Résultats : 17081 texte(s)
Détail
Liste
3901
p. 12-128
HISTOIRE nouvelle.
Début :
La peste qui exerce souvent de furieux ravages dans les [...]
Mots clefs :
Amour, Monde, Veuve, Coeur, Dames, Dame, Cavalier, Chambre, Mort, Gentilhomme, Charmes, Affaires, Esprit, Comte, Rome, Pologne, Femmes, Roi, Ambassadeur, Tendresse, Hymen, Valet de chambre, Paris, Comte, Cavalier français, Aventures, Connaissances, Duc, Fête, Veuve, Yeux, Beauté, Maison, Récit, Amis, Compagnie, Voyage, Mariage, Province, Étrangers, Peste, Curiosité, Honneur, Bosquet, Hommes, Varsovie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE nouvelle.
HISTOIRE
nouvelle .
LA peſte qui exerce
ſouvent de furieux ravages
dans lesPaïsduNord,
avoit déja détruit prés
d'un tiers de la belle Ville
de Varſovie , ceux de ſes
habitans qui avoient
quelque azile dans les
campagnes , l'abandonnoient
tous les jours ;
pluſieurs alloient à cent
GALANT. 13
lieuës&plus loin encore,
chercher à ſe preſerver
des perils de la conta
gion , lorſque la Palatine
de ... arriva à Dantzic
avec pluſieurs Dames de
confideration qui n'avoient
pas voulu quitter
Varſovie ſans elle.
Le Marquis de Canop
qui eſt un des plus dignes
& des plus honneftes
homes qu'on puiſſe voir,
& qui jouoit un tresgrand
rôle en Pologne ,
14 MERCURE
eſtoit alors à Dantzic ,
où il receut la Palatine
avec tous les honneurs &
toutes les feftes qu'on
puiſſe faire àune des plus
charmantes & des plus
grandes Princeſſes du
monde.drov mes
Des intereſts d'amour,
autant que la crainte de
la maladie , avoient dé
terminé pluſieurs Sei
gneurs Polonois à ſuivre
la Palatine & les Dames
qui l'accompagnoient :
GALANT.
ces Illuſtres captifs qui
n'avoient point abandon-
-néle Char de leur Maitreffe
pendant leur route ,
regarderent leur retraite
à Dantzic , comme l'azile
dumõde le plus favorable
à leurs foupirs. Mais parmi
tant de jeunes beautez
qui briguoient peuteſtre
encore plus d'hommages
qu'elles n'en recevoient
, rien n'eftoit plus
admirable , que le droit ,
qu'uneDame autant ref-
وت
16 MERCURE
pectable par la majeſté
de ſes traits , que par le
nombre de ſes années ,
ſembloit avoir ſur les
cooeurs de tous ceux qui
l'approchoient.
Il n'eſt pas eſtonnant
qu'à un certain âge , on
plaiſe à quelqu'un , mais
quelque beau retour
qu'on puiſſe avoir , il eſt
rare que dans un âge
avancé, on plaiſe à tout
le monde.
La Dame dont je parle,
&
GALANT. 17
&qui avoit cet avantage,
ſe nommoit alors Madame
Belzeſca , elle avoit
eü déja trois maris , &
au moins mille Amants,
elle s'eſtoit tousjours conduite
avec tant de difcretion
& d'innocence , que
les plus hardis & les plus
emportés de ſes adorateurs
n'avoient jamais ofé
donner la moindre atteinte
à ſa réputation : enfin à
quinze ans elle avoit ſou
ſe faire reſpecter comme
May1714. B
18 MERCURE
à ſoixante , & à foixante
paffées ſe faire aimer &
fervir comme à quinze.
Une femme de fa Province,
de fon âge , & qui
depuis fon premier mariage
l'a ſervie juſqu'à
préſent , m'a conté dix
fois fon hiſtoire , comme
je vais la raconter.
Voicy à peu prés ce
que jay retenu de fes
avantures.
Madame Belzeſca eft
originaire d'un Villagede
:
GALANT 12
!
Tourainne , fon Pere qui
eſtoit frere du Lieutenant
Generald'une des premieres
Villes de cette Province
, y poffedoit des biens
affez confiderables . Elle
reſta ſeule de 9. enfants
qu'eut ſa Mere , qui ne
l'aima jamais. Satendreſſe
pour un fils qu'elle avoit,
lorſqu'elle vint au monde;
en fit à ſon égard une
maraſtre ſi cruelle , que
l'oin d'accorder la moindre
indulgence aux ſentih
Bij
20 MERCURE
>
ments de la nature , quelques
efforts que fit fon
mary pour la rendre plus
humaine , elle ne voulut
jamais confentir à la voir.
Cette averſion s'eſtoit
fortifiée dans ſon coeur
ſur la prédiction d'un Berger
qui luy dit un jour ,
deſeſperé des mauvais
traittements dont elle
l'accabloit , qu'elle portoit
en fon fein un enfant
qui le vangeroitdesmaux
qu'elle luy faifoit. Cette
GALANT. 21
malheureuſe Prophetie
s'imprima ſi avant dans
ſon ame , que l'exceffive
haine qu'elle conceut
pour le fruit de cette couche
, fut l'unique cauſe
de la maladie dont elle
mourut. L'enfant qui en
vint , fut nommé Georgette
Pelagie le ſecond
jour de ſa naiſſance , &le
troifiéme emmenée dans
le fond d'un Village , où
la fecrette pieté de fon
Pere , &la charité de ſa
22. MERCURE
tendre nourrice l'elevérent
juſqu'à la mort de fa
mere , qui , eutà peine les
yeux fermés, qu'on ramena
ſa fille dans les lieux
où elle avoit receu le jour.
Pelagie avoit alors prés
de douze ans , &déja elle
eſtoit l'objet de la tendrefſe
de tous les habitans ,
&de tous les voiſins du
Hameau dont les foins
avoient contribué à la
mettre à couvert des rigueurs
d'une mere inhu
4
GALANT. 23
|
€
maine. Ses charmes naiffans,
avec mille graces naturelles
, ſa taille & fes
traits qui commençoient
à ſe former , promettoient
tant de merveilles aux
yeux de ceux qui la vor
yoient, que tous les lieux
d'alentour s'entretenoient
déja du bruit de ſa beauté.
Un eſprit tranquille ,
un temperament toûjours
égal , une grande attention
ſur ſes diſcours , &&&
une douceur parfaite
1
24 MERCURE
avoient preſque réparé
en elle le déffaut de l'éducation
, lorſque ſon Pere
réſolut de la conduire à
Tours.Quoyque l'air d'une
Ville de Province , &
celuy de la campagne ſe
reffemblent affés , elle ne
laiſſa pas de trouver là
d'honneſtes gens qui regarderent
les ſoins de l'inſtruire
comme les plus
raiſonnables foins du
monde. Mais il eſtoit
temps que le Dieu qui
fait
GALANT. 25
fait aimer commençaſt a
ſe meſler de ſes affaires ,
& que fon jeune coeur
apprit à ſe ſauver des pieges
& des perils de l'amour.
La tendreſſe que
ſes charmes inſpiroient
échauffoit tous les coeurs,
à meſure que l'art poliffoit
ſon eſprit , & fon
eſprit regloit ſes ſentimens
à meſure que la
flatterie eſſayoit de corrompre
ſes moeurs. Mais
c'eſt en vain que nous
May 1714.
,
C
26 MERCURE
prétendons nous arranger
fur les deſſeins de noſtre
vie , toutes nos précautions
ſont inutiles contre
les arreſts du deſtin .
Le Ciel refervoit de
trop beaux jours à l'heureuſe
Pelagie ſous les
loix de l'amour , pour
lui faire apprehender davantage
les écuëils de fon
empire. Cependant ce fut
une des plus amoureuſes
& des plus funeftes avantures
du monde qui déGALANT.
27
termina ſon coeur à la
tendreſſe.
Un jour ſe promenant
avec une de ſes amies ſur le
bord de la Loire , au pied
de la celebre Abbaye de
Marmoutier,elle apperceut
au milieu de l'eau un petit
batteaudécouvert , dans lequel
étoient deux femmes ,
un Abbé ,& le marinier qui
les conduiſoità Tours : mais
ſoit que ce bateau ne valuſt
rien ou que quelque malheureuſe
pierre en euſt écarté
les planches , en un moment
tout ce miferable é-
Cij
28. MERCURE
quipage fut enseveli ſous
les eaux. De l'autre coſté
de la riviere deux cavaliers
bien montez ſe jetterent à
l'inſtant à la nage pour ſecourir
ces infortunez ; mais
leur diligence ne leur ſervit
au peril de leur vie , qu'au
falut d'une de ces deux femmes
, que le moins troublé
de ces cavaliers avoit heureuſement
attrapée par les
cheveux , & qu'il conduifit
aux pieds de la tendre Pelagie
, qui fut fi effrayée de
cet affreux ſpectacle , qu'elle
eutpreſque autant beſoin
GALANT. 29
!
de ſecours , que celle qui
venoit d'eſtre ſauvée de cet
évident naufrage , où l'autre
femme & l'Abbé s'eftoient
desja noyez .
:
Le cavalier qui avoit eſté
le moins utile au falut de la
perſonne que ſon ami venoit
d'arracher des bras
de la mort , eſtoir cependant
l'amant aimé de la Dame
délivrée ; mais ſon amour
, fon trouble & fon
deſeſpoir avoient telle.
ment boulversé ſon imagination
, que bien loin de ſe
courir les autres , il ne s'en
C iij
30 MERCURE
fallut preſque rien qu'il ne
perift luy meſme: enfin fon
cheval impetueux le remit
malgré luy au bord d'où il
s'eſtoit précipité ; auffi- toft
il courut à toute bride, iltraverſa
la ville , & pafla les
ponts pour ſe rendre fur le
rivage , où ſa maiſtreſſe recevoit
toute forte de nouveaux
foulagements de Pelagie
, de ſa compagne , &
de ſon ami.
L'intrepidité du liberateur,
ſa prudence , ſes ſoins
& fa bonne mine pafferent
fur le champ pour des mer
GALANT. 31
veilles aux yeux de Pelagie,
De l'admiration d'une certaine
eſpece , il n'y a ordinairement
, ſans qu'on s'en
apperçoive , qu'un pas à
faire à l'amour , & l'amour
nous mene ſi loin naturellement
qu'il arrache bientoſt
tous les conſentements
de noſtre volonté. En vain
l'on ſe flatte d'avoir le tems
de reflechir , en vain l'on
veut eſſayer de ſoumettre
le coeur à la raiſon , l'eſprit
dans ces occafions eft tousjours
ſeduit par le coeur , on
regarde d'abord l'objet avec
C iiij
32 MERCURE
complaiſance.les préjugez
viennent auſſi toſt nous é
tourdir , & nous n'eſperons
ſouvent nous mieux deffendre
, que lorſque noſtre inclination
nous determine à
luytout ceder.
La tendre Pelagie eſtonnée
de ce qu'elle vient de
voir , n'ouvre ſes yeux embaraffés
, que pour jetter
des regards languiſſans
vers la petite maiſon , où
quelques Payſans aidés de
nos deux Cavaliers emportent
la Dame qui vient d'eftre
delivrée de la fureur
GALANT. 33
des flots. Elle n'enviſage
plus l'horreur du peril
qu'elle lui a vû courir ,
comme un ſpectacle ſi digne
de compaſſion , peu
s'en faut meſme qu'elle
n'envie ſon infortune.
Quoique ſes inquietudes
épouvantent ſon coeur , fes
intereſts ſe multiplient , à
meſure que cette troupe
s'éloigne d'elle . Elle croit
desja avoir démeflé que
ſon Cavalier ne ſoupire
point pour la Dame , ni la
Dame pour lui ; neanmoins
ſon eſprit s'en fait
34 MERCURE
une Rivale , elle aprehende
qu'un ſi grand ſervice
n'ait quelqu'autre motif
que la pure generofité , ou
pluſtoſt elle tremble qu'un
amour extreſme ne ſoit la
récompenſe d'un fi grand
ſervice. Cependant elle retourne
à la Ville , elle ſe
met au lit , où elle ſe tour.
mente , s'examine & s'afflige
, à force de raiſonner
fur certe avanture , dont
chacun parle à ſa mode
elle la raconte auffi tous
و
ceux qui veulent l'entendre
, mais elle s'embaraſſe
GALANT.
35
,
د tellement dans ſon récit
qu'il n'y a que l'indulgence
qu'on a pour ſon innocence
& ſa jeuneſſe , qui déguiſe
les circonſtances
qu'elle veut qu'on ignore.
Le Chevalier de Verſan
de ſon coſté ( C'eſt le
nom du Cavalier en qui
elle s'intereſſe , ) le Chevalier
de Verſan dis-je ,
n'eſt pas plus tranquille. La
belle Pelagie eſt tousjours
preſente à ſes yeux , enchanté
de ſes attraits , il va,
court , & revient , par tout
ſa bouche ne s'ouvre , que
36 MERCURE
,
,
pour vanter les appas de
Pelagie. Le bruit que cet
Amant impetueux fait de
fon amour frappe auflitoſt
ſes oreilles , elle s'applaudit
de ſa conqueſte
elle reçoit ſes viſites , écoute
ſes ſoupirs , répond à ſes
propoſitions , enfin elle
conſent , avec ſon Pere ,
que le flambeau de l'hymen
éclaire le triomphe de
fon Amant. Cette nouvelle
allarme , & deſeſpere
en vain tous ſes Rivaux. Il
eſt heureux déja. La fortune
elle-mefme pour le com
bler de graces vient atta
cher de nouveaux préſens
aux faveurs de l'amour. La
mort de ſon frere le fait
heritier de vingt mille livres
de rente. Le Chevalier
devient Marquis : nouvel
& précieux ornement
aux douceurs d'un tendre
mariage. Mais tout s'uſe
dans la vie , l'homme ſe
demaſque , la tendreſſe reciproque
s'épuiſe imper
ceptiblement , on languit ,
on ſe quitte , peut - eſtre
meſme on ſe hait , heureux
encore ſi l'on ne fouf
38 MERCURE
fre pas infiniment des caprices
de la déſunion Mais
Prices d la mort & l'amour ſe rangent
du parti de Madame
la Marquiſe de ... que ,
pour raiſon difcrette , je
nommerai Pelagie , juſqu'à
ce qu'elle foit Madame
Belzeſca.
Ainfi l'heureuſe Pelagie
aprés avoir goufté pendant
cinq ans toutes les douceurs
de l'hymen , ne ceſſe d'aimer
fon mary ( inconſtant
huit jours avant elle )
que fix ſemaines avant ſa
mort.
GALANT. 39
Un fils unique , ſeul &
cher gage de leur union ,la
rend àvingt ansheritiere &
dépofitaire des biensdu défunt.
Elle arrange exacte
ment toutes ſes affaires, elle
abandonne tranquillement
la province , & fe rend à
Paris avec fon fils .
De quel pays , Madame ,
luy dit- on,dés qu'on la voit,
nous apportez-vous tant de
beauté? dans quelle obſcure
contrée avez - vous eu le
courage d'enſevelir ju qu'a
preſent tant de charmes ?
que vous eſtes injuſte d'a
40 MERCURE
voir ſi long - temps honoré
de voſtre preſence des lieux
preſque inconnus , vous qui
eſtes encore trop belle pour
Paris . Cependant c'eſt le
ſeul endroit du monde qui
puiſſe prétendre à la gloire
de vous regarder comme la
Reine de ſes citoyennes.
Les ſpectacles , les aſſemblées,
les promenades , tout
retentit enfin des merveillesdela
belle veuve.
Le Roy Caſimir eſtoit
alors en France , pluſieurs
grands ſeigneurs avoient
ſuivi ce Prince juſqu'à la
porte
GALANT. 41
porte de ſa retraite.
Il n'y avoit point d'eſtranger
à Paris qui ne fuſt curieux
d'apprendre noſtre
langue qui commençoit à
ſe répandre dans toutes les
cours de l'Europe , & il n'y
enavoit aucun qui ne ſceuſt
parfaitement que la connoiſſance
& le commerce
des Dames font l'art, le merite
, & le profit de cette
eftude.
Un charmant voiſinage
eſt ſouvent le premier prétexte
des liaiſons que l'on
forme.
May 1714. D
MERCURE
Pelagie avoit ſa maiſon
dans le fauxbourg S. Germain
: ce quartier eſt l'azile
le plus ordinaire de tous les
eſtrangers , que leurs affaires
ou leur curioſité attirent
à Paris .
,
La Veuve dont il eſt
queſtion eſtoit fi belle
que ſa Maiſon eſtoit tous
les jours remplie des plus
honneſtes gens de la Ville ,
& environnée de ceux qui
n'avoient chez elle ni
,
droit , ni prétexte de viſite.
Enfin on croyoit en la
voyant , que , Maiſtreſſe
GALANT. 43
!
abſoluë des mouvements
de ſon ame , elle regnoit
ſouverainement ſur l'amour
comme l'amour
qu'elle donnoit regnoit fur
tous les coeurs ; mais on ſe
trompoit , & peut- eſtre ſe
trompoit- elle elle - meſme.
Pelagie eſtoit une trop
belle conqueſte , pour n'eftre
pas bien toſt encore la
victime de l'amour.
La magnificence du plus
grand Roy du monde raviſſoit
alors les yeux des
mortels , par l'éclat & la
pompe des ſpectacles &
Dij
44 MERCURE
,
des feftes , dont rien n'avoit
jamais égalé la richefſe
& la majefté ; l'on accouroit
de toutes parts ,
pour eſtre témoins de l'excellence
de ſes plaifirs , &
chaque jour ſes peuples
eſtoient obligez d'admirer
dans le délafſſement de ſes
travaux , les merveilles de
fa grandeur.
Le dernier jour enfin
des trois deſtinés pour cette
fuperbe feſte de Verfailles,
dont la poſterité parlera
comme d'une feſte inimitable
, ce jour où l'Amour
GALANT. 45
vuida tant de fois fon Carquois
, ce jour où l'Amour
ſe plut à joüer tant de
tours malins à mille beautés
que la fplendeur de ce
Spectacle avoit attiré dans
ces lieux , fut enfin le jour
qui avança le dénoüement
du fecond du ſecond hymen de Pelagie.
Un des ſeigneurs que le
Roy Caſimir avoit amenéz
avec luy , avoit malheureuſement
veu cette belle veuve
, un mois avant de ſedéterminer
à imiter le zele &
la pieté de ſon maiſtre , elle
46 MERCURE
avoit paru à ſes yeux ornée
de tant d'agrements , ou
plutoſt ſi parfaite , que la
veuë de ſes charmes luy fit
d'abord faire le voeu de n'en
plusfaire que pour elle; mais
c'eſt un conte de prétendre
qu'il ſuffiſe d'aimer pour ef
tre aimé ; rien n'eſt plus
faux que cette maxime , &
je ſouſtiens qu'on eſt ſouvent
traité fort mal en amour
, à moins qu'une heureuſe
influence n'eſtabliſſe
des diſpoſitions reciproques.
C'eſt en vain que l'amouGALANT.
47
reux Polonois brufle pour
Pelagie , ſon eſtoille n'eft
point dans ſes interefts , elle
regarde cette flame auffi
indifféremment , qu'un feu
que d'autres auroient allumé
, & quoy qu'elle voye
tous les jours ce nouvel
eſclave l'étourdir du récit
de ſa tendreſſe , ſon coeur
ſe fait ſi peu d'honneur de
cette conquefte , qu'il femble
qu'elle ignore qu'il y
ait des Polonois au monde
.
Mais l'eſprit de l'homme
prend quelquefois des ſen48
MERCURE
timents ſi audacieux quand
il aime , que la violence
de ſa paſſion & le defefpoir
de n'eſtre point écouté
, le portent ſouvent juſqu'à
l'inſolence. D'autresfois
nos titres& noſtre rang
nous aveuglent , & nous
nous perfuadons qu'on eſt
obligé de faire , du moins
en faveur de noſtre nom
ce que nous ne meritons
,
pas qu'on faſſe pour l'amour
de nous.
Le Polonois jure , tempeſte
, & s'impatiente contre
les rigueurs de ſa Maîtreffe,
GALANT .
49
treſſe , à qui ce procedé
paroiſt ſi nouveau , qu'elle
le fait tranquillement remercier
de ſes viſites . La
rage auffi toſt s'empare de
ſon coeur , il n'eſt point de
réſolution violente qui ne
lui paroiſſe légitime , l'inſenſible
Pelagie eft injufte
de n'eſtre pas tendre pour
lui , ſa dureté la rend indigne
de ſon amour , mais
fon amour irrité doit au
moins la punir de ſa rigueur
, & quoy qu'il en
couſte à l'honneur , l'éxécution
des plus criminels
May 1714. E
10 MERCURE
projets n'est qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de ſe
vanger d'une ingratte qui
ne peut nous aimer.
Ce malheureux Amant
ſcut que ſon inhumaine
devoit se trouver à la feſte
de Verſailles, avec une Dame
de ſes amies , & un de
ſes Rivaux , dont le mérite
luy avoit d'abord fait apprehender
la concurrence ,
mais qu'il croyoit trop foible
alors pour pouvoir déconcerter
ſes deſſeins . Il
prit ainſi ſes meſures avec
des gens que ſes promeſſes
GALANT.
SI
&ſes préſents engagérent
dans ſes intereſts , & il ré.
ſolut , aſſeuré de leur courage
& de leur prudence ,
d'enlever Pelagie , pendant
que le déſordre & la confuſionde
la find'une ſi grande
feſte , lui en fourniroient
encore les moyens..
Le Carroffe & les relais
qui devoient ſervir à cet
enlevement , eſtoient déja
ſi bien diſpoſés , qu'il ne
manquoit plus que le moment
heureux de s'empa
rer de l'objet de toute cette
entrepriſe ; lorſque Pelagie
1
E ij
52
MERCURE
laſſe & accablée du ſommeilque
lui avoient dérobé
ces brillantes nuits , entra ,
avec ſon amie , dans un
fombre boſquet , où la fraîcheur
& le hazard avoient
inſenſiblement conduit ſes
pasi elle y furà peine aſſiſe,
qu'elle s'y endormit
Laiffons la pour un inftant,
dans le fein du repos
dont on va bien toſt l'arracher.
- L'occaſion est trop belle
pour n'en pas profiter ; mais
le Polonois a beſoin de tout
fon monde , pour en fortir
GALANT.
53
a ſon honneur , & il commence
à trouver tant de
difficultez , à exécuter un ſi
grand deſſein dans le Palais
d'un ſi grand Roy , qu'il
s'imagine , aveuglé de ſon
déſeſpoir & de ſon amour ,
qu'il n'y a qu'une diligence
infinie , qui puiffe réparer
le déffaut de ſes précautions.
Il court pour raffem
bler ſes confidents ; mais la
vûë de ſon Rival qui ſe préſente
à ſes yeux , fait à l'inſtant
avorter tous ſes pro
jets. Où courez- vous, Monſieur
, luy dit- il , que vous
E iij
54 MERCURE
,
importe , répond l'autre ?
rendez graces , répond le
Cavalier François au refpect
que je dois aux lieux
cù nous ſommes fans
cette conſidération je
vous aurois déja puni , &
de voſtre audace , & de
l'inſolence de vos deſſeins.
Il te fied bien de m'inſulter
icy luy dit le Polonois ; je
te le pardonne : mais ſuy
moy ? & je ne tarderay pas
à t'apprendre à me reſpecter
moi- meſme , autant que
les lieux dont tu parles . Je
conſens , luy répondit le
4
GALANT .
SS
François , à te ſuivre où tu
voudras ; mais j'ay mainte
nant quelques affaires qui
font encore plus preſſées
que les tiennes: tu peux cependant
diſpoſer du rendez
vous , où je ne le feray pas
long-temps attendre.
Le bruit de ces deux
hommes éveille pluſieurs
perſonnes qui dormoient
ſur le gazon ; on s'aſſemble
autour d'eux , ils ſe taiſent
&enfin ils ſe ſéparent,
Ainfi le Polonois ſe retire
avec ſa courte honte ,
pendant que le François
E iii
56 MERCURE
cherche de tous cotez , les
Dames qu'il a perduës :
mais cette querelle s'eſtoit
paſſée ſi prés d'elles , que le
mouvement qu'elle cauſa ,
les reveilla , comme ceux
qui en avoient entendu la
fin ; elles fortirent de leur
boſquet qu'elles trouverent
desja environné de
gens qui compoſoient &
débitoient à leur mode les
circonstances decette avanture
, ſur l'idée que pouvoit
leur en avoir donné le peu
de mots qu'ils venoient
d'entendre , lorſqu'enfin il
GALANT.
$7
les retrouva. Je prie les
Lecteurs de me diſpenſer
de le nommer , ſon nom ,
ſes armes & ſes enfans ſont
encore ſi connus en France,
que , quoy que je n'aye que
ſon éloge à faire , je ne ſçay
pas ſi les fiens approuveroient
qu'on le nommaſt.
Deux heures avant que
le Cavalier François rencontrât
le Polonois , Mon.
fieur le Duc de ... avoit
heureuſement trouvé une
lettre à fos pieds : le hazard
pluſtoſt que la curiofité
la luy avoit fait ramaf
58 MERCURE
fer , un moment avant qu'il
s'apperceut des foins extreſmes
que prenoient trois
hommes pour la chercher :
la curioſité luy fit alors un
motifd'intereſt de cet effet
du hazard ; il s'éloigna des
gens dont il avoit remarqué
l'inquiétude , il ſe tira de la
foule , & dans un lieu plus
fombre & plus écarté , il
lut enfin cette lettre , qui
eſtoit , autant que je peux
m'en ſouvenir , conceuë ,
à peu prés , en ces termes.
Quelquesjustes mesures que
nous ayons priſes , quoy que mon
GALANT. رو
Carroffe & vos Cavaliers ne
foient qu'àcent pas d'icy , il n'y
aura pas d'apparence de réuffir
fi vous attendez que le retour
du jour nous ofte les moyens de
profiter du défordre de la nuit :
quelque claire que ſoit celle-cy ,
elle n'a qu'une lumiére empruntée
dont le ſoleil que j'apprenhende
plus que la mort
bien toſt diſſipper la clarté; ainfi
hatez vous de meſuivre , &ne
me perdez pas de veuë : je vais
déſoler Pelagie par ma préfen--
ce: dés qu'elle me verra , je ne
doutepas qu'elle ne cherche à me
fuir; mais je m'y prendray de
, va
60 MERCURE
façon ,que tous les pas qu'ells
fera , la conduiront dans nostre
embuscade.
La lecture de ce billet
eſtonna fort Mr le Duc ...
quiheureuſement connoiffoit
aſſez la belle veuve pour
s'intereffer parfaitement
dans tout ce qui la regardoit
; d'ailleurs le cavalier
françois qui eſtoit l'amant
declaré de la Dame , eſtoit
ſon amy particulier : ainſi il
priatout ce qu'il putraſſembler
de gens de ſa connoifſance
de l'aider à chercher
Pelagie avant qu'elle peuſt
GALANT. 61
eftre expoſée à courir les
moindres riſques d'une pareille
avanture. Il n'y avoit
pas de tempsà perdre , auſſi
n'en perd - il pas ; il fut par
tout où il creut la pouvoir
trouver , enfin aprés bien
des pas inutiles , il rencontra
ſon ami , qui ne venoit
de quitter ces deux Dames
que pour aller leur chercher
quelques rafraichif
ſements . Il est bien maintenant
queſtion de rafraif
chiſſements pour vos Dames
, luy dit le Duc , en luy
donnant la lettre qu'il ve
62 MERCURE
noit de lire , tenez , liſez, &
dites - moy ſi vous connoifſez
cette écriture , & à quoy
l'on peut à preſent vous eftre
utile. Monfieur le Duc ,
reprit le cavalier,je connois
le caractere du Comte Piof
Ki, c'eſt aſſeurement luy qui
aécrit ce billet ; mais il n'eſt
pas encore maiſtre de Pelagie
, que j'ay laiſſée avec
Madame Dormont à vingt
pas d'icy , entre les mains
d'un officier du Roy, qui eſt
mon amy , & qui , à leur
confideration , autant qu'à
la mienne , les a obligeamGALANT
. 63
ment placées dans un endroit
où elles ſont fort à leur
aife ; ainſi je ne crains rien
de ce coſté- là ; mais je voudrois
bien voir le Comte , &
l'équipage qu'il deſtine à
cet enlevement. Ne faites
point de folie icy , mon
amy , luy dit le Duc , aſſeurez
- vous ſeulement de quelques
perſonnes de voſtre
connoiſſance ſur qui vous
puiffiez compter : je vous
offre ces Meſſieurs que vous
voyez avec moy , raſſem.
blez- les autour de vos Dames
, & mettez - les ſage
64 MERCURE
ment à couvert des inſultes
de cet extravagant : fi je
n'avois pas quelques affaires
confiderables ailleurs ,
je ne vous quitterois que
certain du fuccez de vos
précautions.
Vi
LeDuc ſe retira alors vers
un boſquet où d'autres intereſts
l'appelloient,& laifſa
ainſi le cavalier françois
avec ſes amis ,à qui il montra
l'endroit où il avoit remis
ſa maiſtreſſe entre les
mains de l'officier qui s'eftoit
chargé du ſoin de la
placer commodément ; cependant
GALANT. 65
pendant il fut de ſon coſté
à la découverte de ſon ri.
val , qu'aprés bien des détours
, il rencontra enfin à
quatre pas du boſquet dont
jay parlé , &dont il ſe ſepara
comme je l'ay dit . Neanmoins
quelque ſatisfaction
qu'il ſentit du plaifir de retrouver
ſes Dames , il leur
demanda , aprés leur avoir
conté l'hiſtoire de ce qu'il
venoit de luy arriver , par
quel haſard elles ſe trouvoient
ſi loin du lieu où il
les avoit laiſſées. Apeine ,
luy dit Pelagie , nous vous
May 1714. F
66 MERCURE
avons perdu de veuë , que le
Comte Pioski eſt venu s'affeoir
à coſté de moy , aux
dépens d'un jeune homme
timide , que ſon air brufque
& fon étalage magnifique
ont engagé à luy ceder
la place qu'il occupoit.
Ses diſcours m'ont d'abord
fi cruellement ennuyée,que
mortellement fatiguée de
les entendre ,j'ay priéMadame
de me donner le bras,
pour m'aider à me tirer des
mains de cet imprudent ; le
monde , la foulle , & les
détours m'ont derobé la
GALANT. 67
connoiſſance des pas & des
efforts que fans doute il a
faits pour nous ſuivre , &
accablée de ſommeil &
d'ennuy, je me ſuis heureuſement
ſauvée dans ce bofquet
, ſans m'aviſer ſeulement
de fonger qu'il euſt
pû nous y voir entrer ; mais
quelque peril que j'aye couru
, je ſuis bien aiſe que fon
inſolence n'ait pas plus éclaté
contre vous , que fes
deſſeins contre moy , & je
vous demande en grace de
prévenir ſagement , & par
les voyesde ladouceur,tou-
tes les ſuites facheuſes que
ſon deſeſpoir & voſtre demeſlé
pourroient avoir. Il
n'y a plus maintenant rien
à craindre , il fait grand
jour , le chemin de Verſailles
à Paris eſt plein de monde
, & vous avez icy un
grand nombre de vos amis ,
ainſi nous pouvons retourner
à la ville fans danger.
Le cavalier promit à la
belle Pelagie de luy tenir
tout ce qu'elle voulut exiger
de ſes promeſſes , & fes
conditions acceptées , illamena
juſqu'à fon carroffe,
GALANT
69
où il prit ſa place , pendant
que quatre de ſes amis ſe
diſpoſerent à le ſuivre dans
le leur.
1
Il n'eut pas plutoſt remis
les Dames chez elles , &
quitté ſes amis , qu'en entrant
chez luy , un gentila
homme luy fie preſent du
billet que voicy.
Les plus heureux Amants
ceſſeroient de l'estre autant qu'ils
ſe l'imaginent , s'ils ne rencon
troient jamais d'obstacle à leur
bonheur je m'intereſſe affez au
voſtre , pour vousyfaire trouver
des difficultez qui ne vous
70
MERCURE
establiront une felicitéparfaite,
qu'aux prix de tout lefangde
Pioski. Le Gentilhomme que
je vous envoye vous expliquera
le reſte de mes intentions.
naypas
Affoyez-vous donc, Monſieur
, luy dit froidement le
cavalier françois ,& prenez
la peine de m'apprendre les
intentions de Monfieur le
Comte Pioski . Je n'ay
beſoin de ſiege , Monfieur ,
luy répondit ſur le meſme
ton , le gentilhomme Polonois
, & je n'ay que deux
mots à vous dire. Vous eſtes
l'heureux rival de Monfieur
GALANT.
le Comte qui n'eſt pas encore
accouſtumé à de telles
préferences , il eſt ſi jaloux
qu'il veut vous tuer , & que
je le veux auſſi , il vous attend
maintenant derriere
l'Obſervatoire ; ainſi prenez
, s'il vous plaiſt , un ſecond
comme moy , qui ait
aſſez de vigueur pour m'amuſer
, pendant que vous
aurez l'honneur de vous és
ggoorrggeerreennſſeemmbbllee.
Je ne ſçay ſi le françois ſe
ſouvint, ou ne ſe ſouvint pas
alors de tout ce qu'il avoit
promis à ſa maiſtreſſe , mais
72 MERCURE
voicy à bon compte lecas
qu'il en fit.
Il appella ſon valet de
chambre , qui estoit un
grand garçon de bonne vo
lonté , il luy demanda s'il
vouloit eſtre de la partie ,
ce qu'il accepta en riant,
Aufſi - toft il dit au gentilhomme,
Monfieur leComte
eſt genereux , vous eſtes
brave, voicy voſtre homme,
& je ſuis le ſien Mais Monfieur
eft- il noble , reprit le
gentilhomme. Le valet de
chambre , Eſpagnol de nation,
piqué de cette demande
GALANT .
73
de, luy répondit fierement
ſur le champ , & en ſon langage
, avec une ſaillie romaneſque
, Quienes tu hombre
? voto a San Juan. Viejo
Chriftiano estoy , hombre blanco
,y noble como el Rey Ce que
ſon maiſtre naiſtre expliqua au Polonois
en ces termes . Il
vous demande qui vous eftes
vous mesme , & il vous
jure qu'il eſt vieux Chreftien
,homme blanc , & noble
comme le Roy. Soit ,
reprit le gentilhomme,marchons.
Ces trois braves furent
ainſi grand train au
May 1714. G
74 MERCURE
rendez vous , où ils trouverent
le Comte qui commençoit
à s'ennuyer. Aprés
le falut accouſtumé , ils mirent
tous quatre l'épée àla
main. Pioski fit en vain des
merveilles , il avoit desja
perdu beaucoup de fang ,
lang,
lorſqu'heureuſement ſon épée
ſe caſſa; le gentilhomme
fut le plus maltraité,l'Ef
pagnol ſe battit comme un
lion ,& le combat finit.
Cependant le Comte
Pioski, qui , à ces violences
prés , eftoit entout un
homme fort raiſonnable ,
GALANT. 75
eut tant de regret des extravagances
que cette derniere
paffion venoit de luy
faire faire , que la pieté étouffant
dans ſon coeur tous
les interêts du monde , il
fut s'enfermer pour le reſte
de ſa vie dans la retraitte
la plus fameuſe qui ſoit en
France , & la plus connuë
par l'auſterité de ſes maximes.
Le Cavalier françois
foupira encore quelques
temps , & enfin il devint
l'heureux & digne Epoux
d'une des plus charmantes
femmes du monde.
Gij
76 MERCURE
4
Les mariages font une fi
grande époque dans les
hiſtoires , que c'eſt ordinairement
l'endroit par où
tous les Romans finiſſent ;
mais il n'en eſt pas de meſme
icy , & il ſemble juftement
qu'ils ne ſervent à
Madame Belzeſca que de
degrés à la fortune , où ſon
bonheur & ſes vertus l'ont
amenée . Tout ce qui luy
arrive dans un engagement
qui établit communément
, ou qui doit du
moins establir pour les autres
femmes , une ſigrande
GALANT. 77
tranquilité , qu'on diroit
que l'hymen n'eſt propre ,
qu'à faire oublier juſqu'à
leur nom , eſt au contraire
pour celle cy , la baze de
ſes avantures. L'eſtalage de
ſes charmes , & le bruit de
ſabeauté ne ſont point enſevelis
dans les embraffemens
d'un eſpoux : heureuſe
maiſtreſſe d'un mary
tendre & complaiſant , &
moins eſpouſe qu'amante
infiniment aimée , comme
ſi tous les incidens du monde
ne ſe raſſembloient que
pour contribuer à luy faire
Gij
78 MERCURE
des jours heureux , innocement
& naturellement
attachée à ſes devoirs , l'amour
enchainé , à ſa fuite
ne prend pour ferrer tous
les noeuds qui l'uniſſent à
ſon eſpoux , que les formes
les plus aimables , & les
douceurs du mariage ne ſe
maſquent point pour elle
ſous les traits d'un mary.
Enfin elle joüit pendant
neuf ou dix ans , au milieu
du monde , & de ſes adorateurs
, du repos le plus
doux que l'amour ait jamais
accordé aux plus heureux
GALAN 79
Amants ; mais la mort jalouſe
de ſa fecilité luy ra
vit impitoyablement le plus
cher objet de ſa tendreſſe:
que de cris ! que de ge.
miſſements ! que de larmes
! cependant tant de
mains ſe préſentent pour
efluyer ſes pleurs , que , le
temps ,la raiſon , & la néceſſité,
aprés avoir multiplié
ſes reflexions
nent enfin au ſecours de ſa
,
viendouleur
; mais il ne luy reſte
d'un eſpoux fi regretté ,
qu'une aimable fille , que la
mort la menace encore de
(
G iiij
80 MERCURE
luy ravir , ſur le tombeaude
fon pere. Que de nouvel.
les allarmes ! que de mortelles
frayeurs ? elle tombe
dans un eſtat de langueur
qui fait preſque deſeſperer
de ſa vie. Il n'eſt point de
ſaints qu'on n'invoque ,
point de voeux qu'on ne faf
ſe, elle en fait elle-meſme
pour fon enfant , & promet
enfin de porter un tableau
magnifique à Noftre-
Dame de Lorette ſi ſa
fille en réchappe. A l'inftant,
ſoit qu'un ſuccés favo
rable recompenfat ſon zele
GALANT. 81
&fa piete , ou qu'il fur
temps que les remedes operaſſent
à la fin plus effica
cement qu'ils n'avoient fait
encore , ſa maladie diminua
preſque à veuë d'oeil ,
en tros jours l'enfant fut
hors de danger , & au bout
de neufentierement guery.
Elle reſtaencore , en attendant
le retour du printemps
, prés de fix mois à
Paris , pendant lesquels elle
s'arrangea pour l'execution
de ſon voeu. Ce temps expiré
, accompagnée de ſon
fils & de ſa fille , d'une Da82
1 MERCURE
me de ſes amis , de deux
femmes de chambre , de
deux Cavaliers , & de quatre
valets , elle prit la route de
Lyon , d'où aprés avoir
paffé Grenoble , le mont
du l'An, Briançon , le mont
Geneve & Suze , elle ſe rendit
à Turin , où elle ſéjourna
trois ſemaines avec ſa
compagnie qui ſe déffit
comme elle de tout ſon équipage,
dans cette Ville,
pour s'embarquer ſur le Po.
Elle vit en paſſant les Villes
de Cazal du Montferrat
,
d'Alexandrie , le Texin qui
GALANT. 83
1
,
paſſe à Pavie , Plaiſance ,
+ Cremone , Ferrare , & enfin
elle entra de nuit à Venife
avec la marée. Elle
deſcendit à une Auberge
moitié Allemande , &moitié
Françoiſe , & dont
l'enſeigne d'un coſté , ſur
le grand Canal , reprefente
les armes de France , &
de l'autre , fur la Place de
ES. Marc , les armes de l'Empire.
Elle reçut le lende
main à ſa toilette , comme
cela ſe pratique ordinairement
à Veniſe , avec tous
les Estrangers confidera
,
S
१
84 MERCURE
,
bles , des compliments en
proſe & en vers imprimez
à ſa loüange , fon amie
& les Cavaliers de ſa compagnie
en eurent auſſi leur
part. Ces galanteries couftent
communément , & au
moins quelques Ducats à
ceux à qui on les fait. Le
ſecond jour elle fut avec
tout fon monde ſaluer Mr
l'Ambaſſadeur qui fut
d'autant plus charmé du
plaifir de voir une ſi aimable
femme , que , quoy que
Venife ſoit une Ville , où
lesbeautez ne ſont pas car
,
GALANT. 85
Π
S
res , il n'y en avoit pas encore
vû une , faite comme
- celle dont il recevoit la viſite.
La bonne chere , les,
Spectacles , les promena-
✓ des ſur la mer& ſur la coſte,
avec le Jeu, furent les plaifirs
dont il la regala , pen-
↓ dant les quinzejours qu'elle
y reſta. Il luy fitvoir dans ſa
Gondole , la pompeuſeCeremonie
du Bucentaure qui
ſe celebre tous les ans dans
cette Ville le jour de l'Afcenfion
, avec toute la magnificence
imaginable.
Je nedoute pas que bien
3
86 MERCURE
des gens neſcachent à peu
prés ce que c'eſt que cette
feſte; mais j'auray occafion
dans une autre hiſtoire d'en
faire une deſcription meſlée
de circonstances ſi agreables
que la varieté des évenemensque
je raconteray,
pourra intereſſer mes lecteurs
au recit d'une ceremonie
dont il ignore peuteſtre
les détails.
Enfin noſtre belle veuve
prit congé de Mr l'Ambaffadeur
, & le lendemain elle
s'embarqua ſur un petit baſtiment
, qui en trois jours
GALANT. 87
لا
}}
la rendit à Lorette , où elle
accomplit avec beaucoup
de zele & de religion , le
voeu qu'elle avoit fait à Pa-
1ris. Après avoir pieuſement
fatisfait à ce devoir indifpenſable
, dégouſtée des perils
, & ennuyée des fatigues
de la mer , elle refolut
de traverſer toute l'Italie
par terre , avant de retourner
en France .
!
Il n'y avoit pas fi loin de
Lorette à Rome pour n'y
pas faire untour,& je croy
a que pour tous les voyageurs,
cinquante lieuës plus ou
88 MERCURE
moins , ne ſont qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de
voir cette capitale du mõde.
- Il faiſoit alors ſi chaud ,
qu'il eſtoit fort difficile de
faire beaucoup de chemin
par jour ; mais lorſqu'on eſt
en bonne compagnie , &
de belle humeur , rien n'ennuye
moins que les ſéjours
charmants qu'ontrouve en
Italie.
Je ne prétens pas en faire
icy un brillant tableau,pour
enchanter mes lecteurs de
la beauté de ce climat ; tant
de voyageurs en ont parlé ;
Miffon
GALANT. 89
1
Miſſon l'a ſi bien épluché,
&cette terre eſt ſi fertile
en avantures , que les hiftoires
galantes que j'en raconteray
dorenavant ſuffiront
pour inſtruire d'une
maniere peut- eftre plus agreable
que celle dont ſe
ſont ſervis les écrivains qui
en ont fait d'amples relations
, ceux qui ſe conten
teront du Mercure pour
connoiſtre aſſez particuliement
les moeurs & le plan
de ce pays . Ainſi je renonceray
pour aujourd'huy au
détail des lieux que noftre
May 1714.
H
90 MERCURE
belle veuve vit , avant d'entrer
à Rome , parce que non
ſeulement il ne luy arriva
rien fur cette route qui puifſe
rendre intereſſants les cir
conſtances de ce voyage ,
mais encore parce que je ne
veux pas faire le geographe
malà propos . Le Capitole ,
le Vatican , le Chaſteau S.
Ange , le Colizée , la Place
dEſpagne, la Place Navonne
, l'Eglife S. Pierre , le
Pantheon , les Vignes , &
enfin tous les monuments
des Anciens , & les magnifiques
ouvrages des Moder
GALANT. 91
nes,dont cette ville eſt enrichie,
n'étalérent à ſes yeux
que ce que les voyageurs
lesplus indifferents peuvent
avoirveu comme elle ; mais
lorſque jetraitteray, comme
je l'ay dit,des incidens amufants
& raifonnables que
j'ay , pour y promener mes
lecteurs , j'eſpere que leur
curioſité ſatisfaite alors , les
dédommagera fuffifamment
de la remiſe & des
frais de leur voyage...
La conduite que tint à
Rome cette charmante veuve
, fut tres eſloignée de cel- :
Hij
92 MERCURE
le que nos Dames françoi
ſes y tiennent , lorſqu'avec
des graces moindres que les
fiennes , elles ſe promettent
d'y faire valoir juſqu'à leur
plus indifferent coup d'oeil.
Celle cy parcourut les Egliſes
,les Palais , les Places
& les Vignes en femme qui
ne veut plus d'avantures ;
mais elle comptoit fans for
hoſte, & l'amourn'avoit pas
figné le traité de l'arrangement
qu'elle s'eſtoit fait.
Ungentilhomme Italien
dela ſuite de l'Ambaſſadeur
de l'Empereur , qui avoir
GALANT. 93
veu par hafard une fois à la
Vigne Farneze , le viſage
admirable de noftre belle
veuve , fur ſi ſurpris de l'é
elat de tant de charmes ,
qu'il reſtacomme immobi
le , uniquement occupé dư
foin de la regarder. Elle
s'apperceut auffi- toft de fon
eſtonnement ; mais dans
Finſtant ſon voile qu'elle
laiſſa tomber, luy déroba la
veuë de cet objet de fon admiration.
L'Italien , loin de
fe rebuter de cet inconvenient
, réſolut de l'exami
ner juſqu'à ce qu'il ſceuſt ſa
94 MERCURE
ruë , fa demeure , ſon pays ,
fes deſſeins , & fon nom.
Dés qu'il ſe fut ſuffiſamment
inſtruit de tout ce
qu'il voulut apprendre ;
aprés avoir paffé& repaffé
cent fois devant ſa maiſon ,
ſans qu'on payaſt ſes ſoins
de la moindre courtoiſie,&
pleinement convaincu qu'il
n'y avoit auprés de cette
belle veuve , nulle bonne
fortune à eſperer pour luy ,
il conclut qu'il pouvoit regaler
Monfieur l'Ambaſſadeur
du merite de ſa découverte.
A
GALANT.951
En effet un jour que l'Ambaſſadeur
de Pologne difnoit
chez ſon maiſtre , voyant
vers la fin du repas,que
la compagnie entroit en
belle humeur , & que la
- converſation rouloit de
bonne grace ſur le chapitre
- des femmes ; Meſſieurs , dit-
- il , quelques ſentimens
qu'elles vous ayent fait
prendre pour elles , je ſuis
ſeur , que ſans vous embar-
-raſſer de vouloir connoiſtre
leurs coeurs plutoſt que
leurs perſonnes,vous renonceriez
à toutes les précau
96 MERCURE
tions du monde , ſi vous
aviez vû , une ſeule fois ,
une Dame que je n'ay vûë
qu'un inſtant. Je me promenois
, ily a quinze jours
àla Vigne Farneze , elle s'y
promenoit auſſi ; mais je
vous avoue que je fus ſaiſi
d'étonnement,en la voyant,
& que je luy trouvay cant
de charmes , un ſi grand
air ,& un ſi beau viſage
que je jurerois volontiers ,
quoy que cette Ville fourmille
en beautés , qu'il n'y
a rienà Rome qui ſoit beau
comme elle. Ces Miniſtres
1
Eſtrangers
GALANT. 97
5
Eſtrangers s'échaufférent
ſur le recit du Gentilhomme
Italien , celuy de Pologne
ſur tout , ſentitun mou.
vement de curioſité fi
prompt , qu'il luy demanda
d'un air empreſſé , s'il n'a
voit pas eſté tenté de ſur
vre une ſibelle femme ,&
s'il ne sçavoit pas où elle
demeuroit. Ouy, Monfieur,
luy répondit- il , je ſçay ſon
nom , ſa demeure & les
motifs de ſon voyage à
Rome, mais je n'en ſuis
pas plus avancé pour cela ,
&je croy au contraire que
May 1714.
I
98 MERCURE
mes empreſſements l'ont
tellement inquiétée, qu'elle
ne paroiſt plus aux Eglifes ,
ny aux promenades , de
puis qu'elle s'eſt apperçuë
du ſoin que je prenois d'éxaminer
ſes démarches .
Voila une fiere beauté , dit
l'Ambafladeur de l'Empereur
, & addreſſant la parole
en riant à celuy de Pologne
, Monfieur , continuast-
il , n'ayons pas le démentide
cette découverte ,
& connoiffons à quelque
prix que ce ſoit , cette belle THEQUE DEL
BIBLI
< YON
EVILL
1893*
J'y confens reTHEQUE
DA
5,
20
LY
GALANTE
18
E
VILL
prit l'autre , férieuſent
& je ſuis fort trompé fi
dans peu de jours , je ne
vous en dis des nouvelles.
Ils auroient volontiers
bû desja à la ſanté de l'inconnue
, ſi , une Eminence
qu'on venoit d'annoncer ,
ne les avoit pas arrachez de
la table , où le vin & l'amour
commençoient
à les 0
mettre en train de dire de
de
belles choses .
e Le Gentilhomme qui
ue avoit ſi à propos mis la belle
Veuve ſur le tapis , fut au
devant du Cardinal , que
I ij
100 MERCURE
fon Maiſtre fut recevoir
juſqu'au pprreemmiieerr degré de
fon Eſcalier , & en meſme
tems il reconduifit l'Ambas
ſadeur de Pologne juſqu'à
fon Carrofle. Ce Miniſtrele
questionnaſi bien , chemin
faiſant , qu'il retourna chez
luy , parfaitement inftruit
de tout ce qu'il vouloit ſcavor.
Des qu'il fut à fon
Appartement , il appella un
Valet de chambre , à qui il
avoit ſouvent fait de pareilles
confidences & aprés
luy avoir avoüé qu'il eſtoit
desja , fur un ſimple recit ,
GALANT. 101
1
:
1
éperduëment amoureux
d'un objet qu'il n'avoit jamais
vû , il luy demanda
s'il croyoit pouvoir l'aider
de ſes conſeils de fon zele
& de ſa difcretion , dans
Tembarras où il ſe trouvoit.
Je feray , luy dit le Valet
de chambre tout ce
qu'il vous plaira ; mma.is puifque
vous me permettez de
vous donner des confeils ,
je vous avoüeray franche-
FL
د
ment , que je pennſiee que
le
portrait que vous me faites,
de la conduitte ſage & retirée
que tient la perſonne
Inj 1
102 MERCURE
dont vous me parlez , eft
fouvent le voile dont Te
fervent les plus grandes
avanturieres , pour attrapper
de meilleures dupes. Ta
pénétration eſt inutile icy ,
luy répondit l'Ambaffadeur
: tu ſçais desja ſon nom
& ſa maiſon , informe toy
ſeulement fi ce qu'on m'en
adit eft véritable ; nous
verrons aprés cela le parti
que nous aurons à prendre .
Le Confident ſe met en
campagne , il louë une
chambre dans le voiſinage
de la belle Veuveil fait
>
GALANT. 103
1
1
0
e
it
connoiſſance avec un de ſes
domeſtiques , qui le met
en liaiſon avec la femme
de chambre de la Dame
qu'il veut connoiſtre : enfin
il la voit , & il apprend
qu'elle va tous les jours à
la meſſe , entre ſept & huit
heures du matin , à l'Eglife
de ſainte Cecile. Il avertit
auffi toſt ſon Maiſtre de
tout ce qui ſe paſſe ; ce Miniſtre
ne manque point de
ſe rendre ſans ſuite à cette
Eglife , & de ſe placer auprés
de cette beauté qui n'a
garde de ſe meffier à pareil
I iiij
104 MERCURE
le heure , ni de fes char
mes , ni des ſoins , ni de la
dévotion du perſonnage
quiles adore. לכ
Cependant l'allarme fonne
,& le Valet de chambre
apprend avec bien de la
douleur , que la Damedont
ſon Maiſtre eſt épris , commence
à s'ennuyer à Rome,
&qu'enfin incertaine ſi elle
retournera en France par
Genes,où ſi elle repaſſerales
Alpes, elle veutabſolument
eſtre hors de l'Italie , avant
le retour de la mauvaiſe
faifon. A l'inſtant l'AmbafGALANT.
1ος
t
!
es
16
10
le
f
1
Tadeur informé , & defefperé
de cette nouvelles ſe
détermine à luy eſcrire en
tremblant , la lettre que
voicy.
N'eſtes vous venue àRome,
Madame , que pour y violer
le droit des gens ; fi les franchiſes
les Privileges des
Ambaffadeurs font icy de vostre
Domaine , pourquoy vous dé-
Domaine
goustez - vous du plaisir d'en
joüir plus long-temps ? Fapprends
que vous avez réfolu de
partir dans buit jours. Ab! fi
rienne peut rompre ou differer
ce funeste voyage, rende-z moy
106 MERCURE
donc ma liberté que vos yeux
m'ont ravie , & au milieu de
la Capitale du monde. Ne me
laiſſez pas , en me fuyant,la
malheureuſe victime de l'amour
que vous m'avez donné. Permettez
moy bien pluſtoſt de vous
offrir en ces lieux tout ce qui
dépend de moy , & en reeevant
ma premiere visite , recevez en
mesme temps , si vous avez
quclques sentiments d'humanité,
la fortune , le coeur , & la
main de
BELZESKI.
Le Valet de Chambre
fut chargé du ſoin de luy
rendre cette lettre à elle
meſme au nom de ſon Maître
, d'examiner tous les
mouvemens de fon viſage ,
&de lui demander un mot
de réponſe.
La Dame fut aſſez
émeuë à la vûë de ce billet ,
cependant elle ſe remit aifément
de ce petit embarras
, & aprés avoir regardé
d'un air qui n'avoit rien
de déſobligeant , le porteur
de la lettre , qu'elle
avoit vûë vingt fois ſans reflexion
, elle luy dit , ce
108 MERCURE
?
tour eſt ſans doute de voſtre
façon Monfieur mais
Monfieur l'Ambaſſadeur
qui vous envoye , ne vous
en ſera guere plus obligé,
quoyque vous ne l'ayez pas
mal ſervi. Attendez icy un
moment, je vais paſſer dans
mon Cabinet , & vous en
voyer la réponſe que vous
me demandez pour luy :
Auſſi-toſt elle le quitta pour
aller efcrire ces mors. S
Fe ne sçay dequoy je ſuis
coupable à vos yeux, Monfieur,
mais je sçay bien que je ne re
ponds que par bienfeance à l'hon-
>
BAGALAN 109
0
neur que vous me faites ,
aux avantages que vous me proposez
: & je prévoy que la
viſite que vous me rendrez , si
vous voulez , vous fera auffi
peu utile qu'à moy , puisque
rien ne peut changer la réfolution
que j'ay priſe de repaffer
inceſſamment en France.
Le Polonnois éperduëment
amoureux ( car il y
avoit de la fatalité pour elle,
à eſtre aimée des gens de ce
pays ) le Polonnois , dis- je ,
donna à tous les termes de
ce billet , qu'il expliqua en
ſa faveur, un tourde confo110
MERCURE
lation que la Dame n'avoit
peut- eſtre pas eu l'intention
d'y mettre; d'ailleurs il eſtoit
parfaitementbien fait , tres
grand ſeigneur , fort riche ,
&magnifique entout. Les
hommes ſe connoiſſent , il
n'y a pas tantde mal à cela.
Celui- cy ſçavoit aſſez ſe
rendrejustice , mais heureuſement
il ne s'en faifoit pas
trop à croire , quoy qu'il
ſentit tous ſes avantages.....
Vers les * vingt& une ou
vingt- deux heures , il ſe ren-
**C'eſt en eſté à peu prés vers les fix heures
du ſoir,ſelon noftre façon de compter.
GALANT. III
コ
el
dit au logis de la belle veuve
, qu'il trouva dans undeshabillé
charmant & modeſte
, mille fois plusaimable
qu'elle ne luy avoit jamais
paru .
Que vous eſtes , Madame ,
luy dit- il , transporté du
plafir de la voir , au deſſus
des hommages que je vous
rends ; mais en verité je vais
eſtre le plus malheureux des
hommes , fi vous ne vous
rendez pas vous meſme aux
offres que je vous fais Nous
nenous connonfons n'y l'un
ny l'autre , Monfieur , luy
70%
112 MERCURE
11
répondit - elle , & vous me
propoſez d'abord des chofes
dont nous ne pourrions
peut eſtre que nous repentir
tousdeux, mais entrons , s'il
vousplaît,dansun plus grád
détail,& commençons par
examiner , i la majeſté de
voſtre caractere s'accorde
bien avec les ſaillies de cette
paffion ; d'ailleurs n'eſt il
pas ordinaire , & vrayſemblable
qu'un feu ſi prompt
às'allumer, n'en eſt que plus
prompt à s'éteindre. Enfin
ſupposé que je voulutſe encorem'engager
ſous les loix
de :
GALANT. 113
1
1
del'hymen, ſur quel fondement,
àmoins queje nem'a.
veuglaſſe de l'eſpoir de vos
promeſſes, pourrois- je compter
que vous me tiendrez
dans un certain tems ce que
vous me propoſez aujourd'huy
. Ah ! Madame , reprit
ilavecchaleur, donnez
aujourd huy voſtre confentement
à mon amour , &
demain je vous donne la
main. Par quelles loix voulez
vous authoriſer des maximes
de connoiſſance &
d'habitude , ſur des ſujers où
le coeur doit décider tout
114 MERCURE
,
ſeul ; n'y a t'il point dans le
monde des mouvements de
ſympathie pour vous , comme
pour nous , & quelle
bonne raiſon peut vous dif
penſerde faire pour nous
enun jour,la moitié du chemin
que vos charmes nous
font faire en un inſtant. Je
ſuis perfuadé que vous avez
trop d'eſprit, pour regarder
mal à propos ces chimeriques
précautions , comme
des principes de vertu , &
vous eſtes trop belle pour
douter un moment de la
conſtante ardeur des feux
GALANT 115
mt
&
רש
la
גנ
que vous allumez. Cependant
ſi vos ſcrupules s'effrayent
de la vivacité de ma
propoſition,je vous demande
du moins quinze jours
de grace , avant de vous
prier de vous déterminer en
ma faveur ; & j'eſpere ( fi
vos yeux n'ont point de peine
à s'accouſtumer à me
voir pendant le temps que
j'exige de voſtre complaiſance
) que les ſentiments
de voſtre coeur ne tarderont
pas à répondre aux tendres
& fidelles intentions du
mien. Ne me preſſez pas da
Kij
116 MERCURE
vantage à preſent , Monfieur
, luy dit elle,& laiſſez
à mes reflexions la liberté
d'examiner les circonſtancesde
voſtre propofition.
