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Résultats : 7 texte(s)
1
p. 9-28
LE R. P. D. C** à Monsieur Estienne, Libraire de Paris.
Début :
Monsieur Estienne, eh ! ne m'imprimez pas. [...]
Mots clefs :
Imprimer, Ouvrage, Libraire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE R. P. D. C** à Monsieur Estienne, Libraire de Paris.
LE R. P. -D.C**.
àMonsieurEstienne;
Libraire de Paris.
MonsieurEstienne,eh !ne - m'imprimez pas.
Au nom de Dieu quartier.
Monsieur Estienne,
Jamais en rien, vous le sçavez,
hêlas!
Ne vous fis tort au moins
qu'il me souvienne,
Et si l'ay fait encor, posez le
cas,
Gardezvous bien que rancune
vous tienne
Les rancuniers sont mal
menezlàbas
Si nevoulez que tel mal
vousavienne
Pardonnez-moy d'une ame
bien chrestienne,
Monsieur Estienne
,
ch !
ne m'imprimez pas.
Je sçai qu'en l'art de bien
:.' mouler un Livre,
Vous égalez ces Estiennes
fameux,
Que vous comptez au rang
devosayeux,
Etqui dans vous, commençant
a revivre,
Nous font trouver dans un
de leurs neveux:
Ce que leur siecle a tant
loué dans eux,
Mais quand bien même en
dépitdela Parque,
Pour m'imprimer revenant.
sur leurs pas,
Ils se pourroient échapper
dela Barque,
Où tous mortels vont après
leurs trépas,
Fust-ce Robert, ou fust ce
Charles Estienne,
Je leur dirois toûjours la
même Antienne,
Monsieur Estienne
3
ch !
ne m'imprimez pas,
Ne croyez pas qu'un
chagrin myfantrope
} Me fasse icy le prendre sur
ce ton ,
J'aime lagloireenenfant
d'Helicon:
Mais tel souvent aprés elle
galope,
Dont le Pegase à chaque
moment chope,
Et qu'elle suïc comme on
fuït un larron;
Je la connois, j'ay fait son
Horoscope,
Quand on dit oüy, la quinteuse
ditnon.
Or s'il vous plaist en pareil
accessoire
Irois-je faire uu procès à la
gloire?
Procès sur quoi? d'ailleurs
c'estun grand cas
Sipar Procès la Dame s'aprivoife
:
Mais faisons mieux & pour
éviter noise
Monsieur Estienne, eh ! ne ,.. m'imprimez pas.
Vous me direz, cela vous
plaistàdire,
Je icai le cas qu'on fait de
vos écrits
Les ay souventoüipriser &
lire
Par maints Quidans soidisans
beaux esprits,
La presse est grande à se les
faire écrire,
Or mieux vaudroient moulez
quemanuscrits.
Graces vous rend de vostre
courtoisie:
Car c'est de vous que parc
le compliment,
Honteux seroit de mentir
si crument
Amon profit, de vousc'est
ambrosie,
Que je savoure assez benignement
:
Mais que mes Vers soient
bonne, marchandise
Comme Preschez; ou de
mauvais alloy,
Comme entre-nous me le
paroissàamoy,
Quand seroit vray qu'à
Paris on les prise,
Ne laisserois de vous dire
tout bas
Pour des raisonsque trouverez
de mise
Monsieur Estienne,eh!
nem'imprimezpas.
Quelque parfaitque
puisse estre un Ouvrage
En l'imprimant on luy fait
mauvais tour,
Presque toujours il en reçoit
dommage
Maint en ay vû se hâler au
grand jour
Sur quoi Couvent à par moy
- je recole
Petit écrit donné fous le
manceau
Qu'on se dérobe& qui
vient par bricole,
Ou bien moulé chez Pierre
du Marteau,
Fut-il mauvais nous paroist
toujours beau
Et pour l'avois on ne plaint
la pistole.
Qujl cesse d'estre & secret
&nouveau
On n'en voudra débourser
un obole.
-
J'ay ce Sonnet, mon voisin
ne l'a pas,
Voilà par où le Sonnet m'a
sçu plaire
Ce point de vue en fait le
grand appas; Est-il public; n'en fait on
plusmystere
Il perd son , sel, deslors il
tombe à bas:
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Vers manuscritssouffrent
des négligences
Qu'a , vers moulez on ne
pardonne pas,
Dans les premiers on les
nommelicence,
Làtouts'excuse& se parte
au gros sas;
Dans les seconds la moindre
tache est crime
Point de quartier de la part
d'un Icétcur
Qui sur le tour ,
la cadence
& larime
Ne fait jamais nulle grace à
l'Auteur;
Tant que mes Vers fous
la simple écriture,
N'estanr moulez ni reliez en
veau;
Dans les réduits iront ingnito
Pour eux ne crains de fà.
cheuse avanture;
Lapitié seule en dépit des
matins
Garantira ces pauvres orphelins
Deî'cotfp*cte bec: mais sur
vostre boutique
Si me mettiez jamais en
rang d'oignon,
Point ne seroit de petit
compagnon,
Point de Gnmault qui ne
me fit la nique;
Tels en sçavez qu'on a mis
en beaux draps;
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Dés qu'àParison affiche
un Ouvrage,
C'estletossin que l'on fortne
surluy;
Gens du mêtier à qui tout
fait ombrage
,
Et toujours prests à donner
sur autruy , Pour l'accablcr l'attendant
au passage,
Nouvel Auteur qui se met
sur les rangs,
A son début doit compter s'ilestsage
De bien payer àses petits
Tyrans
Sa bien-venuë & son apprentissage.
Pour les lauriers, & la gloire,&
l'encens,
Qu'aux fiens Phoebus assigne
pour tout gage,
Qu'il ne prétende cfuc:.ad;
mis à partage;
Leur partensouffre, & c'cfi
selonleur sens
Soupe de pain qu'on ôte à
leur potage:
Sur ce pied là, que de gens
sur les bras!
Leur tenir teste & montrer
bon visage
Scroit le mieux,si j'avois du
courage
Mais il me manque, & je
crains les combats.
Monsieur Estienne, eh! ne
m'imprimez pas.
,
è;Ë ,; Je le vois bien, contre toute
avanture
L'espoir flateur du débit
vous rassure;
Car encor bien que soyez
gracieux
Point ne croiray
,
foit dit
sans vous déplaire
Qu'alliez-vous mettre en
frais pour mes beaux yeux?
Si lefaisiez ne seriez bon
Libraire:
Mais s'il advient, comme
tout se peur faire
Que mes écrits par un triste
destin,
De la boutiqueaillentau
magasin,
Et que delà moisis dans la
poussieee,
Ils soient enfin livrez à la
., beurriere,
Ettousen blocvendus pour
un douzain,
Qien diriez-vous? Ce fcroit
bien le pire,
Vous en seriez pour nombre
de Ducats;
Er quant à moy je n'en ferois
que rire
En vous disans avois-jetort
helas!
Monsieur Estienne,eh! ne
m'imprimez pas.
Mais supposons contre tou-
.!1 te apparence
Que lesditsVers,puisqu'ainsivo1usleplaist
Par lafaveur dune heureuse
influence
Seront prisez, & vendus,
qui plus est ;
Je ne dis pas que ne soit
quelquechose
,
Force écrivainss'en contenteroient
bien,
Et puis de gloire une petite
dose,
Chez les Rimeurs ne gasta
jamais rien:
Mais croyez-vous,quoiquel'Ouvrage
plaise
Que l'on n'ait rien d'aill,eurs
à discuter,
Et que auteur en soit pils
à son aise?
Ay vû , pour moy ,
bien
des gens en douter;
Maints en connois qu'on a
menez bienroides,
Et comme on dit plus viste
que le pas;
Chat échaudé, croyezmoy
,
craint l'eau froide.
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Pour ces raisons
,
& pour
bien d'autrescauses
Que sur ce point je pourrois
alleguer,
Mes petits Vers resteront
lettrescloses
Et vous plaira ne les point
divulguer,
De mon vivant ne les vcut
voir paraître,
Quand seray mort alors serez
le maure:
Si demandez quand sera,
vous diray
Que ce sera le plus tardque
pourray.
Vous convient donc un bien
petitattendre,
Et vous prendrez, je croy , le tout en gré;
Ne voudriez que je m'allasse
pendre C ij
Pour abreger, au moins rien
n'en feray,
Si le comptiez, compteriez
sans vostre hôte;
Mais moy deffunt je fuis à
vous sans faute
Prenez mes Vers, faites en
vos choux gras,
Force fera de souffrir ce
martyre,
Parce qu'alors ne pourray
plus vous dire
Monsieur Estienne, eh! ne
m'imprimez pas.
àMonsieurEstienne;
Libraire de Paris.
MonsieurEstienne,eh !ne - m'imprimez pas.
Au nom de Dieu quartier.
Monsieur Estienne,
Jamais en rien, vous le sçavez,
hêlas!
Ne vous fis tort au moins
qu'il me souvienne,
Et si l'ay fait encor, posez le
cas,
Gardezvous bien que rancune
vous tienne
Les rancuniers sont mal
menezlàbas
Si nevoulez que tel mal
vousavienne
Pardonnez-moy d'une ame
bien chrestienne,
Monsieur Estienne
,
ch !
ne m'imprimez pas.
Je sçai qu'en l'art de bien
:.' mouler un Livre,
Vous égalez ces Estiennes
fameux,
Que vous comptez au rang
devosayeux,
Etqui dans vous, commençant
a revivre,
Nous font trouver dans un
de leurs neveux:
Ce que leur siecle a tant
loué dans eux,
Mais quand bien même en
dépitdela Parque,
Pour m'imprimer revenant.
sur leurs pas,
Ils se pourroient échapper
dela Barque,
Où tous mortels vont après
leurs trépas,
Fust-ce Robert, ou fust ce
Charles Estienne,
Je leur dirois toûjours la
même Antienne,
Monsieur Estienne
3
ch !
ne m'imprimez pas,
Ne croyez pas qu'un
chagrin myfantrope
} Me fasse icy le prendre sur
ce ton ,
J'aime lagloireenenfant
d'Helicon:
Mais tel souvent aprés elle
galope,
Dont le Pegase à chaque
moment chope,
Et qu'elle suïc comme on
fuït un larron;
Je la connois, j'ay fait son
Horoscope,
Quand on dit oüy, la quinteuse
ditnon.
Or s'il vous plaist en pareil
accessoire
Irois-je faire uu procès à la
gloire?
Procès sur quoi? d'ailleurs
c'estun grand cas
Sipar Procès la Dame s'aprivoife
:
Mais faisons mieux & pour
éviter noise
Monsieur Estienne, eh ! ne ,.. m'imprimez pas.
Vous me direz, cela vous
plaistàdire,
Je icai le cas qu'on fait de
vos écrits
Les ay souventoüipriser &
lire
Par maints Quidans soidisans
beaux esprits,
La presse est grande à se les
faire écrire,
Or mieux vaudroient moulez
quemanuscrits.
Graces vous rend de vostre
courtoisie:
Car c'est de vous que parc
le compliment,
Honteux seroit de mentir
si crument
Amon profit, de vousc'est
ambrosie,
Que je savoure assez benignement
:
Mais que mes Vers soient
bonne, marchandise
Comme Preschez; ou de
mauvais alloy,
Comme entre-nous me le
paroissàamoy,
Quand seroit vray qu'à
Paris on les prise,
Ne laisserois de vous dire
tout bas
Pour des raisonsque trouverez
de mise
Monsieur Estienne,eh!
nem'imprimezpas.
Quelque parfaitque
puisse estre un Ouvrage
En l'imprimant on luy fait
mauvais tour,
Presque toujours il en reçoit
dommage
Maint en ay vû se hâler au
grand jour
Sur quoi Couvent à par moy
- je recole
Petit écrit donné fous le
manceau
Qu'on se dérobe& qui
vient par bricole,
Ou bien moulé chez Pierre
du Marteau,
Fut-il mauvais nous paroist
toujours beau
Et pour l'avois on ne plaint
la pistole.
Qujl cesse d'estre & secret
&nouveau
On n'en voudra débourser
un obole.
-
J'ay ce Sonnet, mon voisin
ne l'a pas,
Voilà par où le Sonnet m'a
sçu plaire
Ce point de vue en fait le
grand appas; Est-il public; n'en fait on
plusmystere
Il perd son , sel, deslors il
tombe à bas:
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Vers manuscritssouffrent
des négligences
Qu'a , vers moulez on ne
pardonne pas,
Dans les premiers on les
nommelicence,
Làtouts'excuse& se parte
au gros sas;
Dans les seconds la moindre
tache est crime
Point de quartier de la part
d'un Icétcur
Qui sur le tour ,
la cadence
& larime
Ne fait jamais nulle grace à
l'Auteur;
Tant que mes Vers fous
la simple écriture,
N'estanr moulez ni reliez en
veau;
Dans les réduits iront ingnito
Pour eux ne crains de fà.
cheuse avanture;
Lapitié seule en dépit des
matins
Garantira ces pauvres orphelins
Deî'cotfp*cte bec: mais sur
vostre boutique
Si me mettiez jamais en
rang d'oignon,
Point ne seroit de petit
compagnon,
Point de Gnmault qui ne
me fit la nique;
Tels en sçavez qu'on a mis
en beaux draps;
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Dés qu'àParison affiche
un Ouvrage,
C'estletossin que l'on fortne
surluy;
Gens du mêtier à qui tout
fait ombrage
,
Et toujours prests à donner
sur autruy , Pour l'accablcr l'attendant
au passage,
Nouvel Auteur qui se met
sur les rangs,
A son début doit compter s'ilestsage
De bien payer àses petits
Tyrans
Sa bien-venuë & son apprentissage.
Pour les lauriers, & la gloire,&
l'encens,
Qu'aux fiens Phoebus assigne
pour tout gage,
Qu'il ne prétende cfuc:.ad;
mis à partage;
Leur partensouffre, & c'cfi
selonleur sens
Soupe de pain qu'on ôte à
leur potage:
Sur ce pied là, que de gens
sur les bras!
Leur tenir teste & montrer
bon visage
Scroit le mieux,si j'avois du
courage
Mais il me manque, & je
crains les combats.
Monsieur Estienne, eh! ne
m'imprimez pas.
,
è;Ë ,; Je le vois bien, contre toute
avanture
L'espoir flateur du débit
vous rassure;
Car encor bien que soyez
gracieux
Point ne croiray
,
foit dit
sans vous déplaire
Qu'alliez-vous mettre en
frais pour mes beaux yeux?
Si lefaisiez ne seriez bon
Libraire:
Mais s'il advient, comme
tout se peur faire
Que mes écrits par un triste
destin,
De la boutiqueaillentau
magasin,
Et que delà moisis dans la
poussieee,
Ils soient enfin livrez à la
., beurriere,
Ettousen blocvendus pour
un douzain,
Qien diriez-vous? Ce fcroit
bien le pire,
Vous en seriez pour nombre
de Ducats;
Er quant à moy je n'en ferois
que rire
En vous disans avois-jetort
helas!
Monsieur Estienne,eh! ne
m'imprimez pas.
Mais supposons contre tou-
.!1 te apparence
Que lesditsVers,puisqu'ainsivo1usleplaist
Par lafaveur dune heureuse
influence
Seront prisez, & vendus,
qui plus est ;
Je ne dis pas que ne soit
quelquechose
,
Force écrivainss'en contenteroient
bien,
Et puis de gloire une petite
dose,
Chez les Rimeurs ne gasta
jamais rien:
Mais croyez-vous,quoiquel'Ouvrage
plaise
Que l'on n'ait rien d'aill,eurs
à discuter,
Et que auteur en soit pils
à son aise?
Ay vû , pour moy ,
bien
des gens en douter;
Maints en connois qu'on a
menez bienroides,
Et comme on dit plus viste
que le pas;
Chat échaudé, croyezmoy
,
craint l'eau froide.
Monsieur Estienne
,
eh !
ne m'imprimez pas.
Pour ces raisons
,
& pour
bien d'autrescauses
Que sur ce point je pourrois
alleguer,
Mes petits Vers resteront
lettrescloses
Et vous plaira ne les point
divulguer,
De mon vivant ne les vcut
voir paraître,
Quand seray mort alors serez
le maure:
Si demandez quand sera,
vous diray
Que ce sera le plus tardque
pourray.
Vous convient donc un bien
petitattendre,
Et vous prendrez, je croy , le tout en gré;
Ne voudriez que je m'allasse
pendre C ij
Pour abreger, au moins rien
n'en feray,
Si le comptiez, compteriez
sans vostre hôte;
Mais moy deffunt je fuis à
vous sans faute
Prenez mes Vers, faites en
vos choux gras,
Force fera de souffrir ce
martyre,
Parce qu'alors ne pourray
plus vous dire
Monsieur Estienne, eh! ne
m'imprimez pas.
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Résumé : LE R. P. D. C** à Monsieur Estienne, Libraire de Paris.
L'auteur adresse une lettre à Monsieur Estienne, libraire à Paris, pour le supplier de ne pas imprimer ses écrits. Il commence par affirmer qu'il n'a jamais causé de tort à Estienne et le prie de ne pas lui en tenir rigueur. L'auteur reconnaît les compétences d'Estienne en imprimerie, les comparant à celles des célèbres Estienne. Cependant, il exprime des réserves sur la publication de ses vers, craignant qu'ils ne soient pas bien reçus et qu'ils subissent des critiques sévères une fois imprimés. Il souligne que les œuvres manuscrites échappent à certaines critiques que les livres imprimés ne peuvent éviter. L'auteur craint également les rivalités et les critiques des autres auteurs et libraires, exprimant sa peur des combats littéraires et des critiques. Il conclut en demandant à Estienne de ne pas publier ses vers de son vivant, mais de le faire après sa mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 3-22
PLAINTES Au Messager du Mans sur sa lenteur & sur sa paresse.
Début :
Ce n'est point l'interest ni l'amour de la gloire, [...]
Mots clefs :
Le Mans, Messager, Coffre, Triste, Douleur, Temps
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAINTES Au Messager du Mans sur sa lenteur & sur sa paresse.
PLAINTES
Au Messager du Mans sur sa
lenteur &sursaparesse. CE n'est point l'interest
ni l'amour de la gloire,
Qui me fait en ce jour importuner
les Cieux,
Je n'ai rien à ptétendre au
Temple de mémoire;
Le vif éclat de l'or n'ébloüit
point mes yeux,
De ces foibles honteux
mon ame préservée
Ne nourrit point dans
moi de si bas sentimens;
Tout ceque je demande
est la prompte arrivée
DuMessager du Mans.
Déjà vingt fois & plus le
Le Soleil & la Lune
Ont regnétour-à-tour
Depuisqueje languis dans
ma triste infortune
Déjàlalumiere du jour
A vingt fois pour le moins
fait place à la chandelle
Sans que durantun si long
temps
On aie vû dans ces lieux
lanobleharidelle
Du Messager du Mans.
Cependant je gemis, &
ma douleur profonde
Me fait perdre le jugement
Quavez-vous?me dit tout
le monde,
Vous êtes depuis peu tout
je ne sçai comment.
Helas ! si on sçavoit la
cause
De cesmaux cruels& prêt
sans,
Si l'on sçavoit. & quoy?
non jene puis,jen'ose,
Et je ne le dirai qu'au
Messager du Mans.
Quel démon cruel & barbare
Si long-temps l'arrête en
chemin,
Quel ennemi secret, quel
ennuyeux destin
Tous deux si long-temps
nous sépare ?
Non, je ne puis souffrir
tous ces retardemens,
Je veux moi-même aller
le chercher & le
suivre
1
Car c'en est trop, & je ne
puis plus vivre
Si je ne vois le Messager
du Mans.
Quoy tout le jour à ma
pensée
Son image viendra s'offrir,
Etma douleurprelente &
ma douleur passée
Me feront doublement
souffrir,
Encore si la nuit dans un
repos tranquile
Contre tous mes chagrins
jetrouvois un azyle;
Mais non, quand le sommeil
peut assoupir
-
mes sens
Si je rêve
y
je rêve au Messager
du Mans.
Si pourcalmer un peu ma
triste inquiétude
Je prens quelque Livre à
la main,
D'abord son souvenir
vient troubler mon:
étude
Et me fait perdre mon.
latin.
Oui;j'ai beau tout tenter,
rien ne peut m'en dutraire,
Et je passe souvent tout le
jour, à quoy faire?
Le dirai-je? à compter les
heures,les momens
Que retarde en chemin le
Messager du Mans.
Si quelqu'un vient à ma
rencontre
Je vais le prendre au dépourvû,
Et lui disant
: Ne l'avezvous
point vu > Bongré, malgré, je veux
qu'il me le montre,
S'il me demande, & qui?
je demeure en suspens,
Et j'admire son ignorance,
Croyant quecommemoy
tout le monde ici
pense
Au Messager" du Mans.
Si quelqu'autre plus favorable
Encre dans ce qui fait ma
peine ôc mon souci
Et me dit d'unair agréable,
Je levis l'ature jour quoiqu'un
peu loin d'ici,
J'admire son bonhelir&
je lui porte envie,
Je le montre à tous les
passans,
Et renforçant ma voix devant
tous je mécrie:
L'heureux homme!il a vu
le Messager du Mans.
Si quelque voyageur vers
le Mans prend sa route,
Je l'arrête,quoyqu'il en
coûte,
Il a beau me crier:Monsieur
je suis pressé,
On m'attend, laissez-moi,
s'il vous plaist,le
passage,
Je le recharge encor de
mille complimens
P,our l'heureux- Ménager du Mans.
Je fais le guet planté tout
le jour
sur
ma portey
Tantôt assis,tantôt debout,
Et quoy qu'il entre, ou
quoy qu'il sorte,
Je vois, & j'examine couc.
L'esprit tout occupé de
cette unique affaire,
Alerte au moindre bruit,
si par hazard j'entens
QuelqueCheval hennir,
ou bien quelqueAsne
1braire,1
Je crois toujours que c'est
le Messagerdu Mans.
Entendray -jebientôt
gringotterles sonnettes?
Leverrai-je bientôt entrer
superbement?
Claquant son foüet & piquant
ses mazettes?
Quand viendra-t-il ce
, Messager charmanty
Lesforêts, les rochees"&
le creux des fontaines
Retentissent partout de
,-
mes gemisseméns,
Scras-tu donc leseulinseasible
à mespeines,
Barbare Messager du
Mans?
Helas quand dans Roüen,
tu me faisois tant
d'offres,
Si tu voulois si tard m'apporter
mes deux coffres
Falloit-il t'en charger,
Boureau de Messager?
Je m'ensouviens encor, tu
ne peux t'en défendre,
Dans six jours au plus tard
tu devois me les rendre,
Tu me l'avois juré, sontce
là tes sermens,
Traistre de Messager du
Mans?
Que diras-tu pour ton ex-
Si rien pourtant peutt'excuser:
Cherchequelquedétour,
invente quelque rufe,
Ingrat, je taiderai moymême
à m'abuser,
Pour toy je sens encor un
reste de tendresse
Malgré tous mes ressentimens.
O Ciel peut-on avoir tant
defoiblesse
Pour un maraut de Messager
du Mans?
Parle enfin, dis-moy quelque
chose,
Qui t'a si long-temps rerenÙ"),
De ces delays viens
m'apprendre lacause,
Dis;) ne devrois-tu pasi
être déjà venu>
Quoy ces rossesn'ont pû'r
faire un silongvoyage?
Des brigands t'ont voie
tout monpauvre Çql!l':,
01 page?sr-': (}
On
On t'a roüé de coups?Plût
à Dieu:mais tu mens,
Fripon de Messager du
Mans.
Dis plûtôt qu'à trinquer
bornant ta diligence,
T'arrêtant à chaque bou-
, chon,
Par tout où tu trouvois le
cydre ou le vin bon,
Tu ne songeois, coquin,
qu'à te garnir la panse;
Ne dissimule point, dis
qu'à force de boire
Avecque tes pareils tous
mauvais garnemens,
De mes coffres reçûs tu
perdis la memoire,
Yvrogne Messager du
Mans.
Tu ne peux desormais appasserma
colere,
Tu periras, ingrat, l'Arrest
en est porté,
Non, je n'écoute plus ni
soupirs ni prieres,
Tu n'as que trop longtempsoutrage
ma
bonté;
Je veux que sans misericorde
On t'attache au bout
d'unecorde,
Pourêtreun bel exemple
aux Messagers trop
,
lents,
Pendart de Messager du
Mans.
Venez implacables furies,
Tisiphone,, Megere, &
vous triste Alecton,
Sortez du manoir de PluÉ*
qu
Pour
exerceici
toutes vos
barbaries,
Inventez ,s'il se peut,quelques
nouveaux tourmens,
Vous punissez là-bas de
peines éternelles
Des Ombres bien moins
criminelles
Que n'est le Messager du
Mans.
Mais que dis-je,où m'emporte
une juste ven-
,
geance?
Calmons
- nous pour un
temps
y
ïoygxis plus retertus,
Ayons pour lui quelque
indulgence
Du moinsjusqu'à ce que
mes coffres soient venus
:),
La prudence le veut, la
raison le demande,
Laissons après cela travailler.
les Sergens,
Qu'onbrûle si l'on veut ;,
qu'on assomme ou
qu'on pende
Le Messager du Mans.
Cependant j'en tiens pour
*
mon compte:
Mais si jamais j'ysuisreprise
Si Messager du Mans aprés
cela m'affronte,.
Je veux être étrillé de la
Fleche à Paris;
Je veux aller le trot d'icy
jusques en Boheme
Je veux avoir procès avec
des bas Normans,
- Et pour dire encor plus,
je veux passer moimême
Pour Messager du Mans.
Au Messager du Mans sur sa
lenteur &sursaparesse. CE n'est point l'interest
ni l'amour de la gloire,
Qui me fait en ce jour importuner
les Cieux,
Je n'ai rien à ptétendre au
Temple de mémoire;
Le vif éclat de l'or n'ébloüit
point mes yeux,
De ces foibles honteux
mon ame préservée
Ne nourrit point dans
moi de si bas sentimens;
Tout ceque je demande
est la prompte arrivée
DuMessager du Mans.
Déjà vingt fois & plus le
Le Soleil & la Lune
Ont regnétour-à-tour
Depuisqueje languis dans
ma triste infortune
Déjàlalumiere du jour
A vingt fois pour le moins
fait place à la chandelle
Sans que durantun si long
temps
On aie vû dans ces lieux
lanobleharidelle
Du Messager du Mans.
Cependant je gemis, &
ma douleur profonde
Me fait perdre le jugement
Quavez-vous?me dit tout
le monde,
Vous êtes depuis peu tout
je ne sçai comment.
Helas ! si on sçavoit la
cause
De cesmaux cruels& prêt
sans,
Si l'on sçavoit. & quoy?
non jene puis,jen'ose,
Et je ne le dirai qu'au
Messager du Mans.
Quel démon cruel & barbare
Si long-temps l'arrête en
chemin,
Quel ennemi secret, quel
ennuyeux destin
Tous deux si long-temps
nous sépare ?
Non, je ne puis souffrir
tous ces retardemens,
Je veux moi-même aller
le chercher & le
suivre
1
Car c'en est trop, & je ne
puis plus vivre
Si je ne vois le Messager
du Mans.
Quoy tout le jour à ma
pensée
Son image viendra s'offrir,
Etma douleurprelente &
ma douleur passée
Me feront doublement
souffrir,
Encore si la nuit dans un
repos tranquile
Contre tous mes chagrins
jetrouvois un azyle;
Mais non, quand le sommeil
peut assoupir
-
mes sens
Si je rêve
y
je rêve au Messager
du Mans.
Si pourcalmer un peu ma
triste inquiétude
Je prens quelque Livre à
la main,
D'abord son souvenir
vient troubler mon:
étude
Et me fait perdre mon.
latin.
Oui;j'ai beau tout tenter,
rien ne peut m'en dutraire,
Et je passe souvent tout le
jour, à quoy faire?
Le dirai-je? à compter les
heures,les momens
Que retarde en chemin le
Messager du Mans.
Si quelqu'un vient à ma
rencontre
Je vais le prendre au dépourvû,
Et lui disant
: Ne l'avezvous
point vu > Bongré, malgré, je veux
qu'il me le montre,
S'il me demande, & qui?
je demeure en suspens,
Et j'admire son ignorance,
Croyant quecommemoy
tout le monde ici
pense
Au Messager" du Mans.
Si quelqu'autre plus favorable
Encre dans ce qui fait ma
peine ôc mon souci
Et me dit d'unair agréable,
Je levis l'ature jour quoiqu'un
peu loin d'ici,
J'admire son bonhelir&
je lui porte envie,
Je le montre à tous les
passans,
Et renforçant ma voix devant
tous je mécrie:
L'heureux homme!il a vu
le Messager du Mans.
Si quelque voyageur vers
le Mans prend sa route,
Je l'arrête,quoyqu'il en
coûte,
Il a beau me crier:Monsieur
je suis pressé,
On m'attend, laissez-moi,
s'il vous plaist,le
passage,
Je le recharge encor de
mille complimens
P,our l'heureux- Ménager du Mans.
Je fais le guet planté tout
le jour
sur
ma portey
Tantôt assis,tantôt debout,
Et quoy qu'il entre, ou
quoy qu'il sorte,
Je vois, & j'examine couc.
L'esprit tout occupé de
cette unique affaire,
Alerte au moindre bruit,
si par hazard j'entens
QuelqueCheval hennir,
ou bien quelqueAsne
1braire,1
Je crois toujours que c'est
le Messagerdu Mans.
Entendray -jebientôt
gringotterles sonnettes?
Leverrai-je bientôt entrer
superbement?
Claquant son foüet & piquant
ses mazettes?
Quand viendra-t-il ce
, Messager charmanty
Lesforêts, les rochees"&
le creux des fontaines
Retentissent partout de
,-
mes gemisseméns,
Scras-tu donc leseulinseasible
à mespeines,
Barbare Messager du
Mans?
Helas quand dans Roüen,
tu me faisois tant
d'offres,
Si tu voulois si tard m'apporter
mes deux coffres
Falloit-il t'en charger,
Boureau de Messager?
Je m'ensouviens encor, tu
ne peux t'en défendre,
Dans six jours au plus tard
tu devois me les rendre,
Tu me l'avois juré, sontce
là tes sermens,
Traistre de Messager du
Mans?
Que diras-tu pour ton ex-
Si rien pourtant peutt'excuser:
Cherchequelquedétour,
invente quelque rufe,
Ingrat, je taiderai moymême
à m'abuser,
Pour toy je sens encor un
reste de tendresse
Malgré tous mes ressentimens.
O Ciel peut-on avoir tant
defoiblesse
Pour un maraut de Messager
du Mans?
Parle enfin, dis-moy quelque
chose,
Qui t'a si long-temps rerenÙ"),
De ces delays viens
m'apprendre lacause,
Dis;) ne devrois-tu pasi
être déjà venu>
Quoy ces rossesn'ont pû'r
faire un silongvoyage?
Des brigands t'ont voie
tout monpauvre Çql!l':,
01 page?sr-': (}
On
On t'a roüé de coups?Plût
à Dieu:mais tu mens,
Fripon de Messager du
Mans.
Dis plûtôt qu'à trinquer
bornant ta diligence,
T'arrêtant à chaque bou-
, chon,
Par tout où tu trouvois le
cydre ou le vin bon,
Tu ne songeois, coquin,
qu'à te garnir la panse;
Ne dissimule point, dis
qu'à force de boire
Avecque tes pareils tous
mauvais garnemens,
De mes coffres reçûs tu
perdis la memoire,
Yvrogne Messager du
Mans.
Tu ne peux desormais appasserma
colere,
Tu periras, ingrat, l'Arrest
en est porté,
Non, je n'écoute plus ni
soupirs ni prieres,
Tu n'as que trop longtempsoutrage
ma
bonté;
Je veux que sans misericorde
On t'attache au bout
d'unecorde,
Pourêtreun bel exemple
aux Messagers trop
,
lents,
Pendart de Messager du
Mans.
Venez implacables furies,
Tisiphone,, Megere, &
vous triste Alecton,
Sortez du manoir de PluÉ*
qu
Pour
exerceici
toutes vos
barbaries,
Inventez ,s'il se peut,quelques
nouveaux tourmens,
Vous punissez là-bas de
peines éternelles
Des Ombres bien moins
criminelles
Que n'est le Messager du
Mans.
Mais que dis-je,où m'emporte
une juste ven-
,
geance?
Calmons
- nous pour un
temps
y
ïoygxis plus retertus,
Ayons pour lui quelque
indulgence
Du moinsjusqu'à ce que
mes coffres soient venus
:),
La prudence le veut, la
raison le demande,
Laissons après cela travailler.
les Sergens,
Qu'onbrûle si l'on veut ;,
qu'on assomme ou
qu'on pende
Le Messager du Mans.
Cependant j'en tiens pour
*
mon compte:
Mais si jamais j'ysuisreprise
Si Messager du Mans aprés
cela m'affronte,.
Je veux être étrillé de la
Fleche à Paris;
Je veux aller le trot d'icy
jusques en Boheme
Je veux avoir procès avec
des bas Normans,
- Et pour dire encor plus,
je veux passer moimême
Pour Messager du Mans.
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Résumé : PLAINTES Au Messager du Mans sur sa lenteur & sur sa paresse.
Le texte est une plainte adressée au 'Messager du Mans' pour sa lenteur et sa paresse. L'auteur exprime son impatience et sa douleur face à l'absence prolongée du messager, qui tarde à lui apporter ses coffres. Il décrit son désespoir et son obsession, mentionnant que l'image du messager hante ses pensées jour et nuit. L'auteur interroge les passants et les voyageurs pour obtenir des nouvelles du messager, et il imagine divers scénarios pour expliquer son retard, allant de problèmes sur la route à des excès de boisson. Il menace finalement de punir sévèrement le messager, mais décide de suspendre sa vengeance jusqu'à la réception de ses coffres. L'auteur conclut en affirmant qu'il se vengera sévèrement si le messager ose revenir après son retard.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 145-189
LA RUNE. A Madame la Marquise de M.
Début :
Quand d'une ardeur si peu commune [...]
Mots clefs :
Rhune, Diable, Dieu, Collier, Tribune, Pyrénées, Rocher, Soleil, Baleine, Rivage, Dame, Almanachs, Amour
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texteReconnaissance textuelle : LA RUNE. A Madame la Marquise de M.
LA RUNE.
A Madame la Marquife
de M.
QUand d'une ardeur´ fi
peu commune
On vous entend pouffer
tout bas
Et des foûpirs & des helas ,
Qui croiroit que c'eſt pour
la Rune?
Quelques gens trop promts
à la main
Fuillet 1712 .
N
146 MERCURE
A juger mal de leur prochain ,
Pourront s'imaginer peutêtre ,
S'ils n'ont l'honneur devous
connoître ,
Que la Rune eft un cava
lier,
Non de tels qu'on en voit
paroître
A Paris au moins un millier,
Dont le merite fingulier
Nepaffe point le Petit-Maître :
Mais un de ceux au grand
colier ,
GALANT. 147
Quiparfonair diſcret, honnête ,
Vous auroit donné dans la
tête.
Mais j'en avertis promptement ,
Point de jugement temeraire ,
La Rune pour qui feulement
Vous foûpirez fi tendrement
Et fans enfaire de myſtere ;
La Rune qui feul fçut toucher
Un cœur toûjours fage &
fevere ;
Nij
148 MERCURE
La Rune qui feul peut vous
plaire ,
Helas n'eft qu'un pauvre
rocher.
Sur la cime des Pirenées .
Oùbravant depuis fix mille
ans
Et la foudre & les deftinées,
Il compte les fiecles courans ,
Comme nous comptons les
années ;
Ce rocher orgueilleux &
fier
Etend au large fon empire ,
Et paroiffant feul & fans
pair,
GALANT. 149
Parpitiépour ce qui refpire
Sans tomber refte prefque
en l'air.
Devant fon énorme figure
Lesautresrochers fes fujets,
Vils avortons de la nature ,
Ne femblent que des marmoufers ,
Dont les plus hauts & les
mieux faits
Nelui vont pasà la ceinture.
De là comme d'un Belveder ,
Allongeant fon col vers la
mer,
Il voit fous lui la terre &
l'onde ,
N iij
150 MERCURE
Ét dominant également
Sur l'un & fur l'autre ele.
ment *
Semble , faifant par tout la
ronde ,
Contempler curieufement
Ce qui le fait dans tout le
monde.
Contre fon chefaudacieux
Qui touche preſque jufqu'
aux cieux ,
Paroît cloüé comme une
cage
Un pauvre petit hermitage,
Deux cellules pour loge.
nient ,
GALANT. ISL
Avec un peu de jardinage ,
Qui cultivélegerement
Fournit affez abondamment
Herbes & fruits pour le ménage.
Joignez encoreaubâtiment
Sur l'un des bouts une Chapelle ,
Et del'hermitage charmant
Vous aurez un portrait fi.
delle.
Cependant du rochervoiſin
Le paffant qui va fon chemin,
S'il tourne vers là la prunelle ,
Niiij
152 MERCURE
Au lieu d'un logement hu
main ,
Demaiſon , Chapelle & jardin ,
Croit nevoir qu'un nid d’hirondelle.
Or,foit nid d'hirondelle où
non,
C'eſt où vous pretendez ,
dit
on ,
Aller fixer vôtre demeure.
Ce deffein eft loüable &
bon ,
Vous le voulez , à la bonne
heure :
Mais tandis qu'au gré de
VOS Vœux
GALANT.
153
Votre équipage fe prepare,
Que vous prenez vôtre fimarre
Et que l'on treffe vos cheveux ;
Que de papier & de clincaille
Vous ornez le chapeau de
paille ,
Qui dans cette aimable prifon
Doitvous tenir lieu de coiffure ;
Avant d'entrer dans la voiture ,
Et de quitter nôtre horizon,
Souffrez que,commede raifon ,
154 MERCURE
Je prêche ici vôtre vêture.
Lafolitude eftbelle envers,
On eft charmé de fa pein
ture :
Mais elle a de fâcheux re,
vers ,
Et malgré ce qu'on s'en
figure ,
Donnebien de la tablature.
J'en fçai mille exemples divers ,
Quelque bien qu'on foit le
temps dure ,
Et je vois dans cet univers
Qu'on aime à changer de
poſture.
GALANT. 159
Quand vous aurez fait le
plongeon,
Et que vous vous ferez perchée
Sur le haut de vôtre donjon,
Vous y ferez bien empê.
chée.
Delà vous verrez, je le veux,
La mer en orages feconde ,
Rouler fes flots impetueux,
Et blanchir les rocs de fon
onde :
Encor le fait eft-il douteux ;
Car du fommet de cette
roche,
Avec l'œil le plus délié ,
Pour voir la mer qui bat fon
pié
156 MERCURE
Il faut des lunettes d'approche.
Mais voyez-la , je le veux
bien;
Voyez, fi vous voulez , encore
Depuis le rivage Chrétien
Jufques au rivage du More ;
Confiderez de toutes parts
Vingt & vingt Royaumes
épars ;
Voyez encore , s'il fe peut
faire ,
Tout ce que leSoleil éclaire;
Et , fi jamais rien vous a
plû,
Ayoüez , fainte folitaire ,
GALANT. 157
Que cette vûë a de quoy
plaire :
Mais d'un coup d'œil on a
tout vû.
Durant cela le jour s'allonge,
Le Soleil marche avec lenreur :
Il eſt encor dans fa hauteur ,
Qu'on attend l'inſtant qu'il
ſe plonge ,
Et qu'enfin le fommeil vainqueur
Du cruel chagrin qui vous
ronge ,
Etourdiffe vôtre langueur,
158 MERCURE
Et par l'image d'un beau
fonge
Charme l'ennui de vôtre
cecur.
Lorfque cet ennui vous poffede ,
La priere eft un bon remede ;
Tout hermite en doit faire
cas ,
S'il veut que Dieu lui foit
en aide.
Vousprierez , je n'en doute
pas:
Mais l'ame eft quelquefois
bien tiede ,
Et quand deprier on eft las,
GALANT.
159
Il faut trouver quelque intermede.
Jeveux que dans vôtre oraifon
Dieu vous anime & vous
confole ,
Qu'il éclaire vôtre raiſon ,
Et vousporte aucœur fa
role :
paMais aprés toutes ces faveurs ,
Vous trouverez comme
tant d'autres ,
Bientôt la fin de vos ferveurs
Et le bout de vos patenôtres ,
160 MERCURE
Et gare auffi quelques vapeurs.
Ce n'eft pas que de vôtre
Dune,
Comme du haut d'une Tribune ,
Vous pourrez prêcher les
poiffons ,
Qui réveillez par vos doux
fons ,
Et curieux de vous connoître ,
Pour mieux entendre vos
leçons ,
Mettront la tête à la fenêtre.
Je
GALANT. 161
Jevois déja les eftourgeons
Sur la merfaireun promontoire ,
Avec un peuple de goujons
Qui courent à votre auditoire :
Les dauphins en gens du
grand air ,
Pardeffus l'eau levant la tête ,
Et ruminant quelque conquête ,
Viennent d'un pas de Duc
& Pair.
CommeDames de haut parage
Lesbaleines plus lentement
Juillet 1712.
162 MERCURE
S'avancent en grand équi
page ,
Traînant aprés elles maint
page
Qui fend les eaux gaillar
dement.
Prêchez mais au fortir de
chaire
N'attendez point de com.
pliment ,
Les poiffons n'en fçavent
point faire ;
Non, ni baleine ni faumon
N'aura jamais Fefprit de
direr:
Le grand talent ! le beau
fermom! J
GALANT. 163
Cependant il n'en faut pas
¡ire ,
Un compliment un peu
teur
flaSoulage le Predicateur ;
Il ne prêche que pour inftruire :
Mais après tout je croirois
bien
Qu'un compliment ne gâte
rien.
C'eft chofe enfin bien ennuyeuſe ,
Fut- on même grande caufeufe ,
D'entretenir un peuple for,
Quifait fortir deles paupieres O ij
164 MERCURE
Des yeux grands comme
des falieres ,
Et jamais ne vous répond
mot.
Un long filence nous at
triſte ;
Encor faut-il dans le befoin
Avoir quelqu'un qui prenne foin
Devous dire, Dieu vous affifte.
Ce monde a de fort grands
défauts ,
Ne craignez pas que je l'excufe ;
Il eſt méchant,leger &faux,
GALANT. 165
Il trompe, il feduit, il abuſe,
Il eft auteur de mille maux:
Mais tel qu'il eft il nous
amufe ,
Sans ceffe il fournit à nos
yeux
Mille fpectacles curieux.
Sa ſcene mobile & chanPlaît même
geante
par fon changement ;
Toûjours nouvel évenement
Que fon efprit fecond enfante
Nous réveille agreablement.
166 MERCURE
L'un rit , & l'autre fe lamente ,
Tous deux trompez égale.
ment ,
L'un arrive au port fûrement
L'autre eft encor dans la
tourmente ;
L'un perd fon bien , l'autre
l'augmente ;
L'un pourfuit inutilement
Lafortune toûjours fuyante ,
L'autre l'attend tranquile
ment,
Ou parvient fans fçavoir
comment
GALANT. 167
Et prefque contre ſon at
tente.
L'un reüffit heureuſement,
L'autre, aprés bien du mou.
vement ,
Trouve un rival qui le fupplante.
L'un en pefte , l'autre en
plaifante ,
L'un vous brufque groffierement ,
L'autre d'une main caref
fante
Vous poignarde civile
ment.
L'unaime Dieutrés- ardem ,
ment ,
168 MERCURE
Ou fait femblant , que je ne
mente ;
Pour fon prochain , il s'en
exempte.
L'autre s'aime trés tendrement ,
Et d'autrui fort peu fe tourmente.
L'unfe venge devotement ,
L'autre avec éclat , & s'en
vante.
L'un parle des Saints doctement,
L'autre les revere humblement
Et de les fuivre fe contenشر te. :
L'un
GALANT. 169
L'un a de l'air , de l'agrément ,
L'autre par fa mine é
pouvante ;
L'un fait un bon contrat
de rente ,
Et l'autre fait un teſtament ,
L'un à quinze ans , l'ame
dolente ,
1
Va prendre gifte au monument ,
Et l'autre prend femme
à foixante
L'un fe fait tuer trifteFuillet 1712.
P
170 MERCURE
ment ,
L'autre naift au mefme
moment
Pour remplir la place
vacante ;
On rencontre indifferemment
Un Bapteſme , un Enterrement ;
Enfin c'eft une Comedie
De voir ce qu'on voit
tous les jours :
Vous diriez en voyant
ces tours ,
Quela fortune s'eftudie
GALANT. 171
Sans ceffe à varier fon
cours ;
Tousjours quelque metamorphofe
Donne matiere à l'entretien ,
Mais fur la Rune on ne
voit rien ,
f
Ou c'eſt tousjours la
meſme choſe ;
En un mot dans ce pau30 vre nid
On ne fçait qui meurt ,
ny qui vit.
Il est bien vray qu'à voPij
172 MERCURE
ftre Rune
Vous ferez proche de la
Lune ,
Et que mefme en faiſant
chemin ,
Elle peut vous toucher
la main.
Mais en ferez - vous plus
chanceuſe ,
Et pouvez - vous faire
grand castr
D'une voiſine fi fafcheufe ?
Si l'on en croit les Almanachs ,
GALANT. 173
La Dame eft fort capricieuſe ,
Donnant dans des hauts
& des bas.
Elle fera la précieuſe
Voilant quelquefois fes
appas ,
Quelquefois ne les voilant pas ;
Tantoft ſe montrant toute entiere ,
Tantoft feulement à moiCastié ,
Sans que par foupir ny
priere ,
P iij
174 MERCURE
Ny par les droits de l'amitié ,
Vous puifficz durant fa 45
carrière.
En obtenir pour un moments
Comme une grace finguliere ,
De changer fon ajuſte20hing ment.
D'ailleurs il ne faut nullement
Qu'elle vous foit ſi familiere ;
Croyez-moy , c'eſt ſans
GALANT. 175
paffion ,
Avec une telle ouvriere
Point trop de frequentation ;
Car outre fa complexion
Que l'on dit eſtre fort
mauvaiſe ,
N'eftant jamais , ne vous
deplaife ,
Sans quelque bonne fluxion ,
Outre fes rhumes , fes catharres,
Qu'on gagne par contagion ,
P iiij
176 MERCURE
Ainfi que fes humeurs
bifarres
Dans cette trifte region ;
Sa conduite n'eft pas bien
nette ,
Jevousle dis auparavant,
Bien qu'elle foit vieille
planette ,
Elle met en jeune coquette ,
Du rouge & des mouches fouvent ,
Et fe farde fous fa cornette
Je le fçay de plus d'un
GALANT. 177
fçavant
Qu'elle reçoit à fa toillette :
De plus , ſi ce n'eſt un
faux bruit ,
Au lieu de vivre en femme fage ,
Elle abandonne fon mefnage ,
Et court le bal toute la
nuit.
De là vient, je croy , certain conte
D'un certain jeune Endimion
178 MERCURE
Que le monde a mis fur
fon compte ;
Etcette indigne affection
Adans tous lieux fur fon
paffage
Taché fa reputation ,
Autant ou plus que fon
vifage.
Peut - eftre eft - ce une
fiction ,
Mais enfin cela la diffame ;
Et pourquoy fortant de
fon
trou ,
Va-t-elle auffi la bonne
GALANT. 179
Dame
Courir la nuit le guilledou ,
Lebeaumeftier pour une
femme ;
Et puis après l'a plaindra t'on
Quand on luy vient
chanter fa gamme,
Ou luy donner quelque
dicton ;
Helas la pauvre malheureufe land on
Le bel honneur où la
voila
180 MERCURE
De paffer pour une coureufe!
La verrez - vous après
cela ?
Vous n'aurez point cette
manie ,
Et c'eft für quoyl'on veut
compter ;
Voila pourtant la compagnie ,
Dont il faudra vous contenter.
Il ne faut point que l'on
vous berce
De cet efpoir trompeur
GALANT. 181
I
& vain,
Que vous puiffiez avoir
commerce
Avec aucun viſage humain ;
Si ce n'eft quelque pauvre haire ,
Qui dans les rochers égaré ,
Vint à vous d'un air é-
- ploré,
Cherchant remede à fa
mifere.
Il fera d'un ton doulouov kreux ,
182 MERCURE
S'il vous trouve prompt
à le croire ,
Du defaftre le plus affreux ,
La trifte & lamentable
hiſtoire ,
Mais tout cela fent le
grimoire ,
Prenez bien garde à l'hameçon :
Et crainte de tout malefice ,
Fermez la porte fans façon ,
Et luy dites , Dieu yous
GALANT. 183
beniffe.
Mais la charité .... mais
enfin
On dit que le diable eſt
bien fin ,
Le drofle eft fait au badinage ,
C'eſt un franc archipatelin ,
Sombre, fournois , fourbe & malin ,
Qui fçait jouer fon perfonnage ,
Et qui pour fonder le
terrain ,
184 MERCURE
Va ſouvent en pelerinage ,
Defiez- vous du pelerin ;
Mais fans que le diable
s'en mefle ,
Il s'en fait aſſez aujourdhuy.
Et quoy qu'on jette tout
fur luy ,
Ce n'eft pas toujours luy
qui gretle :
Nous avons au dedans
de nous
Un ennemy bien plus
à craindre ,
GALANT. 184
Il porte les plus rudes
coups ,
Et perfonne n'ofe s'en
plaindre ,
Chacun l'excufe & le
cherit ,
Et s'il arrive quelque
hiſtoire ,
On s'en prend au malin
eſprit ,
A qui l'on en fait bien
accroire.
Il a tout fait, il a tout dit,
On compte fort fur fon
credit ;
Fuillet 1712. Q
186 MERCURE
C'eft luy qui fait qu'on
fuit la peine ,
Et que l'on cherche le
plaifir ,
C'eft luy qui par la main
nous meine
Où nous porte noftre
defir ;
C'eft luy qui fait la medifance ,
C'eft luy qui dicte la
vengeance ,
C'eft luy dont l'afcendant certain
Rend le foldat dur &
GALANT. 187
barbare ,
Rend le noble fier &
hautain ,
Rend le jeune homme
libertin ,
Et le fexagenaire avare.
Le fourbe dans fes trahifons ,
Et le faint dans fes oraifons ,
Imputent tout à fa malice.
De tous les maux que
nous faifons
Il eſt l'autheur & le comQij
188 MERCURE
plice ;
He laiffons - le pour ce
qu'il eft :
Pourquoy faut il qu'on
s'imagine
Qu'il fait jouer comme
il luy plaiſt ,
Les refforts de noftre
machine ,
On l'accufe de maintforfait ,
Mais à bien juger de
l'affaire
Souvent ce n'eft
qui fait ,
pas luy
GALANT. 189
Il ne fait que nous laiſſer
faire.
On fe livre à la volupté ,
Parce qu'elle flatte &
qu'on l'aime ,
Et fi du diable on eft
tenté ,
Il faut dire la verité ,
Chacun eft un diable à
foy -mefme.
A Madame la Marquife
de M.
QUand d'une ardeur´ fi
peu commune
On vous entend pouffer
tout bas
Et des foûpirs & des helas ,
Qui croiroit que c'eſt pour
la Rune?
Quelques gens trop promts
à la main
Fuillet 1712 .
N
146 MERCURE
A juger mal de leur prochain ,
Pourront s'imaginer peutêtre ,
S'ils n'ont l'honneur devous
connoître ,
Que la Rune eft un cava
lier,
Non de tels qu'on en voit
paroître
A Paris au moins un millier,
Dont le merite fingulier
Nepaffe point le Petit-Maître :
Mais un de ceux au grand
colier ,
GALANT. 147
Quiparfonair diſcret, honnête ,
Vous auroit donné dans la
tête.
Mais j'en avertis promptement ,
Point de jugement temeraire ,
La Rune pour qui feulement
Vous foûpirez fi tendrement
Et fans enfaire de myſtere ;
La Rune qui feul fçut toucher
Un cœur toûjours fage &
fevere ;
Nij
148 MERCURE
La Rune qui feul peut vous
plaire ,
Helas n'eft qu'un pauvre
rocher.
Sur la cime des Pirenées .
Oùbravant depuis fix mille
ans
Et la foudre & les deftinées,
Il compte les fiecles courans ,
Comme nous comptons les
années ;
Ce rocher orgueilleux &
fier
Etend au large fon empire ,
Et paroiffant feul & fans
pair,
GALANT. 149
Parpitiépour ce qui refpire
Sans tomber refte prefque
en l'air.
Devant fon énorme figure
Lesautresrochers fes fujets,
Vils avortons de la nature ,
Ne femblent que des marmoufers ,
Dont les plus hauts & les
mieux faits
Nelui vont pasà la ceinture.
De là comme d'un Belveder ,
Allongeant fon col vers la
mer,
Il voit fous lui la terre &
l'onde ,
N iij
150 MERCURE
Ét dominant également
Sur l'un & fur l'autre ele.
ment *
Semble , faifant par tout la
ronde ,
Contempler curieufement
Ce qui le fait dans tout le
monde.
Contre fon chefaudacieux
Qui touche preſque jufqu'
aux cieux ,
Paroît cloüé comme une
cage
Un pauvre petit hermitage,
Deux cellules pour loge.
nient ,
GALANT. ISL
Avec un peu de jardinage ,
Qui cultivélegerement
Fournit affez abondamment
Herbes & fruits pour le ménage.
Joignez encoreaubâtiment
Sur l'un des bouts une Chapelle ,
Et del'hermitage charmant
Vous aurez un portrait fi.
delle.
Cependant du rochervoiſin
Le paffant qui va fon chemin,
S'il tourne vers là la prunelle ,
Niiij
152 MERCURE
Au lieu d'un logement hu
main ,
Demaiſon , Chapelle & jardin ,
Croit nevoir qu'un nid d’hirondelle.
Or,foit nid d'hirondelle où
non,
C'eſt où vous pretendez ,
dit
on ,
Aller fixer vôtre demeure.
Ce deffein eft loüable &
bon ,
Vous le voulez , à la bonne
heure :
Mais tandis qu'au gré de
VOS Vœux
GALANT.
153
Votre équipage fe prepare,
Que vous prenez vôtre fimarre
Et que l'on treffe vos cheveux ;
Que de papier & de clincaille
Vous ornez le chapeau de
paille ,
Qui dans cette aimable prifon
Doitvous tenir lieu de coiffure ;
Avant d'entrer dans la voiture ,
Et de quitter nôtre horizon,
Souffrez que,commede raifon ,
154 MERCURE
Je prêche ici vôtre vêture.
Lafolitude eftbelle envers,
On eft charmé de fa pein
ture :
Mais elle a de fâcheux re,
vers ,
Et malgré ce qu'on s'en
figure ,
Donnebien de la tablature.
J'en fçai mille exemples divers ,
Quelque bien qu'on foit le
temps dure ,
Et je vois dans cet univers
Qu'on aime à changer de
poſture.
GALANT. 159
Quand vous aurez fait le
plongeon,
Et que vous vous ferez perchée
Sur le haut de vôtre donjon,
Vous y ferez bien empê.
chée.
Delà vous verrez, je le veux,
La mer en orages feconde ,
Rouler fes flots impetueux,
Et blanchir les rocs de fon
onde :
Encor le fait eft-il douteux ;
Car du fommet de cette
roche,
Avec l'œil le plus délié ,
Pour voir la mer qui bat fon
pié
156 MERCURE
Il faut des lunettes d'approche.
Mais voyez-la , je le veux
bien;
Voyez, fi vous voulez , encore
Depuis le rivage Chrétien
Jufques au rivage du More ;
Confiderez de toutes parts
Vingt & vingt Royaumes
épars ;
Voyez encore , s'il fe peut
faire ,
Tout ce que leSoleil éclaire;
Et , fi jamais rien vous a
plû,
Ayoüez , fainte folitaire ,
GALANT. 157
Que cette vûë a de quoy
plaire :
Mais d'un coup d'œil on a
tout vû.
Durant cela le jour s'allonge,
Le Soleil marche avec lenreur :
Il eſt encor dans fa hauteur ,
Qu'on attend l'inſtant qu'il
ſe plonge ,
Et qu'enfin le fommeil vainqueur
Du cruel chagrin qui vous
ronge ,
Etourdiffe vôtre langueur,
158 MERCURE
Et par l'image d'un beau
fonge
Charme l'ennui de vôtre
cecur.
Lorfque cet ennui vous poffede ,
La priere eft un bon remede ;
Tout hermite en doit faire
cas ,
S'il veut que Dieu lui foit
en aide.
Vousprierez , je n'en doute
pas:
Mais l'ame eft quelquefois
bien tiede ,
Et quand deprier on eft las,
GALANT.
159
Il faut trouver quelque intermede.
Jeveux que dans vôtre oraifon
Dieu vous anime & vous
confole ,
Qu'il éclaire vôtre raiſon ,
Et vousporte aucœur fa
role :
paMais aprés toutes ces faveurs ,
Vous trouverez comme
tant d'autres ,
Bientôt la fin de vos ferveurs
Et le bout de vos patenôtres ,
160 MERCURE
Et gare auffi quelques vapeurs.
Ce n'eft pas que de vôtre
Dune,
Comme du haut d'une Tribune ,
Vous pourrez prêcher les
poiffons ,
Qui réveillez par vos doux
fons ,
Et curieux de vous connoître ,
Pour mieux entendre vos
leçons ,
Mettront la tête à la fenêtre.
Je
GALANT. 161
Jevois déja les eftourgeons
Sur la merfaireun promontoire ,
Avec un peuple de goujons
Qui courent à votre auditoire :
Les dauphins en gens du
grand air ,
Pardeffus l'eau levant la tête ,
Et ruminant quelque conquête ,
Viennent d'un pas de Duc
& Pair.
CommeDames de haut parage
Lesbaleines plus lentement
Juillet 1712.
162 MERCURE
S'avancent en grand équi
page ,
Traînant aprés elles maint
page
Qui fend les eaux gaillar
dement.
Prêchez mais au fortir de
chaire
N'attendez point de com.
pliment ,
Les poiffons n'en fçavent
point faire ;
Non, ni baleine ni faumon
N'aura jamais Fefprit de
direr:
Le grand talent ! le beau
fermom! J
GALANT. 163
Cependant il n'en faut pas
¡ire ,
Un compliment un peu
teur
flaSoulage le Predicateur ;
Il ne prêche que pour inftruire :
Mais après tout je croirois
bien
Qu'un compliment ne gâte
rien.
C'eft chofe enfin bien ennuyeuſe ,
Fut- on même grande caufeufe ,
D'entretenir un peuple for,
Quifait fortir deles paupieres O ij
164 MERCURE
Des yeux grands comme
des falieres ,
Et jamais ne vous répond
mot.
Un long filence nous at
triſte ;
Encor faut-il dans le befoin
Avoir quelqu'un qui prenne foin
Devous dire, Dieu vous affifte.
Ce monde a de fort grands
défauts ,
Ne craignez pas que je l'excufe ;
Il eſt méchant,leger &faux,
GALANT. 165
Il trompe, il feduit, il abuſe,
Il eft auteur de mille maux:
Mais tel qu'il eft il nous
amufe ,
Sans ceffe il fournit à nos
yeux
Mille fpectacles curieux.
Sa ſcene mobile & chanPlaît même
geante
par fon changement ;
Toûjours nouvel évenement
Que fon efprit fecond enfante
Nous réveille agreablement.
166 MERCURE
L'un rit , & l'autre fe lamente ,
Tous deux trompez égale.
ment ,
L'un arrive au port fûrement
L'autre eft encor dans la
tourmente ;
L'un perd fon bien , l'autre
l'augmente ;
L'un pourfuit inutilement
Lafortune toûjours fuyante ,
L'autre l'attend tranquile
ment,
Ou parvient fans fçavoir
comment
GALANT. 167
Et prefque contre ſon at
tente.
L'un reüffit heureuſement,
L'autre, aprés bien du mou.
vement ,
Trouve un rival qui le fupplante.
L'un en pefte , l'autre en
plaifante ,
L'un vous brufque groffierement ,
L'autre d'une main caref
fante
Vous poignarde civile
ment.
L'unaime Dieutrés- ardem ,
ment ,
168 MERCURE
Ou fait femblant , que je ne
mente ;
Pour fon prochain , il s'en
exempte.
L'autre s'aime trés tendrement ,
Et d'autrui fort peu fe tourmente.
L'unfe venge devotement ,
L'autre avec éclat , & s'en
vante.
L'un parle des Saints doctement,
L'autre les revere humblement
Et de les fuivre fe contenشر te. :
L'un
GALANT. 169
L'un a de l'air , de l'agrément ,
L'autre par fa mine é
pouvante ;
L'un fait un bon contrat
de rente ,
Et l'autre fait un teſtament ,
L'un à quinze ans , l'ame
dolente ,
1
Va prendre gifte au monument ,
Et l'autre prend femme
à foixante
L'un fe fait tuer trifteFuillet 1712.
P
170 MERCURE
ment ,
L'autre naift au mefme
moment
Pour remplir la place
vacante ;
On rencontre indifferemment
Un Bapteſme , un Enterrement ;
Enfin c'eft une Comedie
De voir ce qu'on voit
tous les jours :
Vous diriez en voyant
ces tours ,
Quela fortune s'eftudie
GALANT. 171
Sans ceffe à varier fon
cours ;
Tousjours quelque metamorphofe
Donne matiere à l'entretien ,
Mais fur la Rune on ne
voit rien ,
f
Ou c'eſt tousjours la
meſme choſe ;
En un mot dans ce pau30 vre nid
On ne fçait qui meurt ,
ny qui vit.
Il est bien vray qu'à voPij
172 MERCURE
ftre Rune
Vous ferez proche de la
Lune ,
Et que mefme en faiſant
chemin ,
Elle peut vous toucher
la main.
Mais en ferez - vous plus
chanceuſe ,
Et pouvez - vous faire
grand castr
D'une voiſine fi fafcheufe ?
Si l'on en croit les Almanachs ,
GALANT. 173
La Dame eft fort capricieuſe ,
Donnant dans des hauts
& des bas.
Elle fera la précieuſe
Voilant quelquefois fes
appas ,
Quelquefois ne les voilant pas ;
Tantoft ſe montrant toute entiere ,
Tantoft feulement à moiCastié ,
Sans que par foupir ny
priere ,
P iij
174 MERCURE
Ny par les droits de l'amitié ,
Vous puifficz durant fa 45
carrière.
En obtenir pour un moments
Comme une grace finguliere ,
De changer fon ajuſte20hing ment.
D'ailleurs il ne faut nullement
Qu'elle vous foit ſi familiere ;
Croyez-moy , c'eſt ſans
GALANT. 175
paffion ,
Avec une telle ouvriere
Point trop de frequentation ;
Car outre fa complexion
Que l'on dit eſtre fort
mauvaiſe ,
N'eftant jamais , ne vous
deplaife ,
Sans quelque bonne fluxion ,
Outre fes rhumes , fes catharres,
Qu'on gagne par contagion ,
P iiij
176 MERCURE
Ainfi que fes humeurs
bifarres
Dans cette trifte region ;
Sa conduite n'eft pas bien
nette ,
Jevousle dis auparavant,
Bien qu'elle foit vieille
planette ,
Elle met en jeune coquette ,
Du rouge & des mouches fouvent ,
Et fe farde fous fa cornette
Je le fçay de plus d'un
GALANT. 177
fçavant
Qu'elle reçoit à fa toillette :
De plus , ſi ce n'eſt un
faux bruit ,
Au lieu de vivre en femme fage ,
Elle abandonne fon mefnage ,
Et court le bal toute la
nuit.
De là vient, je croy , certain conte
D'un certain jeune Endimion
178 MERCURE
Que le monde a mis fur
fon compte ;
Etcette indigne affection
Adans tous lieux fur fon
paffage
Taché fa reputation ,
Autant ou plus que fon
vifage.
Peut - eftre eft - ce une
fiction ,
Mais enfin cela la diffame ;
Et pourquoy fortant de
fon
trou ,
Va-t-elle auffi la bonne
GALANT. 179
Dame
Courir la nuit le guilledou ,
Lebeaumeftier pour une
femme ;
Et puis après l'a plaindra t'on
Quand on luy vient
chanter fa gamme,
Ou luy donner quelque
dicton ;
Helas la pauvre malheureufe land on
Le bel honneur où la
voila
180 MERCURE
De paffer pour une coureufe!
La verrez - vous après
cela ?
Vous n'aurez point cette
manie ,
Et c'eft für quoyl'on veut
compter ;
Voila pourtant la compagnie ,
Dont il faudra vous contenter.
Il ne faut point que l'on
vous berce
De cet efpoir trompeur
GALANT. 181
I
& vain,
Que vous puiffiez avoir
commerce
Avec aucun viſage humain ;
Si ce n'eft quelque pauvre haire ,
Qui dans les rochers égaré ,
Vint à vous d'un air é-
- ploré,
Cherchant remede à fa
mifere.
Il fera d'un ton doulouov kreux ,
182 MERCURE
S'il vous trouve prompt
à le croire ,
Du defaftre le plus affreux ,
La trifte & lamentable
hiſtoire ,
Mais tout cela fent le
grimoire ,
Prenez bien garde à l'hameçon :
Et crainte de tout malefice ,
Fermez la porte fans façon ,
Et luy dites , Dieu yous
GALANT. 183
beniffe.
