'est être presque infidelle. -
Toru les ans jH- dois luy donner
Une guirlande nouvelle:
Qu'avecplaisirj'irois lasafù-ner
Maisou de l'Helicon les annales
sont vaines,
- Ou les vers autrefois, par des
charmes vainqueurs
Déplaçoyent les ormeaux 3
faisoient
mouvoir les chênes,
En coutera-t-ilplusde commander
auxfleurs ?
0 mes vers, depouillezcesparterres
fertiles:
Que Climene s'approche & vous
tende la main,
Elle verra les lis & les oeillets
dociles9
Courir ,seplacersursonsein.
envoyé de Paris à la
Campagne.
FAcile tribut de ma veine,
iltes vers à L * * * alleztrouver
Climene
Dans ces Vallons fleuris, ces
détours& ces bois3
Toûjours ornezdes jeux qu'yforme
L'Onde,
Zîcux faits pour oublier tout le
reste du monde,
JElie pense à moy quelquefois.
Assise au pied des cascades
Peut-être en et moment ellemêle
ses chants
Att bruit confus des Nayades:
Et c'est lu queses airs m'ont paru
si touchants.
Ne l'interrompezpoint, mes verf, ilfaut attendre
Qu'elleait cesse de chanter:
Vous risqueriezd'irriter
Des Dieux avides de l'entendre.
Prenez, le temps, le lieu propre 4
, vous presenter,
Conduisezla dans tlfle*solitaire,
Azyle que l'amour fîtfaire
Contre tout témoinindiscret.
Soyez-y comme amans reçus avec
myflere3
Jou'Jfet^y d'un triomphesecret.
Vous n'êtesfaits quepour elle
)
* Bosquet entouré d'eau.
Ne recherchezque ses yeux.
Vouloir paroistre ingenieux
u4 quelqu'autre qu'à sa belle,
Ç'est être presque infidelle. -
Toru les ans jH- dois luy donner
Une guirlande nouvelle:
Qu'avecplaisirj'irois lasafù-ner
Maisou de l'Helicon les annales
sont vaines,
- Ou les vers autrefois, par des
charmes vainqueurs
Déplaçoyent les ormeaux 3
faisoient
mouvoir les chênes,
En coutera-t-ilplusde commander
auxfleurs ?
0 mes vers, depouillezcesparterres
fertiles:
Que Climene s'approche & vous
tende la main,
Elle verra les lis & les oeillets
dociles9
Courir ,seplacersursonsein.
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Résumé : Bouquet à Madame B... envoyé de Paris à la Campagne.
Le poème 'Bouquet à Madame B' est envoyé de Paris à la campagne. Le poète y exprime son admiration pour une femme nommée Climène, qu'il imagine dans des vallons fleuris et des bois ornés par l'eau. Il espère qu'elle pense à lui, peut-être en chantant près des cascades. Le poète conseille à ses vers de ne pas interrompre Climène et de patienter jusqu'à ce qu'elle cesse de chanter pour éviter d'irriter les dieux. Il les invite à conduire Climène dans un lieu solitaire et secret, où ils seront bien accueillis et pourront jouir d'un triomphe discret. Le poète insiste sur le fait que ses vers sont destinés uniquement à elle et qu'ils doivent rechercher ses regards. Il promet de lui offrir une nouvelle guirlande chaque année, bien que les muses de l'Hélicon soient vaines. Il demande à ses vers de cueillir des fleurs dans les parterres pour que Climène voie les lis et les œillets se placer sur son sein.
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124
p. 126-128
« Ah que l'amour dans mon coeur est extrême, [...] »
Début :
Ah que l'amour dans mon coeur est extrême, [...]
Mots clefs :
Amour, Boire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Ah que l'amour dans mon coeur est extrême, [...] »
Les Airs de M. Marais sont si
gracieux & si chantans,
qu'on a choisi une Sarabande
du 3e Lvre qu'il
donne au Public, peur y
,
ajouter des paroles Bachiques
; on a cru inutiled'en
donner icy la Note: sitôt
que les Livres de cet excellent
Auteur paroissent
au jour, ils sont bien-tôt
entre les mains de tout le
monde.
CHANSON
à boire.
AHquel'amourdansmoncoeur
<0
ejlextrême3
C'est le dtfcvurs d'un amant langoureux
Parle autrement si tu veux que
je taIme,
Charge Baccus d m'addresser
tes veux>
Fais-moy boire un coup ou deux,
Peut êtretuferas heureux.
2. Couplet.
Ne parle plus de ton cruel martyre,
Larmes,soupirs
,
amoureuse langueur
M'affligenttrop, je veux aimer
pbur rire,
Le vin seulfera ton bonheur,
Demande àcette liqueur,
Quelest le chemin de mon coeur !
Le Livre de Monsieur Marais
se vend chezRibou, Quay
des Augustins.
gracieux & si chantans,
qu'on a choisi une Sarabande
du 3e Lvre qu'il
donne au Public, peur y
,
ajouter des paroles Bachiques
; on a cru inutiled'en
donner icy la Note: sitôt
que les Livres de cet excellent
Auteur paroissent
au jour, ils sont bien-tôt
entre les mains de tout le
monde.
CHANSON
à boire.
AHquel'amourdansmoncoeur
<0
ejlextrême3
C'est le dtfcvurs d'un amant langoureux
Parle autrement si tu veux que
je taIme,
Charge Baccus d m'addresser
tes veux>
Fais-moy boire un coup ou deux,
Peut êtretuferas heureux.
2. Couplet.
Ne parle plus de ton cruel martyre,
Larmes,soupirs
,
amoureuse langueur
M'affligenttrop, je veux aimer
pbur rire,
Le vin seulfera ton bonheur,
Demande àcette liqueur,
Quelest le chemin de mon coeur !
Le Livre de Monsieur Marais
se vend chezRibou, Quay
des Augustins.
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Résumé : « Ah que l'amour dans mon coeur est extrême, [...] »
Le texte décrit les 'Airs de M. Marais' comme gracieux et chantants. Une sarabande du troisième livre de Marais est adaptée avec des paroles bacchiques. Ses œuvres sont populaires et rapidement diffusées. Le texte inclut une chanson à boire en deux couplets, exaltant le vin pour le bonheur. Le livre est disponible chez Ribou, quai des Augustins.
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125
p. 15-30
LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
Début :
Dans ces Valons fleuris, sous de sombres feüillages, [...]
Mots clefs :
Bergers, Chant, Dieux, Bois, Coeur, Plaisir, Coeur, Amour, Amoureux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
LAMORT
DEPALE'MON,
DILLE.
TIRSIS,LICIDAS.
DLICIDAS. -
r>
Ans ces Valons
fleuris, sous de
1 sombres se.u1i1llages,
Tout presenteà nos yeux
de riantes images:
Assis sur le gazon au pied
de ces côteaux,
Nousentendons, Tirsis,
le doux bruit des
ruisseaux.
Jamais plus vivementde
l'Aurore naissante
Nebrilla dans les eaux la
lumiere tremblante;
Flore sur leur passage écale
ses crésors
Lafraîcheur des Zyéphirs
se répand sur leurs bords.
Mais quoy?dans ces beaux
lieux,où chacun fous
les Hecres
Vient goûter des plaisirs
innocens & champêtres,
ToûToujours
seul, toujours
1 plein du trouble où
jetevoy,
Tout paroît a tes yeux
1 aussi triste que toy.
Faut-il qu'un noir chagrin
t'arrache à tant
z—
de charmes?
Les Dieux ne rendront
1 point Palémonà tes
larmes. 1
Epargne, cher Tirsis, des
regrets superflus,
Et cette enfin de plaindre
un Berger qui n'est
Plus..
TIRSIS.
Permets un libre cours à
ma douleur extrême;
Du fort de Palémon je ne
plains que moy-même:
De mes justes regrets tu
demeures surpris,. :
Du bien que j'ai perdu
connoissois-tu le prix?
LICIDAS.
Palémon eut pour toy l'amitié
la plus tendre;
Je Içai, pour te former,
les foins qu'il voulut
prendre:
A toy seul, quel Berger
n'en parut point jaloux?
A toy seul ilfît part de ses
chants les plus doux.
TIRSIS.
Ila plus fait pour moy ) tu
1as vusans envie,
C'est à lui que je dois le
calme de ma vie:
A de trop doux transports
m'arrachant sans retour,
C'est lui qui m'a sauve
des écueils de l'amour.
Esclave d'un penchant qui
nepeutquenousnuire,
Helas!à quelle erreur me
laissois-je seduire?
Je croyois., prévenu par
de tendres desirs,
Qu'en vivant sans amour
on vivoit sans plaisirs:
Un coeur, qui n'aimoit
point., me sembloit
inutile.
Mais enfin j'ai connu le
prix d'un fort tranquile;
E1t de'gagé> des fers qui m'avoient arjreAce1.y
Au rang des plus grands
biens j'ai misma liberté,
LICIDAS.
Par quel charme secret,
- Palémoa dans ton
ame,
Tirfis, a-t-il- éteint une
innocente flâme >
Lui-même toûjours prê-t
d'applaudir à tes feux,
T'en parloit comme eût
fait un Berger
amoureux.
.c
TIRSIS.
.L Palémon; dans lesnoeuds
de la plus douce
Chaîne
Vit à regret Tirfis retenu
parIsmene:
Mais comment dégager
un captifsi content?
Des caprices démené il
attendoit l'instant.
Cependant dans mon
coeur, quabusoit l'esperance
,
.,
Ses discours par degrez
portoient l'indifference.
Heureux, me disoit-il, qui
fage en les plaisirs
Dans sa feule raison a puisé
ses desirs. j
Il goûte dans la paix, que
l'innocence inspire,
Un bonheur aussi pur que
le jour qu'ilrespire i
Indépendant de tout, sans
soins & sans ennui,
C'estassez qu'en secret il
soit content de lui: -
Il trouve tous les biens
dans la vertu qu'il
aime,
Et vivant pour lui seul
)
[e
suffit à lui-même.
LICIDAS.
Instruit par les conseils
d'un si sage Berger,
Quel coeur eûtpu,Tirsis,
ne se pas dégager?
Avec lui la vertu n'avoit
rien de sauvage :
De nos plus douxplaisirs
il permettoit l'usage.
Lui-même aimoit nos
jeux. Avec toy dans
nos bois
Souvent à nos concerts il
a mêlé sa voix.
Quelle voix chantoit
mieux Ariane
abusée
Attestant les ser).mens du
parjure. Thesée?
Je
Jecrois l'entendre encor.
Les amoureux Zéphirs
Dans les Forêts alors retenoient
leurs loupirs:
De leur Palais humide;à
ses chants attentives,
Les Nayades en foule accouroient
sur lesrives•
Les flots qu'il suspendoit.
craignoient de s'agiter;
Les Echosécoutoient &
n'osoientrépéter.
TIRSIS.
•»
Si-tôt que dans ceslieux,
au retour de l'Aurore,
Tous les Prez deployoient
les richesses de Flore,
Au fond des bois obscurs,
azile du repos,
Nousallions par nos
chants réveiller les
Echos.
Là, tandis qu'à leur gré, sur le bord des fontaines,
Les Zephirs agitoient les
ombres incertaines,
Tandis que les Oiseaux
animoienr leurs
concerts,
Que les fleurs exhaloient
-
leurs parfums dans
les airs,
Couchez prés du cristal
d'une onde vive &
-
pure,
Nous n'étions jamais las
d'admiréela NamrCwr;
Momens, que m'offre encor
un tendre fouveniv
£tfesTypu_$écoutezpour
nej^lus revenir. ,,:~ 'r]
r LICIDAS.
-.1.. D'unBerger si chéri si les
Dieux te séparent,
Oublie im triste fort quand
:
les Dieux le réparent.
DAAS lieux5qu'ont
charmé leschants de
Palémon,
- Succede à ce Berger l'ai- *
macle Philémon:-
Philémon,qu'en ses Vers
Apollon même inspire,
A qui CeDieu souvent a
confié sa Lyre.
Ses accenssont pourmoy
ce qu'est sur les
côteaux
Pour un'Biergerrêveur le murmure des ear:ux'* -
Ou pourunVoyageur
échauffédans sasource
Unruisseau pur 8c frais
qui.JaiJIicde sa£aui
.,'
TIR SIS.
Je connois Philémon, si
vanté dans nos bois,
Et je sçai ce qu'ont pû les
charmes desa voix:
Ce Berger, que guidoit
une charmante Fée,
Descendit aux Enfers sur
les traces d'Orphée.*
Heureuxs'il m'apprenoit
par. quels charmans
accords
Sa voix se fit entendre aux
rivages des Morts.
* La Descenteaux Enfers, Ode deM.de
la Mette.
Palémon, en dépit de la
Parque [évére)
Je fléchirois Charon,j'enchanterois
Cerbére:
Et j'irois, des Destins forçant
la dure Loi, *
Te rendre la lumiere, ou
la perdre avecToi.
DEPALE'MON,
DILLE.
TIRSIS,LICIDAS.
DLICIDAS. -
r>
Ans ces Valons
fleuris, sous de
1 sombres se.u1i1llages,
Tout presenteà nos yeux
de riantes images:
Assis sur le gazon au pied
de ces côteaux,
Nousentendons, Tirsis,
le doux bruit des
ruisseaux.
Jamais plus vivementde
l'Aurore naissante
Nebrilla dans les eaux la
lumiere tremblante;
Flore sur leur passage écale
ses crésors
Lafraîcheur des Zyéphirs
se répand sur leurs bords.
Mais quoy?dans ces beaux
lieux,où chacun fous
les Hecres
Vient goûter des plaisirs
innocens & champêtres,
ToûToujours
seul, toujours
1 plein du trouble où
jetevoy,
Tout paroît a tes yeux
1 aussi triste que toy.
Faut-il qu'un noir chagrin
t'arrache à tant
z—
de charmes?
Les Dieux ne rendront
1 point Palémonà tes
larmes. 1
Epargne, cher Tirsis, des
regrets superflus,
Et cette enfin de plaindre
un Berger qui n'est
Plus..
TIRSIS.
Permets un libre cours à
ma douleur extrême;
Du fort de Palémon je ne
plains que moy-même:
De mes justes regrets tu
demeures surpris,. :
Du bien que j'ai perdu
connoissois-tu le prix?
LICIDAS.
Palémon eut pour toy l'amitié
la plus tendre;
Je Içai, pour te former,
les foins qu'il voulut
prendre:
A toy seul, quel Berger
n'en parut point jaloux?
A toy seul ilfît part de ses
chants les plus doux.
TIRSIS.
Ila plus fait pour moy ) tu
1as vusans envie,
C'est à lui que je dois le
calme de ma vie:
A de trop doux transports
m'arrachant sans retour,
C'est lui qui m'a sauve
des écueils de l'amour.
Esclave d'un penchant qui
nepeutquenousnuire,
Helas!à quelle erreur me
laissois-je seduire?
Je croyois., prévenu par
de tendres desirs,
Qu'en vivant sans amour
on vivoit sans plaisirs:
Un coeur, qui n'aimoit
point., me sembloit
inutile.
Mais enfin j'ai connu le
prix d'un fort tranquile;
E1t de'gagé> des fers qui m'avoient arjreAce1.y
Au rang des plus grands
biens j'ai misma liberté,
LICIDAS.
Par quel charme secret,
- Palémoa dans ton
ame,
Tirfis, a-t-il- éteint une
innocente flâme >
Lui-même toûjours prê-t
d'applaudir à tes feux,
T'en parloit comme eût
fait un Berger
amoureux.
.c
TIRSIS.
.L Palémon; dans lesnoeuds
de la plus douce
Chaîne
Vit à regret Tirfis retenu
parIsmene:
Mais comment dégager
un captifsi content?
Des caprices démené il
attendoit l'instant.
Cependant dans mon
coeur, quabusoit l'esperance
,
.,
Ses discours par degrez
portoient l'indifference.
Heureux, me disoit-il, qui
fage en les plaisirs
Dans sa feule raison a puisé
ses desirs. j
Il goûte dans la paix, que
l'innocence inspire,
Un bonheur aussi pur que
le jour qu'ilrespire i
Indépendant de tout, sans
soins & sans ennui,
C'estassez qu'en secret il
soit content de lui: -
Il trouve tous les biens
dans la vertu qu'il
aime,
Et vivant pour lui seul
)
[e
suffit à lui-même.
LICIDAS.
Instruit par les conseils
d'un si sage Berger,
Quel coeur eûtpu,Tirsis,
ne se pas dégager?
Avec lui la vertu n'avoit
rien de sauvage :
De nos plus douxplaisirs
il permettoit l'usage.
Lui-même aimoit nos
jeux. Avec toy dans
nos bois
Souvent à nos concerts il
a mêlé sa voix.
Quelle voix chantoit
mieux Ariane
abusée
Attestant les ser).mens du
parjure. Thesée?
Je
Jecrois l'entendre encor.
Les amoureux Zéphirs
Dans les Forêts alors retenoient
leurs loupirs:
De leur Palais humide;à
ses chants attentives,
Les Nayades en foule accouroient
sur lesrives•
Les flots qu'il suspendoit.
craignoient de s'agiter;
Les Echosécoutoient &
n'osoientrépéter.
TIRSIS.
•»
Si-tôt que dans ceslieux,
au retour de l'Aurore,
Tous les Prez deployoient
les richesses de Flore,
Au fond des bois obscurs,
azile du repos,
Nousallions par nos
chants réveiller les
Echos.
Là, tandis qu'à leur gré, sur le bord des fontaines,
Les Zephirs agitoient les
ombres incertaines,
Tandis que les Oiseaux
animoienr leurs
concerts,
Que les fleurs exhaloient
-
leurs parfums dans
les airs,
Couchez prés du cristal
d'une onde vive &
-
pure,
Nous n'étions jamais las
d'admiréela NamrCwr;
Momens, que m'offre encor
un tendre fouveniv
£tfesTypu_$écoutezpour
nej^lus revenir. ,,:~ 'r]
r LICIDAS.
-.1.. D'unBerger si chéri si les
Dieux te séparent,
Oublie im triste fort quand
:
les Dieux le réparent.
DAAS lieux5qu'ont
charmé leschants de
Palémon,
- Succede à ce Berger l'ai- *
macle Philémon:-
Philémon,qu'en ses Vers
Apollon même inspire,
A qui CeDieu souvent a
confié sa Lyre.
Ses accenssont pourmoy
ce qu'est sur les
côteaux
Pour un'Biergerrêveur le murmure des ear:ux'* -
Ou pourunVoyageur
échauffédans sasource
Unruisseau pur 8c frais
qui.JaiJIicde sa£aui
.,'
TIR SIS.
Je connois Philémon, si
vanté dans nos bois,
Et je sçai ce qu'ont pû les
charmes desa voix:
Ce Berger, que guidoit
une charmante Fée,
Descendit aux Enfers sur
les traces d'Orphée.*
Heureuxs'il m'apprenoit
par. quels charmans
accords
Sa voix se fit entendre aux
rivages des Morts.
* La Descenteaux Enfers, Ode deM.de
la Mette.
Palémon, en dépit de la
Parque [évére)
Je fléchirois Charon,j'enchanterois
Cerbére:
Et j'irois, des Destins forçant
la dure Loi, *
Te rendre la lumiere, ou
la perdre avecToi.
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Résumé : LA MORT DE PALÉMON, IDILLE.
Le texte relate un dialogue entre Tirsis et Licidas, centré sur la mémoire de Palémon, un berger récemment décédé. Tirsis exprime sa douleur et son chagrin face à la perte de Palémon, qu'il considère comme un ami cher et un guide. Licidas rappelle à Tirsis les moments heureux partagés avec Palémon et ses qualités exceptionnelles. Tirsis se remémore comment Palémon l'a aidé à éviter les pièges de l'amour et à apprécier la tranquillité et la liberté. Licidas souligne que, malgré sa sagesse, Palémon n'était pas dépourvu de sentiments et appréciait les plaisirs innocents. Tirsis évoque les moments de bonheur partagés avec Palémon dans la nature. Licidas mentionne que Philémon, un autre berger inspiré par Apollon, pourrait succéder à Palémon. Tirsis exprime son admiration pour Philémon et son désir de retrouver Palémon, même au-delà de la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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126
p. 31-59
LE DON DE LA NAYADE, PIECE NOUVELLE.
Début :
Bradamante, fille d'Aimon [...]
Mots clefs :
Amour, Histoire, Galant, Belle, Château, Lieu, Roi, Chevalier, Dame, Fille, Infante, Auteur, Conte, Soeur, Guerrière
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texteReconnaissance textuelle : LE DON DE LA NAYADE, PIECE NOUVELLE.
LEDON
DE LA NAYADE,
r,
- - PIECE NOUVELLE. BRadamante, fille
d'Aimon
Fut vaillante & pleine, de
* charmes;
Sa beauté
,
son adresse aux armes,
Lui donnerent un grand
renom.
L'histoire fit jadis recit de
ses proüesses:
Elle occit des Géans, conquit
desFotreresses;
Défit rOfr des payensfit
mille autresexploits.
- L'Auteur debite toutefois
Une Avanture dont la
belle,
Maigre son extreme valeur.
Ne put sortir à son honneur;
Le moindreChevalier s'en
fut mieux tMé- qu'elle.
Il falloit; & j'eusse voulu
Que le cas eut été conté
par la Fontaine
S'il s'en étoit donné la,
-
peine, -
Le conte en auroit mieux
valu.
Mais sans userd'un plus
ample prélude,
Venons à notre histoire.
Au fond d'un bois épais
Bradamante un beau jour
vintpour prendre le frais,
Ou pour chercher la soli-
« tude.
L'obscurité du lieu l'invi-
< tant au repos,
Elle ôta son armet, s'assit
sur l'herbe tendre,
Et ne put long-temps se
défendre
Des charmes de Morphée.-
Qr il est à propos
Qu'on sache que le Roy
Marcile,
Dans un château non loin
de cet endroit,
Avoir une fille nubile,
Qui Fleur-d'espine se nommoit.
Enchassantce jour. là, de
hazardelle paire
Auprés du sauvage réQl.Iir,
Où la Guerriere se délasse.
L'Infante sans fuite & sans
bruit
Aproche,& voit la riche
-
armure.
N'agucres cerraine blesÍÙre)
Que sur le chef Bradamante
reçut,
L'obligea de couper [a
longue chevelure.
C'est justement ce qui
déçut
Nôtre imprudente chasseresse.
Elle admire ses traits, sa
grace, sa jeunesse,
Sa taille
y
son air fier, même
au sein du repos:
Ah! que mon fort seroit
digne d'envie,
Si je plaifois, dit-elle, àce
jeune Heros.
Mais sans vouloir ici faire
la renchérie,
Ni la prude mal-à-propos,
Eveillons -le; voyons ce
que le fortm'apprête.
Elle l'éveille:en un instant
Les yeux de Bradamante
achevcnt sa conquête.
Je ne puis resisterau juste
empressement
De vous entretenir: c'est
trop de hardiesse;
, Mais ,Seigneur,excusez
une jeune Princesse
Dont l'Amour vous rend
le Vainqueur.
Oui,monbeau Chevalier,
maigremoy je vous aime,
Etje ne sçiquelleforce
suprême
Vous a fL tôt rendu le
maîtredemoncoeur.
C'ell l'effet de la sympa- .thie.:',:
Fille qui resiste trop eu
Ou qui serend sans qu'on
;., la priev,
Met ordinairement lafympathie
en jeu.
L'Amour lne..fait passer les
bornes ordinaires :
Maisquoy?! c'estledestin
de celles 4emon rang,
De se déclarer les premieresLV;.-.
D'ailleurs vous êtes trop charmant,
Pour qu'un coeur avec
vous s'amuse aux bienséances:
Les plus severes d'entre
nous
Ne balanceroienc pointà
fairepus avances,
Si tous lesCavaliers étoient
faits comme vous.
AcediscoursBradamante » ,Bradamante
réplique: r
Les Daines, je crois, ra-
Leur donneraient de la
pratique
,
S'ilsnetoient pas faitsautrement.
Treve demodestie,interrompit
l'Infante:
Ne perdonspointenvains
discours
Un temps qui nous est
cher, & qu'on n'a pas
toujours.
La Scene étoit assez plaisante
Pour la faire dater: Bradamante
pourtant ';
Ne voulut pas pouffer la
feinte plus avant;
Soit crainte denourrirde
folles esperances,
Qui ne pouvoient finir
trop tôt;
Ou de passer pour un nigaut,
Négligeant de telles avances.
Elle declara donc .& son
sexe&sonnom (.-,.
Pourarrester l'effet delamoureuxpoison.
Quelle surprise pour l'In-
< fante,
Quelle douleur! Elle fai-
: soit pitié.
Enfin ne pouvant être amante,
Elleprend le parti d'une
tentendre
amifiéy
Venez vous reposer, dit.
elle à la guerriere,
Dans un Château voisin
-
que tient le Roy mon
pere;
Onfera de son mieux pour
vous y regaler,
Aussibienest-il tard, où
pourriez-vous aller?
Vousne rencontrerez aiu
- cune hôtellerie.
-
Aux offres qu'elle fait Bradamante
se rend
Par complaisance seulement;
Et toutes deux de compagnie,
Aprésavoir rejoint les
chiens & les chasseurs,
S'en vont droit au Château.
Là près des con- noisseurs,
Bradamante parut une
beauté divine. *--
Laprévoyante Fleur-despine
Avoit eu foin de mettre
en arrivânt
Sa compagneen habit
- - décent:
Précautionassez utile,
Les gens étant là,comme
•-* * * - j
ailleurs,
Fort médisans &c grands
glofeurs.
Quand on est sage au
fonds, c'est le plus difsicile,
Il ne faut à crédit donner
prise aux censeurs.
Que sur ce point chacun à
sa mode raisonne;
Le scandale à mon sens est
le plus grand péché:
l'aimerois mieux encor un
vice bien caché
Qu'une vertu que l'on
soupçonne.