Cette réponſe finit une
conteftation qui alloit inſenſiblement
devenir tres.
intereſſante pour l'un &
pour l'autre.
Monfieur l'Ambaſſadeur
ſe leva , & prit congé de la
belle veuve aprés avoir receu
d'elle la permiffion de
retourner la voir , lorſqu'il
le jugeroit à propos.
Ce miniſtre rentra chez
GALANT 117
-
luy , ravi d'avoir mis ſes affaires
en ſibon train , & le
lendemain au matin il écrivit
ce billet à cette Dame ,
dont il avoit abſolument refolu
la conqueſte.
Le temps que je vous ay don-
- né depuis hier , Madame , ne
fuffit-il pas pour vous tirer de
toutes vos incertitudes , s'il ne
ſuffit pas , je vais estre auffi indulgent
que vous estes aimable,
je veux bien pour vous efpargner
la peine de m'eſcrire vos
Sentiments , vous accorder, jufqu'à
ce soir , que j'iray appren
dre de vostre propre bouche , le
1
118 MERCURE
réſultat de vos reflexions.
Elles eſtoient desja faites
ces réflexions favorables à
T'heureux Polonois , & pendant
toute la nuit, cette belleveuve
n'avoit pû ſe refufer
la fatisfaction de convenir
en elle-meſme , qu'elle
meritoit bien le rang d'Ambaſſadrice.
Aufſfi luy fut-il
encore offert le meſme jour
avec des tranſports fi touchants&
fi vifs,qu'enfin elle
ne fit qu'une foible deffenſe
, avant de conſentir à la
propoſition de Mr l'Ambaffadeur.
En un mot toutes
GALANT. 119
!
les conventions faites & accordées
, entre elle & fon
amant,ſon voyage de France
fut rompu , & fon mariage
conclu , & celebré ſecretement
enquinze jours.
Legrandtheatredu monde
va maintenant eſtre le
champ où va paroiſtre dans
toute fon eſtenduë , l'excellence
du merite & du bon
efprit deMadame Belzeſca.
Elle reste encore preſque
inconnuë juſqu'à la declararion
de ſon hymen , qui
n'eſt pas plutoſt rendu public
, qu'elle ſe montre auſſi
120 MERCURE
4
éclairée dans les delicates
affaires de fon mary , que
fielle avoit toute la vie
eſte Ambaſſadrice,лэ тод
Les Miniſtres Eſtrangers,
les Prélats , les Eminences
tout rend hommage à fes
lumiéres. De concert aveo
fon Epoux , ſa pénerrap
tion abbrege , addoucit &
leve toutes les difficultez
de ſa commiffion : enfin
elle l'aide à ſortir de Rome
(ſous le bon plaifir de fon
Maſtre ) fatisfait & glorieux
du ſuccés de fonAm
baffade.altera teemal
هللا
GALANT. 121
Elle fut obligée pour le
bien de ſes affaires de repaſſer
en France avec ſon
mary : elle n'y ſéjourna que
trois ou quatre mois , de là
elle alla à Amſterdam , &
à la Haye , où elle s'embarqua
pour ſe rendre à Dant-
ZIK d'où elle fut à Varſovie
où elle jouit pendant
vingt-cinq ans , avec tous
les agréments imaginables,
de lagrande fortune , & de
la tendreſſe de ſon Epoux ,
qui fut enfin malheureufement
bleſſe à la Chaffe
d'un coup dont il mourut
May 1714.
L
127
MERCURE 122
quatreJours
Tavoir
apres la
Э
receu d'une façon toute
extraordinaire .
Rien n'eſt plus noble &
plus magnifique , que la
220
20
manière dont les Grands
Seigneurs vont à la Chaſſe
en Pologne. Ils menent ordinairement
avec eux , un
fi grand nombre deDomeftiques
, de Chevaux , & de
Chiens, que leur Equipage
reſſemble pluſtoſt à un gros
détachement de troupes reglées
, qu'à une compagnie
de gens aſſemblez , pour le
plaisir de faire la guerre à
GALANT. 123
+
20
وا
LEKCI }
des animaux. Cette précaution
me paroilt fort
raisonnable , & je trouve
qu'ils font parfaitement
bien de proportionner le
nombredes combatrants au
3
21091
nombre & à la fureur des
monſtres qu'ils attaquent.
Un jour enfin, Monfieur
Belzeſki , dans une de fes
redoutables Chaffes, fe laifſa
emporter par ſon cheval ,
à la pourſuite d'un des plus
fiers Sangliers qu'on cuſt
encore vû dans la Foreſt où
il chaſſoit alors. Le cheval
anime paſſa ſur le corps de
124 MERCURE
261
ce terrible animal , & s'abbatit
en meſme temps , à
quatre pas de luy. Monfieur
Belzeſki ſe dégagea, auflitoſt
adroitement des efriers
, avant que le Monf
tre l'attaquaft ; mais ils eftoient
trop prés l'un de Laura
tre & le Sanglier desia
bleffé trop furieux , pour ne
pas ſe meſurer
44
encore con-b
tre l'ennemi qui l'attendoit :
ainſi plein de rage , il voulut
ſe llaanncceerr fur luy , mais
dans le moment ſon ennemi
intrepide & prudent lui
abbattit la teſte d'un coup
GALANT.
1:5
ſi juſte , & fi vigoureux, que
fon fabre paffa entre le col
& le tronc de an
11
avec tant de viteſſe , que le
mouvement Violent avec
lequel il retira fon bras
entraîna fon 21911
corps , de ma
niere qu'un des pieds luy
manquant , il tomba à la
renverſe ; mais fi malheu
reuſement, qu'il alla ſe fen.
dre la tefte fur une pierfe
qui ſe trouva derriere luy.
Dans ce fatal inſtanttous
les autres Chaſſeurs arrivérent
, & emporterent en
pleurant , le Corps de leur
THAJAD
126 MERCURE
infortune maiſtre , qui vécu
encore quatre jours
qu'il employa à donner à
Madame Belzeſca les dernieres
& les plus fortes
preuves de ſon amour , if
la fiitt ſon heritiere univerſelle
, & enfin il mourut
adoré de ſa femme , & infiniment
regretté de tout
le monde.
il
Il y a plus de fix ans que
Madame Belzeſca pleure
ſa perte , malgré tous les
foins que les plus grands
Seigneurs , les Princes , &
mefme les Roys , ont pris
GALANT. 127
pour la conſoler. Enfin elle
eft depuis long-temps l'amie
inſéparable de Mada
infeparable
me la Palatine de ... elle a
maintenant foixante ans
paflez , & je puis affeurer
qu'elle est encore plus aimée
; & plus reſpectée ,
qu'elle ne le fut peut eftre
jamais , dans le plus grand
efclat de fa jeuneffe. On
parle meſme de la remarier
aun homme d'une fi grande
distinction
, que , ce
bruit , quelque fuite qu'il
ait eft toutccee qu'on en peut
dire de plus avantageux ,
Lin
128 MERCURE
pour faire un parfait éloge
de ſon mérite , & de fes
vertusaises
nouvelle .
LA peſte qui exerce
ſouvent de furieux ravages
dans lesPaïsduNord,
avoit déja détruit prés
d'un tiers de la belle Ville
de Varſovie , ceux de ſes
habitans qui avoient
quelque azile dans les
campagnes , l'abandonnoient
tous les jours ;
pluſieurs alloient à cent
GALANT. 13
lieuës&plus loin encore,
chercher à ſe preſerver
des perils de la conta
gion , lorſque la Palatine
de ... arriva à Dantzic
avec pluſieurs Dames de
confideration qui n'avoient
pas voulu quitter
Varſovie ſans elle.
Le Marquis de Canop
qui eſt un des plus dignes
& des plus honneftes
homes qu'on puiſſe voir,
& qui jouoit un tresgrand
rôle en Pologne ,
14 MERCURE
eſtoit alors à Dantzic ,
où il receut la Palatine
avec tous les honneurs &
toutes les feftes qu'on
puiſſe faire àune des plus
charmantes & des plus
grandes Princeſſes du
monde.drov mes
Des intereſts d'amour,
autant que la crainte de
la maladie , avoient dé
terminé pluſieurs Sei
gneurs Polonois à ſuivre
la Palatine & les Dames
qui l'accompagnoient :
GALANT.
ces Illuſtres captifs qui
n'avoient point abandon-
-néle Char de leur Maitreffe
pendant leur route ,
regarderent leur retraite
à Dantzic , comme l'azile
dumõde le plus favorable
à leurs foupirs. Mais parmi
tant de jeunes beautez
qui briguoient peuteſtre
encore plus d'hommages
qu'elles n'en recevoient
, rien n'eftoit plus
admirable , que le droit ,
qu'uneDame autant ref-
وت
16 MERCURE
pectable par la majeſté
de ſes traits , que par le
nombre de ſes années ,
ſembloit avoir ſur les
cooeurs de tous ceux qui
l'approchoient.
Il n'eſt pas eſtonnant
qu'à un certain âge , on
plaiſe à quelqu'un , mais
quelque beau retour
qu'on puiſſe avoir , il eſt
rare que dans un âge
avancé, on plaiſe à tout
le monde.
La Dame dont je parle,
&
GALANT. 17
&qui avoit cet avantage,
ſe nommoit alors Madame
Belzeſca , elle avoit
eü déja trois maris , &
au moins mille Amants,
elle s'eſtoit tousjours conduite
avec tant de difcretion
& d'innocence , que
les plus hardis & les plus
emportés de ſes adorateurs
n'avoient jamais ofé
donner la moindre atteinte
à ſa réputation : enfin à
quinze ans elle avoit ſou
ſe faire reſpecter comme
May1714. B
18 MERCURE
à ſoixante , & à foixante
paffées ſe faire aimer &
fervir comme à quinze.
Une femme de fa Province,
de fon âge , & qui
depuis fon premier mariage
l'a ſervie juſqu'à
préſent , m'a conté dix
fois fon hiſtoire , comme
je vais la raconter.
Voicy à peu prés ce
que jay retenu de fes
avantures.
Madame Belzeſca eft
originaire d'un Villagede
:
GALANT 12
!
Tourainne , fon Pere qui
eſtoit frere du Lieutenant
Generald'une des premieres
Villes de cette Province
, y poffedoit des biens
affez confiderables . Elle
reſta ſeule de 9. enfants
qu'eut ſa Mere , qui ne
l'aima jamais. Satendreſſe
pour un fils qu'elle avoit,
lorſqu'elle vint au monde;
en fit à ſon égard une
maraſtre ſi cruelle , que
l'oin d'accorder la moindre
indulgence aux ſentih
Bij
20 MERCURE
>
ments de la nature , quelques
efforts que fit fon
mary pour la rendre plus
humaine , elle ne voulut
jamais confentir à la voir.
Cette averſion s'eſtoit
fortifiée dans ſon coeur
ſur la prédiction d'un Berger
qui luy dit un jour ,
deſeſperé des mauvais
traittements dont elle
l'accabloit , qu'elle portoit
en fon fein un enfant
qui le vangeroitdesmaux
qu'elle luy faifoit. Cette
GALANT. 21
malheureuſe Prophetie
s'imprima ſi avant dans
ſon ame , que l'exceffive
haine qu'elle conceut
pour le fruit de cette couche
, fut l'unique cauſe
de la maladie dont elle
mourut. L'enfant qui en
vint , fut nommé Georgette
Pelagie le ſecond
jour de ſa naiſſance , &le
troifiéme emmenée dans
le fond d'un Village , où
la fecrette pieté de fon
Pere , &la charité de ſa
22. MERCURE
tendre nourrice l'elevérent
juſqu'à la mort de fa
mere , qui , eutà peine les
yeux fermés, qu'on ramena
ſa fille dans les lieux
où elle avoit receu le jour.
Pelagie avoit alors prés
de douze ans , &déja elle
eſtoit l'objet de la tendrefſe
de tous les habitans ,
&de tous les voiſins du
Hameau dont les foins
avoient contribué à la
mettre à couvert des rigueurs
d'une mere inhu
4
GALANT. 23
|
€
maine. Ses charmes naiffans,
avec mille graces naturelles
, ſa taille & fes
traits qui commençoient
à ſe former , promettoient
tant de merveilles aux
yeux de ceux qui la vor
yoient, que tous les lieux
d'alentour s'entretenoient
déja du bruit de ſa beauté.
Un eſprit tranquille ,
un temperament toûjours
égal , une grande attention
ſur ſes diſcours , &&&
une douceur parfaite
1
24 MERCURE
avoient preſque réparé
en elle le déffaut de l'éducation
, lorſque ſon Pere
réſolut de la conduire à
Tours.Quoyque l'air d'une
Ville de Province , &
celuy de la campagne ſe
reffemblent affés , elle ne
laiſſa pas de trouver là
d'honneſtes gens qui regarderent
les ſoins de l'inſtruire
comme les plus
raiſonnables foins du
monde. Mais il eſtoit
temps que le Dieu qui
fait
GALANT. 25
fait aimer commençaſt a
ſe meſler de ſes affaires ,
& que fon jeune coeur
apprit à ſe ſauver des pieges
& des perils de l'amour.
La tendreſſe que
ſes charmes inſpiroient
échauffoit tous les coeurs,
à meſure que l'art poliffoit
ſon eſprit , & fon
eſprit regloit ſes ſentimens
à meſure que la
flatterie eſſayoit de corrompre
ſes moeurs. Mais
c'eſt en vain que nous
May 1714.
,
C
26 MERCURE
prétendons nous arranger
fur les deſſeins de noſtre
vie , toutes nos précautions
ſont inutiles contre
les arreſts du deſtin .
Le Ciel refervoit de
trop beaux jours à l'heureuſe
Pelagie ſous les
loix de l'amour , pour
lui faire apprehender davantage
les écuëils de fon
empire. Cependant ce fut
une des plus amoureuſes
& des plus funeftes avantures
du monde qui déGALANT.
27
termina ſon coeur à la
tendreſſe.
Un jour ſe promenant
avec une de ſes amies ſur le
bord de la Loire , au pied
de la celebre Abbaye de
Marmoutier,elle apperceut
au milieu de l'eau un petit
batteaudécouvert , dans lequel
étoient deux femmes ,
un Abbé ,& le marinier qui
les conduiſoità Tours : mais
ſoit que ce bateau ne valuſt
rien ou que quelque malheureuſe
pierre en euſt écarté
les planches , en un moment
tout ce miferable é-
Cij
28. MERCURE
quipage fut enseveli ſous
les eaux. De l'autre coſté
de la riviere deux cavaliers
bien montez ſe jetterent à
l'inſtant à la nage pour ſecourir
ces infortunez ; mais
leur diligence ne leur ſervit
au peril de leur vie , qu'au
falut d'une de ces deux femmes
, que le moins troublé
de ces cavaliers avoit heureuſement
attrapée par les
cheveux , & qu'il conduifit
aux pieds de la tendre Pelagie
, qui fut fi effrayée de
cet affreux ſpectacle , qu'elle
eutpreſque autant beſoin
GALANT. 29
!
de ſecours , que celle qui
venoit d'eſtre ſauvée de cet
évident naufrage , où l'autre
femme & l'Abbé s'eftoient
desja noyez .
:
Le cavalier qui avoit eſté
le moins utile au falut de la
perſonne que ſon ami venoit
d'arracher des bras
de la mort , eſtoir cependant
l'amant aimé de la Dame
délivrée ; mais ſon amour
, fon trouble & fon
deſeſpoir avoient telle.
ment boulversé ſon imagination
, que bien loin de ſe
courir les autres , il ne s'en
C iij
30 MERCURE
fallut preſque rien qu'il ne
perift luy meſme: enfin fon
cheval impetueux le remit
malgré luy au bord d'où il
s'eſtoit précipité ; auffi- toft
il courut à toute bride, iltraverſa
la ville , & pafla les
ponts pour ſe rendre fur le
rivage , où ſa maiſtreſſe recevoit
toute forte de nouveaux
foulagements de Pelagie
, de ſa compagne , &
de ſon ami.
L'intrepidité du liberateur,
ſa prudence , ſes ſoins
& fa bonne mine pafferent
fur le champ pour des mer
GALANT. 31
veilles aux yeux de Pelagie,
De l'admiration d'une certaine
eſpece , il n'y a ordinairement
, ſans qu'on s'en
apperçoive , qu'un pas à
faire à l'amour , & l'amour
nous mene ſi loin naturellement
qu'il arrache bientoſt
tous les conſentements
de noſtre volonté. En vain
l'on ſe flatte d'avoir le tems
de reflechir , en vain l'on
veut eſſayer de ſoumettre
le coeur à la raiſon , l'eſprit
dans ces occafions eft tousjours
ſeduit par le coeur , on
regarde d'abord l'objet avec
C iiij
32 MERCURE
complaiſance.les préjugez
viennent auſſi toſt nous é
tourdir , & nous n'eſperons
ſouvent nous mieux deffendre
, que lorſque noſtre inclination
nous determine à
luytout ceder.
La tendre Pelagie eſtonnée
de ce qu'elle vient de
voir , n'ouvre ſes yeux embaraffés
, que pour jetter
des regards languiſſans
vers la petite maiſon , où
quelques Payſans aidés de
nos deux Cavaliers emportent
la Dame qui vient d'eftre
delivrée de la fureur
GALANT. 33
des flots. Elle n'enviſage
plus l'horreur du peril
qu'elle lui a vû courir ,
comme un ſpectacle ſi digne
de compaſſion , peu
s'en faut meſme qu'elle
n'envie ſon infortune.
Quoique ſes inquietudes
épouvantent ſon coeur , fes
intereſts ſe multiplient , à
meſure que cette troupe
s'éloigne d'elle . Elle croit
desja avoir démeflé que
ſon Cavalier ne ſoupire
point pour la Dame , ni la
Dame pour lui ; neanmoins
ſon eſprit s'en fait
34 MERCURE
une Rivale , elle aprehende
qu'un ſi grand ſervice
n'ait quelqu'autre motif
que la pure generofité , ou
pluſtoſt elle tremble qu'un
amour extreſme ne ſoit la
récompenſe d'un fi grand
ſervice. Cependant elle retourne
à la Ville , elle ſe
met au lit , où elle ſe tour.
mente , s'examine & s'afflige
, à force de raiſonner
fur certe avanture , dont
chacun parle à ſa mode
elle la raconte auffi tous
و
ceux qui veulent l'entendre
, mais elle s'embaraſſe
GALANT.
35
,
د tellement dans ſon récit
qu'il n'y a que l'indulgence
qu'on a pour ſon innocence
& ſa jeuneſſe , qui déguiſe
les circonſtances
qu'elle veut qu'on ignore.
Le Chevalier de Verſan
de ſon coſté ( C'eſt le
nom du Cavalier en qui
elle s'intereſſe , ) le Chevalier
de Verſan dis-je ,
n'eſt pas plus tranquille. La
belle Pelagie eſt tousjours
preſente à ſes yeux , enchanté
de ſes attraits , il va,
court , & revient , par tout
ſa bouche ne s'ouvre , que
36 MERCURE
,
,
pour vanter les appas de
Pelagie. Le bruit que cet
Amant impetueux fait de
fon amour frappe auflitoſt
ſes oreilles , elle s'applaudit
de ſa conqueſte
elle reçoit ſes viſites , écoute
ſes ſoupirs , répond à ſes
propoſitions , enfin elle
conſent , avec ſon Pere ,
que le flambeau de l'hymen
éclaire le triomphe de
fon Amant. Cette nouvelle
allarme , & deſeſpere
en vain tous ſes Rivaux. Il
eſt heureux déja. La fortune
elle-mefme pour le com
bler de graces vient atta
cher de nouveaux préſens
aux faveurs de l'amour. La
mort de ſon frere le fait
heritier de vingt mille livres
de rente. Le Chevalier
devient Marquis : nouvel
& précieux ornement
aux douceurs d'un tendre
mariage. Mais tout s'uſe
dans la vie , l'homme ſe
demaſque , la tendreſſe reciproque
s'épuiſe imper
ceptiblement , on languit ,
on ſe quitte , peut - eſtre
meſme on ſe hait , heureux
encore ſi l'on ne fouf
38 MERCURE
fre pas infiniment des caprices
de la déſunion Mais
Prices d la mort & l'amour ſe rangent
du parti de Madame
la Marquiſe de ... que ,
pour raiſon difcrette , je
nommerai Pelagie , juſqu'à
ce qu'elle foit Madame
Belzeſca.
Ainfi l'heureuſe Pelagie
aprés avoir goufté pendant
cinq ans toutes les douceurs
de l'hymen , ne ceſſe d'aimer
fon mary ( inconſtant
huit jours avant elle )
que fix ſemaines avant ſa
mort.
GALANT. 39
Un fils unique , ſeul &
cher gage de leur union ,la
rend àvingt ansheritiere &
dépofitaire des biensdu défunt.
Elle arrange exacte
ment toutes ſes affaires, elle
abandonne tranquillement
la province , & fe rend à
Paris avec fon fils .
De quel pays , Madame ,
luy dit- on,dés qu'on la voit,
nous apportez-vous tant de
beauté? dans quelle obſcure
contrée avez - vous eu le
courage d'enſevelir ju qu'a
preſent tant de charmes ?
que vous eſtes injuſte d'a
40 MERCURE
voir ſi long - temps honoré
de voſtre preſence des lieux
preſque inconnus , vous qui
eſtes encore trop belle pour
Paris . Cependant c'eſt le
ſeul endroit du monde qui
puiſſe prétendre à la gloire
de vous regarder comme la
Reine de ſes citoyennes.
Les ſpectacles , les aſſemblées,
les promenades , tout
retentit enfin des merveillesdela
belle veuve.
Le Roy Caſimir eſtoit
alors en France , pluſieurs
grands ſeigneurs avoient
ſuivi ce Prince juſqu'à la
porte
GALANT. 41
porte de ſa retraite.
Il n'y avoit point d'eſtranger
à Paris qui ne fuſt curieux
d'apprendre noſtre
langue qui commençoit à
ſe répandre dans toutes les
cours de l'Europe , & il n'y
enavoit aucun qui ne ſceuſt
parfaitement que la connoiſſance
& le commerce
des Dames font l'art, le merite
, & le profit de cette
eftude.
Un charmant voiſinage
eſt ſouvent le premier prétexte
des liaiſons que l'on
forme.
May 1714. D
MERCURE
Pelagie avoit ſa maiſon
dans le fauxbourg S. Germain
: ce quartier eſt l'azile
le plus ordinaire de tous les
eſtrangers , que leurs affaires
ou leur curioſité attirent
à Paris .
,
La Veuve dont il eſt
queſtion eſtoit fi belle
que ſa Maiſon eſtoit tous
les jours remplie des plus
honneſtes gens de la Ville ,
& environnée de ceux qui
n'avoient chez elle ni
,
droit , ni prétexte de viſite.
Enfin on croyoit en la
voyant , que , Maiſtreſſe
GALANT. 43
!
abſoluë des mouvements
de ſon ame , elle regnoit
ſouverainement ſur l'amour
comme l'amour
qu'elle donnoit regnoit fur
tous les coeurs ; mais on ſe
trompoit , & peut- eſtre ſe
trompoit- elle elle - meſme.
Pelagie eſtoit une trop
belle conqueſte , pour n'eftre
pas bien toſt encore la
victime de l'amour.
La magnificence du plus
grand Roy du monde raviſſoit
alors les yeux des
mortels , par l'éclat & la
pompe des ſpectacles &
Dij
44 MERCURE
,
des feftes , dont rien n'avoit
jamais égalé la richefſe
& la majefté ; l'on accouroit
de toutes parts ,
pour eſtre témoins de l'excellence
de ſes plaifirs , &
chaque jour ſes peuples
eſtoient obligez d'admirer
dans le délafſſement de ſes
travaux , les merveilles de
fa grandeur.
Le dernier jour enfin
des trois deſtinés pour cette
fuperbe feſte de Verfailles,
dont la poſterité parlera
comme d'une feſte inimitable
, ce jour où l'Amour
GALANT. 45
vuida tant de fois fon Carquois
, ce jour où l'Amour
ſe plut à joüer tant de
tours malins à mille beautés
que la fplendeur de ce
Spectacle avoit attiré dans
ces lieux , fut enfin le jour
qui avança le dénoüement
du fecond du ſecond hymen de Pelagie.
Un des ſeigneurs que le
Roy Caſimir avoit amenéz
avec luy , avoit malheureuſement
veu cette belle veuve
, un mois avant de ſedéterminer
à imiter le zele &
la pieté de ſon maiſtre , elle
46 MERCURE
avoit paru à ſes yeux ornée
de tant d'agrements , ou
plutoſt ſi parfaite , que la
veuë de ſes charmes luy fit
d'abord faire le voeu de n'en
plusfaire que pour elle; mais
c'eſt un conte de prétendre
qu'il ſuffiſe d'aimer pour ef
tre aimé ; rien n'eſt plus
faux que cette maxime , &
je ſouſtiens qu'on eſt ſouvent
traité fort mal en amour
, à moins qu'une heureuſe
influence n'eſtabliſſe
des diſpoſitions reciproques.
C'eſt en vain que l'amouGALANT.
47
reux Polonois brufle pour
Pelagie , ſon eſtoille n'eft
point dans ſes interefts , elle
regarde cette flame auffi
indifféremment , qu'un feu
que d'autres auroient allumé
, & quoy qu'elle voye
tous les jours ce nouvel
eſclave l'étourdir du récit
de ſa tendreſſe , ſon coeur
ſe fait ſi peu d'honneur de
cette conquefte , qu'il femble
qu'elle ignore qu'il y
ait des Polonois au monde
.
Mais l'eſprit de l'homme
prend quelquefois des ſen48
MERCURE
timents ſi audacieux quand
il aime , que la violence
de ſa paſſion & le defefpoir
de n'eſtre point écouté
, le portent ſouvent juſqu'à
l'inſolence. D'autresfois
nos titres& noſtre rang
nous aveuglent , & nous
nous perfuadons qu'on eſt
obligé de faire , du moins
en faveur de noſtre nom
ce que nous ne meritons
,
pas qu'on faſſe pour l'amour
de nous.
Le Polonois jure , tempeſte
, & s'impatiente contre
les rigueurs de ſa Maîtreffe,
GALANT .
49
treſſe , à qui ce procedé
paroiſt ſi nouveau , qu'elle
le fait tranquillement remercier
de ſes viſites . La
rage auffi toſt s'empare de
ſon coeur , il n'eſt point de
réſolution violente qui ne
lui paroiſſe légitime , l'inſenſible
Pelagie eft injufte
de n'eſtre pas tendre pour
lui , ſa dureté la rend indigne
de ſon amour , mais
fon amour irrité doit au
moins la punir de ſa rigueur
, & quoy qu'il en
couſte à l'honneur , l'éxécution
des plus criminels
May 1714. E
10 MERCURE
projets n'est qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de ſe
vanger d'une ingratte qui
ne peut nous aimer.
Ce malheureux Amant
ſcut que ſon inhumaine
devoit se trouver à la feſte
de Verſailles, avec une Dame
de ſes amies , & un de
ſes Rivaux , dont le mérite
luy avoit d'abord fait apprehender
la concurrence ,
mais qu'il croyoit trop foible
alors pour pouvoir déconcerter
ſes deſſeins . Il
prit ainſi ſes meſures avec
des gens que ſes promeſſes
GALANT.
SI
&ſes préſents engagérent
dans ſes intereſts , & il ré.
ſolut , aſſeuré de leur courage
& de leur prudence ,
d'enlever Pelagie , pendant
que le déſordre & la confuſionde
la find'une ſi grande
feſte , lui en fourniroient
encore les moyens..
Le Carroffe & les relais
qui devoient ſervir à cet
enlevement , eſtoient déja
ſi bien diſpoſés , qu'il ne
manquoit plus que le moment
heureux de s'empa
rer de l'objet de toute cette
entrepriſe ; lorſque Pelagie
1
E ij
52
MERCURE
laſſe & accablée du ſommeilque
lui avoient dérobé
ces brillantes nuits , entra ,
avec ſon amie , dans un
fombre boſquet , où la fraîcheur
& le hazard avoient
inſenſiblement conduit ſes
pasi elle y furà peine aſſiſe,
qu'elle s'y endormit
Laiffons la pour un inftant,
dans le fein du repos
dont on va bien toſt l'arracher.
- L'occaſion est trop belle
pour n'en pas profiter ; mais
le Polonois a beſoin de tout
fon monde , pour en fortir
GALANT.
53
a ſon honneur , & il commence
à trouver tant de
difficultez , à exécuter un ſi
grand deſſein dans le Palais
d'un ſi grand Roy , qu'il
s'imagine , aveuglé de ſon
déſeſpoir & de ſon amour ,
qu'il n'y a qu'une diligence
infinie , qui puiffe réparer
le déffaut de ſes précautions.
Il court pour raffem
bler ſes confidents ; mais la
vûë de ſon Rival qui ſe préſente
à ſes yeux , fait à l'inſtant
avorter tous ſes pro
jets. Où courez- vous, Monſieur
, luy dit- il , que vous
E iij
54 MERCURE
,
importe , répond l'autre ?
rendez graces , répond le
Cavalier François au refpect
que je dois aux lieux
cù nous ſommes fans
cette conſidération je
vous aurois déja puni , &
de voſtre audace , & de
l'inſolence de vos deſſeins.
Il te fied bien de m'inſulter
icy luy dit le Polonois ; je
te le pardonne : mais ſuy
moy ? & je ne tarderay pas
à t'apprendre à me reſpecter
moi- meſme , autant que
les lieux dont tu parles . Je
conſens , luy répondit le
4
GALANT .
SS
François , à te ſuivre où tu
voudras ; mais j'ay mainte
nant quelques affaires qui
font encore plus preſſées
que les tiennes: tu peux cependant
diſpoſer du rendez
vous , où je ne le feray pas
long-temps attendre.
Le bruit de ces deux
hommes éveille pluſieurs
perſonnes qui dormoient
ſur le gazon ; on s'aſſemble
autour d'eux , ils ſe taiſent
&enfin ils ſe ſéparent,
Ainfi le Polonois ſe retire
avec ſa courte honte ,
pendant que le François
E iii
56 MERCURE
cherche de tous cotez , les
Dames qu'il a perduës :
mais cette querelle s'eſtoit
paſſée ſi prés d'elles , que le
mouvement qu'elle cauſa ,
les reveilla , comme ceux
qui en avoient entendu la
fin ; elles fortirent de leur
boſquet qu'elles trouverent
desja environné de
gens qui compoſoient &
débitoient à leur mode les
circonstances decette avanture
, ſur l'idée que pouvoit
leur en avoir donné le peu
de mots qu'ils venoient
d'entendre , lorſqu'enfin il
GALANT.
$7
les retrouva. Je prie les
Lecteurs de me diſpenſer
de le nommer , ſon nom ,
ſes armes & ſes enfans ſont
encore ſi connus en France,
que , quoy que je n'aye que
ſon éloge à faire , je ne ſçay
pas ſi les fiens approuveroient
qu'on le nommaſt.
Deux heures avant que
le Cavalier François rencontrât
le Polonois , Mon.
fieur le Duc de ... avoit
heureuſement trouvé une
lettre à fos pieds : le hazard
pluſtoſt que la curiofité
la luy avoit fait ramaf
58 MERCURE
fer , un moment avant qu'il
s'apperceut des foins extreſmes
que prenoient trois
hommes pour la chercher :
la curioſité luy fit alors un
motifd'intereſt de cet effet
du hazard ; il s'éloigna des
gens dont il avoit remarqué
l'inquiétude , il ſe tira de la
foule , & dans un lieu plus
fombre & plus écarté , il
lut enfin cette lettre , qui
eſtoit , autant que je peux
m'en ſouvenir , conceuë ,
à peu prés , en ces termes.
Quelquesjustes mesures que
nous ayons priſes , quoy que mon
GALANT. رو
Carroffe & vos Cavaliers ne
foient qu'àcent pas d'icy , il n'y
aura pas d'apparence de réuffir
fi vous attendez que le retour
du jour nous ofte les moyens de
profiter du défordre de la nuit :
quelque claire que ſoit celle-cy ,
elle n'a qu'une lumiére empruntée
dont le ſoleil que j'apprenhende
plus que la mort
bien toſt diſſipper la clarté; ainfi
hatez vous de meſuivre , &ne
me perdez pas de veuë : je vais
déſoler Pelagie par ma préfen--
ce: dés qu'elle me verra , je ne
doutepas qu'elle ne cherche à me
fuir; mais je m'y prendray de
, va
60 MERCURE
façon ,que tous les pas qu'ells
fera , la conduiront dans nostre
embuscade.
La lecture de ce billet
eſtonna fort Mr le Duc ...
quiheureuſement connoiffoit
aſſez la belle veuve pour
s'intereffer parfaitement
dans tout ce qui la regardoit
; d'ailleurs le cavalier
françois qui eſtoit l'amant
declaré de la Dame , eſtoit
ſon amy particulier : ainſi il
priatout ce qu'il putraſſembler
de gens de ſa connoifſance
de l'aider à chercher
Pelagie avant qu'elle peuſt
GALANT. 61
eftre expoſée à courir les
moindres riſques d'une pareille
avanture. Il n'y avoit
pas de tempsà perdre , auſſi
n'en perd - il pas ; il fut par
tout où il creut la pouvoir
trouver , enfin aprés bien
des pas inutiles , il rencontra
ſon ami , qui ne venoit
de quitter ces deux Dames
que pour aller leur chercher
quelques rafraichif
ſements . Il est bien maintenant
queſtion de rafraif
chiſſements pour vos Dames
, luy dit le Duc , en luy
donnant la lettre qu'il ve
62 MERCURE
noit de lire , tenez , liſez, &
dites - moy ſi vous connoifſez
cette écriture , & à quoy
l'on peut à preſent vous eftre
utile. Monfieur le Duc ,
reprit le cavalier,je connois
le caractere du Comte Piof
Ki, c'eſt aſſeurement luy qui
aécrit ce billet ; mais il n'eſt
pas encore maiſtre de Pelagie
, que j'ay laiſſée avec
Madame Dormont à vingt
pas d'icy , entre les mains
d'un officier du Roy, qui eſt
mon amy , & qui , à leur
confideration , autant qu'à
la mienne , les a obligeamGALANT
. 63
ment placées dans un endroit
où elles ſont fort à leur
aife ; ainſi je ne crains rien
de ce coſté- là ; mais je voudrois
bien voir le Comte , &
l'équipage qu'il deſtine à
cet enlevement. Ne faites
point de folie icy , mon
amy , luy dit le Duc , aſſeurez
- vous ſeulement de quelques
perſonnes de voſtre
connoiſſance ſur qui vous
puiffiez compter : je vous
offre ces Meſſieurs que vous
voyez avec moy , raſſem.
blez- les autour de vos Dames
, & mettez - les ſage
64 MERCURE
ment à couvert des inſultes
de cet extravagant : fi je
n'avois pas quelques affaires
confiderables ailleurs ,
je ne vous quitterois que
certain du fuccez de vos
précautions.
Vi
LeDuc ſe retira alors vers
un boſquet où d'autres intereſts
l'appelloient,& laifſa
ainſi le cavalier françois
avec ſes amis ,à qui il montra
l'endroit où il avoit remis
ſa maiſtreſſe entre les
mains de l'officier qui s'eftoit
chargé du ſoin de la
placer commodément ; cependant
GALANT. 65
pendant il fut de ſon coſté
à la découverte de ſon ri.
val , qu'aprés bien des détours
, il rencontra enfin à
quatre pas du boſquet dont
jay parlé , &dont il ſe ſepara
comme je l'ay dit . Neanmoins
quelque ſatisfaction
qu'il ſentit du plaifir de retrouver
ſes Dames , il leur
demanda , aprés leur avoir
conté l'hiſtoire de ce qu'il
venoit de luy arriver , par
quel haſard elles ſe trouvoient
ſi loin du lieu où il
les avoit laiſſées. Apeine ,
luy dit Pelagie , nous vous
May 1714. F
66 MERCURE
avons perdu de veuë , que le
Comte Pioski eſt venu s'affeoir
à coſté de moy , aux
dépens d'un jeune homme
timide , que ſon air brufque
& fon étalage magnifique
ont engagé à luy ceder
la place qu'il occupoit.
Ses diſcours m'ont d'abord
fi cruellement ennuyée,que
mortellement fatiguée de
les entendre ,j'ay priéMadame
de me donner le bras,
pour m'aider à me tirer des
mains de cet imprudent ; le
monde , la foulle , & les
détours m'ont derobé la
GALANT. 67
connoiſſance des pas & des
efforts que fans doute il a
faits pour nous ſuivre , &
accablée de ſommeil &
d'ennuy, je me ſuis heureuſement
ſauvée dans ce bofquet
, ſans m'aviſer ſeulement
de fonger qu'il euſt
pû nous y voir entrer ; mais
quelque peril que j'aye couru
, je ſuis bien aiſe que fon
inſolence n'ait pas plus éclaté
contre vous , que fes
deſſeins contre moy , & je
vous demande en grace de
prévenir ſagement , & par
les voyesde ladouceur,tou-
tes les ſuites facheuſes que
ſon deſeſpoir & voſtre demeſlé
pourroient avoir. Il
n'y a plus maintenant rien
à craindre , il fait grand
jour , le chemin de Verſailles
à Paris eſt plein de monde
, & vous avez icy un
grand nombre de vos amis ,
ainſi nous pouvons retourner
à la ville fans danger.
Le cavalier promit à la
belle Pelagie de luy tenir
tout ce qu'elle voulut exiger
de ſes promeſſes , & fes
conditions acceptées , illamena
juſqu'à fon carroffe,
GALANT
69
où il prit ſa place , pendant
que quatre de ſes amis ſe
diſpoſerent à le ſuivre dans
le leur.
1
Il n'eut pas plutoſt remis
les Dames chez elles , &
quitté ſes amis , qu'en entrant
chez luy , un gentila
homme luy fie preſent du
billet que voicy.
Les plus heureux Amants
ceſſeroient de l'estre autant qu'ils
ſe l'imaginent , s'ils ne rencon
troient jamais d'obstacle à leur
bonheur je m'intereſſe affez au
voſtre , pour vousyfaire trouver
des difficultez qui ne vous
70
MERCURE
establiront une felicitéparfaite,
qu'aux prix de tout lefangde
Pioski. Le Gentilhomme que
je vous envoye vous expliquera
le reſte de mes intentions.
naypas
Affoyez-vous donc, Monſieur
, luy dit froidement le
cavalier françois ,& prenez
la peine de m'apprendre les
intentions de Monfieur le
Comte Pioski . Je n'ay
beſoin de ſiege , Monfieur ,
luy répondit ſur le meſme
ton , le gentilhomme Polonois
, & je n'ay que deux
mots à vous dire. Vous eſtes
l'heureux rival de Monfieur
GALANT.
le Comte qui n'eſt pas encore
accouſtumé à de telles
préferences , il eſt ſi jaloux
qu'il veut vous tuer , & que
je le veux auſſi , il vous attend
maintenant derriere
l'Obſervatoire ; ainſi prenez
, s'il vous plaiſt , un ſecond
comme moy , qui ait
aſſez de vigueur pour m'amuſer
, pendant que vous
aurez l'honneur de vous és
ggoorrggeerreennſſeemmbbllee.
Je ne ſçay ſi le françois ſe
ſouvint, ou ne ſe ſouvint pas
alors de tout ce qu'il avoit
promis à ſa maiſtreſſe , mais
72 MERCURE
voicy à bon compte lecas
qu'il en fit.
Il appella ſon valet de
chambre , qui estoit un
grand garçon de bonne vo
lonté , il luy demanda s'il
vouloit eſtre de la partie ,
ce qu'il accepta en riant,
Aufſi - toft il dit au gentilhomme,
Monfieur leComte
eſt genereux , vous eſtes
brave, voicy voſtre homme,
& je ſuis le ſien Mais Monfieur
eft- il noble , reprit le
gentilhomme. Le valet de
chambre , Eſpagnol de nation,
piqué de cette demande
GALANT .
73
de, luy répondit fierement
ſur le champ , & en ſon langage
, avec une ſaillie romaneſque
, Quienes tu hombre
? voto a San Juan. Viejo
Chriftiano estoy , hombre blanco
,y noble como el Rey Ce que
ſon maiſtre naiſtre expliqua au Polonois
en ces termes . Il
vous demande qui vous eftes
vous mesme , & il vous
jure qu'il eſt vieux Chreftien
,homme blanc , & noble
comme le Roy. Soit ,
reprit le gentilhomme,marchons.
Ces trois braves furent
ainſi grand train au
May 1714. G
74 MERCURE
rendez vous , où ils trouverent
le Comte qui commençoit
à s'ennuyer. Aprés
le falut accouſtumé , ils mirent
tous quatre l'épée àla
main. Pioski fit en vain des
merveilles , il avoit desja
perdu beaucoup de fang ,
lang,
lorſqu'heureuſement ſon épée
ſe caſſa; le gentilhomme
fut le plus maltraité,l'Ef
pagnol ſe battit comme un
lion ,& le combat finit.
Cependant le Comte
Pioski, qui , à ces violences
prés , eftoit entout un
homme fort raiſonnable ,
GALANT. 75
eut tant de regret des extravagances
que cette derniere
paffion venoit de luy
faire faire , que la pieté étouffant
dans ſon coeur tous
les interêts du monde , il
fut s'enfermer pour le reſte
de ſa vie dans la retraitte
la plus fameuſe qui ſoit en
France , & la plus connuë
par l'auſterité de ſes maximes.
Le Cavalier françois
foupira encore quelques
temps , & enfin il devint
l'heureux & digne Epoux
d'une des plus charmantes
femmes du monde.
Gij
76 MERCURE
4
Les mariages font une fi
grande époque dans les
hiſtoires , que c'eſt ordinairement
l'endroit par où
tous les Romans finiſſent ;
mais il n'en eſt pas de meſme
icy , & il ſemble juftement
qu'ils ne ſervent à
Madame Belzeſca que de
degrés à la fortune , où ſon
bonheur & ſes vertus l'ont
amenée . Tout ce qui luy
arrive dans un engagement
qui établit communément
, ou qui doit du
moins establir pour les autres
femmes , une ſigrande
GALANT. 77
tranquilité , qu'on diroit
que l'hymen n'eſt propre ,
qu'à faire oublier juſqu'à
leur nom , eſt au contraire
pour celle cy , la baze de
ſes avantures. L'eſtalage de
ſes charmes , & le bruit de
ſabeauté ne ſont point enſevelis
dans les embraffemens
d'un eſpoux : heureuſe
maiſtreſſe d'un mary
tendre & complaiſant , &
moins eſpouſe qu'amante
infiniment aimée , comme
ſi tous les incidens du monde
ne ſe raſſembloient que
pour contribuer à luy faire
Gij
78 MERCURE
des jours heureux , innocement
& naturellement
attachée à ſes devoirs , l'amour
enchainé , à ſa fuite
ne prend pour ferrer tous
les noeuds qui l'uniſſent à
ſon eſpoux , que les formes
les plus aimables , & les
douceurs du mariage ne ſe
maſquent point pour elle
ſous les traits d'un mary.
Enfin elle joüit pendant
neuf ou dix ans , au milieu
du monde , & de ſes adorateurs
, du repos le plus
doux que l'amour ait jamais
accordé aux plus heureux
GALAN 79
Amants ; mais la mort jalouſe
de ſa fecilité luy ra
vit impitoyablement le plus
cher objet de ſa tendreſſe:
que de cris ! que de ge.
miſſements ! que de larmes
! cependant tant de
mains ſe préſentent pour
efluyer ſes pleurs , que , le
temps ,la raiſon , & la néceſſité,
aprés avoir multiplié
ſes reflexions
nent enfin au ſecours de ſa
,
viendouleur
; mais il ne luy reſte
d'un eſpoux fi regretté ,
qu'une aimable fille , que la
mort la menace encore de
(
G iiij
80 MERCURE
luy ravir , ſur le tombeaude
fon pere. Que de nouvel.
les allarmes ! que de mortelles
frayeurs ? elle tombe
dans un eſtat de langueur
qui fait preſque deſeſperer
de ſa vie. Il n'eſt point de
ſaints qu'on n'invoque ,
point de voeux qu'on ne faf
ſe, elle en fait elle-meſme
pour fon enfant , & promet
enfin de porter un tableau
magnifique à Noftre-
Dame de Lorette ſi ſa
fille en réchappe. A l'inftant,
ſoit qu'un ſuccés favo
rable recompenfat ſon zele
GALANT. 81
&fa piete , ou qu'il fur
temps que les remedes operaſſent
à la fin plus effica
cement qu'ils n'avoient fait
encore , ſa maladie diminua
preſque à veuë d'oeil ,
en tros jours l'enfant fut
hors de danger , & au bout
de neufentierement guery.
Elle reſtaencore , en attendant
le retour du printemps
, prés de fix mois à
Paris , pendant lesquels elle
s'arrangea pour l'execution
de ſon voeu. Ce temps expiré
, accompagnée de ſon
fils & de ſa fille , d'une Da82
1 MERCURE
me de ſes amis , de deux
femmes de chambre , de
deux Cavaliers , & de quatre
valets , elle prit la route de
Lyon , d'où aprés avoir
paffé Grenoble , le mont
du l'An, Briançon , le mont
Geneve & Suze , elle ſe rendit
à Turin , où elle ſéjourna
trois ſemaines avec ſa
compagnie qui ſe déffit
comme elle de tout ſon équipage,
dans cette Ville,
pour s'embarquer ſur le Po.
Elle vit en paſſant les Villes
de Cazal du Montferrat
,
d'Alexandrie , le Texin qui
GALANT. 83
1
,
paſſe à Pavie , Plaiſance ,
+ Cremone , Ferrare , & enfin
elle entra de nuit à Venife
avec la marée. Elle
deſcendit à une Auberge
moitié Allemande , &moitié
Françoiſe , & dont
l'enſeigne d'un coſté , ſur
le grand Canal , reprefente
les armes de France , &
de l'autre , fur la Place de
ES. Marc , les armes de l'Empire.
Elle reçut le lende
main à ſa toilette , comme
cela ſe pratique ordinairement
à Veniſe , avec tous
les Estrangers confidera
,
S
१
84 MERCURE
,
bles , des compliments en
proſe & en vers imprimez
à ſa loüange , fon amie
& les Cavaliers de ſa compagnie
en eurent auſſi leur
part. Ces galanteries couftent
communément , & au
moins quelques Ducats à
ceux à qui on les fait. Le
ſecond jour elle fut avec
tout fon monde ſaluer Mr
l'Ambaſſadeur qui fut
d'autant plus charmé du
plaifir de voir une ſi aimable
femme , que , quoy que
Venife ſoit une Ville , où
lesbeautez ne ſont pas car
,
GALANT. 85
Π
S
res , il n'y en avoit pas encore
vû une , faite comme
- celle dont il recevoit la viſite.
La bonne chere , les,
Spectacles , les promena-
✓ des ſur la mer& ſur la coſte,
avec le Jeu, furent les plaifirs
dont il la regala , pen-
↓ dant les quinzejours qu'elle
y reſta. Il luy fitvoir dans ſa
Gondole , la pompeuſeCeremonie
du Bucentaure qui
ſe celebre tous les ans dans
cette Ville le jour de l'Afcenfion
, avec toute la magnificence
imaginable.
Je nedoute pas que bien
3
86 MERCURE
des gens neſcachent à peu
prés ce que c'eſt que cette
feſte; mais j'auray occafion
dans une autre hiſtoire d'en
faire une deſcription meſlée
de circonstances ſi agreables
que la varieté des évenemensque
je raconteray,
pourra intereſſer mes lecteurs
au recit d'une ceremonie
dont il ignore peuteſtre
les détails.
Enfin noſtre belle veuve
prit congé de Mr l'Ambaffadeur
, & le lendemain elle
s'embarqua ſur un petit baſtiment
, qui en trois jours
GALANT. 87
لا
}}
la rendit à Lorette , où elle
accomplit avec beaucoup
de zele & de religion , le
voeu qu'elle avoit fait à Pa-
1ris. Après avoir pieuſement
fatisfait à ce devoir indifpenſable
, dégouſtée des perils
, & ennuyée des fatigues
de la mer , elle refolut
de traverſer toute l'Italie
par terre , avant de retourner
en France .
!
Il n'y avoit pas fi loin de
Lorette à Rome pour n'y
pas faire untour,& je croy
a que pour tous les voyageurs,
cinquante lieuës plus ou
88 MERCURE
moins , ne ſont qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de
voir cette capitale du mõde.
- Il faiſoit alors ſi chaud ,
qu'il eſtoit fort difficile de
faire beaucoup de chemin
par jour ; mais lorſqu'on eſt
en bonne compagnie , &
de belle humeur , rien n'ennuye
moins que les ſéjours
charmants qu'ontrouve en
Italie.
Je ne prétens pas en faire
icy un brillant tableau,pour
enchanter mes lecteurs de
la beauté de ce climat ; tant
de voyageurs en ont parlé ;
Miffon
GALANT. 89
1
Miſſon l'a ſi bien épluché,
&cette terre eſt ſi fertile
en avantures , que les hiftoires
galantes que j'en raconteray
dorenavant ſuffiront
pour inſtruire d'une
maniere peut- eftre plus agreable
que celle dont ſe
ſont ſervis les écrivains qui
en ont fait d'amples relations
, ceux qui ſe conten
teront du Mercure pour
connoiſtre aſſez particuliement
les moeurs & le plan
de ce pays . Ainſi je renonceray
pour aujourd'huy au
détail des lieux que noftre
May 1714.
H
90 MERCURE
belle veuve vit , avant d'entrer
à Rome , parce que non
ſeulement il ne luy arriva
rien fur cette route qui puifſe
rendre intereſſants les cir
conſtances de ce voyage ,
mais encore parce que je ne
veux pas faire le geographe
malà propos . Le Capitole ,
le Vatican , le Chaſteau S.
Ange , le Colizée , la Place
dEſpagne, la Place Navonne
, l'Eglife S. Pierre , le
Pantheon , les Vignes , &
enfin tous les monuments
des Anciens , & les magnifiques
ouvrages des Moder
GALANT. 91
nes,dont cette ville eſt enrichie,
n'étalérent à ſes yeux
que ce que les voyageurs
lesplus indifferents peuvent
avoirveu comme elle ; mais
lorſque jetraitteray, comme
je l'ay dit,des incidens amufants
& raifonnables que
j'ay , pour y promener mes
lecteurs , j'eſpere que leur
curioſité ſatisfaite alors , les
dédommagera fuffifamment
de la remiſe & des
frais de leur voyage...
La conduite que tint à
Rome cette charmante veuve
, fut tres eſloignée de cel- :
Hij
92 MERCURE
le que nos Dames françoi
ſes y tiennent , lorſqu'avec
des graces moindres que les
fiennes , elles ſe promettent
d'y faire valoir juſqu'à leur
plus indifferent coup d'oeil.
Celle cy parcourut les Egliſes
,les Palais , les Places
& les Vignes en femme qui
ne veut plus d'avantures ;
mais elle comptoit fans for
hoſte, & l'amourn'avoit pas
figné le traité de l'arrangement
qu'elle s'eſtoit fait.
Ungentilhomme Italien
dela ſuite de l'Ambaſſadeur
de l'Empereur , qui avoir
GALANT. 93
veu par hafard une fois à la
Vigne Farneze , le viſage
admirable de noftre belle
veuve , fur ſi ſurpris de l'é
elat de tant de charmes ,
qu'il reſtacomme immobi
le , uniquement occupé dư
foin de la regarder. Elle
s'apperceut auffi- toft de fon
eſtonnement ; mais dans
Finſtant ſon voile qu'elle
laiſſa tomber, luy déroba la
veuë de cet objet de fon admiration.
L'Italien , loin de
fe rebuter de cet inconvenient
, réſolut de l'exami
ner juſqu'à ce qu'il ſceuſt ſa
94 MERCURE
ruë , fa demeure , ſon pays ,
fes deſſeins , & fon nom.
Dés qu'il ſe fut ſuffiſamment
inſtruit de tout ce
qu'il voulut apprendre ;
aprés avoir paffé& repaffé
cent fois devant ſa maiſon ,
ſans qu'on payaſt ſes ſoins
de la moindre courtoiſie,&
pleinement convaincu qu'il
n'y avoit auprés de cette
belle veuve , nulle bonne
fortune à eſperer pour luy ,
il conclut qu'il pouvoit regaler
Monfieur l'Ambaſſadeur
du merite de ſa découverte.
A
GALANT.951
En effet un jour que l'Ambaſſadeur
de Pologne difnoit
chez ſon maiſtre , voyant
vers la fin du repas,que
la compagnie entroit en
belle humeur , & que la
- converſation rouloit de
bonne grace ſur le chapitre
- des femmes ; Meſſieurs , dit-
- il , quelques ſentimens
qu'elles vous ayent fait
prendre pour elles , je ſuis
ſeur , que ſans vous embar-
-raſſer de vouloir connoiſtre
leurs coeurs plutoſt que
leurs perſonnes,vous renonceriez
à toutes les précau
96 MERCURE
tions du monde , ſi vous
aviez vû , une ſeule fois ,
une Dame que je n'ay vûë
qu'un inſtant. Je me promenois
, ily a quinze jours
àla Vigne Farneze , elle s'y
promenoit auſſi ; mais je
vous avoue que je fus ſaiſi
d'étonnement,en la voyant,
& que je luy trouvay cant
de charmes , un ſi grand
air ,& un ſi beau viſage
que je jurerois volontiers ,
quoy que cette Ville fourmille
en beautés , qu'il n'y
a rienà Rome qui ſoit beau
comme elle. Ces Miniſtres
1
Eſtrangers
GALANT. 97
5
Eſtrangers s'échaufférent
ſur le recit du Gentilhomme
Italien , celuy de Pologne
ſur tout , ſentitun mou.
vement de curioſité fi
prompt , qu'il luy demanda
d'un air empreſſé , s'il n'a
voit pas eſté tenté de ſur
vre une ſibelle femme ,&
s'il ne sçavoit pas où elle
demeuroit. Ouy, Monfieur,
luy répondit- il , je ſçay ſon
nom , ſa demeure & les
motifs de ſon voyage à
Rome, mais je n'en ſuis
pas plus avancé pour cela ,
&je croy au contraire que
May 1714.
I
98 MERCURE
mes empreſſements l'ont
tellement inquiétée, qu'elle
ne paroiſt plus aux Eglifes ,
ny aux promenades , de
puis qu'elle s'eſt apperçuë
du ſoin que je prenois d'éxaminer
ſes démarches .
Voila une fiere beauté , dit
l'Ambafladeur de l'Empereur
, & addreſſant la parole
en riant à celuy de Pologne
, Monfieur , continuast-
il , n'ayons pas le démentide
cette découverte ,
& connoiffons à quelque
prix que ce ſoit , cette belle THEQUE DEL
BIBLI
< YON
EVILL
1893*
J'y confens reTHEQUE
DA
5,
20
LY
GALANTE
18
E
VILL
prit l'autre , férieuſent
& je ſuis fort trompé fi
dans peu de jours , je ne
vous en dis des nouvelles.
Ils auroient volontiers
bû desja à la ſanté de l'inconnue
, ſi , une Eminence
qu'on venoit d'annoncer ,
ne les avoit pas arrachez de
la table , où le vin & l'amour
commençoient
à les 0
mettre en train de dire de
de
belles choses .
e Le Gentilhomme qui
ue avoit ſi à propos mis la belle
Veuve ſur le tapis , fut au
devant du Cardinal , que
I ij
100 MERCURE
fon Maiſtre fut recevoir
juſqu'au pprreemmiieerr degré de
fon Eſcalier , & en meſme
tems il reconduifit l'Ambas
ſadeur de Pologne juſqu'à
fon Carrofle. Ce Miniſtrele
questionnaſi bien , chemin
faiſant , qu'il retourna chez
luy , parfaitement inftruit
de tout ce qu'il vouloit ſcavor.
Des qu'il fut à fon
Appartement , il appella un
Valet de chambre , à qui il
avoit ſouvent fait de pareilles
confidences & aprés
luy avoir avoüé qu'il eſtoit
desja , fur un ſimple recit ,
GALANT. 101
1
:
1
éperduëment amoureux
d'un objet qu'il n'avoit jamais
vû , il luy demanda
s'il croyoit pouvoir l'aider
de ſes conſeils de fon zele
& de ſa difcretion , dans
Tembarras où il ſe trouvoit.
Je feray , luy dit le Valet
de chambre tout ce
qu'il vous plaira ; mma.is puifque
vous me permettez de
vous donner des confeils ,
je vous avoüeray franche-
FL
د
ment , que je pennſiee que
le
portrait que vous me faites,
de la conduitte ſage & retirée
que tient la perſonne
Inj 1
102 MERCURE
dont vous me parlez , eft
fouvent le voile dont Te
fervent les plus grandes
avanturieres , pour attrapper
de meilleures dupes. Ta
pénétration eſt inutile icy ,
luy répondit l'Ambaffadeur
: tu ſçais desja ſon nom
& ſa maiſon , informe toy
ſeulement fi ce qu'on m'en
adit eft véritable ; nous
verrons aprés cela le parti
que nous aurons à prendre .
Le Confident ſe met en
campagne , il louë une
chambre dans le voiſinage
de la belle Veuveil fait
>
GALANT. 103
1
1
0
e
it
connoiſſance avec un de ſes
domeſtiques , qui le met
en liaiſon avec la femme
de chambre de la Dame
qu'il veut connoiſtre : enfin
il la voit , & il apprend
qu'elle va tous les jours à
la meſſe , entre ſept & huit
heures du matin , à l'Eglife
de ſainte Cecile. Il avertit
auffi toſt ſon Maiſtre de
tout ce qui ſe paſſe ; ce Miniſtre
ne manque point de
ſe rendre ſans ſuite à cette
Eglife , & de ſe placer auprés
de cette beauté qui n'a
garde de ſe meffier à pareil
I iiij
104 MERCURE
le heure , ni de fes char
mes , ni des ſoins , ni de la
dévotion du perſonnage
quiles adore. לכ
Cependant l'allarme fonne
,& le Valet de chambre
apprend avec bien de la
douleur , que la Damedont
ſon Maiſtre eſt épris , commence
à s'ennuyer à Rome,
&qu'enfin incertaine ſi elle
retournera en France par
Genes,où ſi elle repaſſerales
Alpes, elle veutabſolument
eſtre hors de l'Italie , avant
le retour de la mauvaiſe
faifon. A l'inſtant l'AmbafGALANT.
1ος
t
!
es
16
10
le
f
1
Tadeur informé , & defefperé
de cette nouvelles ſe
détermine à luy eſcrire en
tremblant , la lettre que
voicy.