Mais la charité .... mais
enfin
On dit que le diable eſt
bien fin ,
Le drofle eft fait au badinage ,
C'eſt un franc archipatelin ,
Sombre, fournois , fourbe & malin ,
Qui fçait jouer fon perfonnage ,
Et qui pour fonder le
terrain ,
184 MERCURE
Va ſouvent en pelerinage ,
Defiez- vous du pelerin ;
Mais fans que le diable
s'en mefle ,
Il s'en fait aſſez aujourdhuy.
Et quoy qu'on jette tout
fur luy ,
Ce n'eft pas toujours luy
qui gretle :
Nous avons au dedans
de nous
Un ennemy bien plus
à craindre ,
GALANT. 184
Il porte les plus rudes
coups ,
Et perfonne n'ofe s'en
plaindre ,
Chacun l'excufe & le
cherit ,
Et s'il arrive quelque
hiſtoire ,
On s'en prend au malin
eſprit ,
A qui l'on en fait bien
accroire.
Il a tout fait, il a tout dit,
On compte fort fur fon
credit ;
Fuillet 1712. Q
186 MERCURE
C'eft luy qui fait qu'on
fuit la peine ,
Et que l'on cherche le
plaifir ,
C'eft luy qui par la main
nous meine
Où nous porte noftre
defir ;
C'eft luy qui fait la medifance ,
C'eft luy qui dicte la
vengeance ,
C'eft luy dont l'afcendant certain
Rend le foldat dur &
GALANT. 187
barbare ,
Rend le noble fier &
hautain ,
Rend le jeune homme
libertin ,
Et le fexagenaire avare.
Le fourbe dans fes trahifons ,
Et le faint dans fes oraifons ,
Imputent tout à fa malice.
De tous les maux que
nous faifons
Il eſt l'autheur & le comQij
188 MERCURE
plice ;
He laiffons - le pour ce
qu'il eft :
Pourquoy faut il qu'on
s'imagine
Qu'il fait jouer comme
il luy plaiſt ,
Les refforts de noftre
machine ,
On l'accufe de maintforfait ,
Mais à bien juger de
l'affaire
Souvent ce n'eft
qui fait ,
pas luy
GALANT. 189
Il ne fait que nous laiſſer
faire.
On fe livre à la volupté ,
Parce qu'elle flatte &
qu'on l'aime ,
Et fi du diable on eft
tenté ,
Il faut dire la verité ,
Chacun eft un diable à
foy -mefme.
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Résumé : LA RUNE. A Madame la Marquise de M.
La lettre adressée à une marquise traite de la 'Rune', un rocher majestueux et solitaire situé dans les Pyrénées. L'auteur corrige une erreur en précisant que la Rune n'est pas un cavalier mais un rocher imposant qui brave la foudre et les destinées depuis six mille ans. Ce rocher offre une vue panoramique sur de nombreux royaumes et abrite un modeste ermitage avec un jardin et une chapelle. L'auteur explore ensuite les défis de la solitude, soulignant qu'elle peut être à la fois belle et ennuyeuse. Il mentionne les prières comme remède à l'ennui, mais note que l'âme peut se lasser. Il contraste la monotonie de la vie sur la Rune avec les spectacles variés offerts par le monde. Le texte aborde également les caprices de la Lune, voisine de la Rune, en mettant en garde contre ses humeurs changeantes et son comportement imprévisible. Il conclut en avertissant la marquise des dangers de la solitude et des tromperies du monde, tout en soulignant la nécessité de la charité et de la prudence face aux apparences.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 60-64
Fragment du Poëme de la Rune. [titre d'après la table]
Début :
On recherche la volupté, [...]
Mots clefs :
Rhune, Diable, Ermitage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Fragment du Poëme de la Rune. [titre d'après la table]
Dans le Mercure de
en a
omis, par un feüillet
égarè'.,'la fin du Poème de la
Rune. Cet ouvrage a
fait asfeZ. de plaisir, pourmériter
l'attention de donner ici ce
fragment omis qui finit ce
Poëme.
,
On recherche la volupté
),
Parce qu'elle flate& qu'on
l'aime;
Et si du diable on est tenté,
Il faut dire la verité,
Chacun est son diable soymeme:
Mais laissons le diable en (repos,-
Et reprenons nôtre propos.
Que ferez
-
vous feule isolée
Sur vôtre Rune desolée?
Que faire là ?
je n'en sçai
rien:
Mais vous pour elle si zelée
Peut-être le sçavez-vous
,
2-bieç.-
Helas! si j'en crois mesalarmes,
Un cruel ennui vous attend;
Ce roc pour vous si plein
de charmes,
., Et que par-tout vous vantez tant,
Vous fera bien verser des
larmes.
Il me semble déjà vous voir
La tête sur la main penchée,
Regretter cet ancien manoir
Dont vous vous ferez arra- chée
Et du matinjusques au foir
Trouver bien lugubre ôc
bien noir
Le nid où vousferez juchée,
Disant souventd'un cœur
contrit:
Helas! on me l'avoit bien
dit.
Je n'en dirai pas davantage,
Mes avis seroient super flus;
Courez, volez à l'hermitage,
Partez, je ne vous retiens
plus;
Allez où vôtre cœur aspire,
Vous n'y
ferez pas long ieL
jour.
S'il restoit quelque chose à
dire,
Je le garde pour le retour
en a
omis, par un feüillet
égarè'.,'la fin du Poème de la
Rune. Cet ouvrage a
fait asfeZ. de plaisir, pourmériter
l'attention de donner ici ce
fragment omis qui finit ce
Poëme.
,
On recherche la volupté
),
Parce qu'elle flate& qu'on
l'aime;
Et si du diable on est tenté,
Il faut dire la verité,
Chacun est son diable soymeme:
Mais laissons le diable en (repos,-
Et reprenons nôtre propos.
Que ferez
-
vous feule isolée
Sur vôtre Rune desolée?
Que faire là ?
je n'en sçai
rien:
Mais vous pour elle si zelée
Peut-être le sçavez-vous
,
2-bieç.-
Helas! si j'en crois mesalarmes,
Un cruel ennui vous attend;
Ce roc pour vous si plein
de charmes,
., Et que par-tout vous vantez tant,
Vous fera bien verser des
larmes.
Il me semble déjà vous voir
La tête sur la main penchée,
Regretter cet ancien manoir
Dont vous vous ferez arra- chée
Et du matinjusques au foir
Trouver bien lugubre ôc
bien noir
Le nid où vousferez juchée,
Disant souventd'un cœur
contrit:
Helas! on me l'avoit bien
dit.
Je n'en dirai pas davantage,
Mes avis seroient super flus;
Courez, volez à l'hermitage,
Partez, je ne vous retiens
plus;
Allez où vôtre cœur aspire,
Vous n'y
ferez pas long ieL
jour.
S'il restoit quelque chose à
dire,
Je le garde pour le retour
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Résumé : Fragment du Poëme de la Rune. [titre d'après la table]
Le texte présente un fragment omis du poème 'La Rune', publié dans le Mercure de France. L'auteur exprime son plaisir à découvrir cet ouvrage et souhaite compléter le poème en incluant ce fragment manquant. Le poème explore la quête de la volupté et la tentation du diable, soulignant que chacun est son propre diable. Il aborde ensuite la solitude et l'ennui qui guettent une personne isolée sur une rune désolée. Cette personne regrette un ancien manoir et trouve lugubre son nouveau nid. L'auteur conseille à cette personne de suivre son cœur et de partir, prédisant que son séjour ne sera pas long. Il garde ses autres avis pour le retour de cette personne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 49-93
De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
Début :
On gronde contre la satyre, [...]
Mots clefs :
Critique, Mal, Écrire, Ronsard, Bon, Visage, Satire, Prévôt, Cotin, Boileau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
De la necessité de la critique,
ou le grand Prevôt
du Parnasse.
ON gronde contre la
satyre,
Et Cotin dit qu'on a raison:
Mais quoy que Cotin puisse
dire,
Dans l'étrange demangeaison
Qu'en nôtre siecle on a d'écrire
Ilnous faut ce cotre poison.
Ecrire en vers, écrire en
prose,
Au temps passé c'était un
art,
Au temps present c'est autre
chose:
Tant bien que mal, à tout
hazard,
Rime qui veut, qui veut
compose,
Se dit habile
, ou le suppose,
Entre au chorus, ou chante
a part,
Est pour un tiers, ou pour
un quart,
Fournie le texte, en fait la
glose,
Et tout le monde en veut
sa part.
Dites- nous, Muses, d'où
peut naître
, Cette heureusefeondité?
f Est-on savant quand on
-1-1 veut l'être?
j; Cela n'a pastoujours été;
Il en coûtoit à nos ancêtres
Ce , ne fut pas pour eux un
;,- jeu:
Ce qui coûtoit à ces grands
Maîtres,
D'où vient nous coûte-t-il
>
si peu?
Vanité sotte! qui presume
Par un aveugle & fol orgüell
De son efpric ôc de sa plume:
Voila d'abord le grand écüeil.
Item, le Temple de Memoire
Est un trés-dangereux appas:
Mais en griffonnant pour
la gloire
L'encre toûjours ne coule
pas,
Et quelquefois avient le
cas
Que l'on caffe son écritoire.
Item, soit à bon titreou
non,
On dit, mes oeuvres, mon
Libraire,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son livre & son
nom.
Item, chacun a sa folie;
Item, aujourd'hui tout est
bon,
Et tout ouvrage se publie.
Ce qu'un homme a rêvé la
nuit,
Ce qu'il a dit à sa servante,
Ce qu'il fait entre sept &
huit,
Qu'on l'imprime & le mette
en vente,
L'ouvrage trouve du débit;
Et quelquefois, sans qu'il
s'en vante,
L'auteur y gagne un bon
habit.
Item, quand on ne fçaic
mieux faire,
On forge, on ment dans
un écrit.
Item, on ne sçauroit se- taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand item, il faut vivre;
Voila comment se fait un
livre.
: De là nous viennent à foisonv
Maigres livrets de toute
forte;
Ils n'ont ni rime, ni raison,
Cela se vend toûjours, qu'-
importe?
Tous les sujets sont presque
usez
5 Et tous les titres épuisez,
Jusques à des Contes de
Fée,
Dont on a fait long-temps
trophée.
Le desordre croît tous les
jours,
Je crie, & j'appelle au secours;
Quand viendra-t-il quelque
critique
Pour reformer un tel abus,
Et purger nôtreRépubli-
,
que
De tant d'Ecrivains de Bibus?
A l'aspect d'un censeur farouche
Qui sçait faire valoir ses
droits,
Un pauvre auteur craindra
latouche,
Et devant que d'ouvrir la
bouche,
Y pensera plus de deux
fois.
Je touche une fâcheuse
corde,
Et crois déjà de tous côtez
Entendre à ce funeste exorde
Nombre d'auteurs épouvantez
Crier tout haut, Misericorde.
Soit fait, Messieurs,j'en
luisd'accord:
Mais quand le public en
furie
Contre vous & vos oeuvres
crie
Misericorde encor plus
fort,
Que lui répondre, je vous
prie?
1 C'est un mal, iél ne dis pas
non,
Qu'un censeurrigide & severe,
Qui le prend sur Le plus
haut ton,
Qu'on hait, & pourtant
qu'on revere:
Mais si c'est un mal
,
c'est
souvent
Un mal pour nous bien necessaire;
Un critique en pays sçavant
Fait le métier de Commisfaire.
Bornonsnous,sans aller
plus loin, *
A la feule gent poëtique;
Plus que tout autre elle a
-
besoin
Pour Commissaire,d'un critique.
1
Les Poëtes sont insolens,
Et souvent les plus miserables
Se trouvent les plus intraitables;
Fiers de leurs pretendus talens,
v
Ils prendront le pas au Parnaisse
Et sur Virgile & sur Horace,
S'il nest des censeurs vigilans
Pour chasser ces passe-volans,
-
Et marquer à chacun sa
place. -
D'abord ces petits avortons
Viennent se couler à tâ..
cons,
Ils sont soûmis, humbles,
dociles,
Souples à prendre les leçons
Des Horaces & desVirgiles,
Et devant ces auteurs habiles
Sont muëts comme des
poissons:
Mais quand enfin cette vermine
Sur leParnasse a pris racine,
Elle s'ameute & forme un
corps
Qui se révolte & se mutine.
,Dés qu'une fois elle domine,
Adieu Virgile & ses consors;
Dans quelque coin on les
consine,
Et si Phebus faisoit la mi
ne,
Lui-même on le mettroit
dehors.
*
Comment Ronsard & sa
pleyade, -
Dont un tem ps le regne a
duré,
Nousl'avoient ilsdéfiguré
Dans leur grotesque mascarade?
Plus bigaré qu'un Arlequin
Affublé d'un vieux cafaquin,
Fait a peu prés à la Françoise,
Mais d'étoffe antique &
Gauloise,
Sans goût, sans air, le tout
enfin
Brodé de Grec Ôc de Latin.
C'étoit dans ce bel équipage
Qu'Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit partout rendre
hommage:
Mais après un long esclavage,
tEnfiin Méalhe,rbe en eut pi- tIC
J Et l'ayant pris en amitié,
Lui débarboüilla le visage,
Et le remit sur le bon pié,
Renvoyant à la friperie
Ses haillons & sa broderie.
Alors dans le sacré vallon
On
On décria la vieille mode,
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau code,
Défendant ces vieux passemens
Qu'avec de grands empressemens
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium ôc dans la Grece.
Ronsard en fut triste & mâri
Perdant beaucoup à ce décri:
Il en pleura même, & de
rage
Il se souffleta le visage,
Es s'alla cacher dans un trou
En se souffletant tout son
soû.
Les Muses rn'iernefi,rent que
Et demandoient par quel
hazard
., Ronsard if-vanté pour bien dire
Donnoitdes soufflets à Kon*
fard.
Cependant tour changea
de face
Sur l'Helicon &:. le Parnasse;
C'étoit un air de propreté
Plein de grandeur & de
noblesse
; Rien de fade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité ;
Le bon goût & la politesse
Brilloient dans la simplicite,
Laissant la frivole parure
Aux fades heros de Ro-
! mans: On emprunta de la nature
Ses plus superbes ornemens.
Vous eussiez vu les jours de
fêtes
Phebus & les neuf d#d:es
Soeurs.
N'employer pour orner
leurs réces
Que dès lauriers mêlez de
fleurs:- Mais cette mode trop unie
Ennuya bientôt, nos Fran-
-
çois; -
Au mépris, des nouvelles
loix
/Ils revinrent à leur génie,
Et reclamerent tous leurs
droits.
Nous aimons trop la bigarure
Jenepuis le dire assez haut
Voila nôtre premier défauc,
Et c'est depuis long temps
qu'il dure:
Il durera,j'enluis garanr,
Quoique le bon lens en
1 murmure.
Si l'on le quitte, on le reprend
Même en dépit de la cen- tre :
On veut du rare ôc du nouveau
#<i Le tout sans regle & sans
mesure,
On outre, on casse le pinceu:
Mais à charger trop le tableau,
On vient à gâter la peinture,
Et voulant le porrrait trop
beau,
On fait grimacer la figure.
Soit-Poëtes, soit Orateurs , C'estlàqu'en sont bien des
auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit,
Nous voulons partout de
l'esprir,
Du brillant, de l'enluminure.
C'est un abus, ne forçons
rien,
Laissons travailler la nature,
Et sans effort nous ferons
bien;
Il en coûre pour l'ordinaire
Par cet entêtement fatal
Plus à certains pour faire
mal,
Qu'il n'en coûteroit pour
bien faire.
Mevoila dans un fort beau
champ:
Mais je prêche,& peut- être
ennuye
Comme bien d'autres en
prêchant.
Je finis donc, & je m'essuye.
Bel exemple sans me flater,
Si l'on vouloir en profiter.
Or durant cette maladie
Dont l'Helicon futinfecte,
On bannit la simplicité
SousMalherbe tant applaudie,
Pointes, équivoques dans
peu,
Et jeux de mots vinrent en
jeu:
On
On vit l'assemblage gro.
tesque
Du serieux ôc du burlefque;
Le Phebus, le Gali-Mathias
Parurent avec assurance,
t Et comme si l'on n'étoit
pas
Assez fou, quand on veut
en France,
On fut avec avidité
j Chercher jusques dansl'I
j taliGl
;
Des secours dont par charite
Elle assista nôtre folie.
Apollon se tuoit envain
De faife mainte remontrance,
Et de prêcher à toute outrance,
Nos gens suivoienttoujours
leur train,
Et tout alloit en decadence.
Mais quand ce Dieu plein
de prudence
Eut pris Boileau pour son
Prévôt,
Combiend'auteurs firent le
faut?
- On voyait décaler en bna-
-, -.
-
de
,
Tous ces Messieurs de contrebande.
Chapelain couvert de lauriers
Sauta lui-même des premiers
Et perdit,dit-o,n, dans la
crotte
Et sa perruque & sa calotte.
Il crioit prêt à trébucher:
Sauvez l'honneur de la pucelle.
Mais Boileau plus dur qu'un
rocher
N'eut pitié ni de lui, ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer,,
Fit d'abord de la resistance,
Et parut quelque temps luter,
Même en Poëte d'importance;
Il appella de la sentence:
Mais il salut toûjours [au.
ter,
Et l'on n'a point jugé l'infiance.
Sous le manteau de Regulus
On eût épargné sa personne
Mais le pauvre homme n'a-
-
voit plus
Que le just-au-corps d'An-
-tigone. Quinaut par la foule emporte,
Quinaut même fie la culbute:.
Mais un appel interjetté
, Le vangea bientôt de sa
chute.
On vit les Musses en rumeur
A l'envi prendre en main
sa cause.
Quelques gens de mau
vaise humeur
Vouloient pouffer plus loin
la chose,
Insistant qu'on fîst au plûtôt
Le procès au pauvre Prevot:
Mais helas ! qu'un Prévôt
s'echape,
Le cas estdigne de pardon
;
Il n'est pas infaillible, non:
Plus ne pretendroir, fût-il
Pape.
Cependant les plus emportez
Dans cette. émeute générale
Estoient les rimeurs maltraitez.
Les Cotins chefs de la ca- A
bale
Murmuroient & crioient
tout haut:
Voyez-moy ce Prevôt de bale,
Il n'a pas épargné Quinaut.
Mais Phebusd'uneoeillade
fiere
Les rejettant avec mépris,
Leur dit d'un ton ferme &
severe:
Paix, canailles de beaux
esprits,
Qui n'avez fait ici que braire;
Si sur Quinauton s'est mélpris,
J'y veillerai, c'est mon af-
*
faire;
Quantàvous, perdez toue
espoir,
Et ne me rompez plus la
tête,
Mon Prévôt a fait son devoir.
Ainsi se calma la tempête,
Et Quinaut s'étant presenté,
Dans ses griefs fut écouré.
On déclara, vû la Requête,
Bien appelle comme, d'abus,
Dont le Prévôt resta camus.
Il fut même sur le Parnasse
Reglé sans contestation,
Qu'auprès d'Orphée &
d'Amphion
Il iroit reprendre sa place;
Et puis Phebus, d'un air
humain,
Lui mit sa propre lyre en
main,
Non que la sienne fût usée:
Mais par un noble & fier
dédain
De la voir à tort meprisee,
En tombantillavoit briféc.
On en fit recueillir soudain
Tous les morceaux jusques
au moindre:
Mais on les recueillit en
vain,
Et l'on ne put bien les rejoindre.
Tel fut le destin de Quinaut,
Seul de tous où le Commissaire,
A son égard un peu Corfaire,
- S'était trouvé pris en dé- faut: Pourtant en paya-t-il l'amende
,
Et de mainte Mufe en couroux
Essuya verte reprimande,
On a dit même quelques
coups.
Dans tout le reste irréprochabie,
Faisant sa charge avec hauceur,
A tout mauvais & sot auteur
II fut Prevôt inexorable
Sur les grands chemins
d'Helicon)
Donc il fit presque un Montfaucon.
On voyoit de loin les sque-
-lettes
De cent miserables Poètesy-
Exemple dont le seul afpeér
Tenoit les rimeurs en respect.
Il est bien vrai qu'en sa
vieillesse
Il laissa tour à l'ab andon,
Et fit sa charge avec molette.
Quand on est vieux, on
devient bon.
Un reste de terreur cmpreinte
Retenoit pourtant les efprits,
Et l'on ne pensoit qu'avec
crainte
Au fort de tant d'auteurs
proscrits.
Dans cette vieillesse impuissante
Son ombre encore menaçante
Arrêtoit les plus resolus:;
Mais cette ombre fiere ôc
glaçante,
Cette ombre même, helas!
nest plus.
Cependant danscetinterregne
Tout dégénéré & déperit;
Et faute d'un Prevôt qu'on
craigne,
Chacun sur pied de bel
esprit
Arbore déja son enseigne.
Les Cotins bravant les lardons,
De tous côtez (emblenc renaître,
Et comme en un temps de
pardons,
On voit hardiment reparaître
Les Pelletiers & les Pradons.
Apollon, c'est vous que
j'appelle,
Dece mal arrêtez le cours; Le prix de la gloire immortelle
Est en proye aux joueurs de
viele,
Et la plus brillante des
Cours,
Vôtre Cour, autrefois si
belle,
Devient un Grenier de Ga.,
belle,
Et s'encanaille tous les
jours.
Déja qui veut sur le Parnasse
S'établit comme en son
foyer:
Tel croit tour charmer, qui
croasse;
Tel en chantant semble
aboyer;
Tel rimant sans grâce efficace,
Passe tout le jour à broyer,
Et fait des vers, qui, quoy
qu'il sa sse,
-
Semblent tous faits par contumace.
Tel pour tout titre & tout
loyer
Tire
Tire du fonddesa besace
Des vers qu'il prit à la tirace,.
«
Sçavant dans l'art de g1 iboyer.
Confonduparmi cette cras
se
Corneille, pour garder sa
place,
En est reduit à guerroyer,
Et Racine rencontre en
face
Tantôcle Clerc, tantôt
Boyer.
Quel depit pour le grand
Horace!
D'avoir à soûtenir l'audace
D'un fat qui vient le coudoyer.
Le mal plus loin va se répandre,
Si l'on n'y met ordre au plûtôr5
Muses, songez à vous défendre:
Au fpecifiquc, un bon Prévôt.
Un bon Prévôt ! mais où le
prendre?
Je pourrois, s'il m'étoit
permis,
En nommer un, digne de
l'être:
Par ses soins en honneur
remis,
Et plus grand qu'iln'étoit
peut-être,
Homere assez le fait connOlere.
II a tous les talens qu'il faut
Pour un employ si necessaire;
Je ne lui vois qu'un seul
défaut,
C'est que ce métier salutaire
De blâmer ce qui doit dé.
plaire,
De reprendre & n'épargner
rien,
Ce métier qu'il seroit si
bien,
Il ne voudra jamais le faire.
Attaqué par maint traie
selon,
Jamais cótre le noirfrelon
Il n'employa ses nobles
veilles
Et comme le Roy des abeilles
Il fut toujours sans aiguillon.
A son défaut, cherchez
quelqu'autre,
Qui plus hardi, qui moins
humain,
, Pour vôtregloire & pour
la nôtre
Ose à l'oeuvre mettre la
main.
Du Parnasse arbitre supra
me,
Si
vousprisez
Sivouspriiez mon zzcellce
extrême,
Faites-le voirenm'exau,
çant: Helas peut -
être en vous
pressant
Fais-je des voeux contre
moy-même !
ou le grand Prevôt
du Parnasse.
ON gronde contre la
satyre,
Et Cotin dit qu'on a raison:
Mais quoy que Cotin puisse
dire,
Dans l'étrange demangeaison
Qu'en nôtre siecle on a d'écrire
Ilnous faut ce cotre poison.
Ecrire en vers, écrire en
prose,
Au temps passé c'était un
art,
Au temps present c'est autre
chose:
Tant bien que mal, à tout
hazard,
Rime qui veut, qui veut
compose,
Se dit habile
, ou le suppose,
Entre au chorus, ou chante
a part,
Est pour un tiers, ou pour
un quart,
Fournie le texte, en fait la
glose,
Et tout le monde en veut
sa part.
Dites- nous, Muses, d'où
peut naître
, Cette heureusefeondité?
f Est-on savant quand on
-1-1 veut l'être?
j; Cela n'a pastoujours été;
Il en coûtoit à nos ancêtres
Ce , ne fut pas pour eux un
;,- jeu:
Ce qui coûtoit à ces grands
Maîtres,
D'où vient nous coûte-t-il
>
si peu?
Vanité sotte! qui presume
Par un aveugle & fol orgüell
De son efpric ôc de sa plume:
Voila d'abord le grand écüeil.
Item, le Temple de Memoire
Est un trés-dangereux appas:
Mais en griffonnant pour
la gloire
L'encre toûjours ne coule
pas,
Et quelquefois avient le
cas
Que l'on caffe son écritoire.
Item, soit à bon titreou
non,
On dit, mes oeuvres, mon
Libraire,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son livre & son
nom.
Item, chacun a sa folie;
Item, aujourd'hui tout est
bon,
Et tout ouvrage se publie.
Ce qu'un homme a rêvé la
nuit,
Ce qu'il a dit à sa servante,
Ce qu'il fait entre sept &
huit,
Qu'on l'imprime & le mette
en vente,
L'ouvrage trouve du débit;
Et quelquefois, sans qu'il
s'en vante,
L'auteur y gagne un bon
habit.
Item, quand on ne fçaic
mieux faire,
On forge, on ment dans
un écrit.
Item, on ne sçauroit se- taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand item, il faut vivre;
Voila comment se fait un
livre.
: De là nous viennent à foisonv
Maigres livrets de toute
forte;
Ils n'ont ni rime, ni raison,
Cela se vend toûjours, qu'-
importe?
Tous les sujets sont presque
usez
5 Et tous les titres épuisez,
Jusques à des Contes de
Fée,
Dont on a fait long-temps
trophée.
Le desordre croît tous les
jours,
Je crie, & j'appelle au secours;
Quand viendra-t-il quelque
critique
Pour reformer un tel abus,
Et purger nôtreRépubli-
,
que
De tant d'Ecrivains de Bibus?
A l'aspect d'un censeur farouche
Qui sçait faire valoir ses
droits,
Un pauvre auteur craindra
latouche,
Et devant que d'ouvrir la
bouche,
Y pensera plus de deux
fois.
Je touche une fâcheuse
corde,
Et crois déjà de tous côtez
Entendre à ce funeste exorde
Nombre d'auteurs épouvantez
Crier tout haut, Misericorde.
Soit fait, Messieurs,j'en
luisd'accord:
Mais quand le public en
furie
Contre vous & vos oeuvres
crie
Misericorde encor plus
fort,
Que lui répondre, je vous
prie?
1 C'est un mal, iél ne dis pas
non,
Qu'un censeurrigide & severe,
Qui le prend sur Le plus
haut ton,
Qu'on hait, & pourtant
qu'on revere:
Mais si c'est un mal
,
c'est
souvent
Un mal pour nous bien necessaire;
Un critique en pays sçavant
Fait le métier de Commisfaire.
Bornonsnous,sans aller
plus loin, *
A la feule gent poëtique;
Plus que tout autre elle a
-
besoin
Pour Commissaire,d'un critique.
1
Les Poëtes sont insolens,
Et souvent les plus miserables
Se trouvent les plus intraitables;
Fiers de leurs pretendus talens,
v
Ils prendront le pas au Parnaisse
Et sur Virgile & sur Horace,
S'il nest des censeurs vigilans
Pour chasser ces passe-volans,
-
Et marquer à chacun sa
place. -
D'abord ces petits avortons
Viennent se couler à tâ..
cons,
Ils sont soûmis, humbles,
dociles,
Souples à prendre les leçons
Des Horaces & desVirgiles,
Et devant ces auteurs habiles
Sont muëts comme des
poissons:
Mais quand enfin cette vermine
Sur leParnasse a pris racine,
Elle s'ameute & forme un
corps
Qui se révolte & se mutine.
,Dés qu'une fois elle domine,
Adieu Virgile & ses consors;
Dans quelque coin on les
consine,
Et si Phebus faisoit la mi
ne,
Lui-même on le mettroit
dehors.
*
Comment Ronsard & sa
pleyade, -
Dont un tem ps le regne a
duré,
Nousl'avoient ilsdéfiguré
Dans leur grotesque mascarade?
Plus bigaré qu'un Arlequin
Affublé d'un vieux cafaquin,
Fait a peu prés à la Françoise,
Mais d'étoffe antique &
Gauloise,
Sans goût, sans air, le tout
enfin
Brodé de Grec Ôc de Latin.
C'étoit dans ce bel équipage
Qu'Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit partout rendre
hommage:
Mais après un long esclavage,
tEnfiin Méalhe,rbe en eut pi- tIC
J Et l'ayant pris en amitié,
Lui débarboüilla le visage,
Et le remit sur le bon pié,
Renvoyant à la friperie
Ses haillons & sa broderie.
Alors dans le sacré vallon
On
On décria la vieille mode,
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau code,
Défendant ces vieux passemens
Qu'avec de grands empressemens
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium ôc dans la Grece.
Ronsard en fut triste & mâri
Perdant beaucoup à ce décri:
Il en pleura même, & de
rage
Il se souffleta le visage,
Es s'alla cacher dans un trou
En se souffletant tout son
soû.
Les Muses rn'iernefi,rent que
Et demandoient par quel
hazard
., Ronsard if-vanté pour bien dire
Donnoitdes soufflets à Kon*
fard.
Cependant tour changea
de face
Sur l'Helicon &:. le Parnasse;
C'étoit un air de propreté
Plein de grandeur & de
noblesse
; Rien de fade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité ;
Le bon goût & la politesse
Brilloient dans la simplicite,
Laissant la frivole parure
Aux fades heros de Ro-
! mans: On emprunta de la nature
Ses plus superbes ornemens.
Vous eussiez vu les jours de
fêtes
Phebus & les neuf d#d:es
Soeurs.
N'employer pour orner
leurs réces
Que dès lauriers mêlez de
fleurs:- Mais cette mode trop unie
Ennuya bientôt, nos Fran-
-
çois; -
Au mépris, des nouvelles
loix
/Ils revinrent à leur génie,
Et reclamerent tous leurs
droits.
Nous aimons trop la bigarure
Jenepuis le dire assez haut
Voila nôtre premier défauc,
Et c'est depuis long temps
qu'il dure:
Il durera,j'enluis garanr,
Quoique le bon lens en
1 murmure.
Si l'on le quitte, on le reprend
Même en dépit de la cen- tre :
On veut du rare ôc du nouveau
#<i Le tout sans regle & sans
mesure,
On outre, on casse le pinceu:
Mais à charger trop le tableau,
On vient à gâter la peinture,
Et voulant le porrrait trop
beau,
On fait grimacer la figure.
Soit-Poëtes, soit Orateurs , C'estlàqu'en sont bien des
auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit,
Nous voulons partout de
l'esprir,
Du brillant, de l'enluminure.
C'est un abus, ne forçons
rien,
Laissons travailler la nature,
Et sans effort nous ferons
bien;
Il en coûre pour l'ordinaire
Par cet entêtement fatal
Plus à certains pour faire
mal,
Qu'il n'en coûteroit pour
bien faire.
Mevoila dans un fort beau
champ:
Mais je prêche,& peut- être
ennuye
Comme bien d'autres en
prêchant.
Je finis donc, & je m'essuye.
Bel exemple sans me flater,
Si l'on vouloir en profiter.
Or durant cette maladie
Dont l'Helicon futinfecte,
On bannit la simplicité
SousMalherbe tant applaudie,
Pointes, équivoques dans
peu,
Et jeux de mots vinrent en
jeu:
On
On vit l'assemblage gro.
tesque
Du serieux ôc du burlefque;
Le Phebus, le Gali-Mathias
Parurent avec assurance,
t Et comme si l'on n'étoit
pas
Assez fou, quand on veut
en France,
On fut avec avidité
j Chercher jusques dansl'I
j taliGl
;
Des secours dont par charite
Elle assista nôtre folie.
Apollon se tuoit envain
De faife mainte remontrance,
Et de prêcher à toute outrance,
Nos gens suivoienttoujours
leur train,
Et tout alloit en decadence.
Mais quand ce Dieu plein
de prudence
Eut pris Boileau pour son
Prévôt,
Combiend'auteurs firent le
faut?
- On voyait décaler en bna-
-, -.
-
de
,
Tous ces Messieurs de contrebande.
Chapelain couvert de lauriers
Sauta lui-même des premiers
Et perdit,dit-o,n, dans la
crotte
Et sa perruque & sa calotte.
Il crioit prêt à trébucher:
Sauvez l'honneur de la pucelle.
Mais Boileau plus dur qu'un
rocher
N'eut pitié ni de lui, ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer,,
Fit d'abord de la resistance,
Et parut quelque temps luter,
Même en Poëte d'importance;
Il appella de la sentence:
Mais il salut toûjours [au.
ter,
Et l'on n'a point jugé l'infiance.
Sous le manteau de Regulus
On eût épargné sa personne
Mais le pauvre homme n'a-
-
voit plus
Que le just-au-corps d'An-
-tigone. Quinaut par la foule emporte,
Quinaut même fie la culbute:.
Mais un appel interjetté
, Le vangea bientôt de sa
chute.
On vit les Musses en rumeur
A l'envi prendre en main
sa cause.
Quelques gens de mau
vaise humeur
Vouloient pouffer plus loin
la chose,
Insistant qu'on fîst au plûtôt
Le procès au pauvre Prevot:
Mais helas ! qu'un Prévôt
s'echape,
Le cas estdigne de pardon
;
Il n'est pas infaillible, non:
Plus ne pretendroir, fût-il
Pape.
Cependant les plus emportez
Dans cette. émeute générale
Estoient les rimeurs maltraitez.
Les Cotins chefs de la ca- A
bale
Murmuroient & crioient
tout haut:
Voyez-moy ce Prevôt de bale,
Il n'a pas épargné Quinaut.
Mais Phebusd'uneoeillade
fiere
Les rejettant avec mépris,
Leur dit d'un ton ferme &
severe:
Paix, canailles de beaux
esprits,
Qui n'avez fait ici que braire;
Si sur Quinauton s'est mélpris,
J'y veillerai, c'est mon af-
*
faire;
Quantàvous, perdez toue
espoir,
Et ne me rompez plus la
tête,
Mon Prévôt a fait son devoir.
Ainsi se calma la tempête,
Et Quinaut s'étant presenté,
Dans ses griefs fut écouré.
On déclara, vû la Requête,
Bien appelle comme, d'abus,
Dont le Prévôt resta camus.
Il fut même sur le Parnasse
Reglé sans contestation,
Qu'auprès d'Orphée &
d'Amphion
Il iroit reprendre sa place;
Et puis Phebus, d'un air
humain,
Lui mit sa propre lyre en
main,
Non que la sienne fût usée:
Mais par un noble & fier
dédain
De la voir à tort meprisee,
En tombantillavoit briféc.
On en fit recueillir soudain
Tous les morceaux jusques
au moindre:
Mais on les recueillit en
vain,
Et l'on ne put bien les rejoindre.
Tel fut le destin de Quinaut,
Seul de tous où le Commissaire,
A son égard un peu Corfaire,
- S'était trouvé pris en dé- faut: Pourtant en paya-t-il l'amende
,
Et de mainte Mufe en couroux
Essuya verte reprimande,
On a dit même quelques
coups.
Dans tout le reste irréprochabie,
Faisant sa charge avec hauceur,
A tout mauvais & sot auteur
II fut Prevôt inexorable
Sur les grands chemins
d'Helicon)
Donc il fit presque un Montfaucon.
On voyoit de loin les sque-
-lettes
De cent miserables Poètesy-
Exemple dont le seul afpeér
Tenoit les rimeurs en respect.
Il est bien vrai qu'en sa
vieillesse
Il laissa tour à l'ab andon,
Et fit sa charge avec molette.
Quand on est vieux, on
devient bon.
Un reste de terreur cmpreinte
Retenoit pourtant les efprits,
Et l'on ne pensoit qu'avec
crainte
Au fort de tant d'auteurs
proscrits.
Dans cette vieillesse impuissante
Son ombre encore menaçante
Arrêtoit les plus resolus:;
Mais cette ombre fiere ôc
glaçante,
Cette ombre même, helas!
nest plus.
Cependant danscetinterregne
Tout dégénéré & déperit;
Et faute d'un Prevôt qu'on
craigne,
Chacun sur pied de bel
esprit
Arbore déja son enseigne.
Les Cotins bravant les lardons,
De tous côtez (emblenc renaître,
Et comme en un temps de
pardons,
On voit hardiment reparaître
Les Pelletiers & les Pradons.
Apollon, c'est vous que
j'appelle,
Dece mal arrêtez le cours; Le prix de la gloire immortelle
Est en proye aux joueurs de
viele,
Et la plus brillante des
Cours,
Vôtre Cour, autrefois si
belle,
Devient un Grenier de Ga.,
belle,
Et s'encanaille tous les
jours.
Déja qui veut sur le Parnasse
S'établit comme en son
foyer:
Tel croit tour charmer, qui
croasse;
Tel en chantant semble
aboyer;
Tel rimant sans grâce efficace,
Passe tout le jour à broyer,
Et fait des vers, qui, quoy
qu'il sa sse,
-
Semblent tous faits par contumace.
Tel pour tout titre & tout
loyer
Tire
Tire du fonddesa besace
Des vers qu'il prit à la tirace,.
«
Sçavant dans l'art de g1 iboyer.
Confonduparmi cette cras
se
Corneille, pour garder sa
place,
En est reduit à guerroyer,
Et Racine rencontre en
face
Tantôcle Clerc, tantôt
Boyer.
Quel depit pour le grand
Horace!
D'avoir à soûtenir l'audace
D'un fat qui vient le coudoyer.
Le mal plus loin va se répandre,
Si l'on n'y met ordre au plûtôr5
Muses, songez à vous défendre:
Au fpecifiquc, un bon Prévôt.
Un bon Prévôt ! mais où le
prendre?
Je pourrois, s'il m'étoit
permis,
En nommer un, digne de
l'être:
Par ses soins en honneur
remis,
Et plus grand qu'iln'étoit
peut-être,
Homere assez le fait connOlere.
II a tous les talens qu'il faut
Pour un employ si necessaire;
Je ne lui vois qu'un seul
défaut,
C'est que ce métier salutaire
De blâmer ce qui doit dé.
plaire,
De reprendre & n'épargner
rien,
Ce métier qu'il seroit si
bien,
Il ne voudra jamais le faire.
Attaqué par maint traie
selon,
Jamais cótre le noirfrelon
Il n'employa ses nobles
veilles
Et comme le Roy des abeilles
Il fut toujours sans aiguillon.
A son défaut, cherchez
quelqu'autre,
Qui plus hardi, qui moins
humain,
, Pour vôtregloire & pour
la nôtre
Ose à l'oeuvre mettre la
main.
Du Parnasse arbitre supra
me,
Si
vousprisez
Sivouspriiez mon zzcellce
extrême,
Faites-le voirenm'exau,
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être en vous
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moy-même !
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Résumé : De la necessité de la critique, ou le grand Prevôt du Parnasse.
Le texte 'De la nécessité de la critique, ou le grand Prévôt du Parnasse' critique la prolifération de mauvais écrivains et l'absence de critique rigoureuse dans le monde littéraire. L'auteur déplore que, contrairement aux époques passées où écrire était un art exigeant, l'écriture est aujourd'hui accessible à tous, souvent sans talent ni effort. Il observe que la vanité et la quête de gloire poussent les auteurs à publier des œuvres de mauvaise qualité, parfois même mensongères ou plagiaires. L'auteur souligne l'importance d'un critique sévère pour purger la république littéraire de ces mauvais écrivains. Il rappelle l'exemple de Malherbe, qui avait réformé la poésie française en bannissant les vieilles modes et en imposant un nouveau code de goût. Cependant, cette réforme n'a pas duré, et les écrivains français sont revenus à leurs anciennes habitudes, préférant la bigarrure et le nouveau au détriment de la simplicité et de la qualité. Le texte mentionne également l'exemple de Boileau, nommé Prévôt du Parnasse par Apollon, qui a sévèrement critiqué et sanctionné les mauvais poètes, comme Chapelain et Pradon. Cependant, même Boileau a commis une erreur en condamnant injustement Quinaut, qui a finalement été réhabilité. L'auteur conclut en appelant à la nomination d'un nouveau Prévôt du Parnasse, capable de restaurer l'ordre et la qualité dans la littérature. Il suggère Homère pour ce rôle, bien que ce dernier refuse probablement de s'engager dans une tâche aussi ingrate. Le texte présente également une métaphore comparant un roi à une abeille, soulignant qu'il fut toujours sans aiguillon, c'est-à-dire sans agressivité. Il exprime le souhait de trouver un successeur plus audacieux et moins humain pour assurer la gloire collective. Le poète se désigne comme l'arbitre suprême du Parnasse, invitant quelqu'un à prendre sa place. Il mentionne son extrême célébrité et exprime un dilemme intérieur, se demandant s'il ne formule pas des vœux contre lui-même en souhaitant être remplacé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 169-214
De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Début :
On gronde contre la Satire, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Auteur, Critique, Muses, Ombre, Auteurs, Censeurs, Virgile, Malherbe, Quinault, Prévôt, Bigarrure, Prévôt du Parnasse
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texteReconnaissance textuelle : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
Fermer
Résumé : De la Necessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse.
Le texte 'De la Nécessité de la Critique, ou le Grand Prevost du Parnasse', publié en juin 1714 dans le Mercure, traite de l'importance de la critique littéraire. Il souligne la nécessité de la satire et de la critique dans un contexte où l'écriture poétique est accessible à tous, souvent sans respect des règles de l'art. Le texte déplore la publication et la vente d'œuvres de qualité médiocre et appelle à une réforme par l'intervention d'un critique sévère. Il rappelle l'évolution de la poésie française, marquée par des périodes de décadence et de renouveau. Des figures littéraires comme Malherbe et Boileau sont mentionnées pour leur rôle dans la réforme de la poésie. Le texte évoque également des auteurs tels que Ronsard, Chapelain, Pradon, et Quinaut, illustrant les conflits et les jugements critiques qui ont façonné la littérature. Le texte se conclut par un appel à trouver un nouveau 'Prevost' capable de purger la littérature des mauvais auteurs et de rétablir des standards de qualité. Il exprime le souhait de voir un critique sévère et juste, capable de blâmer ce qui doit l'être, mais aussi de reconnaître les véritables talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 118-144
APOLOGIE D. P. D. C. par lui-même.
Début :
Qui fit des vers, des vers encor fera ; [...]
Mots clefs :
Vers, Auteur, Poésie, Rimes, Marot, Censeurs, Temps, Muse, Dieu, Lyre, Auteurs, Odes
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texteReconnaissance textuelle : APOLOGIE D. P. D. C. par lui-même.
APOLOGIE D. P. D. C.
par /ui-m?rtle.
Qui Se des vers, des vers
encor fera;
C'est le moulin qui moulut&
moudra.
Contre l'étoile il n'est dé-
pit qui tienne,
Et je me cabre en vain contre
la mienne;
Malgré mes soins, ma Muse
prend l'essor
J'ai fait des , vers, & j'en
refais encor.
Que deleçons,&mêmeà
juste titre,
Ai-jeessuyé pourtant sur
cechapitre !
Aigres censeurs me l'ont
tant reproché,
Tant vrais amis m'ont sur
cela prêche:
Héquoy toûjours des vers?
êtes-vous sage?
Ah renoncez à ce vain badinage,
Occupez-vous, grave &
solide auteur,
D'un plus utile, & plus noble
labeur,
Et pour charmer nos coeurs
& nos oreilles,
Tournez ailleurs vos talens
& vos veilles.
Combien de fois, touché
derepentir,
Me suis- je vu prêt à me
convertir,
Honteux,' confus de mes
rimes passées,
Rimes
(Urïtep,cent fois par mes pkurs cffacecs?
J'avois jurecent fois d'un
coeur contr,
De ne tracer vers, ni grand ;, ni petit: Juré
:
àcent,fois, je l'avouë ma honte,
J'eus beau, jurer,Apol-
Ion nen tint conu
Fe.
Tyrancruel?il rit de nos
sermens,
Comme l'amour rit de
lemceeturxodveys ,aaimpeannitsen.t Je me trouvai penitent
infidèle,
En vray relais , embarque
de plus bel-
- le,
D'un nouveau feu je me
sentis bruler,
- -. Et malgré moy je vois
des vers couler.
Dans cet état de contrainte
cruelle,
- Plaignez-moy - vous dont
j'honore le zele,
Sages amis oJ , , j'écoute vos
leçons:
Mais j'en reviens toujours
à mes chan.
sons.
Pour vous, Censeurs, qui
de mes foibles rimes
Osez par tout me faire
autant de cri-
- mes
Exorcisez le démon qui
m'obsède
Ou , par pitié souffrez que
je lui cede.
Mais quoy rimer ainsi que
je l'ay fait,
Est-ce après tout un si
grave forfait ?
Vous écrivez ce qu'il
vous plaît en pro- se prof.,)
N'osay
- je en vers faire
la mêmechose?
Un sentiment par lui-meme
estimé
Est-il mauvais quand il
devient riméJ
Et dans des vers, d'ailleurs
- pleins d'innocence
L'ordre, le tour met -il
quelque indecence?
Censeurs malins) & peutêtre
jaloux,
Sidans mes vers j'offense
autre que vous,
Si la vertu, si l'austere
sagesse
- 1 » Y rrouve rien qui Ierfleureoulablesse,
Si froid auteur j'ennuie
enmesécrits
Condamnez-moy
,
j'ai tort,
& j'y souscris
:
Mais qu^rtd suivant uRç
injuste maxime,
Precisément sur ce point
- que je rime
Vous prétendrez me faire
mon procez,
Vous le ferez sans fruit &-
,
sans succez.
Or, rimez donc, dit cet
ami fidele:
Mais quel auteur prenezvous
pour modèle?
C'est une honte, y penfezvous,
Marot ?
Homme verreux & digne
du garrot,
Et dont jadis la Muse
évaporée
A grande peine échappa
la bourée : Défaites-vous de ce stile
badin,
Et laissant là Marot avec
dédain,
Dà'unlv'Ooldlegeer,elevezvous ; Pièce si noble & sifort à
,
la mode,
: Et dont le. chant h,ardi,
mélodieux, ,,', CharmelesRois,& Charme: les,Rois, &
touche jusqu'aux
Dieux.
Quiparle ainsicertes ne
connoît gueres
De l'Helicon lés loix &
les
mystees
; Esclaves nez du Dieu ca- ,.pricieux,
Dont le pouvoir règle
tout en ces lieux,.
Nous n'avons pas de
choixdans son Empire
, * Et nous chantons selon
qu'il nousinspire,'
Sans consultersur cela
nosfouhaitsy
Ce Dieu dispense à-
son
gré des bienfaits,
Donne à chacun en1le
faisant Poète
A l'un la lyre,àl'autrela
trcJmpette,1
A celuy-cichauffelebfbi
dequin,
Elevel'autre au Cothurne
f
diviny
Accorde à tel la force &
l'énergie,
Reduit tel autre à la tendre
etegie;
Dans lasatyre il rend l'unsans
égal,
Et borne l'autre au imple
•
Madrigal.
DDeetotouuss cc'eess' dons ',MMaarroott
n'eut en partage
Qu'un élégant & naïf ba-
¡ dinage,
Et si j'en aiquelque chose
hérité
Cest , un vernis de sa naïveté.
Sans m'égarer dansdes
routes sublimes,
De ce vernis je colore mes
rimes,
Et de ce simple & naïf
coloris
Mes-petits vers ont tire
tout leur prix.
Par ce recours,emprunte
si ma Mufe
Ne charme pas, pour le
moins elle amufe
»
Et per le
vray
qu'elle
joint au plaisant,
Quelquefois même instruit
en amusant.
e m'en tiens là sans toucher
à la lyre,
Qu'au Dieu des vers il
plut de m'interdire.
Pour ses cheris il reserve
ce don.
Laissons c hanter sur ce
sublimeton
Rousseau, la Mothe, &
tel autre génie
Qui de la lyre a conçu
l'harmonie,
Et n'allons pas, Poëtes
croassans,
De leurs concerts troubler
les doux accens.
De nos François, je ne
sçaurois m'en taire,
C'est la folie & l'écuëil
ordinaire;
Sriédanus unn gienere un auteur
D'imitateurs un nuage grossît.
Vous les voyez bienrôt,
quoy qu'il en coûre,
En vrais moutons suivre
la même route,
intrer en lice, & courant
au hazard
,
Le disputer presque aux
maîtres de l'art.
Depuis le. temps la Mothe
* que ta plume
Sçut nous donner d'Ol
des un beau volume,
Combien d'auteurs qupietans
sur tes
droits, - Au ton de l'Ode ont ajuste
leur voix?
Plus d'autres vers , tout
chez eux devient
Odes,
Et déformais comme autant
de pagodes,
A ce seul point fixez également,
Ils nont plus tousqu'-
un meAme mouvement.
Je ris de voir leurs Muses
pulmoniques,
Impudemment pour Odes
pindariques
, Nous fredonner sur des
tons presque usez
Des Madrigaux en tfrophes
divisez.
Que dans son volle Poëce
-;Ss'éegagrea,re, Tout est permis en invo..t
quant Pindare,
De ce démon tout paroîc
possedé,
Et le Parnasse est d'Odes
inondé.
Irois-je encor me perdant
dans la nuë
De ces Meilleurs augmenter
la cohuë?
Non, j'aime mieux avec
moins de fracas
Me contenter d'un étage
plus bas.
Quant: à Maroc, il me
plaît, je ravÓuë, j
Pour bon Poëte en tout
v lieux on leloue,
Je le voudrois encorfromme,
de' bien,
Et me déplaît qu'ilfût un
peu vaurien,
Vous,l'imitez, telqu'il est.
je limitey',
Dans.son.stile, oui,mais
non dans sa conduite
Et n'a-t-il pas ce Lstile
quoyque yieuXj
Je ne sçai quoyde fin,de
gracieux?
Depuis longtemps Marot
plaît,
plait, on le goutc,
Si je fais mal en marchant
sur saroute,
se fuis helas ! par un pareil
endroit
Bien plus coupable encor
que l'on ne croit.
Tant que je puis, avec la
même audace
rose imiter Virgile, Homere,
Horace,
Grecs & Romains,auteurs
qui dans leurs temps
Vecûrent tous Payens &
mecrcans.
Si je le fais sans en être
blâmable,
Pourquoy me rend-il plus
coupable?
Un Heretique est» il pis
qu'un Payen?
Marot du moins, Maroc
éroit Chrétien.
Qu'on le condamne & que
l'on se recrie
Et sur l'erreur & sur rido.
latrie,
J'en fais de même, Se ma
foy. ni mes moeurs
Ne prendront rien jamais
de tels auteurs:
Mais pourcet art, cette
noble sinesse
Prisée- en France, à Rome
&dans la Grece ,
Puissaijehelas, ! puissài-je
': ren mes écrits
Suivre deloin ces merveil- leuxesprits,
Et recueillant des beautez
chez eux nées,
• Mais dans leurs vers trop
souventprofanées,
Sur des meilleurs & plus
dignes sujets
D'un pinceau chaste en répandre
les traits.
Tel au printemps qu'on
,
voit la fage abeille,
En voltigeant sur la rose
vermeille,
Laisser l'épine, & du suc,
de la fleur
Tirer pour nous un miel
plein de douceur. ',-
Sur ces leçons que l'abeille
lui donne
A petit bruit ma Muse se
\) façonne,
Et d'un auteur dontelle
prend le ton,- N'imire rien quece qu'il
ade bon.
Qu'il soit méchant/celerar,
hypocrite
De ses talens sans risque
l'on profite,
Et n'y pûc-onreüssir qu'à
demi,
Toûjours autant de pris sur
l'ennemi.
Désormais donc sur Marot qu'on (e taise,
Je n'en prends point de
teinture mauvaise,
Qu'on me laisse avec foin
éIlcremer,
Et que sans trouble on me
laisse rimer;
J'y suis fort sobre, & quoique
l'on en dise
y Je n'en fais pas métier &
marchandée.
A ces petits) mais doux
amusemens,
Ce que j'ai mis quelquefois
demomens, Qu'on les rassemble en heures&
journées,
- Ne fera pas six mois dans
uneannee.
C" peu de remps n'est point
un
-
temps perdu,
L'esprir ne peur toujours
être tendu,
L'un se repose, un autre se
promene,
Fais-je pis qu'eux en exerçantmaveine?
rj
Las d'un travail plus noble
& pluschrétien, Je fais des vers quand d'autrès
ne font rien.
Changeant de grain la terre
le repose,
En travaillant je fais la même
choie.
Ce changement de travail
& d'employ
Fut de tout temps un vrai
repos pour moy.
Personne enfin n'est parfait
dans la vie,
J'aime à rimer quand il
m'en prend envie.
De maints défauts dont je
suis luriné
Pour , mon malheur c'est le
plus obUine,
Défaut pourtant,qui quoyque
l'onen gronde,
Ne déplaît pas pourtant à
tout le monde.
Je me fuis vü par tels rers
dénigré,
Dont en bon lieu l'on m'a
fçû quelque gré.
Si j'ose même ici pour ma
défense
Sur ce point-là dire ce que
je pense
Tel me censure & me
damne bien haut
Qui dans son coeur m'absout
de ce défaut.
par /ui-m?rtle.
Qui Se des vers, des vers
encor fera;
C'est le moulin qui moulut&
moudra.
Contre l'étoile il n'est dé-
pit qui tienne,
Et je me cabre en vain contre
la mienne;
Malgré mes soins, ma Muse
prend l'essor
J'ai fait des , vers, & j'en
refais encor.
Que deleçons,&mêmeà
juste titre,
Ai-jeessuyé pourtant sur
cechapitre !
Aigres censeurs me l'ont
tant reproché,
Tant vrais amis m'ont sur
cela prêche:
Héquoy toûjours des vers?
êtes-vous sage?
Ah renoncez à ce vain badinage,
Occupez-vous, grave &
solide auteur,
D'un plus utile, & plus noble
labeur,
Et pour charmer nos coeurs
& nos oreilles,
Tournez ailleurs vos talens
& vos veilles.
Combien de fois, touché
derepentir,
Me suis- je vu prêt à me
convertir,
Honteux,' confus de mes
rimes passées,
Rimes
(Urïtep,cent fois par mes pkurs cffacecs?
J'avois jurecent fois d'un
coeur contr,
De ne tracer vers, ni grand ;, ni petit: Juré
:
àcent,fois, je l'avouë ma honte,
J'eus beau, jurer,Apol-
Ion nen tint conu
Fe.
Tyrancruel?il rit de nos
sermens,
Comme l'amour rit de
lemceeturxodveys ,aaimpeannitsen.t Je me trouvai penitent
infidèle,
En vray relais , embarque
de plus bel-
- le,
D'un nouveau feu je me
sentis bruler,
- -. Et malgré moy je vois
des vers couler.
Dans cet état de contrainte
cruelle,
- Plaignez-moy - vous dont
j'honore le zele,
Sages amis oJ , , j'écoute vos
leçons:
Mais j'en reviens toujours
à mes chan.
sons.
Pour vous, Censeurs, qui
de mes foibles rimes
Osez par tout me faire
autant de cri-
- mes
Exorcisez le démon qui
m'obsède
Ou , par pitié souffrez que
je lui cede.
Mais quoy rimer ainsi que
je l'ay fait,
Est-ce après tout un si
grave forfait ?
Vous écrivez ce qu'il
vous plaît en pro- se prof.,)
N'osay
- je en vers faire
la mêmechose?
Un sentiment par lui-meme
estimé
Est-il mauvais quand il
devient riméJ
Et dans des vers, d'ailleurs
- pleins d'innocence
L'ordre, le tour met -il
quelque indecence?
Censeurs malins) & peutêtre
jaloux,
Sidans mes vers j'offense
autre que vous,
Si la vertu, si l'austere
sagesse
- 1 » Y rrouve rien qui Ierfleureoulablesse,
Si froid auteur j'ennuie
enmesécrits
Condamnez-moy
,
j'ai tort,
& j'y souscris
:
Mais qu^rtd suivant uRç
injuste maxime,
Precisément sur ce point
- que je rime
Vous prétendrez me faire
mon procez,
Vous le ferez sans fruit &-
,
sans succez.
Or, rimez donc, dit cet
ami fidele:
Mais quel auteur prenezvous
pour modèle?
C'est une honte, y penfezvous,
Marot ?
Homme verreux & digne
du garrot,
Et dont jadis la Muse
évaporée
A grande peine échappa
la bourée : Défaites-vous de ce stile
badin,
Et laissant là Marot avec
dédain,
Dà'unlv'Ooldlegeer,elevezvous ; Pièce si noble & sifort à
,
la mode,
: Et dont le. chant h,ardi,
mélodieux, ,,', CharmelesRois,& Charme: les,Rois, &
touche jusqu'aux
Dieux.
Quiparle ainsicertes ne
connoît gueres
De l'Helicon lés loix &
les
mystees
; Esclaves nez du Dieu ca- ,.pricieux,
Dont le pouvoir règle
tout en ces lieux,.
Nous n'avons pas de
choixdans son Empire
, * Et nous chantons selon
qu'il nousinspire,'
Sans consultersur cela
nosfouhaitsy
Ce Dieu dispense à-
son
gré des bienfaits,
Donne à chacun en1le
faisant Poète
A l'un la lyre,àl'autrela
trcJmpette,1
A celuy-cichauffelebfbi
dequin,
Elevel'autre au Cothurne
f
diviny
Accorde à tel la force &
l'énergie,
Reduit tel autre à la tendre
etegie;
Dans lasatyre il rend l'unsans
égal,
Et borne l'autre au imple
•
Madrigal.
DDeetotouuss cc'eess' dons ',MMaarroott
n'eut en partage
Qu'un élégant & naïf ba-
¡ dinage,
Et si j'en aiquelque chose
hérité
Cest , un vernis de sa naïveté.
Sans m'égarer dansdes
routes sublimes,
De ce vernis je colore mes
rimes,
Et de ce simple & naïf
coloris
Mes-petits vers ont tire
tout leur prix.
Par ce recours,emprunte
si ma Mufe
Ne charme pas, pour le
moins elle amufe
»
Et per le
vray
qu'elle
joint au plaisant,
Quelquefois même instruit
en amusant.
e m'en tiens là sans toucher
à la lyre,
Qu'au Dieu des vers il
plut de m'interdire.
Pour ses cheris il reserve
ce don.
Laissons c hanter sur ce
sublimeton
Rousseau, la Mothe, &
tel autre génie
Qui de la lyre a conçu
l'harmonie,
Et n'allons pas, Poëtes
croassans,
De leurs concerts troubler
les doux accens.
De nos François, je ne
sçaurois m'en taire,
C'est la folie & l'écuëil
ordinaire;
Sriédanus unn gienere un auteur
D'imitateurs un nuage grossît.
Vous les voyez bienrôt,
quoy qu'il en coûre,
En vrais moutons suivre
la même route,
intrer en lice, & courant
au hazard
,
Le disputer presque aux
maîtres de l'art.
Depuis le. temps la Mothe
* que ta plume
Sçut nous donner d'Ol
des un beau volume,
Combien d'auteurs qupietans
sur tes
droits, - Au ton de l'Ode ont ajuste
leur voix?
Plus d'autres vers , tout
chez eux devient
Odes,
Et déformais comme autant
de pagodes,
A ce seul point fixez également,
Ils nont plus tousqu'-
un meAme mouvement.
Je ris de voir leurs Muses
pulmoniques,
Impudemment pour Odes
pindariques
, Nous fredonner sur des
tons presque usez
Des Madrigaux en tfrophes
divisez.
Que dans son volle Poëce
-;Ss'éegagrea,re, Tout est permis en invo..t
quant Pindare,
De ce démon tout paroîc
possedé,
Et le Parnasse est d'Odes
inondé.
Irois-je encor me perdant
dans la nuë
De ces Meilleurs augmenter
la cohuë?
Non, j'aime mieux avec
moins de fracas
Me contenter d'un étage
plus bas.
Quant: à Maroc, il me
plaît, je ravÓuë, j
Pour bon Poëte en tout
v lieux on leloue,
Je le voudrois encorfromme,
de' bien,
Et me déplaît qu'ilfût un
peu vaurien,
Vous,l'imitez, telqu'il est.
je limitey',
Dans.son.stile, oui,mais
non dans sa conduite
Et n'a-t-il pas ce Lstile
quoyque yieuXj
Je ne sçai quoyde fin,de
gracieux?
Depuis longtemps Marot
plaît,
plait, on le goutc,
Si je fais mal en marchant
sur saroute,
se fuis helas ! par un pareil
endroit
Bien plus coupable encor
que l'on ne croit.
Tant que je puis, avec la
même audace
rose imiter Virgile, Homere,
Horace,
Grecs & Romains,auteurs
qui dans leurs temps
Vecûrent tous Payens &
mecrcans.
Si je le fais sans en être
blâmable,
Pourquoy me rend-il plus
coupable?
Un Heretique est» il pis
qu'un Payen?
Marot du moins, Maroc
éroit Chrétien.
Qu'on le condamne & que
l'on se recrie
Et sur l'erreur & sur rido.
latrie,
J'en fais de même, Se ma
foy. ni mes moeurs
Ne prendront rien jamais
de tels auteurs:
Mais pourcet art, cette
noble sinesse
Prisée- en France, à Rome
&dans la Grece ,
Puissaijehelas, ! puissài-je
': ren mes écrits
Suivre deloin ces merveil- leuxesprits,
Et recueillant des beautez
chez eux nées,
• Mais dans leurs vers trop
souventprofanées,
Sur des meilleurs & plus
dignes sujets
D'un pinceau chaste en répandre
les traits.
Tel au printemps qu'on
,
voit la fage abeille,
En voltigeant sur la rose
vermeille,
Laisser l'épine, & du suc,
de la fleur
Tirer pour nous un miel
plein de douceur. ',-
Sur ces leçons que l'abeille
lui donne
A petit bruit ma Muse se
\) façonne,
Et d'un auteur dontelle
prend le ton,- N'imire rien quece qu'il
ade bon.
Qu'il soit méchant/celerar,
hypocrite
De ses talens sans risque
l'on profite,
Et n'y pûc-onreüssir qu'à
demi,
Toûjours autant de pris sur
l'ennemi.
Désormais donc sur Marot qu'on (e taise,
Je n'en prends point de
teinture mauvaise,
Qu'on me laisse avec foin
éIlcremer,
Et que sans trouble on me
laisse rimer;
J'y suis fort sobre, & quoique
l'on en dise
y Je n'en fais pas métier &
marchandée.
A ces petits) mais doux
amusemens,
Ce que j'ai mis quelquefois
demomens, Qu'on les rassemble en heures&
journées,
- Ne fera pas six mois dans
uneannee.
C" peu de remps n'est point
un
-
temps perdu,
L'esprir ne peur toujours
être tendu,
L'un se repose, un autre se
promene,
Fais-je pis qu'eux en exerçantmaveine?
rj
Las d'un travail plus noble
& pluschrétien, Je fais des vers quand d'autrès
ne font rien.
Changeant de grain la terre
le repose,
En travaillant je fais la même
choie.
Ce changement de travail
& d'employ
Fut de tout temps un vrai
repos pour moy.
Personne enfin n'est parfait
dans la vie,
J'aime à rimer quand il
m'en prend envie.
De maints défauts dont je
suis luriné
Pour , mon malheur c'est le
plus obUine,
Défaut pourtant,qui quoyque
l'onen gronde,
Ne déplaît pas pourtant à
tout le monde.
Je me fuis vü par tels rers
dénigré,
Dont en bon lieu l'on m'a
fçû quelque gré.
Si j'ose même ici pour ma
défense
Sur ce point-là dire ce que
je pense
Tel me censure & me
damne bien haut
Qui dans son coeur m'absout
de ce défaut.
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Résumé : APOLOGIE D. P. D. C. par lui-même.
L'auteur exprime sa passion inébranlable pour l'écriture poétique, malgré les critiques et les conseils de ses amis et censeurs. Ces derniers lui reprochent de gaspiller son temps avec des 'vains badinages' et lui suggèrent de se consacrer à des œuvres plus utiles et nobles. L'auteur avoue avoir souvent été tenté d'abandonner la poésie, mais il se retrouve toujours attiré par elle, se décrivant comme un 'pénitent infidèle' incapable de résister à l'inspiration poétique. L'auteur reconnaît les critiques sur la qualité de ses rimes mais défend son droit de s'exprimer en vers, comparant cela à l'écriture en prose. Il affirme que ses vers sont innocents et ne contiennent rien de répréhensible. Il mentionne également qu'il n'a pas choisi Marot comme modèle, bien qu'il admire son style badin et élégant. Il se compare à une abeille qui butine les fleurs pour en tirer du miel, imitant les grands auteurs sans en copier les défauts. L'auteur conclut en affirmant qu'il écrit des vers pour se détendre et se reposer, sans que cela nuise à ses autres activités. Il reconnaît avoir un défaut, mais ce défaut n'est pas universellement condamné. Il finit par dire qu'il aime rimer quand il en a envie, malgré les critiques.
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