L'auteur ne conte point G
la chere fut bonne,
Cela se présuppose; ainsi
je n'en dis rien.
-
Le souper fait,aprés quelque
entretien,
On se coucha. La belle
Hôtesse
Donna belle chambre &
bon lit
A Bradamante, qui dormit
Jusqu'au matin tout d'une
piece.
L'autre reposa peu; l'Amour
l'en empêcha:
Elle le plaignit,soûpira.
*
~.r. Lanuits'étantainsipalier
Aprés mille tendres adieux,
Bradamante partit, non
sansêtre pressée
De s'arrêter encor que
que temps dans ces
lieux.
Elle [e rend en diligence
A Montauban,où le bon
-' Duc Aymon
L'attendoit plein d'impatience.
Nôtrevieillard en sa maison
Soupoit en l'attendant;
il se lève
,
brailsl'semè-
It
A ses côtez galamment
vous la place:
Mais après le repas il lui
fait un Sermon.
Pour s'excu ser, l'adroite
Paladine
De ses exploits guerriers
ayant
fait
le récit,
La rencontre de Fleurd'espine
Vint à son tour:Dieu sçait
comme on en rit !
L'histoire en parut excellente;
fit tant qu'elle dura pas
un ne s'endormit.
Certain cadet de BradaResolut
à part-foy d'en
faire ion profit.
Les cadets de ces lieux
ont toujours de l'esprit.
Celui
- ci connoissoit l'Infante
, A Saragosse ill'avoit vue
un Jour,
Et- pour elle déslors il eût
parlé d'amour, -, S'il eût crûreunir en si
haute entreprise
:
Mais ilsurmonta forr
- pent hant,
N'étant pas homme à
faire la sottise,
D'aimer pour aimer feu^
lement.
Je laisse àpenser sile Sire,
De l'humeur que je viens
de dire,: N'ayant encore barbe au
menton,
Rioit fous cape: en voicy
la raison:
Richardet, c'etf le nom
qu'avoir le bon Apôtre,
Ressembloit à sa soeur:mais
si parfaitement,
Que le bon-homme Aymon
souvent
Luy-même sf trompoit,
& prenoit l'un pour
l'autre,
^ur ce pied-la le drôlecrut
Qu'il
Qu'il viendroit ians peine
à son but,
Au moyen de lareffem- blance.
Plein de cette douce es-
- perance i
Le Galant des la même
nuit,
Pendant que sa soeur dort,
que tout est en silence,
Lui vole armes, cheval,
& tout ce qui s'enfuit.
Equipé de la forte il s'en
va sans trompette: Il se rend chez l'Infante
avant la fin du jour.
- C'eut été pour tout autre
une trop longuetraioeO
Mais que ne fait-on point
animé par l'amour?
Les parens à l'aspect dela
seinte pucelle
Donnent dans le paneau
sans se douter dutour*;
Heureux qui peut de Ion.
retour
Porter la premiere nouvelle!
Tant on est sur par làde
bien faire sa Cour.
Je ne dirai point les tendresses
Il
1. Embrassades, baisers,£a*
jrefïes
Qtie, l'Infante lui fit dans sareception;
Sitffic qu'on ne sçauroit en
< faire davantage.
Mais quoique le Galant
danscetteoccasion
S'écartât de ion personnage,
L'Infante jusqu'au bout sur
dans la bonne foy.
Puis quand elleeût [çû
tout; étoit-ce là dequoy
Lui faire plus mauvais vifage?
On desarma le Pelerin;
Point d'Ecuyers, l'Infante
cn fit roffice,
N'ayant voulu que ce
service
Lui fut rendu d'uneautre
main;
On lui mit juppes &: cor- nettes, Mouchoirs, rubans, enfin
tout l'attirail galant
Dvnt aùjourd'huy Ce fervent,
nos Coquettes;
Il n'y manquoit que du
rouge& du blanc;
On le laissoit en ce temps
aux Grisettes.
Le souper fut servi;mais
=._
durant le repas
Richarder, dont l'habit
-
relevoit les appas,
Fit plus d'une jalouse, &
- plus d'une infidelle.
Cependant la fausse Donzelle
Affecte certain air honteux
,0
Certaine pudeur virginale,
Vous eussiez dit une Vef-
-
tale
Si bien sçait gouverner &
son geste & ses yeux.
Enfin l'heure tant desirée
Arriva pour nôtre galant :
Tête à tête avec luy Finfante
étoit restée
y,
La voyant confuse, affligé>
Il luy parla:Voicycomment
: Plus que vous je fus desolée,
Luy dit-elle, le jour qu'en
m'éloignant devous 1
Je meritay vôtre courroux
:
Mais loin de soulager nôtre
commun martire,
Un plus long séjour en
ces lieux
Eut rendu le mal encor
- pire
Ainsi je vous quittay, ne
., pouvant faire mieux.
Je apLiiçjnoisr> la rigueur de
nôtre destinée,
Lors qu'un peu loin de 1mon chemin,
J'entens comme la voix
d'une Femme effrayée.
J'y cours; au bord diin
Lac j'apperçois un
Silvain,
Qui perdant tout fefpeél
poursuivoit une Dame:
Je vole, l'épée à la main,
Et d'unrevers que je donne
à
l'infame
Je le mets hors d'étatd'ac
complir son dessein;
La Dame échappa donc:
Chevalier, me dit-elle,
Il ne sera pas dit que vous
m aurez en vain
Donné secours
: Sçachez
que je suis immortelle.
J'habite fous ces eaux, &
j'ay plus de pouvoir
Que toutes les Nymphes
ensemble
;
Vous pouvez demander
tout ce que bon vous
semble -
Sans crainte de refus. Parlez;
vous allez voir,
Si- ma juste reconnoissance
Pour mon liberateur fera
bien son devoir;
Je n'exigeay de sa puiCtance
Ni Sceptre , ni Tresors,
voulant un plus grand
bien;
Je ne luydemanday pour
toute recompense,
Que de vouloir changervôtre
sexe ou le
mien.
A peine avois-je exposé
ma Requête,
Que laDeesse l'accorda,
Dans le Lac elle me plongea.
1
Depuis les pieds ju[qu'?i'
la tête.
Admirez de ces eaux Fe£Z
set prodigieux;
Enhomme au même in-
Aanc je me vois transformée,
Jugez combien je fus
charmée,
Disons charmé pour parler
mieux.
- A, ce mot d'abord l'In-
(Inre fut sac hee.
Croyant que d'elle on se
mocquoit,
Et plus Bradamante affirmoic;,
Et moins l'autre la vouloir
croire,
Celle-ci protestoit, juroit.
Jurer n'est pas prouver,
finissons làl'histoire,
Mais je pourrois pourtant
la compter jusqu'au
bout
Oüi, tout peut être écrit
par une plume sage,
Tout avoit en cecy , pour
but le mariage:
Et mariage couvre tout.
DE LA NAYADE,
r,
- - PIECE NOUVELLE. BRadamante, fille
d'Aimon
Fut vaillante & pleine, de
* charmes;
Sa beauté
,
son adresse aux armes,
Lui donnerent un grand
renom.
L'histoire fit jadis recit de
ses proüesses:
Elle occit des Géans, conquit
desFotreresses;
Défit rOfr des payensfit
mille autresexploits.
- L'Auteur debite toutefois
Une Avanture dont la
belle,
Maigre son extreme valeur.
Ne put sortir à son honneur;
Le moindreChevalier s'en
fut mieux tMé- qu'elle.
Il falloit; & j'eusse voulu
Que le cas eut été conté
par la Fontaine
S'il s'en étoit donné la,
-
peine, -
Le conte en auroit mieux
valu.
Mais sans userd'un plus
ample prélude,
Venons à notre histoire.
Au fond d'un bois épais
Bradamante un beau jour
vintpour prendre le frais,
Ou pour chercher la soli-
« tude.
L'obscurité du lieu l'invi-
< tant au repos,
Elle ôta son armet, s'assit
sur l'herbe tendre,
Et ne put long-temps se
défendre
Des charmes de Morphée.-
Qr il est à propos
Qu'on sache que le Roy
Marcile,
Dans un château non loin
de cet endroit,
Avoir une fille nubile,
Qui Fleur-d'espine se nommoit.
Enchassantce jour. là, de
hazardelle paire
Auprés du sauvage réQl.Iir,
Où la Guerriere se délasse.
L'Infante sans fuite & sans
bruit
Aproche,& voit la riche
-
armure.
N'agucres cerraine blesÍÙre)
Que sur le chef Bradamante
reçut,
L'obligea de couper [a
longue chevelure.
C'est justement ce qui
déçut
Nôtre imprudente chasseresse.
Elle admire ses traits, sa
grace, sa jeunesse,
Sa taille
y
son air fier, même
au sein du repos:
Ah! que mon fort seroit
digne d'envie,
Si je plaifois, dit-elle, àce
jeune Heros.
Mais sans vouloir ici faire
la renchérie,
Ni la prude mal-à-propos,
Eveillons -le; voyons ce
que le fortm'apprête.
Elle l'éveille:en un instant
Les yeux de Bradamante
achevcnt sa conquête.
Je ne puis resisterau juste
empressement
De vous entretenir: c'est
trop de hardiesse;
, Mais ,Seigneur,excusez
une jeune Princesse
Dont l'Amour vous rend
le Vainqueur.
Oui,monbeau Chevalier,
maigremoy je vous aime,
Etje ne sçiquelleforce
suprême
Vous a fL tôt rendu le
maîtredemoncoeur.
C'ell l'effet de la sympa- .thie.:',:
Fille qui resiste trop eu
Ou qui serend sans qu'on
;., la priev,
Met ordinairement lafympathie
en jeu.
L'Amour lne..fait passer les
bornes ordinaires :
Maisquoy?! c'estledestin
de celles 4emon rang,
De se déclarer les premieresLV;.-.
D'ailleurs vous êtes trop charmant,
Pour qu'un coeur avec
vous s'amuse aux bienséances:
Les plus severes d'entre
nous
Ne balanceroienc pointà
fairepus avances,
Si tous lesCavaliers étoient
faits comme vous.
AcediscoursBradamante » ,Bradamante
réplique: r
Les Daines, je crois, ra-
Leur donneraient de la
pratique
,
S'ilsnetoient pas faitsautrement.
Treve demodestie,interrompit
l'Infante:
Ne perdonspointenvains
discours
Un temps qui nous est
cher, & qu'on n'a pas
toujours.
La Scene étoit assez plaisante
Pour la faire dater: Bradamante
pourtant ';
Ne voulut pas pouffer la
feinte plus avant;
Soit crainte denourrirde
folles esperances,
Qui ne pouvoient finir
trop tôt;
Ou de passer pour un nigaut,
Négligeant de telles avances.
Elle declara donc .& son
sexe&sonnom (.-,.
Pourarrester l'effet delamoureuxpoison.
Quelle surprise pour l'In-
< fante,
Quelle douleur! Elle fai-
: soit pitié.
Enfin ne pouvant être amante,
Elleprend le parti d'une
tentendre
amifiéy
Venez vous reposer, dit.
elle à la guerriere,
Dans un Château voisin
-
que tient le Roy mon
pere;
Onfera de son mieux pour
vous y regaler,
Aussibienest-il tard, où
pourriez-vous aller?
Vousne rencontrerez aiu
- cune hôtellerie.
-
Aux offres qu'elle fait Bradamante
se rend
Par complaisance seulement;
Et toutes deux de compagnie,
Aprésavoir rejoint les
chiens & les chasseurs,
S'en vont droit au Château.
Là près des con- noisseurs,
Bradamante parut une
beauté divine. *--
Laprévoyante Fleur-despine
Avoit eu foin de mettre
en arrivânt
Sa compagneen habit
- - décent:
Précautionassez utile,
Les gens étant là,comme
•-* * * - j
ailleurs,
Fort médisans &c grands
glofeurs.
Quand on est sage au
fonds, c'est le plus difsicile,
Il ne faut à crédit donner
prise aux censeurs.
Que sur ce point chacun à
sa mode raisonne;
Le scandale à mon sens est
le plus grand péché:
l'aimerois mieux encor un
vice bien caché
Qu'une vertu que l'on
soupçonne.
L'auteur ne conte point G
la chere fut bonne,
Cela se présuppose; ainsi
je n'en dis rien.
-
Le souper fait,aprés quelque
entretien,
On se coucha. La belle
Hôtesse
Donna belle chambre &
bon lit
A Bradamante, qui dormit
Jusqu'au matin tout d'une
piece.
L'autre reposa peu; l'Amour
l'en empêcha:
Elle le plaignit,soûpira.
*
~.r. Lanuits'étantainsipalier
Aprés mille tendres adieux,
Bradamante partit, non
sansêtre pressée
De s'arrêter encor que
que temps dans ces
lieux.
Elle [e rend en diligence
A Montauban,où le bon
-' Duc Aymon
L'attendoit plein d'impatience.
Nôtrevieillard en sa maison
Soupoit en l'attendant;
il se lève
,
brailsl'semè-
It
A ses côtez galamment
vous la place:
Mais après le repas il lui
fait un Sermon.
Pour s'excu ser, l'adroite
Paladine
De ses exploits guerriers
ayant
fait
le récit,
La rencontre de Fleurd'espine
Vint à son tour:Dieu sçait
comme on en rit !
L'histoire en parut excellente;
fit tant qu'elle dura pas
un ne s'endormit.
Certain cadet de BradaResolut
à part-foy d'en
faire ion profit.
Les cadets de ces lieux
ont toujours de l'esprit.
Celui
- ci connoissoit l'Infante
, A Saragosse ill'avoit vue
un Jour,
Et- pour elle déslors il eût
parlé d'amour, -, S'il eût crûreunir en si
haute entreprise
:
Mais ilsurmonta forr
- pent hant,
N'étant pas homme à
faire la sottise,
D'aimer pour aimer feu^
lement.
Je laisse àpenser sile Sire,
De l'humeur que je viens
de dire,: N'ayant encore barbe au
menton,
Rioit fous cape: en voicy
la raison:
Richardet, c'etf le nom
qu'avoir le bon Apôtre,
Ressembloit à sa soeur:mais
si parfaitement,
Que le bon-homme Aymon
souvent
Luy-même sf trompoit,
& prenoit l'un pour
l'autre,
^ur ce pied-la le drôlecrut
Qu'il
Qu'il viendroit ians peine
à son but,
Au moyen de lareffem- blance.
Plein de cette douce es-
- perance i
Le Galant des la même
nuit,
Pendant que sa soeur dort,
que tout est en silence,
Lui vole armes, cheval,
& tout ce qui s'enfuit.
Equipé de la forte il s'en
va sans trompette: Il se rend chez l'Infante
avant la fin du jour.
- C'eut été pour tout autre
une trop longuetraioeO
Mais que ne fait-on point
animé par l'amour?
Les parens à l'aspect dela
seinte pucelle
Donnent dans le paneau
sans se douter dutour*;
Heureux qui peut de Ion.
retour
Porter la premiere nouvelle!
Tant on est sur par làde
bien faire sa Cour.
Je ne dirai point les tendresses
Il
1. Embrassades, baisers,£a*
jrefïes
Qtie, l'Infante lui fit dans sareception;
Sitffic qu'on ne sçauroit en
< faire davantage.
Mais quoique le Galant
danscetteoccasion
S'écartât de ion personnage,
L'Infante jusqu'au bout sur
dans la bonne foy.
Puis quand elleeût [çû
tout; étoit-ce là dequoy
Lui faire plus mauvais vifage?
On desarma le Pelerin;
Point d'Ecuyers, l'Infante
cn fit roffice,
N'ayant voulu que ce
service
Lui fut rendu d'uneautre
main;
On lui mit juppes &: cor- nettes, Mouchoirs, rubans, enfin
tout l'attirail galant
Dvnt aùjourd'huy Ce fervent,
nos Coquettes;
Il n'y manquoit que du
rouge& du blanc;
On le laissoit en ce temps
aux Grisettes.
Le souper fut servi;mais
=._
durant le repas
Richarder, dont l'habit
-
relevoit les appas,
Fit plus d'une jalouse, &
- plus d'une infidelle.
Cependant la fausse Donzelle
Affecte certain air honteux
,0
Certaine pudeur virginale,
Vous eussiez dit une Vef-
-
tale
Si bien sçait gouverner &
son geste & ses yeux.
Enfin l'heure tant desirée
Arriva pour nôtre galant :
Tête à tête avec luy Finfante
étoit restée
y,
La voyant confuse, affligé>
Il luy parla:Voicycomment
: Plus que vous je fus desolée,
Luy dit-elle, le jour qu'en
m'éloignant devous 1
Je meritay vôtre courroux
:
Mais loin de soulager nôtre
commun martire,
Un plus long séjour en
ces lieux
Eut rendu le mal encor
- pire
Ainsi je vous quittay, ne
., pouvant faire mieux.
Je apLiiçjnoisr> la rigueur de
nôtre destinée,
Lors qu'un peu loin de 1mon chemin,
J'entens comme la voix
d'une Femme effrayée.
J'y cours; au bord diin
Lac j'apperçois un
Silvain,
Qui perdant tout fefpeél
poursuivoit une Dame:
Je vole, l'épée à la main,
Et d'unrevers que je donne
à
l'infame
Je le mets hors d'étatd'ac
complir son dessein;
La Dame échappa donc:
Chevalier, me dit-elle,
Il ne sera pas dit que vous
m aurez en vain
Donné secours
: Sçachez
que je suis immortelle.
J'habite fous ces eaux, &
j'ay plus de pouvoir
Que toutes les Nymphes
ensemble
;
Vous pouvez demander
tout ce que bon vous
semble -
Sans crainte de refus. Parlez;
vous allez voir,
Si- ma juste reconnoissance
Pour mon liberateur fera
bien son devoir;
Je n'exigeay de sa puiCtance
Ni Sceptre , ni Tresors,
voulant un plus grand
bien;
Je ne luydemanday pour
toute recompense,
Que de vouloir changervôtre
sexe ou le
mien.
A peine avois-je exposé
ma Requête,
Que laDeesse l'accorda,
Dans le Lac elle me plongea.
1
Depuis les pieds ju[qu'?i'
la tête.
Admirez de ces eaux Fe£Z
set prodigieux;
Enhomme au même in-
Aanc je me vois transformée,
Jugez combien je fus
charmée,
Disons charmé pour parler
mieux.
- A, ce mot d'abord l'In-
(Inre fut sac hee.
Croyant que d'elle on se
mocquoit,
Et plus Bradamante affirmoic;,
Et moins l'autre la vouloir
croire,
Celle-ci protestoit, juroit.
Jurer n'est pas prouver,
finissons làl'histoire,
Mais je pourrois pourtant
la compter jusqu'au
bout
Oüi, tout peut être écrit
par une plume sage,
Tout avoit en cecy , pour
but le mariage:
Et mariage couvre tout.
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Résumé : LE DON DE LA NAYADE, PIECE NOUVELLE.
Le texte narre les aventures de Bradamante, fille d'Aimon, célèbre pour sa vaillance et sa beauté. Ses exploits incluent des combats contre des géants et la conquête de forteresses. Une aventure particulière est mise en avant : Bradamante, reposant dans un bois, est découverte par Fleur-d'Épine, fille du roi Marcile. Séduite par la beauté de Bradamante, Fleur-d'Épine lui déclare son amour. Bradamante, après avoir révélé son identité et son sexe, accepte l'hospitalité de Fleur-d'Épine au château royal. Simultanément, Richardet, le frère cadet de Bradamante, profite de leur ressemblance pour se faire passer pour elle et séduire Fleur-d'Épine. Il se rend au château et est bien accueilli. Fleur-d'Épine, croyant avoir affaire à Bradamante, lui raconte une histoire impliquant une nymphe qui a changé son sexe pour celui de Richardet. L'histoire se termine sans révéler la vérité, mais il est suggéré que le but final est le mariage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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127
p. [1]-52
SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
Début :
Le Prince de Murcie reprit enfin ses esprits, & pour [...]
Mots clefs :
Prince, Duc de Grenade, Grenade, Princesse, Solitaire, Amour, Seigneur, Malheurs, Temps, Bonheur, Joie, Malheur, Fortune, Coeur, Ciel, Époux, Lieu, Cabane, Traître, Infidélité, Surprise, Soupçon, Rival, Amants, Forêt, Solitude, Doute
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texteReconnaissance textuelle : SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
~* SUITE ETFIN
de ïHtjloirc Espagnole. LE Prince de Murciereprit
enfinles
esprits, & pour lors le lolitaire
lui dit :Seigneur,
si j'avois pu prévoir la su.
neste impression qu'a fait
sur vous la nouvelle que
je vous ai apprise, croyez
qduoeulelouirn, d'irriter vostre
je n'aurois pen.
fé qu'à la soulager; l'experience
que j'ai faite des
revers de la fortune m'apprend
à plaindre ceux quV
ellerend malheureux. Ah
pourquoi ne sçavois-je pas
là'intérêt que vous prenez Leonore? je ne me reprocherais
pas du moins
les tourmens que vous louffre. Je ne vous les
reproche point, Seigneur,
repondit le Prince, non
plus qu'à Leonore; si elle
a épousé Dom Juan elle a
dû l'épouser, ôc si elle m'a
rendu le plus malheureux
des hommes, il faut que
je l'aye mérité:Non le
plus affreux desespoir ne
me forcera jamais à la
traitter d'infidelle mais
je n en mourraipas moins
malheureux.
Ah!Seigneur, repritle
solitaire,si Leonoren'est
point infidelle, il est des
amans plus malheureux
que vous j'ai perdu comme
vous l'esperance de
posseder jamais celle que
jaime,je ne puisdouter de
son inconstance,&j'en
reçoisJes plus forcéspreuves
au moment mêmequi
devoit assurer mon bonheur;
queldesespoirest
égal au mien ? amant dui^e
Princefk-,,,nôçre mariage
étoitconclu duconfentement
de son frère,&l'infîdelie
se
.,
fait enleverce
our-là même par rflôa
rival
,
sans ce trait de la
plus noireinfîdçlitç je seroisencore
a Grepaçlçj
&: vous ue m'auriez point
trouve dans cettesolitude
où nos communs malheurs
nous ont conduit. Le Prince comprit aisément
que cette Princesse,
que le solitaire avoir aiméen'étoit
autre qu'Eli
vire, il en avoit souvent
oui parler à Dom Pedre
son frere, & comme il
sçavoit la violence que
Dom Garcie avoit faire à
Elvire, il crut devoir réparer
le tort que le solitaire
lui faisoit par ses soupçons;
ilme semble
,
Seigneur,
lui dit-il, que vous
condamnez trop aisement
la Princesse que vous aimez
; pourquoi rapporter
àson inconstance un éloignement
dont elle gémit
peut-être autant que vous?-
si vôtre rival l'a enlevée,
le tort que vous lui faites
est irreparable, mais quoiqu'il
en soit, ce n'est point
ainsi qu'il faut juger de ce
qu'on aime. Ah ! je ne
ferois pas si malheureux
si je pouvoissoupçonner
Leonore d'inconfiance. Si
je condamne la Princesse
Elvire, reprit lesolicaire,
c'estque je ne puis douter
qu'elle ne me soit infidelle
y
après cet enlevement
je la cherchai dans
tout le Duché de Grenade
; & dans quelqueslieux
que mon rival lait conduite
,
je l'aurois sans dou-
.re découverte,si ellen'eût
été d'accord avec lui pour
rendre mes recherches
inutiles. Ah ! je l'ay trop
aimée pour ne pas me
plaindre de son changement,
& je vois bien que
nos malheurs font differens
3
quoiqu'ils partent
du même principe. C'est
ainsi que le solitaire die.
putoit au Prince la triste
floired'être le plus maleureux
de tous les horn;.
mes; si c'cft. un dédommagement
pour ceux qui
souffrent
,
ils pouvoient
tous deux y prérendre)
l'un étoit réduit à accuser
sa maîtresse, qui lui étoit
pourtant fidelle, & l'autre
a s'acculer lui-même, lui
qui n'avait jamais eu d'autre
regle de ses adtions
quesa gloire & son amour.
Cependant Elvirepassoit
sa vie dans de mortelles
inquiétudes auuibien
que Leonore,la convention
que ces deux
Princesses avoient eûë
leur étoit également funeste
,
& si Leonore avoit
lieu de soupçonner un
Prince, qu'Elvire avoit
nommé son amant, Elvire
soupçonnoit avec raison
un amant dont le nom
avoir produit un si violent,
effet sur Leonore;ellesavoient
un égal intérêt de se
retrouver. pour éclaircir
un doute si cruel,mais il
ne fut pas permis à Leonore
d'aller feule dans le
jardin,& Elviren'y voyant
plus que la curieuse tante,.
fut contrainte de choisir,
pour le lieu de sa promenade
,
la Forest de Gades;
c'est là que ces deux Princesses
le retrouverent dans
le temps qu'elles ne l'esperoient
plus. Le Duc d'Andalousie,
content de l'obeissance
de sa fille, l'avoit
enfin délivrée des
importunitez de sa vieille
secur
y
elle alloit souvent
se promener dans cette
Forest là elle pouvoit
joüir de la solitude-, & se
livrer à toute sa douleur
Le hazard la conduisit un
jour dans l'endroit où Etvire
avoit coutume d'aller
se plaindre de ses malheurs,
aussitôt elle court
vers elle avec empressement,,
& lui dit: il y a
long-temps que je vous
cherche, Madame, pour
vous apprendre une nouvelle
qui doit vous interesser
: Le Prince de Murcie
est Duc. de Grenade
par les soins de Dom Pedre
vôtre frere & son ami.
Madame,répondit Leonore,
vous sçavez la part
que j'y dois prendre, mais
je devine aussi celle que
vous y prenez, ce n'est
point moi qui dois ressentir
la joye de cette nouvelle.