N'eſtes vous venue àRome,
Madame , que pour y violer
le droit des gens ; fi les franchiſes
les Privileges des
Ambaffadeurs font icy de vostre
Domaine , pourquoy vous dé-
Domaine
goustez - vous du plaisir d'en
joüir plus long-temps ? Fapprends
que vous avez réfolu de
partir dans buit jours. Ab! fi
rienne peut rompre ou differer
ce funeste voyage, rende-z moy
106 MERCURE
donc ma liberté que vos yeux
m'ont ravie , & au milieu de
la Capitale du monde. Ne me
laiſſez pas , en me fuyant,la
malheureuſe victime de l'amour
que vous m'avez donné. Permettez
moy bien pluſtoſt de vous
offrir en ces lieux tout ce qui
dépend de moy , & en reeevant
ma premiere visite , recevez en
mesme temps , si vous avez
quclques sentiments d'humanité,
la fortune , le coeur , & la
main de
BELZESKI.
Le Valet de Chambre
fut chargé du ſoin de luy
rendre cette lettre à elle
meſme au nom de ſon Maître
, d'examiner tous les
mouvemens de fon viſage ,
&de lui demander un mot
de réponſe.
La Dame fut aſſez
émeuë à la vûë de ce billet ,
cependant elle ſe remit aifément
de ce petit embarras
, & aprés avoir regardé
d'un air qui n'avoit rien
de déſobligeant , le porteur
de la lettre , qu'elle
avoit vûë vingt fois ſans reflexion
, elle luy dit , ce
108 MERCURE
?
tour eſt ſans doute de voſtre
façon Monfieur mais
Monfieur l'Ambaſſadeur
qui vous envoye , ne vous
en ſera guere plus obligé,
quoyque vous ne l'ayez pas
mal ſervi. Attendez icy un
moment, je vais paſſer dans
mon Cabinet , & vous en
voyer la réponſe que vous
me demandez pour luy :
Auſſi-toſt elle le quitta pour
aller efcrire ces mors. S
Fe ne sçay dequoy je ſuis
coupable à vos yeux, Monfieur,
mais je sçay bien que je ne re
ponds que par bienfeance à l'hon-
>
BAGALAN 109
0
neur que vous me faites ,
aux avantages que vous me proposez
: & je prévoy que la
viſite que vous me rendrez , si
vous voulez , vous fera auffi
peu utile qu'à moy , puisque
rien ne peut changer la réfolution
que j'ay priſe de repaffer
inceſſamment en France.
Le Polonnois éperduëment
amoureux ( car il y
avoit de la fatalité pour elle,
à eſtre aimée des gens de ce
pays ) le Polonnois , dis- je ,
donna à tous les termes de
ce billet , qu'il expliqua en
ſa faveur, un tourde confo110
MERCURE
lation que la Dame n'avoit
peut- eſtre pas eu l'intention
d'y mettre; d'ailleurs il eſtoit
parfaitementbien fait , tres
grand ſeigneur , fort riche ,
&magnifique entout. Les
hommes ſe connoiſſent , il
n'y a pas tantde mal à cela.
Celui- cy ſçavoit aſſez ſe
rendrejustice , mais heureuſement
il ne s'en faifoit pas
trop à croire , quoy qu'il
ſentit tous ſes avantages.....
Vers les * vingt& une ou
vingt- deux heures , il ſe ren-
**C'eſt en eſté à peu prés vers les fix heures
du ſoir,ſelon noftre façon de compter.
GALANT. III
コ
el
dit au logis de la belle veuve
, qu'il trouva dans undeshabillé
charmant & modeſte
, mille fois plusaimable
qu'elle ne luy avoit jamais
paru .
Que vous eſtes , Madame ,
luy dit- il , transporté du
plafir de la voir , au deſſus
des hommages que je vous
rends ; mais en verité je vais
eſtre le plus malheureux des
hommes , fi vous ne vous
rendez pas vous meſme aux
offres que je vous fais Nous
nenous connonfons n'y l'un
ny l'autre , Monfieur , luy
70%
112 MERCURE
11
répondit - elle , & vous me
propoſez d'abord des chofes
dont nous ne pourrions
peut eſtre que nous repentir
tousdeux, mais entrons , s'il
vousplaît,dansun plus grád
détail,& commençons par
examiner , i la majeſté de
voſtre caractere s'accorde
bien avec les ſaillies de cette
paffion ; d'ailleurs n'eſt il
pas ordinaire , & vrayſemblable
qu'un feu ſi prompt
às'allumer, n'en eſt que plus
prompt à s'éteindre. Enfin
ſupposé que je voulutſe encorem'engager
ſous les loix
de :
GALANT. 113
1
1
del'hymen, ſur quel fondement,
àmoins queje nem'a.
veuglaſſe de l'eſpoir de vos
promeſſes, pourrois- je compter
que vous me tiendrez
dans un certain tems ce que
vous me propoſez aujourd'huy
. Ah ! Madame , reprit
ilavecchaleur, donnez
aujourd huy voſtre confentement
à mon amour , &
demain je vous donne la
main. Par quelles loix voulez
vous authoriſer des maximes
de connoiſſance &
d'habitude , ſur des ſujers où
le coeur doit décider tout
114 MERCURE
,
ſeul ; n'y a t'il point dans le
monde des mouvements de
ſympathie pour vous , comme
pour nous , & quelle
bonne raiſon peut vous dif
penſerde faire pour nous
enun jour,la moitié du chemin
que vos charmes nous
font faire en un inſtant. Je
ſuis perfuadé que vous avez
trop d'eſprit, pour regarder
mal à propos ces chimeriques
précautions , comme
des principes de vertu , &
vous eſtes trop belle pour
douter un moment de la
conſtante ardeur des feux
GALANT 115
mt
&
רש
la
גנ
que vous allumez. Cependant
ſi vos ſcrupules s'effrayent
de la vivacité de ma
propoſition,je vous demande
du moins quinze jours
de grace , avant de vous
prier de vous déterminer en
ma faveur ; & j'eſpere ( fi
vos yeux n'ont point de peine
à s'accouſtumer à me
voir pendant le temps que
j'exige de voſtre complaiſance
) que les ſentiments
de voſtre coeur ne tarderont
pas à répondre aux tendres
& fidelles intentions du
mien. Ne me preſſez pas da
Kij
116 MERCURE
vantage à preſent , Monfieur
, luy dit elle,& laiſſez
à mes reflexions la liberté
d'examiner les circonſtancesde
voſtre propofition.
Cette réponſe finit une
conteftation qui alloit inſenſiblement
devenir tres.
intereſſante pour l'un &
pour l'autre.
Monfieur l'Ambaſſadeur
ſe leva , & prit congé de la
belle veuve aprés avoir receu
d'elle la permiffion de
retourner la voir , lorſqu'il
le jugeroit à propos.
Ce miniſtre rentra chez
GALANT 117
-
luy , ravi d'avoir mis ſes affaires
en ſibon train , & le
lendemain au matin il écrivit
ce billet à cette Dame ,
dont il avoit abſolument refolu
la conqueſte.
Le temps que je vous ay don-
- né depuis hier , Madame , ne
fuffit-il pas pour vous tirer de
toutes vos incertitudes , s'il ne
ſuffit pas , je vais estre auffi indulgent
que vous estes aimable,
je veux bien pour vous efpargner
la peine de m'eſcrire vos
Sentiments , vous accorder, jufqu'à
ce soir , que j'iray appren
dre de vostre propre bouche , le
1
118 MERCURE
réſultat de vos reflexions.
Elles eſtoient desja faites
ces réflexions favorables à
T'heureux Polonois , & pendant
toute la nuit, cette belleveuve
n'avoit pû ſe refufer
la fatisfaction de convenir
en elle-meſme , qu'elle
meritoit bien le rang d'Ambaſſadrice.
Aufſfi luy fut-il
encore offert le meſme jour
avec des tranſports fi touchants&
fi vifs,qu'enfin elle
ne fit qu'une foible deffenſe
, avant de conſentir à la
propoſition de Mr l'Ambaffadeur.
En un mot toutes
GALANT. 119
!
les conventions faites & accordées
, entre elle & fon
amant,ſon voyage de France
fut rompu , & fon mariage
conclu , & celebré ſecretement
enquinze jours.
Legrandtheatredu monde
va maintenant eſtre le
champ où va paroiſtre dans
toute fon eſtenduë , l'excellence
du merite & du bon
efprit deMadame Belzeſca.
Elle reste encore preſque
inconnuë juſqu'à la declararion
de ſon hymen , qui
n'eſt pas plutoſt rendu public
, qu'elle ſe montre auſſi
120 MERCURE
4
éclairée dans les delicates
affaires de fon mary , que
fielle avoit toute la vie
eſte Ambaſſadrice,лэ тод
Les Miniſtres Eſtrangers,
les Prélats , les Eminences
tout rend hommage à fes
lumiéres. De concert aveo
fon Epoux , ſa pénerrap
tion abbrege , addoucit &
leve toutes les difficultez
de ſa commiffion : enfin
elle l'aide à ſortir de Rome
(ſous le bon plaifir de fon
Maſtre ) fatisfait & glorieux
du ſuccés de fonAm
baffade.altera teemal
هللا
GALANT. 121
Elle fut obligée pour le
bien de ſes affaires de repaſſer
en France avec ſon
mary : elle n'y ſéjourna que
trois ou quatre mois , de là
elle alla à Amſterdam , &
à la Haye , où elle s'embarqua
pour ſe rendre à Dant-
ZIK d'où elle fut à Varſovie
où elle jouit pendant
vingt-cinq ans , avec tous
les agréments imaginables,
de lagrande fortune , & de
la tendreſſe de ſon Epoux ,
qui fut enfin malheureufement
bleſſe à la Chaffe
d'un coup dont il mourut
May 1714.
L
127
MERCURE 122
quatreJours
Tavoir
apres la
Э
receu d'une façon toute
extraordinaire .
Rien n'eſt plus noble &
plus magnifique , que la
220
20
manière dont les Grands
Seigneurs vont à la Chaſſe
en Pologne. Ils menent ordinairement
avec eux , un
fi grand nombre deDomeftiques
, de Chevaux , & de
Chiens, que leur Equipage
reſſemble pluſtoſt à un gros
détachement de troupes reglées
, qu'à une compagnie
de gens aſſemblez , pour le
plaisir de faire la guerre à
GALANT. 123
+
20
وا
LEKCI }
des animaux. Cette précaution
me paroilt fort
raisonnable , & je trouve
qu'ils font parfaitement
bien de proportionner le
nombredes combatrants au
3
21091
nombre & à la fureur des
monſtres qu'ils attaquent.
Un jour enfin, Monfieur
Belzeſki , dans une de fes
redoutables Chaffes, fe laifſa
emporter par ſon cheval ,
à la pourſuite d'un des plus
fiers Sangliers qu'on cuſt
encore vû dans la Foreſt où
il chaſſoit alors. Le cheval
anime paſſa ſur le corps de
124 MERCURE
261
ce terrible animal , & s'abbatit
en meſme temps , à
quatre pas de luy. Monfieur
Belzeſki ſe dégagea, auflitoſt
adroitement des efriers
, avant que le Monf
tre l'attaquaft ; mais ils eftoient
trop prés l'un de Laura
tre & le Sanglier desia
bleffé trop furieux , pour ne
pas ſe meſurer
44
encore con-b
tre l'ennemi qui l'attendoit :
ainſi plein de rage , il voulut
ſe llaanncceerr fur luy , mais
dans le moment ſon ennemi
intrepide & prudent lui
abbattit la teſte d'un coup
GALANT.
1:5
ſi juſte , & fi vigoureux, que
fon fabre paffa entre le col
& le tronc de an
11
avec tant de viteſſe , que le
mouvement Violent avec
lequel il retira fon bras
entraîna fon 21911
corps , de ma
niere qu'un des pieds luy
manquant , il tomba à la
renverſe ; mais fi malheu
reuſement, qu'il alla ſe fen.
dre la tefte fur une pierfe
qui ſe trouva derriere luy.
Dans ce fatal inſtanttous
les autres Chaſſeurs arrivérent
, & emporterent en
pleurant , le Corps de leur
THAJAD
126 MERCURE
infortune maiſtre , qui vécu
encore quatre jours
qu'il employa à donner à
Madame Belzeſca les dernieres
& les plus fortes
preuves de ſon amour , if
la fiitt ſon heritiere univerſelle
, & enfin il mourut
adoré de ſa femme , & infiniment
regretté de tout
le monde.
il
Il y a plus de fix ans que
Madame Belzeſca pleure
ſa perte , malgré tous les
foins que les plus grands
Seigneurs , les Princes , &
mefme les Roys , ont pris
GALANT. 127
pour la conſoler. Enfin elle
eft depuis long-temps l'amie
inſéparable de Mada
infeparable
me la Palatine de ... elle a
maintenant foixante ans
paflez , & je puis affeurer
qu'elle est encore plus aimée
; & plus reſpectée ,
qu'elle ne le fut peut eftre
jamais , dans le plus grand
efclat de fa jeuneffe. On
parle meſme de la remarier
aun homme d'une fi grande
distinction
, que , ce
bruit , quelque fuite qu'il
ait eft toutccee qu'on en peut
dire de plus avantageux ,
Lin
128 MERCURE
pour faire un parfait éloge
de ſon mérite , & de fes
vertusaises
Fermer
Résumé : HISTOIRE nouvelle.
La peste à Varsovie pousse de nombreux habitants à fuir vers les campagnes. La Palatine et plusieurs dames de la haute société, dont Madame Belzesca, se réfugient à Dantzic, accueillies par le Marquis de Canop. Madame Belzesca, connue pour son charme malgré son âge avancé, a déjà eu trois maris et de nombreux amants tout en conservant une réputation irréprochable. Originaire de Touraine, elle est élevée secrètement après une prédiction d'un berger. À douze ans, elle est ramenée chez elle et devient l'objet de l'admiration locale. Pelagie, de son vrai nom, reçoit une éducation soignée à Tours et rencontre le Chevalier de Versan lors d'un sauvetage dramatique sur la Loire. Ils se marient et vivent cinq ans de bonheur avant de se séparer. Pelagie devient veuve et hérite de la fortune de son mari. Elle s'installe à Paris avec son fils et devient célèbre pour sa beauté et son charme. À Paris, Pelagie attire l'attention de nombreux nobles et étrangers, notamment pendant le séjour du roi Casimir en France. Sa maison devient un lieu de rencontre pour les personnes distinguées. Un seigneur polonais, épris de Pelagie, planifie son enlèvement mais est déjoué par le duc de... et le cavalier français, amant de Pelagie. Le comte Pioski, jaloux, tente de tuer le cavalier français lors d'un duel mais se blesse gravement et se retire dans un monastère. Madame Belzesca, veuve, traverse une période de deuil intense mais se rétablit grâce à des prières et des promesses religieuses. Elle entreprend un voyage à Lorette et visite des villes italiennes. À Rome, elle rencontre un gentilhomme italien ébloui par sa beauté mais reste réservée. L'ambassadeur polonais à Rome, épris de la veuve, la retrouve et obtient son consentement. Ils se marient secrètement et retournent en Pologne, où ils vivent heureux pendant vingt-cinq ans. L'ambassadeur est mortellement blessé lors d'une chasse au sanglier. Madame Belzesca pleure sa perte depuis plus de six ans et est devenue l'amie inséparable de Madame la Palatine. À soixante ans, elle est encore respectée et aimée, et on envisage de la remarier à un homme de grande distinction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3902
p. 128-144
MORTS.
Début :
Messire Jean Jacques de Surbechk Lieutenant General [...]
Mots clefs :
Morts, Roi, Fille, Fils, Marquis, Parlement, Lieutenant, Armées, Comte, Veuve, Conseiller, Comte, Enfants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORT SO
Meffire Jean Jacques de
Surbechk Lieutenant Ge.
neral des armées du Roy ,
Colonel d'un Regiment
Suiffe , & Chevalier de
l'Ordre Militaire de Saint
Loüis , mourut le 4. May.
Il eſtoit Suiffe & s'eſtoit attaché
au ſervice de la France
dés ſa jeuneſſe , il avoit
Epousé Marie Magdelaine
Chapelier , Soeur de feu
GALANTA 129
Claude Chapelier mort
Doyen de l'Eglife Colle
giale de S. Germain l'Au
xerrois , & fille de Henry
Chapelier Avocat General
de la Cour des Aydes , &
de Catherine Brice , il en
a laiffé pour fille Magde
laine Anne de Surbechk
marice le Fevrier 1708.
avec Charles Comte de Berenger
Colonel du Regi
ment de Bugey tué au fiége
de S. Venant le 24. Sep
tembre 1711. fils de Mr le
Comte de Guast Berenger
Lieutenant General des ar
mées du Roy.
:
130 MERCURE
Dame,Marguerite Pic
ques Veuve de , Mellire
François le Maye Confeil
ler au grandConfeil, mourut
fans enfans le 10. May,
elle efloit filled Olivier Picques
Ecuyer Secretaire, du
Roy ,& fon mary effoit
frere de Mrle Maye Confeiller
au Parlement , & fils
de François le Maye Con
ſeiller de la Cour des Aydes
, mort l'an 1677. d'u
ne Famille originaire de
Tours,
Meffire Jean Joſeph de
Montulé Conſeiller au ParGALANT.
In
lement , & Doyen de la
premiere des Requeſtes au
Palais , mourut le 10. May,
il eſtoit fils de François de
Montulé, Maire de la Ville
deNantes& Auditeur en la
Chambre des Comptes de
Bretagne,& de Marc Regnier
, & avoit pour frere
Antoine deMontulé Abbé,
mort depuis pluſieurs an
nées , & pour ſoeur Marie
Anne de Montulé mariée
Lan 1662. avec Gilles de
Boiſbaudry Seigneur de
Langan , il fut receu Con
ſeiller au Parlement de Pay
132 MERCURE
ris le 26. Juin 1671. & eſpous
fa en premiere nopce le
26. Juin 1672. Magdelaine
Charlot fille de Claude
Charlot Seigneur de Prince
Secretaire du Roy ,
d'Anne Aymeret de Ga
zeau , elle mourut fans enfans
, au mois de Juin 1674.
&il fe remaria avec Agnes
Bouvard fille de Michel
&1
06
Bouvard Seigneur de Fourqueux
Conſeiller au Parle
ment , & de Catherine
Leſné , & Soeur de Mrde
Fourqueux, Procureur Ge29b
neral de la Chambre desm
Jiey acului siдла эка
DOG GALANT5
-le.
Je
re
Comptes de ce dernier
mariage il a laiſſé pour en
fans , Auguſte Joſephide
Montulé, qui a embraſſé le
parti de l'Eglife & eft
Doyen de l'Egliſe de Beau- b
vais , & Jean Baptifte de
Montulé , reçû Conſeiller
au Parlement le 17.Mars,
3
Meſſire Estienne de laGal
ſte Mareſchal des camps &
armées du Roy , cy - devant
Lieutenant & Ayde Major
des Gardes de ſa Majesté ,
mourut le 13. May b
Dame Anne Pithou veu134
MERCURE
ve de Meffire Loüis Charles
de la Rochefoucault , Marquis
deMontendre, mourut
le 14. May. Elle estoit fille
de Pierre Pithou Conſeiller
au Parlement , & de Chreftienne
Loizel ,& mere de
Mr le Marquis de MontendreCapitaine
des Suiſſes de
feuMonſeigneur le Ducde
Berry , & de Mr le Comte
de Jarnac , voyez pour la famille
des Pithoux la genealogiequi
en eſt dreſſée dans
le Nobiliaire de Champagne
, dreſſé par ordre de Mr
de Caumartin Intendant à
GALANT.
135
-
Chaalons en 1667. pour la
genealogie de la maiſon de
laRochefoucault , l'hiſtoire
des grands Officiers de la
Couronnendalsport
Dame MargueriteMorin
Oveuve de MeſſireJean Comte
d'Eſtrées ,premier Baron
du Boulonois, Chevalier des
Ordres du Roy , Mareſchal
& Vice- Amiral de France ,
Viceroy de l'Amerique ,
Gouverneur des Ville &
Chaſteau de Nantes , &
Lieutenant general pour ſa
Majesté au Comté de Nantois,
mourutle,16. May âgée
)
٢٤٢ THAJAD
136TMERCUREM
defoixante quinze ans. Elle
eſtoit fille de Jacques Morin
Secretaire du Roy,& mai
ftre d'hostel ordinaire de fa
Majoſté,&d'Anne Yvelin ,
elle cut pour enfans Victor-
MarieComte d'Eſtrées ,
le 30.1 Novembre 1660 à
preſent Mareſchal deFrance,
Jean Abbé d'Eltrées ,
cy-devant Ambaſſadeur
Portugal, puis en Eſpagne ,
Prélat Commandeur Prélat
en
de
l'Ordre du S. Elprit , recey
le Janvier 1705 Marie-
Anne Catherine d'Eſtrées ,
mariée le 28. Novembre 1661
GALANT. 137
i à Michel François leTel
lier , Marquis de Courten
vaux , Colonel des Cent
Suiffes de la garde du Corps
du Roy; Marie Anne d'EC
trées,Religieuse à l'Aſſomption
, & Eliſabeth Roſalie
d'Eſtrées Demoiselle de
Tourpes. Voyez pour la genealogie
de la maiſon d'Eftées
l'hiſtoire des grands
Officiers de la Courone au
chapitre des Mareſchaux
de France & des grands
Maiſtres de l'artillerie.T
Meffire Jean-François de
Blanche fort , Chevalier
May 1714, 1.83 M
S MERCURE
I
Baron d'Afnois , Saligny ,
S.Germaindes Bois , &c.
Gouverneur pour le Roy de
la province & pays de Gex ,
mourut le 16. May.
! Il eſtoit fils de Roger de
Blanchefort , Baron d'Af
nois , Lieutenant Colonel
duRegiment deNavarre,&
Maref hal des camps & armées
du Roy , petit fils de
François de Blanchefort ,
Barond'Aſnois auffi Maref
chal de camp & armées du
Roy , & arriere petit fils
d'Adrien de Blanchefort
Baron d'Afnois, gentilhom,
GALANT
139
me de la chambre de Monſieur
le Duc d'Alençon ,
Gouverneur des villes de
Nevers & de faint Jean de
Lofne, meſtre de camp d'un
Regiment , & député de la
Nobleffe de Nivernois aux
Eftats generaux de Paris ,
en 1614. & de Henriette
de Salazar Dame d'Aſnois.
Pierre de Blanchefort , Baron
d'Aſnois ſon tris ayeul ,
de l'Ordre du Roy , gentilhomme
ordinaire de fa
chambre , & député de la
Nobleſſe de Nivernois &
Donziois aux Eftats gene-
Mij
140 MERCURE
de
raux de Blas l'an 1577.e
toit perit fils d'Antoine
Blanchefort ſeigneur de
Beauregard en Roliergue ,
que quelques curieux pré.
tendent eſtre frere puilné
de Jean de Blanchefort feigneur
de S. Clement ,& S.
Janurin,duquel defcendent
les Ducs de Leſdiguieres &
de Crequin Monfieur de
Blanchefort qui vient de
mourir avoit épousé le 27.
Janvier 1702. Gabrielle-
Charlotte Bruſlart , fille de
Roger de Bruflart Mar
quis de Sillery & de Puis
GALANTM 14
Geux, Chevalier des Ordres
du Roy , Lieutenant gene
ral de fes armées, Confeill
ler d'Estatordinaire d'épée,
& Ambaſſadeur extraordinaire
en Suiffe, & deClaus
de Godet Dame de Renne
ville , dont il laiſſe un fils
unique tak toopub ans
Dame Susanne Guyonne
deCoëtlogon , veuve de
meffire Philippe - GuyMarl
quis de Coëtlogon , mous
rut le 22.May. 1σινο
abDame Eleonore du Gué,
veuve de meſſire Jean du
Noucy,ſeigneur del'Epine,
142 MERCURE
&c. Maistre des Comptes ,
mourut le 23 May âgée
de 95. ans. Elle estoit fille
de Gaspard duGué ſeigneur
de Bagnol , Treforier de
France à Lyon , tante de
Dreux Loüis du Gué , mort
Conſeiller d'Estat ordinai
re , pere de Mr du Gué de
Bagnol,receuConſeiller au
Parlement en 1703. & de
Madame la Comreffe de
Tillier. La famille de Mr
du Gué eft originaire de
Moulins en Bourbonnois,
& a donné pluſieurs Maif
tres des Requeſtes & Con
GALANT.
143
feillers au Parlement , un
Préfident des Comptes &
pluſieurs Maiſtres desCompres
à Paris витали
Mre Henry de Chaban
nes Marquis de Curton
ComtedeRochefort, mou
rut le 15. May. Il avoit ef
pouſé en premieres nopces
en 1680. Françoiſe deMontezun
de Baiſemeau ; & en
ſecondes en 1709. Catherine
Gasparde d'Eſcorailles
de Rouffil , Veuve de Sebastien
de Rofmadec Marquis
de Molac , & foeur de
feüe Madame la Duchefſe
144 MERCURE
de Fontanges. Il ne laiſſe
point d'enfans de ce dernier
mariage , mais du premier
il laiſſe entr'autres enfans
Mr le Marquisde Curton
marié en 1706. avec N.
Glueu, Veuve de Jacques
de Vaſſan Seigneur de la
Tournelle , Avocat Generalde
laChambre des Com .
ptes , & Françoiſe Gabriël
de Chabannes mariée le 2.
Juiller 1696. avec Jean Paul
de Rochechouard Marquis
de Faudras , aprés la mort
elle ſe fit Religieuſe aux
Benedictines de Montargis ,
ler . Otobre. 1701 .
Meffire Jean Jacques de
Surbechk Lieutenant Ge.
neral des armées du Roy ,
Colonel d'un Regiment
Suiffe , & Chevalier de
l'Ordre Militaire de Saint
Loüis , mourut le 4. May.
Il eſtoit Suiffe & s'eſtoit attaché
au ſervice de la France
dés ſa jeuneſſe , il avoit
Epousé Marie Magdelaine
Chapelier , Soeur de feu
GALANTA 129
Claude Chapelier mort
Doyen de l'Eglife Colle
giale de S. Germain l'Au
xerrois , & fille de Henry
Chapelier Avocat General
de la Cour des Aydes , &
de Catherine Brice , il en
a laiffé pour fille Magde
laine Anne de Surbechk
marice le Fevrier 1708.
avec Charles Comte de Berenger
Colonel du Regi
ment de Bugey tué au fiége
de S. Venant le 24. Sep
tembre 1711. fils de Mr le
Comte de Guast Berenger
Lieutenant General des ar
mées du Roy.
:
130 MERCURE
Dame,Marguerite Pic
ques Veuve de , Mellire
François le Maye Confeil
ler au grandConfeil, mourut
fans enfans le 10. May,
elle efloit filled Olivier Picques
Ecuyer Secretaire, du
Roy ,& fon mary effoit
frere de Mrle Maye Confeiller
au Parlement , & fils
de François le Maye Con
ſeiller de la Cour des Aydes
, mort l'an 1677. d'u
ne Famille originaire de
Tours,
Meffire Jean Joſeph de
Montulé Conſeiller au ParGALANT.
In
lement , & Doyen de la
premiere des Requeſtes au
Palais , mourut le 10. May,
il eſtoit fils de François de
Montulé, Maire de la Ville
deNantes& Auditeur en la
Chambre des Comptes de
Bretagne,& de Marc Regnier
, & avoit pour frere
Antoine deMontulé Abbé,
mort depuis pluſieurs an
nées , & pour ſoeur Marie
Anne de Montulé mariée
Lan 1662. avec Gilles de
Boiſbaudry Seigneur de
Langan , il fut receu Con
ſeiller au Parlement de Pay
132 MERCURE
ris le 26. Juin 1671. & eſpous
fa en premiere nopce le
26. Juin 1672. Magdelaine
Charlot fille de Claude
Charlot Seigneur de Prince
Secretaire du Roy ,
d'Anne Aymeret de Ga
zeau , elle mourut fans enfans
, au mois de Juin 1674.
&il fe remaria avec Agnes
Bouvard fille de Michel
&1
06
Bouvard Seigneur de Fourqueux
Conſeiller au Parle
ment , & de Catherine
Leſné , & Soeur de Mrde
Fourqueux, Procureur Ge29b
neral de la Chambre desm
Jiey acului siдла эка
DOG GALANT5
-le.
Je
re
Comptes de ce dernier
mariage il a laiſſé pour en
fans , Auguſte Joſephide
Montulé, qui a embraſſé le
parti de l'Eglife & eft
Doyen de l'Egliſe de Beau- b
vais , & Jean Baptifte de
Montulé , reçû Conſeiller
au Parlement le 17.Mars,
3
Meſſire Estienne de laGal
ſte Mareſchal des camps &
armées du Roy , cy - devant
Lieutenant & Ayde Major
des Gardes de ſa Majesté ,
mourut le 13. May b
Dame Anne Pithou veu134
MERCURE
ve de Meffire Loüis Charles
de la Rochefoucault , Marquis
deMontendre, mourut
le 14. May. Elle estoit fille
de Pierre Pithou Conſeiller
au Parlement , & de Chreftienne
Loizel ,& mere de
Mr le Marquis de MontendreCapitaine
des Suiſſes de
feuMonſeigneur le Ducde
Berry , & de Mr le Comte
de Jarnac , voyez pour la famille
des Pithoux la genealogiequi
en eſt dreſſée dans
le Nobiliaire de Champagne
, dreſſé par ordre de Mr
de Caumartin Intendant à
GALANT.
135
-
Chaalons en 1667. pour la
genealogie de la maiſon de
laRochefoucault , l'hiſtoire
des grands Officiers de la
Couronnendalsport
Dame MargueriteMorin
Oveuve de MeſſireJean Comte
d'Eſtrées ,premier Baron
du Boulonois, Chevalier des
Ordres du Roy , Mareſchal
& Vice- Amiral de France ,
Viceroy de l'Amerique ,
Gouverneur des Ville &
Chaſteau de Nantes , &
Lieutenant general pour ſa
Majesté au Comté de Nantois,
mourutle,16. May âgée
)
٢٤٢ THAJAD
136TMERCUREM
defoixante quinze ans. Elle
eſtoit fille de Jacques Morin
Secretaire du Roy,& mai
ftre d'hostel ordinaire de fa
Majoſté,&d'Anne Yvelin ,
elle cut pour enfans Victor-
MarieComte d'Eſtrées ,
le 30.1 Novembre 1660 à
preſent Mareſchal deFrance,
Jean Abbé d'Eltrées ,
cy-devant Ambaſſadeur
Portugal, puis en Eſpagne ,
Prélat Commandeur Prélat
en
de
l'Ordre du S. Elprit , recey
le Janvier 1705 Marie-
Anne Catherine d'Eſtrées ,
mariée le 28. Novembre 1661
GALANT. 137
i à Michel François leTel
lier , Marquis de Courten
vaux , Colonel des Cent
Suiffes de la garde du Corps
du Roy; Marie Anne d'EC
trées,Religieuse à l'Aſſomption
, & Eliſabeth Roſalie
d'Eſtrées Demoiselle de
Tourpes. Voyez pour la genealogie
de la maiſon d'Eftées
l'hiſtoire des grands
Officiers de la Courone au
chapitre des Mareſchaux
de France & des grands
Maiſtres de l'artillerie.T
Meffire Jean-François de
Blanche fort , Chevalier
May 1714, 1.83 M
S MERCURE
I
Baron d'Afnois , Saligny ,
S.Germaindes Bois , &c.
Gouverneur pour le Roy de
la province & pays de Gex ,
mourut le 16. May.
! Il eſtoit fils de Roger de
Blanchefort , Baron d'Af
nois , Lieutenant Colonel
duRegiment deNavarre,&
Maref hal des camps & armées
du Roy , petit fils de
François de Blanchefort ,
Barond'Aſnois auffi Maref
chal de camp & armées du
Roy , & arriere petit fils
d'Adrien de Blanchefort
Baron d'Afnois, gentilhom,
GALANT
139
me de la chambre de Monſieur
le Duc d'Alençon ,
Gouverneur des villes de
Nevers & de faint Jean de
Lofne, meſtre de camp d'un
Regiment , & député de la
Nobleffe de Nivernois aux
Eftats generaux de Paris ,
en 1614. & de Henriette
de Salazar Dame d'Aſnois.
Pierre de Blanchefort , Baron
d'Aſnois ſon tris ayeul ,
de l'Ordre du Roy , gentilhomme
ordinaire de fa
chambre , & député de la
Nobleſſe de Nivernois &
Donziois aux Eftats gene-
Mij
140 MERCURE
de
raux de Blas l'an 1577.e
toit perit fils d'Antoine
Blanchefort ſeigneur de
Beauregard en Roliergue ,
que quelques curieux pré.
tendent eſtre frere puilné
de Jean de Blanchefort feigneur
de S. Clement ,& S.
Janurin,duquel defcendent
les Ducs de Leſdiguieres &
de Crequin Monfieur de
Blanchefort qui vient de
mourir avoit épousé le 27.
Janvier 1702. Gabrielle-
Charlotte Bruſlart , fille de
Roger de Bruflart Mar
quis de Sillery & de Puis
GALANTM 14
Geux, Chevalier des Ordres
du Roy , Lieutenant gene
ral de fes armées, Confeill
ler d'Estatordinaire d'épée,
& Ambaſſadeur extraordinaire
en Suiffe, & deClaus
de Godet Dame de Renne
ville , dont il laiſſe un fils
unique tak toopub ans
Dame Susanne Guyonne
deCoëtlogon , veuve de
meffire Philippe - GuyMarl
quis de Coëtlogon , mous
rut le 22.May. 1σινο
abDame Eleonore du Gué,
veuve de meſſire Jean du
Noucy,ſeigneur del'Epine,
142 MERCURE
&c. Maistre des Comptes ,
mourut le 23 May âgée
de 95. ans. Elle estoit fille
de Gaspard duGué ſeigneur
de Bagnol , Treforier de
France à Lyon , tante de
Dreux Loüis du Gué , mort
Conſeiller d'Estat ordinai
re , pere de Mr du Gué de
Bagnol,receuConſeiller au
Parlement en 1703. & de
Madame la Comreffe de
Tillier. La famille de Mr
du Gué eft originaire de
Moulins en Bourbonnois,
& a donné pluſieurs Maif
tres des Requeſtes & Con
GALANT.
143
feillers au Parlement , un
Préfident des Comptes &
pluſieurs Maiſtres desCompres
à Paris витали
Mre Henry de Chaban
nes Marquis de Curton
ComtedeRochefort, mou
rut le 15. May. Il avoit ef
pouſé en premieres nopces
en 1680. Françoiſe deMontezun
de Baiſemeau ; & en
ſecondes en 1709. Catherine
Gasparde d'Eſcorailles
de Rouffil , Veuve de Sebastien
de Rofmadec Marquis
de Molac , & foeur de
feüe Madame la Duchefſe
144 MERCURE
de Fontanges. Il ne laiſſe
point d'enfans de ce dernier
mariage , mais du premier
il laiſſe entr'autres enfans
Mr le Marquisde Curton
marié en 1706. avec N.
Glueu, Veuve de Jacques
de Vaſſan Seigneur de la
Tournelle , Avocat Generalde
laChambre des Com .
ptes , & Françoiſe Gabriël
de Chabannes mariée le 2.
Juiller 1696. avec Jean Paul
de Rochechouard Marquis
de Faudras , aprés la mort
elle ſe fit Religieuſe aux
Benedictines de Montargis ,
ler . Otobre. 1701 .
Fermer
Résumé : MORTS.
Le texte relate plusieurs décès et biographies de personnalités françaises du début du XVIIIe siècle. Jean Jacques de Surbechk, lieutenant général des armées du Roy, colonel d'un régiment suisse et chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis, est décédé le 4 mai. Né en Suisse, il a servi la France dès sa jeunesse et a épousé Marie Magdelaine Chapelier. Leur fille, Magdeleine Anne de Surbechk, est mariée à Charles Comte de Berenger, colonel du régiment de Bugey, tué au siège de Saint-Venant le 24 septembre 1711. Dame Marguerite Piques, veuve de Meffire François le Maye, conseiller au grand conseil, est décédée sans enfants le 10 mai. Elle était fille d'Olivier Piques, écuyer secrétaire du Roy, et son mari était frère de Mr le Maye, conseiller au Parlement. Jean Joseph de Montulé, conseiller au Parlement et doyen de la première des Requestes au Palais, est décédé le 10 mai. Fils de François de Montulé, maire de Nantes et auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne, il a laissé pour enfants Auguste Joseph de Montulé, doyen de l'Église de Beauvais, et Jean Baptiste de Montulé, conseiller au Parlement. Estienne de la Galste, maréchal des camps et armées du Roy, ancien lieutenant et aide-major des Gardes de sa Majesté, est décédé le 13 mai. Dame Anne Pithou, veuve de Meffire Loüis Charles de la Rochefoucault, marquis de Montendre, est décédée le 14 mai. Elle était fille de Pierre Pithou, conseiller au Parlement, et mère de Mr le marquis de Montendre et de Mr le comte de Jarnac. Dame Marguerite Morin, veuve de Meffire Jean Comte d'Estrées, premier baron du Boulonois, chevalier des Ordres du Roy, maréchal et vice-amiral de France, est décédée le 16 mai à l'âge de soixante-quinze ans. Elle a laissé pour enfants Victor-Marie Comte d'Estrées, maréchal de France, Jean Abbé d'Estrées, prélat commandeur de l'Ordre du Saint-Esprit, Marie-Anne Catherine d'Estrées, mariée à Michel François le Tellier, marquis de Courtenvaux, et Élisabeth Rosalie d'Estrées, demoiselle de Tourpes. Jean-François de Blanchefort, chevalier, baron d'Asnois, Saligny, Saint-Germain-des-Bois, gouverneur de la province et pays de Gex, est décédé le 16 mai. Fils de Roger de Blanchefort, baron d'Asnois, et petit-fils de François de Blanchefort, baron d'Asnois, il a épousé Gabrielle-Charlotte Bruslart, laissant un fils unique âgé de six ans. Dame Susanne Guyonne de Coëtlogon, veuve de Meffire Philippe marquis de Coëtlogon, est décédée le 22 mai. Dame Eleonore du Gué, veuve de Meffire Jean du Noucy, seigneur de l'Épine, maître des Comptes, est décédée le 23 mai à l'âge de 95 ans. Elle était fille de Gaspard du Gué, trésorier de France à Lyon, et tante de Dreux Louis du Gué, conseiller d'État ordinaire. Henry de Chabannes, marquis de Curton, comte de Rochefort, est décédé le 15 mai. Il a épousé en premières noces Françoise de Montezun de Baissemeau et en secondes noces Catherine Gasparde d'Escorailles de Rouffil, veuve de Sébastien de Rosmadec, marquis de Molac. Il a laissé plusieurs enfants de son premier mariage, dont le marquis de Curton et Françoise Gabrielle de Chabannes, mariée à Jean Paul de Rochechouard, marquis de Faudras.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3903
p. 145-148
« Puisque chaque Mercure porte le nom du mois par où [...] »
Début :
Puisque chaque Mercure porte le nom du mois par où [...]
Mots clefs :
Mois de mai, Marier, Préface, Variété
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Puisque chaque Mercure porte le nom du mois par où [...] »
Puiſque chaque Mercure
portele nomdu mois par où
il commence , je crois que ce
ſera une varieté , d'inſtruire
ceux qui ne veulent pas foüilleterdegrands
Dictionnaires ,
de l'Etimologie , du figne &
des proprietez , du mois dont
il ſe datte. Par exemple. May
eſt le cinquiéme mois de l'année,
àcompter depuis Janvier,
c'eſt le mois où le Soleil entre
dans le figne des Gemeaux,
& où les plantes Acuriffent.
* Le mois de May a toûjours
eſté eſtimé propre à faire l'Amour
, à ſe marier. Je reponds
May 1714.N
146 MERCURE
de ma chasteté dans tous les
mois de l'année. Mais dans le
mois de May, je n'en réponds
point. M. De. S. Les ſuperſtitieux
font grand cas de la roſée
de May Bien des gens
font ſcrupule de ſe marier au
mois de May , comme un
mois malheureux. Cette fuperftition
eſt venuë des Romains
qui célébroient la Fête
des Eſprits malins au mois de
May. Papias derive ce mot de
Madius , qu'on a dit dans la
baſſe Latinité , Eo quod terra
Madeat. Il y a plus d'apparence
qu'il vient de Majus.
GALANT. 147
Ce difcours fur tous les
mois me ſervira de Préface
aux nouvelles qui naiſtront
avec les jours qui les compofent.
On aura cependant la
bonté de faire attention qu'il
n'y a que trois ſemaines que
jeme fuis chargé du Mercure,
& que , quelques correfpondances
que j'aye dans les Pays
Etrangers , les bagatelles dont
mes amis m'entretiennent , ne
font pas encore dignes d'entretenir
le Public , que je prie
abſolument de me diſpenſer
de luy repeter ce qu'il aura
lû dans les Gazettes , à l'ex-
: Nij
148 MERCURE
:
ception des choſes qui doivent
eſtre indiſpenſablement
dans ce Livre. Ainſi en attendant
que mon arrangement
ſoit fait , je vais donner un
Extrait de cinq Lettres que
j'ay requës uniquement pour
moy.
portele nomdu mois par où
il commence , je crois que ce
ſera une varieté , d'inſtruire
ceux qui ne veulent pas foüilleterdegrands
Dictionnaires ,
de l'Etimologie , du figne &
des proprietez , du mois dont
il ſe datte. Par exemple. May
eſt le cinquiéme mois de l'année,
àcompter depuis Janvier,
c'eſt le mois où le Soleil entre
dans le figne des Gemeaux,
& où les plantes Acuriffent.
* Le mois de May a toûjours
eſté eſtimé propre à faire l'Amour
, à ſe marier. Je reponds
May 1714.N
146 MERCURE
de ma chasteté dans tous les
mois de l'année. Mais dans le
mois de May, je n'en réponds
point. M. De. S. Les ſuperſtitieux
font grand cas de la roſée
de May Bien des gens
font ſcrupule de ſe marier au
mois de May , comme un
mois malheureux. Cette fuperftition
eſt venuë des Romains
qui célébroient la Fête
des Eſprits malins au mois de
May. Papias derive ce mot de
Madius , qu'on a dit dans la
baſſe Latinité , Eo quod terra
Madeat. Il y a plus d'apparence
qu'il vient de Majus.
GALANT. 147
Ce difcours fur tous les
mois me ſervira de Préface
aux nouvelles qui naiſtront
avec les jours qui les compofent.
On aura cependant la
bonté de faire attention qu'il
n'y a que trois ſemaines que
jeme fuis chargé du Mercure,
& que , quelques correfpondances
que j'aye dans les Pays
Etrangers , les bagatelles dont
mes amis m'entretiennent , ne
font pas encore dignes d'entretenir
le Public , que je prie
abſolument de me diſpenſer
de luy repeter ce qu'il aura
lû dans les Gazettes , à l'ex-
: Nij
148 MERCURE
:
ception des choſes qui doivent
eſtre indiſpenſablement
dans ce Livre. Ainſi en attendant
que mon arrangement
ſoit fait , je vais donner un
Extrait de cinq Lettres que
j'ay requës uniquement pour
moy.
Fermer
Résumé : « Puisque chaque Mercure porte le nom du mois par où [...] »
Le texte évoque les particularités du mois de mai, cinquième mois de l'année, durant lequel le Soleil entre dans le signe des Gémeaux et où les plantes poussent. Mai est traditionnellement associé à l'amour et aux mariages, bien que certaines superstitions le considèrent comme malheureux. Cette croyance provient des Romains qui célébraient la fête des esprits malins en mai. L'étymologie du mot 'mai' est discutée, avec des propositions comme 'Madius' ou 'Majus'. Le texte sert de préface aux nouvelles publiées dans le Mercure, un journal. L'auteur, récemment nommé à la direction du Mercure, attend des correspondances dignes d'intérêt pour le public. En attendant, il présente un extrait de cinq lettres reçues pour son usage personnel.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3904
p. 148-150
De Madrid le 6. May.
Début :
La personne qui écrit les Nouvelles Espagnoles que je vous [...]
Mots clefs :
Madrid
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Madrid le 6. May.
DeMadrid le 6. May.
La perſonne qui écrit les
Nouvelles Eſpagnoles que je
vous ay toûjours envoyé
affez regulierement a eſté indiſpoſée
; mais cela ne l'empêchera
pas de continuer à
vous écrire,
GALANT. 149
La Cour ira au Pardo le
15.• de ce mois.
Le Pardo est une Maison du
Roy d'Espagne , à trois lieuës de
Madrid, fur le chemin de l'Efcurial.
On célébrera icy pendant
ce tems- là les Obſeques
de la Reine : on orne magnifiquement
pour cela l'Eglife
del Incarnation. On me man.
dedu Campdevant Barcelone
qu'on ne croit pas qu'on y
ouvre la tranchée devant la
fin de ce mois. On n'a point
encorede nouvelle de l'arrivéc
de Mr le Preſident Orry à
cette armée , on ſçait ſeule-
Ninj
150 MERCURE
ment qu'il partit de Valence
le 24. Avril qu'il prit le chemin
de Viñaros , & qu'il s'y
embarqua ; c'eſt tout ce que
je ſçay, & que depuis dix
jours nous avons icy un tems
froid & vilain , qui ne ſent
point du tout le mois deMay.
Don Thomas me mande de
Liſbonne que la Flote du Brefil
, compoſée de trente-deux
Vaiſſeaux, & de deux autres
deſtinez pour Goa , mit à la
voile le 12. dAvril
La perſonne qui écrit les
Nouvelles Eſpagnoles que je
vous ay toûjours envoyé
affez regulierement a eſté indiſpoſée
; mais cela ne l'empêchera
pas de continuer à
vous écrire,
GALANT. 149
La Cour ira au Pardo le
15.• de ce mois.
Le Pardo est une Maison du
Roy d'Espagne , à trois lieuës de
Madrid, fur le chemin de l'Efcurial.
On célébrera icy pendant
ce tems- là les Obſeques
de la Reine : on orne magnifiquement
pour cela l'Eglife
del Incarnation. On me man.
dedu Campdevant Barcelone
qu'on ne croit pas qu'on y
ouvre la tranchée devant la
fin de ce mois. On n'a point
encorede nouvelle de l'arrivéc
de Mr le Preſident Orry à
cette armée , on ſçait ſeule-
Ninj
150 MERCURE
ment qu'il partit de Valence
le 24. Avril qu'il prit le chemin
de Viñaros , & qu'il s'y
embarqua ; c'eſt tout ce que
je ſçay, & que depuis dix
jours nous avons icy un tems
froid & vilain , qui ne ſent
point du tout le mois deMay.
Don Thomas me mande de
Liſbonne que la Flote du Brefil
, compoſée de trente-deux
Vaiſſeaux, & de deux autres
deſtinez pour Goa , mit à la
voile le 12. dAvril
Fermer
Résumé : De Madrid le 6. May.
Le 6 mai, une lettre de Madrid informe que la personne habituellement chargée d'envoyer les Nouvelles Espagnoles a été indisposée mais continuera à écrire. La Cour se rendra au Pardo le 15 mai, une résidence royale située à trois lieues de Madrid sur le chemin de l'Escurial. Pendant cette période, les obsèques de la Reine seront célébrées, et l'église de l'Incarnation sera magnifiquement ornée. Sur le front, l'ouverture des tranchées devant Barcelone est peu probable avant la fin du mois. Aucune nouvelle n'a été reçue concernant l'arrivée de Monsieur le Président Orry à l'armée, bien qu'il soit parti de Valence le 24 avril et se soit embarqué à Viñaros. À Madrid, le temps est froid et mauvais depuis dix jours, contrairement à la saison de mai. De Lisbonne, Don Thomas rapporte que la flotte du Brésil, composée de trente-deux vaisseaux et de deux autres destinés à Goa, a pris la mer le 12 avril.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3905
p. 150-152
De Vienne le 6. May.
Début :
Le 24. le 25. & le 27. du mois dernier on célébra dans [...]
Mots clefs :
Vienne, Empereur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Vienne le 6. May.
De Vienne le 6. May.
Le 24. le 25. & le 27. du
mois dernier on célébra dans
GALANT. 151
l'Eglise des Auguſtins avec
toute la pompe imaginable,
les Obfeques du Duc Antoine
Ulric de Wolfembutel : on avoit
dreflé dans cette Eglife
un Mauſolée de foixante pieds
de hauteur , éclairé d'un nombre
infini de cierges & de
Aambeaux , & orné de tous
les coſtez de Statuës , d'Infcriptions&
d'Emblêmes. A
Le Prince François , frere
du Duc de Lorraine & de l'E .
lecteur de Treves arriva icy
le 24 il alla deſcendre au Palais
où il eſt logé.
Les Comtes de Seileru &
N iiij
152 MERCURE
deGoes, Plenipotentiaires de
l'Empereur doivent partır inceſſament
pour Bade en Suifſe
, où pluſieurs Miniſtres
font déja; cependant on dit
icy que rien ne les preſſe , s'il
eſt vray, comme on l'aſſure,
que cette aſſemblée ne s'ouvrira
qu'au premier Juin pro
chain.
On parle fort d'un voyage
de l'Empereur à Preſbourg ,
pouryterminer les affaires de
Hongrie...
Le 24. le 25. & le 27. du
mois dernier on célébra dans
GALANT. 151
l'Eglise des Auguſtins avec
toute la pompe imaginable,
les Obfeques du Duc Antoine
Ulric de Wolfembutel : on avoit
dreflé dans cette Eglife
un Mauſolée de foixante pieds
de hauteur , éclairé d'un nombre
infini de cierges & de
Aambeaux , & orné de tous
les coſtez de Statuës , d'Infcriptions&
d'Emblêmes. A
Le Prince François , frere
du Duc de Lorraine & de l'E .
lecteur de Treves arriva icy
le 24 il alla deſcendre au Palais
où il eſt logé.
Les Comtes de Seileru &
N iiij
152 MERCURE
deGoes, Plenipotentiaires de
l'Empereur doivent partır inceſſament
pour Bade en Suifſe
, où pluſieurs Miniſtres
font déja; cependant on dit
icy que rien ne les preſſe , s'il
eſt vray, comme on l'aſſure,
que cette aſſemblée ne s'ouvrira
qu'au premier Juin pro
chain.
On parle fort d'un voyage
de l'Empereur à Preſbourg ,
pouryterminer les affaires de
Hongrie...
Fermer
Résumé : De Vienne le 6. May.
Les obsèques du Duc Antoine Ulric de Wolfenbüttel ont été célébrées les 24, 25 et 27 avril à Vienne. Un mausolée de soixante pieds, éclairé et orné, a été érigé. Le Prince François est arrivé le 24 avril. Les plénipotentiaires de l'Empereur partiront bientôt pour Bade. L'assemblée s'ouvrira le 1er juin. L'Empereur pourrait se rendre à Presbourg pour les affaires de Hongrie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3906
p. 152-153
De Rome le 29. Avril.
Début :
Le 21. de ce mois le Cardinal de la Tremoüille eut une [...]
Mots clefs :
Cardinal, Rome
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Rome le 29. Avril.
De Rome le 29. Avril...
Le 21. de ce mois le Cardinal
de la Tremoüille eut une
GALANT. 153
longue audiance du Pape &
une viſite du Marquis Lucini ,
Confeiller Aulique de l'Empereur.
Le 11. Don Carlo Albani
épouſa à la Stellata du Duché
de Ferrare, DonaTerefa, fille
du Comte Boroméc.
Le Cardinal Rufo fit la cérémonie
de ce Mariage , qui
fut fuivi d'un repas magnifique
à les dépens,&d'un baffin
de vermeil doré plein de toutes
fortes de galanteries , dont
la Piramide eſtoit parée d'une
belleCroix de diamants qu'il
donna à la Mariée.
Le 21. de ce mois le Cardinal
de la Tremoüille eut une
GALANT. 153
longue audiance du Pape &
une viſite du Marquis Lucini ,
Confeiller Aulique de l'Empereur.
Le 11. Don Carlo Albani
épouſa à la Stellata du Duché
de Ferrare, DonaTerefa, fille
du Comte Boroméc.
Le Cardinal Rufo fit la cérémonie
de ce Mariage , qui
fut fuivi d'un repas magnifique
à les dépens,&d'un baffin
de vermeil doré plein de toutes
fortes de galanteries , dont
la Piramide eſtoit parée d'une
belleCroix de diamants qu'il
donna à la Mariée.
Fermer
Résumé : De Rome le 29. Avril.
Le 29 avril à Rome, plusieurs événements ont marqué le mois. Le 21 avril, le Cardinal de la Tremoüille a rencontré le Pape et le Marquis Lucini. Le 11 avril, Don Carlo Albani a épousé Dona Teresa Boroméc à Ferrare. Le Cardinal Rufo a célébré le mariage, suivi d'un repas somptueux. Un bassin en vermeil doré, orné d'une croix de diamants, a été offert à la mariée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3907
p. 154-155
De Londres le 7. May.
Début :
Dés que le Baron de Schutz, Envoyé de l'Electeur de Hanover [...]
Mots clefs :
Londres, Reine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Londres le 7. May.
De Londres le 7. May.
Dés quele Baron de Schutz ,
Envoyé de l'Electeur de Hanover
, eut reçû l'ordre de
neplus paroiſtre à la Cour , &
qu'il fut parti , la Reine fit dire
à Mr Creyenberg , Reſident
de Hanover , qu'il luy eſtoit
fort agréable , & qu'il pour
roit venir à la Cour quand il
voudroit.c
Mro de Saint Jean , frere du
Vicomte de Bullingbrock ,
Secretaire d'Etat a été nommé
Envoyé extraordinaire auprés
GALANT ISS
du Roy de Sicile.
Le 3. les Communes réfolurent
de s'unir avec les Seigneurs
, & de preſenter conjointement
une adreſſe à la
Reine , pour la remercier de
la Paix qu'elle a conclu avec
l'Eſpagne.
Dés quele Baron de Schutz ,
Envoyé de l'Electeur de Hanover
, eut reçû l'ordre de
neplus paroiſtre à la Cour , &
qu'il fut parti , la Reine fit dire
à Mr Creyenberg , Reſident
de Hanover , qu'il luy eſtoit
fort agréable , & qu'il pour
roit venir à la Cour quand il
voudroit.c
Mro de Saint Jean , frere du
Vicomte de Bullingbrock ,
Secretaire d'Etat a été nommé
Envoyé extraordinaire auprés
GALANT ISS
du Roy de Sicile.
Le 3. les Communes réfolurent
de s'unir avec les Seigneurs
, & de preſenter conjointement
une adreſſe à la
Reine , pour la remercier de
la Paix qu'elle a conclu avec
l'Eſpagne.
Fermer
Résumé : De Londres le 7. May.
Le 7 mai, le Baron de Schutz, envoyé de l'Électeur de Hanovre, quitta Londres sur ordre. La Reine invita Monsieur Creyenberg, résident de Hanovre, à la cour. Monsieur de Saint Jean fut nommé Envoyé extraordinaire auprès du Roi de Sicile. Le 3 mai, les Communes et les Seigneurs remercièrent la Reine pour la paix avec l'Espagne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3908
p. 155-158
De Hambourg le 9. May.
Début :
Je suis fort allarmé des Lettres que je reçois de Dantzik [...]
Mots clefs :
Roi, Troupes, Pologne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Hambourg le 9. May.
De Hambourg le 9. May.
i Je ſuis fort allarmé des
Lettres que je reçois deDantzık
. On me mande qu'on a
publié à Varſovie des deffenſes
tres vigoureuſes de laiſſer
deſcendre du coſté de cette
156 MERCURE
Ville aucune Barque chargée
de grains , fans un paſſeport
du Roy ou du General Janus,
parce que la recolte de l'année
derniere a eſté ſi mauvaiſe,
&celle de cette année eſt
gaſtée par les inondations &
Ics pluyes continuelles , qu'on
apprehende une famine effective.
P
Les Troupes Saxones qui
eſtoient dans le territoire de
Dantzak en font enfin parties
aprés avoir exigé des contributions
pour leur ſubſiſtance,
elles ont paffé, la Viſtule &
continué leur route vers la
Podlaquie.
GALANT. 157
On a appris d'un Officier
Tartare qui avoit des Lettres
du Kan pour le Roy de Pologne
& pour le grand General
, que le Roy de Suede étoit
encore à Demir Toca , & que
le Palatin de Kiovie eſtoit
allé trouver le Kan à Kilia
pour prendre congé de luy ,
& retourner auſſi- toſt en
Pologne.
Les Troupes Danoiſes qui
gardoient les paſſages du côté
de Holſtein ne font pas
encore parties des environs de
cette Ville.
Le Duc de Hanover a fait
158 MERCURE
declarer par une Ordonnance
publique qu'il prétendoit
que les paſſages de ſon Pays
fuffent fermez , juſqu'aprés
les grandes chaleurs , & que
les Voyageurs n'entraſſent
dans ſes Etats , qu'aprés au
moins cinq jours de quaranraine.
i Je ſuis fort allarmé des
Lettres que je reçois deDantzık
. On me mande qu'on a
publié à Varſovie des deffenſes
tres vigoureuſes de laiſſer
deſcendre du coſté de cette
156 MERCURE
Ville aucune Barque chargée
de grains , fans un paſſeport
du Roy ou du General Janus,
parce que la recolte de l'année
derniere a eſté ſi mauvaiſe,
&celle de cette année eſt
gaſtée par les inondations &
Ics pluyes continuelles , qu'on
apprehende une famine effective.
P
Les Troupes Saxones qui
eſtoient dans le territoire de
Dantzak en font enfin parties
aprés avoir exigé des contributions
pour leur ſubſiſtance,
elles ont paffé, la Viſtule &
continué leur route vers la
Podlaquie.
GALANT. 157
On a appris d'un Officier
Tartare qui avoit des Lettres
du Kan pour le Roy de Pologne
& pour le grand General
, que le Roy de Suede étoit
encore à Demir Toca , & que
le Palatin de Kiovie eſtoit
allé trouver le Kan à Kilia
pour prendre congé de luy ,
& retourner auſſi- toſt en
Pologne.
Les Troupes Danoiſes qui
gardoient les paſſages du côté
de Holſtein ne font pas
encore parties des environs de
cette Ville.
Le Duc de Hanover a fait
158 MERCURE
declarer par une Ordonnance
publique qu'il prétendoit
que les paſſages de ſon Pays
fuffent fermez , juſqu'aprés
les grandes chaleurs , & que
les Voyageurs n'entraſſent
dans ſes Etats , qu'aprés au
moins cinq jours de quaranraine.
Fermer
Résumé : De Hambourg le 9. May.