Ah! qui doit donc
la ressentir ? reprit Leonore,
le Prince de Murcie
vous aime, Ôc. n'a fait
une si, grande démarche
que pour vous meriter.
Ah! Madame,répondit
Elvire, pourquoi insultez.
vousàmon malheur? Je
sçai que je ne suis point
aimée,c'est en vain que
je voudrois vous disputer
le coeur du Prince: de
Murcie.Ces deux Princelles
entraientinsensiblement
au pointd'unéclaircissement
qui leur étoitsi
necessaire,lorsqueDom
Juan &DomGarcievinrent
troubler leur entrer
tien: sitôtqu'Elvire eut
EÇÊonnu>fon persecuteur,
qgif n'étoitpasfort loin
d'elle,elle prit la fuite, &
Leonore> que la presence
de Dom Juan auroit embarrassée
dans une pareille
circonstance., prit une
autre allée dans le dessein
del'evicer; Dom Garcie
avoit cru reconnoîtreElvire
& l'avoit suivie des
yeux;l'occasion lui parut
trop bellepour la négliger
: Seigneur, dit-il à D.
Juan, vous voulez sans
doute aborder Leonore?
je vous laisse seul de peur
de troubler un entretien
si doux pour l'un & pour
l'autre, je ferai toujours à
portée de vous rejoindre;
en même temps il fuit la
routequ'il avoit vu prendre
à Elvire, & aprés
l'avoir assez long-temps
cherchée,il la découvrit
dans le lieule plus écarté
de la forest.Quelle fut la
surprise&la crainte de
cette Princessè? elle con,
noissoit le perfide Dom
Garcie.,irrité de ses refus
& de ses mépris,il étoit
capable de se porter aux
plus violentes extremitez;
Elvire dans un si grand
péril n'eut d'autrereilburce
quecelle de faire em*
tendre des cris horribles,
quipussent lui attirer du
secours, & ses cris en effet
la sauverent. Le solitaire,
quile promenoit assez près
de la, les entendit; aussitôt
il court vers le lieu où
les cris d'Elvire le con- duisent , & tout d'un , toup: il voit celle qu'il
croyoit infidelle à Grenade
, qui
-
se jettedansses
bras,en lui disant: Seigneur
,sauvez-moi des fureurs
d'un scelerat, & dans
le moment Dom Garcie
parut. Je n'entreprendrai
point
point d'exprimer les divers.
mouvemens de surprise
d'amour & de colere
donc le solitaire futsaisi ;
Dom Garcie voulut prosiser
du moment pour se
défaire de son rival avant
qu'il fût en défense, mais
lescelerat meritoitla
mort,le solitairel'étendii
à ses pieds; après le peu de resistance qu'on doit
attendre d'un lâche & d'un
traître,ensuite s'abandonnant
à d'autres transports,
il s'approcha d'Elvire:
quel bonheur luidit-il
y
Madame?la fortunevous?;
rend à mon amour, & livre
mon rival à ma vengeance
; que le perfide
nous a causé de maux r
que n'ai-je point souffert
pendant vôtre absence!
Jen'oublierai jamais,,
Prince, répondit Elvire,
le service que vôtre pitié
vient de me rendre, mais
je ferois plus heureuse si
je le devois à vôtre amour.
Ah!Ciel,s'écrialesolitaire,
comment expliquer
ces cruels reproches? jesuis
donc un amantinfidele.
Prince, je voudrois
pouvoir en douter,
rien ne troubleroit la joye
- que j'ai de vous revoir;
Ah! je serois trop heureuse.
Grand Dieu,s'ecriatil
encore une fois,il est
donc vrai que vous m'accufèz
d'inconstance> Ahj
Madame,quel démon envieux
de nôtre bonheur,
vous donne ces injustes
soupçons ;quoi je vous
revois! le plaisir que je
sens me persuade que tous
mes maux sont finis, & je
retrouve au même instant
des malheurs plus grands
encore que ceux que j'ai
fouffers
; ma chere Elvire
voyez cette trille retraite,
cetteaffreuse solitude!
font-ce la des preuves de
mon inconstance ? Oui,
Prince, cest le choix de
cette solitude qui confirme
mes tristessoupçons.
Ah! Seigneur, est-ce dans
la forestde Gades que
vôtre. confiance devoit
éclater? Le solitaire, qui
ne pouvoit rien compren- dre au discours d'Elvire,
ne sçavoit comment calnler.,
les soupçons ;nia
Princesse, lui disoit-il, daignez
medire le sujet de
vos reproches,je fuis Ulr
de me justifier, jenesuis
pas surpris que vous me
foupçonniez., le moindre
accidentpeut allarmer
une amante {enfible3 j'ai
moi-même eprouve combien
il elt aisé de craindre
le changement dece qu'
onaime
)
jevous ai crû
moi-même moins fidelle
que je ne vous retrouve,
mais si l'heureuse avanture
quinous réunit ne m'avoit
détrompé, loin de vous en
faire un mystere,je me
ferois plaint à vous, je
vous aurois découvert le
sujet de mesdouleurs, ôc
je n'aurois rien tant fouhaitté
que de vous voir
bien justifiée
; pourquoy
n'en usez-vous pas ainsi,
ma Princesse ? l'amour
peut-il prendre un autre
parti? Que me servira-t-il,
reprit El vire, de vous convaincred'inconstance
? je
ne vous en aimerai pas
moins, & vous n'en aimerez
pas moins Leonore.
Quoi!j'aime Leonore, reprit
vivement le solitaire?
Ah! je vois maintenant le
sujet de vos qsoupconsy.
vous avez crû que, charmé
de cette Princesse,je
n'habite cette solitude
-
que pour lui prouver mon
amour , mais non,ma
chere Elvire,rendez-moimon
innocence, rendezmoi
tout vôtre amour:je
n'ai jamais vû Leonore,,,
je suis dans un lieu tout
plein de sa beauté & de
les vertus & je n'ai jamais
penséqu'à vous, c'est pour
vous feule que je fuis réduit
dans l'état où vous -
me voyez. Ah! Prince., dit
Elvire,que ne vous puisje
croiremaisnon vous
me trompez;voyez vousmême
si je dois être convaincue
; je racontois a
Leonore nos communs
malheurs, elle me demanda
vôtre nom, je lui nommai
le Prince de Murcie,
&: soudain elle tombaévanouie
dans mes bras;
jouiuez. Prince, de vôtre
gloire, après ce coup rien
ne peut môterma douleur.
leur. Elvire voulut s'éloi.
gnerdu solitaice pour lui
cacher ses larmes.; arrêtez
ma Princene, s'écria-t-il
,
non je
-,
n'ai jamais vu Leonore,
ilest un autre Prince
de Murcie,vous le devez
sçavoir: Ah! pouvezvousme
soupçonner? mais
rnachere Elvire,venez me
voir tout-à-faitjustisié, j'ai
laissé dans ma cabane un
inconnu qui aime Leonore,
l'état où la nouvelle
de son mariage avec Dom
Juan la réduit, m'a découvert
son secret: il est
sans doute ce Prince de
Murcie amant de Leonore,
venezJe lui demanderai
son nom, il ne pourra
me resuser cet ecfairciuement,
qui importe tant a
vôtre bonheur& au mien.
Ils n'eurent pasgrand chemin
à faire pour arriver à
la petite cabane;le cours
de leur conversation les y
avoit insensiblement conduits,
ils y entrent, mais
quel spectacle s'offrit tout
d'un coup à leurs yeuxils
virent deux hommes étendus
dans la cabane, qui
perissoient dansleursang.
Ah Ciel! s'écria Elvire,
saisie d'horreur .& de sur-
,
prise.Qui sont ces malheureux
?Que je plains là
fort de l'un d'eux, repondit
le solitaire; c'est cet
étranger qui étoit venu
chercher ici un azile, nous
déplorions ensemblenos
communs malheurs, il alloit
fininles miens. Elvire
revenue de sa premiere
terreur s'approcha 8c reconnut
Dom Juan, Le
Prince après s'être separé
de D. Garcie avoit longtemps
erré dans la forêt,
occupe destrilles idées qui
les avoient conduits:malygré
ce que la fortune faisoitpour
luiy il nelaissoit
pas d'avoir ses chagrins;
il avoit apperçu lacabane
du soliraire, .& y étoit entré
attiré par sa simpie curiosite
:
les' soupirs de cet
inconnul'avoit redoublée
enexcitant sa compas.
sion. Mais quelle surprise!,
à peineces deux hommes
se furent envilagezdqu'un
premier mouvement de
rage & devengeance leur
étant tout loisir de s'expliquer
: Ah te voila,traître.,
s'écria l'un; perside, tu
mourras, secria l'autre :
& à l'instant ils se lancent
furieux l'un sur l'autre, &
se battent avec tant de
haine & tant d'acharnement,
que sans recevoir
aucun coupmorcel ils se
ercerent enplusieurs endroits,
ils tomberent l'un
& l'autre affoiblis par la
perte de leur sang,&par
la longueur du combar.Ce
fut dans cet état que les
trouvèrent Elvire & fou
amant, ils leur donnrent
tous les secours possibles,&
se retirèrent a l'écart dans
l'esperance de tirer quelque
éclaircisement de ce
que se diroient ces deux
rivaux. Ils reprirent peu
de temps après leurs sorces
& leurs ressentimens,.
& le Prince de Murcie
tournant vers Dom Juan
des yeux pleins d'indignation:
Quoy tu vis encore
le Ciel ne peur donc consentir
à la mort du digne
époux de Leonore, ni la
forc,ni l'amournilahaine
îije peuventrien sur de si
beauxjours?Le Ciel,répondit,
Dom Juan, veut que
j'admire encor cet illuitre
conquerant, qui vient de
joindre ,à tant de hauts titres
celuy de Duc de Grenade
: Quel regret pour
moy de mourir sans voir
regner un Prince si genereux
?Peux-tu le voir sans
rougir,persideyreprit le
Prince Non dit Dom
Juan.le rougis de t'avoir
il rpal connu. Les traîtres,
répliqua le Prince, ne rougissent
du crime qu'après
qu'ils l'ont commis. - Il est
vray, répondit D. Juan
y s'ils n'en rougissoient pas
si tard,je ferois Duc de
Grenade, & vous ne seriez
encore que le Prince de
Murcie. Poursuis,indigne
amy ,
reprit le Prince,
cherche un pretexte à ton
horrible persidie; tu n'es
donc l'époux de Leonore
que parce que je luis un
Tyran?Non', traître, repondit
Dom Juan, puiss
qu'il faut enfin éclatter, je
ne t'ai point trahi,je mefuis
yengé de l'ennemi commun
de toute l'Espagne;
d'un usurpateur qui elt en
abomination dans toute
l'Europe: Renonce àLeonore,
qui tesereste autant
quelle t'a autrefois aimé.
Grand Dieu,s'ecria-t-il,où
fùis-je?non,, Leonorenaura
pas pu le croire; tes
derniers mots te convainquentd'imposture,
tu peux
m'avoir pris pour unusurpateur,
mais non pas cette
genereule Princesse. Il est
vray, répondit D. Juan,.
tu l'avois seduite par ta
fausse vertu: maisqu'avoir
elle a repondre a D. Garcie,.
dont la fidelité rend
ta perfidie certaine ? Le
Prince vit dés ce moment
la trahison de D. Garcie
y,
& parla ainsi à sonrival:
Dom Juan,je fuis forcé de
vous rendre vôtre innocence,
Dom Garcie vous
a trahis tous deux: loin
d'usupervosEtats,je les
aysoustraits à la tyrannie,
dans le seul dessein de vous
les rendre
:,- En abordant
Tille de Gadcs je trouvay
Dom Pedre qui vous cherchoit
par tout, jem'offris
à prendre vôtre place, &
je fis pour vous ce que je
n'aurois pas fait pour moymême,
je me privay du
plaisir de revoir Leonore
pour vous remettre dans
vos Estats ; j'en ai chassé
Dom Garcie qui les usurpoit:
pour prix de mon secours
Ôc de mon amitié
vous épousez ce que j'ainle,
sans que j'en puisse
accuser que la fortune-,
vous n eres point coupable
: mais cependant Leonore
eIl: à vous & je la
perds pourjamais.
Le Prince de Murcie
parloit d'un air si couchant
que Dom Juan lui-même
commençoitàs'attendrir.
On peut juger de laJitua.
tion des deu x spectateurs;
Elvire étoit sûre du coeur
de son amant,& cetamant
voyoit dans les yeux d'El..
vire, & la justice qu'elle
rendoit à son amour, &la
joye avec laquelle elle la
lui rendoit,il ne manquoit
plus au Prince qu'une
occasion de confirmer
ces diccours qui faisoient
déja tant d'impression;
hazard la sit naître prefqu'au
même instant.Un
des domestiques de Dom
Juan,qui avoitsuivi Dom
Garcie, entra dans laca~
bane, attiré par le bruit
qu'il avoit entendu. Approchez,
lui dit D. Juan,
pourquoy m'avez
- vous
trahi? pourquoiêtes-vous
entré dans lecomplot du
traître Dom Garcie? Fernandez
( c'étoit le nom
du domestique ) interdit
d'une questionà laquelle
il ne s'attendoit pas, &
déjà surpris de la réunion
à
des deux Princes, prit le
parti de se jetter aux
pieds de son Maître, 8c
de lui découvrir tout le
mystere d'une sinoire trahison.
Ah! quel secret venez-
vous de me reveler.,
s'écria Dom Juan, saisi
d'une juste horreur,confus
desa credulité
)
deses
peré d'avoir fîiivi les mouvemens
de sa haine contre
celui à qui il devoit tout?
Ah! Seigneur,s'écria-t-il,
se tournant vers le Prince
de Murcie, que puisje
vous dire? je ne suis point
l'époux de Leonore. Vous
n'êtes point son époux,
répondit le Prince? Ah!
Dom Juan pourquoi voulez-
vousme flatter? croyez-
vous par là conserver
ma vie? Non, je meurs
mal-heureux amant de
Leonore& fidele ami de
D. Juan.C'est moi qui dois
mourir,reprit Dom Juan,
je ne fuis plus digne de
la vie; vivez, Prince,
pour posseder Leonore,
j'aiassez d'autres crunes
à me reprocher sans me
charger- encore de celui
d'être son époux; non.,
je ne le fuis point, & l'unique
consolation qui me
reste, après tous les maux
queje vous ai causez, c'est
d'être encor plus malheureuxquejene
fuis coupable.
En mêmetemps il lui
apprit comment ce mariageavoit
été retardé par
une violente maladie de
Leonore
, que ses chagrins
avoient apparemment
causée. Dom Juan
ne borna pas là les foins
.qu'il devoir au Prince
lui promit de fléchir le
Duc
Duc d'Andalousiey & fit
renaître
,
dans son coeur
l'esperance que tant. de
malheurs en avoient ôtée.
Quelchangement de situation
pour le Prince de
Murcie, à peine croyoit- iltout ce qu'il entendait
partageentre la joye de
ravoir Leonore fidelle,
& l'impatience, de la revoir
telle que l'amour la
lui conservoit
,
à peine
pouvoit-il suffire à ressentir
tout son bonheur. Elvire
& le solitaire de leur
côté jouissoient du bonheur
de se trouver fîdeles,
exempts des soins &de l'inquietude
qui troubloient
depuis si long-temps leur
amour; le spectacle dont
ils étoient témoinsaugi
mentoit encore leur tendresse.
Après qu'ilsse furent
dit tout ce qu'un bonheur
mutuel peut inspirer,
ils s'aprocherent des deux
Princes. Dés que le Prince
deMurcie eut apperçû le
solitaire, il luy dit: Vous
- me trouvez,Seigneur,dans
unesituation- bien- différente
de celle ou vous,
m'aviez laissé, vous voyez
qu'il ne faut qu'un moment
pour terminer les
plus grands malheurs, j'espere
que celuy qui doit
finir les vôtres- n'est pas
bien éloigné, &pour lors
ma joye sera parfaite. Seigneur,.
répondit le solitaire,
le Ciel nous a réunis
pour nous rendre tous heureux,
vous allez- revoir
Leonore,,, jeretrouve El
vire fidellé
; cette avanture
finittous lesmalheuts
qui sembloient attachez
aunom que nous portons
l'un & l'autre. Il lui apprit
en même temps qu'il étoit
un cadet de la maison,
dont la branche separée
depuis long-temps estoit
presque inconnuë enEspagne,
il luy raconta les
soupçons d'Elvire à l'occasson
de la conformité
de leur nom; les momens
surent employez à des détails
capables d'interesser
du moins des amans:mais
lorsqu'Elvire luy rendit
compte àsontour de Son
entrevue a\*ecLectfi0rcv&
de tout cequi l'avoirluivie
:Ah, s'écria,le Prince,,
quela fortune, est cruelle
quand ellenouspourluit:
c'érait l'unique moyen de
rendrema fidélité suspecte
à Leonore:mais non, cette
Princesse connoîtbien
mon coeur,elle n'aura
point
-
fait cette injustice à
mon- amour. Cependant
Fernandezqui avoit ete
témoin; de redaircinement
entre le Prince de
Murcie & son malfire".
plein de tout cequ'ilavoit
entenducourut le publier
dans le Palais du Duc, il
trouva Leonore quiquittoit
la forêt pour retourner
à son appartement, &
elle en sur instruite la premiere.
Son récit étoit aisez
interessant pour que Leonore
voulût le justifier,
elle ': sè fit incontinentconduire
à la cabane;dés
qu'elle parut sa présence
produisit un profond silence
,
le Prince étoit celuy
qui avoit le plus de
choses à dire, il fut aussi
celuy qui eut moins la
force de parler: mais sa
joye n'en éclattoit que
mieux dans ses regards, ôc
Leonore qui l'y. voyoit
toute entiere,ne marquoit,
pas moins vivement le.
plaisir qu'elle ressentoit..
Elvire enfin prit la parole,.
&montrant le solitaire,elle
luy apprit son nom, & lui
donna un éclaircissement
qui manquoit encore à son.
repos.
Dom Juan marquoit le
plus vif repentir,ilcedoit
tous ses droits au Prince
de Murcie: ces amans
se voyoient, délivrez d'un
dangereux persecuteur;que
ne se dirent-ils point dans
de pareils transports ? Ah
,
Madame,s'écria le Prince,
vous m'aimez encore? les
noms d'usurpateur &d'infidele
qu'on m'a tant donnez
n'ont point changé
vôtre coeur? à ce trait je
reconnois Leonore. Ouy,
Seigneur,réponditla Princesse,
je vous ay toûjours
aimé
, & je luis toûjours,
cette Leonore, dont vous
connoissez si bien les sentimens;
les raisons qui sembloient
persuader vostre
inconstance,n'ont pu prévaloir
valoir sur le souvenir de
vos verrus: Prince,j'ay
souffert de vôtre absence
) & de la cruauré avec laquelle
on a voulu flétrir
vôtre nom:mais je ne vous
ay jamais condamné, de
ne pouvant être à vous,
j'allois me donner la mort,
si la fortune ne nous eût
enfin réunis. Je n'entreprendrai
point de rapporter
ici le cours de leur entretien;
pour peu qu'on
connoisse l'amour, on en
imaginera plus que je n'en
pourroisdire: mais enfin
il n'est pointde réünion
plus touchante que celle
de deux amans qui ont eu
tant d'obstacles à surmonter
,qu'ils se protestent
qu'ils ne se sont jamais crus
infidelles
,
parmi tant de
raisons qui sembloient
marquer leur infidélité ;
la haute idée qu'ils avoient
l'un de l'autre avoit toûjours
éloignélajalousieinseparablede
l'amour moins
heroïque, & s'ils n'avoient
pas eu les chagrins de cette
espece,ceux de l'absence
en étoient plusviolens
pour eux.
Les sentimens que tant
de disgraces n'avoient pû
chasser de leur coeur firent
leur gloire & leur felicité;
leur confiance attendrit
enfin le Duc d'Andalousie
, que tant de
nouvelles raisons forçoient
d'estimer le Prince
de Murcie: Ces illustres
Amans furent bientost
unis pour toujours
; cet
heureux mariage fut suivy
de celuy du solitaire
avec Elvire, & comme
la fortune les avoit tous
associez dans les malheurs
qu'elle leur avoit suscitez,
ils jurerent de ne se separerjamais,
FIN.
de ïHtjloirc Espagnole. LE Prince de Murciereprit
enfinles
esprits, & pour lors le lolitaire
lui dit :Seigneur,
si j'avois pu prévoir la su.
neste impression qu'a fait
sur vous la nouvelle que
je vous ai apprise, croyez
qduoeulelouirn, d'irriter vostre
je n'aurois pen.
fé qu'à la soulager; l'experience
que j'ai faite des
revers de la fortune m'apprend
à plaindre ceux quV
ellerend malheureux. Ah
pourquoi ne sçavois-je pas
là'intérêt que vous prenez Leonore? je ne me reprocherais
pas du moins
les tourmens que vous louffre. Je ne vous les
reproche point, Seigneur,
repondit le Prince, non
plus qu'à Leonore; si elle
a épousé Dom Juan elle a
dû l'épouser, ôc si elle m'a
rendu le plus malheureux
des hommes, il faut que
je l'aye mérité:Non le
plus affreux desespoir ne
me forcera jamais à la
traitter d'infidelle mais
je n en mourraipas moins
malheureux.
Ah!Seigneur, repritle
solitaire,si Leonoren'est
point infidelle, il est des
amans plus malheureux
que vous j'ai perdu comme
vous l'esperance de
posseder jamais celle que
jaime,je ne puisdouter de
son inconstance,&j'en
reçoisJes plus forcéspreuves
au moment mêmequi
devoit assurer mon bonheur;
queldesespoirest
égal au mien ? amant dui^e
Princefk-,,,nôçre mariage
étoitconclu duconfentement
de son frère,&l'infîdelie
se
.,
fait enleverce
our-là même par rflôa
rival
,
sans ce trait de la
plus noireinfîdçlitç je seroisencore
a Grepaçlçj
&: vous ue m'auriez point
trouve dans cettesolitude
où nos communs malheurs
nous ont conduit. Le Prince comprit aisément
que cette Princesse,
que le solitaire avoir aiméen'étoit
autre qu'Eli
vire, il en avoit souvent
oui parler à Dom Pedre
son frere, & comme il
sçavoit la violence que
Dom Garcie avoit faire à
Elvire, il crut devoir réparer
le tort que le solitaire
lui faisoit par ses soupçons;
ilme semble
,
Seigneur,
lui dit-il, que vous
condamnez trop aisement
la Princesse que vous aimez
; pourquoi rapporter
àson inconstance un éloignement
dont elle gémit
peut-être autant que vous?-
si vôtre rival l'a enlevée,
le tort que vous lui faites
est irreparable, mais quoiqu'il
en soit, ce n'est point
ainsi qu'il faut juger de ce
qu'on aime. Ah ! je ne
ferois pas si malheureux
si je pouvoissoupçonner
Leonore d'inconfiance. Si
je condamne la Princesse
Elvire, reprit lesolicaire,
c'estque je ne puis douter
qu'elle ne me soit infidelle
y
après cet enlevement
je la cherchai dans
tout le Duché de Grenade
; & dans quelqueslieux
que mon rival lait conduite
,
je l'aurois sans dou-
.re découverte,si ellen'eût
été d'accord avec lui pour
rendre mes recherches
inutiles. Ah ! je l'ay trop
aimée pour ne pas me
plaindre de son changement,
& je vois bien que
nos malheurs font differens
3
quoiqu'ils partent
du même principe. C'est
ainsi que le solitaire die.
putoit au Prince la triste
floired'être le plus maleureux
de tous les horn;.
mes; si c'cft. un dédommagement
pour ceux qui
souffrent
,
ils pouvoient
tous deux y prérendre)
l'un étoit réduit à accuser
sa maîtresse, qui lui étoit
pourtant fidelle, & l'autre
a s'acculer lui-même, lui
qui n'avait jamais eu d'autre
regle de ses adtions
quesa gloire & son amour.
Cependant Elvirepassoit
sa vie dans de mortelles
inquiétudes auuibien
que Leonore,la convention
que ces deux
Princesses avoient eûë
leur étoit également funeste
,
& si Leonore avoit
lieu de soupçonner un
Prince, qu'Elvire avoit
nommé son amant, Elvire
soupçonnoit avec raison
un amant dont le nom
avoir produit un si violent,
effet sur Leonore;ellesavoient
un égal intérêt de se
retrouver. pour éclaircir
un doute si cruel,mais il
ne fut pas permis à Leonore
d'aller feule dans le
jardin,& Elviren'y voyant
plus que la curieuse tante,.
fut contrainte de choisir,
pour le lieu de sa promenade
,
la Forest de Gades;
c'est là que ces deux Princesses
le retrouverent dans
le temps qu'elles ne l'esperoient
plus. Le Duc d'Andalousie,
content de l'obeissance
de sa fille, l'avoit
enfin délivrée des
importunitez de sa vieille
secur
y
elle alloit souvent
se promener dans cette
Forest là elle pouvoit
joüir de la solitude-, & se
livrer à toute sa douleur
Le hazard la conduisit un
jour dans l'endroit où Etvire
avoit coutume d'aller
se plaindre de ses malheurs,
aussitôt elle court
vers elle avec empressement,,
& lui dit: il y a
long-temps que je vous
cherche, Madame, pour
vous apprendre une nouvelle
qui doit vous interesser
: Le Prince de Murcie
est Duc. de Grenade
par les soins de Dom Pedre
vôtre frere & son ami.
Madame,répondit Leonore,
vous sçavez la part
que j'y dois prendre, mais
je devine aussi celle que
vous y prenez, ce n'est
point moi qui dois ressentir
la joye de cette nouvelle.
Ah! qui doit donc
la ressentir ? reprit Leonore,
le Prince de Murcie
vous aime, Ôc. n'a fait
une si, grande démarche
que pour vous meriter.