Le 9 mai, un texte de Hambourg exprime une vive inquiétude concernant la situation à Dantzig. À Varsovie, des défenses interdisent le transport de grains sans passeport royal ou du général Janus en raison de mauvaises récoltes et de dégâts causés par des inondations et des pluies continues, menaçant une famine. Les troupes saxonnes, après avoir exigé des contributions, ont traversé la Vistule et se dirigent vers la Podlachie. Un officier tartare a rapporté que le roi de Suède se trouvait à Demir Toca et que le palatin de Kiev avait rencontré le Kan à Kilia avant de retourner en Pologne. Les troupes danoises surveillent toujours les passages du côté du Holstein. De plus, le duc de Hanovre a ordonné la fermeture des passages de son pays jusqu'après les grandes chaleurs et imposé une quarantaine de cinq jours pour les voyageurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3909
p. 158-161
De Paris le 23. May.
Début :
Le 10. de ce mois Mr le Nonce du Pape & Mr le Bailly [...]
Mots clefs :
Eau bénite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Paris le 23. May.
DeParis le 23. May.
رارمت
Le to. de ce mois Mr le
Nonce du Pape & Mrle Bailly
de la Vieville , Ambaſſadeur
de Malte furent avec toutes
les cérémonies uſitées , pour
GALANT. 159
i
Acs perfonnes de leur caractere,
jetter de l'eau - benite fur
le Corps de Monſeigneur le
Due de Berry , & ils furent
reconduits comme on les avoit
reçûs .
Le 11. le Parlement , le
Premier Prefident à la teſte ,
laChambre des Comptes , la
Cour des Aides , la Cour des
Monnoyes & l'Univerſité allerent
jetter de l'eau -benite.
Le 12. leGrandConfeil y
alla , ainſi que pluſieurs Communautez.
Le 16. le Corps de feu
Monſeigneur le Duc de Ber160
MERCURE
e
ry aprés avoir reçû tous les
triſtes honneurs dans le Palais
des Thuilleries , où il avoit été
expofé , fut transferé à S.
Denis , ſur un Char funebre
avec toute la pompe convenable.
La Gazette a parlé ſi amplement
de cette mort , que
je n'en ſçaurois parler davantage.
F. Theodore de Refuge ,
Bailly& grand Croix de l'Ordre
de S. Jean de Jerufalem ,
Commandeur de Laon , mourut
le 4.
J'entreray davantage dans
Ic
GALANT. 161
le détail des familles , lorſque
j'auraydes connoiffances , ou
des Livres , mais je n'ay à
preſent ny l'un ny l'autre.
Je ne ſçais pas bien ſi c'eſt
icy la placed'une piece d'Erudition
, cependant on a cu la
bonté de m'en apporter une ,
que je donne , lans en connoiſtre
ny le merite ny l'Auteur.
Je laiſſe aux Sçavans le
ſoin d'en juger.
رارمت
Le to. de ce mois Mr le
Nonce du Pape & Mrle Bailly
de la Vieville , Ambaſſadeur
de Malte furent avec toutes
les cérémonies uſitées , pour
GALANT. 159
i
Acs perfonnes de leur caractere,
jetter de l'eau - benite fur
le Corps de Monſeigneur le
Due de Berry , & ils furent
reconduits comme on les avoit
reçûs .
Le 11. le Parlement , le
Premier Prefident à la teſte ,
laChambre des Comptes , la
Cour des Aides , la Cour des
Monnoyes & l'Univerſité allerent
jetter de l'eau -benite.
Le 12. leGrandConfeil y
alla , ainſi que pluſieurs Communautez.
Le 16. le Corps de feu
Monſeigneur le Duc de Ber160
MERCURE
e
ry aprés avoir reçû tous les
triſtes honneurs dans le Palais
des Thuilleries , où il avoit été
expofé , fut transferé à S.
Denis , ſur un Char funebre
avec toute la pompe convenable.
La Gazette a parlé ſi amplement
de cette mort , que
je n'en ſçaurois parler davantage.
F. Theodore de Refuge ,
Bailly& grand Croix de l'Ordre
de S. Jean de Jerufalem ,
Commandeur de Laon , mourut
le 4.
J'entreray davantage dans
Ic
GALANT. 161
le détail des familles , lorſque
j'auraydes connoiffances , ou
des Livres , mais je n'ay à
preſent ny l'un ny l'autre.
Je ne ſçais pas bien ſi c'eſt
icy la placed'une piece d'Erudition
, cependant on a cu la
bonté de m'en apporter une ,
que je donne , lans en connoiſtre
ny le merite ny l'Auteur.
Je laiſſe aux Sçavans le
ſoin d'en juger.
Fermer
Résumé : De Paris le 23. May.
Le 23 mai à Paris, plusieurs personnalités ont rendu hommage au duc de Berry. Les 11 et 12 mai, diverses institutions, dont le Parlement, la Chambre des Comptes, la Cour des Aides, la Cour des Monnoyes et l'Université, ainsi que le Grand Conseil et plusieurs communautés, ont jeté de l'eau bénite sur le corps du duc. Le 20 mai, le nonce du Pape et l'ambassadeur de Malte ont également accompli cette cérémonie. Le 16 mai, le corps du duc a été transféré à Saint-Denis sur un char funèbre après avoir reçu tous les honneurs au Palais des Tuileries. La Gazette a largement couvert cet événement. Par ailleurs, F. Theodore de Refuge, Bailly et grand Croix de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Commandeur de Laon, est décédé le 4 mai. L'auteur prévoit de fournir plus de détails sur les familles lorsqu'il disposera des connaissances ou des livres nécessaires. Il présente également une pièce d'érudition dont il ignore l'auteur et la valeur, laissant aux savants le soin d'en juger.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3910
p. 162-173
DES ECUMES Printanieres par P***
Début :
On voit naistre au Printems certaines écumes blanches qui s'attachent [...]
Mots clefs :
Écumes, Plantes, Sauterelles, Printemps, Naturalistes, Membrane, Écumes printanières
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DES ECUMES Printanieres par P***
DES ECUMES
Printanieres par P ***
On voit naiſtreau Printems
certaines écumes blanches qui
s'attachent indifferemment à
toutes fortes de plantes. On
peut les appeller Printanieres ,
parce qu'elles paroiffent au
Printems , pluſtoſt ou plus
tard , felon que la ſaiſon eſt
plus ou moins avancée.
Pluſieurs Naturaliſtes ont
parlé de ces écumes ſans en
avoir connu la cauſe. Ceux
qui ont recours à la Phyſique
GALANT. 163
generale croyent que ce ſont
des vapeurs qui s'élevent de
quelques terres par la chaleur
du Printems , & vont s'attacher
aux plantes qu'elles rencontrent.
Ils apportent pour
raiſon qu'on voit quelquefois
un petit eſpacede terre dont
les plantes font parſemées de
ces écumes , &qu'enfuite on
feroit dix licues ſans en trouvec
d'autres ; ce qui fait voir
qu'il n'y a que certaines terres
propres à former ces écumes.
Ifidore de Seraille croit que ces
* écumes font des crachats, de
Coucou. Cette penſée peut
O ij
164 MERCURE
lui eſtre venuë de ce qu'elles
reſſemblent à de petits cra
chats , ou de ce qu'elles naifſent
lorſque le Coucou commence
à paroiſtre , & de ce
qu'elles diſparoiſſent environ
letems qu'il ſe retire,ou enfin
de ce qu'en volant d'un lieu
dans un autre , il fait quelque
fois un ralement avec la gorgecomme
s'il vouloit cracher.
Quelques-uns penſent que
c'eſt le ſuc des plantes qui s'extravaſe
; & Moufet dit que
c'eſt une rofée écumeule.
Swarmerdam eſt de tous les
Naturaliſtes celui qui a le
GALANT. 165
mieux connu ces écumes. H
prétend que ce font des ſauterelles
qui les font avec la
bouche. Il a cu raiſon de
dire que ce font ces petits animaux
qui les font , mais ce
n'eſt pas la bouche : ainſi il
n'en a parlé que par conjecture-
Je pourrois rapporter plufieurs
aurres penſées que l'on
a cuës fur ces écumes : mais
comme elles ſont toutes fauffes
, je ne m'y arrêteray pas
davantage. Voici comme la
choſe fepaffc.
On voit pendant l'Eté cer166
MERCURE
taines fauterelles que les Naturaliſtes
ont appellées ſauterelles
puces , à cauſe qu'elles
font fort petites , & qu'elles
fautent comme des puces.
Leurs pieds de derriere n'excedent
pas la hauteur de leur
dos, comme font ceux des aurres
ſauterelles : Ils font toûjours
pliez ſous le ventre com.
me ceux des puces , ce qui
fait qu'elles ſautent fort vite
ſans perdre de tems , parce
qu'il n'y en a point entre leurs
fauts.
J'ay déja fait remarquer
dans Ic Journal des Sçavans ,
GALANT. 167
que ces petites fauterelles ont
un aiguillon roide & fort pointu
, avec lequel elles tirent le
fuc des plantes.
Cette petite remarque eft
curicuſe , parce qu'il n'y a que
ces eſpeces de ſauterelles qui
ayent un aiguillon. Toutes
les autres qui nous ſont connuës
ont une bouche , des
levres & des dents , avec lefquelles
elles mangent les her.
bes , & même la vigne.
Vos locusta.
nemeas ledatis vites :funt enim
Lenere.
168 MERCURE
1
Nos fauterelles puces font
des oeufs d'où il fort au Printems
d'autres petites ſauterelles
, qui font envelopées pendant
quelque tems d'une fine
membrane. Cette membrane
eſt un fourreau qui a des yeux,
des pieds , des aîles & d'autres
organes , qui font les étuits
de ſemblables parties du petit
animal qu'elles renferment.
• Quand il fort de ſon oeuf,
il paroiſt comme un petit ver
blanchaſtre , qui n'eſt pas plus
-gros que la pointe d'une aiguille
, quelques jours aprés
il devient couleur de verd de
1
pré
GALANT. 169
pré , que le fuc des plantes
dont il ſe nourrit , pourroit
bien lui communiquer. Alors
il reſſemble preſque à un
petit crapaut , ou à unegrenoüille
verte qui monte ſur
les arbres , & qu'on appelle
pour cette raifon Rana arborea
; c'eſt à- dire grenoüille
d'arbre. Quoique cet infecte
ſoit envelopé d'une membrane
, il ne laiſſe pas de marcher
fort vîte & hardiment ; mais
il ne faute & ne võle point
qu'il n'ait quitté ſa pellicule.
Auſſi tott qu'il eſt ſorti de
ſon oeuf, il monte ſur une
May 1714. P
170 MERCURE
plante qu'il touche avec ſon
anus pour yattacher unegou.
telette de liqueur blanche &
toute pleine d'air . Il en met
une ſeconde auprés de la premiere,
puis une troiſieme ; &
il continuë de la forte juſqu'à
ce qu'il foit tout envelopé
d'une groſſe écume , dont il
ne fort point qu'il ne ſoit devenu
un animal parfait , c'eſtà-
dire , qu'il ne ſoit delivré de
la membrane qui l'environne.
21 Pour jetter cette écume, il
fait une eſpece diare de la
moitié de fon corps , dont le
ventre devient la convexité;
GALANT. 171
il recommence à l'inſtant un
autre arc oppofé au premier ,
c'eſt à dire que ſon ventre devient
concave de convexe qu'il
étoit. A chaque fois qu'il
fait cette doublecompreffion,
il fort une petite écume de
fon anus , à laquelle il donne
de l'étenduë en la pouſſant de
coſté & d'autre avec ſes
pieds.
J'ay mis ſur une jeune
Mente pluſieurs de ces petites
fauterelles , les feüilles ſur lef.
quelles elles firent leurs écumes
ne grandirent point , &
celles qui leur eſtoient oppo-
Pij
172 MERCURE
ſées devinrent de leur grandeur
naturelle. Cela fait voir
que ces inſectes vivent du ſuc
des plantes tandis qu'ils font
dans leurs écumes.
Quand la jeune ſauterelle
eſt parvenue à une certaine
grandeur , elle quitte ſon envelope
qu'elle laiſſe dans l'écume,
& elle ſaute dans la
Campagne.
Cette écume la garanti des
ardeurs du Soleil qui la pourroient
défecher. Elle la preſerve
encoredes araignées qui
la ſuçeroient , comme je l'ay
vû arriver quelquefois.
:
1
GALANT. 173
On dit à la Campagne que
ces écumes font un preſage
debeau tems : mais c'eſt qu'elles
n'y paroiffent que quand
le tems eſt beau, le mauvais
tems les détruit.
Printanieres par P ***
On voit naiſtreau Printems
certaines écumes blanches qui
s'attachent indifferemment à
toutes fortes de plantes. On
peut les appeller Printanieres ,
parce qu'elles paroiffent au
Printems , pluſtoſt ou plus
tard , felon que la ſaiſon eſt
plus ou moins avancée.
Pluſieurs Naturaliſtes ont
parlé de ces écumes ſans en
avoir connu la cauſe. Ceux
qui ont recours à la Phyſique
GALANT. 163
generale croyent que ce ſont
des vapeurs qui s'élevent de
quelques terres par la chaleur
du Printems , & vont s'attacher
aux plantes qu'elles rencontrent.
Ils apportent pour
raiſon qu'on voit quelquefois
un petit eſpacede terre dont
les plantes font parſemées de
ces écumes , &qu'enfuite on
feroit dix licues ſans en trouvec
d'autres ; ce qui fait voir
qu'il n'y a que certaines terres
propres à former ces écumes.
Ifidore de Seraille croit que ces
* écumes font des crachats, de
Coucou. Cette penſée peut
O ij
164 MERCURE
lui eſtre venuë de ce qu'elles
reſſemblent à de petits cra
chats , ou de ce qu'elles naifſent
lorſque le Coucou commence
à paroiſtre , & de ce
qu'elles diſparoiſſent environ
letems qu'il ſe retire,ou enfin
de ce qu'en volant d'un lieu
dans un autre , il fait quelque
fois un ralement avec la gorgecomme
s'il vouloit cracher.
Quelques-uns penſent que
c'eſt le ſuc des plantes qui s'extravaſe
; & Moufet dit que
c'eſt une rofée écumeule.
Swarmerdam eſt de tous les
Naturaliſtes celui qui a le
GALANT. 165
mieux connu ces écumes. H
prétend que ce font des ſauterelles
qui les font avec la
bouche. Il a cu raiſon de
dire que ce font ces petits animaux
qui les font , mais ce
n'eſt pas la bouche : ainſi il
n'en a parlé que par conjecture-
Je pourrois rapporter plufieurs
aurres penſées que l'on
a cuës fur ces écumes : mais
comme elles ſont toutes fauffes
, je ne m'y arrêteray pas
davantage. Voici comme la
choſe fepaffc.
On voit pendant l'Eté cer166
MERCURE
taines fauterelles que les Naturaliſtes
ont appellées ſauterelles
puces , à cauſe qu'elles
font fort petites , & qu'elles
fautent comme des puces.
Leurs pieds de derriere n'excedent
pas la hauteur de leur
dos, comme font ceux des aurres
ſauterelles : Ils font toûjours
pliez ſous le ventre com.
me ceux des puces , ce qui
fait qu'elles ſautent fort vite
ſans perdre de tems , parce
qu'il n'y en a point entre leurs
fauts.
J'ay déja fait remarquer
dans Ic Journal des Sçavans ,
GALANT. 167
que ces petites fauterelles ont
un aiguillon roide & fort pointu
, avec lequel elles tirent le
fuc des plantes.
Cette petite remarque eft
curicuſe , parce qu'il n'y a que
ces eſpeces de ſauterelles qui
ayent un aiguillon. Toutes
les autres qui nous ſont connuës
ont une bouche , des
levres & des dents , avec lefquelles
elles mangent les her.
bes , & même la vigne.
Vos locusta.
nemeas ledatis vites :funt enim
Lenere.
168 MERCURE
1
Nos fauterelles puces font
des oeufs d'où il fort au Printems
d'autres petites ſauterelles
, qui font envelopées pendant
quelque tems d'une fine
membrane. Cette membrane
eſt un fourreau qui a des yeux,
des pieds , des aîles & d'autres
organes , qui font les étuits
de ſemblables parties du petit
animal qu'elles renferment.
• Quand il fort de ſon oeuf,
il paroiſt comme un petit ver
blanchaſtre , qui n'eſt pas plus
-gros que la pointe d'une aiguille
, quelques jours aprés
il devient couleur de verd de
1
pré
GALANT. 169
pré , que le fuc des plantes
dont il ſe nourrit , pourroit
bien lui communiquer. Alors
il reſſemble preſque à un
petit crapaut , ou à unegrenoüille
verte qui monte ſur
les arbres , & qu'on appelle
pour cette raifon Rana arborea
; c'eſt à- dire grenoüille
d'arbre. Quoique cet infecte
ſoit envelopé d'une membrane
, il ne laiſſe pas de marcher
fort vîte & hardiment ; mais
il ne faute & ne võle point
qu'il n'ait quitté ſa pellicule.
Auſſi tott qu'il eſt ſorti de
ſon oeuf, il monte ſur une
May 1714. P
170 MERCURE
plante qu'il touche avec ſon
anus pour yattacher unegou.
telette de liqueur blanche &
toute pleine d'air . Il en met
une ſeconde auprés de la premiere,
puis une troiſieme ; &
il continuë de la forte juſqu'à
ce qu'il foit tout envelopé
d'une groſſe écume , dont il
ne fort point qu'il ne ſoit devenu
un animal parfait , c'eſtà-
dire , qu'il ne ſoit delivré de
la membrane qui l'environne.
21 Pour jetter cette écume, il
fait une eſpece diare de la
moitié de fon corps , dont le
ventre devient la convexité;
GALANT. 171
il recommence à l'inſtant un
autre arc oppofé au premier ,
c'eſt à dire que ſon ventre devient
concave de convexe qu'il
étoit. A chaque fois qu'il
fait cette doublecompreffion,
il fort une petite écume de
fon anus , à laquelle il donne
de l'étenduë en la pouſſant de
coſté & d'autre avec ſes
pieds.
J'ay mis ſur une jeune
Mente pluſieurs de ces petites
fauterelles , les feüilles ſur lef.
quelles elles firent leurs écumes
ne grandirent point , &
celles qui leur eſtoient oppo-
Pij
172 MERCURE
ſées devinrent de leur grandeur
naturelle. Cela fait voir
que ces inſectes vivent du ſuc
des plantes tandis qu'ils font
dans leurs écumes.
Quand la jeune ſauterelle
eſt parvenue à une certaine
grandeur , elle quitte ſon envelope
qu'elle laiſſe dans l'écume,
& elle ſaute dans la
Campagne.
Cette écume la garanti des
ardeurs du Soleil qui la pourroient
défecher. Elle la preſerve
encoredes araignées qui
la ſuçeroient , comme je l'ay
vû arriver quelquefois.
:
1
GALANT. 173
On dit à la Campagne que
ces écumes font un preſage
debeau tems : mais c'eſt qu'elles
n'y paroiffent que quand
le tems eſt beau, le mauvais
tems les détruit.
Fermer
Résumé : DES ECUMES Printanieres par P***
Le texte traite des écumes printanières, des substances blanches observées sur les plantes au printemps. Divers naturalistes ont proposé des explications sur leur origine. Certains attribuent ces écumes à des vapeurs terrestres ou aux crachats d'oiseaux comme le coucou. D'autres avancent qu'elles proviennent du suc des plantes ou d'une rosée écumeuse. Jan Swammerdam, après des observations minutieuses, a identifié ces écumes comme étant produites par de petites sauterelles, appelées sauterelles puces. Ces insectes fabriquent cette écume pour se protéger et se nourrir du suc des plantes. Le cycle de vie de ces sauterelles commence par la ponte d'œufs, qui éclosent en petits vers blancs. En se nourrissant des plantes, ces vers deviennent verts et sécrètent une écume blanche et aérée pour se protéger jusqu'à leur transformation en sauterelles adultes. Cette écume les protège également des rayons du soleil et des prédateurs tels que les araignées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3911
p. 173-178
DONS DU ROY.
Début :
Le Roy a nommé à l'Evêché de Senlis, vacant par la [...]
Mots clefs :
Dons, Roi, Abbaye, Abbé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DONS DU ROY.
DONS DU ROY.
Le Roy a nommé à l'Evêché
de Senlis , vacant par la
mort de Mr de Chamillart ,
l'Abbé Trudaine , grand Vicaire
d'Amiens.
Senlis Ville de France dans
le Duché de Valois. Elle eſt
ſituée ſur la Nonnette , à dix
Piij
174 MERCURE
lieuës de Paris; elle a tiré ſon
nom de ces anciens peuples ,
oude ſa ſituation au milieu de
la grande Foreſt de Rer. Elle
fut convertie par les Prédications
de S. Denis , Apoſtre de
la France , & S. Regule , qui
en fut le premier Eveſque , y
fonda l'Egliſe Cathedrale en
l'honneur de Noſtre - Dame.
Ilya ſept Paroiſſes , deux Collegiales
&un Bailly. Le Chapitre
de laCathedrale eft compoſé
d'un Doyen, d'un Archidiacre,
d'un Chantre & de 24 .
Chanoines ; le Diocéle n'a
que ſept lieuësde longueur &
GALANT 175
comprend 72. Parouffes , par
tagées entre quelques Doyen.
nez Ruraux. La Ville de Senlis
fouffrit un Siege contre la
ligue,& vit le ſanglant combat
qui s'y donna en 1589.
entre les Ducs de Longueville
&d'Aumale, celuy cy Ligueur
& l'autre du partidu Roy.
Sa Majefté a donné l'Abbaye
de Baume , Ordre de S.
Benoift, Diocéſe deBezançon,
vacante par la mort de Mr de
Chamillart , Eveſque de Senlis,
àl'Abbé de Broglio,Agent
du Clergé de France.
Baume eſt une petite Ville
Pij
176 MERCURE
/ de la Franche Comté. Elle eft
ſituée ſur la riviere de Doux,
fix licuës au-deſſus de la Ville
deBeſançon.
L'Abbaye de Longway ,
Ordre de Cifteaux , Diocéſe
de Langres, à l'AbbéCaqueré.
Longway, Bourg de France
dans la Champagne , eſt fitué
à fix licuës de Langres du
coſté de l'Occident.
Il y a une autre Abbaye
de Longway de l'Ordre de
Premontré , dans le Diocéſe
de Reims.
L'Abbaye deCorés , Ordre
de S. Benoift , Diocéſe d'AuGALANT.
177
tun , à l'Abbé deChamperon.
L',AbbayedeFoncombaud,
Ordre de S. Benoift , Diocéſe
de Bourges , à l'Abbé Tiraquau.
Foncombaud , Bourg de
France dans le Berry , eſt ſitué
ſur la rivieredeCreuſe , 2.
lieuës au-deſſous de Blanc en
Berry.
L'Abbaye de Foncombaud
fut fondée l'an 1090.
L'Abbaye de Boras , Ordre
de Ciftcaux , Diocéſe d'Auxerre,
àl'Abbél'Anglois.
La Coadjutorerie de l'Abbaye
des Religieuſes de S.
178 MERCURE
Juſt de Romans , Ordre de
Cifteaux , Diocélſe de Vierine
àMadameArmand, Religieuſe
du même Oidre.
Le Roy a nommé à l'Evêché
de Senlis , vacant par la
mort de Mr de Chamillart ,
l'Abbé Trudaine , grand Vicaire
d'Amiens.
Senlis Ville de France dans
le Duché de Valois. Elle eſt
ſituée ſur la Nonnette , à dix
Piij
174 MERCURE
lieuës de Paris; elle a tiré ſon
nom de ces anciens peuples ,
oude ſa ſituation au milieu de
la grande Foreſt de Rer. Elle
fut convertie par les Prédications
de S. Denis , Apoſtre de
la France , & S. Regule , qui
en fut le premier Eveſque , y
fonda l'Egliſe Cathedrale en
l'honneur de Noſtre - Dame.
Ilya ſept Paroiſſes , deux Collegiales
&un Bailly. Le Chapitre
de laCathedrale eft compoſé
d'un Doyen, d'un Archidiacre,
d'un Chantre & de 24 .
Chanoines ; le Diocéle n'a
que ſept lieuësde longueur &
GALANT 175
comprend 72. Parouffes , par
tagées entre quelques Doyen.
nez Ruraux. La Ville de Senlis
fouffrit un Siege contre la
ligue,& vit le ſanglant combat
qui s'y donna en 1589.
entre les Ducs de Longueville
&d'Aumale, celuy cy Ligueur
& l'autre du partidu Roy.
Sa Majefté a donné l'Abbaye
de Baume , Ordre de S.
Benoift, Diocéſe deBezançon,
vacante par la mort de Mr de
Chamillart , Eveſque de Senlis,
àl'Abbé de Broglio,Agent
du Clergé de France.
Baume eſt une petite Ville
Pij
176 MERCURE
/ de la Franche Comté. Elle eft
ſituée ſur la riviere de Doux,
fix licuës au-deſſus de la Ville
deBeſançon.
L'Abbaye de Longway ,
Ordre de Cifteaux , Diocéſe
de Langres, à l'AbbéCaqueré.
Longway, Bourg de France
dans la Champagne , eſt fitué
à fix licuës de Langres du
coſté de l'Occident.
Il y a une autre Abbaye
de Longway de l'Ordre de
Premontré , dans le Diocéſe
de Reims.
L'Abbaye deCorés , Ordre
de S. Benoift , Diocéſe d'AuGALANT.
177
tun , à l'Abbé deChamperon.
L',AbbayedeFoncombaud,
Ordre de S. Benoift , Diocéſe
de Bourges , à l'Abbé Tiraquau.
Foncombaud , Bourg de
France dans le Berry , eſt ſitué
ſur la rivieredeCreuſe , 2.
lieuës au-deſſous de Blanc en
Berry.
L'Abbaye de Foncombaud
fut fondée l'an 1090.
L'Abbaye de Boras , Ordre
de Ciftcaux , Diocéſe d'Auxerre,
àl'Abbél'Anglois.
La Coadjutorerie de l'Abbaye
des Religieuſes de S.
178 MERCURE
Juſt de Romans , Ordre de
Cifteaux , Diocélſe de Vierine
àMadameArmand, Religieuſe
du même Oidre.
Fermer
Résumé : DONS DU ROY.
Le texte décrit plusieurs nominations et lieux en France. Le roi a nommé l'Abbé Trudaine à l'évêché de Senlis, ville située sur la Nonnette à dix lieues de Paris. Senlis, évangélisée par Saint Denis et Saint Regule, compte sept paroisses, deux collégiales et un bailli. Son diocèse s'étend sur sept lieues et comprend soixante-douze paroisses. La ville a subi un siège en 1589 lors de la Ligue. L'Abbé de Broglio a reçu l'abbaye de Baume, en Franche-Comté, sur la rivière Doux, six lieues au-dessus de Besançon. L'Abbé Caqueré a obtenu l'abbaye de Longway en Champagne, à six lieues de Langres. Une autre abbaye de Longway, de l'ordre de Prémontré, se trouve dans le diocèse de Reims. L'Abbé de Champeron a été nommé à l'abbaye de Corès dans le diocèse d'Autun. L'Abbé Tiraquau a reçu l'abbaye de Foncombaud, fondée en 1090, en Berry, sur la rivière Creuse. L'Abbé l'Anglois a été attribué à l'abbaye de Boras dans le diocèse d'Auxerre. Enfin, Madame Armand a obtenu la coadjutorerie de l'abbaye des Religieuses de Saint-Just de Romans dans le diocèse de Vienne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3912
p. 178-190
Rare et curieux Extrait d'une Lettre de Madrid du 15. May.
Début :
Il y a environ un mois que le Marquis Don-Juan de Cardoça [...]
Mots clefs :
Chevalier, Marquis, Fille, Esclave, Mariage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Rare et curieux Extrait d'une Lettre de Madrid du 15. May.
Rare &curieux Extrait d'une
-Lettrede Madriddu 15.May.
3
Ily a environ un mois que
leMarquis Don- Juan deCardoça
, Conſeiller du Conſeil
des Indes , donna ſa derniere
fille en mariage au Chevalier
deNoguichard , Colonel en
ſecond du Regiment desDragons
du Valleco. Il eſt natif
de Bourdeaux & s'appelleCô
GALANT. 179
teau en fon nom. Il y a dix
- ans qu'il eſt au ſervice du Roy
d'Eſpagne , où il s'eſt avancé
par ſon merite; cependant
malgré ſon employ , qui à
peine luy donnoit dequoy vi
vre,il étoit encore ſi pauvre ,
il y a fix mois , qu'il ne pou
voit pas s'imaginer qu'il y cur
une fille au monde pour luy,
Le Marquis de Salmeron Efpagnol
de nation, qui étoit &
qui eſt encore fon ami , luy
propoſa il y a quelque temps
de ſe marier ; leCavalier lui répondit
qu'il acceptoit la propoſition
, s'il pouvoit lui trou
180 MERCURE
ver une fille qui luy convint.
Mr de Salmeron qui connoif
ſoit particulierement Don
Juan de Cardoça , luy rendit
auſſi toſt une viſite , où il luy
infinua adroitement dans la
converſation , qu'il devroit
bien ſonger à marier ſa derniere
fille qui estoit en âge de
l'eſtre. DonJuan luy dit qu'il y
conſentoitde bon coeur ; mais
qu'il vouloit pour Gendre un
homme de bonnes moeurs , &
qui eutunrangdans lemonde,
qu'il ne s'embarraſſoit pas qu'il
cut du bien , ny de quelqueNation
, qu'il fut pourvû
1
GALANT. 181
qu'il fut honnête homme,perſuadé
que la reconnoiffance
dans une ame bien née, établiroit
lebonheur de cette union,
autant que les liens de l'amour
&&dduummariage. Le Marquis de
Salmeron luy propoſa inſenſiblement
le Chevalier de Noguichard.
Don Juan demanda
du temps pour examiner
cette affaire; & au bout d'un
mois toutes ſes reflexions
faites , il donna ſa fille au
jeune homme , avec une belle
maiſon toute meublée , un
équipage magnifique & cent
mille piaſtres d'argent compsant
Si le bon exemple fert de
planche aux autres , il y a bien
de l'apparence que les François
qui font icy , auffi - bien que
ceux qui y viendront , feront
toutes leurs diligences pour
trouver de pareilles aubaines.
Au reſtejevous recommandede
faire afficher dans Paris
&dans les autres Villes du
Royaume , ſi vous le jugez à
propos , la nouvelle que je
vais vous apprendre , elle
pourra eſtre d'une grande utilité
à ceux qui voudront
courir de grands riſques ...
Il y a icy une Eſclave de
GALANT. 183
trente ans , fort jolie , & ri
che de fix cens mille écus
qu'elle poſſede à preſent , ſans
compter plus de trente mille
piaſtres qu'elle attend des Indes.
Voicy de quelle maniere
la fortune luy a envoyé tant
de richeſſes .
Cette pauvre fille fut vendue
étant encore enfant à un
Eſpagnol de bonnes aires .
Son Patron la mit auprés de
ſa femme, qui fut fi contente
du zele avec lequel elle l'a fervie
pendant vingt- ans , que
ſe voyant présde mourir ſans
184 MERCURE
enfants , elle recommanda ſon
Eſclave à ſon mary , autant
que ſi elle cut eſté ſa propre
fille,& luy laiſſa par teſtament
avec la liberté qu'elle luy donna
d'abord , la moitié de tout
le bien dont elle pouvoit difpoſer
, & l'autre moitié à ſon
époux. Cette ſomme eſtoit
fort confiderable. Le mary
qui avoit fort travaillé pendant
toute ſa vie pour amafſer
de ſi grandes richeſſes , &
qui d'ailleurs eſtoit un honneste
homme , & vieux Chrétien
, aima de bonne foy cette
heureuſe Eſclave , autant
que
GALANT. 185
que ſa femme l'avoit aimée ,
& fans faire aucun compte
avec elle , il luy dit qu'il la laiffoit
, non ſeulement la Maîtreffe
de tout le bien de ſa
femme; mais même de tout
celuy qu'il poffedoit.
1. Cette fille trouvantdes manieres
ſi franches , & tant de
generofité dans ſon maittre ,
s'attacha encore plus fortement
à luy , & quoy qu'affranchie
, elle ne voulut pas
le quitter , ny ſe prévaloir aucunement
des bontez qu'il avoit
pour elle. Au contraire
elle l'aima avec tant de ten-
May 1714.
186 MERCURE
dreſſe & de conſtance , que le
bon homme , ſe voyant à ſon
tour à l'article de la mort , fit
appeller ſes amis & la Juſtice ,
& en leur prefence , d'un efprit
tranquile & d'une voix
nette & libre , il fit une donation
autentique de tous fes
biens à cette créature fortunée
, qui ſix mois avant la perte
de ſon maiſtre & de ſa maitreffe
, eſtoit encore toute
chargée du poids de ſa ſervitude
, & expofée au danger de
tomber entre les mains d'un
nouveau Patron , tant les ma
ladies continuelles du ſien ,
GALANT . 187
lui donnoient lieu d'apprehen.
der, qu'il ne mourut bientoft.
t
Il mourut en effet ; mais
avec les conditions que je
viens de vous dire.
Cette riche fille , aprés avoir
eſſuyé ſes larmes , a écoûté
enfinquelques propofitions
de mariage ; mais aucun des
prétendans qui ſe ſontprefentez
,ne luya plû, elle ne ſe ſouciepas
mêmeque celuy qu'elle
préferera aux autres , foit de
fa Nation, ou n'en foit pas :
elle veut feulement avant de
s'engager eſtre ſeure de l'hom
Qij
188 MERCURE
me qu'elle épouſera : elle veut
éprouver ſon amour & fa fidelité
, ſans ſe montrer , & ne
l'épouler qu'aprés l'avoir éprouvé.
Elle n'a rien de deſagréable
; mais c'eſt conſtamment
à preſent la Dame invi.
fible: Celle- cy vaut mieux que
celle de la Comedie.
Si vous ſçavez quelqu'un qui
oſe venir tenter l'avanture ,
& qui fe croye affez brave ,
pour ofer ſe flatter de ne pas
s'en retourner les mains vuides
, envoyez-le moy:
Je connois le Directeur de
labelle,je le mettray aux priGALANT.
189
ſes avec luy , & il le mettra
aux priſes avec elle , qu'il
vienne , & s'il réüffit , il eſt
bien juſte , qu'en faveur d'un
pareil avis , il me faffe au
moins un preſent de mille Piftoles
, puiſque le Marquis de
Salmeron en a cu huit cens ,
pour la façon du mariage du
Chevalier de Noguichard.
Ne croyez pas , s'il vous
plaiſt , Monfieur , que je vous
écris icy des balivernes. Ce
ne ſont pas là des jeux d'enfant
, & je vous proteſte que
Ces deux Hiſtoires ſont ſi veritables
, que j'enrage d'avoir
190 MERCURE
une femme. Celle de l'Eſclave
,& fes intentions pour le
mariage , ont déja mis iben du
monde en Campagne......
-Lettrede Madriddu 15.May.
3
Ily a environ un mois que
leMarquis Don- Juan deCardoça
, Conſeiller du Conſeil
des Indes , donna ſa derniere
fille en mariage au Chevalier
deNoguichard , Colonel en
ſecond du Regiment desDragons
du Valleco. Il eſt natif
de Bourdeaux & s'appelleCô
GALANT. 179
teau en fon nom. Il y a dix
- ans qu'il eſt au ſervice du Roy
d'Eſpagne , où il s'eſt avancé
par ſon merite; cependant
malgré ſon employ , qui à
peine luy donnoit dequoy vi
vre,il étoit encore ſi pauvre ,
il y a fix mois , qu'il ne pou
voit pas s'imaginer qu'il y cur
une fille au monde pour luy,
Le Marquis de Salmeron Efpagnol
de nation, qui étoit &
qui eſt encore fon ami , luy
propoſa il y a quelque temps
de ſe marier ; leCavalier lui répondit
qu'il acceptoit la propoſition
, s'il pouvoit lui trou
180 MERCURE
ver une fille qui luy convint.
Mr de Salmeron qui connoif
ſoit particulierement Don
Juan de Cardoça , luy rendit
auſſi toſt une viſite , où il luy
infinua adroitement dans la
converſation , qu'il devroit
bien ſonger à marier ſa derniere
fille qui estoit en âge de
l'eſtre. DonJuan luy dit qu'il y
conſentoitde bon coeur ; mais
qu'il vouloit pour Gendre un
homme de bonnes moeurs , &
qui eutunrangdans lemonde,
qu'il ne s'embarraſſoit pas qu'il
cut du bien , ny de quelqueNation
, qu'il fut pourvû
1
GALANT. 181
qu'il fut honnête homme,perſuadé
que la reconnoiffance
dans une ame bien née, établiroit
lebonheur de cette union,
autant que les liens de l'amour
&&dduummariage. Le Marquis de
Salmeron luy propoſa inſenſiblement
le Chevalier de Noguichard.
Don Juan demanda
du temps pour examiner
cette affaire; & au bout d'un
mois toutes ſes reflexions
faites , il donna ſa fille au
jeune homme , avec une belle
maiſon toute meublée , un
équipage magnifique & cent
mille piaſtres d'argent compsant
Si le bon exemple fert de
planche aux autres , il y a bien
de l'apparence que les François
qui font icy , auffi - bien que
ceux qui y viendront , feront
toutes leurs diligences pour
trouver de pareilles aubaines.
Au reſtejevous recommandede
faire afficher dans Paris
&dans les autres Villes du
Royaume , ſi vous le jugez à
propos , la nouvelle que je
vais vous apprendre , elle
pourra eſtre d'une grande utilité
à ceux qui voudront
courir de grands riſques ...
Il y a icy une Eſclave de
GALANT. 183
trente ans , fort jolie , & ri
che de fix cens mille écus
qu'elle poſſede à preſent , ſans
compter plus de trente mille
piaſtres qu'elle attend des Indes.
Voicy de quelle maniere
la fortune luy a envoyé tant
de richeſſes .
Cette pauvre fille fut vendue
étant encore enfant à un
Eſpagnol de bonnes aires .
Son Patron la mit auprés de
ſa femme, qui fut fi contente
du zele avec lequel elle l'a fervie
pendant vingt- ans , que
ſe voyant présde mourir ſans
184 MERCURE
enfants , elle recommanda ſon
Eſclave à ſon mary , autant
que ſi elle cut eſté ſa propre
fille,& luy laiſſa par teſtament
avec la liberté qu'elle luy donna
d'abord , la moitié de tout
le bien dont elle pouvoit difpoſer
, & l'autre moitié à ſon
époux. Cette ſomme eſtoit
fort confiderable. Le mary
qui avoit fort travaillé pendant
toute ſa vie pour amafſer
de ſi grandes richeſſes , &
qui d'ailleurs eſtoit un honneste
homme , & vieux Chrétien
, aima de bonne foy cette
heureuſe Eſclave , autant
que
GALANT. 185
que ſa femme l'avoit aimée ,
& fans faire aucun compte
avec elle , il luy dit qu'il la laiffoit
, non ſeulement la Maîtreffe
de tout le bien de ſa
femme; mais même de tout
celuy qu'il poffedoit.
1. Cette fille trouvantdes manieres
ſi franches , & tant de
generofité dans ſon maittre ,
s'attacha encore plus fortement
à luy , & quoy qu'affranchie
, elle ne voulut pas
le quitter , ny ſe prévaloir aucunement
des bontez qu'il avoit
pour elle. Au contraire
elle l'aima avec tant de ten-
May 1714.
186 MERCURE
dreſſe & de conſtance , que le
bon homme , ſe voyant à ſon
tour à l'article de la mort , fit
appeller ſes amis & la Juſtice ,
& en leur prefence , d'un efprit
tranquile & d'une voix
nette & libre , il fit une donation
autentique de tous fes
biens à cette créature fortunée
, qui ſix mois avant la perte
de ſon maiſtre & de ſa maitreffe
, eſtoit encore toute
chargée du poids de ſa ſervitude
, & expofée au danger de
tomber entre les mains d'un
nouveau Patron , tant les ma
ladies continuelles du ſien ,
GALANT . 187
lui donnoient lieu d'apprehen.
der, qu'il ne mourut bientoft.
t
Il mourut en effet ; mais
avec les conditions que je
viens de vous dire.
Cette riche fille , aprés avoir
eſſuyé ſes larmes , a écoûté
enfinquelques propofitions
de mariage ; mais aucun des
prétendans qui ſe ſontprefentez
,ne luya plû, elle ne ſe ſouciepas
mêmeque celuy qu'elle
préferera aux autres , foit de
fa Nation, ou n'en foit pas :
elle veut feulement avant de
s'engager eſtre ſeure de l'hom
Qij
188 MERCURE
me qu'elle épouſera : elle veut
éprouver ſon amour & fa fidelité
, ſans ſe montrer , & ne
l'épouler qu'aprés l'avoir éprouvé.
Elle n'a rien de deſagréable
; mais c'eſt conſtamment
à preſent la Dame invi.
fible: Celle- cy vaut mieux que
celle de la Comedie.
Si vous ſçavez quelqu'un qui
oſe venir tenter l'avanture ,
& qui fe croye affez brave ,
pour ofer ſe flatter de ne pas
s'en retourner les mains vuides
, envoyez-le moy:
Je connois le Directeur de
labelle,je le mettray aux priGALANT.
189
ſes avec luy , & il le mettra
aux priſes avec elle , qu'il
vienne , & s'il réüffit , il eſt
bien juſte , qu'en faveur d'un
pareil avis , il me faffe au
moins un preſent de mille Piftoles
, puiſque le Marquis de
Salmeron en a cu huit cens ,
pour la façon du mariage du
Chevalier de Noguichard.
Ne croyez pas , s'il vous
plaiſt , Monfieur , que je vous
écris icy des balivernes. Ce
ne ſont pas là des jeux d'enfant
, & je vous proteſte que
Ces deux Hiſtoires ſont ſi veritables
, que j'enrage d'avoir
190 MERCURE
une femme. Celle de l'Eſclave
,& fes intentions pour le
mariage , ont déja mis iben du
monde en Campagne......
Fermer
Résumé : Rare et curieux Extrait d'une Lettre de Madrid du 15. May.
Le texte présente deux événements distincts. Premièrement, il relate le mariage de la dernière fille du Marquis Don Juan de Cardoça avec le Chevalier de Noguichard, Colonel en second du Régiment des Dragons du Valleco. Originaire de Bordeaux, le Chevalier, surnommé Cô Galant, est au service du Roi d'Espagne depuis dix ans et s'est distingué par son mérite. Malgré sa pauvreté, il a été proposé comme gendre par le Marquis de Salmeron, ami de Don Juan. Ce dernier a accepté cette proposition, cherchant un homme de bonnes mœurs et de rang, sans se soucier de sa fortune. Le mariage a été célébré avec une dot comprenant une belle maison meublée, un équipage magnifique et cent mille piastres. Deuxièmement, le texte mentionne une esclave de trente ans qui est devenue riche grâce à la générosité de ses maîtres. Vendue enfant à un Espagnol, elle a été bien traitée et a hérité de la moitié des biens de sa maîtresse à sa mort. Son maître, également reconnaissant, lui a laissé l'intégralité de ses biens. Affranchie et riche, elle refuse de se marier sans éprouver au préalable la fidélité de ses prétendants. Le texte se termine par une offre de récompense pour quiconque réussira à la séduire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3913
p. 190-193
« Je crois en bonne foy qu'on veut me rendre Auteur [...] »
Début :
Je crois en bonne foy qu'on veut me rendre Auteur [...]
Mots clefs :
Auteur, Énigmes, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je crois en bonne foy qu'on veut me rendre Auteur [...] »
Je crois en bonne foy
qu'on veut me rendre Auteur
malgré moy. Il n'y a
pas juſqu'à l'Enigme que
j'ay attendu pendant tout
le mois , que j'ay demandé
à tout le monde , &
dont perſonne n'a voulu
me faire preſent. Je n'ay
de ma vie travaillé àdeviner
les ouvrages , & en1
GALANT. 191
-core moins à les compoſer;
cependant on m'afſeure
que je ſuis indiſpenfablement
obligé de mettre
une ou deux Enigmes
dans chaque Mercure.
Biendes gens ont du goût
pour ces obſcuritez , & le
plaiſir de trouver le nom
d'une choſe par le détail
des choses qui lui appar
tiennent , détermine , diton,
un grand nombre de
perſonnes à achetter le
Mercure pour l'Enigme.
192 MERCURE
un
Voilà plus de raiſon qu'il
n'en faut , pour me determiner
moy - même à la
faire , au défaut de ceux
qui me rendroient
grand ſervice , s'ils voulorent
m'en épargner la
peine : Mais en attendant
leur ſecours , puiſqu'il n'y
a pas moyen de m'en dédire
, & qu'il faut que je
forge des Enigmes pour la
premiere fois de ma vie,
je laiſſe aux perſonnes qui
ont la pénétration de les
deviner,
GALANT. 193
deviner , le ſoin de juger
ſi je me ſuis bien ou
mal tiré de celles que je
leur donne. Le mot de
la premiere Enigme du
mois dernier eſt le Lys
& la Rose , & celuy de
l'autre eſt l'Eventail.
qu'on veut me rendre Auteur
malgré moy. Il n'y a
pas juſqu'à l'Enigme que
j'ay attendu pendant tout
le mois , que j'ay demandé
à tout le monde , &
dont perſonne n'a voulu
me faire preſent. Je n'ay
de ma vie travaillé àdeviner
les ouvrages , & en1
GALANT. 191
-core moins à les compoſer;
cependant on m'afſeure
que je ſuis indiſpenfablement
obligé de mettre
une ou deux Enigmes
dans chaque Mercure.
Biendes gens ont du goût
pour ces obſcuritez , & le
plaiſir de trouver le nom
d'une choſe par le détail
des choses qui lui appar
tiennent , détermine , diton,
un grand nombre de
perſonnes à achetter le
Mercure pour l'Enigme.
192 MERCURE
un
Voilà plus de raiſon qu'il
n'en faut , pour me determiner
moy - même à la
faire , au défaut de ceux
qui me rendroient
grand ſervice , s'ils voulorent
m'en épargner la
peine : Mais en attendant
leur ſecours , puiſqu'il n'y
a pas moyen de m'en dédire
, & qu'il faut que je
forge des Enigmes pour la
premiere fois de ma vie,
je laiſſe aux perſonnes qui
ont la pénétration de les
deviner,
GALANT. 193
deviner , le ſoin de juger
ſi je me ſuis bien ou
mal tiré de celles que je
leur donne. Le mot de
la premiere Enigme du
mois dernier eſt le Lys
& la Rose , & celuy de
l'autre eſt l'Eventail.
Fermer
Résumé : « Je crois en bonne foy qu'on veut me rendre Auteur [...] »
L'auteur exprime sa réticence à composer des énigmes pour le Mercure, bien qu'il soit pressé de le faire. Il avoue n'avoir jamais travaillé à deviner ou composer des œuvres de ce genre. Cependant, il reconnaît que de nombreuses personnes apprécient les énigmes et achètent le Mercure pour les résoudre. Se sentant obligé de créer des énigmes en l'absence de secours de la part des autres, il en présente deux. Les solutions de ces énigmes sont respectivement 'le Lys et la Rose' et 'l'Eventail'. L'auteur laisse aux lecteurs le soin de juger de la qualité de ses énigmes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3914
p. 193-195
ENIGME.
Début :
Sans Corps & sans Couleur je raisonne sur tout, [...]
Mots clefs :
Fable
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGME.
Sans Corps & ſans
Couleur je raisonne
fur tout ,
May 1714. R
194 MERCURE
Toûjours Misterieuse , ou
Simple oufigurée ;
Des animaux, des fleurs
dont la terre estparée ,
Les difcours par mon Art
ont fait un nouveau
:
goût.
Fayfait mille tableaux, où
j'aydepeint leshommes :
La nature a formé mes
traits & mes craiyons ,
Je luy dois les comparaifons
7
Qui nous peignent tels que
noussommes.
GALANT. 125
Mais en vain lesſçavans
qui travaillent fur
mays meling
Employent mon fecours
pour démasquer le
vice,
Chacun mefent,m'avoue,
&l'on a l'injustice
De nourrir les défauts
qu'on reconnoitroit enfoy.
Sans Corps & ſans
Couleur je raisonne
fur tout ,
May 1714. R
194 MERCURE
Toûjours Misterieuse , ou
Simple oufigurée ;
Des animaux, des fleurs
dont la terre estparée ,
Les difcours par mon Art
ont fait un nouveau
:
goût.
Fayfait mille tableaux, où
j'aydepeint leshommes :
La nature a formé mes
traits & mes craiyons ,
Je luy dois les comparaifons
7
Qui nous peignent tels que
noussommes.
GALANT. 125
Mais en vain lesſçavans
qui travaillent fur
mays meling
Employent mon fecours
pour démasquer le
vice,
Chacun mefent,m'avoue,
&l'on a l'injustice
De nourrir les défauts
qu'on reconnoitroit enfoy.
Fermer
3915
p. 195-198
AUTRE.
Début :
Quoyque je sois de matiere insensible, [...]
Mots clefs :
Ongle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTRE.
Quoyque je fois de matiere
infenſible,
Rij
196 MERCURE
؟
Rien n'est pourtantplus
... ſenſible que moy.
Utile quelquefois ,&quelquefois
nuisible ,
On me fait exercerpartout
le même employ.
Chaque humain a vingt
fois maforme & mafi-
Figure ? )
Les anneaux de l'Hymen
me paſſent ſur le corps,
Ce n'est enfin qu'aprés de
violents efforts ,
Que l'on me vost ſouvent
tomber par avanture.
GALANT. 197
Quelquefois d'un rubis que
jeporte à l'envers ,
Famuſe les appas que mon
maistre respecte,
Le Poëte avec moy fait &
defait ſes Vers ,
Au lit, debout, j'attaque ,
j'écrase l'infecte.
Jesuis court, je suis long,
foible, dur, haut&bas :
Fefers petits&grands des
piedsjusqu'à la teste .
La place où je me mets
n'est souvent quere
bonneste ,
Riij
198 MERCURE
Enfin vous me voyez &
ne me voyez pas..
Quoyque je fois de matiere
infenſible,
Rij
196 MERCURE
؟
Rien n'est pourtantplus
... ſenſible que moy.
Utile quelquefois ,&quelquefois
nuisible ,
On me fait exercerpartout
le même employ.
Chaque humain a vingt
fois maforme & mafi-
Figure ? )
Les anneaux de l'Hymen
me paſſent ſur le corps,
Ce n'est enfin qu'aprés de
violents efforts ,
Que l'on me vost ſouvent
tomber par avanture.
GALANT. 197
Quelquefois d'un rubis que
jeporte à l'envers ,
Famuſe les appas que mon
maistre respecte,
Le Poëte avec moy fait &
defait ſes Vers ,
Au lit, debout, j'attaque ,
j'écrase l'infecte.
Jesuis court, je suis long,
foible, dur, haut&bas :
Fefers petits&grands des
piedsjusqu'à la teste .
La place où je me mets
n'est souvent quere
bonneste ,
Riij
198 MERCURE
Enfin vous me voyez &
ne me voyez pas..
Fermer
3916
p. 198-204
« Je prie ceux qui devineront le mot des Enigmes, & [...] »
Début :
Je prie ceux qui devineront le mot des Enigmes, & [...]
Mots clefs :
Mercure, Public, Nouvelles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je prie ceux qui devineront le mot des Enigmes, & [...] »
Je prie ceux qui devineront
le mot des Enigmes
, & qui voudront que
leurs noms entrent dans le
Mercure , comme, cela ſe
pratiquoit fous Mr Devifé
, de fe faire écrire chez
le ſieur Jollet , ſur le Pont
S. Michel , du coſté du
Palais , au Livre Royal;
chez Ribou , fur le Quay
des Auguſtins ; & chez THEQUE DELA
LYON
BIBLIO
*
1993
*
GALANT.2
THEQUE
le ſieur Lamefle , ruẽ dứ
1833
Foin , prés S. Yves , qur
recevront tout ce qu'on
leur apportera pour leMercure
, d'avoir attention
que tous les noms propres
fur tout foient écrits de
façon , que les Imprimeurs
n'ayent pas plus de peine
à les deviner , qu'ils en au
ront eu eux-mêmes à deviner
l'Enigme. 2
Ceux qui envoyeront
des Memoires , auront
foin , s'il leur plaift d'en
1
R iiij
200 MERCURE
payer le port , & de les
adreſſer aux mêmes endroits.
Jeréponds d'avance du
bon acceüil que je feray
aux bonnes pieces que
l'on m'envoyra , & il ne
tiendra pas à moy que le
Public ne leur rende autant
de justice qu'elles en
meriteront.
Pour ce qui concerne
les nouvelles du monde
je promets de n'en donner
jamais de fauſſes , je
:
GALANT. 201
Par
prie ſeulement le Public
de me permettre de m'étendre
quelquefois ſur les
circonſtances qui me preſenteront
des faits Hiſtoriques
, que je croyray digne
de l'amuſer.
exemple l'Hiſtoire de la
mort du Bacha de Damas
, qui eſt ſi fraîche ,que
perſonne n'en apeut-eftre
encore entendu parler me
fournira la matiere d'une
des plus curieuſes nouvelles
de mon ſecondMer
202 MERCURE
cure. Je réponds encore ,
quelque libertéque je pren
ne , dans le détail de mes
nouvelles , que je ne confondray
jamais le menſonge
avec la verité : Il ſeroir
trop facile de prendre
ſouvent l'un pour l'autre,
& l'on ne me reprochera
jamais d'avoir furpris la
Religion du Public. Mais
on a affez de lumiere pour
demefler l'Epiſode du
fond de l'Hiſtoire , & af--
ſez de curioſité pour trouGALANT.
203
ver bon que je me ſerve
quelquefois d'exemples
& de comparaiſons pour
donner plus d'ornement
& d'authorité à la nouveauté
des faits que je ra
conteray.
Au reſte quelque difficile
que foit le Public ,&
quelquebonne raiſon qu'il
ait de l'eſtre , il doit , s'il
eſt juſte , comme je n'en
doute point , ſe contenter
du zele avec lequel je ſuis
preſt à le ſervir, & pour
204 MERCURE
me mettre à une épreuve
qui luy plaiſe , il n'a qu'à
me prefter de bonne foy
fes opinions & fſes avantures
, il verra comme je
luy rendray fideleinent ſes
fentimens & fon Hiftoire.
le mot des Enigmes
, & qui voudront que
leurs noms entrent dans le
Mercure , comme, cela ſe
pratiquoit fous Mr Devifé
, de fe faire écrire chez
le ſieur Jollet , ſur le Pont
S. Michel , du coſté du
Palais , au Livre Royal;
chez Ribou , fur le Quay
des Auguſtins ; & chez THEQUE DELA
LYON
BIBLIO
*
1993
*
GALANT.2
THEQUE
le ſieur Lamefle , ruẽ dứ
1833
Foin , prés S. Yves , qur
recevront tout ce qu'on
leur apportera pour leMercure
, d'avoir attention
que tous les noms propres
fur tout foient écrits de
façon , que les Imprimeurs
n'ayent pas plus de peine
à les deviner , qu'ils en au
ront eu eux-mêmes à deviner
l'Enigme. 2
Ceux qui envoyeront
des Memoires , auront
foin , s'il leur plaift d'en
1
R iiij
200 MERCURE
payer le port , & de les
adreſſer aux mêmes endroits.
Jeréponds d'avance du
bon acceüil que je feray
aux bonnes pieces que
l'on m'envoyra , & il ne
tiendra pas à moy que le
Public ne leur rende autant
de justice qu'elles en
meriteront.
Pour ce qui concerne
les nouvelles du monde
je promets de n'en donner
jamais de fauſſes , je
:
GALANT. 201
Par
prie ſeulement le Public
de me permettre de m'étendre
quelquefois ſur les
circonſtances qui me preſenteront
des faits Hiſtoriques
, que je croyray digne
de l'amuſer.
exemple l'Hiſtoire de la
mort du Bacha de Damas
, qui eſt ſi fraîche ,que
perſonne n'en apeut-eftre
encore entendu parler me
fournira la matiere d'une
des plus curieuſes nouvelles
de mon ſecondMer
202 MERCURE
cure. Je réponds encore ,
quelque libertéque je pren
ne , dans le détail de mes
nouvelles , que je ne confondray
jamais le menſonge
avec la verité : Il ſeroir
trop facile de prendre
ſouvent l'un pour l'autre,
& l'on ne me reprochera
jamais d'avoir furpris la
Religion du Public. Mais
on a affez de lumiere pour
demefler l'Epiſode du
fond de l'Hiſtoire , & af--
ſez de curioſité pour trouGALANT.
203
ver bon que je me ſerve
quelquefois d'exemples
& de comparaiſons pour
donner plus d'ornement
& d'authorité à la nouveauté
des faits que je ra
conteray.
Au reſte quelque difficile
que foit le Public ,&
quelquebonne raiſon qu'il
ait de l'eſtre , il doit , s'il
eſt juſte , comme je n'en
doute point , ſe contenter
du zele avec lequel je ſuis
preſt à le ſervir, & pour
204 MERCURE
me mettre à une épreuve
qui luy plaiſe , il n'a qu'à
me prefter de bonne foy
fes opinions & fſes avantures
, il verra comme je
luy rendray fideleinent ſes
fentimens & fon Hiftoire.
Fermer
Résumé : « Je prie ceux qui devineront le mot des Enigmes, & [...] »
Le texte est une annonce invitant les lecteurs à soumettre des solutions aux énigmes publiées dans le périodique Mercure. Les solutions doivent être envoyées chez le sieur Jollet sur le Pont Saint-Michel, chez Ribou sur le Quai des Augustins, ou chez le sieur Lamefle rue d'Ussé près Saint-Yves. Les auteurs sont priés d'écrire les noms propres de manière claire pour faciliter le travail des imprimeurs. Les mémoires peuvent également être envoyés aux mêmes adresses, avec la possibilité de payer le port. L'auteur promet un accueil favorable aux bonnes pièces et assure que le public leur rendra justice. Concernant les nouvelles, l'auteur s'engage à ne jamais en donner de fausses, tout en se réservant le droit de s'étendre sur les circonstances des faits historiques. Par exemple, l'histoire récente de la mort du Bacha de Damas sera traitée dans une des prochaines éditions. L'auteur affirme qu'il ne confondra jamais le mensonge avec la vérité et utilise des exemples et comparaisons pour enrichir ses récits. Le public est invité à se fier au zèle de l'auteur pour servir la vérité et à soumettre ses opinions et aventures pour voir comment elles seront fidèlement rapportées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3917
p. 204-212
« Les circonstances d'un événement le rendent souvent le plus [...] »
Début :
Les circonstances d'un événement le rendent souvent le plus [...]
Mots clefs :
Incendie, Circonstances, Flammes, Maisons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les circonstances d'un événement le rendent souvent le plus [...] »
Les circonstances d'un
événement le rendent ſouvent
le plus conſiderable qu'il
n'eſt en luy-même. Par
exemple , on ne s'étonnera
pas que le feu prenne quelquefois
dans une grande Ville
comme Paris ; mais il y a de1
GALANT. 205
quoy s'étonner lorſqu'il y
prend , que les maiſons les
plus proches de celle qui brûle
ne ſoient point endommagées
du malheur de leur voifine.
Le monde eſt plein
du bruit de ces fameuſes incendies
qui ont ſouvent mis
des Villes en cendre. Plus
d'onze mille maiſons qui furentconſommées
par les flâmmes
de Conſtantinople il y a
environ un an , & la Ville de
Romhild en Saxe , qui vient
d'eſtre preſque entierement
bruflée , font de triſtes comparaiſons
qui ne peuvent fer206
MERCURE
de
vir qu'à faire admirer davantage
la diligence , le zele& les
précautionsdesMagiftrats
Paris. Le feu qui n'eſt point
allumé par la guerre , n'a dans
toutes les Villes du monde
quelesmêmes principes ; mais
il n'a pas dans celle- cy les mêmes
progrés. Lorſqu'il prend
icy on ade la peine à s'imaginer
qu'ailleurs des Villes enticres
periffent par les flammes,&
lorſqu'il prend ailleurs on ne
peut pas concevoir avec quelle
diligence on l'éteint icy.
Qu'on ne me reproche pas
qu'il faut n'avoir rien àdire
GALANT. 207
à
au Public pour l'entretenir
d'une maiſon brûlée , je crois
qu'il n'y a dans aucun Mercure
guere d'article qui ſoit plus
raisonnable que celuy cy ;
moins qu''oonn neprétende être
en droit de m'alleguer qu'une
choſe n'eſt bonne à raconter
qu'autant que les incidens du
fait ont cauſe d'éclat ou de
defordre.
Celuy dont il eſt queſtion
va me ſervir de réponſe à
toutes les objections du monde.
:
Le 12. de ce mois le feu
prit au bout de la tuë de la
1
208 MERCURE
Barillerie , derriere le Palais,à
la maiſond'un nommé Jean
Billoüard , Marchand de Bottes,
entre les quatre & cinq
heures du matin , ſa maiſon
embraſée du bas en haut ,
menaçoit déja les maiſons de
fon voiſinage, lorſque Monſieur
le premier Préſident &
Monfieur d'Argenfon y arriverent.
Les ordres ques les 2.
Magiſtrats donnerent , furent
ſipromptement executez qu'à
peine les Pompes de la Ville
furent amenées , les canaux
des ruës ouverts , & ces eaux
multipliées , & portées fans
relâche
GALANT. 209
1
relâche au milieu des flammes,
que le feu fut éteint.
Les gens qui aiment les
- grands évenemens , en verroient
de reſte dans une Ville
comme Paris, fiune pareillevi
gilance & des ſoins pareils ,
n'arrêtoient pas dans leurs ,
commencemens , le progrés
des defordres qui pourroient
y arriver tous les jours.
J'ay raconté le fond de
P'accident,je paffe maintenant
aux circonstances.ool of
L'efcalier de cette maiſon
fut le premier devoré par la
flamme. Anfi quatre ou cing
May 1714. S
210 MERCURE
ménages, peuplez d'hommes ,
de femmes ,&de petits enfans
qui Thabitoient trouverent ,
aprés que quelques uns des
premiers éveillez le furent ſauvez
par les toits , qu'il n'yavoit
plus de ſalut pour eux , à
moins de fauter par les fenêtres.
On mit des matelats
dans la ruë pour les recevoir
pendant que ſept perfonnes
deſcendoient d'une croiſée
du troiſième étage , avec
le ſecours d'une corde groffe
comme la moitié du petit
doit. Alors une Mere ( dont
les mouvemens font allez dif
GALANT. 211
ficiles à exprimer ) prit une
petite fille de trois ans qui ref.
toit encore avec elle dans la
chambre , elle l'embraffa , &
en même temps elle l'envoya
par la feneſtre: Un particulier
l'a reçût ſaine & fauve entre
ſes bras : Elle fit le ſaut aprés
ſon enfant , fa réſolution la
ſauva auxdépens de quelques
contufions: Mais c'eſt peu de
choſe pour un fi grand faut.
Un pauvre ouvrier qui demeuroit
au quatriéme , fut le
ſeul à qui il en coûta la vie:
Il ſe précipita de ſa fenestre
fur le pavé, oùil expiraàl'inf
S ij
212 MERCURE
tant. La vie d'un homme eſt
certainement d'un prix important;
mais je crois qu'on
ne sçauroit voir dans nul endroit
du monde de fi triſtes
Avantures àſi peu de frais.....
événement le rendent ſouvent
le plus conſiderable qu'il
n'eſt en luy-même. Par
exemple , on ne s'étonnera
pas que le feu prenne quelquefois
dans une grande Ville
comme Paris ; mais il y a de1
GALANT. 205
quoy s'étonner lorſqu'il y
prend , que les maiſons les
plus proches de celle qui brûle
ne ſoient point endommagées
du malheur de leur voifine.
Le monde eſt plein
du bruit de ces fameuſes incendies
qui ont ſouvent mis
des Villes en cendre. Plus
d'onze mille maiſons qui furentconſommées
par les flâmmes
de Conſtantinople il y a
environ un an , & la Ville de
Romhild en Saxe , qui vient
d'eſtre preſque entierement
bruflée , font de triſtes comparaiſons
qui ne peuvent fer206
MERCURE
de
vir qu'à faire admirer davantage
la diligence , le zele& les
précautionsdesMagiftrats
Paris. Le feu qui n'eſt point
allumé par la guerre , n'a dans
toutes les Villes du monde
quelesmêmes principes ; mais
il n'a pas dans celle- cy les mêmes
progrés. Lorſqu'il prend
icy on ade la peine à s'imaginer
qu'ailleurs des Villes enticres
periffent par les flammes,&
lorſqu'il prend ailleurs on ne
peut pas concevoir avec quelle
diligence on l'éteint icy.
Qu'on ne me reproche pas
qu'il faut n'avoir rien àdire
GALANT. 207
à
au Public pour l'entretenir
d'une maiſon brûlée , je crois
qu'il n'y a dans aucun Mercure
guere d'article qui ſoit plus
raisonnable que celuy cy ;
moins qu''oonn neprétende être
en droit de m'alleguer qu'une
choſe n'eſt bonne à raconter
qu'autant que les incidens du
fait ont cauſe d'éclat ou de
defordre.
Celuy dont il eſt queſtion
va me ſervir de réponſe à
toutes les objections du monde.
:
Le 12. de ce mois le feu
prit au bout de la tuë de la
1
208 MERCURE
Barillerie , derriere le Palais,à
la maiſond'un nommé Jean
Billoüard , Marchand de Bottes,
entre les quatre & cinq
heures du matin , ſa maiſon
embraſée du bas en haut ,
menaçoit déja les maiſons de
fon voiſinage, lorſque Monſieur
le premier Préſident &
Monfieur d'Argenfon y arriverent.
Les ordres ques les 2.
Magiſtrats donnerent , furent
ſipromptement executez qu'à
peine les Pompes de la Ville
furent amenées , les canaux
des ruës ouverts , & ces eaux
multipliées , & portées fans
relâche
GALANT. 209
1
relâche au milieu des flammes,
que le feu fut éteint.
Les gens qui aiment les
- grands évenemens , en verroient
de reſte dans une Ville
comme Paris, fiune pareillevi
gilance & des ſoins pareils ,
n'arrêtoient pas dans leurs ,
commencemens , le progrés
des defordres qui pourroient
y arriver tous les jours.
J'ay raconté le fond de
P'accident,je paffe maintenant
aux circonstances.ool of
L'efcalier de cette maiſon
fut le premier devoré par la
flamme. Anfi quatre ou cing
May 1714. S
210 MERCURE
ménages, peuplez d'hommes ,
de femmes ,&de petits enfans
qui Thabitoient trouverent ,
aprés que quelques uns des
premiers éveillez le furent ſauvez
par les toits , qu'il n'yavoit
plus de ſalut pour eux , à
moins de fauter par les fenêtres.
On mit des matelats
dans la ruë pour les recevoir
pendant que ſept perfonnes
deſcendoient d'une croiſée
du troiſième étage , avec
le ſecours d'une corde groffe
comme la moitié du petit
doit. Alors une Mere ( dont
les mouvemens font allez dif
GALANT. 211
ficiles à exprimer ) prit une
petite fille de trois ans qui ref.
toit encore avec elle dans la
chambre , elle l'embraffa , &
en même temps elle l'envoya
par la feneſtre: Un particulier
l'a reçût ſaine & fauve entre
ſes bras : Elle fit le ſaut aprés
ſon enfant , fa réſolution la
ſauva auxdépens de quelques
contufions: Mais c'eſt peu de
choſe pour un fi grand faut.
Un pauvre ouvrier qui demeuroit
au quatriéme , fut le
ſeul à qui il en coûta la vie:
Il ſe précipita de ſa fenestre
fur le pavé, oùil expiraàl'inf
S ij
212 MERCURE
tant. La vie d'un homme eſt
certainement d'un prix important;
mais je crois qu'on
ne sçauroit voir dans nul endroit
du monde de fi triſtes
Avantures àſi peu de frais.....
Fermer
Résumé : « Les circonstances d'un événement le rendent souvent le plus [...] »
Le texte examine les circonstances exceptionnelles qui peuvent accentuer l'importance d'un événement, comme les incendies dans les grandes villes. Bien que fréquents, certains incendies sont particulièrement notables, tels celui à Constantinople détruisant onze mille maisons ou celui à Romhild en Saxe. À Paris, les magistrats sont reconnus pour leur efficacité dans la gestion des incendies. Un incendie récent, le 12 du mois, a touché la maison de Jean Billoüard, marchand de bottes, derrière le Palais. Grâce à l'intervention rapide du premier Président et de Monsieur d'Argenfon, le feu a été maîtrisé. L'incendie a endommagé l'escalier, forçant plusieurs familles à fuir par les fenêtres. Des matelas ont été placés dans la rue pour amortir leur chute. Une mère a sauvé sa fille de trois ans en la lançant par la fenêtre avant de sauter elle-même. Malheureusement, un ouvrier a perdu la vie en tombant du quatrième étage. Le texte met en avant la valeur de la vie humaine et la prévention des tragédies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3918
p. 212-215
« Mr le Baron Perron de S. Martin, Baron de Quart, S. [...] »
Début :
Mr le Baron Perron de S. Martin, Baron de Quart, S. [...]
Mots clefs :
Roi, Ambassadeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Mr le Baron Perron de S. Martin, Baron de Quart, S. [...] »
Mr le Baron Perron de S.
Martin , Baron de Quart , S.
Vincent Donat , Joras , &c.
Gentil homme de la Chambre
de ſa Majesté Sicilienne ,
General de Bataille dans ſes
armées , Gouverneur de la
Ville & Province d'Ivrée,
fon Ambaſfadeur ordinaire
auprés du Roy de France , fit
GALANT. 213
fon entrée publique le 12.
decemois La ſuitede cet Ambaſſadeur
eſtoit compoféedu
Caroſſe du Roy , où estoient
l'Ambaſſadeur, le Maréchal de
Monteſquiou & l'Introducteur
, &des Caroſſes des Princes&
Princeſſes du Sang, dans
leſquels eſtoient les Gentilshommes
qui complimenterent
Mr l'Ambaſſadeur.
Les Caroffes de l'Introducteur
&du Maréchal precedez
de leurs valets de pieds . 18 .
valets de pieds de l'Ambaffadeur
, habillez d'une livrée
magnifique , fon Ecuyer & 4.
214 MERCURE
Pages à cheval. Le Suiffe à
cheval , qui precedoit le Caroſſede
l'Ambaſſadeur , àhuit
chevaux , fuivoient deux autres
Caroffes , dans lesquels
eſtoient Mr Denaudy , Secretaire
du Roy de Sicile & de
fon Ambaffade à la Cour de
France , & trois autres Gen.
tils-hommes. Aprés qu'il fut
arrivé à fon Hoſtel , il fut
complimenté de la part du
Roy par le Duc de la Tremoille
, premier Gentil hom
me de la Chambre de Sa Majesté,
de la part de Madame ,
par le Marquis deMortagne,
GALANC. 215
fon premier Ecuyer ; de la
part de Mr le Duc d'Orleans
par le Marquis d'Armentieres ,
ſon premier Gentil homme
de la Chambre; de la part
deMadame la Ducheffe d Orleans
par le Marquis de S.
Pierre , fon premier Ecuyer.
Le 24. le Prince de Lambefc
& le Baron de Brettül ,
vinrent avec le Caroſſe du
Roy prendre l'Ambaſfadeur
en fon Hoſtel , & le conduifirent
à Verſailles , où il cut
ſa premiere Audiance publique
de Sa Majefte. Aprés
quoy il cut Audiance deMon
seigneur le Dauphin, de Ma-
dame & Monseigneur le Duc
& de Madame la Duchesse
d Orleans. Il fit une tres belle
Harangue à Sa Majesté, à la-
quelle elle répondit en des
termes tres-obige
Martin , Baron de Quart , S.
Vincent Donat , Joras , &c.
Gentil homme de la Chambre
de ſa Majesté Sicilienne ,
General de Bataille dans ſes
armées , Gouverneur de la
Ville & Province d'Ivrée,
fon Ambaſfadeur ordinaire
auprés du Roy de France , fit
GALANT. 213
fon entrée publique le 12.
decemois La ſuitede cet Ambaſſadeur
eſtoit compoféedu
Caroſſe du Roy , où estoient
l'Ambaſſadeur, le Maréchal de
Monteſquiou & l'Introducteur
, &des Caroſſes des Princes&
Princeſſes du Sang, dans
leſquels eſtoient les Gentilshommes
qui complimenterent
Mr l'Ambaſſadeur.
Les Caroffes de l'Introducteur
&du Maréchal precedez
de leurs valets de pieds . 18 .
valets de pieds de l'Ambaffadeur
, habillez d'une livrée
magnifique , fon Ecuyer & 4.
214 MERCURE
Pages à cheval. Le Suiffe à
cheval , qui precedoit le Caroſſede
l'Ambaſſadeur , àhuit
chevaux , fuivoient deux autres
Caroffes , dans lesquels
eſtoient Mr Denaudy , Secretaire
du Roy de Sicile & de
fon Ambaffade à la Cour de
France , & trois autres Gen.
tils-hommes. Aprés qu'il fut
arrivé à fon Hoſtel , il fut
complimenté de la part du
Roy par le Duc de la Tremoille
, premier Gentil hom
me de la Chambre de Sa Majesté,
de la part de Madame ,
par le Marquis deMortagne,
GALANC. 215
fon premier Ecuyer ; de la
part de Mr le Duc d'Orleans
par le Marquis d'Armentieres ,
ſon premier Gentil homme
de la Chambre; de la part
deMadame la Ducheffe d Orleans
par le Marquis de S.
Pierre , fon premier Ecuyer.
Le 24. le Prince de Lambefc
& le Baron de Brettül ,
vinrent avec le Caroſſe du
Roy prendre l'Ambaſfadeur
en fon Hoſtel , & le conduifirent
à Verſailles , où il cut
ſa premiere Audiance publique
de Sa Majefte. Aprés
quoy il cut Audiance deMon
seigneur le Dauphin, de Ma-
dame & Monseigneur le Duc
& de Madame la Duchesse
d Orleans. Il fit une tres belle
Harangue à Sa Majesté, à la-
quelle elle répondit en des
termes tres-obige
Fermer
Résumé : « Mr le Baron Perron de S. Martin, Baron de Quart, S. [...] »
Le Baron Perron de Saint-Martin, Baron de Quart, Vincent Donat, Joras, ambassadeur ordinaire du roi de Sicile, arriva à Paris le 12 décembre. Son entrée publique se fit en grand cortège, incluant le carrosse du roi avec l'ambassadeur, le maréchal de Montesquiou et l'introducteur des ambassadeurs, ainsi que des carrosses de princes et princesses du sang. Le cortège comprenait également des valets de pied, des écuyers et des pages. À son hôtel, l'ambassadeur fut accueilli par des représentants du roi, de Madame, du duc d'Orléans et de la duchesse d'Orléans. Le 24 décembre, le prince de Lambesc et le baron de Breteuil conduisirent l'ambassadeur à Versailles pour sa première audience publique avec le roi de France. Il rencontra également le dauphin, Madame, le duc et la duchesse d'Orléans, et prononça une harangue à laquelle le roi répondit favorablement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3919
p. 218-253
« Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
Début :
Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...]
Mots clefs :
Constantinople, Lettre, Homme, Voyage, Animal, Empire, Guerre, Paris, Ambassadeur, Perse, Seigneur, Coeur, Nouvelles, Madrid, Empire ottoman, Géorgie, Frontières, Bijoux, Loup
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
Vll beaucoup de Let-
tres comme ce lle-ci
,
qu'un de mes amis m'é-
crit de Constantinople,
dattée du 20. Avril.
J'étois fort en peine de
vous, mon cher L F.lors-
que vôtre lettre est heureu-
sement venuë me tir r .fin
quictude. Vôtrestile libre
& enjoüé, & vos nouvelles
badines n'ont pas mal con-
tribuéà me persuader que
vous vous portez bien: mais
la lâcheté de vos reflexions,
& l'indolence de vôtre philofophie
m'ont mis dans
une telle colere contre
vous, que je n'ai pas le courage
de vous feliciter fur
ſanté dont vous joüiffez ,
puiſque vous avez reſolu de
l'employer plus mal que je
n'aurois jamais oſe me l'imaginer.
Vous voulez maintenant
que tous les amis que vous
avez laiſſez dans les differentes
regions du monde ,
foient fûrs de vous trouver
à Paris juſqu'à la fin de vos
jours. JJaaddiiss on avoit le plai-
T
GALANT.
219
fir de s'entretenir quelquefois
avec vous du Nort au
Sud , & de l'Eſt à l'Oüeft ;
je comptois mêmeque vous
n'abandonneriez pas nôtre
nouvel Ambaſſadeur, aprés
le portrait que vous m'avez
fait , & de fon merite,
& des obligatious que vous
lui avez . Neanmoins il partira
ſans vous , pendant que
vous vivrez à Paris comme
un Parifien , & qu'éternel.
lement ſujet à un coup de
cloche , la Samaritaine reglera
tous les momens de
vôtre vie . Voila en verité
Tij
220 MERCURE
une plaiſante profeffion
pour un homme de vôtre
humeur.
L'audacieux Simon de
Bellegarde , qui recom
mence à preſent pour la
troiſième fois le voyage de
la Byſſinie, arriva ici avanthier.
Je dînai & je ſoupai
hier avec lui. Il me dit qu'il
vous avoit vû à Madrid ,
dans le deſſein de le ſuivre
de prés. Il ajoûta même qu'il
avoit quelque legere intention
de vous attendre à fa
maiſon de Scutari , où il va
paſſer quelquetemps,avant
GALANT. 221
d'entreprendre ( avec fon
grand Negre qu'il a retrouvé
) de courir à la dé
couverte du Temple de Jupiter
Hammon , & de retourner
en Ethiopie. Je lui
dis , aprés pluſieurs bagatelles
que nous debitâmes
fur votre compte , que s'il
n'attendoit que vous pour
aller rendre viſite au Prête-
Jean , il n'avoit que faire de
ſe charger de bouſſole , ni
d'eau , pour traverſer plus
commodément les fables
de l'Egypte. En même
temps je lui montrai vôtre
Tiij
222 MERCURE
Lettre. Je ne veux pas vous
faire rougir de toutes les
injures dont il vous accabla.
Il vous traita d'homme
fans coeur & fans foy ;
enfin il acheva ſa declamation
par cette belle fentence
: Morbleu , dit il , il n'a
pas tant de tort ; il a fait trop
de chemin inutile depuis qu'il
est au monde, pour ne pas se
refoudre en confcience à être
faineant jusqu'àla mort ;
je ferai bien furpris fi à la fin
cette reſolution n'est pasſuivie
de quelques voeux melancoliques.
Mais vous ne faites
GALANT.
223
point d'attention , lui disje,
à ce qu'il me mande ,
&vous ne voyez pas qu'il
aime mieux travailler à Paris
à faire imprimer ſes
- voyages , & peut - être les
nôtres. Oh ma foy , repritil
, il fait bien , & cet employ
me paroît fort d'accord
avec fes faillies. Ecrivez-lui
au plûtôt , que je mette un mot
dans votre Lettre , & promettons-
lui bien des merveilles.
**Ainſi nous nous ſeparames
tous deux , affez mortifiez
d'être fûrs de ne vous
revoirde long temps : mais
Tiiij
224 MERCURE
ſi vous m'aimez toûjours ,
mon cher L. F. faites du
moins que vos Lettres me
confolent de vôtre abſence.
De mon côté j'eſpere
ne vous pas mal dedommager
de vôtre exactitude.
Le depit que j'ai eu en
liſant votre Lettre , de vous
voir capable de la foibleſſe
de vous forger enfin l'idée
du repos dont vous vous
flatez , avant de ſentir que
le public vous fatiguera
peut- être plus que tous les
monts & tous les vaux de
l'univers , devroit , ſi j'étois
GALANT 225
&
d'humeur vindicative ,
m'empêcher d'étendre plus
loin ma réponſe: mais mon
interêt l'emporte ſur mon
depit , & j'apprehendrois
trop de voir bientôt finir
de vôtre côté nôtre commerce
epiftolaire , ſi je ne
vous écrivois que des nouvelles
inutiles pour vous ,
ou indifferentes à ceux à
qui vous pouvez les com.
muniquer.Ainſi je vais vous
entretenir de la Georgie ,
de la Perſe , de Bizance , &
de moy.
Il y a quelque tempsqu'il
226 MERCURE
vint ici un des principaux
Timars de la Georgie, avec
qui je me liai d'amitié , de
façon à ne m'en pouvoir
jamais dédire , tant il me
donna d'eſtime pour lui.
Avant de vous apprendre
ce qu'il m'a conté de fon
hiſtoire , j'ai deux mots a
vous dire de la qualité de
fon employ.
Un Timar dans cet Empire
eft ordinairement un
homme de guerre , à qui
l'on donne la joüiffance &
le revenu d'une certaine
quantité de terres ( qu'on
GALANT.
227
i
appelle timariot. ) Les uns
valent plus , les autres
moins. Il y en a qui rapportent
quatre cens, cinq cens ,
mille , &juſqu'à deux mille
écus de rente. Il y en a
beaucoup au deſſous. Ceux
à qui on donne ces places ,
font obligez , dans tous les
beſoins de l'Etat , de ſe ranger
, au premier bruit de
guerre , ſous l'étendart de
la Religion , & de mener
avec eux à leurs dépens , au
moins un ou deux cavaliers
ou fantaſſins de leur
timariot. Ces Timars font
228 MERCURE
de vrais tyrans dans l'éten
duë de leur domaine. Celui-
ci en a un des plus con
fiderables , & il m'a juré
que , ſans inquieter jamais
ſes vaffaux , le ſien lui val
loit tous les ans plus de cinq
cens ſequins de rente ; aufli
eft il fort riche Il s'appelle
Oſmin Kara. C'eſt un vieux
Muſſulmane, recomman
bleppar ſa bonne mine autant
qu'il l'eſt depuis longtemps
par ſa valeur. Il eſt
fils d'un de ces enfans de
tribut qu'on appelle Azamoglans.
Il ſervoit dans les
GALANT.
229
Janiſſaires lorſqueMahomet
quatre fut dépoſſedé par
quar
fon frere Soliman III. Il
ſe trouva malheureuſement
engagé étroitement dans
le parti de ces deux fameux
ſeditieux Fetfagi & Haggi
Ali , dont la revolte penſa
caufer la ruine entiere de
l'Empire Othoman. Ce fut
lui , qui aprés avoir été des
plusanimez &des plus heureux
au pillage de la maiſon
&des richeſſes du grand
Treſorier ,entra le premier
le fabre & la flame à la
main dans la maiſon du
230 MERCURE
grand Viſir Siaous , qui ,
aprés avoir mal à propos
remis le ſceau de l'Empire
dans les mains du Muphti ,
au milieu de cet affreux de
fordre fut tué d'un coupde
piſtolet , que Haggi Ali lui
tira dans la tête. Il fut un
de ceux qui ſçut le mieux
&le plus fecretement profiter
des joyaux qui furent
arrachez aux femmes &
aux enfans de ce malheu
reux Vifir , qu'on traîna
comme lui dans les ruës de
Conſtantinople , aprés les
avoir égorgez. Enfin ce fut
GALANT...
231
lui qui ſauva la plus jeune
fille de Siaous avec une ef
clave , qu'il vendit publiquement
quatre ſequins à
un Marchand Arabe , qui
lui promit en ſecret de les
lui rendre pour le même
prix , lors qu'il voudroit les
racheter ; ce qu'il fit lorfque
le tumulte fut appaifé.
On s'étonne rarement ici)
des actes de bonne foy, l'uſage
eſt de n'y pas manquer
Oſmin Kara confia avec
ſon argent & ſes bijoux ,
cette petite fille,feul refte
zoulo
232 MERCURE
de la famille des deux
grands Viſirs Cuprogli , qui
avoient fi heureuſement
travaillé pour l'agrandiffement
& pour la gloire de
l'Empire Othoman , à un
vieux Marchand Armenien
ſon ami, établi dans le faux.
bourg de Galata. Ce bon
homme garda ce dépôt
chez lui pendant dix ans ,
qu'Ofmin , qui eut ordre
d'aller fervir dans les Ja
niſſaires de Babylone , paffa
fur les frontieres de la Perſe
, qui menaçoit alors le
grand Seigneur de lui do
clarer
GALANT. 233
clarer la guerre. Afon re
tour à Conſtantinople , on
lui donna un timariot de
deux cens ſequins de rente.
Désqu'ilſe vit en poffeffion
d'un azile , il alla chez ſon
ami , qui lui rendit , avec
ſes bijoux , la fille de Siaous
grande , bien faite &belle.
Elle avoit juſqu'alors ignoré
ſa naiſſance ; il la lui ap
prit , & en même temps il
lui demanda ſi elle vouloit
l'épouſer. Elle y confentit.
La ceremonie de ce ma
riage ſe fit à la Turque. Il
remercia ſon ami , il prit
May 1714. V
234 MERCURE
congé de lui , & il ſe retira
avec ſon épouſe dans ſon
timariot , où il a toûjours
vêcu avec elle comme s'il
lui eût été défendu d'avoir
plus d'une femme.
Il ya cinq ans que le
dernier Vifir depolé , qui
l'avoit toûjours conſideré ,
changea ſon timariot pour
celui qu'il poſſede. Nya
trois mois qu'il étoit ici , &
c'eſt de lui que j'ai appris
le petit trait d'hiſtoire que
vous allez lire .
J'étois , me dit - il un
jour , dans les Janiſſaires du
GALANT. 235
Sultan Solyman , qui ( pour
nous punir des troubles
que nôtre union avec les
Spahis avoit caufez dans
Conſtantinople ) nous envoya
fur les frontieres de
la Perſe , lors qu'un ſujet
du Sophi me tomba entre
les mains. Toutes les raifons
& toutes les regles de
la guerre le rendoient mon
prifonnier : mais je trouvai
tant de probité dans cet
homme , que , loin de fon,
ger àa m'en faire un eſclave,
je tâchai ſeulementde m'en
faire un ami , & j'y reüffis.
V ij
236 MERCURE
Un jour me promenant
avec lui parmi un ggrraand
nombre de tombeaux ,
(dont on voit encore des
ruïnes magnifiques à un
ne:) Vous m'aimez , me
quart de lieuë de Babylodit-
il , fans me connoître ;
cela ne me fuffit pas , je
veux vous apprendre qui je
fuis, pour voir comme vous
me traiterez lorſque vous
me connoîtrez. Je m'appelle
Achmet Ereb. La vertu
qui fait ma nobleſſe a fait
les honneurs & les infortunes
de ma vie. Le Sophi
GALANT. 237
mon Seigneur m'a comblé
pendant dix ans des biens
qu'il vient de m'ôter en un
jour. Mes ennemis lui ont
perfuadé que j'avois trouvé
un trefor. Quoique je n'aye
jamais poffedé d'autres richeſſes
que celles qu'il m'a
données , il a neanmoins
crû mes accuſateurs. Enfin
aun de ſes Officiers vint un
ſoir me dire que le Sophi
m'ordonnoit de me rendre
le lendemain , aprés la premiere
priere , au pied de ſa
Tribune , pour répondre au
crime dont on m'accuſoit.
238 MERCURE
Ce Prince aimoit beau.
coup la pêche , & il y avoit
alors plus de deux ans que
je travaillois avec ma femme
à lui faire , de ſes propres
largeſles ,un preſent
qui pût lui plaire. C'eſt un
filet qui a ſoixante pieds de
longueur , fur trois de hauteur,
dont tout le rezeau eft
d'or fin , fans aucun mélange
de foye ; au lieu de
plomb , j'ai mis de diſtance
en diſtance des boules d'or
& d'argent , & pour foû .
tenir le poids du filet , le
cordon qui reſte ſur l'eau
GALANT. 239
eſt garni de pieces de cedre
& de liege attachées
au filet avec des anneaux
d'or. Voila , lui dis je, en le
lui preſentant le lendemain
matin , le treſor que je pof.
fede. Je dois à la generofité
de Ta Hauteſſe tout l'or
dont il eſt enrichi , & lorf
quej'ai entrepris de le faije
ne l'ai jamais deftiné
qu'au plaifir de Ta Hauteſſe.
Dieu est tout puiſſant
&tout mifericordieux , &
le faint Prophete m'entend.
Je lui donnai avec cela un
zirtlan que j'aimois, & qui
re
240 MERCURE
me parloit commeunhomme.
Pour recompenſe de
ma bonne foy , on a bien
reçû mon preſent. Je me
ſuis appauvri à le faire , &
le Sophi m'a chaffé. Voila
cequ'Oſmin me conta.
Que penſez-vous , mon
cher L. F. de la politique
de cet homme ? Auriezvous
en ſa place donné vô
tre filet ? l'auriez-vous gardé
? auriez vous , aux yeux
de vôtre Juge montré vô.
tre richefle , ou foûtenu võ.
tre pauvreté ? N'y avoit - il
que de la vertu à faire l'un
ou
GALANT.
241
2
ou l'autre ? Enfin comment
vous feriez-vous défendu? ...
Mais à propos du zirtlan
que je viens de vous nommer,
je veux vous apprendre
ce que c'eſt , ſi vous ne
le ſçavez pas ; à la bonne
heure ſi vous le ſçavez , je
n'ai rien de mieux à faire.
C'eſt un animal que les
Tarcs appellent zirtlan , &
les autres nations byena.
Cet animal eſt de la taille
d'un loup ordinaire. Il entend
parfaitement la voix
humaine , & il comprend à
merveille le ſens de toutes
May 1714.
X
242 MERCURE
१०
2
les paroles qu'il entend.
Ofmin, qui en a depuis longtemps
apprivoiſez , m'a affuré
qu'ils lui avoient quelquefois
répondu des mots
bien articulez , & fort relatifs
à ceux qu'il leur avoit
dits. La maniere dont on
le prend eſt admirable.
Ceux qui font affez hardis
pour lui donner la chaffe
approchent de ſa caverne ,
qu'un monceau d'oſſemens
&de carcaffes des animaux
qu'il a dévorez rend toûjours
fort reconnoiſſable.
Le plus audacieux de ces
GALANT. 243
chaſſeurs entre dans la caverne
, tenant à ſa main le
bout d'une corde, dont ſes
camarades 'tiennent l'autre
àla porte. Sitôt qu'il met
le pieddans l'antre , il cric
de toute ſa force , joctur ,
* joctur , ucala. Cela veutdire ,
il n'y eſt pas , il n'y eſt pas ;
2 & en criant toûjours , il n'y
Deſt pas , il arrive juſqu'auprés
de ce terrible animal ,
qui ſe ſerre contre la terre ,
perfuadé que les hommes
qui le cherchent ne mencent
point , & qu'ils font
apparemment ſûrs de ne le
C
7
Xij
244 MERCURE
pas trouver , puis qu'ils dilent
toûjours qu'il n'y eft
pas. Alors le chaſſeur , fans
diſcontinuer de crier , il n'y
eſt pas , lui paſſe ſa corde
entre les cuiffes , l'attache
demaniere à ne le pas manquer.
Il laiſſe enſuite traf
ner la corde à terre ; puis à
meſure qu'il ſe retire à reculon
, il crie , juſqu'à ce
qu'il ſoit dehors , il n'y eſt
pas : mais dés qu'il a regagné
la porte de cet affreux
gîte , il crie de toute fa force
avec ſes camarades , il y
eſt , il y eft, il y eſt. L'aniGALANT.
245
mal qui ſe voit ainſi découvert
, s'élance auffitôt
avec fureur pour devorer
ſes ennemis : mais il eſt ſi
bien pris , qu'en fortant de
ſa caverne ou on le tuë , ou
il s'enferme dans une grande
machine faite, exprés
pour le prendre en vie .
Si je n'avois pas vû cet
animal ; ſi je n'étois pas für
qu'il entend & comprend
les fons de la voixde l'homme
, & fi je ne croyois pas
de bonne foy ce qu'Ofmin
m'en a raconté , je ne pourrois
pas encore me perfua-
Xiij
246 MERCURE
der que ce que le ſage &
ſçavant Augerius Giſlenius
Buſbequius en a écrit ne
fût un vrai conte à dormir
debout. Je vous envoye exprés
ceque nous en a dit ce
Miniſtre qui , comme vous
ſçavez , fut ici long-temps
Ambaſſadeur de l'Empereur
Maximilien auprés du
Grand Sultan Solyman premier.
Voici les termes de
l'original.
Extractum Epift. 1. Aug.
G. B... p. 74. de hyænis.
Jam ride quantùm lubet ,
GALANT. 247
ram.
fi unquam riſiſti ; fabulam audies
quam ex ore populi refe-
Aiunt hyenam , ( quam
ipfi zirtlan vocant)fermonem
intelligere humanum , ( veteres
imitari dixerunt ) proptereaque
à venatoribus hunc in
modum capi. Accedunt ad ejus
cavernam,quam ex offiumcumulo
deprehendi facile eft . Subit
unus cum fune , cujus partem
extremam fociis tenendam foris
relinquit ; ipſe identidem
pronuntians , joctur , joctur ,
ucala ; illam fe non reperire
illam non adeffe introrepit. At
hyena quese latere, nefcirique
X iiij
248 MERCURE
ex ejus fermone putat , manet
immota , donec fibi crus fune
vinciatur ; fubinde venatore
illam non adeffe clamitante.
Deinde cum iifdem verbis retrocedit
: fed ubi jam ex fpelunca
evafit , de repente cla
more magno hyænam intus effe
pronuntiat ; quo illa intellecto,
vehementi impetu ut fugam
capiat nequicquam profilit , venatoribus
per funem quo crus
ei implicatum diximus retinentibus.
Sic eam vel occidi , vel
adhibita industria narrant vivam
capi. Nam animalſevum
eft , & quod se impigrè deffendat.
GALANT. 249
Ainſi vous pouvez , mon
ami , juger de ce que j'en
ai vû , par ce qu'en ditBufbek.
A l'égarddes contemporains
, ſon témoignage
fait fort peu pour mon difcours
, puiſque l'avantage
quej'ai d'être , me doit rendre
au moins auffi croyable
que lui , qui n'eſt plus ;
d'ailleurs ce n'eſt pas àvous
que je voudrois en impofer.
Au reſte , je vous avouë
qu'il n'y a rien de curieux
dans les Lettres que Buſbek
a écrite de ce pays.ci , dont
250 MERCURE
je n'aye eu une envie extrême
de m'éclaircir par moymême
; & tout ce qu'il a
dit des elephans , des cigales&
des fourmis , eſt admirable
& vrai: mais je vous
en entretiendrai une autre
fois , & l'emplette que j'ai
faite il y a quelque temps
de deux filles d'un pays
dont il fait un plaifant détail,
me fournira , avec l'hiftoire
des animaux dont il
parle, la matiere de ma pre
miere lettre . Celle- ci est
longue, mon ami: mais ily
ahuit cens lieuës entre nous
GALANT. 251
deux , la terre eſt peu fûre
pour nos correſpondances ,
les navires , les fregates, les
galeres , les caïques , les
tartanes , & les barques ne
partent pas tous les jours :
ainſi major è longinquo reverentia.
Par conſequent mes
lettres , quelque longues
qu'elles foient , ne doivent
jamais vous ennuyer.
Le deſtin du Roy de Suede
paroît meilleur qu'il n'a
été depuis long- temps.
M. Setun, Ambaſſadeur
d'Angleterre ici , m'a dit
qu'ilſouhaitoit debon coeur
1
2524
MERCURE
entretenir avec vous unc
relation égale. Ce Miniftre
m'a paru fort ſenſible à la
nouvelle de la mort du fils
du Milord Lexington , fon
neveu & vôtre ami
que
vous avez vù mourir a Madrid.
Les termes dont vous
ةي
vous ſervez en parlant de
ce jeune Seigneur lui ont
fait concevoir tant d'eſtime
pour vous , qu'il ne ceſſe
de me demander fi je ſuis
bien fûr que vous m'enver
rez exactement des nouvelles
de France. Je vous
en prie avec la derniere infGALANT.
253
:
tance , & fuis de tout mon
coeur , mon cher L. F.
Vôtre , &c.
tres comme ce lle-ci
,
qu'un de mes amis m'é-
crit de Constantinople,
dattée du 20. Avril.
J'étois fort en peine de
vous, mon cher L F.lors-
que vôtre lettre est heureu-
sement venuë me tir r .fin
quictude. Vôtrestile libre
& enjoüé, & vos nouvelles
badines n'ont pas mal con-
tribuéà me persuader que
vous vous portez bien: mais
la lâcheté de vos reflexions,
& l'indolence de vôtre philofophie
m'ont mis dans
une telle colere contre
vous, que je n'ai pas le courage
de vous feliciter fur
ſanté dont vous joüiffez ,
puiſque vous avez reſolu de
l'employer plus mal que je
n'aurois jamais oſe me l'imaginer.
Vous voulez maintenant
que tous les amis que vous
avez laiſſez dans les differentes
regions du monde ,
foient fûrs de vous trouver
à Paris juſqu'à la fin de vos
jours. JJaaddiiss on avoit le plai-
T
GALANT.
219
fir de s'entretenir quelquefois
avec vous du Nort au
Sud , & de l'Eſt à l'Oüeft ;
je comptois mêmeque vous
n'abandonneriez pas nôtre
nouvel Ambaſſadeur, aprés
le portrait que vous m'avez
fait , & de fon merite,
& des obligatious que vous
lui avez . Neanmoins il partira
ſans vous , pendant que
vous vivrez à Paris comme
un Parifien , & qu'éternel.
lement ſujet à un coup de
cloche , la Samaritaine reglera
tous les momens de
vôtre vie . Voila en verité
Tij
220 MERCURE
une plaiſante profeffion
pour un homme de vôtre
humeur.
L'audacieux Simon de
Bellegarde , qui recom
mence à preſent pour la
troiſième fois le voyage de
la Byſſinie, arriva ici avanthier.
Je dînai & je ſoupai
hier avec lui. Il me dit qu'il
vous avoit vû à Madrid ,
dans le deſſein de le ſuivre
de prés. Il ajoûta même qu'il
avoit quelque legere intention
de vous attendre à fa
maiſon de Scutari , où il va
paſſer quelquetemps,avant
GALANT. 221
d'entreprendre ( avec fon
grand Negre qu'il a retrouvé
) de courir à la dé
couverte du Temple de Jupiter
Hammon , & de retourner
en Ethiopie. Je lui
dis , aprés pluſieurs bagatelles
que nous debitâmes
fur votre compte , que s'il
n'attendoit que vous pour
aller rendre viſite au Prête-
Jean , il n'avoit que faire de
ſe charger de bouſſole , ni
d'eau , pour traverſer plus
commodément les fables
de l'Egypte. En même
temps je lui montrai vôtre
Tiij
222 MERCURE
Lettre. Je ne veux pas vous
faire rougir de toutes les
injures dont il vous accabla.
Il vous traita d'homme
fans coeur & fans foy ;
enfin il acheva ſa declamation
par cette belle fentence
: Morbleu , dit il , il n'a
pas tant de tort ; il a fait trop
de chemin inutile depuis qu'il
est au monde, pour ne pas se
refoudre en confcience à être
faineant jusqu'àla mort ;
je ferai bien furpris fi à la fin
cette reſolution n'est pasſuivie
de quelques voeux melancoliques.
Mais vous ne faites
GALANT.
223
point d'attention , lui disje,
à ce qu'il me mande ,
&vous ne voyez pas qu'il
aime mieux travailler à Paris
à faire imprimer ſes
- voyages , & peut - être les
nôtres. Oh ma foy , repritil
, il fait bien , & cet employ
me paroît fort d'accord
avec fes faillies. Ecrivez-lui
au plûtôt , que je mette un mot
dans votre Lettre , & promettons-
lui bien des merveilles.
**Ainſi nous nous ſeparames
tous deux , affez mortifiez
d'être fûrs de ne vous
revoirde long temps : mais
Tiiij
224 MERCURE
ſi vous m'aimez toûjours ,
mon cher L. F. faites du
moins que vos Lettres me
confolent de vôtre abſence.
De mon côté j'eſpere
ne vous pas mal dedommager
de vôtre exactitude.
Le depit que j'ai eu en
liſant votre Lettre , de vous
voir capable de la foibleſſe
de vous forger enfin l'idée
du repos dont vous vous
flatez , avant de ſentir que
le public vous fatiguera
peut- être plus que tous les
monts & tous les vaux de
l'univers , devroit , ſi j'étois
GALANT 225
&
d'humeur vindicative ,
m'empêcher d'étendre plus
loin ma réponſe: mais mon
interêt l'emporte ſur mon
depit , & j'apprehendrois
trop de voir bientôt finir
de vôtre côté nôtre commerce
epiftolaire , ſi je ne
vous écrivois que des nouvelles
inutiles pour vous ,
ou indifferentes à ceux à
qui vous pouvez les com.
muniquer.Ainſi je vais vous
entretenir de la Georgie ,
de la Perſe , de Bizance , &
de moy.
Il y a quelque tempsqu'il
226 MERCURE
vint ici un des principaux
Timars de la Georgie, avec
qui je me liai d'amitié , de
façon à ne m'en pouvoir
jamais dédire , tant il me
donna d'eſtime pour lui.
Avant de vous apprendre
ce qu'il m'a conté de fon
hiſtoire , j'ai deux mots a
vous dire de la qualité de
fon employ.
Un Timar dans cet Empire
eft ordinairement un
homme de guerre , à qui
l'on donne la joüiffance &
le revenu d'une certaine
quantité de terres ( qu'on
GALANT.
227
i
appelle timariot. ) Les uns
valent plus , les autres
moins. Il y en a qui rapportent
quatre cens, cinq cens ,
mille , &juſqu'à deux mille
écus de rente. Il y en a
beaucoup au deſſous. Ceux
à qui on donne ces places ,
font obligez , dans tous les
beſoins de l'Etat , de ſe ranger
, au premier bruit de
guerre , ſous l'étendart de
la Religion , & de mener
avec eux à leurs dépens , au
moins un ou deux cavaliers
ou fantaſſins de leur
timariot. Ces Timars font
228 MERCURE
de vrais tyrans dans l'éten
duë de leur domaine. Celui-
ci en a un des plus con
fiderables , & il m'a juré
que , ſans inquieter jamais
ſes vaffaux , le ſien lui val
loit tous les ans plus de cinq
cens ſequins de rente ; aufli
eft il fort riche Il s'appelle
Oſmin Kara. C'eſt un vieux
Muſſulmane, recomman
bleppar ſa bonne mine autant
qu'il l'eſt depuis longtemps
par ſa valeur. Il eſt
fils d'un de ces enfans de
tribut qu'on appelle Azamoglans.
Il ſervoit dans les
GALANT.
229
Janiſſaires lorſqueMahomet
quatre fut dépoſſedé par
quar
fon frere Soliman III. Il
ſe trouva malheureuſement
engagé étroitement dans
le parti de ces deux fameux
ſeditieux Fetfagi & Haggi
Ali , dont la revolte penſa
caufer la ruine entiere de
l'Empire Othoman. Ce fut
lui , qui aprés avoir été des
plusanimez &des plus heureux
au pillage de la maiſon
&des richeſſes du grand
Treſorier ,entra le premier
le fabre & la flame à la
main dans la maiſon du
230 MERCURE
grand Viſir Siaous , qui ,
aprés avoir mal à propos
remis le ſceau de l'Empire
dans les mains du Muphti ,
au milieu de cet affreux de
fordre fut tué d'un coupde
piſtolet , que Haggi Ali lui
tira dans la tête. Il fut un
de ceux qui ſçut le mieux
&le plus fecretement profiter
des joyaux qui furent
arrachez aux femmes &
aux enfans de ce malheu
reux Vifir , qu'on traîna
comme lui dans les ruës de
Conſtantinople , aprés les
avoir égorgez. Enfin ce fut
GALANT...
231
lui qui ſauva la plus jeune
fille de Siaous avec une ef
clave , qu'il vendit publiquement
quatre ſequins à
un Marchand Arabe , qui
lui promit en ſecret de les
lui rendre pour le même
prix , lors qu'il voudroit les
racheter ; ce qu'il fit lorfque
le tumulte fut appaifé.
On s'étonne rarement ici)
des actes de bonne foy, l'uſage
eſt de n'y pas manquer
Oſmin Kara confia avec
ſon argent & ſes bijoux ,
cette petite fille,feul refte
zoulo
232 MERCURE
de la famille des deux
grands Viſirs Cuprogli , qui
avoient fi heureuſement
travaillé pour l'agrandiffement
& pour la gloire de
l'Empire Othoman , à un
vieux Marchand Armenien
ſon ami, établi dans le faux.
bourg de Galata. Ce bon
homme garda ce dépôt
chez lui pendant dix ans ,
qu'Ofmin , qui eut ordre
d'aller fervir dans les Ja
niſſaires de Babylone , paffa
fur les frontieres de la Perſe
, qui menaçoit alors le
grand Seigneur de lui do
clarer
GALANT. 233
clarer la guerre. Afon re
tour à Conſtantinople , on
lui donna un timariot de
deux cens ſequins de rente.
Désqu'ilſe vit en poffeffion
d'un azile , il alla chez ſon
ami , qui lui rendit , avec
ſes bijoux , la fille de Siaous
grande , bien faite &belle.
Elle avoit juſqu'alors ignoré
ſa naiſſance ; il la lui ap
prit , & en même temps il
lui demanda ſi elle vouloit
l'épouſer. Elle y confentit.
La ceremonie de ce ma
riage ſe fit à la Turque. Il
remercia ſon ami , il prit
May 1714. V
234 MERCURE
congé de lui , & il ſe retira
avec ſon épouſe dans ſon
timariot , où il a toûjours
vêcu avec elle comme s'il
lui eût été défendu d'avoir
plus d'une femme.
Il ya cinq ans que le
dernier Vifir depolé , qui
l'avoit toûjours conſideré ,
changea ſon timariot pour
celui qu'il poſſede. Nya
trois mois qu'il étoit ici , &
c'eſt de lui que j'ai appris
le petit trait d'hiſtoire que
vous allez lire .
J'étois , me dit - il un
jour , dans les Janiſſaires du
GALANT. 235
Sultan Solyman , qui ( pour
nous punir des troubles
que nôtre union avec les
Spahis avoit caufez dans
Conſtantinople ) nous envoya
fur les frontieres de
la Perſe , lors qu'un ſujet
du Sophi me tomba entre
les mains. Toutes les raifons
& toutes les regles de
la guerre le rendoient mon
prifonnier : mais je trouvai
tant de probité dans cet
homme , que , loin de fon,
ger àa m'en faire un eſclave,
je tâchai ſeulementde m'en
faire un ami , & j'y reüffis.
V ij
236 MERCURE
Un jour me promenant
avec lui parmi un ggrraand
nombre de tombeaux ,
(dont on voit encore des
ruïnes magnifiques à un
ne:) Vous m'aimez , me
quart de lieuë de Babylodit-
il , fans me connoître ;
cela ne me fuffit pas , je
veux vous apprendre qui je
fuis, pour voir comme vous
me traiterez lorſque vous
me connoîtrez. Je m'appelle
Achmet Ereb. La vertu
qui fait ma nobleſſe a fait
les honneurs & les infortunes
de ma vie. Le Sophi
GALANT. 237
mon Seigneur m'a comblé
pendant dix ans des biens
qu'il vient de m'ôter en un
jour. Mes ennemis lui ont
perfuadé que j'avois trouvé
un trefor. Quoique je n'aye
jamais poffedé d'autres richeſſes
que celles qu'il m'a
données , il a neanmoins
crû mes accuſateurs. Enfin
aun de ſes Officiers vint un
ſoir me dire que le Sophi
m'ordonnoit de me rendre
le lendemain , aprés la premiere
priere , au pied de ſa
Tribune , pour répondre au
crime dont on m'accuſoit.
238 MERCURE
Ce Prince aimoit beau.
coup la pêche , & il y avoit
alors plus de deux ans que
je travaillois avec ma femme
à lui faire , de ſes propres
largeſles ,un preſent
qui pût lui plaire. C'eſt un
filet qui a ſoixante pieds de
longueur , fur trois de hauteur,
dont tout le rezeau eft
d'or fin , fans aucun mélange
de foye ; au lieu de
plomb , j'ai mis de diſtance
en diſtance des boules d'or
& d'argent , & pour foû .
tenir le poids du filet , le
cordon qui reſte ſur l'eau
GALANT. 239
eſt garni de pieces de cedre
& de liege attachées
au filet avec des anneaux
d'or. Voila , lui dis je, en le
lui preſentant le lendemain
matin , le treſor que je pof.
fede. Je dois à la generofité
de Ta Hauteſſe tout l'or
dont il eſt enrichi , & lorf
quej'ai entrepris de le faije
ne l'ai jamais deftiné
qu'au plaifir de Ta Hauteſſe.
Dieu est tout puiſſant
&tout mifericordieux , &
le faint Prophete m'entend.
Je lui donnai avec cela un
zirtlan que j'aimois, & qui
re
240 MERCURE
me parloit commeunhomme.
Pour recompenſe de
ma bonne foy , on a bien
reçû mon preſent. Je me
ſuis appauvri à le faire , &
le Sophi m'a chaffé. Voila
cequ'Oſmin me conta.
Que penſez-vous , mon
cher L. F. de la politique
de cet homme ? Auriezvous
en ſa place donné vô
tre filet ? l'auriez-vous gardé
? auriez vous , aux yeux
de vôtre Juge montré vô.
tre richefle , ou foûtenu võ.
tre pauvreté ? N'y avoit - il
que de la vertu à faire l'un
ou
GALANT.
241
2
ou l'autre ? Enfin comment
vous feriez-vous défendu? ...
Mais à propos du zirtlan
que je viens de vous nommer,
je veux vous apprendre
ce que c'eſt , ſi vous ne
le ſçavez pas ; à la bonne
heure ſi vous le ſçavez , je
n'ai rien de mieux à faire.
C'eſt un animal que les
Tarcs appellent zirtlan , &
les autres nations byena.
Cet animal eſt de la taille
d'un loup ordinaire. Il entend
parfaitement la voix
humaine , & il comprend à
merveille le ſens de toutes
May 1714.
X
242 MERCURE
१०
2
les paroles qu'il entend.
Ofmin, qui en a depuis longtemps
apprivoiſez , m'a affuré
qu'ils lui avoient quelquefois
répondu des mots
bien articulez , & fort relatifs
à ceux qu'il leur avoit
dits. La maniere dont on
le prend eſt admirable.
Ceux qui font affez hardis
pour lui donner la chaffe
approchent de ſa caverne ,
qu'un monceau d'oſſemens
&de carcaffes des animaux
qu'il a dévorez rend toûjours
fort reconnoiſſable.
Le plus audacieux de ces
GALANT. 243
chaſſeurs entre dans la caverne
, tenant à ſa main le
bout d'une corde, dont ſes
camarades 'tiennent l'autre
àla porte. Sitôt qu'il met
le pieddans l'antre , il cric
de toute ſa force , joctur ,
* joctur , ucala. Cela veutdire ,
il n'y eſt pas , il n'y eſt pas ;
2 & en criant toûjours , il n'y
Deſt pas , il arrive juſqu'auprés
de ce terrible animal ,
qui ſe ſerre contre la terre ,
perfuadé que les hommes
qui le cherchent ne mencent
point , & qu'ils font
apparemment ſûrs de ne le
C
7
Xij
244 MERCURE
pas trouver , puis qu'ils dilent
toûjours qu'il n'y eft
pas. Alors le chaſſeur , fans
diſcontinuer de crier , il n'y
eſt pas , lui paſſe ſa corde
entre les cuiffes , l'attache
demaniere à ne le pas manquer.
Il laiſſe enſuite traf
ner la corde à terre ; puis à
meſure qu'il ſe retire à reculon
, il crie , juſqu'à ce
qu'il ſoit dehors , il n'y eſt
pas : mais dés qu'il a regagné
la porte de cet affreux
gîte , il crie de toute fa force
avec ſes camarades , il y
eſt , il y eft, il y eſt. L'aniGALANT.
245
mal qui ſe voit ainſi découvert
, s'élance auffitôt
avec fureur pour devorer
ſes ennemis : mais il eſt ſi
bien pris , qu'en fortant de
ſa caverne ou on le tuë , ou
il s'enferme dans une grande
machine faite, exprés
pour le prendre en vie .
Si je n'avois pas vû cet
animal ; ſi je n'étois pas für
qu'il entend & comprend
les fons de la voixde l'homme
, & fi je ne croyois pas
de bonne foy ce qu'Ofmin
m'en a raconté , je ne pourrois
pas encore me perfua-
Xiij
246 MERCURE
der que ce que le ſage &
ſçavant Augerius Giſlenius
Buſbequius en a écrit ne
fût un vrai conte à dormir
debout. Je vous envoye exprés
ceque nous en a dit ce
Miniſtre qui , comme vous
ſçavez , fut ici long-temps
Ambaſſadeur de l'Empereur
Maximilien auprés du
Grand Sultan Solyman premier.
Voici les termes de
l'original.
Extractum Epift. 1. Aug.
G. B... p. 74. de hyænis.
Jam ride quantùm lubet ,
GALANT. 247
ram.
fi unquam riſiſti ; fabulam audies
quam ex ore populi refe-
Aiunt hyenam , ( quam
ipfi zirtlan vocant)fermonem
intelligere humanum , ( veteres
imitari dixerunt ) proptereaque
à venatoribus hunc in
modum capi. Accedunt ad ejus
cavernam,quam ex offiumcumulo
deprehendi facile eft . Subit
unus cum fune , cujus partem
extremam fociis tenendam foris
relinquit ; ipſe identidem
pronuntians , joctur , joctur ,
ucala ; illam fe non reperire
illam non adeffe introrepit. At
hyena quese latere, nefcirique
X iiij
248 MERCURE
ex ejus fermone putat , manet
immota , donec fibi crus fune
vinciatur ; fubinde venatore
illam non adeffe clamitante.
Deinde cum iifdem verbis retrocedit
: fed ubi jam ex fpelunca
evafit , de repente cla
more magno hyænam intus effe
pronuntiat ; quo illa intellecto,
vehementi impetu ut fugam
capiat nequicquam profilit , venatoribus
per funem quo crus
ei implicatum diximus retinentibus.
Sic eam vel occidi , vel
adhibita industria narrant vivam
capi. Nam animalſevum
eft , & quod se impigrè deffendat.
GALANT. 249
Ainſi vous pouvez , mon
ami , juger de ce que j'en
ai vû , par ce qu'en ditBufbek.
A l'égarddes contemporains
, ſon témoignage
fait fort peu pour mon difcours
, puiſque l'avantage
quej'ai d'être , me doit rendre
au moins auffi croyable
que lui , qui n'eſt plus ;
d'ailleurs ce n'eſt pas àvous
que je voudrois en impofer.
Au reſte , je vous avouë
qu'il n'y a rien de curieux
dans les Lettres que Buſbek
a écrite de ce pays.ci , dont
250 MERCURE
je n'aye eu une envie extrême
de m'éclaircir par moymême
; & tout ce qu'il a
dit des elephans , des cigales&
des fourmis , eſt admirable
& vrai: mais je vous
en entretiendrai une autre
fois , & l'emplette que j'ai
faite il y a quelque temps
de deux filles d'un pays
dont il fait un plaifant détail,
me fournira , avec l'hiftoire
des animaux dont il
parle, la matiere de ma pre
miere lettre . Celle- ci est
longue, mon ami: mais ily
ahuit cens lieuës entre nous
GALANT. 251
deux , la terre eſt peu fûre
pour nos correſpondances ,
les navires , les fregates, les
galeres , les caïques , les
tartanes , & les barques ne
partent pas tous les jours :
ainſi major è longinquo reverentia.
Par conſequent mes
lettres , quelque longues
qu'elles foient , ne doivent
jamais vous ennuyer.
Le deſtin du Roy de Suede
paroît meilleur qu'il n'a
été depuis long- temps.
M. Setun, Ambaſſadeur
d'Angleterre ici , m'a dit
qu'ilſouhaitoit debon coeur
1
2524
MERCURE
entretenir avec vous unc
relation égale. Ce Miniftre
m'a paru fort ſenſible à la
nouvelle de la mort du fils
du Milord Lexington , fon
neveu & vôtre ami
que
vous avez vù mourir a Madrid.
Les termes dont vous
ةي
vous ſervez en parlant de
ce jeune Seigneur lui ont
fait concevoir tant d'eſtime
pour vous , qu'il ne ceſſe
de me demander fi je ſuis
bien fûr que vous m'enver
rez exactement des nouvelles
de France. Je vous
en prie avec la derniere infGALANT.
253
:
tance , & fuis de tout mon
coeur , mon cher L. F.
Vôtre , &c.