Ah! Madame,répondit
Elvire, pourquoi insultez.
vousàmon malheur? Je
sçai que je ne suis point
aimée,c'est en vain que
je voudrois vous disputer
le coeur du Prince: de
Murcie.Ces deux Princelles
entraientinsensiblement
au pointd'unéclaircissement
qui leur étoitsi
necessaire,lorsqueDom
Juan &DomGarcievinrent
troubler leur entrer
tien: sitôtqu'Elvire eut
EÇÊonnu>fon persecuteur,
qgif n'étoitpasfort loin
d'elle,elle prit la fuite, &
Leonore> que la presence
de Dom Juan auroit embarrassée
dans une pareille
circonstance., prit une
autre allée dans le dessein
del'evicer; Dom Garcie
avoit cru reconnoîtreElvire
& l'avoit suivie des
yeux;l'occasion lui parut
trop bellepour la négliger
: Seigneur, dit-il à D.
Juan, vous voulez sans
doute aborder Leonore?
je vous laisse seul de peur
de troubler un entretien
si doux pour l'un & pour
l'autre, je ferai toujours à
portée de vous rejoindre;
en même temps il fuit la
routequ'il avoit vu prendre
à Elvire, & aprés
l'avoir assez long-temps
cherchée,il la découvrit
dans le lieule plus écarté
de la forest.Quelle fut la
surprise&la crainte de
cette Princessè? elle con,
noissoit le perfide Dom
Garcie.,irrité de ses refus
& de ses mépris,il étoit
capable de se porter aux
plus violentes extremitez;
Elvire dans un si grand
péril n'eut d'autrereilburce
quecelle de faire em*
tendre des cris horribles,
quipussent lui attirer du
secours, & ses cris en effet
la sauverent. Le solitaire,
quile promenoit assez près
de la, les entendit; aussitôt
il court vers le lieu où
les cris d'Elvire le con- duisent , & tout d'un , toup: il voit celle qu'il
croyoit infidelle à Grenade
, qui
-
se jettedansses
bras,en lui disant: Seigneur
,sauvez-moi des fureurs
d'un scelerat, & dans
le moment Dom Garcie
parut. Je n'entreprendrai
point
point d'exprimer les divers.
mouvemens de surprise
d'amour & de colere
donc le solitaire futsaisi ;
Dom Garcie voulut prosiser
du moment pour se
défaire de son rival avant
qu'il fût en défense, mais
lescelerat meritoitla
mort,le solitairel'étendii
à ses pieds; après le peu de resistance qu'on doit
attendre d'un lâche & d'un
traître,ensuite s'abandonnant
à d'autres transports,
il s'approcha d'Elvire:
quel bonheur luidit-il
y
Madame?la fortunevous?;
rend à mon amour, & livre
mon rival à ma vengeance
; que le perfide
nous a causé de maux r
que n'ai-je point souffert
pendant vôtre absence!
Jen'oublierai jamais,,
Prince, répondit Elvire,
le service que vôtre pitié
vient de me rendre, mais
je ferois plus heureuse si
je le devois à vôtre amour.
Ah!Ciel,s'écrialesolitaire,
comment expliquer
ces cruels reproches? jesuis
donc un amantinfidele.
Prince, je voudrois
pouvoir en douter,
rien ne troubleroit la joye
- que j'ai de vous revoir;
Ah! je serois trop heureuse.
Grand Dieu,s'ecriatil
encore une fois,il est
donc vrai que vous m'accufèz
d'inconstance> Ahj
Madame,quel démon envieux
de nôtre bonheur,
vous donne ces injustes
soupçons ;quoi je vous
revois! le plaisir que je
sens me persuade que tous
mes maux sont finis, & je
retrouve au même instant
des malheurs plus grands
encore que ceux que j'ai
fouffers
; ma chere Elvire
voyez cette trille retraite,
cetteaffreuse solitude!
font-ce la des preuves de
mon inconstance ? Oui,
Prince, cest le choix de
cette solitude qui confirme
mes tristessoupçons.
Ah! Seigneur, est-ce dans
la forestde Gades que
vôtre. confiance devoit
éclater? Le solitaire, qui
ne pouvoit rien compren- dre au discours d'Elvire,
ne sçavoit comment calnler.,
les soupçons ;nia
Princesse, lui disoit-il, daignez
medire le sujet de
vos reproches,je fuis Ulr
de me justifier, jenesuis
pas surpris que vous me
foupçonniez., le moindre
accidentpeut allarmer
une amante {enfible3 j'ai
moi-même eprouve combien
il elt aisé de craindre
le changement dece qu'
onaime
)
jevous ai crû
moi-même moins fidelle
que je ne vous retrouve,
mais si l'heureuse avanture
quinous réunit ne m'avoit
détrompé, loin de vous en
faire un mystere,je me
ferois plaint à vous, je
vous aurois découvert le
sujet de mesdouleurs, ôc
je n'aurois rien tant fouhaitté
que de vous voir
bien justifiée
; pourquoy
n'en usez-vous pas ainsi,
ma Princesse ? l'amour
peut-il prendre un autre
parti? Que me servira-t-il,
reprit El vire, de vous convaincred'inconstance
? je
ne vous en aimerai pas
moins, & vous n'en aimerez
pas moins Leonore.
Quoi!j'aime Leonore, reprit
vivement le solitaire?
Ah! je vois maintenant le
sujet de vos qsoupconsy.
vous avez crû que, charmé
de cette Princesse,je
n'habite cette solitude
-
que pour lui prouver mon
amour , mais non,ma
chere Elvire,rendez-moimon
innocence, rendezmoi
tout vôtre amour:je
n'ai jamais vû Leonore,,,
je suis dans un lieu tout
plein de sa beauté & de
les vertus & je n'ai jamais
penséqu'à vous, c'est pour
vous feule que je fuis réduit
dans l'état où vous -
me voyez. Ah! Prince., dit
Elvire,que ne vous puisje
croiremaisnon vous
me trompez;voyez vousmême
si je dois être convaincue
; je racontois a
Leonore nos communs
malheurs, elle me demanda
vôtre nom, je lui nommai
le Prince de Murcie,
&: soudain elle tombaévanouie
dans mes bras;
jouiuez. Prince, de vôtre
gloire, après ce coup rien
ne peut môterma douleur.
leur. Elvire voulut s'éloi.
gnerdu solitaice pour lui
cacher ses larmes.; arrêtez
ma Princene, s'écria-t-il
,
non je
-,
n'ai jamais vu Leonore,
ilest un autre Prince
de Murcie,vous le devez
sçavoir: Ah! pouvezvousme
soupçonner? mais
rnachere Elvire,venez me
voir tout-à-faitjustisié, j'ai
laissé dans ma cabane un
inconnu qui aime Leonore,
l'état où la nouvelle
de son mariage avec Dom
Juan la réduit, m'a découvert
son secret: il est
sans doute ce Prince de
Murcie amant de Leonore,
venezJe lui demanderai
son nom, il ne pourra
me resuser cet ecfairciuement,
qui importe tant a
vôtre bonheur& au mien.
Ils n'eurent pasgrand chemin
à faire pour arriver à
la petite cabane;le cours
de leur conversation les y
avoit insensiblement conduits,
ils y entrent, mais
quel spectacle s'offrit tout
d'un coup à leurs yeuxils
virent deux hommes étendus
dans la cabane, qui
perissoient dansleursang.
Ah Ciel! s'écria Elvire,
saisie d'horreur .& de sur-
,
prise.Qui sont ces malheureux
?Que je plains là
fort de l'un d'eux, repondit
le solitaire; c'est cet
étranger qui étoit venu
chercher ici un azile, nous
déplorions ensemblenos
communs malheurs, il alloit
fininles miens. Elvire
revenue de sa premiere
terreur s'approcha 8c reconnut
Dom Juan, Le
Prince après s'être separé
de D. Garcie avoit longtemps
erré dans la forêt,
occupe destrilles idées qui
les avoient conduits:malygré
ce que la fortune faisoitpour
luiy il nelaissoit
pas d'avoir ses chagrins;
il avoit apperçu lacabane
du soliraire, .& y étoit entré
attiré par sa simpie curiosite
:
les' soupirs de cet
inconnul'avoit redoublée
enexcitant sa compas.
sion. Mais quelle surprise!,
à peineces deux hommes
se furent envilagezdqu'un
premier mouvement de
rage & devengeance leur
étant tout loisir de s'expliquer
: Ah te voila,traître.,
s'écria l'un; perside, tu
mourras, secria l'autre :
& à l'instant ils se lancent
furieux l'un sur l'autre, &
se battent avec tant de
haine & tant d'acharnement,
que sans recevoir
aucun coupmorcel ils se
ercerent enplusieurs endroits,
ils tomberent l'un
& l'autre affoiblis par la
perte de leur sang,&par
la longueur du combar.Ce
fut dans cet état que les
trouvèrent Elvire & fou
amant, ils leur donnrent
tous les secours possibles,&
se retirèrent a l'écart dans
l'esperance de tirer quelque
éclaircisement de ce
que se diroient ces deux
rivaux. Ils reprirent peu
de temps après leurs sorces
& leurs ressentimens,.
& le Prince de Murcie
tournant vers Dom Juan
des yeux pleins d'indignation:
Quoy tu vis encore
le Ciel ne peur donc consentir
à la mort du digne
époux de Leonore, ni la
forc,ni l'amournilahaine
îije peuventrien sur de si
beauxjours?Le Ciel,répondit,
Dom Juan, veut que
j'admire encor cet illuitre
conquerant, qui vient de
joindre ,à tant de hauts titres
celuy de Duc de Grenade
: Quel regret pour
moy de mourir sans voir
regner un Prince si genereux
?Peux-tu le voir sans
rougir,persideyreprit le
Prince Non dit Dom
Juan.le rougis de t'avoir
il rpal connu. Les traîtres,
répliqua le Prince, ne rougissent
du crime qu'après
qu'ils l'ont commis. - Il est
vray, répondit D. Juan
y s'ils n'en rougissoient pas
si tard,je ferois Duc de
Grenade, & vous ne seriez
encore que le Prince de
Murcie. Poursuis,indigne
amy ,
reprit le Prince,
cherche un pretexte à ton
horrible persidie; tu n'es
donc l'époux de Leonore
que parce que je luis un
Tyran?Non', traître, repondit
Dom Juan, puiss
qu'il faut enfin éclatter, je
ne t'ai point trahi,je mefuis
yengé de l'ennemi commun
de toute l'Espagne;
d'un usurpateur qui elt en
abomination dans toute
l'Europe: Renonce àLeonore,
qui tesereste autant
quelle t'a autrefois aimé.
Grand Dieu,s'ecria-t-il,où
fùis-je?non,, Leonorenaura
pas pu le croire; tes
derniers mots te convainquentd'imposture,
tu peux
m'avoir pris pour unusurpateur,
mais non pas cette
genereule Princesse. Il est
vray, répondit D. Juan,.
tu l'avois seduite par ta
fausse vertu: maisqu'avoir
elle a repondre a D. Garcie,.
dont la fidelité rend
ta perfidie certaine ? Le
Prince vit dés ce moment
la trahison de D. Garcie
y,
& parla ainsi à sonrival:
Dom Juan,je fuis forcé de
vous rendre vôtre innocence,
Dom Garcie vous
a trahis tous deux: loin
d'usupervosEtats,je les
aysoustraits à la tyrannie,
dans le seul dessein de vous
les rendre
:,- En abordant
Tille de Gadcs je trouvay
Dom Pedre qui vous cherchoit
par tout, jem'offris
à prendre vôtre place, &
je fis pour vous ce que je
n'aurois pas fait pour moymême,
je me privay du
plaisir de revoir Leonore
pour vous remettre dans
vos Estats ; j'en ai chassé
Dom Garcie qui les usurpoit:
pour prix de mon secours
Ôc de mon amitié
vous épousez ce que j'ainle,
sans que j'en puisse
accuser que la fortune-,
vous n eres point coupable
: mais cependant Leonore
eIl: à vous & je la
perds pourjamais.
Le Prince de Murcie
parloit d'un air si couchant
que Dom Juan lui-même
commençoitàs'attendrir.
On peut juger de laJitua.
tion des deu x spectateurs;
Elvire étoit sûre du coeur
de son amant,& cetamant
voyoit dans les yeux d'El..
vire, & la justice qu'elle
rendoit à son amour, &la
joye avec laquelle elle la
lui rendoit,il ne manquoit
plus au Prince qu'une
occasion de confirmer
ces diccours qui faisoient
déja tant d'impression;
hazard la sit naître prefqu'au
même instant.Un
des domestiques de Dom
Juan,qui avoitsuivi Dom
Garcie, entra dans laca~
bane, attiré par le bruit
qu'il avoit entendu. Approchez,
lui dit D. Juan,
pourquoy m'avez
- vous
trahi? pourquoiêtes-vous
entré dans lecomplot du
traître Dom Garcie? Fernandez
( c'étoit le nom
du domestique ) interdit
d'une questionà laquelle
il ne s'attendoit pas, &
déjà surpris de la réunion
à
des deux Princes, prit le
parti de se jetter aux
pieds de son Maître, 8c
de lui découvrir tout le
mystere d'une sinoire trahison.
Ah! quel secret venez-
vous de me reveler.,
s'écria Dom Juan, saisi
d'une juste horreur,confus
desa credulité
)
deses
peré d'avoir fîiivi les mouvemens
de sa haine contre
celui à qui il devoit tout?
Ah! Seigneur,s'écria-t-il,
se tournant vers le Prince
de Murcie, que puisje
vous dire? je ne suis point
l'époux de Leonore. Vous
n'êtes point son époux,
répondit le Prince? Ah!
Dom Juan pourquoi voulez-
vousme flatter? croyez-
vous par là conserver
ma vie? Non, je meurs
mal-heureux amant de
Leonore& fidele ami de
D. Juan.C'est moi qui dois
mourir,reprit Dom Juan,
je ne fuis plus digne de
la vie; vivez, Prince,
pour posseder Leonore,
j'aiassez d'autres crunes
à me reprocher sans me
charger- encore de celui
d'être son époux; non.,
je ne le fuis point, & l'unique
consolation qui me
reste, après tous les maux
queje vous ai causez, c'est
d'être encor plus malheureuxquejene
fuis coupable.
En mêmetemps il lui
apprit comment ce mariageavoit
été retardé par
une violente maladie de
Leonore
, que ses chagrins
avoient apparemment
causée. Dom Juan
ne borna pas là les foins
.qu'il devoir au Prince
lui promit de fléchir le
Duc
Duc d'Andalousiey & fit
renaître
,
dans son coeur
l'esperance que tant. de
malheurs en avoient ôtée.
Quelchangement de situation
pour le Prince de
Murcie, à peine croyoit- iltout ce qu'il entendait
partageentre la joye de
ravoir Leonore fidelle,
& l'impatience, de la revoir
telle que l'amour la
lui conservoit
,
à peine
pouvoit-il suffire à ressentir
tout son bonheur. Elvire
& le solitaire de leur
côté jouissoient du bonheur
de se trouver fîdeles,
exempts des soins &de l'inquietude
qui troubloient
depuis si long-temps leur
amour; le spectacle dont
ils étoient témoinsaugi
mentoit encore leur tendresse.
Après qu'ilsse furent
dit tout ce qu'un bonheur
mutuel peut inspirer,
ils s'aprocherent des deux
Princes. Dés que le Prince
deMurcie eut apperçû le
solitaire, il luy dit: Vous
- me trouvez,Seigneur,dans
unesituation- bien- différente
de celle ou vous,
m'aviez laissé, vous voyez
qu'il ne faut qu'un moment
pour terminer les
plus grands malheurs, j'espere
que celuy qui doit
finir les vôtres- n'est pas
bien éloigné, &pour lors
ma joye sera parfaite. Seigneur,.
répondit le solitaire,
le Ciel nous a réunis
pour nous rendre tous heureux,
vous allez- revoir
Leonore,,, jeretrouve El
vire fidellé
; cette avanture
finittous lesmalheuts
qui sembloient attachez
aunom que nous portons
l'un & l'autre. Il lui apprit
en même temps qu'il étoit
un cadet de la maison,
dont la branche separée
depuis long-temps estoit
presque inconnuë enEspagne,
il luy raconta les
soupçons d'Elvire à l'occasson
de la conformité
de leur nom; les momens
surent employez à des détails
capables d'interesser
du moins des amans:mais
lorsqu'Elvire luy rendit
compte àsontour de Son
entrevue a\*ecLectfi0rcv&
de tout cequi l'avoirluivie
:Ah, s'écria,le Prince,,
quela fortune, est cruelle
quand ellenouspourluit:
c'érait l'unique moyen de
rendrema fidélité suspecte
à Leonore:mais non, cette
Princesse connoîtbien
mon coeur,elle n'aura
point
-
fait cette injustice à
mon- amour. Cependant
Fernandezqui avoit ete
témoin; de redaircinement
entre le Prince de
Murcie & son malfire".
plein de tout cequ'ilavoit
entenducourut le publier
dans le Palais du Duc, il
trouva Leonore quiquittoit
la forêt pour retourner
à son appartement, &
elle en sur instruite la premiere.
Son récit étoit aisez
interessant pour que Leonore
voulût le justifier,
elle ': sè fit incontinentconduire
à la cabane;dés
qu'elle parut sa présence
produisit un profond silence
,
le Prince étoit celuy
qui avoit le plus de
choses à dire, il fut aussi
celuy qui eut moins la
force de parler: mais sa
joye n'en éclattoit que
mieux dans ses regards, ôc
Leonore qui l'y. voyoit
toute entiere,ne marquoit,
pas moins vivement le.
plaisir qu'elle ressentoit..
Elvire enfin prit la parole,.
&montrant le solitaire,elle
luy apprit son nom, & lui
donna un éclaircissement
qui manquoit encore à son.
repos.
Dom Juan marquoit le
plus vif repentir,ilcedoit
tous ses droits au Prince
de Murcie: ces amans
se voyoient, délivrez d'un
dangereux persecuteur;que
ne se dirent-ils point dans
de pareils transports ? Ah
,
Madame,s'écria le Prince,
vous m'aimez encore? les
noms d'usurpateur &d'infidele
qu'on m'a tant donnez
n'ont point changé
vôtre coeur? à ce trait je
reconnois Leonore. Ouy,
Seigneur,réponditla Princesse,
je vous ay toûjours
aimé
, & je luis toûjours,
cette Leonore, dont vous
connoissez si bien les sentimens;
les raisons qui sembloient
persuader vostre
inconstance,n'ont pu prévaloir
valoir sur le souvenir de
vos verrus: Prince,j'ay
souffert de vôtre absence
) & de la cruauré avec laquelle
on a voulu flétrir
vôtre nom:mais je ne vous
ay jamais condamné, de
ne pouvant être à vous,
j'allois me donner la mort,
si la fortune ne nous eût
enfin réunis. Je n'entreprendrai
point de rapporter
ici le cours de leur entretien;
pour peu qu'on
connoisse l'amour, on en
imaginera plus que je n'en
pourroisdire: mais enfin
il n'est pointde réünion
plus touchante que celle
de deux amans qui ont eu
tant d'obstacles à surmonter
,qu'ils se protestent
qu'ils ne se sont jamais crus
infidelles
,
parmi tant de
raisons qui sembloient
marquer leur infidélité ;
la haute idée qu'ils avoient
l'un de l'autre avoit toûjours
éloignélajalousieinseparablede
l'amour moins
heroïque, & s'ils n'avoient
pas eu les chagrins de cette
espece,ceux de l'absence
en étoient plusviolens
pour eux.
Les sentimens que tant
de disgraces n'avoient pû
chasser de leur coeur firent
leur gloire & leur felicité;
leur confiance attendrit
enfin le Duc d'Andalousie
, que tant de
nouvelles raisons forçoient
d'estimer le Prince
de Murcie: Ces illustres
Amans furent bientost
unis pour toujours
; cet
heureux mariage fut suivy
de celuy du solitaire
avec Elvire, & comme
la fortune les avoit tous
associez dans les malheurs
qu'elle leur avoit suscitez,
ils jurerent de ne se separerjamais,
FIN.
Fermer
Résumé : SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
Le texte relate une série d'événements impliquant plusieurs personnages en proie à des dilemmes amoureux et politiques. Le Prince de Murcie et un solitaire, tous deux malheureux en amour, se rencontrent dans une forêt. Le Prince de Murcie apprend que Leonore, qu'il aime, a épousé Dom Juan. Le solitaire, quant à lui, est désespéré car il croit qu'Elvire, la femme qu'il aime, lui est infidèle. Ils découvrent ensuite Elvire, poursuivie par Dom Garcie, qui est sauvée par le solitaire. Elvire accuse le solitaire d'inconstance, croyant qu'il aime Leonore, mais il nie et explique qu'il n'a jamais vu Leonore. Dans une cabane, ils trouvent Dom Juan et un autre homme blessés, chacun accusant l'autre de trahison. Le Prince de Murcie et Elvire tentent de les secourir. Une confrontation éclate entre Dom Juan et le Prince de Murcie concernant la princesse Leonore. Le Prince de Murcie accuse Dom Juan de trahison et d'usurpation, mais Dom Juan révèle que Dom Garcie est le véritable traître. Dom Juan explique qu'il a agi pour protéger l'Espagne et nie toute trahison envers le Prince. Le Prince de Murcie reconnaît l'innocence de Dom Juan et la trahison de Dom Garcie. Dom Juan avoue qu'il n'est pas l'époux de Leonore et exprime son repentir, promettant d'aider le Prince de Murcie à récupérer ses États et à reconquérir Leonore. Le solitaire, ami d'Elvire, se révèle être un cadet de la maison du Prince de Murcie. Elvire et le solitaire se retrouvent fidèles l'un à l'autre. Leonore, informée des événements, se réconcilie avec le Prince de Murcie, exprimant leur amour inébranlable. Le Duc d'Andalousie, ému par les preuves de leur amour et de leur loyauté, estime le Prince de Murcie. Les amants se marient, ainsi qu'Elvire et le solitaire, jurant de ne jamais se séparer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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128
p. 1-2
EPIGRAMME, Sur une Dame qui s'occupoit à filer.
Début :
Ce ne sont plus les trois soeurs de la Fable, [...]
Mots clefs :
Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPIGRAMME, Sur une Dame qui s'occupoit à filer.
£PIG;RAMMfrt»V;:
Sur une Dame qui tNï:Úpr DÍt à,
fIer. CE ne sont plus les trois
soeurs de laPable,
Qui de ma, jours font
, tourner le fuseau,
Une Déesse, aux mortels
plus affable,
Leur a ravi le fatal éche-:
veau,
Mais vôtre fort n'en fera
pas plus beau -
D'être filé par ses mains
fortunées.
L'Amour, helas ! armé de
son ciseau
Milieuqu'Atropos tranchervos
années.
Sur une Dame qui tNï:Úpr DÍt à,
fIer. CE ne sont plus les trois
soeurs de laPable,
Qui de ma, jours font
, tourner le fuseau,
Une Déesse, aux mortels
plus affable,
Leur a ravi le fatal éche-:
veau,
Mais vôtre fort n'en fera
pas plus beau -
D'être filé par ses mains
fortunées.
L'Amour, helas ! armé de
son ciseau
Milieuqu'Atropos tranchervos
années.
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129
p. 31-36
BOUQUET NOUVEAU à Mademoiselle V.... Par Monsieur R...
Début :
Corinne, Laure, Astrée, [...]
Mots clefs :
Amants, Amour, Sentiments
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET NOUVEAU à Mademoiselle V.... Par Monsieur R...
BOUQUET NOUVEAU,
4 MademoiselleV. Par
MonjîeurR, C Orinne,Laure,Afirée"
Objetsdevers immortels,.
Noms qu'Appollon fie
Cytherée
Ont consacrez sur leurS:
Autels
3
Depuis qu'aux bords du
Stix le fort vous fit
descendre,
Tous vos amans vous font
1
entendre
Qu'avec vous a finil'empire
de l'amour,
Et je laurois comme eux
pensejùsqua ce jour,
Aumoins c'eût été grande
affaire
De vouloir prouver le
contraire.
Me serois-je chargé de
trouver des amans
Soupirans. sur le ton des;
vostres ?.
De nos belles aussi les plaisirs
sont tous autres
Que celuy des beaux sentimens.
or
Enfin grace à l'amour il
est une mortelle
Dignedevôtre siecle, elle
est docte,elle est belle,
De la delicatesse elle connon:
le prix;
Elle a Sur vos tombeaux
recüeilly vos esprits,
Loin d'elle Eloges insipides,
Qu'aux rives du Parnasse
elle porte ses pas,
Les Petrarques & les Ovi.
v
des
Ne lui manqueront pas,
Vous en recevez la nouvelle
Sans aucuns sentimens jaloux!
Il est iciplus d'une belle
Bien moins genereuse que
vous.
Pour la gloire du sexe aimeriez
- vous tant
Lyses
AuParnasse aujourd'huy
l'on celebre sonnom.;
Sur un Trône de fleurs
vous l'y verrez assise,
'Venez, & qu'Astrée y
conduite
Des bergers tels queceux
.,
que connutie Lignon:
Pour Lyse tousbergers feront
constans &
tendres
Pas un Hilas, parmi tant
de Silvandres;
Je vis aussi les grandsAu--
teurs Suivre Corinne & Laureen
habithéroïque,
Poëtescouronnez, donc
l'esprit ne s'applique
Qu'à celebrer des Rois àç
des Vainqueurs,
Lyse connaît sa Cour, 1,
sublime pour Lyse
Ne fera jamais étranger,
Lyse aime aussi les bois , sa douceur l'humanise
Avec l'hommage d'un
berger.
D'une voix mal assurée
Te chanterais-je à mon
tour?
Ah! Lyre, si Phebus m'exauce
chaque jour,
Je t'écrirai des vers, d'une
plume tirée
Des aîles mêmes de l'Amour.
4 MademoiselleV. Par
MonjîeurR, C Orinne,Laure,Afirée"
Objetsdevers immortels,.