Fermer
Résumé : « Je ne croy pas qu'on ait vû beaucoup de [...] »
L'auteur reçoit une lettre de son ami à Constantinople, datée du 20 avril. La lettre rassure l'auteur sur la santé de son ami mais le met en colère par ses réflexions et sa philosophie. L'ami exprime son intention de s'installer à Paris pour le reste de ses jours, ce qui déçoit l'auteur qui comptait sur ses visites et son soutien à l'ambassadeur. Simon de Bellegarde, en route pour la Byssinie, a rencontré l'ami à Madrid et a exprimé son mépris pour sa décision de se reposer. L'auteur discute ensuite de sa rencontre avec un Timar géorgien nommé Osmin Kara, qui lui raconte son histoire et celle d'Achmet Ereb, un sujet du Sophi de Perse. Osmin Kara avait sauvé la fille d'un grand vizir et l'avait épousée. Achmet Ereb, après avoir été accusé à tort de posséder un trésor, a offert au Sophi un filet en or et une hyène apprivoisée pour prouver sa loyauté, mais a été exilé malgré tout. L'auteur pose des questions sur la politique et la vertu d'Achmet Ereb. Le texte décrit également une méthode de capture des hyènes, animaux réputés pour comprendre et imiter les sons humains. Les chasseurs approchent la tanière de la hyène et utilisent des appâts sonores pour la tromper. Un homme, attaché par une corde, entre dans la tanière en répétant 'il y est, il y est' jusqu'à ce qu'il soit dehors. La hyène, croyant que l'homme est toujours à l'intérieur, sort pour l'attaquer et se fait capturer ou tuer. Cette méthode est basée sur les écrits d'Augerius Gislenius et Busbequius, ancien ambassadeur de l'Empereur Maximilien auprès du Sultan Solyman. Le narrateur mentionne également des correspondances entre amis, discutant de sujets variés comme les animaux et les nouvelles politiques, notamment le destin du Roi de Suède et la mort du fils de Lord Lexington.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3920
p. 253-266
RÉPONSE DU P. DUC. à une piece faite par un inconnu, qu'on lui attribuoit.
Début :
Maître Clement de Cahors en Querci [...]
Mots clefs :
Zèle, Cahors en Quercy, Clément Marot
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE DU P. DUC. à une piece faite par un inconnu, qu'on lui attribuoit.
REʼPONSE DU P. DUC .
à une piece faite par un inconnu
, qu'on lui attribuoit .
M Aître Clement de Cahors
en Querci
N'eſt le Clement qui vous
met en fouci.
Froid rimailleur , quand
m'imputez l'Epître
Où l'on a pris le texte que
4
voici
254 MERCURE
Maître Clement de Cahors
en Querci ,
Oncques ne fut faite fur
mon pupitre ,
Et lourdement vous errez
en ceci :
Mais n'êtes pas grand Clerc
fur ce chapitre.
Trop bien je veux vous
faire celle- ci ,
Afin qu'au moins puiffiez
dire à bon titre
Qu'en ai fait une où l'on
debute ainſi ,
Maître Clement de Cahors
en Querci..
GALANT. 255
En quelque lieu qu'il giſe
le pauvre homme ,
Je le croy mal : mais fort
peu vous en chaut
Que dans ſon gîte il ait
froid , il air chaud ,
Pour ce fouci n'en perdrez
vôtre ſomme.
↑ Quel Clement donc vous
: fait crier ſi haut ?
Bien le voyons, c'eſt leClement
de Rome ,
Le vrai Clement , Vicaire
du Trés-haut.
Il a parlé , ſa Bulle vous affomme
,
Eftes encore étourdi de
l'aſſaut ;
256 MERCURE
Crieztoûjours, cela foulage
en ſomme :
En pareil cas crioit bien
fort auffi
Maître Clement de Cahors
enQuerci.
Il a grand tort pourtant ,
& c'eſt dommage
Qu'il ait frapé fur vous
rudement ; ...
fi
Plus il n'aura le Pontife
८ Clement
Aprés tel coup vos voeux
ni vôtre hommage.
Si le teniez le mettriez en
cages
Du
GALANT. 257
Du moins faut- il impitoyablement
Contre ſon nom déployer
vôtre rage ,
Le tout par zele. On ſçait
aflez comment
Dans votre argot s'appelle
cet uſage :
A
C'eſt ſoûtenir l'Egliſe avec
courage.
Tel en ſon temps la ſoûtenoit
auffi
Maître Clement de Cahors
enQuerci.
Mais ce grand zele , & l'i
gnorez peut être ,
May 1714 Y
238 MERCURE
Grands zelateurs , eſt ſujet
à retour ;
En maint pays maintefois
à ſon maître
Zele pareil a joüé mauvais
tour;
Il ſent par trop le foufre &
le falpêtre.
Maudit celui qui maudit
le Grand Prêtre ,
C'eſtſe jetterdans la gueule
du four.
Or quand bien même il
pourroit quelque jour
De vôtre corps quelque
phenix renaî re ,
Il eſt toûjours fâcheux d'ê
GALANT. 159
tre rouſſi,
Comme pour fait ſemblable
penſa l'être 1.
Maître Clement de Cahors
en Querci.
Comme un Docteur il ci .
toit les ſaints Peres ,
Et déchiroit l'Egliſe àbelles
dents.
Vous l'imitez , dangereuſes
viperes ,
Dans vos écrits aigredoux
&mordans :
N'en ſuis ſurpris , vous êtes
tous comperes ,
Vrais Pharifiens , reſte de
Yij
260 MERCURE
Proteftans ,
Blancs au dehors , & tout
noirs au dedans.
Onn'eſt plus dupes ,& vos
mines auſteres
Ne peuvent plus nous voiler
vos myſteres.
Levez le maſque , & fauvez-
vous d'ici
,
Comme le fit allantjoindre
fes freres
MaîtreClement de Cahors
enQuerci.
Où nous fauver ? Et faut-il
vous le dire
Droit à Geneve , on vous y
GALANT. 261
tend les bras ;
Des gens de bien là vous
pourrez médire
En liberté , Cardinaux &
Prelats,
Papes & Rois , Princes &
Potentats ,
Tous paſſeront par vôtre
aigre fatire ,
Même les Saints ne s'en ſauveront
pas.
Partez ſans plus , la palme
du martyre ,
Saints Confeſſeurs à vingtquatre
carats ,
N'eſt pas la gloire où vôtre
coeur afpire ,
4
262 MERCURE
Comme en ſon temps n'y
pretendoit auſſi
MaítreClement de Cahors
enQuerci.
Aqui parlai-je ? A gens de
vôtre clique.ne
Vile canaille ,&l'égout du
parti ,
C'eſt à vous ſeuls que va
cette replique.
Les gens d'honneur de vôtre
République ,
Loin d'approuver (bien en
fuis averti )
De vosécrits la rage frenetique
,
GALANT. 263
A vos fureurs donnent le
: démenti
Je parle à vous , rimailleur
apprenti ,
Vuide de ſens comme de
poëtique
Vous ſuivez mal vôtre maî
tre en ceci ,
Et ce n'eſt pas fur ce ton
que s'explique
Maître Clement de Cahors
Fen Querci.
17
Mais à quoy bon fur ce
propos m'étendre ?
Si quelque auteur vous a
fait la leçon ,
264 MERCURE 1
Etoit- ce à moy qu'il faloit
vous en prendre?
Vous me direz : A la ca
dence ', au ton
Nous avons crû vous voir
* & vous entendre ;
Maître Clement a fondé le
foupçon.
Fort bien , Meſſieurs , vous
vouliez vous défendre,
Et cependant j'en paye la
façon.
Or n'allez pas vous y laiſſer
ſurprendre ,
Et notez bien comme j'habille
ici ,
Pour
GALANT. 265
Pour vous payer comptant
& vous le rendre ,
Maître Clement de Cahors
en Querci.
Saints partiſans de la grace
nouvelle ,
Vivons en paix , je ſuis de
11.07 3. bon accord ,
Et je ne veux ni noiſe , ni
querelle ;
Il ne faut point éveiller
A
chat qui dort ,
Quand on l'éveille il égratigne
ou mord.
Juſqu'à preſent j'ai moderé
mon zcle :
May1714.
Z
266
MERCURE
Mais
qui
viendra
mattal
Y
laiſſera
quelque
plume
quer
dans
mon
fort
Au
Je
ne
vous
crains
vous
ni
premier
coup
crierai
de
l'aîle;
haro
d'abord,
Et
m'en
ſera
gerant
pour
votre
ſequelle
Maître
Clement
de
Cahors
ce
coup.ci
en
Querci
.
Jem'imagine
que
tout
ce
qui
s'appelle
ceremo
nie
dans
le
monde
à une piece faite par un inconnu
, qu'on lui attribuoit .
M Aître Clement de Cahors
en Querci
N'eſt le Clement qui vous
met en fouci.
Froid rimailleur , quand
m'imputez l'Epître
Où l'on a pris le texte que
4
voici
254 MERCURE
Maître Clement de Cahors
en Querci ,
Oncques ne fut faite fur
mon pupitre ,
Et lourdement vous errez
en ceci :
Mais n'êtes pas grand Clerc
fur ce chapitre.
Trop bien je veux vous
faire celle- ci ,
Afin qu'au moins puiffiez
dire à bon titre
Qu'en ai fait une où l'on
debute ainſi ,
Maître Clement de Cahors
en Querci..
GALANT. 255
En quelque lieu qu'il giſe
le pauvre homme ,
Je le croy mal : mais fort
peu vous en chaut
Que dans ſon gîte il ait
froid , il air chaud ,
Pour ce fouci n'en perdrez
vôtre ſomme.
↑ Quel Clement donc vous
: fait crier ſi haut ?
Bien le voyons, c'eſt leClement
de Rome ,
Le vrai Clement , Vicaire
du Trés-haut.
Il a parlé , ſa Bulle vous affomme
,
Eftes encore étourdi de
l'aſſaut ;
256 MERCURE
Crieztoûjours, cela foulage
en ſomme :
En pareil cas crioit bien
fort auffi
Maître Clement de Cahors
enQuerci.
Il a grand tort pourtant ,
& c'eſt dommage
Qu'il ait frapé fur vous
rudement ; ...
fi
Plus il n'aura le Pontife
८ Clement
Aprés tel coup vos voeux
ni vôtre hommage.
Si le teniez le mettriez en
cages
Du
GALANT. 257
Du moins faut- il impitoyablement
Contre ſon nom déployer
vôtre rage ,
Le tout par zele. On ſçait
aflez comment
Dans votre argot s'appelle
cet uſage :
A
C'eſt ſoûtenir l'Egliſe avec
courage.
Tel en ſon temps la ſoûtenoit
auffi
Maître Clement de Cahors
enQuerci.
Mais ce grand zele , & l'i
gnorez peut être ,
May 1714 Y
238 MERCURE
Grands zelateurs , eſt ſujet
à retour ;
En maint pays maintefois
à ſon maître
Zele pareil a joüé mauvais
tour;
Il ſent par trop le foufre &
le falpêtre.
Maudit celui qui maudit
le Grand Prêtre ,
C'eſtſe jetterdans la gueule
du four.
Or quand bien même il
pourroit quelque jour
De vôtre corps quelque
phenix renaî re ,
Il eſt toûjours fâcheux d'ê
GALANT. 159
tre rouſſi,
Comme pour fait ſemblable
penſa l'être 1.
Maître Clement de Cahors
en Querci.
Comme un Docteur il ci .
toit les ſaints Peres ,
Et déchiroit l'Egliſe àbelles
dents.
Vous l'imitez , dangereuſes
viperes ,
Dans vos écrits aigredoux
&mordans :
N'en ſuis ſurpris , vous êtes
tous comperes ,
Vrais Pharifiens , reſte de
Yij
260 MERCURE
Proteftans ,
Blancs au dehors , & tout
noirs au dedans.
Onn'eſt plus dupes ,& vos
mines auſteres
Ne peuvent plus nous voiler
vos myſteres.
Levez le maſque , & fauvez-
vous d'ici
,
Comme le fit allantjoindre
fes freres
MaîtreClement de Cahors
enQuerci.
Où nous fauver ? Et faut-il
vous le dire
Droit à Geneve , on vous y
GALANT. 261
tend les bras ;
Des gens de bien là vous
pourrez médire
En liberté , Cardinaux &
Prelats,
Papes & Rois , Princes &
Potentats ,
Tous paſſeront par vôtre
aigre fatire ,
Même les Saints ne s'en ſauveront
pas.
Partez ſans plus , la palme
du martyre ,
Saints Confeſſeurs à vingtquatre
carats ,
N'eſt pas la gloire où vôtre
coeur afpire ,
4
262 MERCURE
Comme en ſon temps n'y
pretendoit auſſi
MaítreClement de Cahors
enQuerci.
Aqui parlai-je ? A gens de
vôtre clique.ne
Vile canaille ,&l'égout du
parti ,
C'eſt à vous ſeuls que va
cette replique.
Les gens d'honneur de vôtre
République ,
Loin d'approuver (bien en
fuis averti )
De vosécrits la rage frenetique
,
GALANT. 263
A vos fureurs donnent le
: démenti
Je parle à vous , rimailleur
apprenti ,
Vuide de ſens comme de
poëtique
Vous ſuivez mal vôtre maî
tre en ceci ,
Et ce n'eſt pas fur ce ton
que s'explique
Maître Clement de Cahors
Fen Querci.
17
Mais à quoy bon fur ce
propos m'étendre ?
Si quelque auteur vous a
fait la leçon ,
264 MERCURE 1
Etoit- ce à moy qu'il faloit
vous en prendre?
Vous me direz : A la ca
dence ', au ton
Nous avons crû vous voir
* & vous entendre ;
Maître Clement a fondé le
foupçon.
Fort bien , Meſſieurs , vous
vouliez vous défendre,
Et cependant j'en paye la
façon.
Or n'allez pas vous y laiſſer
ſurprendre ,
Et notez bien comme j'habille
ici ,
Pour
GALANT. 265
Pour vous payer comptant
& vous le rendre ,
Maître Clement de Cahors
en Querci.
Saints partiſans de la grace
nouvelle ,
Vivons en paix , je ſuis de
11.07 3. bon accord ,
Et je ne veux ni noiſe , ni
querelle ;
Il ne faut point éveiller
A
chat qui dort ,
Quand on l'éveille il égratigne
ou mord.
Juſqu'à preſent j'ai moderé
mon zcle :
May1714.
Z
266
MERCURE
Mais
qui
viendra
mattal
Y
laiſſera
quelque
plume
quer
dans
mon
fort
Au
Je
ne
vous
crains
vous
ni
premier
coup
crierai
de
l'aîle;
haro
d'abord,
Et
m'en
ſera
gerant
pour
votre
ſequelle
Maître
Clement
de
Cahors
ce
coup.ci
en
Querci
.
Jem'imagine
que
tout
ce
qui
s'appelle
ceremo
nie
dans
le
monde
Fermer
Résumé : RÉPONSE DU P. DUC. à une piece faite par un inconnu, qu'on lui attribuoit.
Le Père Duc répond à une pièce anonyme qui lui est attribuée. Il nie en être l'auteur et critique l'inconnu qui lui impute cette œuvre. Pour illustrer son point, il mentionne Maître Clément de Cahors en Quercy, une figure historique impliquée dans des controverses similaires. Le Père Duc souhaite clarifier la situation afin de mettre fin aux accusations injustes. Il accuse l'inconnu de mal interpréter les événements et de manquer de clarté. Il souligne que Maître Clément de Cahors a soutenu l'Église avec zèle, mais que ce zèle peut parfois se retourner contre celui qui l'exerce. Le Père Duc met en garde contre les dangers de maudire les autorités religieuses et compare les écrits de l'inconnu à ceux de Maître Clément, qu'il décrit comme aigres et mordants. Le Père Duc invite l'inconnu à se rendre à Genève, où il pourra critiquer librement les autorités religieuses sans crainte. Il exprime son souhait de vivre en paix et d'éviter les querelles, tout en se réservant le droit de réagir si nécessaire. Il mentionne à nouveau Maître Clément de Cahors pour illustrer son point et exprime sa volonté de modérer son zèle, tout en se tenant prêt à défendre ses positions si besoin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3921
p. 266-280
« Je m'imagine que tout ce qui s'appelle ceremonie [...] »
Début :
Je m'imagine que tout ce qui s'appelle ceremonie [...]
Mots clefs :
Cérémonies, Procession, Dieu, Roi, Madrid, Hommes, Église, Palais, Fête-Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je m'imagine que tout ce qui s'appelle ceremonie [...] »
qui
s'appelle
ceremo
nie
dans
le
monde
n'a
rion
dont
le
détail
foit
GALANTA 267
fort réjoüiſſant, & qu'on
ne peut pas diſconvenir
de cette maxime d'Horace
:
و
Segnius irritant animos
demiffa per aurem
Quàm quæ funt oculis
fubjecta fidelibus .
Pour lover la beauté des
lieux ,
Pouren admirer les
tartermerveilles
On est plûtôt pris par
alides yeux
Qu'on n'est feduit par
Zij
468 MERCURE
les oreilles .
Cependant comme il
n'y a qu'une petite partie
des hommes qui puifſe
voir ce que les autres
ne peuvent apprendre
que par oüi-dire , je croy
que le recit de certaines
ceremonies deo nôtre
pays , ou d'un autre , a
quelque choſe qui inter
reſſe le lecteur preſque
autant que celui qui en
fait part à eu de plaiſir à
les voir. Cela ſuppoſe
GALANT. 269
je vais dire deux mots
de la Fête Dieu , & des
ceremonies extraordinaires
que ce jour- là l'afage
autoriſe en certains
pays. J'en parlerai , comme
je parlerai chaque
mois des jours que quel
ques nouveautez diſtin
guent ànotre égard chez
les differentes nations
de l'Europe.
La Fête- Dieu , ou plutôt
la Fête du S. Sacrement ,
fut inftituée , ſelon la plus
Z iij
270 MERCURE
veritable & la plus commune
opinion , ſous le Pontificat
d'Urbain IV. l'an 1264.
comme il paroît par une
Bulle dattée d'Orviette le
huitième jour de Septembre
1264. qui ſe trouve dans
le Corps du Droit Canon ,
& dans le grand Bulliaire
de Cherubin.
C'eſt un jour folemnel
cheztous les Chrétiens. Les
ruës jonchées de fleurs, l'exterieur
des maiſons paré
des plus belles tapiſſeries
qui les meublent , les repofoirs,
l'allegreſſe des peu
GALANT. 271
ples , les chants & les or
nemens del'Eglife , les proceffions
, & la délivrance
des priſonniers , en font en
France un jour de pieté ,
de ſplendeur & d'indulgence.
4
Mais il y a en Flandre ,
en Italie , en Eſpagne & en
Portugal bien plus de ceremonies
encore qu'en France.
Ces quatre nations font
dans ce grand jour à peu
prés le même étalage. Les
Eſpagnols & les Portugais
fur tout , font ceux dont le
ceremonial eſt le plus ma
Z iiij
272 MERCURE
gnifique. La deſcription de
la Proceffion de la Fête-
Dieu à Lisbonne reſſemble
tellement à celle de Madrid
, à l'exception de quelques
bannieres de Saints
qu'on porte à l'une,&qu'on
ne porte pas à l'autre , que
je vais , pour abreger le
détail de ces ceremonies ,
ne repreſenter en peu de
mots ces deux Proceffions
que ſous le portrait de celle
qui le fait à Madrid. ,
Les ruës où le S. Sacre
ment doit paffer font fa
blées , & femées de fleurs
a
GALANT. 273
odoriferantes , les maiſons
fonttapiſſées ,&les balcons
parez de tapis de Turquie ,
de Perſe& des Indes. Toutes
les jaloufies ſont levées,
& les Dames Eſpagnoles
font le plus bel ornement
de leurs balcons. Par tout
où la Proceffion paffe on
eft à couvert de l'ardeur
du foleil , par la precaution
que l'on a de tendre fur les
ruës , à la hauteur des maifons
, de grandes, toiles
comme celles qu'on voit
en France au deſſus des ré
pofoirs. La place du Palais
i
274 MERCURE
eſt parée des plus riches
tapifferies de la Couronne.
Le Roy d'Eſpagne fort à
dix heures du matin de ſon
Palais , il va joindre la Proceſſion
à l'Egliſe de ſainte
Marie , il la ſuit à pied jufqu'à
une heure aprés midi ,
ou plûtôt il ne la quinte que
lors qu'elle eſt rentrée à
l'Egliſe où il l'a jointe.Tous
les Prelats qui ſont à Madrid,
tous les Grands d'Ef
pagne , les Officiers de la
Couronne , & les Miniſtres
Catholiques étrangers l'accompagnent.
Le peuple le
/
GALANT. 275
fuit en foule , en criant :
Alabado sea el fantiffimo ,
alabado fea Dios, viva elRey,
viva , viva. Dieu ſoit loué,
vive le Roy, vive le Roy.
Voici l'ordre de la Proceffion.
Au milieu d'une centaine
de bannieres qui reprefentent
differens Saints , on
voit une douzaine d'hommes
enfermez dans de
grandes machines de carton
, hautes comme nos
premiers étages. Ces machines
font des images des
Geans , des Sarrafins , des
276 MERCURE
Juifs & desMores qui jadis
s'emparerent de l'iſpagne.
L'expoſition de ces figures
eſt une eſpece d'amende
honorable , qui fe renou.
velle tous les ans , pour
honorer la memoire de
Ferdinand d'Arragon &
d'Iſabelle de Caſtille , qut
exterminerent & chaffe.
rent tous les Juifs & les
Mores,dont cesRoyaumes
étoient remplis. On porte
de même des images de
nains. & de monftres ; &
l'on fair , a ce qu'on m'a dit,
fur les figures allufion à
GALANT. 277
l'hereſie &à l'idolâtrie, qui
n'ont point d'accés en Ef
pagne. Le fameux dragon
que ſainteThereſe étrangla
dans la forêt de Terragon
ne , paroît enſuité ſur une
grande machine de bois ,
portée par huit hommes.
La Sainte eſt à genoux fur
cemoftre. Cetriomphe eſt
fuivi de deux ou trois ban
des de danſeurs , vêtus à
peu prés comme nos coureurs.
Ils ont à leurs mains
des castagnettes , ou des
tambours de baſque , des
raquettes , ou des plaques
278 MERCURE
de fer , dont ils tirent avec
beaucoup d'adreſſe des fons
qui les font danſer en ca
dence. Ils s'arrêtent ordinairement
aux portes de
chaque Palais , d'où on leur
jette par les fenêtres quel
ques pieces d'argent pour
les faire danſer. Cesipetits
amuſemens ne laiſſent pas
d'interrompre quelquefois
l'ordre de la Proceffion.
Cependant toutes les Communautez
des arts &amé
tiers marchent deux àdeux,
chacun tenant un cierge&
unbouquet à lamain. Alors
GALANT. 179
les trompettes & les hautbois
à la tête du Clergé ,
compoſé de tous les Prêtres
& de tous les Religieux qui
font à Madrid , entonnent
des airs auſquels répond
plus loinune troupe de gens
comme eux. Les chants de
l'Egliſe ſe mêlent avec pieté
au ſon des inſtrumens. Il y
a entre chaque Communauté
une bande de danſeurs
, qu'on dit être une
figure des anciens Ifraëlites
qui danſoient autour de
l'arche , comme ceux - ci
danſent autour des reliques
80 MERCURE
du Patron de la Communauté
qu'ils ſuivent. Cette
Proceflion est compoſée de
blus de quatre mille per-
Jonnes qui vont pendant
rois grandes heures de re-
Doſoirs en repoſoirs Le Roy
ft avec toute ſa Cour diectement
à la ſuite du Saint
Sacrement.
s'appelle
ceremo
nie
dans
le
monde
n'a
rion
dont
le
détail
foit
GALANTA 267
fort réjoüiſſant, & qu'on
ne peut pas diſconvenir
de cette maxime d'Horace
:
و
Segnius irritant animos
demiffa per aurem
Quàm quæ funt oculis
fubjecta fidelibus .
Pour lover la beauté des
lieux ,
Pouren admirer les
tartermerveilles
On est plûtôt pris par
alides yeux
Qu'on n'est feduit par
Zij
468 MERCURE
les oreilles .
Cependant comme il
n'y a qu'une petite partie
des hommes qui puifſe
voir ce que les autres
ne peuvent apprendre
que par oüi-dire , je croy
que le recit de certaines
ceremonies deo nôtre
pays , ou d'un autre , a
quelque choſe qui inter
reſſe le lecteur preſque
autant que celui qui en
fait part à eu de plaiſir à
les voir. Cela ſuppoſe
GALANT. 269
je vais dire deux mots
de la Fête Dieu , & des
ceremonies extraordinaires
que ce jour- là l'afage
autoriſe en certains
pays. J'en parlerai , comme
je parlerai chaque
mois des jours que quel
ques nouveautez diſtin
guent ànotre égard chez
les differentes nations
de l'Europe.
La Fête- Dieu , ou plutôt
la Fête du S. Sacrement ,
fut inftituée , ſelon la plus
Z iij
270 MERCURE
veritable & la plus commune
opinion , ſous le Pontificat
d'Urbain IV. l'an 1264.
comme il paroît par une
Bulle dattée d'Orviette le
huitième jour de Septembre
1264. qui ſe trouve dans
le Corps du Droit Canon ,
& dans le grand Bulliaire
de Cherubin.
C'eſt un jour folemnel
cheztous les Chrétiens. Les
ruës jonchées de fleurs, l'exterieur
des maiſons paré
des plus belles tapiſſeries
qui les meublent , les repofoirs,
l'allegreſſe des peu
GALANT. 271
ples , les chants & les or
nemens del'Eglife , les proceffions
, & la délivrance
des priſonniers , en font en
France un jour de pieté ,
de ſplendeur & d'indulgence.
4
Mais il y a en Flandre ,
en Italie , en Eſpagne & en
Portugal bien plus de ceremonies
encore qu'en France.
Ces quatre nations font
dans ce grand jour à peu
prés le même étalage. Les
Eſpagnols & les Portugais
fur tout , font ceux dont le
ceremonial eſt le plus ma
Z iiij
272 MERCURE
gnifique. La deſcription de
la Proceffion de la Fête-
Dieu à Lisbonne reſſemble
tellement à celle de Madrid
, à l'exception de quelques
bannieres de Saints
qu'on porte à l'une,&qu'on
ne porte pas à l'autre , que
je vais , pour abreger le
détail de ces ceremonies ,
ne repreſenter en peu de
mots ces deux Proceffions
que ſous le portrait de celle
qui le fait à Madrid. ,
Les ruës où le S. Sacre
ment doit paffer font fa
blées , & femées de fleurs
a
GALANT. 273
odoriferantes , les maiſons
fonttapiſſées ,&les balcons
parez de tapis de Turquie ,
de Perſe& des Indes. Toutes
les jaloufies ſont levées,
& les Dames Eſpagnoles
font le plus bel ornement
de leurs balcons. Par tout
où la Proceffion paffe on
eft à couvert de l'ardeur
du foleil , par la precaution
que l'on a de tendre fur les
ruës , à la hauteur des maifons
, de grandes, toiles
comme celles qu'on voit
en France au deſſus des ré
pofoirs. La place du Palais
i
274 MERCURE
eſt parée des plus riches
tapifferies de la Couronne.
Le Roy d'Eſpagne fort à
dix heures du matin de ſon
Palais , il va joindre la Proceſſion
à l'Egliſe de ſainte
Marie , il la ſuit à pied jufqu'à
une heure aprés midi ,
ou plûtôt il ne la quinte que
lors qu'elle eſt rentrée à
l'Egliſe où il l'a jointe.Tous
les Prelats qui ſont à Madrid,
tous les Grands d'Ef
pagne , les Officiers de la
Couronne , & les Miniſtres
Catholiques étrangers l'accompagnent.
Le peuple le
/
GALANT. 275
fuit en foule , en criant :
Alabado sea el fantiffimo ,
alabado fea Dios, viva elRey,
viva , viva. Dieu ſoit loué,
vive le Roy, vive le Roy.
Voici l'ordre de la Proceffion.
Au milieu d'une centaine
de bannieres qui reprefentent
differens Saints , on
voit une douzaine d'hommes
enfermez dans de
grandes machines de carton
, hautes comme nos
premiers étages. Ces machines
font des images des
Geans , des Sarrafins , des
276 MERCURE
Juifs & desMores qui jadis
s'emparerent de l'iſpagne.
L'expoſition de ces figures
eſt une eſpece d'amende
honorable , qui fe renou.
velle tous les ans , pour
honorer la memoire de
Ferdinand d'Arragon &
d'Iſabelle de Caſtille , qut
exterminerent & chaffe.
rent tous les Juifs & les
Mores,dont cesRoyaumes
étoient remplis. On porte
de même des images de
nains. & de monftres ; &
l'on fair , a ce qu'on m'a dit,
fur les figures allufion à
GALANT. 277
l'hereſie &à l'idolâtrie, qui
n'ont point d'accés en Ef
pagne. Le fameux dragon
que ſainteThereſe étrangla
dans la forêt de Terragon
ne , paroît enſuité ſur une
grande machine de bois ,
portée par huit hommes.
La Sainte eſt à genoux fur
cemoftre. Cetriomphe eſt
fuivi de deux ou trois ban
des de danſeurs , vêtus à
peu prés comme nos coureurs.
Ils ont à leurs mains
des castagnettes , ou des
tambours de baſque , des
raquettes , ou des plaques
278 MERCURE
de fer , dont ils tirent avec
beaucoup d'adreſſe des fons
qui les font danſer en ca
dence. Ils s'arrêtent ordinairement
aux portes de
chaque Palais , d'où on leur
jette par les fenêtres quel
ques pieces d'argent pour
les faire danſer. Cesipetits
amuſemens ne laiſſent pas
d'interrompre quelquefois
l'ordre de la Proceffion.
Cependant toutes les Communautez
des arts &amé
tiers marchent deux àdeux,
chacun tenant un cierge&
unbouquet à lamain. Alors
GALANT. 179
les trompettes & les hautbois
à la tête du Clergé ,
compoſé de tous les Prêtres
& de tous les Religieux qui
font à Madrid , entonnent
des airs auſquels répond
plus loinune troupe de gens
comme eux. Les chants de
l'Egliſe ſe mêlent avec pieté
au ſon des inſtrumens. Il y
a entre chaque Communauté
une bande de danſeurs
, qu'on dit être une
figure des anciens Ifraëlites
qui danſoient autour de
l'arche , comme ceux - ci
danſent autour des reliques
80 MERCURE
du Patron de la Communauté
qu'ils ſuivent. Cette
Proceflion est compoſée de
blus de quatre mille per-
Jonnes qui vont pendant
rois grandes heures de re-
Doſoirs en repoſoirs Le Roy
ft avec toute ſa Cour diectement
à la ſuite du Saint
Sacrement.
Fermer
Résumé : « Je m'imagine que tout ce qui s'appelle ceremonie [...] »
La Fête-Dieu, ou Fête du Saint-Sacrement, a été instituée en 1264 sous le pontificat d'Urbain IV. Cette célébration religieuse est marquée par des cérémonies solennelles et des processions dans divers pays chrétiens, notamment en France, en Flandre, en Italie, en Espagne et au Portugal. En France, les rues sont décorées de fleurs, les maisons ornées de tapisseries, et des processions religieuses accompagnées de chants et d'ornements ont lieu. À cette occasion, les prisonniers sont libérés. En Espagne et au Portugal, les cérémonies sont particulièrement somptueuses. À Madrid, les rues sont pavées de fleurs odorantes, les maisons tapissées, et les balcons décorés de tapis précieux. La procession, à laquelle participe le roi d'Espagne, inclut des bannières représentant divers saints, des figures de géants, de Sarrasins, de Juifs et de Maures, ainsi que des images de nains et de monstres. Des danseurs et des musiciens accompagnent la procession, et des communautés professionnelles marchent en tenant des cierges et des bouquets. La procession dure plusieurs heures, avec le roi et sa cour suivant directement le Saint-Sacrement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3922
p. 280-288
Supplement aux nouvelles.
Début :
On écrit de Hambourg que les dernieres lettres de Copenhague [...]
Mots clefs :
Roi, Carrosse, Hommes, Cour, Combat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Supplement aux nouvelles.
Supplement aux nouvelles.
On écrit de Hambourg
que les dernieres lettres de
Copenhague portoient que
'armée du Roy de Danne
mark
GALANT. 281
marck ſe monte à trente
mille hommes , qu'aprés
les obſeques de la Reine
ſa Mere , il eſt revenu de
Rofſchild à Copenhague.
Cette Princeſſe étoit Fille
de Guillaume VI. Langgrave
de Heſſe- Caffel, elle
étoit née le 27. Avril 1650 .
elle épouſa le 15. Juin 1667.
Chreftien V. Roy de Dannemarck
, dont elle a eu
ſeptEnfans, deſquels qua
tre font morts. Les trois autres
font (Frederic IV. à
preſent, regnant , né le
Octobre 1671. Sophie Ed-
May 1714. Aa
282 MERCURE
vvige née le 28. Août 1677.
Charles né le 25. Octobre
1680. On dit qu'il y a eu un
combat en Finlande ,où les
Mofcovites ont eu l'avantage
; d'autres affûrent que
le Czar à la tête de so.
mille hommes fait le tour
de la mer de Bothnie, pour
s'avancer dans la Suede
malgré la longueur du
chemin, & la difficulté des
paſlages enfin le bruir
court qu'il y a eu un com
bat naval entre les Suedois
& les Danois , & que les
Danois ontétébattus : mais
1
GALANT. 22.8833
on n'ajoûte pas beaucoup
de foy à toutes ces nouvelles.
On mande de Vienne
du 13. May que les Comtes
de Goës & de Seilern , Plenipotentiaires
de l'Empereur
, font partis le 6. pour
ſe rendre à Bade en Suiſſe.
La priſon de l'Hoſpodar de
Valaquie , qu'on a arrêté
avec ſes trois fils, ſans qu'on
en ſcache la caufe , fait
fonner bien du monde.
L'Hiſtoire de la victoire du
Bacha de Bagdad n'eſt pas.
veritable : mais il eſt vray
rai-
Aa ij
284 MERCURE
1
qu'il a été battu par les
Bachas de Damas & d'A
dep. skisthanos πο
De Madridale 15. May.
Le vieux Alcade Hali qui
commandoit depuis quinze
ans les fiege de Ceuta eſt
enfin mort. Un des Fils du
Roy de Maroc a pris fa
place, fon audace , & plus
de 20. mille hommes d'aumentation
qu'il a reçûs ,
font apprehender qu'il ne
tienne à ſon pere la parole
qu'il lui a donnée de prendre
cette place en quinze
jours. Ces menaces ont dé
1
GALANT. 285
,
terminé la Cour à envoyer
en Andaloufie avec un
renfort confiderable de
troupes , une groſſe quantité
de toutes fortes de proviſions,
pour les faire paf
fer à Ceura. Il y a quelque
temps qu'on n'a reçû ici
aucune nouvelle confide
rable du camp devantBarcelonne.
On mande ſeulement
que le BrigadierDon
Geronimo de Solis eft for
ti de Tarragone avec un
gros détachement pour en
joindre un plus fort àVil
lefranche de Panados,&
286 MERCURE
aller attaquer un corps de
rebeiles, qui s'eſt retranché
au pont d'Armentera
le Cayano, th
fur
De Rome le 5. May. Les
differens entre les Genois
& cette Cour à l'occaſion
des cenfures , publiées
contre le Pere Granelli ,
Religieux de l'Ordre de S.
François , ne paroiffent ,
point encore en termes
d'accommodement. LeRoi
de Sicile ne veut rien relâcher
de ſes droits à cette
Cour. L'audiance que les
Cardinal Aquaviva eut du
GALANT. 287
1
Pape le 25. Avril ſur les dif
ferens que la Cour deMadrid
a avec celle- ci , paroît
n'être d'aucune utilité , ni
pour l'un ni pour l'autre.
Le mariage du Prince de
Paleſtrin Barbarin avec la
Fille de las Princeſſe de
Piombino a été conclu ;
c'eſt le Cardinal Ottoboni
qui'en a fait lademande au
nomdu Prince.
De Paris. Le 27. de ce
mois M. Buys & M. de Goflinga
, Ambaſſadeurs extraordinaires
de Hollande ,
firent leur entrée publique
:
288 MERCURE
en cette ville , ſuivis d'un
cortege des plus magnifiques.
Les 2. Secretaires de
l'ambaffade étoient dans le
2. caroffe deM. Buys . Les4.
Gentilshommes de l'Ambaffadeurdans
le caroffe de
Madame. Les 2.fous Secre
taires de l'ambaſſade dans le
3. caroffe de M. de Goflinga.
Dans le 3. caroffe de M. Buys
eroitM. ſon fils, avec les 2. Au.
móniers de l'abaſlade. La ſuite
deMM. les Ambaſladeurs étoit
cõpoſée de 8. Pages, 2. Ecuyers,
&15. caroffes à fix chevaux , de
pluſieurs Gentilshommes, de 2.
Suites à cheval,& de 36. Valets
depied, tons richement habillez.
FIN.
On écrit de Hambourg
que les dernieres lettres de
Copenhague portoient que
'armée du Roy de Danne
mark
GALANT. 281
marck ſe monte à trente
mille hommes , qu'aprés
les obſeques de la Reine
ſa Mere , il eſt revenu de
Rofſchild à Copenhague.
Cette Princeſſe étoit Fille
de Guillaume VI. Langgrave
de Heſſe- Caffel, elle
étoit née le 27. Avril 1650 .
elle épouſa le 15. Juin 1667.
Chreftien V. Roy de Dannemarck
, dont elle a eu
ſeptEnfans, deſquels qua
tre font morts. Les trois autres
font (Frederic IV. à
preſent, regnant , né le
Octobre 1671. Sophie Ed-
May 1714. Aa
282 MERCURE
vvige née le 28. Août 1677.
Charles né le 25. Octobre
1680. On dit qu'il y a eu un
combat en Finlande ,où les
Mofcovites ont eu l'avantage
; d'autres affûrent que
le Czar à la tête de so.
mille hommes fait le tour
de la mer de Bothnie, pour
s'avancer dans la Suede
malgré la longueur du
chemin, & la difficulté des
paſlages enfin le bruir
court qu'il y a eu un com
bat naval entre les Suedois
& les Danois , & que les
Danois ontétébattus : mais
1
GALANT. 22.8833
on n'ajoûte pas beaucoup
de foy à toutes ces nouvelles.
On mande de Vienne
du 13. May que les Comtes
de Goës & de Seilern , Plenipotentiaires
de l'Empereur
, font partis le 6. pour
ſe rendre à Bade en Suiſſe.
La priſon de l'Hoſpodar de
Valaquie , qu'on a arrêté
avec ſes trois fils, ſans qu'on
en ſcache la caufe , fait
fonner bien du monde.
L'Hiſtoire de la victoire du
Bacha de Bagdad n'eſt pas.
veritable : mais il eſt vray
rai-
Aa ij
284 MERCURE
1
qu'il a été battu par les
Bachas de Damas & d'A
dep. skisthanos πο
De Madridale 15. May.
Le vieux Alcade Hali qui
commandoit depuis quinze
ans les fiege de Ceuta eſt
enfin mort. Un des Fils du
Roy de Maroc a pris fa
place, fon audace , & plus
de 20. mille hommes d'aumentation
qu'il a reçûs ,
font apprehender qu'il ne
tienne à ſon pere la parole
qu'il lui a donnée de prendre
cette place en quinze
jours. Ces menaces ont dé
1
GALANT. 285
,
terminé la Cour à envoyer
en Andaloufie avec un
renfort confiderable de
troupes , une groſſe quantité
de toutes fortes de proviſions,
pour les faire paf
fer à Ceura. Il y a quelque
temps qu'on n'a reçû ici
aucune nouvelle confide
rable du camp devantBarcelonne.
On mande ſeulement
que le BrigadierDon
Geronimo de Solis eft for
ti de Tarragone avec un
gros détachement pour en
joindre un plus fort àVil
lefranche de Panados,&
286 MERCURE
aller attaquer un corps de
rebeiles, qui s'eſt retranché
au pont d'Armentera
le Cayano, th
fur
De Rome le 5. May. Les
differens entre les Genois
& cette Cour à l'occaſion
des cenfures , publiées
contre le Pere Granelli ,
Religieux de l'Ordre de S.
François , ne paroiffent ,
point encore en termes
d'accommodement. LeRoi
de Sicile ne veut rien relâcher
de ſes droits à cette
Cour. L'audiance que les
Cardinal Aquaviva eut du
GALANT. 287
1
Pape le 25. Avril ſur les dif
ferens que la Cour deMadrid
a avec celle- ci , paroît
n'être d'aucune utilité , ni
pour l'un ni pour l'autre.
Le mariage du Prince de
Paleſtrin Barbarin avec la
Fille de las Princeſſe de
Piombino a été conclu ;
c'eſt le Cardinal Ottoboni
qui'en a fait lademande au
nomdu Prince.
De Paris. Le 27. de ce
mois M. Buys & M. de Goflinga
, Ambaſſadeurs extraordinaires
de Hollande ,
firent leur entrée publique
:
288 MERCURE
en cette ville , ſuivis d'un
cortege des plus magnifiques.
Les 2. Secretaires de
l'ambaffade étoient dans le
2. caroffe deM. Buys . Les4.
Gentilshommes de l'Ambaffadeurdans
le caroffe de
Madame. Les 2.fous Secre
taires de l'ambaſſade dans le
3. caroffe de M. de Goflinga.
Dans le 3. caroffe de M. Buys
eroitM. ſon fils, avec les 2. Au.
móniers de l'abaſlade. La ſuite
deMM. les Ambaſladeurs étoit
cõpoſée de 8. Pages, 2. Ecuyers,
&15. caroffes à fix chevaux , de
pluſieurs Gentilshommes, de 2.
Suites à cheval,& de 36. Valets
depied, tons richement habillez.
FIN.
Fermer
Résumé : Supplement aux nouvelles.
Le texte relate divers événements politiques et militaires en Europe. À Hambourg, l'armée danoise compte trente mille hommes, et le roi est revenu à Copenhague après les funérailles de sa mère, la reine Sophie Amalie, née en 1650 et épouse de Christian V depuis 1667. Ils ont eu sept enfants, dont trois survivants : Frédéric IV, Sophie Edwige et Charles. En Finlande, des combats opposent Moscovites et Suédois, mais les détails restent incertains. À Vienne, les comtes de Goës et de Seilern se rendent en Suisse. L'arrestation de l'Hospodar de Valachie et de ses fils soulève des questions. À Madrid, la mort de l'Alcade Hali à Ceuta et les menaces du fils du roi du Maroc poussent la cour à envoyer des renforts. En Espagne, des troupes sont déployées contre des rebelles près de Barcelone. À Rome, des différends entre les Génois et la cour pontificale persistent, notamment concernant le Père Granelli. Le mariage du Prince de Palestrina avec la fille de la Princesse de Piombino est annoncé. Enfin, à Paris, les ambassadeurs extraordinaires de Hollande, M. Buys et M. de Goslinga, font une entrée publique magnifiquement orchestrée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3923
p. 3-9
MERCURE NOUVEAU.
Début :
Je croy en effet qu'il n'est pas de [...]
Mots clefs :
Public, Mercure galant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MERCURE NOUVEAU.
MERCURE DEL
=
LYON
NOUVEAU 1893
E croy en effet
J qu'il n'est pas
de meilleur métier
pour faire bientôt
connoillance avec tout
le monde que celui
d'auteurdu Mercure
7
galant
: mais je croy auffi
Juin 1714. Aij
4 1
MERCURE
qu'il n'en eſt pas de plus
importun. Eſtre diſtrait
par toute la terre , s'entretenir
pour le public
descorrefpondances par
tout, & faire un livre
tous les mois : voila juftement
l'employ dont je
fuis charge.
1 On me dit , pour
m'encouragen , qu'on a
eu affez d'indu gence
pour mon premi tvor
Jume Ce fuffrage m'eſt
indifferent ; je n'en yeux
A
1
GALANT. }S
point pour les ouvrages
que je donne : ils ne
m'appartiennent pas afſez
pour meriter tant de
grace , & ce feroit tout
de que je pourrois exiger
, ſi j'étois l'inventeur
ou le garantdes faitsque
je rapporte. D'ailleurs ,
à examiner de plus prés
ce ſentiment d'indulgence
, qu'on me fait afſez
valoir , je ne voy pas
qu'il y ait beaucoup de
quoy flater la vanité d'un
A iij
6 MERCURE
homme à qui le public ,
fans offenſer ſa delicateſſe
, peut ſçavoir meilleur
gré de ſes nouvelles.
Tant de perſonnes
m'ont queſtionné ſur le
chapitre de cette riche
eſclave dont j'ai parlé
dans mon premier Mercure;
j'ai vu tant de Cavaliers
de bonne mine
me demander ſi cette
hiſtoire n'étoit pas un
conte de ma façon ; j'ai
en un mot rafſuré tant
GALANT. 7
१
de monde ſur le merite,
la richeffe & les intentions
de cette fille , que
j'ai vûë à Madrid, & que
pluſieurs Miniſtres étrangers
, & mille honnêtes
gens qui font ici
ont vûë comme moy ,
que ce ſeul article devoit
engager tous les
pretendans à publier
qu'un homme qui donne
de fi bonnes adref
fes , merite plûtôt des
applaudiſſemens foli-
Aiiij
8 MERCURE
des qu'une ſeche indulgence.
Mais vous n'y
fongez pas , me dit- on ,
de faire tant le delicat
fur les fuffrages qu'on
vous ête , ou qu'on vous
accorde ; le public aime
auſſi peu les détails que
les repliques , &fi vous
voulez être de ſes amis ,
ne ſongez qu'à lui donner
ſouvent de bonnes
pieces , un grand nombre
de faits , & peu de
reflexions ; il eſt affez
GALANT. 9
C fage pour faire lui même
celles qui lui conviennent.
Je remercie le
donneur d'avis ; fon conſeil
me paroît ſi raifonnable
, que je vais , fans
autre prélude , debuter
par cette hiſtoire , & copier
l'original que m'en
a donné celui qui en a
été le principal acteur.
Son nom est Olivier de
la Barriere , a prefent
Capitaine commandant
un bataillon François.
=
LYON
NOUVEAU 1893
E croy en effet
J qu'il n'est pas
de meilleur métier
pour faire bientôt
connoillance avec tout
le monde que celui
d'auteurdu Mercure
7
galant
: mais je croy auffi
Juin 1714. Aij
4 1
MERCURE
qu'il n'en eſt pas de plus
importun. Eſtre diſtrait
par toute la terre , s'entretenir
pour le public
descorrefpondances par
tout, & faire un livre
tous les mois : voila juftement
l'employ dont je
fuis charge.
1 On me dit , pour
m'encouragen , qu'on a
eu affez d'indu gence
pour mon premi tvor
Jume Ce fuffrage m'eſt
indifferent ; je n'en yeux
A
1
GALANT. }S
point pour les ouvrages
que je donne : ils ne
m'appartiennent pas afſez
pour meriter tant de
grace , & ce feroit tout
de que je pourrois exiger
, ſi j'étois l'inventeur
ou le garantdes faitsque
je rapporte. D'ailleurs ,
à examiner de plus prés
ce ſentiment d'indulgence
, qu'on me fait afſez
valoir , je ne voy pas
qu'il y ait beaucoup de
quoy flater la vanité d'un
A iij
6 MERCURE
homme à qui le public ,
fans offenſer ſa delicateſſe
, peut ſçavoir meilleur
gré de ſes nouvelles.
Tant de perſonnes
m'ont queſtionné ſur le
chapitre de cette riche
eſclave dont j'ai parlé
dans mon premier Mercure;
j'ai vu tant de Cavaliers
de bonne mine
me demander ſi cette
hiſtoire n'étoit pas un
conte de ma façon ; j'ai
en un mot rafſuré tant
GALANT. 7
१
de monde ſur le merite,
la richeffe & les intentions
de cette fille , que
j'ai vûë à Madrid, & que
pluſieurs Miniſtres étrangers
, & mille honnêtes
gens qui font ici
ont vûë comme moy ,
que ce ſeul article devoit
engager tous les
pretendans à publier
qu'un homme qui donne
de fi bonnes adref
fes , merite plûtôt des
applaudiſſemens foli-
Aiiij
8 MERCURE
des qu'une ſeche indulgence.
Mais vous n'y
fongez pas , me dit- on ,
de faire tant le delicat
fur les fuffrages qu'on
vous ête , ou qu'on vous
accorde ; le public aime
auſſi peu les détails que
les repliques , &fi vous
voulez être de ſes amis ,
ne ſongez qu'à lui donner
ſouvent de bonnes
pieces , un grand nombre
de faits , & peu de
reflexions ; il eſt affez
GALANT. 9
C fage pour faire lui même
celles qui lui conviennent.
Je remercie le
donneur d'avis ; fon conſeil
me paroît ſi raifonnable
, que je vais , fans
autre prélude , debuter
par cette hiſtoire , & copier
l'original que m'en
a donné celui qui en a
été le principal acteur.
Son nom est Olivier de
la Barriere , a prefent
Capitaine commandant
un bataillon François.
Fermer
Résumé : MERCURE NOUVEAU.
Le texte est un extrait du 'Mercure Galant' de 1714. L'auteur exprime une ambivalence envers son métier d'écrivain pour cette publication, le voyant à la fois comme un moyen de se faire connaître et comme une tâche pénible. Il doit gérer des correspondances mondiales et publier un livre mensuel. Indifférent aux éloges pour son premier ouvrage, il ne se considère pas comme le créateur des faits rapportés. Le public préfère les nouvelles aux réflexions. L'auteur a souvent été interrogé sur une histoire concernant une riche esclave. Il affirme que cette histoire, vue par plusieurs ministres étrangers et honnêtes gens, mérite des applaudissements. Il décide de raconter cette histoire, dont le principal acteur est Olivier de la Barriere, actuellement capitaine commandant un bataillon français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3924
p. 10-14
Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Début :
Il m'a paru que la suite d'une histoire interrompüe [...]
Mots clefs :
Digressions, Histoire, Palais, Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Il m'a paru que la
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
titude.
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
titude.
Fermer
Résumé : Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Le texte examine les effets négatifs des descriptions détaillées de palais, villes et campagnes sur l'attention du lecteur dans une histoire. Ces digressions interrompent le récit et détournent l'esprit du lecteur du dénouement de l'intrigue. Pour illustrer ce point, l'auteur cite des romans comme 'Clelie', 'Polexandre', 'Cyrus' et d'autres, où des descriptions superflues apparaissent souvent après des moments clés de l'intrigue. L'auteur avoue avoir sauté ces descriptions dans ces ouvrages et craint que les lecteurs fassent de même avec son propre travail, le 'Mercure'. Cependant, il reconnaît l'importance de certains détails nécessaires à la compréhension de l'histoire. Il propose de marquer d'un chiffre les passages descriptifs pour permettre au lecteur de les consulter à la fin du récit sans interrompre la narration. Cette méthode sera appliquée mensuellement avec exactitude.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3925
p. 14-100
HISTOIRE nouvelle.
Début :
Je suis bien aise, Monsieur, de vous envoyer l'histoire [...]
Mots clefs :
Maison, Homme, Frères, Hommes, Filles, Palais, Amour, Honneur, Amis, Camarades, Guerre, Dieu, Traître, Amis, Yeux, Liberté, Carrosse, Esprit, Violence, Soldat, Circonstances, Sentinelle, Sentiments, Malheur, Seigneur, Troupes, Jardin, Ville, Victime, Cave
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE nouvelle.
HISTOIRE
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
Fermer
Résumé : HISTOIRE nouvelle.
Le texte relate plusieurs intrigues militaires et amoureuses se déroulant pendant la campagne de Mantoue. Un officier et deux de ses amis, Sainte-Colombe et Mauvilé, cherchent refuge dans une ferme après une marche éprouvante sous une pluie torrentielle. Ils découvrent des armes et des cadavres dans la grange, ce qui les pousse à explorer la ferme. Ils surprennent alors un groupe d'hommes discutant de la vengeance à infliger à un prisonnier français. Les officiers interviennent, libèrent le prisonnier et capturent les assaillants. Ils se rendent ensuite dans une tour où ils rencontrent une jeune femme, Vespasia Manelli, et un jeune homme blessé. Vespasia révèle qu'elle est amoureuse de l'officier, Olivier de la Barrière, et exprime sa colère face à son indifférence apparente. Après des échanges tendus, Olivier avoue ses sentiments et propose à Vespasia de la protéger en la ramenant à Mantoue. Vespasia accepte et raconte son évasion de sa maison où elle vivait dans l'esclavage. Le texte décrit également la situation d'une jeune femme de dix-huit ans, dont le père est décédé trois ans auparavant. Ses deux frères, s'imaginant héritiers de l'autorité paternelle, se comportent en tyrans envers elle. Ils entretiennent une amitié étroite avec Valerio Colucci, un gentilhomme de Mantoue, que la jeune femme n'apprécie pas. Depuis deux ans, ses frères et Colucci cherchent à la marier contre son gré. La jeune femme, lassée de cette situation, accepte un plan de Colucci pour l'emmener chez sa tante. Cependant, le jour prévu pour la fuite, un serpent apparaît et effraie la jeune femme. Deux hommes, Olivier et Sainte-Colombe, viennent à son secours et tuent le serpent. Colucci arrive alors avec des estafiers et emmène la jeune femme dans une maison où ils sont attaqués par des bandits. Ces derniers, après avoir maîtrisé Colucci, offrent à la jeune femme de l'emmener dans une maison plus sûre, la Casa Bianca. La jeune femme accepte et est escortée jusqu'à cette demeure, où elle passe la nuit en sécurité. Le texte relate également les aventures de Leonor et Galant, menacés par des brigands et des ennemis. Leonor exprime ses craintes et ses réflexions sur les événements qui se succèdent rapidement. Un homme, qui se révèle être le frère de Juliano Foresti, les aide à se protéger. Leonor reconnaît cet homme et lui demande des informations sur son frère. L'homme révèle qu'il est à la recherche de son frère et qu'il utilise Leonor comme otage. Leonor explique qu'elle a tenté de prévenir Juliano des dangers, mais qu'ils ont rencontré de nombreux obstacles. Une nuit, Leonor se cache dans une caverne et entend des hurlements effroyables. Le matin suivant, elle se rend dans un village où un vieillard l'accueille et la protège. Après trois jours, elle décide de se rendre au palais de sa tante, mais est attaquée par son frère. Elle parvient à s'échapper et est finalement ramenée en sécurité. Le texte se termine par l'arrivée de Barigelli, qui raconte comment il a découvert la trahison de sa femme et de Juliano Foresti, et comment il a tenté de les capturer. Enfin, le texte mentionne des événements survenus en juin 714, impliquant des figures politiques et militaires. Une femme, dont la fidélité a été mise en doute, est à l'origine de divers malheurs. Bari Gelli obtient une grâce pour cette femme, tandis que Juliano est retenu dans une tour pour obtenir des informations sur son frère et les bandits qui sévissent dans le pays mantouan, dont il est le chef. Des efforts sont déployés pour rendre le frère de Vespasie plus docile, mais sans succès. Le commandant de la tour le retient alors pendant trois jours. Une jeune fille, appréciée pour ses qualités, est ramenée en ville et installée dans une maison sûre et confortable. Quelques mois plus tard, elle est envoyée en secret dans la Principauté d'Orange. Le narrateur mentionne également l'intention d'envoyer l'histoire du malheureux Sainte-Colombe, assassiné par un marijatoux. Lors des événements, environ 10 000 à 12 000 hommes des troupes étaient présents à Mantoue. Le narrateur assure qu'il relatera fidèlement les faits, sans inventer de détails.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3926
p. 100-110
Remarques sur l'Histoire.
Début :
1. Si je ne me faisois pas un scrupule, en parlant de [...]
Mots clefs :
Remarques, Maison, Italie, Mantoue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Remarques sur l'Histoire.
Remarques fur l'Histoire.
1. Si je ne me faifois pas
un ſcrupule , en parlant de
l'Italie , de paſſer pour le copiſte
de Miſſon , je m'étendrois
davantage , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
fur les remarques que j'ai
promiſes , & je ne me piquerois
pas de la delicateſſe
de ne les entretenir que des
choſes qu'il a negligé de
voir , ou qu'il a oublié de
nous dire , aufli bien que
GALANT. 101
tous ceux qui en ont écrit.
Le Lac de Garde fournit
affez d'eau à la petite riviere
du Mincio , pour faire
de la ville de Mantouë une
eſpece de Peninſule entou
réede tous les côtez , à l'exception
de celui de la porte
Pradelle&de la porte delTé,
d'un marais large & profond,
dont les exhalaiſons
infectent l'air pendant l'Eté
, & dont le poiſſon eft
deteſtable en tout temps.
2. Le Palais del Té ( dont
Miſſon ne dit rien ) eft un
grandbâtiment dont les ga
I iij
Io2 MERCURE
leries & les appartemens
ſervirent les premieres an.
nées de cette guerre d'hôpital
aux Officiers & aux
foldats malades de nôtre
armée. Il y a du côté du
jardin , au rés de chauffée
de cet édifice , un grand &
magnifique ſalon , où l'on
voit à freſque ſur lesquatre
murailles , & à la voûte qui
le compofent, un tableau
fuperbe du combat des
Geans contre les Dieux ,
qu'on m'a aſſuré être de la
main de P. Perugin, ce que
je n'ai pas ofé croire. On
GALANT . 103
peut faire à tout moment
dans ce fallon une expe
rience aſſez finguliere.
Quand même ce ſalon
feroit plein demonde, deux
perſonnes qui s'entendent
peuvent , d'un angle du ſa
lon à l'autre angle oppofé,
en tournant le vifage vers
leur angle,ſe parler comme
fi elles ſe parloient à l'o
reille,ſans que perſonne en
tende ce qu'elles ſe diſent.
3. San Benedetto * eſt un
grand Convent de Bene.
dictins à dix mille deMan
* Misson n'en dit pas un mot
I iiij
104 MERCURE
touë. Cette maiſon eſt une,
des plus riches & des plus
ſuperbesMaiſons Religieuſes
qui ſoient en Italie. Elle
a ſervi long- temps alternativement
de logement aux
Generaux des deux armées
quiyétoientpendant la derniere
guerre. Les fondemens
de cet édifice font immenfes
, ſes cours , fes portiques
, fes eſcaliers , & fes
colydors font magnifiques.
La nefde l'Egliſe de ceMonaftere
, dont tout le pavé
eſt de marbre , eſt plus
grande ſeule que toute la
GALANT. 105
fameuſe Egliſe de Notre-
Dame de Bourg en Breſſe.
J'ai oui dire aux gens du
pays que les caves de ce
Convent étoient pleines de
tonnes d'argent , que ces
Moines amaſſoient depuis
un temps immemorial. Je
ne doute pas qu'il n'y ait eu
des grands Seigneurs affez
curieux pour examiner de
fort prés fur quoy ce bruit
étoit fondé.
4. Serpent. Dans le jardin
du Palais de Marmirol
vingt Officiers de la garnifon
de Mantouë , dont j'é
106 MERCURE
tois du nombre , en virent
une fois un qui avoit au
moins huit pieds de longueur
; il s'épanoüiffoit fur
une grande piece de marbre
que le Soleil avoit é
chauffée. Il fut tué à coups
de canne & d'épée.
5. Cafa bianca. C'est une
maiſon blanche faite à peu
prés commeje l'ai dépeinte
dans mon Hiſtoire. Elle a
ſervi ( pendant quelques
mois , du temps que M. le
Comte de Vaubecour commandoit
à Mantouë ) d'azile
aux payſans, qui eſcarmou
GALANT . 107 *
choient preſque à coup für
tous les foldats qui avoient
l'audace ou le malheur de
s'écarter de leur troupe
6. Chambre perduë. Il n'y
a gueres de maiſon raifonnable
en Italie & en Eſpagne
, où il n'y ait un petit
quartier, compoſé au moins
d'une chambre & d'un efcalier
dérobé , qu'on ne
s'aviſeroit jamais de chercher
, fi les maîtres ou les
domeftiques des maiſons
n'y conduiſoient pas ceux
1 àqui ils veulent bien montrer
ces détours.
to MERCURE
7. Regio dans le Modenois
eſtune petite ville fort jolie,
bien ſituée, bienbâtie, dont
les ruës font,comme àBoulogne
, ornées des deux cô
tez de grands portiques de
pierre, où l'on peut en tout
tems marcher à couvertde
la pluie & du ſoleil. La principale
occupation , ou plus
tôt le plus grand commerce
des habitans de cette ville ,
conſiſte en des ouvragesde.
peu de valeur. Ils font avec
des os , qu'ils travaillent
affez groflierement , des
croix , des reliquaires , des
GALANT. 109
1
bagues , & cent autres bagatelles,
qu'ils portent , ou
qu'ils envoyent dans toute
Italie.
Si ces courtes remarques
n'ennuyent point le
public, je les continuerai
dans tous mes Mercures
finon je ſouhaite
trouver quelqu'un qui
puiſſe me répondre pour
tout le monde , qu'elles
ne font du goût de perfonne
: alors je cefferai
d'en faire. Je ne me preforis
aucun arrangement,
Ho MERCURE
&je neſuis esclaved' aucune
methode ,que je ne
fois prêt d'abandonner ,
quand on voudra prendre
la peine de me mener
à mon but par une
route plus agreable. Fe
vais en paſſant , & en
attendant qu'on daigne
me parler franchement
furla conduite de cet ouvrage
, dire deux mots
du mois de Juin.
1. Si je ne me faifois pas
un ſcrupule , en parlant de
l'Italie , de paſſer pour le copiſte
de Miſſon , je m'étendrois
davantage , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
fur les remarques que j'ai
promiſes , & je ne me piquerois
pas de la delicateſſe
de ne les entretenir que des
choſes qu'il a negligé de
voir , ou qu'il a oublié de
nous dire , aufli bien que
GALANT. 101
tous ceux qui en ont écrit.
Le Lac de Garde fournit
affez d'eau à la petite riviere
du Mincio , pour faire
de la ville de Mantouë une
eſpece de Peninſule entou
réede tous les côtez , à l'exception
de celui de la porte
Pradelle&de la porte delTé,
d'un marais large & profond,
dont les exhalaiſons
infectent l'air pendant l'Eté
, & dont le poiſſon eft
deteſtable en tout temps.
2. Le Palais del Té ( dont
Miſſon ne dit rien ) eft un
grandbâtiment dont les ga
I iij
Io2 MERCURE
leries & les appartemens
ſervirent les premieres an.
nées de cette guerre d'hôpital
aux Officiers & aux
foldats malades de nôtre
armée. Il y a du côté du
jardin , au rés de chauffée
de cet édifice , un grand &
magnifique ſalon , où l'on
voit à freſque ſur lesquatre
murailles , & à la voûte qui
le compofent, un tableau
fuperbe du combat des
Geans contre les Dieux ,
qu'on m'a aſſuré être de la
main de P. Perugin, ce que
je n'ai pas ofé croire. On
GALANT . 103
peut faire à tout moment
dans ce fallon une expe
rience aſſez finguliere.
Quand même ce ſalon
feroit plein demonde, deux
perſonnes qui s'entendent
peuvent , d'un angle du ſa
lon à l'autre angle oppofé,
en tournant le vifage vers
leur angle,ſe parler comme
fi elles ſe parloient à l'o
reille,ſans que perſonne en
tende ce qu'elles ſe diſent.
3. San Benedetto * eſt un
grand Convent de Bene.
dictins à dix mille deMan
* Misson n'en dit pas un mot
I iiij
104 MERCURE
touë. Cette maiſon eſt une,
des plus riches & des plus
ſuperbesMaiſons Religieuſes
qui ſoient en Italie. Elle
a ſervi long- temps alternativement
de logement aux
Generaux des deux armées
quiyétoientpendant la derniere
guerre. Les fondemens
de cet édifice font immenfes
, ſes cours , fes portiques
, fes eſcaliers , & fes
colydors font magnifiques.
La nefde l'Egliſe de ceMonaftere
, dont tout le pavé
eſt de marbre , eſt plus
grande ſeule que toute la
GALANT. 105
fameuſe Egliſe de Notre-
Dame de Bourg en Breſſe.
J'ai oui dire aux gens du
pays que les caves de ce
Convent étoient pleines de
tonnes d'argent , que ces
Moines amaſſoient depuis
un temps immemorial. Je
ne doute pas qu'il n'y ait eu
des grands Seigneurs affez
curieux pour examiner de
fort prés fur quoy ce bruit
étoit fondé.
4. Serpent. Dans le jardin
du Palais de Marmirol
vingt Officiers de la garnifon
de Mantouë , dont j'é
106 MERCURE
tois du nombre , en virent
une fois un qui avoit au
moins huit pieds de longueur
; il s'épanoüiffoit fur
une grande piece de marbre
que le Soleil avoit é
chauffée. Il fut tué à coups
de canne & d'épée.
5. Cafa bianca. C'est une
maiſon blanche faite à peu
prés commeje l'ai dépeinte
dans mon Hiſtoire. Elle a
ſervi ( pendant quelques
mois , du temps que M. le
Comte de Vaubecour commandoit
à Mantouë ) d'azile
aux payſans, qui eſcarmou
GALANT . 107 *
choient preſque à coup für
tous les foldats qui avoient
l'audace ou le malheur de
s'écarter de leur troupe
6. Chambre perduë. Il n'y
a gueres de maiſon raifonnable
en Italie & en Eſpagne
, où il n'y ait un petit
quartier, compoſé au moins
d'une chambre & d'un efcalier
dérobé , qu'on ne
s'aviſeroit jamais de chercher
, fi les maîtres ou les
domeftiques des maiſons
n'y conduiſoient pas ceux
1 àqui ils veulent bien montrer
ces détours.
to MERCURE
7. Regio dans le Modenois
eſtune petite ville fort jolie,
bien ſituée, bienbâtie, dont
les ruës font,comme àBoulogne
, ornées des deux cô
tez de grands portiques de
pierre, où l'on peut en tout
tems marcher à couvertde
la pluie & du ſoleil. La principale
occupation , ou plus
tôt le plus grand commerce
des habitans de cette ville ,
conſiſte en des ouvragesde.
peu de valeur. Ils font avec
des os , qu'ils travaillent
affez groflierement , des
croix , des reliquaires , des
GALANT. 109
1
bagues , & cent autres bagatelles,
qu'ils portent , ou
qu'ils envoyent dans toute
Italie.
Si ces courtes remarques
n'ennuyent point le
public, je les continuerai
dans tous mes Mercures
finon je ſouhaite
trouver quelqu'un qui
puiſſe me répondre pour
tout le monde , qu'elles
ne font du goût de perfonne
: alors je cefferai
d'en faire. Je ne me preforis
aucun arrangement,
Ho MERCURE
&je neſuis esclaved' aucune
methode ,que je ne
fois prêt d'abandonner ,
quand on voudra prendre
la peine de me mener
à mon but par une
route plus agreable. Fe
vais en paſſant , & en
attendant qu'on daigne
me parler franchement
furla conduite de cet ouvrage
, dire deux mots
du mois de Juin.
Fermer
Résumé : Remarques sur l'Histoire.
Le texte offre une série de remarques historiques sur diverses localités et bâtiments en Italie. L'auteur exprime son désir d'approfondir ces sujets mais se restreint pour éviter d'être perçu comme un copiste de Misson. Il mentionne plusieurs lieux et structures notables. Le Lac de Garde alimente la rivière du Mincio, entourant Mantoue d'un marais infect, à l'exception des portes Pradelle et del Té. Le Palais del Té, non mentionné par Misson, a servi d'hôpital pendant une guerre. Il possède un grand salon avec une fresque représentant le combat des Géants contre les Dieux, attribuée à Pierre Perugin. Ce salon permet une communication discrète entre deux personnes aux angles opposés. San Benedetto, un grand couvent bénédictin près de Mantoue, est riche et magnifique. Il a servi de logement aux généraux des armées et ses fondations sont immenses, avec des caves supposées pleines de tonnes d'argent. À Marmirol, vingt officiers ont vu un serpent de huit pieds de long dans le jardin du Palais, tué à coups de canne et d'épée. La Casa bianca servait de refuge aux paysans pendant les escarmouches avec les soldats. Presque toutes les maisons respectables en Italie et en Espagne possèdent une chambre secrète, difficile à trouver sans guide. Le Régio, dans le Modénois, est une petite ville bien située et bâtie, avec des rues ornées de portiques. Ses habitants fabriquent des objets de peu de valeur à partir d'os, comme des croix et des bagues. L'auteur conclut en exprimant son souhait de continuer ces remarques si elles ne déplaisent pas au public, tout en restant ouvert à des suggestions pour améliorer son ouvrage. Il aborde brièvement le mois de juin avant de conclure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3927
p. 110-112
Discours sur le mois, [titre d'après la table]
Début :
Juin est le sixième mois de l'année Romaine, où le [...]
Mots clefs :
Mois de juin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur le mois, [titre d'après la table]
Juin eſt le ſixiéme mois
de l'année Romaine, où le
GALANT. Im
Soleil entre dans le ſigne
du Cancer , où eſt le ſolftice
d'Eté.
Ce mot vient du Latin
Junius , que quelques - uns
tirent àJunone. Ovide dans
le cinquiemedes Faſtes fait
dire à cette Déeſſe :
Junius à noſtro nomine nomen
babet.
C'est de mon nom que Juin
s reçoit le nom qu'il porte.
D'autres aiment mieux
le tirer à Junioribus , des
jeunes gens , comme le
mois de May étoit pour les
vieilles. Ovid. Sat.
112 MERCURE
Junius est juvenum , qui fuit
antefenum.
Lefigne des gemeaux annonce
à la vieilleffe
L'aimable retour du printemps
;
Mayréjouit les vieux, Juin
pour la jeuneffe
Se renonvelle tous les ans.
de l'année Romaine, où le
GALANT. Im
Soleil entre dans le ſigne
du Cancer , où eſt le ſolftice
d'Eté.
Ce mot vient du Latin
Junius , que quelques - uns
tirent àJunone. Ovide dans
le cinquiemedes Faſtes fait
dire à cette Déeſſe :
Junius à noſtro nomine nomen
babet.
C'est de mon nom que Juin
s reçoit le nom qu'il porte.
D'autres aiment mieux
le tirer à Junioribus , des
jeunes gens , comme le
mois de May étoit pour les
vieilles. Ovid. Sat.
112 MERCURE
Junius est juvenum , qui fuit
antefenum.
Lefigne des gemeaux annonce
à la vieilleffe
L'aimable retour du printemps
;
Mayréjouit les vieux, Juin
pour la jeuneffe
Se renonvelle tous les ans.
Fermer
Résumé : Discours sur le mois, [titre d'après la table]
Le texte évoque juin, sixième mois du calendrier romain, marqué par le solstice d'été. Son nom est attribué soit à Junon, soit aux jeunes gens, en opposition à mai. Ovide associe juin à la jeunesse et mai aux personnes âgées. Le signe des Gémeaux annonce le printemps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3928
p. 112-119
Nouvelles, [titre d'après la table]
Début :
La paix qui est à la veille d'être concluë entre tous [...]
Mots clefs :
Empereur, Roi, Comte, Camp
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles, [titre d'après la table]
La paix qui eſt à la veille
d'être concluë entre tous
les Princes du Nord , & la
tranquilité dont l'Europe
va joüir , vont deſormais
faciliter les moyens d'éta.
blir des correſpondances ,
dont les nouvelles ne feront
ni
GALANT . 43
J
ni moins agreables , ni
moins intereſſantes , pour
n'être plus chargées du détail
des alarmes de la
fi
Les rebeles Catalans &
Barcelonois touchent au
moment de leur reduction.
Voiciunt extrait d'une
lettre que j'ai reçûë du
camp devant Barcelone ,
dattée du 29.May.
Aprés un ample détail de
tout ce qui s'eſt paffé au
- poſte des Capucins , que
Male Comte d'Eſtaires ,
Maréchal de Camp& Che -
Juin 1714 K
114 MERCURE
人
valier de la Toiſon d'Or , a
emporté avec toute la valeur
imaginable , on ajoûte
qu'on prend de ſi juſtes
meſures pour attaquer cette
ville avec la derniere vigueur
, qu'elle ne peut évi
ter d'être miſe en poudre ;
que M. Orry eſttoûjours au
camp , où il auroit voulu
traiter avec les Barcelo
nois , qui n'en ont point
voulu entendre parler , &
qui difent toûjours qu'ils
periront plutôt tous , que
de ſe rendre fans un ordre
de l'Empereur : mais mala
GALANTI
gré leurs beaux diſcours
on eft perfuadé qu'ils ne
défendront rien, fi on les
attaque auſſi vivement qu
ils l'apprehendent
On a eu avis de Varſovie
parune lettre du 12. deMay,
que le Palatin de Maſovie
feroit forti de Conſtantinople
depuis plus d'un mois
avec une entiere fatisfacu
tion , s'il avoit voulu con
fentir à figner le traité que
leGrandViſir lui a propofé
touchant lepaſſage du Roy
de Suede par la Pologhe,
& lacceffion debrUkraine.
Kij
116 MERCURE
Le Roy de Pologne a trouvécettedemandedesTurcsi
ſi injuſte , qu'il a ordonné à
ſes Generaux Saxons de te
nir leurs troupes prêtes à
marcher au premier ordre.
On apprehende fort que la
Nobleſſe de Lithuanie
celle de la grande Pologne
ne cauſe ici des defordres
anſquels il fera fort difficile
de remedier , ſi leRoyn'arrêre
pas les vexations & les
executions militaires que
les troupes Saxones font
fur leurs terres , & dont el
les demandent la fatisfac
GALANT. 117
tion qu'elles pretendent
leur être dûë.
On écrit de Hambourg ,
que la Reine d'Angleterre
a fait propoſer une ſuſpenſion
d'armes auRoy de Danemark
, à laquelle il a refufé
de conſentir auſſi bien
que le Czar.
Toutes les lettres d'Allemagne
ne parlent que de
la bonne intelligence du
Roy de Suede avec le
Grand Seigneur,qu'il a prié
de donner les ordres neceſſaires
pour fon retour
dans ſes Etats.i.amlyngby
118 MERCURE
Le May le Comte de
Seilern , Plenipotentiaire
de l'Empereur , partit de
Vienne , pour aller à l'afſemblée
de Bade en Suiſſe
travailler à la paix entre la
France & l'Empire.....
Le 11. le Comte de Goës,
auffi Plenipotentiaire de
l'Empereur , prit la même
route. Les conferences ont
été ouvertes le 4. à l'affemblée
de Bade.
On écrit de Milan que
Don Vincenzo Gonzaga ,
Duc de Guastalla , eft mort
d'apoplexie le 28. Avril, âgé
GALANT. 119
de quatre- vingt ans, a
Le s. May Aleſſandro Aldobrandini
, Nonce duPape
, fit ſon entrée publique
dans Venife.
Le 10. Fête de l'Afcenfion
,leDoge,accompagné
dusNonce , monta fur le
Bucentaure , où il fit , comme
cela ſe pratique tous les
ans à pareil jour , la ceremonie
d'époufer la mer.
d'être concluë entre tous
les Princes du Nord , & la
tranquilité dont l'Europe
va joüir , vont deſormais
faciliter les moyens d'éta.
blir des correſpondances ,
dont les nouvelles ne feront
ni
GALANT . 43
J
ni moins agreables , ni
moins intereſſantes , pour
n'être plus chargées du détail
des alarmes de la
fi
Les rebeles Catalans &
Barcelonois touchent au
moment de leur reduction.
Voiciunt extrait d'une
lettre que j'ai reçûë du
camp devant Barcelone ,
dattée du 29.May.
Aprés un ample détail de
tout ce qui s'eſt paffé au
- poſte des Capucins , que
Male Comte d'Eſtaires ,
Maréchal de Camp& Che -
Juin 1714 K
114 MERCURE
人
valier de la Toiſon d'Or , a
emporté avec toute la valeur
imaginable , on ajoûte
qu'on prend de ſi juſtes
meſures pour attaquer cette
ville avec la derniere vigueur
, qu'elle ne peut évi
ter d'être miſe en poudre ;
que M. Orry eſttoûjours au
camp , où il auroit voulu
traiter avec les Barcelo
nois , qui n'en ont point
voulu entendre parler , &
qui difent toûjours qu'ils
periront plutôt tous , que
de ſe rendre fans un ordre
de l'Empereur : mais mala
GALANTI
gré leurs beaux diſcours
on eft perfuadé qu'ils ne
défendront rien, fi on les
attaque auſſi vivement qu
ils l'apprehendent
On a eu avis de Varſovie
parune lettre du 12. deMay,
que le Palatin de Maſovie
feroit forti de Conſtantinople
depuis plus d'un mois
avec une entiere fatisfacu
tion , s'il avoit voulu con
fentir à figner le traité que
leGrandViſir lui a propofé
touchant lepaſſage du Roy
de Suede par la Pologhe,
& lacceffion debrUkraine.
Kij
116 MERCURE
Le Roy de Pologne a trouvécettedemandedesTurcsi
ſi injuſte , qu'il a ordonné à
ſes Generaux Saxons de te
nir leurs troupes prêtes à
marcher au premier ordre.
On apprehende fort que la
Nobleſſe de Lithuanie
celle de la grande Pologne
ne cauſe ici des defordres
anſquels il fera fort difficile
de remedier , ſi leRoyn'arrêre
pas les vexations & les
executions militaires que
les troupes Saxones font
fur leurs terres , & dont el
les demandent la fatisfac
GALANT. 117
tion qu'elles pretendent
leur être dûë.
On écrit de Hambourg ,
que la Reine d'Angleterre
a fait propoſer une ſuſpenſion
d'armes auRoy de Danemark
, à laquelle il a refufé
de conſentir auſſi bien
que le Czar.
Toutes les lettres d'Allemagne
ne parlent que de
la bonne intelligence du
Roy de Suede avec le
Grand Seigneur,qu'il a prié
de donner les ordres neceſſaires
pour fon retour
dans ſes Etats.i.amlyngby
118 MERCURE
Le May le Comte de
Seilern , Plenipotentiaire
de l'Empereur , partit de
Vienne , pour aller à l'afſemblée
de Bade en Suiſſe
travailler à la paix entre la
France & l'Empire.....
Le 11. le Comte de Goës,
auffi Plenipotentiaire de
l'Empereur , prit la même
route. Les conferences ont
été ouvertes le 4. à l'affemblée
de Bade.
On écrit de Milan que
Don Vincenzo Gonzaga ,
Duc de Guastalla , eft mort
d'apoplexie le 28. Avril, âgé
GALANT. 119
de quatre- vingt ans, a
Le s. May Aleſſandro Aldobrandini
, Nonce duPape
, fit ſon entrée publique
dans Venife.
Le 10. Fête de l'Afcenfion
,leDoge,accompagné
dusNonce , monta fur le
Bucentaure , où il fit , comme
cela ſe pratique tous les
ans à pareil jour , la ceremonie
d'époufer la mer.
Fermer
Résumé : Nouvelles, [titre d'après la table]
En juin 1714, des développements politiques et militaires significatifs se produisent en Europe. Une paix entre les princes du Nord est annoncée, promettant une tranquillité facilitant les correspondances. En Espagne, les rebelles catalans et barcelonais sont sur le point d'être vaincus après un assaut réussi au poste des Capucins par le comte d'Estaires. Les mesures contre Barcelone sont décrites comme implacables, malgré la volonté des Barcelonais de résister. En Pologne, le roi refuse les demandes turques concernant le passage du roi de Suède et l'accession de l'Ukraine, préparant ses troupes à une confrontation. La reine d'Angleterre propose une suspension d'armes au roi de Danemark, mais cette proposition est refusée par le Danemark et le Czar. En Allemagne, une bonne intelligence est notée entre le roi de Suède et le Grand Seigneur. Les plénipotentiaires de l'Empereur, le comte de Seilern et le comte de Goës, se rendent à l'assemblée de Bade pour travailler à la paix entre la France et l'Empire. Enfin, le duc de Guastalla, Don Vincenzo Gonzaga, décède d'apoplexie, et le nonce du Pape, Alessandro Aldobrandini, fait son entrée publique à Venise.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3929
p. 119-121
Extrait d'une lettre d'Angers.
Début :
Je ne sçai si vous avez oüi parler de la fureur des [...]
Mots clefs :
Loups, Angers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait d'une lettre d'Angers.
Extrait d'une lettre d'Angers.
Jeindſçai fivous avez oüi
parlersde la foreur des
120 MERCURE
loups enragez qui font en
trez dans nôtre ville d'Angers
, & ont mordu plus de
cinquante perſonnes , qui
ont été obligées d'aller à
la mer. On regarde ce deſaſtre
comme un veritable
fleau. On a vû dans les an
ciens regiſtres que la même
choſe étoit arrivée il y a
cent ans dansune conjoncture
pareilleaprés les con
cluſions de la paix. On vient
de faire une proceffion generale
pour appaiſer la colere
du Seigneur. J'ai vu
pluſieurs de des pauvres
bleſſez
GALANT. 122
bleſſez qui faisoient compaflion.
Les loups les ont
mordus au vilage & à la tête.
Nôtre Prelat a été obligé
de quitter ſa charmante ſolitude
d'Evantor , où il y a
un trés- grand bois qui peut
ſervir d'azile à ces bêtes enragées.
Jeindſçai fivous avez oüi
parlersde la foreur des
120 MERCURE
loups enragez qui font en
trez dans nôtre ville d'Angers
, & ont mordu plus de
cinquante perſonnes , qui
ont été obligées d'aller à
la mer. On regarde ce deſaſtre
comme un veritable
fleau. On a vû dans les an
ciens regiſtres que la même
choſe étoit arrivée il y a
cent ans dansune conjoncture
pareilleaprés les con
cluſions de la paix. On vient
de faire une proceffion generale
pour appaiſer la colere
du Seigneur. J'ai vu
pluſieurs de des pauvres
bleſſez
GALANT. 122
bleſſez qui faisoient compaflion.
Les loups les ont
mordus au vilage & à la tête.
Nôtre Prelat a été obligé
de quitter ſa charmante ſolitude
d'Evantor , où il y a
un trés- grand bois qui peut
ſervir d'azile à ces bêtes enragées.
Fermer
Résumé : Extrait d'une lettre d'Angers.
À Angers, plus de cinquante personnes ont été mordues par des loups enragés, nécessitant un déplacement à la mer. Cet événement, qualifié de fléau, s'est déjà produit il y a cent ans après une paix. Une procession a été organisée pour apaiser la colère divine. Plusieurs blessés, mordus au visage et à la tête, ont suscité la compassion. Le prélat a quitté sa résidence solitaire à Évron, un lieu boisé propice à la présence de ces animaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3930
p. 123-143
MORTS.
Début :
Joseph Remy de Livron, Seigneur de Villenox & de [...]
Mots clefs :
Mort, Chevalier, Comte, Conseiller, Veuve, Seigneur, Roi, Fils, Dame, Marquis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORTS.
Joſeph Remy de Livron,
Seigneur de Villenox & de
Cuile , dit le Marquis de
Livron , mourut fans alhance
le 8. May.
Il étoit frere de Jean-
Baptiſte Evrard de Livron ,
Bachelier de la Maiſon &
Societé de Sorbonne , lequel
a quitté l'Egliſe depuis
la mort de ſon frere ;
&de Marie- Françoiſe -Almodie
de Livron , mariée
le 21. Septembre 1705. avec
Lij
124
MERCURE
Marc- Antoine- Conſtantin
Valon , Seigneur de Montmain
, laquelle eſt decedée
en 1713. Il étoit fils de Joſeph-
Remy deLivron, dit le
Marquis de Livro, Colonel
d'unregimentde cavalerie,
mmoorrtteenni1687.&deFrançoiſe
Benigne de Belloix , Dame
de Villenox , & avoit pour
biſayculCharles de Livron,
Marquis deBourbone,Maréchal
desCamps&Armées
du Roy , Capitaine de so
hommes d'armes , Lieutenant
deRoy au Gouvernement
de Champagne , fait
GALANT.
125
Chevalier de l'Ordre du S.
Eſprit l'an 1633. Charles fon
ayeul , qui avoit épousé
Claude de Sallenoue , ſe fit
Prêtre aprés la mort de ſa
femme , qui mourut jeune.
Il cut l'Abbaye d'Ambournay
en Breffe. Son grandpere
maternel , M. de Villemonté
, Maître des Requêtes,
convint avec la femme
de quitter le monde ;
elley confentit ,elle ſe retira
dans un Convent : il ſe
fit Prêtre , & eut l'Evêché
de S. Malo , ſa femme vivante.
t
Liij
126 MERCURE
La maison de Livron ,
établie dans le Limoſin depuis
plus de 400. ans , eft
fortie des anciens Seigneurs
de Livron auprés de Valence
en Dauphiné , & elle
s'eſt alliée aux maiſons de
la Barre , d'Helie - Pompa.
dour, de Noailles, de Beaufremont
, de Thuiſy , de Gimel
, de Choiſeüil, d'Eſcars,
du Chatelet , de Baffompierre
, de Savigny , d'Anglure,&
autresmaiſons des
plus illuftres , tant de France
que de Lorraine. Voyez
la genealogie de Livron ,
GALANT.. 127
imprimée dans le Nobi
liaire de Champagne pa
ordre de M. de Caumartin .
Dame Genevieve - Thereſe
Chamillard , époufe de
Meffire Guy de Durfort ,
Duc de Lorge , Comte de
Quintin , mourut le 31.May
enſavingt-huitieme année.
laiſlant deux fils. Elle étoit
foeur du Marquis de Cani ,
deMadame de Dreux, femme
de M. de Dreux , grand
Maître des Ceremonies de
France , & de Madame la
Ducheſſe de la Feüillade;
Ling
128 MERCURE
tous enfans de Michel Chamillart
, Commandeur &
grandTreſorier des Ordres
du Roy , Miniſtre d'Etat ,
& ci-devant Controlleur
general des Finances , &
d'Elifabeth- Therese le Rebours.
M. de Chamillart
leur pere eſt fils de Guy
Chamillart, Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy ,
mort l'an 1675. & petit- fils
de Pierre Chamillart , celebre
Avocat au Parlement
& Profeffeur en Droit,forti
d'une famille originaire de
la ville de Sens , ou des en
virons.
GALANT.
129
T
Dame Madeleine de Ri
queti, veuve de M. Jacques
du Chatelet , Seigneur de
Freſnier , Conſeiller duRoy
en fonGrandConfeil,mourut
le 3. Juin. Elle avoit été
mariée avec M. de Freſnier
en 1669. étant lors veuve de
Loüis Hurault, Seigneur de
ſaint Germain & du Cou--
dray ,& elle a eu , entre autres
enfans , Jacques du
Chatelet , Seigneur de Frefnier
, Conſeiller au Grand
Conſeil , duquel , & de Suzanne.
Genevieve Talon fa
femme, ſont ſortispluſieurs
130 MERCURE
enfans. Meſſieurs du Chatelet
ſont d'une ancienne
Nobleſſe originaire d'Artois
, alliée aux maiſons
de Rouvroy , de Choiſeuil ,
de Ligneville , de Grou
chepi , &c.
Meffire Archambaule
François Barjot d'Auneüil ,
Chanoine de la SainteChapelle
de Paris ,mourut le 9.
Juin. Il étoit fils de Loüis
Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître d'Hôtel , & grand
Maître des Eaux & Forêts
de Lorraine , & Confeiller
GALANT.
131
d'Etat , & de Marie-Eliſabeth
de Baumont de ſaint
Estienne ; & pétit- fils de
Jean Barjot, Seigneur d'Auneüil
, reçû Maître des
Requêtes ordinaires de
l'Hôtel du Roy en 1587. &
depuis Conſeiller d'Etat ; &
arriere- petit fils de Philbert
| Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître des Requêtes de
( l'Hôtel du Roy , & Prefident
au Grand Confeil ,
mort en 1570. & de Marie
Fernel, fille du celebre Jean
Fernel , premier Medecin
du Roy Henry II. & de
132 MERCURE
Catherine de Medicis. La
famille de Barjot eſt originaire
du Baujolois , & s'eſt
alliée aux maiſons de Beauveau
, de Broon , de Voyer
de Paulmy , & de Maillé.
Les Seigneurs d'Auneüil
font les ainez,& lesMarquis
deMoucy font les cadets.
M. Henry Jolly, Licutenant-
Colonel du regiment
de dragons de la Reine , &
Brigadier des armées du
Roy, mourut le 9. Juin.
Dame Catherine Hen
GALANT.
133
I riette d'Angennes , veuve
de Meffire Louis de la Tremoille
, Comte d'Olonne ,
mourut le 13. Juin. Elle
avoit été mariée dés l'an
1656. & avoit pour ſoeur
puînée Dame Madeleine
d'Angennes , morte depuis
peu , veuve du Maréchal
Duc de la Ferté. Elles é
toient filles de Charles
d'Angennes , Seigneur de
la Loupe , & de Marie du
Regnier de Droüé.
Meffire Claude de Saint
Georges , Archevêque &
-
34 MERCURE
Comte de Lyon , y mourut
le 9. Juin. Il avoit été d'abord
Evêque de Clermont,
puis Archevêque de Tours ,
&transferé àLyon en 1693.
Il étoit un des vingt enfans
ſortis dumariagedeClaude
de S. Georges , Seigneur de
Monceaux en Mâconnois
& de Marie de Cremeaux
d'Entragues. Il étoit frere
duChevalier de S.Georges,
Bailly de Lyon , del'Ordre
de Malte , & du Comte de
Saint Georges , Colonel du
regiment du Roy, tué à la
bataille de S. Denys en 1678.
GALANT .
138
Il étoit oncle de Marc-Antoine
de S. Georges , Seigneur
de Monceaux , marié
cn 1697. avec Claude-Eliſabeth
Apechon de Saint
André , de laquelle il a
pluſieurs enfans;& deMM.
de S. Georges , tous deux
Chanoines & Comtes de
Lyon. La maiſon dont il
étoit iſſue eſt diſtinguée par
ſon ancienneté & par ſes
alliances , & il y a grande
apparence qu'elle a la même
origine que celle des
Marquis de Verac en Poitou
, de laquelle étoit feu
136 MERCURE
M. le Marquis de Verac ,
Chevalier de l'Ordre du
S. Eſprit , pere du Marquis
de Verac d'aujourd'hui.
L'Evêque d'Autun,premier
Suffragant de l'Archevêché
de Lyon , joüit de tous les
revenus de l'Archevêché ,
en attendant que le Roy y
nomme.
M. Nicolas Meſnager
Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , Conſeiller- Secretaire
du Roy , & ci - devant
ſon Ambaſſadeur extraor
dinaire & Plenipotentiaire
pour
3
GALANT. 137
pour la paix d'Utrecht ,
mourut le 15. Juin.
Le Chevalier de Coigni
âgé de fix ans , mourut le
18. Juin. Il étoit fils de M.
François de Franctor , Marquis
de Coigni , Colonel
general des dragons de
France , Maréchal des
Camps& Armées du Roy ,
Gouverneur & Bailly des
ville & château de Caën ,
& de Henriette de Monbourché
du Bordage ; &
petit- fils de feu M.le Comte
deCoigny, Gouverneur &
Juin 1714. M
138 MERCURE
Bailly de Caën, Lieutenant
general des armées du Roy;
& de Dame Marie - Françoiſe-
Uranie deMatignon.
Meſſieurs de Franctot d'une
famille diſtinguée dans la
Robe & dans l'Epée , & originaires
de Normandie , ſe
font alliez aux maiſons de
Montmorency , de Harcourt
,& à celles d'Ache &
de S. SimonCourtaumer, &
elle adonnédes Chevaliers
deMalthe au grandPrieuré
de France nó histoco
Dame Marie- Catherine
GALANT 139
d'Angennes , veuve de Philippe-
François Lhermite ,
Seigneur d'Hyeville de Ste
Barbe enAuge , de Mont
champ&deMelie en Normandie,
mourut le
laiſſant pour fille unique
Eliſabeth Lhermite,mariée
le Mars 1700.avec Pierre
de Monteſquiou d'Artagnan
, à preſent Maréchal
de France. Me d'Hyeville ,
qui vient de mourir , étoit
couſine-germaine de feuës
Mesdames les Comteffe
d'Olonne &Maréchale de
la Ferté , & fille de Jenn
Mij
340 MERCURE
d'Angennes , Seigneur de
Fontaine - Riant , & d'Iſabelle
Graffart ; & tante du
Comte d'Angennes , aujourd'hui
Colonel du regiment
de Normandie.
こ
: MeffireCharles Boucher,
Seigneur d'Orsay, Cóſeiller
d'Etat,& ancien Prevôt des
Marchands , mourut les.
Juin , en ſa 73. année.
Dame Marie Sebrette
Veuve de M. Jerôme Me.
reau Chevalier, Confeiller
de la Grand Chambre!
GALANT. Y
mourut le dix - ſept Juin
Dame Renée- Marie Henin,
veuve de M. de Monchalt ,
Conſeiller au Parlement , dont
la fille avoit épousé M. de Barantin
, Maître des Requêtes ,
mort Intendant de Dunkerque
, mourut le 16.de ce mois.
M. le Moyne,ancien Avocat ,
& fous-Doyen des Avocats du
Parlement de Paris , celebre
par ſa probité , & infatigable
dans le travail , mourut le 15.
M. Louis de Rochouart,Duc
deMortemar, PairdeFrance ,
Prince de Tonne- Charante
&c. prit feance au Parlement
Een qualité de Pair de France
142 MERCURE
1
le 14. Juin . Le Marquiſat de
Mortemar en Poitou fut érigé
en Duché & Pairie en faveur
de Gabriel de Rochouart , bif.
ayeul de M. le Duc de Mortemar
d'aujourd'hui , Chevalier
des Ordres du Roy , premier
Gentilhomme de ſa Chambre ,
& Gouverneur de Paris par
Lettres patentes du Roy Louis
XIV. 1653. verifiées au Parlement
le 15.Sept. 1663. La maison
de Rochouart eſt une des plus
anciennes &des plus illuſtres du
Royaume,& la genealogie s'en
trouve dans l'hiſtoire des grāds
Officiers de la Couronne , aux
chap. des Maréchaux de France
& des Generaux des galeres ,
& dans les additions aux Memoires
de Caſtelnau par le Laboureur,
GALANT. 143
Le 13. Juin Nicolas- Louis de
Bailleul , Marquis de Châteaugontier,
Confeiller au Parle
ment, fut reçû dans la Charge
de Preſident au Mortier , va-
- cante par la mort de M. fon
- pere ; & il eſt le quatrième de
pere en fils qui ait rempli cette
Charge,depuis NicolasdeBailleul
, Baron de Châteaugontier,
Chancelier de la Reine , & de-
- puis Surintendant des Finances
de France , qui y futreçû le as.
Septembre 1627410 231
M. le Pelletier des Forts, Intendant
des Financesa été
nommé Conſeiller d'Etatil
Joſeph Remy de Livron,
Seigneur de Villenox & de
Cuile , dit le Marquis de
Livron , mourut fans alhance
le 8. May.
Il étoit frere de Jean-
Baptiſte Evrard de Livron ,
Bachelier de la Maiſon &
Societé de Sorbonne , lequel
a quitté l'Egliſe depuis
la mort de ſon frere ;
&de Marie- Françoiſe -Almodie
de Livron , mariée
le 21. Septembre 1705. avec
Lij
124
MERCURE
Marc- Antoine- Conſtantin
Valon , Seigneur de Montmain
, laquelle eſt decedée
en 1713. Il étoit fils de Joſeph-
Remy deLivron, dit le
Marquis de Livro, Colonel
d'unregimentde cavalerie,
mmoorrtteenni1687.&deFrançoiſe
Benigne de Belloix , Dame
de Villenox , & avoit pour
biſayculCharles de Livron,
Marquis deBourbone,Maréchal
desCamps&Armées
du Roy , Capitaine de so
hommes d'armes , Lieutenant
deRoy au Gouvernement
de Champagne , fait
GALANT.
125
Chevalier de l'Ordre du S.
Eſprit l'an 1633. Charles fon
ayeul , qui avoit épousé
Claude de Sallenoue , ſe fit
Prêtre aprés la mort de ſa
femme , qui mourut jeune.
Il cut l'Abbaye d'Ambournay
en Breffe. Son grandpere
maternel , M. de Villemonté
, Maître des Requêtes,
convint avec la femme
de quitter le monde ;
elley confentit ,elle ſe retira
dans un Convent : il ſe
fit Prêtre , & eut l'Evêché
de S. Malo , ſa femme vivante.
t
Liij
126 MERCURE
La maison de Livron ,
établie dans le Limoſin depuis
plus de 400. ans , eft
fortie des anciens Seigneurs
de Livron auprés de Valence
en Dauphiné , & elle
s'eſt alliée aux maiſons de
la Barre , d'Helie - Pompa.
dour, de Noailles, de Beaufremont
, de Thuiſy , de Gimel
, de Choiſeüil, d'Eſcars,
du Chatelet , de Baffompierre
, de Savigny , d'Anglure,&
autresmaiſons des
plus illuftres , tant de France
que de Lorraine. Voyez
la genealogie de Livron ,
GALANT.. 127
imprimée dans le Nobi
liaire de Champagne pa
ordre de M. de Caumartin .
Dame Genevieve - Thereſe
Chamillard , époufe de
Meffire Guy de Durfort ,
Duc de Lorge , Comte de
Quintin , mourut le 31.May
enſavingt-huitieme année.
laiſlant deux fils. Elle étoit
foeur du Marquis de Cani ,
deMadame de Dreux, femme
de M. de Dreux , grand
Maître des Ceremonies de
France , & de Madame la
Ducheſſe de la Feüillade;
Ling
128 MERCURE
tous enfans de Michel Chamillart
, Commandeur &
grandTreſorier des Ordres
du Roy , Miniſtre d'Etat ,
& ci-devant Controlleur
general des Finances , &
d'Elifabeth- Therese le Rebours.
M. de Chamillart
leur pere eſt fils de Guy
Chamillart, Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy ,
mort l'an 1675. & petit- fils
de Pierre Chamillart , celebre
Avocat au Parlement
& Profeffeur en Droit,forti
d'une famille originaire de
la ville de Sens , ou des en
virons.
GALANT.
129
T
Dame Madeleine de Ri
queti, veuve de M. Jacques
du Chatelet , Seigneur de
Freſnier , Conſeiller duRoy
en fonGrandConfeil,mourut
le 3. Juin. Elle avoit été
mariée avec M. de Freſnier
en 1669. étant lors veuve de
Loüis Hurault, Seigneur de
ſaint Germain & du Cou--
dray ,& elle a eu , entre autres
enfans , Jacques du
Chatelet , Seigneur de Frefnier
, Conſeiller au Grand
Conſeil , duquel , & de Suzanne.
Genevieve Talon fa
femme, ſont ſortispluſieurs
130 MERCURE
enfans. Meſſieurs du Chatelet
ſont d'une ancienne
Nobleſſe originaire d'Artois
, alliée aux maiſons
de Rouvroy , de Choiſeuil ,
de Ligneville , de Grou
chepi , &c.
Meffire Archambaule
François Barjot d'Auneüil ,
Chanoine de la SainteChapelle
de Paris ,mourut le 9.
Juin. Il étoit fils de Loüis
Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître d'Hôtel , & grand
Maître des Eaux & Forêts
de Lorraine , & Confeiller
GALANT.
131
d'Etat , & de Marie-Eliſabeth
de Baumont de ſaint
Estienne ; & pétit- fils de
Jean Barjot, Seigneur d'Auneüil
, reçû Maître des
Requêtes ordinaires de
l'Hôtel du Roy en 1587. &
depuis Conſeiller d'Etat ; &
arriere- petit fils de Philbert
| Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître des Requêtes de
( l'Hôtel du Roy , & Prefident
au Grand Confeil ,
mort en 1570. & de Marie
Fernel, fille du celebre Jean
Fernel , premier Medecin
du Roy Henry II. & de
132 MERCURE
Catherine de Medicis. La
famille de Barjot eſt originaire
du Baujolois , & s'eſt
alliée aux maiſons de Beauveau
, de Broon , de Voyer
de Paulmy , & de Maillé.
Les Seigneurs d'Auneüil
font les ainez,& lesMarquis
deMoucy font les cadets.
M. Henry Jolly, Licutenant-
Colonel du regiment
de dragons de la Reine , &
Brigadier des armées du
Roy, mourut le 9. Juin.
Dame Catherine Hen
GALANT.
133
I riette d'Angennes , veuve
de Meffire Louis de la Tremoille
, Comte d'Olonne ,
mourut le 13. Juin. Elle
avoit été mariée dés l'an
1656. & avoit pour ſoeur
puînée Dame Madeleine
d'Angennes , morte depuis
peu , veuve du Maréchal
Duc de la Ferté. Elles é
toient filles de Charles
d'Angennes , Seigneur de
la Loupe , & de Marie du
Regnier de Droüé.
Meffire Claude de Saint
Georges , Archevêque &
-
34 MERCURE
Comte de Lyon , y mourut
le 9. Juin. Il avoit été d'abord
Evêque de Clermont,
puis Archevêque de Tours ,
&transferé àLyon en 1693.
Il étoit un des vingt enfans
ſortis dumariagedeClaude
de S. Georges , Seigneur de
Monceaux en Mâconnois
& de Marie de Cremeaux
d'Entragues. Il étoit frere
duChevalier de S.Georges,
Bailly de Lyon , del'Ordre
de Malte , & du Comte de
Saint Georges , Colonel du
regiment du Roy, tué à la
bataille de S. Denys en 1678.
GALANT .
138
Il étoit oncle de Marc-Antoine
de S. Georges , Seigneur
de Monceaux , marié
cn 1697. avec Claude-Eliſabeth
Apechon de Saint
André , de laquelle il a
pluſieurs enfans;& deMM.
de S. Georges , tous deux
Chanoines & Comtes de
Lyon. La maiſon dont il
étoit iſſue eſt diſtinguée par
ſon ancienneté & par ſes
alliances , & il y a grande
apparence qu'elle a la même
origine que celle des
Marquis de Verac en Poitou
, de laquelle étoit feu
136 MERCURE
M. le Marquis de Verac ,
Chevalier de l'Ordre du
S. Eſprit , pere du Marquis
de Verac d'aujourd'hui.
L'Evêque d'Autun,premier
Suffragant de l'Archevêché
de Lyon , joüit de tous les
revenus de l'Archevêché ,
en attendant que le Roy y
nomme.
M. Nicolas Meſnager
Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , Conſeiller- Secretaire
du Roy , & ci - devant
ſon Ambaſſadeur extraor
dinaire & Plenipotentiaire
pour
3
GALANT. 137
pour la paix d'Utrecht ,
mourut le 15. Juin.
Le Chevalier de Coigni
âgé de fix ans , mourut le
18. Juin. Il étoit fils de M.
François de Franctor , Marquis
de Coigni , Colonel
general des dragons de
France , Maréchal des
Camps& Armées du Roy ,
Gouverneur & Bailly des
ville & château de Caën ,
& de Henriette de Monbourché
du Bordage ; &
petit- fils de feu M.le Comte
deCoigny, Gouverneur &
Juin 1714. M
138 MERCURE
Bailly de Caën, Lieutenant
general des armées du Roy;
& de Dame Marie - Françoiſe-
Uranie deMatignon.
Meſſieurs de Franctot d'une
famille diſtinguée dans la
Robe & dans l'Epée , & originaires
de Normandie , ſe
font alliez aux maiſons de
Montmorency , de Harcourt
,& à celles d'Ache &
de S. SimonCourtaumer, &
elle adonnédes Chevaliers
deMalthe au grandPrieuré
de France nó histoco
Dame Marie- Catherine
GALANT 139
d'Angennes , veuve de Philippe-
François Lhermite ,
Seigneur d'Hyeville de Ste
Barbe enAuge , de Mont
champ&deMelie en Normandie,
mourut le
laiſſant pour fille unique
Eliſabeth Lhermite,mariée
le Mars 1700.avec Pierre
de Monteſquiou d'Artagnan
, à preſent Maréchal
de France. Me d'Hyeville ,
qui vient de mourir , étoit
couſine-germaine de feuës
Mesdames les Comteffe
d'Olonne &Maréchale de
la Ferté , & fille de Jenn
Mij
340 MERCURE
d'Angennes , Seigneur de
Fontaine - Riant , & d'Iſabelle
Graffart ; & tante du
Comte d'Angennes , aujourd'hui
Colonel du regiment
de Normandie.
こ
: MeffireCharles Boucher,
Seigneur d'Orsay, Cóſeiller
d'Etat,& ancien Prevôt des
Marchands , mourut les.
Juin , en ſa 73. année.
Dame Marie Sebrette
Veuve de M. Jerôme Me.
reau Chevalier, Confeiller
de la Grand Chambre!
GALANT. Y
mourut le dix - ſept Juin
Dame Renée- Marie Henin,
veuve de M. de Monchalt ,
Conſeiller au Parlement , dont
la fille avoit épousé M. de Barantin
, Maître des Requêtes ,
mort Intendant de Dunkerque
, mourut le 16.de ce mois.
M. le Moyne,ancien Avocat ,
& fous-Doyen des Avocats du
Parlement de Paris , celebre
par ſa probité , & infatigable
dans le travail , mourut le 15.
M. Louis de Rochouart,Duc
deMortemar, PairdeFrance ,
Prince de Tonne- Charante
&c. prit feance au Parlement
Een qualité de Pair de France
142 MERCURE
1
le 14. Juin . Le Marquiſat de
Mortemar en Poitou fut érigé
en Duché & Pairie en faveur
de Gabriel de Rochouart , bif.
ayeul de M. le Duc de Mortemar
d'aujourd'hui , Chevalier
des Ordres du Roy , premier
Gentilhomme de ſa Chambre ,
& Gouverneur de Paris par
Lettres patentes du Roy Louis
XIV. 1653. verifiées au Parlement
le 15.Sept. 1663. La maison
de Rochouart eſt une des plus
anciennes &des plus illuſtres du
Royaume,& la genealogie s'en
trouve dans l'hiſtoire des grāds
Officiers de la Couronne , aux
chap. des Maréchaux de France
& des Generaux des galeres ,
& dans les additions aux Memoires
de Caſtelnau par le Laboureur,
GALANT. 143
Le 13. Juin Nicolas- Louis de
Bailleul , Marquis de Châteaugontier,
Confeiller au Parle
ment, fut reçû dans la Charge
de Preſident au Mortier , va-
- cante par la mort de M. fon
- pere ; & il eſt le quatrième de
pere en fils qui ait rempli cette
Charge,depuis NicolasdeBailleul
, Baron de Châteaugontier,
Chancelier de la Reine , & de-
- puis Surintendant des Finances
de France , qui y futreçû le as.
Septembre 1627410 231
M. le Pelletier des Forts, Intendant
des Financesa été
nommé Conſeiller d'Etatil
Fermer
Résumé : MORTS.
Le texte présente une série de décès et de biographies de personnalités notables. Joseph Remy de Livron, Marquis de Livron, est décédé le 8 mai. Il était le frère de Jean-Baptiste Evrard de Livron et de Marie-Françoise-Almodie de Livron, mariée en 1705. Marc-Antoine-Constantin Valon, Seigneur de Montmain, est décédé en 1713. Il était le fils de Joseph-Remy de Livron, Colonel d'un régiment de cavalerie, décédé en 1687, et de Françoise Benigne de Belloix. La maison de Livron, établie en Limousin depuis plus de 400 ans, s'est alliée à plusieurs maisons illustres. Dame Geneviève-Thérèse Chamillard, épouse de Guy de Durfort, Duc de Lorge, est décédée le 31 mai à l'âge de 78 ans, laissant deux fils. Elle était la fille de Michel Chamillart, Ministre d'État et ancien Contrôleur général des Finances. Dame Madeleine de Riqueti, veuve de Jacques du Châtelet, est décédée le 3 juin. Elle avait été mariée en 1669 et avait plusieurs enfants. Messire Archambault-François Barjot d'Auneüil, Chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris, est décédé le 9 juin. Il était issu d'une famille originaire du Baujolais, alliée à plusieurs maisons nobles. M. Henry Jolly, Lieutenant-Colonel et Brigadier des armées du Roi, est également décédé le 9 juin. Dame Catherine Henriette d'Angennes, veuve de Louis de La Trémoille, est décédée le 13 juin. Elle était la sœur de Dame Madeleine d'Angennes, veuve du Maréchal Duc de La Ferté. Messire Claude de Saint-Georges, Archevêque de Lyon, est décédé le 9 juin. Il était issu d'une famille distinguée par son ancienneté et ses alliances. Le Chevalier de Coigny, âgé de 56 ans, est décédé le 18 juin. Il était issu d'une famille distinguée dans la Robe et dans l'Épée, originaire de Normandie. Dame Marie-Catherine d'Angennes, veuve de Philippe-François Lhermite, est décédée laissant une fille unique, Élisabeth Lhermite, mariée à Pierre de Montesquiou d'Artagnan, Maréchal de France. Plusieurs autres personnalités, dont Charles Boucher, Seigneur d'Orsay, et Louis de Rochouart, Duc de Mortemar, sont également mentionnées pour leur décès ou leurs fonctions notables. Nicolas-Louis de Bailleul, Marquis de Châteaugontier, a été reçu dans la charge de Président au Mortier le 13 juin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3931
p. 143-144
MARIAGES.
Début :
Marie-Louise-Genevieve de Bouchet de Sourches, fille de [...]
Mots clefs :
Comte, Fille
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MARIAGES.
MARIAGE
5
Marie Louiſe-Genevieve det
Bouchet de Sourches , fille de
144 MERCURE
M. Louis François de Bouchet
de Sourches, Conſeillerd'Etat,
Prevot de l'Hôtel , & grand
Prevôt de France , &de Marie-
Genevieve de Chambes , née
Comteffe de Montſorau.épou.
fa le 16. May Jean-Baptiste-Nicolas
Demés de la Chenaye ,
Comte de Rougemont, Grand
Tranchant , Porte - Cornette
blanche,Gouverneur de Meulan
, & a eu soooo. livres de
brevet de retenuë fur ſes deux
premieres Charges.
M. deBaguevilledeBonnetot
, frere de Me la Prefidente
d'Aligre , & de Me la Premiere
Preſidente de Pontcarré , a
épouſe le 23. Juín Mademoi
ſelle de Châtillon , fille de M.
le Comte de Châtillon.
5
Marie Louiſe-Genevieve det
Bouchet de Sourches , fille de
144 MERCURE
M. Louis François de Bouchet
de Sourches, Conſeillerd'Etat,
Prevot de l'Hôtel , & grand
Prevôt de France , &de Marie-
Genevieve de Chambes , née
Comteffe de Montſorau.épou.
fa le 16. May Jean-Baptiste-Nicolas
Demés de la Chenaye ,
Comte de Rougemont, Grand
Tranchant , Porte - Cornette
blanche,Gouverneur de Meulan
, & a eu soooo. livres de
brevet de retenuë fur ſes deux
premieres Charges.
M. deBaguevilledeBonnetot
, frere de Me la Prefidente
d'Aligre , & de Me la Premiere
Preſidente de Pontcarré , a
épouſe le 23. Juín Mademoi
ſelle de Châtillon , fille de M.
le Comte de Châtillon.
Fermer
Résumé : MARIAGES.
Le texte mentionne deux mariages. Le premier, le 16 mai, unit Marie Louise-Geneviève de Bouchet de Sourches à Jean-Baptiste-Nicolas Demés de la Chenaye, Comte de Rougemont. Le second, le 23 juin, concerne Monsieur de Bagueville de Bonnetot et Mademoiselle de Châtillon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3932
p. 149-166
Memoire Littéraire.
Début :
J'ay promis des liaisons. Il faut tenir parole. Mais je / La Médecine a pris naissance des observations, dont le hazard [...]
Mots clefs :
Liaisons, Mémoires littéraires, Médecine, Maladies, Ouvrage, Ouvrages, Nouveauté, Vérité, Remède, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Memoire Littéraire.
J'ay promis des liaiſons.
Il faut tenir parole. Mais je
ne ſçay comment m'y prendre
pour paffer d'une façon agra
Niij
150 MERCURE
ble & naturelle , d'une matiere
que je connois un peu ,
à une que je ne connois point
du tour. On m'a fait preſent
de deux Memoires Litteraires
fur la Medecine; on m'aſſure
qu'ils annoncent des chofes
qu'ils
dont l'uſage eft excellent pour
prolonger nos jours. C'eſt co
que je ne ſçay pas encore , parce
que je n'ay jamais cû beſoin
de l'apprendre.
Quoy qu'il en ſoit , ils me
paroiſſent affez bien écrits , &
la force de leurs raiſonnemens
qui me fait en quelque facon
juger du merite de leurs AuGALANT
S
teurs ,
noMemoite Litteraire
R
of La Medecine a pris naiſſancodesobfervations
,dont lehazard
fut peüt- eſtre la premiere
&la plus feconde ſource,
aprés tuy vint l'experience, qui
les multiplia durant pluſieurs
Siecles , & forma le premier
plan d'un art qui devoit reme
dier aux maladies dont la fant
té des hommes eſt ſi ſouvent
combatuë. Cette Medecine
empirique n'eſtoit d'abord oc-
Niiij
152 MERCURE
cupée qu'à reconnoître les vertus
des Simples & de leurs differ
ens mélanges : Mais la diverfiré
deleurs effets , ſelon les
differences des accidens , ou
celles du temperament , de
l'âge, du temps , du licu , des
alimens , des paffions de l'ame
, &c. fit bien- toſt connoiſtre
que puiſque la nature,
plus changeanteque Prothée,
ne ſetrouve preſque jamais la
même , il falloit entrer dans
le détail de ſes inconſtances
pour y trouver la regle de la
juſte application des remedes.
Cette folide reflexion donna
GALANT
lieu de romarquer tous les
ſignes, qui établiſſent les pré
ſages des maladies qui diſtinguent
les unes des autres, qui
marquent leurs eſpeces dans
chaque genre , & font juger
de leurs caufes & de leurs ef
fets. Une auffi utile recherche
produifit les regles& les prin.
cipes du grand Art de guerir;
cette étude enfantales divinso
racles queHippocrateaprés les
célebresMedecin de l'Ecole de
Cnyde& les Prêtres du Tem
ple d'Eſculape, raſſembla dans
ſes ouvrages qui l'ont immortalifé
, ces fondemens de la
154 MERCURE
Medecine , avoüez, de toutes
les Ecoles du monde , auffi
anciens& auffi nouveaux que
la verité,ſont les ſeuls qui ont
mis le prix à la doctrine des
Medecins de tous les temps:
au lieu que les,vains rafine,
mens des Siſtemes , enfans
d'une ignorance preſomptucuſe
, quelques legitimes qu'ils
ayont paru , n'ont jamais porté
bien loin la Renomée deleurs
Auteurs , ni fixé pour longtemps
llastention des habiles
Praticiens. En effet quoy que
des conjectures vray- fomblables
leurs en impofent quel
2GALANT. 155
quefois , ils n'ont pas de peine
à ſe détromper, ſi- toſt qu'ils
rappellent de leurs préjugez à
la reglede l'obſervation. Ces
démarches de la nature dans
les maladies , ces points fixez
que le Medecin nedoit jamais
perdre de veuë , rempliffent
toutes les pages du ſçavant
livresde Lommius , dont Mon.
fieur le Breton , Docteur en
Medecinede la Falculté de Paris
a mis au jour l'excellente
traduction , qu'il en a faire ,
ſous le titre de Tableau des
maladies , où l'on découvre leurs
fignes & leurs évenemens, tra
156 MERCURE
duit du latın de Lommius , 4-
vec de nouvelles remarques ; ouvrage
qui renferme les obferuations
les plus importantes pour
acquerir une parfaite connoissance
detoutes les maladies , en prévoir
les ſuites , en pénétrer les cauſes ,
s' aßurer de leurs remed. s. A
Paris , chez Claude Jombert
Libraire.Quay des Augustins à
la defcente du Pont Neuf.
On vend chez le même Libraire
un Livre nouveau , inti
tulé, Principes de Phifique ,rapportez
à la Medecine Pratique,
& autres traitezsur cet Art,par
Mr Chambon, cy- devantMede
GALANT. }}
cin de Jean Sobieski , Roy de
Pologne.
**Cet ouvrage ſeroit nouveau
ſi la verité n'eſtoit pas de
tous les temps. Il eſt néan
moins nouveau en la maniere
de la propoſer. Tout lemonde
ſçait que chaque choſe àfa
naiſſance , c'est- à-dire eft faite
de l'union des ſes principes,
fonaccroiſſement , lamaturité,
ſon décroiſſement ,& en
fin ſa diſolution. C'eſt un or
drede la naturetoûjoursconftante
dans ſon inconſtance.
Il n'y a point de Phyficien qui
ne ſoit convaincude cette verité.
Cependant on nes'eftoit
158 MERCURE
3
&
point encore avisé dans les
Ecoles de parler ainfi ; parce
que des principes ſi faciles
fi ſurs ne plaifent pas aux perſonnes
qui aiment à faire mif.
tere de tout , & peut- eftre à
égarer les autres , afin de les
ramener par plufieurs détours,
au chemin d'où ils oftoient
partisang b
Mr Chambon qui joint
une sextrémehidroiture de
coeur àune parfaire connoif
fance de la nature, à évité
l'écücil des Phyſiciens ordinaires
, & nous propoſe dans
cet ouvrage les principes les
plus facilespavec une netteté
GALANT. 139
toute finguliere. La nature ,
dit- il , fait tous ſes ouvrages
en diffolvant & en coagulant;
lorſqu'elle diffout elte sein
erude; & lorſqu'elle coagule
elle cuir &meunit. C'eſt fur
ce grand principe que roule
rouve la Phyſique r& toute la
Medecine, Car enfin lainatu
reou coagule ondiffour ou
fe ropoſe quandfes ouvrages
font à leur matafités Ibreſt
vrayqu'elle nedemeute guard
en reposh qulellé,n'a pas
pluſtoſt conduit ſesouvrages
àleur perfection ,qu'elle travaille
à les détruige. Tout
160 MERCURE
ace
que doit donc faire un fage
Medecin eſt de ſuivre, la
nature dans ſes operations
fin d'empêcher les coagulations
prématurées,&les diſſolutions
trop precipitées.L'une
fert de romede à l'autre, la
coagulation empêche da trop
grande diffolution , lai diễ
folution bempèche da nerop
grande coagulations Opine
peut pas donner d'idée plus
fimple desoperations de la na
ture , & du devoirdes Medeeins
qucocelle-lashion flokar
-De ce principe il s'enfuit
quola ſaignée eſt ſouvent la
choſe
GALANT. 161
choſe la plus dangereuſe de
toutes celles que pratiquent
aujourd'huy les Medecins , &
qui a affez de rapport avec ces
fortes de remedes communs
qu'on diftribuë dans les boutiques
, ainſi que Mr Chambon
ledémontre dans ſon ouvrage.