Noms qu'Appollon fie
Cytherée
Ont consacrez sur leurS:
Autels
3
Depuis qu'aux bords du
Stix le fort vous fit
descendre,
Tous vos amans vous font
1
entendre
Qu'avec vous a finil'empire
de l'amour,
Et je laurois comme eux
pensejùsqua ce jour,
Aumoins c'eût été grande
affaire
De vouloir prouver le
contraire.
Me serois-je chargé de
trouver des amans
Soupirans. sur le ton des;
vostres ?.
De nos belles aussi les plaisirs
sont tous autres
Que celuy des beaux sentimens.
or
Enfin grace à l'amour il
est une mortelle
Dignedevôtre siecle, elle
est docte,elle est belle,
De la delicatesse elle connon:
le prix;
Elle a Sur vos tombeaux
recüeilly vos esprits,
Loin d'elle Eloges insipides,
Qu'aux rives du Parnasse
elle porte ses pas,
Les Petrarques & les Ovi.
v
des
Ne lui manqueront pas,
Vous en recevez la nouvelle
Sans aucuns sentimens jaloux!
Il est iciplus d'une belle
Bien moins genereuse que
vous.
Pour la gloire du sexe aimeriez
- vous tant
Lyses
AuParnasse aujourd'huy
l'on celebre sonnom.;
Sur un Trône de fleurs
vous l'y verrez assise,
'Venez, & qu'Astrée y
conduite
Des bergers tels queceux
.,
que connutie Lignon:
Pour Lyse tousbergers feront
constans &
tendres
Pas un Hilas, parmi tant
de Silvandres;
Je vis aussi les grandsAu--
teurs Suivre Corinne & Laureen
habithéroïque,
Poëtescouronnez, donc
l'esprit ne s'applique
Qu'à celebrer des Rois àç
des Vainqueurs,
Lyse connaît sa Cour, 1,
sublime pour Lyse
Ne fera jamais étranger,
Lyse aime aussi les bois , sa douceur l'humanise
Avec l'hommage d'un
berger.
D'une voix mal assurée
Te chanterais-je à mon
tour?
Ah! Lyre, si Phebus m'exauce
chaque jour,
Je t'écrirai des vers, d'une
plume tirée
Des aîles mêmes de l'Amour.
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Résumé : BOUQUET NOUVEAU à Mademoiselle V.... Par Monsieur R...
Le poème 'BOUQUET NOUVEAU' est dédié à Mademoiselle V. Il commence par une invocation aux objets immortels et aux noms sacrés par Apollon et Cythère. L'auteur note que, depuis l'Antiquité, les amants croient que l'amour s'achève avec eux. Cependant, il affirme qu'il existe une femme digne de son siècle, docte, belle et délicate, qui recueille les esprits des grands poètes sur leurs tombeaux. Cette femme, nommée Lyse, est célébrée au Parnasse et inspire des éloges dignes de Pétrarque et Ovide. Elle est comparée à Corinne et Laure, et sa gloire est telle que même Astrée et les bergers du Lignon lui sont dévoués. Lyse connaît aussi bien la cour que les bois, et sa douceur l'humanise. L'auteur exprime son désir de la chanter et de lui écrire des vers inspirés par l'amour.
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130
p. 49-52
COUPLETS en forme de Dialogue sur le mesme chant icy noté.
Début :
TIRSIS. Une faveur, Lisette, [...]
Mots clefs :
Amour, Vendanges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COUPLETS en forme de Dialogue sur le mesme chant icy noté.
COUPLETS
en forme de Dialogue sur le mesme chant icy noté.
TIRSIS.
Vne faveur, Lisette,
Af4prouvé ton amour: AuÇon de ma musette
Tu danfoisl'autre jour.
Sur celle de Sihandrt
Tu nedanserois pas:
Matstu daignes l'entendre,
Non:tu nem'aime PaS.
LISETTL LISETTE
Si fentenssa rnujfttc,
C'estqueses airssontguais
Pour une chansonnette,
QuelvacarmetujaisJ
Aforce de te plaindre
Tu me chagrinras :
7 iSituDcnx mecommit!tire
Non9 jene iaimepas.
TIRSIS.
- arc*.-ay beiie JL,//c;1
J'cyn'iraijeleso-enoux
Aîon humeur mquiette
Aierite ton couroux,
lijt -ce a moj de e
plai;>dre,
Fais ce au? tu fZJoudraJ)
Sifay pu te contraindre,
Nonje ne t'aime pas. LISETTE.
Quun berger ejlaimable -Qui JeJeu;;?etainjî !
Te vojaai raisonnable
Je le deviens auJli.
Je la de Sihandre LS,l.,va
Lamusette k3 la rjcr:,
je neveux plus t'ented-r}
-r ,. 1 l Tiens me mener au bois.
en forme de Dialogue sur le mesme chant icy noté.
TIRSIS.
Vne faveur, Lisette,
Af4prouvé ton amour: AuÇon de ma musette
Tu danfoisl'autre jour.
Sur celle de Sihandrt
Tu nedanserois pas:
Matstu daignes l'entendre,
Non:tu nem'aime PaS.
LISETTL LISETTE
Si fentenssa rnujfttc,
C'estqueses airssontguais
Pour une chansonnette,
QuelvacarmetujaisJ
Aforce de te plaindre
Tu me chagrinras :
7 iSituDcnx mecommit!tire
Non9 jene iaimepas.
TIRSIS.
- arc*.-ay beiie JL,//c;1
J'cyn'iraijeleso-enoux
Aîon humeur mquiette
Aierite ton couroux,
lijt -ce a moj de e
plai;>dre,
Fais ce au? tu fZJoudraJ)
Sifay pu te contraindre,
Nonje ne t'aime pas. LISETTE.
Quun berger ejlaimable -Qui JeJeu;;?etainjî !
Te vojaai raisonnable
Je le deviens auJli.
Je la de Sihandre LS,l.,va
Lamusette k3 la rjcr:,
je neveux plus t'ented-r}
-r ,. 1 l Tiens me mener au bois.
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Résumé : COUPLETS en forme de Dialogue sur le mesme chant icy noté.
Tirsi reproche à Lisette de ne pas avoir dansé à sa musette, contrairement à Sihandrt. Lisette explique que les airs de Tirsi la chagrinent. Tirsi affirme ne pouvoir changer son humeur ni la forcer à l'aimer. Lisette accepte de devenir raisonnable et décide de ne plus écouter Sihandrt. Elle demande à Tirsi de l'emmener au bois.
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131
p. 1-11
LETTRE A DEUX Dames paresseuses, par feu Monsieur P....
Début :
Je sçai, Madame, avec quelle austerité vous pratiquez la Regle [...]
Mots clefs :
Fainéantise, Amour, Paresseuse, Paresse, Dames
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE A DEUX Dames paresseuses, par feu Monsieur P....
LETTRE A DEXIAT
Dames pareBeuses,parfeu
I - Monsieur P. E sçai, Madame, avec
quelle austerité vous
pratiquez la Regle de vôtre
Bienheureute Paresse;
-& que pour tous les biens
du mondevous ne voudriez
pas violer le voeu de
faineantise que vous avez
fait entre mes mains, aussi
n'est-ce pas pour vous le
faire rompre que je vous
donne la fatigue de lire
celle-ci, mais feulement
pour vous délivrer de
quelques scrupules, dans
lesquels une paresse supersticieuse
comme la vôtre,
pourroit nous faire tomber.
Quoiqu'une bonne paresseuse
Ne connoisse point d'autre bitn
Capable de la rendre heureuse,
éluUee cceelluuiiddeenneefaire rriieenn,
Ellepeuttoutefois étant bien
à sonaise,
Gisant dans une bonne chaise,
Ou la tête sur son Chevet,
Permettre qu'un Galand la
cajoll e & la batJe,
Pourvû que le baiser soit
modejîe & discret,
Etquelecajoleur lui plaisi.
Quoique l'indolence&
la faineantise soient les
principales vertus de vôtre
tranquille profession,
néanmoins en toutesûreté
de paresse vous pouvez
recevoir des Billets doux
avec plaisir,les lire.
attention, les serrer avec
foin, pourvu que vous n'y
répondiez querarement,
Si cen'estlors, quelestile
vous plaît.
Jjhtqyque l'employ soit dfez
doux
Oelffans doutetrop entre.
prendre
Quede donner un ywde'Z;
vous,
Et si chargerencordufonçy
de s'y rendre:
Maissil'occasion vous vient
{ taster le poux
Innocemment s'entend,c'est
sotise entre nous
DeneJepasdonner lapeine
de la prendre.
Car je crois, Mesdames,
que vous sçavez que de
toutes les occasions qui
sont au monde,il n'y a
que celles de l'amour qui
ne sont point chauves, &
que cela futainsi ordonne
par l'amourmêmeenfaveurde
la paresse Ton1
ayeule maternelle, de peur
qu'elle & les siens ne filasent
privez du plaisir de
ces fortes d'occasions, s'il
y avoit tant de peineà les
prendre.
Aller au devant d'un Amant
Contrefaire la langoureuse,
Et minauder à tout moment
Pourparoître plusgratieuse,
C'est un métier assurement
Indigne d'une paresseuse:
Mais resister objljYJérnfnt
Aux douceurs d'une ame
amoureuse,
Et nevouloir passeulement
Consentir qu'on vous rende
heureuse;
Aimer mieux éternellement
Estreseule triste & réveuse,
Que suivre Id, pente joyeu- DDefonproperetempee~rarammeenntt,
Cette njie à mon jugement
E(ltôtoutardbiencnnuyevfe
Et trop penibleajjnrément
Pourunejeune paresseuse.
J'avouë que dans les
statuts de la pure nonchalance
il est expressement
défenduàtoutes celles
qui comme vous veulent
vivre ôc mourir sous
les douces loix d'une rigoureuseparesse,
de quelque
taille,beauté & condition
qu'elles puissent être,
d'avoir jamais dans tout le
cours de leur vie aucun
foin de leur ménage
, artache
pour leurs maris ou
inquiétude pour leurs ensans,
semblablement de
faire en quelque temps
que ce soit des visites de
devoir, de cérémonie ou
de parenté, brefde se mêler
d'autre chose dans le
mode que de ce qui se fera
entre les murailles de leur
chambre;cela n'empêche
pas toutefois qu'une veritable
faineante
,
sans enfreindre
son observance,
ne puisse se servir du privilege
accordé de tout
temps à lamolesse de ion
sexe..
S/. quelqu'un à son gré
vient luyfaire la cour Riennel'oblige alors d'être
fort rigoureuse.
Quand on ne fait rienque
l'amour
On n'jenet'siufofi moins pares-
Voila, Mesdames, les
scrupules qui auroient pû
assurément vous faire de
la peine, étant aussiparesseuses,
aussi jeunes & aussi
saines que vous l'êtes, si
la charité que l'on doit
avoir pour ceux de sa fcde
ne m'avoit fait sortir
de la profonde oysiveté
où je fuis pour accommoder
, suivant laveritable
explication des maximes
,- les plaisirs de vôtre âge
& les devoirs de vôtre
profession.Adieu,je m'endors,
ainsi soit de vous.
Dames pareBeuses,parfeu
I - Monsieur P. E sçai, Madame, avec
quelle austerité vous
pratiquez la Regle de vôtre
Bienheureute Paresse;
-& que pour tous les biens
du mondevous ne voudriez
pas violer le voeu de
faineantise que vous avez
fait entre mes mains, aussi
n'est-ce pas pour vous le
faire rompre que je vous
donne la fatigue de lire
celle-ci, mais feulement
pour vous délivrer de
quelques scrupules, dans
lesquels une paresse supersticieuse
comme la vôtre,
pourroit nous faire tomber.
Quoiqu'une bonne paresseuse
Ne connoisse point d'autre bitn
Capable de la rendre heureuse,
éluUee cceelluuiiddeenneefaire rriieenn,
Ellepeuttoutefois étant bien
à sonaise,
Gisant dans une bonne chaise,
Ou la tête sur son Chevet,
Permettre qu'un Galand la
cajoll e & la batJe,
Pourvû que le baiser soit
modejîe & discret,
Etquelecajoleur lui plaisi.
Quoique l'indolence&
la faineantise soient les
principales vertus de vôtre
tranquille profession,
néanmoins en toutesûreté
de paresse vous pouvez
recevoir des Billets doux
avec plaisir,les lire.
attention, les serrer avec
foin, pourvu que vous n'y
répondiez querarement,
Si cen'estlors, quelestile
vous plaît.
Jjhtqyque l'employ soit dfez
doux
Oelffans doutetrop entre.
prendre
Quede donner un ywde'Z;
vous,
Et si chargerencordufonçy
de s'y rendre:
Maissil'occasion vous vient
{ taster le poux
Innocemment s'entend,c'est
sotise entre nous
DeneJepasdonner lapeine
de la prendre.
Car je crois, Mesdames,
que vous sçavez que de
toutes les occasions qui
sont au monde,il n'y a
que celles de l'amour qui
ne sont point chauves, &
que cela futainsi ordonne
par l'amourmêmeenfaveurde
la paresse Ton1
ayeule maternelle, de peur
qu'elle & les siens ne filasent
privez du plaisir de
ces fortes d'occasions, s'il
y avoit tant de peineà les
prendre.
Aller au devant d'un Amant
Contrefaire la langoureuse,
Et minauder à tout moment
Pourparoître plusgratieuse,
C'est un métier assurement
Indigne d'une paresseuse:
Mais resister objljYJérnfnt
Aux douceurs d'une ame
amoureuse,
Et nevouloir passeulement
Consentir qu'on vous rende
heureuse;
Aimer mieux éternellement
Estreseule triste & réveuse,
Que suivre Id, pente joyeu- DDefonproperetempee~rarammeenntt,
Cette njie à mon jugement
E(ltôtoutardbiencnnuyevfe
Et trop penibleajjnrément
Pourunejeune paresseuse.
J'avouë que dans les
statuts de la pure nonchalance
il est expressement
défenduàtoutes celles
qui comme vous veulent
vivre ôc mourir sous
les douces loix d'une rigoureuseparesse,
de quelque
taille,beauté & condition
qu'elles puissent être,
d'avoir jamais dans tout le
cours de leur vie aucun
foin de leur ménage
, artache
pour leurs maris ou
inquiétude pour leurs ensans,
semblablement de
faire en quelque temps
que ce soit des visites de
devoir, de cérémonie ou
de parenté, brefde se mêler
d'autre chose dans le
mode que de ce qui se fera
entre les murailles de leur
chambre;cela n'empêche
pas toutefois qu'une veritable
faineante
,
sans enfreindre
son observance,
ne puisse se servir du privilege
accordé de tout
temps à lamolesse de ion
sexe..
S/. quelqu'un à son gré
vient luyfaire la cour Riennel'oblige alors d'être
fort rigoureuse.
Quand on ne fait rienque
l'amour
On n'jenet'siufofi moins pares-
Voila, Mesdames, les
scrupules qui auroient pû
assurément vous faire de
la peine, étant aussiparesseuses,
aussi jeunes & aussi
saines que vous l'êtes, si
la charité que l'on doit
avoir pour ceux de sa fcde
ne m'avoit fait sortir
de la profonde oysiveté
où je fuis pour accommoder
, suivant laveritable
explication des maximes
,- les plaisirs de vôtre âge
& les devoirs de vôtre
profession.Adieu,je m'endors,
ainsi soit de vous.
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Résumé : LETTRE A DEUX Dames paresseuses, par feu Monsieur P....
La lettre s'adresse à des dames paresseuses, les rassurant que la lecture de cette missive ne troublera pas leur fainéantise. L'auteur autorise certaines libertés, comme recevoir et lire des billets doux, sans y répondre immédiatement. Il encourage à ne pas éviter les occasions d'amour, car elles sont destinées aux paresseuses. Résister aux avances amoureuses est déconseillé, car cela serait trop pénible. Les véritables fainéantes doivent éviter les préoccupations ménagères ou familiales, mais peuvent se permettre des courtoisies amoureuses sans trahir leur paresse. La lettre se conclut en assurant que les scrupules des destinataires sont levés, leur permettant de jouir des plaisirs de leur âge tout en restant fidèles à leur paresse.
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132
p. 40-51
A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
Début :
Cette chere Dodo, cette aimable Doguine, [...]
Mots clefs :
Doguine, Amour, Yeux, Dieu, Beauté, Déguisement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
pourDodosaDoguine.
CEtte chereDodo, cette
aimable Doguine,
L'objet de vos plus doux
transports,
N'est point, Iris, une machine,
-
Comme Descartesl'ima-
, gine,
JO Dont l'instinct: feulement
fait mouvoir les
ressorts
;
EcouEcoutez
un récit fidele
De , tout ce que mes yeux -ont vu,., Un tel fpeftacle eut confondu
Le Philosophe & sa fe-
,
quelle;
En vôtre absence ce matin
Je faisois à Dodo mille &
mille caresses)
Et passant sur sa tête une
flatteuse main,
Je joignois ce discours à
toutes mes tendresses
: Dodo, que vôtre xort est
doux !
Le plus charmant objet
qui soit dans la narure,
Iris, pour qui nous brûlons
tous
D'une ardeur si tendre &
-.
-
si pure,
Iris n'a d'amour que pour
- vous
Vous plaisez à ses yeux, : vousla voyez sans
; cesse,
Et sans redouter son courroux
Vous luy marquez vô tre
tendresse
Quel mortelSe qu, el Dieu
n'en feroit point jaloux?
Ha! si ce Jupiter que nous
vante la Fable,
Estoit un immortel & le
Maître des Dieux
Il seroit sdescendu des cieux
Pour jouïr dundestin femblable,
Ce puissant Dieu de l'univers
, Qui souvent pour quelques
mortelles
Prit tant de changemens
divers,
Se fût fait Doguine pour
elle;
Qu'il eut vécu content
dans de si, beaux liens,
Mais sans rationnement le
.,. Ciel vous a fair naître,
Et vousaprodigué des
biens*'•
• Que vous ne pouvez pas * connoîtrej
En prononçantcesmots
je demeurai surpris
D'une metamorphose étrange
Qui me coupa ;i voix coupalavoix ôc
troubla mes esprits,,
Dodo s'enfle, s'éleve & sa
figure change;
Un éclat merveilleux brille
, ,. detoutesparts,
Dodo n'est plus une doguine,
Elle paroît à mes regards
Sous les charmans appas
d'une beauté divine.
Arrête, me dit-elle, & connois
mon pouvoir,
Je fuis Fée, & l'on sçait
quelles sont nos merveilles
,
On sçait par tout que mes
pareilles,
Sous des déguisemens fouvent
selaissent voir:
Jepréside aux appas, c'est
mon foin ordinaire
De dispenser le don de
plaire:
Heureuxàqui je le dépars.
C'et! moy qui fçut rendre
si belles
Les S*** ôc lesV**
Qui de , tous les humains
enchantent les regards,
Parmi les beaux objets en
qui de ma puiilànce
Brillent les merveilleux effets,
Iris est un des plus parfaits,
Je fus presente à sa naifsance,
,., Ma main prit foin de luy
former
Tous les traits d'un charmant
visage,
Esprit
,
douceur5 prefenr
qu'on doit pluseltimer:
Enfin elle reçût un parfait
assemblage ,.;
-
o
De tout ce qui peutfaire
aImer; ¡. r:c
Ah! si le Ciel avoit fecondé
mon ouvrage
Il l'auroit élevéeauxsupr
mes grandeurs:
Mais l'Amour qui la fuit
repare cet outrage
Par l'empire de tous les
coeurs. i. Avec elle toujoursj'ai priy
plaisir à vivre,
Yj paffe mes plus doux
Inomens, Et fous divers!déguifç--
mens
Je fuis empressëe à la fuivre.
Lorsque dans la retraite
ellealla s'enfermer,
D'y marcher sur fcs pas
je me crus trop heureuse,.
Est-il quelque demeure
affreuse
Qu'elle ne puisse faire ai-
; mer?
J'y goutois àla voir mille
douceurs secretes,
Avec un amusant caquet
Je pris pourréjpiiir de
eau
::
xaufeufes nonnettes
,La figure d'un perroquet.,,
Aujourd'huy tu me vois
paroître
Sous un nouveau dcguife.-
ment,
Et ce n'est qu'à toy feulement
Que je puis me fairecon-
, noître.
A ces mots elle entend du
bruit,
On vient, dit-elle,un jour
tu pourras être in.-
struit v
Du bonheur queje luy
destine
;
Je rentre dans ma peau,
c'ellun arrest des
Cieux,
Je puis être Fée à tes yeux,
Pour toute autre je suis
doguine.
Voila quel est son fort, voi-
-1
-la charmante Iris,
D'où naissent ces appas
dont nous sommes
épris;
En vous voyant briller de
cent beautez parfaites,
Je me doutois toûjours de
quelque enchantement.
On nest point naturelle.
ment
Au/fi charmante que vous
l1l>'Aêtes.
CEtte chereDodo, cette
aimable Doguine,
L'objet de vos plus doux
transports,
N'est point, Iris, une machine,
-
Comme Descartesl'ima-
, gine,
JO Dont l'instinct: feulement
fait mouvoir les
ressorts
;
EcouEcoutez
un récit fidele
De , tout ce que mes yeux -ont vu,., Un tel fpeftacle eut confondu
Le Philosophe & sa fe-
,
quelle;
En vôtre absence ce matin
Je faisois à Dodo mille &
mille caresses)
Et passant sur sa tête une
flatteuse main,
Je joignois ce discours à
toutes mes tendresses
: Dodo, que vôtre xort est
doux !
Le plus charmant objet
qui soit dans la narure,
Iris, pour qui nous brûlons
tous
D'une ardeur si tendre &
-.
-
si pure,
Iris n'a d'amour que pour
- vous
Vous plaisez à ses yeux, : vousla voyez sans
; cesse,
Et sans redouter son courroux
Vous luy marquez vô tre
tendresse
Quel mortelSe qu, el Dieu
n'en feroit point jaloux?
Ha! si ce Jupiter que nous
vante la Fable,
Estoit un immortel & le
Maître des Dieux
Il seroit sdescendu des cieux
Pour jouïr dundestin femblable,
Ce puissant Dieu de l'univers
, Qui souvent pour quelques
mortelles
Prit tant de changemens
divers,
Se fût fait Doguine pour
elle;
Qu'il eut vécu content
dans de si, beaux liens,
Mais sans rationnement le
.,. Ciel vous a fair naître,
Et vousaprodigué des
biens*'•
• Que vous ne pouvez pas * connoîtrej
En prononçantcesmots
je demeurai surpris
D'une metamorphose étrange
Qui me coupa ;i voix coupalavoix ôc
troubla mes esprits,,
Dodo s'enfle, s'éleve & sa
figure change;
Un éclat merveilleux brille
, ,. detoutesparts,
Dodo n'est plus une doguine,
Elle paroît à mes regards
Sous les charmans appas
d'une beauté divine.
Arrête, me dit-elle, & connois
mon pouvoir,
Je fuis Fée, & l'on sçait
quelles sont nos merveilles
,
On sçait par tout que mes
pareilles,
Sous des déguisemens fouvent
selaissent voir:
Jepréside aux appas, c'est
mon foin ordinaire
De dispenser le don de
plaire:
Heureuxàqui je le dépars.
C'et! moy qui fçut rendre
si belles
Les S*** ôc lesV**
Qui de , tous les humains
enchantent les regards,
Parmi les beaux objets en
qui de ma puiilànce
Brillent les merveilleux effets,
Iris est un des plus parfaits,
Je fus presente à sa naifsance,
,., Ma main prit foin de luy
former
Tous les traits d'un charmant
visage,
Esprit
,
douceur5 prefenr
qu'on doit pluseltimer:
Enfin elle reçût un parfait
assemblage ,.;
-
o
De tout ce qui peutfaire
aImer; ¡. r:c
Ah! si le Ciel avoit fecondé
mon ouvrage
Il l'auroit élevéeauxsupr
mes grandeurs:
Mais l'Amour qui la fuit
repare cet outrage
Par l'empire de tous les
coeurs. i. Avec elle toujoursj'ai priy
plaisir à vivre,
Yj paffe mes plus doux
Inomens, Et fous divers!déguifç--
mens
Je fuis empressëe à la fuivre.
Lorsque dans la retraite
ellealla s'enfermer,
D'y marcher sur fcs pas
je me crus trop heureuse,.
Est-il quelque demeure
affreuse
Qu'elle ne puisse faire ai-
; mer?
J'y goutois àla voir mille
douceurs secretes,
Avec un amusant caquet
Je pris pourréjpiiir de
eau
::
xaufeufes nonnettes
,La figure d'un perroquet.,,
Aujourd'huy tu me vois
paroître
Sous un nouveau dcguife.-
ment,
Et ce n'est qu'à toy feulement
Que je puis me fairecon-
, noître.
A ces mots elle entend du
bruit,
On vient, dit-elle,un jour
tu pourras être in.-
struit v
Du bonheur queje luy
destine
;
Je rentre dans ma peau,
c'ellun arrest des
Cieux,
Je puis être Fée à tes yeux,
Pour toute autre je suis
doguine.
Voila quel est son fort, voi-
-1
-la charmante Iris,
D'où naissent ces appas
dont nous sommes
épris;
En vous voyant briller de
cent beautez parfaites,
Je me doutois toûjours de
quelque enchantement.
On nest point naturelle.
ment
Au/fi charmante que vous
l1l>'Aêtes.
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Résumé : A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
Le texte est une lettre poétique adressée à Iris, relatant une transformation magique. Le narrateur, en caressant sa chienne Dodosa, exprime son admiration pour Iris, dont Dodosa est amoureuse. Soudain, Dodosa se transforme en une fée divine, présidant aux charmes. Elle révèle avoir donné à Iris ses traits parfaits et avoue passer du temps avec elle sous divers déguisements, y compris celui d'un perroquet. À l'approche de quelqu'un, la fée doit partir, promettant de révéler un jour le bonheur destiné à Iris. Elle reprend alors son apparence de chienne, confirmant qu'elle n'est une fée que pour le narrateur. Le texte se conclut par l'admiration du narrateur pour les charmes surnaturels d'Iris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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133
p. 53-59
STANCES.
Début :
Bannissez la melancolie [...]
Mots clefs :
Amants, Regrets, Amour
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texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
BAnniffez la melancolie
Ou vôtre ame est ensevelie,
Donnez, mon cher Daphnls)
un terme a vos
douleurs)
Vos [oupirs) vos regrets,
vos plaintes& vos
larges
Ne ranimeront^oint les
charmes
De l'adorable objet qui
fait couler mes
pleurs.
Envain dans sa douleur
extreme
Un amant, s'oubliant roymême,
A des resteséteints s'immole
tous-les jours;
Nôs feuxne percent point
jusques en ces lieux
sombres
Destinez , au séjour des
ombres.
Le moment du rrépas en
limite le cours.
Les biens dont l'Amour
nous couronne
Ressemblent aux fleurs
dont l'Auronne,
Au forcir de l'été vient paj
rer nos jardins,
Par les fiers Aquillons de
.: leur tige arrachées,
On les voie tristement
couchées,
Terminer en naissant leurs
fragiles destins.
Son Empire inconstant
muable. ,
N'eut jamais de bonheur
durable,
Toujours quelques hivers
entroublent les Printem
ps.
Posseder seus un coeur
égal, tendre,sincere,
Quines'occupoic qu'à
vous plaire,
Vous étiez trop heureux
pour l'être plus longtemps.
Ah! dans l'ennuy qui vous
devore,
Au moins ce bien vous
reste encore,
Que vous fûtes aimé jufquau
dernier moment,
Et vôtre peine,helas!peutêtre
eit moins cruelle
Que la peine d'un coeur
fidelle,
Qui Se voit immoler aux
voeux d'un autre
Amant.
Cent rares vertus embellirent
Celle à qui les destins
commirent
D'unir des mêmes noeuds
vôtre coeur & le sien;
Je sçai qu'elle ne fut legere
ni volage:
Mais enfin l'amant le plus
rage,
Croyez-moy,c'estl'amant
qui ne compte sur
rien,
Ces temps où regnoient
l'innocence,
\- La fidélité, l'inconstance.
Inutiles regrets! que fontils
devenus?
Les noeuds les plus facrezy
les sermens, les promesses
Sont de vaines delicatesses,
Dont même en nos hameaux
on ne [e pique -
plus.
Guerissez.
- vous, s'il est
possible,
Du malheur d'être trop
sensible,
Que vos maux, cher
Daphnis, puissent
bien-tôt finir.
Rappellez l'heureux tems
de vôtre indifference,
Et sage par experience,
Bannissez de l'amour juc.
ques au souvenir.
BAnniffez la melancolie
Ou vôtre ame est ensevelie,
Donnez, mon cher Daphnls)
un terme a vos
douleurs)
Vos [oupirs) vos regrets,
vos plaintes& vos
larges
Ne ranimeront^oint les
charmes
De l'adorable objet qui
fait couler mes
pleurs.
Envain dans sa douleur
extreme
Un amant, s'oubliant roymême,
A des resteséteints s'immole
tous-les jours;
Nôs feuxne percent point
jusques en ces lieux
sombres
Destinez , au séjour des
ombres.
Le moment du rrépas en
limite le cours.
Les biens dont l'Amour
nous couronne
Ressemblent aux fleurs
dont l'Auronne,
Au forcir de l'été vient paj
rer nos jardins,
Par les fiers Aquillons de
.: leur tige arrachées,
On les voie tristement
couchées,
Terminer en naissant leurs
fragiles destins.
Son Empire inconstant
muable. ,
N'eut jamais de bonheur
durable,
Toujours quelques hivers
entroublent les Printem
ps.
Posseder seus un coeur
égal, tendre,sincere,
Quines'occupoic qu'à
vous plaire,
Vous étiez trop heureux
pour l'être plus longtemps.
Ah! dans l'ennuy qui vous
devore,
Au moins ce bien vous
reste encore,
Que vous fûtes aimé jufquau
dernier moment,
Et vôtre peine,helas!peutêtre
eit moins cruelle
Que la peine d'un coeur
fidelle,
Qui Se voit immoler aux
voeux d'un autre
Amant.
Cent rares vertus embellirent
Celle à qui les destins
commirent
D'unir des mêmes noeuds
vôtre coeur & le sien;
Je sçai qu'elle ne fut legere
ni volage:
Mais enfin l'amant le plus
rage,
Croyez-moy,c'estl'amant
qui ne compte sur
rien,
Ces temps où regnoient
l'innocence,
\- La fidélité, l'inconstance.
Inutiles regrets! que fontils
devenus?
Les noeuds les plus facrezy
les sermens, les promesses
Sont de vaines delicatesses,
Dont même en nos hameaux
on ne [e pique -
plus.
Guerissez.
- vous, s'il est
possible,
Du malheur d'être trop
sensible,
Que vos maux, cher
Daphnis, puissent
bien-tôt finir.
Rappellez l'heureux tems
de vôtre indifference,
Et sage par experience,
Bannissez de l'amour juc.
ques au souvenir.
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Résumé : STANCES.
Le texte est une série de stances poétiques adressées à Daphnis, l'encourageant à surmonter sa mélancolie et ses douleurs. Le poète lui conseille de ne pas raviver les souvenirs de son amour perdu, car cela prolongerait sa souffrance. Il compare les biens de l'amour à des fleurs éphémères qui se fanent rapidement, soulignant l'inconstance de l'amour et la fragilité des moments heureux, souvent troublés par des périodes de tristesse. Le poète rappelle à Daphnis qu'il a été aimé jusqu'au dernier moment et que sa peine pourrait être moins cruelle que celle d'un cœur fidèle trahi. Il met en avant les vertus de l'être aimé tout en reconnaissant l'inévitable inconstance des sentiments. Le poète conclut en encourageant Daphnis à guérir de sa sensibilité excessive et à bannir les souvenirs de l'amour pour retrouver une indifférence heureuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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134
p. 1-76
HISTOIRE toute veritable.
Début :
Dans les Ilsles d'Hieres est scitué entre des rochers [...]
Mots clefs :
Îles d'Hyères, Amant, Vaisseau, Amour, Homme, Soeur, Capitaine, Château, Surprise, Passion, Roman, Chambre, Mariage, Négociant, Gentilhomme, Rochers, Mari, Bonheur, Fortune, Esprit, Fille, Joie, Mérite, Équivoque , Valets, Mer, Maître, Lecteur, Infidélité, Rivage
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE toute veritable.
DAns les Isles d'Hieres
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
Fermer
Résumé : HISTOIRE toute veritable.
Le texte décrit une scène dans les Isles d'Hières, où deux sœurs, Lucille et Marianne, se promènent dans une allée d'orangers. Lucille, l'aînée, est belle et admirée, mais triste car son père souhaite la marier à un gentilhomme voisin. Marianne, enjouée, taquine Lucille qui attend le retour de son amant, Leandre. Lucille rêve de Leandre et avoue son amour pour lui, motivé par ses richesses et sa qualité. Marianne obtient de leur père qu'il marie d'abord Marianne, permettant ainsi à Lucille d'attendre Leandre. Quelques jours passent sans nouvelles de Leandre. Un vaisseau accoste près du château après une tempête. Lucille court avertir Leandre, mais découvre qu'un valet demande de l'aide pour son maître, blessé. Marianne, séduite par l'apparence du jeune homme, s'occupe de lui avec zèle. Lors du souper, l'inconnu se révèle être un jeune négociant riche, mais ce n'est pas Leandre. Lucille est triste, tandis que Marianne reste silencieuse, troublée par ses sentiments. Le père, ignorant des tensions, est content de la situation. Marianne, amoureuse du négociant, évite de le regarder pour se punir de son plaisir. Une méprise survient lorsque le père annonce au négociant qu'il souhaite l'épouser. Lucille accepte la situation et se prépare à recevoir le négociant, mais celui-ci, confus, quitte la chambre sans rien dire. Lucille retrouve Leandre chez une voisine. Le négociant, accompagné du capitaine de son vaisseau, révèle qu'il doit repartir aux Indes. Cependant, ils prennent la mer sans prévenir, laissant les sœurs et le père perplexes. Marianne accepte de se marier avec le négociant pour rétablir les affaires de son père. Le mariage est célébré magnifiquement à la fin du mois de septembre. Le négociant, souhaitant annuler son mariage, supplie son ami capitaine de le ramener à l'île. Le capitaine reste inflexible, insistant pour que le négociant réfléchisse à son amour pendant le voyage. Le contrat de mariage est annulé grâce à une somme d'argent versée au gentilhomme. Le mariage entre le négociant et Marianne est finalement célébré.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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135
p. 91-93
RÉPONSE par Don Quichote.
Début :
Je suis du pur amour chevalier scrupuleux, [...]
Mots clefs :
Amour, Gourmandise
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE par Don Quichote.
1i E' P O N SE
parDon Quichote.
JEsuis du pur amour
chevalier scru puleux,
Et souhaitant ma Dulcinée
Seulement pour remplir
ma haute destinée
Sans dcfîrs je fuis amoureux
Et je laisse à,Sanch1ot:
desirer sa Theresè.
SANCHOT.
Moy, mon maître, ne
vous deplaise,
Qui n'ay que mon inGtin£
t pour comprendre
les mots,
Je regarde l'amour,,
comme la gourmandise,
Et quand on voit la
napemise,
Souhaiter sans mangea
c'estle repas des sots.
parDon Quichote.
JEsuis du pur amour
chevalier scru puleux,
Et souhaitant ma Dulcinée
Seulement pour remplir
ma haute destinée
Sans dcfîrs je fuis amoureux
Et je laisse à,Sanch1ot:
desirer sa Theresè.
SANCHOT.
Moy, mon maître, ne
vous deplaise,
Qui n'ay que mon inGtin£
t pour comprendre
les mots,
Je regarde l'amour,,
comme la gourmandise,
Et quand on voit la
napemise,
Souhaiter sans mangea
c'estle repas des sots.
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136
p. 94-99
RÉPONSE.
Début :
Non ; car il faut bien qu'une porte soit ouverte [...]
Mots clefs :
Amour, Aimer, Beauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE.
ARTICLE
des Questions.
QUESTION.
Si l'on peut en même
temps aimer & ne pas
aimer.
REPONSE.
Non; caril faut bien,
qu'une porte soit ouverte
ou fermée.
Cependant j'entre dans
l'idée de la question; on
ne demande qu'un jeu
d'esprit là dessus. En voici
un tel que tel.
Mon coeur est naturellement
tendre: mais il est
indifferent par paresse. Je
vis l'autre jour une charmante
perionne dont je
ne devins qu'à moitié
amoureux.
Mon coeur fait son chemin,
mais non pas en un jour, ilva bien jusqu'à la tenrlrejje
;
Mais retenupar laparesse,
Ilnevapasjusqu'àl'amour.
Je mets une grande difsérence
entre la tendresse
& l'amour ; ce seroitune
autrequestion de Mercure,
suivons celle-ci;je
puis dire à present de ma
charmante Isabelle, que
je l'aime, (t) que je ne l'aime
pas. Je l'appelle charmante
, parce que j'en
fus charmédu premier
coup d'oeil.
AiAÏS elleme paroît en lA
regardant mieux
Et
Etmoitié belle & moitié
UidCyJ
Des maux que mefont ses
'-J' #grandsytype
Sagrandme (bpuecbedefle- le.re-
Je
Hierausoirpourtantje
pensail'aimertoutàfait
carayantétéfrappé dele7'
clat de son ceiri) de ses
regards, & d'un certain air
qui saisit d'abord.
, Afinque
-
je n'eusse pas
leloisir de voirses défauts:
mais un : moment après ils
vinrentenfoule se presenter
à monimagination ~3c
j'avois presqueoublié ses
beautez
,
quandtout à coup ,
JJamourmfaveur â'IfabeUe
Du feu tlefin brandon rallumxlchandeue.
C'est ainsi que l'Amour
rusévoudroit m'engager à
elle sans reserve
: mais
comme je la vois en même
temps belle & laide, je
puisdire aussi qu'en même 4
temps je l'aime, & je nq
l'aime pas.
des Questions.
QUESTION.
Si l'on peut en même
temps aimer & ne pas
aimer.
REPONSE.
Non; caril faut bien,
qu'une porte soit ouverte
ou fermée.
Cependant j'entre dans
l'idée de la question; on
ne demande qu'un jeu
d'esprit là dessus. En voici
un tel que tel.
Mon coeur est naturellement
tendre: mais il est
indifferent par paresse. Je
vis l'autre jour une charmante
perionne dont je
ne devins qu'à moitié
amoureux.
Mon coeur fait son chemin,
mais non pas en un jour, ilva bien jusqu'à la tenrlrejje
;
Mais retenupar laparesse,
Ilnevapasjusqu'àl'amour.
Je mets une grande difsérence
entre la tendresse
& l'amour ; ce seroitune
autrequestion de Mercure,
suivons celle-ci;je
puis dire à present de ma
charmante Isabelle, que
je l'aime, (t) que je ne l'aime
pas. Je l'appelle charmante
, parce que j'en
fus charmédu premier
coup d'oeil.
AiAÏS elleme paroît en lA
regardant mieux
Et
Etmoitié belle & moitié
UidCyJ
Des maux que mefont ses
'-J' #grandsytype
Sagrandme (bpuecbedefle- le.re-
Je
Hierausoirpourtantje
pensail'aimertoutàfait
carayantétéfrappé dele7'
clat de son ceiri) de ses
regards, & d'un certain air
qui saisit d'abord.
, Afinque
-
je n'eusse pas
leloisir de voirses défauts:
mais un : moment après ils
vinrentenfoule se presenter
à monimagination ~3c
j'avois presqueoublié ses
beautez
,
quandtout à coup ,
JJamourmfaveur â'IfabeUe
Du feu tlefin brandon rallumxlchandeue.
C'est ainsi que l'Amour
rusévoudroit m'engager à
elle sans reserve
: mais
comme je la vois en même
temps belle & laide, je
puisdire aussi qu'en même 4
temps je l'aime, & je nq
l'aime pas.
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Résumé : RÉPONSE.
Le texte examine la possibilité d'aimer et de ne pas aimer simultanément. Initialement, l'auteur rejette cette idée, la comparant à une porte qui doit être soit ouverte, soit fermée. Cependant, il accepte de considérer la question comme un jeu d'esprit. Il décrit son cœur comme naturellement tendre mais indifférent par paresse. L'auteur rencontre une personne charmante, Isabelle, dont il devient à moitié amoureux. Il distingue la tendresse de l'amour et affirme pouvoir aimer et ne pas aimer Isabelle en même temps. Il décrit ses sentiments fluctuants envers elle, oscillant entre admiration et déception. Après avoir été charmé par ses regards et son air, il découvre rapidement ses défauts, ce qui altère son amour. Ainsi, il conclut qu'il peut aimer et ne pas aimer Isabelle en même temps, la voyant à la fois belle et laide.
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137
p. 99
QUESTION NOUVELLE.
Début :
Sans préjudice de celles du mois passé que je laisserai encore [...]
Mots clefs :
Amour, Tendresse
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texteReconnaissance textuelle : QUESTION NOUVELLE.
QUESTIONNOUVELLE.
Sans préjudice de celles du
moispasse quejelaisserai encorepour
celui.ci.
Quelle différence yat-
il entre la tendressé-U
l'amour?
Sans préjudice de celles du
moispasse quejelaisserai encorepour
celui.ci.
Quelle différence yat-
il entre la tendressé-U
l'amour?
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138
p. 119-120
L'AMOUR JUSTIFIÉ. Par Monsieur de ROC***
Début :
Funeste ennemi de la paix, [...]
Mots clefs :
Amour, Cruauté
139
p. 1-16
PIECE NOUVELLE. DIALOGUE Entre un Chevalier errant, & un Berger.
Début :
Sur les bords du Lignon jadis si renommez, [...]
Mots clefs :
Chevalier, Berger, Amour, Amoureux, Heureux, Malheureux, Dame, Amants
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texteReconnaissance textuelle : PIECE NOUVELLE. DIALOGUE Entre un Chevalier errant, & un Berger.
PIECE NOUVELLE.
DIALOGUE
Entre un Chevaliererrant, &
un Berger. 1SUr les bords du Lignon
jadis sirenommez
,
Lieux où les descendans
d'Astrée,
De son tendre esprit
animez,
Renouvellant encor
l'heureux siécle de
Rée,
Eternisentdans leur
contrée
Le doux plaisir d'aimer
ô£ celui d'estre
aimez,
Un Chevalier errant,
1amc desesperée,
Poussant des fou p irs
enflammez,
Se plaignoit des ri-
--
gueurs de sa Dame
adorée,
Par les cris inacoûtamez,
De sa douleur immoderée
,
Les paisibles Bergers
furent tous allarmez,
Mais revenu de ses allarmes,
L'und'entr'eux le voyant
sans armes,
Et le prenant pour un
Berger,
Court à lui pour le
soulager,
Et lui demande ainsi
le sujetde ses
larmes
LEBERGER.
Dequoi vous plaignezvous,
malheureux
étranger,
Quivenez habiternos
plaines ?
Pouvez-vous ressentir
des peines?
Vous vivez en ces lieux
& vous êtes Berger.
LE CHEVALIER ER.
Je ne fuis point Berger,
je viens dans
cette plaine
Eaire un mêtier bien
different,
Un foin tranquille
vous y mene,
Moyles sombres chagrins
d'un Chevalier
errant.
LE BERGER..
La paix regne dans ces
retraites,
Laissez-nous goûter ses
douceurs,
Ce n'etquepour les
tendres coeurs
Que la nature les a
faites.
LE CHEVALIER ER.
S'ilfaut être bien amou- , reux
Pour mériter de vivre
en ces lieux solitaires,
Ah ! je jure par tous les
Dieux
D'en chasser les amants
vulgaires.
Autant que ma Dame
en beauté
Surpasse toutes vos Silvies,
Je parte en sensibilité
Les Tircis de vos Bergeries.
UnBerger est plus
amoureux
Des plaisirs que de sa
Bergere,""
Et s'il ne songe qu-a
luy plaire,
Il est assuré d'être hcur
reux. - Pour moy j'aime sans
esperance
D'êtrejamais récompensé,
Mais l'amour dont je
fuis blessé
N'en a pas moins de
violence ,
Et cet amour si malheureux,
Nourri de soupirs 6C
de larmes,
Me doit faire mille envieux,
Puiiqu'H a pour objet
des charmes
Dignes d'enflammer
tous les Dieux.
LE BERGER.
Vôtre amour malheureux
Ne me fait point d'envie,
Je fuis content de mes
plaisirs,
J'aimerai toûjours ma
Sylvie,
Et je verrai toute ma
vie
Remplir mes amoureux
desirs
Je croy qu'un autre
peut vous plaire,
Et qu'elle est digne de
vos soins,
Mais si vous voyiez ma
Bergere,
Vôtre Dame vous plairoit
moins.
LE CHEVALIER ER.
C'est*bien àvous,petite
espece
D'amants indignes d'être
heureux,
A vanter l'ardeur de
vos feux,
Et l'objet de vôtre tendresse;
1 Vous devez àl'oisiveté
Tous les plaisirsdevôtre
vie;
Vôtre [barte* simplicité
Fait toute lanaïveté
Qui charme tant vôtre
Sylvie,
Une molle tranquillité
Fait la tendre fidélité
Que vous gardez à vos
Bergeres;
Amants paresseux,imparfaits,
La peur d'en trouver
de severes
Fait que vous ne
changez jamais.
LE BERGER.
Vostre amour est une
chimere,
Et cette héroïque beauté
Qui connaîtvostre caradere
Affecte une faussefierte:)
Que nos Bergersvaincroient
avec moins
de mystere
Et bien plus de facilité.
Comme la seule vanité
Fait en amour vostre
constance,
Vous n'avezpas la récompense
Quenostre amour a
mérité;
Seigneur! voyez cette
Prairie,
Qu'arrosent les plus
clairs ruisseaux,
Toute vostre Chevalerie
Ne vaut pas le char-
-
mant repos
Que j'ygoûteavecma
-
Sylvie;
Un Berger qui doit
être heureux toute
sa vie,
Ne se changeroit pas
pour le plus grand
Héros.
LE CHEVALIER ER.
Malheureux, craignez
ma vengeance,
Et que désormais en
ces lieux
On garde sur l'amour
un éternelsilence,
Vous nemeritez pas
l'honneur d'être
amoureux.
DIALOGUE
Entre un Chevaliererrant, &
un Berger. 1SUr les bords du Lignon
jadis sirenommez
,
Lieux où les descendans
d'Astrée,
De son tendre esprit
animez,
Renouvellant encor
l'heureux siécle de
Rée,
Eternisentdans leur
contrée
Le doux plaisir d'aimer
ô£ celui d'estre
aimez,
Un Chevalier errant,
1amc desesperée,
Poussant des fou p irs
enflammez,
Se plaignoit des ri-
--
gueurs de sa Dame
adorée,
Par les cris inacoûtamez,
De sa douleur immoderée
,
Les paisibles Bergers
furent tous allarmez,
Mais revenu de ses allarmes,
L'und'entr'eux le voyant
sans armes,
Et le prenant pour un
Berger,
Court à lui pour le
soulager,
Et lui demande ainsi
le sujetde ses
larmes
LEBERGER.
Dequoi vous plaignezvous,
malheureux
étranger,
Quivenez habiternos
plaines ?
Pouvez-vous ressentir
des peines?
Vous vivez en ces lieux
& vous êtes Berger.
LE CHEVALIER ER.
Je ne fuis point Berger,
je viens dans
cette plaine
Eaire un mêtier bien
different,
Un foin tranquille
vous y mene,
Moyles sombres chagrins
d'un Chevalier
errant.
LE BERGER..
La paix regne dans ces
retraites,
Laissez-nous goûter ses
douceurs,
Ce n'etquepour les
tendres coeurs
Que la nature les a
faites.
LE CHEVALIER ER.
S'ilfaut être bien amou- , reux
Pour mériter de vivre
en ces lieux solitaires,
Ah ! je jure par tous les
Dieux
D'en chasser les amants
vulgaires.
Autant que ma Dame
en beauté
Surpasse toutes vos Silvies,
Je parte en sensibilité
Les Tircis de vos Bergeries.
UnBerger est plus
amoureux
Des plaisirs que de sa
Bergere,""
Et s'il ne songe qu-a
luy plaire,
Il est assuré d'être hcur
reux. - Pour moy j'aime sans
esperance
D'êtrejamais récompensé,
Mais l'amour dont je
fuis blessé
N'en a pas moins de
violence ,
Et cet amour si malheureux,
Nourri de soupirs 6C
de larmes,
Me doit faire mille envieux,
Puiiqu'H a pour objet
des charmes
Dignes d'enflammer
tous les Dieux.
LE BERGER.
Vôtre amour malheureux
Ne me fait point d'envie,
Je fuis content de mes
plaisirs,
J'aimerai toûjours ma
Sylvie,
Et je verrai toute ma
vie
Remplir mes amoureux
desirs
Je croy qu'un autre
peut vous plaire,
Et qu'elle est digne de
vos soins,
Mais si vous voyiez ma
Bergere,
Vôtre Dame vous plairoit
moins.
LE CHEVALIER ER.
C'est*bien àvous,petite
espece
D'amants indignes d'être
heureux,
A vanter l'ardeur de
vos feux,
Et l'objet de vôtre tendresse;
1 Vous devez àl'oisiveté
Tous les plaisirsdevôtre
vie;
Vôtre [barte* simplicité
Fait toute lanaïveté
Qui charme tant vôtre
Sylvie,
Une molle tranquillité
Fait la tendre fidélité
Que vous gardez à vos
Bergeres;
Amants paresseux,imparfaits,
La peur d'en trouver
de severes
Fait que vous ne
changez jamais.
LE BERGER.
Vostre amour est une
chimere,
Et cette héroïque beauté
Qui connaîtvostre caradere
Affecte une faussefierte:)
Que nos Bergersvaincroient
avec moins
de mystere
Et bien plus de facilité.
Comme la seule vanité
Fait en amour vostre
constance,
Vous n'avezpas la récompense
Quenostre amour a
mérité;
Seigneur! voyez cette
Prairie,
Qu'arrosent les plus
clairs ruisseaux,
Toute vostre Chevalerie
Ne vaut pas le char-
-
mant repos
Que j'ygoûteavecma
-
Sylvie;
Un Berger qui doit
être heureux toute
sa vie,
Ne se changeroit pas
pour le plus grand
Héros.
LE CHEVALIER ER.
Malheureux, craignez
ma vengeance,
Et que désormais en
ces lieux
On garde sur l'amour
un éternelsilence,
Vous nemeritez pas
l'honneur d'être
amoureux.
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Résumé : PIECE NOUVELLE. DIALOGUE Entre un Chevalier errant, & un Berger.
Le texte relate un dialogue entre un Chevalier errant et un Berger sur les bords du Lignon, une région connue pour ses habitants inspirés par l'esprit d'Astrée. Le Chevalier, désespéré, exprime sa douleur face aux rigueurs de sa Dame adorée. Le Berger, alarmé par ses cris, s'approche pour l'aider, croyant qu'il est l'un des leurs. Le Chevalier révèle qu'il est un Chevalier errant tourmenté par des chagrins sombres. Le Berger vante la paix et les douceurs de leur retraite, destinées aux cœurs tendres. Le Chevalier affirme que son amour est plus intense et plus noble que celui des Bergers. Le Berger, content de ses plaisirs avec sa Sylvie, suggère que le Chevalier pourrait trouver une autre compagne. Le Chevalier critique la simplicité et la paresse des Bergers, qui changent rarement de partenaire par peur de trouver des amours sévères. Le Berger rétorque que l'amour du Chevalier est une chimère et que sa Dame affecte une fausse rigueur. Il vante la simplicité et la constance de l'amour des Bergers, illustrée par le charmant repos qu'il partage avec Sylvie. Furieux, le Chevalier menace le Berger et exige un silence éternel sur l'amour dans ces lieux.
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140
p. 37-45
LETTRE A MADAME P... sur deux mariez, dont l'un ne parloit que François, & l'autre qu'Anglois.
Début :
Il est constant que nostre époux ne parle point François [...]
Mots clefs :
Anglais, Français, Langage, Époux, Langue, Amour, Hymen
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A MADAME P... sur deux mariez, dont l'un ne parloit que François, & l'autre qu'Anglois.
LETTREAMADAME
P.surdeux mariez, dont
l'un ne parloit que Franfois,
C l'autre qu'Anglois.
IL est constant que
nostre époux ne parle
point François, & que l'épouse ne parle pas
un mot d'Anglois:cela
paroît d'abordâflfei
bizare, tnaifS c'est faute
de'bien con siderer,ce
dont il s'agiten-ce
rencontre.
Dés le moment qu'un
1- coeur soûpire,
On- connoiten tvtâ lieux
ce que cela veut
dire,
Et malgré Babel&sa
Tour,
Dans le climat leplus
(fftJVage,
Ne demandez, que de
l'amour,
On entendra vôtre langage.
La terre en mil Etats a
beau se partager
En Aste) en Afrique,
en Europe, il réimporte
,
L'Amour n'est jamais
étranger
En quelque Païs qu'on
le porte.
Comme il est le Pere
de tous les hommes,
il est entendu de tous
ses enfans ; il est vray
que quand ilveutfaire
quelquemauvais coup,
comme il faut qu'il se
masque & qu'il se déguise,
il faut aussi qu'il
se serve de la langue du
Païs, mais quand il est
conduit par l'himenée,
, sans lequel il ne peut
être bien reçu chez les
honnêtes gens, il luy
suffit
suffit de se montrer
pour se faire entendre,
Secoue le monde parle
pour luy.
En quelquelangue qu'il
s'exprime,
Onsçaitd'abord ce qu'il
pre'tendy
Et des qu'il peut parler
sans crime
Une honnêtefillel'en-
,. tend,
La raison de cela est
estunetraditieiitres
estunetraditiontics
simple& trés aisée,
dont la nature çft dépositaire,
& qu'ellené
manque jamaisderévéler
à toutes les filles
lorsque la Loy Tgrdonne,
& quelquefois
même quand elle ut
l'ordonne pas.
Parmi toutes les Nationsi
UHtmen en ces occa-
,¡';onJ
A certainesexpressions,
Qui n'ont point besoin
d'inierprettes.
Ne vous étonnez
donc pas que deux personnes
étrangères, &r.
d'un langage si difteirent
, ayent pû fç, résoudre
à se marier ensemble,&
croyez comme
un article de la Loy
naturelle) que dans ces
sortes de mysteres tout
le monde parle François
,ajoûtez à cela que
de jeunes époux ont
leurs manieres particulieres
de s'entretenir,
indépendamment de
toutes les langues dela.
Terre.
Discours & fleurettes
frivoles,
Amans, ne conviennent
8 qu'à vous,
Mais entre deux heureux
époux
UHimenriadmet plul
lesparoles.
P.surdeux mariez, dont
l'un ne parloit que Franfois,
C l'autre qu'Anglois.
IL est constant que
nostre époux ne parle
point François, & que l'épouse ne parle pas
un mot d'Anglois:cela
paroît d'abordâflfei
bizare, tnaifS c'est faute
de'bien con siderer,ce
dont il s'agiten-ce
rencontre.
Dés le moment qu'un
1- coeur soûpire,
On- connoiten tvtâ lieux
ce que cela veut
dire,
Et malgré Babel&sa
Tour,
Dans le climat leplus
(fftJVage,
Ne demandez, que de
l'amour,
On entendra vôtre langage.
La terre en mil Etats a
beau se partager
En Aste) en Afrique,
en Europe, il réimporte
,
L'Amour n'est jamais
étranger
En quelque Païs qu'on
le porte.
Comme il est le Pere
de tous les hommes,
il est entendu de tous
ses enfans ; il est vray
que quand ilveutfaire
quelquemauvais coup,
comme il faut qu'il se
masque & qu'il se déguise,
il faut aussi qu'il
se serve de la langue du
Païs, mais quand il est
conduit par l'himenée,
, sans lequel il ne peut
être bien reçu chez les
honnêtes gens, il luy
suffit
suffit de se montrer
pour se faire entendre,
Secoue le monde parle
pour luy.
En quelquelangue qu'il
s'exprime,
Onsçaitd'abord ce qu'il
pre'tendy
Et des qu'il peut parler
sans crime
Une honnêtefillel'en-
,. tend,
La raison de cela est
estunetraditieiitres
estunetraditiontics
simple& trés aisée,
dont la nature çft dépositaire,
& qu'ellené
manque jamaisderévéler
à toutes les filles
lorsque la Loy Tgrdonne,
& quelquefois
même quand elle ut
l'ordonne pas.
Parmi toutes les Nationsi
UHtmen en ces occa-
,¡';onJ
A certainesexpressions,
Qui n'ont point besoin
d'inierprettes.
Ne vous étonnez
donc pas que deux personnes
étrangères, &r.
d'un langage si difteirent
, ayent pû fç, résoudre
à se marier ensemble,&
croyez comme
un article de la Loy
naturelle) que dans ces
sortes de mysteres tout
le monde parle François
,ajoûtez à cela que
de jeunes époux ont
leurs manieres particulieres
de s'entretenir,
indépendamment de
toutes les langues dela.
Terre.
Discours & fleurettes
frivoles,
Amans, ne conviennent
8 qu'à vous,
Mais entre deux heureux
époux
UHimenriadmet plul
lesparoles.
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Résumé : LETTRE A MADAME P... sur deux mariez, dont l'un ne parloit que François, & l'autre qu'Anglois.
Le texte 'Lettre à Madame' aborde l'union entre deux époux parlant des langues différentes, l'un le français et l'autre l'anglais. Cette situation est expliquée par l'amour, qui transcende les barrières linguistiques. L'amour est décrit comme un langage universel compris par tous, indépendamment des frontières géographiques ou des langues parlées. Lorsqu'il est sincère et guidé par l'hyménée, il se fait comprendre sans besoin de traduction. Le texte souligne que l'amour est le père de tous les hommes et est donc compris par tous ses enfants. Les jeunes époux ont des manières particulières de communiquer, indépendantes des langues terrestres. Les discours et les compliments frivoles conviennent seulement aux amants, tandis que l'hyménée admet plus les paroles entre deux époux heureux.
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141
p. 1-38
LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Début :
L'Esté dernier un riche Bourgeois de Paris alla faire [...]
Mots clefs :
Médecin, Amant, Amour, Dame, Mariage, Mari, Fille, Maladie, Malade, Désespoir, Enceinte, Rupture, Femme grosse, Colère, Rouen, Paris, Père
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
ieJnt7iue1rnetMçoiéiimsdoainreslseuyrumnoeavanture,
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
Fermer
Résumé : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Le texte relate l'histoire d'une jeune fille parisienne dont le père, un riche bourgeois, part en voyage à Rouen. Pendant son absence, la fille, qui apprécie de gérer le ménage, développe des sentiments pour un voisin. Ils s'aiment et envisagent de se marier, espérant obtenir le consentement du père à son retour. Cependant, la fille reçoit une lettre de son père annonçant qu'il lui a trouvé un mari à Rouen. Désespérée, elle envisage de mourir pour éviter ce mariage. Son amant, plus raisonnable, imagine un plan. Il se déguise en femme enceinte et se rend chez un médecin de Rouen, frère d'un médecin parisien, pour obtenir son aide. Le médecin, croyant que la 'fille' est enceinte d'un autre homme, accepte de l'aider à éviter le mariage. Le père, de retour, trouve sa fille malade et accepte la rupture du mariage arrangé. Le médecin et la fille ont une conversation équivoque, révélant finalement la vérité. Le père, l'amant et le médecin sont tous surpris. L'amant, désespéré, veut se suicider, mais la fille le chasse. Le médecin, comprenant la situation, propose de marier les deux jeunes gens. Le père accepte, et le médecin prescrit ce mariage comme remède à leur malheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
142
p. 41-54
QUESTION.
Début :
Quelle difference y a-t-il entre la tendresse & [...]
Mots clefs :
Amour, Tendresse, Coeur, Volupté, Plaisirs, Temps
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION.
QUESTION.
Quelle différencey at-
il entre la tendresse (;J' Famour?
REPONSE. ;
f
Le coeur faitlatendresse,
& l'imagination
fait l'amour. Il y a des
occasîons où les mouvejniens
du coeur, &: les
effets de l'imagination
font confondus. De
rout temps on a difpù-,!
té sur les mouvemens
du coeur & de l'esprit,.
ce font vrais sujets.
Les deux partis peu-,
vent avoir raison,
RElP0NSE;
Les Poëtes font en
possession de les confon- J
, dre,mais sans leur diC.
puter le droit d'expri- j
mer l'amour par le mot
de tendresse, & la ten-j
dresse par le mot d'amour,
je crois qu'il n'y
a personne qui n'en fasse
la difference, & tous
ceux qui d'abord sensibles
au mérite d'une jolie
femme, en deviennent
amoureux par degrez,
sçavent du moins
qu'ils étoient tendres
avant qued'être amoureux,
&que cet objet
avoit réveillé latendresse
dans leur coeur avant
que d'y former la pah
sion de amour.
La tendresse est pour
ainsï dire la trempe du
coeur, les uns aiment
plus, les autres moins
tendrement, & chacun,
aimeselon la convenance
de soncoeur.
L'amour est la tendresse
d'un coeur attaché
à un objet, la tendresse
est la qualité d'un«
coeur quin'atrend quunj
objet pour s'attacher.
Je ne sçai si ces définitions
paroîtront bien
justes dans un temps où
1 amour tient moins de
la tendresse que de la
volupté; aussi n'ai - je
pretendu parler que de
celui que la tendresse
produit. L'amour est la
plus naturelle & la plus
belle de toutes les passions,
parce que latendresseestla
plus naturelle
& la plus belle de
Doutes les qualitez du
soeur humain; parce
que la volupté l'a dégradée,
l'amour est une
passion qu'on cache,&
dont on rougit.
Si la tendresse feule
agissoit dans l'amour,
cette passion seroit la juste
mesure de la bonté,
de la noblesse, & de la
delicatesse des coeurs ;
& la decadence de cet
amour vient sans doute
des esprits les plus bornez
, qui incapables des
grandes idées
, &C dC$',¡
beauxsentimens , ne
trouvent de ressources
ni de plaisirs que dans
la volupté. Comme le
nombre des espritsmédiocres
estleplus grand
& le plus sort, la plûpart
des Dames se sont
tellement rangées de
leur party quelles se
passent maintenant fort
bien de tendresse, &C
1
quelles la regardent
comme imbécillitédans
ceux qui font en âge de
raison, & dans les jeunes
gens comme le &..
faut d'un usage qu'elles
esperent que l'âge & le
monde leur donnera. Ce
ne font point elles qui
confondront l'amour
avec la tendresse; j'en
foupçonnerois bien plûtôt
celles, qui malgré
le torrentde l'usage
soûtiennent encore
l'honneur d'une passions
que tant d'autres exemples
avilissent.
t i
1. Je suisbienéloigné de
penser que la race ensoit
efteinte
,
& quand j'ay
dit - que la pluspart des
femmes se rangeoient du
1 mauvais party, c'est que
leur nombre,fust-il mille
fois plus petit, me paroiftroit
tousjours trop
grand.Qiioyquilen soit,
rien ne fait plus d'honneuraux
femmes que la
tendressedeshommes, Se
pour moy j'yconçois de
grar dsplaisirs, & je suis
persuadéqueleplaisir lccret
que fait la lecture
des belles Tragedies k
des beaux Romans vient
de la tendresse qui y est
peinte. On est charmé de
retrouver en foy les mefmes
sentiments qu'on y
donne aux Héros.
L'âge d'or n'avoitrien
de si doux que l'union des
deux sexes
, par l'amour
que produit feulement la
[cndreffe; & le present le
plus funeste qu'on puft
leur faire estoit la volupté
que Pandore apporta,
& qui finit pour jamais
cet heureux temps. Pour
lors -
Les deux sexesefcoient
unis des plus beaux .,
noeuds ;
Ce qui pouvoit les rendre
1.
*heureux N'estoit jamais illégitime,
hmeuarpxenichmanteestoit leur
sPar la Jîmple nature ils
estoientvertueux;
Le re(pe£l, lam.ur
,
f5 l'estime
Estoientlesseuls lliieennss de
leursociété,
Et chacun possedoit sans
crime
Son plaisirsaliberté.-
Mais, ôfuneste barbarie!
Bientof tinfarne volupté
Vint troublerparsa tirannie
Lacommunefelicité.
La mutuellesympathie
Qui s'expliquoit dans tous
lescoeprs.,
Effrayée ai'ajpeéï de tant
defrenesie
NyfitplusJentirfies douceurs.
Sous les loix de cette trai- tresse
Le coeur ne connutplus les
innocents desirs,
Et tous les sens troublez,
d'une honteujeyvreffe
LLuuychroaivsiirresnetsplleaidsriorist. de
Depuiscetempsfatal3l'amant
(jf la maistresse
Que ce monstre unit en UT*
jour
Goustent lesplaisirs de l'amour
Sansgouster ceux de la
tendresse.
ENIGMES
Quelle différencey at-
il entre la tendresse (;J' Famour?
REPONSE. ;
f
Le coeur faitlatendresse,
& l'imagination
fait l'amour. Il y a des
occasîons où les mouvejniens
du coeur, &: les
effets de l'imagination
font confondus. De
rout temps on a difpù-,!
té sur les mouvemens
du coeur & de l'esprit,.
ce font vrais sujets.
Les deux partis peu-,
vent avoir raison,
RElP0NSE;
Les Poëtes font en
possession de les confon- J
, dre,mais sans leur diC.
puter le droit d'expri- j
mer l'amour par le mot
de tendresse, & la ten-j
dresse par le mot d'amour,
je crois qu'il n'y
a personne qui n'en fasse
la difference, & tous
ceux qui d'abord sensibles
au mérite d'une jolie
femme, en deviennent
amoureux par degrez,
sçavent du moins
qu'ils étoient tendres
avant qued'être amoureux,
&que cet objet
avoit réveillé latendresse
dans leur coeur avant
que d'y former la pah
sion de amour.
La tendresse est pour
ainsï dire la trempe du
coeur, les uns aiment
plus, les autres moins
tendrement, & chacun,
aimeselon la convenance
de soncoeur.
L'amour est la tendresse
d'un coeur attaché
à un objet, la tendresse
est la qualité d'un«
coeur quin'atrend quunj
objet pour s'attacher.
Je ne sçai si ces définitions
paroîtront bien
justes dans un temps où
1 amour tient moins de
la tendresse que de la
volupté; aussi n'ai - je
pretendu parler que de
celui que la tendresse
produit. L'amour est la
plus naturelle & la plus
belle de toutes les passions,
parce que latendresseestla
plus naturelle
& la plus belle de
Doutes les qualitez du
soeur humain; parce
que la volupté l'a dégradée,
l'amour est une
passion qu'on cache,&
dont on rougit.
Si la tendresse feule
agissoit dans l'amour,
cette passion seroit la juste
mesure de la bonté,
de la noblesse, & de la
delicatesse des coeurs ;
& la decadence de cet
amour vient sans doute
des esprits les plus bornez
, qui incapables des
grandes idées
, &C dC$',¡
beauxsentimens , ne
trouvent de ressources
ni de plaisirs que dans
la volupté. Comme le
nombre des espritsmédiocres
estleplus grand
& le plus sort, la plûpart
des Dames se sont
tellement rangées de
leur party quelles se
passent maintenant fort
bien de tendresse, &C
1
quelles la regardent
comme imbécillitédans
ceux qui font en âge de
raison, & dans les jeunes
gens comme le &..
faut d'un usage qu'elles
esperent que l'âge & le
monde leur donnera. Ce
ne font point elles qui
confondront l'amour
avec la tendresse; j'en
foupçonnerois bien plûtôt
celles, qui malgré
le torrentde l'usage
soûtiennent encore
l'honneur d'une passions
que tant d'autres exemples
avilissent.
t i
1. Je suisbienéloigné de
penser que la race ensoit
efteinte
,
& quand j'ay
dit - que la pluspart des
femmes se rangeoient du
1 mauvais party, c'est que
leur nombre,fust-il mille
fois plus petit, me paroiftroit
tousjours trop
grand.Qiioyquilen soit,
rien ne fait plus d'honneuraux
femmes que la
tendressedeshommes, Se
pour moy j'yconçois de
grar dsplaisirs, & je suis
persuadéqueleplaisir lccret
que fait la lecture
des belles Tragedies k
des beaux Romans vient
de la tendresse qui y est
peinte. On est charmé de
retrouver en foy les mefmes
sentiments qu'on y
donne aux Héros.
L'âge d'or n'avoitrien
de si doux que l'union des
deux sexes
, par l'amour
que produit feulement la
[cndreffe; & le present le
plus funeste qu'on puft
leur faire estoit la volupté
que Pandore apporta,
& qui finit pour jamais
cet heureux temps. Pour
lors -
Les deux sexesefcoient
unis des plus beaux .,
noeuds ;
Ce qui pouvoit les rendre
1.
*heureux N'estoit jamais illégitime,
hmeuarpxenichmanteestoit leur
sPar la Jîmple nature ils
estoientvertueux;
Le re(pe£l, lam.ur
,
f5 l'estime
Estoientlesseuls lliieennss de
leursociété,
Et chacun possedoit sans
crime
Son plaisirsaliberté.-
Mais, ôfuneste barbarie!
Bientof tinfarne volupté
Vint troublerparsa tirannie
Lacommunefelicité.
La mutuellesympathie
Qui s'expliquoit dans tous
lescoeprs.,
Effrayée ai'ajpeéï de tant
defrenesie
NyfitplusJentirfies douceurs.
Sous les loix de cette trai- tresse
Le coeur ne connutplus les
innocents desirs,
Et tous les sens troublez,
d'une honteujeyvreffe
LLuuychroaivsiirresnetsplleaidsriorist. de
Depuiscetempsfatal3l'amant
(jf la maistresse
Que ce monstre unit en UT*
jour
Goustent lesplaisirs de l'amour
Sansgouster ceux de la
tendresse.
ENIGMES
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Résumé : QUESTION.
Le texte distingue la tendresse et l'amour. La tendresse est décrite comme un mouvement du cœur, tandis que l'amour est le fruit de l'imagination. Les poètes confondent souvent ces deux sentiments, mais toute personne sensible reconnaît leur différence. La tendresse précède l'amour et est la qualité d'un cœur qui s'attache à un objet. L'amour est la tendresse d'un cœur attaché à un objet spécifique. L'auteur considère que l'amour véritable, produit par la tendresse, est la plus naturelle et la plus belle des passions. Cependant, la volupté a dégradé l'amour, le transformant en une passion cachée et source de honte. Cette décadence est attribuée aux esprits médiocres qui ne trouvent de plaisir que dans la volupté. La plupart des femmes, influencées par cet usage, se passent de tendresse et la considèrent comme une faiblesse. L'auteur espère que la tendresse des hommes fasse honneur aux femmes et que la lecture de belles tragédies et romans, où la tendresse est mise en avant, procure un plaisir secret. Dans l'âge d'or, l'union des sexes était basée sur l'amour produit par la tendresse. La volupté, apportée par Pandore, a mis fin à cet heureux temps en troublant la communion des cœurs et en rendant l'amour dépourvu de tendresse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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143
p. 62-63
Autre Réponse à la Question du mois dernier. Par Mr P.
Début :
La tendresse est une impression delicate que fait sur un [...]
Mots clefs :
Tendresse, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autre Réponse à la Question du mois dernier. Par Mr P.
Autre Keponle a la Question
du mois dernier.
ParMr P.
La tendresse est une
impression delicate que
fait sur un coeur la dispositionqu'il
a à devenir
amoureux; elle devient
amour lorsqu'elle se détermine
sur un objet.
Quoyquunenfantn'ait
point de ces desirs
pressans
Qujse rendent maistres
dessens,
EtJOÏÎÎ des jjajjLons lesouverainempires
péja pourtant on connoist
qu'il afj?ire
A ce qui doitle dominer
: un jour:
yîinfi danssatendre jeunesse,
Amour n'estencor que
tendrejje:
Et tendresse eji l'enfance
del'amour.
,
du mois dernier.
ParMr P.
La tendresse est une
impression delicate que
fait sur un coeur la dispositionqu'il
a à devenir
amoureux; elle devient
amour lorsqu'elle se détermine
sur un objet.
Quoyquunenfantn'ait
point de ces desirs
pressans
Qujse rendent maistres
dessens,
EtJOÏÎÎ des jjajjLons lesouverainempires
péja pourtant on connoist
qu'il afj?ire
A ce qui doitle dominer
: un jour:
yîinfi danssatendre jeunesse,
Amour n'estencor que
tendrejje:
Et tendresse eji l'enfance
del'amour.
,
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Résumé : Autre Réponse à la Question du mois dernier. Par Mr P.
Le texte 'Autre Keponle a la Question du mois dernier' définit la tendresse comme une impression délicate précurseur de l'amour. Elle se transforme en amour lorsqu'elle se fixe sur un objet spécifique. Même les enfants montrent une tendance à aimer. La tendresse est ainsi perçue comme l'enfance de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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144
p. 63-64
Questions nouvelles.
Début :
Qu'est-ce que le coeur a de commun avec l'esprit ? [...]
Mots clefs :
Amour, Esprit
145
p. 1-8
PIECE NOUVELLE par M. R. ÉTRENNES, en envoyant un Pigeon.
Début :
LE PIGEON. De vous dire bon jour, ce n'est grande merveille, [...]
Mots clefs :
Pigeon, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PIECE NOUVELLE par M. R. ÉTRENNES, en envoyant un Pigeon.
PIECE NOUVELLE
parM.R.
E'TRENNES,
en envoyant un Pigeon.
LE PIGEON.
DE vous dire bon jour,
ce n'est grande merveille,
Un Perroquet vous en dîroit
autant,
Et ces bavards parlent à
tout venant;
Je fuis plus reservé, je parle
rarement,
C'est même tout bas
l'oreille,
Que je vous faismoncompliment.
Messager de l'amour,j'arrive
deCythere,
L'Amour du Char de sa
mere
M'a détaché ce matin,
Je me fixe chez vous, tendre,
fïdelle,sage,
et même aussipeu volage)
(Que (I favais encor mon
frein,
Les soupirs sont tout mon
langage,
Ecoutez sans courroux ces
muets entretiens,
De tous autres foupirs ne
souffrez point l'hommage,
Belle ** ** n'écoutez que
les miens,
Voussçaurez quelque jout
, que je suis un grand
Maître
Dans l'art de bequeter,
dattendrir un baiser; 1. Et ma délicatesse est sur
ce pointpeut-être,
, Un vray modelle à proposer.
EEnnpprreessssaannttcceesslelevvrreess[Lsi
vives, !
Que de douceur j'y vais
puiser;
Vos roses & vos lys ont.
des couleurs naïves
Qu'augmentent mes baiV
sers sans les pouvoir 'i user,
Pour vous donner du frais,
mes doudx 'baatteîmlenes s j
feront auprès de vousl'ofsice
des Zephirs,
Et souvent ce feront à vos
tendresplaisirs
Desapplaudissemens fidelles,
Courrier leger, cheminant
par les airs,
En cette qualité comment
vous servirai-je,
Onsçait que mes pareils
en cent climats divers,
De la Poste ont le Privilege,
Ils portentàleur col Lettres
& Billets doux,
Et pour en rapporter les
réponses secrettes
Ils vôlent par-dessus les
têtes des jaloux ;
Mais de pareils emplois,
de l'humeur dont
vous êtes,
M'occuperont fort peu
pour vous:
Voicy les Hymnes, les
Cantiques,
Qu'en l'honneur de l'Amour,
fit un de ses
sujets :
On vante de ce Dieu le
pouvoir & les traits;
Vouslirez sans rougir dans
ses Panegyriques,
tes éloges de vos attraits.
Peut-êrre qu'apresent Venus
sur sa toillette
Trouve un bijou demoins,
L'Amour est le filouy mo
j'ai prêté mes soins, ;
Venus fera fort inquiette,
Si le vol n'est pointfaitpar
quelqu'autre Psiché,
Et
si
cette beauté, qui doit
être parfaite,
Par lauteur du larcin n'a
point le coeur touché;
Vous seule en avez connoissance,
Ne m'en pourriez-vous pas
dire un mot aujourd'hui,
Faites-m'en la confidence,
Je n'en parlerai qu'à luyv
parM.R.
E'TRENNES,
en envoyant un Pigeon.
LE PIGEON.
DE vous dire bon jour,
ce n'est grande merveille,
Un Perroquet vous en dîroit
autant,
Et ces bavards parlent à
tout venant;
Je fuis plus reservé, je parle
rarement,
C'est même tout bas
l'oreille,
Que je vous faismoncompliment.
Messager de l'amour,j'arrive
deCythere,
L'Amour du Char de sa
mere
M'a détaché ce matin,
Je me fixe chez vous, tendre,
fïdelle,sage,
et même aussipeu volage)
(Que (I favais encor mon
frein,
Les soupirs sont tout mon
langage,
Ecoutez sans courroux ces
muets entretiens,
De tous autres foupirs ne
souffrez point l'hommage,
Belle ** ** n'écoutez que
les miens,
Voussçaurez quelque jout
, que je suis un grand
Maître
Dans l'art de bequeter,
dattendrir un baiser; 1. Et ma délicatesse est sur
ce pointpeut-être,
, Un vray modelle à proposer.
EEnnpprreessssaannttcceesslelevvrreess[Lsi
vives, !
Que de douceur j'y vais
puiser;
Vos roses & vos lys ont.
des couleurs naïves
Qu'augmentent mes baiV
sers sans les pouvoir 'i user,
Pour vous donner du frais,
mes doudx 'baatteîmlenes s j
feront auprès de vousl'ofsice
des Zephirs,
Et souvent ce feront à vos
tendresplaisirs
Desapplaudissemens fidelles,
Courrier leger, cheminant
par les airs,
En cette qualité comment
vous servirai-je,
Onsçait que mes pareils
en cent climats divers,
De la Poste ont le Privilege,
Ils portentàleur col Lettres
& Billets doux,
Et pour en rapporter les
réponses secrettes
Ils vôlent par-dessus les
têtes des jaloux ;
Mais de pareils emplois,
de l'humeur dont
vous êtes,
M'occuperont fort peu
pour vous:
Voicy les Hymnes, les
Cantiques,
Qu'en l'honneur de l'Amour,
fit un de ses
sujets :
On vante de ce Dieu le
pouvoir & les traits;
Vouslirez sans rougir dans
ses Panegyriques,
tes éloges de vos attraits.
Peut-êrre qu'apresent Venus
sur sa toillette
Trouve un bijou demoins,
L'Amour est le filouy mo
j'ai prêté mes soins, ;
Venus fera fort inquiette,
Si le vol n'est pointfaitpar
quelqu'autre Psiché,
Et
si
cette beauté, qui doit
être parfaite,
Par lauteur du larcin n'a
point le coeur touché;
Vous seule en avez connoissance,
Ne m'en pourriez-vous pas
dire un mot aujourd'hui,
Faites-m'en la confidence,
Je n'en parlerai qu'à luyv
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Résumé : PIECE NOUVELLE par M. R. ÉTRENNES, en envoyant un Pigeon.
Dans la pièce 'PIECE NOUVELLE' de M.R., un pigeon messager adresse un compliment à une personne aimée. Contrairement aux perroquets bavards, le pigeon parle rarement et de manière réservée. Il se présente comme messager de l'amour, envoyé par l'Amour lui-même depuis Cythère. Le pigeon exprime son désir de se fixer auprès de la personne aimée, tout en reconnaissant sa nature volage. Il vante ses compétences dans l'art des baisers délicats et tendres, les comparant aux doux zéphyrs et aux applaudissements fidèles aux plaisirs tendres. Le pigeon mentionne également son rôle de courrier léger, capable de porter des lettres et des billets doux à travers divers climats, même au-dessus des têtes des jaloux. Cependant, il préfère se consacrer à des tâches plus nobles, comme chanter les hymnes et les cantiques en l'honneur de l'amour. Il fait référence à un bijou volé par l'Amour, peut-être par Psyché, et demande à la personne aimée si son cœur a été touché par l'auteur du larcin, promettant de garder cette confidence secrète.
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146
p. 8-20
AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Début :
Loin de ces prisons redoutables, [...]
Mots clefs :
Amour, Pleurs, Vénus, Dieux, Myrthe, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Balzac dit qu'il y a
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
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Résumé : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Le texte décrit diverses scènes et personnages liés à l'amour et à ses conséquences. À Naples, une figure de pièce montre des femmes lapidant l'Amour avec des roses. Une autre pièce, 'L'Amour Puni', est également mentionnée. Les Enfers sont explorés, avec des lieux paisibles où coulent des ruisseaux et poussent des fleurs comme l'hyacinthe et le narcisse, symbolisant les amants morts par amour. Des amants célèbres sont évoqués, tels que celle qui voulut voir Jupiter armé de la foudre, la maîtresse de Céphale, Héro, Ariane, Phèdre, Didon et Thybé. Ces personnages sont décrits dans des situations de douleur et de regret liées à leurs amours tragiques. L'Amour, fatigué et blessé, est capturé et enchaîné par ces amants vengeurs. Venus, la mère de l'Amour, refuse de le secourir et décide de le punir à son tour avec un bouquet de roses. La troupe épouvantée implore Venus d'arrêter, affirmant que leurs malheurs étaient dus à la force et non à l'Amour.
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147
p. 92-93
MADRIGAL NOUVEAU à une femme jalouse.
Début :
Surmontez les transports de cette jalousie, [...]
Mots clefs :
Jalousie, Femme jalouse, Amabilité, Amour, Madrigal, Surmonter la jalousie
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL NOUVEAU à une femme jalouse.
MADRIGAL NOUVEAU
à une femme jalouse.
SUrmontez les transports
de cettejalouseie,
Les chagrins & l'emportement
Ne ramenent point un
amantL'implacable Junon, la
terrib le Mede'e,
En proye aux mouvemens
,;,; i
jaloux,
Dont vous êtes si possedée,
Ont fait trembler, frémir
leurs amans, leurs
époux,
Lisez de leurs fureurs l'histoire déplorable;
Lisez-la pour en profiter.
L'une s'est fait haïr, &,
-
l'autre redouter,
Mais pour se faire aimer
il faut se rendre aimable.
à une femme jalouse.
SUrmontez les transports
de cettejalouseie,
Les chagrins & l'emportement
Ne ramenent point un
amantL'implacable Junon, la
terrib le Mede'e,
En proye aux mouvemens
,;,; i
jaloux,
Dont vous êtes si possedée,
Ont fait trembler, frémir
leurs amans, leurs
époux,
Lisez de leurs fureurs l'histoire déplorable;
Lisez-la pour en profiter.
L'une s'est fait haïr, &,
-
l'autre redouter,
Mais pour se faire aimer
il faut se rendre aimable.
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148
p. 93-94
MADRIGAL, Par la jeune Muse, ainsi surnommée par tous ceux qui ont du goût pour la Poësie, parce qu'elle a, entre les autres qualitez qui la distinguent, le naturel le plus heureux pour la Poësie.
Début :
Quand le sage Damon dit que d'un trait mortel [...]
Mots clefs :
Madrigal, Amour
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL, Par la jeune Muse, ainsi surnommée par tous ceux qui ont du goût pour la Poësie, parce qu'elle a, entre les autres qualitez qui la distinguent, le naturel le plus heureux pour la Poësie.
MADRIGAL, <
ParlajeuneAiuferainsisurnommee par tous ceux qui ont du goût
-
pourla PÚfte, parcegoellee,
entre les autres qualitt;{.,qui la Ji.
-
flinguent) le naturel le plus hetiç
'feux pour laPoè'fieQUand le sage Damon
dit qued'un trait mortel
L'Amour blesseles coeurs
sans qu'ilsoientle plaindre,
Quecest un Dieu traître
& cruel;
L'Amour pour moy n'est
point a
craindre:
Mais quand le jeune Atis
me vient dire à son tour,
Ce Dieu n'est qu'un en- fant, doux, caressant,
aimable,
Plus beau mille fois que
le jour,
Queje le trouve redoutable
ParlajeuneAiuferainsisurnommee par tous ceux qui ont du goût
-
pourla PÚfte, parcegoellee,
entre les autres qualitt;{.,qui la Ji.
-
flinguent) le naturel le plus hetiç
'feux pour laPoè'fieQUand le sage Damon
dit qued'un trait mortel
L'Amour blesseles coeurs
sans qu'ilsoientle plaindre,
Quecest un Dieu traître
& cruel;
L'Amour pour moy n'est
point a
craindre:
Mais quand le jeune Atis
me vient dire à son tour,
Ce Dieu n'est qu'un en- fant, doux, caressant,
aimable,
Plus beau mille fois que
le jour,
Queje le trouve redoutable
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Résumé : MADRIGAL, Par la jeune Muse, ainsi surnommée par tous ceux qui ont du goût pour la Poësie, parce qu'elle a, entre les autres qualitez qui la distinguent, le naturel le plus heureux pour la Poësie.
Le madrigal explore la poésie et l'amour. La poésie doit être naturelle et sincère. Damon voit l'amour comme un dieu traître et cruel, tandis qu'Atis le décrit comme un enfant doux. Le locuteur craint l'amour malgré sa beauté. Le texte met en avant la complexité des perceptions de l'amour, entre peur et admiration.
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149
p. 166-171
Vers sur l'inconstance par feu Mr P...
Début :
La constance & la foy ne sont que de vains noms, [...]
Mots clefs :
Inconstance, Confiance, Amour, Commerce amoureux, Soupirs
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texteReconnaissance textuelle : Vers sur l'inconstance par feu Mr P...
Vers sur £inconstance
par feu Mr P
La confiance f5 lafoj ne
font que de vains noms,
Dont les laides es les
barbons
Taschent d'en;bara[ferla
jew/ejjecvcduie,
Pour retenir toujours
dans leurs herisahveux
Parle char?r:e d'un faux
ferapule
,
Ceux qu'un juste de^ouft
a
cLajJt de chez, etix,
Cupidonsous les lolx de la
si'mple nature,
Réduit tout ce fait
soupirer icy bas,
Ilnepunit jamaisrebelle
ny parjure;
C'estun empire
*
qm nedure
Qu'autant queses Sujets Jtrouvent des appas.
Des qu'un
-
objetcesse de
plaire,
Le commerce amoureux
aujjîtofl doitifnir,
Et l'effetdesifrmi-ns?/eji
plus qu'une ilhnere
,
La perte du pLiifir qui
nous les afait faire,
Nous dispensé de les tenir.
&Amourdeson {!::f';;n est
tousjoursseul le '?y
Et
Etsansque noussçachions
nypourquoy nycommenty
Comme dansnostre cœur
a toute heure il peut
naistre,
Il en peut malgré nous
sortir a tout moment.
ZJliffe qui parfafagtjJeJ
Futsivantédedans la
Grece,
Quoyqu'amoureux f5
bien traité,
Refusal'immortalité,
ji la charge d'aimertous,
joursuneDeesse,
Aimez.., tant que l'amour
•.
unira ruas esprits,
Mais ne vous piquez,
point d'une follecon-
,
stance,
Et n'attendez, pas que i'altfence,
Ou le degoust
,
ou les
mépris
Vousfajfentfairepenitece
i
Desplasirs que vous
4nurçzjpris.
Quandonfent mourirsa
tendresse,
Qu'onbâille auprès d'une
maiflrefje,
Et que le cœur riejtplus
content,
Queservent les efforts
qu'onfaitpourle Pdro
ifire,
L'honneur depasserpeur
constiant,
Ne vautpas la peine de
l'estre.
par feu Mr P
La confiance f5 lafoj ne
font que de vains noms,
Dont les laides es les
barbons
Taschent d'en;bara[ferla
jew/ejjecvcduie,
Pour retenir toujours
dans leurs herisahveux
Parle char?r:e d'un faux
ferapule
,
Ceux qu'un juste de^ouft
a
cLajJt de chez, etix,
Cupidonsous les lolx de la
si'mple nature,
Réduit tout ce fait
soupirer icy bas,
Ilnepunit jamaisrebelle
ny parjure;
C'estun empire
*
qm nedure
Qu'autant queses Sujets Jtrouvent des appas.
Des qu'un
-
objetcesse de
plaire,
Le commerce amoureux
aujjîtofl doitifnir,
Et l'effetdesifrmi-ns?/eji
plus qu'une ilhnere
,
La perte du pLiifir qui
nous les afait faire,
Nous dispensé de les tenir.
&Amourdeson {!::f';;n est
tousjoursseul le '?y
Et
Etsansque noussçachions
nypourquoy nycommenty
Comme dansnostre cœur
a toute heure il peut
naistre,
Il en peut malgré nous
sortir a tout moment.
ZJliffe qui parfafagtjJeJ
Futsivantédedans la
Grece,
Quoyqu'amoureux f5
bien traité,
Refusal'immortalité,
ji la charge d'aimertous,
joursuneDeesse,
Aimez.., tant que l'amour
•.
unira ruas esprits,
Mais ne vous piquez,
point d'une follecon-
,
stance,
Et n'attendez, pas que i'altfence,
Ou le degoust
,
ou les
mépris
Vousfajfentfairepenitece
i
Desplasirs que vous
4nurçzjpris.
Quandonfent mourirsa
tendresse,
Qu'onbâille auprès d'une
maiflrefje,
Et que le cœur riejtplus
content,
Queservent les efforts
qu'onfaitpourle Pdro
ifire,
L'honneur depasserpeur
constiant,
Ne vautpas la peine de
l'estre.
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Résumé : Vers sur l'inconstance par feu Mr P...
Le poème 'Vers sur l'inconstance' de feu Mr P examine la nature éphémère et trompeuse de la confiance et de l'amour. Les auteurs, souvent des vieillards, utilisent des artifices pour maintenir l'attachement des autres, mais ces efforts sont vains. L'amour, gouverné par Cupidon, ne punit jamais les rebelles ou les parjures et dure seulement tant que les sujets trouvent des attraits dans l'objet de leur affection. Dès qu'un objet cesse de plaire, le commerce amoureux doit prendre fin. L'amour est souvent inconstant et imprévisible, naissant et disparaissant sans raison apparente. Le poète cite l'exemple de Hyacinthe, qui refusa l'immortalité pour éviter la charge d'aimer toujours une déesse. Il conseille d'aimer tant que l'amour unit les esprits, mais de ne pas s'engager dans une folle inconstance. Attendre que l'infidélité, le dégoût ou les mépris fassent regretter les plaisirs passés est vain. Lorsque la tendresse meurt, les efforts pour la raviver sont inutiles. L'honneur de passer pour constant ne vaut pas la peine d'être maintenu.
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150
p. 209-220
PIECE FUGITIVE. / LETTRES A une Damoiselle Suedoise sur son Portrait.
Début :
Je ne sçai, Mademoiselle, si en me donnant l'honneur de [...]
Mots clefs :
Suédoise, Éloges, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PIECE FUGITIVE. / LETTRES A une Damoiselle Suedoise sur son Portrait.
PIECE FVGITIVE.
J'ignore l'autheur &
la datte de cette piece
, maisellem'a paru jolie,
& je ne pense pas qu'elle
foit imprimée
,
il n'en
faut pas davantage pour
me persuader qu'elle fera plaisir au public.
LETTRE
A une Damoiselle Suedoise
surfin Portrait.
Je ne fçaijMadcixioifcllCj
si en me donnant l'honneur de vousécrire j'écris
à quelqu'un.Sur vôtre nom
qui efl: fortillustre il faut
que je vous croye Suédoise,
sur les grands yeux noirs
due j'ai veus portrait dans vôtre
& quidoivent être
pleinsde feu dans l'original ,je vous crois Espagnole;surde fortjolis versFrançoisqu'oj}uCa montrez de
vous, je voriscroisFrançoise;sur d'autres vers Italiens, jevous crois Itapenne, ssir tout cela ensemblevous n-êtes a'auc,hri
pays.
Pour rendre le miracle eneor plusachevé.
Dix-septans à, ptll prés, cejl
l'âge qu'on vous donne.
Dix - ¡ ftpt ans jusqu'ici n'a-
- voientgatéperfonne,
Pour vous ils vousfont tort, ïefpritJî cultivé
Et dixfèpt ans font que je
voussoupçonne
Denêtre, Dieume le par-
"- donne, -'
Qluequelque objet
en
qu'unPoëteàrivé.t'ait
Cependantiléftcertaîh
que M. L.,.. de.« S.
prend l'affaire fort serieusement, & si l'on a
à écrire desprodiges ce doit être
sur son authorité plusque
sur celle des autres.Il foutient que vous êtes à Stokolm, quemille gensvous
yont vue36c
yous y ont
parlé, ildit même quevôtre Portrait,quirepresente le plus charmantvisage
du monde, ne represente
pas le vôtredanstoute sa.
beauté
,
Çc que les Peintres
de Suede ne flattent pas.
Maispourquoynousqui
sommes danslePays-
beauté, del'esprit, & des
agrémens,n'aurions-nous
jamais vu rien de pareil à
une personne si accomplie?Voila ce que la va- nitéFrançoise nous fait dire aussitôt; à cela je ne
sçai qu'une réponse, qui
paroîtnous aider à croire
tout ce que l'onditdevous.
VÀmorn ailleurs si redouta-
.)
,. yte -
Netrouvepassans doute un ci,tvorable
Sous le Ci.èîde Suide & si
*
plws 1a1/e'sLà^ttm\s^
Les cœurs y
sontglacez, &':
pour fondre ces
glaces
N'a-t-il pas dû produire un
Chef-d'œuvre où les Graces
Eussent répandu tous leurs
,
Dons ?
Si nos Climats n'ont rien quix
ne vous cedey
Soiten esprit,soit en attraits,
C'est qu'Amourysoumet les
cœursà moindre frais
Qu'il ne pourroit faire ce
Suede.
Voila, MademoifeIIe"
tout ceque je puis mimaginer pour me persuader
que vous soyez une choses
vrai-semblable, tirez-moy
d'embarras, je ': vous en
conjure ,.' & ayez la bonté
de me faire sçavoir si vou£
êtes
; que vôtre modestie
ne 'vo\is\ empêche pas de
me l'avouernaturellemet,
je vous promets de n'en
parlerà personne, je me
pique d'être bon François,
& jenevoudrois pas qu'on
Fçût que j'eusse intelligence avec une etrangere, qui
triompheroitde toutes -les,
Françoises, & qui effaceroit l'honneur de la Na-
tion. Ce seroit là un aÍfez
grand crime contre ma
Patrie, cependant je m'accoûtume peu à peu à en
faire un plus grand, tous
mes soupirs à l'heure qu'il
est sortent de France, &
vont du côté du Nord:
Lieux defoleX^y
ou PHyver
- tient son fiêgc
Sur devastes amas de neige,
Où lesaquillons violens,
Où les frimats, & les ours
blancs
Composent un trisse cortége,
Mer glaciale; affreux climats, C'efl
"ejlapré's vous que jesoupire,
Les lieux où regne un éternel Zephire,
Le séjour de Venus, Cypre
nevousvautpas.
Vous voyez, Mademoiselle, que mon cœur a
déja
bien fait du chemin, quoique je doute encore que
vous soyiez au monde:
Mais c'estdestendres caurs
l'ordinaire deffaut,
Ilssebâtenttoûjours unpeu
1<
-
plus qu'il ne faut
Desuivre une agreable idée.
Avec ardeur ils courent la
saisir,
Et des( charmes trompeur.
leur otent le loisir
De s'assurer qu'elle foit bien
:', fondée.
Cette idée seule,quej'ai
de vous, a
fait sur moj
l'effetque pourroient faire
les belles même decePaïs,
Vous pouvez conquerir la
Suede par vous-même, &
lerestedu monde par les
deux Portraits que nous
avons, car je compte pour
un Portrait les vers où vôtre esprits'est si bien peint.
Je meflatte que mes hommages,qui ne feroient asseurement pas dignes de
vous à Stokolm
,
deviendront de quelque prix en
traversant cinq cent lieuës
de Païs pour aller jusqu'à
vous, & que s'il est triste
de vous adorer de si loin,
ce me fera du moins une
espece de méritéauprés de
vous ; je n'en ai point d'au- treà vous faire ~valoir) &
je ne croispasmême que
vouspuissiez jamais sça-
voir qui je suis,
Si ce n'est que peut-être un
coup de lafortune.
AitportéjufIuefir nos bords
Le nom de l'enchanteur, qui
fait parler les morts,
Et qui voyage dAnl la Lune.
J'ignore l'autheur &
la datte de cette piece
, maisellem'a paru jolie,
& je ne pense pas qu'elle
foit imprimée
,
il n'en
faut pas davantage pour
me persuader qu'elle fera plaisir au public.
LETTRE
A une Damoiselle Suedoise
surfin Portrait.
Je ne fçaijMadcixioifcllCj
si en me donnant l'honneur de vousécrire j'écris
à quelqu'un.Sur vôtre nom
qui efl: fortillustre il faut
que je vous croye Suédoise,
sur les grands yeux noirs
due j'ai veus portrait dans vôtre
& quidoivent être
pleinsde feu dans l'original ,je vous crois Espagnole;surde fortjolis versFrançoisqu'oj}uCa montrez de
vous, je voriscroisFrançoise;sur d'autres vers Italiens, jevous crois Itapenne, ssir tout cela ensemblevous n-êtes a'auc,hri
pays.
Pour rendre le miracle eneor plusachevé.
Dix-septans à, ptll prés, cejl
l'âge qu'on vous donne.
Dix - ¡ ftpt ans jusqu'ici n'a-
- voientgatéperfonne,
Pour vous ils vousfont tort, ïefpritJî cultivé
Et dixfèpt ans font que je
voussoupçonne
Denêtre, Dieume le par-
"- donne, -'
Qluequelque objet
en
qu'unPoëteàrivé.t'ait
Cependantiléftcertaîh
que M. L.,.. de.« S.
prend l'affaire fort serieusement, & si l'on a
à écrire desprodiges ce doit être
sur son authorité plusque
sur celle des autres.Il foutient que vous êtes à Stokolm, quemille gensvous
yont vue36c
yous y ont
parlé, ildit même quevôtre Portrait,quirepresente le plus charmantvisage
du monde, ne represente
pas le vôtredanstoute sa.
beauté
,
Çc que les Peintres
de Suede ne flattent pas.
Maispourquoynousqui
sommes danslePays-
beauté, del'esprit, & des
agrémens,n'aurions-nous
jamais vu rien de pareil à
une personne si accomplie?Voila ce que la va- nitéFrançoise nous fait dire aussitôt; à cela je ne
sçai qu'une réponse, qui
paroîtnous aider à croire
tout ce que l'onditdevous.
VÀmorn ailleurs si redouta-
.)
,. yte -
Netrouvepassans doute un ci,tvorable
Sous le Ci.èîde Suide & si
*
plws 1a1/e'sLà^ttm\s^
Les cœurs y
sontglacez, &':
pour fondre ces
glaces
N'a-t-il pas dû produire un
Chef-d'œuvre où les Graces
Eussent répandu tous leurs
,
Dons ?
Si nos Climats n'ont rien quix
ne vous cedey
Soiten esprit,soit en attraits,
C'est qu'Amourysoumet les
cœursà moindre frais
Qu'il ne pourroit faire ce
Suede.
Voila, MademoifeIIe"
tout ceque je puis mimaginer pour me persuader
que vous soyez une choses
vrai-semblable, tirez-moy
d'embarras, je ': vous en
conjure ,.' & ayez la bonté
de me faire sçavoir si vou£
êtes
; que vôtre modestie
ne 'vo\is\ empêche pas de
me l'avouernaturellemet,
je vous promets de n'en
parlerà personne, je me
pique d'être bon François,
& jenevoudrois pas qu'on
Fçût que j'eusse intelligence avec une etrangere, qui
triompheroitde toutes -les,
Françoises, & qui effaceroit l'honneur de la Na-
tion. Ce seroit là un aÍfez
grand crime contre ma
Patrie, cependant je m'accoûtume peu à peu à en
faire un plus grand, tous
mes soupirs à l'heure qu'il
est sortent de France, &
vont du côté du Nord:
Lieux defoleX^y
ou PHyver
- tient son fiêgc
Sur devastes amas de neige,
Où lesaquillons violens,
Où les frimats, & les ours
blancs
Composent un trisse cortége,
Mer glaciale; affreux climats, C'efl
"ejlapré's vous que jesoupire,
Les lieux où regne un éternel Zephire,
Le séjour de Venus, Cypre
nevousvautpas.
Vous voyez, Mademoiselle, que mon cœur a
déja
bien fait du chemin, quoique je doute encore que
vous soyiez au monde:
Mais c'estdestendres caurs
l'ordinaire deffaut,
Ilssebâtenttoûjours unpeu
1<
-
plus qu'il ne faut
Desuivre une agreable idée.
Avec ardeur ils courent la
saisir,
Et des( charmes trompeur.
leur otent le loisir
De s'assurer qu'elle foit bien
:', fondée.
Cette idée seule,quej'ai
de vous, a
fait sur moj
l'effetque pourroient faire
les belles même decePaïs,
Vous pouvez conquerir la
Suede par vous-même, &
lerestedu monde par les
deux Portraits que nous
avons, car je compte pour
un Portrait les vers où vôtre esprits'est si bien peint.
Je meflatte que mes hommages,qui ne feroient asseurement pas dignes de
vous à Stokolm
,
deviendront de quelque prix en
traversant cinq cent lieuës
de Païs pour aller jusqu'à
vous, & que s'il est triste
de vous adorer de si loin,
ce me fera du moins une
espece de méritéauprés de
vous ; je n'en ai point d'au- treà vous faire ~valoir) &
je ne croispasmême que
vouspuissiez jamais sça-
voir qui je suis,
Si ce n'est que peut-être un
coup de lafortune.
AitportéjufIuefir nos bords
Le nom de l'enchanteur, qui
fait parler les morts,
Et qui voyage dAnl la Lune.
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Résumé : PIECE FUGITIVE. / LETTRES A une Damoiselle Suedoise sur son Portrait.
La lettre est adressée à une demoiselle suédoise dont l'auteur ignore l'identité précise. L'auteur exprime son admiration pour cette jeune femme, mentionnant divers indices qui la rendent mystérieuse : son nom illustre, ses traits physiques et ses talents poétiques en plusieurs langues. Malgré ces indices, il doute de son existence réelle. La lettre évoque également des rumeurs selon lesquelles un portrait de la demoiselle circule à Stockholm, mais ne représente pas fidèlement sa beauté. L'auteur se demande comment une personne aussi accomplie peut exister et imagine que son portrait et ses vers témoignent de ses charmes. Il exprime son admiration et ses soupirs, qui le mènent vers le nord, loin de la France. Il conclut en espérant que ses hommages, bien que modestes, puissent atteindre la demoiselle et qu'elle puisse un jour connaître son identité.
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