En effet , ou le ſang
tend à ſe coaguler, ce qui cauferoit
des obſtructions dans
les viſeerés ou à ſe diffoudre ,
ce qui en ruineroit le baume ;
car de dire qu'il peut pêcher
en quantité, c'eſt une prévention
qui n'eſt formée fur
aucun princip craifonnable ,
Juin 1714.
162 MERCURE
s'il ſe coagule il y a des
remedes pour empêcher cet
te coagulation , & pour le re
mettre à fon bon naturel , s'il
tend à la diſſolution de ſes
principes,on peut l'empêcher
par des remedes coagulants.
Tous les corps , die Me
Chambon , ſont compoſez de
fel , de ſouffre & de Mercure.
La partie mercuriale continuët'il
, fait la fluidité ; la ſaline
fait le poids & la fixité , & k
fouffre la fuſibilité, le reſſerrement
,les faveurs & les couleurs.
Suivant ce principe , il
traise amplement des teintures
GALANT. 163
dont il donne les préparations
avec la netteté, & fa profondeur
ordinaire .
Il paffe de là au mal deNaples
que les Napolitains appellent
le mal François , dont il
explique la nature & les differentes
fortes conformement à
fes principes ; & aprés avoir
montré que le Mercure ne le
peut guerir radicalement , il
propoſe des ſpecifiques pour
lestrois eſpeces de cette maladie
ſçavoir la naiſſance, l'inveterée,&
l'hereditaire. Labontéde
cesſpecifiques eſt prouvée
par des raiſonnemens , & par
Oij
164 MERCURE
les experiences qu'il en faites à
cette occaſion; ildonne lespréparations
du Mercure , de
l'antimoine , du plomb , de
l'Elixir animal , de Lilium ,des
pilulles , &c. De- là pour récréer
le Lecteur , il paſſe au
récit de ſon voyage dans les
Monts de Pologne , où il entra
dans les mines de ſel , de
ſouffre, de bitume& autres ,
dont il rapporte les particula
ritez , & plufieurs autres mer
veilles de la même Pologne,
avec beaucoup d'exactitude
&de politeffe. Enfin il finit
par un traité de l'apoplexic
GALANT. 165
dontil explique la nature d'une
maniere mécanique &
conforme à fes principes ; enfuite
il établit les differentes
efpeces d'apoplexie ,& donne
les préparations des remedes
neceffaires dans ces fortes de
maladies.
On peut dire en general
que cet ouvrage eft , pour fa
folidité , fa varieté & fa nouveauté
, un des plus beaux
Chefs-d'oeuvres de la Medeci
ne,&de la Phyſique. Il ſeroit à
fouhaiter que l'Auteur voulût
faire part au Public des autres
découvertes qu'il a faites fur
166 MERCURE
quantité d'autres maladies ,
avec leurs remedes : ce ſeroir
luy faire un preſent d'autant
plus eftimable , que l'homme
n'ariende plus cher,ny de plus
précieux que la ſanté. Sans
elle il ne fait que languir ; les
plaiſirs n'ont pour luy aucun
charme , & il eſt incommode
non ſeulement à tout le monde
, mais encore à luy-même.
Il faut tenir parole. Mais je
ne ſçay comment m'y prendre
pour paffer d'une façon agra
Niij
150 MERCURE
ble & naturelle , d'une matiere
que je connois un peu ,
à une que je ne connois point
du tour. On m'a fait preſent
de deux Memoires Litteraires
fur la Medecine; on m'aſſure
qu'ils annoncent des chofes
qu'ils
dont l'uſage eft excellent pour
prolonger nos jours. C'eſt co
que je ne ſçay pas encore , parce
que je n'ay jamais cû beſoin
de l'apprendre.
Quoy qu'il en ſoit , ils me
paroiſſent affez bien écrits , &
la force de leurs raiſonnemens
qui me fait en quelque facon
juger du merite de leurs AuGALANT
S
teurs ,
noMemoite Litteraire
R
of La Medecine a pris naiſſancodesobfervations
,dont lehazard
fut peüt- eſtre la premiere
&la plus feconde ſource,
aprés tuy vint l'experience, qui
les multiplia durant pluſieurs
Siecles , & forma le premier
plan d'un art qui devoit reme
dier aux maladies dont la fant
té des hommes eſt ſi ſouvent
combatuë. Cette Medecine
empirique n'eſtoit d'abord oc-
Niiij
152 MERCURE
cupée qu'à reconnoître les vertus
des Simples & de leurs differ
ens mélanges : Mais la diverfiré
deleurs effets , ſelon les
differences des accidens , ou
celles du temperament , de
l'âge, du temps , du licu , des
alimens , des paffions de l'ame
, &c. fit bien- toſt connoiſtre
que puiſque la nature,
plus changeanteque Prothée,
ne ſetrouve preſque jamais la
même , il falloit entrer dans
le détail de ſes inconſtances
pour y trouver la regle de la
juſte application des remedes.
Cette folide reflexion donna
GALANT
lieu de romarquer tous les
ſignes, qui établiſſent les pré
ſages des maladies qui diſtinguent
les unes des autres, qui
marquent leurs eſpeces dans
chaque genre , & font juger
de leurs caufes & de leurs ef
fets. Une auffi utile recherche
produifit les regles& les prin.
cipes du grand Art de guerir;
cette étude enfantales divinso
racles queHippocrateaprés les
célebresMedecin de l'Ecole de
Cnyde& les Prêtres du Tem
ple d'Eſculape, raſſembla dans
ſes ouvrages qui l'ont immortalifé
, ces fondemens de la
154 MERCURE
Medecine , avoüez, de toutes
les Ecoles du monde , auffi
anciens& auffi nouveaux que
la verité,ſont les ſeuls qui ont
mis le prix à la doctrine des
Medecins de tous les temps:
au lieu que les,vains rafine,
mens des Siſtemes , enfans
d'une ignorance preſomptucuſe
, quelques legitimes qu'ils
ayont paru , n'ont jamais porté
bien loin la Renomée deleurs
Auteurs , ni fixé pour longtemps
llastention des habiles
Praticiens. En effet quoy que
des conjectures vray- fomblables
leurs en impofent quel
2GALANT. 155
quefois , ils n'ont pas de peine
à ſe détromper, ſi- toſt qu'ils
rappellent de leurs préjugez à
la reglede l'obſervation. Ces
démarches de la nature dans
les maladies , ces points fixez
que le Medecin nedoit jamais
perdre de veuë , rempliffent
toutes les pages du ſçavant
livresde Lommius , dont Mon.
fieur le Breton , Docteur en
Medecinede la Falculté de Paris
a mis au jour l'excellente
traduction , qu'il en a faire ,
ſous le titre de Tableau des
maladies , où l'on découvre leurs
fignes & leurs évenemens, tra
156 MERCURE
duit du latın de Lommius , 4-
vec de nouvelles remarques ; ouvrage
qui renferme les obferuations
les plus importantes pour
acquerir une parfaite connoissance
detoutes les maladies , en prévoir
les ſuites , en pénétrer les cauſes ,
s' aßurer de leurs remed. s. A
Paris , chez Claude Jombert
Libraire.Quay des Augustins à
la defcente du Pont Neuf.
On vend chez le même Libraire
un Livre nouveau , inti
tulé, Principes de Phifique ,rapportez
à la Medecine Pratique,
& autres traitezsur cet Art,par
Mr Chambon, cy- devantMede
GALANT. }}
cin de Jean Sobieski , Roy de
Pologne.
**Cet ouvrage ſeroit nouveau
ſi la verité n'eſtoit pas de
tous les temps. Il eſt néan
moins nouveau en la maniere
de la propoſer. Tout lemonde
ſçait que chaque choſe àfa
naiſſance , c'est- à-dire eft faite
de l'union des ſes principes,
fonaccroiſſement , lamaturité,
ſon décroiſſement ,& en
fin ſa diſolution. C'eſt un or
drede la naturetoûjoursconftante
dans ſon inconſtance.
Il n'y a point de Phyficien qui
ne ſoit convaincude cette verité.
Cependant on nes'eftoit
158 MERCURE
3
&
point encore avisé dans les
Ecoles de parler ainfi ; parce
que des principes ſi faciles
fi ſurs ne plaifent pas aux perſonnes
qui aiment à faire mif.
tere de tout , & peut- eftre à
égarer les autres , afin de les
ramener par plufieurs détours,
au chemin d'où ils oftoient
partisang b
Mr Chambon qui joint
une sextrémehidroiture de
coeur àune parfaire connoif
fance de la nature, à évité
l'écücil des Phyſiciens ordinaires
, & nous propoſe dans
cet ouvrage les principes les
plus facilespavec une netteté
GALANT. 139
toute finguliere. La nature ,
dit- il , fait tous ſes ouvrages
en diffolvant & en coagulant;
lorſqu'elle diffout elte sein
erude; & lorſqu'elle coagule
elle cuir &meunit. C'eſt fur
ce grand principe que roule
rouve la Phyſique r& toute la
Medecine, Car enfin lainatu
reou coagule ondiffour ou
fe ropoſe quandfes ouvrages
font à leur matafités Ibreſt
vrayqu'elle nedemeute guard
en reposh qulellé,n'a pas
pluſtoſt conduit ſesouvrages
àleur perfection ,qu'elle travaille
à les détruige. Tout
160 MERCURE
ace
que doit donc faire un fage
Medecin eſt de ſuivre, la
nature dans ſes operations
fin d'empêcher les coagulations
prématurées,&les diſſolutions
trop precipitées.L'une
fert de romede à l'autre, la
coagulation empêche da trop
grande diffolution , lai diễ
folution bempèche da nerop
grande coagulations Opine
peut pas donner d'idée plus
fimple desoperations de la na
ture , & du devoirdes Medeeins
qucocelle-lashion flokar
-De ce principe il s'enfuit
quola ſaignée eſt ſouvent la
choſe
GALANT. 161
choſe la plus dangereuſe de
toutes celles que pratiquent
aujourd'huy les Medecins , &
qui a affez de rapport avec ces
fortes de remedes communs
qu'on diftribuë dans les boutiques
, ainſi que Mr Chambon
ledémontre dans ſon ouvrage.
En effet , ou le ſang
tend à ſe coaguler, ce qui cauferoit
des obſtructions dans
les viſeerés ou à ſe diffoudre ,
ce qui en ruineroit le baume ;
car de dire qu'il peut pêcher
en quantité, c'eſt une prévention
qui n'eſt formée fur
aucun princip craifonnable ,
Juin 1714.
162 MERCURE
s'il ſe coagule il y a des
remedes pour empêcher cet
te coagulation , & pour le re
mettre à fon bon naturel , s'il
tend à la diſſolution de ſes
principes,on peut l'empêcher
par des remedes coagulants.
Tous les corps , die Me
Chambon , ſont compoſez de
fel , de ſouffre & de Mercure.
La partie mercuriale continuët'il
, fait la fluidité ; la ſaline
fait le poids & la fixité , & k
fouffre la fuſibilité, le reſſerrement
,les faveurs & les couleurs.
Suivant ce principe , il
traise amplement des teintures
GALANT. 163
dont il donne les préparations
avec la netteté, & fa profondeur
ordinaire .
Il paffe de là au mal deNaples
que les Napolitains appellent
le mal François , dont il
explique la nature & les differentes
fortes conformement à
fes principes ; & aprés avoir
montré que le Mercure ne le
peut guerir radicalement , il
propoſe des ſpecifiques pour
lestrois eſpeces de cette maladie
ſçavoir la naiſſance, l'inveterée,&
l'hereditaire. Labontéde
cesſpecifiques eſt prouvée
par des raiſonnemens , & par
Oij
164 MERCURE
les experiences qu'il en faites à
cette occaſion; ildonne lespréparations
du Mercure , de
l'antimoine , du plomb , de
l'Elixir animal , de Lilium ,des
pilulles , &c. De- là pour récréer
le Lecteur , il paſſe au
récit de ſon voyage dans les
Monts de Pologne , où il entra
dans les mines de ſel , de
ſouffre, de bitume& autres ,
dont il rapporte les particula
ritez , & plufieurs autres mer
veilles de la même Pologne,
avec beaucoup d'exactitude
&de politeffe. Enfin il finit
par un traité de l'apoplexic
GALANT. 165
dontil explique la nature d'une
maniere mécanique &
conforme à fes principes ; enfuite
il établit les differentes
efpeces d'apoplexie ,& donne
les préparations des remedes
neceffaires dans ces fortes de
maladies.
On peut dire en general
que cet ouvrage eft , pour fa
folidité , fa varieté & fa nouveauté
, un des plus beaux
Chefs-d'oeuvres de la Medeci
ne,&de la Phyſique. Il ſeroit à
fouhaiter que l'Auteur voulût
faire part au Public des autres
découvertes qu'il a faites fur
166 MERCURE
quantité d'autres maladies ,
avec leurs remedes : ce ſeroir
luy faire un preſent d'autant
plus eftimable , que l'homme
n'ariende plus cher,ny de plus
précieux que la ſanté. Sans
elle il ne fait que languir ; les
plaiſirs n'ont pour luy aucun
charme , & il eſt incommode
non ſeulement à tout le monde
, mais encore à luy-même.
Fermer
Résumé : Memoire Littéraire.
Le texte aborde la médecine et deux mémoires littéraires sur ce sujet. L'auteur exprime son intérêt pour une matière qu'il ne connaît pas encore, tout en reconnaissant la qualité des mémoires qu'il a lus. La médecine, née des observations et de l'expérience accumulées sur plusieurs siècles, était initialement empirique. Elle a évolué pour reconnaître les vertus des simples et leurs mélanges. La variabilité des effets des remèdes en fonction de divers facteurs a conduit à une réflexion approfondie sur les inconstances de la nature, aboutissant à l'établissement des signes présageant les maladies et à la formulation des règles et principes de l'art de guérir. Hippocrate, après les médecins de l'École de Cnide et les prêtres du Temple d'Esculape, a rassemblé ces fondements dans ses ouvrages, considérés comme les plus anciens et les plus novateurs. Les systèmes vains et présomptueux n'ont pas porté loin la renommée de leurs auteurs. Les démarches de la nature dans les maladies et les points fixes que le médecin ne doit jamais perdre de vue sont détaillés dans les livres de Lommius, traduits par Monsieur le Breton. Le texte mentionne également un ouvrage de Monsieur Chambon, ancien médecin de Jean Sobieski, roi de Pologne. Cet ouvrage présente les principes de la physique appliqués à la médecine pratique. Chambon explique que la nature agit par dissolution et coagulation, et que le rôle du médecin est de suivre ces opérations pour empêcher les coagulations prématurées et les dissolutions trop précipitées. Il critique la saignée, jugée souvent dangereuse, et propose des remèdes alternatifs. Chambon traite également du mal de Naples, de l'apoplexie et partage ses observations sur les mines de Pologne. L'ouvrage est loué pour sa solidité, sa variété et sa nouveauté, et l'auteur espère que Chambon partagera d'autres découvertes sur les maladies et leurs remèdes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3933
p. 166-169
« Quelques utiles que soient les avis que je viens de donner, [...] »
Début :
Quelques utiles que soient les avis que je viens de donner, [...]
Mots clefs :
Auteurs du Mercure, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Quelques utiles que soient les avis que je viens de donner, [...] »
Quelques utiles que foient
les avis que je viens de donner,
les Memoires Litteraires ne
font pas du gouſt de tout le
monde , le nombre de ceux
GALANT 167
qui les paflent , eſt auſſi grand
que celuy de ceux qui les lifent
, & il me ſemble que
j'entends tous mes Lecteurs
dire, que chacun doit trouver
dans mon Livre au moins
un article pour ſoy. J'en
tombe d'accord , mais je leur
repeteray encore que c'eſt à
cux à faire en forte que leur
curiofité ſoit fatisfaite. Ils
veulent des pieces courtes &
diverſifiées , qu'ils m'en donnent
; qu'ils foient eux-mêmes
les Auteurs du Mercure Galant
, il doit eſtre leur ouvra
ge plutoſt que le mien. Ils
168 MERCURE
trouveront alors dequoy s'amufer
avecplaisir de la varieté
continuelle qui doit faire tour
le merite de ce Livre.
Quelque bonne que foit la
Piecede Poësie que je leurdon
ne, fi un Madrigal, uneChan
fon, une Epigrame, un Son
net leur plaiſent davantage ,
qu'ils prennent la peine d'en
faire & de m'en envoyer , je
feray tout ce qu'ils voudront
pour leur plaire. Cependant
je prie ceux qui ſe meflent de
faire des Vers de lire avec
beaucoup d'attention la Picce
de Poësie que jeleur preſente,
&
GALANT. 169
&de ſe ſouvenir dans leurs
compoſitions , avec quel art ,
& à quel prix il eſt permis d'être
Poëte.
les avis que je viens de donner,
les Memoires Litteraires ne
font pas du gouſt de tout le
monde , le nombre de ceux
GALANT 167
qui les paflent , eſt auſſi grand
que celuy de ceux qui les lifent
, & il me ſemble que
j'entends tous mes Lecteurs
dire, que chacun doit trouver
dans mon Livre au moins
un article pour ſoy. J'en
tombe d'accord , mais je leur
repeteray encore que c'eſt à
cux à faire en forte que leur
curiofité ſoit fatisfaite. Ils
veulent des pieces courtes &
diverſifiées , qu'ils m'en donnent
; qu'ils foient eux-mêmes
les Auteurs du Mercure Galant
, il doit eſtre leur ouvra
ge plutoſt que le mien. Ils
168 MERCURE
trouveront alors dequoy s'amufer
avecplaisir de la varieté
continuelle qui doit faire tour
le merite de ce Livre.
Quelque bonne que foit la
Piecede Poësie que je leurdon
ne, fi un Madrigal, uneChan
fon, une Epigrame, un Son
net leur plaiſent davantage ,
qu'ils prennent la peine d'en
faire & de m'en envoyer , je
feray tout ce qu'ils voudront
pour leur plaire. Cependant
je prie ceux qui ſe meflent de
faire des Vers de lire avec
beaucoup d'attention la Picce
de Poësie que jeleur preſente,
&
GALANT. 169
&de ſe ſouvenir dans leurs
compoſitions , avec quel art ,
& à quel prix il eſt permis d'être
Poëte.
Fermer
Résumé : « Quelques utiles que soient les avis que je viens de donner, [...] »
Le texte traite de la réception des 'Mémoires Littéraires' et du 'Mercure Galant', notant des avis partagés : certains les apprécient, d'autres les critiquent. L'auteur reconnaît que chaque lecteur peut trouver un article à son goût dans son livre, mais souligne que la satisfaction des lecteurs dépend de leur propre engagement. Les lecteurs préfèrent des pièces courtes et variées. L'auteur encourage les lecteurs à contribuer eux-mêmes au 'Mercure Galant' pour enrichir son contenu. Il invite également les lecteurs à envoyer leurs créations poétiques, telles que des madrigaux, des chansons, des épigrammes ou des sonnets, promettant de les inclure pour leur plaisir. L'auteur recommande aux amateurs de poésie de lire attentivement la pièce présentée et de se rappeler les techniques et les efforts nécessaires pour bien composer des vers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3934
p. 169-214
De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Début :
On gronde contre la Satire, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Auteur, Critique, Muses, Ombre, Auteurs, Censeurs, Virgile, Malherbe, Quinault, Prévôt, Bigarrure, Prévôt du Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Fermer
Résumé : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Le texte 'De la Nécessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse', publié en juin 1714 dans le Mercure, traite de l'importance de la critique littéraire. Il souligne la nécessité de la satire et de la critique dans un contexte où l'écriture poétique est accessible à tous, souvent sans respect des règles de l'art. Le texte déplore la publication et la vente d'œuvres de qualité médiocre et appelle à une réforme par l'intervention d'un critique sévère. Il rappelle l'évolution de la poésie française, marquée par des périodes de décadence et de renouveau. Des figures littéraires comme Malherbe et Boileau sont mentionnées pour leur rôle dans la réforme de la poésie. Le texte évoque également des auteurs tels que Ronsard, Chapelain, Pradon, et Quinaut, illustrant les conflits et les jugements critiques qui ont façonné la littérature. Le texte se conclut par un appel à trouver un nouveau 'Prevost' capable de purger la littérature des mauvais auteurs et de rétablir des standards de qualité. Il exprime le souhait de voir un critique sévère et juste, capable de blâmer ce qui doit l'être, mais aussi de reconnaître les véritables talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3935
p. 215-216
DÉPIT.
Début :
Je ne scay si c'est une varieté ou non, de mettre / Mes foibles yeux ont pû trouver des charmes [...]
Mots clefs :
Variété
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DÉPIT.
Je ne ſçay ſi c'eſt une
varieté ou non , de mettre
des Vers à la fuite d'une
Piece de Poësie , de quelque
genre different que
l'un & l'autre puiſſe eſtre ;
mais je ſçay bien qu'un
jeune homme tres-amoureux
& malheureuſement
brouillé avec la Maîtreffe,
me preſſe de gliſſer ce dépit
dans mon Mercure.
この
216. MERCURE
1
PIT
Mes foibles yeux ont
Et
er des
ont pu troucharmes
50
Un'altmirer que vou? O
১
موت
Er you? Rypbirfaticur des plait !
fps tas plus doux, zinen
-Man caur vous raconductos
terty go wipe GIUGNE
Mais la raison diffipant Mad
Homi ab Song 771
Melaiffee enfin aapppercevoir
Empeg sund 24,2nd
१९
ma vie
beaux jours
s de 1
Sont ceux que j'ay paffez , Cli
mene,ſans vous voir.
varieté ou non , de mettre
des Vers à la fuite d'une
Piece de Poësie , de quelque
genre different que
l'un & l'autre puiſſe eſtre ;
mais je ſçay bien qu'un
jeune homme tres-amoureux
& malheureuſement
brouillé avec la Maîtreffe,
me preſſe de gliſſer ce dépit
dans mon Mercure.
この
216. MERCURE
1
PIT
Mes foibles yeux ont
Et
er des
ont pu troucharmes
50
Un'altmirer que vou? O
১
موت
Er you? Rypbirfaticur des plait !
fps tas plus doux, zinen
-Man caur vous raconductos
terty go wipe GIUGNE
Mais la raison diffipant Mad
Homi ab Song 771
Melaiffee enfin aapppercevoir
Empeg sund 24,2nd
१९
ma vie
beaux jours
s de 1
Sont ceux que j'ay paffez , Cli
mene,ſans vous voir.
Fermer
Résumé : DÉPIT.
Le texte explore la poésie et une relation amoureuse tumultueuse. Un jeune homme demande à l'auteur d'exprimer son dépit dans une publication appelée 'Mercure'. L'auteur mentionne des vers en différentes langues. Il préfère les jours passés sans voir sa maîtresse, suggérant une relation conflictuelle. La raison semble avoir dissipé l'amour, et la maîtresse a pris conscience de quelque chose.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3936
p. 218-264
HISTOIRE du Bacha de Damas.
Début :
Si l'on remarque quelque difference considerable / Il est difficile de sçavoir positivement ce qui se [...]
Mots clefs :
Pacha , Damas, Sultan, Père, Femme, Sérail, Seigneur, Femme, Vizir, Mort, Yeux, Amour, Troupes, Empire, Esclaves, Maison, Armée, Juifs, Époux, Honneur, Hommes, Douleur, Audace, Mer, Larmes, Gloire, Vie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE du Bacha de Damas.
HISTOIRE
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
Fermer
Résumé : HISTOIRE du Bacha de Damas.
Le texte narre l'histoire de Halil Acor Bacha de Damas, relatée par un Arménien ayant été impliqué dans le commerce d'esclaves. L'histoire commence à Baghlar, un port de la mer Noire, où un Janissaire nommé Zeinal, originaire de Bulgarie, réside avec sa femme enceinte. Un Sheik et l'Arménien les assistent lors de l'accouchement. Le Sheik prédit un avenir glorieux pour l'enfant, qui se réalise lorsque Zeinal devient Bacha d'Albanie. Cependant, Zeinal est exécuté sur ordre du Grand Visir Ismael, à la demande du général Osman Yeghen. Le fils de Zeinal, Halil, alors Capigibachi en Asie, apprend la mort de son père longtemps après. Halil, épris d'une esclave destinée au Sultan, l'enlève et se réfugie chez un médecin juif. Forcé de quitter sa cachette, Halil se rend à Constantinople où il est reconnu et rejoint les Spahis. Après la mort de son père, Halil affronte Yeghen en duel, mais est blessé. Yeghen, impressionné par le courage de Halil, lui offre son amitié. Halil apprend ensuite la mort de sa femme, Adrabista, des mains du médecin juif Adrianou. Le texte relate également l'histoire d'Adrabista, une femme juive et épouse de Halil. Désespérée par le départ de Halil, elle décide de le suivre déguisée en homme pour affronter les dangers qu'il rencontre. Elle cache sa douleur et son désir de le rejoindre, mais finit par révéler ses intentions à Adrianou, un confident. Malgré ses efforts pour la dissuader, Adrabista s'enfuit et rejoint les troupes chrétiennes, où elle se convertit au christianisme. De son côté, Halil, informé de la trahison d'Adrabista, est dévasté. Yeghen, un ami de Halil, tente de le consoler en lui offrant une de ses femmes. Halil, après une période de réflexion, choisit la fille de Yeghen et l'épouse. Il mène ensuite une vie prospère et honorable jusqu'à sa mort. Le texte se termine par la nouvelle de la rébellion du Bacha de Bagdad et de la trahison des Bachas de Damas et d'Alep, qui sont accusés de complicité. Le Bacha de Damas, Halil, est exécuté sur ordre du Sultan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3937
p. 264-265
« On m'a déja envoyé des Enigmes, des avis au Public [...] »
Début :
On m'a déja envoyé des Enigmes, des avis au Public [...]
Mots clefs :
Public, Lecteurs, Énigmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On m'a déja envoyé des Enigmes, des avis au Public [...] »
On m'a déja envoyé des
Enigmes , des avis au Public
, & des conſeils particuliers
: je remercie ceux
qui m'ont fait ces préſents
GALANT. 265
&je les prie de m'en faire
encore. Qu'ils contribuent
au rétabliſſement duMercu
re,&pour le rendre intereffant
, utile , & agréable ,
que tant de mains y travaillent
, que tous ceux qui
m'aideront à le compoſer;
ayent le plaifir d'y reconnoiſtre
leurs Ouvrages , &
que de concert avec le
Public, j'en faſſe , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
un Livre capable de faire
leplaifirde tout le monde ,
en amuſant agréablement
ceux qu'il ne pourra pas
inſtruire.
Enigmes , des avis au Public
, & des conſeils particuliers
: je remercie ceux
qui m'ont fait ces préſents
GALANT. 265
&je les prie de m'en faire
encore. Qu'ils contribuent
au rétabliſſement duMercu
re,&pour le rendre intereffant
, utile , & agréable ,
que tant de mains y travaillent
, que tous ceux qui
m'aideront à le compoſer;
ayent le plaifir d'y reconnoiſtre
leurs Ouvrages , &
que de concert avec le
Public, j'en faſſe , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
un Livre capable de faire
leplaifirde tout le monde ,
en amuſant agréablement
ceux qu'il ne pourra pas
inſtruire.
Fermer
Résumé : « On m'a déja envoyé des Enigmes, des avis au Public [...] »
L'auteur sollicite des contributions pour rétablir le périodique le Mercure. Il remercie les lecteurs pour leurs énigmes, avis et conseils et les encourage à continuer. L'objectif est de rendre le périodique intéressant, utile et agréable, en réunissant les œuvres de nombreux collaborateurs. Chaque contributeur pourra reconnaître son travail et le résultat final visera à instruire et divertir les lecteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3938
p. 266-267
Noms de ceux qui ont deviné les Enigmes, [titre d'après la table]
Début :
Le mot de la premiere Enigme du mois passé estoit [...]
Mots clefs :
Énigme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Noms de ceux qui ont deviné les Enigmes, [titre d'après la table]
Le mot de la premiere
Enigme du mois paſſe eſtoit
la Fable , celuy de la ſeconde
estoit l'ongle. Ceux
qui les ont deviné ſont le
Breton de la Cour de la
Moignon , la grande Angelique
, la blonde perſeverante
, l'inconſtant devenu
fidele , le Bourguignon
ſans fard , le petit Secrecaire
, le bien aimé Corio
lan , le Bailly Finet de
Dieppe, la Bertaigne éden
tée , ſon maufeu de Pincourt
, la mouchette
Guiblet, la groſſeChenille,
GALANT . 267
& l'Hoſtel de Maulevrier
ruë de Grenelle
Je ſuis obligé à un des
devineurs que je viens de
nommer du ſoin qu'il a eü
de m'envoyer une Enigme,
je l'aurois miſe volontiers
àla place d'une des miennes
, s'il avoit voulu prendre
la peine de la rendre
plus correcte .
Enigme du mois paſſe eſtoit
la Fable , celuy de la ſeconde
estoit l'ongle. Ceux
qui les ont deviné ſont le
Breton de la Cour de la
Moignon , la grande Angelique
, la blonde perſeverante
, l'inconſtant devenu
fidele , le Bourguignon
ſans fard , le petit Secrecaire
, le bien aimé Corio
lan , le Bailly Finet de
Dieppe, la Bertaigne éden
tée , ſon maufeu de Pincourt
, la mouchette
Guiblet, la groſſeChenille,
GALANT . 267
& l'Hoſtel de Maulevrier
ruë de Grenelle
Je ſuis obligé à un des
devineurs que je viens de
nommer du ſoin qu'il a eü
de m'envoyer une Enigme,
je l'aurois miſe volontiers
àla place d'une des miennes
, s'il avoit voulu prendre
la peine de la rendre
plus correcte .
Fermer
Résumé : Noms de ceux qui ont deviné les Enigmes, [titre d'après la table]
Le texte révèle les solutions des énigmes des deux derniers mois : 'la Fable' et 'l'ongle'. Les personnes ayant correctement deviné ces réponses incluent le Breton de la Cour de la Moignon, la grande Angélique, le Bourguignon sans fard, le petit Secrétaire, le bien-aimé Coriolan et la mouchette Guiblet. L'auteur remercie un devineur pour une nouvelle énigme, mais regrette son manque de soin dans la rédaction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3939
p. 268-269
Madrigal sur l'Autheur [titre d'après la table]
Début :
Je mettrois volontiers icy toute la Lettre que [...]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Madrigal sur l'Autheur [titre d'après la table]
Je mettrois volontiers
icy toute la Lettre que
jay receuë de Mr Anceau
, fi je n'apprehendois
pasque plufieurs perſonnes
qui m'ont écrit à peu
prés comme luy , ne me
ſcuſſent mauvais gré de
lapréference , ou plutoft
icy toute la Lettre que
jay receuë de Mr Anceau
, fi je n'apprehendois
pasque plufieurs perſonnes
qui m'ont écrit à peu
prés comme luy , ne me
ſcuſſent mauvais gré de
lapréference , ou plutoft
Fermer
3940
p. 269-271
Envoy sur le mot de la seconde Enigme, [titre d'après la table]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Envoy sur le mot de la seconde Enigme, [titre d'après la table]
ſi j'avois aſſez de place
pour contenter tout le
monde.,Cependant quoy
que j'augmente le nombre
de mes pages , &
malgré l'obligation ou
je ſuis de me refferrer , je
ne veux pas faire à Mr
L. S. D. R. Avocat au
Parlement , le chagrin de
1
n'y pas inſerer au moins
une des deux explications
qu'il m'a envoyées ſur
mes Enigmes.
pour contenter tout le
monde.,Cependant quoy
que j'augmente le nombre
de mes pages , &
malgré l'obligation ou
je ſuis de me refferrer , je
ne veux pas faire à Mr
L. S. D. R. Avocat au
Parlement , le chagrin de
1
n'y pas inſerer au moins
une des deux explications
qu'il m'a envoyées ſur
mes Enigmes.
Fermer
3941
p. 272-273
Explication de la premiere Enigme.
Début :
La Fable qu'Esope conta [...]
Mots clefs :
Fable
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Explication de la premiere Enigme.
Explication de la premiere
Enigme.
La Fable qu'Eſope conta
ADame Aminte la facha
Parce qu'il demasqua fon
vive
La comparant à l'Ecreviffe.
Maintes Amintes aujourd'huy
Semblable aux Damesde
Thrace
Se rueroient fortement fur
luy ,
GALANT
Sans respecter boffe ny
face
Tel ne craint point un fon
femblable
Qui au lieu de comparai
fans
DeSymbololeess&&ddee LLeeççoonnss
Donne à deviner le mot
FableAJ
Enigme.
La Fable qu'Eſope conta
ADame Aminte la facha
Parce qu'il demasqua fon
vive
La comparant à l'Ecreviffe.
Maintes Amintes aujourd'huy
Semblable aux Damesde
Thrace
Se rueroient fortement fur
luy ,
GALANT
Sans respecter boffe ny
face
Tel ne craint point un fon
femblable
Qui au lieu de comparai
fans
DeSymbololeess&&ddee LLeeççoonnss
Donne à deviner le mot
FableAJ
Fermer
3942
p. 273-275
ENIGME.
Début :
Autre nouvelle. Un Laquais vient de m'apporter un paquet / Je suis aussi poli, mais plus blanc que l'yvoire, [...]
Mots clefs :
Pot de chambre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Autre nouvelle. Un
Laquais vient de m'apporter
un paquet où je
trouve une longue lettre
&une courte Enigme :
274 MERCURE
on me recommande l'une
& l'autre , mais je m'en
tiens à l'Enigme, àla confideration
de Mr D. L.
qui me l'envoye.
1
ENIGME.
Jeſuis auſſipoli , mais plus
blanc que l'yvoire ,
Fapproche quelquefois de
la virginité , A
Jesuis un peu fragile , &
neſuispoint tenté ,
Souvent me fait la cour
quifouvent aime à boire.
GALANT. 275
Je suis plus recherché du
genre moins buveur
En mon employ ſervile on
me guide à l'honneur ,
Une jeune beauté frémiroit
dans fon ame
Augeste d'un brutal qui
s'approche de moy.
Fene fuis pointſenſible aux
faveurs d'un grand Roy ,
Fe rougis quelquefois de
২ celles d'une Dame.
Laquais vient de m'apporter
un paquet où je
trouve une longue lettre
&une courte Enigme :
274 MERCURE
on me recommande l'une
& l'autre , mais je m'en
tiens à l'Enigme, àla confideration
de Mr D. L.
qui me l'envoye.
1
ENIGME.
Jeſuis auſſipoli , mais plus
blanc que l'yvoire ,
Fapproche quelquefois de
la virginité , A
Jesuis un peu fragile , &
neſuispoint tenté ,
Souvent me fait la cour
quifouvent aime à boire.
GALANT. 275
Je suis plus recherché du
genre moins buveur
En mon employ ſervile on
me guide à l'honneur ,
Une jeune beauté frémiroit
dans fon ame
Augeste d'un brutal qui
s'approche de moy.
Fene fuis pointſenſible aux
faveurs d'un grand Roy ,
Fe rougis quelquefois de
২ celles d'une Dame.
Fermer
3943
p. 275-280
ENIGME.
Début :
Si l'on m'en avoit envoyé encore une, j'aurois / Nous sommes trois compagnons [...]
Mots clefs :
Seringue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
Si l'on m'en avoit envoyé
encore une , j'aurois
refervé celle- cy pour un
276 MERCURE
autre mois ; mais on ne
la pas fait ,& je n'ay pas
le temps d'attendre qu'on
le faffe.
XENIGME
2 i
Noussommes trois compagnons
M
Qui de fort prés nous joignons,
Composant un tout femelle
De taille telle que telle ,
Et qu'on ne peut définir
Parce qu'aller & venir
Défigurent un peusa taille
GALANT. 277
Qui franchement n'est rien
qui vaille ,
L'un de nous est fort mal
coëffé
L'autre est un peu mieux
etoffe
Le troifiéme par avanture
dont le beau sexe eft cum
rieux
Eft par fois parfumé ,
blanc , poli , gracieux,
Pour luy plaire par fon
allure,
Quelquefois de mille
beautez
278 MERCURE
Il est temoin , mais non
pas oculaire ,
De ce qu'il ne voit point
un peu vous vous
doutez
Lesçavoir mieux n'est pas
trop neceffaire,
Pour deviner l'Enigme
en question
Mais procedons à la conclufion
1
Tantoſt l'un de nous trois
des deux autres s'arrasche
Celuy-cy dans l'autre ſe
GALANT . 279
LIM cache 3
Et se recache aprés dans
un plaisant reduit
Et quand l'autre est cacké
dans celuy qui le ſuit
Tous trois nous nous cachons
ensemble
Dans un autre réduit
qu'on cache aprés auffi
Qui sommes nous , que
vous en femble
Quel mot feul fait en racourcy
Des maſles Compagnons
que cette Enigme indi
280 MERCURE !
que
Le nom unique.
encore une , j'aurois
refervé celle- cy pour un
276 MERCURE
autre mois ; mais on ne
la pas fait ,& je n'ay pas
le temps d'attendre qu'on
le faffe.
XENIGME
2 i
Noussommes trois compagnons
M
Qui de fort prés nous joignons,
Composant un tout femelle
De taille telle que telle ,
Et qu'on ne peut définir
Parce qu'aller & venir
Défigurent un peusa taille
GALANT. 277
Qui franchement n'est rien
qui vaille ,
L'un de nous est fort mal
coëffé
L'autre est un peu mieux
etoffe
Le troifiéme par avanture
dont le beau sexe eft cum
rieux
Eft par fois parfumé ,
blanc , poli , gracieux,
Pour luy plaire par fon
allure,
Quelquefois de mille
beautez
278 MERCURE
Il est temoin , mais non
pas oculaire ,
De ce qu'il ne voit point
un peu vous vous
doutez
Lesçavoir mieux n'est pas
trop neceffaire,
Pour deviner l'Enigme
en question
Mais procedons à la conclufion
1
Tantoſt l'un de nous trois
des deux autres s'arrasche
Celuy-cy dans l'autre ſe
GALANT . 279
LIM cache 3
Et se recache aprés dans
un plaisant reduit
Et quand l'autre est cacké
dans celuy qui le ſuit
Tous trois nous nous cachons
ensemble
Dans un autre réduit
qu'on cache aprés auffi
Qui sommes nous , que
vous en femble
Quel mot feul fait en racourcy
Des maſles Compagnons
que cette Enigme indi
280 MERCURE !
que
Le nom unique.
Fermer
3944
p. 280-284
Pompe Funebre de la Reyne d'Espagne, [titre d'après la table]
Début :
Le 2. de ce mois Le Roy fit faire un service solemnel [...]
Mots clefs :
Reine d'Espagne, Roi, Espagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pompe Funebre de la Reyne d'Espagne, [titre d'après la table]
Le 2. de ce mois le
Roy fit faire un ſervice folemnel
dans l'Egliſe de
Noftre- Dame , pour le repos
de l'ame de la Reyne
d'Eſpagne , le Cardinal de
Noailles Archeveſque de
Paris officia , & tous les
Prélats qui estoient à Paris
s'y trouverent , de mefme
que le Parlement , la
Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , l'Univerſité
& le Corps de Ville
د
qui
1
GALANT. 281
qui y avoient eſté invitez
de la part du Roy , par le
Marquis de Dreux Grand
Maistre des Cérémonies.
Madame la Princeſſe de
Conti , Mademoiſelle de
Charolois , & Mademoiſelle
de Clermont , qui eftoient
les Princeſſes du
deüil , estoient menez par
Monfieur le Duc d'Orleans
, le Duc de Bourbon ,
&le Comte de Charolois .
Le Mauſolée de cette
grande Reyne eſtoit ſuperbe
, ſon tombeau eſtoit
placé ſur un pied d'Eſtal
Aa
282 MERCURE
fouſtenu de quatre Lyons ,
fa figure eftoit à pans fur
chaque paneſtoit affife une
Conſole qui portoit une
Girandole. On voyoit au
deffus du Tombeau la rez
preſentation couverte d'un
riche Poele & d'un Manteau
Royal , fur leſquels
eftoit poſée la Couronne
d'Eſpagne , ſur un Carreau,
couverte d'un voile ou cref
pe noir.
Au deſſus du Catafalque
eſtoit élevé un Pavillon
furmonté de quatre aigrettes
, orné de riches pentes
GALANT. 283
garnies d'ornements &
d'attributs en or , au fond
duquel eſtoir une croix de
moire d'aigrettes cantonné
des armes d'Eſpagne, duquel
pavillon partoientqua
tre grandes queües foutenuës
en l'air formant des
feftons. On voyoit ſous le
pavillon un Ange tenant
une couronne d'étoiles re
preſentant l'immortalité.
L'Autel étoit orné dans le
même goût que le tour du
Choeur. Deux cartouches
avec deviſes en bas relief
d'or y étoient aux deuxcô
A a ij
284 MERCURE
tés : au deſſus de l'Autel
étoit unDais richement orné,
dont les queües for
mant des feſtons ſe réünif
foient à la décoration du
Choeur.
Les Ecuffons , cartouches,
tympans & autres ornements
ſont dorés,profilés
&ornés de girandoles portant
des lumieres
Les inſcriptions & deviſes
ont été données par Mr.
Simon Garde du Cabinet
des Medailles du Roy
Roy fit faire un ſervice folemnel
dans l'Egliſe de
Noftre- Dame , pour le repos
de l'ame de la Reyne
d'Eſpagne , le Cardinal de
Noailles Archeveſque de
Paris officia , & tous les
Prélats qui estoient à Paris
s'y trouverent , de mefme
que le Parlement , la
Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , l'Univerſité
& le Corps de Ville
د
qui
1
GALANT. 281
qui y avoient eſté invitez
de la part du Roy , par le
Marquis de Dreux Grand
Maistre des Cérémonies.
Madame la Princeſſe de
Conti , Mademoiſelle de
Charolois , & Mademoiſelle
de Clermont , qui eftoient
les Princeſſes du
deüil , estoient menez par
Monfieur le Duc d'Orleans
, le Duc de Bourbon ,
&le Comte de Charolois .
Le Mauſolée de cette
grande Reyne eſtoit ſuperbe
, ſon tombeau eſtoit
placé ſur un pied d'Eſtal
Aa
282 MERCURE
fouſtenu de quatre Lyons ,
fa figure eftoit à pans fur
chaque paneſtoit affife une
Conſole qui portoit une
Girandole. On voyoit au
deffus du Tombeau la rez
preſentation couverte d'un
riche Poele & d'un Manteau
Royal , fur leſquels
eftoit poſée la Couronne
d'Eſpagne , ſur un Carreau,
couverte d'un voile ou cref
pe noir.
Au deſſus du Catafalque
eſtoit élevé un Pavillon
furmonté de quatre aigrettes
, orné de riches pentes
GALANT. 283
garnies d'ornements &
d'attributs en or , au fond
duquel eſtoir une croix de
moire d'aigrettes cantonné
des armes d'Eſpagne, duquel
pavillon partoientqua
tre grandes queües foutenuës
en l'air formant des
feftons. On voyoit ſous le
pavillon un Ange tenant
une couronne d'étoiles re
preſentant l'immortalité.
L'Autel étoit orné dans le
même goût que le tour du
Choeur. Deux cartouches
avec deviſes en bas relief
d'or y étoient aux deuxcô
A a ij
284 MERCURE
tés : au deſſus de l'Autel
étoit unDais richement orné,
dont les queües for
mant des feſtons ſe réünif
foient à la décoration du
Choeur.
Les Ecuffons , cartouches,
tympans & autres ornements
ſont dorés,profilés
&ornés de girandoles portant
des lumieres
Les inſcriptions & deviſes
ont été données par Mr.
Simon Garde du Cabinet
des Medailles du Roy
Fermer
Résumé : Pompe Funebre de la Reyne d'Espagne, [titre d'après la table]
Le 2 du mois, le roi organisa un service solennel à l'église Notre-Dame pour le repos de l'âme de la reine d'Espagne. Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, officia en présence de tous les prélats parisiens, ainsi que du Parlement, de la Chambre des Comptes, de la Cour des Aides, de l'Université et du Corps de Ville, invités par le marquis de Dreux. Les princesses du deuil, Madame la Princesse de Conti, Mademoiselle de Charolois et Mademoiselle de Clermont, furent accompagnées par Monsieur le Duc d'Orléans, le Duc de Bourbon et le Comte de Charolois. Le mausolée de la reine était somptueux. Son tombeau, soutenu par quatre lions, était orné de consoles portant des girandoles. Au-dessus du tombeau, une représentation était couverte d'un riche poêle et d'un manteau royal, sur lesquels reposait la couronne d'Espagne voilée de crêpe noir. Un pavillon surmonté de quatre aigrettes, orné de riches pendentifs et d'attributs en or, surmontait le catafalque. Une croix de moire d'aigrettes, cantonnée des armes d'Espagne, était visible au fond du pavillon, d'où partaient trois grandes queues formant des festons. Sous le pavillon, un ange tenait une couronne d'étoiles représentant l'immortalité. L'autel était décoré dans le même style que le tour du chœur. Deux cartouches avec des devises en bas-relief doré étaient placées de chaque côté. Un dais richement orné, dont les queues formaient des festons, se réunissaient à la décoration du chœur. Les écussons, cartouches, tympans et autres ornements étaient dorés, profilés et ornés de girandoles portant des lumières. Les inscriptions et devises furent fournies par Monsieur Simon, garde du Cabinet des Médailles du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3945
p. 284-286
Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Début :
Voicy un article où tous les termes consacrés aux loüanges [...]
Mots clefs :
Discours, Académie française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Voicy un article où
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
Fermer
Résumé : Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Le 23, le maréchal de Villars a été reçu à l'Académie française. Il a prononcé un discours héroïque. Monsieur de La Chapelle a répondu au nom de l'assemblée. L'auteur a tenté d'obtenir ces discours pour les publier dans le premier numéro du Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3946
p. 286-290
MORTS.
Début :
Marie Anne Mancini Duchesse de Boüillon mourue [...]
Mots clefs :
Comte, Auvergne, Conseiller, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORTS.
Marie Anne Mancini Du
cheffe de Boüillon mourut
fubitement le 20 de ce
mois. Son corps fut porté
le 25. aux Theatins. Elle
avoit épousé le 20. Avril
1662. Godefroy Maurice de
la Tour Duc de Boüillon ,
Vicomte de Turenne , Duc
d'Albret & de Chasteau
GALANT. 287
Thierry , Comte d'Auvergne
, d'Evreux &c. Pair &
Grand Chambellan de
France , Gouverneur &
Lieutenant General du
haut & bas Auvergne ,
& eſtoir fille de Michel
Laurent Mancini , qui
avoit époufé Jeronime Mazarin
foeur puiſnée du Car .
dinal Mazarin , morte le
29. Decembre 1656. Leurs
enfans furent ; N. Comte
de Mancini , tué au combat
du Fauxbourg Saint Antoine
à Paris ; Philippe Julien
quijoignit à fon nomceluy
288 MERCURE
de Mazarin ; N. dit l'Abbé
Mancini , qui fut tué Malheureuſement
au College
en joüant avec ſes amis le
15. Decembre 1654. Alfonſe
mort le s. Janvier 1658.
âgé de 14. ans ; Laure alliée
le 4. Fevrier 1651. avec
Loüis Duc de Vendôme &
de Mercoeur , morte le 8.
Fevrier 1657. Olympe Sur-
Intendante de la Maiſon de
la Reine , mariée le 20 Fevrier
1657. à Eugene Maurice
de Savoye Comte de
Soiſſons , & Marie femme
de Laurent Colonne Conneftable
GALANT. 289
neſtable du Royaume de
Naples , Hortenſe qui ef
pouſa le 21. Fevrier 1661.
Armand Charles dela Porte
, Duc de la Meilleraye ,
ſubſtitué au nom & armes
de Mazarin , elle mourut
en Angleterre le 2. Juillet
1699. & Marie Anne Manncini
qui vient de mourir.
Paul Mancini Baron Romain
, aimoit les belles
Lettres , & fuft premier
Inſtituteur de l'Academie
des Humoristes , il vivoit
l'an 1600.
Dame Marie Ceberet ,
Juin 1714. Bb
$
190 MERCURE
Veuve de Mefire Hierofme
Merault , Conſeiller de la
Grande Chambre du Parlement,
mourut le 17. Juin
1714
MMeefſiirree François le Boultz
Seigneur d'Aubevois , Conſeiller
Clerc au Parlement
de Metz , mourut le 20,
Juin 1714.
• Nicolas Jean Geneſt de
Launay Secretaire du Roy,
&l'un des Fermier Generaux
de Sa Majesté , mourut
le
Marie Anne Mancini Du
cheffe de Boüillon mourut
fubitement le 20 de ce
mois. Son corps fut porté
le 25. aux Theatins. Elle
avoit épousé le 20. Avril
1662. Godefroy Maurice de
la Tour Duc de Boüillon ,
Vicomte de Turenne , Duc
d'Albret & de Chasteau
GALANT. 287
Thierry , Comte d'Auvergne
, d'Evreux &c. Pair &
Grand Chambellan de
France , Gouverneur &
Lieutenant General du
haut & bas Auvergne ,
& eſtoir fille de Michel
Laurent Mancini , qui
avoit époufé Jeronime Mazarin
foeur puiſnée du Car .
dinal Mazarin , morte le
29. Decembre 1656. Leurs
enfans furent ; N. Comte
de Mancini , tué au combat
du Fauxbourg Saint Antoine
à Paris ; Philippe Julien
quijoignit à fon nomceluy
288 MERCURE
de Mazarin ; N. dit l'Abbé
Mancini , qui fut tué Malheureuſement
au College
en joüant avec ſes amis le
15. Decembre 1654. Alfonſe
mort le s. Janvier 1658.
âgé de 14. ans ; Laure alliée
le 4. Fevrier 1651. avec
Loüis Duc de Vendôme &
de Mercoeur , morte le 8.
Fevrier 1657. Olympe Sur-
Intendante de la Maiſon de
la Reine , mariée le 20 Fevrier
1657. à Eugene Maurice
de Savoye Comte de
Soiſſons , & Marie femme
de Laurent Colonne Conneftable
GALANT. 289
neſtable du Royaume de
Naples , Hortenſe qui ef
pouſa le 21. Fevrier 1661.
Armand Charles dela Porte
, Duc de la Meilleraye ,
ſubſtitué au nom & armes
de Mazarin , elle mourut
en Angleterre le 2. Juillet
1699. & Marie Anne Manncini
qui vient de mourir.
Paul Mancini Baron Romain
, aimoit les belles
Lettres , & fuft premier
Inſtituteur de l'Academie
des Humoristes , il vivoit
l'an 1600.
Dame Marie Ceberet ,
Juin 1714. Bb
$
190 MERCURE
Veuve de Mefire Hierofme
Merault , Conſeiller de la
Grande Chambre du Parlement,
mourut le 17. Juin
1714
MMeefſiirree François le Boultz
Seigneur d'Aubevois , Conſeiller
Clerc au Parlement
de Metz , mourut le 20,
Juin 1714.
• Nicolas Jean Geneſt de
Launay Secretaire du Roy,
&l'un des Fermier Generaux
de Sa Majesté , mourut
le
Fermer
Résumé : MORTS.
Le texte mentionne plusieurs décès et informations biographiques. Marie Anne Mancini, duchesse de Bouillon, est décédée subitement le 20 du mois. Son corps a été porté aux Théatins le 25. Elle avait épousé Godefroy Maurice de La Tour, duc de Bouillon, le 20 avril 1662. Marie Anne Mancini était la fille de Michel Laurent Mancini et de Jeronime Mazarin, sœur du cardinal Mazarin, décédée le 29 décembre 1656. Parmi ses enfants, on compte plusieurs figures notables : un comte de Mancini tué au combat, Philippe Julien Mancini-Mazarin, l'abbé Mancini tué au collège, Alphonse décédé à 14 ans, Laure mariée au duc de Vendôme, Olympe mariée au comte de Soissons, Hortense mariée au duc de La Meilleraye et décédée en Angleterre, et Marie Anne Mancini elle-même. Paul Mancini, baron romain, était connu pour son amour des belles lettres et fut le premier instituteur de l'Académie des Humoristes. Le texte mentionne également le décès de Dame Marie Ceberet, veuve de Me Hierofme Merault, le 17 juin 1714, ainsi que celui de Mme Françoise Le Boultz, seigneur d'Aubevois, conseiller au Parlement de Metz, le 20 juin 1714, et de Nicolas Jean Genest de Launay, secrétaire du roi et fermier général.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3947
p. 291-294
RENDEZ-VOUS.
Début :
Je suppose que ceux qui m'ont demendé des / Salut amy : Je suis charmé [...]
Mots clefs :
Rendez-vous
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RENDEZ-VOUS.
Jeſuppoſe que ceux
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
Fermer
Résumé : RENDEZ-VOUS.
L'auteur d'une correspondance interprète les demandes de rendez-vous qu'il a reçues comme provenant d'amis souhaitant badiner librement avec lui. Il accepte cette situation et invite ses correspondants à bien prendre en compte sa réponse. Il précise que si l'adresse donnée plaît, ils doivent se rendre au rendez-vous, et il tiendra sa parole. Dans une lettre à un ami nommé Amy, l'auteur exprime son désir de parler galamment mais reconnaît que Phébus l'a réformé de ce rôle. Il refuse les promesses d'honneur et de gloire, préférant éviter de briguer une place au temple de mémoire. Il propose plutôt d'aller rimer au cabaret, de faire d'un champ de victoire et de chanter des chansons à boire, laissant leurs vers au cabinet. L'auteur se plaît mieux ailleurs qu'à l'Hélicon et demande à son messager de se rendre chez Mouginot pour le trouver.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3948
p. 294-295
« On trouve chez le Sieur de Launay ruë Saint Jacques [...] »
Début :
On trouve chez le Sieur de Launay ruë Saint Jacques [...]
Mots clefs :
Calendrier historique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On trouve chez le Sieur de Launay ruë Saint Jacques [...] »
On trouve chez le Sicur
de Launay ruë Saint Jacques
à la Ville de Rome ,
prés la fontaine Saint Severin
; & chez le Sieur Rondet
ruë de la Harpe , la fuite du
GALANT. 295
Kalendrier Hiſtorique. Contenant
par ordre de datte
les Evenemens les plus remarquables
, arrivés dans
tous les Estats , & Empires
du monde , pendant les fix
derniers mois de l'année
1713. l'Extrait du pronon
céides Edits , Déclarations
&Arreſts publics dans la
meſme année avec une
Table Alphabetique des
Matieres , & un Catalogue
des Livres imprimés en
France depuis le commen
cemont de l'année 171
de Launay ruë Saint Jacques
à la Ville de Rome ,
prés la fontaine Saint Severin
; & chez le Sieur Rondet
ruë de la Harpe , la fuite du
GALANT. 295
Kalendrier Hiſtorique. Contenant
par ordre de datte
les Evenemens les plus remarquables
, arrivés dans
tous les Estats , & Empires
du monde , pendant les fix
derniers mois de l'année
1713. l'Extrait du pronon
céides Edits , Déclarations
&Arreſts publics dans la
meſme année avec une
Table Alphabetique des
Matieres , & un Catalogue
des Livres imprimés en
France depuis le commen
cemont de l'année 171
Fermer
Résumé : « On trouve chez le Sieur de Launay ruë Saint Jacques [...] »
Le 'Kalendrier Historique' compile les événements marquants de 1713 dans divers États et empires. Il inclut des extraits d'édits et de déclarations publiques. L'ouvrage est disponible chez Sicur de Launay à Rome et Rondet à Paris. Il contient une table alphabétique et un catalogue des livres imprimés en France depuis 1711.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3949
s. p.
TABLE
Début :
Prelude, page 3 Reflexions sur l'Histoire 10 Histoire Nouvelle [...]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TABLE
TABLE
PRelude , ८ Page 3
Reflexionsfurl'Histoire 10
Histoire Nouvelle 14
Remarques sur l'Histoire 100
Discoursfur le mois , HO
Nouvelles
وه
Morts , piedad A. si izz
Mariages 18,207143
Memoires litteraires 146 - ISI
Critique du Parnaffe 169
L'histoire du Bacha de Damas.
218
TABLE.
Noms de ceux qui ont deviné
les Enigmes , 266
Madrigal fur l'Autheur 268
Envoy fur le mot de lafeconde
Enigme , 269
Explication de la premiere
Enigme ,
Enigme ,
Autre Enigme ,
272
274
276
Pompe Funebre de la Reyne
d'Espagne , 280
Reception de Mr de Villars
à l' Académie Françoise 28u
Suitte des morts , 286
Reponſe de l'Autheur aux
demandé
LYON
rendez vous qu'on luy à
291
PRelude , ८ Page 3
Reflexionsfurl'Histoire 10
Histoire Nouvelle 14
Remarques sur l'Histoire 100
Discoursfur le mois , HO
Nouvelles
وه
Morts , piedad A. si izz
Mariages 18,207143
Memoires litteraires 146 - ISI
Critique du Parnaffe 169
L'histoire du Bacha de Damas.
218
TABLE.
Noms de ceux qui ont deviné
les Enigmes , 266
Madrigal fur l'Autheur 268
Envoy fur le mot de lafeconde
Enigme , 269
Explication de la premiere
Enigme ,
Enigme ,
Autre Enigme ,
272
274
276
Pompe Funebre de la Reyne
d'Espagne , 280
Reception de Mr de Villars
à l' Académie Françoise 28u
Suitte des morts , 286
Reponſe de l'Autheur aux
demandé
LYON
rendez vous qu'on luy à
291
Fermer
Résumé : TABLE
Le document présente une table des matières d'une publication historique. Elle inclut des sections telles que 'Prélude', 'Réflexions sur l'Histoire' et 'Histoire Nouvelle'. Des nouvelles, des annonces de décès et de mariages, des mémoires littéraires, des critiques et des poèmes sont mentionnés. Des événements spécifiques, comme la pompe funèbre de la Reine d'Espagne, sont notés. La table des matières inclut également des énigmes et des réponses de l'auteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer