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51
p. 1581-1595
LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
Début :
MONSIEUR, Les Ouvrages & la réputation de Mr l'Abé de S. P. sont si conus dans la République [...]
Mots clefs :
Orthographe, Voyelles, Consonnes, Alphabet, Règles, Prononciation, Figures, Sons, Lecteurs, Grammairien
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
LETTRE fur le Projet , pour perfection
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
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Résumé : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
La lettre expose un projet de l'Abbé de Saint-Pierre visant à améliorer l'orthographe des langues européennes. L'auteur, reconnu pour ses nombreuses propositions innovantes, présente une réforme orthographique qui, bien que modeste, suscite l'intérêt de diverses nations. Bien que ce projet n'ait pas été mis en pratique, il convainc les personnes bien intentionnées et soucieuses du bien public. L'Abbé de Saint-Pierre commence par des observations préliminaires pour préparer les lecteurs à un nouveau système orthographique. Il introduit une orthographe mélangée pour habituer progressivement les lecteurs et souligne que les erreurs du graveur ou de l'imprimeur ne doivent pas être imputées à l'auteur. L'objectif de l'orthographe est de représenter précisément les mots parlés à l'aide de figures simples et faciles à former. L'orthographe actuelle est critiquée pour ne pas refléter la prononciation actuelle et pour contenir de nombreux défauts dus au manque de caractères dans l'alphabet. L'Abbé identifie plusieurs causes de ces défauts, notamment la négligence à suivre les changements de prononciation, à inventer de nouveaux caractères, et à marquer les lettres muettes ou les voyelles longues. Il propose des remèdes pour ces problèmes et suggère une réforme progressive et tolérante. Le texte illustre les erreurs orthographiques actuelles en analysant trois lignes d'un dictionnaire de l'Académie française, où vingt-huit mots contiennent quarante-cinq fautes. L'auteur recommande d'écrire les noms de famille selon l'orthographe régulière et de noter l'ancienne orthographe entre crochets. L'Abbé de Saint-Pierre divise les règles en perpétuelles et passagères. Les règles perpétuelles sont générales pour toutes les langues, tandis que les règles passagères sont spécifiques à la langue française et visent à transitionner vers une orthographe régulière. Il propose également des caractères nouveaux pour représenter certains sons et des marques pour les voyelles longues et les lettres muettes. Enfin, l'auteur encourage les imprimeurs à inclure un abrégé du nouvel alphabet au début de chaque ouvrage pour faciliter la transition vers la nouvelle orthographe. Le texte traite également des observations de l'Abbé sur l'orthographe et la typographie de la langue française. Il suggère de nommer chaque consonne en fonction de son articulation avant et après la voyelle, et de préférer la voyelle 'a' comme auxiliaire. Il recommande l'utilisation des caractères italiques pour attirer l'attention sur certains mots et propose des améliorations pour l'utilisation du caractère '&'. Le texte se termine par une invitation aux lecteurs, notamment aux étrangers et aux Anglais, à adopter une orthographe régulière pour éviter les équivoques dans la lecture et la copie des actes juridiques. L'Abbé exprime son espoir de voir des successeurs poursuivre son travail sur cette matière importante mais méprisée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 1603-1605
Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le Sieur Collombat, Premier Imprimeur ordinaire du Roi, avertit le Public qu'il [...]
Mots clefs :
Dictionnaire, Dictionnaire hébraïque, Dictionnaire chaldaïque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
Le Sieur Collombat ,Premier Imprimeur
ordinaire du Roi , avertit le Public qu'il
fait diftribuer actuellement aux Soufcrip
teurs le fecond Volume de la Grammaire
Hebraique & Chaldaïque de Dom Pierre
Guarin : le retardement qu'il y a eu de fatisfaire
dans le tems marqué à ceux qui
ont foufcrit pour ce Livre , vient de ce
qu'on a voulu inferer dans ce fecond Tome
une Tablature de la Mufique ufitée
parmi les Juifs d'Eſpagne , d'Allemagne
& d'Italie ; & comme on n'a jamais imprimé
en France des Caracteres de Mufique
femblables , il a fallu du tems pour
les graver & les faire fondre dans leur regularité
on fe flatte que le Public fe
trouvera dédommagé de ce retardement ,
Dom Guarin n'ayant rien omis de tout ce
qui pouvoit contribuer à l'intelligence parfaite
duTexte facré , & l'Imprimeur de fon
côté y ayant apporté toute la regularité
F iiij
&
1604 MERCURE DE FRANCE
& l'exactitude qu'on peut fouhaiter &
attendre de fon Art ; c'eft aux veritables-
Sçavans & Connoiffeurs à juger de l'un &
de l'autre .
Les Squfcripteurs en recevant le fecond.
Volume payeront dix livres fur la fomme
de vingt livres qui reste à payer, fuivant le
Profpectus , & n'auront plus à payer que
dix livres en recevant le troifiéme & dernier
Tome qui contiendra le Dictionnaire
Hebraïque & Chaldaïque que l'on a promis
par le Profpectus.
Quoique la mort ait enlevé Dom Pierre
Guarin , l'impreffion de ce Dictionnaire.
n'a point été interrompuë , elle fe continue
toujours , & les Superieurs de la
Congregation de S. Maur ont appellé à
Paris , à S. Germain des Prez , Dom Nicolas
le Tournois ( Eleve de feu Dom
Guarin , & qui a été Profeffeur des Langues
Orientales dans la même Congregation
pendant plus de dix ans ) pour achever
ce Dictionnaire , dont la moitié eft
déja imprimée , & dans lequel on trouverà
la même exactitude & regularité que
dans les deux premiers Volumes ; on affure.
le Public qu'il fera entierement fini dans.
le courant de l'année mil fept cent trente
deux .
Ceux qui n'ont pas foufcrit peuvent
encore le faire ; on leur delivrera les deux
preJUILLET.
1730. 1605
premiers Volumes,en payant la fomme de
trente livres , & celle de dix livres en recevant
le Dictionnaire
dernier Tome.
S
ou troifiéme &
On recevra encore des Soufcriptions
pendant le cours de cette prefente année
mil fept cent trente , après laquelle on
n'en recevra plus .
ordinaire du Roi , avertit le Public qu'il
fait diftribuer actuellement aux Soufcrip
teurs le fecond Volume de la Grammaire
Hebraique & Chaldaïque de Dom Pierre
Guarin : le retardement qu'il y a eu de fatisfaire
dans le tems marqué à ceux qui
ont foufcrit pour ce Livre , vient de ce
qu'on a voulu inferer dans ce fecond Tome
une Tablature de la Mufique ufitée
parmi les Juifs d'Eſpagne , d'Allemagne
& d'Italie ; & comme on n'a jamais imprimé
en France des Caracteres de Mufique
femblables , il a fallu du tems pour
les graver & les faire fondre dans leur regularité
on fe flatte que le Public fe
trouvera dédommagé de ce retardement ,
Dom Guarin n'ayant rien omis de tout ce
qui pouvoit contribuer à l'intelligence parfaite
duTexte facré , & l'Imprimeur de fon
côté y ayant apporté toute la regularité
F iiij
&
1604 MERCURE DE FRANCE
& l'exactitude qu'on peut fouhaiter &
attendre de fon Art ; c'eft aux veritables-
Sçavans & Connoiffeurs à juger de l'un &
de l'autre .
Les Squfcripteurs en recevant le fecond.
Volume payeront dix livres fur la fomme
de vingt livres qui reste à payer, fuivant le
Profpectus , & n'auront plus à payer que
dix livres en recevant le troifiéme & dernier
Tome qui contiendra le Dictionnaire
Hebraïque & Chaldaïque que l'on a promis
par le Profpectus.
Quoique la mort ait enlevé Dom Pierre
Guarin , l'impreffion de ce Dictionnaire.
n'a point été interrompuë , elle fe continue
toujours , & les Superieurs de la
Congregation de S. Maur ont appellé à
Paris , à S. Germain des Prez , Dom Nicolas
le Tournois ( Eleve de feu Dom
Guarin , & qui a été Profeffeur des Langues
Orientales dans la même Congregation
pendant plus de dix ans ) pour achever
ce Dictionnaire , dont la moitié eft
déja imprimée , & dans lequel on trouverà
la même exactitude & regularité que
dans les deux premiers Volumes ; on affure.
le Public qu'il fera entierement fini dans.
le courant de l'année mil fept cent trente
deux .
Ceux qui n'ont pas foufcrit peuvent
encore le faire ; on leur delivrera les deux
preJUILLET.
1730. 1605
premiers Volumes,en payant la fomme de
trente livres , & celle de dix livres en recevant
le Dictionnaire
dernier Tome.
S
ou troifiéme &
On recevra encore des Soufcriptions
pendant le cours de cette prefente année
mil fept cent trente , après laquelle on
n'en recevra plus .
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Résumé : Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
Le Sieur Collombat, Premier Imprimeur ordinaire du Roi, annonce la distribution du second volume de la 'Grammaire Hébraïque & Chaldaïque' de Dom Pierre Guarini. Le retard de la livraison est dû à l'ajout d'une tablature de musique utilisée par les Juifs d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie, nécessitant la création de nouveaux caractères musicaux. Collombat garantit la qualité du travail de Dom Guarini et de l'imprimeur. Les souscripteurs recevront le second volume en payant dix livres sur les vingt restantes, et devront payer dix autres livres pour le troisième tome, contenant le 'Dictionnaire Hébraïque & Chaldaïque'. Malgré le décès de Dom Pierre Guarini, l'impression continue grâce à Dom Nicolas le Tournois, élève de Guarini et professeur des Langues Orientales, qui achèvera le dictionnaire. La moitié de ce dernier est déjà imprimée et devrait être terminée en 1732. Les personnes n'ayant pas encore souscrit peuvent le faire en payant trente livres pour les deux premiers volumes et dix livres supplémentaires pour le dernier tome. Les souscriptions seront acceptées jusqu'à la fin de l'année 1730.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 1696-1718
TROISIÉME LETRE sur le Livre anoncé sous le titre de la BIBLIOTEQUE DES ENFANS, ou les premier élemens des letres.
Début :
Puisque vous le souhaités, Monsieur, en faveur de persones qui font usage [...]
Mots clefs :
Enfants, Carte, Méthode, Voyelles, A, B, C Français, A, B, C Latin, Exercice, Latin, Français, École, Consonnes, Jeux, Bureau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÉME LETRE sur le Livre anoncé sous le titre de la BIBLIOTEQUE DES ENFANS, ou les premier élemens des letres.
TROISIEME LETRE fur le
Livre anoncé fous le titre de la B1-
BLIOTEQUE DES ENFANS ,
les premiers élemens des letres .
Po
ou
Uifque vous le fouhaités , Monfieur ,
en faveur des perfones qui font ufage
du bureau tipografique , j'aurai encore
l'honeur de vous parler de la Biblioteque
des enfans , et de vous doner la fuite des
reflexions & des inftructions préliminalres
fur cet ouvrage. L'auteur qui m'a
confié fon manufcrit , eft d'ailleurs bien
aife de preffentir le gout du public avant
que de l'expofer à l'emplete , et qui pis
eft , à la lecture d'un livre dont il feroit
peut-être peu de cas par la fuite..
Un enfant capable de diftinguer les
couleurs & les objets fans les nomer , peut
en ètre amuſé de bone heure ; il ne s'agit
que du chois des objets qu'on lui préſente
pour le divertir , plutot que pour l'apliquer
d'une maniere nuifible : D'ailleurs
l'enfant fait conoitre fon dégout dès qu'il
le fent ; il ne faut donc jamais le forcer
au jeu ; l'on doit au contraire nourir &
entretenir en lui le defir de badiner avec
des objets inftructifs. Le tout confifte dans
ce point , & la diverfité des objets fervant
& tendant à mème fin , certaines heures
de
A O UST . 1730. 1697
I
de gaiété , de bone humeur , prifes avant
ou après les répas , donent plus de tems
qu'il n'en faut pour ce petit exercice . Des
images , des jetons , des médailles , des
letres ifolées fur des dés , ou fur des cartes à
jouer , ne divertiront pas moins un enfant,
que les vils morceaux d'un vafe caffé , et
autres chofes capables de lui faire du mal
come des bâtons; des couteaux, ou des ci
feaux , qu'on a trop fouvent la dangereuſe
complaifance de lui laiffer entre les mains
Il faut préferer à tous autres jeux l'ufage
& le jeu des letres , parce qu'elles font la
clé des arts-& - des fiences . Un enfant d'artifan
aprend de bone heure le nom des
outils de la boutique de fon pere; un anaṛ
tomiſte done à fon enfant des os & des
têtes de mort pour lui fervir d'amufe
ment et en même tems pour avoir ocafion
de lui montrer de bone heure les
premiers élemens de l'anatomie : ne peuton
pas en faire de même à l'égard des élé
mens des letres? La peinture , la gravure,
la fculpture , la broderie ; & c . pouroient
fournir à l'enfant d'un prince , d'un grand
feigneur , ou d'un home riche , diferens
jeux de letres de diverfes matieres
pres à le divertir & à l''inſtruire .
pro
On pouroit au lieu de cartes ordinaires
avoir des jetons, ou des letres fur une ma
tiere plus folide que cèle des cartes , come
~
Av dess
1698 MERCURE DE FRANCE
des tableaux , des cartons , ou des cartes doubles
& groffieres. On pouroit auffi fe fervir
utilement des fix faces des dés , et les
aranger come les letres des imprimeurs :
faute de dés il fufiroit d'avoir des letres
d'ivoire de buis , ou d'os , dont le noir &
le blancimiteroient l'impreffion ordinaire :
on pouroit faire cela pour un jeune prin
ce ; & le colombier du bureau tipografique
feroit pour lors garni de petits tiroirs
ou caffetins, remplis des letres fimples out
combinées qui fervent à marquer les fons
de la langue en laquelle on voudroit imprimer.
Mais le jeu des cartes achetées
a la livre & marquées de letres , me paroit
auffi fenfible , plus comode , moins
cher , et non moins inftruétif. D'ailleurs
les perfones qui aiment le jeu , ne defaprouveront
pas que les enfans aprenent
de bone heure à manier les cartes , et ceux
qui n'aiment pas le jeu , n'auront point
lieu de craindre qu'un enfant nouri &
élevé dans le jeu des cartes literaires , deviene
par là efclave de la paffion des autres
jeux de cartes. L'enfant n'aime dans
cet exercice que le côté des letres ; le petit
CANDIAC , du moins n'avoit de curiofité
que pour le dos des cartes , dont on luf
prefentoit les poins , ou les figures ; & s'il
n'y avoit rien far le dos des cartes , il les
donoit d'abord pour ètre employées util
lement
A O UST. 1730. 1699
lement au bureau . Le mouvement & le
manîment des cartes done à la main de
l'enfant une adreffe toute particuliere.
cèle
On pouroit encore par l'affemblage &
la combinaiſon des letres , faire un jeu
inftructif; des croix , des figures d'homes,
d'animaux et d'autres objets capables
d'exciter la curiofité & de reveiller l'atention
en variant tout, de tems en tems par
la nouveauté la dépenfe que l'on feroit
pour cela feroit toujours au-deffous de
qu'on fait pour de riches, mais ignorantes
bagateles . On met volontiers une
piftole à un noeud de ruban , ou à un bonet
pour un enfant, auquel on plaint fourvent
un mois d'inftruction : on done fans
neceffité un repas de dix piftoles à cinq
ou fix amis , pendant que l'on refufe a
fon enfant un livre de trente fous : la vanité
dédomageant dans l'un , on croit
Fautre pure perte : oferai -je dire que le
corps obtient le fuperflu , pendant que
l'efprit n'a pas le neceffaire. Cependant fi
Pon trouve cète métode trop chere &
trop pénible , on peut la laiffer à ceux
qui auront plus de bien, plus de patience,
et plus d'envie d'avancer de bone heure
feurs enfans. Il ne faut difputer ici ni des
gouts ni des génies ; mais on peut dire en
general que la faute des éducations manquées
, vient ordinairement des parens &
A vi des
1700 MERCURE DE FRANCE
'des maitres , plutot que des enfans : j'en
apele à l'experience ; chacun critique l'éducation
des enfans de fon voifin , pendant
qu'il s'aveugle fur celle des fiens propres .
On peut d'abord faire aprendre aux enfans
come à des peroquets , à prononcer
les voyeles & les confones ; et
par leur
nomination faire entrer les fons de la lan
gue françoife par l'oreille , avant que de
leur en montrer la figure aux ïeux : on
metra par là en exercice les organes de
la parole , fur tout fi l'on a foin de pro
noncer à haute voix lés fons de notre lan
gue fimples ou compofés. Et fi l'on s'aper
çoit que l'enfant ne prononce pas
facile
ment certaines letres de l'A BC , ou que
par le défaut de fes organes il articulef'une
pour l'autre , ou qu'enfin il ne foit
pas fidele écho , il eft bon pour lors de
repeter fouvent devant lui diftinctement
& à haute voix les fons qu'il ne peut exprimer
; et de ne lui point faire dire les
letres qu'il articulé en la place de cèles
qu'on lui demande : ce qui a fouvent leu ›
dans la prononciation du chè françois &
des letres C , R , G ; Z ; S , &c. Quand un
enfant en parlant prononce mal certaines
letres , et qu'il articule la foible pour la
forte 3 non -feulement il faut le reprendre,
mais il eſt bon encore d'éloigner de lui les
domeftiques qui ont le mème défaut ; fans
qui
A O UST . 1730. 170.1 °
quoi l'enfant rifque de conferver toujours
les prononciations vicieufes que pou
roient lui doner des gouvernantes ou des
valets de chambre..
Y.
e
Des cartes à jouer fans figures,fans poins;
& blanches des deux côtés , feront plaifir
à un enfant de deux ans ; mais s'il y a
des figures , des poins , & des letres , le
plaifir en fera plus grand . On peut donc
prendre des cartes au dos defqueles on
metra d'abord au milieu l'ABC , pour
inftruire & divertir un petit enfant ; l'on
dit au dos & au milieu des cartes , parce
que dans la fuite en fefant travailler au
bureau tipografique , on emploîra le haut -
& le coin ou l'angle du dos des cartes, pour
marquer les abreviations des mots No.
M' , M , M , S ' , S ", 3 ° , &c. ce qui
fait voir la neceffité de cete diftinction . Il
eft mieux de ne pas employer les cartes
à figures, et de choifir feulement les cartes
à poins , fupofé qu'on ne veuille pas en
faire faire exprès de toutes blanches &
petites come cèles des étrenes mignones ;
les poins des cartes peuvent encore fervir
à conter depuis un jufqu'à dix , ce qui
eft beaucoup pour un enfant de deux à
trois ans , puifque des peuples entiers
n'exprimoient , dit- on , les fomes au-delà
de ce nombre qu'en ouvrant plufieurs fois
les mains, Un enfant amufe de bone heure
Par
1702 MERCURE DE FRANCE
par ce jeu de letres , s'y livre avec plaiſir, &
par imitation voyant l'action & l'exemple
des autres il n'en conoit pas la raifon , il
n'y fent aucune peine , et c'eft ce que l'experience
perfuadera mieux que de fimples
raifonemens.
On doit paffer d'un objet à un autre , et
du fimple au compofé : c'eft pourquoi il
ne faut d'abord qu'une letre au milieu
d'une carte , començant par les voyeles
avant que de paffer aux confones , et employant
les grandes letres avant que de
doner les petites. Des cartes avec les letres
donées à deviner , ont l'air d'un jeu plu
tôt que
d'une étude : on comence la premiere
leçon par les cinq voyeles , à caufe
qu'elles font plus faciles à prononcer. On
a , par exemple,un jeu de vint - cinq cartes,
favoir cinq cartes marquées d'un A ; cinq
cartes marquées d'un E ; autant pour
chacune des autres voyeles, J, O, U : après
quoi l'on bat les cartes , on coupe & l'on
fait nomer les letres à l'enfant. Dans la
fuite , pour diminuer le nombre des carres
& rendre la leçon ou le jeu plus utile ,
on marquera cinq cartes chacune avec les
cinq voyeles , favoir les quatre coins avec
A, E , O , V , et le milieu avec Ƒ' , pour
la leçon des cinq voyeles , et l'on tournéra
la carte de l'autre fens quand on vou
dra y montrer les cinq petites voyeles à
côté des grandes, Quand
A O UST . 1730. 1703
Quand l'enfant fait le jeu des cinq voyeles
A , E , 1,0 , V , on y joint une carte
du jeu des confones prifes au hazard entre
cèles qu'il prononce le mieux , fans
s'affervir à l'ordre abecedique : on peut
donc augmenter le jeu en ajoutant la carte
du B , du D , & c. et doner à la confonet
fon nom réel & efectif au lieu du nom
vulgaire , lorfqu'il peut induire en erreur.
Puifqu'on ne done plus les noms
d'Aleph , Beth , & d'Alpha , Beta , &c.
aux caracteres de l'a b c , latin & françois
, l'auteur a cru pouvoir fe fervir des
mots abe ce & abecedique , au lieu des
mots alfabet et alfabetique , afin de
ne pas faire à de petits enfans un mistere
d'une chofe auffi fimple. Après avoir
donc comancé par le jeu des cinq voyeles
A, E ,J , O,U , à caufe de leur prononciation
aifée ; il s'agit de paffer aux confones,
et de leur doner le nom qui leur convient
le mieux , par raport à l'ufage & à
Péfet de ces mèmes letres combinées avec
les autres , d'abord on done un nom pro-
-pre , réel & efectif d'une filabe , à là letre
, fi elle n'eft employée que pour un
fon , ou qu'elle ait un nom particulier ,
et non comun aux autres , come Be , De ,
Fe , He, Le , Me , Ne , Pe , Re , Ve , Ze,
و
c. Il faut donc , à l'exemple des Muficiens
, doner aux letres feules ou combinées
1704 MERCURE DE FRANCE
nées le fon qu'elles exigent & qu'elles reçoivent
, fort ou foible , felon l'endroit
où elles font placées ; affervir les caracteres
aux fons , er non les fons aux caractéres
; continuer de la forte l'ufage des
combinaiſons ; imiter les Muficiens qui
content pour rien l'erreur & le nom de
la note , pourvu que l'on prène le ton ,
et que l'on chante jufte l'intervale dont
il s'agit dans la leçon qu'un écolier aprend
à dechifrer , ou à folfier , pour épeler ,
par exemple , les mots cacus , gigas , & c.
on dira ce , e , cæ ; qu , u , ce ; qus. cæcus;
je, i gi gu , a , ce , gas , gigas , & c .
-
Il femble que l'é muet devroit fervir ,
pour ainfi dire , d'ame aux confones
plutot qu'une autre voyele ; cet e muet
n'eft qu'une émiffion de voix qui foutient
cète confone ; et fans l'apui de cete émiffron
de voix ou e muet , les confones frnales
, ou fuivies d'autres confones , re
fauroient ètre prononcées. La voyele e é- -
tant plus aifée à prononcer & moins mar
quée que les autres , paroit ètre préferable
pour l'élifion néceffaire. En lifant ou épolant
, par exemple , le petit mot flos , l'enfant
qui neconoit que les letres& leur va
leur réele , par leur veritable nom , dira
felon cete métade fe , leo , ce , lefquels
uatre fons aprochent plus du vrai fon
qu mot flos , que les fons fuivans , effe : 25
ella
AOUST.. 1730. 1705
elle , o , effe , de la metode vulgaire , et
pour lire le grand mot flabellifer , l'enfant.
qui ne conoit que les letres & leur valeur
réele , par leur veritable nom , dira felon
cete metode fe , le , a , be , le , le , i ,fe, re,
lesquels neuf fons aprochent bien plus du
vrai fon du mot flabellifer, que les fons
fuivans , effe , elle , a , be , e , elle elle , i
effe , e, erre. On laiffe à l'oreille du lec
teur équitable à decider laquelle des deux
manieres d'apeler les letres , rend plus facilement
, et immediatement le fon de flos
& de flabellifer. Dans la premiere metode
en nomant les letres rapidement on lit ,
dans la derniere , on a beau les apeler tres
vite , on eft obligé de fuprimer une partie
des letres & des filabes inutiles dans les
noms faux & vulgaires des letres pour
avoir le veritable fon , cherché , deviné
ou dechifré par tradition & par routine ,
plutot que par des principes qui le produifent.
L'auteur cependant fe fert de l'é
fermé pour nomer les letres en latin, quoiqu'il
fache qu'il feroit beaucoup mieux de
n'employer que l'e muet,ainsi qu'il le fera
faire en françois ; mais les latins ne conoiffoient
pas expreffément l'ufage de l'e
muet ; il femble meme qu'il aproche fort
de la voyele françoife en ou de l'e muet
foutenu ; on s'eft donc éloigné le moins
qu'il a été poffiblo de la métode vulgaire
lorfque
1
1706 MERCURE DE FRANCË
lorfque l'on a pu s'en fervir par raport aur
but principal de faciliter la lecture aux enfans
. Quoique la prononciation de la langue
latine foit morte,on ne peut pas douter
qu'ele n'ût des e diferens & plus ou
verts les uns que les autres.
Lorfqu'un enfant eft ferme fur l'A , B,
C, des grandes letres de la premiere , de
la fegonde & de la troifieme leçon du lìvre
de l'enfant, il aprendra presque de lui
mème les petites letres fi on les ajoutefur
les mêmes cartes à coté des grandes ; come
Aa , Bb , & c , de la quatriéme leçon ;
après quoi on lui montrera feparément
les petites letres de la cinquiéme leçon , le
tout , peu à peu , fans impatience , en badinant
& prenant le bon moment de
l'enfant . Pour faciliter ce petit exercice ,
on peut fe fervir des memes cartes dont
on a joué pour les grandes letres ou capitales
; un enfant voit avec plaifir écrire
le petit a à coté du grand 4 : & ainfi
de toutes les letres : il afectione les cartes
qu'il voit preparer pour lui ; la foibleffe ,
fa legereté & la vivacité d'un enfant de
deux à trois ans , ne permetent pas de
lui montrer les letres dans les livres des
A , B , C, ordinaires ; les letres en font
ordinairement trop petites , trop ferées &
en trop grande quantité dans la meme
page ; c'est pourquoi l'auteur a fait remarquer
AOUST. 1730. 1707
marquer qu'on metoit fouvent un enfant
trop tard à l'A , B , C , et trop tôt fur
les livres ; un enfant eft pour lors plus
embaraffé qu'un home qui vèroit une
grande page remplie de petits caracteres
inconus , arabes ou chinois.
L'on peut avoir des A, B , C , en noir ,
en rouge , en bleu & en autant de couleurs
que l'on voudra , cete diverfité eſt
toujours à l'avantage de l'enfant : on peut
les employer indiferament au comancement
; mais dans la fuite les letres noires
& les rouges , ferviront pour diftinguer
le romain & l'italique , le latin & le
françois , dans la compofition à faire au
bureau tipografique.
Quand l'enfant eft affuré fur toutes les
letres , l'on peut avoir un a , b , c , capital
fur un carton , fur de la toile cirée ou
non cirée , fur des ardoifes , fur un tableau
, fur un placard , fur un écran , fur
an éventail , für des canevas , & c . felon
le lieu , la faifon , les perfones & les facilités
que l'on a pour cet exercice : mais
le jeu des cartes marquées d'une letre
l'emporte fur tous les autres jeux. L'on
peut placarder des Aa , B'b , &c. à
la hauteur de l'enfant , deriere ou devant
certaines portes où il paffe & repaffe
, le tout felon la fituation de fon
apartement ou de ceux qu'il parcourt ; ce
que
1708 MERCURE DE FRANCE
"
que l'on obfervera également pour les combinaifons
du'ab , eb , ib , ob , ub , & c. ba,
be , bi , bo , bu , & c. bla , ble , bli , blo ,
blu , &c. bra , bre , bri , bro , brú , & c.
l'on peut
écrire en gros caracteres
ou faire imprimer fur de grandes feuilles
2 pouvoir coler fur des cartes , des cartons
, ou dans des quadres propres à orner
la chambre de l'enfant.
que
A mesure que le jeu de cartes dont on
joue avec l'enfant groffit d'un côté , on
le diminue de l'autre , en ne laiffant
qu'une ou deux cartes de la meme letre,
juſqu'à ce que l'A , B, C , foit reduït
à une feule carte pour chaque letre fimple
ou double , grande ou petite , &c. Les
cartes retranchées du gros jeu fervent à
un autre joueur ; car l'enfant liroit dix a,
b, c , de fuite prefentés par dix perfones
plus volontiers & avec plus de plaiſir
qu'il n'en liroit trois prefentés par le
meme joueur. Un enfant's'imagine enfuite
que chacun a für foi de pareils jeux ,
et les demande avec importunité ; c'eft
pourquoi on fe les prere à l'infçu de l'enfant.
On done auffi les letres à deviner
aux perfones prefentes , qui voulant bien
fe prêter au badinage inftructif , afectent
de mal nomer les lètres; l'enfant triomfe
de pouvoir reprendre , car la vanité precede
la parole , et l'on doit metre tour à
profit.
AOUST. 1730. 1709 .
profit. Pour augmenter le jeu des cartes
de l'A , B , C , on poura y ajouter le jeu
des petites letres , et comancer par celes
qui ont prefque la meme forme & figure
que leurs capitales ; par exemple , Cc ,
Ĵj , Kk , Pp , SS , Vv , Yy , Zz ,
&c. et paffer enfuite aux autres letres , fans
s'affervir à l'ordre abecedique.
Si le public goutoit cète metode , on
pouroit avoir des A, B, C, fur des jetons,
fur des fiches à jouer , fur des dés , tant
pour les fons que pour les lètresson pouroit
mème faire des jeux.come ceus de l'oie , de
la chouete , des dames , & c. chacun peut,
felan fon gout & fon imagination , faire
mieux que ce que l'auteur propofe , obfervant
toujours de varier & de confulter
auffi le gout de l'enfant , fon inclination
& fon plaifir , qui font dans un fens la
baze de ce petit fifteme. Ceux qui voudront
fe fervir de cete metode dans les
maifons particulieres doivent avoir les
letres de l'A , B , C , imprimées ou écrites.
On en peut découper & les coler
fur des cartes à jouer qu'on achete à la
livre. Mais come tout le monde n'a pas
ocafion de trouver ou de faire de femblables
caracteres , il feroit beaucoup mieux.
que les imprimeurs ou les cartiers en
vouluffent acomoder le public , n'employant
pour cela que les cartes ou les
cartons
1710 MERCURE DE FRANCE
cartons de rebut. En atendant l'introduction
de cet ufage , et que l'on goute la
metode propofee , on peut s'adreffer aux
religieux qui ont des A , B , C , à jour
fur des plaques de cuivre. On trouve
encore de ces caracteres à jour dans les
églifes catedrales ou collegiales des provinces.
Le plus court fera d'en faire acheter
à Paris chés les ouvriers qui en font,
alors il fera aifé de faire imprimer tout
de fuite vint ou trente A , B , C , imprimant
vint & trente A , fur autant de
cartes rangées fur une table ; enfuite vint
ou trente B , & tout l'A, B , C , de la
meme maniere. Un domeftique peut être
d'abord mis au fait de cète petite imprimerie
; et cete ocupation , aux ïeux de l'enfant
produira autant de bien que produifent
ordinairement de mal l'oifiveté ,
les mauvais difcours & les mauvais exemples
des perfones chargées de l'enfant.
و
On pouroit fe fervir utilement de cète
metode dans les petites écoles où l'on n'envoie
bien fouvent les enfins que pour y etre
affis & en etre debaraffé lorfqu'on veut
etre libre chés foi , ou pouvoir aler perdre
ailleurs fon tems & fon argent. Si l'on
vouloit donc fuivre ou effaïer cète metode
dans les écoles , il faudroit metre entre'
les mains des enfans plufieurs jeux de cartes
ou de cartons literaires , & l'on pouroit
doner
AOUST. 1730. 1711
doner leçon à plufieurs enfans à la fois ,
ce qui exciteroit , & entretiendroit parmi
eux une noble émulation literaire . Les
écoles de petites filles que tienent les dames
religieufes, pouroient auffi mieux que
perfone faire l'effai de cete metode. Ou
tre les jeux de cartes , marquées de letres ,
ces dames pouroient avoir des A, B , C ,
des ab , eb , ib , ob , ub , &c. ba , be , bi
bo , bu , &c. fur des cartons ou fur des tableaux
exprès , que l'on montreroit aux
enfans come des curiofités. Une leçon publique,
et la démonftration des letres & des
fons de la langue françoife , feroit plus
agréable ou moins ennuyeufe pour la regente,
et mème pour les écolieres ; les murailles
de l'école doivent être le livre public
où les enfans trouveront les élémens ,
des letres , en atendant qu'ils foient en
état de fe fervir d'un livre tel que l'au-,
teur le propoſe , et qu'il a tâché de faire
exprès.Si les perfones zelées & charitables
qui dirigent les écoles des pauvres , n'étoient
pas fi efclaves des métodes vulgaires
, il feroit aifé de leur faire voir combien
il y auroit à gagner en fuivant la mérode
propofée ici .
Lorfqu'un enfant prend gour à l'exercice
du jeu abecedique , il faut lui doner,
une caffete habillée ou couverte de letres
dans laquelle il puiffe tenir les jeux de
carte s
1712 MERCURE DE FRANCE
cartes qu'on lui fait & qu'on lui done ;"
il eft bien-aife d'avoir la proprieté des
chofes , et la crainte d'être privé de ce petit
meuble peut fervir quelquefois à r'animer
le gout literaire. Cete caffete a paru
neceffaire , et l'on a cru pouvoir en faire
fervir les faces aux leçons de l'enfant.:
c'eft-là fon premier livre , ou du moins
c'en font les premieres pages. Si l'on s'amufe
avec des écrans & des éventails .
pourquoi des enfans ne s'amuferoient - ils
pas avec cète caffete ? Ils ont en petit le
mélange de toutes les paffions ; on doit les
étudier , les tourner à leur avantage , &
metre les enfans en état de montrer les
letres à leurs petits freres ou petites foeurs
s'ils en ont , come a fait le petit Goffard ,
cité dans la letre inferée dans le Mercure
de Juillet 1730. Rien n'anime tant un enfant
que de fe voir des écoliers. Le petit
Candiac montroit à lire à des enfans deux
fois plus agés que lui .
Il faudra auffi doner à l'enfant un petit
bureau come ceux de la Pofte , fur lequel
il puiffe ranger toutes les letres qu'il tirera
de la caffeté , & qu'il nomera plufieurs
fois , en continuant feul ce badinage ,
meme avec encor plus de plaifir s'il y a
quelque fpectateur qui applaudiffe & qui
done du courage . Par le moyen de ce bureau
, on peut épargner aux enfans des
princes
AOUST. 1730. 1713
princes , et des grans feigneurs bien de la
peine , bien du dégout & bien du tems ,
en fefant travailler au bureau du PRINCE &
devant LUI , quelque digne enfant drelé
pour cet inftructif & amulant exercice .
L'auteur donera fur tous les fons, quelques
exemples de la maniere dont on doit
faire apeler les letres en commençant à
compofer , à imprimer & à lire, felon cete
metode . Car dès le premier jour de l'exercice
, on peut faire l'un & l'autre . On donera
des exemples faits exprès à l'égard
des lètres dont on a un peu changé le
nom , en faveur du fon & de la valeur
réelle & efective des caracteres ; et c'eft
pour cela que l'auteur a compofé des lignes
de quelques mots latins ou arbitraires,
moins foumis aux règles ordinaires de
la lecture ; car d'ailleurs il n'eft prefque
pas neceflaire d'épeler , quand on fuit la
metode des fons exprimés par une filabe ,
qui réponde au veritable fon local des letres
& des caracteres fimples & doubles .
Nous aprenons à parler machinalement
par l'articulation & par la converfation ,
mais pour la lecture & l'écriture , il faut
quelque chofe de plus , c'eft un art qu'on
peut & qu'on doit perfectioner en tâchant
de le rendre plus aifé , plus agréable
& plus utile. Cet art eft la clé des
fiences , qui font le bonheur de toutes
B
log
1714 MERCURE DE FRANCE
les nations policées , et c'eft en vue de l'utilité
publique , que l'auteur done l'heureux
effai de cete metode. Il eft prefque
impoffible de montrer à lire par principes
, il y a trop de bizarerie dans l'ufage
des letres, et encore plus dans l'ortografe.
On eft donc réduit à la routine , mais il
ne s'enfuit pas qu'on ne la puiffe rectifier
en donantune métode pour tout ce qui en
eft fufceptible , et réduifant aux princi
pes tout ce qui peut abreger & perfectioner
l'art de montrer les letres aux petits
enfans. On fe ate de l'avoir fait
d'une maniere heureufe & facile , en forte
que les plus grandes dificultés , et prefque
toutes les bizareries de l'ufage fe trouvent
& s'aprenent tres facilement par
l'exercice ou par la pratique des principes
qu'on a donés pour l'ufage du bureau
tipografique.
On ne fauroit, au refte, trop recomander
aux perfones qui montrent les letres aux
enfans, de les faire paffer peu à peu & par
degrés aux filabes les plus dificiles , ce
qui eft , je penfe , une fuite de la vraie metode
de montrer à lire , néanmoins outre
le livre ordinaire , on en doit de tems en
tems prefenter d'autres aus enfans , leur
faire dire les letres , les filabes & les mots
â l'ouverture du livre , et ne pas imiter
seux qui ne favent lire que dans un livre ,
preuve
A O UST. 1730. 1715
preuve de la pure routine & de la mémoire
locale qui font toute la fience d'un
enfant mal montré.
-
Un autre exercice agréable & inftructif
c'eft de faire deviner à un enfant la premiere
letre de chaque mot qu'on lui dit
à haute voix ; et enfuite la fegonde , la
troifiéme , et les autres letres de chaque
filabe des mots , fur tout les confones
initiales , C , G , J , S , T, V , X , Y, Z ,
&c. on en a fait l'experience fur un enfant
de trois ans & trois mois , il n'en
manquoit pas une des initiales , et devinoit
facilement les autres dans de petits
mots. Il faut cependant remarquer
que les voyeles étant plus fenfibles que les
confones , elles font auffi plus aifées à deviner
; c'eft pourquoi l'enfant de trois ans
qui conoit bien les letres , fi on lui demande
, par exemple , la premiere letre
ou le premier fon d'un des mots bale
vile , fote , lune , &c dira que c'eft l'a , l'i ,
l'o , ou l'u. Ces confones initiales font peu
d'impreffion fur les organes de l'enfant ;
la cadence & la tenue en fait de muſique ,
la quantité grammaticale , ou la durée du
fon , ne tombent que fur le fon des voyeles
, & non fur celui des confones : il faut
donc montrer à l'enfant l'art de trouver
la confone , après qu'il a fu trouver la
voyele , et pour cela il fufit de lui apren-
Bij dre
>
1716 MERCURE DE FRANCE
dre à fubftituer la voyele e à la place de
l'autre voyele devinée ,, par exemple ,
changeant en e l'a du mot bale , on dira bele,
et l'enfant fent pour lors la filabe initiale
be , ou le nom doné au caractere b . Cela
eft fi vrai , que fi l'on demande à l'enfant
la premiere letre d'un des mots benir, ceci ,
denier , fenètre , qualité , &c . il répondra
fans hefter que c'eft le be , le ce , le de ,
Le fe,le ka & c. & il eft bon de remarquer ici
l'utilité des noms Ceke , feja , He , Gega,
Ve , &c. donez aux letres C , J , H , G ,
V , puifque c'eft à l'aide de ces dénominations
que l'enfant aprend à diftinguer &
à défigner le fon des letres & des mots
qu'on lui prononce : c'est donc par le
moyen de la voyele auxiliaire ou empruntéc
l'enfant
que
aquerra dans peu la facilité
de deviner également les confones &
les voyeles ; cela paroitra clair & démontré
par la pratique de cète métode qui enfeigne
en peu de tems l'ortografe de l'oreille
ou des fons , en atendant cele des
ïeux , ou de l'ufage .
Avant l'age de trois ans & demi le petit
CANDIAC favoit diftinguer & dicter
tous les fons des mots qu'on lui prononçoit
en latin ou en françois , aïant aquis
P'ortografe des fons avec la parole ; ce
qu'il n'auroit pas fait s'il n'avoit jamais û
que des ABC ordinaires , et qu'il ût apelé
les
AOUST . 1730. 1717
les confones f, g , h , j , l , m , n , r , f, v ,
x, y , z, &c. du nom vulgaire de plufieurs
filabes , nom qui induit en erreur , qui
éloigne du bon & vrai fon , et qui en
fournit un faux ou captieux pour la fubftitution
neceffaire dans l'art d'épeler : par
exemple, dans le mot cacumen , la routine
ordinaire dit , fe , a , ka ; fe , u , qu , cacu;
lieuque
au
feemme
, e , enne , men , cacumen ;
la métode de l'auteur l'on dira ka , a , ka;
qu , u , qu ; cacu , me , e , men ; cacumen ,
&c. Il n'y a point d'oreille qui ne ſente
en dépit des feux , la fuperiorité de cète
métode fur la métode vulgaire , on le
fera voir plus au long en montrant à lire
du latin & du françois,
Pour imprimer cet ABC , on croit qu'il
fera bon d'y metre des filabes & des mots
latins fans fuite ni fens , plutot que de
faire imprimer en filabes disjointes ou divifées
les mots des prieres que l'enfant
n'entend point & qu'il retient ailément ,
fur tout s'il récite déja les mèmes prieres
foir & matin. Les maitres , les parens &
les enfans en font les dupes , quoique
d'une maniere diferente. Cependant pour
confacrer les prémices du favoir de l'enfant
, on poura imprimer les prieres latines
après quelques pages de filabes choifies
exprès,pour faire lire peu à peu & par
degrés les principales dificultés des mots
B iij
ou
1718 MERCURE DE FRANCE
ou des filabes . Aïant imprimé des monofilabes
féparés les uns des autres , il ne
fera pas enfuite neceffaire de féparer ainſi
les filabes du Pater , de l'Ave & du Credo,
&c. come on le fait peut-être mal- à - propos
dans les livres ordinaires des ABC.
La priere eft un exercice fi férieux & fi
néceffaire , qu'on ne fauroit trop tôt y
acoutumer les enfans ; mais par respect
pour la priere mème , on ne devroit pas
d'abord les metre à cète lecture , de crainte
de trop de routine , et de pure articulation
: il feroit donc mieux après l'A
BC françois de faire imprimer en deux
colones les prieres en latin & en françois
afin que l'enfant les comprit plutot les
lifant & les récitant en chaque langue..
Livre anoncé fous le titre de la B1-
BLIOTEQUE DES ENFANS ,
les premiers élemens des letres .
Po
ou
Uifque vous le fouhaités , Monfieur ,
en faveur des perfones qui font ufage
du bureau tipografique , j'aurai encore
l'honeur de vous parler de la Biblioteque
des enfans , et de vous doner la fuite des
reflexions & des inftructions préliminalres
fur cet ouvrage. L'auteur qui m'a
confié fon manufcrit , eft d'ailleurs bien
aife de preffentir le gout du public avant
que de l'expofer à l'emplete , et qui pis
eft , à la lecture d'un livre dont il feroit
peut-être peu de cas par la fuite..
Un enfant capable de diftinguer les
couleurs & les objets fans les nomer , peut
en ètre amuſé de bone heure ; il ne s'agit
que du chois des objets qu'on lui préſente
pour le divertir , plutot que pour l'apliquer
d'une maniere nuifible : D'ailleurs
l'enfant fait conoitre fon dégout dès qu'il
le fent ; il ne faut donc jamais le forcer
au jeu ; l'on doit au contraire nourir &
entretenir en lui le defir de badiner avec
des objets inftructifs. Le tout confifte dans
ce point , & la diverfité des objets fervant
& tendant à mème fin , certaines heures
de
A O UST . 1730. 1697
I
de gaiété , de bone humeur , prifes avant
ou après les répas , donent plus de tems
qu'il n'en faut pour ce petit exercice . Des
images , des jetons , des médailles , des
letres ifolées fur des dés , ou fur des cartes à
jouer , ne divertiront pas moins un enfant,
que les vils morceaux d'un vafe caffé , et
autres chofes capables de lui faire du mal
come des bâtons; des couteaux, ou des ci
feaux , qu'on a trop fouvent la dangereuſe
complaifance de lui laiffer entre les mains
Il faut préferer à tous autres jeux l'ufage
& le jeu des letres , parce qu'elles font la
clé des arts-& - des fiences . Un enfant d'artifan
aprend de bone heure le nom des
outils de la boutique de fon pere; un anaṛ
tomiſte done à fon enfant des os & des
têtes de mort pour lui fervir d'amufe
ment et en même tems pour avoir ocafion
de lui montrer de bone heure les
premiers élemens de l'anatomie : ne peuton
pas en faire de même à l'égard des élé
mens des letres? La peinture , la gravure,
la fculpture , la broderie ; & c . pouroient
fournir à l'enfant d'un prince , d'un grand
feigneur , ou d'un home riche , diferens
jeux de letres de diverfes matieres
pres à le divertir & à l''inſtruire .
pro
On pouroit au lieu de cartes ordinaires
avoir des jetons, ou des letres fur une ma
tiere plus folide que cèle des cartes , come
~
Av dess
1698 MERCURE DE FRANCE
des tableaux , des cartons , ou des cartes doubles
& groffieres. On pouroit auffi fe fervir
utilement des fix faces des dés , et les
aranger come les letres des imprimeurs :
faute de dés il fufiroit d'avoir des letres
d'ivoire de buis , ou d'os , dont le noir &
le blancimiteroient l'impreffion ordinaire :
on pouroit faire cela pour un jeune prin
ce ; & le colombier du bureau tipografique
feroit pour lors garni de petits tiroirs
ou caffetins, remplis des letres fimples out
combinées qui fervent à marquer les fons
de la langue en laquelle on voudroit imprimer.
Mais le jeu des cartes achetées
a la livre & marquées de letres , me paroit
auffi fenfible , plus comode , moins
cher , et non moins inftruétif. D'ailleurs
les perfones qui aiment le jeu , ne defaprouveront
pas que les enfans aprenent
de bone heure à manier les cartes , et ceux
qui n'aiment pas le jeu , n'auront point
lieu de craindre qu'un enfant nouri &
élevé dans le jeu des cartes literaires , deviene
par là efclave de la paffion des autres
jeux de cartes. L'enfant n'aime dans
cet exercice que le côté des letres ; le petit
CANDIAC , du moins n'avoit de curiofité
que pour le dos des cartes , dont on luf
prefentoit les poins , ou les figures ; & s'il
n'y avoit rien far le dos des cartes , il les
donoit d'abord pour ètre employées util
lement
A O UST. 1730. 1699
lement au bureau . Le mouvement & le
manîment des cartes done à la main de
l'enfant une adreffe toute particuliere.
cèle
On pouroit encore par l'affemblage &
la combinaiſon des letres , faire un jeu
inftructif; des croix , des figures d'homes,
d'animaux et d'autres objets capables
d'exciter la curiofité & de reveiller l'atention
en variant tout, de tems en tems par
la nouveauté la dépenfe que l'on feroit
pour cela feroit toujours au-deffous de
qu'on fait pour de riches, mais ignorantes
bagateles . On met volontiers une
piftole à un noeud de ruban , ou à un bonet
pour un enfant, auquel on plaint fourvent
un mois d'inftruction : on done fans
neceffité un repas de dix piftoles à cinq
ou fix amis , pendant que l'on refufe a
fon enfant un livre de trente fous : la vanité
dédomageant dans l'un , on croit
Fautre pure perte : oferai -je dire que le
corps obtient le fuperflu , pendant que
l'efprit n'a pas le neceffaire. Cependant fi
Pon trouve cète métode trop chere &
trop pénible , on peut la laiffer à ceux
qui auront plus de bien, plus de patience,
et plus d'envie d'avancer de bone heure
feurs enfans. Il ne faut difputer ici ni des
gouts ni des génies ; mais on peut dire en
general que la faute des éducations manquées
, vient ordinairement des parens &
A vi des
1700 MERCURE DE FRANCE
'des maitres , plutot que des enfans : j'en
apele à l'experience ; chacun critique l'éducation
des enfans de fon voifin , pendant
qu'il s'aveugle fur celle des fiens propres .
On peut d'abord faire aprendre aux enfans
come à des peroquets , à prononcer
les voyeles & les confones ; et
par leur
nomination faire entrer les fons de la lan
gue françoife par l'oreille , avant que de
leur en montrer la figure aux ïeux : on
metra par là en exercice les organes de
la parole , fur tout fi l'on a foin de pro
noncer à haute voix lés fons de notre lan
gue fimples ou compofés. Et fi l'on s'aper
çoit que l'enfant ne prononce pas
facile
ment certaines letres de l'A BC , ou que
par le défaut de fes organes il articulef'une
pour l'autre , ou qu'enfin il ne foit
pas fidele écho , il eft bon pour lors de
repeter fouvent devant lui diftinctement
& à haute voix les fons qu'il ne peut exprimer
; et de ne lui point faire dire les
letres qu'il articulé en la place de cèles
qu'on lui demande : ce qui a fouvent leu ›
dans la prononciation du chè françois &
des letres C , R , G ; Z ; S , &c. Quand un
enfant en parlant prononce mal certaines
letres , et qu'il articule la foible pour la
forte 3 non -feulement il faut le reprendre,
mais il eſt bon encore d'éloigner de lui les
domeftiques qui ont le mème défaut ; fans
qui
A O UST . 1730. 170.1 °
quoi l'enfant rifque de conferver toujours
les prononciations vicieufes que pou
roient lui doner des gouvernantes ou des
valets de chambre..
Y.
e
Des cartes à jouer fans figures,fans poins;
& blanches des deux côtés , feront plaifir
à un enfant de deux ans ; mais s'il y a
des figures , des poins , & des letres , le
plaifir en fera plus grand . On peut donc
prendre des cartes au dos defqueles on
metra d'abord au milieu l'ABC , pour
inftruire & divertir un petit enfant ; l'on
dit au dos & au milieu des cartes , parce
que dans la fuite en fefant travailler au
bureau tipografique , on emploîra le haut -
& le coin ou l'angle du dos des cartes, pour
marquer les abreviations des mots No.
M' , M , M , S ' , S ", 3 ° , &c. ce qui
fait voir la neceffité de cete diftinction . Il
eft mieux de ne pas employer les cartes
à figures, et de choifir feulement les cartes
à poins , fupofé qu'on ne veuille pas en
faire faire exprès de toutes blanches &
petites come cèles des étrenes mignones ;
les poins des cartes peuvent encore fervir
à conter depuis un jufqu'à dix , ce qui
eft beaucoup pour un enfant de deux à
trois ans , puifque des peuples entiers
n'exprimoient , dit- on , les fomes au-delà
de ce nombre qu'en ouvrant plufieurs fois
les mains, Un enfant amufe de bone heure
Par
1702 MERCURE DE FRANCE
par ce jeu de letres , s'y livre avec plaiſir, &
par imitation voyant l'action & l'exemple
des autres il n'en conoit pas la raifon , il
n'y fent aucune peine , et c'eft ce que l'experience
perfuadera mieux que de fimples
raifonemens.
On doit paffer d'un objet à un autre , et
du fimple au compofé : c'eft pourquoi il
ne faut d'abord qu'une letre au milieu
d'une carte , començant par les voyeles
avant que de paffer aux confones , et employant
les grandes letres avant que de
doner les petites. Des cartes avec les letres
donées à deviner , ont l'air d'un jeu plu
tôt que
d'une étude : on comence la premiere
leçon par les cinq voyeles , à caufe
qu'elles font plus faciles à prononcer. On
a , par exemple,un jeu de vint - cinq cartes,
favoir cinq cartes marquées d'un A ; cinq
cartes marquées d'un E ; autant pour
chacune des autres voyeles, J, O, U : après
quoi l'on bat les cartes , on coupe & l'on
fait nomer les letres à l'enfant. Dans la
fuite , pour diminuer le nombre des carres
& rendre la leçon ou le jeu plus utile ,
on marquera cinq cartes chacune avec les
cinq voyeles , favoir les quatre coins avec
A, E , O , V , et le milieu avec Ƒ' , pour
la leçon des cinq voyeles , et l'on tournéra
la carte de l'autre fens quand on vou
dra y montrer les cinq petites voyeles à
côté des grandes, Quand
A O UST . 1730. 1703
Quand l'enfant fait le jeu des cinq voyeles
A , E , 1,0 , V , on y joint une carte
du jeu des confones prifes au hazard entre
cèles qu'il prononce le mieux , fans
s'affervir à l'ordre abecedique : on peut
donc augmenter le jeu en ajoutant la carte
du B , du D , & c. et doner à la confonet
fon nom réel & efectif au lieu du nom
vulgaire , lorfqu'il peut induire en erreur.
Puifqu'on ne done plus les noms
d'Aleph , Beth , & d'Alpha , Beta , &c.
aux caracteres de l'a b c , latin & françois
, l'auteur a cru pouvoir fe fervir des
mots abe ce & abecedique , au lieu des
mots alfabet et alfabetique , afin de
ne pas faire à de petits enfans un mistere
d'une chofe auffi fimple. Après avoir
donc comancé par le jeu des cinq voyeles
A, E ,J , O,U , à caufe de leur prononciation
aifée ; il s'agit de paffer aux confones,
et de leur doner le nom qui leur convient
le mieux , par raport à l'ufage & à
Péfet de ces mèmes letres combinées avec
les autres , d'abord on done un nom pro-
-pre , réel & efectif d'une filabe , à là letre
, fi elle n'eft employée que pour un
fon , ou qu'elle ait un nom particulier ,
et non comun aux autres , come Be , De ,
Fe , He, Le , Me , Ne , Pe , Re , Ve , Ze,
و
c. Il faut donc , à l'exemple des Muficiens
, doner aux letres feules ou combinées
1704 MERCURE DE FRANCE
nées le fon qu'elles exigent & qu'elles reçoivent
, fort ou foible , felon l'endroit
où elles font placées ; affervir les caracteres
aux fons , er non les fons aux caractéres
; continuer de la forte l'ufage des
combinaiſons ; imiter les Muficiens qui
content pour rien l'erreur & le nom de
la note , pourvu que l'on prène le ton ,
et que l'on chante jufte l'intervale dont
il s'agit dans la leçon qu'un écolier aprend
à dechifrer , ou à folfier , pour épeler ,
par exemple , les mots cacus , gigas , & c.
on dira ce , e , cæ ; qu , u , ce ; qus. cæcus;
je, i gi gu , a , ce , gas , gigas , & c .
-
Il femble que l'é muet devroit fervir ,
pour ainfi dire , d'ame aux confones
plutot qu'une autre voyele ; cet e muet
n'eft qu'une émiffion de voix qui foutient
cète confone ; et fans l'apui de cete émiffron
de voix ou e muet , les confones frnales
, ou fuivies d'autres confones , re
fauroient ètre prononcées. La voyele e é- -
tant plus aifée à prononcer & moins mar
quée que les autres , paroit ètre préferable
pour l'élifion néceffaire. En lifant ou épolant
, par exemple , le petit mot flos , l'enfant
qui neconoit que les letres& leur va
leur réele , par leur veritable nom , dira
felon cete métade fe , leo , ce , lefquels
uatre fons aprochent plus du vrai fon
qu mot flos , que les fons fuivans , effe : 25
ella
AOUST.. 1730. 1705
elle , o , effe , de la metode vulgaire , et
pour lire le grand mot flabellifer , l'enfant.
qui ne conoit que les letres & leur valeur
réele , par leur veritable nom , dira felon
cete metode fe , le , a , be , le , le , i ,fe, re,
lesquels neuf fons aprochent bien plus du
vrai fon du mot flabellifer, que les fons
fuivans , effe , elle , a , be , e , elle elle , i
effe , e, erre. On laiffe à l'oreille du lec
teur équitable à decider laquelle des deux
manieres d'apeler les letres , rend plus facilement
, et immediatement le fon de flos
& de flabellifer. Dans la premiere metode
en nomant les letres rapidement on lit ,
dans la derniere , on a beau les apeler tres
vite , on eft obligé de fuprimer une partie
des letres & des filabes inutiles dans les
noms faux & vulgaires des letres pour
avoir le veritable fon , cherché , deviné
ou dechifré par tradition & par routine ,
plutot que par des principes qui le produifent.
L'auteur cependant fe fert de l'é
fermé pour nomer les letres en latin, quoiqu'il
fache qu'il feroit beaucoup mieux de
n'employer que l'e muet,ainsi qu'il le fera
faire en françois ; mais les latins ne conoiffoient
pas expreffément l'ufage de l'e
muet ; il femble meme qu'il aproche fort
de la voyele françoife en ou de l'e muet
foutenu ; on s'eft donc éloigné le moins
qu'il a été poffiblo de la métode vulgaire
lorfque
1
1706 MERCURE DE FRANCË
lorfque l'on a pu s'en fervir par raport aur
but principal de faciliter la lecture aux enfans
. Quoique la prononciation de la langue
latine foit morte,on ne peut pas douter
qu'ele n'ût des e diferens & plus ou
verts les uns que les autres.
Lorfqu'un enfant eft ferme fur l'A , B,
C, des grandes letres de la premiere , de
la fegonde & de la troifieme leçon du lìvre
de l'enfant, il aprendra presque de lui
mème les petites letres fi on les ajoutefur
les mêmes cartes à coté des grandes ; come
Aa , Bb , & c , de la quatriéme leçon ;
après quoi on lui montrera feparément
les petites letres de la cinquiéme leçon , le
tout , peu à peu , fans impatience , en badinant
& prenant le bon moment de
l'enfant . Pour faciliter ce petit exercice ,
on peut fe fervir des memes cartes dont
on a joué pour les grandes letres ou capitales
; un enfant voit avec plaifir écrire
le petit a à coté du grand 4 : & ainfi
de toutes les letres : il afectione les cartes
qu'il voit preparer pour lui ; la foibleffe ,
fa legereté & la vivacité d'un enfant de
deux à trois ans , ne permetent pas de
lui montrer les letres dans les livres des
A , B , C, ordinaires ; les letres en font
ordinairement trop petites , trop ferées &
en trop grande quantité dans la meme
page ; c'est pourquoi l'auteur a fait remarquer
AOUST. 1730. 1707
marquer qu'on metoit fouvent un enfant
trop tard à l'A , B , C , et trop tôt fur
les livres ; un enfant eft pour lors plus
embaraffé qu'un home qui vèroit une
grande page remplie de petits caracteres
inconus , arabes ou chinois.
L'on peut avoir des A, B , C , en noir ,
en rouge , en bleu & en autant de couleurs
que l'on voudra , cete diverfité eſt
toujours à l'avantage de l'enfant : on peut
les employer indiferament au comancement
; mais dans la fuite les letres noires
& les rouges , ferviront pour diftinguer
le romain & l'italique , le latin & le
françois , dans la compofition à faire au
bureau tipografique.
Quand l'enfant eft affuré fur toutes les
letres , l'on peut avoir un a , b , c , capital
fur un carton , fur de la toile cirée ou
non cirée , fur des ardoifes , fur un tableau
, fur un placard , fur un écran , fur
an éventail , für des canevas , & c . felon
le lieu , la faifon , les perfones & les facilités
que l'on a pour cet exercice : mais
le jeu des cartes marquées d'une letre
l'emporte fur tous les autres jeux. L'on
peut placarder des Aa , B'b , &c. à
la hauteur de l'enfant , deriere ou devant
certaines portes où il paffe & repaffe
, le tout felon la fituation de fon
apartement ou de ceux qu'il parcourt ; ce
que
1708 MERCURE DE FRANCE
"
que l'on obfervera également pour les combinaifons
du'ab , eb , ib , ob , ub , & c. ba,
be , bi , bo , bu , & c. bla , ble , bli , blo ,
blu , &c. bra , bre , bri , bro , brú , & c.
l'on peut
écrire en gros caracteres
ou faire imprimer fur de grandes feuilles
2 pouvoir coler fur des cartes , des cartons
, ou dans des quadres propres à orner
la chambre de l'enfant.
que
A mesure que le jeu de cartes dont on
joue avec l'enfant groffit d'un côté , on
le diminue de l'autre , en ne laiffant
qu'une ou deux cartes de la meme letre,
juſqu'à ce que l'A , B, C , foit reduït
à une feule carte pour chaque letre fimple
ou double , grande ou petite , &c. Les
cartes retranchées du gros jeu fervent à
un autre joueur ; car l'enfant liroit dix a,
b, c , de fuite prefentés par dix perfones
plus volontiers & avec plus de plaiſir
qu'il n'en liroit trois prefentés par le
meme joueur. Un enfant's'imagine enfuite
que chacun a für foi de pareils jeux ,
et les demande avec importunité ; c'eft
pourquoi on fe les prere à l'infçu de l'enfant.
On done auffi les letres à deviner
aux perfones prefentes , qui voulant bien
fe prêter au badinage inftructif , afectent
de mal nomer les lètres; l'enfant triomfe
de pouvoir reprendre , car la vanité precede
la parole , et l'on doit metre tour à
profit.
AOUST. 1730. 1709 .
profit. Pour augmenter le jeu des cartes
de l'A , B , C , on poura y ajouter le jeu
des petites letres , et comancer par celes
qui ont prefque la meme forme & figure
que leurs capitales ; par exemple , Cc ,
Ĵj , Kk , Pp , SS , Vv , Yy , Zz ,
&c. et paffer enfuite aux autres letres , fans
s'affervir à l'ordre abecedique.
Si le public goutoit cète metode , on
pouroit avoir des A, B, C, fur des jetons,
fur des fiches à jouer , fur des dés , tant
pour les fons que pour les lètresson pouroit
mème faire des jeux.come ceus de l'oie , de
la chouete , des dames , & c. chacun peut,
felan fon gout & fon imagination , faire
mieux que ce que l'auteur propofe , obfervant
toujours de varier & de confulter
auffi le gout de l'enfant , fon inclination
& fon plaifir , qui font dans un fens la
baze de ce petit fifteme. Ceux qui voudront
fe fervir de cete metode dans les
maifons particulieres doivent avoir les
letres de l'A , B , C , imprimées ou écrites.
On en peut découper & les coler
fur des cartes à jouer qu'on achete à la
livre. Mais come tout le monde n'a pas
ocafion de trouver ou de faire de femblables
caracteres , il feroit beaucoup mieux.
que les imprimeurs ou les cartiers en
vouluffent acomoder le public , n'employant
pour cela que les cartes ou les
cartons
1710 MERCURE DE FRANCE
cartons de rebut. En atendant l'introduction
de cet ufage , et que l'on goute la
metode propofee , on peut s'adreffer aux
religieux qui ont des A , B , C , à jour
fur des plaques de cuivre. On trouve
encore de ces caracteres à jour dans les
églifes catedrales ou collegiales des provinces.
Le plus court fera d'en faire acheter
à Paris chés les ouvriers qui en font,
alors il fera aifé de faire imprimer tout
de fuite vint ou trente A , B , C , imprimant
vint & trente A , fur autant de
cartes rangées fur une table ; enfuite vint
ou trente B , & tout l'A, B , C , de la
meme maniere. Un domeftique peut être
d'abord mis au fait de cète petite imprimerie
; et cete ocupation , aux ïeux de l'enfant
produira autant de bien que produifent
ordinairement de mal l'oifiveté ,
les mauvais difcours & les mauvais exemples
des perfones chargées de l'enfant.
و
On pouroit fe fervir utilement de cète
metode dans les petites écoles où l'on n'envoie
bien fouvent les enfins que pour y etre
affis & en etre debaraffé lorfqu'on veut
etre libre chés foi , ou pouvoir aler perdre
ailleurs fon tems & fon argent. Si l'on
vouloit donc fuivre ou effaïer cète metode
dans les écoles , il faudroit metre entre'
les mains des enfans plufieurs jeux de cartes
ou de cartons literaires , & l'on pouroit
doner
AOUST. 1730. 1711
doner leçon à plufieurs enfans à la fois ,
ce qui exciteroit , & entretiendroit parmi
eux une noble émulation literaire . Les
écoles de petites filles que tienent les dames
religieufes, pouroient auffi mieux que
perfone faire l'effai de cete metode. Ou
tre les jeux de cartes , marquées de letres ,
ces dames pouroient avoir des A, B , C ,
des ab , eb , ib , ob , ub , &c. ba , be , bi
bo , bu , &c. fur des cartons ou fur des tableaux
exprès , que l'on montreroit aux
enfans come des curiofités. Une leçon publique,
et la démonftration des letres & des
fons de la langue françoife , feroit plus
agréable ou moins ennuyeufe pour la regente,
et mème pour les écolieres ; les murailles
de l'école doivent être le livre public
où les enfans trouveront les élémens ,
des letres , en atendant qu'ils foient en
état de fe fervir d'un livre tel que l'au-,
teur le propoſe , et qu'il a tâché de faire
exprès.Si les perfones zelées & charitables
qui dirigent les écoles des pauvres , n'étoient
pas fi efclaves des métodes vulgaires
, il feroit aifé de leur faire voir combien
il y auroit à gagner en fuivant la mérode
propofée ici .
Lorfqu'un enfant prend gour à l'exercice
du jeu abecedique , il faut lui doner,
une caffete habillée ou couverte de letres
dans laquelle il puiffe tenir les jeux de
carte s
1712 MERCURE DE FRANCE
cartes qu'on lui fait & qu'on lui done ;"
il eft bien-aife d'avoir la proprieté des
chofes , et la crainte d'être privé de ce petit
meuble peut fervir quelquefois à r'animer
le gout literaire. Cete caffete a paru
neceffaire , et l'on a cru pouvoir en faire
fervir les faces aux leçons de l'enfant.:
c'eft-là fon premier livre , ou du moins
c'en font les premieres pages. Si l'on s'amufe
avec des écrans & des éventails .
pourquoi des enfans ne s'amuferoient - ils
pas avec cète caffete ? Ils ont en petit le
mélange de toutes les paffions ; on doit les
étudier , les tourner à leur avantage , &
metre les enfans en état de montrer les
letres à leurs petits freres ou petites foeurs
s'ils en ont , come a fait le petit Goffard ,
cité dans la letre inferée dans le Mercure
de Juillet 1730. Rien n'anime tant un enfant
que de fe voir des écoliers. Le petit
Candiac montroit à lire à des enfans deux
fois plus agés que lui .
Il faudra auffi doner à l'enfant un petit
bureau come ceux de la Pofte , fur lequel
il puiffe ranger toutes les letres qu'il tirera
de la caffeté , & qu'il nomera plufieurs
fois , en continuant feul ce badinage ,
meme avec encor plus de plaifir s'il y a
quelque fpectateur qui applaudiffe & qui
done du courage . Par le moyen de ce bureau
, on peut épargner aux enfans des
princes
AOUST. 1730. 1713
princes , et des grans feigneurs bien de la
peine , bien du dégout & bien du tems ,
en fefant travailler au bureau du PRINCE &
devant LUI , quelque digne enfant drelé
pour cet inftructif & amulant exercice .
L'auteur donera fur tous les fons, quelques
exemples de la maniere dont on doit
faire apeler les letres en commençant à
compofer , à imprimer & à lire, felon cete
metode . Car dès le premier jour de l'exercice
, on peut faire l'un & l'autre . On donera
des exemples faits exprès à l'égard
des lètres dont on a un peu changé le
nom , en faveur du fon & de la valeur
réelle & efective des caracteres ; et c'eft
pour cela que l'auteur a compofé des lignes
de quelques mots latins ou arbitraires,
moins foumis aux règles ordinaires de
la lecture ; car d'ailleurs il n'eft prefque
pas neceflaire d'épeler , quand on fuit la
metode des fons exprimés par une filabe ,
qui réponde au veritable fon local des letres
& des caracteres fimples & doubles .
Nous aprenons à parler machinalement
par l'articulation & par la converfation ,
mais pour la lecture & l'écriture , il faut
quelque chofe de plus , c'eft un art qu'on
peut & qu'on doit perfectioner en tâchant
de le rendre plus aifé , plus agréable
& plus utile. Cet art eft la clé des
fiences , qui font le bonheur de toutes
B
log
1714 MERCURE DE FRANCE
les nations policées , et c'eft en vue de l'utilité
publique , que l'auteur done l'heureux
effai de cete metode. Il eft prefque
impoffible de montrer à lire par principes
, il y a trop de bizarerie dans l'ufage
des letres, et encore plus dans l'ortografe.
On eft donc réduit à la routine , mais il
ne s'enfuit pas qu'on ne la puiffe rectifier
en donantune métode pour tout ce qui en
eft fufceptible , et réduifant aux princi
pes tout ce qui peut abreger & perfectioner
l'art de montrer les letres aux petits
enfans. On fe ate de l'avoir fait
d'une maniere heureufe & facile , en forte
que les plus grandes dificultés , et prefque
toutes les bizareries de l'ufage fe trouvent
& s'aprenent tres facilement par
l'exercice ou par la pratique des principes
qu'on a donés pour l'ufage du bureau
tipografique.
On ne fauroit, au refte, trop recomander
aux perfones qui montrent les letres aux
enfans, de les faire paffer peu à peu & par
degrés aux filabes les plus dificiles , ce
qui eft , je penfe , une fuite de la vraie metode
de montrer à lire , néanmoins outre
le livre ordinaire , on en doit de tems en
tems prefenter d'autres aus enfans , leur
faire dire les letres , les filabes & les mots
â l'ouverture du livre , et ne pas imiter
seux qui ne favent lire que dans un livre ,
preuve
A O UST. 1730. 1715
preuve de la pure routine & de la mémoire
locale qui font toute la fience d'un
enfant mal montré.
-
Un autre exercice agréable & inftructif
c'eft de faire deviner à un enfant la premiere
letre de chaque mot qu'on lui dit
à haute voix ; et enfuite la fegonde , la
troifiéme , et les autres letres de chaque
filabe des mots , fur tout les confones
initiales , C , G , J , S , T, V , X , Y, Z ,
&c. on en a fait l'experience fur un enfant
de trois ans & trois mois , il n'en
manquoit pas une des initiales , et devinoit
facilement les autres dans de petits
mots. Il faut cependant remarquer
que les voyeles étant plus fenfibles que les
confones , elles font auffi plus aifées à deviner
; c'eft pourquoi l'enfant de trois ans
qui conoit bien les letres , fi on lui demande
, par exemple , la premiere letre
ou le premier fon d'un des mots bale
vile , fote , lune , &c dira que c'eft l'a , l'i ,
l'o , ou l'u. Ces confones initiales font peu
d'impreffion fur les organes de l'enfant ;
la cadence & la tenue en fait de muſique ,
la quantité grammaticale , ou la durée du
fon , ne tombent que fur le fon des voyeles
, & non fur celui des confones : il faut
donc montrer à l'enfant l'art de trouver
la confone , après qu'il a fu trouver la
voyele , et pour cela il fufit de lui apren-
Bij dre
>
1716 MERCURE DE FRANCE
dre à fubftituer la voyele e à la place de
l'autre voyele devinée ,, par exemple ,
changeant en e l'a du mot bale , on dira bele,
et l'enfant fent pour lors la filabe initiale
be , ou le nom doné au caractere b . Cela
eft fi vrai , que fi l'on demande à l'enfant
la premiere letre d'un des mots benir, ceci ,
denier , fenètre , qualité , &c . il répondra
fans hefter que c'eft le be , le ce , le de ,
Le fe,le ka & c. & il eft bon de remarquer ici
l'utilité des noms Ceke , feja , He , Gega,
Ve , &c. donez aux letres C , J , H , G ,
V , puifque c'eft à l'aide de ces dénominations
que l'enfant aprend à diftinguer &
à défigner le fon des letres & des mots
qu'on lui prononce : c'est donc par le
moyen de la voyele auxiliaire ou empruntéc
l'enfant
que
aquerra dans peu la facilité
de deviner également les confones &
les voyeles ; cela paroitra clair & démontré
par la pratique de cète métode qui enfeigne
en peu de tems l'ortografe de l'oreille
ou des fons , en atendant cele des
ïeux , ou de l'ufage .
Avant l'age de trois ans & demi le petit
CANDIAC favoit diftinguer & dicter
tous les fons des mots qu'on lui prononçoit
en latin ou en françois , aïant aquis
P'ortografe des fons avec la parole ; ce
qu'il n'auroit pas fait s'il n'avoit jamais û
que des ABC ordinaires , et qu'il ût apelé
les
AOUST . 1730. 1717
les confones f, g , h , j , l , m , n , r , f, v ,
x, y , z, &c. du nom vulgaire de plufieurs
filabes , nom qui induit en erreur , qui
éloigne du bon & vrai fon , et qui en
fournit un faux ou captieux pour la fubftitution
neceffaire dans l'art d'épeler : par
exemple, dans le mot cacumen , la routine
ordinaire dit , fe , a , ka ; fe , u , qu , cacu;
lieuque
au
feemme
, e , enne , men , cacumen ;
la métode de l'auteur l'on dira ka , a , ka;
qu , u , qu ; cacu , me , e , men ; cacumen ,
&c. Il n'y a point d'oreille qui ne ſente
en dépit des feux , la fuperiorité de cète
métode fur la métode vulgaire , on le
fera voir plus au long en montrant à lire
du latin & du françois,
Pour imprimer cet ABC , on croit qu'il
fera bon d'y metre des filabes & des mots
latins fans fuite ni fens , plutot que de
faire imprimer en filabes disjointes ou divifées
les mots des prieres que l'enfant
n'entend point & qu'il retient ailément ,
fur tout s'il récite déja les mèmes prieres
foir & matin. Les maitres , les parens &
les enfans en font les dupes , quoique
d'une maniere diferente. Cependant pour
confacrer les prémices du favoir de l'enfant
, on poura imprimer les prieres latines
après quelques pages de filabes choifies
exprès,pour faire lire peu à peu & par
degrés les principales dificultés des mots
B iij
ou
1718 MERCURE DE FRANCE
ou des filabes . Aïant imprimé des monofilabes
féparés les uns des autres , il ne
fera pas enfuite neceffaire de féparer ainſi
les filabes du Pater , de l'Ave & du Credo,
&c. come on le fait peut-être mal- à - propos
dans les livres ordinaires des ABC.
La priere eft un exercice fi férieux & fi
néceffaire , qu'on ne fauroit trop tôt y
acoutumer les enfans ; mais par respect
pour la priere mème , on ne devroit pas
d'abord les metre à cète lecture , de crainte
de trop de routine , et de pure articulation
: il feroit donc mieux après l'A
BC françois de faire imprimer en deux
colones les prieres en latin & en françois
afin que l'enfant les comprit plutot les
lifant & les récitant en chaque langue..
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Résumé : TROISIÉME LETRE sur le Livre anoncé sous le titre de la BIBLIOTEQUE DES ENFANS, ou les premier élemens des letres.
Le texte du Mercure de France de 1716 présente une méthode pédagogique innovante pour enseigner la lecture et l'orthographe aux enfants. Cette méthode repose sur la substitution d'une voyelle connue à une voyelle inconnue dans les mots, permettant ainsi à l'enfant de prononcer correctement les syllabes initiales. Par exemple, en changeant l'a en e dans le mot 'bale', on obtient 'bele', ce qui aide l'enfant à identifier la lettre b. Les noms donnés aux lettres, tels que 'Ceke' pour C et 'feja' pour J, facilitent la distinction et la définition des sons des lettres et des mots. Cette approche permet à l'enfant d'acquérir rapidement la capacité de deviner les consonnes et les voyelles. Le texte cite l'exemple de Candiac, qui, avant l'âge de trois ans et demi, savait distinguer et dicter les sons des mots en latin et en français grâce à cette méthode. En revanche, les méthodes traditionnelles, qui utilisent des noms vulgaires pour les consonnes, induisent en erreur et éloignent du bon son. Le texte critique ces méthodes, soulignant qu'elles ne permettent pas aux enfants de maîtriser correctement la prononciation des lettres. Pour enseigner la lecture, le texte recommande d'imprimer des syllabes et des mots latins sans suite ni sens, plutôt que des prières que l'enfant ne comprend pas. Les prières latines peuvent être ajoutées après quelques pages de syllabes choisies pour faciliter l'apprentissage des principales difficultés des mots ou des syllabes. De plus, il est suggéré d'imprimer les prières en latin et en français en deux colonnes pour que l'enfant les comprenne mieux en les lisant et en les récitant dans chaque langue. En résumé, cette méthode pédagogique propose une approche ludique et interactive pour enseigner la lecture et l'orthographe aux enfants, en utilisant des substitutions de voyelles et des noms spécifiques pour les lettres. Elle vise à rendre l'apprentissage plus efficace et compréhensible pour les jeunes élèves.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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54
p. 1791
ENIGME.
Début :
Nous sommes trois Freres en France ; [...]
Mots clefs :
Accents aigu, grave et circonflexe
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
fommes trois Freres en France;
L'un de nous trois felon certains Sçavans',
En Grece a reçu la naiſſance ;
Mais on ne convient pàs du tems.
Par droit d'extenſion , au défaut d'une abfente
Deux de nous réunis préfident aux Forêts ;
L'un des deux , mis avec excès ,
Produit une voix moins fonante ;
Le troifiéme eft plus uſité ;
Il regne à la fin de l'Eté.
Lecteur , fi ta recherche eſt vaine ,
Ne t'en prends pas à nous ; ton defir curieux
Peut être fatisfait ſans peine :
Tu nous as tous trois fous les yeux .
fommes trois Freres en France;
L'un de nous trois felon certains Sçavans',
En Grece a reçu la naiſſance ;
Mais on ne convient pàs du tems.
Par droit d'extenſion , au défaut d'une abfente
Deux de nous réunis préfident aux Forêts ;
L'un des deux , mis avec excès ,
Produit une voix moins fonante ;
Le troifiéme eft plus uſité ;
Il regne à la fin de l'Eté.
Lecteur , fi ta recherche eſt vaine ,
Ne t'en prends pas à nous ; ton defir curieux
Peut être fatisfait ſans peine :
Tu nous as tous trois fous les yeux .
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55
p. 1800-1802
« SPECIMEN LINGUAE PUNICAE in hodierna Melitensium superstitis orbi erudito [...] »
Début :
SPECIMEN LINGUAE PUNICAE in hodierna Melitensium superstitis orbi erudito [...]
Mots clefs :
Langue punique, Malte, Langue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « SPECIMEN LINGUAE PUNICAE in hodierna Melitensium superstitis orbi erudito [...] »
SPECIMEN LINGUE PUNICA in
hodierna Melitenfium fuperftitis orbi erudito
offert Jo. Henr. Majus Antiquit.
Græc. & OO. LL. Profeffor Gieffenfis ,
Marburgi Cattorum . Vol. in 8. 1718. C'està-
dire , Effay fur la Langue Punique qui
fubfifte encore aujourd'hui dans celle des Maltois
prefenté aux Sçavans , par Jean- Henry
Majus , Profeffeur des Antiquitez Grecques
&des Langues Orientales, à Gieſſen. 1. vol.
in 8. à Marpurg. 1718.
Pour prouver ce que M. Majus entreprend
de foutenir dans fa Differtation ,
il établit d'abord que le Peuple de l'Ifle
de Malthe , eft Phénicien d'origine. Les
Phéniciens , dit-il , du moins les Carthaginois
A O UST. 1730. 1801
ginois , leurs defcendans , y envoyerent
une Colonie à caufe de la commodité de
fa fituation entre l'Affrique & la Sicile ,
& de la fureté de fes Ports ; ils lui donnerent
le nom qu'elle porte encore aujourd'hui
, nom qui n'eft pas fans myftere
, & qui s'accorde parfaitement avec
tout ce qui convient à l'ancienne Malthe.
Cette origine eft d'ailleurs confirmée par
le culte commun que les Maltois , les Phé-
Iniciens & les Cartaginois ont rendu particulierement
à deux Divinitez , fçavoir ,
Junon & Hercules. De plus les Habitans
de Malthe ont de tout temps excellé comme
les Phéniciens , dans l'art de faire des
Robbes de pourpre , des Toiles , des Tapis
, &c d'une fabrique particuliere &
très - eftimée par tout où ils portoient leur
commerce. M. Majus venant enfuite au
point principal , rapporte une quantité
de termes très-ufitez dans la Langue des
Maltois d'aujourd'hui , qu'il prétend avoir
une affinité manifefte avec la Lanque Punique
, fans oublier la maniere d'exprimer
, & de tracer les principaux nombres
qui eft , felon lui toute Phénicienne , ce
qui acheve de prouver l'origine du Peuple
dont nous parlons. Le Sçavant Auteur
a mis à la fin de fa Piece l'Oraifon
Dominicale en Langue Maltoife , & il
prétend que les termes & les differentes
"
expreffions
1802 MERCURE DE FRANCE
expreffions qu'on y trouve fentent routà
- fait la Langue Punique.
Quoique M. Majus femble avoir épuifé
fon fujet. On peut affurer qu'il n'a pas
tout dit & que la preuve la plus décifive
lui eft échappée il l'auroit trouvée
dans les Hiftoriens , qui à l'occafion de
la Tranflation de l'Ordre des Chevaliers
de S. Jean de Jerufalem , * à Malthe , ont
parlé hiftoriquement de cette Ifle.M.l'Abbé
de Vertot , Commandeur de Santeni
qui vient d'écrire avec tant de force &
de dignité , l'Hiftoire entiere de cet Ordre
, nous la fournit dans fon troifiéme
Tome, Liv. 9. pag. 522. de l'Edition in 12.
1727. Nous l'emprunterons de cet illuftre
Auteur , perfuadez qu'elle fera plaifir à
M. Majus , & qu'il nous en fçaura gré.
Dans le temps que les Chevaliers de S. Fean
s'en mirent en poffeffion , on y trouvoit encore
fur des morceaux de Marbre & des Colomnes
brifées , des Infcriptions en Langue
Punique. Les Romains , pendant les guerres
de Sicile, en chafferent les Carthaginois, & c.
hodierna Melitenfium fuperftitis orbi erudito
offert Jo. Henr. Majus Antiquit.
Græc. & OO. LL. Profeffor Gieffenfis ,
Marburgi Cattorum . Vol. in 8. 1718. C'està-
dire , Effay fur la Langue Punique qui
fubfifte encore aujourd'hui dans celle des Maltois
prefenté aux Sçavans , par Jean- Henry
Majus , Profeffeur des Antiquitez Grecques
&des Langues Orientales, à Gieſſen. 1. vol.
in 8. à Marpurg. 1718.
Pour prouver ce que M. Majus entreprend
de foutenir dans fa Differtation ,
il établit d'abord que le Peuple de l'Ifle
de Malthe , eft Phénicien d'origine. Les
Phéniciens , dit-il , du moins les Carthaginois
A O UST. 1730. 1801
ginois , leurs defcendans , y envoyerent
une Colonie à caufe de la commodité de
fa fituation entre l'Affrique & la Sicile ,
& de la fureté de fes Ports ; ils lui donnerent
le nom qu'elle porte encore aujourd'hui
, nom qui n'eft pas fans myftere
, & qui s'accorde parfaitement avec
tout ce qui convient à l'ancienne Malthe.
Cette origine eft d'ailleurs confirmée par
le culte commun que les Maltois , les Phé-
Iniciens & les Cartaginois ont rendu particulierement
à deux Divinitez , fçavoir ,
Junon & Hercules. De plus les Habitans
de Malthe ont de tout temps excellé comme
les Phéniciens , dans l'art de faire des
Robbes de pourpre , des Toiles , des Tapis
, &c d'une fabrique particuliere &
très - eftimée par tout où ils portoient leur
commerce. M. Majus venant enfuite au
point principal , rapporte une quantité
de termes très-ufitez dans la Langue des
Maltois d'aujourd'hui , qu'il prétend avoir
une affinité manifefte avec la Lanque Punique
, fans oublier la maniere d'exprimer
, & de tracer les principaux nombres
qui eft , felon lui toute Phénicienne , ce
qui acheve de prouver l'origine du Peuple
dont nous parlons. Le Sçavant Auteur
a mis à la fin de fa Piece l'Oraifon
Dominicale en Langue Maltoife , & il
prétend que les termes & les differentes
"
expreffions
1802 MERCURE DE FRANCE
expreffions qu'on y trouve fentent routà
- fait la Langue Punique.
Quoique M. Majus femble avoir épuifé
fon fujet. On peut affurer qu'il n'a pas
tout dit & que la preuve la plus décifive
lui eft échappée il l'auroit trouvée
dans les Hiftoriens , qui à l'occafion de
la Tranflation de l'Ordre des Chevaliers
de S. Jean de Jerufalem , * à Malthe , ont
parlé hiftoriquement de cette Ifle.M.l'Abbé
de Vertot , Commandeur de Santeni
qui vient d'écrire avec tant de force &
de dignité , l'Hiftoire entiere de cet Ordre
, nous la fournit dans fon troifiéme
Tome, Liv. 9. pag. 522. de l'Edition in 12.
1727. Nous l'emprunterons de cet illuftre
Auteur , perfuadez qu'elle fera plaifir à
M. Majus , & qu'il nous en fçaura gré.
Dans le temps que les Chevaliers de S. Fean
s'en mirent en poffeffion , on y trouvoit encore
fur des morceaux de Marbre & des Colomnes
brifées , des Infcriptions en Langue
Punique. Les Romains , pendant les guerres
de Sicile, en chafferent les Carthaginois, & c.
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Résumé : « SPECIMEN LINGUAE PUNICAE in hodierna Melitensium superstitis orbi erudito [...] »
En 1718, Jean-Henry Majus, professeur des Antiquités Grecques et des Langues Orientales à Giessen, publie 'Specimen Lingue Punicae'. Cet ouvrage examine la persistance de la langue punique dans la langue maltaise contemporaine. Majus affirme que les Maltais sont d'origine phénicienne, les Carthaginois ayant fondé une colonie à Malte en raison de sa position stratégique entre l'Afrique et la Sicile. Cette origine est corroborée par le culte partagé de Junon et Hercule, ainsi que par l'expertise maltaise dans la fabrication de robes de pourpre, de toiles et de tapis, similaire à celle des Phéniciens. Majus identifie plusieurs termes maltais actuels qui montrent une affinité avec la langue punique, notamment dans l'expression et la notation des nombres. Il inclut l'Oraison Dominicale en maltais pour illustrer cette similitude linguistique. Cependant, le texte mentionne que Majus a omis de discuter des inscriptions puniques trouvées sur des morceaux de marbre et des colonnes brisées à Malte, preuves citées par des historiens comme l'Abbé de Vertot lors de la translation de l'Ordre des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
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56
p. 1816-1818
L'Art d'enseigner le Latin aux enfans en les divertissant & sans qu'ils s'en apperçoivent, [titre d'après la table]
Début :
L'ART D'ENSEIGNER LE LATIN aux petits enfans en les divertissant & sans [...]
Mots clefs :
Latin, Enfants, Éducation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Art d'enseigner le Latin aux enfans en les divertissant & sans qu'ils s'en apperçoivent, [titre d'après la table]
L'ART D'ENSEIGNER LE LATIN aux
petits enfans en les divertiffant & fans
qu'ils s'en aperçoivent. Dépendance de
L'Art d'élever la jeuneffe , felon la difference
des âges , du fexe & des conditions;
par M. de Vallanges . A Paris , Quay des
Auguftins & rue S. Jacques , chez Gandouin
& Laifnel , 1730.
M. de Vallanges ne fe dément point ;
continuellement animé d'un zele ardent
pour le bien public en general , & pour
l'avancement des Lettres & l'éducation
des enfans , defcend dans ce petit ouvrage
jufques dans les moindres détails ,
fur tout ce qu'il croit pouvoir être utile
à tous les vaftes projets. Quand on joindra
le Latin aux Arts & aux Sciences , dit il ,
on ne verra plus gueres de Faineans , qui
font les Chenilles , les Sauterelles & les
Hannetons de chaque Etat.... Outre les
avantages de la nouvelle Méthode , j'ajouterai
que l'on enfeigne le Latin à peu
de frais , parce qu'on n'eft pas long temps
à l'apprendre, & que l'on n'ufe ni encre ,
ni plumes , ni papier ; par ce moyen les
enfans ne tâcheront ni leur linge, ni leurs
habits , & ils ne gâteront pas leurs mains,
comme ils font à prefent en grifonant
leurs
A O UST. 1730. 1817
leurs Thémes. . . Et comme il n'y
a point de Thémes à compofer , on épargne
auffi les Verges & les Férules , inftrumens
qu'on ne connoît point du tout
dans mon fyftême d'étude .
Il prend la précaution à la page 16 ;
de prier le Lecteur d'excufer fes naïvetez
, les entretiens familiers ne demandant
pas tant de régularité . Je ne parle
point icy en Académicien , dit-il.
Dans l'art d'élever les enfans qui font à la
mammelle, l'Auteur ne veut point que les
enfans connoiffent leurs nourrices. On
peut tirer de tres- grands avantages de
cette pratique , pourfuit- il . Le commerce
d'entretien d'un enfant avec fa nourrice
ne peut être que très
préjudiciable
aux enfans , ainfi je ne le fouffrirois
point
du tout.Vous en verrez la raifon dans mon
Art d'élever
les enfans
à la mammelle
.
Dans ce qui regarde
l'éducation
de la
jeuneffe
, je vous confeille
de tout changer;
j'offre de fournir
dans tres- peu de
temps un tres- grand nombre
de Gouvernantes
& de Promeneufes
, & de Remueufes
Latiniftes
; il ne faudroit
pas un an
pour en fournir
tout Paris , toutes les
Villes de Province
, & tout les Païs Etrangers.
Une Chandelle
allumée
en allume
bien vîte dix autres , les dix autres
en allument
chacune
, &c. & ainfi dans peu de
F v A
(1818 MERCURE DE FRANCE .
temps toute la Terre feroit latine.
A la page 68 , & fuivantes, M. de Vallanges
, donne des idées generales d'Academies
inftructives
, propres
aux garçons
&
aux filles de differens états. N'oublions
pas
cette circonftance
: Je donnerai
le moyen
inceffamment
, dit- il , que cette éducation
ne coute rien du tout aux parens .
le
C'eft par le miniftere des filles , pourfuit
l'Auteur , que l'on donnera la forme
à tous les enfans des deux fexes , de quelques
conditions qu'ils foient . C'eſt par
moyen de ces filles que l'on enfeignera
les Langues , les Sciences , les Arts , les
Hiftoires & même les exercices du corps;
en plaifantera qui voudra , je fçai à quoi
m'en tenir.
petits enfans en les divertiffant & fans
qu'ils s'en aperçoivent. Dépendance de
L'Art d'élever la jeuneffe , felon la difference
des âges , du fexe & des conditions;
par M. de Vallanges . A Paris , Quay des
Auguftins & rue S. Jacques , chez Gandouin
& Laifnel , 1730.
M. de Vallanges ne fe dément point ;
continuellement animé d'un zele ardent
pour le bien public en general , & pour
l'avancement des Lettres & l'éducation
des enfans , defcend dans ce petit ouvrage
jufques dans les moindres détails ,
fur tout ce qu'il croit pouvoir être utile
à tous les vaftes projets. Quand on joindra
le Latin aux Arts & aux Sciences , dit il ,
on ne verra plus gueres de Faineans , qui
font les Chenilles , les Sauterelles & les
Hannetons de chaque Etat.... Outre les
avantages de la nouvelle Méthode , j'ajouterai
que l'on enfeigne le Latin à peu
de frais , parce qu'on n'eft pas long temps
à l'apprendre, & que l'on n'ufe ni encre ,
ni plumes , ni papier ; par ce moyen les
enfans ne tâcheront ni leur linge, ni leurs
habits , & ils ne gâteront pas leurs mains,
comme ils font à prefent en grifonant
leurs
A O UST. 1730. 1817
leurs Thémes. . . Et comme il n'y
a point de Thémes à compofer , on épargne
auffi les Verges & les Férules , inftrumens
qu'on ne connoît point du tout
dans mon fyftême d'étude .
Il prend la précaution à la page 16 ;
de prier le Lecteur d'excufer fes naïvetez
, les entretiens familiers ne demandant
pas tant de régularité . Je ne parle
point icy en Académicien , dit-il.
Dans l'art d'élever les enfans qui font à la
mammelle, l'Auteur ne veut point que les
enfans connoiffent leurs nourrices. On
peut tirer de tres- grands avantages de
cette pratique , pourfuit- il . Le commerce
d'entretien d'un enfant avec fa nourrice
ne peut être que très
préjudiciable
aux enfans , ainfi je ne le fouffrirois
point
du tout.Vous en verrez la raifon dans mon
Art d'élever
les enfans
à la mammelle
.
Dans ce qui regarde
l'éducation
de la
jeuneffe
, je vous confeille
de tout changer;
j'offre de fournir
dans tres- peu de
temps un tres- grand nombre
de Gouvernantes
& de Promeneufes
, & de Remueufes
Latiniftes
; il ne faudroit
pas un an
pour en fournir
tout Paris , toutes les
Villes de Province
, & tout les Païs Etrangers.
Une Chandelle
allumée
en allume
bien vîte dix autres , les dix autres
en allument
chacune
, &c. & ainfi dans peu de
F v A
(1818 MERCURE DE FRANCE .
temps toute la Terre feroit latine.
A la page 68 , & fuivantes, M. de Vallanges
, donne des idées generales d'Academies
inftructives
, propres
aux garçons
&
aux filles de differens états. N'oublions
pas
cette circonftance
: Je donnerai
le moyen
inceffamment
, dit- il , que cette éducation
ne coute rien du tout aux parens .
le
C'eft par le miniftere des filles , pourfuit
l'Auteur , que l'on donnera la forme
à tous les enfans des deux fexes , de quelques
conditions qu'ils foient . C'eſt par
moyen de ces filles que l'on enfeignera
les Langues , les Sciences , les Arts , les
Hiftoires & même les exercices du corps;
en plaifantera qui voudra , je fçai à quoi
m'en tenir.
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Résumé : L'Art d'enseigner le Latin aux enfans en les divertissant & sans qu'ils s'en apperçoivent, [titre d'après la table]
L'ouvrage 'L'Art d'enseigner le latin aux petits enfans en les divertissant & sans qu'ils s'en aperçoivent' de M. de Vallanges, publié à Paris en 1730, présente une méthode innovante pour l'apprentissage du latin chez les enfants. Vallanges vise à combiner l'enseignement du latin avec les arts et les sciences pour réduire l'oisiveté. Sa méthode permet un apprentissage rapide et économique, sans matériel coûteux, et évite de salir les vêtements et les mains des enfants, tout en supprimant les punitions corporelles. Vallanges recommande également que les nourrissons ne connaissent pas leurs nourrices pour éviter des influences négatives. Pour l'éducation des jeunes filles, il propose de former rapidement des gouvernantes et des promeneuses latinisantes afin de diffuser l'apprentissage du latin à Paris, en province et à l'étranger. L'auteur suggère la création d'académies instructives pour les garçons et les filles de différents milieux sociaux, financées par le ministère des filles, offrant une éducation gratuite en langues, sciences, arts, histoire et exercices physiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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57
p. 1912-1935
QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Début :
Il ne faut pas douter, Monsieur, que l'exercice du bureau tipografique n'amuse [...]
Mots clefs :
Enfants, Cartes, Méthode, Exercice, Coeur, Combinaison, Esprit, Apprentissage, Français, Latin
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texteReconnaissance textuelle : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
QUATRI E'M E
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
Sur Pufage dubureau Tipografique .
L ne faut pas douter , Monfieur , que
l'exercice du bureau tipografique n'amufe
& n'inftruise l'enfant , si les maitres
ont beaucoup de douceur & de patiance
en lui fefant dire les letres , les filabes
les mots et les lignes , qu'il doit pren- ,
dre dans fa caffette pour les compofer &
décompofer fur la table de fon bureau
en començant par les combinaifons elemaenSEPTEMBRE
. 1730. 1913
•
bro ,
› mentaires. Ab , eb ib , ob , ub , &c.
Ba , be , bi , bo , bu , & c. mises sur les
cartes dont l'enfant a déja joué , où sur
d'autres , en continuant par les combinaiſons
bla , ble , bli , blo , blu , & c. bra ,
bre , bri , bru , &c. fuivant l'ordre
doné pour la feuille de la caffere.
On peut ensuite faire lire l'enfant sur
des cartes , dont on fera des jeux come
l'on avoit déja fait en montrant à conoitre
les letres : le premier jeu eft pour le
Ab , eb , ib , ob , ub , & c. le fegond
pour le Ba , be , bi , bo bu , &c. le troifiéme
, pour le Bla , ble,bli , blo , blu, &c.
Le quatrième , pour le Bra , bre , bri
bro , bru. Il faut obferver de ne metre
qu'une ou deux lignes sur une carte à
mesure que l'enfant fe familiarife avec les
lignes plus ou moins chargées de filabes
ou de confones combinées avec les cinq
voyeles . Aiant mis à la premiere ligne
le Ba , be , bi , bo , bu , on poura metre à
la fegonde ligne les combinaifons du P ,
letre forte de la letre foible B. Exemples :
1. en deux lignes horizontales , felon la
maniere ordinaire d'écrire ; 2º . ou en
deux lignes perpendiculaires , pour renger
les cartes vis- à - vis les célules de leurs
letres B P , &c. 3 ° . ou en employant
les quatre coins & le milieu des cartes ,
>
come
)
1714 MERCURE DE FRANCE
come on l'a fait ci- devant pour le jeu des
cinq voyèles.
Pa, pe, pi, po, pu..}
Ba pa
be pe
ba
bez
bi >& c.
bu.
Ba, be, bi, bo, bu. } oubi pi
youbo
bo po
bu
pu
L'on combinera de même les letres liquides
l , m , n , r, et les letres doubles
x , y , &c. fans oublier la letre h , & c.
ainfi qu'on l'a fait pour les combinaiſons
de la caffete , et qu'on poura copier en
long & en large fur autant de cartes que
l'on voudra , pour former des jeux abecediques.
En voilà bien affes pour metre au
fait de cete métode. La pratique la fera
paroitre encore plus ingenieufe , fi l'on
étudie l'enfant , et qu'on l'observe bien.
L'on doit peu peu se servir des letres
italiques , et des letres d'écriture : on en a
fait l'experience avec un enfant de trois ans
qui en peu de tems conut tous les diferens
abc , et se servit avec fuccès de plus de
cent celules diferentes , où il tenoit les
letres & les caracteres fimples ou combinés
pour composer ou imprimer sur son
bureau , ce qu'on lui dictoit , ou ce qu'on
lui donoit écrit fur une carte.
à
Quand l'enfant fait composer ou décomSEPTEMBRE.
1730. 1915
composer fur son bureau tous les tèmes
ordinaires & domeftiques , on doit lui en
fournir tous les jours de nouveaux , prenant
d'abord préferablement pour sujet
les parens , les amis , les persones & les
faits dont l'enfant a conoissance , & lui
en donant enfuite en latin & en françois
de deux , trois , et quatre lignes fur la
longueur d'une carte , et d'un caractere
gros , diftinct , à proportion du favoir &
des forces de l'enfant. Après avoir doné
des tèmes fur toutes les perfones , et fur
les faits journaliers que l'enfant conoit
on poura lui en doner fur le Saint du
jour , et sur des fuites hiftoriques , come
109 tèmes fur les 109 époques du jeu hiſto-.
rique du R. P. Buffier ; & semblables sur
l'hiftorique saint ou profane,sur laMitologie,
fur la géografie, &c . On peut aussi doner
une suite de rimes abecediques , &c.
Tous ces tèmes lus & relus devienent une
espece de livre , plus agréable, plus amusant
, et plus utile , que les livres ordinaires
dont on s'eft servi jusques ici.
On poura aussi doner sur des cartes les
terminaisons des declinaifons , et des
conjugaisons , parce que l'enfant se fortifie
à lire le caractere manuscrit ; et qu'il
fe degoute moins d'avoir une ou deux
cartes pour le singulier & le pluriel d'un
nom , d'un pronom , et d'un tems de
yerbe ,
1916 MERCURE DE FRANCE
verbe , que de lire toujours dans un rudiment
odieux . On metra en noir sur
des cartes les adverbes & les prépofitions
du françois , et en rouge les mèmes mots
du latin ; ce qui dans la suite sera tresutile.
Les ouvrages de M. du Marfais , et
le latin construit & expliqué mot à mot
selon fa métode , pouront ètre mis entre
les mains d'un enfant qui comence à lire ,
et qui eft deja en état de faire provifion
de mots , et d'acoutumer son oreille aus
terminaisons des noms declinés & des
verbes conjugués. On trouvera ces noms
declinés , et ces verbes conjugués dans
les cartes ou dans les leçons du rudiment
pratique , qu'on pouroit même doner à
l'enfant , le premier jour de l'exercice
du bureau tipografique.
Dès que l'enfant aura decomposé son
dernier tème , et qu'il en aura fait un
nouveau de quatre ou cinq lignes de bureau
, on poura , pour varier le jeu , le
faire lire quelquefois dans un livre , quelquefois
dans un autre choisi ou fait exprès.
On poura aussi lui redoner de tems
en tenis ses premiers tèmes , ses cartons ,
et tout fon atirail literaire pour badiner
come sa premiere cassete , le casseau portarif
de six celules , le porte tème , de peits
porte- feuilles , un petit sac , & semblables
meubles propres à tenir des ima-
;
ges,
SEPTEMBRE . 1730. 1917
ges , les jeus de cartes , et les tèmes favoris
qui l'amusent & l'instruisent. Il sera
bon surtout de lui faire revoir le samedi
quelques tèmes de la semaine , et du
mois c'est dans ce retour periodique
qu'il sera aisé de juger des progrès de
l'enfant , et de comparer les avantages
de cete metode avec ceux de la metode
vulgaire.
>
Dans les grandes viles , surtout à Paris
, on poura metre à profit le chois de
tous ces imprimés & feuilles volantes qué
l'on crie dans les rues : de même que les
adresses & les enseignes des marchands &
des ouvriers ; outre les images , on trouve
dans ces enseignes des mots dificiles à lire ,
et qui par leur nouveauté donent lieu à
inftruire l'enfant , très sensible à l'aquisition
de tous ces petits éfets literaires , dignes
de sa cassete ; il comence de bone
heure à gouter la proprieté des chofes ; il
est donc bon de lui en montrer l'usage
un petit enfant qui se trouve seul & désocupé
, s'ennuie , il devient souvent à
charge aus autres , au lieu que cete cassete
l'amuse , étant pour lui une maison où
l'ouvrage ne manque jamais : il faut se
preter à l'enfance , si l'on veut réussir
dans l'éducation .
Pendant l'exercice literaire il ne faut
pas negliger de metre l'enfant en état de
badi1918
MERCURE DE FRANCE
badiner avec des jeus de cartes numeriques
;il se familiarisera avec les nombres ,
dont on poura ensuite lui montrer à lire
& à faire les premieres regles , à mesure
qu'il concevra plus facilement les choses.
Si l'on n'a pas des chifres de cuivre & à
jour , pour imprimer les nombres sur
des cartes , on les fera à la main , ainsi
qu'il a été dit en parlant des letres. Après
avoir fait lire à l'enfant les leçons sur les
nombres , on poura lui faire faire de petites
regles fur la table du bureau ; un
peu d'exercice chaque jour fur les nombres
, rendra dans peu l'enfant plus grand
aritmeticien qu'on ne l'eft ordinairement
à cet age là.
Quand un enfant a composé sur son
bureau le françois & le latin de fon tème
, il doit après cela lire tout de suite
& à haute vois , 1º . tout le françois , 2º .
tout le latin , 3 °. chaque mot latin après
le mot françois , 4 ° . chaque mot françois
après le mot latin ; voilà donc quatre
lectures. Cet exercice varié & continué
pendant quelques anées rend un enfant
plus savant qu'on ne l'auroit esperé :
on en sera cependant moins surpris , fi
l'on veut bien faire atention qu'un enfant
en composant ce tème , le lit en
détail plus de cent fois , sans croire l'avoir
lu une seule fois ; c'est ainsi qu'il
aprend
1
SEPTEMBRE . 1730. 1919
ge des
des
aprend par une espece de pratique l'usades
sons , des des letres , des mots ,
parties d'oraison , des terminaisons ,
declinaisons , et des conjugaisons. Ce .
mouvement continuel pour chercher les
cartes dont il a befoin , foit de l'imprimerie
, du rudiment pratique , ou du
dictionaire , entretient le corps en santé ,
et done à l'esprit la meilleure culture
possible .
Pour bien faire pratiquer la métode du
Bureau tipografique , on doit donc acoutumer
l'enfant à metre fur fon Bureau
la copie du tème qu'on lui done , foit de
verfion ou de compofition ; foit en une ,
en deux , ou en trois langues , les unes
fous les autres ; en forte que les deux ou
les trois mots fignifiant la mème choſe ',
foient mis en colone' , l'enfant lira & expliquera
avec plaifir les lignes de ces petitis
tèmes ; cela l'obligera ou lui permet
tra de travailler feul ; ce qui eft un des
plus grands points ; car d'ordinaire les
enfans ne travaillent que par force ou à
l'euil et rarement par gout , fur tout
en l'abſence des autres . Quand le maitre
ne poura pas etre prefent , le premier
venu poura aider à l'exercice du Bureau,
meme un domeftique.
,
On poura doner à l'enfant des temes.
latins , dont la construction soit parfaite,
selon
(
1920 MERCURE DE FRANCE
selon l'ingenieuse & judicieuse métode
de M. du Marsais ; ou des tèmes dont la
construction foit chifrée & numerotée ,
c'eft-à -dire , dont la fuite des mots soit
marquée par la fuite naturele des nombres
, come on l'a pratiqué fur le texte
de Phedre ; ou enfin l'on poura doner
tout de fuite le latin melé avec le fran-
>
çois , si le latin trop fort ne permet pas
l'interlinaire
. On doit essayer de tout ,
et varier toutes les manieres ; cete diversité
eloigne l'ennui & le degout , article
essentiel & sur lequel on ne sauroit faire
trop d'atention . Pour varier encore d'avantage
l'exercice du bureau , on poura
quelquefois doner à ranger sur la table
des vers françois , pour former à la rime
P'oreille de l'enfant , et des vers latins
avec la quantité , pour lui faire voir ,
conoitre & sentir de bone heure les voyeles
longues & les voyeles breves de la langue
latine. On pouroit meme marquer
toujours la quantité en profe come en
vers , si l'on souhaitoit voir de plus grans
progrès dans l'étude de la profodie latine
, pour l'intelligence
de laquele il feroit
bon d'avoir dans quelque logete des
cartes marquées avec les piés des vers ,
qu'on pouroit apeler , cartes spondées
cartes dactiles , & c, pour indiquer le
le pié de deux silabes longues , celui
d'une
SEPTEMBRE . 1730. 1921
d'une longue & de deux breves , & c .
Si l'enfant prend du gout à ces petits
jeus , on poura lui montrer auffi celui
des anagrames , en prenant les letres qu
les cartes des noms & des mots fur lesquels
on veut travailler ; on combine ces
cartes de tant de manieres , que l'enfant
s'en amuse agréablement , sur tout si l'on
a soin de fournir des mots fécons en rencontres
hureuses & agréables , come la
plupart des logogrifes qu'on trouve dans
le Mercure de France ou ailleurs . Si l'enfant
a de l'oreille , on peut lui montrer
les notes de la mufique & essayer avec
des cartes de lui faire folfier les intervales
convenables à sa petite voix . Bien
des gens croiront ces exercices au dessus
de la portée des enfans , mais l'experience
les désabusera , s'il veulent bien en
faire l'essai .
Lorsque l'enfant est fort sur la composition
du bureau , et que les tèmes sont
un peu lons , il prend moins de plaisir
à les décomposet , c'est - à - dire à distribuer
& à remetre les cartes en leurs
cassetins , qu'il n'en a eu en les composant
, cet exercice est plus pénible qu'agréable
, c'est pourquoi il eft bon que de
tems en tems quelcun viene aider à distribuer
les cartes des letres & des fons
dans leurs logetes ; car pour les cartes de
l'arti
7922 MERCURE DE FRANCE.
l'article françois , des noms , des pronoms
, des verbes & de leurs terminaifons
; de meme que pour tous les mots
du dictionaire ; il eft mieux que l'enfant
les passe & repasse lui- meme en revue ,
pour aprendre à les bien conoitre & à les
retenir par coeur à force de les voir , et
de les lire à haute voix come dans la
composition. Il faut que l'euil & l'oreille
soient de la partie; un autre enfant , frere,
soeur , parent , ami , ou voifin , moins
fort fur l'exercice du bureau , s'estimera
hureux de pouvoir etre employé à distribuer
les letres du tème , composé par
le petit docteur.
L'enfant qui comance d'aprendre à
écrire , doit toujours continuer l'exercice
du bureau , afin de ne pas se gate la
main en écrivant des tèmes ou d'autres
chofes que ses exemples. La pratique du
bureau est si aisée & si utile , que l'enfant
doit y travailler jusqu'à ce qu'il puisse
écrire passablement & sans degout les
petits tèmes & les petites versions qu'on
Îui donera à faire ; quand le bureau ne
seroit plus necessaire pour le latin , il le
seroit pour le grec, l'ébreu & l'arabe, pour
l'histoire , la fable , la cronologie , la géografie
, les généalogies ; pour le blason
pour les médailles , et enfin pour les arts
& les siences , puisque ce bureau doit
tenig
"
"
SEPTEMBRE. 1730. 1723
tenir lieu de biblioteque en feuilles ou en
cartes. On ose meme assurer que quand
on doneroit à l'enfant plusieurs bureaux,
soit pour les langues , soit pour les sien-
'ces , il n'en aprendroit que mieux ; il auroit
des idées claires & distinctes des chofes
; l'ordre lui deviendroit insensiblement
familier , & l'on éviteroit par là
cete espece de confusion qui paroit dans
les logetes où l'enfant est obligé de tenir
les letres de plusieurs langues , en noir
& en rouge ; quoique separées par des
cartes doubles ou triples , en petits cartons
, plus courts que les autres cartes.
Un bureau historique metroit l'enfant
au large ; il auroit des logetes diferentes
pour la fable & pour l'histoire ;
cer idées bien ordonées , doneroient à l'enfant
un gout merveilleux pour la meilleure
métode d'aprendre les choses peu à
peu;sans sortir de son cabinet, il parcoureroit
tous les siecles & toute la terre ; il
auroit des suites numerotées des patriarches
, des juges , des rois , des pontifes , des
profetes , du peuple ébreu ; les successions
des souverains du monde ; des listes des
homes illustres dans la fable , dans l'histoire,
dans les arts & dans les siences ; les images
, les medailles y trouveroient leurs placesson
y distingueroit toujours le sacré &
leprofane , l'ancien & le moderne; en un
met
1924 MERCURE DE FRANCE
mot les murailles du cabinet de l'enfapt ne
devroient etre ornées & tapissées que
d'objets amusans & instructifs , àproportion
des facultés des parens , et des vues
qu'ils ont pour l'établissement ou ce qu'on
apelle dans le monde la fortune honorable
d'un enfant.
Pour finir cet article , on peut dire que
le grand segret , après celui de la metode,
c'est de n'exiger d'un enfant qu'une atention
proportionée à fon age & à fa foiblesse
; de faire aimer l'exercice du bureau
, et de rendre ce jeu aussi agréable
qu'il est utile & instructif ; mais sur tout
travailler souvent avec l'enfant , c'est
là un point essentiel , dont trop de maitres
fe difpensent ; et si l'enfant ne travaile
pas , il sera bon de faire travailler
avec lui quelque autre persone qui lui
soit agréable. Il en faut bien etudier le
fort & le foible , lui inspirer le gout de
bones choses , et le desir de pratiquer.
tous ses petits exercices literaires . On ne
doit jamais fraper ni batre l'enfant ¿ que
pour la rechute volontaire dans des fautes
morales d'esprit & de coeur , encore fautil
bien etudier la maniere de punir , et de
rendre la corection utile & eficace , de
quelque nature qu'elle puisse etre , soit
qu'on le prive de quelque chose , soit
qu'on le mortifie par quelque endroit , la
douceur
SEPTEMBRE. 1730. 1925
douceur , la patience , la clemence , ne
doivent jamais quiter un bon maitre qui
étudie l'esprit , le coeur , le naturel & les
inclinations de l'enfant .
On peut, s'il eft necessaire , faire semblant
d'etre en colere au milieu d'un sens
froid , on peut meme entrer dans la colere
, mais toujours avec moderation , maitre
des premiers momens ou mouvemens
d'impatience ; en un mot , la colere doit
etre feinte & teatrale , on doit conserver
la raison & la liberté necessaire à un juge
équitable en faveur de la justice & du criminel
. Bien des maitres fe passionent &
s'aveuglent contre de pauvres enfans ;
l'ignorance , une mauvaise éducation , des
moeurs équivoques , peu d'atachement,un
esprit mercenaire , tout cela contribue à
former des ames feroces & brutales, c'est
aus parens à prendre garde au chois qu'ils
font des maitres.
On ne doit donc avoir recours aus verges
que lorsque l'enfant coupable , impenitent
, indocile, desobéissant , &c. méprise
les remontrances ; mais on ne doit jamais
employer les coups pour l'étude des langues
, à moins qu'on n'ût le malheur de
ne pouvoir mieux faire , chargé d'un indigne
sujet que les parens auroient condané
aux études , plutot que de l'apliquer
aus arts & aus metiers les plus convena-
B bles
1926 MERCURE DE FRANCE
bles à son gout , ou les plus utiles à l'état.
On poura lire , à l'ocasion des chatimens
, le livre de M. Rollin , et une brochure
intitulée : Guillelmi Ricelli Disser
tatio medica adversus ferularum , alaperum ,
et verberum usum in castigandis pueris , nec
non aurium tractionem , &c. ad sanitatis tutulam
, &c. Lipfiæ , 1722 .
Nous voici , Monsieur , à l'article des
tèmes de lecture sientifique , fur lequel
vous avés demandé quelque éclaircissement.
On apèle tèmes sientifiques , les cartes,
au dos desqueles on écrit une ou plufieurs
lignes de françois avec toute l'exactitude
possible sur les accens , sur les sons
de la langue , et sur la veritable ortografe
, en sorte que l'enfant puisse pratiquer
les principes de lecture qu'on lui a donés ,
et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
Il n'y a aucun livre qui ait cete exactitude
, et peu de maitres sont au fait de toutes
les minuties qui regardent les sons &
la vraie ortografe de notre langue . Il est
donc bon au comancement de se servir
de ces sortes de cartes , pour avoir un texte
corect & conforme à la doctrine des sons
employés pour bien montrer à lire à un
petit enfant ; et l'on peut faire entrer dans
ces tèmes sientifiques toutes les dificultés
de la prononciation françoise , par raport
à la vieille & à la nouvele ortografe , ainfi
qu'on
SEPTEMBRE.1730 . 1927
qu'on a taché de le faire dans les cinquan-,
te-sept petits articles de la leçon 101 de
PA, B , C , françois.
L'enfant qui aprend à lire ces sortes de
tèmes, lit plutot, plus facilement, et beaucoup
mieux dans les manuscrits que les
autres enfans ne lisent dans les livres ; et
pour rendre l'enfant encore plus habile ,
il faudra lui ramasser des cartes sur lesqueles
on aura fait écrire diverses persones
, ou bien lui faire adresser de petites
épitres de la part des parens , des amis &
des voisins , qui voudront bien se preter
& contribuer de leur part à l'éducation
d'un digne enfants pour lors chacun sera
surpris de voir le grand succès de ce petit
artifice . De la lecture de ces tèmes , de
ces cartes ou de ces épitres , on passe facilement
à cele des livres imprimés en caractere
romain ou italique ; mais il eft bon
au comancement de chercher de beles
éditions corectes & d'un gros caractere ;
après quoi l'on doit peu à peu metre l'enfant
sur toute sorte de livres , et lui faire
remarquer les défauts & les fautes de chaque
ortografe des bones & des mauvaises
éditions , depuis l'anée courante jusques
au tems que l'on comança d'imprimer.Les
abreviations ne doivent pas faire de pei-
, elles fourniront d'autres jeux literaires
; il n'eft pas mal en aprenant à lire ,
Bij
d'a1928
MERCURE DE FRANCE
d'aprendre quelque autre chole de plus.
S'il y avoit quelque livre imprimé corectement
, selon l'ortografe de l'oreille
ou des sons de la langue , il feroit presque
inutile d'épeler ; mais la vieille & la fausse
ortografe, ou la cacografie , exigent que
l'on fasse epeler de tems en tems certains
mots ; en atendant ce livre corect que
nous n'avons pas , l'A B C DE CANDIAC
poura etre de quelque secours pour les
enfans , et pour les maitres dociles , non
prevenus ; car pour les autres il faut les
laisser faire à leur fantaisie , les abandoner
à la vieille ortografe, à la vieille géografie,
aux vieilles grammaires , aus vieilles metodes,
et meme à l'écriture gotique , si elle
est de leur gout , et du gout des parens qui
livrent leurs enfans à de tels guides dans
la republique des letres.
L'heureuse experience des temes sientifiques
donés sur des cartes fit en meme
tems croire qu'un enfant aprendroit
plus facilement de cete maniere , que
dans aucun livre tout ce qu'on souhaiteroit
qu'il aprit , parce qu'à force de manier
, de lire , et de ranger les cartes nu
merotées qu'il voit preparer pour lui , il
sait d'abord par coeur ce qui eft écrit sur
ces cartes ; il se plait d'ailleurs à ce jeu
autant qu'il s'ennuie à feuilleter les li-
VICs donés par les métodes vulgaires. La
revue
།
SEPTEMBRE. 1730. 1929)
revue & la revision de tous ces jeus de
cartes font plus d'impression sur l'esprit
de l'enfant , , que les
livre.
pages
odieuses d'un
Les temes sientifiques de la langue fran
çoise feront ensuite place aus temes la
latis , aus cartes en grec , en ebreu , en
arabe , &c. sans trop multiplier d'abord
les cartes de l'imprimerie , on poura montrer
à un enfant en peu de jours l'A B C
grec & l'ABC ebreu , qu'on metra à
côté des letres & des sons de la langue
françoise ; le meme nom , la meme carte,
serviront pour les trois langues , et l'enfant
qui trouvera l'aleph , ( 2) et l'alpha
(a) sur la carte de notre a , leur donera
la meme denomination , et aprendra tout
seul à les distinguer les uns des autres .
On donera ensuite des mots , des racines,
et des lignes en grec & en ebreu , afin
que l'enfant aprene à composer ces lignes
sur la table de son bureau tipografique ,
de la meme maniere qu'il y aura composé
des lignes enfrançois & en latin . Cet exercice
sera infailliblement du gout de l'enfant
, sur tout si auparavant l'on a eu soin.
de lui doner des letres , des mots , .et
des lignes , qui imitent la casse des imprimeurs
, &c.
Il est aisé de voir que par cet exercice
un enfant peut facilement entretenir la
Bij lecture
1930 MERCURE DE FRANCE
lecture des quatre langues . Cete imprimerie
compofée de tant de petits volumes
ou de feuilles volantes isolées & detachées.
a une aparence de jeu qui porte l'enfant ,
au badinage instructif. On peut alonger,
renouveler , et varier ce jeu de tant de
manieres , et sur tant de matieres diferentes
, qu'il ne paroit pas qu'en fait de
téorie ou de pratique , on puisse inventer
une métode plus au gout , et plus à
la portée des enfans , que cele du bureau
tipografique , soit pour la santé du corps,
soit pour la premiere culture de l'esprit.
On ne sauroit trouver une métode' generale
, qui en si peu de tems puisse produire
d'aussi grans & d'aussi surprenans
efets. Cependant ceus qui feront atention
à la force de l'habitude ou des actes reiterés
unc infinité de fois , concevront sans
peine la verité de ce que l'on dit ici ; et
les persones qui ont vu & admiré le savoir
du petit CANDIAC à Montpellier,
à Nimes , à Grenoble , à Lion , à Villefranche
& à Paris , ne refuseront jamais le
témoignage du à cete meme verité.
Ceux qui voudront faire aprendre par
coeur les principales regles de la métode
de P.R. come celes de la sintaxe, & c. pouront
les doner à l'enfant sur des cartes
numerotées avec des exemples & des lis
tes de mots au dos de ces mèmes cartes :
mais
SEPTEMBRE. 1730. 1931
}
mais on doute qu'il soit necessaire d'aprendre
ces regles pat coeur il sufit de
les faire lire & relire , et de les expliquer
souvent à mesure que les tèmes donés l'exigeront.
Les auteurs de ces regles condanant
l'uſage & la pratique des maitres
qui donoient les regles en vers latins
ont cru qu'en les metant en vers françois
, il n'y avoit presque plus rien à desirer.
En cela l'on a jugé trop favorablement
des enfans : aprendre une regle par
coeur , c'eft l'operation d'un peroquet ,
d'un enfant , et de la memoire ; savoir
faire l'aplication de cete regle, c'est l'efort
de l'esprit humain. Bien des gens aprenent
les quatre regles d'aritmetique , qui jamais
ne peuvent résoudre le moindre problème.
Ceux qui savent par coeur les regles
de logique , ne sont pas toujours ceux
qui raisonent le mieux : on doit donc bien
distinguer la téorie de la pratique , et ne
pas confondre l'articulation des principes
ou l'étude aveugle des principes apris par
coeur sans les comprendre , selon la métode
vulgaire , avec l'étude pratique & de
sentiment , selon la métode du bureau
tipografique , qui fait marcher en mème
tems la pratique & la téorie , sans qu'il
soit besoin d'atendre qu'un enfant sache
écrire ; avantage inexprimable , et ignoré
jusqu'ici dans toutes les écoles d'Europe.
B iiij On
1932 MERCURE DE FRANCE
On continuera cete matière dans les reflexions
preliminaires du rudiment pratique .
la
Il semble, dira quelcun , qu'on veuille
réduire les premiers exercices literaires
d'un enfant à de simples jeus & amusemens
de cartes , afin qu'il puisse jouer seul
ou avec d'autres. Il eft vrai qu'on souhaiteroit
de donner à l'enfant des roses sans
épines ; et que les maitres & les maitresses
à force de soin , de travail , et d'assiduité,
voulussent bien aprendre leur metier, et à
se faire aimer des enfans plutot que de s'en
faire haïr; efet ataché à l'ignorante & mauvaise
métode vulgaire : au lieu
que par
tode du bureau tipografique , l'enfant se
livre d'abord avec plaisir au jeu instructif
des cartes abecediques , dès qu'il sait articuler
quelques silabes , et qu'il a l'usage
de ses doits & de ses mains pour manier
& ranger des cartes sur la table de son
bureau. On ne parle point ici de ces jeus
en feuilles qui demandent de l'atention ;
une petite societé , et souvent par malheur
, un esprit d'interèt , qui d'accessoire
devient principal , et qu'il n'est pas
toujours aisé de bien diriger. On en par
lera ailleurs.
Malgré tout le bien & tous les avantages
atribués à ces jeux abecediques , on
doit cependant metre les enfans le plus
tot qu'il sera possible dans le gout de lire
les
SEPTEMBRE. 1730. 1933
les bons livres , et dans l'usage de parcourir
les tables des matieres qu'ils con--
tienent : on ne l'entend gueres que des
livres historiques ou à la portée des enfans
, car pour les livres moraux , ils ennuient
&dégoutent l'enfance ; l'instruction
morale se doit doner de vive voix & dans
toutes les ocasions favorables pour faire
plus d'impression sur l'enfant : agir autrement
, c'est perdre sa peine & détruire
dans un sens l'édifice déja comencé ; l'experience
journaliere ne permet pas de le
penser autrement .
J'aurois du , Monsieur , vous dire quelque
chose sur la cassete abecedique , puisque
c'est le premier meuble literaire qu'il
faudroit livrer à un enfant de deux à
trois ans. Cere cassete est habillée ou couverte
des premieres combinaisons élementaires
; la feuille de ces combinaisons est
l'abregé de l'A B C latin & françois , et
l'on ne sauroit y tenir un enfant trop
lontems , pourvu qu'on ait soin de lui
faire dire sur la cassete les combinaisons
non- seulement de gauche à droite , mais
encore de droite à gauche , de haut en
bas & de bas en haut , ou en colones ,
c'est- à-dire en ligne horisontale , et en
ligne perpendiculaire .
Le premier des deux petits cotés à droi
te , contient N. 1. les letres du grand
By A
++
1934 MERCURE DE FRANCE
1
ABC latin avec leur dénomination , ou
le nom doné et preté à chaque consone
pour rendre selon cete nouvele métode
l'art de lire plus aisé.
Le segond des deux petits cotés de la
cassete à gauche , contient , No. 2. le petit
a , b, c, à coté du grand , letre à letre,
afin que l'enfant qui conoit bien les grandes
letres , puisse facilement & presque
de lui-même aprendre ensuite à distinguer
les petites.
La premiere des grandes faces de la cassete
, et sur le devant , contient N ° . 3 .
en deux colones les combinaisons élementaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , &c.
Le deriere de la cassete, contient N ° . 4.
et en deux colones , les combinaisons du
Ba , be , bi , bo , bu , &c. dans lesqueles
on fera remarquer les changemens que
l'auteur a cru necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons Ca,
se , si , co , cu ; Ga , je , ji , go , gu , ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , so , su ; Ta ,
te , ti- ci , to , tu , &c.
Le dessus du couvercle de la cassete ,
contient No. 5. N° . 6. les combinaisons
du Blà , ble , bli , blo , blu , &c. et celles du
Bra, bre , bri , bro , bru , & c . . . .. . N ° . 7.
les combinaisons des quatre petites letres
ressemblantes b , d, p ,q , combinées avec
leurs quatre capitales , et ensuite avec les
cinq
SETEMBRE. 1730. 1935
cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp , Qq,
&c , Ba , de , pi , qu , bo , &c. .... N. 8.
des sons particuliers à la langue françoise.
?
Cete cassete servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons &
les jeus de cartes abecediques , qui ont
servi de premiers amusemens à l'enfant.
On trouvera de ces cassetes , de ces cartons
, et de ces cartes abecediques chés
P. Witte, Libraire , rue S. Jacques, à l'Ange
Gardien , vis- à- vis la rue de la Parcheminerie.
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Résumé : QUATRIÉME LETRE Sur l'usage du bureau Tipografique.
Le texte présente une méthode pédagogique appelée 'bureau typographique' visant à instruire et amuser les enfants. Cette méthode consiste à apprendre aux enfants les lettres, les syllabes, les mots et les lignes en les composant et décomposant sur une table de bureau. Les maîtres doivent faire preuve de douceur et de patience. Les enfants utilisent des cartes pour jouer avec les lettres et les combinaisons de syllabes, commençant par des combinaisons élémentaires comme 'ab, eb, ib, ob, ub' et progressant vers des combinaisons plus complexes. Les cartes sont utilisées pour des jeux éducatifs, où les enfants apprennent à lire et à reconnaître les lettres. Les thèmes abordés commencent par des sujets familiers aux enfants, comme les parents et les amis, et progressent vers des sujets plus complexes comme l'histoire, la mythologie et la géographie. Les cartes peuvent également contenir des terminaisons de déclinaisons et de conjugaisons, ainsi que des adverbes et des prépositions en français et en latin. La méthode encourage l'enfant à lire à haute voix et à pratiquer régulièrement. Elle inclut également des exercices numériques pour familiariser l'enfant avec les nombres. L'enfant doit composer et décomposer des thèmes sur son bureau, ce qui lui permet d'apprendre par la pratique. La méthode est conçue pour être variée et amusante, évitant ainsi l'ennui et le dégoût. Elle peut être adaptée pour inclure des jeux d'anagrammes, de musique et d'autres activités éducatives. Le texte souligne l'importance de la pratique continue et de la variété dans les exercices pour maintenir l'intérêt de l'enfant. La méthode est également adaptable à différentes langues et disciplines, comme le grec, l'hébreu, l'arabe, l'histoire, la géographie, et les arts. Les enfants doivent disposer de plusieurs bureaux pour différentes matières, comme les langues ou les sciences. Un bureau historique, par exemple, permettrait à l'enfant de structurer ses connaissances et de développer un goût pour la méthode d'apprentissage. Les cartes et les objets amusants et instructifs doivent orner les murs du cabinet de l'enfant, adaptés à ses capacités et aux aspirations de ses parents. L'article insiste sur l'importance de la méthode et de l'attention proportionnée à l'âge de l'enfant. Il recommande de rendre les exercices agréables et instructifs, et de travailler souvent avec l'enfant. Les maîtres doivent éviter de frapper ou de battre les enfants, sauf en cas de fautes morales volontaires, et toujours avec modération. La douceur, la patience et la clémence sont essentielles. Pour l'apprentissage de la lecture, les thèmes scientifiques (cartes avec des lignes de français exactes) sont préférés aux livres, car ils permettent une pratique plus précise des sons et de l'orthographe. L'enfant apprend ainsi à lire plus facilement et plus correctement. Les cartes peuvent ensuite être utilisées pour d'autres langues, comme le grec ou l'hébreu, facilitant l'apprentissage de plusieurs langues simultanément. Le texte critique les méthodes traditionnelles qui se contentent de faire apprendre des règles par cœur sans les comprendre. Il prône une méthode pratique et intuitive, où la théorie et la pratique avancent de concert. Les jeux abécédiques sont introduits dès que l'enfant sait articuler quelques syllabes, rendant l'apprentissage ludique et efficace. Le document mentionne également une cassette abécédique, un outil littéraire destiné aux enfants de deux à trois ans. Cette cassette contient diverses combinaisons de lettres et de sons pour faciliter l'apprentissage de la lecture. Elle est organisée de manière à permettre à l'enfant de pratiquer les combinaisons dans différentes directions. Les différents côtés et faces de la cassette contiennent des lettres latines et françaises, des combinaisons élémentaires, et des distinctions entre grandes et petites lettres. Le dessus du couvercle inclut des combinaisons spécifiques et des sons particuliers à la langue française. La cassette sert à rendre l'apprentissage ludique et à conserver les cartes et jeux de cartes abécédiques utilisés comme premiers amusements pour l'enfant. Ces cassettes, ainsi que les cartons et cartes abécédiques, sont disponibles chez P. Witte, libraire rue S. Jacques, à l'Ange Gardien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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58
p. 2117-2141
CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Début :
J'aprens avec bien du plaisir, Monsieur, que vous ètes à présent un peut au faìt. [...]
Mots clefs :
Mots, Enfants, Enfant, Cartes, Méthode, Verbes, Pratique de la langue latine, Collège, Écoliers, Exercice, Langue, Dictionnaire, A, B, C Latin, Français, Ignorance, Savant, Conjugaison, Pratique, Règles, Expérience
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
CINQUIE'ME LETRE sur l'usage des
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Le texte présente une méthode pédagogique pour l'apprentissage de la langue latine à travers l'usage de cartes, adaptée aux enfants dès l'âge de 2 à 3 ans. Cette approche vise à rendre l'apprentissage ludique et efficace. Les cartes, numérotées et organisées, structurent l'apprentissage des déclinaisons, conjugaisons et autres éléments grammaticaux. L'enfant apprend à ranger et à réciter ces cartes, facilitant ainsi la mémorisation et la compréhension. L'auteur critique les méthodes traditionnelles, jugées inefficaces et trop théoriques, et prône une approche pratique et interactive. Les cartes sont également utilisées pour des exercices variés et progressifs, comme la déclinaison des paradigmes et la conjugaison des verbes. Elles servent aussi pour des exercices de composition et de version, en s'appuyant sur des textes historiques ou religieux. Cette méthode prépare l'enfant à des lectures plus complexes, comme le Nouveau Testament ou les fables de Phèdre, tout en évitant de surcharger sa mémoire. Le texte discute également des jeux de cartes pour rendre l'apprentissage plus agréable et instructif, permettant aux enfants de passer d'un sujet à un autre sans se lasser. Les livres peuvent alarmer les enfants, mais les cartes leur permettent de créer leur propre livre, augmentant ainsi leur curiosité. Certains maîtres critiquent l'usage des textes interlinéaires, mais l'auteur note leur utilité pour apprendre des langues mortes ou vivantes, citant des exemples comme l'Ancien et le Nouveau Testament avec des interprétations mot à mot. L'auteur critique les méthodes traditionnelles d'enseignement du latin et du grec, les trouvant trop abstraites et rebutantes pour les enfants. Il propose des rudiments pratiques et l'utilisation de cartes pour enseigner les déclinaisons et les adjectifs. Il insiste sur l'importance de commencer tôt l'éducation des enfants et de leur apprendre à étudier seul. Le texte compare également les écoles publiques et les éducations privées, notant que les premières ne produisent pas toujours des résultats proportionnés aux années d'étude. Il critique les méthodes vulgaires d'enseignement et propose des approches plus adaptées à l'âge et à la portée des enfants. Enfin, l'auteur souligne la différence entre apprendre par cœur des règles et les appliquer en pratique, insistant sur la nécessité de méthodes éducatives plus judicieuses dès le jeune âge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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59
p. 2237-2239
Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
Début :
PRINCIPES GENERAUX ET RAISONNEZ de la Grammaire françoise, par demandes [...]
Mots clefs :
Grammaire française, Université de Paris, Orthographe, Grammaire, Ponctuation, Prononciation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
PRINCIPES GENERAUX ET RAISONNEZ
Fiij
de
2238 MERCURE DE FRANCE
de la Grammaire françoife , par demandes
& par réponſes , dediés à Monfeigneur
le Duc de Chartres . A Paris , chez Jean
Defaint , Libraire- Juré de l'Univerfué
ruë de S. Jean de Beauvais. 1730. volume
in 12 d'environ 350 pages. prix une
liv. 15 f.
Celui qui a compofé cet ouvrage a
eu deffein d'entrer dans les vuës de M.
Rollin , qui dit dans fon excellent Traité
des Etudes , qu'il feroit à fouhaiter que
l'on compofât pour les jeunes gens une
Grammaire abregée , qui ne renfermât
que les regles & les reflexions les plus
neceffaires . Les gens fenfez fe plaignent
avec raifon depuis long- tems que l'on
faffe employer à la jeuneffe une fi longue
carriere pour leur apprendre le grec & le
latin , & que l'on néglige de leur donner
en même tems des regles fûres pour bien
parler , & pour bien écrire leur propre
langue. On entend tous les jours des gens
habiles d'ailleurs prononcer je trouverrai
pour je trouverai , il mourera , pour il
mourra , &c. On voit très -peu de Lettres
bien ponctuées , bien orthographiées ,
d'où cela vient- il ? fi ce n'eft du peu d'attention
que l'on a d'inftruire les enfans
des regles de leur propre langue.
On ne fçauroit donc trop louer le deffein
que s'eft propofé celui qui a arangé
la
OCTOBRE. 1730. 2239
la nouvelle Grammaire Françoife dont
nous parlons. Ce livre eft très -clair , trèsméthodique
, & rempli de beaux exemples
, qui fervent à faire entendre les définitions
qui fe trouvent néceffairement
dans un ouvrage de cette efpece.
On trouve à la fin de ce Livre un Traité
de l'Orthographe , de la Ponctuation , &
de la Prononciation , où l'Auteur a ramaffé
tout ce qui lui a paru neceffaire fur ces
trois articles.
L'Univerfité de Paris paroît juger fa
vorablement de cet Ouvrage puifque
plufieurs des plus habiles Profeffeurs l'ont
déja mis entre les mains de leurs Ecoliers ,
pour en faire un livre claffique.
Fiij
de
2238 MERCURE DE FRANCE
de la Grammaire françoife , par demandes
& par réponſes , dediés à Monfeigneur
le Duc de Chartres . A Paris , chez Jean
Defaint , Libraire- Juré de l'Univerfué
ruë de S. Jean de Beauvais. 1730. volume
in 12 d'environ 350 pages. prix une
liv. 15 f.
Celui qui a compofé cet ouvrage a
eu deffein d'entrer dans les vuës de M.
Rollin , qui dit dans fon excellent Traité
des Etudes , qu'il feroit à fouhaiter que
l'on compofât pour les jeunes gens une
Grammaire abregée , qui ne renfermât
que les regles & les reflexions les plus
neceffaires . Les gens fenfez fe plaignent
avec raifon depuis long- tems que l'on
faffe employer à la jeuneffe une fi longue
carriere pour leur apprendre le grec & le
latin , & que l'on néglige de leur donner
en même tems des regles fûres pour bien
parler , & pour bien écrire leur propre
langue. On entend tous les jours des gens
habiles d'ailleurs prononcer je trouverrai
pour je trouverai , il mourera , pour il
mourra , &c. On voit très -peu de Lettres
bien ponctuées , bien orthographiées ,
d'où cela vient- il ? fi ce n'eft du peu d'attention
que l'on a d'inftruire les enfans
des regles de leur propre langue.
On ne fçauroit donc trop louer le deffein
que s'eft propofé celui qui a arangé
la
OCTOBRE. 1730. 2239
la nouvelle Grammaire Françoife dont
nous parlons. Ce livre eft très -clair , trèsméthodique
, & rempli de beaux exemples
, qui fervent à faire entendre les définitions
qui fe trouvent néceffairement
dans un ouvrage de cette efpece.
On trouve à la fin de ce Livre un Traité
de l'Orthographe , de la Ponctuation , &
de la Prononciation , où l'Auteur a ramaffé
tout ce qui lui a paru neceffaire fur ces
trois articles.
L'Univerfité de Paris paroît juger fa
vorablement de cet Ouvrage puifque
plufieurs des plus habiles Profeffeurs l'ont
déja mis entre les mains de leurs Ecoliers ,
pour en faire un livre claffique.
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Résumé : Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
En 1730, une nouvelle grammaire française intitulée 'Grammaire françoise, par demandes & par réponses' est publiée et dédiée au Duc de Chartres. Cet ouvrage de 350 pages répond aux souhaits de M. Rollin, qui désirait une grammaire abrégée adaptée aux jeunes. L'auteur critique la priorité donnée à l'apprentissage du grec et du latin au détriment des règles de la langue maternelle. Il mentionne des erreurs fréquentes en prononciation et en écriture, comme 'je trouverrai' au lieu de 'je trouverai' ou 'il mourera' au lieu de 'il mourra'. La grammaire est décrite comme claire et méthodique, enrichie d'exemples pertinents. Elle inclut des traités sur l'orthographe, la ponctuation et la prononciation. Plusieurs professeurs de l'Université de Paris l'ont déjà adoptée comme livre classique pour leurs élèves.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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60
p. 2336-2363
SISIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans et sur l'essaì du rudiment pratique de la langue latine.
Début :
MONSIEUR, Je done ici l'essaì du rudiement pratique de la langue latine pour abreger le [...]
Mots clefs :
Enfant, Verbes, Pratique, Latin, Méthode, Substantif, Écoles, Syntaxe, Dictionnaire, Conjugaison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SISIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans et sur l'essaì du rudiment pratique de la langue latine.
SISIE ME LETRE surla bibliotèque
des enfans et sur l'essai du rudiment
pratique de la langue latine .
MONSIE ONSIEUR ,
Je done ici l'essai du rudiment pratique
de la langue latine pour abreger le
tems que les enfans emploient , et épargner
celui que la plupart perdent à aprendre
par coeur bien des paradigmes , des
exemples , et des règles inutiles quand ils
comencent leurs études . J'ai cru que dans
la grammaire , come dans la géometrie ,
en devoit chercher une liaison pour pas
ser du simple au composé ; et c'est ce qui
m'a déterminé à comencer par les parties
d'oraison ou du discours , adverbiales et
indéclinables, soit qu'elles éxigent des cas
come les prépositions , soit qu'elles n'en
demandent point come les adverbes , etc.
On ne sauroit donc mieus faire que de
doner abécédiquement ou d'une autre
manière en latin et en françois, en françois
eten latin , les principales particules indéclinables
par ordre de qualité. On pouroit,
par exemple , doner les interjections de
joie , d'afliction , etc. les conjonctions copulatives,
NOVEMBRE. 1730. 2337
pulatives , disjonctives , etc. les adverbes
d'afirmation , de négation , etc. les prépositions
et les particules sans cas et avec.
leurs cas ; metant à part celes qui régissent
ou demandent le nominatif , le genitif,
le datif, l'acusatif , le vocatif, ou l'ablatif.
On comprend dans les lectures ou dans
les leçons des indéclinables , les petites
frases adverbiales , proverbiales , modifiées
par des particules, mais dont la construction
est toujours la même. Enfin on
peut doner dans la leçon des indeclina
bles tous les modificatifs transitifs , et toutes
les transitions déclinables ou indéclinables
, lorsqu'elles sont employées come
de simples adverbes, ou come des mots
adverbialement composés de plusieurs autres
mots .
Après que l'enfant auralu,relu, et composé
sur son bureau ce qui regarde les
parties du discours indéclinables, il faudra
ensuite le faire passer aus parties déclinables,
et doner peu àpeu à chaque déclina
son la liste des principaus noms substantifs
et adjectifs, de mème que les pronoms
et les noms de nombre à mesure qu'ils passeront
dans les tèmes de l'enfant , et dans
son dictionaire pratique . On poura essayer
de mètre quelquefois dans ces listes la terminaison
du genitif, et le genre du nom
par exemple , luna , a , f. ( la lune ) ca
Av
2
dame
2338 MERCURE DE FRANCE
dans une autre liste , la lune ( luna , æ, f. }
afin d'avoir une liste pour la version et
une autre pour la composition : ce sera un
peu plus de peine pour le maître en atendant
qu'on ait de bons rudimens pratiques
; mais il en sera bientot dédomagé
par la rapidité des progrès qu'il vêra faire
à son petit éleve .
Je ne sais s'il seroit mieus de doner une
liste des mots déclinables par ordre abécédique
, ou par ordre des matières , et
de qualité , etc. peut- ètre ne doit-on suivre
au comencement que l'ordre et la
suite des lectures , et joindre chaque jour
aus listes comencées les mots qu'on rencontrera
pour la première fois dans les
lectures ordinaires. quand les listes seront
longues , on sera forcé de suivre l'ordre
abécédique , pour ne pas recopier souvent
les mèmes mots ; desorte qu'il sera mieus
pourlors d'avoir la liste générale et suivie
des mots que fourniront les diverses
lectures , pour en former après cela avec
plus d'exactitude et fans répétition , les
diverses listes des mots par ordre abécédique.
On ne doit copier les listes des
mots par ordre abécédique , que lorsque
l'enfant en sait par coeur plusieurs cenraines.
On le pratica ainsi pour le petit
Candiac , agé de cinq ans : il avoit pour
la version d'un texte , une facilité qu'on
auroit
NOVEMBRE . 1730. 2339
auroit peine à croire , à moins que de
l'avoir vu , ce qu'ont fait bien des savans
et des curieus que je pourois citer en faveur
de la métode pratique du bureau :
ils l'ont admirée, aprouvée, et en rendent
par tout le mème témoignage. Pour métre
facilement les mots des tèmes , des versions
, et des lectures dans l'ordre abécédique
du dictionaire du bureau , il faut
prendre une feuille pour chaque lètre de
l'a b c, diviser la page en quatre colones ,
savoir , la première pour les verbes , la
segonde pour les noms adjectifs , la troisieme
pour les noms apellatifs , et la
quatrieme pour les particules indéclinables
, qu'on écrit à mesure qu'on en augmente
le dictionaire. On suivra enfin l'ordre
qu'on voudra , à l'égard des noms
propres on poura les copier separément
sur dautres feuilles , historiques et non
grammaticales. En atendant cète liste , il
sufit que les noms propres soient à leur
rang de logètes dans le dictionaire pratique.
Pour faire décliner les noms d'une manière
pratique et sensible , il faut joindre
chaque cas avec un mot indéclinable , ou
déclinable , qui exige ou régisse le cas ,
par exemple , en luna ( voilà la lune ) figura
luna ( la figure de la lune , etc. ) métode
qu'il faudra suivre dans chaque dé
A vj cli
2340 MERCURE DE FRANCE
clinaison des noms et des pronoms , err
combinant et variant les termes , autant
que l'exercice des déclinaisons poura le
permetre ; c'est pourquoi il faudra changer
de nom , de préposition , d'adverbe ,
ou enfin de mot regissant , pour varier
ce jeu et le rendre plus instructif et
moins ennuyant ; car il ne faut pas quiter
les déclinaisons que l'enfant ne conoisse
et ne sente bien l'usage et la distinction
des cas , des nombres , de Particle , des
terminaisons , et la diference des genres.
›
On suivra le meme ordre en passant
du jeu des mots déclinables au jeu ou à
Pexercice des mots conjugables , en començant
par le verbe substantif sum ( je
suis) et continuant par les conjugaisons active
et passive, avant que de passer à cèle
des verbes déponens , neutres , irreguliers
etc. observant de joindre à chaque persone
du verbe , une petite frase contenant
quelque indéclinable et quelque déclinable
, pour entretenir et augmenter
la conoissance aquise des adverbes , des
prépositions , des noms , des pronoms ,
et généralement de tout ce qui regarde
l'indéclinable et le déclinable , c'est- àdire
, qu'il faut faire entrer dans la frase
courante et du jour , les dificultés des petites
frases qui ont déja passé , avec les
nouvèles dificultés que le maitre souhaite
doner
NOVEMBRE . 1730. 234T
doner à l'enfant, et j'apèle cela imiter dans
un sens la métode des géometres.Par exem.
je suis toujours devant le seigneur, etc.
ego sum femper coram domino , etc.
L'enfant qui saura lire le latin et le
françois poura composer ensuite au bureau
tipografique, les petites frases sur les
sis cas des noms déclinés avec les combinaisons
des parties du discours : par exemple
, ecce authorÆsopus auctor ; ego auctor,
doctus auctors sum auctor ; amor auctor, etc.
L'enfant passera peu- à-peu des petites frases
aus plus longues de cèles que l'on peut
doner en glose mot- à-mot en latin er en
françois après quoi viendra le recueil des
petites frases choisies d'usage courant et
journalier purement latines , qu'on ne
peur traduire mot- à- mot sans latînismes ,
et de celles qu'on ne peut composer en
latin mot-à-mot sans gallicismes. Le rudiment
pratique doit comprendre tous les
mots qui sont employés dans ces frases ;
et outre ce recueil pratique, il ne sera peutêtre
pas mal d'avoir encore une nomenclature
ou un vocabulaire par ordre des
matieres , afin que l'enfant de trois ans
lisant et relisant les mots de ce livre jusqu'à
sis ans , et les composant sur son bureau
tipografique , soit plu- tot en état de
passer à la lecture des bons originaus
avec le secours du maître , qui doit lut
tenir
*
2342 MERCURE DE FRANCE
tenir lieu de téorie , de grammaire , de
dictionaìre , etc. et qui doit lui expliquer
à propos les principes nécessaires pour
l'intelligence et le génie des langues .
Quoique le rudiment pratique contiè
ne des exemples sur toutes les concordances
et sur la sintaxe , le maitre fera
bien de doner de petites frases sur les dificultés
des genres , des déclinaisons , des
conjugaisons, et de la sintaxe ; en comançant
par les frases du nominatif , et continuant
à son chois , ou au chois de l'enfant,
par celle de tous les cas et des nombres
des mots déclinables , soit noms ou
pronoms , avec la pratique des mots indéclinables
ou déclinables , qui exigent
ou régissent quelque cas. il ne sera point
mal de doner des frases proportionées à
l'age et à la capacité de l'enfant, de mème
qu'à l'état auquel les parens le destinent.
Ôn fera la mème chose à l'égard des verbes
pour les tems , les modes , les participes
, etc. employant les pronoms personels
, réciproques , rélatifs , absolus , démonstratifs
, interogatifs , responsifs ,
possessifs , etc. avec la pratique continuèle
des mots indéclinables ou déclinables , et
quelquefois avec cèle des questions de
lieu , de tems , de mesure , etc. Tout ce
qui s'apèle particule , doit se trouver dans
les frases sur les verbes , tems pour tems ,
mode
NOVEMBRE . 1730. 23 43
mode pour mode , observant quelque ordre
, quoique libre , dans toute cete métode
pratique . Au comencement chaque
mot latin doit ètre sous le mot françois ,
selon la méthode de M. du Marsais , en
atendant que l'enfant soit en état de
рон-
voir se contenter d'une ligne de françois
sous une ligne de latin , mais non mot à
mot ; ou qu'il puisse se servir d'un pur
texte , dont la construction soit chifrée
et numerotée come le texte des fables de
Phèdre , que l'enfant peut mètre sur son
bureau , en suivant l'ordre des chifres qui
I 2 3.
leg uident , par exemple : Lupus et agnus
4 5 7 8
compulsi siti venerant ad eundem rivum , etc.
Les maltres qui ne sont pas en état de
bien montrer par eus-mèmes , auront recours
à la méthode de P. R. et encore
mieus à celle de M. du Marsais ; sans acabler
de regles , ni embarasser les enfans
qui ont plu - tot besoin de pratique que
de réorie , ainsi qu'ils le démontrent eus
mèmes par la facilité avec laquelle ils aprè
nent la langue maternèle : cète facilité que
la pratique done , permetra aussi d'accentuer
le latin du rudiment et des tèmes
, come on le fait ordinairement dans
les livres d'église ; c'est le moyen de former
de bone heure l'oreille de l'enfant ,
au moins à la quantité des pénultièmes
silabes
2344 MERCURE DE FRANCE
silabes , en atendant qu'il puisse apren
dre cèle des autres silabes , par la pratique
des compositions au bureau tipografique
, et par la lecture ou par l'étude
des poëtes.
Quand l'enfant saura écrire on ne
sauroit mieus faire que de lui montrer à
copier les listes des noms et des verbes
dans l'ordre abécédique initial ou final ,
come celui du dictionaire des rimes >
pour faire observer les terminaisons , les
genres , les prétérits et les supins , en donant
peu à peu , et toujours à propos , la
doctrine des règles et des exceptions , bien
loin d'en acabler d'abord l'enfant , selon
la métode vulgaire des écoles et de la
plupart des maitres .
:) On
Il faudra copier les listes des verbes ,
et en avoir une particulière pour chaque
conjugaison , et ensuite la liste gé-,
nerale de tous les verbes ; par exemple :
amare , amo , amavi , amatum.
aimer, j'aime, j'ai aimé, aler aimer. On
poura doubler les listes des verbes come
on a fait cèle des noms, c'est - à- dire qu'on
poura les faire en latin et en françois , ec
ensuite en françois et en latin , le tout
sans oublier les verbes déponens , les verbes
neutres , les défectifs , les irreguliers ,
les impersonels , etc.
S
NOVEMBRE. 1730. 234.5
§ . 1. Déclinaison des noms.
On peut suivre sur les déclinaisons des
noms la métode proposée pour montrer
à lire à un enfant de deus à trois ans . il
faut au comencement avoir des cartes
pour les nombres , les cas , les mots à décliners
pour les terminaisons , l'article et
le mot françois , come pour le mot latin ,
et enfin pour chaque espece diferente de
nom , afin que l'enfant puisse sans embaras
et d'un coup d'euil , voir le jeu des déclinaisons.
cet exercice sera plus amusant
et plus instructif , si l'on observe avec
soin d'écrire en rouge ou d'un caractere
diferent les colones principales et alternatives
des déclinaisons , que l'on metra
sur des cartes exemple : N. lun a , la
lune , etc. il sufit de faire lire à l'enfant
un nom décliné pour chaque déclinaison :
par exemple,Musa ( la Muse ) pour la 1º,
dominus , (le seigneur ) pour la 2 : pater
( le pere ) pour la 3.fructus ( le fruit ) pour
la 4. dies ( le jour ) pour la 5. Les grammairiens
apèlent les mots ainsi déclinés
paradigmes , prototipes , c'est-à dire modè
les ou exemples , parce que ces mots servent
de règle pour décliner tous les noms
de la mème déclinaison , à quelque dife
rence près dont l'usage et la suite des lectures
, des versions , et des compositions
ins
2346 MERCURE DE FRANCE
instruiront mieus que les plus lons rudimens
des écoles. S'il arive que l'enfant
s'embrouille par les diferentes déclinaisons
, il faut le tenir plus lon -tems sur la
mème ; avant que de le faire passer à une
autre, et lui faire reciter ou lire plusieurs
noms à l'inspection du paradigme de l'exemplequ'il
sait , ou des simples terminaìsons,
ensorte qu'il lise ou qu'il récite rosa
( la rose) porta la porte , figura ( la figure)
fenestra ( la fenètre , corona ( la courone )
etc. à l'inspection de la carte de Mușa ,
ou de ses seules terminaisons ; ce que l'on
pratiquera dans chaque déclinaison , aïant
l'atention de choisir des mots faciles , et
dont le latin et le françois , soient presque
les mèmes , à la terminaison près.
Cependant si cette trop grande ressemblance
embrouilloit l'enfant , il faudroit
prendre d'autres mots , come menfa ( la
table ) ara ( l'autel ) etc. ne suivant aucune
métode qu'on ne soit prèt d'abandoner
pour une meilleure.
Lorsqu'on trouvera l'enfant trop jeune
et trop vif pour ètre mis sur des livres
ou sur des cartes de rudiment , on poura
essayer de lui faire aprendre en Eco et par
l'oreille seule le jeu des terminalsons; mais
il sera toujours beaucoup mieus que les
feus soient de la partie . Il semble au reste
le mot Musa ( la мuse ) n'ait que pas
été
trop
NOVEMBRE 1730. 2347
-
pre- bien choisi pour le paradigme de la
miere déclinaison ; car le mot Muse ou
Bliari , est à peu près la mème chose
pour un petit enfant : il est donc mieus
de ne doner aus enfans que des mots
conus et sensibles , afin de les lier plus
facilement avec l'idée des terminaisons :
c'est pourquoi rosa ( la rose ) luna ( la
lune ) etc. étant des mots , sensibles et
familiers à un enfant , doivent ètre préferés
dans le rudiment pratique au mot
Musa ; quelque petites et méprisables:
que ces remarques puissent paroitre ; le
lecteur non prévenu , fesant un mellleur
usage de son jugement , sera moins
esclave des défauts des anciènes métodes.
Quand l'enfant saura une déclinaison ,
on poura donc lui doner de petits tèmes
sur chaque cas , avec un adverbe , une
préposition , ou quelque mot déclinable
qui le régisse. On sera souvent obligé
d'employer des noms substantifs ou adjectifs
, faute de trouver assés d'indéclina
bles régissant les diferens cas , et l'on
observera d'écrire en noir le mot françois
et en rouge ou d'un caractere diferent
le mot latin , l'un sous l'autre et sur
des cartes à jouer , pour continuer d'entretenir
le badinage literaire , et éloigner
tout ce qui a l'air d'une étude en forme.
On
2348 MERCURE DE FRANCE
On ne doit point embarasser les enfans
de la déclinaison des mots Æneas ( Enée )
Penelope ( Penelope , la femme d'Ulisse )
ni d'Anchises ( Anchise , le pere d'Enée)
il faut renvoyer l'usage de cete doctrine
à un tems plus convenable et où l'on pou
ra parler des règles et des exceptions de
chaque déclinaison , à mesure que l'enfant
en aura besoin , et non pas plu -tot ,
malgré l'usage et la pratique contraire des
écoles. Le mot dominus ( le seigneur ) pour
le paradigme de la segonde déclinaison, est
peut- être moins propre que celui de lupus
(le loup : ) on doit soulager et menager
autant qu'on le peut , la memoire de l'enfant
et n'exiger d'abord de lui que le jeu
des terminaisons. C'est mal fait encore
de tenir lon- tems et inutilement les enfans
sur les déclinaisons des mots Virgi
lius ( Virgile ) magister ( le maitre ) vir
( l'home ) Orpheus ( Orphée ) templum ( lẹ
temple ) et mème sur les adjectifs , bonus ,
bona , bonum , ( le bon , la bone , le bon )
pulcher, pulchra, pulchrum ( le beau , la bèle,
le beau ) etc. On doit diferer l'usage de
cète doctrine pour le tems auquel
tems auquel on aura
lieu de parler des déclinaisons des noms
neutres et des noms adjectifs. il faut suivre
tant que la métode pratique
des langues vivantes , et ne faire
aprendre les choses qu'à proportion de
l'on
poura
Page
NOVEMBRE. 1730. 2349
de l'age , des idées aquises , et du besoin
courant de ces mèmes choses.
Il semble que les grammairiens n'ont
guère aporté de soin dans le chois qu'ils
ont fait des paradigmes des premieres déclinaisons
; car le mot pater ( le pere ) fe
sant au genitif patris , au lieu de pateris ,
il y a une espece de contraction qui paroit
une irregularité pour le paradigme,
ou l'exemple de cète déclinaison ; c'est
pourquoi j'ai préferé le mot soror ( la soeur)
qui restant entier dans tous les cas , done
des idées plus justes des terminaisons ajoutées
au nominatif ; il n'est pas non plus
necessaire de faire aprendre par coeur onze
paradigmes pour les onze terminaisons
nominatives des noms de cète déclinaison
, ni les noms neutres encore moins
les noms adjectifs : tout cela veut ètre réservé
pour le cours de doctrine que l'on
doit ensuite expliquer à l'enfant , selon
l'ocasion et selon le tems sans le surcharger
au comencement. On observera
la mème chose dans la quatrième et dans
la cinquième déclinaison , où il semble
que le motfacies ( la face ) conviene micus
que celui de dies ( le jour ) dont le latin
et le françois ont moins de raport ensemble.
Lorsque l'enfant saura décliner
les cinq noms ou paradigmes des cinq
déclinaisons, on poura essayer de lui faire
déclner
,
2350 MERCURE DE FRANCE
>
décliner le nom substantif avec l'adjectif,
selon la rime des terminaisons de la première
et de la segonde déclinaison ; et
ensuite peu à peu le faire passer aus autres
déclinaisons : par exemplesmusa bona,
dominus bonus , pater bonus , soror bona
fructus bonus , dies bona , etc. on pouroit
faire décliner les cinq paradigmes ensemble
pour en doner une idée plus précise
ou plus raprochée , suposé que cela n'embrouillât
pas l'enfant après quoi viendroit
le tour des noms neutres et des noms
adjectifs avec la doctrine qui les concerne
, en passant peu à peu du simple au
composé , et des règles les plus générales
aus moins générales , et aus exceptions
sur lesquelles on doit ètre fort sobre
, bien loin de jeter l'enfant dans le
caos par l'entassement de règle sur règle
avant le tems , selon l'usage abusif du
préjugé vulgaire et de prèsque toutes les
écoles.
En recomençant les déclinaisons , on
poura aussi essayer de faire décliner des
noms positifs , des comparatifs , et des superlatifs
, plu-tot pour fortifier l'enfant
sur les déclinaisons , que pour l'instruire
des degrés de comparaison : cète doctrine
ne doit ètre débitée qu'à mesure que l'enfant
en aura besoin , soit en lisant , en
explicant , ou en composant. On doit obexpli
NOVEMBRE. 1730. 235I
à
server la mème chose à l'égard des mots
Athena , Athenarum ( la vile d'Athenes )
Parisii , Parisiorum , ( la vile de Paris )
etc. chaque semaine on augmentera peu
peu l'étendue periodique du jeu ou de
l'exercice pratique des déclinaisons , en
fesant remarquer et sentir à l'enfant la
diference des nombres , des genres , et des.
cas ; la diference des terminaisons et des
déclinaisons , sur lesqueles il faut laisser
lon- tems un enfant avant que de le faire
passer aus verbes ; et cela d'autant mieus ,
qu'avec les seules déclinaisons pratiques
on peut doner des tèmes à l'enfant , et
l'exercer sur la composition et sur la version
des deus langues , ce qui ne paroitra
ridicule et absurde qu'à des esprits
prévenus et esclaves des métodes vulgaires.
On doit bien plus conter sur la prati
que que sur la téorie. A peine l'étude des
regles aprises par coeur done telle à l'enfant
quelque avantage sur celui qui ne les
aprend point, par coeur , mais qui les entend
seulement expliquer quand il lit.
qu'il traduit , ou qu'il compose. Un colège
où l'on ne parleroit jamais que bon
latin , feroit en peu de tems de bons écoliers
; il ne s'agit que de faire revivre l'usage
d'une langue morte , pourquoi ne le
fait on pas c'est parce qu'on suit celui
dos
2352 MERCURE DE FRANCE
des vieilles métodes et qu'on se prévient
contre les projets de toutes les nouvèles.
Un enfant vêra donc encore superficielement
les déclinaisons des nombres et des
degrés de comparaison; on lui fera remarquer
avec soin que toutes les déclinaisons
se raportent aus cinq paradigmes qu'on
lui aura fait voir ; les exceptions s'aprendront
ensuite par l'usage et cela est si vrai,
que sans l'usage on oublîroit mème les paradigmes.
Cependant je ne blâme point
l'ordre des nouveaus rudimens de la langue
latine : bien loin de là , je l'aprouve
fort, pourvu que l'enfant ne soit pas obligé
d'aprendre d'abord tout par coeur , et
qu'il ne se serve de ces rudimens que
pour la lecture , pour la version , et pour
la composition. On doit doner ce livre
come le repertoire des tables , des declinaisons
, et des conjugaisons , etc, dont
l'enfant peut avoir besoin , et dont il
aprendra à se servir jusqu'à ce qu'il soit
en état de s'en passer , et de se contenter
de l'usage d'un dictionaìre.
§. 2. Declinaison des Pronoms.
La metode que l'enfant a suivie en déclinant
les noms , indique cèle qu'il doit
suivre pour aprendre la pratique des pronoms.
il faut d'abord se contenter de la
declinaison des pronoms ego ( moi , on je )
174
NOVEMBRE . 1730. 2 3 5 3
tu ( toi on tu ) ille , illa , illud ( il , elle , )
etc. qui servent à conjuguer les verbes .
Ensuite à loisir viendra le tour du pronom
ou de l'article hic , hac , hoc ( ce ,
cet, cette) et lorsque l'enfant le saura passablement
, il poura essayer quelquefois
de joindre le genre aus noms qu'il déclinera
; suposé néanmoins que cela ne
l'embrouille pas , car cète pratique n'est
point absolument necessaire , malgré le
vieus préjugé de plusieurs écoles . Quand
l'enfant saura ces quatre pronoms , on lui
fera aprendre à loisir le pronom relatif ,
qui , que , quod ( qui , lequel , laquelle )
etc. mais il faut s'en tenir là , et laisser
l'étude des autres pronoms pour le tems
des lectures des versions , et des compositions
proportionées aus idées aquises dans
la langue latine; car je supose qu'on done
toujours à l'enfant des exemples en latin
et en françois, à mesure qu'il avance dans
les simples déclinaisons : on trouvera
quantité de ces exemples dans le rudiment
pratique , mais il est toujours mieus
d'en doner sur des choses relatives à l'enfant
, familieres , sensibles , que le hazard
fournit souvent bien plus à propos que
les livres.
5. 3. Conjugaison des verbes.
Aïant remarqué que les enfans oublient
B ordi2354
MERCURE DE FRANCE
ordinairement une leçon en passant à une
autre , j'ai cru que pour remedier à cet
inconvenient , il faloit tâcher de réduire
les déclinaisons et les conjugaisons à toute
la simplicité possible , afin de n'en faire
dans la suite qu'une leçon abregée ou un
brevia`re grammatical que l'enfantpourolt
réciter tous les jours jusqu'à ce qu'il ût
aquis l'habitude" que les seuls actes réiterés
peuvent lui donér. rour aprendre la
conjugaison des verbes , il faut comancer
par la table des terminaisons actives , et
doner , par le moyen des indéclinables ,
une idée sensible des trois tems qu'on
apèle passé , present, et à venir , ou futur ;
exemple, fe lus hier ce que je lis aujourdui ,
etje le relirai demain : ensuite bien loin de
s'amuser à faire aprendre par coeur les rè
gles en vers françois de la métode P. R.
encore moins les règles latines du Despautere,
il faut faire lire le verbe sum ( je
suis ) et faire remarquer à l'enfant le jeu
des figuratives ou des terminalsons actives
dont le verbe substantif sum fournit des
exemples pour les trois persones du singulier
et du plurier . L'essentiel est que
les terminaisons semblables des tems diferens
se raportent les unes aus autres
come par exemple : am , as , at ; amus , atis
ant,se raportent aus tems d'eram, de fueram,
etc, et cela servira pour les conjugaisons
›
actives
NOVEMBRE. 1730. 2355
actives , come pour cèle du verbe substantif.
Il sera bon aussi , pour rendre sensible
àun enfant ce qu'on apèle mode indica if,
mode fubjonctif, etc. de lui faire conjuguer
l'un après l'autre chaque tems de l'indicatif,
avec le même tems du subjonctif,
et de lui faire sentir également la diference
du mode et cèle de la terminaison ;
c'est au maitre ingenieus à chercher et à
varier les tours d'expression qui peuvent
produire l'efet qu'il en atend : je crois
cependant qu'on doit faire aprendre les
tems de l'indicatif avant ceus d'un fubjonctif,
la simplicité semble l'exiger de
la sorte ; mais quand l'enfant aura apris
l'indicatif et le subjonctif , il ne sera pas
mal de diversifier le jeu ou la manerede
conjug les tems de chaque mode , selon
l'age, le progrès , et le gout de l'enfant.
On poura donc pour lors faire conjuguer
alternativement chaque tems de l'indicatif
avec celui du subjonctif , ou bien le
maitre et l'enfant réciteront chacun leur
tems , et changeront de mode tour à tour.
A mesure que l'enfant avance dans la
conoissance sensible des parties du discours
, le maître doit lui doner à lire des
frases qui aient toujours raport à la doctrine
de chaque jour,en passant de l'indéclinable
au déclinable , et du déclinable
Bij au
2356 MERCURE DE FRANCE
:
au conjugable ; et pour cet efet il faut
lui doner des exemples qui contienent la
doctrine courante du jour pour l'ajouter
à cèle qui a déja été donée le jour précédent
le seul verbe substantif sum ( je
suis ) avec les indéclinables et les déclinables
, fournit peut- être des exemples
sur plus de la moitié de la sintaxe: pratique
préferable à cèle qui acable les enfans
condanés à aprendre par coeur toutes les
déclinaisons et toutes les conjugaisons
avant que d'en pratiquer la premiere .
L'école croit ce tems bien employé ,
quand l'enfant ne sait pas écrire , parce
qu'elle supose la nécessité d'aprendre par
coeur des principes avant que de les mettre
en pratique ; mais selon la métode du
bureau l'enfant sans savoir écrire ne laisse
pas de pratiquer l'exercice des tèmes , des
versions , et des compositions qu'on lui
done sur des cartes ; et c'est- là peut ètre
la meilleure manière d'ense`gner un enfant
, puisque dès le premier jour la téorie
et la pratique peuvent aler ensemble :
Fourlors un enfant est bientot mis en état
de s'amuser utilement , et agréablement ;
c'est là un avantage inconu aus auteurs
des métodes vulga res , qui dégoutent les
enfans dans la premiere étude des langues.
Je supose donc qu'on a déja un peu
parlé à l'enfant de la nature de l'adverbe,
de
NOVEMBRE . 1730. 2357
de la préposition , de la conjonction , et de
l'interjection: on doit peu à peu en alonger
et en varier les petites frases composées
d'une seule proposition , par exemple : la
viole angloise et harmonieuse de mon chér
frère Louis Jean Batiste , sera toujours , sans
contredit, l'instrument favori des amateurs de
La bone musique, etc. En suivant cète route,
on fait pratiquer les règles avant que de les
faire étudier , ou pour mieus dire , on
les pratique et on les étudie dans le mème
tems ; les progrès en seront beaucoup
plus grans , sur tout si au comancement
on fait lire et traduire des textes interlineaìres
, selon la métode de M. du Marsais
, et si l'on a soin , come l'enseigne
cet ingénieus Grammairien , d'expliquer
et de faire remarquer à l'enfant le sujet
et l'atribut , l'afirmation ou la négation
de chaque proposition .
Quoique le verbe substantif Sum ( je
suis ) soit le premier par où l'enfant doit
comancer les conjugaisons , il y a bien
des rudimens qui ne le metent qu'apr's
les verbes actifs , les verbes passifs , les
verbes déponens , et mème qu'après les
verbes neutres , à cause de son irrégularité
; cependant quand le verbe passif
n'auroit pas besoin de ce verbe auxiliaire
dans sa conjugaison , il seroit toujours
plus simple et plus régulier de co-
Biij man2358
MERCURE DE FRANCE
rancer les conjugaisons par cèle du verbe
Sum , que par cèles des verbes actifs ;
on est avant que d'agir : d'ailleurs le
verbe substantif representant tous les
verbes, permet une infinité de frases avec
le seul nominatif , ou avec d'autres cas ,
ce qui sufit pour l'usage de diverses concordances
aisées à concevoir et à retenir.
Les rudimens les plus sensés et les plus
métodiques qui ont comancé par la conjugaison
du verbe sum ( je suis ) , n'ont
pas immédiatement après doné cèles de
ses composés possum , prosum , adsum
desum , absum , intersum , obsum , &c.
Ces rudimens ont passé d'abord du verbe
substantif au verbe actif , et il semble
que par la mème raison ces grammairiens
auroient pu et du se contenter d'un seul
paradigme dans chaque declinaison , renvoyant
plus loin les irregularités des
noms , come on a coutume de le faire à
l'égard de cèles des verbes.
e
Si les rudimens ne sont donés aus enfans
que come un repertoire , contenant
la suite des conjugaisons du verbe actif ,
du verbe passif , et du verbe deponent
des 1ere , 2º , 3º , et 4° conjugaison , on
ne peut qu'aprouver cet ordre de livre et
de téorie ; mais si on oblige les enfans à
les aprendre d'abord tout de suite par
coeur , je doute qu'ils en soient plus
avancés
NOVEMBRE. 1730. 23 59
avancés que s'ils n'aprenoient qu'une
seule conjugaison active , sur laquelle on
epuiseroit toutes les frases de la sintaxe
dont le verbe amo ( j'aime ) . Par exemple
est susceptible , et cèles qu'on doneroit
avec tous les principaus verbes de la premiere
conjugaison qui se conjuguent come
le verbe amo , et qui regissent le
mème cas.
Je ne crois pas que l'enfant doive passer
à la conjugaison des verbes passifs ,
qu'il ne sache parfaitement cèle des verbes
actifs , où il est bon de le tenir lontems
et sans impatience ; car s'il paroit
que l'enfant en soit retardé , on vèra dans
la suite avec étonement qu'il en est au
contraire alé plus vite ; la raison seule
pouroit le démontrer à des esprits atentifs
et non prevenus , mais on veut bien
s'en raporter à la seule experience; le maitre
tâchera de varier et d'alonger toujours
le jeu des petites frases dans lesquelles il
fera entrer les parties du discours indeclinables
, les declinables , et les conjugables
du verbe substantif sum ( je suis )
et des verbes actifs conjugués come amo
( j'aime ). Exemple. Etant aujourd'hui un
·écolier diligent et laborieus , je lis avec bien
du plaisir dans les bèles éditions corectes de
l'imprimerie royale du Louvre.
Quand l'enfant saura bien décliner et
Bij con
2360 MERCURE DE FRANCE
conjuguer , il faudra l'instruire un peu
plus et de vive vois sur les parties du discours
qui composent les frases qu'on lui
done.On peut essayer de lui expliquer les
concordances et les règles de la sintaxe
si on s'aperçoit qu'il entende et qu'il sente
ce qu'on lui dit. Il faut, premierement lui
expliquer toutes les parties du discours
dans sa propre langue , avant que de passer
à cèlès des langues mortes : à force de
varier les exemples sur les noms , sur les
pronoms, et sur les verbes , l'enfant aquèra
en françois une espèce de routine et
de pratique qui le disposera à mieus comprendre
dans la suite toute la doctrine
des rudimens latins. On aura soin
de changer les parties du discours et
d'une frase , lorsque l'enfant saura les
mots de cèles qu'on lui aura donées auparavant
; c'est là le vrai et le seul moyen
d'avoir bientot present et d'entretenir le
cours des declinaisons et des conjugaisons
; et c'est peut ètre aussi l'unique ressource
avec les enfans des princes et des
grands seigneurs ; la pratique leur fera
tolerer la téorie , si le maitre a le talent
de se fire gouter lui même.
Lorsque l'enfant sera férme sur la première
conjugaison active , il sera aisé de
lui faire aprendre les autres conjugaisons ,
en fesant remarquer le jeu des terminalsons
NOVEMBRE . 1730. 2361
sons , et la diference d'une conjugaison à
une autre.Quoique l'enfant paroisse savoir
les quatre conjugaisons actives , il ne faut
pas pour cela le mètre encore aus conjugaisons
passives , parce qu'elles sont
trop dificiles , et que la plupart de leurs
tems n'ont aucun raport avec ceus des
verbes de la langue françoise ; cète langue
n'aïant point de verbe passif simple,
se sert du verbe substantif et du participe
passif, de mème que la langue latine
le pratique pour les tems du prétérit
parfait , du plusque parfait de l'indicatif
et du subjonctif , et pour le futur du
mème subjonctif ; de sorte que le verbe
passif n'a proprement de tems simples
que ceus present , de l'imparfait, et du
futur de l'indicatif , et ceus du present ,
et de l'imparfait du subjonctif ; c'est aus
savans latinistes à nous dire pourquoi de
amo, amabam , amavi, amaveram , amabo ,
etc..on n'a pas également formé amor ,
amabar, amavir , amaverar , amabor , etc.
du
Pour faire voir à l'enfant la conjugaison
passive , il faut d'abord comancer par
le jeu des simples terminaisons or , aris
´ou are , atur ; amur , amini , antur , etc. et
suivre la métode qu'on a pratiquée pour
la conjugaison du verbe substantif sum
je suis ) et cèle du verbe actif amo
( j'aime ) ; c'est pourquoi jutra tenir
B lon2362
MERCURE DE FRANCE
Ion-tems un enfant sur la premiere conjugaison
passive , avant que de le faire
passer aus autres , et à cèles des verbes
déponens , des verbes neutres , des verbes
irréguliers , etc. l'usage , la pratique ,
et les lectures continuèles fournissent assés
d'ocasions pour instruire un enfant et
pour le mètre en état de se servir du livre
des rudimens come d'un repertoire qu'on
aprend par coeur à force de le lire ou de
le feuilleter.
Nota. Fe me flate , Monfieur , qu'après
avoir û la patience de me lirejusqu'ici, malgré
l'essai d'une ortografe passagere , v015
voudrés bien me parloner encore l'exemple
de cèle qui suit , j'en rendrai conte dans quel
qu'autre lètre.
En treuue entre aultres choufes des Caietz ou
Les Feuilles adjouxtées ensemble , lefquelles
par leur haulteur forment des Libures ou des
Tables Analytiques à Columpnes & a Crochetz
grauces fur Cuybure pour lufaige de chaifquune-
Declinaifon & de chaifque ConjuGuaifon felon la
purité de la Langue Latyne. Jl fauldra faire
congnoiftre fongneufement a ung Enfant les.
Leczons de ces neuueaulx ieux qui feruiront
de nourreture a fon Efperit . Ie vouldroye que
les Parentz pour le perfect Exercice des Lettres
uoulfiffent auoir foing dVfer des Tiltres faicts
par des Maiftres Efcripuaintz ou encore myeulx
par des Paynctres ces Efcripteaulx porroient
aorner
NOVEMBRE. 1730. 2363
aorner les Couftez du CaBinet dung ieune Enfant
affin quayant a fa PhanTalie & fouant
foubz les deux oueilz le toutal de ces Obie&z
inftructifs & gratieulx jl iouaffe auecques ces
mefmes Obiectz qujl les apprenfist par cuer &
quil en fift fon prouffit car fijl les fcayet bien lire
de fon Chyef naiez pas paour quil commecte des
faultes fur les DeClinaifons & fur les ConiuGuaifons
pource quil ne porra plus eftre embarraſſe
ladeffus & ie doubte mefme quil aduiengne iamais
quil aye befoin quung aultre præpofe pour cela ou
le Varlet fyen luy chifflent la premiere Perfonne
des differentz temps quif doibt cheoifir pour
ConiuGuer. Le ieu des TerMinaifons donnant
les aultres. La-difficulte feuanoyt Ceulx des Pre-
Cepteurs auyfez qui uouldroyent foubftenir que
cela ne peult eftre ainfyn ie porroye le leur faire
ueoir euidentement en leur donnant de beaulx
argumentz & des faicts preuuez qui deburoyent
faire congnoyftre a tous les Perfo nnaiges du
Royaulme la uerite du fubiect que ie metoy e
faultre iour fur le Papier J uauldroit mieul, x
que les Criticqs foufpeconneulx vienfiffent aue c
doulceur ueoir de leurs yeulx lvfaige du Burea
TyPoGraphyque pour garir fehurement leu
Efperit pluftoft que de calumpnier ou de con
dampner trop legierement des TesMoings fa n
reprouche. le fuis , &c.
des enfans et sur l'essai du rudiment
pratique de la langue latine .
MONSIE ONSIEUR ,
Je done ici l'essai du rudiment pratique
de la langue latine pour abreger le
tems que les enfans emploient , et épargner
celui que la plupart perdent à aprendre
par coeur bien des paradigmes , des
exemples , et des règles inutiles quand ils
comencent leurs études . J'ai cru que dans
la grammaire , come dans la géometrie ,
en devoit chercher une liaison pour pas
ser du simple au composé ; et c'est ce qui
m'a déterminé à comencer par les parties
d'oraison ou du discours , adverbiales et
indéclinables, soit qu'elles éxigent des cas
come les prépositions , soit qu'elles n'en
demandent point come les adverbes , etc.
On ne sauroit donc mieus faire que de
doner abécédiquement ou d'une autre
manière en latin et en françois, en françois
eten latin , les principales particules indéclinables
par ordre de qualité. On pouroit,
par exemple , doner les interjections de
joie , d'afliction , etc. les conjonctions copulatives,
NOVEMBRE. 1730. 2337
pulatives , disjonctives , etc. les adverbes
d'afirmation , de négation , etc. les prépositions
et les particules sans cas et avec.
leurs cas ; metant à part celes qui régissent
ou demandent le nominatif , le genitif,
le datif, l'acusatif , le vocatif, ou l'ablatif.
On comprend dans les lectures ou dans
les leçons des indéclinables , les petites
frases adverbiales , proverbiales , modifiées
par des particules, mais dont la construction
est toujours la même. Enfin on
peut doner dans la leçon des indeclina
bles tous les modificatifs transitifs , et toutes
les transitions déclinables ou indéclinables
, lorsqu'elles sont employées come
de simples adverbes, ou come des mots
adverbialement composés de plusieurs autres
mots .
Après que l'enfant auralu,relu, et composé
sur son bureau ce qui regarde les
parties du discours indéclinables, il faudra
ensuite le faire passer aus parties déclinables,
et doner peu àpeu à chaque déclina
son la liste des principaus noms substantifs
et adjectifs, de mème que les pronoms
et les noms de nombre à mesure qu'ils passeront
dans les tèmes de l'enfant , et dans
son dictionaire pratique . On poura essayer
de mètre quelquefois dans ces listes la terminaison
du genitif, et le genre du nom
par exemple , luna , a , f. ( la lune ) ca
Av
2
dame
2338 MERCURE DE FRANCE
dans une autre liste , la lune ( luna , æ, f. }
afin d'avoir une liste pour la version et
une autre pour la composition : ce sera un
peu plus de peine pour le maître en atendant
qu'on ait de bons rudimens pratiques
; mais il en sera bientot dédomagé
par la rapidité des progrès qu'il vêra faire
à son petit éleve .
Je ne sais s'il seroit mieus de doner une
liste des mots déclinables par ordre abécédique
, ou par ordre des matières , et
de qualité , etc. peut- ètre ne doit-on suivre
au comencement que l'ordre et la
suite des lectures , et joindre chaque jour
aus listes comencées les mots qu'on rencontrera
pour la première fois dans les
lectures ordinaires. quand les listes seront
longues , on sera forcé de suivre l'ordre
abécédique , pour ne pas recopier souvent
les mèmes mots ; desorte qu'il sera mieus
pourlors d'avoir la liste générale et suivie
des mots que fourniront les diverses
lectures , pour en former après cela avec
plus d'exactitude et fans répétition , les
diverses listes des mots par ordre abécédique.
On ne doit copier les listes des
mots par ordre abécédique , que lorsque
l'enfant en sait par coeur plusieurs cenraines.
On le pratica ainsi pour le petit
Candiac , agé de cinq ans : il avoit pour
la version d'un texte , une facilité qu'on
auroit
NOVEMBRE . 1730. 2339
auroit peine à croire , à moins que de
l'avoir vu , ce qu'ont fait bien des savans
et des curieus que je pourois citer en faveur
de la métode pratique du bureau :
ils l'ont admirée, aprouvée, et en rendent
par tout le mème témoignage. Pour métre
facilement les mots des tèmes , des versions
, et des lectures dans l'ordre abécédique
du dictionaire du bureau , il faut
prendre une feuille pour chaque lètre de
l'a b c, diviser la page en quatre colones ,
savoir , la première pour les verbes , la
segonde pour les noms adjectifs , la troisieme
pour les noms apellatifs , et la
quatrieme pour les particules indéclinables
, qu'on écrit à mesure qu'on en augmente
le dictionaire. On suivra enfin l'ordre
qu'on voudra , à l'égard des noms
propres on poura les copier separément
sur dautres feuilles , historiques et non
grammaticales. En atendant cète liste , il
sufit que les noms propres soient à leur
rang de logètes dans le dictionaire pratique.
Pour faire décliner les noms d'une manière
pratique et sensible , il faut joindre
chaque cas avec un mot indéclinable , ou
déclinable , qui exige ou régisse le cas ,
par exemple , en luna ( voilà la lune ) figura
luna ( la figure de la lune , etc. ) métode
qu'il faudra suivre dans chaque dé
A vj cli
2340 MERCURE DE FRANCE
clinaison des noms et des pronoms , err
combinant et variant les termes , autant
que l'exercice des déclinaisons poura le
permetre ; c'est pourquoi il faudra changer
de nom , de préposition , d'adverbe ,
ou enfin de mot regissant , pour varier
ce jeu et le rendre plus instructif et
moins ennuyant ; car il ne faut pas quiter
les déclinaisons que l'enfant ne conoisse
et ne sente bien l'usage et la distinction
des cas , des nombres , de Particle , des
terminaisons , et la diference des genres.
›
On suivra le meme ordre en passant
du jeu des mots déclinables au jeu ou à
Pexercice des mots conjugables , en començant
par le verbe substantif sum ( je
suis) et continuant par les conjugaisons active
et passive, avant que de passer à cèle
des verbes déponens , neutres , irreguliers
etc. observant de joindre à chaque persone
du verbe , une petite frase contenant
quelque indéclinable et quelque déclinable
, pour entretenir et augmenter
la conoissance aquise des adverbes , des
prépositions , des noms , des pronoms ,
et généralement de tout ce qui regarde
l'indéclinable et le déclinable , c'est- àdire
, qu'il faut faire entrer dans la frase
courante et du jour , les dificultés des petites
frases qui ont déja passé , avec les
nouvèles dificultés que le maitre souhaite
doner
NOVEMBRE . 1730. 234T
doner à l'enfant, et j'apèle cela imiter dans
un sens la métode des géometres.Par exem.
je suis toujours devant le seigneur, etc.
ego sum femper coram domino , etc.
L'enfant qui saura lire le latin et le
françois poura composer ensuite au bureau
tipografique, les petites frases sur les
sis cas des noms déclinés avec les combinaisons
des parties du discours : par exemple
, ecce authorÆsopus auctor ; ego auctor,
doctus auctors sum auctor ; amor auctor, etc.
L'enfant passera peu- à-peu des petites frases
aus plus longues de cèles que l'on peut
doner en glose mot- à-mot en latin er en
françois après quoi viendra le recueil des
petites frases choisies d'usage courant et
journalier purement latines , qu'on ne
peur traduire mot- à- mot sans latînismes ,
et de celles qu'on ne peut composer en
latin mot-à-mot sans gallicismes. Le rudiment
pratique doit comprendre tous les
mots qui sont employés dans ces frases ;
et outre ce recueil pratique, il ne sera peutêtre
pas mal d'avoir encore une nomenclature
ou un vocabulaire par ordre des
matieres , afin que l'enfant de trois ans
lisant et relisant les mots de ce livre jusqu'à
sis ans , et les composant sur son bureau
tipografique , soit plu- tot en état de
passer à la lecture des bons originaus
avec le secours du maître , qui doit lut
tenir
*
2342 MERCURE DE FRANCE
tenir lieu de téorie , de grammaire , de
dictionaìre , etc. et qui doit lui expliquer
à propos les principes nécessaires pour
l'intelligence et le génie des langues .
Quoique le rudiment pratique contiè
ne des exemples sur toutes les concordances
et sur la sintaxe , le maitre fera
bien de doner de petites frases sur les dificultés
des genres , des déclinaisons , des
conjugaisons, et de la sintaxe ; en comançant
par les frases du nominatif , et continuant
à son chois , ou au chois de l'enfant,
par celle de tous les cas et des nombres
des mots déclinables , soit noms ou
pronoms , avec la pratique des mots indéclinables
ou déclinables , qui exigent
ou régissent quelque cas. il ne sera point
mal de doner des frases proportionées à
l'age et à la capacité de l'enfant, de mème
qu'à l'état auquel les parens le destinent.
Ôn fera la mème chose à l'égard des verbes
pour les tems , les modes , les participes
, etc. employant les pronoms personels
, réciproques , rélatifs , absolus , démonstratifs
, interogatifs , responsifs ,
possessifs , etc. avec la pratique continuèle
des mots indéclinables ou déclinables , et
quelquefois avec cèle des questions de
lieu , de tems , de mesure , etc. Tout ce
qui s'apèle particule , doit se trouver dans
les frases sur les verbes , tems pour tems ,
mode
NOVEMBRE . 1730. 23 43
mode pour mode , observant quelque ordre
, quoique libre , dans toute cete métode
pratique . Au comencement chaque
mot latin doit ètre sous le mot françois ,
selon la méthode de M. du Marsais , en
atendant que l'enfant soit en état de
рон-
voir se contenter d'une ligne de françois
sous une ligne de latin , mais non mot à
mot ; ou qu'il puisse se servir d'un pur
texte , dont la construction soit chifrée
et numerotée come le texte des fables de
Phèdre , que l'enfant peut mètre sur son
bureau , en suivant l'ordre des chifres qui
I 2 3.
leg uident , par exemple : Lupus et agnus
4 5 7 8
compulsi siti venerant ad eundem rivum , etc.
Les maltres qui ne sont pas en état de
bien montrer par eus-mèmes , auront recours
à la méthode de P. R. et encore
mieus à celle de M. du Marsais ; sans acabler
de regles , ni embarasser les enfans
qui ont plu - tot besoin de pratique que
de réorie , ainsi qu'ils le démontrent eus
mèmes par la facilité avec laquelle ils aprè
nent la langue maternèle : cète facilité que
la pratique done , permetra aussi d'accentuer
le latin du rudiment et des tèmes
, come on le fait ordinairement dans
les livres d'église ; c'est le moyen de former
de bone heure l'oreille de l'enfant ,
au moins à la quantité des pénultièmes
silabes
2344 MERCURE DE FRANCE
silabes , en atendant qu'il puisse apren
dre cèle des autres silabes , par la pratique
des compositions au bureau tipografique
, et par la lecture ou par l'étude
des poëtes.
Quand l'enfant saura écrire on ne
sauroit mieus faire que de lui montrer à
copier les listes des noms et des verbes
dans l'ordre abécédique initial ou final ,
come celui du dictionaire des rimes >
pour faire observer les terminaisons , les
genres , les prétérits et les supins , en donant
peu à peu , et toujours à propos , la
doctrine des règles et des exceptions , bien
loin d'en acabler d'abord l'enfant , selon
la métode vulgaire des écoles et de la
plupart des maitres .
:) On
Il faudra copier les listes des verbes ,
et en avoir une particulière pour chaque
conjugaison , et ensuite la liste gé-,
nerale de tous les verbes ; par exemple :
amare , amo , amavi , amatum.
aimer, j'aime, j'ai aimé, aler aimer. On
poura doubler les listes des verbes come
on a fait cèle des noms, c'est - à- dire qu'on
poura les faire en latin et en françois , ec
ensuite en françois et en latin , le tout
sans oublier les verbes déponens , les verbes
neutres , les défectifs , les irreguliers ,
les impersonels , etc.
S
NOVEMBRE. 1730. 234.5
§ . 1. Déclinaison des noms.
On peut suivre sur les déclinaisons des
noms la métode proposée pour montrer
à lire à un enfant de deus à trois ans . il
faut au comencement avoir des cartes
pour les nombres , les cas , les mots à décliners
pour les terminaisons , l'article et
le mot françois , come pour le mot latin ,
et enfin pour chaque espece diferente de
nom , afin que l'enfant puisse sans embaras
et d'un coup d'euil , voir le jeu des déclinaisons.
cet exercice sera plus amusant
et plus instructif , si l'on observe avec
soin d'écrire en rouge ou d'un caractere
diferent les colones principales et alternatives
des déclinaisons , que l'on metra
sur des cartes exemple : N. lun a , la
lune , etc. il sufit de faire lire à l'enfant
un nom décliné pour chaque déclinaison :
par exemple,Musa ( la Muse ) pour la 1º,
dominus , (le seigneur ) pour la 2 : pater
( le pere ) pour la 3.fructus ( le fruit ) pour
la 4. dies ( le jour ) pour la 5. Les grammairiens
apèlent les mots ainsi déclinés
paradigmes , prototipes , c'est-à dire modè
les ou exemples , parce que ces mots servent
de règle pour décliner tous les noms
de la mème déclinaison , à quelque dife
rence près dont l'usage et la suite des lectures
, des versions , et des compositions
ins
2346 MERCURE DE FRANCE
instruiront mieus que les plus lons rudimens
des écoles. S'il arive que l'enfant
s'embrouille par les diferentes déclinaisons
, il faut le tenir plus lon -tems sur la
mème ; avant que de le faire passer à une
autre, et lui faire reciter ou lire plusieurs
noms à l'inspection du paradigme de l'exemplequ'il
sait , ou des simples terminaìsons,
ensorte qu'il lise ou qu'il récite rosa
( la rose) porta la porte , figura ( la figure)
fenestra ( la fenètre , corona ( la courone )
etc. à l'inspection de la carte de Mușa ,
ou de ses seules terminaisons ; ce que l'on
pratiquera dans chaque déclinaison , aïant
l'atention de choisir des mots faciles , et
dont le latin et le françois , soient presque
les mèmes , à la terminaison près.
Cependant si cette trop grande ressemblance
embrouilloit l'enfant , il faudroit
prendre d'autres mots , come menfa ( la
table ) ara ( l'autel ) etc. ne suivant aucune
métode qu'on ne soit prèt d'abandoner
pour une meilleure.
Lorsqu'on trouvera l'enfant trop jeune
et trop vif pour ètre mis sur des livres
ou sur des cartes de rudiment , on poura
essayer de lui faire aprendre en Eco et par
l'oreille seule le jeu des terminalsons; mais
il sera toujours beaucoup mieus que les
feus soient de la partie . Il semble au reste
le mot Musa ( la мuse ) n'ait que pas
été
trop
NOVEMBRE 1730. 2347
-
pre- bien choisi pour le paradigme de la
miere déclinaison ; car le mot Muse ou
Bliari , est à peu près la mème chose
pour un petit enfant : il est donc mieus
de ne doner aus enfans que des mots
conus et sensibles , afin de les lier plus
facilement avec l'idée des terminaisons :
c'est pourquoi rosa ( la rose ) luna ( la
lune ) etc. étant des mots , sensibles et
familiers à un enfant , doivent ètre préferés
dans le rudiment pratique au mot
Musa ; quelque petites et méprisables:
que ces remarques puissent paroitre ; le
lecteur non prévenu , fesant un mellleur
usage de son jugement , sera moins
esclave des défauts des anciènes métodes.
Quand l'enfant saura une déclinaison ,
on poura donc lui doner de petits tèmes
sur chaque cas , avec un adverbe , une
préposition , ou quelque mot déclinable
qui le régisse. On sera souvent obligé
d'employer des noms substantifs ou adjectifs
, faute de trouver assés d'indéclina
bles régissant les diferens cas , et l'on
observera d'écrire en noir le mot françois
et en rouge ou d'un caractere diferent
le mot latin , l'un sous l'autre et sur
des cartes à jouer , pour continuer d'entretenir
le badinage literaire , et éloigner
tout ce qui a l'air d'une étude en forme.
On
2348 MERCURE DE FRANCE
On ne doit point embarasser les enfans
de la déclinaison des mots Æneas ( Enée )
Penelope ( Penelope , la femme d'Ulisse )
ni d'Anchises ( Anchise , le pere d'Enée)
il faut renvoyer l'usage de cete doctrine
à un tems plus convenable et où l'on pou
ra parler des règles et des exceptions de
chaque déclinaison , à mesure que l'enfant
en aura besoin , et non pas plu -tot ,
malgré l'usage et la pratique contraire des
écoles. Le mot dominus ( le seigneur ) pour
le paradigme de la segonde déclinaison, est
peut- être moins propre que celui de lupus
(le loup : ) on doit soulager et menager
autant qu'on le peut , la memoire de l'enfant
et n'exiger d'abord de lui que le jeu
des terminaisons. C'est mal fait encore
de tenir lon- tems et inutilement les enfans
sur les déclinaisons des mots Virgi
lius ( Virgile ) magister ( le maitre ) vir
( l'home ) Orpheus ( Orphée ) templum ( lẹ
temple ) et mème sur les adjectifs , bonus ,
bona , bonum , ( le bon , la bone , le bon )
pulcher, pulchra, pulchrum ( le beau , la bèle,
le beau ) etc. On doit diferer l'usage de
cète doctrine pour le tems auquel
tems auquel on aura
lieu de parler des déclinaisons des noms
neutres et des noms adjectifs. il faut suivre
tant que la métode pratique
des langues vivantes , et ne faire
aprendre les choses qu'à proportion de
l'on
poura
Page
NOVEMBRE. 1730. 2349
de l'age , des idées aquises , et du besoin
courant de ces mèmes choses.
Il semble que les grammairiens n'ont
guère aporté de soin dans le chois qu'ils
ont fait des paradigmes des premieres déclinaisons
; car le mot pater ( le pere ) fe
sant au genitif patris , au lieu de pateris ,
il y a une espece de contraction qui paroit
une irregularité pour le paradigme,
ou l'exemple de cète déclinaison ; c'est
pourquoi j'ai préferé le mot soror ( la soeur)
qui restant entier dans tous les cas , done
des idées plus justes des terminaisons ajoutées
au nominatif ; il n'est pas non plus
necessaire de faire aprendre par coeur onze
paradigmes pour les onze terminaisons
nominatives des noms de cète déclinaison
, ni les noms neutres encore moins
les noms adjectifs : tout cela veut ètre réservé
pour le cours de doctrine que l'on
doit ensuite expliquer à l'enfant , selon
l'ocasion et selon le tems sans le surcharger
au comencement. On observera
la mème chose dans la quatrième et dans
la cinquième déclinaison , où il semble
que le motfacies ( la face ) conviene micus
que celui de dies ( le jour ) dont le latin
et le françois ont moins de raport ensemble.
Lorsque l'enfant saura décliner
les cinq noms ou paradigmes des cinq
déclinaisons, on poura essayer de lui faire
déclner
,
2350 MERCURE DE FRANCE
>
décliner le nom substantif avec l'adjectif,
selon la rime des terminaisons de la première
et de la segonde déclinaison ; et
ensuite peu à peu le faire passer aus autres
déclinaisons : par exemplesmusa bona,
dominus bonus , pater bonus , soror bona
fructus bonus , dies bona , etc. on pouroit
faire décliner les cinq paradigmes ensemble
pour en doner une idée plus précise
ou plus raprochée , suposé que cela n'embrouillât
pas l'enfant après quoi viendroit
le tour des noms neutres et des noms
adjectifs avec la doctrine qui les concerne
, en passant peu à peu du simple au
composé , et des règles les plus générales
aus moins générales , et aus exceptions
sur lesquelles on doit ètre fort sobre
, bien loin de jeter l'enfant dans le
caos par l'entassement de règle sur règle
avant le tems , selon l'usage abusif du
préjugé vulgaire et de prèsque toutes les
écoles.
En recomençant les déclinaisons , on
poura aussi essayer de faire décliner des
noms positifs , des comparatifs , et des superlatifs
, plu-tot pour fortifier l'enfant
sur les déclinaisons , que pour l'instruire
des degrés de comparaison : cète doctrine
ne doit ètre débitée qu'à mesure que l'enfant
en aura besoin , soit en lisant , en
explicant , ou en composant. On doit obexpli
NOVEMBRE. 1730. 235I
à
server la mème chose à l'égard des mots
Athena , Athenarum ( la vile d'Athenes )
Parisii , Parisiorum , ( la vile de Paris )
etc. chaque semaine on augmentera peu
peu l'étendue periodique du jeu ou de
l'exercice pratique des déclinaisons , en
fesant remarquer et sentir à l'enfant la
diference des nombres , des genres , et des.
cas ; la diference des terminaisons et des
déclinaisons , sur lesqueles il faut laisser
lon- tems un enfant avant que de le faire
passer aus verbes ; et cela d'autant mieus ,
qu'avec les seules déclinaisons pratiques
on peut doner des tèmes à l'enfant , et
l'exercer sur la composition et sur la version
des deus langues , ce qui ne paroitra
ridicule et absurde qu'à des esprits
prévenus et esclaves des métodes vulgaires.
On doit bien plus conter sur la prati
que que sur la téorie. A peine l'étude des
regles aprises par coeur done telle à l'enfant
quelque avantage sur celui qui ne les
aprend point, par coeur , mais qui les entend
seulement expliquer quand il lit.
qu'il traduit , ou qu'il compose. Un colège
où l'on ne parleroit jamais que bon
latin , feroit en peu de tems de bons écoliers
; il ne s'agit que de faire revivre l'usage
d'une langue morte , pourquoi ne le
fait on pas c'est parce qu'on suit celui
dos
2352 MERCURE DE FRANCE
des vieilles métodes et qu'on se prévient
contre les projets de toutes les nouvèles.
Un enfant vêra donc encore superficielement
les déclinaisons des nombres et des
degrés de comparaison; on lui fera remarquer
avec soin que toutes les déclinaisons
se raportent aus cinq paradigmes qu'on
lui aura fait voir ; les exceptions s'aprendront
ensuite par l'usage et cela est si vrai,
que sans l'usage on oublîroit mème les paradigmes.
Cependant je ne blâme point
l'ordre des nouveaus rudimens de la langue
latine : bien loin de là , je l'aprouve
fort, pourvu que l'enfant ne soit pas obligé
d'aprendre d'abord tout par coeur , et
qu'il ne se serve de ces rudimens que
pour la lecture , pour la version , et pour
la composition. On doit doner ce livre
come le repertoire des tables , des declinaisons
, et des conjugaisons , etc, dont
l'enfant peut avoir besoin , et dont il
aprendra à se servir jusqu'à ce qu'il soit
en état de s'en passer , et de se contenter
de l'usage d'un dictionaìre.
§. 2. Declinaison des Pronoms.
La metode que l'enfant a suivie en déclinant
les noms , indique cèle qu'il doit
suivre pour aprendre la pratique des pronoms.
il faut d'abord se contenter de la
declinaison des pronoms ego ( moi , on je )
174
NOVEMBRE . 1730. 2 3 5 3
tu ( toi on tu ) ille , illa , illud ( il , elle , )
etc. qui servent à conjuguer les verbes .
Ensuite à loisir viendra le tour du pronom
ou de l'article hic , hac , hoc ( ce ,
cet, cette) et lorsque l'enfant le saura passablement
, il poura essayer quelquefois
de joindre le genre aus noms qu'il déclinera
; suposé néanmoins que cela ne
l'embrouille pas , car cète pratique n'est
point absolument necessaire , malgré le
vieus préjugé de plusieurs écoles . Quand
l'enfant saura ces quatre pronoms , on lui
fera aprendre à loisir le pronom relatif ,
qui , que , quod ( qui , lequel , laquelle )
etc. mais il faut s'en tenir là , et laisser
l'étude des autres pronoms pour le tems
des lectures des versions , et des compositions
proportionées aus idées aquises dans
la langue latine; car je supose qu'on done
toujours à l'enfant des exemples en latin
et en françois, à mesure qu'il avance dans
les simples déclinaisons : on trouvera
quantité de ces exemples dans le rudiment
pratique , mais il est toujours mieus
d'en doner sur des choses relatives à l'enfant
, familieres , sensibles , que le hazard
fournit souvent bien plus à propos que
les livres.
5. 3. Conjugaison des verbes.
Aïant remarqué que les enfans oublient
B ordi2354
MERCURE DE FRANCE
ordinairement une leçon en passant à une
autre , j'ai cru que pour remedier à cet
inconvenient , il faloit tâcher de réduire
les déclinaisons et les conjugaisons à toute
la simplicité possible , afin de n'en faire
dans la suite qu'une leçon abregée ou un
brevia`re grammatical que l'enfantpourolt
réciter tous les jours jusqu'à ce qu'il ût
aquis l'habitude" que les seuls actes réiterés
peuvent lui donér. rour aprendre la
conjugaison des verbes , il faut comancer
par la table des terminaisons actives , et
doner , par le moyen des indéclinables ,
une idée sensible des trois tems qu'on
apèle passé , present, et à venir , ou futur ;
exemple, fe lus hier ce que je lis aujourdui ,
etje le relirai demain : ensuite bien loin de
s'amuser à faire aprendre par coeur les rè
gles en vers françois de la métode P. R.
encore moins les règles latines du Despautere,
il faut faire lire le verbe sum ( je
suis ) et faire remarquer à l'enfant le jeu
des figuratives ou des terminalsons actives
dont le verbe substantif sum fournit des
exemples pour les trois persones du singulier
et du plurier . L'essentiel est que
les terminaisons semblables des tems diferens
se raportent les unes aus autres
come par exemple : am , as , at ; amus , atis
ant,se raportent aus tems d'eram, de fueram,
etc, et cela servira pour les conjugaisons
›
actives
NOVEMBRE. 1730. 2355
actives , come pour cèle du verbe substantif.
Il sera bon aussi , pour rendre sensible
àun enfant ce qu'on apèle mode indica if,
mode fubjonctif, etc. de lui faire conjuguer
l'un après l'autre chaque tems de l'indicatif,
avec le même tems du subjonctif,
et de lui faire sentir également la diference
du mode et cèle de la terminaison ;
c'est au maitre ingenieus à chercher et à
varier les tours d'expression qui peuvent
produire l'efet qu'il en atend : je crois
cependant qu'on doit faire aprendre les
tems de l'indicatif avant ceus d'un fubjonctif,
la simplicité semble l'exiger de
la sorte ; mais quand l'enfant aura apris
l'indicatif et le subjonctif , il ne sera pas
mal de diversifier le jeu ou la manerede
conjug les tems de chaque mode , selon
l'age, le progrès , et le gout de l'enfant.
On poura donc pour lors faire conjuguer
alternativement chaque tems de l'indicatif
avec celui du subjonctif , ou bien le
maitre et l'enfant réciteront chacun leur
tems , et changeront de mode tour à tour.
A mesure que l'enfant avance dans la
conoissance sensible des parties du discours
, le maître doit lui doner à lire des
frases qui aient toujours raport à la doctrine
de chaque jour,en passant de l'indéclinable
au déclinable , et du déclinable
Bij au
2356 MERCURE DE FRANCE
:
au conjugable ; et pour cet efet il faut
lui doner des exemples qui contienent la
doctrine courante du jour pour l'ajouter
à cèle qui a déja été donée le jour précédent
le seul verbe substantif sum ( je
suis ) avec les indéclinables et les déclinables
, fournit peut- être des exemples
sur plus de la moitié de la sintaxe: pratique
préferable à cèle qui acable les enfans
condanés à aprendre par coeur toutes les
déclinaisons et toutes les conjugaisons
avant que d'en pratiquer la premiere .
L'école croit ce tems bien employé ,
quand l'enfant ne sait pas écrire , parce
qu'elle supose la nécessité d'aprendre par
coeur des principes avant que de les mettre
en pratique ; mais selon la métode du
bureau l'enfant sans savoir écrire ne laisse
pas de pratiquer l'exercice des tèmes , des
versions , et des compositions qu'on lui
done sur des cartes ; et c'est- là peut ètre
la meilleure manière d'ense`gner un enfant
, puisque dès le premier jour la téorie
et la pratique peuvent aler ensemble :
Fourlors un enfant est bientot mis en état
de s'amuser utilement , et agréablement ;
c'est là un avantage inconu aus auteurs
des métodes vulga res , qui dégoutent les
enfans dans la premiere étude des langues.
Je supose donc qu'on a déja un peu
parlé à l'enfant de la nature de l'adverbe,
de
NOVEMBRE . 1730. 2357
de la préposition , de la conjonction , et de
l'interjection: on doit peu à peu en alonger
et en varier les petites frases composées
d'une seule proposition , par exemple : la
viole angloise et harmonieuse de mon chér
frère Louis Jean Batiste , sera toujours , sans
contredit, l'instrument favori des amateurs de
La bone musique, etc. En suivant cète route,
on fait pratiquer les règles avant que de les
faire étudier , ou pour mieus dire , on
les pratique et on les étudie dans le mème
tems ; les progrès en seront beaucoup
plus grans , sur tout si au comancement
on fait lire et traduire des textes interlineaìres
, selon la métode de M. du Marsais
, et si l'on a soin , come l'enseigne
cet ingénieus Grammairien , d'expliquer
et de faire remarquer à l'enfant le sujet
et l'atribut , l'afirmation ou la négation
de chaque proposition .
Quoique le verbe substantif Sum ( je
suis ) soit le premier par où l'enfant doit
comancer les conjugaisons , il y a bien
des rudimens qui ne le metent qu'apr's
les verbes actifs , les verbes passifs , les
verbes déponens , et mème qu'après les
verbes neutres , à cause de son irrégularité
; cependant quand le verbe passif
n'auroit pas besoin de ce verbe auxiliaire
dans sa conjugaison , il seroit toujours
plus simple et plus régulier de co-
Biij man2358
MERCURE DE FRANCE
rancer les conjugaisons par cèle du verbe
Sum , que par cèles des verbes actifs ;
on est avant que d'agir : d'ailleurs le
verbe substantif representant tous les
verbes, permet une infinité de frases avec
le seul nominatif , ou avec d'autres cas ,
ce qui sufit pour l'usage de diverses concordances
aisées à concevoir et à retenir.
Les rudimens les plus sensés et les plus
métodiques qui ont comancé par la conjugaison
du verbe sum ( je suis ) , n'ont
pas immédiatement après doné cèles de
ses composés possum , prosum , adsum
desum , absum , intersum , obsum , &c.
Ces rudimens ont passé d'abord du verbe
substantif au verbe actif , et il semble
que par la mème raison ces grammairiens
auroient pu et du se contenter d'un seul
paradigme dans chaque declinaison , renvoyant
plus loin les irregularités des
noms , come on a coutume de le faire à
l'égard de cèles des verbes.
e
Si les rudimens ne sont donés aus enfans
que come un repertoire , contenant
la suite des conjugaisons du verbe actif ,
du verbe passif , et du verbe deponent
des 1ere , 2º , 3º , et 4° conjugaison , on
ne peut qu'aprouver cet ordre de livre et
de téorie ; mais si on oblige les enfans à
les aprendre d'abord tout de suite par
coeur , je doute qu'ils en soient plus
avancés
NOVEMBRE. 1730. 23 59
avancés que s'ils n'aprenoient qu'une
seule conjugaison active , sur laquelle on
epuiseroit toutes les frases de la sintaxe
dont le verbe amo ( j'aime ) . Par exemple
est susceptible , et cèles qu'on doneroit
avec tous les principaus verbes de la premiere
conjugaison qui se conjuguent come
le verbe amo , et qui regissent le
mème cas.
Je ne crois pas que l'enfant doive passer
à la conjugaison des verbes passifs ,
qu'il ne sache parfaitement cèle des verbes
actifs , où il est bon de le tenir lontems
et sans impatience ; car s'il paroit
que l'enfant en soit retardé , on vèra dans
la suite avec étonement qu'il en est au
contraire alé plus vite ; la raison seule
pouroit le démontrer à des esprits atentifs
et non prevenus , mais on veut bien
s'en raporter à la seule experience; le maitre
tâchera de varier et d'alonger toujours
le jeu des petites frases dans lesquelles il
fera entrer les parties du discours indeclinables
, les declinables , et les conjugables
du verbe substantif sum ( je suis )
et des verbes actifs conjugués come amo
( j'aime ). Exemple. Etant aujourd'hui un
·écolier diligent et laborieus , je lis avec bien
du plaisir dans les bèles éditions corectes de
l'imprimerie royale du Louvre.
Quand l'enfant saura bien décliner et
Bij con
2360 MERCURE DE FRANCE
conjuguer , il faudra l'instruire un peu
plus et de vive vois sur les parties du discours
qui composent les frases qu'on lui
done.On peut essayer de lui expliquer les
concordances et les règles de la sintaxe
si on s'aperçoit qu'il entende et qu'il sente
ce qu'on lui dit. Il faut, premierement lui
expliquer toutes les parties du discours
dans sa propre langue , avant que de passer
à cèlès des langues mortes : à force de
varier les exemples sur les noms , sur les
pronoms, et sur les verbes , l'enfant aquèra
en françois une espèce de routine et
de pratique qui le disposera à mieus comprendre
dans la suite toute la doctrine
des rudimens latins. On aura soin
de changer les parties du discours et
d'une frase , lorsque l'enfant saura les
mots de cèles qu'on lui aura donées auparavant
; c'est là le vrai et le seul moyen
d'avoir bientot present et d'entretenir le
cours des declinaisons et des conjugaisons
; et c'est peut ètre aussi l'unique ressource
avec les enfans des princes et des
grands seigneurs ; la pratique leur fera
tolerer la téorie , si le maitre a le talent
de se fire gouter lui même.
Lorsque l'enfant sera férme sur la première
conjugaison active , il sera aisé de
lui faire aprendre les autres conjugaisons ,
en fesant remarquer le jeu des terminalsons
NOVEMBRE . 1730. 2361
sons , et la diference d'une conjugaison à
une autre.Quoique l'enfant paroisse savoir
les quatre conjugaisons actives , il ne faut
pas pour cela le mètre encore aus conjugaisons
passives , parce qu'elles sont
trop dificiles , et que la plupart de leurs
tems n'ont aucun raport avec ceus des
verbes de la langue françoise ; cète langue
n'aïant point de verbe passif simple,
se sert du verbe substantif et du participe
passif, de mème que la langue latine
le pratique pour les tems du prétérit
parfait , du plusque parfait de l'indicatif
et du subjonctif , et pour le futur du
mème subjonctif ; de sorte que le verbe
passif n'a proprement de tems simples
que ceus present , de l'imparfait, et du
futur de l'indicatif , et ceus du present ,
et de l'imparfait du subjonctif ; c'est aus
savans latinistes à nous dire pourquoi de
amo, amabam , amavi, amaveram , amabo ,
etc..on n'a pas également formé amor ,
amabar, amavir , amaverar , amabor , etc.
du
Pour faire voir à l'enfant la conjugaison
passive , il faut d'abord comancer par
le jeu des simples terminaisons or , aris
´ou are , atur ; amur , amini , antur , etc. et
suivre la métode qu'on a pratiquée pour
la conjugaison du verbe substantif sum
je suis ) et cèle du verbe actif amo
( j'aime ) ; c'est pourquoi jutra tenir
B lon2362
MERCURE DE FRANCE
Ion-tems un enfant sur la premiere conjugaison
passive , avant que de le faire
passer aus autres , et à cèles des verbes
déponens , des verbes neutres , des verbes
irréguliers , etc. l'usage , la pratique ,
et les lectures continuèles fournissent assés
d'ocasions pour instruire un enfant et
pour le mètre en état de se servir du livre
des rudimens come d'un repertoire qu'on
aprend par coeur à force de le lire ou de
le feuilleter.
Nota. Fe me flate , Monfieur , qu'après
avoir û la patience de me lirejusqu'ici, malgré
l'essai d'une ortografe passagere , v015
voudrés bien me parloner encore l'exemple
de cèle qui suit , j'en rendrai conte dans quel
qu'autre lètre.
En treuue entre aultres choufes des Caietz ou
Les Feuilles adjouxtées ensemble , lefquelles
par leur haulteur forment des Libures ou des
Tables Analytiques à Columpnes & a Crochetz
grauces fur Cuybure pour lufaige de chaifquune-
Declinaifon & de chaifque ConjuGuaifon felon la
purité de la Langue Latyne. Jl fauldra faire
congnoiftre fongneufement a ung Enfant les.
Leczons de ces neuueaulx ieux qui feruiront
de nourreture a fon Efperit . Ie vouldroye que
les Parentz pour le perfect Exercice des Lettres
uoulfiffent auoir foing dVfer des Tiltres faicts
par des Maiftres Efcripuaintz ou encore myeulx
par des Paynctres ces Efcripteaulx porroient
aorner
NOVEMBRE. 1730. 2363
aorner les Couftez du CaBinet dung ieune Enfant
affin quayant a fa PhanTalie & fouant
foubz les deux oueilz le toutal de ces Obie&z
inftructifs & gratieulx jl iouaffe auecques ces
mefmes Obiectz qujl les apprenfist par cuer &
quil en fift fon prouffit car fijl les fcayet bien lire
de fon Chyef naiez pas paour quil commecte des
faultes fur les DeClinaifons & fur les ConiuGuaifons
pource quil ne porra plus eftre embarraſſe
ladeffus & ie doubte mefme quil aduiengne iamais
quil aye befoin quung aultre præpofe pour cela ou
le Varlet fyen luy chifflent la premiere Perfonne
des differentz temps quif doibt cheoifir pour
ConiuGuer. Le ieu des TerMinaifons donnant
les aultres. La-difficulte feuanoyt Ceulx des Pre-
Cepteurs auyfez qui uouldroyent foubftenir que
cela ne peult eftre ainfyn ie porroye le leur faire
ueoir euidentement en leur donnant de beaulx
argumentz & des faicts preuuez qui deburoyent
faire congnoyftre a tous les Perfo nnaiges du
Royaulme la uerite du fubiect que ie metoy e
faultre iour fur le Papier J uauldroit mieul, x
que les Criticqs foufpeconneulx vienfiffent aue c
doulceur ueoir de leurs yeulx lvfaige du Burea
TyPoGraphyque pour garir fehurement leu
Efperit pluftoft que de calumpnier ou de con
dampner trop legierement des TesMoings fa n
reprouche. le fuis , &c.
Fermer
Résumé : SISIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans et sur l'essaì du rudiment pratique de la langue latine.
En novembre 1730, un auteur présente un essai sur un rudiment pratique de la langue latine visant à accélérer l'apprentissage des enfants. Il critique la méthode traditionnelle qui consiste à apprendre par cœur de nombreux paradigmes, exemples et règles inutiles. L'auteur propose une approche structurée commençant par les parties du discours indéclinables (prépositions, adverbes, etc.) et les classant par ordre de qualité. Ensuite, l'enfant doit passer aux parties déclinables, en apprenant les noms, adjectifs, pronoms et nombres par listes. L'auteur suggère de créer des listes de mots déclinables soit par ordre alphabétique, soit par ordre des matières, et de les enrichir au fur et à mesure des lectures. Les noms propres peuvent être copiés séparément. Pour rendre l'apprentissage des déclinaisons plus pratique, chaque cas doit être associé à un mot indéclinable ou déclinable qui le régit. L'enfant doit également pratiquer la conjugaison des verbes, en commençant par le verbe 'sum' et en progressant vers les verbes déponens et irréguliers. Le rudiment pratique doit inclure des exemples sur les concordances et la syntaxe, et le maître doit expliquer les principes nécessaires à l'intelligence des langues. L'enfant doit également apprendre à écrire en copiant les listes de noms et de verbes dans l'ordre alphabétique, en observant les terminaisons, les genres et les préterits. Les déclinaisons des noms peuvent être enseignées à l'aide de cartes pour les nombres, les cas et les terminaisons, rendant l'exercice plus amusant et instructif. L'auteur recommande d'utiliser des mots latins et français similaires pour faciliter l'apprentissage des déclinaisons, comme 'rosa' (la rose) ou 'luna' (la lune), plutôt que des mots abstraits comme 'Musa' (la muse). Pour les jeunes enfants, il est suggéré d'apprendre les terminaisons par l'oreille et de rendre l'apprentissage ludique. Le texte critique l'usage de mots complexes comme 'Æneas' ou 'Penelope' et préconise de différer l'enseignement des règles et des exceptions jusqu'à ce que l'enfant en ait besoin. Il propose d'utiliser des cartes à jouer pour rendre l'étude plus amusante et d'éviter de surcharger l'enfant avec trop de règles dès le début. L'apprentissage des verbes doit commencer par la table des terminaisons actives et utiliser le verbe 'sum' (être) pour illustrer les différents temps. L'apprentissage des modes indicatif et subjonctif doit être progressif et adapté à l'âge et aux capacités de l'enfant. Le maître doit varier les méthodes d'enseignement pour maintenir l'intérêt de l'enfant et progresser de manière logique et sensible.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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61
p. 2554-2576
SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
Début :
MONSIEUR, Je n'aurois jamais osé doner dans le Mercure de France la suite de l'atirail literaire [...]
Mots clefs :
Enfants, Lettres, Latin, Méthode, Cartes, Mots, Français, Voyelle, Exercice, Apprentissage
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texteReconnaissance textuelle : SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
SETIEME LETRE sur la bibliotèque
des enfans , et sur l'atirail literaire
du bureau tipografique.
MONSIEUR ,
Je n'aurois jamais osé doner dans le
Mercare de France la suite de l'atirail literaire
d'un enfant , si des pèrsones de
merite ne m'avoient fait remarquer que
ce journal étoit plus nécessaire et plus
instructif dans les provinces et dans les
patis étrangers que dans la capitale , et
que mon scrupule étoit mal fondé. Tous
les livres , m'a- t- on dit, ne peuvent ni ne
doivent ètre livres amusans , de mode
de
passage , et d'une seule espece de lec
teurs , come les voyages de Gulliver , etc.
I. Fel.
Votre
DECEMBRE. 1730. 2333
Votre ouvrage contient la premiere doc
trine , l'érudition élémentaire , cela sufit ,
m'a-t-on repliqué , pour justifier le motif
de vos petits essais literaires ; les parens
et les maîtres curieus en fait d'éducation
le penseront ainsi ,à Paris mème . Dailleurs
les provinces demandent des bureaus ; il
est donc mieus de leur donér la manière
de les faire faire chès eus à bon marché
que de les mètre dans la nécessité d'en
faire venir de plus chèrs , lentement et à
grans frais. Ces raisons m'ont facilement
détèrminé à tâcher de mètre le lecteur
atentif au fait de la construction , del'intelligence
, et de l'usage des petits meubles
literaires que je propose de livrér de
bone heure aus jeunes enfans , et aus autres
enfans de tout age qui ont le malheur
d'avoir été négligés ou retardés pendant
bien des anées.
§ . 1. Cassète abecédique , pour un enfant
de dens à trois ans , et de tout age.
La cassète abécédique , est le premier
meuble litéraire qu'il faudroit livrer à un
enfant de deus à trois ans . Cete cassète doit
ètre de carton; on peut la renforcer d'une
toile colée en dehors , et mètre des bandes
de parchemin à tous les angles exte
rieurs : la charniere de la cassète doit ètre
de toile , de parchemin , ou de peau , afin
A iiij qu'elle I. Vol.
2556 MERCURE DE FRANCE
qu'elle puisse resister aus mouvemens
Continuels ausquels elle sera exposée ..
Après avoir compassé , coupé , cousu
COlé
, et façoné cète cassète , il faudra l'habiller
de lètres , et de silabes ; enjoliver
tous les coins et toutes les bordures avec
du papier doré , marbré , ou tel autre
qu'on voudra y mètre , pour marquer le
quaré , ou le cadre des faces de la cas
sète. On donera au comancement de l'A
B , C latin , et en petit caractère , la
feuille des premières combinaisons élémantaires
, qu'il faudra faire imprimer
d'un caractère proportioné à la grandeur
de la cassète. Cète feuille est , pour ainsi.
dire , l'abrégé de l'a ,b, c latin , et l'on ne
sauroit y tenir un petit enfant trop lontems
pourvu qu'on ait soin de lui faire
lire sur sa cassète les combinaisons , non
seulement de gauche à droite , mais encore
de droite à gauche ; de haut en bas ,
et de bas en haut , ou en colones , etc.
Le premier des deus petits cotés à
droite , contient les lètres du grand A,B,
C latin , avec leur dénomination , ou le
nom doné et preté à chaque consone pour
rendre selon cète nouvèle métode l'art.
de lire plus aisé : On met donc dans ce
quaré de la cassète , n ° . 1. les voyèles
grandes et petites , et les lètres capitales.
avec leurs noms , Aa , Ee , Ii , Oo ,
I.Vok U u
DECEMBRE. 1730. 2357
3
U u. A , Be , Ceke , De , E , Fe , etc.
que
Le segond des deus petits cotés de la
cassète , à gauche , contient le petit a , b,c
latin , à coté du grand , lètre à lètre ; afin
l'enfant qui conoit bien les grandes
lètres , puisse facilement et presque de lui
mème aprendre ensuite à distinguer les
petites : On met donc , n ° . z . A a , Bb ,
Cc , Dd , etc. on y ajoute les principales
Higatures , les lètres doubles , et quelques
abreviations , sur lesquèles il est inutile
de s'arèter beaucoup de peur de dégouter
l'enfant.
La premiere des grandes faces de la
cassète et sur le devant , contiènt , n° . 3 .
en deus colones , les combinaisons élémentaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
Le dessous de la cassète pouroit avoir
: quatre clous de léton , rivés en dedans ;;
savoir un à chaque angle pour servir de
pié et conserver cete face , sur laquelle ,
et sur cèle du couvercle en dedans , on
peut mètre une bèle crois de JESUS,come
La base , le principe , et la fin de toute action
cretiène.
Le deriere de la cassète contiendra , nº
4.et en deus colones , les combinaisons
du Ba , be , bi , bo , bu , etc. dans lesque
les on fera remarquer les changemiens .
qu'on a crit necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons , Ca
: bokeb AV fo
2558 MERCURE DE FRANCE
fe , fi , co , qu ; Ga , je , ji , go , gu ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , fo , fu ; Ta ,
te , tici , to , tu , etc.
Le dessus du couvercle de la cassète
contiendra , nº. 5. n ° . 6. les combinaisons
du Bla , ble , bli , blo , blu , etc. et cèles
du Bra , bre , bri , bro , bru , etc ... N° 7.
les combinaisons des quatre petites lètres
ressemblantes , b , d , p , q , combinées
avec leurs quatre capitales, et ensuite avec
les cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp ,
Qq , etc. Ba , de , pi , qu , bo , etc.
No. 8. des sons particuliers à la langue
françoise. A l'égard des cinq faces qui restent
au dedans de la cassète , il sufit qu'èles
solent couvertes de papier blanc , pour
faire mieus paroitre les lètres des cartes
que l'enfant y tiendra.
1
Cète cassète servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons et les
jeus des cartes abecediques , qui ont servi
de premier amusement à l'enfant, et qu'il
peut ranger sur une table en les nomant
, jusqu'à ce qu'il soit en état d'avoir
le petit bureau tipografique , sur lequel
il rangera les premieres combinalsons,
Ab , eb , ib , ob , ub , etc. On poura
lui doner ces premieres combinaisons
avec un petit casseau de carton et de sis
logetes , qui entrera dans la cassète , de
mème que les petits cartons élémentaires ,
|
1. Vol. sur
DECEMBRE . 1730. 2559
sur lesquels on aura fait coler les quarés
de la feuille imprimée pour habiller la
cassete ; elle poura aussi servir à tenir une
garniture de bureau pour les persones
curieuses de ce petit atirail literaire.
§ . 2. Foureau ou Tablier du petit bõhome ,
pour l'usage du bureau.
L'on fera à l'enfant un tablier de quelque
bone toile rousse ou grise , afin de
conserver ses habits . Ce tablier poura s'apeler
en badinant , la bavète ou le tablier de
docteur ; il est necessaire pour y faire deus
poches , l'une servira à metre les cartes
des letres et des mots en rouge pour le
latin , et l'autre servira à mèrre les cartes
en noir pour le françois , lorsque l'enfant
comencera de travailler à la table du
bureau de laquèle au reste il ne faut pas
oublier de bien faire abatre la vive arète,à
cause du frotement continuel de l'enfant.
§. 3. Description du premier et petit bureaus
qui sert à la premiere claffe.
Dès qu'un enfant conoit bien les lètres
par l'exercice des jeus de cartes abécédiques
et de la cassete , on peut lui doner
un petit bureau semblable à ceus dont les
directeurs et les comis de la Poste se servent
en province pour ranger les lètres
missives qu'ils mèrent en colones vis - à-
1. Fol.
Αν
via
2560 MERCURE DE FRANCE
vis les lètres initiales des noms ausquels
les missives sont adressées. il faut donc
avoir une table de la largeur de cinq ou
sis cartes rangées , ensorte que cèles des
c'nq voyeles A , E , I , O , U , et des
combinaisons Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
puissent ètre mises en colones sur la largeur
de ce bureau . il doit avoir la longueur
de trente cartes rangées de suite,
plus ou moins , selon le nombre des logetes
que l'on voudra doner à la caisse
de l'imprimerie ; et selon la grandeur des
cartes dont on se servira pour garnir le
bureau . La largeur de la table sera divisée
par quatre ou cinq lignes paralèles , qui
dans la suite serviront d'alignement et:
de reglèt à l'enfant qui doit imprimer oa
composer son tème sur cète table.
و
On peut doner à la table la longueurde
trente cassetins outre l'épaisseur
des montans ou du bois de séparation ;,
ce qu'il est aisé de mesurer : ensuite on
fait les trois liteaus , bandes , regles ou
rebors de la hauteur d'environ quatre pou
ces , ou de la hauteur d'une carte , l'un
de la longueur , et les autres deus pour la
largeur du bureau. Avant que de poserd'une
maniere fixe ou mobile à discretion,.
la tringle , la regle , le long liteau ou rebord
du derriere de la table , il faut lediviser
en trente parties , et marquer le
& Fet milicu
DECEMBRE. 1730. 2560
milieu de chaque partie d'une des lètres de
FABC, observant d'y imprimer la grandeet
la petite lètre ensemble , l'une sous.
Pautre , c'est- à- dire le grand A , sur le
petit as le B capital sur le petit b , et
ainsi de tout l'A BC , depuis les lètres.
Aa , Bb , jusqu'à cèles du Zz , sans oublier
l'Ex , l'a , ni les lètres doubles ,.
&t , ft , fl , etc. de même que les chifres et
les caracteres ou lès signes de la ponctua
tion , etc. que Fon rangera selon l'ordreobservé
dans la planche du bureau tipo
grafique que j'ai fait graver exprès. il sera.
peut-être mieus de doner à l'enfant un
casseau d'un seul rang de logètes , où il
puisse tenir les grandes et les petites kètress ,
Page et la taille décideront entre la trin
gle et le casseau d'un rang de logètes..
Les deus petits liteaus , rebors ou consoles
des cotés n'étant que pour retenir les
cartes , rendre le bureau plus solide , et
pour fermer la caisse , on peut arondir er:
façoner ces deus consoles par le bout , afin
que l'enfant ne puisse en ètre incomode :
après quoi l'on peut clouer les liteaus ou
rebors et metre ce bureau contre un mur
sur deus chaises , sur un chassis , sur deus
petits bancs ou deus petits traitaus dont
les piés soient solides et proportionés à
La taille de l'enfant. On poura , si l'on
eur, metre de petits tiroirs à ce bureau:
La bata
1
2562 MERCURE DE FRANCE
et couvrir la table , d'une basane , d'un
maroquin noir ou d'une toile cirée ; ce qui
n'est pas absolument necessaire, si le bois
est neuf, sans noeuds et bien uni : d'ailleurs
on pouroit faire la table de ce bureau
brisée en deus ; ce qui serviroit pour
les diferens ages et les diferens tèmes de
l'enfant , et mème pour ètre plus facilement
placé contre la muraille et transporté
de la vile à la campagne , come une
table brisée , qui ensuite relevée , ferme
roit la caisse du colombier literaire , et
ocuperoìt moins de place. On poura mètre
un petit rideau de tafetas ou de toile
pour couvrir le colombier quand on ne
s'en servira pas , une toile cirée sera peutètre
d'un mème usage , on doit en tout
chercher l'utilité , la comodité et la propreté.
S. 4. Casse d'imprimerie en colombier à
quatre rans de trente cassetins chacun.
3
Quand l'enfant sera fort sur l'exercice
de la cassète et du premier bureau , on
peut encore pour le divertir en l'instruisant
, lui doner une casse d'imprimerie ,
avec laquèle il composera et décomposera
les silabes , les mots , et les lignes qu'on
lui présentera écrites ou imprimées ; er
cela s'apelera l'exercice du tème en lat`n ou
en françois , selon les lignes et les tèmes
I. Vol.
qu'on
DECEMBRE. 1730. 2563
qu'on lui donera par la suite en ces langues-
là . Cète imprimerie en colombier
est composée d'un casseau qu'on met sur
la table du premier et petit bureau contre
le plus long liteau ou le deriere de cète
table , y étant assés fixe par
des crochets ,
des pitons , des clous à vis , des boutons
ou des chevilles de fer qui traversent l'épaisseur
des deus petits liteaus ou consoles
, et le bois de la premiere et de la derniere
celule : cete casse est divisée en soissante
compartimens, cassetìns, celules , logetes
ou boulins ; c'est-à-dire en deus
rans de trente celules quarées chacun , et
c'est-là le segond bureau ou casseau de la
segonde classe pour le latin , en atendant
la troisième aussi de soissante cassetins
pour le françois , les chiftes , la ponctuation
, l'ortografe des lètres et des sons et
pour la troisiéme classe.
On passera ensuite au quatrième casseau
ou bureau pour le rudiment pratique de
la quatrième classe. Le bureau complet
sera donc de sis rangées de trente cassetins
chacune ; quatre pour l'imprimerie
du latin et du françois , et deus pour le
rudiment. On poura le faire faire tout
d'un tems pour épargner le bois , la hau
teur et la façon du bureau ; en couvrant
d'une housse les rangées superieures
dont l'enfant n'aura pas d'abord l'usage :
I. Vol.
ce
2564 MERCURE DE FRANCE
ce voile piquera sa curiosité et lui donera
de l'impatience pour l'usage des autres
rangées , ainsi qu'on l'a déja dit dans les
letres sur le bureau tipografique , inserées.
dans les mercures des mois de Juin et
de Juillet 1730.
Les logetes doivent ètre un peu plus.
profondes que la longueur des cartes ;
savoir , les trente celules pour ranger et
mètre les petites lètres , les lètres dou-
Bles , etc. et les trente autres celules ou
cassetins pour les grandes lètres ou capitales
, etc. le quaré des celules doit ètre
proportioné à la longueur et à la largeur
des cartes dont on veut se servir ; ensorte:
que l'enfant puisse mètre aisément sa main
dans chaque celule pour y poser ou en
prendre les cartes : on parlera ci - dessous ;
des autresrans de logetes.il faudra marquer
abécédiquement au bureau latin chaque
celule d'en bas de sa petite lètre, et cèle d'ens
haut de sa lètre capitale : après quoi l'on
peut montrer à l'enfant l'art d'imprimer
le tème qu'on lui dicte , ou qu'on lui
done sur une carte ou sur un papier mis
assés haut sur un petit pupitre à jour et
de fil d'archal au milieu de son imprimerie
ou sur la table mème du bureau ; l'on
fera séparer tous les mots avec une carte:
blanche ou par une petite distance , pour
aprendre à l'enfant à distinguer les mots..
La Vali
On
DECEMBRE. 1730. 2565
On ne sauroit croire combien il profite
en imprimant quelques mots sous le dictamen
des uns et des autres , cela lui for
me l'oreille, et lui done ensuite une gran
de facilité pour l'ortografe des ïeus er
d'usage.
,
Il faut qu'il y ait au moins quinze ou
vint lètres dans chaque celule et un
plus grand nombre de voyèles , de liquides
et de certaines consones de plus d'usage
, afin de pouvoir composer plusieurs
lignes de tème tout de suite. Pour rendre
plus large la table du bureau , à mesure
que l'enfant croitra en age et en sience
on peut reculer la caisse de l'imprimerie
ou l'exhausser pour l'apuyer sur le deriere
du bureau , ou pour la metre contre le
mur d'un cabinet , de la chambre de l'enfant
ou autre lieu convenable. Je crois ce
pendant qu'il est mieus que le tout soit
isolé et portatif même au milieu de la
chambre ou du cabinet de l'enfant.
On aura des cartes marquées d'une virgule
pour séparer les mots au comencement
de l'exercice tipografique , afin
d'en rendre à l'enfant la lecture plus aisée
, moins confuse , et de lui aprendre
à distinguer les mots ; il faut mème que
l'enfant lise ou qu'il apèle les virgules et
les poins qui se trouvent dans ses leçons
ce qui l'acoutumera à observér les pauses.
Ja Vola ik
2566 MERCURE DE FRANCE
il ne sera pas mal aussi qu'il nome la quant
tième des pages , à la vue des chifres dont
elles sont cotées : cela sera d'autant plus
alsé , que les chifres entrent dans la com
position des tèmes , et que l'enfant de
trois ans quatre mois dont on a parlé
s'en servolt come il se servott des letres
, quoique tous les chifres fussent en
core dans une seule logere du petit bureau
latin . Le maître pour soulager l'enfant ,
lira à son tour jusqu'à la virgule ou jus
qu'au point.
Tous ceus qui vèront ce bureau et cite
imprimerie pouront dicter et faire imprimer
leurs noms, ou quelques autres mots
et encourager l'enfant à l'exercice du bus
reau qu'il faut continuer pendant lontems
quoique dans la suite l'enfant se serve de
livres pour dire sa leçon en latin et en
François. Le téme étant fait , on regarde
s'il n'y a point de fautes , et l'on montre
à l'enfant la manière de les coriger et de
distribuer les lètres , ou de les remetre
chacune dans sa celule , ce qu'il trouvera
facile aprés avoir su les ranger sur la table
du premier bureau .
S.§. 5. Description du bureau tipografique
latin-françois.
Les montans ou le bois qui forme les
celules
DECEMBRE. 1730. 2567
(
celules de haut en bas en ligne pèrpendiculaire
n'est que de deus à trois lignes
d'épaisseur , excepté le premier et le dernier
qui auront neuf lignes pour fortifier
la caisse , l'assemblage ou le bâti exterieur
; et les traverses ou le bois qui le
croise horisontalement et en rayons est
alternativement , c'est à dire le premier ,
le troisième , le cinquième , et le sétième
de neuf lignes , ou de la hauteur des letres
capitales. si l'enfant est déja un peu
grand , on poura doner neuf lignes à toutes
les traverses pour la comodité des étiquetes
de tous les rans de cassetins , chaque
celule à vide a en tout sens le quaré
long d'une carte tant pour la hauteur que
pour la largeur à vide , avec l'aisance nécessaire
pour le jeu tipografique. La profondeur
d'une celule est come l'étui de
quatre à cinq jeus de cartes ; de manière
que la main puisse les y mètre et les en
tirer facilement . Enfin les dimensions des
cartes doivent regler cèles du bureau et
des casseaus de l'imprimerie , ce qu'un
menuisier doit bien observer , en mesurant
avec exactitude une carte pour chaque
logète, ceus qui ne voudront pas
doner tant de longueur au bureau regleront
les dimensions de leurs cartes
par cèles des logétes du bureau qu'ils comanderont
selon l'endroit où ils le voudront
8
I. Vol.
2568 MERCURE DE FRANCE
€
dront placer , car il faut que la carte ou
la log te donent les dimensions l'une de
l'autre , et c'est ainsi qu'on l'a pratiqué
dans un grand colège pour le bureau d'un
jeune seigneur.
L'auteur dans une planche gravée exprès
done le plan , la description , le dessein
du bureau, des celules ; et des exemples
de la garniture de letres , afin qu'on
voie plus facilement de quèle manière on
doit les distribuer.chacun peut se faire un
plan sans s'asservir à l'abécédique ; si
P'on suit cet ordre , c'est pour faciliter à
-un enfant l'usage des dictionaires , et de
la table des matières des livres qui suivent
aussi l'ordre abécédique .
>
Le premier rang des celules d'en bas ,
- est pour les petites letres apelées ordinal
: rement letres du bas ou mineures ; c'est
pourquoi on l'apèle aussi le petit ordinaìre.
Après les logetes du z , de l' , de
P'è ouvert et de l'é fermé , on metra dans
· la vintneuvième logete les cartes ou les
tèmes donés sur l'histoire , sur la bible ,
sur les génealogies , sur la cronologie et sur
la géografie , et dans la trentième logere
les tèmes qui roulent sur la France , sur
l'Europe etc.
Le segond rang contient les grandes
letres apelées capitales , majeures ou majuscules
que les espagnols apelent aussi
I.Vol
verfales
DECEMBRE. 1730. 2569
versales ; c'est pourquoi on l'apele le grand.
ordinaire la vintneuvième logete sera.
pour les époques , l'histoire sainte , les listes
etc. la trentième pour les époques
P'histoire profane , la fable etc. ou bien on
se contentera de metre en haut les deus
étiquetes hist. s. hist . p. et en bas les autres
deus étiquetes géogr. fable.
5
Le troisième rang est pour toutes les
combinaisons de letres qui donent les mèmes
sons simples qu'exprime le rang des
letres ordinaires ; c'est pourquoi on l'apele
le premier rang composé ; ainsi à la cofone
de l'o et à la logete du 3 rang , on
met les diftongues oculaires au , ean , qui
en deus ou en trois letres expriment le
pur son de l'o , cette distinction et cet
ordre métodique donent d'abord à l'enfant
des idées inconues à la plupart des
maitres d'école . car s'il m'est permis de
le dire , on ne rougit pas d'ignorer l'algebre
; mais on est très honteus d'ignorer
ce qu'un petit enfant aprend d'abord
au bureau , sur la nature des letres et des
sons de la langue françoise , et ce que
tous les maîtres , tous les regens , et tous
les professeurs devroient savoir . Pour profiter
des logetes de reste , on met à la se
èt à la colone du H le mot magasin expliqué
ailleurs ; à la 10 tèmes à faire ; à
la 11 tèmes faits à la colone du Z , on
DANI. Vol.
met
2570 MERCURE DE FRANCE
met nombres , chifres ou livret ; et aus deus
dernieres les poins de suspension , d'interuption
.... , les paragrafes §§ , les piés
de mouche ¶¶ , les guillemets « » , les
signes de plus , de moins ,
d'égalité , et les traits ou tiréts
que les imprimeurs apelent division , qui
coupent, replient et divisent les mots qu'on;
n'a pu achever au bout de la ligne , ou qui
lient des mots composés, come porte-feuille,
tourne-broche etc. on tiendra tous les autres
signes et les asterisques dans ces deus
derniéres logetes du troisième rang de
cassetins .
Le quatrième rang est pour des sons.
diférens , placés néanmoins dans la colone
de la letre avec laquele ils ont le plus de
raport à l'oreille où à l'euil ; le reste come
poins , virgules , apostrofes , parentèses ,
crochets etc. est mis à discretion dans les
celules vides du 4 rang qu'on apele le
segond rang composé , ensorte que les deus
premiers rans sont dits simples , parceque
leurs celules contiènent les simples letres,
et les deus autres rans sont dits composés ,
parceque leurs celules contiènent de dou
bles consones , de doubles letres , de doubles
sons , et enfin des diftongues par
raport à l'euil ou à l'oreille. Pour profiter
du vide des colones M, N, on y a mis
les diftongues oi et ni , qui reviènent sou
GAL. Vol.
vent
DECEMBRE. 1730. 2571
vent dans les mots des tèmes , des frases ,
ou du discours , et pour distinguer le son
de la voyele è ou of du mot il conoìt , de
la diftongue oi du mot roi , on emploie
l'ì grave , come dans les mots il avoit , ils
portoient etc. et l'on emploie l'i ordinaìre
dans les mots loi , roi etc. ensorte que 1ì
grave servira à indiquer l'è ouvert composé
de deus letres dans les mots françois,
maitre , peine etc. et l'i algu indiquera l'ẻ
fermé composé aussi de deus letres dans
les mots j'ai , je ferai plaisir etc. ce qui
şera tres utile non seulement à l'enfant ,
mais encore aus étrangers et aus gens de
province peu au fait de la prononciation
des e simples , ou composés de plusieurs
letres.
On metra aussi au quatrième rang la
voyele eu au haut de la colone e ,
d'autant
que la prononciation en est presque come
cèle de l'é muet françois ou soutenu et
d'une seule lètre ; au lieu que la difton
gue oculaire eu est dans un sens l'e fran
çois soutenu de deus letres ... Le son
gne françois sera mis à la 7 celule au
haut de la colone g , parceque le mot copar
un g ; en Espagne et en portugal
on le metroit au fi ou au nh , colone
du n...Le son che françois , au mème
rang , et au haut de la colone du jou du
sonjeja , parceque le son françois che ost
I. Vol.
mence
le
2372 MERCURE DE FRANCE
le son fort du foible jes en Alemagne ,
on metroit le che à la colone du sch , parceque
les Alemans n'ont point de jou
le son du ge dans leur langue ... Les sons
ill , lh , ille mouillés , au haut de la colonel
, par raport à l'euil plutot qu'à l'oreille
; car en Italie on le metroit au gli ,
colone du g ... La voyele on au haut de
la colone o , par raport à l'euil plutot qu'à
l'oreilles en Italie , en Efpagne , en Âlemagne
, on metroit l'ou à la colone de l'u
qu'on y prononce on . ceci doit fe pratiquer
de mème pour le grec , l'ebreu
Parabe , et toutes les langues .
> > > , >
On doit metre les cinq voyeles nasales
ã‚é‚í‚õ‚ú¸ avant les chifres , et tout
de suite , pour en faciliter l'usage à l'enfant
qui compose sur la table du bureau .
Les dis chifres arabes seront mis aus dis
dernieres logétes avec des chifres romains
pour composer en françois et en latin .
c'est cète rangée de trente cassetins qui
a obligé à en doner autant aus autres
rans. on doit encore dire ici qu'on ne
sépare pas toujours par des virgules ou
par des poins les diférentes combinat
sons ou les diférens signes indiqués pour
la mème logete dans la planche du bureau
, parceque l'on a craint que le lecteur
n'imaginât ces virgules et ces poins
être nécessaires sur les cartes des mèmes
I. Vol.
logetes,
DECEMBRE. 1730. 257 3
logètes , come , par exemple, le point des
cartes marquées d'un c. au dessous de
la logete des chifres VI , 6.
La logète du magasin , du suplement.
ou du plein bureau , apelée la bureaulade
sert à l'enfant pour mètre les mots et les
tèmes composés , lorsque la table du bureau
est pleine , ou que l'enfant pressé
permet qu'un autre range les cartes après
qu'il a lui seul composé le tème , le tout
pour diversifier , et plaire en instruisant,
bien loin de dégouter. on trouvera à
peu près de mème la raison de chaque
chose , si l'on veut bien se doner la peìne
d'y faire un peu d'atention , come on
l'a déja dit bien des fois dans la manière
d'apeler les letres et les sons simples ou
composés par raport aus ieus ou à l'oreille.
§. 6. Garniture ou assortiment de cartes
Pour les quatre rans de casseins du bureau
tipografique.
Pour garnir le bureau tipografique , il
faudra mètre sur des cartes séparément
non seulement les lètres , mais encore
leurs diférentes combinaisons pour exprimer
les sons simples ou composés , ce qui
servira beaucoup à l'ortografe des ieus et
de l'oreille , et donera plus de facilité et
de varieté pour le jeu tipografique , que
I. Vol. B n'en
2574 MERCURE DE FRANCE
n'en pouroit doner une imprimerie ordinaire.
D'ailleurs l'avantage de pouvoir
lire et composer en latin et en françois
dès le premier jour de l'exercice , est un
avantage qui fera toujours taire les esprits
prévenus , incapables avec les métodes
vulgaires de montrer l'ortografe et
le latin à un petit enfant , avant qu'il
comance d'aprendre à écrire un autre
avantage du bureau , c'est de soulager les
maitres, les régens, et les professeurs , en
leur formant de bons écoliers , et les rendant
en moins de tems plus fermes sur
la téorie et sur la pratique des premiers
élemens literaires, que ne le sont ordinalrement
la plupart des enfans condanés à
Particulation des anciènes métodes , ce
qui démontre l'utilité et la compatibilité
de l'exercice du bureau avec tous les devoirs
des meilleurs colèges.
TABLE des letres , des sons simples ;
des sons composés et des combinaisons
necessaires pour la garniture du bureau
tipografique.
GARNITURE,
Logetes.
a
aa. à. á. â. a. ǎ. af. ha. has. aë.
ê.
с ce. è . é. ë.
iii. . . . . . I. if. hi. ic,
e. ĕ. ef. he.
I
I. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2575
ô. ō. ŏ. ef. ho. hof. au. cau. haw
ooo. ò. 6.
u uu. ù. ú. ü. û. ũ . ŭ, uſ. hu. huſ, cu. ".
b bb. be, bd..hr .
с cc. ç . &t . c'. ce.
ddd. d'. de. 2ª.
fff. ph. ft. fs. ff. fi . ffi . ft. ft. pht. phth. phr.
phl. phe.
ggggu. ga. go . gh. ghe, gue.
hha. he, hi. hơ. hư. hy . heu . hai. hon.
kke. ky. que. ca, co. cu. qu.
1 11. P. le .
mmm. m. m³, m². m. m²®, m¹è, me, m², meat.
n
Me. MM .
nn. ñ. n'. n ° . n. ne.
P PP. pe. pn. pt. ps. PP.
q cq. qua, que , qui, quo . qu. qu'. quæ . q;, qui
r rr. rh. r'. re. " . RR..
iss. fl. fs, sl. fc. fç.fl. ff. sph. fph. fg. fi . fm.
ſp. ſq. ſqu. ft. fth . ffi. se. ſe. ci. ce. i. S. st.
• fee SS. ç.
t tt. th. thrh.thl. t '. te. .. a. &e. Ato. Au.
V v. w. W. ve. Ve.
Je. j'.ge. gi. ginta.
X x. xc. gz. kf. xc. xfc.
yhy. ys. yf. hys. ii. iï.-ÿ.
Z z. ze.
ง.0
ès. èf. cis. ci. ey. al. ay. ais. aî. aient.oiens
oi. oy. hai. hay. ols. oit.
é aí . oe. oe. &. &. ét. Æ. E.
eu eû. eus . heu . `oeu. oei,
I. Vol. Bij
OW
2576 MERCURE DE FRANCE
Ou ou. où. ouf. oû . hou.
ch ch. che,
gn gn. gn. gne. gne.
lh_lhe . il. ill. ille . lle. 1.
ã an. a. é: hen. em . han. hã. aën, aon , ham,
èn. èm. ein . èí. eim. hin . hĩ ein .
1 in. im. ain aim. aĩ. ein . eĩ. ìn , ain.
Õ on . om, hon . hõ . hom
ū un. um . hum . hun , hũ, cũ .
Diftongues.
Oi ois. oĩ. oin. oy. hoi . hoy oic.
ui uis. uĩ. uin, uy. hui. huy. uic.
Suplement.
a
ante 60ante. 20ª.
i 20leme , ier.
f Fin. Finis.
Įginta 30. 40ginia .
Ponctuation. , ; : . ? !
Chifres. 0. 1. 2. ༣. 4.
·
+
5. 6. 7. 8.
I. II. III. IV. V. VI. VII . VIII.
9. 0. 10 .....
IX. X.
31. & c.
XXXI. & c.
Signes . ( ) .. [ ] *. §. ¶. + ----
တ
& &c.
des enfans , et sur l'atirail literaire
du bureau tipografique.
MONSIEUR ,
Je n'aurois jamais osé doner dans le
Mercare de France la suite de l'atirail literaire
d'un enfant , si des pèrsones de
merite ne m'avoient fait remarquer que
ce journal étoit plus nécessaire et plus
instructif dans les provinces et dans les
patis étrangers que dans la capitale , et
que mon scrupule étoit mal fondé. Tous
les livres , m'a- t- on dit, ne peuvent ni ne
doivent ètre livres amusans , de mode
de
passage , et d'une seule espece de lec
teurs , come les voyages de Gulliver , etc.
I. Fel.
Votre
DECEMBRE. 1730. 2333
Votre ouvrage contient la premiere doc
trine , l'érudition élémentaire , cela sufit ,
m'a-t-on repliqué , pour justifier le motif
de vos petits essais literaires ; les parens
et les maîtres curieus en fait d'éducation
le penseront ainsi ,à Paris mème . Dailleurs
les provinces demandent des bureaus ; il
est donc mieus de leur donér la manière
de les faire faire chès eus à bon marché
que de les mètre dans la nécessité d'en
faire venir de plus chèrs , lentement et à
grans frais. Ces raisons m'ont facilement
détèrminé à tâcher de mètre le lecteur
atentif au fait de la construction , del'intelligence
, et de l'usage des petits meubles
literaires que je propose de livrér de
bone heure aus jeunes enfans , et aus autres
enfans de tout age qui ont le malheur
d'avoir été négligés ou retardés pendant
bien des anées.
§ . 1. Cassète abecédique , pour un enfant
de dens à trois ans , et de tout age.
La cassète abécédique , est le premier
meuble litéraire qu'il faudroit livrer à un
enfant de deus à trois ans . Cete cassète doit
ètre de carton; on peut la renforcer d'une
toile colée en dehors , et mètre des bandes
de parchemin à tous les angles exte
rieurs : la charniere de la cassète doit ètre
de toile , de parchemin , ou de peau , afin
A iiij qu'elle I. Vol.
2556 MERCURE DE FRANCE
qu'elle puisse resister aus mouvemens
Continuels ausquels elle sera exposée ..
Après avoir compassé , coupé , cousu
COlé
, et façoné cète cassète , il faudra l'habiller
de lètres , et de silabes ; enjoliver
tous les coins et toutes les bordures avec
du papier doré , marbré , ou tel autre
qu'on voudra y mètre , pour marquer le
quaré , ou le cadre des faces de la cas
sète. On donera au comancement de l'A
B , C latin , et en petit caractère , la
feuille des premières combinaisons élémantaires
, qu'il faudra faire imprimer
d'un caractère proportioné à la grandeur
de la cassète. Cète feuille est , pour ainsi.
dire , l'abrégé de l'a ,b, c latin , et l'on ne
sauroit y tenir un petit enfant trop lontems
pourvu qu'on ait soin de lui faire
lire sur sa cassète les combinaisons , non
seulement de gauche à droite , mais encore
de droite à gauche ; de haut en bas ,
et de bas en haut , ou en colones , etc.
Le premier des deus petits cotés à
droite , contient les lètres du grand A,B,
C latin , avec leur dénomination , ou le
nom doné et preté à chaque consone pour
rendre selon cète nouvèle métode l'art.
de lire plus aisé : On met donc dans ce
quaré de la cassète , n ° . 1. les voyèles
grandes et petites , et les lètres capitales.
avec leurs noms , Aa , Ee , Ii , Oo ,
I.Vok U u
DECEMBRE. 1730. 2357
3
U u. A , Be , Ceke , De , E , Fe , etc.
que
Le segond des deus petits cotés de la
cassète , à gauche , contient le petit a , b,c
latin , à coté du grand , lètre à lètre ; afin
l'enfant qui conoit bien les grandes
lètres , puisse facilement et presque de lui
mème aprendre ensuite à distinguer les
petites : On met donc , n ° . z . A a , Bb ,
Cc , Dd , etc. on y ajoute les principales
Higatures , les lètres doubles , et quelques
abreviations , sur lesquèles il est inutile
de s'arèter beaucoup de peur de dégouter
l'enfant.
La premiere des grandes faces de la
cassète et sur le devant , contiènt , n° . 3 .
en deus colones , les combinaisons élémentaires
du Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
Le dessous de la cassète pouroit avoir
: quatre clous de léton , rivés en dedans ;;
savoir un à chaque angle pour servir de
pié et conserver cete face , sur laquelle ,
et sur cèle du couvercle en dedans , on
peut mètre une bèle crois de JESUS,come
La base , le principe , et la fin de toute action
cretiène.
Le deriere de la cassète contiendra , nº
4.et en deus colones , les combinaisons
du Ba , be , bi , bo , bu , etc. dans lesque
les on fera remarquer les changemiens .
qu'on a crit necessaires pour doner de
bons principes sur les combinaisons , Ca
: bokeb AV fo
2558 MERCURE DE FRANCE
fe , fi , co , qu ; Ga , je , ji , go , gu ; Ja ,
ge , gi , jo , ju ; Sa , ce , ci , fo , fu ; Ta ,
te , tici , to , tu , etc.
Le dessus du couvercle de la cassète
contiendra , nº. 5. n ° . 6. les combinaisons
du Bla , ble , bli , blo , blu , etc. et cèles
du Bra , bre , bri , bro , bru , etc ... N° 7.
les combinaisons des quatre petites lètres
ressemblantes , b , d , p , q , combinées
avec leurs quatre capitales, et ensuite avec
les cinq voyeles , come Bb , Dd , Pp ,
Qq , etc. Ba , de , pi , qu , bo , etc.
No. 8. des sons particuliers à la langue
françoise. A l'égard des cinq faces qui restent
au dedans de la cassète , il sufit qu'èles
solent couvertes de papier blanc , pour
faire mieus paroitre les lètres des cartes
que l'enfant y tiendra.
1
Cète cassète servira à faire dire la leçon
en badinant , et à tenir les cartons et les
jeus des cartes abecediques , qui ont servi
de premier amusement à l'enfant, et qu'il
peut ranger sur une table en les nomant
, jusqu'à ce qu'il soit en état d'avoir
le petit bureau tipografique , sur lequel
il rangera les premieres combinalsons,
Ab , eb , ib , ob , ub , etc. On poura
lui doner ces premieres combinaisons
avec un petit casseau de carton et de sis
logetes , qui entrera dans la cassète , de
mème que les petits cartons élémentaires ,
|
1. Vol. sur
DECEMBRE . 1730. 2559
sur lesquels on aura fait coler les quarés
de la feuille imprimée pour habiller la
cassete ; elle poura aussi servir à tenir une
garniture de bureau pour les persones
curieuses de ce petit atirail literaire.
§ . 2. Foureau ou Tablier du petit bõhome ,
pour l'usage du bureau.
L'on fera à l'enfant un tablier de quelque
bone toile rousse ou grise , afin de
conserver ses habits . Ce tablier poura s'apeler
en badinant , la bavète ou le tablier de
docteur ; il est necessaire pour y faire deus
poches , l'une servira à metre les cartes
des letres et des mots en rouge pour le
latin , et l'autre servira à mèrre les cartes
en noir pour le françois , lorsque l'enfant
comencera de travailler à la table du
bureau de laquèle au reste il ne faut pas
oublier de bien faire abatre la vive arète,à
cause du frotement continuel de l'enfant.
§. 3. Description du premier et petit bureaus
qui sert à la premiere claffe.
Dès qu'un enfant conoit bien les lètres
par l'exercice des jeus de cartes abécédiques
et de la cassete , on peut lui doner
un petit bureau semblable à ceus dont les
directeurs et les comis de la Poste se servent
en province pour ranger les lètres
missives qu'ils mèrent en colones vis - à-
1. Fol.
Αν
via
2560 MERCURE DE FRANCE
vis les lètres initiales des noms ausquels
les missives sont adressées. il faut donc
avoir une table de la largeur de cinq ou
sis cartes rangées , ensorte que cèles des
c'nq voyeles A , E , I , O , U , et des
combinaisons Ab , eb , ib , ob , ub , etc..
puissent ètre mises en colones sur la largeur
de ce bureau . il doit avoir la longueur
de trente cartes rangées de suite,
plus ou moins , selon le nombre des logetes
que l'on voudra doner à la caisse
de l'imprimerie ; et selon la grandeur des
cartes dont on se servira pour garnir le
bureau . La largeur de la table sera divisée
par quatre ou cinq lignes paralèles , qui
dans la suite serviront d'alignement et:
de reglèt à l'enfant qui doit imprimer oa
composer son tème sur cète table.
و
On peut doner à la table la longueurde
trente cassetins outre l'épaisseur
des montans ou du bois de séparation ;,
ce qu'il est aisé de mesurer : ensuite on
fait les trois liteaus , bandes , regles ou
rebors de la hauteur d'environ quatre pou
ces , ou de la hauteur d'une carte , l'un
de la longueur , et les autres deus pour la
largeur du bureau. Avant que de poserd'une
maniere fixe ou mobile à discretion,.
la tringle , la regle , le long liteau ou rebord
du derriere de la table , il faut lediviser
en trente parties , et marquer le
& Fet milicu
DECEMBRE. 1730. 2560
milieu de chaque partie d'une des lètres de
FABC, observant d'y imprimer la grandeet
la petite lètre ensemble , l'une sous.
Pautre , c'est- à- dire le grand A , sur le
petit as le B capital sur le petit b , et
ainsi de tout l'A BC , depuis les lètres.
Aa , Bb , jusqu'à cèles du Zz , sans oublier
l'Ex , l'a , ni les lètres doubles ,.
&t , ft , fl , etc. de même que les chifres et
les caracteres ou lès signes de la ponctua
tion , etc. que Fon rangera selon l'ordreobservé
dans la planche du bureau tipo
grafique que j'ai fait graver exprès. il sera.
peut-être mieus de doner à l'enfant un
casseau d'un seul rang de logètes , où il
puisse tenir les grandes et les petites kètress ,
Page et la taille décideront entre la trin
gle et le casseau d'un rang de logètes..
Les deus petits liteaus , rebors ou consoles
des cotés n'étant que pour retenir les
cartes , rendre le bureau plus solide , et
pour fermer la caisse , on peut arondir er:
façoner ces deus consoles par le bout , afin
que l'enfant ne puisse en ètre incomode :
après quoi l'on peut clouer les liteaus ou
rebors et metre ce bureau contre un mur
sur deus chaises , sur un chassis , sur deus
petits bancs ou deus petits traitaus dont
les piés soient solides et proportionés à
La taille de l'enfant. On poura , si l'on
eur, metre de petits tiroirs à ce bureau:
La bata
1
2562 MERCURE DE FRANCE
et couvrir la table , d'une basane , d'un
maroquin noir ou d'une toile cirée ; ce qui
n'est pas absolument necessaire, si le bois
est neuf, sans noeuds et bien uni : d'ailleurs
on pouroit faire la table de ce bureau
brisée en deus ; ce qui serviroit pour
les diferens ages et les diferens tèmes de
l'enfant , et mème pour ètre plus facilement
placé contre la muraille et transporté
de la vile à la campagne , come une
table brisée , qui ensuite relevée , ferme
roit la caisse du colombier literaire , et
ocuperoìt moins de place. On poura mètre
un petit rideau de tafetas ou de toile
pour couvrir le colombier quand on ne
s'en servira pas , une toile cirée sera peutètre
d'un mème usage , on doit en tout
chercher l'utilité , la comodité et la propreté.
S. 4. Casse d'imprimerie en colombier à
quatre rans de trente cassetins chacun.
3
Quand l'enfant sera fort sur l'exercice
de la cassète et du premier bureau , on
peut encore pour le divertir en l'instruisant
, lui doner une casse d'imprimerie ,
avec laquèle il composera et décomposera
les silabes , les mots , et les lignes qu'on
lui présentera écrites ou imprimées ; er
cela s'apelera l'exercice du tème en lat`n ou
en françois , selon les lignes et les tèmes
I. Vol.
qu'on
DECEMBRE. 1730. 2563
qu'on lui donera par la suite en ces langues-
là . Cète imprimerie en colombier
est composée d'un casseau qu'on met sur
la table du premier et petit bureau contre
le plus long liteau ou le deriere de cète
table , y étant assés fixe par
des crochets ,
des pitons , des clous à vis , des boutons
ou des chevilles de fer qui traversent l'épaisseur
des deus petits liteaus ou consoles
, et le bois de la premiere et de la derniere
celule : cete casse est divisée en soissante
compartimens, cassetìns, celules , logetes
ou boulins ; c'est-à-dire en deus
rans de trente celules quarées chacun , et
c'est-là le segond bureau ou casseau de la
segonde classe pour le latin , en atendant
la troisième aussi de soissante cassetins
pour le françois , les chiftes , la ponctuation
, l'ortografe des lètres et des sons et
pour la troisiéme classe.
On passera ensuite au quatrième casseau
ou bureau pour le rudiment pratique de
la quatrième classe. Le bureau complet
sera donc de sis rangées de trente cassetins
chacune ; quatre pour l'imprimerie
du latin et du françois , et deus pour le
rudiment. On poura le faire faire tout
d'un tems pour épargner le bois , la hau
teur et la façon du bureau ; en couvrant
d'une housse les rangées superieures
dont l'enfant n'aura pas d'abord l'usage :
I. Vol.
ce
2564 MERCURE DE FRANCE
ce voile piquera sa curiosité et lui donera
de l'impatience pour l'usage des autres
rangées , ainsi qu'on l'a déja dit dans les
letres sur le bureau tipografique , inserées.
dans les mercures des mois de Juin et
de Juillet 1730.
Les logetes doivent ètre un peu plus.
profondes que la longueur des cartes ;
savoir , les trente celules pour ranger et
mètre les petites lètres , les lètres dou-
Bles , etc. et les trente autres celules ou
cassetins pour les grandes lètres ou capitales
, etc. le quaré des celules doit ètre
proportioné à la longueur et à la largeur
des cartes dont on veut se servir ; ensorte:
que l'enfant puisse mètre aisément sa main
dans chaque celule pour y poser ou en
prendre les cartes : on parlera ci - dessous ;
des autresrans de logetes.il faudra marquer
abécédiquement au bureau latin chaque
celule d'en bas de sa petite lètre, et cèle d'ens
haut de sa lètre capitale : après quoi l'on
peut montrer à l'enfant l'art d'imprimer
le tème qu'on lui dicte , ou qu'on lui
done sur une carte ou sur un papier mis
assés haut sur un petit pupitre à jour et
de fil d'archal au milieu de son imprimerie
ou sur la table mème du bureau ; l'on
fera séparer tous les mots avec une carte:
blanche ou par une petite distance , pour
aprendre à l'enfant à distinguer les mots..
La Vali
On
DECEMBRE. 1730. 2565
On ne sauroit croire combien il profite
en imprimant quelques mots sous le dictamen
des uns et des autres , cela lui for
me l'oreille, et lui done ensuite une gran
de facilité pour l'ortografe des ïeus er
d'usage.
,
Il faut qu'il y ait au moins quinze ou
vint lètres dans chaque celule et un
plus grand nombre de voyèles , de liquides
et de certaines consones de plus d'usage
, afin de pouvoir composer plusieurs
lignes de tème tout de suite. Pour rendre
plus large la table du bureau , à mesure
que l'enfant croitra en age et en sience
on peut reculer la caisse de l'imprimerie
ou l'exhausser pour l'apuyer sur le deriere
du bureau , ou pour la metre contre le
mur d'un cabinet , de la chambre de l'enfant
ou autre lieu convenable. Je crois ce
pendant qu'il est mieus que le tout soit
isolé et portatif même au milieu de la
chambre ou du cabinet de l'enfant.
On aura des cartes marquées d'une virgule
pour séparer les mots au comencement
de l'exercice tipografique , afin
d'en rendre à l'enfant la lecture plus aisée
, moins confuse , et de lui aprendre
à distinguer les mots ; il faut mème que
l'enfant lise ou qu'il apèle les virgules et
les poins qui se trouvent dans ses leçons
ce qui l'acoutumera à observér les pauses.
Ja Vola ik
2566 MERCURE DE FRANCE
il ne sera pas mal aussi qu'il nome la quant
tième des pages , à la vue des chifres dont
elles sont cotées : cela sera d'autant plus
alsé , que les chifres entrent dans la com
position des tèmes , et que l'enfant de
trois ans quatre mois dont on a parlé
s'en servolt come il se servott des letres
, quoique tous les chifres fussent en
core dans une seule logere du petit bureau
latin . Le maître pour soulager l'enfant ,
lira à son tour jusqu'à la virgule ou jus
qu'au point.
Tous ceus qui vèront ce bureau et cite
imprimerie pouront dicter et faire imprimer
leurs noms, ou quelques autres mots
et encourager l'enfant à l'exercice du bus
reau qu'il faut continuer pendant lontems
quoique dans la suite l'enfant se serve de
livres pour dire sa leçon en latin et en
François. Le téme étant fait , on regarde
s'il n'y a point de fautes , et l'on montre
à l'enfant la manière de les coriger et de
distribuer les lètres , ou de les remetre
chacune dans sa celule , ce qu'il trouvera
facile aprés avoir su les ranger sur la table
du premier bureau .
S.§. 5. Description du bureau tipografique
latin-françois.
Les montans ou le bois qui forme les
celules
DECEMBRE. 1730. 2567
(
celules de haut en bas en ligne pèrpendiculaire
n'est que de deus à trois lignes
d'épaisseur , excepté le premier et le dernier
qui auront neuf lignes pour fortifier
la caisse , l'assemblage ou le bâti exterieur
; et les traverses ou le bois qui le
croise horisontalement et en rayons est
alternativement , c'est à dire le premier ,
le troisième , le cinquième , et le sétième
de neuf lignes , ou de la hauteur des letres
capitales. si l'enfant est déja un peu
grand , on poura doner neuf lignes à toutes
les traverses pour la comodité des étiquetes
de tous les rans de cassetins , chaque
celule à vide a en tout sens le quaré
long d'une carte tant pour la hauteur que
pour la largeur à vide , avec l'aisance nécessaire
pour le jeu tipografique. La profondeur
d'une celule est come l'étui de
quatre à cinq jeus de cartes ; de manière
que la main puisse les y mètre et les en
tirer facilement . Enfin les dimensions des
cartes doivent regler cèles du bureau et
des casseaus de l'imprimerie , ce qu'un
menuisier doit bien observer , en mesurant
avec exactitude une carte pour chaque
logète, ceus qui ne voudront pas
doner tant de longueur au bureau regleront
les dimensions de leurs cartes
par cèles des logétes du bureau qu'ils comanderont
selon l'endroit où ils le voudront
8
I. Vol.
2568 MERCURE DE FRANCE
€
dront placer , car il faut que la carte ou
la log te donent les dimensions l'une de
l'autre , et c'est ainsi qu'on l'a pratiqué
dans un grand colège pour le bureau d'un
jeune seigneur.
L'auteur dans une planche gravée exprès
done le plan , la description , le dessein
du bureau, des celules ; et des exemples
de la garniture de letres , afin qu'on
voie plus facilement de quèle manière on
doit les distribuer.chacun peut se faire un
plan sans s'asservir à l'abécédique ; si
P'on suit cet ordre , c'est pour faciliter à
-un enfant l'usage des dictionaires , et de
la table des matières des livres qui suivent
aussi l'ordre abécédique .
>
Le premier rang des celules d'en bas ,
- est pour les petites letres apelées ordinal
: rement letres du bas ou mineures ; c'est
pourquoi on l'apèle aussi le petit ordinaìre.
Après les logetes du z , de l' , de
P'è ouvert et de l'é fermé , on metra dans
· la vintneuvième logete les cartes ou les
tèmes donés sur l'histoire , sur la bible ,
sur les génealogies , sur la cronologie et sur
la géografie , et dans la trentième logere
les tèmes qui roulent sur la France , sur
l'Europe etc.
Le segond rang contient les grandes
letres apelées capitales , majeures ou majuscules
que les espagnols apelent aussi
I.Vol
verfales
DECEMBRE. 1730. 2569
versales ; c'est pourquoi on l'apele le grand.
ordinaire la vintneuvième logete sera.
pour les époques , l'histoire sainte , les listes
etc. la trentième pour les époques
P'histoire profane , la fable etc. ou bien on
se contentera de metre en haut les deus
étiquetes hist. s. hist . p. et en bas les autres
deus étiquetes géogr. fable.
5
Le troisième rang est pour toutes les
combinaisons de letres qui donent les mèmes
sons simples qu'exprime le rang des
letres ordinaires ; c'est pourquoi on l'apele
le premier rang composé ; ainsi à la cofone
de l'o et à la logete du 3 rang , on
met les diftongues oculaires au , ean , qui
en deus ou en trois letres expriment le
pur son de l'o , cette distinction et cet
ordre métodique donent d'abord à l'enfant
des idées inconues à la plupart des
maitres d'école . car s'il m'est permis de
le dire , on ne rougit pas d'ignorer l'algebre
; mais on est très honteus d'ignorer
ce qu'un petit enfant aprend d'abord
au bureau , sur la nature des letres et des
sons de la langue françoise , et ce que
tous les maîtres , tous les regens , et tous
les professeurs devroient savoir . Pour profiter
des logetes de reste , on met à la se
èt à la colone du H le mot magasin expliqué
ailleurs ; à la 10 tèmes à faire ; à
la 11 tèmes faits à la colone du Z , on
DANI. Vol.
met
2570 MERCURE DE FRANCE
met nombres , chifres ou livret ; et aus deus
dernieres les poins de suspension , d'interuption
.... , les paragrafes §§ , les piés
de mouche ¶¶ , les guillemets « » , les
signes de plus , de moins ,
d'égalité , et les traits ou tiréts
que les imprimeurs apelent division , qui
coupent, replient et divisent les mots qu'on;
n'a pu achever au bout de la ligne , ou qui
lient des mots composés, come porte-feuille,
tourne-broche etc. on tiendra tous les autres
signes et les asterisques dans ces deus
derniéres logetes du troisième rang de
cassetins .
Le quatrième rang est pour des sons.
diférens , placés néanmoins dans la colone
de la letre avec laquele ils ont le plus de
raport à l'oreille où à l'euil ; le reste come
poins , virgules , apostrofes , parentèses ,
crochets etc. est mis à discretion dans les
celules vides du 4 rang qu'on apele le
segond rang composé , ensorte que les deus
premiers rans sont dits simples , parceque
leurs celules contiènent les simples letres,
et les deus autres rans sont dits composés ,
parceque leurs celules contiènent de dou
bles consones , de doubles letres , de doubles
sons , et enfin des diftongues par
raport à l'euil ou à l'oreille. Pour profiter
du vide des colones M, N, on y a mis
les diftongues oi et ni , qui reviènent sou
GAL. Vol.
vent
DECEMBRE. 1730. 2571
vent dans les mots des tèmes , des frases ,
ou du discours , et pour distinguer le son
de la voyele è ou of du mot il conoìt , de
la diftongue oi du mot roi , on emploie
l'ì grave , come dans les mots il avoit , ils
portoient etc. et l'on emploie l'i ordinaìre
dans les mots loi , roi etc. ensorte que 1ì
grave servira à indiquer l'è ouvert composé
de deus letres dans les mots françois,
maitre , peine etc. et l'i algu indiquera l'ẻ
fermé composé aussi de deus letres dans
les mots j'ai , je ferai plaisir etc. ce qui
şera tres utile non seulement à l'enfant ,
mais encore aus étrangers et aus gens de
province peu au fait de la prononciation
des e simples , ou composés de plusieurs
letres.
On metra aussi au quatrième rang la
voyele eu au haut de la colone e ,
d'autant
que la prononciation en est presque come
cèle de l'é muet françois ou soutenu et
d'une seule lètre ; au lieu que la difton
gue oculaire eu est dans un sens l'e fran
çois soutenu de deus letres ... Le son
gne françois sera mis à la 7 celule au
haut de la colone g , parceque le mot copar
un g ; en Espagne et en portugal
on le metroit au fi ou au nh , colone
du n...Le son che françois , au mème
rang , et au haut de la colone du jou du
sonjeja , parceque le son françois che ost
I. Vol.
mence
le
2372 MERCURE DE FRANCE
le son fort du foible jes en Alemagne ,
on metroit le che à la colone du sch , parceque
les Alemans n'ont point de jou
le son du ge dans leur langue ... Les sons
ill , lh , ille mouillés , au haut de la colonel
, par raport à l'euil plutot qu'à l'oreille
; car en Italie on le metroit au gli ,
colone du g ... La voyele on au haut de
la colone o , par raport à l'euil plutot qu'à
l'oreilles en Italie , en Efpagne , en Âlemagne
, on metroit l'ou à la colone de l'u
qu'on y prononce on . ceci doit fe pratiquer
de mème pour le grec , l'ebreu
Parabe , et toutes les langues .
> > > , >
On doit metre les cinq voyeles nasales
ã‚é‚í‚õ‚ú¸ avant les chifres , et tout
de suite , pour en faciliter l'usage à l'enfant
qui compose sur la table du bureau .
Les dis chifres arabes seront mis aus dis
dernieres logétes avec des chifres romains
pour composer en françois et en latin .
c'est cète rangée de trente cassetins qui
a obligé à en doner autant aus autres
rans. on doit encore dire ici qu'on ne
sépare pas toujours par des virgules ou
par des poins les diférentes combinat
sons ou les diférens signes indiqués pour
la mème logete dans la planche du bureau
, parceque l'on a craint que le lecteur
n'imaginât ces virgules et ces poins
être nécessaires sur les cartes des mèmes
I. Vol.
logetes,
DECEMBRE. 1730. 257 3
logètes , come , par exemple, le point des
cartes marquées d'un c. au dessous de
la logete des chifres VI , 6.
La logète du magasin , du suplement.
ou du plein bureau , apelée la bureaulade
sert à l'enfant pour mètre les mots et les
tèmes composés , lorsque la table du bureau
est pleine , ou que l'enfant pressé
permet qu'un autre range les cartes après
qu'il a lui seul composé le tème , le tout
pour diversifier , et plaire en instruisant,
bien loin de dégouter. on trouvera à
peu près de mème la raison de chaque
chose , si l'on veut bien se doner la peìne
d'y faire un peu d'atention , come on
l'a déja dit bien des fois dans la manière
d'apeler les letres et les sons simples ou
composés par raport aus ieus ou à l'oreille.
§. 6. Garniture ou assortiment de cartes
Pour les quatre rans de casseins du bureau
tipografique.
Pour garnir le bureau tipografique , il
faudra mètre sur des cartes séparément
non seulement les lètres , mais encore
leurs diférentes combinaisons pour exprimer
les sons simples ou composés , ce qui
servira beaucoup à l'ortografe des ieus et
de l'oreille , et donera plus de facilité et
de varieté pour le jeu tipografique , que
I. Vol. B n'en
2574 MERCURE DE FRANCE
n'en pouroit doner une imprimerie ordinaire.
D'ailleurs l'avantage de pouvoir
lire et composer en latin et en françois
dès le premier jour de l'exercice , est un
avantage qui fera toujours taire les esprits
prévenus , incapables avec les métodes
vulgaires de montrer l'ortografe et
le latin à un petit enfant , avant qu'il
comance d'aprendre à écrire un autre
avantage du bureau , c'est de soulager les
maitres, les régens, et les professeurs , en
leur formant de bons écoliers , et les rendant
en moins de tems plus fermes sur
la téorie et sur la pratique des premiers
élemens literaires, que ne le sont ordinalrement
la plupart des enfans condanés à
Particulation des anciènes métodes , ce
qui démontre l'utilité et la compatibilité
de l'exercice du bureau avec tous les devoirs
des meilleurs colèges.
TABLE des letres , des sons simples ;
des sons composés et des combinaisons
necessaires pour la garniture du bureau
tipografique.
GARNITURE,
Logetes.
a
aa. à. á. â. a. ǎ. af. ha. has. aë.
ê.
с ce. è . é. ë.
iii. . . . . . I. if. hi. ic,
e. ĕ. ef. he.
I
I. Vol.
DECEMBRE. 1730. 2575
ô. ō. ŏ. ef. ho. hof. au. cau. haw
ooo. ò. 6.
u uu. ù. ú. ü. û. ũ . ŭ, uſ. hu. huſ, cu. ".
b bb. be, bd..hr .
с cc. ç . &t . c'. ce.
ddd. d'. de. 2ª.
fff. ph. ft. fs. ff. fi . ffi . ft. ft. pht. phth. phr.
phl. phe.
ggggu. ga. go . gh. ghe, gue.
hha. he, hi. hơ. hư. hy . heu . hai. hon.
kke. ky. que. ca, co. cu. qu.
1 11. P. le .
mmm. m. m³, m². m. m²®, m¹è, me, m², meat.
n
Me. MM .
nn. ñ. n'. n ° . n. ne.
P PP. pe. pn. pt. ps. PP.
q cq. qua, que , qui, quo . qu. qu'. quæ . q;, qui
r rr. rh. r'. re. " . RR..
iss. fl. fs, sl. fc. fç.fl. ff. sph. fph. fg. fi . fm.
ſp. ſq. ſqu. ft. fth . ffi. se. ſe. ci. ce. i. S. st.
• fee SS. ç.
t tt. th. thrh.thl. t '. te. .. a. &e. Ato. Au.
V v. w. W. ve. Ve.
Je. j'.ge. gi. ginta.
X x. xc. gz. kf. xc. xfc.
yhy. ys. yf. hys. ii. iï.-ÿ.
Z z. ze.
ง.0
ès. èf. cis. ci. ey. al. ay. ais. aî. aient.oiens
oi. oy. hai. hay. ols. oit.
é aí . oe. oe. &. &. ét. Æ. E.
eu eû. eus . heu . `oeu. oei,
I. Vol. Bij
OW
2576 MERCURE DE FRANCE
Ou ou. où. ouf. oû . hou.
ch ch. che,
gn gn. gn. gne. gne.
lh_lhe . il. ill. ille . lle. 1.
ã an. a. é: hen. em . han. hã. aën, aon , ham,
èn. èm. ein . èí. eim. hin . hĩ ein .
1 in. im. ain aim. aĩ. ein . eĩ. ìn , ain.
Õ on . om, hon . hõ . hom
ū un. um . hum . hun , hũ, cũ .
Diftongues.
Oi ois. oĩ. oin. oy. hoi . hoy oic.
ui uis. uĩ. uin, uy. hui. huy. uic.
Suplement.
a
ante 60ante. 20ª.
i 20leme , ier.
f Fin. Finis.
Įginta 30. 40ginia .
Ponctuation. , ; : . ? !
Chifres. 0. 1. 2. ༣. 4.
·
+
5. 6. 7. 8.
I. II. III. IV. V. VI. VII . VIII.
9. 0. 10 .....
IX. X.
31. & c.
XXXI. & c.
Signes . ( ) .. [ ] *. §. ¶. + ----
တ
& &c.
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Résumé : SETIEME LETRE sur la bibliotèque des enfans, et sur l'atirail literaire du bureau tipografique.
La septième lettre traite de la bibliothèque des enfants et de l'atelier littéraire du bureau typographique. L'auteur, encouragé par des personnes de mérite, décide de publier des essais littéraires destinés aux enfants, jugés nécessaires et instructifs, notamment dans les provinces et à l'étranger. Ces ouvrages visent à fournir une éducation élémentaire et à répondre à la demande des parents et des maîtres curieux d'éducation. L'auteur décrit plusieurs outils pédagogiques : 1. **Cassette abécédique** : Destinée aux enfants de deux à trois ans, elle est fabriquée en carton renforcé et contient des lettres et des syllabes. Elle permet d'apprendre les combinaisons élémentaires de manière ludique. 2. **Tablier du petit bonhomme** : Un tablier avec des poches pour ranger les cartes des lettres et des mots, utile pour protéger les habits de l'enfant pendant ses activités. 3. **Premier petit bureau** : Similaire à ceux utilisés par les directeurs de la Poste, il permet de ranger les lettres et les combinaisons syllabiques. Il est conçu pour être adapté à la taille de l'enfant et peut être fixé contre un mur. 4. **Casse d'imprimerie en colombier** : Utilisée pour composer et décomposer les syllabes, les mots et les lignes. Elle est divisée en compartiments pour organiser les lettres et les signes de ponctuation. L'auteur insiste sur l'importance de ces outils pour l'éducation des enfants, en les rendant accessibles et pratiques. Le bureau typographique est conçu pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il est organisé en cellules contenant des lettres et des signes typographiques, classées abécédiquement avec les petites lettres en bas et les lettres capitales en haut. L'enfant peut imprimer des mots dictés ou donnés sur des cartes, en séparant les mots par des cartes blanches ou des distances pour apprendre à les distinguer. Le bureau évolue avec l'enfant, en reculant ou en exhaussant la caisse de l'imprimerie pour agrandir la table. Des cartes marquées de virgules et de points facilitent la lecture et apprennent les pauses. L'enfant peut également nommer la quantité des pages et utiliser les chiffres, qui entrent dans la composition des thèmes. Les cellules sont organisées en rangs pour les petites lettres, les lettres capitales, les combinaisons de lettres produisant des sons simples, et les sons différents. Des signes typographiques comme les points de suspension, les paragraphes, les guillemets, et les traits d'union sont également inclus. Le texte mentionne l'utilité du bureau pour l'apprentissage de l'orthographe et la facilité qu'il offre pour lire et composer en latin et en français dès le premier jour. Il soulage les maîtres en formant de bons écoliers plus rapidement et efficacement que les méthodes traditionnelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 2677-2678
Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
Début :
La Veuve Paulus Dumesnil, demeurant ruë Fromentel, auprès du Puits Certain, [...]
Mots clefs :
Grammaire hébraïque, Chanoine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
La Veuve Paulus Dumefnil , demeurant
rue Fromentel , auprès du Puits Certain ,
a achevé d'imprimer les Grammaires Hébraïque
, Chaldaïque , Syriaque & Samaritaine
, fans points , de feu M. Maſclef,
2. Volumes in 12.
Malgré les vieilles préventions & les
préjugés des partifans des Mafforethes ,
la premiere Edition de la Grammaire
Hébraïque avoit été affez bien reçue pour
engager le fçavant Chanoine d'Amiens à
donner au Public trois autres Grammaires
dans le même gout. Le premier Tome
ne contient que la Grammaire Hébraïque
fort augmentée. Dans le fecond , outre
les trois autres Grammaires , on trouvera
les principes juftificatifs du fiftême de
M. Mafclef , & les Réponses aux Objections.
L'Auteur a refondu ce qu'il avoit
dit dans les Prolegomenes qui parurent
à la tête de la premiere Edition , & y a
ajoûté bien des chofes curieufes .
M. Maſclef eft mort en achevant de
faire imprimer le premier Volume ; il
fçavoit que le R. P. D. Pierre Guarin
L.Vol
E v
>>
de .
2678 MERCURE DE FRANCE
.
de la Congrégation de Saint Maur , promettoit
d'anéantir la nouvelle Méthode
dans la Préface du fecond Volume de fà
Grammaire Hébraïque ; mais cette Préface
n'a paru qu'après la mort du Chanoine.
La réputation du celebre Benedictin
demandoit une Réponſe. Le R.
P. de la Bleterie , Prêtre de l'Oratoire ,
qui s'eft chargé du refte de l'Edition dé
M.Mafclef , fans compter les petites réparations
que demande neceffairement un
Ouvrage demeuré imparfait , a fuppléé
ce qui manquoit aux Vindicia de M. Mafclef,
& a répondu à Dom Guarin.
Le Public eft déformais en état de juger
fi l'illuftre Adverfaire de notre Chanoine
a effectivement anéanti fon fiſtême,
& de décider cette celebre controverfe
fi l'on peut apprendre parfaitement l'He
breu , fans ufer fes yeux fur les points ,
& fans faire aucun ufage des autres inventions
des Rabbins.
rue Fromentel , auprès du Puits Certain ,
a achevé d'imprimer les Grammaires Hébraïque
, Chaldaïque , Syriaque & Samaritaine
, fans points , de feu M. Maſclef,
2. Volumes in 12.
Malgré les vieilles préventions & les
préjugés des partifans des Mafforethes ,
la premiere Edition de la Grammaire
Hébraïque avoit été affez bien reçue pour
engager le fçavant Chanoine d'Amiens à
donner au Public trois autres Grammaires
dans le même gout. Le premier Tome
ne contient que la Grammaire Hébraïque
fort augmentée. Dans le fecond , outre
les trois autres Grammaires , on trouvera
les principes juftificatifs du fiftême de
M. Mafclef , & les Réponses aux Objections.
L'Auteur a refondu ce qu'il avoit
dit dans les Prolegomenes qui parurent
à la tête de la premiere Edition , & y a
ajoûté bien des chofes curieufes .
M. Maſclef eft mort en achevant de
faire imprimer le premier Volume ; il
fçavoit que le R. P. D. Pierre Guarin
L.Vol
E v
>>
de .
2678 MERCURE DE FRANCE
.
de la Congrégation de Saint Maur , promettoit
d'anéantir la nouvelle Méthode
dans la Préface du fecond Volume de fà
Grammaire Hébraïque ; mais cette Préface
n'a paru qu'après la mort du Chanoine.
La réputation du celebre Benedictin
demandoit une Réponſe. Le R.
P. de la Bleterie , Prêtre de l'Oratoire ,
qui s'eft chargé du refte de l'Edition dé
M.Mafclef , fans compter les petites réparations
que demande neceffairement un
Ouvrage demeuré imparfait , a fuppléé
ce qui manquoit aux Vindicia de M. Mafclef,
& a répondu à Dom Guarin.
Le Public eft déformais en état de juger
fi l'illuftre Adverfaire de notre Chanoine
a effectivement anéanti fon fiſtême,
& de décider cette celebre controverfe
fi l'on peut apprendre parfaitement l'He
breu , fans ufer fes yeux fur les points ,
& fans faire aucun ufage des autres inventions
des Rabbins.
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Résumé : Grammaire Hebraïque, &c. [titre d'après la table]
La Veuve Paulus Dumefnil a publié les Grammaires Hébraïque, Chaldaïque, Syriaque et Samaritaine de feu M. Masclef en deux volumes. La première édition de la Grammaire Hébraïque a été bien reçue, malgré les préjugés des partisans des Massorètes, incitant le Chanoine d'Amiens à publier trois autres grammaires. Le premier tome contient une Grammaire Hébraïque augmentée, tandis que le second inclut les trois autres grammaires, les principes justificatifs du système de M. Masclef et les réponses aux objections. L'auteur a refondu les Prolegomènes de la première édition et ajouté des éléments nouveaux. M. Masclef est décédé en achevant l'impression du premier volume. Le Père Pierre Guarin de la Congrégation de Saint Maur a promis d'anéantir la nouvelle méthode dans la préface du second volume, parue après la mort du Chanoine. Le Père de la Bleterie, Prêtre de l'Oratoire, a répondu à Dom Guarin en complétant les Vindicia de M. Masclef. Le public peut désormais juger de la controverse sur l'apprentissage de l'hébreu sans l'usage des points et des inventions des rabbins.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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63
p. 2770-2800
SUITE de la setième lètre, sur la bibliotèque des enfans, etc.
Début :
§. 7. Casseau portatif de sis celules. En augmentant peu à peu les meubles [...]
Mots clefs :
Enfant, Enfants, Cartes, Jeu, Méthode, Apprentissage, Verbes, Déclinaison, Exercice, Dictionnaire, Bureau typographique, Bureau, Exemple, Latin, Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la setième lètre, sur la bibliotèque des enfans, etc.
SUITE de la setième lètre , sur la
bibliotèque des enfans , etc ..
§. 7. Casseau portatif de sis celules.
Ebles literaires de l'enfant , on augaugmentant
peu à peu les meumonte
en même tems le nombre de ses
idées ; on passe du simple au composé, et
du facile au dificile , ou au moins facile.
L'enfant reçoit encore avec plaisir un casseau
portatifde sis celules , trois en haut
et trois en bas , pour les tèmes à lire ou
à faire ; savoir , deus celules pour les
tèmes françois , deus pour les tèmes latins,
II.Vol
et
DECEMBRE. 1730. 2771
et deus pour les tèmes en caractères itafiques
ou manuscrits. Ce casseau poura
entrer dans la cassète , et servir à tenir
les premières cartes donées à l'enfant , et
mème à tenir ensuite le jeu des declinaisons
et des conjugaisons .
Il faut avoir soin de retirer de ces sis
logètes , et en l'absence de l'enfant, les tèmes
qu'il a bien lus, bien faits , et en faire
de petits jeus , dans lesquels on poura de
tems en tems le faire relire après avoir
batu , melé et doné à couper les cartes ,
come l'on a fait en lui montrant à conoltre
les lètres ; cète aparence de jeu
réussit toujours. D'ailleurs , si l'on ne retiroit
de tems en tems quelques tèmes
de ces log tes , le grand nombre pourolt
fatiguer l'élève et mème le dégouter. On
doit y laisser cependant les tèmes historiques
, conus et afectionés ; de peur de
facher l'enfant . très - sensible à l'enlevement
de ses petits éfets. Tout est digne
d'atention , quand on veut voir de grans
progrès , tels qu'on les a vus dans un enfant
qui à trois ans , et sans épeler ,
lisoit bien dans plusieurs livres latins et
françois, et mème dans des manuscrits .
On n'auroit jamais cru que dans quel
ques mois de plus , il ût pris plaísir à séparer
lui- mème les tèmes qu'il savoit bien
Lire , d'avec les autres , et de les mètre
13
II. Vola
dans .
2772 MERCURE DE FRANCE
dans des celules diférentes . L'enfant lisoit
seul distinctement et à haute vois , dans
divers petits livres et sur des cartons ,
pendant des heures entieres , et toujours
avec plaisir et en badinant , si l'on avoit
voulu le suivre il auroit lassé les autres ,
plutot que de se lasser lui- mème , il aìmolt
à lire à haute vois , quoique seul ; le
petit Guillot fait à peu près la mème chose
dans le fameus colège où il est à present
, avec son bureau tipografique. La
plupart des écoliers ne lisent pas volontiers
seuls , ils ont d'ailleurs peine à lire ,
faute d'avoir été bien montrés , ou pour
avoir été rebutés par les épines de la métode
vulgaire , ou faute d'habitude à pouvoir
lire à livre ouvert toute sorte de livres
françois et latins , en prose et en vers.
Au moindre dégout ou ennui qu'on apercevoit
dans le petit Candiac , on le menoit
d'abord ailleurs , et ce n'étoit que
par récompense qu'une autrefois on le remetoit
en possession de son cabinet ; on
ne le menaçoit de l'en faire fortir .que
pour le punir de quelque faute morale ,
et non literaire ; ce qui produisoit tout
l'éfet possible : le bureau étoit toujours
inocent , et cheri de l'enfant.
§ . 8. Porte-tèmes , sac , etc.
La métode du bureau tipografique est
II. Vol.
si
DECEMBRE . 1730. 2773
si amusante dans le plus fort de son instruction
, qu'elle fournit tous les jours
quelque idée nouvele et ingénieuse pour
augmenter le nombre des éfets et des
idées literaires de l'enfant. Il faudra lui
doner un petit sac dans lequel il puisse
tenir une centaine de cartes numerotées ,
qui seront autant de tèmes choisis sur
l'histoire et sur la fable. On poura aussi
faire à l'enfant un joli porte- tèmes de sis
poches , numerotées de bas en haut , I.
2. 3. 4. 5. 6. pour y tenir les tèmes d'une,
de deus , de trois , de quatre , de cinq
et de sis lignes. Ce porte- tèmes fait de
quelque étofe , peut être pendu à un
clou , à un crochet , et à la hauteur de
l'enfant, qui y tiendra ses tèmes les plus
beaus. Cète espece de trousse servira aussi
ensuite pour les sis cas des terminaisons ,
des noms , ou des declinaisons ; pour les
modes et les tems des verbes conjugués ,
etc. Le bureau de l'imprimerie devenant
familier à l'enfant , on doit songer à celui
du rudiment pratique , et à celui du dictionaire
que l'on ppeeuutt aussi réduire en
casserins , pour suivre la rapidité des progrès
literaires de l'enfant amusé et ocupé
des jeus tipografiques.
§. 9. Rudiment pratique.
Le rudiment composé d'un casseau
II.Vol.
de
1774 MERCURE DE FRANCE
de deus rans de cassetins , met aus cinq
premiers d'en bas les cinq declinaisons ,
ou les cas et leurs terminaisons a , a, am,
â; arum , abus , is , as , etc. us , i , 0,um,
eorum , is , os , etc. et au 6 cassetin on.
met encore de semblables terminaisons
pour les noms des cinq declinaisons ;
aus cinq logètes d'en haut on met les
cinq pronoms, ego, tu , ille, hic,qui, en latin
et en françois , chaque cas séparement
sur des cartes en noir et en rouge ou en
caractére manuscrit ; et à la 6 , les ter
minaisons enclitiques des pronoms.Exem
ple en latin ; nam , libet , etc. exemple en
françois , ci , la , - meme , etc..
Les cinq logètes suivantes sont pour
présent , l'imparfait , le passé ou le prétérit
parfait , le plusque parfait, et le fu
tur de l'indicatif ; et les cinq logètes d'en
bas sont pour les mèmes tems du subjonctif;
les deus suivantes d'en haut sont
l'une pour l'impératif , l'autre pour le
gérondif et les supins ; les deus d'en bas,
Fune pour l'infinitif et l'autre. pour les
participes actifs et passifs . Ensuite en haut
les figuratives ou les terminaisons actives
; et en bas les terminaisons passives
des verbes , quoiqu'il y en ait déja de distribuées
dans les logètes de tous les tems
de chaque mode.
· -
**
le
Les quatre logètes suivantes en haut et
.
II. Vol. en
DECEMBRE. 1730. 2775
en bas sont pour mètre des exemples des
verbes comuns , déponens , neutres , irégu
liers ,fubstantifs , vocatifs , défectifs , impersonels
, réciproques, etc. selon l'ordre que
chacun jugera le plus convenable , sans
s'asservir à aucun . On doit encore dire ici
que metant toutes les parties du discours
dans des logètes , c'est moins pour faciliter
à l'enfant l'expedition de son tème
que pour lui aprendre à conoìtre et
sentir l'usage de toutes ces diferentes parties
du discours , et cela dans un age propre
à saisir plutot par pratique que par
téorie le distinctif et la nature de tous
les mots apelés vulgairement parties d'oraison.
Si les maitres se flatent de pouvoir
bien endoctriner leurs élèves avec ·
ła seule métode des rudimens vulgaires;
à plus forte raison doivent- ils esperer de
le faire encore mieux , plus facilement
et plutot avec le nouveau secours du
bureau tipografique à cent quatre- vint
bouches toujours ouvertes pour l'ins
truction de l'enfant.
La logète suivante qui est à la colone
T, contient en haut les terminaisons
françoises des verbes, et en bas les terminaisons
françoises des noms , et des
et des pronoms.
Quand l'enfant saura distinguer les
verbes substantifs et auxiliaires je suis ,
etc. j'ai , etc. il faudra les distribuer dans
11. Vol..
Ies
2776 MERCURE DE FRANCE
و
les logètes des tems , de l'indicatif et du
fubjonctif, afin qu'il aprene à mieus connoitre
par pratique et par sentiment ,
les modes , les tems , les persones , et les
nombres des verbes. Des dis logètes suivantes
, la ie en haut contient le verbe
auxiliaire françois , je suis , tu es , il est ,
etc. et en bas le verbe auxiliaire ; j'ai ,
tu as , il a , etc. la 2º en haut , contient des
noms substantifs et en bas , l'article
françois le , la , les , etc. Cète logète de
l'article françois est d'un grand usage et
instruit de bone heure l'enfant , la 3e en
haut , contient des adjectifs , des positifs,
des comparatifs , et des superlatifs ; et
en bas , des terminaisons pour les dégrés
de comparaison ; exemp. ïor, ïus , ssimus ,
etc. la 4 , haut et bas , toute sorte de
pronoms , françois et latins , démonstratifs
et possessifs ; la se en haut , des verbes
françois ; et en bas , des participes
françois le 6 en haut est pour les participes
, les questions de lieu , les indéclinables
, adverbes , prépositions , conjonctions
, et interjections en latin; et en
bas pour
les mèmes mots françois, c'est-àdire
que les particules séparables et inséparables
pouront aussi y avoir place. Ces
mèmes mots passeront ensuite dans les
logètes du dictionaire , selon l'ordre abécédique.
Les quatre logètes suivantes en
;
II. Vol. haut
DECEMBRE. 1730. 2777
haut , sont pour les genres , les déclinaisons
, les conjugaisons
, et la sintaxe. On
peut y mètre bien des noms , des verbes
et les principales
regles de la métode de
MM. de P.R. ou de meilleures, en prose et
non en vers;ce qui fournira le sujet de plus
sieurs petits tèmes élementaires
, en latin
et en françois , en glose , mot à mot , ou
en interlinéaire
. Les quatre derniéres
logètes
d'en bas sont pour doner des exemples
de toutes ces regles , et de toutes ces
espèces
exemple
: Hic homo , inis. amo ,
avi. ego amo deum , etc. ce qui seroit trop
long à détailler
ici ; on prendra donc là
peine d'aler voir la garniture
et l'assortiment
de quelque bureau complet et ent
plein exercice,come celui du petit Guillot,
qui en sis mois , a apris à lire le latin
le françois , et le grec , et qui sans savoir
écrire s'ocupe
avec succès à la version
et à la composition
des tèmes qu'on lui
done sur des cartes ou sur des livres , et
qu'on tache de lui rendre sensibles par
la doctrine
tipografique
, et par la prati
que journalière
de la version interlinéaire
.
§ .10. Dictionaire
de sis rans de cassetins.
Le dictionaire composé d'un casseau de
sis rangées de 22 ou de go celules chacune ,
metra abecediquement dans la 1 rangée
en bas les verbes et les participes ; dans la
II.Vol.
2de
2778 MERCURE DE FRANCE
2 de, en montant on metra les noms adjec
tifs ; dans la 3e les noms apellatifs ; dans
la 4. les indeclinables , come adverbes ,
prépositions, conjonctions, interjections ;
dans la s . les noms propres qui sont autant
de racines historiques qu'il faut do
her et prodiguer à l'enfant selon son age ,
son état , sa condition et surtout relativement
à la profession à laquelle on le
destine. Dans la 6 rangée on y tiendra le
magasin abécedique des mots de toute
partie du discours , l'étiquete des rangées
sera mise perpendiculairement sur le bois
du premier montant à la tête de chaque
rang ; et l'on metra les letres de l'A , B
Chorisontalement au haut de chaque
colone sur le bois de la plus haute traver
, la letre K sera mise à coté du Qan
haut de sa colone , et les letres X , Y , Z
feront l'étiquete de la 22° colone qui est
la derniere du dictionaìre ; on pouroit se
passer des autres huit colones, suposé que
l'endroit ne permit pas toute la longueur
du dictionaire ou de la bibliotèque de
l'enfant. Les montans et les traversans
du dictionaire ne sont que de trois à
quatre
lignes d'épaisseur , excepté ceus de la
caisse ou du bâtis exterieur qui seront de
neuf lignes ou de la hauteur du corps
des lètres capitales qui doivent servir à
étiqueter les rans et les colones des cassetins.
Pour
DECEMBRE. 1730. 2779
Pour profiter des huit dernières logètes
de chaque rang , on poura mètre au haut
de la colone de la 23 logète , et sur le
bois de la traverse , l'étiquète du mot
noms ; et au bas de la colone sur le bois
de la plus basse travèrse on metra la lètre
a pour indiquer la logète de la 1 ° declinaison
; les autres trous de la colone
pouront également servir pour les autres
declinaisons ; et la 6. logète de cète colone
sera pour les noms de nombre. La
24. colone en haut sera marquée du mot
pronoms et le bas de la colone sera marqué
du mot ego ; les autres logètes de la colone
étant pour toute sorte de pronoms.
Les 25 et 26 colones en haut seront
marquées des mots verbes , verbes ; et au
plus bas elles seront marquées des mots
indicatif, subjonctif; ces logètes serviront
de suplément et de magasin pour tenir
les cartes qui ne pouront plus ètre mises
ou contenues dans les logètes du rudiment
, etc.
,
,
Les quatre dernieres colones en haut
et sur le bois de la traverse , seront marquées
des mots histoire , fable , géografie
cronologie quand le mot ne poura pas
ètre mis tout au long , on le metra en
abregé ou simplement en petites lètres
initiales ; au bas de ces quatre colones et
sur le bois de la traverse on metra les
mots
2-780 MERCURE DE FRANCE
mots bible , mitologie , sphere , époques , en
petites lètres initiales , files capitales ocupent
trop d'espace. La caisse de ce dictionaire
sera mise en long ou d'une maniere
brisée et en plusieurs lignes vis- àvis
du bureau tipografique , ou à coté
ou deriere et adossée selon que le lieu et
les fenètres de la chambre le permetront.
§ . 11. Claffes du bureau tipografique.
Je divise en quatre classes l'exercice du
bureau tipografique
,
Premiere classe.
Pour le jeu de la première classe , je
tire au hazard de la cassete abécédique
les cartes X , M , C , T , S , P , F , G , J
etc. après quoi je montre à un enfant de
deus à trois ans , ou à sa gouvernante la
manière de ranger ces mèmes cartes sur
la table du premier bureau abécédique
c'est à dire de les présenter et de les poser
vis à vis la mème letre ou figure marquée
sur chaque carte. Je mets donc la
carte X vis à vis la letre ou caractère X ,
la carte M vis à vis la letre M ; je fais
la mème chose des autres cartes tirées au
hazard , et je les présente tout le long de
1'4 BC etc. qui regne imprimé sur le lia
b c
2
II. Vol. teau ,
DECEMBRE. 1730. 2781
prateau
, la tringle ou la regle de bois qui
indique vis à vis de l'enfant le deriere
de la table abécédique , come on le
tique en province aus bureaus de la poste,
L'enfant qui ne sait pas encore le nom des
letres poura cependant présenter , et ranger
les cartes vis à vis les signes dont elles
sont marquées , en atendant qu'il sache
leur nom et leur vraie dénomination , ce
qui doit ètre estimé environ la moitié de
la silabisation . un enfant sourd et muet
peut être mis de bone heure à l'exercice
du bureau tipografique , et y aprendre
par les ieus la plupart des choses que les
autres aprènent par l'oreille.
2º Claffe.
Un enfant qui conoìt bien la figure
le vrai nom et la valeur réèle et efective
des letres doit ètre mis à l'exercice de la
segonde classe du bureau latin composé
de deus rans de logetes , l'un pour l'usage
des letres capitales , et l'autre pour
celui des petites letres . Je montre donc à
l'enfant et à son domestique la manière
de ranger , de composer , d'imprimer ou
d'écrire sur la table du bureau tipografique
les 16 cartes ou les 16 letres nécessaires
pour former la ligne des deus mots
latins dominus dominorum , et ensuite les
yint et une cartes ou letres nécessaires
44. Vol
pour
2781 MERCURE DE FRANCE
former une autre ligne composée
pour
de ces sis mots françois mon dieu , je vous
aime bien. Je fais pratiquer la mème chose
à l'égard des autres mots latins ou
françois , c'est à dire que l'enfant les imprime
et les écrit en quelque manière par
le moyen de l'ABC mouvant , en employant
, etrange ant sur la table en une
ligne autant de cartes qu'il y a de letres
dans chaque mot , ou dans chaque frase
qu'on lui done à imprimer.
fais
3º Claffe.
Lorsque l'enfant a travaillé avec succès
à l'exercice de la segonde classe , je le
passer au plutot au jeu de la troisième
classe ou du bureau françois latin , et je
lui montre pour lors la manière d'imprimer
les mots et les frases , non seulement
letre à letre , come le pratiquent
les imprimeurs ordinaires , mais encore
selon le sistème des sons de la langue françoise
; c'est à dire , que je lui enseigne à
chercher métodiquement les 16. cartes ou
les 16 letres nécessaires pour former la
mème ligne déja imprimée en 21. letres,
mon dieu , je vous aime bien , et c'est ici la
véritable et la principale classe où l'enfant
aprend par pratique et par téorie l'usage
des letres , des sons , des chifres , et des
signes employés dans l'impression des
II. Vollivres
DECEMBRE.
1730.
2791
livres ; c'est ici qu'il se forme dabord à
l'ortografe des sons et de l'oreille , en
atendant qu'il aprene l'ortografe des ieus
ou de l'usage vulgaire.
4. Classe.
Quand
l'enfant sait
imprimer letre
letre , et selon les sons de la langue , les
mots et les lignes qu'on lui dicte ou qu'on
lui done sur une carte , je le mets à la
quatrième classe . C'est cèle du casseau du
rudiment
pratique , et je lui montre à
imprimer non seulement letre à letre,sonà
son , mais encore mot à mot ,
employant
par exemple ,sis cartes pour former la mè
me ligne ci dessus ,mon dieu , je vous aime
bien , et ainsi des autres lignes en latin et
en
françois , come on l'a fait en composant
le tème gravé au bas de la planche
du bureau
tipografique §. 12 .
L'avantage des deus premieres classes
consiste à pouvoir amuser et instruire les
enfans de bone heure ; et par une métode
plus agréable , plus courte , plus facile et
plus sure que la métode vulgaire .
L'avantage de la troisième classe est de
mètre les petits enfans en état non seulement
de
travailler utilement seuls et en
l'absence des maitres , mais encore d'aprendre
de bone heure à conoìtre , à sentir,
et à distinguer les sons de chaque mot,
II. Vol.
Co
2792 MERCURE DE FRANCE
ce que bien des gramaìriens , s'il m'est
permis de le dire , ignorent toute leur vie.
L'avantage de la quatrième classe est de
metre un enfant en état d'aprendre les
langues mortes,avant que de savoir écrire,
en imprimant sur la table du bureau les
mots , les lignes et les tèmes qu'on lui aura
dictés ou qu'on lui aura donés sur des
cartes. Or tous ces avantages incomparablement
plus grans que les avantages des
métodes et des rudimens vulgaires, doivent
nécessairement influer en bien sur
la suite des études et même sur toute
la vie ; car par là on préserve les enfans:
de l'oisiveté , de la fénéantise etc. et on
leur épargne les dégouts et l'amertume
des métodes vulgaires , en un mot , on
leur done de bone heure le gout du travail
, du devoir , et des bones choses , ce
que l'experience a déja heureusement
confirmé sur plusieurs enfans.
,
§. 12. Exemple de deus petits tèmes gravés
sur laplanche de la bibliotèque des enfans,
et donés sur une carte à un enfant qui
doit les composer sur la table du les bure an
tipografique.
L'enfant aïant lu et relu ces tèmes ;
poura ensuite les composer sur la table
du bureau , de la mème maniere qu'il l'a
II. Vol.
praz
DECEMBRE. 1730 2793
pratiqué à l'égard des lètres , et des
mieres combinaisons en latin et en françois.
9
ab bo fli pru Bb
Dd Pp Qq & f
§ J'aime Dieu , parce qu'il
¶ Ego amo Deum , quia ille
eft bo ainfi foit - il.
eft bon Amen
A Paris ce 29. Jui
Parifiis die XXIX . Junii
1730. &c. Fin.
M. DCC. XXX. &c. Finis.
pre-
Pour lui montrer cet exercice , je prens
dans sa cassete les deus crois de pardieu
ou de Jesus , les dis combinaisons des
lètres qui ont servi de premier amusement
literaire , je range surla table les
dis cartes de ces dis combinaisons élementaires
; mais pour le tème interlinéaire
latin-françois , j'ai recours au
F
4
1
II. Vol Bij grand
2794 MERCURE DE FRANCE
·
grand bureau , et je prens dans les lọ-
gètes des signes le paragrafe §.et le pié de
mouche , ensuite je cherche le J' ou
lej capital apostrofé dans la celule du
J , ou dans cèle du pronom de la première
persone ( Ego ) J' , je du rudiment
pratique , que je continue toujours d'expliquer
à l'enfant. Je prens la diftongue
oculaire ai dans la troisième colone ou
celule des è ouverts composés de plusieurs
lètres et au- dessous de la celule des chifres
VII 7. ensuite le m et l'e muet dans leurs
celules , ce qui me done le premier mot
en quatre sons et en quatre cartes , que
je range à l'ordinaire . Ce seroit, par exemple
, une faute tipografique dans cète
classe , d'avoir employé les deus cartes a
pour le seul son de l'è ouvert du
et i
mot j'aime.
Pour le latin j'opère de- mème , je prens
en caracteres rouges italiques ou diferens
et manuscrits , le pronom Ego, dans la lo- gète
des pronoms
de la premiere
perso- ne et le mot amo dans le rudiment
ou
dans le dictionaire
pratique
, à la logète
des verbes ; ce que je montre
et explique
peu à peu à l'enfant , pour lui rendre
sensibles
toutes les parties du discours
. Dn poura composer
le françois
tout de
suite , et après cela le latin , ou chaque
langue mot à mot, ce qui fera plus d'im-
II. Vol. pres
DECEMBRE. 1730. 2795
de pression à l'enfant , et lui permetra
bien espacer les lètres et les mots , mais
il sera bon de pratiquer l'une et l'autre
manière pour varier l'exercice du jeu tipografique.
Je
prens le D capital
, la voyele
i et la
diftongue
oculaire
eu , dans
leurs
celules
,
et je range
ensuite
les trois
cartes
des trois
sons
du mot
Dien. Ce seroit
une faute
tipografique
dans
cette
classe
, d'employer
les deus
cartes
e et u pour
le seul son de
l'e françois
soutenu
en ; l'enfant
qui ,dans
la segonde
classe
, comence
d'imprimer
ou de composer
avec
le seul
premier
bureau
latin
, suivra
le sistème
des lètres
,
come
les imprimeurs
ordinaires
, mais
dès.
que l'enfant
sera mis au bureau
françoislatin
de la troisième
classe
, il doit
ètre
enseigné
et montré
selon
le sistème
des
sons. Je prens
le mot
Deus
dans
le dictionaire
à la celule
D des
noms
apellatifs
, et je mets un m sur le s du mot
Deus,
ou bien
je prens
um dans
la logète
des
terminaisons
des noms
, et je le mets
sur l'us
du mème
mot
Deus , ou bien
je prens
le
D , l'e et l'um
dans
leurs
logètes
, de mème
que les virgules
.
Je trouverai parceque dans le dictionalre
à la celule P des indéclinables , ou les
trois silabes par , ce , qu' , dans trois logètes
diferentes , savoir par , dans la lo-
II. Vol. B iij gète
2796 MERCURE DE FRANCE
gète des indeclinables du bureau tipografique;
ce, dans la celule du pronom hic, et
le qu'apostrofé dans cèle du pronom relatif
qui ou dans la troisiéme celule de la colone
q composé. Je trouve également il dans la
celule du pronom de la troisiéme persone.
La setiéme celule du plus haut rang où
est le tems present de l'indicatif , done
le verbe est , à moins qu'il ne soit encore
dans la celule du verbe substantif, qui est
dans le mème rang. Le mot bo , se prend
dans la logète du b , et dans cèle de la
voyele nazale , en deus cartes pour les
deus sons , au lieu d'en doner trois , qui
d'abord pourolent induire l'enfant en erreur
et lui faire lire b , o , ne , au lieu de
b, ō; ce qui est important pour faire bien
distinguer le n consone et le n nazal ;
distinction utile , qui ne doit point scandaliser
les témoins de cet exercice literaire
, puisque les voyeles nazales á , é ,
í , õ , ũ , où les voyeles à titres se trouvent
non - seulement dans de vieus livres,
mais encore dans des breviaires et dans
des HEURES de l'anée courante. Le latìn
se compose de mème , on prend quia
dans la celule des indéclinables du bureau
ou du dictionaire , et ille , est dans
leurs celules come en françois , de mème
que pour le mot bonus , qu'on trouvera
dans la celule B des noms adjectifs , ou
II.Vol.
bien
DECEMBRE. 1730. 2797
bien on prendra les lètres b , o , n , dans
leurs celules , et le bus ou le petit abregé
dans la troisième celule de la colone u .
Pour le mot composé ainsi soit- il , je
prens un ai d'une seule carte dans les
celules des voyèles nazales ; si , s , oit,-il,
dans leurs logères ; savoir , si , dans la
troisiéme logète de la colone f, qui me
done le s ; oit , dans les terminaisons des
verbes françois ; le tiret apelé division ,
dans les logères des signes , et il dans
cèle de la troisiéme persone . Le mot latin
amen , se trouvera dans la celule A des
indéclinables du dictionaire tipografique ;
les poins dans leur logète ; là accentué
dans la troisième logète de la colone a ;
pour le mot Paris , on cherchera et l'on
a toutes les lètres de ce mot ,a moins
qu'on ne l'ut mis dans la logète des noms
substantifs , dans la logète géografique , ou
dans la logète des noms propres à la lètre
P du dictionìare ; ce, dans la celule du
pronom hit ; 29. et 1730. en latin et en
françois dans la logète du livrèt , ou dans
la derniere des chifres . Ju , en trois cartes
pour les trois sons pris dans les trois celules
du J , u , 7 : etc. dans la troisieme
celule de la colone ; fi en deus cartes
pour les deus sons f, i , pris dans leurs celules
, et le mot finis dans la logète F
des mots apellatifs du dictionaire tipo-
1.
II. Vol. Bilj gra2798
MERCURE DE FRANCE
grafique. Le mot die latin est pris dans la
logète des paradigmes ou des exemples
de la cinquieme déclinaison , etc.
la
On voit par la composition de ce petit
tème , de quelle naniere on doit s'y prendre
pour tous les autres , l'essentiel est
de bien expliquer et de bien faire sentir
à l'enfant la nature , l'usage de chaque
partie du discours , en començant par
langue françoise et passant ensuite à la
langue latine , c'est ainsi qu'on montrera
peu à peu et en mème tems les raports
d'une langue à l'autre. Quand l'enfant
aura plusieurs fois le mème mot dans
son tème , il ne le trouvera qu'une fois
dans le dictionaìre de son bureau , et cela
sufit , ensuite il composera les autres avec
les lètres et les sons de l'A B C mouvant ,
selon les règles de la segonde et de la troisième
classe , je dis ceci par raport aus
mots de moins d'usage , et non pour les
verbes auxiliaires , les pronoms , les prépositions
, l'article et autres mots qui revienent
souvent. J'oubliois de dire que
quand le mot latin sera le mème que le
mot françois , à la terminaison près , il
sufira d'ajouter cète terminaison latine
sous le mot françois ; par exemple : pour
metre à l'acusatif les mots action , immortalité
, etc. on aprendra à l'enfant qu'il
sufit de metre les cartes onem sous l'o d'ac
II. Vol.
tion
DECEMBRE . 1730. 279 9
tion , et cèles d'atem , sous l'é du mot immortalité,
ce qui doit s'entendre et se pra
tiquer pour toutes les parties du discours
déclinables , indéclinables et conjugables,
qui ne seront distinguées du latin que
par les seules terminaisons , et c'est ici
que l'enfant comence de bone heure à
mieus apercevoir les raports et les diferences
de la langue latine et de la langue
françoise avantage téorique et pratique,
que ne peuvent doner aussi - tot les
rudimens ordinaires , fussent- ils tous les
jours articulés et récités sans faute depuis
le comencement jusqu'à la fin.
En voilà , je pense , bien assés pour
metre au fait les maitres judicieus et non
prévenus , qui n'ignorent pas tout à-fait
la doctrine des sons de la langue françoise ,
ceus qui n'en ont aucune conoìssance
pouront lire les essais de M. l'Abé de Dangeau
, et la grammaire du R. P. Buffier
suposé que ces maitres aiment l'analise des
choses et les reflexions sur cète matiere ,
sans quoi ils ne pouront jamais savoir ces
minuties à fond, l'étude én est cependant
nécessaire aus bons maitres qui se piquent
de bien montrer ; l'indiference ou le mépris
sur cet article ne peut jamais leur
faire honeur. Quelques petites que puissent
paroître ces minuties et ces reflexions
aus ïeus de ceus de certaines persones in-
II.Vel.
Bv Ca
2800 MERCURE DE FRANCE
capables de juger du pris et du vraì mérite
des petites choses , il n'en est pas
moins vrai que les maltres , les régens , et
les professeurs payés pour enseigner les
enfans , doivent ètre des premiers à
aprouver la métode du bureau tipografique
suposé qu'elle produise les efets
avantageus que je lui atribue , et qu'elle
alt en bien des choses la superiorité que
je luidone sur toute autre métode conue,
verité que je vais démontrer dans la huitiélètre
et que je ne crains point de publier
tous les jours au centre mème du pays latin,
en faveur des enfans de notre Empire et
des enfans de toute l'Europe . Je suis , etc.
Nota. Les persones curieuses de lire toutes
Les letres sur la biblioteque des enfans , prendront
la peine d'en comencer la lecture dans
le segond volume du Mercure du mois de
Juin 1730 .
On trouvera dans le Mereure de Janvier
un abregé somaire , ou une récapitulation de
tous les avantages de la métode du bureau.
pografique.
bibliotèque des enfans , etc ..
§. 7. Casseau portatif de sis celules.
Ebles literaires de l'enfant , on augaugmentant
peu à peu les meumonte
en même tems le nombre de ses
idées ; on passe du simple au composé, et
du facile au dificile , ou au moins facile.
L'enfant reçoit encore avec plaisir un casseau
portatifde sis celules , trois en haut
et trois en bas , pour les tèmes à lire ou
à faire ; savoir , deus celules pour les
tèmes françois , deus pour les tèmes latins,
II.Vol
et
DECEMBRE. 1730. 2771
et deus pour les tèmes en caractères itafiques
ou manuscrits. Ce casseau poura
entrer dans la cassète , et servir à tenir
les premières cartes donées à l'enfant , et
mème à tenir ensuite le jeu des declinaisons
et des conjugaisons .
Il faut avoir soin de retirer de ces sis
logètes , et en l'absence de l'enfant, les tèmes
qu'il a bien lus, bien faits , et en faire
de petits jeus , dans lesquels on poura de
tems en tems le faire relire après avoir
batu , melé et doné à couper les cartes ,
come l'on a fait en lui montrant à conoltre
les lètres ; cète aparence de jeu
réussit toujours. D'ailleurs , si l'on ne retiroit
de tems en tems quelques tèmes
de ces log tes , le grand nombre pourolt
fatiguer l'élève et mème le dégouter. On
doit y laisser cependant les tèmes historiques
, conus et afectionés ; de peur de
facher l'enfant . très - sensible à l'enlevement
de ses petits éfets. Tout est digne
d'atention , quand on veut voir de grans
progrès , tels qu'on les a vus dans un enfant
qui à trois ans , et sans épeler ,
lisoit bien dans plusieurs livres latins et
françois, et mème dans des manuscrits .
On n'auroit jamais cru que dans quel
ques mois de plus , il ût pris plaísir à séparer
lui- mème les tèmes qu'il savoit bien
Lire , d'avec les autres , et de les mètre
13
II. Vola
dans .
2772 MERCURE DE FRANCE
dans des celules diférentes . L'enfant lisoit
seul distinctement et à haute vois , dans
divers petits livres et sur des cartons ,
pendant des heures entieres , et toujours
avec plaisir et en badinant , si l'on avoit
voulu le suivre il auroit lassé les autres ,
plutot que de se lasser lui- mème , il aìmolt
à lire à haute vois , quoique seul ; le
petit Guillot fait à peu près la mème chose
dans le fameus colège où il est à present
, avec son bureau tipografique. La
plupart des écoliers ne lisent pas volontiers
seuls , ils ont d'ailleurs peine à lire ,
faute d'avoir été bien montrés , ou pour
avoir été rebutés par les épines de la métode
vulgaire , ou faute d'habitude à pouvoir
lire à livre ouvert toute sorte de livres
françois et latins , en prose et en vers.
Au moindre dégout ou ennui qu'on apercevoit
dans le petit Candiac , on le menoit
d'abord ailleurs , et ce n'étoit que
par récompense qu'une autrefois on le remetoit
en possession de son cabinet ; on
ne le menaçoit de l'en faire fortir .que
pour le punir de quelque faute morale ,
et non literaire ; ce qui produisoit tout
l'éfet possible : le bureau étoit toujours
inocent , et cheri de l'enfant.
§ . 8. Porte-tèmes , sac , etc.
La métode du bureau tipografique est
II. Vol.
si
DECEMBRE . 1730. 2773
si amusante dans le plus fort de son instruction
, qu'elle fournit tous les jours
quelque idée nouvele et ingénieuse pour
augmenter le nombre des éfets et des
idées literaires de l'enfant. Il faudra lui
doner un petit sac dans lequel il puisse
tenir une centaine de cartes numerotées ,
qui seront autant de tèmes choisis sur
l'histoire et sur la fable. On poura aussi
faire à l'enfant un joli porte- tèmes de sis
poches , numerotées de bas en haut , I.
2. 3. 4. 5. 6. pour y tenir les tèmes d'une,
de deus , de trois , de quatre , de cinq
et de sis lignes. Ce porte- tèmes fait de
quelque étofe , peut être pendu à un
clou , à un crochet , et à la hauteur de
l'enfant, qui y tiendra ses tèmes les plus
beaus. Cète espece de trousse servira aussi
ensuite pour les sis cas des terminaisons ,
des noms , ou des declinaisons ; pour les
modes et les tems des verbes conjugués ,
etc. Le bureau de l'imprimerie devenant
familier à l'enfant , on doit songer à celui
du rudiment pratique , et à celui du dictionaire
que l'on ppeeuutt aussi réduire en
casserins , pour suivre la rapidité des progrès
literaires de l'enfant amusé et ocupé
des jeus tipografiques.
§. 9. Rudiment pratique.
Le rudiment composé d'un casseau
II.Vol.
de
1774 MERCURE DE FRANCE
de deus rans de cassetins , met aus cinq
premiers d'en bas les cinq declinaisons ,
ou les cas et leurs terminaisons a , a, am,
â; arum , abus , is , as , etc. us , i , 0,um,
eorum , is , os , etc. et au 6 cassetin on.
met encore de semblables terminaisons
pour les noms des cinq declinaisons ;
aus cinq logètes d'en haut on met les
cinq pronoms, ego, tu , ille, hic,qui, en latin
et en françois , chaque cas séparement
sur des cartes en noir et en rouge ou en
caractére manuscrit ; et à la 6 , les ter
minaisons enclitiques des pronoms.Exem
ple en latin ; nam , libet , etc. exemple en
françois , ci , la , - meme , etc..
Les cinq logètes suivantes sont pour
présent , l'imparfait , le passé ou le prétérit
parfait , le plusque parfait, et le fu
tur de l'indicatif ; et les cinq logètes d'en
bas sont pour les mèmes tems du subjonctif;
les deus suivantes d'en haut sont
l'une pour l'impératif , l'autre pour le
gérondif et les supins ; les deus d'en bas,
Fune pour l'infinitif et l'autre. pour les
participes actifs et passifs . Ensuite en haut
les figuratives ou les terminaisons actives
; et en bas les terminaisons passives
des verbes , quoiqu'il y en ait déja de distribuées
dans les logètes de tous les tems
de chaque mode.
· -
**
le
Les quatre logètes suivantes en haut et
.
II. Vol. en
DECEMBRE. 1730. 2775
en bas sont pour mètre des exemples des
verbes comuns , déponens , neutres , irégu
liers ,fubstantifs , vocatifs , défectifs , impersonels
, réciproques, etc. selon l'ordre que
chacun jugera le plus convenable , sans
s'asservir à aucun . On doit encore dire ici
que metant toutes les parties du discours
dans des logètes , c'est moins pour faciliter
à l'enfant l'expedition de son tème
que pour lui aprendre à conoìtre et
sentir l'usage de toutes ces diferentes parties
du discours , et cela dans un age propre
à saisir plutot par pratique que par
téorie le distinctif et la nature de tous
les mots apelés vulgairement parties d'oraison.
Si les maitres se flatent de pouvoir
bien endoctriner leurs élèves avec ·
ła seule métode des rudimens vulgaires;
à plus forte raison doivent- ils esperer de
le faire encore mieux , plus facilement
et plutot avec le nouveau secours du
bureau tipografique à cent quatre- vint
bouches toujours ouvertes pour l'ins
truction de l'enfant.
La logète suivante qui est à la colone
T, contient en haut les terminaisons
françoises des verbes, et en bas les terminaisons
françoises des noms , et des
et des pronoms.
Quand l'enfant saura distinguer les
verbes substantifs et auxiliaires je suis ,
etc. j'ai , etc. il faudra les distribuer dans
11. Vol..
Ies
2776 MERCURE DE FRANCE
و
les logètes des tems , de l'indicatif et du
fubjonctif, afin qu'il aprene à mieus connoitre
par pratique et par sentiment ,
les modes , les tems , les persones , et les
nombres des verbes. Des dis logètes suivantes
, la ie en haut contient le verbe
auxiliaire françois , je suis , tu es , il est ,
etc. et en bas le verbe auxiliaire ; j'ai ,
tu as , il a , etc. la 2º en haut , contient des
noms substantifs et en bas , l'article
françois le , la , les , etc. Cète logète de
l'article françois est d'un grand usage et
instruit de bone heure l'enfant , la 3e en
haut , contient des adjectifs , des positifs,
des comparatifs , et des superlatifs ; et
en bas , des terminaisons pour les dégrés
de comparaison ; exemp. ïor, ïus , ssimus ,
etc. la 4 , haut et bas , toute sorte de
pronoms , françois et latins , démonstratifs
et possessifs ; la se en haut , des verbes
françois ; et en bas , des participes
françois le 6 en haut est pour les participes
, les questions de lieu , les indéclinables
, adverbes , prépositions , conjonctions
, et interjections en latin; et en
bas pour
les mèmes mots françois, c'est-àdire
que les particules séparables et inséparables
pouront aussi y avoir place. Ces
mèmes mots passeront ensuite dans les
logètes du dictionaire , selon l'ordre abécédique.
Les quatre logètes suivantes en
;
II. Vol. haut
DECEMBRE. 1730. 2777
haut , sont pour les genres , les déclinaisons
, les conjugaisons
, et la sintaxe. On
peut y mètre bien des noms , des verbes
et les principales
regles de la métode de
MM. de P.R. ou de meilleures, en prose et
non en vers;ce qui fournira le sujet de plus
sieurs petits tèmes élementaires
, en latin
et en françois , en glose , mot à mot , ou
en interlinéaire
. Les quatre derniéres
logètes
d'en bas sont pour doner des exemples
de toutes ces regles , et de toutes ces
espèces
exemple
: Hic homo , inis. amo ,
avi. ego amo deum , etc. ce qui seroit trop
long à détailler
ici ; on prendra donc là
peine d'aler voir la garniture
et l'assortiment
de quelque bureau complet et ent
plein exercice,come celui du petit Guillot,
qui en sis mois , a apris à lire le latin
le françois , et le grec , et qui sans savoir
écrire s'ocupe
avec succès à la version
et à la composition
des tèmes qu'on lui
done sur des cartes ou sur des livres , et
qu'on tache de lui rendre sensibles par
la doctrine
tipografique
, et par la prati
que journalière
de la version interlinéaire
.
§ .10. Dictionaire
de sis rans de cassetins.
Le dictionaire composé d'un casseau de
sis rangées de 22 ou de go celules chacune ,
metra abecediquement dans la 1 rangée
en bas les verbes et les participes ; dans la
II.Vol.
2de
2778 MERCURE DE FRANCE
2 de, en montant on metra les noms adjec
tifs ; dans la 3e les noms apellatifs ; dans
la 4. les indeclinables , come adverbes ,
prépositions, conjonctions, interjections ;
dans la s . les noms propres qui sont autant
de racines historiques qu'il faut do
her et prodiguer à l'enfant selon son age ,
son état , sa condition et surtout relativement
à la profession à laquelle on le
destine. Dans la 6 rangée on y tiendra le
magasin abécedique des mots de toute
partie du discours , l'étiquete des rangées
sera mise perpendiculairement sur le bois
du premier montant à la tête de chaque
rang ; et l'on metra les letres de l'A , B
Chorisontalement au haut de chaque
colone sur le bois de la plus haute traver
, la letre K sera mise à coté du Qan
haut de sa colone , et les letres X , Y , Z
feront l'étiquete de la 22° colone qui est
la derniere du dictionaìre ; on pouroit se
passer des autres huit colones, suposé que
l'endroit ne permit pas toute la longueur
du dictionaire ou de la bibliotèque de
l'enfant. Les montans et les traversans
du dictionaire ne sont que de trois à
quatre
lignes d'épaisseur , excepté ceus de la
caisse ou du bâtis exterieur qui seront de
neuf lignes ou de la hauteur du corps
des lètres capitales qui doivent servir à
étiqueter les rans et les colones des cassetins.
Pour
DECEMBRE. 1730. 2779
Pour profiter des huit dernières logètes
de chaque rang , on poura mètre au haut
de la colone de la 23 logète , et sur le
bois de la traverse , l'étiquète du mot
noms ; et au bas de la colone sur le bois
de la plus basse travèrse on metra la lètre
a pour indiquer la logète de la 1 ° declinaison
; les autres trous de la colone
pouront également servir pour les autres
declinaisons ; et la 6. logète de cète colone
sera pour les noms de nombre. La
24. colone en haut sera marquée du mot
pronoms et le bas de la colone sera marqué
du mot ego ; les autres logètes de la colone
étant pour toute sorte de pronoms.
Les 25 et 26 colones en haut seront
marquées des mots verbes , verbes ; et au
plus bas elles seront marquées des mots
indicatif, subjonctif; ces logètes serviront
de suplément et de magasin pour tenir
les cartes qui ne pouront plus ètre mises
ou contenues dans les logètes du rudiment
, etc.
,
,
Les quatre dernieres colones en haut
et sur le bois de la traverse , seront marquées
des mots histoire , fable , géografie
cronologie quand le mot ne poura pas
ètre mis tout au long , on le metra en
abregé ou simplement en petites lètres
initiales ; au bas de ces quatre colones et
sur le bois de la traverse on metra les
mots
2-780 MERCURE DE FRANCE
mots bible , mitologie , sphere , époques , en
petites lètres initiales , files capitales ocupent
trop d'espace. La caisse de ce dictionaire
sera mise en long ou d'une maniere
brisée et en plusieurs lignes vis- àvis
du bureau tipografique , ou à coté
ou deriere et adossée selon que le lieu et
les fenètres de la chambre le permetront.
§ . 11. Claffes du bureau tipografique.
Je divise en quatre classes l'exercice du
bureau tipografique
,
Premiere classe.
Pour le jeu de la première classe , je
tire au hazard de la cassete abécédique
les cartes X , M , C , T , S , P , F , G , J
etc. après quoi je montre à un enfant de
deus à trois ans , ou à sa gouvernante la
manière de ranger ces mèmes cartes sur
la table du premier bureau abécédique
c'est à dire de les présenter et de les poser
vis à vis la mème letre ou figure marquée
sur chaque carte. Je mets donc la
carte X vis à vis la letre ou caractère X ,
la carte M vis à vis la letre M ; je fais
la mème chose des autres cartes tirées au
hazard , et je les présente tout le long de
1'4 BC etc. qui regne imprimé sur le lia
b c
2
II. Vol. teau ,
DECEMBRE. 1730. 2781
prateau
, la tringle ou la regle de bois qui
indique vis à vis de l'enfant le deriere
de la table abécédique , come on le
tique en province aus bureaus de la poste,
L'enfant qui ne sait pas encore le nom des
letres poura cependant présenter , et ranger
les cartes vis à vis les signes dont elles
sont marquées , en atendant qu'il sache
leur nom et leur vraie dénomination , ce
qui doit ètre estimé environ la moitié de
la silabisation . un enfant sourd et muet
peut être mis de bone heure à l'exercice
du bureau tipografique , et y aprendre
par les ieus la plupart des choses que les
autres aprènent par l'oreille.
2º Claffe.
Un enfant qui conoìt bien la figure
le vrai nom et la valeur réèle et efective
des letres doit ètre mis à l'exercice de la
segonde classe du bureau latin composé
de deus rans de logetes , l'un pour l'usage
des letres capitales , et l'autre pour
celui des petites letres . Je montre donc à
l'enfant et à son domestique la manière
de ranger , de composer , d'imprimer ou
d'écrire sur la table du bureau tipografique
les 16 cartes ou les 16 letres nécessaires
pour former la ligne des deus mots
latins dominus dominorum , et ensuite les
yint et une cartes ou letres nécessaires
44. Vol
pour
2781 MERCURE DE FRANCE
former une autre ligne composée
pour
de ces sis mots françois mon dieu , je vous
aime bien. Je fais pratiquer la mème chose
à l'égard des autres mots latins ou
françois , c'est à dire que l'enfant les imprime
et les écrit en quelque manière par
le moyen de l'ABC mouvant , en employant
, etrange ant sur la table en une
ligne autant de cartes qu'il y a de letres
dans chaque mot , ou dans chaque frase
qu'on lui done à imprimer.
fais
3º Claffe.
Lorsque l'enfant a travaillé avec succès
à l'exercice de la segonde classe , je le
passer au plutot au jeu de la troisième
classe ou du bureau françois latin , et je
lui montre pour lors la manière d'imprimer
les mots et les frases , non seulement
letre à letre , come le pratiquent
les imprimeurs ordinaires , mais encore
selon le sistème des sons de la langue françoise
; c'est à dire , que je lui enseigne à
chercher métodiquement les 16. cartes ou
les 16 letres nécessaires pour former la
mème ligne déja imprimée en 21. letres,
mon dieu , je vous aime bien , et c'est ici la
véritable et la principale classe où l'enfant
aprend par pratique et par téorie l'usage
des letres , des sons , des chifres , et des
signes employés dans l'impression des
II. Vollivres
DECEMBRE.
1730.
2791
livres ; c'est ici qu'il se forme dabord à
l'ortografe des sons et de l'oreille , en
atendant qu'il aprene l'ortografe des ieus
ou de l'usage vulgaire.
4. Classe.
Quand
l'enfant sait
imprimer letre
letre , et selon les sons de la langue , les
mots et les lignes qu'on lui dicte ou qu'on
lui done sur une carte , je le mets à la
quatrième classe . C'est cèle du casseau du
rudiment
pratique , et je lui montre à
imprimer non seulement letre à letre,sonà
son , mais encore mot à mot ,
employant
par exemple ,sis cartes pour former la mè
me ligne ci dessus ,mon dieu , je vous aime
bien , et ainsi des autres lignes en latin et
en
françois , come on l'a fait en composant
le tème gravé au bas de la planche
du bureau
tipografique §. 12 .
L'avantage des deus premieres classes
consiste à pouvoir amuser et instruire les
enfans de bone heure ; et par une métode
plus agréable , plus courte , plus facile et
plus sure que la métode vulgaire .
L'avantage de la troisième classe est de
mètre les petits enfans en état non seulement
de
travailler utilement seuls et en
l'absence des maitres , mais encore d'aprendre
de bone heure à conoìtre , à sentir,
et à distinguer les sons de chaque mot,
II. Vol.
Co
2792 MERCURE DE FRANCE
ce que bien des gramaìriens , s'il m'est
permis de le dire , ignorent toute leur vie.
L'avantage de la quatrième classe est de
metre un enfant en état d'aprendre les
langues mortes,avant que de savoir écrire,
en imprimant sur la table du bureau les
mots , les lignes et les tèmes qu'on lui aura
dictés ou qu'on lui aura donés sur des
cartes. Or tous ces avantages incomparablement
plus grans que les avantages des
métodes et des rudimens vulgaires, doivent
nécessairement influer en bien sur
la suite des études et même sur toute
la vie ; car par là on préserve les enfans:
de l'oisiveté , de la fénéantise etc. et on
leur épargne les dégouts et l'amertume
des métodes vulgaires , en un mot , on
leur done de bone heure le gout du travail
, du devoir , et des bones choses , ce
que l'experience a déja heureusement
confirmé sur plusieurs enfans.
,
§. 12. Exemple de deus petits tèmes gravés
sur laplanche de la bibliotèque des enfans,
et donés sur une carte à un enfant qui
doit les composer sur la table du les bure an
tipografique.
L'enfant aïant lu et relu ces tèmes ;
poura ensuite les composer sur la table
du bureau , de la mème maniere qu'il l'a
II. Vol.
praz
DECEMBRE. 1730 2793
pratiqué à l'égard des lètres , et des
mieres combinaisons en latin et en françois.
9
ab bo fli pru Bb
Dd Pp Qq & f
§ J'aime Dieu , parce qu'il
¶ Ego amo Deum , quia ille
eft bo ainfi foit - il.
eft bon Amen
A Paris ce 29. Jui
Parifiis die XXIX . Junii
1730. &c. Fin.
M. DCC. XXX. &c. Finis.
pre-
Pour lui montrer cet exercice , je prens
dans sa cassete les deus crois de pardieu
ou de Jesus , les dis combinaisons des
lètres qui ont servi de premier amusement
literaire , je range surla table les
dis cartes de ces dis combinaisons élementaires
; mais pour le tème interlinéaire
latin-françois , j'ai recours au
F
4
1
II. Vol Bij grand
2794 MERCURE DE FRANCE
·
grand bureau , et je prens dans les lọ-
gètes des signes le paragrafe §.et le pié de
mouche , ensuite je cherche le J' ou
lej capital apostrofé dans la celule du
J , ou dans cèle du pronom de la première
persone ( Ego ) J' , je du rudiment
pratique , que je continue toujours d'expliquer
à l'enfant. Je prens la diftongue
oculaire ai dans la troisième colone ou
celule des è ouverts composés de plusieurs
lètres et au- dessous de la celule des chifres
VII 7. ensuite le m et l'e muet dans leurs
celules , ce qui me done le premier mot
en quatre sons et en quatre cartes , que
je range à l'ordinaire . Ce seroit, par exemple
, une faute tipografique dans cète
classe , d'avoir employé les deus cartes a
pour le seul son de l'è ouvert du
et i
mot j'aime.
Pour le latin j'opère de- mème , je prens
en caracteres rouges italiques ou diferens
et manuscrits , le pronom Ego, dans la lo- gète
des pronoms
de la premiere
perso- ne et le mot amo dans le rudiment
ou
dans le dictionaire
pratique
, à la logète
des verbes ; ce que je montre
et explique
peu à peu à l'enfant , pour lui rendre
sensibles
toutes les parties du discours
. Dn poura composer
le françois
tout de
suite , et après cela le latin , ou chaque
langue mot à mot, ce qui fera plus d'im-
II. Vol. pres
DECEMBRE. 1730. 2795
de pression à l'enfant , et lui permetra
bien espacer les lètres et les mots , mais
il sera bon de pratiquer l'une et l'autre
manière pour varier l'exercice du jeu tipografique.
Je
prens le D capital
, la voyele
i et la
diftongue
oculaire
eu , dans
leurs
celules
,
et je range
ensuite
les trois
cartes
des trois
sons
du mot
Dien. Ce seroit
une faute
tipografique
dans
cette
classe
, d'employer
les deus
cartes
e et u pour
le seul son de
l'e françois
soutenu
en ; l'enfant
qui ,dans
la segonde
classe
, comence
d'imprimer
ou de composer
avec
le seul
premier
bureau
latin
, suivra
le sistème
des lètres
,
come
les imprimeurs
ordinaires
, mais
dès.
que l'enfant
sera mis au bureau
françoislatin
de la troisième
classe
, il doit
ètre
enseigné
et montré
selon
le sistème
des
sons. Je prens
le mot
Deus
dans
le dictionaire
à la celule
D des
noms
apellatifs
, et je mets un m sur le s du mot
Deus,
ou bien
je prens
um dans
la logète
des
terminaisons
des noms
, et je le mets
sur l'us
du mème
mot
Deus , ou bien
je prens
le
D , l'e et l'um
dans
leurs
logètes
, de mème
que les virgules
.
Je trouverai parceque dans le dictionalre
à la celule P des indéclinables , ou les
trois silabes par , ce , qu' , dans trois logètes
diferentes , savoir par , dans la lo-
II. Vol. B iij gète
2796 MERCURE DE FRANCE
gète des indeclinables du bureau tipografique;
ce, dans la celule du pronom hic, et
le qu'apostrofé dans cèle du pronom relatif
qui ou dans la troisiéme celule de la colone
q composé. Je trouve également il dans la
celule du pronom de la troisiéme persone.
La setiéme celule du plus haut rang où
est le tems present de l'indicatif , done
le verbe est , à moins qu'il ne soit encore
dans la celule du verbe substantif, qui est
dans le mème rang. Le mot bo , se prend
dans la logète du b , et dans cèle de la
voyele nazale , en deus cartes pour les
deus sons , au lieu d'en doner trois , qui
d'abord pourolent induire l'enfant en erreur
et lui faire lire b , o , ne , au lieu de
b, ō; ce qui est important pour faire bien
distinguer le n consone et le n nazal ;
distinction utile , qui ne doit point scandaliser
les témoins de cet exercice literaire
, puisque les voyeles nazales á , é ,
í , õ , ũ , où les voyeles à titres se trouvent
non - seulement dans de vieus livres,
mais encore dans des breviaires et dans
des HEURES de l'anée courante. Le latìn
se compose de mème , on prend quia
dans la celule des indéclinables du bureau
ou du dictionaire , et ille , est dans
leurs celules come en françois , de mème
que pour le mot bonus , qu'on trouvera
dans la celule B des noms adjectifs , ou
II.Vol.
bien
DECEMBRE. 1730. 2797
bien on prendra les lètres b , o , n , dans
leurs celules , et le bus ou le petit abregé
dans la troisième celule de la colone u .
Pour le mot composé ainsi soit- il , je
prens un ai d'une seule carte dans les
celules des voyèles nazales ; si , s , oit,-il,
dans leurs logères ; savoir , si , dans la
troisiéme logète de la colone f, qui me
done le s ; oit , dans les terminaisons des
verbes françois ; le tiret apelé division ,
dans les logères des signes , et il dans
cèle de la troisiéme persone . Le mot latin
amen , se trouvera dans la celule A des
indéclinables du dictionaire tipografique ;
les poins dans leur logète ; là accentué
dans la troisième logète de la colone a ;
pour le mot Paris , on cherchera et l'on
a toutes les lètres de ce mot ,a moins
qu'on ne l'ut mis dans la logète des noms
substantifs , dans la logète géografique , ou
dans la logète des noms propres à la lètre
P du dictionìare ; ce, dans la celule du
pronom hit ; 29. et 1730. en latin et en
françois dans la logète du livrèt , ou dans
la derniere des chifres . Ju , en trois cartes
pour les trois sons pris dans les trois celules
du J , u , 7 : etc. dans la troisieme
celule de la colone ; fi en deus cartes
pour les deus sons f, i , pris dans leurs celules
, et le mot finis dans la logète F
des mots apellatifs du dictionaire tipo-
1.
II. Vol. Bilj gra2798
MERCURE DE FRANCE
grafique. Le mot die latin est pris dans la
logète des paradigmes ou des exemples
de la cinquieme déclinaison , etc.
la
On voit par la composition de ce petit
tème , de quelle naniere on doit s'y prendre
pour tous les autres , l'essentiel est
de bien expliquer et de bien faire sentir
à l'enfant la nature , l'usage de chaque
partie du discours , en començant par
langue françoise et passant ensuite à la
langue latine , c'est ainsi qu'on montrera
peu à peu et en mème tems les raports
d'une langue à l'autre. Quand l'enfant
aura plusieurs fois le mème mot dans
son tème , il ne le trouvera qu'une fois
dans le dictionaìre de son bureau , et cela
sufit , ensuite il composera les autres avec
les lètres et les sons de l'A B C mouvant ,
selon les règles de la segonde et de la troisième
classe , je dis ceci par raport aus
mots de moins d'usage , et non pour les
verbes auxiliaires , les pronoms , les prépositions
, l'article et autres mots qui revienent
souvent. J'oubliois de dire que
quand le mot latin sera le mème que le
mot françois , à la terminaison près , il
sufira d'ajouter cète terminaison latine
sous le mot françois ; par exemple : pour
metre à l'acusatif les mots action , immortalité
, etc. on aprendra à l'enfant qu'il
sufit de metre les cartes onem sous l'o d'ac
II. Vol.
tion
DECEMBRE . 1730. 279 9
tion , et cèles d'atem , sous l'é du mot immortalité,
ce qui doit s'entendre et se pra
tiquer pour toutes les parties du discours
déclinables , indéclinables et conjugables,
qui ne seront distinguées du latin que
par les seules terminaisons , et c'est ici
que l'enfant comence de bone heure à
mieus apercevoir les raports et les diferences
de la langue latine et de la langue
françoise avantage téorique et pratique,
que ne peuvent doner aussi - tot les
rudimens ordinaires , fussent- ils tous les
jours articulés et récités sans faute depuis
le comencement jusqu'à la fin.
En voilà , je pense , bien assés pour
metre au fait les maitres judicieus et non
prévenus , qui n'ignorent pas tout à-fait
la doctrine des sons de la langue françoise ,
ceus qui n'en ont aucune conoìssance
pouront lire les essais de M. l'Abé de Dangeau
, et la grammaire du R. P. Buffier
suposé que ces maitres aiment l'analise des
choses et les reflexions sur cète matiere ,
sans quoi ils ne pouront jamais savoir ces
minuties à fond, l'étude én est cependant
nécessaire aus bons maitres qui se piquent
de bien montrer ; l'indiference ou le mépris
sur cet article ne peut jamais leur
faire honeur. Quelques petites que puissent
paroître ces minuties et ces reflexions
aus ïeus de ceus de certaines persones in-
II.Vel.
Bv Ca
2800 MERCURE DE FRANCE
capables de juger du pris et du vraì mérite
des petites choses , il n'en est pas
moins vrai que les maltres , les régens , et
les professeurs payés pour enseigner les
enfans , doivent ètre des premiers à
aprouver la métode du bureau tipografique
suposé qu'elle produise les efets
avantageus que je lui atribue , et qu'elle
alt en bien des choses la superiorité que
je luidone sur toute autre métode conue,
verité que je vais démontrer dans la huitiélètre
et que je ne crains point de publier
tous les jours au centre mème du pays latin,
en faveur des enfans de notre Empire et
des enfans de toute l'Europe . Je suis , etc.
Nota. Les persones curieuses de lire toutes
Les letres sur la biblioteque des enfans , prendront
la peine d'en comencer la lecture dans
le segond volume du Mercure du mois de
Juin 1730 .
On trouvera dans le Mereure de Janvier
un abregé somaire , ou une récapitulation de
tous les avantages de la métode du bureau.
pografique.
Fermer
Résumé : SUITE de la setième lètre, sur la bibliotèque des enfans, etc.
Le texte présente diverses méthodes pédagogiques pour enseigner la lecture et l'écriture aux enfants, en utilisant des outils et techniques spécifiques. Un casseau portatif de six cellules permet d'organiser les thèmes à lire ou à faire, avec des cellules dédiées aux thèmes en français, en latin, et en caractères italiques ou manuscrits. Ce casseau peut également contenir des cartes et des jeux éducatifs. Les enfants reçoivent des thèmes à lire ou à compléter, et les thèmes bien réussis sont retirés pour éviter la fatigue et le dégoût. Les thèmes historiques, connus et appréciés, sont conservés pour ne pas frustrer l'enfant. L'apprentissage est rendu amusant et les progrès sont récompensés. D'autres outils mentionnés incluent un porte-thèmes avec six poches numérotées pour organiser les thèmes par nombre de lignes, et un rudiment pratique composé de deux rangées de cassetins pour apprendre les déclinaisons, les pronoms et les conjugaisons. Le dictionnaire est organisé en six rangées de cellules pour classer les verbes, les noms, les adjectifs, les indéclinables, les noms propres et divers mots de la langue. Le texte insiste sur l'importance de la pratique et de l'amusement dans l'apprentissage. Il mentionne des exemples d'enfants ayant rapidement appris à lire et à écrire grâce à ces méthodes. Les classes d'exercice du bureau typographique sont divisées en quatre catégories pour structurer l'apprentissage. La première classe permet aux enfants d'associer des cartes à des lettres ou des figures sur une table abécédique. La deuxième classe introduit l'usage des lettres capitales et petites pour composer des mots latins et français. La troisième classe enseigne la composition des mots selon les sons de la langue française, formant ainsi une base solide en orthographe. La quatrième classe permet aux enfants d'imprimer des mots et des phrases entières, en latin et en français, en utilisant des cartes et des sons. Le texte souligne également l'importance de la maîtrise des rudiments de la langue française pour les enseignants. Il recommande la lecture des essais de l'Abbé de Dangeau et de la grammaire du Père Buffier pour ceux qui ignorent la doctrine des sons de la langue française. Les enseignants doivent apprécier l'analyse et la réflexion sur cette matière pour en maîtriser les détails. La méthode du bureau typographique est présentée comme supérieure aux autres, et ses avantages sont détaillés dans la huitième lettre. Le texte se conclut par une invitation à consulter les lettres sur la bibliothèque des enfants dans le second volume du Mercure de juin 1730, et un abrégé des avantages de la méthode dans le Mercure de janvier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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64
p. 209-234
NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
Début :
Il est tems, Monsieur, que je vous rende conte de l'ortografe passagère [...]
Mots clefs :
Orthographe, Sons, Lettres, Prononciation, Langage, Principes, Jeux, Partisans, Vulgaire , Usage
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texteReconnaissance textuelle : NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
NEUVIEME
LETRE touchant
l'essai de l'ortografe passagère dans les
lètres sur la biblioteque des enfans .
I
L est tems , Monsieur , que je vous
rende conte de l'ortografe passagère
dont j'ai fait l'essaì dans les précédentes
lètres. La raison distingue non -seulement
l'home de la bète , mais elle distingue
encore l'home de l'home. il y a bien des
gens qui ne voient que par les feus d'autrui
; et ceus là pour la plupart , quoique
très ignorans , ou peu instruits sur la
bonté des ieus des autres , croient ordinairement
ètre les mieus dirigés. si l'on
A v tient
210 MERCURE DE FRANCE
3r
tient quelquefois cète conduite dans les
afaires de la dernière importance , nous
ne devons pas ètre surpris de la voir
tenir en fait d'ortografe : ce qu'il y a détonant
, c'est de voir qu'un grand nombre
de ceus qui se piquent de la savoir
et d'en pouvoir raisoner , ne peuvent ensuite
doner aucune bone raison sur la
moindre des dificultés qu'on leur propose.
on ne se pique pas d'ètre géometre ni
architecte quand on ne s'est apliqué ni à
la géometrie ni à l'architecture ; pourquoi
se pique t- on de savoir l'ortografe ,
si l'on n'y a jamais fait de sérieuses refle
xions , et qu'on n'ait qu'une ortografe de
hazard , d'habitude idiotique et de sìmple
copie ? il y a des choses qui se décident
par l'autorité et par l'usage , cela est
très vrai en fait d'ortografe ; mais dans
un tems de trouble , de confusion , en
un mot, de schisme ortografique , quelle
règle suivre pour ariver enfin à l'uniformité
sur cette matiere il n'y en a aucune
qui puisse obliger et soumetre tous
les partis ; on suivra plusieurs ortografes.
tant que l'autorité de l'usage sera divisée .
une règle néanmoins que la prudence
semble indiquer par provision et par interim
, c'est de répresenter le vrai son
des mots et d'avoir de tems en tems
plus d'égard pour l'oreille que pour les
*
?
ieus
FEVRIER. 1731. 2fr
que
feus , surtout , quand les noms des lètres
seront faus , captieus ou équivoques.
cète règle sera dificile à pratiquer par les
persones qui ne savent pas bien lire , et
F'on peut , je pense , metre de ce nombre
, celles qui écrivent , par ex. gaife de
bones piques et lourag aue pasianse etc. au
lieu d'écrire j'ai fait des bonets piqués , et
Pouvrage avec passiance , ou pacience ou
patience etc. Je conclus
la raison peut
seule décider pendant le conflict de jurisdiction
ortografique , et que les parties
doivent ètre écoutées avant et plutôt que
d'ètre condanées sans examen , on ne doit
point s'obstiner à doner pour règle sure
générale, et universellement reçue de vieus
préjugés , et des lieus comuns refutés il y
a lontems par de très habiles auteurs qui
avoient peut ètre plus médité et plus re
fléchi , sur cète matière, que la plupart de
leurs adversaires . L'autorité et la raison
ne marchent pas toujours ensemble .
On doit avoir quelque égard pour les
ieus des lecteurs ; il est bon mème de les
consulter avant que d'en venir aus grandes
innovations ; c'est pourquoi je n'aí
fait que peu à peu les petits changemens
d'ortografe dans la suite des lètres sur la
biblioteque des enfans ; j'ai conduit insensiblement
, le lecteur déprevenu, u point
sur lequel je souhaiterois savoir ce qu'il
A vj pense
212 MERCURE DE FRANCE
pense de cet essai d'ortografe passagère ;
je n'ai pas cru le devoir prévenir là -dessus
par aucun avis préliminaire , parceque
j'ai interèt de savoir son propre sentiment
, indépendament de l'avis que j'aurois
pu doner à la tète de l'ouvrage , come
je le done ici mais j'ai cru qu'il étoit
bon de faire passer un peu de pratique
avant la téorie ; le lecteur par ce moyen.
bien instruit et plus au faìt , est ce me
semble , en état de mieus comparer et de
mieus décider ; l'experience en paroit
favorable. Bien des lecteurs non prévenus
et de bone foi , avouent qu'ils s'acoutument
sans peine à la vue de cète ortografe
, quoiqu'ils sentent qu'ils ne seroient
pas d'abord en état de la suivre dans leurs
écritures , faute de bien savoir les principes
necessaires pour l'observation de
toutes ces minuties : d'autres m'ont assuré
que l'impression des lètres sur la bibliotèque
des enfans paroissant plus nète et
enfin plus belle que celle du reste du мerils
ont conclu que c'étoit un èfer
de l'essai d'ortografe passagère , moins
herissée de lètres à tète ou à queue et de
capitales.
cure ,
Quoiqu'il paroisse que j'afecte de me
servir d'une nouvelle ortografe, je ne laisse
pas, dans un sens, d'aprouver ou de tolerer
les autres, il est mème nécessaire qu'un
enfant
FEVRIER. 1731. * 213
enfant qui travaille au bureau tipografique
sache bien la vieille ortografe , afin
de pouvoir lire toute sorte de livres et de
pouvoir se servir des dictionaires et des
livres classiques qui suivent encore cète
mème vieille ortografe. Mais je supose ,
avec raison , que pour montrer et pour
aprendre à lire , il est beaucoup mieus de
comancer par l'ortografe des sons ou de
l'oreille , qui tolere , par exemple , çaje ,
chapo etc. au lieu de sage , chapeau etc.
avant que de passer à l'ortografe des ieus
ou de l'usage , et cela m'a mème fait croire
qu'il sera beaucoup mieus de metre un
enfant de deus à trois ans sur la lecture
du latin plutôt que sur celle du françois,
parcequ'il y a plus de justesse et de verité
de raport entre la prononciation du
latin et le nom ou le son des lètres , qu'il
n'y en a entre la prononciation du françois
et le nom ou le son de ces mèmes.
lètres : d'ailleurs le latin les prononce pres →→
que toutes, et au contraire, le françois en a
beaucoup de muetes ; c'est pourquoi dans
la segonde classe du bureau tipografique
que j'apèle bureau lain , je conseille de
faire imprimer des mots latins préferablement
aus mots françois , et c'est dans
la troisième classe du bureau que l'enfant
trouvera ensuite les sons de la langue
françoise, mais je parlerai plus au long de
cet
214 MERCURE DE FRANCE.
cet article dans l'ouvrage des A B C la
tins et françois .
Je supose encore qu'après l'ortografe
de l'oreille ou des sons il sera mieus de
montrer l'ortografe la plus vraie , la plus
régulière et la plus conforme aus sons de
la langue , et de diferer la lecture et l'étude
d'une ortografe fausse , irréguliere ,
captieuse , équivoque quoiqu'anciene
parceque quand il s'agit de montrer à
lire à un enfant ; la première , la plus sìm--
ple et la meilleure règle à suivre , c'est
celle qui induit le moins en erreur l'enfant
qui aprend à lire ; or le principe des
partisans de la nouvèle ortografe est de
ne pas induire le lecteur en erreur , et
d'ètre sensible à la peine des enfans qui
aprènent à lire , au lieu que le principe
des partisans de l'anciène ortografe est de
mépriser toutes les facilités des nouvèles
métodes , de comancer par des règles
fausses , équivoques ou captieuses , et cela
avec un air et un ton d'autorité denué
de toute raison ; la seule qu'on allegue ,
et qui paroit assés mauvaise , est tirée de
l'exemple et de l'usage vulgaire ; on allegue
sans cesse que nos ancètres ont passé
par là , qu'ils n'ont pas apris autrement,
et que nous ne devons pas chercher des
métodes plus aisées que celles dont ils
se sont servis eus mèmes. La bonté et la
charité
FEVRIER. 173
2F5
charité éclairée n'aprouveront jamais ce
langage , qui n'est dicté que par l'esprit
de paresse , d'indiférence ou de préven
tion .
Si l'on prend la peine de faire réflexion:
sur la métode des anciens , on vèra qu'ils
ont écrit , lu et prononcé treu- ver , bonnes-
te etc. s'ensuit- il qu'il faille les imiter
à présent en cela il faudroit donc
écrire come on lit et come on prononce ,
puisque leur prononciation dictoit et regloit
l'écriture. si l'on veut suivre l'ortografe
des anciens , n'en doit- on pas aussi
conserver la prononciation , pourquoi diviser
cela , et se rendre esclave de l'un
plutôt que de l'autre A quoi bon citer
toujours l'exemple des anciens dont on
ne parle plus , et dont on n'écrit plus le:
langage ? Les anciens écrivolent tiltre , aulne
, cognoistre etc. parcequ'ils prononçolent
toutes les lètres de ces mots là ; ils suivoient
donc en cela le principe des modernes
ortografistes qui veulent un plus
grand raport de verité et de justesse entre
l'écriture et la parole , entre le langage
prononcé et le langage écrit , ou entre les
sons et les signes qui les représentent. il
est donc vrai de dire que l'ortografe des
anciens répondolt à leur prononciation
plus exactement que l'ortografe d'aujourdui
ne répond au langage d'apré
sent
216 MERCURE DE FRANCE
sent ; et la prétendue verité de ce dernier
raport ne peut se soutenir que par un
esprit de prévention , d'aveuglement ou
d'indiférence sur cète matière, persone
jusqu'ici , que je sache , n'a prouvé que
le changement de prononciation dans les
mots n'endoit jamais produire aucun dans
la manière de les écrire ; c'est tout ce que
l'on pouroit prétendre d'une langue sainte
et morte come l'ébraïque ; mais en fait
de langue profane et vivante , l'experien .
ce crie tous les jours contre la tiranie ortografique
de la plupart des maîtres d'école
cète meme experience oblige
souvent les partisans de la vieille ortografe
à se taire , quelque touchés et sensibles
qu'ils aient paru à la vue des moindres
innovations ortografiques , elle les
réduit et les force encote malgré eus à
se soumetre de tems en tems à la règle
des sons , et à suivre en bien des ocasions
le courant de l'usage moderne.
>
On
peut
donc
conclure
que le droit
et le fait sont
contre
les esclaves
de la
vieille
ortografe
; ils craignent
toujours
que le langage
françois
ne perde
ses marques
de jargon
et de servitude
; ils ont
beau
faire
, cela
arivera
tot ou tard
à la
gloire
de la nation
et de la langue
françoise
, il ne faudroit
pour
cela que
l'aten
.
tiondes
s upérieurs
sur
l'impression
des
ouvràFEVRIER.
1731. 217
ouvrages classiques , académiques et périodiques.
Du plus au moins , il est permis
de raisoner sur les petites choses come
sur les grandes ; or malgré l'autorité
où la force du préjugé , n'a- t-on pas en
partie secoué le joug des anciens en fait
des arts et des siences ? N'a- t on pas réformé
les maisons , les cuisines , les équipages
, les modes , les usages etc. pourquoi
l'ortografe resteroìt - elle invariable ,
pendant que le langage mème auroit ses
changemens ? Je persiste donc à dire qu'on
doit faire passer la pratique et l'étude de
la nouvèle ou de la vraie ortografe qui
facilite la lecture ; avant que de faire pratiquer
la vieille ou la fausse ortografe qui
induit trop souvent en erreur les enfans ,
les fames , les gens de la campagne et les
étrangers , portés naturèlement à lire tout
et à prononcer toutes les lètres , bien loin
de les rendre muètes , et c'est pour lors la
vieille ortografe , et par surcroit la vieille
métode qui leur tendent des pieges au
moins à chaque ligne , pour ne pas
dire
à chaque mot.
Je dois , au reste , déclarer ici que je
ne répondraí à aucun de mes critiques
qu'autant que leurs dificultés ou leurs objections
iront contre la métode du bureau
tipografique , et contre la manière que
j'indique et que je propose pour bien montrer
218 MERCURE DE FRANCE
trer à lire aus petits enfans ; car pour ce qui
ne regarde en général que le sistème de l'anciène
ou de la nouvèle ortografe , j'aurai
souvent lieu d'en parler dans les réflexions
des A B C françois , sur tous les
sons de notre langue , sur l'ortografe de
quelques dictionaires , sur le traité d'ortografe
de feu M. l'Abé R. et sur les dife
rens extraits que j'ai faits d'une trentaine
d'auteurs ortografistes des deus derniers
siecles . En atendant ce petit ouvrage ,
voici l'avis que je donaí au compositeur
des lètres sur la biblioteque des enfans , et
que je n'ai pas cru devoir laisser imprimer
plutot par les raisons alleguées cidessus
.
Avis à l'imprimeur ou au compositeur des
lètres sur la bibliotèque des enfans , etc.
Le principal et peut-ètre le meilleur
avis que je puisse vous doner , c'est de
suivre exactement le manuscrit corigé
selon l'essai de cète ortografe . voici cependant
quelques règles qui vous metront
d'abord au fait de l'ortografe passagere ,
sur laquele j'ai interêt de pressentir le
gout des lecteurs non prévenus , afin de
pouvoir m'y conformer ensuite dans l'impression
de la bibliotèque des enfans.
Je demande que vous ne metiés sur les
voyeles , ni accent , ni chevron , ni les
deus
FEVRIER. 1731. 219
蒽
il
deus points que vous apelés trema , ou que
vous en pratiquiés bien l'usage et les diferences
, come dans les mots procès , bontés
, batême , ciguë , etc.... le chevron paroit
à present inutile sur les mots age ,
agé , etc....il ne faut jamais marquer
Pè
ouvert qu'avec l'accent grave et jamais
avec le circonflexe , à moins que l'e ne
soit long , come dans tête , etc.... à l'égard
des diftongues oculaires ai , ei , oi ,
qui ne font entendre que l'è ouvert ,
faudra essayer d'y metre l'i grave , come
dans les mots maitre , reine , il conoìt , etc.
afin de pouvoir faire distinguer les diftongues
des ieus et celles de l'oreille , surtout
lorsque la quantité et le son n'exigeront
pas l'usage du chevron. Je ne suis.
pas toujours la regle de l'accent circonflexe
, je préfere quelquefois l'i grave au
chevron , à cause des logètes du bureau
tipografique , en atendant l'usage des diftongues
chevronées entre les deus voyeles .
on metra aussi l'ì grave lorsqu'il fait entendre
l'e ouvert dans les voyeles nazales
ìn , ain , ein , etc. des mots lìn , vain ,
sein , etc..... et lorsque la diftongue ai
sonera come l'é fermé , vous ferés emploi
de l'i aigu , come dans les mots j'ai , plaisir,
je ferai , etc....il ne faut donc jamais
employer le chevron sur les voyeles , que:
pour marquer la longueur de leur durée
Qu
220 MERCURE DE FRANCE.
ou de leur quantité : car la regle d'em
ployer le chevron sur la voyele à côté de
Jaquelle on a suprimé quelque lètre , n'est
peut ètre pas toujours vraie ni sure, come
dans les mots sûre , vûe , ûë , etc. pour
seure , veue , eue , etc. qu'il sufit d'écrire
ue , etc. sans chevron ni trema;
quoique les imprimeurs aient les signes
sure , vue ,
pour marquer les voyeles longues
, brèves et douteuses , il n'en font
pas usage sur tout le latin qu'ils impriment
, et le françois n'est pas arivé au
point de caracteriser et de noter localement
le son de toutes les voyeles d'un
discours imprimé. il est donc inutile d'être
si scrupuleus sur une voyele, pendant
qu'on néglige les autres ; c'est l'usage et
la pratique du discours qui montrent les
longues et les breves ; c'est une erreur de
s'imaginer que la vieille ortografe avec des
lètres non prononcées ou muetes , puisse
indiquer aux ieus la quantité que l'oreille
demande.
Il faut donc employer le veritable accent
pour chaque voyele , ou n'en point
mètre , il paroit même inutile de le mar-.
quer toujours dans les mots qui revienent
souvent,come dans être , èlle, même ,
etc. et sur les silabes toujours suivies d'une
autre silabe avec l'e muet final qui oblige
d'ouvrir l'e des pénultiemes silabes , come
cètte
dans
FEVRIER. 1731 . 221
dans pere , bele , ils vienent , etc. L'usage
fréquent du chevron et de l'accent , rend
le caractere trop hérissé , et mème selon
quelques -uns , il le rend encore trop pédant
, surtout au milieu des mots , ou sur
l'e des monosilabes qui revienent souvent
et sans équivoque ; il sufit peut ètre d'en
mètre de tems en tems pour instruire les
lecteurs novices : mais vous ne devés
pas
oublier l'accent lorsqu'il sert à déterminer
le sens d'un mot , et que sans ce secours
le mot pouroit quelquefois ètre équivoque
ou induire en erreur la persone qui
lit , come dans les mots près , prés , tanté,
tante , etc. l'accent paroit toujours bien
employé sur les e finaus algus ou graves ,
en faveur des enfans et des étrangers ,
come dans bonté , bontés , procès , succès ,
étc. L'accent semble moins nécessaire pour
la lecture des premiers e des mots anée ,
créée , etc. mais il ne choque pas les ieus
acoutumés depuis lontems à cète varieté
et distinction d'e. Les anciens , dont on
s'autorise tant , metoient-ils des accens
sur les e et sur les autres voyeles ? à peine
fesolent- ils la dépense des points sur les
i. Nous- mèmes suivons-nous à l'égard des
voyeles capitales , l'usage des accens que
nous exigeons sur les petites voyeles ou
cèles du bas de casse , cependant la
plupart des lecteurs très- foibles sur la
lecture
222 MERCURE DE FRANCE
lecture des capitales , auroient là , plus
besoin d'accent que sur les petites lètres ;
on pouroit dire qu'un lecteur bien instruit
sur les mots en petites lètres , doit
ètre moins embarassé à lire sans accens
ces mèmes mots en lètres capitales . Je
parlerai de cet article dans les A B C françois
, il sufit à present de vous faire
remarquer ici que les E capitaus sans
accent choquent bien moins que les E
capitaus mal accentués et défigurés par
des apostrofes ou par des fragmens de l
en guise d'accens mal adaptés , come dans
LETRE PRETERIT , etc. au lieu
de LETRE , PRETERIT , etc.
bien des artisans mètent des points sur
les I capitaus en serrurerie , menuiserie,
cizelure , etc. le tout sans principes.
Les voyeles apelées trema n'ont jamais
été necessaires dans les mots ruë , conuë
ou rüe , conüe , etc. puisqu'il n'y a jamais
eu danger qu'on lût avec le son du v ,
rve , conve , etc. ce qui fait voir l'ignorance
idiotique de bien des auteurs et de
bien des imprimeurs. Les voyeles apelées
trema necessaires avant l'usage des j et des
v , sont donc apresent devenues inutiles
dans les mots boue , ouaille , etc. qu'on ne
sera plus exposé à lire bove , ovaille , etc.
les auteurs qui en continuent encore la
pratique dans bouë , onaille, etc. montrent,
sans
FEVRIER. 1731. 223
sans le vouloir , leur ignorance ou leur
préjugé idiotique ; profitera qui voudra
de l'avis , c'est leur afaire. Les trema sont
bons dans les mots Lais , Emmaüs , Saül,
Moïse , ciguë , etc. pour distinguer la prononciation
des autres mots lais , emaus >
moisi , saul , figue , etc. dont la lecture est
diférente. La seule ignorance des principes
a introduit l'usage de l'i trema pour
deus i dans les mots pai-is , abai- ie ;
moi- ien , etc. qu'on écrit abusivement
pais , abaie , moien , ou pa-is , aba-ïe ,
mo-ien , etc. se corigera encore là-dessus
qui voudra , mais cète ignorance est sensible
quand on voit et qu'on lit les mots
laïs, lais, hair, haine , païen, paien, paient,
etc. suposer que le point redoublé , redouble
sa voyele dans un endroit , qu'ailleurs
il unit , qu'ailleurs il divise les voyeles
, qu'ailleurs il indique les voyeles muetes
; c'est , ce me semble , faire un mauvais
usage du trema , et lui doner en mème-
tems trop de proprietés diferentes et
contraires les unes aus autres , come dans
païs , lais , ouailles , caën , etc. Je suis persuadé
que sans le préjugé idiotique , en
Holande , come en France , on auroìt honte
de s'obstiner à pratiquer un tel abus
et de préferer le mauvais usage , pendant
que le bon est le plus généralement suivi.
J'aurai souvent ocasion de reparler de cela
dans les A B C françois. Vous
224 MERCURE DE FRANCE
Vous n'emploirés donc jamais le y que
pour le double i , come dans moiien
paiis , etc. que j'écris moyen , pays , etc.
pour déferer à l'usage quand il n'induit
point en erreur . on pouroit aussi écrire
péis , abéie , etc. sans équivoque. Je tolere
le y dans la particule ey locale il y a , par
déference pour l'usage , et en faveur d'un
mot composé d'une seule lètre , quoique
nous ayons encore les mots a , o , en françois
, et les mots a , e , i , o , en latin . Ne
metés donc jamais l'i trema pour le y , ou
pour deus i. Quand j'écris aiant avec l'i
trema , pour a- iant , c'est en suposant
qu'on le prononce ainsi , car autrement
j'écrirois ai-iant avec un double i ou ayant
avec un y ; je soumets apresent , du moins
en partie , le principe de l'ortografe au
principe de la prononciation ; et mon erreur
ou mon ignorance sur le fait de la
prononciation , ne doit point infirmer le
principe sur l'ortografe , disctinction
qu'un lecteur équitable ne manquera pas
de suposer. Je ne parle pas ici des y finaus
employés dans les monossilabes roi , loi ,
quoi , ni , lui , etc. que bien des gens écrivent
encore roy , loy , quoy , ny , luy , etc.
c'est un reste des mauvais principes qu'on
suit chés les maitres écrivains.
Il faut condaner le ph de deus lètres
et préferer le simple ƒ d'une lètre, à moins
que
FEVRIER. 1731. 225
que ce ne soit dans un nom propre come
dans Joseph , Philipe , etc. encore bien des
gens écrivent Josef, Filipe , etc. et ils n'en
font peut-être pas plus mal. vous metrés
donc avec le ƒd'une lètre , les mots sfère,
filosofe , etc. au lieu de sphere , philosophe
etc. avec le ph de deus lètres , et cela en
faveur des enfans , des étrangers , et par
honeur pour la langue françoise , langue
d'un peuple franc , aussi libre et aussi maitre
de son ortografe que ses voisins les
italiens et les espagnols , un peu plus afranchis
que nous de la marque servile en fait
de langage ... vous laisserés toujours la
lètre h dans les mots où elle s'aspire , come
dans heros , etc. et lorsqu'elle sert à diviser
les voyeles et les silabes come dans
souhaits , etc. vous pourés la tolerer initiale
dans les mots humeur , honète , etc.
et quelquefois médiale dans aujourd'hui ,
etc. quoiqu'elle n'y soit point aspirées
mais il faut banir le b des mots chronologie
, cahot , écho , phiole , rhume , phantaisie
, theme , etc. qu'il faut écrire cronologie,
caot , éco , fiole , rume , fantaisie , ième , etc.
faute de caractère particulier la lètre h
est toujours nécessaire après le c pour indiquer
le son françois che des mots chiche,
chu heter, chou , etc. et cète raison de nécessité
confirme l'utilité de la réforme de
cète lètre dans les mots où elle est cap-
B tieuse
226 MERCURE DE FRANCE
tieuse , et où elle peut induire en erreur ,
come dans les mots cholere , Bachus , paschal
, etc.....
>
Je n'emploie la lètre double x , que
dans les endroits où elle fait la fonction
des deus lètres fortes cs , come dans axe ,
stix , etc. ou des deus lètres foibles ༡༢
come dans exil , examen , etc. et qu'on
pouroit écrire selon leur prononciation
acse , sticse , etc. egzil , egzamen , etc. et
cela sans induire en erreur ; avantage qui
n'est pas indiferent aus ieus des esprits
bons et bienfesans . vous ne devés jamais
employer la lètre double x pour les lètres
simples s ou z ; ainsi vous pourés im
primer ieus , sis , sisième , soissante , etc.
aulieu de ieux , six , sixième , soixante
etc. on trouve déja cète réforme dans
bien des livres anciens et modernes, dont
les auteurs avolent remarqué l'imperfection
de l'usage qui done quatre valeurs
diferentes à la lètre x.
Il faut rejeter l'emploi des consones inutilement
redoublées , lorsque cère double
consone est muère , ou qu'on ne la prononce
point dans le discours le plus soutenu
, come dans les mots abbé, accord
addoner, etc. que j'écris abé , acord , adoner,
etc. malgré la prétendue regle de
quantité françoise , qui n'est pas toujours
vraie à l'égard de toutes les consones redoublées
FEVRIER. 1731. 227
doublées . D'où vient qu'esclave de la lanque
latine qui alonge les voyèles suivies
de deus consones , on a cru qu'en françois
ce devoit être tout le contraire , et
que la double consone muète servoit à
faire conoitre que la voyele étoit bréve ?
cète regle fût - elle vraie , en demanderoit
une autre qui indicât quand la
double consone doit ètre muete ou prononcée
; l'usage montrera l'un come l'autre.
cependant par un reste d'égard pour
les ieus , je tolere encore la consone muete
inutilement redoublée dans de petits mots,
come dans cette , elle , qu'elle , etc. qu'il
sera bon d'écrire quelquefois avec une
seule consone et avec l'è grave , come
dans cète , cèle , qu'èle , etc. mais quand la
consone est redoublée dans la prononciation
, il faut la laisser dans l'ortografe,
come Pallas , Apollon , immodeste , etc. les
espagnols graves et sensés écrivent et prononcent
Palas, Apolon , quoiqu'ils sachent
bien qu'on dit et qu'on écrit en latin Pale
, las , et Apole , lon , etc.... Bien que
le double paroisse nécessaire dans les
mots je courrois , je courraí , etc. à cause
de la contraction des mots courerois
coureraí , etc. je ne mets cependant qu'un
avec le chevron sur la voyele où , come
jecoûrois , je coûrai , qu'on prononce fort
Cour-ois, cour-ai , fesant soner ler dans
Bij la
228 MERCURE DE FRANCE
>
la premiere silabe , etc. je parleraí de cela
dans l'ouvrage , des A B C françois. cependant
si les deus r se font entendre dans
ces exemples come dans le mot Varron ,
on peut y laisser le double r sans chevron.
Vous pouvés retrancher aussi la plupart
des lètres muètes inutiles , mème dans la
prononciation la plus soutenue , come
dans les mots asne , mesme , isle , coste
fluste , advocat , clef , baptesme , sept , ptisane,
vuide,paon , caën etc. que j'écris quelquefois
avec le chevron ou avec l'accent,
âne , mème , île , côte , flûte , avocat , clé ,
batême, sèt, tisane, vide, pân, cân , etc. et cela
en faveur des enfans , des étrangers , et de
la lecture ... selon le mème principe je
substitue les lètres prononcées aus lètres
non prononcées , come dans les mots lecon
, secrets , second , convent , que j'écris
Leçon , segrets, segond , couvent , j'écris aussi
par la mème raison , condâner , conoltre ,
etc. au lieu de condempner , cognoistre , ou
de condemner, connoistre , etc.... Je préfere
l'és avec l'accent aigu et le s , à l'ez avec
un z , par les raisons détaillées dans les
ABC françois ; la distinction des verbes ,
des participes , des noms pluriels , n'exige
point cète diference , l'Académie Françoise
ne l'a point admise dans la segonde
édition de son dictionaìre , et les partisans
de la vieille ortografe comancent d'écrire
FEVRIER. 1731. 229
crire avec l'è grave procès , succès , etc. aulieu
de procés , succés , avec l'é aigu ou avec
lez , procez , succez , etc. et les prés , aulieu
de prez , etc , il faut esperer qu'il n'en
resteront pas là.
"
Lorsqu'un mot aura plusieurs lètres à
tète ou à queue , come les mots diftinctif,
jurifdiction , infenfibles , style , inftructifs
fillabes , etc. il faut préferer les petits s et
les ct de deus lètres aus grans et aus
d'une piece , pour diminuer le nombre
des tètes et des queues , qui d'un mot en
font une espece de hérisson nuisible au
coup d'euil , et mètre distinctif, jurisdiction
, insensibles , stile , instructif, silabes ,
etc. Quand un mot avec des fou des &
liés se trouve environé d'autres mots
aïant des lètres à tète et à queue , soit
dans la ligne immédiatement au - dessus ,
soit dans la ligne immédiatement au- dessous
, soit dans la mème ligne à droite et
à gauche , il faut encore exclure et banir
les flons , simples ou doubles , la ligature
& , et leur préferer les petits s et les ct
de deus lètres . Je crois que pour pousser
encore un peu plus loin l'essai de la réforme
ortografique , et pour vous épargner
l'examen et la discussion sur l'emploi
, l'usage et le chois des consones courtes
ou longues , simples ou doubles , il
faudra banir totalement dès aujourdui les
Biij lètres
o MERCURE DE FRANCE.
lètres doubles inutiles , les ligatures , et rejeter
parconséquent les & , f, f , f,f, & ,
et leurs semblables , et leur préferer les
ct , st , ss , si , s , et. J'employois la conjonction
et en deus lètres après la virgule ,
et je tolerois ailleurs l' d'une piece ;
mais bien des persones de bon gout , disent
que cet & fait tort aus autres lètres
´et qu'on devroit l'abandoner , de mème
que les autres superfluités , aus maitres
écrivains et aus esprits gotiques , amateurs
et partisans des ligatures et des abréviations
. vous pouvés donc couvrir et condaner
ces sis cassetins pendant l'impression
de la suite des lètres sur la bibliotèque
des enfans , nous vêrons l'éfet que cet essai
produira sur le papier et sur les ieus
des lecteurs , je me regleraí ensuite làdessus
pour l'impression de mon ouvrage.
Je ne voudrois presque jamais employer
les lètres capitales ou majuscules.
dans la suite d'une frase et d'une période
que pour les noms propres , come
Paul , Mogel , Paris , etc. et non dans les
mots apellatifs de quelque nature qu'ils
pussent ètre , come prince , province , cordonier
, cheval , etc. les capitales après un
point et dans la mème frase , doivent
ètre du corps, paraleles aus autres letres,
de mème hauteur et plus petites que la
capitale qui comence la période en chef
et
FEVRIER. 1731. 231
et à la ligne. Lorsque cète petite majuscule
choqueta la vue, come dans les mots
il, on , etc. vous pourés mètre un plus
grand I ou un i du bas de casse , etc.
pour voir sur l'impression l'efet de cète
nouveauté.
و
Je dois dire ici un mot touchant l'exemple
que j'ai doné de la vieille et très -vieille
ortografe à la fin de la sisième lètre ; pour
faire voir d'une maniere sensible que l'ortografe
se raproche peu à peu de la prononciation
, j'ai mis le lecteur , pour ainsi
dire , entre deus extremités , afin de le rendre
plus atentif , et pour lui épargner la
peine d'aler feuilleter les vieus livres que
J'aurois pu citer , je renvoie cte discussion
à la suite des ABC françois. Les petsiones
scandalisées de cete nouvèle et de
cète vieille ortografe , sont priées de ne
pas fournir malgré elles des raisons contre
leur sentiment et leur préjugé .
Tachons de ne pas imiter l'ortografe de
ces fameus écrivains , qui prodigant l'usage
des lètres capitales , come s'ils donoient
des cronogrames , ne font
ne pas dificulté
d'écrire et de faire graver CaBinet , Re-
Ligion , InConftance , MaGiftrat , etc. qui
afectent d'employer le j et le v , au lieu
de l'i et de l'u voyeles dans les silabes initiales
, jl , jls, vn, jlluſtre, vnion, etc. qu'ils
devroient écrire il , ils, un , illustre , union ,
Biiij
..
etc.
232 MERCURE DE FRANCE
etc. ce sont là des fautes dans lesquèles les
imprimeurs ne tombent plus. il y a certains
maitres écrivains , des secretaires ,
des comis et des clercs , qui chérissent encore
leur ignorance sur cet article , il
est mème à craindre qu'ils ne se corigent
point tant que les grans seigneurs et les
maitres de ces scribes seront indiferens
ou prévenus sur l'exactitude de ces remarques
ortografiques.
Quoique le blanc des espaces bien pratiqués
serve à faire paroitre l'impression
plus bèle , on doit éviter le trop grand
nombre de ces espaces qui choquent la
vue lorsqu'ils forment des colones et des
zig- zag qui coupent les lignes ; c'est un
autre défaut que de vouloir remedier à
celuilà en metant des virgules où il n'en
faut point du tout. un compositeur de
bon gout , use sobrement et judicieusement
de la proportion et du nombre des
espaces et de l'usage des virgules , afin de ne
faire aucun tort au coup d'oeil de la bèle
impression , ni au sens du discours .Je trouve
quelquefois dans les livres les quinze
lignes de suite comancées par des lètres
à tète ou à queue , ce qui choque aussi
le coup d'euil , cela n'arivera pas lorsque
vous prendrés de petits s , des et , et des
at de deus lètres , étant dificile qu'il ne
s'en rencontre point à la tète d'une des
quinze
FEVRIER. 1731. 233
fblf
quinze lignes.un défaut encore plus grand
et que vous devés tâcher d'éviter , c'est
la rencontre des queues de la ligne d'en
haut avec les tètes de la ligne d'en bas
come PP , etc. on doit aussi regarder
come un défaut le mélange de
plusieurs lètres à petit ou à gros euil ,
de plusieurs lètres de diferente frape ,
quoique du mème corps ; le mèlange des
caractères neufs avec de vieus caractères
usés , pochés et mutilés , qui ne peuvent
jamais bien marquer tout le corps de la
lètre , ni d'une maniere nète et distincte,,
qui satisfasse le coup d'euil . L'imprimeur
a beau exalter son ouvrage imparfait , il
n'en sera pas cru , et il s'exposera à ètre
soupçoné d'ignorance ou de mauvaise foi.
Je sais bien que tout le monde n'y regarde
pas de si près , mais je sais aussi
qu'il y a de bons et de mauvais ouvriers
dans toute sorte de professions , et que les
bons come vous , qui visent à la perfecsion
, ne négligent rien de ce qui peut
les y conduire ; aucontraire , les ouvriers:
ignorans, indociles , obstinés, pleins d'eusmèmes
et indiferens sur le mieus , vieillissent
dans l'habitude de mal faire ; la
seule avidité du gain s'empare de leur
esprit et les aveugle si fort sur tout le
reste , qu'ils n'ont pas seulement la liberté
de voir que le gain mème se trouve
plus
234 MERCURE DE FRANCE
plus grand à mesure qu'on est plus habile
or on ne peut devenir habile qu'en
cultivant le bon gout et en observant
beaucoup de choses petites séparement ,
mais dont la totalité et l'ensemble , donent
la perfection , et c'est là- dessus que
le public pour son argent a le droit d'admirer
, de choisir , d'aprouver et d'acheter
; ou de mépriser , de condaner et de
rebuter l'ouvrage des auteurs , des imprimeurs
et des relieurs , come des autres
artisans. on poura continuer cète matiere
dans quelque autre ocasion .
LETRE touchant
l'essai de l'ortografe passagère dans les
lètres sur la biblioteque des enfans .
I
L est tems , Monsieur , que je vous
rende conte de l'ortografe passagère
dont j'ai fait l'essaì dans les précédentes
lètres. La raison distingue non -seulement
l'home de la bète , mais elle distingue
encore l'home de l'home. il y a bien des
gens qui ne voient que par les feus d'autrui
; et ceus là pour la plupart , quoique
très ignorans , ou peu instruits sur la
bonté des ieus des autres , croient ordinairement
ètre les mieus dirigés. si l'on
A v tient
210 MERCURE DE FRANCE
3r
tient quelquefois cète conduite dans les
afaires de la dernière importance , nous
ne devons pas ètre surpris de la voir
tenir en fait d'ortografe : ce qu'il y a détonant
, c'est de voir qu'un grand nombre
de ceus qui se piquent de la savoir
et d'en pouvoir raisoner , ne peuvent ensuite
doner aucune bone raison sur la
moindre des dificultés qu'on leur propose.
on ne se pique pas d'ètre géometre ni
architecte quand on ne s'est apliqué ni à
la géometrie ni à l'architecture ; pourquoi
se pique t- on de savoir l'ortografe ,
si l'on n'y a jamais fait de sérieuses refle
xions , et qu'on n'ait qu'une ortografe de
hazard , d'habitude idiotique et de sìmple
copie ? il y a des choses qui se décident
par l'autorité et par l'usage , cela est
très vrai en fait d'ortografe ; mais dans
un tems de trouble , de confusion , en
un mot, de schisme ortografique , quelle
règle suivre pour ariver enfin à l'uniformité
sur cette matiere il n'y en a aucune
qui puisse obliger et soumetre tous
les partis ; on suivra plusieurs ortografes.
tant que l'autorité de l'usage sera divisée .
une règle néanmoins que la prudence
semble indiquer par provision et par interim
, c'est de répresenter le vrai son
des mots et d'avoir de tems en tems
plus d'égard pour l'oreille que pour les
*
?
ieus
FEVRIER. 1731. 2fr
que
feus , surtout , quand les noms des lètres
seront faus , captieus ou équivoques.
cète règle sera dificile à pratiquer par les
persones qui ne savent pas bien lire , et
F'on peut , je pense , metre de ce nombre
, celles qui écrivent , par ex. gaife de
bones piques et lourag aue pasianse etc. au
lieu d'écrire j'ai fait des bonets piqués , et
Pouvrage avec passiance , ou pacience ou
patience etc. Je conclus
la raison peut
seule décider pendant le conflict de jurisdiction
ortografique , et que les parties
doivent ètre écoutées avant et plutôt que
d'ètre condanées sans examen , on ne doit
point s'obstiner à doner pour règle sure
générale, et universellement reçue de vieus
préjugés , et des lieus comuns refutés il y
a lontems par de très habiles auteurs qui
avoient peut ètre plus médité et plus re
fléchi , sur cète matière, que la plupart de
leurs adversaires . L'autorité et la raison
ne marchent pas toujours ensemble .
On doit avoir quelque égard pour les
ieus des lecteurs ; il est bon mème de les
consulter avant que d'en venir aus grandes
innovations ; c'est pourquoi je n'aí
fait que peu à peu les petits changemens
d'ortografe dans la suite des lètres sur la
biblioteque des enfans ; j'ai conduit insensiblement
, le lecteur déprevenu, u point
sur lequel je souhaiterois savoir ce qu'il
A vj pense
212 MERCURE DE FRANCE
pense de cet essai d'ortografe passagère ;
je n'ai pas cru le devoir prévenir là -dessus
par aucun avis préliminaire , parceque
j'ai interèt de savoir son propre sentiment
, indépendament de l'avis que j'aurois
pu doner à la tète de l'ouvrage , come
je le done ici mais j'ai cru qu'il étoit
bon de faire passer un peu de pratique
avant la téorie ; le lecteur par ce moyen.
bien instruit et plus au faìt , est ce me
semble , en état de mieus comparer et de
mieus décider ; l'experience en paroit
favorable. Bien des lecteurs non prévenus
et de bone foi , avouent qu'ils s'acoutument
sans peine à la vue de cète ortografe
, quoiqu'ils sentent qu'ils ne seroient
pas d'abord en état de la suivre dans leurs
écritures , faute de bien savoir les principes
necessaires pour l'observation de
toutes ces minuties : d'autres m'ont assuré
que l'impression des lètres sur la bibliotèque
des enfans paroissant plus nète et
enfin plus belle que celle du reste du мerils
ont conclu que c'étoit un èfer
de l'essai d'ortografe passagère , moins
herissée de lètres à tète ou à queue et de
capitales.
cure ,
Quoiqu'il paroisse que j'afecte de me
servir d'une nouvelle ortografe, je ne laisse
pas, dans un sens, d'aprouver ou de tolerer
les autres, il est mème nécessaire qu'un
enfant
FEVRIER. 1731. * 213
enfant qui travaille au bureau tipografique
sache bien la vieille ortografe , afin
de pouvoir lire toute sorte de livres et de
pouvoir se servir des dictionaires et des
livres classiques qui suivent encore cète
mème vieille ortografe. Mais je supose ,
avec raison , que pour montrer et pour
aprendre à lire , il est beaucoup mieus de
comancer par l'ortografe des sons ou de
l'oreille , qui tolere , par exemple , çaje ,
chapo etc. au lieu de sage , chapeau etc.
avant que de passer à l'ortografe des ieus
ou de l'usage , et cela m'a mème fait croire
qu'il sera beaucoup mieus de metre un
enfant de deus à trois ans sur la lecture
du latin plutôt que sur celle du françois,
parcequ'il y a plus de justesse et de verité
de raport entre la prononciation du
latin et le nom ou le son des lètres , qu'il
n'y en a entre la prononciation du françois
et le nom ou le son de ces mèmes.
lètres : d'ailleurs le latin les prononce pres →→
que toutes, et au contraire, le françois en a
beaucoup de muetes ; c'est pourquoi dans
la segonde classe du bureau tipografique
que j'apèle bureau lain , je conseille de
faire imprimer des mots latins préferablement
aus mots françois , et c'est dans
la troisième classe du bureau que l'enfant
trouvera ensuite les sons de la langue
françoise, mais je parlerai plus au long de
cet
214 MERCURE DE FRANCE.
cet article dans l'ouvrage des A B C la
tins et françois .
Je supose encore qu'après l'ortografe
de l'oreille ou des sons il sera mieus de
montrer l'ortografe la plus vraie , la plus
régulière et la plus conforme aus sons de
la langue , et de diferer la lecture et l'étude
d'une ortografe fausse , irréguliere ,
captieuse , équivoque quoiqu'anciene
parceque quand il s'agit de montrer à
lire à un enfant ; la première , la plus sìm--
ple et la meilleure règle à suivre , c'est
celle qui induit le moins en erreur l'enfant
qui aprend à lire ; or le principe des
partisans de la nouvèle ortografe est de
ne pas induire le lecteur en erreur , et
d'ètre sensible à la peine des enfans qui
aprènent à lire , au lieu que le principe
des partisans de l'anciène ortografe est de
mépriser toutes les facilités des nouvèles
métodes , de comancer par des règles
fausses , équivoques ou captieuses , et cela
avec un air et un ton d'autorité denué
de toute raison ; la seule qu'on allegue ,
et qui paroit assés mauvaise , est tirée de
l'exemple et de l'usage vulgaire ; on allegue
sans cesse que nos ancètres ont passé
par là , qu'ils n'ont pas apris autrement,
et que nous ne devons pas chercher des
métodes plus aisées que celles dont ils
se sont servis eus mèmes. La bonté et la
charité
FEVRIER. 173
2F5
charité éclairée n'aprouveront jamais ce
langage , qui n'est dicté que par l'esprit
de paresse , d'indiférence ou de préven
tion .
Si l'on prend la peine de faire réflexion:
sur la métode des anciens , on vèra qu'ils
ont écrit , lu et prononcé treu- ver , bonnes-
te etc. s'ensuit- il qu'il faille les imiter
à présent en cela il faudroit donc
écrire come on lit et come on prononce ,
puisque leur prononciation dictoit et regloit
l'écriture. si l'on veut suivre l'ortografe
des anciens , n'en doit- on pas aussi
conserver la prononciation , pourquoi diviser
cela , et se rendre esclave de l'un
plutôt que de l'autre A quoi bon citer
toujours l'exemple des anciens dont on
ne parle plus , et dont on n'écrit plus le:
langage ? Les anciens écrivolent tiltre , aulne
, cognoistre etc. parcequ'ils prononçolent
toutes les lètres de ces mots là ; ils suivoient
donc en cela le principe des modernes
ortografistes qui veulent un plus
grand raport de verité et de justesse entre
l'écriture et la parole , entre le langage
prononcé et le langage écrit , ou entre les
sons et les signes qui les représentent. il
est donc vrai de dire que l'ortografe des
anciens répondolt à leur prononciation
plus exactement que l'ortografe d'aujourdui
ne répond au langage d'apré
sent
216 MERCURE DE FRANCE
sent ; et la prétendue verité de ce dernier
raport ne peut se soutenir que par un
esprit de prévention , d'aveuglement ou
d'indiférence sur cète matière, persone
jusqu'ici , que je sache , n'a prouvé que
le changement de prononciation dans les
mots n'endoit jamais produire aucun dans
la manière de les écrire ; c'est tout ce que
l'on pouroit prétendre d'une langue sainte
et morte come l'ébraïque ; mais en fait
de langue profane et vivante , l'experien .
ce crie tous les jours contre la tiranie ortografique
de la plupart des maîtres d'école
cète meme experience oblige
souvent les partisans de la vieille ortografe
à se taire , quelque touchés et sensibles
qu'ils aient paru à la vue des moindres
innovations ortografiques , elle les
réduit et les force encote malgré eus à
se soumetre de tems en tems à la règle
des sons , et à suivre en bien des ocasions
le courant de l'usage moderne.
>
On
peut
donc
conclure
que le droit
et le fait sont
contre
les esclaves
de la
vieille
ortografe
; ils craignent
toujours
que le langage
françois
ne perde
ses marques
de jargon
et de servitude
; ils ont
beau
faire
, cela
arivera
tot ou tard
à la
gloire
de la nation
et de la langue
françoise
, il ne faudroit
pour
cela que
l'aten
.
tiondes
s upérieurs
sur
l'impression
des
ouvràFEVRIER.
1731. 217
ouvrages classiques , académiques et périodiques.
Du plus au moins , il est permis
de raisoner sur les petites choses come
sur les grandes ; or malgré l'autorité
où la force du préjugé , n'a- t-on pas en
partie secoué le joug des anciens en fait
des arts et des siences ? N'a- t on pas réformé
les maisons , les cuisines , les équipages
, les modes , les usages etc. pourquoi
l'ortografe resteroìt - elle invariable ,
pendant que le langage mème auroit ses
changemens ? Je persiste donc à dire qu'on
doit faire passer la pratique et l'étude de
la nouvèle ou de la vraie ortografe qui
facilite la lecture ; avant que de faire pratiquer
la vieille ou la fausse ortografe qui
induit trop souvent en erreur les enfans ,
les fames , les gens de la campagne et les
étrangers , portés naturèlement à lire tout
et à prononcer toutes les lètres , bien loin
de les rendre muètes , et c'est pour lors la
vieille ortografe , et par surcroit la vieille
métode qui leur tendent des pieges au
moins à chaque ligne , pour ne pas
dire
à chaque mot.
Je dois , au reste , déclarer ici que je
ne répondraí à aucun de mes critiques
qu'autant que leurs dificultés ou leurs objections
iront contre la métode du bureau
tipografique , et contre la manière que
j'indique et que je propose pour bien montrer
218 MERCURE DE FRANCE
trer à lire aus petits enfans ; car pour ce qui
ne regarde en général que le sistème de l'anciène
ou de la nouvèle ortografe , j'aurai
souvent lieu d'en parler dans les réflexions
des A B C françois , sur tous les
sons de notre langue , sur l'ortografe de
quelques dictionaires , sur le traité d'ortografe
de feu M. l'Abé R. et sur les dife
rens extraits que j'ai faits d'une trentaine
d'auteurs ortografistes des deus derniers
siecles . En atendant ce petit ouvrage ,
voici l'avis que je donaí au compositeur
des lètres sur la biblioteque des enfans , et
que je n'ai pas cru devoir laisser imprimer
plutot par les raisons alleguées cidessus
.
Avis à l'imprimeur ou au compositeur des
lètres sur la bibliotèque des enfans , etc.
Le principal et peut-ètre le meilleur
avis que je puisse vous doner , c'est de
suivre exactement le manuscrit corigé
selon l'essai de cète ortografe . voici cependant
quelques règles qui vous metront
d'abord au fait de l'ortografe passagere ,
sur laquele j'ai interêt de pressentir le
gout des lecteurs non prévenus , afin de
pouvoir m'y conformer ensuite dans l'impression
de la bibliotèque des enfans.
Je demande que vous ne metiés sur les
voyeles , ni accent , ni chevron , ni les
deus
FEVRIER. 1731. 219
蒽
il
deus points que vous apelés trema , ou que
vous en pratiquiés bien l'usage et les diferences
, come dans les mots procès , bontés
, batême , ciguë , etc.... le chevron paroit
à present inutile sur les mots age ,
agé , etc....il ne faut jamais marquer
Pè
ouvert qu'avec l'accent grave et jamais
avec le circonflexe , à moins que l'e ne
soit long , come dans tête , etc.... à l'égard
des diftongues oculaires ai , ei , oi ,
qui ne font entendre que l'è ouvert ,
faudra essayer d'y metre l'i grave , come
dans les mots maitre , reine , il conoìt , etc.
afin de pouvoir faire distinguer les diftongues
des ieus et celles de l'oreille , surtout
lorsque la quantité et le son n'exigeront
pas l'usage du chevron. Je ne suis.
pas toujours la regle de l'accent circonflexe
, je préfere quelquefois l'i grave au
chevron , à cause des logètes du bureau
tipografique , en atendant l'usage des diftongues
chevronées entre les deus voyeles .
on metra aussi l'ì grave lorsqu'il fait entendre
l'e ouvert dans les voyeles nazales
ìn , ain , ein , etc. des mots lìn , vain ,
sein , etc..... et lorsque la diftongue ai
sonera come l'é fermé , vous ferés emploi
de l'i aigu , come dans les mots j'ai , plaisir,
je ferai , etc....il ne faut donc jamais
employer le chevron sur les voyeles , que:
pour marquer la longueur de leur durée
Qu
220 MERCURE DE FRANCE.
ou de leur quantité : car la regle d'em
ployer le chevron sur la voyele à côté de
Jaquelle on a suprimé quelque lètre , n'est
peut ètre pas toujours vraie ni sure, come
dans les mots sûre , vûe , ûë , etc. pour
seure , veue , eue , etc. qu'il sufit d'écrire
ue , etc. sans chevron ni trema;
quoique les imprimeurs aient les signes
sure , vue ,
pour marquer les voyeles longues
, brèves et douteuses , il n'en font
pas usage sur tout le latin qu'ils impriment
, et le françois n'est pas arivé au
point de caracteriser et de noter localement
le son de toutes les voyeles d'un
discours imprimé. il est donc inutile d'être
si scrupuleus sur une voyele, pendant
qu'on néglige les autres ; c'est l'usage et
la pratique du discours qui montrent les
longues et les breves ; c'est une erreur de
s'imaginer que la vieille ortografe avec des
lètres non prononcées ou muetes , puisse
indiquer aux ieus la quantité que l'oreille
demande.
Il faut donc employer le veritable accent
pour chaque voyele , ou n'en point
mètre , il paroit même inutile de le mar-.
quer toujours dans les mots qui revienent
souvent,come dans être , èlle, même ,
etc. et sur les silabes toujours suivies d'une
autre silabe avec l'e muet final qui oblige
d'ouvrir l'e des pénultiemes silabes , come
cètte
dans
FEVRIER. 1731 . 221
dans pere , bele , ils vienent , etc. L'usage
fréquent du chevron et de l'accent , rend
le caractere trop hérissé , et mème selon
quelques -uns , il le rend encore trop pédant
, surtout au milieu des mots , ou sur
l'e des monosilabes qui revienent souvent
et sans équivoque ; il sufit peut ètre d'en
mètre de tems en tems pour instruire les
lecteurs novices : mais vous ne devés
pas
oublier l'accent lorsqu'il sert à déterminer
le sens d'un mot , et que sans ce secours
le mot pouroit quelquefois ètre équivoque
ou induire en erreur la persone qui
lit , come dans les mots près , prés , tanté,
tante , etc. l'accent paroit toujours bien
employé sur les e finaus algus ou graves ,
en faveur des enfans et des étrangers ,
come dans bonté , bontés , procès , succès ,
étc. L'accent semble moins nécessaire pour
la lecture des premiers e des mots anée ,
créée , etc. mais il ne choque pas les ieus
acoutumés depuis lontems à cète varieté
et distinction d'e. Les anciens , dont on
s'autorise tant , metoient-ils des accens
sur les e et sur les autres voyeles ? à peine
fesolent- ils la dépense des points sur les
i. Nous- mèmes suivons-nous à l'égard des
voyeles capitales , l'usage des accens que
nous exigeons sur les petites voyeles ou
cèles du bas de casse , cependant la
plupart des lecteurs très- foibles sur la
lecture
222 MERCURE DE FRANCE
lecture des capitales , auroient là , plus
besoin d'accent que sur les petites lètres ;
on pouroit dire qu'un lecteur bien instruit
sur les mots en petites lètres , doit
ètre moins embarassé à lire sans accens
ces mèmes mots en lètres capitales . Je
parlerai de cet article dans les A B C françois
, il sufit à present de vous faire
remarquer ici que les E capitaus sans
accent choquent bien moins que les E
capitaus mal accentués et défigurés par
des apostrofes ou par des fragmens de l
en guise d'accens mal adaptés , come dans
LETRE PRETERIT , etc. au lieu
de LETRE , PRETERIT , etc.
bien des artisans mètent des points sur
les I capitaus en serrurerie , menuiserie,
cizelure , etc. le tout sans principes.
Les voyeles apelées trema n'ont jamais
été necessaires dans les mots ruë , conuë
ou rüe , conüe , etc. puisqu'il n'y a jamais
eu danger qu'on lût avec le son du v ,
rve , conve , etc. ce qui fait voir l'ignorance
idiotique de bien des auteurs et de
bien des imprimeurs. Les voyeles apelées
trema necessaires avant l'usage des j et des
v , sont donc apresent devenues inutiles
dans les mots boue , ouaille , etc. qu'on ne
sera plus exposé à lire bove , ovaille , etc.
les auteurs qui en continuent encore la
pratique dans bouë , onaille, etc. montrent,
sans
FEVRIER. 1731. 223
sans le vouloir , leur ignorance ou leur
préjugé idiotique ; profitera qui voudra
de l'avis , c'est leur afaire. Les trema sont
bons dans les mots Lais , Emmaüs , Saül,
Moïse , ciguë , etc. pour distinguer la prononciation
des autres mots lais , emaus >
moisi , saul , figue , etc. dont la lecture est
diférente. La seule ignorance des principes
a introduit l'usage de l'i trema pour
deus i dans les mots pai-is , abai- ie ;
moi- ien , etc. qu'on écrit abusivement
pais , abaie , moien , ou pa-is , aba-ïe ,
mo-ien , etc. se corigera encore là-dessus
qui voudra , mais cète ignorance est sensible
quand on voit et qu'on lit les mots
laïs, lais, hair, haine , païen, paien, paient,
etc. suposer que le point redoublé , redouble
sa voyele dans un endroit , qu'ailleurs
il unit , qu'ailleurs il divise les voyeles
, qu'ailleurs il indique les voyeles muetes
; c'est , ce me semble , faire un mauvais
usage du trema , et lui doner en mème-
tems trop de proprietés diferentes et
contraires les unes aus autres , come dans
païs , lais , ouailles , caën , etc. Je suis persuadé
que sans le préjugé idiotique , en
Holande , come en France , on auroìt honte
de s'obstiner à pratiquer un tel abus
et de préferer le mauvais usage , pendant
que le bon est le plus généralement suivi.
J'aurai souvent ocasion de reparler de cela
dans les A B C françois. Vous
224 MERCURE DE FRANCE
Vous n'emploirés donc jamais le y que
pour le double i , come dans moiien
paiis , etc. que j'écris moyen , pays , etc.
pour déferer à l'usage quand il n'induit
point en erreur . on pouroit aussi écrire
péis , abéie , etc. sans équivoque. Je tolere
le y dans la particule ey locale il y a , par
déference pour l'usage , et en faveur d'un
mot composé d'une seule lètre , quoique
nous ayons encore les mots a , o , en françois
, et les mots a , e , i , o , en latin . Ne
metés donc jamais l'i trema pour le y , ou
pour deus i. Quand j'écris aiant avec l'i
trema , pour a- iant , c'est en suposant
qu'on le prononce ainsi , car autrement
j'écrirois ai-iant avec un double i ou ayant
avec un y ; je soumets apresent , du moins
en partie , le principe de l'ortografe au
principe de la prononciation ; et mon erreur
ou mon ignorance sur le fait de la
prononciation , ne doit point infirmer le
principe sur l'ortografe , disctinction
qu'un lecteur équitable ne manquera pas
de suposer. Je ne parle pas ici des y finaus
employés dans les monossilabes roi , loi ,
quoi , ni , lui , etc. que bien des gens écrivent
encore roy , loy , quoy , ny , luy , etc.
c'est un reste des mauvais principes qu'on
suit chés les maitres écrivains.
Il faut condaner le ph de deus lètres
et préferer le simple ƒ d'une lètre, à moins
que
FEVRIER. 1731. 225
que ce ne soit dans un nom propre come
dans Joseph , Philipe , etc. encore bien des
gens écrivent Josef, Filipe , etc. et ils n'en
font peut-être pas plus mal. vous metrés
donc avec le ƒd'une lètre , les mots sfère,
filosofe , etc. au lieu de sphere , philosophe
etc. avec le ph de deus lètres , et cela en
faveur des enfans , des étrangers , et par
honeur pour la langue françoise , langue
d'un peuple franc , aussi libre et aussi maitre
de son ortografe que ses voisins les
italiens et les espagnols , un peu plus afranchis
que nous de la marque servile en fait
de langage ... vous laisserés toujours la
lètre h dans les mots où elle s'aspire , come
dans heros , etc. et lorsqu'elle sert à diviser
les voyeles et les silabes come dans
souhaits , etc. vous pourés la tolerer initiale
dans les mots humeur , honète , etc.
et quelquefois médiale dans aujourd'hui ,
etc. quoiqu'elle n'y soit point aspirées
mais il faut banir le b des mots chronologie
, cahot , écho , phiole , rhume , phantaisie
, theme , etc. qu'il faut écrire cronologie,
caot , éco , fiole , rume , fantaisie , ième , etc.
faute de caractère particulier la lètre h
est toujours nécessaire après le c pour indiquer
le son françois che des mots chiche,
chu heter, chou , etc. et cète raison de nécessité
confirme l'utilité de la réforme de
cète lètre dans les mots où elle est cap-
B tieuse
226 MERCURE DE FRANCE
tieuse , et où elle peut induire en erreur ,
come dans les mots cholere , Bachus , paschal
, etc.....
>
Je n'emploie la lètre double x , que
dans les endroits où elle fait la fonction
des deus lètres fortes cs , come dans axe ,
stix , etc. ou des deus lètres foibles ༡༢
come dans exil , examen , etc. et qu'on
pouroit écrire selon leur prononciation
acse , sticse , etc. egzil , egzamen , etc. et
cela sans induire en erreur ; avantage qui
n'est pas indiferent aus ieus des esprits
bons et bienfesans . vous ne devés jamais
employer la lètre double x pour les lètres
simples s ou z ; ainsi vous pourés im
primer ieus , sis , sisième , soissante , etc.
aulieu de ieux , six , sixième , soixante
etc. on trouve déja cète réforme dans
bien des livres anciens et modernes, dont
les auteurs avolent remarqué l'imperfection
de l'usage qui done quatre valeurs
diferentes à la lètre x.
Il faut rejeter l'emploi des consones inutilement
redoublées , lorsque cère double
consone est muère , ou qu'on ne la prononce
point dans le discours le plus soutenu
, come dans les mots abbé, accord
addoner, etc. que j'écris abé , acord , adoner,
etc. malgré la prétendue regle de
quantité françoise , qui n'est pas toujours
vraie à l'égard de toutes les consones redoublées
FEVRIER. 1731. 227
doublées . D'où vient qu'esclave de la lanque
latine qui alonge les voyèles suivies
de deus consones , on a cru qu'en françois
ce devoit être tout le contraire , et
que la double consone muète servoit à
faire conoitre que la voyele étoit bréve ?
cète regle fût - elle vraie , en demanderoit
une autre qui indicât quand la
double consone doit ètre muete ou prononcée
; l'usage montrera l'un come l'autre.
cependant par un reste d'égard pour
les ieus , je tolere encore la consone muete
inutilement redoublée dans de petits mots,
come dans cette , elle , qu'elle , etc. qu'il
sera bon d'écrire quelquefois avec une
seule consone et avec l'è grave , come
dans cète , cèle , qu'èle , etc. mais quand la
consone est redoublée dans la prononciation
, il faut la laisser dans l'ortografe,
come Pallas , Apollon , immodeste , etc. les
espagnols graves et sensés écrivent et prononcent
Palas, Apolon , quoiqu'ils sachent
bien qu'on dit et qu'on écrit en latin Pale
, las , et Apole , lon , etc.... Bien que
le double paroisse nécessaire dans les
mots je courrois , je courraí , etc. à cause
de la contraction des mots courerois
coureraí , etc. je ne mets cependant qu'un
avec le chevron sur la voyele où , come
jecoûrois , je coûrai , qu'on prononce fort
Cour-ois, cour-ai , fesant soner ler dans
Bij la
228 MERCURE DE FRANCE
>
la premiere silabe , etc. je parleraí de cela
dans l'ouvrage , des A B C françois. cependant
si les deus r se font entendre dans
ces exemples come dans le mot Varron ,
on peut y laisser le double r sans chevron.
Vous pouvés retrancher aussi la plupart
des lètres muètes inutiles , mème dans la
prononciation la plus soutenue , come
dans les mots asne , mesme , isle , coste
fluste , advocat , clef , baptesme , sept , ptisane,
vuide,paon , caën etc. que j'écris quelquefois
avec le chevron ou avec l'accent,
âne , mème , île , côte , flûte , avocat , clé ,
batême, sèt, tisane, vide, pân, cân , etc. et cela
en faveur des enfans , des étrangers , et de
la lecture ... selon le mème principe je
substitue les lètres prononcées aus lètres
non prononcées , come dans les mots lecon
, secrets , second , convent , que j'écris
Leçon , segrets, segond , couvent , j'écris aussi
par la mème raison , condâner , conoltre ,
etc. au lieu de condempner , cognoistre , ou
de condemner, connoistre , etc.... Je préfere
l'és avec l'accent aigu et le s , à l'ez avec
un z , par les raisons détaillées dans les
ABC françois ; la distinction des verbes ,
des participes , des noms pluriels , n'exige
point cète diference , l'Académie Françoise
ne l'a point admise dans la segonde
édition de son dictionaìre , et les partisans
de la vieille ortografe comancent d'écrire
FEVRIER. 1731. 229
crire avec l'è grave procès , succès , etc. aulieu
de procés , succés , avec l'é aigu ou avec
lez , procez , succez , etc. et les prés , aulieu
de prez , etc , il faut esperer qu'il n'en
resteront pas là.
"
Lorsqu'un mot aura plusieurs lètres à
tète ou à queue , come les mots diftinctif,
jurifdiction , infenfibles , style , inftructifs
fillabes , etc. il faut préferer les petits s et
les ct de deus lètres aus grans et aus
d'une piece , pour diminuer le nombre
des tètes et des queues , qui d'un mot en
font une espece de hérisson nuisible au
coup d'euil , et mètre distinctif, jurisdiction
, insensibles , stile , instructif, silabes ,
etc. Quand un mot avec des fou des &
liés se trouve environé d'autres mots
aïant des lètres à tète et à queue , soit
dans la ligne immédiatement au - dessus ,
soit dans la ligne immédiatement au- dessous
, soit dans la mème ligne à droite et
à gauche , il faut encore exclure et banir
les flons , simples ou doubles , la ligature
& , et leur préferer les petits s et les ct
de deus lètres . Je crois que pour pousser
encore un peu plus loin l'essai de la réforme
ortografique , et pour vous épargner
l'examen et la discussion sur l'emploi
, l'usage et le chois des consones courtes
ou longues , simples ou doubles , il
faudra banir totalement dès aujourdui les
Biij lètres
o MERCURE DE FRANCE.
lètres doubles inutiles , les ligatures , et rejeter
parconséquent les & , f, f , f,f, & ,
et leurs semblables , et leur préferer les
ct , st , ss , si , s , et. J'employois la conjonction
et en deus lètres après la virgule ,
et je tolerois ailleurs l' d'une piece ;
mais bien des persones de bon gout , disent
que cet & fait tort aus autres lètres
´et qu'on devroit l'abandoner , de mème
que les autres superfluités , aus maitres
écrivains et aus esprits gotiques , amateurs
et partisans des ligatures et des abréviations
. vous pouvés donc couvrir et condaner
ces sis cassetins pendant l'impression
de la suite des lètres sur la bibliotèque
des enfans , nous vêrons l'éfet que cet essai
produira sur le papier et sur les ieus
des lecteurs , je me regleraí ensuite làdessus
pour l'impression de mon ouvrage.
Je ne voudrois presque jamais employer
les lètres capitales ou majuscules.
dans la suite d'une frase et d'une période
que pour les noms propres , come
Paul , Mogel , Paris , etc. et non dans les
mots apellatifs de quelque nature qu'ils
pussent ètre , come prince , province , cordonier
, cheval , etc. les capitales après un
point et dans la mème frase , doivent
ètre du corps, paraleles aus autres letres,
de mème hauteur et plus petites que la
capitale qui comence la période en chef
et
FEVRIER. 1731. 231
et à la ligne. Lorsque cète petite majuscule
choqueta la vue, come dans les mots
il, on , etc. vous pourés mètre un plus
grand I ou un i du bas de casse , etc.
pour voir sur l'impression l'efet de cète
nouveauté.
و
Je dois dire ici un mot touchant l'exemple
que j'ai doné de la vieille et très -vieille
ortografe à la fin de la sisième lètre ; pour
faire voir d'une maniere sensible que l'ortografe
se raproche peu à peu de la prononciation
, j'ai mis le lecteur , pour ainsi
dire , entre deus extremités , afin de le rendre
plus atentif , et pour lui épargner la
peine d'aler feuilleter les vieus livres que
J'aurois pu citer , je renvoie cte discussion
à la suite des ABC françois. Les petsiones
scandalisées de cete nouvèle et de
cète vieille ortografe , sont priées de ne
pas fournir malgré elles des raisons contre
leur sentiment et leur préjugé .
Tachons de ne pas imiter l'ortografe de
ces fameus écrivains , qui prodigant l'usage
des lètres capitales , come s'ils donoient
des cronogrames , ne font
ne pas dificulté
d'écrire et de faire graver CaBinet , Re-
Ligion , InConftance , MaGiftrat , etc. qui
afectent d'employer le j et le v , au lieu
de l'i et de l'u voyeles dans les silabes initiales
, jl , jls, vn, jlluſtre, vnion, etc. qu'ils
devroient écrire il , ils, un , illustre , union ,
Biiij
..
etc.
232 MERCURE DE FRANCE
etc. ce sont là des fautes dans lesquèles les
imprimeurs ne tombent plus. il y a certains
maitres écrivains , des secretaires ,
des comis et des clercs , qui chérissent encore
leur ignorance sur cet article , il
est mème à craindre qu'ils ne se corigent
point tant que les grans seigneurs et les
maitres de ces scribes seront indiferens
ou prévenus sur l'exactitude de ces remarques
ortografiques.
Quoique le blanc des espaces bien pratiqués
serve à faire paroitre l'impression
plus bèle , on doit éviter le trop grand
nombre de ces espaces qui choquent la
vue lorsqu'ils forment des colones et des
zig- zag qui coupent les lignes ; c'est un
autre défaut que de vouloir remedier à
celuilà en metant des virgules où il n'en
faut point du tout. un compositeur de
bon gout , use sobrement et judicieusement
de la proportion et du nombre des
espaces et de l'usage des virgules , afin de ne
faire aucun tort au coup d'oeil de la bèle
impression , ni au sens du discours .Je trouve
quelquefois dans les livres les quinze
lignes de suite comancées par des lètres
à tète ou à queue , ce qui choque aussi
le coup d'euil , cela n'arivera pas lorsque
vous prendrés de petits s , des et , et des
at de deus lètres , étant dificile qu'il ne
s'en rencontre point à la tète d'une des
quinze
FEVRIER. 1731. 233
fblf
quinze lignes.un défaut encore plus grand
et que vous devés tâcher d'éviter , c'est
la rencontre des queues de la ligne d'en
haut avec les tètes de la ligne d'en bas
come PP , etc. on doit aussi regarder
come un défaut le mélange de
plusieurs lètres à petit ou à gros euil ,
de plusieurs lètres de diferente frape ,
quoique du mème corps ; le mèlange des
caractères neufs avec de vieus caractères
usés , pochés et mutilés , qui ne peuvent
jamais bien marquer tout le corps de la
lètre , ni d'une maniere nète et distincte,,
qui satisfasse le coup d'euil . L'imprimeur
a beau exalter son ouvrage imparfait , il
n'en sera pas cru , et il s'exposera à ètre
soupçoné d'ignorance ou de mauvaise foi.
Je sais bien que tout le monde n'y regarde
pas de si près , mais je sais aussi
qu'il y a de bons et de mauvais ouvriers
dans toute sorte de professions , et que les
bons come vous , qui visent à la perfecsion
, ne négligent rien de ce qui peut
les y conduire ; aucontraire , les ouvriers:
ignorans, indociles , obstinés, pleins d'eusmèmes
et indiferens sur le mieus , vieillissent
dans l'habitude de mal faire ; la
seule avidité du gain s'empare de leur
esprit et les aveugle si fort sur tout le
reste , qu'ils n'ont pas seulement la liberté
de voir que le gain mème se trouve
plus
234 MERCURE DE FRANCE
plus grand à mesure qu'on est plus habile
or on ne peut devenir habile qu'en
cultivant le bon gout et en observant
beaucoup de choses petites séparement ,
mais dont la totalité et l'ensemble , donent
la perfection , et c'est là- dessus que
le public pour son argent a le droit d'admirer
, de choisir , d'aprouver et d'acheter
; ou de mépriser , de condaner et de
rebuter l'ouvrage des auteurs , des imprimeurs
et des relieurs , come des autres
artisans. on poura continuer cète matiere
dans quelque autre ocasion .
Fermer
Résumé : NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
L'auteur d'une lettre discute d'une expérience d'orthographe temporaire appliquée dans des lettres adressées à la bibliothèque des enfants. Il souligne que l'orthographe distingue les hommes et met en garde contre ceux qui se prétendent experts sans réflexion sérieuse. L'auteur note la difficulté de suivre une règle unique en période de confusion orthographique et propose de représenter le son véritable des mots, privilégiant l'oreille sur les yeux. L'auteur a introduit progressivement des changements orthographiques dans ses lettres pour observer la réaction des lecteurs. Il observe que beaucoup s'habituent à cette nouvelle orthographe, bien qu'ils aient du mal à l'appliquer eux-mêmes. Il approuve les autres orthographes pour des raisons pratiques, comme la lecture des dictionnaires et des livres classiques. L'auteur recommande d'enseigner d'abord l'orthographe des sons avant celle des yeux. Il suggère d'apprendre le latin avant le français aux enfants, car le latin est plus cohérent entre la prononciation et l'écriture. Il critique l'orthographe ancienne pour ses règles fausses et équivoques, et plaide pour une orthographe plus vraie et régulière. L'auteur affirme que la nouvelle orthographe facilitera la lecture et réduira les erreurs, surtout pour les enfants, les femmes, les gens de la campagne et les étrangers. Il précise qu'il ne répondra aux critiques que sur la méthode d'enseignement de la lecture et non sur le système orthographique en général. Le texte aborde également des règles orthographiques et typographiques spécifiques. L'auteur préfère l'i grave à l'accent circonflexe pour des raisons pratiques liées à l'impression. Il recommande l'utilisation de l'i grave pour indiquer l'e ouvert dans les voyelles nasales et l'i aigu pour la diphtongue ai lorsqu'elle sonne comme l'é fermé. Il critique l'usage excessif du chevron et des lettres muettes, estimant que l'usage et la pratique du discours suffisent à indiquer les voyelles longues et brèves. L'auteur souligne que l'accent est nécessaire pour éviter les équivoques et faciliter la lecture, notamment pour les enfants et les étrangers. L'auteur prône l'usage du f simple plutôt que ph, sauf dans les noms propres, et la suppression des consonnes redoublées muettes. Il recommande également de retrancher les lettres muettes inutiles et de substituer les lettres prononcées aux lettres non prononcées. Enfin, il préfère l'accent aigu sur l'e dans les mots comme procès et succès, et critique l'usage excessif des accents et des trémas qui rend le texte trop hérissé et pédant. Le texte traite également d'une proposition de réforme orthographique et typographique. L'auteur suggère de simplifier l'orthographe en éliminant les lettres doubles inutiles, les ligatures et certaines consonnes, préférant des combinaisons comme 'ct', 'st', 'ss', 'si', 's' et 'et'. Il recommande également de limiter l'usage des lettres capitales, sauf pour les noms propres, et d'éviter les abus de blancs et de virgules dans les textes imprimés. L'auteur critique l'usage excessif des lettres capitales et des fautes orthographiques commises par certains écrivains et scribes. Il insiste sur l'importance de la qualité typographique, évitant les mélanges de caractères et les défauts d'impression. Le texte se conclut par une réflexion sur la nécessité pour les imprimeurs de cultiver le bon goût et l'habileté pour produire des ouvrages de qualité, afin de mériter l'approbation du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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65
p. 234-240
AVIS.
Début :
Pour la comodité du public, on a divisé le bureau tipographique en quatre classes qui pourront [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Classes, Lettres, Exemplaire, Ordre abécédaire, Leçons, Méthodes vulgaires, Bibliothèque des enfants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS.
AVIS.
la comodité du public , on a divisé le
bureau tipografique en quatre classes qui pouront
ètre vendues et achetées séparément , et les
unes après les autres à mesure que l'enfant croitra
en age et en conoissance.
La premiere classe contient 1 °. une table sans
pié , avec ses rebors dans les deus extremités , er
la tringle ou la regle du derriere sur laquelle on a
imprimé les grandes et les petites lètres dans l'ordre
abécédique , ainsi qu'il a été dit en parlant du
premier bureau tipografique pour un enfant de
deus à trois ans. 2 °. Deus jeus de cartes élémentaires
, c'est- à-dire au dos desquelles on a mis
les grandes et les petites lètres que l'enfant aprend
a. ranger vis-à-vis cèles de la regle sur la table
de ce premier bureau. 3 °. Deus petits cartons élémentaires
contenant huit leçons abécédiques , et
le vrai nom ou la vraiè dénomination des lètres
dans
FEVRIER . 235 1731.
dans un ordre nouveau métodique et facile.
4. Là feuille élémentaire des mèmes combinai
sons et en placard pour le segond exemplaire.
5. Une planche gravée pour le plan des quatre
classes , et du dictionaire du bureau tipografique.
6. une brochure de neuf feuilles sur la
bibliotèque des enfans , etc. et pour l'instruction
préliminaire touchant la métode du bureau tipografique.
7. une cassète de gros cartón , renforcée
de parchemin à tous les angles exterieurs ,
bordés de papier de couleur , et couverte des huir
leçons de la feuille élémentaire. cette cassète sert
à tenir le petit atirail literaire qui doit servir d'a
musement instructif à un enfant de deus à trois:
ans ou au - dessus de cer age. Le tout ne coutera
que
la some de dis livres.
La segonde classe consiste , 1 ° . en une table
sans pié , un peu plus large que celle de la premiere
classe. 2 °. En un casseau de deus rans de cas--
setins. 3 °. En leurs étiquetes tipografiques au bas
de chaque logète pour indiquer l'espece des .
cartes que l'on doit tenir dans ces mèmes logètes.
4. En une garniture de cartes imprimées
pour l'atirail des soissantes logètes , et le tout pour
le pris de vint livres . on rabatra quatre francs à
ceus qui rendront la table de la premiere classe
desorte que la segonde ne leur reviendra qu'à scise:
livres.
La troisieme classe comprend , 1. une table
sans pié. 2 ° . un casseau de quatre rans de logè..
tés ou de cent-vint cassetins. 3. Leurs étiquetes.
tipografiques au bas de chaque celule pour indiquer
les cartes qu'on y doit tenir. 4° . La garniture
des cartes imprimées pour les 120. cassetins:
contenant les grandes et les petites lètres de la
segonde classe , plus les sons simples et compo
sés , les chifres , et tous les signes nécessaires pour
imprimer du latin er du françois sur la table du
B vj
bureau
236 MERCURE DE FRANCE
bureau ; le tout pour la some de
quarante livres , et
l'on rabatra vint francs à ceus qui rendront le bu
reau de la deusième classe , ainsi celui de la
troisième ne leur reviendra qu'à vint livres.
D
La quatrième classe comprend , r . une table
brisée et ferrée , sans pié . 2 ° . Un casseau de sis
rans de cassetins , c'est-à- dire , les quatre rans de.
la troisiéme classe , et les deus rans du rudiment.
pratique. 3º . Les etiquètes de 180. celules. 4
L'assortiment necessaire pour garnir les quatre
rans de l'imprimerie, et les deus rans du rudiment:
pratique de la langue françoise et de la langue latine,
ainsi qu'on l'a détaillé dans la sètiéme lètre
de la bibliotèque des enfans , et cela pour le pris
de quatre-vint dis livres , sur lesquèles on rabatra.
quarante livres aus persones qui rendront le bu
reau de la troisième classe , de sorte que celui de
la quatrième ne leur reviendra qu'à so. livres.
Ceus qui voudront le bureau complet avec un
pié pour la table brisée , ferrée et fermant à clé
doneront une pistole de plus , c'est -à- dire en tout
cent francs ou soissante livres en rendant le bureau.
de la troisième classe ou de quarante livres.
NM le grammairien de Ventabrèn en Provence
, trouvera pour son instruction dans le
Mercure du mois prochain, la critique d'un Professeur
anonime de l'Université de Paris, ennemi
déclaré de la metode du bureau tipografique , et:
fameus champion des métodes vulgaires : en atendant
la réponse à ces deus critiques , le grammairien
est, prié de lire les sis dernieres lètres
sur la bibliotèqu des enfans inserées dans les
Mercures depuis le mois d'octobre dernier jusqu'au
present mois de fevrier. On se flate que
cète ètre radoucira un peu les, adversaires du
bureau tipografique, du moins ceus qui sans prévention
n'agiront que de bone foi et dans la
soule vue du bien public, sur lequel influra ton
jours lapremiere éducation des enfans.
FEVRIER.
173.1. 237
§. 13. A BC FRANÇOIS- LATIN..
Carac- Noms vul. Nomséfectifs ,
teres . gaires et valeur réele.
Figures. souvert veritable
Signes. faus , équi- dénomination
Letres. voques ou
captieus.
Exemplest
A.. a..
B.. b.
a.
be.
ce. C. c.
D. d. de.
E. e.
هن
a.
be.
de.
ce-ka- qu.
c muet.
é fermé.
è ouvert.
Aaron.
bombe.
cecrops.
ode:
juste.
bonté.
procès.
F. f.
effe..
fe. vif.
G.
g. ge. ge-ga-gu.
H. h. ache. he.
gigot.
héros.
I. i. i. i. if.
J. j. j. consone. je -ja .
K. k. Ka, ka-qu.
L. 1. elle. le.
jauge.
quiconque
seul.
M m. emme . me. ame,
N. n. enne. ne. mine.
O. o.
P. P
Q.
q.
R. r.
pe.
qu .
erre
0. 0.
coq..
pe.
qu-ka.
Gap.
quand.
re.
S. f. esse. se- ze.
rire.
Suson.
T. t. t. te- ci.. intention.
U. u. u. u. busc.
V. v. V. consone. ve. vive .
X. X. icse. kse-gze. axe. exil.
Y.
Y. y. grec.
i-ïe.
ny. payen
Z. z. zede . ze -ce.. zést . Usez...
EL & Cle &-et etc. et lui.
Letra
238 MERCURE DE FRANCE
Letres. Noms
vulgaires.
a. a.
e.
Noms Exem
éfectifs.
a . Bala.
e muet. vie.
§.14. TRENTE -DEUS SONS DELA LANGUE FRANÇOISE .
18. sons avec les consones françoises ,
J
1.vfo4ry.aenlçeosises
-V
amouillés 4liquides .12. sons ,6.forts ,6.forbles .s.voyeles naz .9.ordinaires .
i..
éfermé. clarté.
è ouvert
. accès.
Isaïe.
mot. Οι
u. u. une./
eu.se ,
ou. O ,
ü. cu . feu.
ü.. ou. cou.
ajenneja,titre.a.
é, enne;e , titre.é.
i, ennesi, titre.ĩ.
o,enne;o,titre.o.
u,enne;u,titre.ú.
tát.
bié
igrat.
pot.
"
ludi..
d .
come dans l'ABC'françoislatin..
BASEÒN BOX NATÉ
ch. ce , ache. che. chiche
come dans l'AB C. françoislatin.
三晶
ill. i , elle, elle. lhe paille
gn. ( g , enne .. gne, vigne
FEVRIER. 1731. 2397
S. 15. ABC PRONONCE'.
Initial Médial. Final
i.
1..
n.
P
ASJIJE BCAA62
abé,. téatre. Goá.
b. benir. Abel. Raab
cerise. recevoir. croc.
d..
dépit.
élant.
femele.
perdreaus jod
javelot. poste
rafle.. vif.
géất , gai. regard. Agag..
heron.
idée..
j. jujube.
k. kiriele .
Chathuant. ah !
élire . ni.
rejouir.
alkali . talk.
levreau: Alexis. bal.
m.. Mnemosine. Homere. Sem.
Nevers. anerie. Himen.
ognoi. adorer. Cacao.
pelican. adopter. Cap.
q: queue. aquerir. coq.
r. renard.
perdris. mer.
S. saucisse. Samson. as.
t. teton. rectitude. brut.
u. Uranic. chathuant. cocu.
V. Venus. revenir. verve..
X. Xénophon. Alexandre. styx .
y..
Z.
yeus. moyen. Henry.
Zenon. azile. dez à joue
eu. heureus.. demeure. jeu.
1
ou. ouaille.
jalousie.
hibou.
ch . cheval. acheter. hache.
gn. gniole. magnifique. regne.
ill. ailleurs. paille.
oi. oie. envoyé. \ loi.
ui. huile. reduire. lui.
ã. ange, enfance, an.
240 MERCURE DE FRANCE
ĕ. chrétienté. mien.
i. ingrat.
distincte.. vin.
ö. onde.
répondre.
thon .
Hun. lundi. brun.
&t. Ctesias. arctique. aspect.
ft. stile. histoire.
protest.
6. 16 . A B C MUET.
Initial Medial. Final
2. Août. Saone.
b. debte.
plomb.
Jacques .
banc.
d.
advis. nord.
Europe.
nuement. vie.
£. juifve . cléf
Magdelaine. loing.
habit. Jehan.
i.
gaigner..
j.
k. } nul exemple.
1. tiltre. baril.
m.
n.
commode, Montcalm
donner.
Θα oeconome.. choeur.
P. ptisane. baptême. camp.
coqdinde. cocq .
arriver. monsieur.
asne.
paradis.
chathuant .
vuide.
r.
S..
t.
u..
v, &c. nul exemple.
,
& , ét.
Voilà ce que j'avois à dire touchant l'essai de
Portografe passagère , et sur la métode du bureau
tipografique. Il faut apresent se mètre en garde
et songer à parer les coups que l'ignorance , la
prévention et peut -ètrel'envie ou la mauvaise for
méditent de porter contre la nouveauté , la simplicité
et l'utilité decète métode. J'ai l'honeur.etc.
la comodité du public , on a divisé le
bureau tipografique en quatre classes qui pouront
ètre vendues et achetées séparément , et les
unes après les autres à mesure que l'enfant croitra
en age et en conoissance.
La premiere classe contient 1 °. une table sans
pié , avec ses rebors dans les deus extremités , er
la tringle ou la regle du derriere sur laquelle on a
imprimé les grandes et les petites lètres dans l'ordre
abécédique , ainsi qu'il a été dit en parlant du
premier bureau tipografique pour un enfant de
deus à trois ans. 2 °. Deus jeus de cartes élémentaires
, c'est- à-dire au dos desquelles on a mis
les grandes et les petites lètres que l'enfant aprend
a. ranger vis-à-vis cèles de la regle sur la table
de ce premier bureau. 3 °. Deus petits cartons élémentaires
contenant huit leçons abécédiques , et
le vrai nom ou la vraiè dénomination des lètres
dans
FEVRIER . 235 1731.
dans un ordre nouveau métodique et facile.
4. Là feuille élémentaire des mèmes combinai
sons et en placard pour le segond exemplaire.
5. Une planche gravée pour le plan des quatre
classes , et du dictionaire du bureau tipografique.
6. une brochure de neuf feuilles sur la
bibliotèque des enfans , etc. et pour l'instruction
préliminaire touchant la métode du bureau tipografique.
7. une cassète de gros cartón , renforcée
de parchemin à tous les angles exterieurs ,
bordés de papier de couleur , et couverte des huir
leçons de la feuille élémentaire. cette cassète sert
à tenir le petit atirail literaire qui doit servir d'a
musement instructif à un enfant de deus à trois:
ans ou au - dessus de cer age. Le tout ne coutera
que
la some de dis livres.
La segonde classe consiste , 1 ° . en une table
sans pié , un peu plus large que celle de la premiere
classe. 2 °. En un casseau de deus rans de cas--
setins. 3 °. En leurs étiquetes tipografiques au bas
de chaque logète pour indiquer l'espece des .
cartes que l'on doit tenir dans ces mèmes logètes.
4. En une garniture de cartes imprimées
pour l'atirail des soissantes logètes , et le tout pour
le pris de vint livres . on rabatra quatre francs à
ceus qui rendront la table de la premiere classe
desorte que la segonde ne leur reviendra qu'à scise:
livres.
La troisieme classe comprend , 1. une table
sans pié. 2 ° . un casseau de quatre rans de logè..
tés ou de cent-vint cassetins. 3. Leurs étiquetes.
tipografiques au bas de chaque celule pour indiquer
les cartes qu'on y doit tenir. 4° . La garniture
des cartes imprimées pour les 120. cassetins:
contenant les grandes et les petites lètres de la
segonde classe , plus les sons simples et compo
sés , les chifres , et tous les signes nécessaires pour
imprimer du latin er du françois sur la table du
B vj
bureau
236 MERCURE DE FRANCE
bureau ; le tout pour la some de
quarante livres , et
l'on rabatra vint francs à ceus qui rendront le bu
reau de la deusième classe , ainsi celui de la
troisième ne leur reviendra qu'à vint livres.
D
La quatrième classe comprend , r . une table
brisée et ferrée , sans pié . 2 ° . Un casseau de sis
rans de cassetins , c'est-à- dire , les quatre rans de.
la troisiéme classe , et les deus rans du rudiment.
pratique. 3º . Les etiquètes de 180. celules. 4
L'assortiment necessaire pour garnir les quatre
rans de l'imprimerie, et les deus rans du rudiment:
pratique de la langue françoise et de la langue latine,
ainsi qu'on l'a détaillé dans la sètiéme lètre
de la bibliotèque des enfans , et cela pour le pris
de quatre-vint dis livres , sur lesquèles on rabatra.
quarante livres aus persones qui rendront le bu
reau de la troisième classe , de sorte que celui de
la quatrième ne leur reviendra qu'à so. livres.
Ceus qui voudront le bureau complet avec un
pié pour la table brisée , ferrée et fermant à clé
doneront une pistole de plus , c'est -à- dire en tout
cent francs ou soissante livres en rendant le bureau.
de la troisième classe ou de quarante livres.
NM le grammairien de Ventabrèn en Provence
, trouvera pour son instruction dans le
Mercure du mois prochain, la critique d'un Professeur
anonime de l'Université de Paris, ennemi
déclaré de la metode du bureau tipografique , et:
fameus champion des métodes vulgaires : en atendant
la réponse à ces deus critiques , le grammairien
est, prié de lire les sis dernieres lètres
sur la bibliotèqu des enfans inserées dans les
Mercures depuis le mois d'octobre dernier jusqu'au
present mois de fevrier. On se flate que
cète ètre radoucira un peu les, adversaires du
bureau tipografique, du moins ceus qui sans prévention
n'agiront que de bone foi et dans la
soule vue du bien public, sur lequel influra ton
jours lapremiere éducation des enfans.
FEVRIER.
173.1. 237
§. 13. A BC FRANÇOIS- LATIN..
Carac- Noms vul. Nomséfectifs ,
teres . gaires et valeur réele.
Figures. souvert veritable
Signes. faus , équi- dénomination
Letres. voques ou
captieus.
Exemplest
A.. a..
B.. b.
a.
be.
ce. C. c.
D. d. de.
E. e.
هن
a.
be.
de.
ce-ka- qu.
c muet.
é fermé.
è ouvert.
Aaron.
bombe.
cecrops.
ode:
juste.
bonté.
procès.
F. f.
effe..
fe. vif.
G.
g. ge. ge-ga-gu.
H. h. ache. he.
gigot.
héros.
I. i. i. i. if.
J. j. j. consone. je -ja .
K. k. Ka, ka-qu.
L. 1. elle. le.
jauge.
quiconque
seul.
M m. emme . me. ame,
N. n. enne. ne. mine.
O. o.
P. P
Q.
q.
R. r.
pe.
qu .
erre
0. 0.
coq..
pe.
qu-ka.
Gap.
quand.
re.
S. f. esse. se- ze.
rire.
Suson.
T. t. t. te- ci.. intention.
U. u. u. u. busc.
V. v. V. consone. ve. vive .
X. X. icse. kse-gze. axe. exil.
Y.
Y. y. grec.
i-ïe.
ny. payen
Z. z. zede . ze -ce.. zést . Usez...
EL & Cle &-et etc. et lui.
Letra
238 MERCURE DE FRANCE
Letres. Noms
vulgaires.
a. a.
e.
Noms Exem
éfectifs.
a . Bala.
e muet. vie.
§.14. TRENTE -DEUS SONS DELA LANGUE FRANÇOISE .
18. sons avec les consones françoises ,
J
1.vfo4ry.aenlçeosises
-V
amouillés 4liquides .12. sons ,6.forts ,6.forbles .s.voyeles naz .9.ordinaires .
i..
éfermé. clarté.
è ouvert
. accès.
Isaïe.
mot. Οι
u. u. une./
eu.se ,
ou. O ,
ü. cu . feu.
ü.. ou. cou.
ajenneja,titre.a.
é, enne;e , titre.é.
i, ennesi, titre.ĩ.
o,enne;o,titre.o.
u,enne;u,titre.ú.
tát.
bié
igrat.
pot.
"
ludi..
d .
come dans l'ABC'françoislatin..
BASEÒN BOX NATÉ
ch. ce , ache. che. chiche
come dans l'AB C. françoislatin.
三晶
ill. i , elle, elle. lhe paille
gn. ( g , enne .. gne, vigne
FEVRIER. 1731. 2397
S. 15. ABC PRONONCE'.
Initial Médial. Final
i.
1..
n.
P
ASJIJE BCAA62
abé,. téatre. Goá.
b. benir. Abel. Raab
cerise. recevoir. croc.
d..
dépit.
élant.
femele.
perdreaus jod
javelot. poste
rafle.. vif.
géất , gai. regard. Agag..
heron.
idée..
j. jujube.
k. kiriele .
Chathuant. ah !
élire . ni.
rejouir.
alkali . talk.
levreau: Alexis. bal.
m.. Mnemosine. Homere. Sem.
Nevers. anerie. Himen.
ognoi. adorer. Cacao.
pelican. adopter. Cap.
q: queue. aquerir. coq.
r. renard.
perdris. mer.
S. saucisse. Samson. as.
t. teton. rectitude. brut.
u. Uranic. chathuant. cocu.
V. Venus. revenir. verve..
X. Xénophon. Alexandre. styx .
y..
Z.
yeus. moyen. Henry.
Zenon. azile. dez à joue
eu. heureus.. demeure. jeu.
1
ou. ouaille.
jalousie.
hibou.
ch . cheval. acheter. hache.
gn. gniole. magnifique. regne.
ill. ailleurs. paille.
oi. oie. envoyé. \ loi.
ui. huile. reduire. lui.
ã. ange, enfance, an.
240 MERCURE DE FRANCE
ĕ. chrétienté. mien.
i. ingrat.
distincte.. vin.
ö. onde.
répondre.
thon .
Hun. lundi. brun.
&t. Ctesias. arctique. aspect.
ft. stile. histoire.
protest.
6. 16 . A B C MUET.
Initial Medial. Final
2. Août. Saone.
b. debte.
plomb.
Jacques .
banc.
d.
advis. nord.
Europe.
nuement. vie.
£. juifve . cléf
Magdelaine. loing.
habit. Jehan.
i.
gaigner..
j.
k. } nul exemple.
1. tiltre. baril.
m.
n.
commode, Montcalm
donner.
Θα oeconome.. choeur.
P. ptisane. baptême. camp.
coqdinde. cocq .
arriver. monsieur.
asne.
paradis.
chathuant .
vuide.
r.
S..
t.
u..
v, &c. nul exemple.
,
& , ét.
Voilà ce que j'avois à dire touchant l'essai de
Portografe passagère , et sur la métode du bureau
tipografique. Il faut apresent se mètre en garde
et songer à parer les coups que l'ignorance , la
prévention et peut -ètrel'envie ou la mauvaise for
méditent de porter contre la nouveauté , la simplicité
et l'utilité decète métode. J'ai l'honeur.etc.
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Résumé : AVIS.
Le texte décrit une division du bureau typographique en quatre classes, destinées à être vendues et achetées séparément en fonction de l'âge de l'enfant. Chaque classe contient des éléments spécifiques pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. La première classe, pour les enfants de deux à trois ans, inclut une table sans pied avec des lettres imprimées, des jeux de cartes élémentaires, des cartons contenant des leçons abécédiques, une feuille élémentaire, une planche gravée, une brochure sur la bibliothèque des enfants, et une cassette pour ranger le matériel. Le coût total est de dix livres. La deuxième classe comprend une table plus large, un casseau de deux rangs de cassetins, des étiquettes typographiques, et une garniture de cartes imprimées. Le prix est de vingt livres, avec une réduction de quatre francs pour ceux qui rendent la table de la première classe. La troisième classe inclut une table, un casseau de quatre rangs de cassetins, des étiquettes typographiques, et des cartes imprimées pour les cassetins. Le coût est de quarante livres, avec une réduction de vingt francs pour ceux qui rendent le bureau de la deuxième classe. La quatrième classe, la plus complète, comprend une table brisée et ferrée, un casseau de six rangs de cassetins, des étiquettes pour 180 cellules, et un assortiment nécessaire pour l'imprimerie et le rudiment pratique des langues française et latine. Le prix est de quatre-vingt-dix livres, avec une réduction de quarante livres pour ceux qui rendent le bureau de la troisième classe. Le texte mentionne également une critique d'un professeur anonyme de l'Université de Paris, adversaire de la méthode du bureau typographique. Il invite le grammairien de Ventabrèn à lire les lettres sur la bibliothèque des enfants pour se préparer à cette critique. Enfin, le texte liste les lettres de l'alphabet français et latin avec leurs noms vulgaires et effectifs, ainsi que des exemples de mots et des sons de la langue française.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
66
p. 246-261
LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris à un Principal de College de Province, sur l'ABC DE CANDIAC, OU LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, OU LES PREMIERS ELEMENS DES LETTRES, &c.
Début :
Vous voulez donc, Monsieur, que je vous dise mon sentiment sur cette nouvelle Méthode [...]
Mots clefs :
Bibliothèque des enfants, Université de Paris, Bureau typographique, Charlatans, Système abécédaire, Alphabet, Algèbre, Syntaxe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris à un Principal de College de Province, sur l'ABC DE CANDIAC, OU LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, OU LES PREMIERS ELEMENS DES LETTRES, &c.
LETTRE d'un Professeur de l'Univer
sité de Paris à un Principal de College
de Province , sur l'ABC DE CANDIAC,
OU LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS , ou
LES PREMIERS ELEMENS DES LETTRES, & C
Vous voulez donc , Monsieur, que jevous dise mon sentiment sur cette nouvelle Méthode
dont vous avez appris qu'on fait beaucoup
de bruit à Paris depuis environ six mois , que
quelques Principaux ont laissé introduire dans
deux ou trois celebres Colleges de l'Université
et sur laq le Mercure de France a fait imprimer
cinq Lettres dont la premiere est
du mois de Mai , et la cinquiéme du mois d'Octobre
de la presente année 1730.
J'avois cependant résolu de garder un silence
constant à l'égard de l'Anonime , Auteur de ce
nouveau sistême Abécedique , comme je l'ai gardé
à l'égard de tant d'autres Charlatans de la
menuë litterature , qui ont jugé plus à propos
de faire connoître leur nom au Public , en le
faisant imprimer au Frontispice de leurs Livres.
Mais les prieres réïterées que vous me faites , le
désir que j'ai d'empêcher , autant qu'il sera en
moi , plusieurs Enfans de famille , particulierement
ceux qui sont confiés à vos soins , d'être la
dupe de ce nouvel avanturier , l'occasion favorable
FEVRIER . 1731. 247
Table de venger l'insulte qu'il fait à tous les habiles
et honnêtes gens qui suivent une autre maniere
d'enseigner que la sienne , en les accusant
d'ignorance , d'injustice et de vanité ; tout cela
m'engage à parler malgré l'inclination que j'avois
à me taire.
Je vais donc faire trois choses. 1° J'expliquerai
la structure de son Bureau Tipographique , suivant
une Carte imprimée qui m'est tombée entre
les mains , sans quoi vous ne pouvez rien comprendre
non plus que bien d'autres à ce qui en
est dit dans le Mercure que vous avez lû. 2° Je
ferai voir qu'il est impossible d'enseigner et d'apprendre
bien aucune Langue et aucune Science
par le moyen de ce Bureau . 3 ° Qu'un bon Alphabet
est une Méthode au moins aussi facile
aussi courte , aussi avantageuse et bien plus
›
commode pour bien montrer à lire à un Enfant.
.
Figurez -vous donc d'abord , Monsieur , un
ouvrage de menuiserie en forme de Colombier
qu'on attache à un mur à la hauteur d'un Enfant
de 4. à 5. ans. Ce Colombier de bois est
coupé ou partagé en 210. petits ous , sept en
hauteur , et trente en longueur. in nteur de
cette belle piece de menuiserie les appelle tantôt
cassetins et cassetes , tantôt cellules et logetes . Un
de mes amis qui a lû les cinq Lettres sans en
comprendre ni la beauté ni l'utilité , soutient
qu'on devroit plutôt les appeller Boulins , puisque
toute la boisure se nomme Colombier.
Mais quelque nom qu'on veuille donner à ces
trous , il faut sçavoir qu'ils sont à peu près quarrés
selon les trois dimensions , et de telle grandeur
qu'un Enfant y peut faire entrer aisément
sa main. On met dans ces trous des cartes , sur
lesquelles sont écrites differentes choses, La premiere
rangée de 30. trous est posée sur la table
du
248 MERCURE DE FRANCE.
du Bureau , qui est au-dessous , et de la même
longueur ; elle est appellée par l'Auteur Premier
Bureau Abécedique , c'est - à -dire Alphabetique.
Les 26. premiers trous contiennent sur des
cartes les 24. lettres de l'Alphabet , tant petites
que majuscules , et l'j et l'v consonnes ; les 4 .
derniers sont pour l'E æ , l'E ∞ , &t , ff , ft
ch , ph , rh , th : on ne voit pas la raison pourquoi
on appelle premier ce Bureau Abécedique ,
puisqu'il n'y en a point de second qui porte ce
nom.
Quoiqu'il en soit , les deux rangées de trente
logettes ou boulins chacune , qui sont immédiatement
au dessus de la premiere , portent le nom
de Bureau Latin , qu'on auroit pû aussi bien ,
et même encore mieux , nommer Bureau Franfois
, puisque les 2. premieres logettes ne renferment
que les lettres de l'Alphabet , grandes et
petites , Romaines et Italiques , qui sont communes
au François aussi bien qu'au Latin , et que
les 4. suivantes sont pour les e ouverts et fermés
, qui sont propres seulement à la Langue
Françoise. Les 4. dernieres cellules sont destinées
à l'Histoire Sainte et Prophane , à la Géographie
et à la Fable. Vous connoissez donc déja
bien en détail le contenu des 90. premiers cassetins
compris dans les trois premieres rangées.
Montons présentement aux 120. qui nous restent
, et qui sont et dominent les uns sur les au
tres.
La quatrième et cinquiéme rangée porte le beau
titre de Bureau François - Latin , cependant on
ne trouve dans les 60. cellules qui le composent
rien qui soit particulier au Latin , si ce n'est la
Io et la 11. intitulées Tèmes à faire , Tèmes
faits. Voici les étiquetes des 58. autres : 1. à , à ,
2 bb , bb , la 3 , 4 , 7 , 12 , 16 contiennent c ,
>
FEVRIER. 1731. 249
mm ,
d , g , 1 , p doublés comme le b'en Romain et en
Italique. La 5 , 6 , 9 , 17 , 18 , 20 , 21 , 23 , 24
contiennent aussi en Romain et en Italique he ,
ph , hi , qu , rh , th , hu , xc , hy ; la 8. est intitulée
Magasin ; je ne sçais pas pourquoi. La 13
m ; la 14 ñ , nn ; la 15 eau , au ; la 19 ç ;
fç , ff , la 2 2 W , w
, W, vv ; la 25 Livrèt , au
dessus duquel mot il y a écrit 10 10 , et au dessous
15 15 ; cette cassete est aparemment un
reservoir de chifres . ) La 26 &c , & c ; la 27 ai ,
aient , oient ; la 28 æ
et ; la 29 S *
; la 30 contient trois signes
de l'Algebre , qui signifient le moins , le plus ,
l'égalité ; ils ont été mis là , sans doute , afin de
pouvoir faire accroire au Public que par le moyen
de ce Bureau on apprend les principes de l'Algebre
, comme tout le reste . Voilà la rangée inférieure
du prétendu Bureau François-Latin ;
voici la superieure.
J;
> oe , et ,
>
,
,
On trouve dans les I 2
? 3 4 , 6 , 8 et g
cellules les marques ou signes de ponctuation , ;
: .? ! ' apostrophe : les 5 , 7 , 10 , 12 , 13 , 14
et 15 renferment eu , gn , ch , ill , ui , oi , où en
Romain et en Italique. La 11 a les parentheses
( et les crochets [ ] . La 16 20 ã‚ẽ‚í‚õ ,
en Romain et en Italique ; la 21 30 les dix premiers
chiffres , soit Romains , soit Arabiques.
Les deux rangées superieures du Bureau Tipographique
qui sont chacune de 30. cellules comme
les autres portent,pour titreRudiment pratique de
la Langue Latine. C'est là ce qu'on regarde particulierement
comme un Chef- d'oeuvre d'invention
, qui est bien au- dessus de toutes les Méthodes
dont on s'est servi jusqu'à présent pour
enseigner le Latin. Voici néanmoins tout ce que
c'est dans les six premieres logettes de ces deux
dernieres rangées : on voit les cinq Déclinaisons
C latines
250 MERCURE DE FRANCE ,
>
>
as,
Latines a æ &c . les Pronoms latins et françois
ego , je , tu , tu , vous ; ille , il , elle , l'article
hic , ce , cette , ( on auroit du dire le Pronom
demonstratif; ) le Pronom relatif qui , qui , lequel
; les terminaisons , Pronoms , piam , re , les
termin . Noms orum , ibus . Les cinq logettes suivantes
, soit d'enhaut , soit d'enbas contiennent
le Présent , l'Imparfait , le Parfait , le Plusqueparfait
et le Futur , tant de l'Indicatif que du
Subjonctif des Verbes sum , amo , et aparemment
des trois autres Conjugaisons . Voilà déja 22 .
logettes bien marquées. Les deux suivantes sont
pour l'Impératif et l'Infinitif, esto , ama , esse .
amare. Les 25 et 26. pour les Gérondifs et Supins,
amando , amatu , et les Participes ans , ens,
Les 27 et 28 pour les terminaisons actives, o >
α amus , et les passives, or , aris , atur , amur.
Les 29 38. sont pour les Verbes Actifs , Passifs ,
Neutres , Irreguliers , Déponens , Communs
Substantifs , Vocatifs , Reciproques , Irreguliers
( qui sont ici marqués pour la seconde fois )
Defectueux , Impersonels. Les 39 et 40. sont
pour les terminaisons françoises des Verbes , er
des Noms et Pronoms. Les 41 et 42 pour les
Verbes Auxiliaires François. Les 43 et 44. pour
les Noms Substantifs et Articles françois. Les
45 et 46. pour les Adjectifs , Positifs , Comparatifs
et Superlatifs . Les 47 et 48. pour les Pronoms
demonstratifs et Possessifs . Les 49 et 50. pour
les Verbes François et Particules Françoises. Les
51 et 52. pour les Indéclinables in , úbi , vel ,
et autres aparemment. Les 53 et 54. pour les
genres hic homo. Les 55 et 56. pour les Déclinaisons
homo inis. Les 57 et 58. pour les
Conjugaisons amo , avi Atum are. Enfin les
59 et 60. po la Syntaxe , ego amo Deum.
Je ne dou point que cette énumeration des
>
>
logettes
FEVRIER. 17310
251
logettes et de ce qui y est contenu , ne vous ait
fort ennuyé ; je vous en demande pardon ; mais
j'en avois besoin pour prouver la deuxième proposition
que j'avois avancée. Je dis donc en second
lieu que par cette machine de bois en Colombier
, et par tous les Boulins et toutes les lo
gettes dont elle est composée , aucune Langue
ni aucune Science ne peut être bien enseignée
et bien apprise , quoiqu'en disent ses inventeurs
ou ses approbateurs.
Faut-il se mettre en frais pour le prouver , et
n'est-il pas évident à quiconque a du bon sens
que ni la Philosophie , ni la Rhétorique , ni la
Poëtique , ni les Auteurs Grecs et Latins , même
les plus faciles , qu'on fait expliquer dans les
plus basses Classes des Colleges , n'entreront ja
mais dans la tête d'un enfant à l'aide de cette
pure méchanique. Que dis- je ? il est même impossible
d'apprendre à écrire par ce moyen ; aussi
nos bonnes gens paroissent - ils avoir entierement
renoncé d'eux -mêmes à toutes ces connoissances
, puisqu'ils n'y ont pas même consacré une
seule petite logette.
>
Mais du moins diront- ils on apprendra
P'Histoire Sainte et Prophane , la Géographie er
la Fable ; car elles ont chacune leur cellule , qui
sont les quatre dernieres du Bureau Latin.
A cela je réponds qu'on les apprendra à peu
près comme l'Arithmétique et l'Algebre , ausquelles
sont destinées les 25 et 30. logettes de
la deuxième rangée du Bureau François- Latin ;
c'est-à-dire , que quelques Noms propres d'Empereurs
et de Rois , de grands Royaumes et de
grandes Villes , tirés des cellules où on les met-
, pourront entrer et rester dans la mémoire
de l'enfant , s'il en a , et si on a coin de lui rebatre
plusieurs fois la même che Or c'est un
tra
C avanta
252 MERCURE DE FRANCE
avantage qu'on trouvera pour le moins aussi grand
dans quelque Méthode que ce soit , si tout est égal,
soit de la part de l'enfant , soit de celle du Maître
, à moins qu'on ne veuille croire , comme le
croyent, sans doute, ces Messieurs , que les principes
des Arts et des Sciences ont une vertu particuliere
pour s'insinuer dans l'idée et dans la
mémoire d'un enfant , parcequ'ils sont écrits sur
des cartes , et qu'ils ont eu l'attouchement de sa
petite main , et du bois des cellules étroites qui
les tiennent comme en prison.
Mais qui peut douter , diront encore nos gens
enthousiasmés de leur Rudiment Pratique de la
Langue Latine , composé de 60. logettes et d'autant
de cartes pour le moins , qui peut douter
qu'avec un tel secours on n'enseigne et on n'apprenne
bien mieux les déclinaisons des Noms et
des Pronoms , les Conjugaisons de toutes sortes
de Verbes , les Genres , les Préterits , les Supins
et la Syntaxe Latine, qu'on ne les enseigneroit et
ne les apprendroit avec le secours du Rudiment
et des Maîtres ordinaires .
Qui en peut douter ? moi certainement , tant
je suis incrédule. Pour faire voir combien mon
doute est raisonnable , je ne veux que comparer
un endroit de la cinquiéme Lettre de l'Auteur
avec un autre du celebre M. le Fevre , sur la
maniere de faire des interrogations aux enfans.
כ כ
ラン
Lorsqu'on voudra interroger l'écolier sur les
Déclinaisons et sur les Conjugaisons ( dit ´notre
Abécediste dans le Mercure d'Octobre page
» 2123. ) il ne faut pas suivre la Méthode peu
judicicuse de ces Maîtres qui demandent troptôt
, par exemple : Comment fait Musa à
l'accusatif plurier ? Quel est le genitif plurier
de Dominus ? Quelle est la troisiéme personne
» du Futur Indicatif du Verbe amo ? Cominent
dit -on en Latin ils auroient aimé ? &c.
50
FEVRIER. 1731. 253
Voilà les propres paroles du Docteur Tipografique
dont nous avons pris la liberté de changer
l'ortographe , quoique sa troisième partie
du Volume du Maître contienne dit-il , en
trente et tant de pages une Réponse aux raisonnemens
ou aux préjugés de M. l'Abbé Regnier ,
dans son Traité de l'ortografe , et quelques reflexions
sur l'ortographe des Dictionaires de
Richelet , de Furetiere , de Trévoux , de l'Académie
Françoise et de l'Académie d'Espagne.
Ecoutons presentement M. le Fevre. » Comme
de toutes les parties mobiles de l'Oraison ,
n'y en a point de plus difficile que les Verbes
, ( dit-il dans sa Méthode pour commencer
les Humanités , à Paris 1701. page 12. ) il
5
il
faut s'y arrêter aussi beaucoup plus que
» sur les noms , jusqu'à ce que l'enfant puisse
répondre sur le champ , et sans varier , à ces
» petites Questions , par exemple : où est audiet?
et que veut-il dire en françois ? où est audivisset
? Audire ne se trouve - t'il point en plus
d'un ou de deux endroits où est amatum iri?
» &c. Quand une fois l'enfant est bien assuré
là- dessus , il est en beau chemin , si le Maître
» a les qualités qu'il doit avoir.
Ne voit-on pas une manifeste contradiction
entre ces deux manieres d'enseigner les premiers
principes ? Ainsi nous voici dans un défilé d'où
nous ne pouvons sortir qu'en disant que l'une
de ces deux Méthodes est bien plus judicieuse que
l'autre.
Le Buraliste ne manquera pas de soutenir har→
diment que c'est la sienne , et il citera en sa faveur
l'exemple de M. de la Valette , petit-fils de
M. Chirac , qu'il appelle un enfant celebre du
Bureau tipographique , ( page 19. de la seconde
des quatre premieres Lettres qu'il a fait impri-
Cij mer
54 MERCURE DE FRANCE
mer séparément ) ; il citera encore le petit Gos
sard , fils d'un Marchand Tapissier , le fils de
M. Durand , le petit Espagnol Hernandez del
Valle , le petit Guillot , un Savoyard de zo . ans
qui a appris à lire le latin à cet âge , par le moyen
de cette Méthode , ibid. page 20. et 21. Quel
miracle ! Il n'oubliera pas M. Chompré , Maître
de Pension dans la rue des Carmes , qui se sert
du Bureau tipographique pour les enfans ( page
22 ) , ni M. & Mad . Hervé , qui étant , dit-il ,
témoins du progrés surprenant de l'exercice du
Bureau typographique , en ont fait faire un de
quatre rangées de logettes pour Mlle leur fille
page 28 , ni enfin le Cardinal Lugo , qui dés
l'âge de trois ans sçavoit lire les imprimez et les
manuscrits ; ni le Tasse , qui à l'âge de trois ans
commença à étudier la Grammaire , qui fut envoyé
au College des Jesuites dès l'âge de quatre
ans , et fit sous ces habiles Maîtres de si grands.
progrès , qu'à sept ans il sçavoit parfaitement le
Latin et très-passablement le Grec ; ni le petit
Jean- Philippe Baratier de Schwalbach , qui commença
d'apprendre les Lettres avant l'âge de deux
ans , page II . 12. et 20.
Mais sans vouloir examiner tout ce qu'on dit de
tous ces enfans celebres , ni rien rabattre de leur
science prématurée , ne puis-je pas dire avec verité
que tous ces exemples ne font rien en faveur
du Bureau typographique , puisque certainement
ni le petit Lugo , ni le Taffe , ni Baratier , qui
sont les trois plus rares exemples cités , ne sont
point du tout redevables de leurs miraculeux progrès
aux cellules de bois dont la rare invention
est posterieure a
Quant aux autres , outre qu'on ne nous dit
point que le petit Durand et le petit Hernandez
me soient servis du Bureau , et qu'on nous fait
entendre
FEVRIER.
1731. 255
Entendre au contraire qu'ils ont suivi une autre
Méthode ; n'est-il pas évident que leur érudition ,
quelle qu'elle soit , vient plutôt de leur heureux
naturel et de l'habileté de leurs Maîtres , que de la
nouvelle machine Alphabetique.
11 n'en eft pas de même de la Méthode de M. le
Févre , qui étant toute fondée sur la raison et
l'experience , a dû produire et a produit des miracles
, sur tout dans la personne de Mad. Dacier,
sa fille , et d'un fils , qui ayant commencé a apprendre
le Latin et le Grec â dix ans seulement
suivant la pratique de M. le Fevre , qui me paroît
bien fondée , et sçachant alors seulement bien lire
et bien écrire, » lorsqu'il mourut vers la fin de
sa 14 année , avoit lû et expliqué deux fois l'I-
» liade d'un bout à l'autre , et rendoit raison des
parties aussi prestement qu'auroit pû faire un
assez bon Maîrre , sans balancer et sans hesiter
jamais. Il sçavoit aussi l'Eneide de Virgile de
même , Terence , Phedre , les Métamorphoses
» d'Ovide, Saluste, la premiere Comedie de Plau-
» te , la premiere et la seconde d'Aristophane ,
avec les trois premiers Livres de Tite- Live ,
outre les autres petits Auteurs qu'il faut sça-
» voir pour entendre ceux -ci , Eutrope , Aurelius
Victor , Justin , les Fables d'Esope , et les cinq
» Livres Historiques du Nouveau Testament. Ù
avoit encore appris à fond de son pere , qui étoit
aussi son Précepteur , la Grammaire Latine et la
Grecque, et il avoit entamé même l'Hébraïque à
T'âge de 13. ans. Enfin il n'ignoroit ni la Géogra
phie , ni la Chronologie , ni l'Histoire.
Voilà des faits certains et exposez au grand
jour ; voilà des témoins illustres et non suspects
de la bonté de la Méthode de M. le Fevre , qui a
été presque entierement suivie et même perfectionnée
en quelques points dans les meilleurs Col-
Ciiij leges
256 MERCURE DE FRANCE
ges de l'Université. Nos Méchanistes avec leur
Bureau typographique , pousseront- ils un enfant
aussi loin et en si peu de temps, et l'instruiront -ils
d'une maniere aussi solide des premiers principes
de la Langue Grecque , de la Latine , et de la
Françoise ? S'ils sont assez présomptueux , pour
ne pas dire assez fous , pour le promettre, se trous
verat- il quelqu'un qui soit assez sot et assez duppe
pour le croire ? Peut-être que oui , puisque selon
le Poëte Satirique , mais véridique ,
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
Quoiqu'il en soit , nous pouvons conclure présentement
que les Méthodes ordinaires , sur tout
si elles sont semblables à celles de M. le Févre 2
sont bien au-dessus du Rudiment pratique de la
Langue Latine , qui est le troisiéme ou quatrième
Bureau de 60. Logettes , qui fait partie du Bureau
zypographique et general . Je pourois apporter encore
plusieurs raisons invincibles de cette même
verité ; mais je les omets pour abreger et passer
ma troisiéme proposition , d'autant plus que si
je la prouve , comme je l'espere j'aurai prouvé
encore une fois celle -ci . En effet si le Bureau typographique
n'apprend pas mieux à lire qu'un
bon Alphabet , à combien plus forte raison apprendra-
t-il encore moins bien qu'une bonne Mé
thode , les principes des Langues et des Sciences ?
Je dis donc en troisiéme lieu , quand nos Bibliothecaires
typographistes devroient se fâcher ,
que tout cet attirail de cartes écrites sur le dos ,
et de cassettes d'Imprimerie , n'est pas aussi bon
pour apprendre à lire , qu'un Alphabet en bon
ordre et bien digeré. On a vu dans la description
détaillée que nous avons faite du Bureau , qu'on
a sacrifié près de 100. cellules aux Lettres grandes
et petites , Romaines et Italiques , aux consonmes
doubles bb , ce , & c . et à la ponctuation . Un
bon
FEVRIER. 1731 . 257
ba ,
,
bon Alphabet dans les trois ou quatre premieres
pages, contient non - seulement les lettres simples,
mais encore presque toutes les syllabes qu'on peut
former par l'assemblage d'une voyelle et d'une ou
plufieurs consones, comme ,
be bi, bo , bu,
&c. bla, ble, bli, blo, blu , &c . ab , eb, ib, ob , ub ,
&c. ar , er , ir , or , ur , &c. stra , stre , stri ,
stro , stru, &c. L'Enfant les voit d'un coup d'oeil,
et s'accoutume à les prononcer presque lui seul.
par routine , avec le moindre secours du plus petit
Maître d'Ecole.
Or tout cela demande bien du temps dans le
nouveau Systême. Il faut que l'Enfant aille prendre
dans les logettes differentes les lettres qui
composent ces syllabes ; il faut un Maître bien
assidu et bien patient , tel qu'on en trouve peu ,
pour être toujours là present , et empêcher que
Enfant ne se trompe , ou le corriger quand il
s'est trompé.
Un seul Maître d'un médiocre sçavoir et d'une
médiocre exactitude , peut montrer à lire tout
à la fois à une cinquantaine d'Enfans , les obliger
à avoir tous ensemble les fixez sur le
yeux
même endroit , et les faire reprendre les uns par
les autres , ce qui les pique d'honneur et d'émulation
; et quand la leçon est achevée , chacun peut
emporter fon Livre avec foi à la maison , à l'Eglise
, à la promenade , et repasser ce qu'on lui a
fait lire. Le Bureau , au contraire , est très -embarassant
, on ne peut le faire fervir à trois ou
quatre tout à la fois ; il n'est pas portatif , et
P'Enfant , quand il le voudroit , ne pourroit pas
le mettre dans sa poche , il est d'une toute autre
mesure.
Un Alphabet s'achette 4 ou 5. sols ; un Bureau
est d'un bien plus haut prix , sur tout si on le fait
faire d'Ebene, comme l'Auteur semble le conseil-
Cv ley
258 MERCURE DE FRANCE
9A
ler aux Curieux et aux riches , vers la fin de sa
seconde Lettre , page 29. Un Alphabet ordinaire
contient 30 ou 40. pages , il est très -court et
très -clair. L'A B C de Candiac , dont on a obtenu
le privilege , mais qui n'est pas encore imprimé
est divisé en deux volumes qui contiennent 250.
leçons pour trois A B C Latins et trois François,.
et plus de cinq ou six cens pages , suivant le calcul
détaillé fait par l'Auteur , premiere Lettre
page 2 , 3 , 4 et 5. et seconde Let. page 23.et 24 ) .
Ce qu'on a mis dans le Mercure , pour donner
une idée et un précis de cet Ouvrage , est assez
obscur et confus , et à peu près du même gout
que l'Art de transposer toute sorte de Musique
donné au Public par le même Auteur en 1711.
dont deux celebres Musiciens qui l'ont depuis peu
examiné , à ma priere , avec attention , ont jugé
qu'il n'est pas clair , et que la plus grande utilité
qu'on en puisse tirer ,est de l'ignorer Parfaitement.
9%
Enfin un Alphabet ou on trouve des pages.
toutes entieres de syllabes et d'exemples de lectures
qui y sont proposez , peut servir aux Enfans
à bien employer ces premieres années de la vie ,
qui sont si précieuses , et donner matiere d'exercice
à leur mémoire , qui est alors la plus saine et
la plus parfaite de leurs facultez et presque la seule
dont ils puissent faire usage. Par lå on observe ce
beau précepte de Quintilien , ( L. 1. C. 1. ) Non
perdamus primum statim tempus atque eò
minus quod initia litterarum solâ memoriâ
constant; qua non modo jam est in parvis , sed
tum etiam tenacissima est . » Ne souffrons .
point qu'un Enfant perde ses premieres années,
et souffrons-le d'autant moins , que pour ces
commencemens de lettres il ne faut que de la
» mémoire , et que non-seulement les Enfans
en ont , mais qu'ils l'ont même très bonne et
très- fidele.
FEVRIER. 1731. 259
L'Auteur,qui cite quelquefois Quintilien quand
il croit qu'il lui est favorable , ne paroît pas faire
grand cas de ce précepte , puisqu'il ne parle jamais
d'exercer la mémoire des Enfans , et qu'il
paroît même peu approuver cette pratique , Lettre
5. page 2133. Ce qui est de certain , c'est
que son Systême et son Bureau typographique
n'y est point du tout favorable .
En voilà assez pour faire voir que ma troisiéme
proposition n'est pas moins veritable que la seconde,
et que l'Imprimerie en Colombier ne vaut
pas un A B C. bien composé et bien imprimé.
Avant que de finir cette Lettre , je fais une re
marque sur ce que l'Auteur dit , ( L. 2. p. 22. )
» que l'exercice du Bureau tipographique , bien
loin d'exposer les Enfans à être malades et à
rester nains et noüez , faute d'action , les entre
tient au contraire dans une bonne santé, dissipe
» peu à peu l'humeur noueuse qui les empêche de
> croître et leur allonge le corps , les bras et les
»jambes , dans la necessité où ils sont de prendre
» et de remettre les cartes aux plus hauts casse-
» tins du Bureau Typographique.
92
95
ود
Si cet avantage est aussi réel qu'on voudroit
nous le faire croire , pourquoi les Enfans gouvernez
par les Inventeurs de ce Bureau sont -ils
morts entre leurs mains ? Pourquoi le petit Candiac
, qui est si souvent cité dans ces Lettres comme
un prodige , et qui aimoit tant l'exercice du
Bureau Abecedique , n'a-t - il pas vécu au delà de
sa 8 ou 10 année? Au reste cette mort, qui d'une
part a été très-desavantageuse à l'Auteur de l'A
BC de Candiac , en lui enlevant un cher Disci →
ple ; lui a été d'une autre part assez avantageuse,,
puisqu'il peut nous alleguer sans cesse en faveur
de sa Méthode , un témoin que nous ne pouvons
ressusciter. D'ailleurs si on fait tant valoir le Bur
Cvj
ream
26 MERCURE DE FRANCE
reau , parce qu'il donne de l'exercice et de la santé
aux enfans , combien ne doit- on pas estimer
par cet endroit la coutume de les faire aller à pié
matin et soir aux petites Ecoles et aux Colleges ?
Je finis cette Lettre , qui vous paroîtra peutêtre
trop longue , par une reflexion de l'Auteur ,
qui m'a frappé , et qui ne peut manquer d'être
très-utile à un Lecteur judicieux et qui sçait faire
son profit de tout ce qu'il lit. On doit , dit - il ,
» ( L. 2. P. 27. ) regarder comme suspectes les
Méthodes mysterieuses et hierogliphiques , qui
annoncent & promettent des miracles , ou des.
choses au-delà de l'esprit humain : une bonne
Méthode exige la franchise et la generosité
» qu'inspire l'amour du bien public... L'incrédu
→ lité du Public n'est pas sans fondement, on voit
» tant de Charlatans , de visionnaires et d'impos-
» teurs , de toute classe , qu'il y auroit de la foiblesse
, de l'imprudence et même de la folie à
» les croire sur leur parole.
30
à
Quintilien ( L. 1. C. 1. ) après avoir recommandé
aux peres et aux meres de choisir pour
leurs enfans les meilleures Nourrices pour les allaiter
, et les meilleurs enfans de leur âge pour
leur tenir compagnie , ajoûte sur le choix des
Maîtres un précepte qui a beaucoup de rapport
ce qu'on vient de lire . A l'égard des Précepteurs
» qu'on donne aux Eafans , ce que j'ai , dit- il , à
recommander le plus , c'est qu'ils soient veritablement
habiles , ou qu'ils sçachent du moins
qu'ils ne le sont pas car je ne vois rien de
pire au monde , que ces gens , qui parce qu'ils
ont quelque legere teinture de Lettres , s'imaginent
être fort sçavans , et se donnent pour
tels . C'est en vain que vous voudrez les redresser;
ils croyent en sçavoir plus que tous les
Maîtres , et fiers de leur autorité comme ils
sont
FEVRIER . 2.61
173 .
"
5)
» sont ordinairement, ils enseignent leurs sottises
jusqu'à se mettre en fureur contre qui ose les
» contredire , souvent même leur ignorance ne
» nuit pas moins aux moeurs. De padagogis hoc
amplius ( dictum sit, ) ut aut sint eruditi planè,
quam primam esse curam velim aut se non
esse eruditos , sciant. Nihil enim pejus est irs
qui paulum aliquid ultra primas litteras pregressi
, falsam sibi scientia persuasionem induerunt.
Nam et credere pracipiendi peritis
indignantur , er jure quodam potestatis , que
ferè hoc hominum genus intumescit , imperiosi
atque interim savientes , stultitiam suam perdocent.
On voit par là , comme dit un de nos plus excellens
Poëtes , que le monde n'a jamais , manqué
de Charlatans , et que cette Science de tout tems
fut en Professeurs très - fertiles . Je suis , Monsieur
, &c..
sité de Paris à un Principal de College
de Province , sur l'ABC DE CANDIAC,
OU LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS , ou
LES PREMIERS ELEMENS DES LETTRES, & C
Vous voulez donc , Monsieur, que jevous dise mon sentiment sur cette nouvelle Méthode
dont vous avez appris qu'on fait beaucoup
de bruit à Paris depuis environ six mois , que
quelques Principaux ont laissé introduire dans
deux ou trois celebres Colleges de l'Université
et sur laq le Mercure de France a fait imprimer
cinq Lettres dont la premiere est
du mois de Mai , et la cinquiéme du mois d'Octobre
de la presente année 1730.
J'avois cependant résolu de garder un silence
constant à l'égard de l'Anonime , Auteur de ce
nouveau sistême Abécedique , comme je l'ai gardé
à l'égard de tant d'autres Charlatans de la
menuë litterature , qui ont jugé plus à propos
de faire connoître leur nom au Public , en le
faisant imprimer au Frontispice de leurs Livres.
Mais les prieres réïterées que vous me faites , le
désir que j'ai d'empêcher , autant qu'il sera en
moi , plusieurs Enfans de famille , particulierement
ceux qui sont confiés à vos soins , d'être la
dupe de ce nouvel avanturier , l'occasion favorable
FEVRIER . 1731. 247
Table de venger l'insulte qu'il fait à tous les habiles
et honnêtes gens qui suivent une autre maniere
d'enseigner que la sienne , en les accusant
d'ignorance , d'injustice et de vanité ; tout cela
m'engage à parler malgré l'inclination que j'avois
à me taire.
Je vais donc faire trois choses. 1° J'expliquerai
la structure de son Bureau Tipographique , suivant
une Carte imprimée qui m'est tombée entre
les mains , sans quoi vous ne pouvez rien comprendre
non plus que bien d'autres à ce qui en
est dit dans le Mercure que vous avez lû. 2° Je
ferai voir qu'il est impossible d'enseigner et d'apprendre
bien aucune Langue et aucune Science
par le moyen de ce Bureau . 3 ° Qu'un bon Alphabet
est une Méthode au moins aussi facile
aussi courte , aussi avantageuse et bien plus
›
commode pour bien montrer à lire à un Enfant.
.
Figurez -vous donc d'abord , Monsieur , un
ouvrage de menuiserie en forme de Colombier
qu'on attache à un mur à la hauteur d'un Enfant
de 4. à 5. ans. Ce Colombier de bois est
coupé ou partagé en 210. petits ous , sept en
hauteur , et trente en longueur. in nteur de
cette belle piece de menuiserie les appelle tantôt
cassetins et cassetes , tantôt cellules et logetes . Un
de mes amis qui a lû les cinq Lettres sans en
comprendre ni la beauté ni l'utilité , soutient
qu'on devroit plutôt les appeller Boulins , puisque
toute la boisure se nomme Colombier.
Mais quelque nom qu'on veuille donner à ces
trous , il faut sçavoir qu'ils sont à peu près quarrés
selon les trois dimensions , et de telle grandeur
qu'un Enfant y peut faire entrer aisément
sa main. On met dans ces trous des cartes , sur
lesquelles sont écrites differentes choses, La premiere
rangée de 30. trous est posée sur la table
du
248 MERCURE DE FRANCE.
du Bureau , qui est au-dessous , et de la même
longueur ; elle est appellée par l'Auteur Premier
Bureau Abécedique , c'est - à -dire Alphabetique.
Les 26. premiers trous contiennent sur des
cartes les 24. lettres de l'Alphabet , tant petites
que majuscules , et l'j et l'v consonnes ; les 4 .
derniers sont pour l'E æ , l'E ∞ , &t , ff , ft
ch , ph , rh , th : on ne voit pas la raison pourquoi
on appelle premier ce Bureau Abécedique ,
puisqu'il n'y en a point de second qui porte ce
nom.
Quoiqu'il en soit , les deux rangées de trente
logettes ou boulins chacune , qui sont immédiatement
au dessus de la premiere , portent le nom
de Bureau Latin , qu'on auroit pû aussi bien ,
et même encore mieux , nommer Bureau Franfois
, puisque les 2. premieres logettes ne renferment
que les lettres de l'Alphabet , grandes et
petites , Romaines et Italiques , qui sont communes
au François aussi bien qu'au Latin , et que
les 4. suivantes sont pour les e ouverts et fermés
, qui sont propres seulement à la Langue
Françoise. Les 4. dernieres cellules sont destinées
à l'Histoire Sainte et Prophane , à la Géographie
et à la Fable. Vous connoissez donc déja
bien en détail le contenu des 90. premiers cassetins
compris dans les trois premieres rangées.
Montons présentement aux 120. qui nous restent
, et qui sont et dominent les uns sur les au
tres.
La quatrième et cinquiéme rangée porte le beau
titre de Bureau François - Latin , cependant on
ne trouve dans les 60. cellules qui le composent
rien qui soit particulier au Latin , si ce n'est la
Io et la 11. intitulées Tèmes à faire , Tèmes
faits. Voici les étiquetes des 58. autres : 1. à , à ,
2 bb , bb , la 3 , 4 , 7 , 12 , 16 contiennent c ,
>
FEVRIER. 1731. 249
mm ,
d , g , 1 , p doublés comme le b'en Romain et en
Italique. La 5 , 6 , 9 , 17 , 18 , 20 , 21 , 23 , 24
contiennent aussi en Romain et en Italique he ,
ph , hi , qu , rh , th , hu , xc , hy ; la 8. est intitulée
Magasin ; je ne sçais pas pourquoi. La 13
m ; la 14 ñ , nn ; la 15 eau , au ; la 19 ç ;
fç , ff , la 2 2 W , w
, W, vv ; la 25 Livrèt , au
dessus duquel mot il y a écrit 10 10 , et au dessous
15 15 ; cette cassete est aparemment un
reservoir de chifres . ) La 26 &c , & c ; la 27 ai ,
aient , oient ; la 28 æ
et ; la 29 S *
; la 30 contient trois signes
de l'Algebre , qui signifient le moins , le plus ,
l'égalité ; ils ont été mis là , sans doute , afin de
pouvoir faire accroire au Public que par le moyen
de ce Bureau on apprend les principes de l'Algebre
, comme tout le reste . Voilà la rangée inférieure
du prétendu Bureau François-Latin ;
voici la superieure.
J;
> oe , et ,
>
,
,
On trouve dans les I 2
? 3 4 , 6 , 8 et g
cellules les marques ou signes de ponctuation , ;
: .? ! ' apostrophe : les 5 , 7 , 10 , 12 , 13 , 14
et 15 renferment eu , gn , ch , ill , ui , oi , où en
Romain et en Italique. La 11 a les parentheses
( et les crochets [ ] . La 16 20 ã‚ẽ‚í‚õ ,
en Romain et en Italique ; la 21 30 les dix premiers
chiffres , soit Romains , soit Arabiques.
Les deux rangées superieures du Bureau Tipographique
qui sont chacune de 30. cellules comme
les autres portent,pour titreRudiment pratique de
la Langue Latine. C'est là ce qu'on regarde particulierement
comme un Chef- d'oeuvre d'invention
, qui est bien au- dessus de toutes les Méthodes
dont on s'est servi jusqu'à présent pour
enseigner le Latin. Voici néanmoins tout ce que
c'est dans les six premieres logettes de ces deux
dernieres rangées : on voit les cinq Déclinaisons
C latines
250 MERCURE DE FRANCE ,
>
>
as,
Latines a æ &c . les Pronoms latins et françois
ego , je , tu , tu , vous ; ille , il , elle , l'article
hic , ce , cette , ( on auroit du dire le Pronom
demonstratif; ) le Pronom relatif qui , qui , lequel
; les terminaisons , Pronoms , piam , re , les
termin . Noms orum , ibus . Les cinq logettes suivantes
, soit d'enhaut , soit d'enbas contiennent
le Présent , l'Imparfait , le Parfait , le Plusqueparfait
et le Futur , tant de l'Indicatif que du
Subjonctif des Verbes sum , amo , et aparemment
des trois autres Conjugaisons . Voilà déja 22 .
logettes bien marquées. Les deux suivantes sont
pour l'Impératif et l'Infinitif, esto , ama , esse .
amare. Les 25 et 26. pour les Gérondifs et Supins,
amando , amatu , et les Participes ans , ens,
Les 27 et 28 pour les terminaisons actives, o >
α amus , et les passives, or , aris , atur , amur.
Les 29 38. sont pour les Verbes Actifs , Passifs ,
Neutres , Irreguliers , Déponens , Communs
Substantifs , Vocatifs , Reciproques , Irreguliers
( qui sont ici marqués pour la seconde fois )
Defectueux , Impersonels. Les 39 et 40. sont
pour les terminaisons françoises des Verbes , er
des Noms et Pronoms. Les 41 et 42 pour les
Verbes Auxiliaires François. Les 43 et 44. pour
les Noms Substantifs et Articles françois. Les
45 et 46. pour les Adjectifs , Positifs , Comparatifs
et Superlatifs . Les 47 et 48. pour les Pronoms
demonstratifs et Possessifs . Les 49 et 50. pour
les Verbes François et Particules Françoises. Les
51 et 52. pour les Indéclinables in , úbi , vel ,
et autres aparemment. Les 53 et 54. pour les
genres hic homo. Les 55 et 56. pour les Déclinaisons
homo inis. Les 57 et 58. pour les
Conjugaisons amo , avi Atum are. Enfin les
59 et 60. po la Syntaxe , ego amo Deum.
Je ne dou point que cette énumeration des
>
>
logettes
FEVRIER. 17310
251
logettes et de ce qui y est contenu , ne vous ait
fort ennuyé ; je vous en demande pardon ; mais
j'en avois besoin pour prouver la deuxième proposition
que j'avois avancée. Je dis donc en second
lieu que par cette machine de bois en Colombier
, et par tous les Boulins et toutes les lo
gettes dont elle est composée , aucune Langue
ni aucune Science ne peut être bien enseignée
et bien apprise , quoiqu'en disent ses inventeurs
ou ses approbateurs.
Faut-il se mettre en frais pour le prouver , et
n'est-il pas évident à quiconque a du bon sens
que ni la Philosophie , ni la Rhétorique , ni la
Poëtique , ni les Auteurs Grecs et Latins , même
les plus faciles , qu'on fait expliquer dans les
plus basses Classes des Colleges , n'entreront ja
mais dans la tête d'un enfant à l'aide de cette
pure méchanique. Que dis- je ? il est même impossible
d'apprendre à écrire par ce moyen ; aussi
nos bonnes gens paroissent - ils avoir entierement
renoncé d'eux -mêmes à toutes ces connoissances
, puisqu'ils n'y ont pas même consacré une
seule petite logette.
>
Mais du moins diront- ils on apprendra
P'Histoire Sainte et Prophane , la Géographie er
la Fable ; car elles ont chacune leur cellule , qui
sont les quatre dernieres du Bureau Latin.
A cela je réponds qu'on les apprendra à peu
près comme l'Arithmétique et l'Algebre , ausquelles
sont destinées les 25 et 30. logettes de
la deuxième rangée du Bureau François- Latin ;
c'est-à-dire , que quelques Noms propres d'Empereurs
et de Rois , de grands Royaumes et de
grandes Villes , tirés des cellules où on les met-
, pourront entrer et rester dans la mémoire
de l'enfant , s'il en a , et si on a coin de lui rebatre
plusieurs fois la même che Or c'est un
tra
C avanta
252 MERCURE DE FRANCE
avantage qu'on trouvera pour le moins aussi grand
dans quelque Méthode que ce soit , si tout est égal,
soit de la part de l'enfant , soit de celle du Maître
, à moins qu'on ne veuille croire , comme le
croyent, sans doute, ces Messieurs , que les principes
des Arts et des Sciences ont une vertu particuliere
pour s'insinuer dans l'idée et dans la
mémoire d'un enfant , parcequ'ils sont écrits sur
des cartes , et qu'ils ont eu l'attouchement de sa
petite main , et du bois des cellules étroites qui
les tiennent comme en prison.
Mais qui peut douter , diront encore nos gens
enthousiasmés de leur Rudiment Pratique de la
Langue Latine , composé de 60. logettes et d'autant
de cartes pour le moins , qui peut douter
qu'avec un tel secours on n'enseigne et on n'apprenne
bien mieux les déclinaisons des Noms et
des Pronoms , les Conjugaisons de toutes sortes
de Verbes , les Genres , les Préterits , les Supins
et la Syntaxe Latine, qu'on ne les enseigneroit et
ne les apprendroit avec le secours du Rudiment
et des Maîtres ordinaires .
Qui en peut douter ? moi certainement , tant
je suis incrédule. Pour faire voir combien mon
doute est raisonnable , je ne veux que comparer
un endroit de la cinquiéme Lettre de l'Auteur
avec un autre du celebre M. le Fevre , sur la
maniere de faire des interrogations aux enfans.
כ כ
ラン
Lorsqu'on voudra interroger l'écolier sur les
Déclinaisons et sur les Conjugaisons ( dit ´notre
Abécediste dans le Mercure d'Octobre page
» 2123. ) il ne faut pas suivre la Méthode peu
judicicuse de ces Maîtres qui demandent troptôt
, par exemple : Comment fait Musa à
l'accusatif plurier ? Quel est le genitif plurier
de Dominus ? Quelle est la troisiéme personne
» du Futur Indicatif du Verbe amo ? Cominent
dit -on en Latin ils auroient aimé ? &c.
50
FEVRIER. 1731. 253
Voilà les propres paroles du Docteur Tipografique
dont nous avons pris la liberté de changer
l'ortographe , quoique sa troisième partie
du Volume du Maître contienne dit-il , en
trente et tant de pages une Réponse aux raisonnemens
ou aux préjugés de M. l'Abbé Regnier ,
dans son Traité de l'ortografe , et quelques reflexions
sur l'ortographe des Dictionaires de
Richelet , de Furetiere , de Trévoux , de l'Académie
Françoise et de l'Académie d'Espagne.
Ecoutons presentement M. le Fevre. » Comme
de toutes les parties mobiles de l'Oraison ,
n'y en a point de plus difficile que les Verbes
, ( dit-il dans sa Méthode pour commencer
les Humanités , à Paris 1701. page 12. ) il
5
il
faut s'y arrêter aussi beaucoup plus que
» sur les noms , jusqu'à ce que l'enfant puisse
répondre sur le champ , et sans varier , à ces
» petites Questions , par exemple : où est audiet?
et que veut-il dire en françois ? où est audivisset
? Audire ne se trouve - t'il point en plus
d'un ou de deux endroits où est amatum iri?
» &c. Quand une fois l'enfant est bien assuré
là- dessus , il est en beau chemin , si le Maître
» a les qualités qu'il doit avoir.
Ne voit-on pas une manifeste contradiction
entre ces deux manieres d'enseigner les premiers
principes ? Ainsi nous voici dans un défilé d'où
nous ne pouvons sortir qu'en disant que l'une
de ces deux Méthodes est bien plus judicieuse que
l'autre.
Le Buraliste ne manquera pas de soutenir har→
diment que c'est la sienne , et il citera en sa faveur
l'exemple de M. de la Valette , petit-fils de
M. Chirac , qu'il appelle un enfant celebre du
Bureau tipographique , ( page 19. de la seconde
des quatre premieres Lettres qu'il a fait impri-
Cij mer
54 MERCURE DE FRANCE
mer séparément ) ; il citera encore le petit Gos
sard , fils d'un Marchand Tapissier , le fils de
M. Durand , le petit Espagnol Hernandez del
Valle , le petit Guillot , un Savoyard de zo . ans
qui a appris à lire le latin à cet âge , par le moyen
de cette Méthode , ibid. page 20. et 21. Quel
miracle ! Il n'oubliera pas M. Chompré , Maître
de Pension dans la rue des Carmes , qui se sert
du Bureau tipographique pour les enfans ( page
22 ) , ni M. & Mad . Hervé , qui étant , dit-il ,
témoins du progrés surprenant de l'exercice du
Bureau typographique , en ont fait faire un de
quatre rangées de logettes pour Mlle leur fille
page 28 , ni enfin le Cardinal Lugo , qui dés
l'âge de trois ans sçavoit lire les imprimez et les
manuscrits ; ni le Tasse , qui à l'âge de trois ans
commença à étudier la Grammaire , qui fut envoyé
au College des Jesuites dès l'âge de quatre
ans , et fit sous ces habiles Maîtres de si grands.
progrès , qu'à sept ans il sçavoit parfaitement le
Latin et très-passablement le Grec ; ni le petit
Jean- Philippe Baratier de Schwalbach , qui commença
d'apprendre les Lettres avant l'âge de deux
ans , page II . 12. et 20.
Mais sans vouloir examiner tout ce qu'on dit de
tous ces enfans celebres , ni rien rabattre de leur
science prématurée , ne puis-je pas dire avec verité
que tous ces exemples ne font rien en faveur
du Bureau typographique , puisque certainement
ni le petit Lugo , ni le Taffe , ni Baratier , qui
sont les trois plus rares exemples cités , ne sont
point du tout redevables de leurs miraculeux progrès
aux cellules de bois dont la rare invention
est posterieure a
Quant aux autres , outre qu'on ne nous dit
point que le petit Durand et le petit Hernandez
me soient servis du Bureau , et qu'on nous fait
entendre
FEVRIER.
1731. 255
Entendre au contraire qu'ils ont suivi une autre
Méthode ; n'est-il pas évident que leur érudition ,
quelle qu'elle soit , vient plutôt de leur heureux
naturel et de l'habileté de leurs Maîtres , que de la
nouvelle machine Alphabetique.
11 n'en eft pas de même de la Méthode de M. le
Févre , qui étant toute fondée sur la raison et
l'experience , a dû produire et a produit des miracles
, sur tout dans la personne de Mad. Dacier,
sa fille , et d'un fils , qui ayant commencé a apprendre
le Latin et le Grec â dix ans seulement
suivant la pratique de M. le Fevre , qui me paroît
bien fondée , et sçachant alors seulement bien lire
et bien écrire, » lorsqu'il mourut vers la fin de
sa 14 année , avoit lû et expliqué deux fois l'I-
» liade d'un bout à l'autre , et rendoit raison des
parties aussi prestement qu'auroit pû faire un
assez bon Maîrre , sans balancer et sans hesiter
jamais. Il sçavoit aussi l'Eneide de Virgile de
même , Terence , Phedre , les Métamorphoses
» d'Ovide, Saluste, la premiere Comedie de Plau-
» te , la premiere et la seconde d'Aristophane ,
avec les trois premiers Livres de Tite- Live ,
outre les autres petits Auteurs qu'il faut sça-
» voir pour entendre ceux -ci , Eutrope , Aurelius
Victor , Justin , les Fables d'Esope , et les cinq
» Livres Historiques du Nouveau Testament. Ù
avoit encore appris à fond de son pere , qui étoit
aussi son Précepteur , la Grammaire Latine et la
Grecque, et il avoit entamé même l'Hébraïque à
T'âge de 13. ans. Enfin il n'ignoroit ni la Géogra
phie , ni la Chronologie , ni l'Histoire.
Voilà des faits certains et exposez au grand
jour ; voilà des témoins illustres et non suspects
de la bonté de la Méthode de M. le Fevre , qui a
été presque entierement suivie et même perfectionnée
en quelques points dans les meilleurs Col-
Ciiij leges
256 MERCURE DE FRANCE
ges de l'Université. Nos Méchanistes avec leur
Bureau typographique , pousseront- ils un enfant
aussi loin et en si peu de temps, et l'instruiront -ils
d'une maniere aussi solide des premiers principes
de la Langue Grecque , de la Latine , et de la
Françoise ? S'ils sont assez présomptueux , pour
ne pas dire assez fous , pour le promettre, se trous
verat- il quelqu'un qui soit assez sot et assez duppe
pour le croire ? Peut-être que oui , puisque selon
le Poëte Satirique , mais véridique ,
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
Quoiqu'il en soit , nous pouvons conclure présentement
que les Méthodes ordinaires , sur tout
si elles sont semblables à celles de M. le Févre 2
sont bien au-dessus du Rudiment pratique de la
Langue Latine , qui est le troisiéme ou quatrième
Bureau de 60. Logettes , qui fait partie du Bureau
zypographique et general . Je pourois apporter encore
plusieurs raisons invincibles de cette même
verité ; mais je les omets pour abreger et passer
ma troisiéme proposition , d'autant plus que si
je la prouve , comme je l'espere j'aurai prouvé
encore une fois celle -ci . En effet si le Bureau typographique
n'apprend pas mieux à lire qu'un
bon Alphabet , à combien plus forte raison apprendra-
t-il encore moins bien qu'une bonne Mé
thode , les principes des Langues et des Sciences ?
Je dis donc en troisiéme lieu , quand nos Bibliothecaires
typographistes devroient se fâcher ,
que tout cet attirail de cartes écrites sur le dos ,
et de cassettes d'Imprimerie , n'est pas aussi bon
pour apprendre à lire , qu'un Alphabet en bon
ordre et bien digeré. On a vu dans la description
détaillée que nous avons faite du Bureau , qu'on
a sacrifié près de 100. cellules aux Lettres grandes
et petites , Romaines et Italiques , aux consonmes
doubles bb , ce , & c . et à la ponctuation . Un
bon
FEVRIER. 1731 . 257
ba ,
,
bon Alphabet dans les trois ou quatre premieres
pages, contient non - seulement les lettres simples,
mais encore presque toutes les syllabes qu'on peut
former par l'assemblage d'une voyelle et d'une ou
plufieurs consones, comme ,
be bi, bo , bu,
&c. bla, ble, bli, blo, blu , &c . ab , eb, ib, ob , ub ,
&c. ar , er , ir , or , ur , &c. stra , stre , stri ,
stro , stru, &c. L'Enfant les voit d'un coup d'oeil,
et s'accoutume à les prononcer presque lui seul.
par routine , avec le moindre secours du plus petit
Maître d'Ecole.
Or tout cela demande bien du temps dans le
nouveau Systême. Il faut que l'Enfant aille prendre
dans les logettes differentes les lettres qui
composent ces syllabes ; il faut un Maître bien
assidu et bien patient , tel qu'on en trouve peu ,
pour être toujours là present , et empêcher que
Enfant ne se trompe , ou le corriger quand il
s'est trompé.
Un seul Maître d'un médiocre sçavoir et d'une
médiocre exactitude , peut montrer à lire tout
à la fois à une cinquantaine d'Enfans , les obliger
à avoir tous ensemble les fixez sur le
yeux
même endroit , et les faire reprendre les uns par
les autres , ce qui les pique d'honneur et d'émulation
; et quand la leçon est achevée , chacun peut
emporter fon Livre avec foi à la maison , à l'Eglise
, à la promenade , et repasser ce qu'on lui a
fait lire. Le Bureau , au contraire , est très -embarassant
, on ne peut le faire fervir à trois ou
quatre tout à la fois ; il n'est pas portatif , et
P'Enfant , quand il le voudroit , ne pourroit pas
le mettre dans sa poche , il est d'une toute autre
mesure.
Un Alphabet s'achette 4 ou 5. sols ; un Bureau
est d'un bien plus haut prix , sur tout si on le fait
faire d'Ebene, comme l'Auteur semble le conseil-
Cv ley
258 MERCURE DE FRANCE
9A
ler aux Curieux et aux riches , vers la fin de sa
seconde Lettre , page 29. Un Alphabet ordinaire
contient 30 ou 40. pages , il est très -court et
très -clair. L'A B C de Candiac , dont on a obtenu
le privilege , mais qui n'est pas encore imprimé
est divisé en deux volumes qui contiennent 250.
leçons pour trois A B C Latins et trois François,.
et plus de cinq ou six cens pages , suivant le calcul
détaillé fait par l'Auteur , premiere Lettre
page 2 , 3 , 4 et 5. et seconde Let. page 23.et 24 ) .
Ce qu'on a mis dans le Mercure , pour donner
une idée et un précis de cet Ouvrage , est assez
obscur et confus , et à peu près du même gout
que l'Art de transposer toute sorte de Musique
donné au Public par le même Auteur en 1711.
dont deux celebres Musiciens qui l'ont depuis peu
examiné , à ma priere , avec attention , ont jugé
qu'il n'est pas clair , et que la plus grande utilité
qu'on en puisse tirer ,est de l'ignorer Parfaitement.
9%
Enfin un Alphabet ou on trouve des pages.
toutes entieres de syllabes et d'exemples de lectures
qui y sont proposez , peut servir aux Enfans
à bien employer ces premieres années de la vie ,
qui sont si précieuses , et donner matiere d'exercice
à leur mémoire , qui est alors la plus saine et
la plus parfaite de leurs facultez et presque la seule
dont ils puissent faire usage. Par lå on observe ce
beau précepte de Quintilien , ( L. 1. C. 1. ) Non
perdamus primum statim tempus atque eò
minus quod initia litterarum solâ memoriâ
constant; qua non modo jam est in parvis , sed
tum etiam tenacissima est . » Ne souffrons .
point qu'un Enfant perde ses premieres années,
et souffrons-le d'autant moins , que pour ces
commencemens de lettres il ne faut que de la
» mémoire , et que non-seulement les Enfans
en ont , mais qu'ils l'ont même très bonne et
très- fidele.
FEVRIER. 1731. 259
L'Auteur,qui cite quelquefois Quintilien quand
il croit qu'il lui est favorable , ne paroît pas faire
grand cas de ce précepte , puisqu'il ne parle jamais
d'exercer la mémoire des Enfans , et qu'il
paroît même peu approuver cette pratique , Lettre
5. page 2133. Ce qui est de certain , c'est
que son Systême et son Bureau typographique
n'y est point du tout favorable .
En voilà assez pour faire voir que ma troisiéme
proposition n'est pas moins veritable que la seconde,
et que l'Imprimerie en Colombier ne vaut
pas un A B C. bien composé et bien imprimé.
Avant que de finir cette Lettre , je fais une re
marque sur ce que l'Auteur dit , ( L. 2. p. 22. )
» que l'exercice du Bureau tipographique , bien
loin d'exposer les Enfans à être malades et à
rester nains et noüez , faute d'action , les entre
tient au contraire dans une bonne santé, dissipe
» peu à peu l'humeur noueuse qui les empêche de
> croître et leur allonge le corps , les bras et les
»jambes , dans la necessité où ils sont de prendre
» et de remettre les cartes aux plus hauts casse-
» tins du Bureau Typographique.
92
95
ود
Si cet avantage est aussi réel qu'on voudroit
nous le faire croire , pourquoi les Enfans gouvernez
par les Inventeurs de ce Bureau sont -ils
morts entre leurs mains ? Pourquoi le petit Candiac
, qui est si souvent cité dans ces Lettres comme
un prodige , et qui aimoit tant l'exercice du
Bureau Abecedique , n'a-t - il pas vécu au delà de
sa 8 ou 10 année? Au reste cette mort, qui d'une
part a été très-desavantageuse à l'Auteur de l'A
BC de Candiac , en lui enlevant un cher Disci →
ple ; lui a été d'une autre part assez avantageuse,,
puisqu'il peut nous alleguer sans cesse en faveur
de sa Méthode , un témoin que nous ne pouvons
ressusciter. D'ailleurs si on fait tant valoir le Bur
Cvj
ream
26 MERCURE DE FRANCE
reau , parce qu'il donne de l'exercice et de la santé
aux enfans , combien ne doit- on pas estimer
par cet endroit la coutume de les faire aller à pié
matin et soir aux petites Ecoles et aux Colleges ?
Je finis cette Lettre , qui vous paroîtra peutêtre
trop longue , par une reflexion de l'Auteur ,
qui m'a frappé , et qui ne peut manquer d'être
très-utile à un Lecteur judicieux et qui sçait faire
son profit de tout ce qu'il lit. On doit , dit - il ,
» ( L. 2. P. 27. ) regarder comme suspectes les
Méthodes mysterieuses et hierogliphiques , qui
annoncent & promettent des miracles , ou des.
choses au-delà de l'esprit humain : une bonne
Méthode exige la franchise et la generosité
» qu'inspire l'amour du bien public... L'incrédu
→ lité du Public n'est pas sans fondement, on voit
» tant de Charlatans , de visionnaires et d'impos-
» teurs , de toute classe , qu'il y auroit de la foiblesse
, de l'imprudence et même de la folie à
» les croire sur leur parole.
30
à
Quintilien ( L. 1. C. 1. ) après avoir recommandé
aux peres et aux meres de choisir pour
leurs enfans les meilleures Nourrices pour les allaiter
, et les meilleurs enfans de leur âge pour
leur tenir compagnie , ajoûte sur le choix des
Maîtres un précepte qui a beaucoup de rapport
ce qu'on vient de lire . A l'égard des Précepteurs
» qu'on donne aux Eafans , ce que j'ai , dit- il , à
recommander le plus , c'est qu'ils soient veritablement
habiles , ou qu'ils sçachent du moins
qu'ils ne le sont pas car je ne vois rien de
pire au monde , que ces gens , qui parce qu'ils
ont quelque legere teinture de Lettres , s'imaginent
être fort sçavans , et se donnent pour
tels . C'est en vain que vous voudrez les redresser;
ils croyent en sçavoir plus que tous les
Maîtres , et fiers de leur autorité comme ils
sont
FEVRIER . 2.61
173 .
"
5)
» sont ordinairement, ils enseignent leurs sottises
jusqu'à se mettre en fureur contre qui ose les
» contredire , souvent même leur ignorance ne
» nuit pas moins aux moeurs. De padagogis hoc
amplius ( dictum sit, ) ut aut sint eruditi planè,
quam primam esse curam velim aut se non
esse eruditos , sciant. Nihil enim pejus est irs
qui paulum aliquid ultra primas litteras pregressi
, falsam sibi scientia persuasionem induerunt.
Nam et credere pracipiendi peritis
indignantur , er jure quodam potestatis , que
ferè hoc hominum genus intumescit , imperiosi
atque interim savientes , stultitiam suam perdocent.
On voit par là , comme dit un de nos plus excellens
Poëtes , que le monde n'a jamais , manqué
de Charlatans , et que cette Science de tout tems
fut en Professeurs très - fertiles . Je suis , Monsieur
, &c..
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Résumé : LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris à un Principal de College de Province, sur l'ABC DE CANDIAC, OU LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, OU LES PREMIERS ELEMENS DES LETTRES, &c.
Un professeur de l'Université de Paris adresse une lettre à un principal de collège de province pour discuter de la méthode d'enseignement appelée l'ABC de Candiac, qui a suscité des débats à Paris et a été adoptée dans certains collèges renommés. Cette méthode utilise un dispositif nommé Bureau Tipographique, composé de 210 compartiments contenant des cartes avec des lettres, des mots et des symboles. Le dispositif est organisé en plusieurs rangées dédiées à l'alphabet, au français, au latin, et à d'autres matières comme l'histoire et la géographie. Le professeur critique cette méthode, estimant qu'il est impossible d'enseigner correctement une langue ou une science par un moyen mécanique. Il remet en question l'idée que cette méthode faciliterait l'apprentissage des déclinaisons latines et des conjugaisons, comparant les recommandations de l'auteur de l'ABC de Candiac à celles de M. le Fevre, un éminent pédagogue. Le professeur conclut que les méthodes traditionnelles, avec un bon alphabet et des maîtres compétents, sont plus efficaces pour enseigner aux enfants. Le texte compare ensuite le Bureau typographique à la méthode de M. le Fevre. Le buraliste, promoteur du Bureau typographique, cite des exemples d'enfants célèbres ayant appris à lire grâce à cette méthode, mais le texte conteste la validité de ces exemples. Il souligne que des figures historiques comme le Cardinal Lugo et le Tasse n'ont pas utilisé le Bureau typographique. Le texte met en avant la méthode de M. le Fevre, basée sur la raison et l'expérience, et cite l'exemple de sa fille, Madame Dacier, et de son fils, qui ont fait des progrès remarquables en latin et en grec avec cette méthode. Le texte critique le Bureau typographique, le jugeant moins efficace qu'un bon alphabet bien structuré. Il souligne que le Bureau est encombrant, non portatif et coûteux, tandis qu'un alphabet est économique et pratique. Il conclut que les méthodes ordinaires, comme celle de M. le Fevre, sont supérieures au Bureau typographique pour enseigner la lecture et les principes des langues et des sciences. Enfin, le texte aborde les défauts des pédagogues et l'impact négatif de leur ignorance sur les mœurs. Il souligne que ces enseignants propagent souvent des sottises et se mettent en colère face à la contradiction. Leur manque de savoir peut nuire aux valeurs morales. Le texte insiste sur l'importance que les pédagogues soient soit très érudits, soit conscients de leur manque de connaissances. Il critique ceux qui, ayant acquis une fausse idée de leur savoir, se croient supérieurs et refusent d'apprendre des experts. Ces individus, gonflés d'un sentiment de pouvoir, se montrent arrogants et enseignent leur propre sottise. Le texte conclut en citant un poète qui affirme que le monde a toujours été rempli de charlatans et que cette 'science' a toujours trouvé des professeurs en abondance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 296-299
« REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
Début :
REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...]
Mots clefs :
Règles, Cantiques, Instruction, Prière, Observations, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
REGLES CHRETIENNES pour faire
saintement toutes ses actions , dressées
en faveur des Enfans qui se font instruire
dans les Ecoles Chrétiennes . Outrès
- utile à toutes sortes de pervrage
sonnes qui veulent vivre dans la vraye
pieté
FEVRIER. 1731 297
pieté en Jesus-Christ , divisé en deux
Parties. Derniere Edition. Qua in juventute
tuâ non congregasti , quomodo in senectute
tuâ invenies ? Eccl. 25. 27. Com- 25.27.
ment trouverez- vous dans votre vieillesse
les vertus que vous n'aurez point acquises
dans votre jeunesse ? A Paris , chez
Gabr. Charles Berton , proche S. Nicolas
du Chardonnet , 1731.
CANTIQUES SPIRITUELS , sut
plusieurs points importans de la Religion
et de la Morale Chrétienne , pour les
Catéchismes et les Missions. Sur les plus
beaux Airs anciens et nouveaux.Vol.in 8.
A Paris , chez le même , 1731 .
INSTRUCTION Chrétienne pour les
personnes qui aspirent au Mariage , ou
qui y sont déja engagées. Avec un Traité
de l'Education Chrétienne des enfans
tirée de S. Jean Chrysostôme. In 12.
Nouvelle Edition , revûë et augmentée.
Idem.
PRIERE qui se chante aux Eglises
de S. Paul et de l'Oratoire , et à plusieurs
Paroisses , depuis le Samedi de devant
le premier Dimanche de l'Avent , jusqu'à
la veille de Noël inclusivement , avec
les Antiennes appellées O de Noël. Chez
le même Libraire.
E Nou298
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE METHODE pour réfùter
l'établissement des Eglises Prétendues
Réformées et de leur Religion , et pour
deffendre la stabilité de l'Eglise et de la
"Religion Catholique , Apostolique , et
Romaine dans sa possession perpetuelle .
Par M. Chardon de Lugny , Prêtre , Député
du Roi et du Clergé de France pour
les Controverses . Quay des Augustins ,
chez les freres Osmont , 1730. in 12 .
MEMOIRE Sur l'Article 497. de la
Coûtume de Bretagne , au sujet de la'
Subornation des filles mineures. A Paris ,
ruë de la Huchette , chez la Veuve Knapen,
1730. Brochure in folio .
OBSERVATIONS CURIEUSES Sur
toutes les parties de la Physique , extraites
et recueillies des meilleurs Auteurs .
Rue S. Jacques , chez Cl. Fombert , 1730 .
in 12. de cinq cens quatre-vingt six pages.
Tome troisiéme.
GRAMMAIRE HEBRAIQUE sans
points. Par M. Masclef, Chanoine d'Amiens.
Seconde Edition , dans laquelle
l'Auteur a ajoûté trois autres Grammaires,
suivant le même Méthode , sçavoir , · la
Chaldaïque , la Syriaque et la Samaritaine .
Chez
FEVRIER. 1731. 299
Chez la veuve Paulus Dumesnil , rue Fromentel
, prés la Puits Certain , 1731. in
12. 2. vol . en Latin.
LES PRINCIPES DE LA NATURE
ou de la Generation des choses , par
M. Colonne . Chez André Cailleau , Pont
S. Michel , 1730. in 12.
INSTRUCTION D'UN PERE A SON FILS ,
sur la maniere de se conduire dans le
monde , dédiée à la Reine . Par M. Dupuy,
cy-devant Secretaire au Traité de la Paix
de Riswick. Chez J. Etienne , ruë S. Jacques
, 1730. in 12 .
HISTOIRE de Mademoiselle de
la Charce , de la Maison de la Tour du
Pin , en Dauphiné , ou Memoires de ce
qui s'est passé sous le Regne de Louis XIV.
Quay des Augustins , chez P. Gandouin,
1731. in 12.
saintement toutes ses actions , dressées
en faveur des Enfans qui se font instruire
dans les Ecoles Chrétiennes . Outrès
- utile à toutes sortes de pervrage
sonnes qui veulent vivre dans la vraye
pieté
FEVRIER. 1731 297
pieté en Jesus-Christ , divisé en deux
Parties. Derniere Edition. Qua in juventute
tuâ non congregasti , quomodo in senectute
tuâ invenies ? Eccl. 25. 27. Com- 25.27.
ment trouverez- vous dans votre vieillesse
les vertus que vous n'aurez point acquises
dans votre jeunesse ? A Paris , chez
Gabr. Charles Berton , proche S. Nicolas
du Chardonnet , 1731.
CANTIQUES SPIRITUELS , sut
plusieurs points importans de la Religion
et de la Morale Chrétienne , pour les
Catéchismes et les Missions. Sur les plus
beaux Airs anciens et nouveaux.Vol.in 8.
A Paris , chez le même , 1731 .
INSTRUCTION Chrétienne pour les
personnes qui aspirent au Mariage , ou
qui y sont déja engagées. Avec un Traité
de l'Education Chrétienne des enfans
tirée de S. Jean Chrysostôme. In 12.
Nouvelle Edition , revûë et augmentée.
Idem.
PRIERE qui se chante aux Eglises
de S. Paul et de l'Oratoire , et à plusieurs
Paroisses , depuis le Samedi de devant
le premier Dimanche de l'Avent , jusqu'à
la veille de Noël inclusivement , avec
les Antiennes appellées O de Noël. Chez
le même Libraire.
E Nou298
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE METHODE pour réfùter
l'établissement des Eglises Prétendues
Réformées et de leur Religion , et pour
deffendre la stabilité de l'Eglise et de la
"Religion Catholique , Apostolique , et
Romaine dans sa possession perpetuelle .
Par M. Chardon de Lugny , Prêtre , Député
du Roi et du Clergé de France pour
les Controverses . Quay des Augustins ,
chez les freres Osmont , 1730. in 12 .
MEMOIRE Sur l'Article 497. de la
Coûtume de Bretagne , au sujet de la'
Subornation des filles mineures. A Paris ,
ruë de la Huchette , chez la Veuve Knapen,
1730. Brochure in folio .
OBSERVATIONS CURIEUSES Sur
toutes les parties de la Physique , extraites
et recueillies des meilleurs Auteurs .
Rue S. Jacques , chez Cl. Fombert , 1730 .
in 12. de cinq cens quatre-vingt six pages.
Tome troisiéme.
GRAMMAIRE HEBRAIQUE sans
points. Par M. Masclef, Chanoine d'Amiens.
Seconde Edition , dans laquelle
l'Auteur a ajoûté trois autres Grammaires,
suivant le même Méthode , sçavoir , · la
Chaldaïque , la Syriaque et la Samaritaine .
Chez
FEVRIER. 1731. 299
Chez la veuve Paulus Dumesnil , rue Fromentel
, prés la Puits Certain , 1731. in
12. 2. vol . en Latin.
LES PRINCIPES DE LA NATURE
ou de la Generation des choses , par
M. Colonne . Chez André Cailleau , Pont
S. Michel , 1730. in 12.
INSTRUCTION D'UN PERE A SON FILS ,
sur la maniere de se conduire dans le
monde , dédiée à la Reine . Par M. Dupuy,
cy-devant Secretaire au Traité de la Paix
de Riswick. Chez J. Etienne , ruë S. Jacques
, 1730. in 12 .
HISTOIRE de Mademoiselle de
la Charce , de la Maison de la Tour du
Pin , en Dauphiné , ou Memoires de ce
qui s'est passé sous le Regne de Louis XIV.
Quay des Augustins , chez P. Gandouin,
1731. in 12.
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Résumé : « REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
Le document énumère des publications et textes imprimés en 1730 et 1731. Parmi les ouvrages religieux figurent les 'Règles chrétiennes' pour enfants et adultes, les 'Cantiques spirituels' pour les catéchismes et missions, et une 'Instruction chrétienne' pour les couples mariés ou futurs mariés. Il mentionne aussi des prières chantées pendant l'Avent. En dehors des publications religieuses, le texte inclut des ouvrages variés tels qu'une 'Nouvelle méthode' pour réfuter les Églises réformées, un 'Mémoire' sur un article de la coutume de Bretagne, des 'Observations curieuses' sur la physique, une 'Grammaire hébraïque' avec des grammaires supplémentaires, les 'Principes de la nature' sur la génération des choses, une 'Instruction d'un père à son fils' sur la conduite dans le monde, et l''Histoire de Mademoiselle de la Charce' relatant des événements sous le règne de Louis XIV. Ces publications proviennent de divers libraires et éditeurs à Paris et dans d'autres régions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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68
p. 692-701
RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
Début :
Bièn des jans sansés, Monsieur, ont cru que votre critique étoìt une fixion [...]
Mots clefs :
Nouvelle orthographe, Bureau typographique, Critique, Méthode, Réponse, Expérience, Innovation, Système
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
REPONSE d'un partisan de la nouvèle
ortografe , et du bureau tipografique
à la letre d'un gramairien de Provance
, datée de Ventabrén le 2. d'octobre
1730. et insérée dans le Mercure du
mois de Janvier 1731 .
' èn des jins sansés , Monsieur , ont
Betcru que votre critique étoit une fixion
de l'auteur des lètres sur la bibliotèque
des anfans ; d'autres ont dit qu'elle
étoit sortie d'un fameus colège , et sans
aucun fondemant l'ont atribuée à un très
habile professeur , dont la vraie critique
n'a
AVRIL. 1731. 693
n'a paru que dans le mois de fevrier.
De quelque androit qu'elle viène , d'autres
l'aïant trouvée pitoyable , ont dit
que ce seroit lui faire trop d'honeur que
d'y répondre sérieusement : d'autres , et
c'est le vulgaire , ont cru que par cette
critique le bureau aloit ètre ranversé de
fond en conble. La réponse n'est donc
nécessaire que pour ceus qui donent toujours
l'avantage au dernier qui parle ; mais
meritent- ils cette atancion ? oui , il faut
écouter tout le monde , bien loin de rebuter
quelcun ; le nonbre des persones
prévenues contre les nouvèles métodes , et
des adversaires du bureau tipografique ,
n'est ancore que trop grand , il faut avoir
de la condesçandance mème pour les esprits
les plus foibles , c'est donc en leur
faveur que je done cette petite réponse
assés inutile pour les vrais lecteurs qui
lisent avec reflexion .
Les homes divisés presque sur tout ,
ne le sont pas moins sur la nature deş
critiques et sur celle des ouvrages critiqués
. Les uns croient que les meilleurs
t livres gagnent par les critiques , ils n'en
exceptent pas le Cid , et les autres pensent
qu'une critique augmante toujours
en quelque manière la prévansion de la
splupart des lecteurs , mème sur la Pucelle
, etc. il pouroit y avoir du vrai dans
ces
394 MERCURE DE FRANCE
ces deus jugemans , les combinaisons du
fisic et du moral ou des circonstances an
décident ordinairemant.
Quoiqu'il an soit , on étoit déja surpris
qu'il n'ût paru aucun adversaire contre
la métode du bureau tipografique , anoncée
et expliquée dans tous les Mercures de
France , depuis le segond volume de juîn
dernier car le préjujé pour mètre tout
à profit , tire d'abor avantage du silance
gardé sur la nouveauté de quelque métode
, et conclut de ce silance , qu'elle ne
merite pas d'être critiquée : et si au contraire
il paroit des critiques , les esprits
prévenus ne saisissent et n'adoptent gue
res de ces critiques , que les raisons specieuses
qui paroissent favorables à leur
prévansion ; aveuglés sur la suite des plus
forts raisonemans , ils s'acoutument à une
espece de voile au travers duquel ne peuvent
passer les rayons les plus lumineus .
Si l'on avoit done gardé un profond
silance sur la métode du bureau tipografique
, beaucoup de persones l'auroint
peut- être mise au rang des métodes avanturées
, dont la seule lecture a dégouté et
mal prévenu le public , c'est donc un
avantage pour le sistème tipografique de
trouver des adversaires , qui contre leur
insinuation , randent le bureau plus conu
et plus recherché , après la lecture des
critiques et des réponses.
AVRIL. 1731.
69.5
Pour revenir à votre lètre , j'aurai l'honeur
de vous dire , Monsieur , que la cour
et la vile en donant favorablement audiance
aus diferans invanteurs an fait
d'art et de sciance , prouvent le bon gour
du siecle et celui du ministre. Les plus
grans personages du royaume , santent la
foiblesse de l'esprit humain , ils voient
tous les jours les besoins où nous somes
de cantité de choses pour la comodité
du public , devez -vous donc ètre surpris
d'aprendre qu'ils écoutent tout ce qu'on
leur propose; qu'ils donent toujours du
courage , souvant des éloges et mème
quelquefois des récompanses aus homes
ingenieus et invantifs , cette généreuse
conduite de la part des grans et de la
cour , inspire de nobles sentimens d'émulation
et nous raproche peu à peu de
la perfection des arts. il n'y a rien là qui
ne fasse honeur aus protecteurs et aus persones
protegées. Les plaintes contre les
abus et l'imperfection des métodes vulgaires
sont des mieus fondées , le mal est
reconu du public qui en fait l'experiance,
cela vous regarde , Monsieur, et м vos confreres
, il s'agit de trouver du remede au
mal conu , et c'est la principale fin que
s'est proposée l'auteur du sistème tipogra
fique.
rs
Je n'antre point dans le détail des afi
ches
696 MERCURE DE FRANCE
ches qui promètent des miracles literaires
, et dont vous paroissés scandalisé ,
mais j'aurois du moins souhaité que vous
ussiés atandu d'ètre mieus instruit sur la
métode du bureau tipografique , que vous
ussiés un peu plus médité votre matiere,
ou un peu plus déferé au témoignage de
l'experiance , car c'est la meilleure des afiches.
Bien loin de vous contanter de simples
exclamacions et de lieus comuns qui
ne prouvent rien , vous auriés du ataquer
le fond du sistème tipografique , mais
coment ataquer ce qu'on ne comprant
pas ? tâchez donc de comprandre , je me
Alate que la lecture des neuf lètres sur la
bibliotèque des enfans vous donera tous
les éclaircissemans que vous demandés ; il
vous est licite et permis , au reste , d'ètre
dificile et peu crédule sur les ouvrages des
nouvèles métodes , mais vous me permetrés
, s'il vous plait , de vous dire que
vous ne devriés pas paroître si extasié des
vieilles métodes dont le decri est de notorieté
publique dans votre province et
peut ètre à Véntabrén mème .
Un critique , M. a beau vouloir faire
le plaisant , il n'est pas toujours sur d'avoir
les rieurs de son côté . voici ce qu'une
persone d'esprit, après avoir lu votre critique
, écrivit à l'auteur des lètres sur la
bibliotèque des enfans.
Je
AVRIL: 1731. 697
Je vous fais mon conpliment , monsieur , sur
la bèle satire que j'ai lue contre vous dans le mercure
de France du mois de janvier ; je ne saí si avec
votre bon esprit vous feriés mieus santir le faus
et le ridicule de ces critiques et de leurs métodes
que le fait cette lètre , quel domage si on l'avoit
suprimée ! il est pourtant vrai que c'est le conble
de l'extravagance.
Je vois avec regret que vous n'avés
pas bien conpris ce que l'auteur a dit sur
l'ortografe des sons ou de l'oreille , vous
avés cela de comun avec le plus grand
nonbre des maîtres de paris mème , come
vous , ils se scandalisent , ils s'anportent,
ils donent des sènes dignes du métier ,
plutôt que de rougir utilemant , et de
songer à s'instruire , du moins en secret ,
de ce qu'ils ignorent , la chose leur seroit
aisée , puisque des enfans en peu de
mois devienent docteurs sur l'article
des sons de la langue et de l'ortografe
de l'oreille qui doit préceder la pratique
de l'ortografe des ïeus et de
l'usage. ces maitres prévenus et obstinés
autant que vous pouriez l'ètre , bien loin
de dire au Seigneur , Domine ut videam ,
apèlent lumiere leurs propres tenèbres et
ne font que batre la campagne sans comprandre
, sans saisir , sans retenir et sans
Suivre le point essenciel du burau tipografique.
vous serés peut- être convaincu
de cette verité quand vous aurés lu les
derniers мercures. D Je
*
698 MERCURE DE FRANCE
Je ne saí quelle idée vous avés du mot
charlatan , mais je doute que vous vou-
Jussiés califier ainsi un home qui au lieu
d'aler chés lui ou dans votre voisinage
jouir de toutes les comodités de la vie
et de la douceur du climat , soufre patiament
le rude séjour de paris dans la
seule esperanse de faire gouter au public
l'ouvrage qu'il souhaite de lui ofrir ; un
home qui emploie ses épargnes à faire
copier , graver , imprimer bien des choses
qu'il distribue ansuite gratis aus rìches
come aus pauvres , aus enemis come
aus amis du burau tipografique , ainsi
qu'il l'a déja pratiqué à l'égard de la brochure
donée en 1711. sur la transposition
de la musique instrumentale ; un home
qui bien loin de demander ou d'accepter
le privilege exclusif pour la vante
des buraus et de leurs garnitures , ofre
de mettre tout le monde au fait de cet
ouvrage et de cette métode ; enfin un
home qui jusqu'ici n'a pas touché un sou
pour les buraus et qui au contraire les a
pretés à ceus qui an ont voulu faire l'experiance.
si vous disiés qu'un tel auteur
est frapé et entousiasme de son ouvrage
et de la chimere du bien public , votre
reflexion aus feus de bien des jans auroit
pour lors plus de fondemant ; mais c'est
une injustice de confondre sous le nomde
charAVRI
L.. 1731.
699
charlatan , ccus qui agissent de bone foi
et par gout pour le bien public.
Vous n'ètes pas plus heureus , M. dans
le comentaire sur la celebre Charmante
de la foire , que sur l'ortografe des sons
que vous ignorés come le plus grand nonbre
de м M. vos confreres. il apert donc
visiblement que vous ne vous ètes jamais
élevé au- dessus de la métode vulgaire et
que vous devriés la respecter cette métode
, mème dans la fameuse chiène , car
je doute qu'une bète dressée par un maitre
ordinaire , pût jamais operer selon le
sistème des sons aussi aisément que selon
le sistème des lètres ; mais remarqués ,
s'il vous plaît , que la métode d'inprimer
lètre à lètre et de ranger , par example ,
sèt cartes pour le mot ouaille , est propremant
la métode vulgaire , la métode
de la chiène lètrée , ou la vôtre qui est
la segonde et moindre des quatre classes
du burau tipografique ; c'est pourquoi
l'auteur conseille de la passer vite come
presque inutile et peu instructive , au lieu
qu'inprimant son à son , et selon la troisième
classe du burau , un enfant de trois
à quatre ans ne metra que trois cartes
pour les trois sons du mot ou- a- ille , lequel
exercice done d'abord la lecture ,
puisque nomer les trois sons ou - a- ille , oų
lire le mot ouaille , c'est la mème chose ,
D ij apa-
380106
700 MERCURE DE FRANCE
aparamant vous ne comprandrés pas ceci ,
et la posterité canine ne poura jamais antreprandre
de l'imiter, que quand ce sistèmedes
sons sera devenu vulgaire.
Je ne vous suis point , M..dans toutes
vos reflexions , elles ont été faites à paris
come à Véntabrén , il y a ici du préjugé,
de la prévention , ect. mais il y a aussi
du gout pour la verité , pour la justice
et pour le bien public , après tout je me
flate que la suite des Mercures et la critique
du savant professeur anonime de
l'université de Paris , vous auront réconcilié
avec le burau tipografique , suposé
que vous soyés bien intancioné et que
vous aimiés la verité , sur tout quand vous
aprandrés par le témoignage mème de
cet habile professeur , que des principaus
de mérite et des plus respectables de l'université
ont laissé introduire l'usage du
burau dans leurs colèges , si malgré cette
de fait et d'autorité , preuve assés
forte pour les maitres qui se piquent bien
plus de latinité et d'autorité que de justesse
de raisonement , si malgré votre
droiture et ce témoignage de la bouche
d'un critique home d'esprit et de merite,
vous regimbés contre l'aiguillon , s'il
vous reste quelque doute et que vous en
fassiés part au public , je tacheraí d'y répondre
de mon mieus , dans la vue de
preuve
conAVRIL.
1731. 701
concourir à la perfection du sistème tipografique
et de vous persuader combien
je suis , etc.
D'un Cabinet tipografique ce 26.Mars 1731
ortografe , et du bureau tipografique
à la letre d'un gramairien de Provance
, datée de Ventabrén le 2. d'octobre
1730. et insérée dans le Mercure du
mois de Janvier 1731 .
' èn des jins sansés , Monsieur , ont
Betcru que votre critique étoit une fixion
de l'auteur des lètres sur la bibliotèque
des anfans ; d'autres ont dit qu'elle
étoit sortie d'un fameus colège , et sans
aucun fondemant l'ont atribuée à un très
habile professeur , dont la vraie critique
n'a
AVRIL. 1731. 693
n'a paru que dans le mois de fevrier.
De quelque androit qu'elle viène , d'autres
l'aïant trouvée pitoyable , ont dit
que ce seroit lui faire trop d'honeur que
d'y répondre sérieusement : d'autres , et
c'est le vulgaire , ont cru que par cette
critique le bureau aloit ètre ranversé de
fond en conble. La réponse n'est donc
nécessaire que pour ceus qui donent toujours
l'avantage au dernier qui parle ; mais
meritent- ils cette atancion ? oui , il faut
écouter tout le monde , bien loin de rebuter
quelcun ; le nonbre des persones
prévenues contre les nouvèles métodes , et
des adversaires du bureau tipografique ,
n'est ancore que trop grand , il faut avoir
de la condesçandance mème pour les esprits
les plus foibles , c'est donc en leur
faveur que je done cette petite réponse
assés inutile pour les vrais lecteurs qui
lisent avec reflexion .
Les homes divisés presque sur tout ,
ne le sont pas moins sur la nature deş
critiques et sur celle des ouvrages critiqués
. Les uns croient que les meilleurs
t livres gagnent par les critiques , ils n'en
exceptent pas le Cid , et les autres pensent
qu'une critique augmante toujours
en quelque manière la prévansion de la
splupart des lecteurs , mème sur la Pucelle
, etc. il pouroit y avoir du vrai dans
ces
394 MERCURE DE FRANCE
ces deus jugemans , les combinaisons du
fisic et du moral ou des circonstances an
décident ordinairemant.
Quoiqu'il an soit , on étoit déja surpris
qu'il n'ût paru aucun adversaire contre
la métode du bureau tipografique , anoncée
et expliquée dans tous les Mercures de
France , depuis le segond volume de juîn
dernier car le préjujé pour mètre tout
à profit , tire d'abor avantage du silance
gardé sur la nouveauté de quelque métode
, et conclut de ce silance , qu'elle ne
merite pas d'être critiquée : et si au contraire
il paroit des critiques , les esprits
prévenus ne saisissent et n'adoptent gue
res de ces critiques , que les raisons specieuses
qui paroissent favorables à leur
prévansion ; aveuglés sur la suite des plus
forts raisonemans , ils s'acoutument à une
espece de voile au travers duquel ne peuvent
passer les rayons les plus lumineus .
Si l'on avoit done gardé un profond
silance sur la métode du bureau tipografique
, beaucoup de persones l'auroint
peut- être mise au rang des métodes avanturées
, dont la seule lecture a dégouté et
mal prévenu le public , c'est donc un
avantage pour le sistème tipografique de
trouver des adversaires , qui contre leur
insinuation , randent le bureau plus conu
et plus recherché , après la lecture des
critiques et des réponses.
AVRIL. 1731.
69.5
Pour revenir à votre lètre , j'aurai l'honeur
de vous dire , Monsieur , que la cour
et la vile en donant favorablement audiance
aus diferans invanteurs an fait
d'art et de sciance , prouvent le bon gour
du siecle et celui du ministre. Les plus
grans personages du royaume , santent la
foiblesse de l'esprit humain , ils voient
tous les jours les besoins où nous somes
de cantité de choses pour la comodité
du public , devez -vous donc ètre surpris
d'aprendre qu'ils écoutent tout ce qu'on
leur propose; qu'ils donent toujours du
courage , souvant des éloges et mème
quelquefois des récompanses aus homes
ingenieus et invantifs , cette généreuse
conduite de la part des grans et de la
cour , inspire de nobles sentimens d'émulation
et nous raproche peu à peu de
la perfection des arts. il n'y a rien là qui
ne fasse honeur aus protecteurs et aus persones
protegées. Les plaintes contre les
abus et l'imperfection des métodes vulgaires
sont des mieus fondées , le mal est
reconu du public qui en fait l'experiance,
cela vous regarde , Monsieur, et м vos confreres
, il s'agit de trouver du remede au
mal conu , et c'est la principale fin que
s'est proposée l'auteur du sistème tipogra
fique.
rs
Je n'antre point dans le détail des afi
ches
696 MERCURE DE FRANCE
ches qui promètent des miracles literaires
, et dont vous paroissés scandalisé ,
mais j'aurois du moins souhaité que vous
ussiés atandu d'ètre mieus instruit sur la
métode du bureau tipografique , que vous
ussiés un peu plus médité votre matiere,
ou un peu plus déferé au témoignage de
l'experiance , car c'est la meilleure des afiches.
Bien loin de vous contanter de simples
exclamacions et de lieus comuns qui
ne prouvent rien , vous auriés du ataquer
le fond du sistème tipografique , mais
coment ataquer ce qu'on ne comprant
pas ? tâchez donc de comprandre , je me
Alate que la lecture des neuf lètres sur la
bibliotèque des enfans vous donera tous
les éclaircissemans que vous demandés ; il
vous est licite et permis , au reste , d'ètre
dificile et peu crédule sur les ouvrages des
nouvèles métodes , mais vous me permetrés
, s'il vous plait , de vous dire que
vous ne devriés pas paroître si extasié des
vieilles métodes dont le decri est de notorieté
publique dans votre province et
peut ètre à Véntabrén mème .
Un critique , M. a beau vouloir faire
le plaisant , il n'est pas toujours sur d'avoir
les rieurs de son côté . voici ce qu'une
persone d'esprit, après avoir lu votre critique
, écrivit à l'auteur des lètres sur la
bibliotèque des enfans.
Je
AVRIL: 1731. 697
Je vous fais mon conpliment , monsieur , sur
la bèle satire que j'ai lue contre vous dans le mercure
de France du mois de janvier ; je ne saí si avec
votre bon esprit vous feriés mieus santir le faus
et le ridicule de ces critiques et de leurs métodes
que le fait cette lètre , quel domage si on l'avoit
suprimée ! il est pourtant vrai que c'est le conble
de l'extravagance.
Je vois avec regret que vous n'avés
pas bien conpris ce que l'auteur a dit sur
l'ortografe des sons ou de l'oreille , vous
avés cela de comun avec le plus grand
nonbre des maîtres de paris mème , come
vous , ils se scandalisent , ils s'anportent,
ils donent des sènes dignes du métier ,
plutôt que de rougir utilemant , et de
songer à s'instruire , du moins en secret ,
de ce qu'ils ignorent , la chose leur seroit
aisée , puisque des enfans en peu de
mois devienent docteurs sur l'article
des sons de la langue et de l'ortografe
de l'oreille qui doit préceder la pratique
de l'ortografe des ïeus et de
l'usage. ces maitres prévenus et obstinés
autant que vous pouriez l'ètre , bien loin
de dire au Seigneur , Domine ut videam ,
apèlent lumiere leurs propres tenèbres et
ne font que batre la campagne sans comprandre
, sans saisir , sans retenir et sans
Suivre le point essenciel du burau tipografique.
vous serés peut- être convaincu
de cette verité quand vous aurés lu les
derniers мercures. D Je
*
698 MERCURE DE FRANCE
Je ne saí quelle idée vous avés du mot
charlatan , mais je doute que vous vou-
Jussiés califier ainsi un home qui au lieu
d'aler chés lui ou dans votre voisinage
jouir de toutes les comodités de la vie
et de la douceur du climat , soufre patiament
le rude séjour de paris dans la
seule esperanse de faire gouter au public
l'ouvrage qu'il souhaite de lui ofrir ; un
home qui emploie ses épargnes à faire
copier , graver , imprimer bien des choses
qu'il distribue ansuite gratis aus rìches
come aus pauvres , aus enemis come
aus amis du burau tipografique , ainsi
qu'il l'a déja pratiqué à l'égard de la brochure
donée en 1711. sur la transposition
de la musique instrumentale ; un home
qui bien loin de demander ou d'accepter
le privilege exclusif pour la vante
des buraus et de leurs garnitures , ofre
de mettre tout le monde au fait de cet
ouvrage et de cette métode ; enfin un
home qui jusqu'ici n'a pas touché un sou
pour les buraus et qui au contraire les a
pretés à ceus qui an ont voulu faire l'experiance.
si vous disiés qu'un tel auteur
est frapé et entousiasme de son ouvrage
et de la chimere du bien public , votre
reflexion aus feus de bien des jans auroit
pour lors plus de fondemant ; mais c'est
une injustice de confondre sous le nomde
charAVRI
L.. 1731.
699
charlatan , ccus qui agissent de bone foi
et par gout pour le bien public.
Vous n'ètes pas plus heureus , M. dans
le comentaire sur la celebre Charmante
de la foire , que sur l'ortografe des sons
que vous ignorés come le plus grand nonbre
de м M. vos confreres. il apert donc
visiblement que vous ne vous ètes jamais
élevé au- dessus de la métode vulgaire et
que vous devriés la respecter cette métode
, mème dans la fameuse chiène , car
je doute qu'une bète dressée par un maitre
ordinaire , pût jamais operer selon le
sistème des sons aussi aisément que selon
le sistème des lètres ; mais remarqués ,
s'il vous plaît , que la métode d'inprimer
lètre à lètre et de ranger , par example ,
sèt cartes pour le mot ouaille , est propremant
la métode vulgaire , la métode
de la chiène lètrée , ou la vôtre qui est
la segonde et moindre des quatre classes
du burau tipografique ; c'est pourquoi
l'auteur conseille de la passer vite come
presque inutile et peu instructive , au lieu
qu'inprimant son à son , et selon la troisième
classe du burau , un enfant de trois
à quatre ans ne metra que trois cartes
pour les trois sons du mot ou- a- ille , lequel
exercice done d'abord la lecture ,
puisque nomer les trois sons ou - a- ille , oų
lire le mot ouaille , c'est la mème chose ,
D ij apa-
380106
700 MERCURE DE FRANCE
aparamant vous ne comprandrés pas ceci ,
et la posterité canine ne poura jamais antreprandre
de l'imiter, que quand ce sistèmedes
sons sera devenu vulgaire.
Je ne vous suis point , M..dans toutes
vos reflexions , elles ont été faites à paris
come à Véntabrén , il y a ici du préjugé,
de la prévention , ect. mais il y a aussi
du gout pour la verité , pour la justice
et pour le bien public , après tout je me
flate que la suite des Mercures et la critique
du savant professeur anonime de
l'université de Paris , vous auront réconcilié
avec le burau tipografique , suposé
que vous soyés bien intancioné et que
vous aimiés la verité , sur tout quand vous
aprandrés par le témoignage mème de
cet habile professeur , que des principaus
de mérite et des plus respectables de l'université
ont laissé introduire l'usage du
burau dans leurs colèges , si malgré cette
de fait et d'autorité , preuve assés
forte pour les maitres qui se piquent bien
plus de latinité et d'autorité que de justesse
de raisonement , si malgré votre
droiture et ce témoignage de la bouche
d'un critique home d'esprit et de merite,
vous regimbés contre l'aiguillon , s'il
vous reste quelque doute et que vous en
fassiés part au public , je tacheraí d'y répondre
de mon mieus , dans la vue de
preuve
conAVRIL.
1731. 701
concourir à la perfection du sistème tipografique
et de vous persuader combien
je suis , etc.
D'un Cabinet tipografique ce 26.Mars 1731
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Résumé : RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
Le texte est une réponse à une lettre critique adressée à un partisan de la nouvelle orthographe et du bureau typographique. La lettre critique, datée d'octobre 1730, a suscité diverses réactions, certaines attribuant la critique à des sources spécifiques, d'autres la jugeant pitoyable ou exagérée. L'auteur de la réponse décide d'y répondre pour apaiser les esprits prévenus contre les nouvelles méthodes et pour clarifier les malentendus. Les opinions sur les critiques et les ouvrages critiqués sont divisées. Certains pensent que les critiques améliorent les livres, tandis que d'autres estiment qu'elles augmentent les préventions des lecteurs. L'auteur note que le silence sur la méthode typographique pourrait la faire passer pour aventureuse, mais que les critiques, même négatives, augmentent sa notoriété. La réponse souligne également le soutien de la cour et des grands personnages du royaume aux innovations, soulignant la nécessité de trouver des remèdes aux imperfections des méthodes vulgaires. L'auteur regrette que le critique n'ait pas mieux compris la méthode typographique et l'invite à lire les lettres sur la bibliothèque des enfants pour s'éclairer. Le texte mentionne une personne d'esprit qui, après avoir lu la critique, écrit à l'auteur des lettres sur la bibliothèque des enfants pour souligner l'extravagance de la critique. Cette personne critique les maîtres de Paris qui, comme le critique, ne comprennent pas l'orthographe des sons et préfèrent se scandaliser plutôt que de s'instruire. L'auteur de la réponse défend le bureau typographique en soulignant les efforts et les sacrifices de son promoteur, qui distribue gratuitement ses ouvrages et offre de partager sa méthode sans demander de privilège exclusif. Il critique également le manque de compréhension du critique sur des sujets comme l'orthographe des sons et la méthode vulgaire d'impression lettre à lettre. Enfin, l'auteur exprime l'espoir que la suite des Mercures et la critique d'un professeur anonyme de l'Université de Paris réconcilieront le critique avec le bureau typographique, surtout si ce dernier est bien intentionné et aime la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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69
p. 744
Dictionnaire imprimé à Constantinople, &c. [titre d'après la table]
Début :
Nous venons de recevoir de Constantinople, un Essai d'un [...]
Mots clefs :
Constantinople, Dictionnaire, Arabe, Turc, Persan, Grec vulgaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dictionnaire imprimé à Constantinople, &c. [titre d'après la table]
Nous venons de recevoir de Constantinople
, un Essai d'un nouveau Dictionnaire
qu'on y imprime , dont voici le
Titre : DICTIONNAIRE François Italien
, Grec vulgaire , Latin , Turc , Arabe
et Persan; enrichi , tant de l'explication des
mots François et des exemples convenables
pour une plus grande intelligence de ces mois,
que d'un trés-grand nombre de phrases Tur
ques , tirées des plus celebres Auteurs dans
cette Langue , pour donner à connoître avec
facilité la proprieté , la force et l'application
des mots , foit Turcs , foit Arabes , foit Persans.
Fait dans le College des Capucins
de Constantinople , par les soins et sous
la direction du R. P. Romain de Paris
Conseiller des Missions de Grece , et Préfet
des Jeunes de Langues de France . A
CONSTANTINOPLE , de l'Imprimerie
de la Porte Ottomane , M. DCC . XXX.
, un Essai d'un nouveau Dictionnaire
qu'on y imprime , dont voici le
Titre : DICTIONNAIRE François Italien
, Grec vulgaire , Latin , Turc , Arabe
et Persan; enrichi , tant de l'explication des
mots François et des exemples convenables
pour une plus grande intelligence de ces mois,
que d'un trés-grand nombre de phrases Tur
ques , tirées des plus celebres Auteurs dans
cette Langue , pour donner à connoître avec
facilité la proprieté , la force et l'application
des mots , foit Turcs , foit Arabes , foit Persans.
Fait dans le College des Capucins
de Constantinople , par les soins et sous
la direction du R. P. Romain de Paris
Conseiller des Missions de Grece , et Préfet
des Jeunes de Langues de France . A
CONSTANTINOPLE , de l'Imprimerie
de la Porte Ottomane , M. DCC . XXX.
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Résumé : Dictionnaire imprimé à Constantinople, &c. [titre d'après la table]
Le dictionnaire 'DICTIONNAIRE François Italien, Grec vulgaire, Latin, Turc, Arabe et Persan' a été imprimé à Constantinople en 1730. Il enrichit l'explication des mots français et inclut des phrases turques célèbres. Réalisé au Collège des Capucins sous la direction du R. P. Romain de Paris, il facilite la compréhension des langues turque, arabe et persane.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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70
p. 750-751
« On nous écrit de Florence, qu'on va bien-tôt donner au Public le second Tome [...] »
Début :
On nous écrit de Florence, qu'on va bien-tôt donner au Public le second Tome [...]
Mots clefs :
Florence, Cardinal, Traduction italienne, Comédies, Prélat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On nous écrit de Florence, qu'on va bien-tôt donner au Public le second Tome [...] »
On nous écrit de Florence , qu'on va
bien- tôt donner au Public le second Tome
, in folio , del nuovo Vocabolario della
Crousca. L'Imprimerie établie à Urbain ,
par les soins du Cardinal Annibal Albani ,
continue à donner au Public des Ouvrages
considerables ; on imprime actuellement
une Traduction Italienne , in Verso
sciolto , des Comédies de Terence , par
M. Fortiguerra , dont on loue beaucoup
Fexactitude et l'élegance. Le même Prélat
avoit été chargé par Clement XI . d'exè
traire de la grande collection des Actes.
d'Angleterre par Rimer , tout ce qui pouvoit
être favorable , ou seulement avoir
quelque rapport au S.Siege , et d'y ajoûter
qé ,
AVRIL. 17312 731
quelques Notes. Cet Ouvrage est achevé
, et on assure qu'il ne tardera pas
voir le jour.
bien- tôt donner au Public le second Tome
, in folio , del nuovo Vocabolario della
Crousca. L'Imprimerie établie à Urbain ,
par les soins du Cardinal Annibal Albani ,
continue à donner au Public des Ouvrages
considerables ; on imprime actuellement
une Traduction Italienne , in Verso
sciolto , des Comédies de Terence , par
M. Fortiguerra , dont on loue beaucoup
Fexactitude et l'élegance. Le même Prélat
avoit été chargé par Clement XI . d'exè
traire de la grande collection des Actes.
d'Angleterre par Rimer , tout ce qui pouvoit
être favorable , ou seulement avoir
quelque rapport au S.Siege , et d'y ajoûter
qé ,
AVRIL. 17312 731
quelques Notes. Cet Ouvrage est achevé
, et on assure qu'il ne tardera pas
voir le jour.
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Résumé : « On nous écrit de Florence, qu'on va bien-tôt donner au Public le second Tome [...] »
En avril 1731, la publication du second tome du Vocabolario della Crusca est annoncée. L'imprimerie d'Urbain, dirigée par le Cardinal Annibal Albani, imprime une traduction italienne des comédies de Térence par M. Fortiguerra. Albani a également achevé un ouvrage sur les Actes d'Angleterre, commandé par Clément XI, qui sera bientôt publié.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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71
p. 1017-1023
LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
Début :
Bien des personnes, Monsieur, me trouvant cité dans l'espece de Procès [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Adversaire du système, Collège, Alphabets ordinaires, Langue hébraïque, Horace, Maxime, Étude des Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
LETTRE de M. Chompré , Maître de
Pension dans la rue S. Jean de Bauvais ,
à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique
.
B
Ien des personnes , Monsieur , me
trouvant cité dans l'espece de Procès
Litteraire , intenté contre l'Auteur du
Bureau Tipographique , ont jugé différemment
de l'article qui me regarde en
particulier , et je crois devoir détromper
ceux qui de part et d'autre, voudroient
m'y engager pour plus que je ne dois y
être.
Bij II
1018 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai qu'après avoir connu les
avantages du Bureau Typographique , auquel
j'avois vû travailler le petit Candiac,
j'en fis faire un l'année derniere pour un
enfant âgé de deux ans mais peu après
on me proposa un établissement , dont
les pénibles commencemens ne paroissoient
guéres compatibles avec ce travail ,
qui demande un certain loisir , et une
certaine attention , suivie et réfléchie : de
plus , l'enfant tomba malade avant que
d'être mis au Bureau , et est demeuré
presque dans l'inaction jusqu'à présent,
>
L'Auteur du Bureau Typographique
sans distinguer mes Pensionnaires , ni meş
Externes qui vont en Classe , du petit
enfant pour lequel j'avois fait faire ce Bureau
, avança pour lors dans le Mercure
de Juillet , que je n'avois pas négligé de me
donner un Bureau Typographique pour accélerer
les premieres études des enfans. Il est
visible que ces premieres études ne regardoient
point les Pensionnaires ni les Externes
, mais seulement le petit enfant
dont il est question . Je craignis cependant
qu'on ne donnât à cela une fausse interl'Auprétation
, et j'aurois souhaitté que
teur du Bureau eut rectifié cet endroit
dans une autre Lettre : mais on ne présuma
pas qu'il se trouveroit quelqu'un pour
rele-
C
"
MAY. 1731 . 1019
relever une expérience qui n'étoit pas encore
commencée. L'Auteur du Bureau a
dit simplement que je n'avois pas négligé
de m'en donner un , et non pas que
j'y fisse travailler.
Un des Adversaires du Systême voulant
Fefuter cette Méthode , a conclu du pouvoir
à l'Acte , quand dans le dernier Mercure
de Février , après avoir rapporté
plusieurs exemples , il ajoûte ( parlant de
Auteur ) il n'oubliera pas M. Chompré ,
Maître de Pension , qui se sert du Bureau
Typographique pour les enfans. Si ce Critique
avoit voulu prendre la peine de se
bien informer de la chose , il auroit appris
que je n'ai point d'Ecoliers qui n'aillent
au College , ausquels par conséquent
le Bureau ne soit inutile ; c'est un fait.
Pourquoi donc avance- t-il que je m'en sers
pour les enfans ? Est-ce pour faire croire
ce qui n'est pas ? Si cependant il avoit été
curieux d'une exacte perquisition , il n'en
auroit pas sûr été content ; car il à coup
auroit appris que quoique l'enfant soit
toujours languissant , il n'a pas laissé de
faire quelques progrès.
Il sçait parfaitement
bien non- sculement
ses lettres , mais encore les chiffres ,
esa mere et sa soeur lui ont fait apprendre
en le tenant assis vis- à-vis le Bureau , /
que sa n
B iij pour
1020 MERCURE DE FRANCE
pour l'amuser , lorsque ses douleurs lui
donnoient un peu de repis , et il en est
présentement à ce que l'Auteur appelle
la seconde Classe . Comme il commence
à se mieux porter , il marque une inclination
constante pour ce jeu , et ne paroît
aucunement touché des objets qu'on présente
ordinairement aux enfans de son
âge : mais quand il se porteroit bien , l'ap
plication continuelle que je dois à l'éducation
des jeunes gens qu'on me confie , et
le bon ordre qu'il faut entretenir dans
ma Pension , ne me permettent pas de le
suivre au reste , il en attrapera ce qu'il
pourra ; c'est toujours beaucoup de pou
voir l'instruire de bonne heure , en l'amusant
et sans se fatiguer par trop d'attention
, ce qui ne paroit pas possible
avec les Alphabets ordinaires. Si l'éducation
particuliere de cet enfant n'est pas
des plus favorables à l'Auteur duSystême ,
elle l'est encore moins à ses Critiques . Je
vous prie donc , Monsieur , de trouver
bon que je détrompe ici ceux , qui captieusement,
ou mal informés , voudroient
encore faire mention de moi , et qui grossiroient
, ou qui diminueroient l'exemple
pour l'accommoder selon leur besoin , ce
qui n'arrive que trop communément
quand nous nous déclarons contre une
chose
MAY. 1731. 1021
chose qui ne nous plaît pas . On devroiť
du moins convenir genereusement du
bon qui se trouve dans le Systême du Bureau
Typographique , et refuter par des
raisons solides ce qu'on croit qui doit être
censuré.
Je sçai , comme bien d'autres , que l'Auteur
Typographe est de bonne foi , et
qu'il ne veut tromper personne. Sa probité
, son parfait désinteressement et son
extrême modestie , soutenus d'un sçavoir
qui n'est pas médiocre sur cette matiere ,
sont de bons préjugez pour son Systême :
néanmoins , entre plusieurs objections
qu'on peut lui faire. J'en vois une ou
deux qui me paroissent mériter quelque
attention. C'est la difficulté de trouver
des Maîtres , qui après avoir long - tems
étudié , et se croyant par conséquent en
état d'instruire , soient assez humbles pour
se mettre à l'A , B , C. C'est une étude
qui ne flatte assurément pas l'amour propre
, il faut cependant y revenir pour faire
usage du Bureau , car il ne s'agit pas
seulement de l'A , B , C , comme on l'entend
communément , mais d'une Doctrine
à laquelle on ne s'est guere appliqué
je veux dire la propre dénomination des
lettres , et les sons de la Langue , au moïen
de quoi l'enfant ne trouve plus dans son
Biiij che1012
MERCURE DE FRANCE.
2
chemin les ronces ni les épines qu'il rencontre
inévitablement avec la méthode
ordinaire . Outre la difficulté de trouver
des Maîtres capables , bien assidus et
bien patiens , il y en a encore une bien
plus forte c'est l'oeconomie du plus
grand nombre des parens , en fait d'éducation
, lesquels ne faisant pas souvent
difficulté de dépenser dix , vingt , trente
pistolles , et quelquefois des sommes bien
plus considérables , mal- à- propos
,
>
он
pour leurs plaisirs , ne pourront se résoudre
à en dépenser trois ou quatre pour
avoir un Bureau avec tout son attirail.
Un petit Alphabet de deux ou trois sols
est un peu moins difficile à acquerir .
La question est donc de sçavoir si ce
Systême réussira . Adhuc subjudice lis est.
Quoiqu'il en soit , n'y eut- il ici que les
verges et les férules de moins , c'est un
grand avantage. Ces sortes d'instrumens
sans lesquels l'enfant profite tout autant ,
et même plus qu'avec le petit Alphabet ,
et qui ne servent qu'à inspirer aux enfans
du dégoût pour l'étude des Lettres , deviennent
absolument inutiles avec cette
Méthode ; l'Auteur , sagement n'en conseille
l'usage que pour les fautes ausquelles
le coeur seul à plus de part que l'esprit.
Enfin , il est certain que ce Systême
a
ne
MA Y. 1731. 1023
ne regarde que ceux qui font profession
d'enseigner les premiers élémens des lettres
, depuis l'A , B , C , jusqu'aux basses
Classes , et qu'un enfant y apprend aisément
à lire les Langues Françoises , Latines
, Grecques , Hebraïques , et telles autres
, que le Maître est capable d'enseigner
: mais il ne peut convenir , ni à un
Professeur , ni à un Maître qui répéte les
Humanitez : en effet , quelle apparence y
auroit- il de dresser cette machine dans un
endroit où les jeunes gens sont plus pour
écouter et pour écrire que pour voir ? Le
Bureau Typographique est fait pour être
vû , et non pour être entendu , c'est ce
qui en fait le principal mérite ; car ce Ru
diment sensible , frappant les yeux , s'inculque
mieux que ce qu'on entend seule
ment raconter , et l'on y peut bien appliquer
cette Maxime d'Horace :
Segnius irritant animos demissa per aurem ,
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 18 Avril , 1731.
Pension dans la rue S. Jean de Bauvais ,
à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique
.
B
Ien des personnes , Monsieur , me
trouvant cité dans l'espece de Procès
Litteraire , intenté contre l'Auteur du
Bureau Tipographique , ont jugé différemment
de l'article qui me regarde en
particulier , et je crois devoir détromper
ceux qui de part et d'autre, voudroient
m'y engager pour plus que je ne dois y
être.
Bij II
1018 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai qu'après avoir connu les
avantages du Bureau Typographique , auquel
j'avois vû travailler le petit Candiac,
j'en fis faire un l'année derniere pour un
enfant âgé de deux ans mais peu après
on me proposa un établissement , dont
les pénibles commencemens ne paroissoient
guéres compatibles avec ce travail ,
qui demande un certain loisir , et une
certaine attention , suivie et réfléchie : de
plus , l'enfant tomba malade avant que
d'être mis au Bureau , et est demeuré
presque dans l'inaction jusqu'à présent,
>
L'Auteur du Bureau Typographique
sans distinguer mes Pensionnaires , ni meş
Externes qui vont en Classe , du petit
enfant pour lequel j'avois fait faire ce Bureau
, avança pour lors dans le Mercure
de Juillet , que je n'avois pas négligé de me
donner un Bureau Typographique pour accélerer
les premieres études des enfans. Il est
visible que ces premieres études ne regardoient
point les Pensionnaires ni les Externes
, mais seulement le petit enfant
dont il est question . Je craignis cependant
qu'on ne donnât à cela une fausse interl'Auprétation
, et j'aurois souhaitté que
teur du Bureau eut rectifié cet endroit
dans une autre Lettre : mais on ne présuma
pas qu'il se trouveroit quelqu'un pour
rele-
C
"
MAY. 1731 . 1019
relever une expérience qui n'étoit pas encore
commencée. L'Auteur du Bureau a
dit simplement que je n'avois pas négligé
de m'en donner un , et non pas que
j'y fisse travailler.
Un des Adversaires du Systême voulant
Fefuter cette Méthode , a conclu du pouvoir
à l'Acte , quand dans le dernier Mercure
de Février , après avoir rapporté
plusieurs exemples , il ajoûte ( parlant de
Auteur ) il n'oubliera pas M. Chompré ,
Maître de Pension , qui se sert du Bureau
Typographique pour les enfans. Si ce Critique
avoit voulu prendre la peine de se
bien informer de la chose , il auroit appris
que je n'ai point d'Ecoliers qui n'aillent
au College , ausquels par conséquent
le Bureau ne soit inutile ; c'est un fait.
Pourquoi donc avance- t-il que je m'en sers
pour les enfans ? Est-ce pour faire croire
ce qui n'est pas ? Si cependant il avoit été
curieux d'une exacte perquisition , il n'en
auroit pas sûr été content ; car il à coup
auroit appris que quoique l'enfant soit
toujours languissant , il n'a pas laissé de
faire quelques progrès.
Il sçait parfaitement
bien non- sculement
ses lettres , mais encore les chiffres ,
esa mere et sa soeur lui ont fait apprendre
en le tenant assis vis- à-vis le Bureau , /
que sa n
B iij pour
1020 MERCURE DE FRANCE
pour l'amuser , lorsque ses douleurs lui
donnoient un peu de repis , et il en est
présentement à ce que l'Auteur appelle
la seconde Classe . Comme il commence
à se mieux porter , il marque une inclination
constante pour ce jeu , et ne paroît
aucunement touché des objets qu'on présente
ordinairement aux enfans de son
âge : mais quand il se porteroit bien , l'ap
plication continuelle que je dois à l'éducation
des jeunes gens qu'on me confie , et
le bon ordre qu'il faut entretenir dans
ma Pension , ne me permettent pas de le
suivre au reste , il en attrapera ce qu'il
pourra ; c'est toujours beaucoup de pou
voir l'instruire de bonne heure , en l'amusant
et sans se fatiguer par trop d'attention
, ce qui ne paroit pas possible
avec les Alphabets ordinaires. Si l'éducation
particuliere de cet enfant n'est pas
des plus favorables à l'Auteur duSystême ,
elle l'est encore moins à ses Critiques . Je
vous prie donc , Monsieur , de trouver
bon que je détrompe ici ceux , qui captieusement,
ou mal informés , voudroient
encore faire mention de moi , et qui grossiroient
, ou qui diminueroient l'exemple
pour l'accommoder selon leur besoin , ce
qui n'arrive que trop communément
quand nous nous déclarons contre une
chose
MAY. 1731. 1021
chose qui ne nous plaît pas . On devroiť
du moins convenir genereusement du
bon qui se trouve dans le Systême du Bureau
Typographique , et refuter par des
raisons solides ce qu'on croit qui doit être
censuré.
Je sçai , comme bien d'autres , que l'Auteur
Typographe est de bonne foi , et
qu'il ne veut tromper personne. Sa probité
, son parfait désinteressement et son
extrême modestie , soutenus d'un sçavoir
qui n'est pas médiocre sur cette matiere ,
sont de bons préjugez pour son Systême :
néanmoins , entre plusieurs objections
qu'on peut lui faire. J'en vois une ou
deux qui me paroissent mériter quelque
attention. C'est la difficulté de trouver
des Maîtres , qui après avoir long - tems
étudié , et se croyant par conséquent en
état d'instruire , soient assez humbles pour
se mettre à l'A , B , C. C'est une étude
qui ne flatte assurément pas l'amour propre
, il faut cependant y revenir pour faire
usage du Bureau , car il ne s'agit pas
seulement de l'A , B , C , comme on l'entend
communément , mais d'une Doctrine
à laquelle on ne s'est guere appliqué
je veux dire la propre dénomination des
lettres , et les sons de la Langue , au moïen
de quoi l'enfant ne trouve plus dans son
Biiij che1012
MERCURE DE FRANCE.
2
chemin les ronces ni les épines qu'il rencontre
inévitablement avec la méthode
ordinaire . Outre la difficulté de trouver
des Maîtres capables , bien assidus et
bien patiens , il y en a encore une bien
plus forte c'est l'oeconomie du plus
grand nombre des parens , en fait d'éducation
, lesquels ne faisant pas souvent
difficulté de dépenser dix , vingt , trente
pistolles , et quelquefois des sommes bien
plus considérables , mal- à- propos
,
>
он
pour leurs plaisirs , ne pourront se résoudre
à en dépenser trois ou quatre pour
avoir un Bureau avec tout son attirail.
Un petit Alphabet de deux ou trois sols
est un peu moins difficile à acquerir .
La question est donc de sçavoir si ce
Systême réussira . Adhuc subjudice lis est.
Quoiqu'il en soit , n'y eut- il ici que les
verges et les férules de moins , c'est un
grand avantage. Ces sortes d'instrumens
sans lesquels l'enfant profite tout autant ,
et même plus qu'avec le petit Alphabet ,
et qui ne servent qu'à inspirer aux enfans
du dégoût pour l'étude des Lettres , deviennent
absolument inutiles avec cette
Méthode ; l'Auteur , sagement n'en conseille
l'usage que pour les fautes ausquelles
le coeur seul à plus de part que l'esprit.
Enfin , il est certain que ce Systême
a
ne
MA Y. 1731. 1023
ne regarde que ceux qui font profession
d'enseigner les premiers élémens des lettres
, depuis l'A , B , C , jusqu'aux basses
Classes , et qu'un enfant y apprend aisément
à lire les Langues Françoises , Latines
, Grecques , Hebraïques , et telles autres
, que le Maître est capable d'enseigner
: mais il ne peut convenir , ni à un
Professeur , ni à un Maître qui répéte les
Humanitez : en effet , quelle apparence y
auroit- il de dresser cette machine dans un
endroit où les jeunes gens sont plus pour
écouter et pour écrire que pour voir ? Le
Bureau Typographique est fait pour être
vû , et non pour être entendu , c'est ce
qui en fait le principal mérite ; car ce Ru
diment sensible , frappant les yeux , s'inculque
mieux que ce qu'on entend seule
ment raconter , et l'on y peut bien appliquer
cette Maxime d'Horace :
Segnius irritant animos demissa per aurem ,
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 18 Avril , 1731.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
M. Chompré, maître de pension, adresse une lettre à M. D. L. R. pour éclaircir sa position concernant le Bureau Typographique, un système d'enseignement. Il explique avoir acheté ce bureau pour un enfant de deux ans, mais des circonstances, telles que l'ouverture d'une pension et la maladie de l'enfant, ont retardé son utilisation. L'auteur du Bureau Typographique a affirmé que M. Chompré utilisait ce système pour accélérer les études des enfants, ce que M. Chompré rectifie en précisant que cela concernait uniquement l'enfant en question. Un opposant au système a également propagé des informations erronées. Cependant, M. Chompré confirme que l'enfant a fait des progrès malgré sa santé fragile. Il souligne que l'éducation de cet enfant ne doit pas être utilisée pour critiquer le système. M. Chompré reconnaît la bonne foi de l'auteur du Bureau Typographique mais mentionne des objections, notamment la difficulté de trouver des maîtres qualifiés et la réticence des parents à investir dans ce système coûteux. Il conclut en soulignant que le Bureau Typographique est utile pour l'apprentissage des premières lettres et des langues, mais ne convient pas aux classes avancées. Il cite Horace pour illustrer l'efficacité visuelle du système.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 1089-1092
Bibliotheque Grammaticale, [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE GRAMMATICALE, qui contient les Livres pour apprendre le Latin [...]
Mots clefs :
Bibliothèque grammaticale, Latin, Alphabet symbolique, Orthodoxie
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texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque Grammaticale, [titre d'après la table]
B contient les Livres pour apprendre le
IBLIOTHEQUE GRAMMATICALE , qui
Latin sans le secours d'aucun Maître . Par
M. de Vallange. A Paris , Quai des Augustins
, chez Antoine Gandouin , 1731 .
brochure de 24 pag. in - 12.
Les petits volumes énoncez dans ce
Titre , contiennent.
1. Alphabet symbolique , ou la dénomination
des Lettres , par des Figures natu →
relles , propres à divertir les enfans.
2. Usage de l'Oribolexie , ou l'Art qui
enseigne à lire le Latin par régles et par
principes.
3 Ortholexie Latine , ou l'Art qui en>
seigne à lirole Latin par régles et par principes.
4. Ortholexie Françoise ou l'Art qui
enseigne à lire le François , par régles et
par principes.
5. Ortholexie Latine , génerale et universelle
, qui comprend la Méthode qui
enseigne le Latin en peu de tems , sans le
E ij secours
1092 MERCURE DE FRANCE
XIV. du mois d'Avril 1669. mise en
Conférence avec les anciennes Ordonnances
, Edits , Déclarations , Arrêts
Réglemens et autres Jugemens rendus
sur le fait des Chasses , où l'on a joint les
Notes des meilleurs Auteurs , et de nouvelles
Remarques pour l'intelligence de
cette Jurisprudence . Nouvelle édition
augmentée. Chez les mêmes . 2 vol . in- 12 .
prix , 5 liv.
LES CURIOSITEZ DE PARIS , de Versailles
, de Marly , de Vincennes , de Saint
Cloud et des environs , avec les Antiquitez
justes et précises sur chaque sujet , et
les adresses pour trouver facilement tout
ce qu'ils renferment d'agréable et d'utile.
Ouvrage enrichi d'un grand nombre de
Figures en taille- douce. Chez les mêmes
3 vol. in- 12, prix , 9. liv.
IBLIOTHEQUE GRAMMATICALE , qui
Latin sans le secours d'aucun Maître . Par
M. de Vallange. A Paris , Quai des Augustins
, chez Antoine Gandouin , 1731 .
brochure de 24 pag. in - 12.
Les petits volumes énoncez dans ce
Titre , contiennent.
1. Alphabet symbolique , ou la dénomination
des Lettres , par des Figures natu →
relles , propres à divertir les enfans.
2. Usage de l'Oribolexie , ou l'Art qui
enseigne à lire le Latin par régles et par
principes.
3 Ortholexie Latine , ou l'Art qui en>
seigne à lirole Latin par régles et par principes.
4. Ortholexie Françoise ou l'Art qui
enseigne à lire le François , par régles et
par principes.
5. Ortholexie Latine , génerale et universelle
, qui comprend la Méthode qui
enseigne le Latin en peu de tems , sans le
E ij secours
1092 MERCURE DE FRANCE
XIV. du mois d'Avril 1669. mise en
Conférence avec les anciennes Ordonnances
, Edits , Déclarations , Arrêts
Réglemens et autres Jugemens rendus
sur le fait des Chasses , où l'on a joint les
Notes des meilleurs Auteurs , et de nouvelles
Remarques pour l'intelligence de
cette Jurisprudence . Nouvelle édition
augmentée. Chez les mêmes . 2 vol . in- 12 .
prix , 5 liv.
LES CURIOSITEZ DE PARIS , de Versailles
, de Marly , de Vincennes , de Saint
Cloud et des environs , avec les Antiquitez
justes et précises sur chaque sujet , et
les adresses pour trouver facilement tout
ce qu'ils renferment d'agréable et d'utile.
Ouvrage enrichi d'un grand nombre de
Figures en taille- douce. Chez les mêmes
3 vol. in- 12, prix , 9. liv.
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Résumé : Bibliotheque Grammaticale, [titre d'après la table]
Le document décrit deux ouvrages distincts. Le premier, 'Bibliothèque Grammaticale', est une brochure de 24 pages publiée en 1731 à Paris par Antoine Gandouin. Elle comprend plusieurs petits volumes pour l'apprentissage du latin et du français sans maître. Ces volumes incluent un alphabet symbolique avec des figures pour divertir les enfants, des méthodes pour lire le latin et le français par règles et principes, et une méthode générale pour apprendre le latin rapidement. Le second ouvrage est une nouvelle édition augmentée d'un texte juridique sur les chasses, publiée en avril 1669. Il compare les ordonnances, édits, déclarations, arrêts, règlements et jugements relatifs aux chasses, enrichis de notes d'auteurs et de remarques pour une meilleure compréhension. Le document mentionne également un ouvrage sur les curiosités de Paris, Versailles, Marly, Vincennes, Saint-Cloud et des environs, enrichi de figures et d'adresses pour trouver des informations agréables et utiles.
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73
p. 1305-1306
SECONDE ENIGME. du même Auteur.
Début :
Lecteur, voici de quoi rêver, [...]
Mots clefs :
Lettre A
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE ENIGME. du même Auteur.
SECONDE
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
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74
p. 1498-1514
RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
Début :
MR. Gaullyer se plaint de ce que ceux qu'il appelle les Charlatans de la [...]
Mots clefs :
Méthode, Professeur, Collège, Littérature, Charlatans, Déclinaisons, Grammaire, Composition, Explication, Philosophie
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
REFLEXIONS sur la Methode de
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
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Résumé : RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
Le texte présente une critique de la méthode pédagogique de M. le Fèvre de Saumur et des notes de M. Gaullyer, professeur au Collège du Plessis - Sorbonne. M. Gaullyer accuse des 'charlatans de la menue Littérature' de ne pas répondre à ses critiques. Les auteurs anonymes du texte, se présentant comme ces 'charlatans', expriment leur surprise que M. Gaullyer ait imprimé la méthode de M. le Fèvre, qui condamne la pratique vulgaire. Ils détaillent la méthode de M. le Fèvre, qui consiste à ne pas enseigner le grec et le latin aux enfants avant l'âge de dix ans, à apprendre à lire et à écrire sans se soucier de la beauté du caractère, et à commencer l'apprentissage des déclinaisons en grand papier. M. le Fèvre recommande également de commencer par l'explication des textes plutôt que par la composition de thèmes. Les auteurs soutiennent que la méthode des 'charlatans' est plus conforme à celle de M. le Fèvre que celle de M. Gaullyer. Les auteurs critiquent la réponse de M. Gaullyer, qui affirme que les collèges sont mieux montés aujourd'hui et que les auteurs grecs et latins sont mieux distribués. Ils argumentent que la principale différence entre la méthode de M. le Fèvre et celle des collèges réside dans l'approche pédagogique, et non dans l'ordre des auteurs étudiés. Ils concluent que la méthode des collèges actuels est fondamentalement la même que celle de 1672, et que M. Gaullyer n'a pas compris l'esprit de la méthode de M. le Fèvre. Ils soulignent également que la méthode vulgaire est plus nuisible à la santé des enfants que les méthodes alternatives. Le texte mentionne également les ouvrages de M. Gaullyer sur la langue latine et française, tels que 'Règles pour la Langue Latine', 'Rudiment', 'Méthode', 'Règles d'élégance', 'Règles de Traduction', 'Règles de Versification', et 'Grammaire Françoise'. Il critique M. Gaullyer pour ne proposer que ses propres livres et pour son langage excessif. Gaullyer affirme que ses critiques sont soit hérétiques, soit fous, selon qu'ils croient ou non au péché originel et à la difficulté de guérir l'ignorance. Il cite un exemple d'un solitaire pieux qui reste silencieux face aux insultes mais se justifie lorsqu'on l'accuse d'hérésie. Gaullyer se plaint également de trouver des dupes parmi ses admirateurs. Le texte mentionne une erreur de Gaullyer concernant l'identité de Longin et critique son approche pédagogique, qui privilégie ses propres ouvrages. Gaullyer est décrit comme quelqu'un qui parle beaucoup de mal des autres et de bien de lui-même, sans justice ni équité. Le texte conclut en soulignant que Gaullyer ne cherche qu'à valoriser ses propres ouvrages et en refusant de perdre du temps à répondre à ses déclamations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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75
p. 1687-1691
LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
Début :
Vous me demandez mon sentiment, Monsieur, sur l'explication que vient [...]
Mots clefs :
Inscription, Chanoine, Empereur, Sacrifice, Lettres
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
LETTRE écrite d'Orleans , par
M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet
d'une Inscription trouvée à Auxerre.
D Ous me demandez mon sentiment
Monsieur , sur l'explication que vient
de donner dans le Mercure de May , un
Cha
1688 MERCURE DE FRANCE
Chanoine d'Auxerre , d'une Inscription
trouvée depuis peu dans sa Ville. Je vais
vous satisfaire. Voici l'Inscription.
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS.
Le Consulat de Modeste, de Probus, qui
tombe à l'an de Rome 981. et de J. C.
228. fait assez connoître , comme le remarque
l'Auteur de l'Explication , que
c'est à l'Empereur Severe Alexandre que
doit se rapporter cette Inscription. Ce
Prince étoit alors dans la septième année
de son regne. Ce qui embarrasse , c'est
que l'Inscription fait mention de deux
personnes , DOMINORUM , et qu'il ne paroît
pas d'abord aisé de déterminer qui a pû
partager avec Alexandre les honneurs du
Sacrifice et de l'Inscription , qui en
un Monument.
L'Auteur de l'Explication prétend que
c'est un certain Ovinius Camillus ( a ) que
Lampride dit avoir été associé à l'Empire
par Alexandre . Cette Découverte est heureuse
; mais par malheur elle n'a que l'apparence
, le récit que fait Lampride
de cet Ovinius paroît si fabuleux , qu'il
(a ) Lampride in Alexand, cum quidam Ovis
mius , &e.
n'%
JUILLET. 1731. 1689
les
uns
n'y a pas moyen de tabler dessus , il n'est
appuyé quesur des discours populaires , ( a)
encore qul different entre eux ,
rapportant cette prétendue Histoire d'O
vinius au temps de l'Empereur Trajan ,
les autres à celui d'Alexandre. Le silence.
unanime de tous les autres Historiens
sur un évenement aussi considerable ,
n'est que trop capable de nous faire re
jetter cette Histoire.
Mais quand elle seroit vraie , l'Auteur
de l'Explication se seroit toûjours trompé
, en disant que ce fût dans la guerre
d'Allemagne qu'Ovinius fut associé à
l'Empire , ce qui ne peut être . Lampride
dit que ce Sénateur , après quelques journées
de chemin qu'il fit avec l'Empereur
qui marchoit en personne contre quel
ques Barbares qui avoient fait une irruption
, fut contraint à cause de son peu
de santé , de quitter co Prince , qu'il se
retira ensuite dans ses Terres où il vécut
long-temps , (b) et où enfin il fut tué par
le commandement d'Alexandre . Or il est
certain que ce dernier fut tué dans l'ex-
(a) Le même , Ibid. Scio vulgum hanc rem
quam contexui Trajan. putare , &c.
(b) Lamprid. Ibid.Ad villas suas ire pracepit
in quibus diù vixit. Sed post jussu Imperatoris
occisus est.
pedition
160 MERCURE DE FRANCE
pedition contre les Allemans , ( a ) ainsi la
mort d'Ovinius, arrivée long- temps après
cette Expedition , et commandée par Alexandre
, est une chose qui détruit absolument
le sentiment de l'Auteur de l'Ex
plication.
Pour revenir à celle du mot de Do
MINORUM , il s'en présente une naturelle
ment à l'esprit , à laquelle je ne sçais pas
comment l'Auteur de l'Explication n'a
pas fait attention ; la voici :
On ne peut disconvenir que DOMINO
RUM ne soit mis ici pour AUGUSTORUM , et
ne signifie la même chose . Or selon tous
les Antiquaires , ( b ) quand ce dernier
mot se trouve dans les Médailles , il ne
suppose pas toûjours qu'il soit fait men
tion de deux Princes , et il s'entend bien
souvent de l'Empereur
et de l'Imperatrice.
Comme on le peut voir par la Mé.
daille de Gallien , qui porte pour Legende
CONCORDIA
AUGG . où la tête de ce
Prince se voit en regard avec celle de
Salonine , son Epouse. Cela supposé , le
Sacrifice dont l'Inscription fait mention ,
offert , Pro salute Dominorum , l'a été pour
(a) Id Ibid.
(b) v. le P. Banduri , dans son Ouvrage des
Médailles Imperiales depuis Trajan Dece jus
qu'aux Paleologues , en differens endroire.
la
JUILLET. 1731. 1691
la prosperité de l'Empereur et de l'Im
peratrice , ou plutôt de l'Empereur et de
Mammée sa Mere , qui , comme chacun
sçait , le gouvernoit entierement , et dont
le nom se trouve quelquefois joint à celui
de son fils dans les Inscriptions. DOMNORUM
en cet endroit ne voulant dire
que ce que les Marbres ont exprimé d'une
autre maniere par DOMUS DIVINA , la
Famille " Imperiale. Au reste le titre de
DOMINUS , donné à Alexandre , n'a rien
d'extraordinaire , quoique Lampride re
marque que ce Prince deffendit qu'on le
lui donnât. Dominum se appellari vetuit ,
cette même qualité lui est attribuée dans
une Inscription qu'on voit dans Gruter ,
page 121. GENIO D. N. SEVERI ALEXANDÀI.
ANG .
Il reste les quatre Lettres V. S. L. M:
dont M. le Chanoine d'Auxerre demande
l'explication , il paroît que c'est en riant
qu'il fait cette demande , aussi instruit
qu'il le paroît sur ce qui regarde les Sacrifices
, lui qui cire ceux qu'on appelloit
Tauroboles et Crioboles , n'est pas à sçavoir
que conformément aux autres Inscriptions
où elles se trouvent, elles doivent
ici s'expliquer par VOTUM SOLVIT LUBENS
MERITO. relativement à celui qui avoit fait
la dépense du Sacrifice pour la prosperité
de la Maison Imperiale . Je suis , &c.
M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet
d'une Inscription trouvée à Auxerre.
D Ous me demandez mon sentiment
Monsieur , sur l'explication que vient
de donner dans le Mercure de May , un
Cha
1688 MERCURE DE FRANCE
Chanoine d'Auxerre , d'une Inscription
trouvée depuis peu dans sa Ville. Je vais
vous satisfaire. Voici l'Inscription.
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS.
Le Consulat de Modeste, de Probus, qui
tombe à l'an de Rome 981. et de J. C.
228. fait assez connoître , comme le remarque
l'Auteur de l'Explication , que
c'est à l'Empereur Severe Alexandre que
doit se rapporter cette Inscription. Ce
Prince étoit alors dans la septième année
de son regne. Ce qui embarrasse , c'est
que l'Inscription fait mention de deux
personnes , DOMINORUM , et qu'il ne paroît
pas d'abord aisé de déterminer qui a pû
partager avec Alexandre les honneurs du
Sacrifice et de l'Inscription , qui en
un Monument.
L'Auteur de l'Explication prétend que
c'est un certain Ovinius Camillus ( a ) que
Lampride dit avoir été associé à l'Empire
par Alexandre . Cette Découverte est heureuse
; mais par malheur elle n'a que l'apparence
, le récit que fait Lampride
de cet Ovinius paroît si fabuleux , qu'il
(a ) Lampride in Alexand, cum quidam Ovis
mius , &e.
n'%
JUILLET. 1731. 1689
les
uns
n'y a pas moyen de tabler dessus , il n'est
appuyé quesur des discours populaires , ( a)
encore qul different entre eux ,
rapportant cette prétendue Histoire d'O
vinius au temps de l'Empereur Trajan ,
les autres à celui d'Alexandre. Le silence.
unanime de tous les autres Historiens
sur un évenement aussi considerable ,
n'est que trop capable de nous faire re
jetter cette Histoire.
Mais quand elle seroit vraie , l'Auteur
de l'Explication se seroit toûjours trompé
, en disant que ce fût dans la guerre
d'Allemagne qu'Ovinius fut associé à
l'Empire , ce qui ne peut être . Lampride
dit que ce Sénateur , après quelques journées
de chemin qu'il fit avec l'Empereur
qui marchoit en personne contre quel
ques Barbares qui avoient fait une irruption
, fut contraint à cause de son peu
de santé , de quitter co Prince , qu'il se
retira ensuite dans ses Terres où il vécut
long-temps , (b) et où enfin il fut tué par
le commandement d'Alexandre . Or il est
certain que ce dernier fut tué dans l'ex-
(a) Le même , Ibid. Scio vulgum hanc rem
quam contexui Trajan. putare , &c.
(b) Lamprid. Ibid.Ad villas suas ire pracepit
in quibus diù vixit. Sed post jussu Imperatoris
occisus est.
pedition
160 MERCURE DE FRANCE
pedition contre les Allemans , ( a ) ainsi la
mort d'Ovinius, arrivée long- temps après
cette Expedition , et commandée par Alexandre
, est une chose qui détruit absolument
le sentiment de l'Auteur de l'Ex
plication.
Pour revenir à celle du mot de Do
MINORUM , il s'en présente une naturelle
ment à l'esprit , à laquelle je ne sçais pas
comment l'Auteur de l'Explication n'a
pas fait attention ; la voici :
On ne peut disconvenir que DOMINO
RUM ne soit mis ici pour AUGUSTORUM , et
ne signifie la même chose . Or selon tous
les Antiquaires , ( b ) quand ce dernier
mot se trouve dans les Médailles , il ne
suppose pas toûjours qu'il soit fait men
tion de deux Princes , et il s'entend bien
souvent de l'Empereur
et de l'Imperatrice.
Comme on le peut voir par la Mé.
daille de Gallien , qui porte pour Legende
CONCORDIA
AUGG . où la tête de ce
Prince se voit en regard avec celle de
Salonine , son Epouse. Cela supposé , le
Sacrifice dont l'Inscription fait mention ,
offert , Pro salute Dominorum , l'a été pour
(a) Id Ibid.
(b) v. le P. Banduri , dans son Ouvrage des
Médailles Imperiales depuis Trajan Dece jus
qu'aux Paleologues , en differens endroire.
la
JUILLET. 1731. 1691
la prosperité de l'Empereur et de l'Im
peratrice , ou plutôt de l'Empereur et de
Mammée sa Mere , qui , comme chacun
sçait , le gouvernoit entierement , et dont
le nom se trouve quelquefois joint à celui
de son fils dans les Inscriptions. DOMNORUM
en cet endroit ne voulant dire
que ce que les Marbres ont exprimé d'une
autre maniere par DOMUS DIVINA , la
Famille " Imperiale. Au reste le titre de
DOMINUS , donné à Alexandre , n'a rien
d'extraordinaire , quoique Lampride re
marque que ce Prince deffendit qu'on le
lui donnât. Dominum se appellari vetuit ,
cette même qualité lui est attribuée dans
une Inscription qu'on voit dans Gruter ,
page 121. GENIO D. N. SEVERI ALEXANDÀI.
ANG .
Il reste les quatre Lettres V. S. L. M:
dont M. le Chanoine d'Auxerre demande
l'explication , il paroît que c'est en riant
qu'il fait cette demande , aussi instruit
qu'il le paroît sur ce qui regarde les Sacrifices
, lui qui cire ceux qu'on appelloit
Tauroboles et Crioboles , n'est pas à sçavoir
que conformément aux autres Inscriptions
où elles se trouvent, elles doivent
ici s'expliquer par VOTUM SOLVIT LUBENS
MERITO. relativement à celui qui avoit fait
la dépense du Sacrifice pour la prosperité
de la Maison Imperiale . Je suis , &c.
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Résumé : LETTRE écrite d'Orleans, par M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet d'une Inscription trouvée à Auxerre.
La lettre datée du 27 juin 1731 discute d'une inscription découverte à Auxerre et publiée dans le Mercure de mai 1731. Cette inscription, PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M. DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS., remonte au consulat de Modeste et Probus en 228 après J.-C., sous le règne de l'empereur Sévère Alexandre. L'auteur de l'explication propose qu'Ovinius Camillus, mentionné par Lampride, aurait pu être associé à l'Empire par Alexandre. Cependant, cette hypothèse est contestée en raison des divergences historiques et du manque de preuves solides. L'auteur de la lettre propose une autre interprétation pour le terme DOMINORUM, qui pourrait signifier AUGUSTORUM, désignant l'empereur et l'impératrice ou la mère de l'empereur, Mammée. Cette interprétation est soutenue par des exemples de médailles antiques. Les lettres V. S. L. M. sont expliquées par VOTUM SOLVIT LUBENS MERITO, indiquant que le sacrifice a été offert de manière méritoire pour la prospérité de la famille impériale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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76
p. 2318-2326
REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
Début :
Le grand Critique qui enfante toutes les semaines une feüille d'impression [...]
Mots clefs :
Nouvelliste du Parnasse, Humanités, Grammairien , Abrégé de la grammaire française, Règles de poétique, Conjugaisons, Combinaisons des verbes, Syntaxe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
REMARQUES de M. Gaullier , sur la
Censure portée contre lui dans la vingtbuitiéme
Lettre du Nouvelliste du Par
nasse.
E grand Critique qui enfante toutes
les semaines une feuille d'impression
in-douze , de caractere moyen , a jugé à
propos de parler ainsi de la methode de
M. Lefevre que j'ai fait réimprimer
avec des Notes : L'infatigable M. Gaullyer
, dit-il , Professeur au College du Plessis
apublié nne Methode pour l'étude des
humanitez. C'est un Grammairien fecond ;
qui , suivant toutes les apparences , regalera
encore ses Ecoliers d'un bon nombre de Volumes.
Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire. Il me semble que le grand nombre
de Regles accable plus l'Esprit qu'il ne le
soulage.
-
M. Gaullier n'est pas si infatigable
ny si fecond en Grammaires que le Nouvelliste
l'est en Nouvelles , ou plutôt er
Censure et en Satyre . Depuis 1716 , que
parut sa premiere Methode , il n'a fait im
primer que cinq petites parties des Regle ÷
pour la Langue Latine et la Françoise
avec un Abregé de la Grammaire Françoi
se
OCTOBRE.
1737.
2219
se , et des Regles de Poëtique , tirées
d'Aristote ,
d'Horace , de
Despreaux et
d'autres célebres Auteurs , tant anciens
que modernes. Les cinq autres Volumes
de M. Gaullier sont , non des Volumes
de Regles , mais des Auteurs Grecs et.
Latins notés à l'usage des Classes . Tous
douze ont été
approuvés par une , et six
par deux Conclusions de l'Université , en
1716. et en la presente Année 1731. honneur
qui n'avoit été fait à personne avant
lui , que je sçache , et qu'un ou deux seulement
ont reçû après lui .
> Quant aux sept Volumes de Regles
ce n'est qu'un abregé et un choix de ce
que nous avons de plus excellent en ce
genre , je veux dire , des Methodes de
Port -Royal , de la
Grammaire Françoise
de l'Abbé Regnier - Desmarais . Mais com
me M. Gaullier ne regale poine ses Ecoliers
de Regles de Poëtique qui sont audessus
de leur portée , ni de versification
françoise ni de plusieurs autres choses
qu'il leur fait passer dans ses livres , com.
meles
Declinaisons et les
Conjugaisons , les
Préfaces , les
Combinaisons des Verbes ; ces
7. Volumes se réduisent à six , qui tous ensemble
ne font pas plus de cinq cent pages.
Et même M. Gaullier
connoissant un peu
les differents goûts , pour ne pas dire les
Cij
divers
23 20 MERCURE DE FRANCE
divers Caprices des hommes , il a réduit
à une Feuille d'impression de 24. pages
de petit caractere , Le Rudiment et
la Syntaxe 2 Les Préterits et Supins
qui en tiennent plus de 300. in 80. dans
Despautere , et plus de 350. aussi in 8º.
dans Port- Royal 3º plus de 400. pages
de la Methode de Bretonneau ont aussi
été réduites à 26 : et 740 in 4° . de la
Grammaire de M. l'Abbé Regnier - Desmarais
ont été abregés par lui d'abord en
52 pages de Petit-Romain , et puis en 24
de Petit-Texte.
С
Comment le Nouvelliste peut- il donc
se plaindre de la multiplication de mes
Livres de Grammaite et des Regles , et
prophetiser que je regalerai encore mes
Ecoliers d'un grand nombre de Volumes ?
Quand on fait le Métier de Satirique
comme le fait le Nouvelliste , il faudroit
au moins être exempt des fautes qu'on
reprend dans les autres , et ne leur en reprocher
que de vrayes. C'est ici tout le
contraire ; et il me paroît évident que celui
qui de son autorité privée , s'est érigé
depuis six ou sept mois en Juge de tous
les Auteurs , manque lui-même ici de
Jugement.
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur
au College du Plessis , a publié, dit- on , une
Methode pour les Humanitez.
La
OCTOBRE. 173. 232F
La Methode que M. Gaullier a publiée ,
n'est point de lui : elle est du celebre M. Le
Fevre de Saumur , Pere de Me Dacier.
Elle n'est que de trois feuilles de Gros
Romain , qui n'en valent pas une de Petit
Texte. Les Notes de M. Gaullier , ne
sont aussi que de trois Feuilles d'un caractere
presque aussi gros . Qui pourra donc
jamais penser qu'un homme qui est accoûtumé
à porter quatre heures et demie
tous les jours le pesant fardeau d'une
Classe , soit nommé infatigable à juste
titre , pour avoir donné au Public six
Feuilles de grosse Impression , dont il y
én a la moitié qui n'est pas de lui ? Mais
quelqu'un ne sera-t'il point tenté de croi
re , que le Nouvelliste , pour bien juger
des Auteurs et de leurs ouvrages , porte
l'exactitude jusqu'à ne pas lire en entier
les titres des Livres , et à passer ce qui y
est écrit en plus petit caractere : et que
c'est là la vraye raison qui paroît lui faire
attribuer à M. Gaullier , un ouvrage qui
est de M. Le Fevre ?
Que si c'est à bon droit qu'on donne le
nom d'Infatigable à M. Gaullier , pour
avoir publié en un an un Livre de six
feuilles , dont il n'y en a que trois de
lui; à combien plus forte raison doit- on le
donner au Nouvelliste , qui , sans se fa-
Ciij tiguer
2322 MERCURE DE FRANCE
"
tiguer , fatiguera tous les ans le Public
de 52. Feuilles d'impression , qui est au
dessous de celle de la Methode de M. Le
Fevre et des Notes de M. Gaullier.
C'est un Grammairién fecond , continuë
le Nouvelliste , qui , suivant toutes les ap
parences , regalera encore ses Ecoliers d'un
bon nombre de Volumes. Il me semble que
le Nouvelliste est à peu près du même
caractere que la Déesse qui préside aux
Nouvelles , je veux dire la Renommée
dont Virgile dit quelque part :
Tamficti pravique tenax quàm nuntia veri;
La difference qui me paroît être entre
elle et lui , c'est que cette Déesse publie
également la verité et la fausseté , et que
notre homme panche plus souvent du
côté de la fausseté et verifie en sa personne
d'une maniere qui lui est propre
ce qui est dit de l'homme en general ,
Omnis homo mendax,
Une autre difference qui ne me paroît
pas moins considerable , c'est que la Ré
nommée rne nous annonce que le passé ,
et que le Nouvelliste se mêle de nous
prédire l'avenir , et s'érige en Prophete
de malheur , ou en diseur de mauvaises
avantures ; car ne peut- on pas donner ce
nom au régal d'un bon nombre de Volu◄
›
mes
OCTOBRE. 1731. 2325
*
mes de Grammaire , qu'il pronostique à
mes Ecoliers ?
Mais encore sur quoi est fondée cette
nouvelle Prophetie ? Et comment peutelle
avoir aucune apparence de verité ?
Si on juge de l'avenir par le passé , comme
la raison le veut , quelle apparence que
moi , qui , depuis 1719. que la cinquiéme
partie des Regles a parue , n'ai regalé
mes Ecoliers que du petit Volume de la
Grammaire Françoise , je les regale dans
la suite d'un bon nombre de Volumes ?
Pour moi , si j'aimois à prophetiser , je
pourrois dire que le Nouvelliste est un
Critique fecond , qui , suivant toutes les
apparences , regalera encore le Public
d'un bon nombre de Lettres. Il l'a promis
; il tient parole ; depuis sept mois ,
il nous a déja servi 29. de ces Lettres :
c'est un gage presque sûr pour l'avenir ;
à moins que le Public ne persevere de plus
en plus à ne pas faire cas du régal qu'on
veut lui donner malgré lui .
Je ne sçai , c'est le Nouvelliste qui parle
, si cette multiplication est nécessaire . Il
me semble que le grand nombre de Regles
accable plus l'Esprit qu'il ne le soulage.
Pour moi je crois sçavoir que la multiplication
des Regles er des Volumes de
Grammaire , non seulement n'est pas
Ciiij néces-
-
2324 MERCURE DE FRANCE
gles ,
1
nécessaire , mais même est très- inutile
et très - préjudiciable. C'est pour cela que
j'ai tant abregé les gros Volumes de Resoit
pour le Latin soit pour le
François ; et que , comme je l'ai déja
prouvé plus haut par les faits , je les ai
réduit d'abord à 100. ou 200. pages, puis
à une feuille de 24. Pages. C'est pour la
même raison que j'ai donné au Public
une nouvelle Edition de la petite Methode
de M. Le Fevre , afin d'empêcher , s'il
est possible , la multiplication des nouveaux
systêmes pour le Latin , dont l'exposition
et les préliminaires sont souvent
beaucoup plus longs et plus ennuyeux que
toutes les Regles , et d'étouffer dans leur
naissance un bon nombre d'insectes de la
basse litterature , qui fourmillent et pul- .
lulent de tous côtés depuis quinze ou
vingt ans et qui achevent de ruiner et
de désoler le Pays de la Grammaire , qui
de sa Nature est si peu riante et si peu
fertille.
Voilà ce que je crois sçavoir , et à quoi
est bonne la nouvelle édition du petit
ouvrage de M. Le Fevre. Ce que je ne sçai
pas , c'est si cette multiplication de Nouvelles
Litteraires est bien nécessaire , et
si elle n'accable et n'assomme pas plutôt
le Public qu'elle ne le soulage . Nous
avons
OCTOBRE 1731. 2325
avons déja tant d'autres ouvrages de cette
espece , qui ont la vogue depuis tant d'années,
sans parler des autres.
Il s'en faut bien que le Nouvelliste du
Parnasse ait toutes les bonnes qualitez et
tous les avantages des autres ouvrages Periodiques
premierement le titre en est
trompeur. C'est un Nouvelliste qui n'apprend
point de Nouvelles ; il ne se borne
point au Parnasse mais il descend du
haut de cette Montagne , dans les Vallées
les plus basses , d'où ensuite il s'écarte à
droite et à gauche et s'égare dans le
pays de la Rethorique et de la Grammaire
, qu'il ne connoît que très- imparfaitement
, et des autres Arts liberaux. Le
titre de Nouvelliste du Parnasse ne lui
convient donc en aucune maniere , à
moins qu'on ne veüille faire entendre parlà
qu'il prétend jouir du Privilege du
Parnasse , c'est - à-dire , de feindre et de
mentir comme les Poëtes qui habitent
cette Montagne .
,
Mais au lieu des Nouvelles.du Parnasse
qu'il nous promet , comme il juge des
autres par lui- même , il croit que des
Censures et des Satyres , même fausses
leur feront plus de plaisir. Il monte donc
sur un Tribunal qu'il s'érige à lui-même ,
et de- là il prononce toûjours avec har-
Cv diesse
L
2326 MERCURE DE FRANCE
diessse , mais souvent sans modération et
sans équité , des Jugemens précipitez et
injustes contre tous ceux qui lui sont
bien superieurs en science et en autorité ;
contre les ROLLINS les GIBERTS
les VOLTAIRES . Il faut donc lui ôter
son nom de Nouvelliste du Parnasse , qui
est faux , comme nous venons de le prouver
, et qui de plus ne donne pas de lui
une bonne idée , puisque Nouvelliste ne
se prend gueres qu'en mauvaise part ; et
lui donner le nom de Censeur general de
la Republique des Lettres.
On peut aussi dire de lui , ce que l'E
criture dit d'Ismaël , Gen. 16. 12. Qu'il
leve la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leve-
'ront aussi la main contre lui ; Etmanus
omnium contra eum ; à moins que le peu
de cas qu'on paroît faire de lui , ne le
fasse rentrer dans le néant dont il est
sorti depuis quelques mois .
Voilà une partie de ce que j'avois à ré,
pondre , pour deffendre contre le Nouvelliste
Parnassien le peu de réputation
que je me suis acquise depuis 15. ou 20.
ans , qui m'est nécessaire pour continuer
ma Profession avec honneur , et que ce
Critique injuste veut , mais ne doit ni
ne pourra jamais m'ôter.
Censure portée contre lui dans la vingtbuitiéme
Lettre du Nouvelliste du Par
nasse.
E grand Critique qui enfante toutes
les semaines une feuille d'impression
in-douze , de caractere moyen , a jugé à
propos de parler ainsi de la methode de
M. Lefevre que j'ai fait réimprimer
avec des Notes : L'infatigable M. Gaullyer
, dit-il , Professeur au College du Plessis
apublié nne Methode pour l'étude des
humanitez. C'est un Grammairien fecond ;
qui , suivant toutes les apparences , regalera
encore ses Ecoliers d'un bon nombre de Volumes.
Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire. Il me semble que le grand nombre
de Regles accable plus l'Esprit qu'il ne le
soulage.
-
M. Gaullier n'est pas si infatigable
ny si fecond en Grammaires que le Nouvelliste
l'est en Nouvelles , ou plutôt er
Censure et en Satyre . Depuis 1716 , que
parut sa premiere Methode , il n'a fait im
primer que cinq petites parties des Regle ÷
pour la Langue Latine et la Françoise
avec un Abregé de la Grammaire Françoi
se
OCTOBRE.
1737.
2219
se , et des Regles de Poëtique , tirées
d'Aristote ,
d'Horace , de
Despreaux et
d'autres célebres Auteurs , tant anciens
que modernes. Les cinq autres Volumes
de M. Gaullier sont , non des Volumes
de Regles , mais des Auteurs Grecs et.
Latins notés à l'usage des Classes . Tous
douze ont été
approuvés par une , et six
par deux Conclusions de l'Université , en
1716. et en la presente Année 1731. honneur
qui n'avoit été fait à personne avant
lui , que je sçache , et qu'un ou deux seulement
ont reçû après lui .
> Quant aux sept Volumes de Regles
ce n'est qu'un abregé et un choix de ce
que nous avons de plus excellent en ce
genre , je veux dire , des Methodes de
Port -Royal , de la
Grammaire Françoise
de l'Abbé Regnier - Desmarais . Mais com
me M. Gaullier ne regale poine ses Ecoliers
de Regles de Poëtique qui sont audessus
de leur portée , ni de versification
françoise ni de plusieurs autres choses
qu'il leur fait passer dans ses livres , com.
meles
Declinaisons et les
Conjugaisons , les
Préfaces , les
Combinaisons des Verbes ; ces
7. Volumes se réduisent à six , qui tous ensemble
ne font pas plus de cinq cent pages.
Et même M. Gaullier
connoissant un peu
les differents goûts , pour ne pas dire les
Cij
divers
23 20 MERCURE DE FRANCE
divers Caprices des hommes , il a réduit
à une Feuille d'impression de 24. pages
de petit caractere , Le Rudiment et
la Syntaxe 2 Les Préterits et Supins
qui en tiennent plus de 300. in 80. dans
Despautere , et plus de 350. aussi in 8º.
dans Port- Royal 3º plus de 400. pages
de la Methode de Bretonneau ont aussi
été réduites à 26 : et 740 in 4° . de la
Grammaire de M. l'Abbé Regnier - Desmarais
ont été abregés par lui d'abord en
52 pages de Petit-Romain , et puis en 24
de Petit-Texte.
С
Comment le Nouvelliste peut- il donc
se plaindre de la multiplication de mes
Livres de Grammaite et des Regles , et
prophetiser que je regalerai encore mes
Ecoliers d'un grand nombre de Volumes ?
Quand on fait le Métier de Satirique
comme le fait le Nouvelliste , il faudroit
au moins être exempt des fautes qu'on
reprend dans les autres , et ne leur en reprocher
que de vrayes. C'est ici tout le
contraire ; et il me paroît évident que celui
qui de son autorité privée , s'est érigé
depuis six ou sept mois en Juge de tous
les Auteurs , manque lui-même ici de
Jugement.
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur
au College du Plessis , a publié, dit- on , une
Methode pour les Humanitez.
La
OCTOBRE. 173. 232F
La Methode que M. Gaullier a publiée ,
n'est point de lui : elle est du celebre M. Le
Fevre de Saumur , Pere de Me Dacier.
Elle n'est que de trois feuilles de Gros
Romain , qui n'en valent pas une de Petit
Texte. Les Notes de M. Gaullier , ne
sont aussi que de trois Feuilles d'un caractere
presque aussi gros . Qui pourra donc
jamais penser qu'un homme qui est accoûtumé
à porter quatre heures et demie
tous les jours le pesant fardeau d'une
Classe , soit nommé infatigable à juste
titre , pour avoir donné au Public six
Feuilles de grosse Impression , dont il y
én a la moitié qui n'est pas de lui ? Mais
quelqu'un ne sera-t'il point tenté de croi
re , que le Nouvelliste , pour bien juger
des Auteurs et de leurs ouvrages , porte
l'exactitude jusqu'à ne pas lire en entier
les titres des Livres , et à passer ce qui y
est écrit en plus petit caractere : et que
c'est là la vraye raison qui paroît lui faire
attribuer à M. Gaullier , un ouvrage qui
est de M. Le Fevre ?
Que si c'est à bon droit qu'on donne le
nom d'Infatigable à M. Gaullier , pour
avoir publié en un an un Livre de six
feuilles , dont il n'y en a que trois de
lui; à combien plus forte raison doit- on le
donner au Nouvelliste , qui , sans se fa-
Ciij tiguer
2322 MERCURE DE FRANCE
"
tiguer , fatiguera tous les ans le Public
de 52. Feuilles d'impression , qui est au
dessous de celle de la Methode de M. Le
Fevre et des Notes de M. Gaullier.
C'est un Grammairién fecond , continuë
le Nouvelliste , qui , suivant toutes les ap
parences , regalera encore ses Ecoliers d'un
bon nombre de Volumes. Il me semble que
le Nouvelliste est à peu près du même
caractere que la Déesse qui préside aux
Nouvelles , je veux dire la Renommée
dont Virgile dit quelque part :
Tamficti pravique tenax quàm nuntia veri;
La difference qui me paroît être entre
elle et lui , c'est que cette Déesse publie
également la verité et la fausseté , et que
notre homme panche plus souvent du
côté de la fausseté et verifie en sa personne
d'une maniere qui lui est propre
ce qui est dit de l'homme en general ,
Omnis homo mendax,
Une autre difference qui ne me paroît
pas moins considerable , c'est que la Ré
nommée rne nous annonce que le passé ,
et que le Nouvelliste se mêle de nous
prédire l'avenir , et s'érige en Prophete
de malheur , ou en diseur de mauvaises
avantures ; car ne peut- on pas donner ce
nom au régal d'un bon nombre de Volu◄
›
mes
OCTOBRE. 1731. 2325
*
mes de Grammaire , qu'il pronostique à
mes Ecoliers ?
Mais encore sur quoi est fondée cette
nouvelle Prophetie ? Et comment peutelle
avoir aucune apparence de verité ?
Si on juge de l'avenir par le passé , comme
la raison le veut , quelle apparence que
moi , qui , depuis 1719. que la cinquiéme
partie des Regles a parue , n'ai regalé
mes Ecoliers que du petit Volume de la
Grammaire Françoise , je les regale dans
la suite d'un bon nombre de Volumes ?
Pour moi , si j'aimois à prophetiser , je
pourrois dire que le Nouvelliste est un
Critique fecond , qui , suivant toutes les
apparences , regalera encore le Public
d'un bon nombre de Lettres. Il l'a promis
; il tient parole ; depuis sept mois ,
il nous a déja servi 29. de ces Lettres :
c'est un gage presque sûr pour l'avenir ;
à moins que le Public ne persevere de plus
en plus à ne pas faire cas du régal qu'on
veut lui donner malgré lui .
Je ne sçai , c'est le Nouvelliste qui parle
, si cette multiplication est nécessaire . Il
me semble que le grand nombre de Regles
accable plus l'Esprit qu'il ne le soulage.
Pour moi je crois sçavoir que la multiplication
des Regles er des Volumes de
Grammaire , non seulement n'est pas
Ciiij néces-
-
2324 MERCURE DE FRANCE
gles ,
1
nécessaire , mais même est très- inutile
et très - préjudiciable. C'est pour cela que
j'ai tant abregé les gros Volumes de Resoit
pour le Latin soit pour le
François ; et que , comme je l'ai déja
prouvé plus haut par les faits , je les ai
réduit d'abord à 100. ou 200. pages, puis
à une feuille de 24. Pages. C'est pour la
même raison que j'ai donné au Public
une nouvelle Edition de la petite Methode
de M. Le Fevre , afin d'empêcher , s'il
est possible , la multiplication des nouveaux
systêmes pour le Latin , dont l'exposition
et les préliminaires sont souvent
beaucoup plus longs et plus ennuyeux que
toutes les Regles , et d'étouffer dans leur
naissance un bon nombre d'insectes de la
basse litterature , qui fourmillent et pul- .
lulent de tous côtés depuis quinze ou
vingt ans et qui achevent de ruiner et
de désoler le Pays de la Grammaire , qui
de sa Nature est si peu riante et si peu
fertille.
Voilà ce que je crois sçavoir , et à quoi
est bonne la nouvelle édition du petit
ouvrage de M. Le Fevre. Ce que je ne sçai
pas , c'est si cette multiplication de Nouvelles
Litteraires est bien nécessaire , et
si elle n'accable et n'assomme pas plutôt
le Public qu'elle ne le soulage . Nous
avons
OCTOBRE 1731. 2325
avons déja tant d'autres ouvrages de cette
espece , qui ont la vogue depuis tant d'années,
sans parler des autres.
Il s'en faut bien que le Nouvelliste du
Parnasse ait toutes les bonnes qualitez et
tous les avantages des autres ouvrages Periodiques
premierement le titre en est
trompeur. C'est un Nouvelliste qui n'apprend
point de Nouvelles ; il ne se borne
point au Parnasse mais il descend du
haut de cette Montagne , dans les Vallées
les plus basses , d'où ensuite il s'écarte à
droite et à gauche et s'égare dans le
pays de la Rethorique et de la Grammaire
, qu'il ne connoît que très- imparfaitement
, et des autres Arts liberaux. Le
titre de Nouvelliste du Parnasse ne lui
convient donc en aucune maniere , à
moins qu'on ne veüille faire entendre parlà
qu'il prétend jouir du Privilege du
Parnasse , c'est - à-dire , de feindre et de
mentir comme les Poëtes qui habitent
cette Montagne .
,
Mais au lieu des Nouvelles.du Parnasse
qu'il nous promet , comme il juge des
autres par lui- même , il croit que des
Censures et des Satyres , même fausses
leur feront plus de plaisir. Il monte donc
sur un Tribunal qu'il s'érige à lui-même ,
et de- là il prononce toûjours avec har-
Cv diesse
L
2326 MERCURE DE FRANCE
diessse , mais souvent sans modération et
sans équité , des Jugemens précipitez et
injustes contre tous ceux qui lui sont
bien superieurs en science et en autorité ;
contre les ROLLINS les GIBERTS
les VOLTAIRES . Il faut donc lui ôter
son nom de Nouvelliste du Parnasse , qui
est faux , comme nous venons de le prouver
, et qui de plus ne donne pas de lui
une bonne idée , puisque Nouvelliste ne
se prend gueres qu'en mauvaise part ; et
lui donner le nom de Censeur general de
la Republique des Lettres.
On peut aussi dire de lui , ce que l'E
criture dit d'Ismaël , Gen. 16. 12. Qu'il
leve la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leve-
'ront aussi la main contre lui ; Etmanus
omnium contra eum ; à moins que le peu
de cas qu'on paroît faire de lui , ne le
fasse rentrer dans le néant dont il est
sorti depuis quelques mois .
Voilà une partie de ce que j'avois à ré,
pondre , pour deffendre contre le Nouvelliste
Parnassien le peu de réputation
que je me suis acquise depuis 15. ou 20.
ans , qui m'est nécessaire pour continuer
ma Profession avec honneur , et que ce
Critique injuste veut , mais ne doit ni
ne pourra jamais m'ôter.
Fermer
Résumé : REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.
M. Gaullier, professeur au Collège du Plessis, réagit à une critique parue dans le Nouvelliste du Parnasse concernant sa méthode d'enseignement des humanités. Le critique, surnommé le 'grand Critique', reproche à M. Gaullier de publier trop de volumes de grammaire. M. Gaullier réfute cette accusation en détaillant ses publications depuis 1716. Il a publié cinq parties de règles pour le latin et le français, un abrégé de grammaire française et des règles de poétique. En outre, il a édité des auteurs grecs et latins annotés. Tous ses ouvrages ont été approuvés par l'Université. M. Gaullier précise que ses sept volumes de règles sont des abrégés des meilleures méthodes existantes, réduisant des œuvres volumineuses à des formats plus accessibles. Il critique le Nouvelliste pour ses erreurs et son manque de jugement, notant que ce dernier publie des nouvelles et des satires sans fondement. M. Gaullier défend son travail en expliquant que ses publications visent à simplifier et à rendre les règles grammaticales plus accessibles, contrairement aux affirmations du Nouvelliste. Il conclut en critiquant le titre trompeur et les jugements hâtifs du Nouvelliste, suggérant de le renommer 'Censeur général de la République des Lettres'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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77
p. 2584-2594
DIXIEME LETTRE sur la Méthode du Bureau Tipographique.
Début :
On a remarqué, Monsieur, que les enfans de deux à trois ans, afamez d'idées et d'images [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Images, Enfants, Méthode vulgaire, Étude des Lettres, Jeux, Exercices, Leçons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIXIEME LETTRE sur la Méthode du Bureau Tipographique.
DIXIEME LETTRE sur la
Méthode du Bureau Tipographique...
ON
Na remarqué , Monsieur , que les enfans
de deux à trois ans , afamez d'idées et d'images
, s'amusoient plus volontiers au Bureau
sans le comprendre , que des enfans de quatre à
six ans , déjà remplis de trop d'idées inutiles et
nuisibles aux prémiers élemens des Lettres. L'enfant
qui commence de bonne heure les jeux ou
les exercices du Bureau Tipographique , apprend
à lire avec plaisir , ou avec moins de peine que
par la Méthode vulgaire;il ne se souvient pas dans
la suite d'avoir commencé l'étude des lettres , il
est exemt du triste souvenir qui a dégouté et qui
dégoute ordinairement les autres enfans trop
avancez en âge , et conduits par la méthode vulgaire.
C'est une erreur et une suite du préjugé ,
que
NOVEMBRE 1731. 2585
que de croire toujours pénible pour un enfant
ce qu'on Ini montre méthodiquement ; la peine
et les épines sont pour le bon Maître méthodique
, qui ne prépare que des jeux et des roses
pour ses enfans. Dans la Méthode vulgaire,, bien
des Maîtres prendroient volontiers les roses pour
eux , et laisseroient les épines aux enfans qu'ils
ne recherchent que comme une Marchandise lucrative
. Il faut cependant convenir qu'il y a de
très- bons Maîtres qui partagent les épines avec
leurs enfans , et qui tâchent de leur en épargner
une bonne partie. Voici , Monsieur , la suite que
je vous ai promise , des diverses opérations tipographiques.
JEUX , EXERCICES , Operations
et Leçons , qu'on pourra pratiquer avec
des enfans de 2. à 6. et à 7. ans , mis
aux classes du Bureau Tipographique.
Pour l'exercice de la premiere et de la seconde
Classe du Bureau en Latin .
JEF
Eu du Singe ou de pure imitation , pour ran
ger les cartes ou les lettres sur la table de la
premiere classe du Bureau Tipographique.
de l'Echo ou de pure articulation pour la dé-
* monstration et la vraye dénomination des lettres .
de l'homme ou d'operation téorique et pratique
, dont voici les especes.
Jeu des cinq voyeles capitales et de 25. cartes ,
sçavoir 5. pour chaque voyelle , A , E , I , O , U.
N°. 1.
des consonnes capitales , B , D , P , ajoutées
au jeu des cinq voyelles, et dont la dénomination
E v vulgaire
2586, MERCURE DE FRANCE
vulgaire , Be, De , Pe , est bonne comme dans les
mots , Job , Gad ; Gap , &c . Nº. 2 .
des premieres capitales qui n'ayant qu'un
son , qu'une valeur , n'ont aussi qu'une dénomi
nation simple et monosillabe , comme F , V , M , N,
qu'il faut appeller Fe , Ve , Me , Ne , exemple ,
dans les mots vif, Joseph , venir , Sem , bimen ,
none , & c. N°. 3 .
des autres capitales à simple valeur , comme
H, K, Q, qu'on peut appeller He , Ka , Qu ,
exemple, dans les mots Heros, Kam, Quï &c . Nº.4
-des deux liquides, L,R, et du J, qu'on doit appeller
Le, Re , Jeja , ou Ja , comme dans les mots
Sol , Mer , Jujube , jamais , &c. No. 5.
des quatre capitales qui ayant double valeur
ou double son , ont aussi une dénomination composée
ou polisillabe , comme C , G , S , Z , qu'on
doit nommer Ceke, Ge - ga, Se- ze, Ze- ce, exemple,
dans les mots Cecrops, gigot, Suson, Uscz, Zelez,
&c. N° . 6.
des trois autres consonnes capitales à dénomination
polisillabe , comme T , X , Y , qu'on
doit nommer Te-ci , Kze- gze , I - ïe , exemple ,
dans les mots tentation , Alexis , axe , exil ,
exemple , mystere , payen , païen , &c. Nº. 7.
Jeu de réduction à moins de cartes, où l'on donne
une seule carte pour toutes les lettres de chaque
jeu, c'est-à- dire sept cartes pour les sept jeux
specifiez cy- dessus , une carte pour chaque jeu :
ane seule carte pour le jeu des cinq voyeles , &c.
Cartes No. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7 .
des cinq voyelles capitales à côté des cinq
petites voyelles en forme de croix , ou tout de
suite , comme Aa , Ee , li , Oo , Uu , sur une
seule carte. N. 1 .
des autres capitales que l'on mettra avec les
petites
1
NOVEMBRE .. 1731. 2587
petites consonnes , chaque jeu sur une carte ,
comme 3b , Dd , Pp , sur une autre carte Nº . 2
Ff, Vv , Mm , Nn , sur une autre carte , No. 3.
Hh , Kk , Qq , Sur une autre carte , Nº. Ll,
Rr, Jj , sur une autre carte , No. 5. Cc , Gg , Ss ,
Zz, sur une autre carte , N° . 6. Tt , Xx , Yy ,
sur une autre carte , Ѻ. 7.
4..
Jeu des grandes ressemblantes, comme AV, CG,
EF , BP , TL , BR , OQ , sur une autre carte ,
No. 8.
des quatre petites ressemblantes b , d , p , q.
mises à côté de leurs capitales , coinme Bb , Dd
Pp, Qq , sur une autre carte , Nº. 9%
des quatre petites ressemblantes differamment
combinées sans capitales , comme b , d , p , q ; d ,
q, p, b , &c. sur une autre carte ,
N°. 10% (
des autres lettres ressemblantes , I , ff , fJ ,
hy , ec , irt , qu , sur une autre carte , Nº. II .
des ch , ph , rh , th , en petites et en grandes
lettres , ensemble ou séparement , comme CH ch,
PH ph , & c. sur une autre carte , No. 12.
- des lettres doubles ou redoublées , &t , ft , &,
æ, æ , &c. Nº. 13 .
des cinq voyelles nasales ou à titre , a , e, i,
☎ , ũ , N°. 14.
des cinq même voyelles nasales , á , e , i , o ,
-ũ, à côté des voyelles an , en , in , on, un, comme
an en in on un › N°. 15.
>
de la dénomination des consones imprimées
sur la table du Bureau d'après la copie Be, Ce-ke,
De , Fe , Ge-gu , He , Ja , Ka , Le , Me , Ne , Pe-
Qu , Re, Se-ze , Te-ci , Ve , Kse- gze , Yi- ie , Zeee
, & c. Nº . 16.
Six jeux des combinaisons élementaires , sça
voir des combinaisons Ab , cb, ib , ob , ub , &c.
Mo
2588 MERCURE DE FRANCE
N°.P. 1 , Aba , ebe , ibi , obo , ubu , &c. Nº. 2. Ba ,
be , bi, bo , bu , &c . N. ° . 3. Bab , beb , bib ,
"bob, bub , &c. No. 4. Bla , ble , bli , blo ,
blu >
&c. No. 5. Bia , bre , bri , bro , bru , &c N°. 6.
Exercice à imprimer lettre à lettre sur la table
de la seconde classe , les sillabes des mots latins
donnez pour copie à l'enfant , exemple , Do - minus
, Do mi- no- rum , Nº . 1. N°. 2. &c.
des monosillabes latins à lire et à imprimer ,
exemple , Abs , bis , clam , &c. Nº. 1. Nº. 2. & c.
des noms propres et des mots connus et aisez
à imprimer lettre à lettre Ex . Pe-trus Lu- do- vicus
, &c. Paris , Samuel , Monomotapa , Abel ,
Phanix , &c. Nº. 1. 2. & c.
Exercice Tipographique sur la copie du discours
donné à imprimer. Ex. Pater noster qui es in
calis , &c; Nº. 1. N°. 2 , &c.
Pourl'exercice des quatre classes du Bureau,
soit en latin , soit en François .
>
Exercice des sons François simples , ou des quatorze
voyelles a , e , i , o , u‚ã‚é‚í‚õ , ú, eu ,
è , é , ou : comme dans les mots la , le , ni , со
nu , an , bien , ingrat , onde , lundi , Dieu , proz
cès , bonté , cou & c . No. 1 .
,
des sons composez oudes consonnes latines et
françoises qui sonnent comme dans les mots robe,
face , croc, grade , Caiphe , étoffe , juge, gigue,
heros, seule, ame , aune , coupe , quicõque, rare,
saisă , Fraçois , tête , tetatio , vive , Xerxès
axe , exil , fixe , taxe , chevreau , agneau ,
ouaille , loi , lui , ludi , &c. Nº. 2.
des diftongues à l'oeil seulement ou par rap-
Iport aux signes , comme au , eu , ou , &c. dans
es mots haubois , feu , sou , &c. N° . 3.
des diftongues à l'oreille et aux yeux , ou par
rapport
NOVEMBRE. 1731. 2589
rapport aux sons , comme ui , oi , & c. dans les
mots nuit , toit ; &c. Nº . 4,
des combinaisons élementaires foibles et fortes
, comme dans les sillabes ba , pa ; da , ta ; cla,
gla ; fra , vra , &c. et dans les mots bas , pas ;
don , ton ; gris , cris ; zele , sele ; vin , fini
Gige , chiche , &c . Nº . f.
Exercice des combinaisons avec les lettres liqui
des , sons mouillez , &c. comme dans les sillabes ,
Lé , lè , leu , lou , lau.
:
Ré , rè , reu , roù , rau.
Gné, gnè , gneu , gnou , gnau.
Lhé , lhè , Iheu , Thou , Ihau , et dans les
mots , plat , croc , oignon , paille , chignon ,
païen , &c. Nº. 6.
sur les combinaisons difficiles et plus compo
sées , comme dans les mots Stix , Sphinx , constant
, arctique , Amsterdam , &c. N °. 7.
des monosillabes françois masculins . Exemple,
as , bec , cri , dol , &c. N° . 8 .
des monosillabes feminins ou des mots ,
qui
outre leur sillabe, ont encore de plus l'é muet ou
la rime feminine, comme vie, lue, roue, & c.N ° . 9 .
des noms propres et des mots sensibles conaus
et aisez à imprimer son à son , comme Louis,
Charles , Agnès , soupe , mouchoir , paille , &c.
N°. 10.
Exercice tipographique sur la copie donnée à
imprimer. Exemple , Mon Dieu , je vous aime
bien , & c. N°. 11 .
à deviner la premiere voyelle d'un mot prononcé
, comme la premiere voyelle des mots
table , café , diner , doner , curé , venir , &c.
N°. 12.
à deviner la consonne initiale d'un mot prononcé
comme la premiere consonne des mots
bal , Dieu , pome , &c . N. 13.
1490 MERCURE DE FRANCE
·
à deviner toutes les lettres d'un mot latin
prononcé , comme celle des mots , Dominus, omnipotens
, &c. Nº. 14.
à deviner les sons d'un mot françois prononcé
, comme les sons du mot ouaille , & c N° . 15
à deviner les mots qui donnent les sons proposez
, initiaux , médiaux , ou finaux . Exemple
le son on étant donné , on trouve les mots oži ,
pour , trou , & c . N'. 16.
-à dicter à l'enfant Tipographe , c'est - à- dire
qui imprime la dictée sur la table de son Bureau
selon l'ortographe passagere d'enfant , ou l'ortographe
des sons et de l'oreille , en attendant de
pouvoir imprimer selon l'ortographe permanente
d'homme , ou celle des Lettres , des yeux et de
Fusage. Exemple , chapo , pèn , rèzon , au lieu de
chapeau , pain , raison , &c. Nº. 17.
-à trouver des rimes . Exemple , des rimes en
able , table , miserable, pardonnable, &c. No. 18%-
-à imprimer de petits Vers françois. Exemple.
Sarrasin ,
Mon voisin , &c . Nɔ. 19.
des têmes scientifiques et manuscrits pour la
lecture.
Na. On appelle témes scientifiques, les cartes
au dos desquelles on écrit une ou plusieurs li
gnes de françois avec toute l'exactitude possible
sur les accens , sur les sons de la langue et sur la
veritable ortographe , ensorte que l'enfant puisse
pratiquer les principes de lecture qu'on lui a
donnez et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
NOVEMBRE 1731 . 2598
d'un tême seientifique.
EXEMPLE
La troisième classe imprime lettreà lettre, et
La seconde classe du Bureau imprime lettreà lettre
La premiere classe du Bureau montre les lettres.
sonà son.
La quatrième classe imprime lettre lettre, son
à sonet motà mot.
No.20.
Pour l'étude des deux Langues.
Leçon de la glose interlinaire une Langue
sous l'autre , mot à mot. Exemple :
{{
Seigneur , sauvez le Roi.
Domine , salvum fac Regem.
Leçon en glose , une Langue sous l'autre,
et non mot à mot comme dans
Il n'en ira pas ainsi
2 Nonentre pasains
Exercice de la version.
de la composition.
à imprimer sur la même ligne , une Langne
après
2592 MERCURE DE FRANCE
après l'autre pour la version et pour la composi
tion. Ex. celui qui , Ille qui , &c. ou Ille qui' ,
celui qui , &c.
Leçon du Phedre construit numeroté, exemple :
I 2 3 4 6 7 &
Lupus et agnus compulsi siti venerant ad eundem_
rivum , & c.
à imprimer des Vers latins avec la quantité ,
les pieds , &c. Exemple :
Tot tibi sunt do tes vir go quot sïděra coelo .
omniă sunt homi num teuŭ i pën dentiă filō.
Et subi tō cā sū , quæ vălu ērẽ rù ūnt.
des Vers tournez sur la table du Bureau
après avoir donné à l'enfant tous les mots sur
autant de cartes , comme les mots des Vers précedens
.
des Anagrammes sur la table du Bureau.
Exemple : sac, cas , beau , aube , Abel , bale , &c.
Du Vocabulaire ou du Dictionnaire de l'enfant.
Pour l'agréable et utile varieté.
Operation des lettres grecques à côté des lettres
latines.
des lettres hebraïques à côté des lettres françoises.
de la casse françoise de droit à gauche.
à imprimer sans voyelles et à lire avec les
seules consonnes , comme Srpns , au lieu de Serpens
en latin , et emndmnt , au lieu de comandement
en françois.
A imprimer le latin et le françois en caracteres
grecs ou hebreux , en attendant de pouvoir imprimer
ces deux dernieres.Langues.
de la casse grecque , hebraïque , &c.
Leçons numeriques , algebriques , &c.
Pour
NOVEMBRE. 1731. 2593
Pour ranger et relire à haute voix des suites
numerotées sur des cartes.
Leçon pour ranger les suites des têmes sientifiques
, ou des copies que l'enfant a déja imprimées.
à ranger en glose interlinaire les têmes que
l'enfant a déja imprimez sur la table de son Burcau .
Leçon des indéclinables que l'enfant a lûs et imprimez.
des déclinables et des cinq déclinaisons que
P'enfant aura sur des cartes differentes , comme
les cinq paradigmes de Luna , Lupus , Soror ,
fructus , facies.
des cinq pronoms , Ego , tu , ille , hic, qui.
des terminaisons des déclinaisons des noms.
Exemple : a , a , a , am , &c.
pour lire et ranger les cartes numerotées du
verbe substantif sum ( je suis ) &c.
de la conjugaison active , &c.
des terminaisons actives , & c.
de la conjugaison passive , &c .
des terminaisons passives , &c.
des tems et des modes , &c.
de l'Echo grammatical pour décliner et
conjuguer tous les mots donnez et proposez sur
les paradigmes
du Breviaire grammatical et journalier pour
mettre un enfant en état de répondre et de pratiquer.
de la Sintaxe téorique et pratique,
de l'interrogation et des exemples .
de la récitation et de la memoire.
des racines des Langues et des étimologies.
du recueil des fautes et des corrections
grammaticales sur le françois et le latin.
des regles et des exceptions grammaticales.
de
2594 MERCURE DE FRANCE
de la garniture du Bureau et des étiquetes
tipographiques.
Leçon pour ranger les faits de l'Histoire Sainte.
les faits de l'Histoire Profane,
les suites géographiques
.
les suites chronologigues.
les suites heraldiques.
les cartes sur la Mitologie.
le Calendrier.
la Table de Pitagore.
les Signes tipographiques.
les miscellanées et le Supplement.
Voilà , Monsieur , de quoi exercer les Maîtres
et les enfans , en attendant la suite des Lettres
promises sur les articles de la Version , de la
composition , de la memoire , de l'écriture , des
Méthodes, &c. J'ai toujours l'honneur d'être,&c.
Méthode du Bureau Tipographique...
ON
Na remarqué , Monsieur , que les enfans
de deux à trois ans , afamez d'idées et d'images
, s'amusoient plus volontiers au Bureau
sans le comprendre , que des enfans de quatre à
six ans , déjà remplis de trop d'idées inutiles et
nuisibles aux prémiers élemens des Lettres. L'enfant
qui commence de bonne heure les jeux ou
les exercices du Bureau Tipographique , apprend
à lire avec plaisir , ou avec moins de peine que
par la Méthode vulgaire;il ne se souvient pas dans
la suite d'avoir commencé l'étude des lettres , il
est exemt du triste souvenir qui a dégouté et qui
dégoute ordinairement les autres enfans trop
avancez en âge , et conduits par la méthode vulgaire.
C'est une erreur et une suite du préjugé ,
que
NOVEMBRE 1731. 2585
que de croire toujours pénible pour un enfant
ce qu'on Ini montre méthodiquement ; la peine
et les épines sont pour le bon Maître méthodique
, qui ne prépare que des jeux et des roses
pour ses enfans. Dans la Méthode vulgaire,, bien
des Maîtres prendroient volontiers les roses pour
eux , et laisseroient les épines aux enfans qu'ils
ne recherchent que comme une Marchandise lucrative
. Il faut cependant convenir qu'il y a de
très- bons Maîtres qui partagent les épines avec
leurs enfans , et qui tâchent de leur en épargner
une bonne partie. Voici , Monsieur , la suite que
je vous ai promise , des diverses opérations tipographiques.
JEUX , EXERCICES , Operations
et Leçons , qu'on pourra pratiquer avec
des enfans de 2. à 6. et à 7. ans , mis
aux classes du Bureau Tipographique.
Pour l'exercice de la premiere et de la seconde
Classe du Bureau en Latin .
JEF
Eu du Singe ou de pure imitation , pour ran
ger les cartes ou les lettres sur la table de la
premiere classe du Bureau Tipographique.
de l'Echo ou de pure articulation pour la dé-
* monstration et la vraye dénomination des lettres .
de l'homme ou d'operation téorique et pratique
, dont voici les especes.
Jeu des cinq voyeles capitales et de 25. cartes ,
sçavoir 5. pour chaque voyelle , A , E , I , O , U.
N°. 1.
des consonnes capitales , B , D , P , ajoutées
au jeu des cinq voyelles, et dont la dénomination
E v vulgaire
2586, MERCURE DE FRANCE
vulgaire , Be, De , Pe , est bonne comme dans les
mots , Job , Gad ; Gap , &c . Nº. 2 .
des premieres capitales qui n'ayant qu'un
son , qu'une valeur , n'ont aussi qu'une dénomi
nation simple et monosillabe , comme F , V , M , N,
qu'il faut appeller Fe , Ve , Me , Ne , exemple ,
dans les mots vif, Joseph , venir , Sem , bimen ,
none , & c. N°. 3 .
des autres capitales à simple valeur , comme
H, K, Q, qu'on peut appeller He , Ka , Qu ,
exemple, dans les mots Heros, Kam, Quï &c . Nº.4
-des deux liquides, L,R, et du J, qu'on doit appeller
Le, Re , Jeja , ou Ja , comme dans les mots
Sol , Mer , Jujube , jamais , &c. No. 5.
des quatre capitales qui ayant double valeur
ou double son , ont aussi une dénomination composée
ou polisillabe , comme C , G , S , Z , qu'on
doit nommer Ceke, Ge - ga, Se- ze, Ze- ce, exemple,
dans les mots Cecrops, gigot, Suson, Uscz, Zelez,
&c. N° . 6.
des trois autres consonnes capitales à dénomination
polisillabe , comme T , X , Y , qu'on
doit nommer Te-ci , Kze- gze , I - ïe , exemple ,
dans les mots tentation , Alexis , axe , exil ,
exemple , mystere , payen , païen , &c. Nº. 7.
Jeu de réduction à moins de cartes, où l'on donne
une seule carte pour toutes les lettres de chaque
jeu, c'est-à- dire sept cartes pour les sept jeux
specifiez cy- dessus , une carte pour chaque jeu :
ane seule carte pour le jeu des cinq voyeles , &c.
Cartes No. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7 .
des cinq voyelles capitales à côté des cinq
petites voyelles en forme de croix , ou tout de
suite , comme Aa , Ee , li , Oo , Uu , sur une
seule carte. N. 1 .
des autres capitales que l'on mettra avec les
petites
1
NOVEMBRE .. 1731. 2587
petites consonnes , chaque jeu sur une carte ,
comme 3b , Dd , Pp , sur une autre carte Nº . 2
Ff, Vv , Mm , Nn , sur une autre carte , No. 3.
Hh , Kk , Qq , Sur une autre carte , Nº. Ll,
Rr, Jj , sur une autre carte , No. 5. Cc , Gg , Ss ,
Zz, sur une autre carte , N° . 6. Tt , Xx , Yy ,
sur une autre carte , Ѻ. 7.
4..
Jeu des grandes ressemblantes, comme AV, CG,
EF , BP , TL , BR , OQ , sur une autre carte ,
No. 8.
des quatre petites ressemblantes b , d , p , q.
mises à côté de leurs capitales , coinme Bb , Dd
Pp, Qq , sur une autre carte , Nº. 9%
des quatre petites ressemblantes differamment
combinées sans capitales , comme b , d , p , q ; d ,
q, p, b , &c. sur une autre carte ,
N°. 10% (
des autres lettres ressemblantes , I , ff , fJ ,
hy , ec , irt , qu , sur une autre carte , Nº. II .
des ch , ph , rh , th , en petites et en grandes
lettres , ensemble ou séparement , comme CH ch,
PH ph , & c. sur une autre carte , No. 12.
- des lettres doubles ou redoublées , &t , ft , &,
æ, æ , &c. Nº. 13 .
des cinq voyelles nasales ou à titre , a , e, i,
☎ , ũ , N°. 14.
des cinq même voyelles nasales , á , e , i , o ,
-ũ, à côté des voyelles an , en , in , on, un, comme
an en in on un › N°. 15.
>
de la dénomination des consones imprimées
sur la table du Bureau d'après la copie Be, Ce-ke,
De , Fe , Ge-gu , He , Ja , Ka , Le , Me , Ne , Pe-
Qu , Re, Se-ze , Te-ci , Ve , Kse- gze , Yi- ie , Zeee
, & c. Nº . 16.
Six jeux des combinaisons élementaires , sça
voir des combinaisons Ab , cb, ib , ob , ub , &c.
Mo
2588 MERCURE DE FRANCE
N°.P. 1 , Aba , ebe , ibi , obo , ubu , &c. Nº. 2. Ba ,
be , bi, bo , bu , &c . N. ° . 3. Bab , beb , bib ,
"bob, bub , &c. No. 4. Bla , ble , bli , blo ,
blu >
&c. No. 5. Bia , bre , bri , bro , bru , &c N°. 6.
Exercice à imprimer lettre à lettre sur la table
de la seconde classe , les sillabes des mots latins
donnez pour copie à l'enfant , exemple , Do - minus
, Do mi- no- rum , Nº . 1. N°. 2. &c.
des monosillabes latins à lire et à imprimer ,
exemple , Abs , bis , clam , &c. Nº. 1. Nº. 2. & c.
des noms propres et des mots connus et aisez
à imprimer lettre à lettre Ex . Pe-trus Lu- do- vicus
, &c. Paris , Samuel , Monomotapa , Abel ,
Phanix , &c. Nº. 1. 2. & c.
Exercice Tipographique sur la copie du discours
donné à imprimer. Ex. Pater noster qui es in
calis , &c; Nº. 1. N°. 2 , &c.
Pourl'exercice des quatre classes du Bureau,
soit en latin , soit en François .
>
Exercice des sons François simples , ou des quatorze
voyelles a , e , i , o , u‚ã‚é‚í‚õ , ú, eu ,
è , é , ou : comme dans les mots la , le , ni , со
nu , an , bien , ingrat , onde , lundi , Dieu , proz
cès , bonté , cou & c . No. 1 .
,
des sons composez oudes consonnes latines et
françoises qui sonnent comme dans les mots robe,
face , croc, grade , Caiphe , étoffe , juge, gigue,
heros, seule, ame , aune , coupe , quicõque, rare,
saisă , Fraçois , tête , tetatio , vive , Xerxès
axe , exil , fixe , taxe , chevreau , agneau ,
ouaille , loi , lui , ludi , &c. Nº. 2.
des diftongues à l'oeil seulement ou par rap-
Iport aux signes , comme au , eu , ou , &c. dans
es mots haubois , feu , sou , &c. N° . 3.
des diftongues à l'oreille et aux yeux , ou par
rapport
NOVEMBRE. 1731. 2589
rapport aux sons , comme ui , oi , & c. dans les
mots nuit , toit ; &c. Nº . 4,
des combinaisons élementaires foibles et fortes
, comme dans les sillabes ba , pa ; da , ta ; cla,
gla ; fra , vra , &c. et dans les mots bas , pas ;
don , ton ; gris , cris ; zele , sele ; vin , fini
Gige , chiche , &c . Nº . f.
Exercice des combinaisons avec les lettres liqui
des , sons mouillez , &c. comme dans les sillabes ,
Lé , lè , leu , lou , lau.
:
Ré , rè , reu , roù , rau.
Gné, gnè , gneu , gnou , gnau.
Lhé , lhè , Iheu , Thou , Ihau , et dans les
mots , plat , croc , oignon , paille , chignon ,
païen , &c. Nº. 6.
sur les combinaisons difficiles et plus compo
sées , comme dans les mots Stix , Sphinx , constant
, arctique , Amsterdam , &c. N °. 7.
des monosillabes françois masculins . Exemple,
as , bec , cri , dol , &c. N° . 8 .
des monosillabes feminins ou des mots ,
qui
outre leur sillabe, ont encore de plus l'é muet ou
la rime feminine, comme vie, lue, roue, & c.N ° . 9 .
des noms propres et des mots sensibles conaus
et aisez à imprimer son à son , comme Louis,
Charles , Agnès , soupe , mouchoir , paille , &c.
N°. 10.
Exercice tipographique sur la copie donnée à
imprimer. Exemple , Mon Dieu , je vous aime
bien , & c. N°. 11 .
à deviner la premiere voyelle d'un mot prononcé
, comme la premiere voyelle des mots
table , café , diner , doner , curé , venir , &c.
N°. 12.
à deviner la consonne initiale d'un mot prononcé
comme la premiere consonne des mots
bal , Dieu , pome , &c . N. 13.
1490 MERCURE DE FRANCE
·
à deviner toutes les lettres d'un mot latin
prononcé , comme celle des mots , Dominus, omnipotens
, &c. Nº. 14.
à deviner les sons d'un mot françois prononcé
, comme les sons du mot ouaille , & c N° . 15
à deviner les mots qui donnent les sons proposez
, initiaux , médiaux , ou finaux . Exemple
le son on étant donné , on trouve les mots oži ,
pour , trou , & c . N'. 16.
-à dicter à l'enfant Tipographe , c'est - à- dire
qui imprime la dictée sur la table de son Bureau
selon l'ortographe passagere d'enfant , ou l'ortographe
des sons et de l'oreille , en attendant de
pouvoir imprimer selon l'ortographe permanente
d'homme , ou celle des Lettres , des yeux et de
Fusage. Exemple , chapo , pèn , rèzon , au lieu de
chapeau , pain , raison , &c. Nº. 17.
-à trouver des rimes . Exemple , des rimes en
able , table , miserable, pardonnable, &c. No. 18%-
-à imprimer de petits Vers françois. Exemple.
Sarrasin ,
Mon voisin , &c . Nɔ. 19.
des têmes scientifiques et manuscrits pour la
lecture.
Na. On appelle témes scientifiques, les cartes
au dos desquelles on écrit une ou plusieurs li
gnes de françois avec toute l'exactitude possible
sur les accens , sur les sons de la langue et sur la
veritable ortographe , ensorte que l'enfant puisse
pratiquer les principes de lecture qu'on lui a
donnez et qu'il ne soit jamais induit en erreur,
NOVEMBRE 1731 . 2598
d'un tême seientifique.
EXEMPLE
La troisième classe imprime lettreà lettre, et
La seconde classe du Bureau imprime lettreà lettre
La premiere classe du Bureau montre les lettres.
sonà son.
La quatrième classe imprime lettre lettre, son
à sonet motà mot.
No.20.
Pour l'étude des deux Langues.
Leçon de la glose interlinaire une Langue
sous l'autre , mot à mot. Exemple :
{{
Seigneur , sauvez le Roi.
Domine , salvum fac Regem.
Leçon en glose , une Langue sous l'autre,
et non mot à mot comme dans
Il n'en ira pas ainsi
2 Nonentre pasains
Exercice de la version.
de la composition.
à imprimer sur la même ligne , une Langne
après
2592 MERCURE DE FRANCE
après l'autre pour la version et pour la composi
tion. Ex. celui qui , Ille qui , &c. ou Ille qui' ,
celui qui , &c.
Leçon du Phedre construit numeroté, exemple :
I 2 3 4 6 7 &
Lupus et agnus compulsi siti venerant ad eundem_
rivum , & c.
à imprimer des Vers latins avec la quantité ,
les pieds , &c. Exemple :
Tot tibi sunt do tes vir go quot sïděra coelo .
omniă sunt homi num teuŭ i pën dentiă filō.
Et subi tō cā sū , quæ vălu ērẽ rù ūnt.
des Vers tournez sur la table du Bureau
après avoir donné à l'enfant tous les mots sur
autant de cartes , comme les mots des Vers précedens
.
des Anagrammes sur la table du Bureau.
Exemple : sac, cas , beau , aube , Abel , bale , &c.
Du Vocabulaire ou du Dictionnaire de l'enfant.
Pour l'agréable et utile varieté.
Operation des lettres grecques à côté des lettres
latines.
des lettres hebraïques à côté des lettres françoises.
de la casse françoise de droit à gauche.
à imprimer sans voyelles et à lire avec les
seules consonnes , comme Srpns , au lieu de Serpens
en latin , et emndmnt , au lieu de comandement
en françois.
A imprimer le latin et le françois en caracteres
grecs ou hebreux , en attendant de pouvoir imprimer
ces deux dernieres.Langues.
de la casse grecque , hebraïque , &c.
Leçons numeriques , algebriques , &c.
Pour
NOVEMBRE. 1731. 2593
Pour ranger et relire à haute voix des suites
numerotées sur des cartes.
Leçon pour ranger les suites des têmes sientifiques
, ou des copies que l'enfant a déja imprimées.
à ranger en glose interlinaire les têmes que
l'enfant a déja imprimez sur la table de son Burcau .
Leçon des indéclinables que l'enfant a lûs et imprimez.
des déclinables et des cinq déclinaisons que
P'enfant aura sur des cartes differentes , comme
les cinq paradigmes de Luna , Lupus , Soror ,
fructus , facies.
des cinq pronoms , Ego , tu , ille , hic, qui.
des terminaisons des déclinaisons des noms.
Exemple : a , a , a , am , &c.
pour lire et ranger les cartes numerotées du
verbe substantif sum ( je suis ) &c.
de la conjugaison active , &c.
des terminaisons actives , & c.
de la conjugaison passive , &c .
des terminaisons passives , &c.
des tems et des modes , &c.
de l'Echo grammatical pour décliner et
conjuguer tous les mots donnez et proposez sur
les paradigmes
du Breviaire grammatical et journalier pour
mettre un enfant en état de répondre et de pratiquer.
de la Sintaxe téorique et pratique,
de l'interrogation et des exemples .
de la récitation et de la memoire.
des racines des Langues et des étimologies.
du recueil des fautes et des corrections
grammaticales sur le françois et le latin.
des regles et des exceptions grammaticales.
de
2594 MERCURE DE FRANCE
de la garniture du Bureau et des étiquetes
tipographiques.
Leçon pour ranger les faits de l'Histoire Sainte.
les faits de l'Histoire Profane,
les suites géographiques
.
les suites chronologigues.
les suites heraldiques.
les cartes sur la Mitologie.
le Calendrier.
la Table de Pitagore.
les Signes tipographiques.
les miscellanées et le Supplement.
Voilà , Monsieur , de quoi exercer les Maîtres
et les enfans , en attendant la suite des Lettres
promises sur les articles de la Version , de la
composition , de la memoire , de l'écriture , des
Méthodes, &c. J'ai toujours l'honneur d'être,&c.
Fermer
Résumé : DIXIEME LETTRE sur la Méthode du Bureau Tipographique.
Le texte décrit une méthode d'enseignement de la lecture et de l'écriture destinée aux enfants âgés de 2 à 7 ans, au sein d'un Bureau Tipographique. Les enfants de 2 à 3 ans apprennent à lire avec plus de plaisir et de facilité que ceux de 4 à 6 ans, car ils sont moins encombrés d'idées inutiles. La méthode vise à rendre l'apprentissage des lettres agréable et à éviter les souvenirs pénibles souvent associés à l'apprentissage traditionnel. Contrairement à certaines méthodes où les maîtres privilégient leur confort, cette approche prépare des jeux et des activités ludiques pour les élèves. Le texte détaille divers jeux et exercices, tels que le rangement des cartes ou des lettres, la dénomination des lettres, et des jeux spécifiques pour les voyelles et les consonnes. Il mentionne également des exercices de réduction de cartes, de ressemblances entre lettres, et des jeux de combinaison de lettres. Pour les classes de latin et de français, des exercices variés sont proposés, allant des sons simples aux combinaisons plus complexes, en passant par des jeux de devinettes et de dictée. Le texte inclut aussi des leçons de glose interlinéaire, de version, et de composition, ainsi que des exercices sur les anagrammes et les déclinaisons latines. Des opérations sur les lettres grecques et hébraïques, ainsi que des leçons numériques et algébriques, sont également mentionnées. Enfin, le texte évoque des exercices de mémorisation, de récitation, et de correction grammaticale. Le document présente également une liste de sujets et d'outils pédagogiques destinés à l'enseignement de divers domaines. Il inclut des leçons pour organiser les événements de l'Histoire Sainte et de l'Histoire Profane, ainsi que des études sur les suites géographiques, chronologiques et héraldiques. Le texte mentionne également des cartes sur la Mythologie, un calendrier, la table de Pythagore et divers signes typographiques. De plus, il fait référence à des miscellanées et à un supplément. Ces ressources sont destinées à exercer à la fois les maîtres et les élèves en attendant la publication de lettres supplémentaires sur des sujets tels que la version, la composition, la mémoire, l'écriture et les méthodes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
78
p. 2600-605
Rituel du Diocèse de Blois, [titre d'après la table]
Début :
RITUEL du Diocèse de Blois, publié par l'autorité de Monseigneur Jean-François-Paul de Caumartin [...]
Mots clefs :
Images, Instructions, Mandement, Société civile, Rituel, Cérémonie religieuse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Rituel du Diocèse de Blois, [titre d'après la table]
RITUEL du Diocèse de Blois , publié
par l'autorité de Monseigneur Jean- François
- Paul de Caumartin Evêque de
Blois. Volume in 4. d'environ 640. pages.
Prix dix livres . Se vend à Paris • chez
Barthelemy Alix , Libraire , ruë S. Facques
, près la Fontaine S. Severin an
Griffon.
,
Le Rituel de Blois est formé sur le
plan et dans le goût des plus excellens
Rituels qui ont paru en France. Chaque
Action ou Ceremonie Religieuse est précedée
d'une Instruction qui exprime ce
qu'il y a de plus interessant pour le Dogme
, la Morale et la Discipline. On y
ajoûte des Exhortations , lorsque les circonstances
le demandent. On y trouve
des Formules pour annoncer aux Prônes
les principaux Mysteres et Fêtes de l'Année.
On s'est exactement conformé aux
Ordonnances de nos Rois , et à la Juris
prudence des Cours Seculieres . Et comme
le Mariage est un des engagemens les
plus importants pour l'Eglise et pour la
Societé Civile , l'Instruction qui précede
l'Administration de ce Sacrement , a été
particulierement communiquée et concertée
avec des Personnes de la Magistrature
et du Barreau très -respectables
et très -éclairées.
Dans
NOVEMBRE . 1731. 2601
tructions
......
Dans le magnifique Mandement qui
sert de Préface au Rituel , M. l'Evêque de
Blois explique ainsi l'ordre et la méthode
qu'on y a suivis Nous avons consulté
plusieurs Personnes pieuses et éclairées . C'est
sur leurs avis , pris dans un grand nombre
de Conférences , qu'ont été dressées les Insque
le Rituel renferme. Nous nous
sommes assujettis autant qu'il s'est trouvé
possible , aux Usages de l'Eglise Romaine
dont les Rits sont reçûs et respectez dans
PEglise Gallicane depuis tant de siécles
Nous nous sommes conformez avec respect
aux Déclarations du Clergé de France , qui
pouvoient y avoir rapport ...... Sur divers
Points de Discipline , Nous avons exactement
observé les Ordonnances de nos Rois
Protecteurs et Executeurs des saints Canons ,
et la Jurisprudence des Cours Seculieres du
Royaume..... Le Rituel que nous vous presentons
continue ce Prélat , n'est point
un simple Recueil de Rits et de Ceremonies ;
chaque Instruction vous donnera une exposition
abregée et précise du Dogme , de la
Morale , de la Discipline , qui ont quelque
rapport au Point qui est traité.
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la Poitrine , du Coeur , de l'Estomach
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Maladies particulieres , avec la Description
de deux Maladies , par M.
Boerhaave , in 12. Amst. 1731 .
Duverney , Tractatus de Organo Auditus.
in 4. cum Fig. Lug. Bat. 1730 .
Duverney , Traité de l'Organe de l'Oüie ,
contenant les Maladies , de toutes les
Parties de l'Oreille , in 12 . in 12. Fig. Lug
1731.
Boerhaave ( Herm. ) Oratio de usu Ratic
cinii Mechanici in Medicina
Lug. Bat. 1730.
?
1
>
in 4
Mead ( Ric , ) Oratio Anniversar
Harvejana in Regii Medicorum Lond
neus. Collegii habita accessit Dissert.
nummis in Medicorum honorem percu
sis , in 8. Fig. 1728 .
Fij
Ꮴ
2604 MERCURE DE FRANCE
Vesalii ( And. ) Opera omnia Anatomica
et Chirurgica cura Herm. Boerhaave et
Ber. Albini , in fol. 2. vol . c. Fig. Lug.
Bat. 1725. Carta maxima .
Keilii ( Jac. ) Tentamina Medico ,Physica
de sanguinis quantitate de velocitate
sanguinis , de vi cordis , de secretione animali
de motu musculari , accedit Medicina
Statica Britannica , nova Editio
aucta , in 4. Lug. Bat. 1730 .
>
Celsi ( Cornelii ) Medicina Scholiis et
Locis parallelis illustrata studio Almeloveen
Nova Editio aucta. 2. vol . in 8.
Lug. Bat. 1730 .
›
HISTOIRE DU BAÏANISME , ou de l'Heresie
de Michel Baïus , avec des Notes
Historiques , Chronologiques , Critiques,
&c. suivie d'Eclaircissemens Theologiques
, et d'un Recueil de Pieces justificatives.
Par le P. Jean - Baptiste Du Chesne,
de la Compagnie de Jesus. A Douay ,
chez Wuillerval , 1731. in 4. de 450. pages
pour le corps de l'Histoire , 76. pour
les Eclaircissemens , et 82. pour les Pieces
justificatives , sans la Préface et les
Tables.
DES PARTAGES PAR SOUCHE et par Representation,
suivant les Articles 18 er 19
de
NOVEMBRE . 1731. 2603
du titre 8. de la Coûtume du Duché de
Bourgogne. A Dijon , chez F. Siron , ruë
de Condé. 1730. in 12. de 13.9 . pages.
LES CARACTERES DET HEOPHRASTE
avec les moeurs de ce siècle . Par M. de la
Bruyere. Augmentez de la défense de M.
de la Bruyere et de ses Caracteres , par
M. Coste. A Amsterdam , 1731. 2. vol.
in douze.
DISSERTATION THE'OLOGIQUE , touchant
l'invocation du St. Esprit dans les Liturgies
Grecques et Orientales. Par le R. P.
J. A. Orsi , de l'Ordre des Freres Prêcheurs
, Lecteur en Théologie . A Milan
chez J. B. Malatesta , 1731. in 8,
Cet ouvrage est en Latin.
و
NOUVEAU SYSTEME sur la maniere de
défendre les Places , par le moyen des
Contremines. Ouvrage posthume de M.
d'Azin , dedié au Roy. A Paris , ruë
S. Jacques , chez J. Clousier , 1731. in 12.
de 182. pages pour le corps de l'ouvrage ,
152. pour le Discours préliminaire , avec
plusieurs Planches.
par l'autorité de Monseigneur Jean- François
- Paul de Caumartin Evêque de
Blois. Volume in 4. d'environ 640. pages.
Prix dix livres . Se vend à Paris • chez
Barthelemy Alix , Libraire , ruë S. Facques
, près la Fontaine S. Severin an
Griffon.
,
Le Rituel de Blois est formé sur le
plan et dans le goût des plus excellens
Rituels qui ont paru en France. Chaque
Action ou Ceremonie Religieuse est précedée
d'une Instruction qui exprime ce
qu'il y a de plus interessant pour le Dogme
, la Morale et la Discipline. On y
ajoûte des Exhortations , lorsque les circonstances
le demandent. On y trouve
des Formules pour annoncer aux Prônes
les principaux Mysteres et Fêtes de l'Année.
On s'est exactement conformé aux
Ordonnances de nos Rois , et à la Juris
prudence des Cours Seculieres . Et comme
le Mariage est un des engagemens les
plus importants pour l'Eglise et pour la
Societé Civile , l'Instruction qui précede
l'Administration de ce Sacrement , a été
particulierement communiquée et concertée
avec des Personnes de la Magistrature
et du Barreau très -respectables
et très -éclairées.
Dans
NOVEMBRE . 1731. 2601
tructions
......
Dans le magnifique Mandement qui
sert de Préface au Rituel , M. l'Evêque de
Blois explique ainsi l'ordre et la méthode
qu'on y a suivis Nous avons consulté
plusieurs Personnes pieuses et éclairées . C'est
sur leurs avis , pris dans un grand nombre
de Conférences , qu'ont été dressées les Insque
le Rituel renferme. Nous nous
sommes assujettis autant qu'il s'est trouvé
possible , aux Usages de l'Eglise Romaine
dont les Rits sont reçûs et respectez dans
PEglise Gallicane depuis tant de siécles
Nous nous sommes conformez avec respect
aux Déclarations du Clergé de France , qui
pouvoient y avoir rapport ...... Sur divers
Points de Discipline , Nous avons exactement
observé les Ordonnances de nos Rois
Protecteurs et Executeurs des saints Canons ,
et la Jurisprudence des Cours Seculieres du
Royaume..... Le Rituel que nous vous presentons
continue ce Prélat , n'est point
un simple Recueil de Rits et de Ceremonies ;
chaque Instruction vous donnera une exposition
abregée et précise du Dogme , de la
Morale , de la Discipline , qui ont quelque
rapport au Point qui est traité.
›
1
INSTRUCTIONS tirées du Rituel de
Blois , in 12. 2. vol. petit papier. Prix 3 .
liv. 10. sols. Se vend à Paris , chez le
ême Libraire. F IMA2602
MERCURE DE FRANCI
1
IMAGES DES HEROS ET DES GRAND
HOMMES DE L'ANTIQUITE' , gravées su
les Médailles Antiques de Banini
par Picard le Romain. vol . in 4. et s
vend chez J. Jombert , Libraire , ruë de i
Bucherie proche les Ecoles de Med.
cine.
3
LIVRES nouvellement reçûs des Pay
Etrangers , qui se trouvent chez G. C
velier, Libraire , rue S. Jacques , à Pari
in
Manget , ( Jo Jac ) Bibliotheca Script
rum Medicorum veterum et recentiorum.
qua sub eorum omnium qui Mun
Primordiis ad hunc usque Annum vix.
runt nominibus ordine Alphabetico a
Scriptis vita compendia enarrantur &.
vol. Geneva , 1731 .
fol. 4.
Aeliani
Sophista
varia
Historia
, cum
N
tis
integris
Perizonii
et variorum
>
CL
rante Abrah. Gronovio , qui et suas a
Notationes adjecit. in 4. 2. vol. Gr. Lat
Lugd. Batavorum. 1731 .
Eutropii Historia Romana , cum Metaphro
Graca Pacanii et Notis Integris vari.
rum recensuit Havercampus , qui et su
et Heumanni Notas adjecit. in 8. Lug
Batavorum. 1729.
Veteris Testamenti Libri Hagiographie:
Trans
NOVEMBRE. 1731. 260.
Translatione Jo . Clerici cum ejusdem
Commentario Philologico . In fol . 2. vol.
Amst. 1731.
Pensées secretes et Refléxions sur la Religion
et sur la Vie Chrétienne , par
Beveridge , Evêque d'Asaph , traduit
de l'Anglois sur la onzième Edition .
2. vol. in 12. Amst. 1731 .
Gorfer Medicine Compendium in usum
Exercitationis Domestica digestum , in 4.
Lug. Bat. 1731.
Barbeique , Dissert. sur les Maladies de
la Poitrine , du Coeur , de l'Estomach
des Femmes ,Veneriennes , et quelques
Maladies particulieres , avec la Description
de deux Maladies , par M.
Boerhaave , in 12. Amst. 1731 .
Duverney , Tractatus de Organo Auditus.
in 4. cum Fig. Lug. Bat. 1730 .
Duverney , Traité de l'Organe de l'Oüie ,
contenant les Maladies , de toutes les
Parties de l'Oreille , in 12 . in 12. Fig. Lug
1731.
Boerhaave ( Herm. ) Oratio de usu Ratic
cinii Mechanici in Medicina
Lug. Bat. 1730.
?
1
>
in 4
Mead ( Ric , ) Oratio Anniversar
Harvejana in Regii Medicorum Lond
neus. Collegii habita accessit Dissert.
nummis in Medicorum honorem percu
sis , in 8. Fig. 1728 .
Fij
Ꮴ
2604 MERCURE DE FRANCE
Vesalii ( And. ) Opera omnia Anatomica
et Chirurgica cura Herm. Boerhaave et
Ber. Albini , in fol. 2. vol . c. Fig. Lug.
Bat. 1725. Carta maxima .
Keilii ( Jac. ) Tentamina Medico ,Physica
de sanguinis quantitate de velocitate
sanguinis , de vi cordis , de secretione animali
de motu musculari , accedit Medicina
Statica Britannica , nova Editio
aucta , in 4. Lug. Bat. 1730 .
>
Celsi ( Cornelii ) Medicina Scholiis et
Locis parallelis illustrata studio Almeloveen
Nova Editio aucta. 2. vol . in 8.
Lug. Bat. 1730 .
›
HISTOIRE DU BAÏANISME , ou de l'Heresie
de Michel Baïus , avec des Notes
Historiques , Chronologiques , Critiques,
&c. suivie d'Eclaircissemens Theologiques
, et d'un Recueil de Pieces justificatives.
Par le P. Jean - Baptiste Du Chesne,
de la Compagnie de Jesus. A Douay ,
chez Wuillerval , 1731. in 4. de 450. pages
pour le corps de l'Histoire , 76. pour
les Eclaircissemens , et 82. pour les Pieces
justificatives , sans la Préface et les
Tables.
DES PARTAGES PAR SOUCHE et par Representation,
suivant les Articles 18 er 19
de
NOVEMBRE . 1731. 2603
du titre 8. de la Coûtume du Duché de
Bourgogne. A Dijon , chez F. Siron , ruë
de Condé. 1730. in 12. de 13.9 . pages.
LES CARACTERES DET HEOPHRASTE
avec les moeurs de ce siècle . Par M. de la
Bruyere. Augmentez de la défense de M.
de la Bruyere et de ses Caracteres , par
M. Coste. A Amsterdam , 1731. 2. vol.
in douze.
DISSERTATION THE'OLOGIQUE , touchant
l'invocation du St. Esprit dans les Liturgies
Grecques et Orientales. Par le R. P.
J. A. Orsi , de l'Ordre des Freres Prêcheurs
, Lecteur en Théologie . A Milan
chez J. B. Malatesta , 1731. in 8,
Cet ouvrage est en Latin.
و
NOUVEAU SYSTEME sur la maniere de
défendre les Places , par le moyen des
Contremines. Ouvrage posthume de M.
d'Azin , dedié au Roy. A Paris , ruë
S. Jacques , chez J. Clousier , 1731. in 12.
de 182. pages pour le corps de l'ouvrage ,
152. pour le Discours préliminaire , avec
plusieurs Planches.
Fermer
Résumé : Rituel du Diocèse de Blois, [titre d'après la table]
Le texte présente le Rituel du Diocèse de Blois, publié sous l'autorité de Monseigneur Jean-François-Paul de Caumartin, évêque de Blois. Ce volume de 640 pages est disponible à Paris chez Barthélemy Alix et suit le plan des meilleurs rituels français. Chaque action ou cérémonie religieuse est précédée d'une instruction expliquant les aspects dogmatiques, moraux et disciplinaires. Des exhortations sont ajoutées selon les circonstances, et des formules sont fournies pour annoncer les mystères et fêtes principales de l'année. Le rituel respecte les ordonnances des rois et la jurisprudence des cours séculières. L'instruction sur le mariage a été concertée avec des personnes de la magistrature et du barreau. Dans un mandement, l'évêque de Blois explique que le rituel a été élaboré après consultation de personnes pieuses et éclairées, en suivant les usages de l'Église romaine et les déclarations du clergé de France. Il observe également les ordonnances des rois et la jurisprudence des cours séculières. Le rituel n'est pas seulement un recueil de rites, mais offre aussi des expositions abrégées et précises du dogme, de la morale et de la discipline.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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79
p. 2834-2842
Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
Début :
ISMAELIS ABULFEDE Principis Hamah, Geographia Universalis, &c. C'est le titre abregé [...]
Mots clefs :
Syrie, Géographie, Califes, Texte arabe, Traduction latine, Traducteur, Religion, Hamah
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
ISMAELIS ABULFEDE Principis Hamah ,
Geographia Universalis , &c. C'est le titre
abregé d'un Ouvrage important , qui
'imprime actuellement à Londres et
I.Vol.
dont
,
(
DECEMBRE. 1731. 2835-
dont on vient de réimprimer le Prospectus.
Abulfeda étoit non - seulement Prince
dans une Partie de la Syrie , mais c'étoit
un Prince sçavant. Il avoit tourné particulierement
ses Etudes du côté de l'Histoire
et de la Géographie , inclination
qui a donné le jour au grand Ouvrage
dont il s'agit ici , et qui est dans une estime
singuliere dans tout l'Orient. Il l'acheva
vers l'an 1 321. de J. C. et on croit
qu'il a vécû jusqu'en 1345. sur quoi nous
remarquerons en passant l'erreur de quelques
Sçavans Européens qui ont placé ce
personnage dans le IV . siécle , erreur dont
Moreri et ses premiers Editeurs ne se
sont pas apperçus , et qui saute aux yeux,
puisque , de leur aveu , Abulfeda étoit
Mahometan , et que le Mahometisme
étoit inconnu ayant le VII. siecle . Remarquons
aussi en passant qu'il est échappé
quelque chose à l'exactitude de M. Bayle,
sur le Chapitre de notre Géographe
quoiqu'il releve plusieurs bévûes dePostel,
de Pocok et d'Erpenius, sur le même sujet.
Jean Grave , Professeur d'Astronomię
en l'Université d'Oxford , et qui avoit
appris l'Arabe dans l'Orient même , avoit
traduit en Latin toute la Geographie d'Abulfeda
, comme il le dit lui-même dans
I. Vol. la
2836 MERCURE DE FRANCE
la Préface d'une petite Partie de cet Ouvrage
, qu'il publia à Londres en 1650.
par maniere d'Essay. Le reste, à ce qu'on
dit dans le Prospectus , périt malheureusement
dans les desordres des Guerres
Civiles , tems auquel la Maison du sçavant
Anglois fut entierement pillée .
Pour réparer cette perte , M. Jean Gagnier
, François , Professeur des Laugues
Orientales à Oxford , s'est donné des soins
dont peu de Sçavans sont capables , et dont
la République des Lettres va bien - tôt recueillir
les fruits. 1 °.Ila lû avec la plus scrupuleuse
attention , tous les Manuscrits de
1'Auteur Arabe, qui sont conservez dans la
fameuse Bibliotheque de Bodley , les mêmes
dont Grave s'étoit servi dans son
travail . 2 ° . Il a mis à profit tout ce que
d'autres Sçavans avoient fait sur le même
Auteur avant et après Graves sçavoir ,
Erpenius , Golius , le Clerc , Wilde , &c .
entre lesquels on distingue particulierement
Guill. de Guise , homme aussi r´-
commandable par l'éclat de sa naissance
que par la superiorité de son érudition .
3º. Enfin après avoir encore exactement
collationné les differens Exemplaires
manuscrits , il a écrit de nouveau tout
le Texte Arabe , qu'il a traduit en Latin ,
il a orné tout l'Ouvrage de Cartes Geographiques
,
1. Vol.
་
DECEMBRE 1731 2837
graphiques , et l'a éclaircie par des Notes
critiques de sa façon.C'est le même M.Gagner
, qui en 1723. fit imprimer à Oxford
la Vie de Mahomet par Abulfeda ,
avec sa Traduction Latine à côté duTexte
Arabe , et qui nous promet de la même
maniere et du même Auteur , la Vie des
premiers Califes , successeurs de Mahomet.
Il paroît par le Programme que Guill.
Guise auroit donné lui-même l'Edition
d'Abulfeda de son propre fonds , si la
mort ne l'eût prévenu . Il paroît aussi que
tout ce qu'il avoit travaillé et préparé
sur ce sujet a été mis en dépôt par son
illustre Epouse , dans les Archives du
College des Ames à Oxford ' , comme un
Monument de son érudition et d'un tra
vail infatigable
Le Programme finit par un bel Eloge
de G. Guise,adressé à M. Narcisse Marsh,
Evêque de Ferne en Irlande. Episcops
Fernensi , par E. Bernard. Il mérite d'être
lû , parce qu'on y trouve un détail
curieux de toute l'Erudition Orientale
de cet habile Anglois.
Le sçavant Editeur nous permettra , s'il
lui plait,deux ou trois Remarques au sujet
de l'Auteur Arabe et de Jean Graves
son premier Traducteur , qui naissent de
1. Vol.
Gla
2838 MERCURE DE FRANC
la lecture du Prospectus , dont nous ve¬
nons de rendre compte au Public.
Il semble d'abord par son exposé qu'il
ne soit absolument rien resté du travail
de J. Grave , sur Abulfeda , que les deux
Tables Géographiques , l'une du Persan
Nassir Eddin , l'autre d'Ulugbeg , Prince
Tartare , petit- fils de Tamerlan , publiées
en 1650. Or , nous sçavons qu'à peu près
dans le même- temps Grave avoit aussi
fait imprimer en Angleterre une Version
Latine avec l'Arabe à côté de la Descrip
tion que fait Abulfeda dans son Ouvrage
de deux vastes Pays , nommez en Arabe
Khuaresme , et Mawara Inhar, autrement
la Transoxiane , parce qu'ils sont situez
au- delà du Fleuve Oxus. Ce Livre est devenu
très-rare.
De plus , le sçavant Anglois après avoir
travaillé sur l'Arabie de Ptolomée avoit
aussi traduit en Latin l'Arabie de notre
Abulfeda , mais il n'eut pas le temps dé
publier cette autre partie de son travail,
qui est dans un sens la plus considerable.
La République des Lettres n'y a rien.
perdu , car M. Hudson , si connu par son
erudition Orientale , ayant déterré le
Texte Arabe , sur lequel Grave avoit fait
sa Version , fit imprimer à Oxford en
1712. dans le III. volume in 4. des Petits
Géo- 1 Vol.
*
DECEMBRE 1731. 2839
O
Géographes Grecs , non seulement la
Description de la Transoxiane , et les
deux Tables Géographiques dont nous
avons parlé , mais encore la Description
entiere de l'Arabie de la Traduction de
Grave , placée au dessous du Texte Arabe.
Ce Livre , alors encore peu connu en
France , et très - obligeamment commu
niqué par M. l'Abbé Bignon , à un Homme
de Lettres , donna lieu à celui - cy de
faire sur ce Texte Arabe , nouvellement
imprimé , et sur celui de deux Manuscrits
du même Auteur , l'un de la Bibliothé
que du Roy , l'autre de feu M. Petis- dela
Croix , une Traduction Françoise de
la Déscription de l'Arabie d'Abulfeda ,
Description dont on peut dire ce qu'a
dit Etienne de Byzance , de l'Arabie de
Prolomée , que c'est ce qu'il nous a donné
de plus exact et de meilleur en matiere
de Géographie ; car l'Auteur Arabe y
épuise son sujet en mêlant , comme il
a fait , agréablement l'Histoire à la Géographic
, et en n'oubliant rien de tout ce
qui peut interesser un Lecteur curieux.
›
Cette Traduction accompagnée de Notes
, fut imprimée à Paris , chez A. Cailleau
, à la suite d'un autre ouvrage , inti
tulé , Voyage fait par ordre du Roy Louis
XIV. dans la Palestine , vers le Grand
I.Vol.
Gij Emir,
2840 MERCURE DE FRANCE
•
Emir , Chef des Princes Arabes du désert¸
c. vol. in 12. 1717. lequel fut réimprimé
la même Année à Amsterdam , et
l'Année suivante à Londres , traduit en
Anglois par M. Stroder Medecin de
cette Ville.
>
Pour derniere Remarque , on ne voir
dans ce Prospectus , qu'un Abregé des
qualités du Sultan Abulfeda , qui a été
mis en Latin , de la main de G. Guise ,
et de Thomas Smith , à la tête des Manuscrits
qu'ils ont vûss si l'Editeur s'en
tient à cet Abregé , il privera les Lecteurs
d'une connoissance que l'exactitude
demande de ne pas ômettre. Le nom entier
et les qualitez d'Abulfeda > qu'on
voit dans le Manuscrit de la Bibliothé
que du Roy , et ailleurs , sont Almalic,
Almuayd, Amaddin , Aboulfeda , Ismaël
Ebn Maliç Alafdal Nouraddin Aly , Ebn
Fumaladdin Mahmoud , Ebn Omar , Ebn
Schahinschah , Ebn Ayoub , Saheb Hamah
, c'est-à- dire , le Roy aidé de Dieu ,
J'appuy de la Religion , le Pere du Ra
chapt , Ismaël , fils du très- excellent Roi,
Lumiere de la Foy , Aly , fils de Mahmoud
beauté de la Religion , Fils d'Omar
, Fils de Schah , Inschah , ou Empereur
des Empereurs , Fils d'Ayoub , Prince
eu Sultan de Hamah.
1.Vol. Op
DECEMBRE. 1731 . 284
>
On voit par cette maniere fastueuse des
Orientaux , d'exprimer les qualitez , et
une partie de la Généalogie des Grands ,
dans leurs Titres , qu'Abulfeda étoit de
la Maison des Ajoubites , ou Jobites
dont Ayoub a été le Chef, Maison qui a
donné naissance au grand Saladin , et à
d'autres fameux Capitaines . Il est appellé
Roy , Prince et Sultan , parcequ'il étoit
de Race Royale , et qu'il a lui-même regné
en Syrie après son Pere et son Frere
aîné , dans une étenduë de Pays dont la
Ville de Hamah , que plusieurs Auteurs
troyent être Hammoth dans la Galilée ,
de la Tribu de Nephtali , étoit la Capitale.
Le Programe qui a donné lieu à cès ob.
servations , finit par un court Avertissement
en faveur de ceux qui voudront
souscrire en France pour la nouvelle Edition
d'Abulfeda , qui s'imprime actuellement
à Londres , in fol. ils n'auront qu'à
s'adresser pour cela à Pierre - Fean Meviette
, Imprimeur et Libraire , à Paris.
Le prix pour les souscripteurs est réduit
à 48. livres , dont moitié en prenant la
souscription , et l'autre moitié en rece
vant le Livre . Ceux qui voudront des
Exemplaires en plus grand Papier , payeront
72. livres , sçavoir , 48. d'avance ,
et 24. lorsque l'Edition sera achevée.
I.Vel. G iij On
2842 MERCURE DE FRANCE
›
On vend des Ecrans pareils à ceux qui
ont été présentez à la Reine , chez le
Sr. Rigaud , Professeur de Mathématiques
, et Graveur , ruë S. Jacques , visà
- vis le Sr. Du Change , Graveur du Roi;
et chez le Sr. Blondel neveu Architecte
et Graveur , à l'entrée de la rue des
Mathurins , du côté de la ruë de la Harpe.
Ces Ecrans sont ornez d'Estampes , ou
sont représentées les Scenes principales !
d'une Piece intitulée les petits Comédiens
qui a eu à l'Opera Comique un fort grand
succès. La Cour en a vû , avec plaisir
la répresentation.
On a joint à ces Estampes des ornemens
d'un très - bon goût , et des Vers qui donnent
une entiere explication du sujet. Ces
Ecrans ont donné lieu aux Vers qu'on va
lire.
Geographia Universalis , &c. C'est le titre
abregé d'un Ouvrage important , qui
'imprime actuellement à Londres et
I.Vol.
dont
,
(
DECEMBRE. 1731. 2835-
dont on vient de réimprimer le Prospectus.
Abulfeda étoit non - seulement Prince
dans une Partie de la Syrie , mais c'étoit
un Prince sçavant. Il avoit tourné particulierement
ses Etudes du côté de l'Histoire
et de la Géographie , inclination
qui a donné le jour au grand Ouvrage
dont il s'agit ici , et qui est dans une estime
singuliere dans tout l'Orient. Il l'acheva
vers l'an 1 321. de J. C. et on croit
qu'il a vécû jusqu'en 1345. sur quoi nous
remarquerons en passant l'erreur de quelques
Sçavans Européens qui ont placé ce
personnage dans le IV . siécle , erreur dont
Moreri et ses premiers Editeurs ne se
sont pas apperçus , et qui saute aux yeux,
puisque , de leur aveu , Abulfeda étoit
Mahometan , et que le Mahometisme
étoit inconnu ayant le VII. siecle . Remarquons
aussi en passant qu'il est échappé
quelque chose à l'exactitude de M. Bayle,
sur le Chapitre de notre Géographe
quoiqu'il releve plusieurs bévûes dePostel,
de Pocok et d'Erpenius, sur le même sujet.
Jean Grave , Professeur d'Astronomię
en l'Université d'Oxford , et qui avoit
appris l'Arabe dans l'Orient même , avoit
traduit en Latin toute la Geographie d'Abulfeda
, comme il le dit lui-même dans
I. Vol. la
2836 MERCURE DE FRANCE
la Préface d'une petite Partie de cet Ouvrage
, qu'il publia à Londres en 1650.
par maniere d'Essay. Le reste, à ce qu'on
dit dans le Prospectus , périt malheureusement
dans les desordres des Guerres
Civiles , tems auquel la Maison du sçavant
Anglois fut entierement pillée .
Pour réparer cette perte , M. Jean Gagnier
, François , Professeur des Laugues
Orientales à Oxford , s'est donné des soins
dont peu de Sçavans sont capables , et dont
la République des Lettres va bien - tôt recueillir
les fruits. 1 °.Ila lû avec la plus scrupuleuse
attention , tous les Manuscrits de
1'Auteur Arabe, qui sont conservez dans la
fameuse Bibliotheque de Bodley , les mêmes
dont Grave s'étoit servi dans son
travail . 2 ° . Il a mis à profit tout ce que
d'autres Sçavans avoient fait sur le même
Auteur avant et après Graves sçavoir ,
Erpenius , Golius , le Clerc , Wilde , &c .
entre lesquels on distingue particulierement
Guill. de Guise , homme aussi r´-
commandable par l'éclat de sa naissance
que par la superiorité de son érudition .
3º. Enfin après avoir encore exactement
collationné les differens Exemplaires
manuscrits , il a écrit de nouveau tout
le Texte Arabe , qu'il a traduit en Latin ,
il a orné tout l'Ouvrage de Cartes Geographiques
,
1. Vol.
་
DECEMBRE 1731 2837
graphiques , et l'a éclaircie par des Notes
critiques de sa façon.C'est le même M.Gagner
, qui en 1723. fit imprimer à Oxford
la Vie de Mahomet par Abulfeda ,
avec sa Traduction Latine à côté duTexte
Arabe , et qui nous promet de la même
maniere et du même Auteur , la Vie des
premiers Califes , successeurs de Mahomet.
Il paroît par le Programme que Guill.
Guise auroit donné lui-même l'Edition
d'Abulfeda de son propre fonds , si la
mort ne l'eût prévenu . Il paroît aussi que
tout ce qu'il avoit travaillé et préparé
sur ce sujet a été mis en dépôt par son
illustre Epouse , dans les Archives du
College des Ames à Oxford ' , comme un
Monument de son érudition et d'un tra
vail infatigable
Le Programme finit par un bel Eloge
de G. Guise,adressé à M. Narcisse Marsh,
Evêque de Ferne en Irlande. Episcops
Fernensi , par E. Bernard. Il mérite d'être
lû , parce qu'on y trouve un détail
curieux de toute l'Erudition Orientale
de cet habile Anglois.
Le sçavant Editeur nous permettra , s'il
lui plait,deux ou trois Remarques au sujet
de l'Auteur Arabe et de Jean Graves
son premier Traducteur , qui naissent de
1. Vol.
Gla
2838 MERCURE DE FRANC
la lecture du Prospectus , dont nous ve¬
nons de rendre compte au Public.
Il semble d'abord par son exposé qu'il
ne soit absolument rien resté du travail
de J. Grave , sur Abulfeda , que les deux
Tables Géographiques , l'une du Persan
Nassir Eddin , l'autre d'Ulugbeg , Prince
Tartare , petit- fils de Tamerlan , publiées
en 1650. Or , nous sçavons qu'à peu près
dans le même- temps Grave avoit aussi
fait imprimer en Angleterre une Version
Latine avec l'Arabe à côté de la Descrip
tion que fait Abulfeda dans son Ouvrage
de deux vastes Pays , nommez en Arabe
Khuaresme , et Mawara Inhar, autrement
la Transoxiane , parce qu'ils sont situez
au- delà du Fleuve Oxus. Ce Livre est devenu
très-rare.
De plus , le sçavant Anglois après avoir
travaillé sur l'Arabie de Ptolomée avoit
aussi traduit en Latin l'Arabie de notre
Abulfeda , mais il n'eut pas le temps dé
publier cette autre partie de son travail,
qui est dans un sens la plus considerable.
La République des Lettres n'y a rien.
perdu , car M. Hudson , si connu par son
erudition Orientale , ayant déterré le
Texte Arabe , sur lequel Grave avoit fait
sa Version , fit imprimer à Oxford en
1712. dans le III. volume in 4. des Petits
Géo- 1 Vol.
*
DECEMBRE 1731. 2839
O
Géographes Grecs , non seulement la
Description de la Transoxiane , et les
deux Tables Géographiques dont nous
avons parlé , mais encore la Description
entiere de l'Arabie de la Traduction de
Grave , placée au dessous du Texte Arabe.
Ce Livre , alors encore peu connu en
France , et très - obligeamment commu
niqué par M. l'Abbé Bignon , à un Homme
de Lettres , donna lieu à celui - cy de
faire sur ce Texte Arabe , nouvellement
imprimé , et sur celui de deux Manuscrits
du même Auteur , l'un de la Bibliothé
que du Roy , l'autre de feu M. Petis- dela
Croix , une Traduction Françoise de
la Déscription de l'Arabie d'Abulfeda ,
Description dont on peut dire ce qu'a
dit Etienne de Byzance , de l'Arabie de
Prolomée , que c'est ce qu'il nous a donné
de plus exact et de meilleur en matiere
de Géographie ; car l'Auteur Arabe y
épuise son sujet en mêlant , comme il
a fait , agréablement l'Histoire à la Géographic
, et en n'oubliant rien de tout ce
qui peut interesser un Lecteur curieux.
›
Cette Traduction accompagnée de Notes
, fut imprimée à Paris , chez A. Cailleau
, à la suite d'un autre ouvrage , inti
tulé , Voyage fait par ordre du Roy Louis
XIV. dans la Palestine , vers le Grand
I.Vol.
Gij Emir,
2840 MERCURE DE FRANCE
•
Emir , Chef des Princes Arabes du désert¸
c. vol. in 12. 1717. lequel fut réimprimé
la même Année à Amsterdam , et
l'Année suivante à Londres , traduit en
Anglois par M. Stroder Medecin de
cette Ville.
>
Pour derniere Remarque , on ne voir
dans ce Prospectus , qu'un Abregé des
qualités du Sultan Abulfeda , qui a été
mis en Latin , de la main de G. Guise ,
et de Thomas Smith , à la tête des Manuscrits
qu'ils ont vûss si l'Editeur s'en
tient à cet Abregé , il privera les Lecteurs
d'une connoissance que l'exactitude
demande de ne pas ômettre. Le nom entier
et les qualitez d'Abulfeda > qu'on
voit dans le Manuscrit de la Bibliothé
que du Roy , et ailleurs , sont Almalic,
Almuayd, Amaddin , Aboulfeda , Ismaël
Ebn Maliç Alafdal Nouraddin Aly , Ebn
Fumaladdin Mahmoud , Ebn Omar , Ebn
Schahinschah , Ebn Ayoub , Saheb Hamah
, c'est-à- dire , le Roy aidé de Dieu ,
J'appuy de la Religion , le Pere du Ra
chapt , Ismaël , fils du très- excellent Roi,
Lumiere de la Foy , Aly , fils de Mahmoud
beauté de la Religion , Fils d'Omar
, Fils de Schah , Inschah , ou Empereur
des Empereurs , Fils d'Ayoub , Prince
eu Sultan de Hamah.
1.Vol. Op
DECEMBRE. 1731 . 284
>
On voit par cette maniere fastueuse des
Orientaux , d'exprimer les qualitez , et
une partie de la Généalogie des Grands ,
dans leurs Titres , qu'Abulfeda étoit de
la Maison des Ajoubites , ou Jobites
dont Ayoub a été le Chef, Maison qui a
donné naissance au grand Saladin , et à
d'autres fameux Capitaines . Il est appellé
Roy , Prince et Sultan , parcequ'il étoit
de Race Royale , et qu'il a lui-même regné
en Syrie après son Pere et son Frere
aîné , dans une étenduë de Pays dont la
Ville de Hamah , que plusieurs Auteurs
troyent être Hammoth dans la Galilée ,
de la Tribu de Nephtali , étoit la Capitale.
Le Programe qui a donné lieu à cès ob.
servations , finit par un court Avertissement
en faveur de ceux qui voudront
souscrire en France pour la nouvelle Edition
d'Abulfeda , qui s'imprime actuellement
à Londres , in fol. ils n'auront qu'à
s'adresser pour cela à Pierre - Fean Meviette
, Imprimeur et Libraire , à Paris.
Le prix pour les souscripteurs est réduit
à 48. livres , dont moitié en prenant la
souscription , et l'autre moitié en rece
vant le Livre . Ceux qui voudront des
Exemplaires en plus grand Papier , payeront
72. livres , sçavoir , 48. d'avance ,
et 24. lorsque l'Edition sera achevée.
I.Vel. G iij On
2842 MERCURE DE FRANCE
›
On vend des Ecrans pareils à ceux qui
ont été présentez à la Reine , chez le
Sr. Rigaud , Professeur de Mathématiques
, et Graveur , ruë S. Jacques , visà
- vis le Sr. Du Change , Graveur du Roi;
et chez le Sr. Blondel neveu Architecte
et Graveur , à l'entrée de la rue des
Mathurins , du côté de la ruë de la Harpe.
Ces Ecrans sont ornez d'Estampes , ou
sont représentées les Scenes principales !
d'une Piece intitulée les petits Comédiens
qui a eu à l'Opera Comique un fort grand
succès. La Cour en a vû , avec plaisir
la répresentation.
On a joint à ces Estampes des ornemens
d'un très - bon goût , et des Vers qui donnent
une entiere explication du sujet. Ces
Ecrans ont donné lieu aux Vers qu'on va
lire.
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Résumé : Géographie d'Abulfeda, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente l'ouvrage 'Geographia Universalis' d'Ismaël Abulfeda, un prince et savant syrien du XIVe siècle. Abulfeda, reconnu pour ses contributions en histoire et en géographie, acheva son œuvre majeure vers 1321 et vécut jusqu'en 1345. Son travail est très respecté dans l'Orient. Une erreur courante parmi certains savants européens a été de situer Abulfeda au IVe siècle, alors qu'il était musulman, une religion apparue au VIIe siècle. Jean Grave, professeur d'astronomie à Oxford, traduisit la géographie d'Abulfeda en latin en 1650. Cependant, une grande partie de son travail fut perdue lors des guerres civiles. Pour pallier cette perte, Jean Gagnier, professeur des langues orientales à Oxford, étudia les manuscrits d'Abulfeda conservés à la bibliothèque de Bodley et utilisa les travaux d'autres savants. Il traduisit et commenta l'œuvre, ajoutant des cartes géographiques et des notes critiques. Le texte mentionne également Guillaume de Guise, un érudit qui avait prévu publier l'œuvre d'Abulfeda, mais décéda avant de pouvoir le faire. Son épouse déposa ses travaux au College des Ames à Oxford. Le programme de l'édition inclut un éloge de Guillaume de Guise par E. Bernard. Des remarques sur les travaux de Jean Grave et d'Abulfeda ont été publiées, ainsi que des traductions et des descriptions de l'Arabie d'Abulfeda en France et en Angleterre. Le texte détaille les qualités et l'origine d'Abulfeda, révélant qu'il appartenait à la maison des Ajoubites et régna en Syrie après son père et son frère aîné. Enfin, des informations sur la souscription à la nouvelle édition de l'ouvrage d'Abulfeda à Londres sont fournies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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80
p. 2846-2847
Ouverture du College Royal.
Début :
Les Professeurs du College Royal de France, fondé à Paris par le Roy François [...]
Mots clefs :
Collège royal de France, Chaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ouverture du College Royal.
Ouverture du College Royal
Les Professeurs du College Royal de
France , fondé à Paris par le Roy François
I. le Pere et le Restaurateur des Lettres
, reprirent leurs exercices , et commencerent
leur Année Académique le
Lundi 19 Novembre . Voici les noms des
Sçavans qui remplissent actuellement les
I. Vol. Chaires
DECEMBRE 2847 1732 .
Chaires de ce fameux College , sous l'ins,
pection de M. Clement.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs. Sallier et Henri.
Pour la Langue Grecque.
Mrs. Capperonnier et N ....
Pour les Mathematiques:
Mrs. Chevalier et Pothenot.
Pour la Philosophie.
Mrs. Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs. Rollin et N....
Pour la Medecine , la Chirurgie ,
la Pharmacie et la Botanique.
Mrs. Andry , Burette , Astruc et N ....
Pour la Langue Arabe.
Mrs. de Fiennes , Secretaire , Interprete
ordinaire du Roy , et Fourmont.
Pour le Droit Canon .
Mrs. Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
Les Professeurs du College Royal de
France , fondé à Paris par le Roy François
I. le Pere et le Restaurateur des Lettres
, reprirent leurs exercices , et commencerent
leur Année Académique le
Lundi 19 Novembre . Voici les noms des
Sçavans qui remplissent actuellement les
I. Vol. Chaires
DECEMBRE 2847 1732 .
Chaires de ce fameux College , sous l'ins,
pection de M. Clement.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs. Sallier et Henri.
Pour la Langue Grecque.
Mrs. Capperonnier et N ....
Pour les Mathematiques:
Mrs. Chevalier et Pothenot.
Pour la Philosophie.
Mrs. Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs. Rollin et N....
Pour la Medecine , la Chirurgie ,
la Pharmacie et la Botanique.
Mrs. Andry , Burette , Astruc et N ....
Pour la Langue Arabe.
Mrs. de Fiennes , Secretaire , Interprete
ordinaire du Roy , et Fourmont.
Pour le Droit Canon .
Mrs. Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
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Résumé : Ouverture du College Royal.
Le Collège Royal de France, fondé par François Ier, a repris ses activités académiques le 19 novembre 1732 sous la supervision de M. Clément. Les chaires sont occupées par des savants renommés dans divers domaines, dont M. Sallier et M. Henri pour l'hébreu, M. Chevalier et M. Pothenot pour les mathématiques, et M. Andry pour la médecine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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81
p. 251-259
LETTRE à M.D. Chanoine de N. D. d'A...... sur l'antiquité & la durée de l'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Dieu.
Début :
La description qui paroît depuis peu, Monsieur, des beautez de [...]
Mots clefs :
Adorer, Histoire, Livre, Journal des savants, Auteur, Langage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à M.D. Chanoine de N. D. d'A...... sur l'antiquité & la durée de l'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Dieu.
LETTRE à M. D. Chanoine de N. D.
d'A...... surl'antiquité & la durée de
L'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Diew
L
A description qui paroît depuis peu,
Monsieur , des beautez de Fontainebleau , où vous avez pris naissance , doit Ciiij exciter
252 MERCURE DE FRANCE
exciter la curiosité non- seulement detous
les Etrangers , mais encore celle des personnes qui s'attachent aux Histoires accompagnées de digressions sçavantes et
instructives. J'en ai remarqué plusieurs
de cette forte dans ce nouveau Livre , ét
quelques- unes sont decelles-là même ausquelles le Journal des Sçavans nous fait
faire attention. La remarque de M. l'Abbé Guilbert touchant l'Inscription qui se
lit à l'entrée de la Chapelle Royale de
Fontainebleau , étoit necessaire dans son
ouvrage. Je connois des personnes pieuses qui ont paru surprises de cette Inscription ; mais commece peuvent être des
gens de bien d'une pieté plus abondante
en chaleur qu'en lumieres , il ne faut pas
s'étonner que ceux qui sont de ce caractere
trouvent quelquefois des reformes à faire
dans le langage des livres les plus anciens
et les plus respectables. M. Guilbert a
donc très-sagement fait d'observer l'antiquité de l'usage du terme d'Adorer
signifier seulement en general respecter,
honorer , et sa remarqueétoit d'autant plus
necessaire que cette Chapelle étant fre- quentée à present plus que jamais par les
Etrangers , il est bon de leur faire comprendre que par l'expression Adorate Re- gem du premier Livre des Paralipomenes;
pour
chap.
FEVRIER 17327 253
quece
chap. 29. v. 20. l'on n'entend autre chose
ece qui est signifié par ces autres termes
de la premiere Epitre de S. Pierre Regem
bonorificate. Ce langage se trouve non- seu
lement dans l'Ecriture Sainte et dans les
Conciles , mais aussi dans les Saints Peres
et chez les Historiens. Lisez Saint Paulin,
Natalit 9. vous y verrez ces deux vers :
:
Ecce Sacerdotis reditum satiatus adoro
Suspiciens humili metantem in corpore Christum
Lisez dans S.Jerôme laLettre de Ste. Paule
et d'Eustochium à Marcelle touchant les
Monumens qui sont à voir et à revérer dans
la Palestine il y est dit qu'il ne faut pas
oublier d'aller à Samarie et d'y adorer les
cendres de S. Jean- Baptiste , ni celles des
Prophétes Elisée et Abdias. Samariamper
gere , et Joannis Baptista , Elisai quoque et
Abdiapariter cineres adorare. Au moment
que j'écris ceci je me souviens que ce terme Adorare est souvent employé dans
P'histoire des Evêques du Mans au troisiéme Tome des Analectes de Dom MabilIon : Vous pourez y recouvrir en sûreté.
Je trouve aussi dans les Antiquités de la
Ville de Castre de Borel à la page 11. un
fragment d'un Manuscrit d'Odon Aribet,
où je lis touchant Bernard Comte de Toulouse , Tolosam venit et Regem Carolum in
Cv Canobio
254 MERCURE DE FRANCE
Cenobio S. Saturninijuxta Tolosam adoravit. Consultez outre cela ce qui a été écrit
par le Cardinal Baronius ausujet de la découverte du Corps de Sainte Cecile , faite
sous le Pontificat de Clement VIII. en
l'an 1599. et vous y trouverez le terme
Adorare pareillement usité en fait.de Reliques. Le Poëte qui a composé les vers
qui se lisent au bas de la Statue Equestre
de Louis XIII. au Frontispice du grand
Mezeray de l'an 1643. étoit apparemment
instruit de ce langage , et il se regardoit
comme autorisé par l'expression gravéeaus
Portail de Fontainebleau, puisqu'il a com
mencé ainsi son Quatrain :
Ce grand Roy dont voici l'adorable visage ·
Vainqueur de ce bas monde au Ciel est remonté.
Un Auteurqui meriteroit de devenir fa--
milier à toutes les personnes qui aiment
les belles Lettres , comme ayant été l'un
des plus habiles humanistes de son siecle,
et Precepteur de quelques Enfans de nos
Rois , ( a ) est Heric, Moine d'Auxerre.
On â de lui une vie de S. Germain Evêque d'Auxerre écrite en vers qui ne sont
point à mépriser , et qui fut rendue puConcil. P'Abb. ad an. 1592:
( a ) De Lothaire Fils de Charles le Chauve."-
blique
FEVRIER. 1732. 255
blique sous François I. dans le tems du
rétablissement des belles Lettres. On a
encore de lui une histoire des Miracles.
de ce grand Evêque. C'est dans ce dernier ouvrage , quoiqu'écrit en Prose, qu'il
donneentrois endroits au corps ou au tombeau de S. Germain l'épithete d'Adorable.
Premierement , lib. 1. cap. 27. il dit que le
Roy Clothaire I. fidele heritier et Imitateur de la devotion que Sainte Clotilde
sa Mere avoit eue envers ce Saint , fit enTourer so n Sepulcre d'un grillage d'argent
et il s'exprime ainsi : Materna devotionis
fidissimus executor et hæres , post genitricis
excessumsuperadorandam beatissimi Germani memoriam regalibus expensis fredam ( a )
composuit. Le second endroit est au chapitre 54. du même Livre , où il dit , Adorandi corporis. Et le troisiéme se lit au second Livre chapitre 9. qui contient comment le Roy Charles le Chauve voulut
assister en personne à la Tranflation qu'il
fit faire du corps de ce Saint pour le jour de
Epiphanie del'an 59. où l'Historien témoinoculaire remarque que ce grandPrincecouvrit lui-même les Ossemens avec des
étoffes précieuses , et qu'ayant été portez
jusques dans le lieu destiné , il y plaça
(a) Heric a été obligé de se servir de ce terme quoique de basse latinité,
Cvj aussi
256 MERCURE DE FRANCE
aussi lui-même le Saint Corps. Rex Carolus operosis denuò palliis corpus venerabile decenter ambivit , et deux lignes après , thesaurum incomparabilem adorandi corporis
ejus ..... principali reverentiâ transpositum collocavit.
port
Je metens , Monsieur , un peu plus sur
cet Auteur que sur les autres , par rapà l'omission que M. l'Abbé Guilbert
à faite de parler de la devotion du Roy
Robert envers S. Germain l'Auxerrois
dont yoici l'article qu'il faisoit à son sujet.
C'est que ce Saint Roi bâtit dans la Forêt
de Bievre une Eglise en l'honneur de ce
Saint au rapport d'Helgaud Ecrivain de sa
vie. Il semble que comme la Forèt de
Fontainebleaun'est autre que celle qui por
toit enciennement le nom de Biévre c'étoit une chose à remarquer , en faisant
observer incidemment que le titre de l'Eglise Paroissiale du Louvre à Paris est sous
la même Invocation , et que plusieurs prétendent que le nom de S. Germain- enLaye vient aussi primitivement d'une
Eglise de Saint Germain d'Auxerre située
dans le Bois de Laye à l'endroit où ce Saint
Prélat fit un Miracle , ou au moins une
Station au sortir de Nanterre. Il n'est pas
étonnant que des Ecrivains assurez de tous
ces faits ayent avancé que nos Rois ont regardé
FEVRIER. 1732. 257
gardé le Prélat Auxerrois comme l'un des
plus grands Titulaires de leur Royaume,
et que la Nation l'envisagera toujours
pour tel. C'est ce qui est fondé sur les
prodiges merveilleux qu'il opera pendant
sa vie et sur l'utilité dont il fut à tous les
habitans des Gaules : Verité reconnuë par
les Historiens de France les plus modernes , et qui fait dire au Pere de Longue
val Jesuite dans sa nouvelle Histoire Ecclesiastique de ce Royaume , ( a ) que
Saint Germain fut l'un des plus parfaits
modeles de Sainteté , et un des plus ardents
défenseurs de la Foy , l'honneur et la consolation de l'Eglise Gallicanne , le fleau de l'heresie, le Pere des Peuples , le refuge de tous les
malheureux. Un peu d'attention à ces dernieres épithetes fera voir que l'on n'avoit
pas tant de tort de l'honorer d'une maniere
plus speciale dans certains Pays de la France dont le territoire est peufecond et où la
misere est plus commune. Si l'épithete
Adorandus ne se prodiguoit point envers
tous les Saints , on ne peut nier qu'il ne
pût être appliqué à ceux qui meritoient
une veneration plus éclatante , et qu'Heric a été bien fondé de s'en servir à l'égard
de Saint Germain d'Auxerre. Ceux qui en
douteroient peuvent recourir à l'Histoire
(a ) Tomepremier,page 457.
de
258 MERCURE DE FRANCE
de sa Vie écrite par Constance Prêtre de
l'Eglise de Lyon qui vivoit dans le même
siecle que ce Saint Evêque , Auteur celebre qui ne peutêtre inconnu dansles Eglises de la Province Ecclesiatique dont Lyon
est la Capitale , et auquel le Pere de Colonia Jesuite a donné à juste titre les éloges qu'il merite , dans son Histoire Litteraire de Lyon. En un mot , si les Rois de
la Terre meritent les adorations , c'est- àdire , les respects des Peuples , à plus forte
raison les Saints qu'on lit avoir été adorez
par les Rois dans le même sens d'adoration que j'ai déja dit , et qui de plus ont
été invoquez tant de fois et si formellement par ces mêmes Rois , tel qu'est le
Prélat à l'occasion duquel j'ai fait cette di
gression.
Pour revenir donc à Adorate Regem , ce
langage est si ancien et si peu choquant
en lui même , qu'il est reçu dans l'usages
vulgaire , et comme on a dit adorer l'Empereur,on dit de même aujourd'hui adorer
le Pape , aller à l'adoration du Pape ; adoration qui n'est dans lele fond qu'une simple marque de respect , et qui consistoit
quelquefois dans un baiser comme l'étymologie du nom le signifie. De là vint l'usage des anciens Payens lorsqu'ils vouloient honorer un objet éloigné , tel que
le
FEVRIER. 1732 259
le Soleil et la Lune , de s'incliner devant lui , en appliquant le bout de la
main sur la bouche , de la même maniere
que nous obligeons les enfans de nous faire lorsque nous leur disons de baiser la
main avant que de les gratifier d'un petit
present. Il y a une Eglise en France ( a ):
où l'on voit dans des bas-reliefs une figure dans cette attitude; et qui baise sa main
par respect , pour les fausses Divinitez.
C'est ce que le Livre de Job appelle un
grand péché et un renoncement de Dieu.
(b)Je n'en dis pas davantage sur cette
matiere , et je finis , en vous assurant que
je suis , &c..
(a) A Cahors.
Au mois d'Aoust 1731.-
( b ) Job. cap. 31. ¥. 26. 27. 28.
d'A...... surl'antiquité & la durée de
L'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Diew
L
A description qui paroît depuis peu,
Monsieur , des beautez de Fontainebleau , où vous avez pris naissance , doit Ciiij exciter
252 MERCURE DE FRANCE
exciter la curiosité non- seulement detous
les Etrangers , mais encore celle des personnes qui s'attachent aux Histoires accompagnées de digressions sçavantes et
instructives. J'en ai remarqué plusieurs
de cette forte dans ce nouveau Livre , ét
quelques- unes sont decelles-là même ausquelles le Journal des Sçavans nous fait
faire attention. La remarque de M. l'Abbé Guilbert touchant l'Inscription qui se
lit à l'entrée de la Chapelle Royale de
Fontainebleau , étoit necessaire dans son
ouvrage. Je connois des personnes pieuses qui ont paru surprises de cette Inscription ; mais commece peuvent être des
gens de bien d'une pieté plus abondante
en chaleur qu'en lumieres , il ne faut pas
s'étonner que ceux qui sont de ce caractere
trouvent quelquefois des reformes à faire
dans le langage des livres les plus anciens
et les plus respectables. M. Guilbert a
donc très-sagement fait d'observer l'antiquité de l'usage du terme d'Adorer
signifier seulement en general respecter,
honorer , et sa remarqueétoit d'autant plus
necessaire que cette Chapelle étant fre- quentée à present plus que jamais par les
Etrangers , il est bon de leur faire comprendre que par l'expression Adorate Re- gem du premier Livre des Paralipomenes;
pour
chap.
FEVRIER 17327 253
quece
chap. 29. v. 20. l'on n'entend autre chose
ece qui est signifié par ces autres termes
de la premiere Epitre de S. Pierre Regem
bonorificate. Ce langage se trouve non- seu
lement dans l'Ecriture Sainte et dans les
Conciles , mais aussi dans les Saints Peres
et chez les Historiens. Lisez Saint Paulin,
Natalit 9. vous y verrez ces deux vers :
:
Ecce Sacerdotis reditum satiatus adoro
Suspiciens humili metantem in corpore Christum
Lisez dans S.Jerôme laLettre de Ste. Paule
et d'Eustochium à Marcelle touchant les
Monumens qui sont à voir et à revérer dans
la Palestine il y est dit qu'il ne faut pas
oublier d'aller à Samarie et d'y adorer les
cendres de S. Jean- Baptiste , ni celles des
Prophétes Elisée et Abdias. Samariamper
gere , et Joannis Baptista , Elisai quoque et
Abdiapariter cineres adorare. Au moment
que j'écris ceci je me souviens que ce terme Adorare est souvent employé dans
P'histoire des Evêques du Mans au troisiéme Tome des Analectes de Dom MabilIon : Vous pourez y recouvrir en sûreté.
Je trouve aussi dans les Antiquités de la
Ville de Castre de Borel à la page 11. un
fragment d'un Manuscrit d'Odon Aribet,
où je lis touchant Bernard Comte de Toulouse , Tolosam venit et Regem Carolum in
Cv Canobio
254 MERCURE DE FRANCE
Cenobio S. Saturninijuxta Tolosam adoravit. Consultez outre cela ce qui a été écrit
par le Cardinal Baronius ausujet de la découverte du Corps de Sainte Cecile , faite
sous le Pontificat de Clement VIII. en
l'an 1599. et vous y trouverez le terme
Adorare pareillement usité en fait.de Reliques. Le Poëte qui a composé les vers
qui se lisent au bas de la Statue Equestre
de Louis XIII. au Frontispice du grand
Mezeray de l'an 1643. étoit apparemment
instruit de ce langage , et il se regardoit
comme autorisé par l'expression gravéeaus
Portail de Fontainebleau, puisqu'il a com
mencé ainsi son Quatrain :
Ce grand Roy dont voici l'adorable visage ·
Vainqueur de ce bas monde au Ciel est remonté.
Un Auteurqui meriteroit de devenir fa--
milier à toutes les personnes qui aiment
les belles Lettres , comme ayant été l'un
des plus habiles humanistes de son siecle,
et Precepteur de quelques Enfans de nos
Rois , ( a ) est Heric, Moine d'Auxerre.
On â de lui une vie de S. Germain Evêque d'Auxerre écrite en vers qui ne sont
point à mépriser , et qui fut rendue puConcil. P'Abb. ad an. 1592:
( a ) De Lothaire Fils de Charles le Chauve."-
blique
FEVRIER. 1732. 255
blique sous François I. dans le tems du
rétablissement des belles Lettres. On a
encore de lui une histoire des Miracles.
de ce grand Evêque. C'est dans ce dernier ouvrage , quoiqu'écrit en Prose, qu'il
donneentrois endroits au corps ou au tombeau de S. Germain l'épithete d'Adorable.
Premierement , lib. 1. cap. 27. il dit que le
Roy Clothaire I. fidele heritier et Imitateur de la devotion que Sainte Clotilde
sa Mere avoit eue envers ce Saint , fit enTourer so n Sepulcre d'un grillage d'argent
et il s'exprime ainsi : Materna devotionis
fidissimus executor et hæres , post genitricis
excessumsuperadorandam beatissimi Germani memoriam regalibus expensis fredam ( a )
composuit. Le second endroit est au chapitre 54. du même Livre , où il dit , Adorandi corporis. Et le troisiéme se lit au second Livre chapitre 9. qui contient comment le Roy Charles le Chauve voulut
assister en personne à la Tranflation qu'il
fit faire du corps de ce Saint pour le jour de
Epiphanie del'an 59. où l'Historien témoinoculaire remarque que ce grandPrincecouvrit lui-même les Ossemens avec des
étoffes précieuses , et qu'ayant été portez
jusques dans le lieu destiné , il y plaça
(a) Heric a été obligé de se servir de ce terme quoique de basse latinité,
Cvj aussi
256 MERCURE DE FRANCE
aussi lui-même le Saint Corps. Rex Carolus operosis denuò palliis corpus venerabile decenter ambivit , et deux lignes après , thesaurum incomparabilem adorandi corporis
ejus ..... principali reverentiâ transpositum collocavit.
port
Je metens , Monsieur , un peu plus sur
cet Auteur que sur les autres , par rapà l'omission que M. l'Abbé Guilbert
à faite de parler de la devotion du Roy
Robert envers S. Germain l'Auxerrois
dont yoici l'article qu'il faisoit à son sujet.
C'est que ce Saint Roi bâtit dans la Forêt
de Bievre une Eglise en l'honneur de ce
Saint au rapport d'Helgaud Ecrivain de sa
vie. Il semble que comme la Forèt de
Fontainebleaun'est autre que celle qui por
toit enciennement le nom de Biévre c'étoit une chose à remarquer , en faisant
observer incidemment que le titre de l'Eglise Paroissiale du Louvre à Paris est sous
la même Invocation , et que plusieurs prétendent que le nom de S. Germain- enLaye vient aussi primitivement d'une
Eglise de Saint Germain d'Auxerre située
dans le Bois de Laye à l'endroit où ce Saint
Prélat fit un Miracle , ou au moins une
Station au sortir de Nanterre. Il n'est pas
étonnant que des Ecrivains assurez de tous
ces faits ayent avancé que nos Rois ont regardé
FEVRIER. 1732. 257
gardé le Prélat Auxerrois comme l'un des
plus grands Titulaires de leur Royaume,
et que la Nation l'envisagera toujours
pour tel. C'est ce qui est fondé sur les
prodiges merveilleux qu'il opera pendant
sa vie et sur l'utilité dont il fut à tous les
habitans des Gaules : Verité reconnuë par
les Historiens de France les plus modernes , et qui fait dire au Pere de Longue
val Jesuite dans sa nouvelle Histoire Ecclesiastique de ce Royaume , ( a ) que
Saint Germain fut l'un des plus parfaits
modeles de Sainteté , et un des plus ardents
défenseurs de la Foy , l'honneur et la consolation de l'Eglise Gallicanne , le fleau de l'heresie, le Pere des Peuples , le refuge de tous les
malheureux. Un peu d'attention à ces dernieres épithetes fera voir que l'on n'avoit
pas tant de tort de l'honorer d'une maniere
plus speciale dans certains Pays de la France dont le territoire est peufecond et où la
misere est plus commune. Si l'épithete
Adorandus ne se prodiguoit point envers
tous les Saints , on ne peut nier qu'il ne
pût être appliqué à ceux qui meritoient
une veneration plus éclatante , et qu'Heric a été bien fondé de s'en servir à l'égard
de Saint Germain d'Auxerre. Ceux qui en
douteroient peuvent recourir à l'Histoire
(a ) Tomepremier,page 457.
de
258 MERCURE DE FRANCE
de sa Vie écrite par Constance Prêtre de
l'Eglise de Lyon qui vivoit dans le même
siecle que ce Saint Evêque , Auteur celebre qui ne peutêtre inconnu dansles Eglises de la Province Ecclesiatique dont Lyon
est la Capitale , et auquel le Pere de Colonia Jesuite a donné à juste titre les éloges qu'il merite , dans son Histoire Litteraire de Lyon. En un mot , si les Rois de
la Terre meritent les adorations , c'est- àdire , les respects des Peuples , à plus forte
raison les Saints qu'on lit avoir été adorez
par les Rois dans le même sens d'adoration que j'ai déja dit , et qui de plus ont
été invoquez tant de fois et si formellement par ces mêmes Rois , tel qu'est le
Prélat à l'occasion duquel j'ai fait cette di
gression.
Pour revenir donc à Adorate Regem , ce
langage est si ancien et si peu choquant
en lui même , qu'il est reçu dans l'usages
vulgaire , et comme on a dit adorer l'Empereur,on dit de même aujourd'hui adorer
le Pape , aller à l'adoration du Pape ; adoration qui n'est dans lele fond qu'une simple marque de respect , et qui consistoit
quelquefois dans un baiser comme l'étymologie du nom le signifie. De là vint l'usage des anciens Payens lorsqu'ils vouloient honorer un objet éloigné , tel que
le
FEVRIER. 1732 259
le Soleil et la Lune , de s'incliner devant lui , en appliquant le bout de la
main sur la bouche , de la même maniere
que nous obligeons les enfans de nous faire lorsque nous leur disons de baiser la
main avant que de les gratifier d'un petit
present. Il y a une Eglise en France ( a ):
où l'on voit dans des bas-reliefs une figure dans cette attitude; et qui baise sa main
par respect , pour les fausses Divinitez.
C'est ce que le Livre de Job appelle un
grand péché et un renoncement de Dieu.
(b)Je n'en dis pas davantage sur cette
matiere , et je finis , en vous assurant que
je suis , &c..
(a) A Cahors.
Au mois d'Aoust 1731.-
( b ) Job. cap. 31. ¥. 26. 27. 28.
Fermer
Résumé : LETTRE à M.D. Chanoine de N. D. d'A...... sur l'antiquité & la durée de l'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Dieu.
La lettre aborde l'antiquité et la durée de l'usage du terme 'adorer' appliqué à des personnes autres que Dieu. L'auteur commence par mentionner une description récente des beautés de Fontainebleau, qui attire l'intérêt des étrangers et des historiens. Il souligne une remarque de l'abbé Guilbert concernant une inscription dans la Chapelle Royale de Fontainebleau, où 'adorer' signifie respecter ou honorer. Cette explication est nécessaire pour clarifier aux visiteurs étrangers la signification de l'expression 'Adorate Regem' dans les Paralipomènes. L'auteur cite plusieurs exemples de l'usage du terme 'adorer' dans les Écritures saintes, les conciles, les saints pères et les historiens. Il mentionne des passages de Saint Paulin et Saint Jérôme, ainsi que des œuvres historiques comme les 'Antiquités de la Ville de Castre' de Borel. Il rappelle également l'usage de ce terme dans des poèmes et des œuvres littéraires, comme ceux de Mézeray et d'Héric, moine d'Auxerre. La lettre se conclut en expliquant que l'usage du terme 'adorer' pour des personnes autres que Dieu est ancien et courant, et qu'il s'agit simplement d'une marque de respect. L'auteur cite des exemples de cette pratique dans l'histoire et la religion, et mentionne une église à Cahors où cette attitude est représentée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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82
p. 298-313
LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
Début :
Je ne sçai, Monsieur, par quel hazard le Mercure de [...]
Mots clefs :
Mercure, Manuscrit, Chronique, Helinand, Diocèse, Évêque, Ordonnance, Saint inconnu
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
XXXX XXXXXXXXXX
LETTRE de M. d'Auvergne , Avocat en
Parlement, an sujet d'un Saint inconnu, et
des Fragments de la Chronique d'Helinand , Moine de Froimont.
J
E ne sçai , Monsieur , par quel hazard
le Mercure de Fevrier m'avoit échapé.
Assurément je n'aurois pas differé tant de
mois , si j'en avois été plutôt instruit , à
répondre à l'invitation obligeante qui m'y
a été faite , ( p. 334. ) pat un Sçavant de
Bourgogne , de rechercher ce que l'on
croit ici de saint Nerlin , et ce qui reste de
de la Chronique d'Helinand.
Pour ce qui est de saint Nerlin , il est
entierement ignoré dans le Diocèse de
Beauvais. A la Tour du Lay même , dont
il passe néanmoins pour être le Patron
on n'en connoît autre chose que le nom :
Encore n'y a-t'il pas bien long- tems que.
le souvenir y en étoit entierement perdu .
On n'y reconnoissoit pour Patron qu'un
saint Robert , non pas celui qui a été a été pre
mier Abbé de Cîteaux , et dont on fait
memoire le 29. Janvier , mais un autre
dont on celebroit la Fête le 21. Avril.
La reputation de ce dernier étoit mon-
>
tée
FEVRIER 1732.
299
>
tée à un très- haut degré dans les environs
De mêmeque l'Auteur de la Lettre sur ta
Secheresse , inserée dans le Mercure de
Septembre , paroft soupçonner que saint
Etienne a reçû , par préference aux autres Bien-heureux , le don de faire distri
buer la pluye aux Pays qui lui en demandent , on croyoit , dans les Paroisses
voisines de la Tour du Lay , que le prétendu saint Robert avoit le privilege specifique de guerir de la Fievre ceux qui
avoient la devotion de passer sous un
Tombeau qu'on prenoit pour le sien , et
de boire de l'eau d'une Fontaine qui se
conserve dans le Jardin du Prieuré. On
accouroit donc en foule pour faire très- serieusement ces deux ceremonies.
Le bruit éclatant de ce culte engagea
M. de S. Agnan,alors Evêque de Beauvais,
à en prendre connoissance. Il donna la
commission àM. le Roy, Curé de Persan,
tant à titre d'homme Lettré, qu'en qualité
de Promoteur Rural du Doyenné, de faire
unevisite dans l'Eglise du Prieuré du Lay.
De son côté , il fit faire des recherches à
l'Abbaye du Bec d'où dépend le Prieuré ; ce fut dans les Archives de cette Abbaye que se trouva le nom de S. Nerlin.
Quant à la visite de M. le Roy , elle fut
à cet égard des plus infructueuses. Il me
E iiij man
300 MERCURE DE FRANCE
mande qu'il n'a pas découvert que l'on ait
jamais fait , en quelque jour que ce fût, ni
Office , ni Memoire de ce saint , et qu'il
n'y en a , ni Legende , ni Collecte. De
sorte, Monsieur , que sans le titre de fondation du Prieuré, qui s'est trouvé à l'Abbaye du Bec , votre sçavant ami auroit sçû
avant nous qu'il y a eu un saint Nerlin.
C'est aussi apparemment tout au plus ce
dont M. de Saint Agnan lui-mêmea bien
pû s'assurer.
Car 1 ° . dans l'Ordonnance qu'il a renduë
le 12. Novembre 1727. tant pour faire
cesser le culte du faux saint Robert , que
pour nous apprendre que ce Robert , de
qui est le Tombeau qu'on veneroit , étoit
un Moine crû fils du Fondateur ; ni dans
la Lettre Pastorale dont il a accompagné
son Ordonnance , il n'a pas indiqué de
jour de Fête pour saint Nerlin , ni detitre
sous lequel on dût l'honorer. Effectivementon n'en fait point encore de memoire ; je me suis fait confirmer cela par le
Desservant du Prieuré , où , conformément aux derniers Ordres , il n'y a plus
d'autre Fête de Patron que celle de la
Vierge , le jour de la Nativité.
2. L'Ordonnance insinuë que la fondation du Prieuré a été faite sous l'Invocation de la Sainte Vierge et de saint Neslin
FEVRIER 1732 301
lin conjointement. Et la Lettre Pastorale
porte que cette Eglise fondée par un
Comte de Beaumont petit-Fils de France
(peut-être faut-il dire arriere-petit- Fils )
nereconnoissoit dans les premieres années
de son établissement d'autre Patron que
la Sainte Vierge , et que ce ne fut que
dans la suite qu'on y en ajouta un second
sous le nom de saint Nerlin, Ces deux exposez renferment une contradiction ma
nifeste. Pour la lever , M. le Roi m'a renvoyé à l'Abbaye du Bec : et j'y renvoye à
mon tour la Personne à qui je voudrois
pouvoir donner par moi- même de plus
grands éclaircissemens.
Il se pourroit faire que le nom du Saint,
dont il est en peine, eut, comme bien d'au
tres,été alteré. Je ne parle pointde la ci
tation que M. Eccard dans ses notes sur
les LoixRipuaires, p.2 14. a faite d'une histoire intitulée,Vita S. Nili. Qu'on en ait
fait saint Nilin , et par corruption saint
Nerlin , ce seroit peut être une conjecture qui paroîtroit trop tirée. Mais je trouve
dans une Charte de 1072. qu'un Chanoine de Compiegne qui étoit en même tems
un des deux Curés de saint Vaast de Beau
vais , s'appelloit Nevelon , et dans une
autre de 125o. que le Seigneur de Ronquerolles portoit aussialors le même nom.
By 711
302 MERCURE DE FRANCE
Il y a d'autant plus de vrai- semblance que
c'étoit le veritable nom du Patron dela
Tour du Lay , que-le Village de Ronque
rolles n'est qu'à une lieuë de distance de
ce Prieuré. Ces deux Chartes sont à la
suite des Memoires d'Antoine Loisel sur le
Beauvaisis. Je passe à l'article d'Helinand.
Les Fragmens de la Chronique de ce
Moine , qui a fleuri au commencement
du treiziéme siecle , et qui est aussi méprisé par Gabriel Naude(a ) que Vincent
de Beauvais , qui a néanmoins copié toutes les fables d'Helinand , en est estimé ; ces fragmens , dis- je , se conservent
veritablement dans l'Abbaye de Froidmont. Mais ils y sont d'une si mauvaise
écriture que le celebre Godefroy Hermant,
et un autre Chanoine de Beauvais son contemporain et aussi amateur d'antiquitez
n'en ont presque rien pû déchifrer. Sans
doute , l'Exemplaire que le Pere Labbe
marquequi faisoit partie des Livres quela
Reine Christine de Suede a fait acheter en
France de M. Petau, Conseiller, étoit beaucoup plus lisible..
Pour suppléer au défaut de ces deux Manuscrits , qui ne peuvent être d'ailleurs
que très- imparfaits , puisque , dès le mi-
(a ) Apologiepour les grands hommes soupçonnér de Magie, ch. 1. et 2-1.
lieu
FEVRIER. 1732. 353
nous و
lieu du même siecle dans lequel l'ouvra
ge a été composé , les differentes parties
en étoient déja toutes dispersées , ainsi
que l'assure Vincent de Beauvais
avons le Miroir Historial de ce dernier
qui y a fait entrer la meilleure partie de
ce qu'il a rassemblé de la Chronique d'Helinand par qui il n'avoit été précedé que
d'assez peu d'années. Voilà apparemment
où le curieux anonyme a lû autrefois ce
que sa memoire lui rappelle d'effrayant
dans le de l'Akousmate d'Ansacq genre
et ce qui , si on pouvoit y ajouter foi , seroit propre à confirmer ce qu'il pense
que,comme saint Paul assure que l'air est
rempli de Démons , ils peuvent fort bien.
s'attrouper de tems en tems, pour faire un
carillon semblable à celui que l'on prétend avoir entendu à Ansacq.
4
Le langagé d'une ancienne Traduction
Françoise du Miroir Historial sera beaucoup plus convenable à l'ingenuité des
Histoires sur lesquelles Helinand fondoit
ce systême , que ne le seroit telle autre
Traduction que ce fût de l'Original Latin .
Voici donc un premier trait qui se trouve
au liv. 3. du Copiste d'Helinand , chapitre 12.
» Chrétien vit tout le Couvent ( de
»l'Aumône Ordre de Cîteaux ) être enEvj vironné
304 MERCURE DE FRANCE
>> que il y
"
>
» vironné des Diables , et étoient si grant
» multitude que ils couvroient tout quanil y avoit entre le Ciel et la Terre.
» Et quant il les vit , il dit , Sire Dieu
que peut ce être qui pourra échaper ce
péril , et dont il oit une voix qui lui di-
» soit:Celui qui aura humilité pourrabien
»être délivréde toutes ces lats. Et unpou
» après vint une clarté du Ciel pardevers
»Orient. Et quant les mauvais esprits la
>> sentirent , ils s'évanoüirent , et ces glo-
» rieux qui étoient en l'aer en celle lumiere
»approcherent au lieu où ces Saints hom-
»mes étoientet le resplendirent du Soleil.
» Et en celle clarté apparut la Roine des
Anges , &c.
Jusques- là ce ne sont que des figures ,
et des figures de Démons qui ne donnent
de terreur que par leur aspect , mais quir
ne font point de tintamare. Plus bas les
ames des morts se mêlent avec les autres
esprits Aëriens. Si M. Pierquin avoit fçû.
ces faits , il les auroit peut- être mis en
usage dans la Dissertation qu'il a faite (a) .
sur le retour des ames. Quoiqu'il en soit,
voici d'abord , pour n'avancer que par degrès , une simple apparition dans le goût
de celle dont M. l'Abbé de saint Pierre a
fait inserer le recit , avec son explication
(a) Journal de Verdun , Janvier 1729. -
Physiqu
FEVRIER. 1732. 365
Physique, dans les Memoires de Trévoux
de Janvier 1726. L'histoire de cette an
cienne apparition est au chap, 118. du Li- \
vre cité de Vincent de Beauvais.
Il y est raconté que » Jean Chanoine de
»l'Eglise d'Orliens et ung Clerc nommê
»Noëlqui étoit dispensateur de son Hos-
»tel , avoient fait alliance en secret, que le
» premier d'eux qui mourroit , se il povoit
>> reviendroit dedans trente jours à son
>> Compaignon. Et quant il se apparoîtroiť
à lui il ne lui feroit point de paour ,
>> mais l'admonesteroit souëf et bellement
»et lui diroit de son état. « Après cet exposé , on fait ainsi détailler par le Chanoine lui-même ce que son Clerc mort'
lui est revenu dire , avec l'équipage dans
lequel il l'á vû.
» Et la nuit prouchaine ensuivante (la
>> mort de Noël ) ainsi comme je me répo-
»soye en mon lit veillant, et le lymeignon
>> ardoit devant moi en la lampe , car j'ai
>> toujours accoustumé à fuyr tenebres par
»> nuit, Noël mon Clerc vint et se tint de-
» vant moi, et étoit vestu comme il mesem-
» bloit et étoit advis, d'une chappe à pluye
» très- belle de couleur de plomb. Et je ne
» fus de rien épovanté. Et le congneu moult
» bien, et me prins à esjoyr de ce que il estoit si hastivement revenu de oultre les
monts
306 MERCURE DE FRANCE
,
» monts et lui dis. Noël bien vienges tu ,
» n'est pas l'Archediacre revenu. Non
» dit- il , Sire , mais je suis revenu tout seul
ǝ selon la chose establie , car je suis mort;
w'n'ayez doubte , car je ne vous feray nulle
23paour mais je vous prie que vous me
» secourez , car je suis en grans tourmens.
»Et pourquoi, dis je, vous vesquites assez
» honnestement avec moi ? et il dit , Sire ,
il est vrayque il me fût moult bien seau-
»jourd'hui je n'eusse esté sous prins d'ire,
» et que je ne me fusse pas commandé aux-
» Diables. Je vous pry que vous admon-
» nestez à tous ceux quevous pouvez que
>> ils nefacent pas ainsi.Car qui se comman-
>> de aux Diables il leur donne puissance
>> sus soy , ainsi comme moi très-malheu-
>> reux fis. Car ils eurent tantôt puissance
» de moi noyer. Et pour ce suis-je seule-
» ment tourmenté , car j'estois bien con-
>> fez de tous mes pechiez et je rencheu ent >> ce mal. »
Le traité d'entre le Chanoine d'Orleans
et son Clerc fut , comme on le voit , bien
mieux executé que celui des deux Ecoliers
de Vallognes dont il est parlé dans l'endroit cité des Memoires de Trevoux. L'essentiel de l'une et de l'autre convention
consistoit également dans la promesse que
celui qui mourroit le premier reviendroit
dire
FEVRIER. 1732% 307*
dire des nouvelles de son sort. Le petic
Desfontaines l'un des deux Enfans de Vallognes ne tint parole que sur l'article du
retour , mais on eut beau lui faire des
questions , s'il étoit sauvé , s'il étoit damné , s'il étoit en Purgatoire , si son Camarade étoit en état de grace , s'il le suivroit
de prês , on ne pût pas le faire cesser de
conter ses avantures d'Ecolier , ni l'engager à répondre sur les articles importants
pour lesquels seuls il avoit promis d'apparoître. Ce procedé , comme l'a remarqué
M. l'Abbé de saint Pierre , n'est ni honnête , ni digne d'un ami. La conduite du
Domestique d'Orleans fut bien plus civile , et de bien meilleure foi. Il apparut ,.
non pas comme Desfontaines nud et à micorps, mais tel qu'il avoit vêcu, et deplus
en habillemens somptueux de ceremonie,.
sans causer la moindre frayeur. Il rendit
un compte exact du triste état danslequel
il étoit tombé. L'interrogeoit - on , il ré
pondoit à tout avec complaisance et avec
justesse. C'est son Maître qui l'assure
dans la suite de sa Narration.
» Et à doncje lui demanday.Comment as
»tu si belle Chappe; si tu es en tourmens?
>> Sire , dit-il , cette Chappe qui est si belle
» ainsi comme il vous est advis , m'est
plus pesante et plus griefve queune tourse
368 MERCURE DE FRANCE
»se elle étoit mise sus moy , mais cette
beautéest l'esperance quej'ai d'avoir par
>>don pour la confession que je fis se j'ai
secours .... Et en se disant il s'évanouit
en pleurant
» J'ai dit cette chose » continue l'Auteur de la Chronique dans le chapitre suivant, " pour ce que il appère par ce dont
l'erreur de Virgile print son commence-
» ment des Ames des Trepassez que il ap-
» pelle Heroas , disant que ils ont celle
même cure , après la mort de Chevaux,
» de Chariots et d'Armes que ils avoient
»quant ils vivoient de laquelle chose ra-
>>comptoittrès certainement exemple.Eze
baudus , mon Parain , jadis Chambellan
»de Henry ( a ) Archevesque de Rheins.
Voilà l'évenement qui approche le plus
de celui d'Anfac.
DS
>> Si disoit ( Ezebaudus ) Monseigneur
l'Arcevesque de Rheims Monseigneur
>>si m'envoyoit à Arras. Et comme environ midy nous approuchissions en un
» Bois moi et mon varlet qui alloit devant
>> moi et chevauchoit plustóst , afin qué
»il me appareille logis. Il oyt grant tu-
>> multe en ce Bois et aussi comme frainte
»de divers Chevaux et sons d'Armures
ct aussi comme voix de grant multitude
(a ) Fils de Louis le Grás
de
FEVRIER 17320 309
deforce de Gens qui batailloient. Et donc
celui épouvanté retourna tantost à moi,
>> lui et son cheval.Et quant je lui demandai
» pourquoi il retournoit , il repondit. Je
» nepuis faire ne pour verge,ne pour espe-
>> ron que mon cheval passe oultre. Moyet
» lui sommes si espoventés que nous n'o-
»sons passer oultre. Car j'ai veu et ouy
»merveilles. Car ce Bois est tout plein de
>> Diables et de Ames des Trespassez, car je
>>les ai ouys crier et dire. Nous avonsja en
»nostre compaignie le Prevost d'Aire et
>> nous aurons prouchainement l'Arceves-
»que de Rheims. Et je respondi à ce. Fai-
»son le signe de la Croix et passon outre
>> hardiement. Et comme je alloye devant
»et je venisse au Bois , ces Ombres s'en
» estoient ja allés et toutesfois oi jeaucunes
voixconfuses , et frainte d'Armes et fre-
>> mir de Chevaux , mais ne je ne vi les *
»Ombres , neje ne pû entendre les voix.
» Et quant nous retournasmes de là, nous
» trouvasmes ja l'Arcevesque qui tiroit à
» sa derniere fin , ne depuis que ces voix
»furent oyes il ne vesquit que xv. jours. «<
Telle est la conclusion de l'histoire ,
ne reste plus qu'à rapporter la consequen
qu'en tiroit Helinand. La voici.
» Et de la apparoit il quels les Chevaux
sontsusquoi les Amesdes Trepassez che- vauchent
310 MERCURE DE FRANCE
>> vauchent aucunes fois, car ce sont Diables qui se transforment en Chevaux. Et
>> ceuxqui sont dessus sont très male curées
Ames chargées de pechiez aussi comme
» d'aucunes Armures et d'Ecus et de Heaumés,mais à la verité de la chose ils sont
»ainsi enlaidis de leurs pechiez et char-
» giez de telle chose selon le dit du Pro-
» phete. Ils descendront en Enfer avec
»leurs Armes. C'est- à- dire avec leurs
» membres , car ils firent Armes de iniqui-
»té en pechié , et ne les voulurent pas
و
faire Armes de droiture en Dieu. Il est
»certain que le Cheval est beste orgueil-
»leuse et fiere , et convoiteur de dissen-
>tions et batailles , chault en Luxure et
»puissant , et les Diables transformés en
» Chevaux , signifient que ceuxqui sicens
se esjoyssoient au Mondeen telles mau-
>> vaistiés. <«
Si cela étoit il faudroit croire que les
Morts dont les Ames se sont rassemblées
à Ansacq avoient mené une vie plus tranquille , moins ambitieuse et moins agitée
que ceux dont les Ombres se sont depuis
faitentendre vers laSuisse. Le bruit de ceux
ci ressembloit à une bataille des plus acharnées. (a ) Avec les autres au contraire on
n'a entendu ni Armes ni Chevaux ; ils ne
(a) Merc. deDecembre 1730. Vol. 2. p. 2839.'
faisoient
FEVRIER. 1732 311
faisoient que causer , rire et jouer des Instrumens. ( b )
Des Manes dont l'occupation est si gracieuse et si réjoüisante font vraisemblablement une classe diferente de ces Lar
ves ou Estries qu'Helinand decide ailleurs
n'être autre chose fors l'Ombre des Ames
damnées ou des malins Esprits , qui , selon
se quedit Saint Hierome, ontde nature d'espoenter petits enfans et de murmurer en liew
tenebreux.
Ces Larves , Larva , sont rendus dans
les anciens Dictionnaires par le mot de
Loups - Guroux qu'Etienne Pasquier n'a
pas oublié,fet dont les Nourrices fontencore des histoires. Il en trouve une semblable dans Vincent de Beauvais , liv. 2.1
ch. 96. Elle pourra servir à l'instruction
de l'Anonyme , qui dans le premier volume du Mercure de Juin ( p. 1344. ) demande l'origine de plusieurs Proverbes et
entr'autres de celui, connu comme le LoupGris.
"
Je me remembre bien » dit Helinand dans
» l'endroit cité ce que j'ai oui compter ,
» quant j'estois enfant de plusieurs que
»pour verité il estoit Villain du Ter- ung
» roüerdeBeauvaisà qui saFemme lavoit las
»testequi vosmithors parla boucheune des
( b) Ibid. p. 2807. et suiv.-
joinctures
312 MERCURE DE FRANCE,
joinctures de la main d'un Enfant. Et
>>l'opinion du commun du Pays estoit que
»il avoit esté transformé löng - tems en
>> Loup et celle opinion fut confirmée par »le vomissement des membres de l'En-
>>fant. «<
Je n'extrais plus de cette Chronique
qu'un dernier fait plus vrai- semblable par
la conformité qu'il a avec deux autres que MM.de S. André et Doison ont attesté et
expliqué, l'un dans ses Lettres sur les Malefices p. 221. et l'autre , aux Memoires de
Trevoux du mois d'Avril 1725.
Ces deux Medecins ont publié qu'une
Fille d'Orbec & une Religieuse de Tournay avoient rendu par les jambes , par la
poitrine , par la Gorge,par le dessous de
Foreille , une grande quantité d'Epingles.
Vincent de Bauvais,liv. 28.c.126. rappor
te d'après Helinand , que de son tems on
avoit vû sortir du bras d'une Fille de saint
Simphorien, au Diocése de Lyon, plus de
trente Aiguilles de fer,ausquelles succederent pendant plus d'un an de petites Broches de bois. La difference entre ces trois
Histoires ne consiste gueres que dans le
merveilleux. Dans la Religieuse de Tour
nay les Epingles laiffent chacune leur
playe. Dans la Fille de Lyon , ainsi que
dans celle d'Orbec , à peine les Aiguilles
étoient
FEVRIER. 1732. 313 .
étoient elles hors du bras ou de quelque
autre endroit du corps qu'on ne voyoit
plus par où elles étoient échapées. L'une
avoue qu'elle a plusieurs fois avalé des
Epingles. Chez les autres , l'accident étoit
l'effet de la Magie de deux Sorciers que
l'on connoissoit bien. Si cette opinion n'a
pas eu l'approbation de M. de saint André , du moins elle a emporté le suffrage
du bon Hélinand.
Pour revenir au Phénomene d'Ansacq,
Gaffarel,aux chap. 3. et 12. de ses Curiosi
tez inoüies , en réunit un affez bon nombre d'à-peu-près semblables à celui- là , et
il en distingue de deux sortes. Les uns
formés exprès par le Souverain Etre pour
nous avertir de quelque désastre prochain.
Les autres qui , suivant l'explication que
divers Physiciens en ont faites dans le
cours de cette année , ne viennent que de
la disposition fortuite de l'air et des nuës.
Le bruit d'Ansacq , s'il a été réel , ne
pourra être rangé que dans la derniere de
ces deux classes , puisque nous ne l'avons
vû suivi d'aucun évenement d'importance dont on puisse dire qu'il ait été le présage. Je suis , Monsieur , &c.
A Beauvais , le 13. Decembre 1731,
Co
14 MERCURE DE FRANCE,
1
LETTRE de M. d'Auvergne , Avocat en
Parlement, an sujet d'un Saint inconnu, et
des Fragments de la Chronique d'Helinand , Moine de Froimont.
J
E ne sçai , Monsieur , par quel hazard
le Mercure de Fevrier m'avoit échapé.
Assurément je n'aurois pas differé tant de
mois , si j'en avois été plutôt instruit , à
répondre à l'invitation obligeante qui m'y
a été faite , ( p. 334. ) pat un Sçavant de
Bourgogne , de rechercher ce que l'on
croit ici de saint Nerlin , et ce qui reste de
de la Chronique d'Helinand.
Pour ce qui est de saint Nerlin , il est
entierement ignoré dans le Diocèse de
Beauvais. A la Tour du Lay même , dont
il passe néanmoins pour être le Patron
on n'en connoît autre chose que le nom :
Encore n'y a-t'il pas bien long- tems que.
le souvenir y en étoit entierement perdu .
On n'y reconnoissoit pour Patron qu'un
saint Robert , non pas celui qui a été a été pre
mier Abbé de Cîteaux , et dont on fait
memoire le 29. Janvier , mais un autre
dont on celebroit la Fête le 21. Avril.
La reputation de ce dernier étoit mon-
>
tée
FEVRIER 1732.
299
>
tée à un très- haut degré dans les environs
De mêmeque l'Auteur de la Lettre sur ta
Secheresse , inserée dans le Mercure de
Septembre , paroft soupçonner que saint
Etienne a reçû , par préference aux autres Bien-heureux , le don de faire distri
buer la pluye aux Pays qui lui en demandent , on croyoit , dans les Paroisses
voisines de la Tour du Lay , que le prétendu saint Robert avoit le privilege specifique de guerir de la Fievre ceux qui
avoient la devotion de passer sous un
Tombeau qu'on prenoit pour le sien , et
de boire de l'eau d'une Fontaine qui se
conserve dans le Jardin du Prieuré. On
accouroit donc en foule pour faire très- serieusement ces deux ceremonies.
Le bruit éclatant de ce culte engagea
M. de S. Agnan,alors Evêque de Beauvais,
à en prendre connoissance. Il donna la
commission àM. le Roy, Curé de Persan,
tant à titre d'homme Lettré, qu'en qualité
de Promoteur Rural du Doyenné, de faire
unevisite dans l'Eglise du Prieuré du Lay.
De son côté , il fit faire des recherches à
l'Abbaye du Bec d'où dépend le Prieuré ; ce fut dans les Archives de cette Abbaye que se trouva le nom de S. Nerlin.
Quant à la visite de M. le Roy , elle fut
à cet égard des plus infructueuses. Il me
E iiij man
300 MERCURE DE FRANCE
mande qu'il n'a pas découvert que l'on ait
jamais fait , en quelque jour que ce fût, ni
Office , ni Memoire de ce saint , et qu'il
n'y en a , ni Legende , ni Collecte. De
sorte, Monsieur , que sans le titre de fondation du Prieuré, qui s'est trouvé à l'Abbaye du Bec , votre sçavant ami auroit sçû
avant nous qu'il y a eu un saint Nerlin.
C'est aussi apparemment tout au plus ce
dont M. de Saint Agnan lui-mêmea bien
pû s'assurer.
Car 1 ° . dans l'Ordonnance qu'il a renduë
le 12. Novembre 1727. tant pour faire
cesser le culte du faux saint Robert , que
pour nous apprendre que ce Robert , de
qui est le Tombeau qu'on veneroit , étoit
un Moine crû fils du Fondateur ; ni dans
la Lettre Pastorale dont il a accompagné
son Ordonnance , il n'a pas indiqué de
jour de Fête pour saint Nerlin , ni detitre
sous lequel on dût l'honorer. Effectivementon n'en fait point encore de memoire ; je me suis fait confirmer cela par le
Desservant du Prieuré , où , conformément aux derniers Ordres , il n'y a plus
d'autre Fête de Patron que celle de la
Vierge , le jour de la Nativité.
2. L'Ordonnance insinuë que la fondation du Prieuré a été faite sous l'Invocation de la Sainte Vierge et de saint Neslin
FEVRIER 1732 301
lin conjointement. Et la Lettre Pastorale
porte que cette Eglise fondée par un
Comte de Beaumont petit-Fils de France
(peut-être faut-il dire arriere-petit- Fils )
nereconnoissoit dans les premieres années
de son établissement d'autre Patron que
la Sainte Vierge , et que ce ne fut que
dans la suite qu'on y en ajouta un second
sous le nom de saint Nerlin, Ces deux exposez renferment une contradiction ma
nifeste. Pour la lever , M. le Roi m'a renvoyé à l'Abbaye du Bec : et j'y renvoye à
mon tour la Personne à qui je voudrois
pouvoir donner par moi- même de plus
grands éclaircissemens.
Il se pourroit faire que le nom du Saint,
dont il est en peine, eut, comme bien d'au
tres,été alteré. Je ne parle pointde la ci
tation que M. Eccard dans ses notes sur
les LoixRipuaires, p.2 14. a faite d'une histoire intitulée,Vita S. Nili. Qu'on en ait
fait saint Nilin , et par corruption saint
Nerlin , ce seroit peut être une conjecture qui paroîtroit trop tirée. Mais je trouve
dans une Charte de 1072. qu'un Chanoine de Compiegne qui étoit en même tems
un des deux Curés de saint Vaast de Beau
vais , s'appelloit Nevelon , et dans une
autre de 125o. que le Seigneur de Ronquerolles portoit aussialors le même nom.
By 711
302 MERCURE DE FRANCE
Il y a d'autant plus de vrai- semblance que
c'étoit le veritable nom du Patron dela
Tour du Lay , que-le Village de Ronque
rolles n'est qu'à une lieuë de distance de
ce Prieuré. Ces deux Chartes sont à la
suite des Memoires d'Antoine Loisel sur le
Beauvaisis. Je passe à l'article d'Helinand.
Les Fragmens de la Chronique de ce
Moine , qui a fleuri au commencement
du treiziéme siecle , et qui est aussi méprisé par Gabriel Naude(a ) que Vincent
de Beauvais , qui a néanmoins copié toutes les fables d'Helinand , en est estimé ; ces fragmens , dis- je , se conservent
veritablement dans l'Abbaye de Froidmont. Mais ils y sont d'une si mauvaise
écriture que le celebre Godefroy Hermant,
et un autre Chanoine de Beauvais son contemporain et aussi amateur d'antiquitez
n'en ont presque rien pû déchifrer. Sans
doute , l'Exemplaire que le Pere Labbe
marquequi faisoit partie des Livres quela
Reine Christine de Suede a fait acheter en
France de M. Petau, Conseiller, étoit beaucoup plus lisible..
Pour suppléer au défaut de ces deux Manuscrits , qui ne peuvent être d'ailleurs
que très- imparfaits , puisque , dès le mi-
(a ) Apologiepour les grands hommes soupçonnér de Magie, ch. 1. et 2-1.
lieu
FEVRIER. 1732. 353
nous و
lieu du même siecle dans lequel l'ouvra
ge a été composé , les differentes parties
en étoient déja toutes dispersées , ainsi
que l'assure Vincent de Beauvais
avons le Miroir Historial de ce dernier
qui y a fait entrer la meilleure partie de
ce qu'il a rassemblé de la Chronique d'Helinand par qui il n'avoit été précedé que
d'assez peu d'années. Voilà apparemment
où le curieux anonyme a lû autrefois ce
que sa memoire lui rappelle d'effrayant
dans le de l'Akousmate d'Ansacq genre
et ce qui , si on pouvoit y ajouter foi , seroit propre à confirmer ce qu'il pense
que,comme saint Paul assure que l'air est
rempli de Démons , ils peuvent fort bien.
s'attrouper de tems en tems, pour faire un
carillon semblable à celui que l'on prétend avoir entendu à Ansacq.
4
Le langagé d'une ancienne Traduction
Françoise du Miroir Historial sera beaucoup plus convenable à l'ingenuité des
Histoires sur lesquelles Helinand fondoit
ce systême , que ne le seroit telle autre
Traduction que ce fût de l'Original Latin .
Voici donc un premier trait qui se trouve
au liv. 3. du Copiste d'Helinand , chapitre 12.
» Chrétien vit tout le Couvent ( de
»l'Aumône Ordre de Cîteaux ) être enEvj vironné
304 MERCURE DE FRANCE
>> que il y
"
>
» vironné des Diables , et étoient si grant
» multitude que ils couvroient tout quanil y avoit entre le Ciel et la Terre.
» Et quant il les vit , il dit , Sire Dieu
que peut ce être qui pourra échaper ce
péril , et dont il oit une voix qui lui di-
» soit:Celui qui aura humilité pourrabien
»être délivréde toutes ces lats. Et unpou
» après vint une clarté du Ciel pardevers
»Orient. Et quant les mauvais esprits la
>> sentirent , ils s'évanoüirent , et ces glo-
» rieux qui étoient en l'aer en celle lumiere
»approcherent au lieu où ces Saints hom-
»mes étoientet le resplendirent du Soleil.
» Et en celle clarté apparut la Roine des
Anges , &c.
Jusques- là ce ne sont que des figures ,
et des figures de Démons qui ne donnent
de terreur que par leur aspect , mais quir
ne font point de tintamare. Plus bas les
ames des morts se mêlent avec les autres
esprits Aëriens. Si M. Pierquin avoit fçû.
ces faits , il les auroit peut- être mis en
usage dans la Dissertation qu'il a faite (a) .
sur le retour des ames. Quoiqu'il en soit,
voici d'abord , pour n'avancer que par degrès , une simple apparition dans le goût
de celle dont M. l'Abbé de saint Pierre a
fait inserer le recit , avec son explication
(a) Journal de Verdun , Janvier 1729. -
Physiqu
FEVRIER. 1732. 365
Physique, dans les Memoires de Trévoux
de Janvier 1726. L'histoire de cette an
cienne apparition est au chap, 118. du Li- \
vre cité de Vincent de Beauvais.
Il y est raconté que » Jean Chanoine de
»l'Eglise d'Orliens et ung Clerc nommê
»Noëlqui étoit dispensateur de son Hos-
»tel , avoient fait alliance en secret, que le
» premier d'eux qui mourroit , se il povoit
>> reviendroit dedans trente jours à son
>> Compaignon. Et quant il se apparoîtroiť
à lui il ne lui feroit point de paour ,
>> mais l'admonesteroit souëf et bellement
»et lui diroit de son état. « Après cet exposé , on fait ainsi détailler par le Chanoine lui-même ce que son Clerc mort'
lui est revenu dire , avec l'équipage dans
lequel il l'á vû.
» Et la nuit prouchaine ensuivante (la
>> mort de Noël ) ainsi comme je me répo-
»soye en mon lit veillant, et le lymeignon
>> ardoit devant moi en la lampe , car j'ai
>> toujours accoustumé à fuyr tenebres par
»> nuit, Noël mon Clerc vint et se tint de-
» vant moi, et étoit vestu comme il mesem-
» bloit et étoit advis, d'une chappe à pluye
» très- belle de couleur de plomb. Et je ne
» fus de rien épovanté. Et le congneu moult
» bien, et me prins à esjoyr de ce que il estoit si hastivement revenu de oultre les
monts
306 MERCURE DE FRANCE
,
» monts et lui dis. Noël bien vienges tu ,
» n'est pas l'Archediacre revenu. Non
» dit- il , Sire , mais je suis revenu tout seul
ǝ selon la chose establie , car je suis mort;
w'n'ayez doubte , car je ne vous feray nulle
23paour mais je vous prie que vous me
» secourez , car je suis en grans tourmens.
»Et pourquoi, dis je, vous vesquites assez
» honnestement avec moi ? et il dit , Sire ,
il est vrayque il me fût moult bien seau-
»jourd'hui je n'eusse esté sous prins d'ire,
» et que je ne me fusse pas commandé aux-
» Diables. Je vous pry que vous admon-
» nestez à tous ceux quevous pouvez que
>> ils nefacent pas ainsi.Car qui se comman-
>> de aux Diables il leur donne puissance
>> sus soy , ainsi comme moi très-malheu-
>> reux fis. Car ils eurent tantôt puissance
» de moi noyer. Et pour ce suis-je seule-
» ment tourmenté , car j'estois bien con-
>> fez de tous mes pechiez et je rencheu ent >> ce mal. »
Le traité d'entre le Chanoine d'Orleans
et son Clerc fut , comme on le voit , bien
mieux executé que celui des deux Ecoliers
de Vallognes dont il est parlé dans l'endroit cité des Memoires de Trevoux. L'essentiel de l'une et de l'autre convention
consistoit également dans la promesse que
celui qui mourroit le premier reviendroit
dire
FEVRIER. 1732% 307*
dire des nouvelles de son sort. Le petic
Desfontaines l'un des deux Enfans de Vallognes ne tint parole que sur l'article du
retour , mais on eut beau lui faire des
questions , s'il étoit sauvé , s'il étoit damné , s'il étoit en Purgatoire , si son Camarade étoit en état de grace , s'il le suivroit
de prês , on ne pût pas le faire cesser de
conter ses avantures d'Ecolier , ni l'engager à répondre sur les articles importants
pour lesquels seuls il avoit promis d'apparoître. Ce procedé , comme l'a remarqué
M. l'Abbé de saint Pierre , n'est ni honnête , ni digne d'un ami. La conduite du
Domestique d'Orleans fut bien plus civile , et de bien meilleure foi. Il apparut ,.
non pas comme Desfontaines nud et à micorps, mais tel qu'il avoit vêcu, et deplus
en habillemens somptueux de ceremonie,.
sans causer la moindre frayeur. Il rendit
un compte exact du triste état danslequel
il étoit tombé. L'interrogeoit - on , il ré
pondoit à tout avec complaisance et avec
justesse. C'est son Maître qui l'assure
dans la suite de sa Narration.
» Et à doncje lui demanday.Comment as
»tu si belle Chappe; si tu es en tourmens?
>> Sire , dit-il , cette Chappe qui est si belle
» ainsi comme il vous est advis , m'est
plus pesante et plus griefve queune tourse
368 MERCURE DE FRANCE
»se elle étoit mise sus moy , mais cette
beautéest l'esperance quej'ai d'avoir par
>>don pour la confession que je fis se j'ai
secours .... Et en se disant il s'évanouit
en pleurant
» J'ai dit cette chose » continue l'Auteur de la Chronique dans le chapitre suivant, " pour ce que il appère par ce dont
l'erreur de Virgile print son commence-
» ment des Ames des Trepassez que il ap-
» pelle Heroas , disant que ils ont celle
même cure , après la mort de Chevaux,
» de Chariots et d'Armes que ils avoient
»quant ils vivoient de laquelle chose ra-
>>comptoittrès certainement exemple.Eze
baudus , mon Parain , jadis Chambellan
»de Henry ( a ) Archevesque de Rheins.
Voilà l'évenement qui approche le plus
de celui d'Anfac.
DS
>> Si disoit ( Ezebaudus ) Monseigneur
l'Arcevesque de Rheims Monseigneur
>>si m'envoyoit à Arras. Et comme environ midy nous approuchissions en un
» Bois moi et mon varlet qui alloit devant
>> moi et chevauchoit plustóst , afin qué
»il me appareille logis. Il oyt grant tu-
>> multe en ce Bois et aussi comme frainte
»de divers Chevaux et sons d'Armures
ct aussi comme voix de grant multitude
(a ) Fils de Louis le Grás
de
FEVRIER 17320 309
deforce de Gens qui batailloient. Et donc
celui épouvanté retourna tantost à moi,
>> lui et son cheval.Et quant je lui demandai
» pourquoi il retournoit , il repondit. Je
» nepuis faire ne pour verge,ne pour espe-
>> ron que mon cheval passe oultre. Moyet
» lui sommes si espoventés que nous n'o-
»sons passer oultre. Car j'ai veu et ouy
»merveilles. Car ce Bois est tout plein de
>> Diables et de Ames des Trespassez, car je
>>les ai ouys crier et dire. Nous avonsja en
»nostre compaignie le Prevost d'Aire et
>> nous aurons prouchainement l'Arceves-
»que de Rheims. Et je respondi à ce. Fai-
»son le signe de la Croix et passon outre
>> hardiement. Et comme je alloye devant
»et je venisse au Bois , ces Ombres s'en
» estoient ja allés et toutesfois oi jeaucunes
voixconfuses , et frainte d'Armes et fre-
>> mir de Chevaux , mais ne je ne vi les *
»Ombres , neje ne pû entendre les voix.
» Et quant nous retournasmes de là, nous
» trouvasmes ja l'Arcevesque qui tiroit à
» sa derniere fin , ne depuis que ces voix
»furent oyes il ne vesquit que xv. jours. «<
Telle est la conclusion de l'histoire ,
ne reste plus qu'à rapporter la consequen
qu'en tiroit Helinand. La voici.
» Et de la apparoit il quels les Chevaux
sontsusquoi les Amesdes Trepassez che- vauchent
310 MERCURE DE FRANCE
>> vauchent aucunes fois, car ce sont Diables qui se transforment en Chevaux. Et
>> ceuxqui sont dessus sont très male curées
Ames chargées de pechiez aussi comme
» d'aucunes Armures et d'Ecus et de Heaumés,mais à la verité de la chose ils sont
»ainsi enlaidis de leurs pechiez et char-
» giez de telle chose selon le dit du Pro-
» phete. Ils descendront en Enfer avec
»leurs Armes. C'est- à- dire avec leurs
» membres , car ils firent Armes de iniqui-
»té en pechié , et ne les voulurent pas
و
faire Armes de droiture en Dieu. Il est
»certain que le Cheval est beste orgueil-
»leuse et fiere , et convoiteur de dissen-
>tions et batailles , chault en Luxure et
»puissant , et les Diables transformés en
» Chevaux , signifient que ceuxqui sicens
se esjoyssoient au Mondeen telles mau-
>> vaistiés. <«
Si cela étoit il faudroit croire que les
Morts dont les Ames se sont rassemblées
à Ansacq avoient mené une vie plus tranquille , moins ambitieuse et moins agitée
que ceux dont les Ombres se sont depuis
faitentendre vers laSuisse. Le bruit de ceux
ci ressembloit à une bataille des plus acharnées. (a ) Avec les autres au contraire on
n'a entendu ni Armes ni Chevaux ; ils ne
(a) Merc. deDecembre 1730. Vol. 2. p. 2839.'
faisoient
FEVRIER. 1732 311
faisoient que causer , rire et jouer des Instrumens. ( b )
Des Manes dont l'occupation est si gracieuse et si réjoüisante font vraisemblablement une classe diferente de ces Lar
ves ou Estries qu'Helinand decide ailleurs
n'être autre chose fors l'Ombre des Ames
damnées ou des malins Esprits , qui , selon
se quedit Saint Hierome, ontde nature d'espoenter petits enfans et de murmurer en liew
tenebreux.
Ces Larves , Larva , sont rendus dans
les anciens Dictionnaires par le mot de
Loups - Guroux qu'Etienne Pasquier n'a
pas oublié,fet dont les Nourrices fontencore des histoires. Il en trouve une semblable dans Vincent de Beauvais , liv. 2.1
ch. 96. Elle pourra servir à l'instruction
de l'Anonyme , qui dans le premier volume du Mercure de Juin ( p. 1344. ) demande l'origine de plusieurs Proverbes et
entr'autres de celui, connu comme le LoupGris.
"
Je me remembre bien » dit Helinand dans
» l'endroit cité ce que j'ai oui compter ,
» quant j'estois enfant de plusieurs que
»pour verité il estoit Villain du Ter- ung
» roüerdeBeauvaisà qui saFemme lavoit las
»testequi vosmithors parla boucheune des
( b) Ibid. p. 2807. et suiv.-
joinctures
312 MERCURE DE FRANCE,
joinctures de la main d'un Enfant. Et
>>l'opinion du commun du Pays estoit que
»il avoit esté transformé löng - tems en
>> Loup et celle opinion fut confirmée par »le vomissement des membres de l'En-
>>fant. «<
Je n'extrais plus de cette Chronique
qu'un dernier fait plus vrai- semblable par
la conformité qu'il a avec deux autres que MM.de S. André et Doison ont attesté et
expliqué, l'un dans ses Lettres sur les Malefices p. 221. et l'autre , aux Memoires de
Trevoux du mois d'Avril 1725.
Ces deux Medecins ont publié qu'une
Fille d'Orbec & une Religieuse de Tournay avoient rendu par les jambes , par la
poitrine , par la Gorge,par le dessous de
Foreille , une grande quantité d'Epingles.
Vincent de Bauvais,liv. 28.c.126. rappor
te d'après Helinand , que de son tems on
avoit vû sortir du bras d'une Fille de saint
Simphorien, au Diocése de Lyon, plus de
trente Aiguilles de fer,ausquelles succederent pendant plus d'un an de petites Broches de bois. La difference entre ces trois
Histoires ne consiste gueres que dans le
merveilleux. Dans la Religieuse de Tour
nay les Epingles laiffent chacune leur
playe. Dans la Fille de Lyon , ainsi que
dans celle d'Orbec , à peine les Aiguilles
étoient
FEVRIER. 1732. 313 .
étoient elles hors du bras ou de quelque
autre endroit du corps qu'on ne voyoit
plus par où elles étoient échapées. L'une
avoue qu'elle a plusieurs fois avalé des
Epingles. Chez les autres , l'accident étoit
l'effet de la Magie de deux Sorciers que
l'on connoissoit bien. Si cette opinion n'a
pas eu l'approbation de M. de saint André , du moins elle a emporté le suffrage
du bon Hélinand.
Pour revenir au Phénomene d'Ansacq,
Gaffarel,aux chap. 3. et 12. de ses Curiosi
tez inoüies , en réunit un affez bon nombre d'à-peu-près semblables à celui- là , et
il en distingue de deux sortes. Les uns
formés exprès par le Souverain Etre pour
nous avertir de quelque désastre prochain.
Les autres qui , suivant l'explication que
divers Physiciens en ont faites dans le
cours de cette année , ne viennent que de
la disposition fortuite de l'air et des nuës.
Le bruit d'Ansacq , s'il a été réel , ne
pourra être rangé que dans la derniere de
ces deux classes , puisque nous ne l'avons
vû suivi d'aucun évenement d'importance dont on puisse dire qu'il ait été le présage. Je suis , Monsieur , &c.
A Beauvais , le 13. Decembre 1731,
Co
14 MERCURE DE FRANCE,
1
Fermer
Résumé : LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
M. d'Auvergne, avocat au Parlement, répond à une invitation publiée dans le Mercure de février en abordant deux sujets principaux : saint Nerlin et les fragments de la Chronique d'Hélinand. Concernant saint Nerlin, il est inconnu dans le diocèse de Beauvais. À la Tour du Lay, dont il est supposé être le patron, seul son nom est connu, et ce souvenir est récent. Auparavant, le saint patron était saint Robert, célébré le 21 avril. Ce saint Robert était réputé pour guérir de la fièvre ceux qui passaient sous son tombeau et buvaient de l'eau d'une fontaine du prieuré. L'évêque de Beauvais, M. de Saint-Agnan, a enquêté sur ce culte et a découvert le nom de saint Nerlin dans les archives de l'abbaye du Bec. Cependant, aucune fête ni légende n'est associée à saint Nerlin, et le culte de saint Robert a été supprimé. Pour ce qui est de la Chronique d'Hélinand, moine du XIIIe siècle, ses fragments sont conservés à l'abbaye de Froidmont mais sont difficilement lisibles. Vincent de Beauvais a copié les fables d'Hélinand dans son 'Miroir Historial'. Le texte mentionne également des apparitions et des récits de fantômes tirés de la Chronique, comme l'histoire d'un chanoine d'Orléans et de son clerc, qui se sont promis de se revoir après la mort. Le clerc est apparu à son maître pour lui parler de son état tourmenté après sa mort. Le texte relate également un événement surnaturel vécu par un archevêque de Reims et son valet près d'Arras. Vers midi, ils entendirent des bruits de tumulte, de chevaux et d'armures, ainsi que des voix dans un bois. Le valet, effrayé, revint en déclarant avoir vu des diables et des âmes des trépassés. L'archevêque, après avoir fait le signe de la croix, continua son chemin et ne vit rien, mais entendit des voix confuses. Plus tard, ils trouvèrent l'archevêque de Reims mourant, qui décéda quinze jours après avoir entendu ces voix. Helinand, un chroniqueur, interpréta cet événement en affirmant que les âmes des trépassés pouvaient chevaucher sous forme de diables transformés en chevaux. Ces âmes, chargées de péchés, étaient représentées avec des armures et des écus. Il souligna également que les chevaux symbolisaient l'orgueil et la luxure. Le texte compare cet événement à d'autres phénomènes surnaturels, comme des bruits de bataille ou des voix dans des lieux différents. Il mentionne également des cas de personnes ayant expulsé des épingles ou des aiguilles par divers orifices du corps, attribués à la magie ou à des sorciers. Enfin, le texte discute des interprétations possibles de ces phénomènes, distinguant ceux qui seraient des avertissements divins de ceux causés par des conditions atmosphériques fortuites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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83
p. 737-738
ENIGME.
Début :
De mes soeurs je suis la derniere, [...]
Mots clefs :
Lettre Z
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
DE mes sœurs je suis la derniere ,
Nous sommes deux fois douze , un homme ess
notre pere ;
Son nom , je ne m'en souviens pas ;
Pour me reconnoître , en tout cas ,
Ce nom n'est pas bien necessaire.
J'avoue ici de bonne foy ,
Que de rire à chacun je fais naître l'envie ;
Car un Nain, un Pigmée à taille mal polic ,
De le railler , si l'on a la manie 9
On dit qu'il est fait comme moi.
Quoiqu'il en soit , j'ai sçû me couronner de
gloire ,
En me trouvant toûjours dans les hazards.
Je m'offre aux yeux de toutes parts ;
Et (ce qu'on aura peine à croire )
Je ne suis point dans l'eau , dans le feu , dans les
Airs ,
Ni même dans tout l'Univers.
Je vais pourtant, et sans me contredire ,
Vous
738 MERCURE DE FRANCE
Vous dire où l'on peut me trouver ;
C'est toujours avec le Zéphire ,
Au Zodiaque encor... Fort bien , allez vous dire
Je n'rrai pas vous y chercher.
Par M. V.J. A. Ľ.
DE mes sœurs je suis la derniere ,
Nous sommes deux fois douze , un homme ess
notre pere ;
Son nom , je ne m'en souviens pas ;
Pour me reconnoître , en tout cas ,
Ce nom n'est pas bien necessaire.
J'avoue ici de bonne foy ,
Que de rire à chacun je fais naître l'envie ;
Car un Nain, un Pigmée à taille mal polic ,
De le railler , si l'on a la manie 9
On dit qu'il est fait comme moi.
Quoiqu'il en soit , j'ai sçû me couronner de
gloire ,
En me trouvant toûjours dans les hazards.
Je m'offre aux yeux de toutes parts ;
Et (ce qu'on aura peine à croire )
Je ne suis point dans l'eau , dans le feu , dans les
Airs ,
Ni même dans tout l'Univers.
Je vais pourtant, et sans me contredire ,
Vous
738 MERCURE DE FRANCE
Vous dire où l'on peut me trouver ;
C'est toujours avec le Zéphire ,
Au Zodiaque encor... Fort bien , allez vous dire
Je n'rrai pas vous y chercher.
Par M. V.J. A. Ľ.
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84
p. 912-917
LETTRE écrite d'Orleans le 12. Avril 1732. sur le nom de Guespin, qu'on donne aux Orleanois.
Début :
De bonne foi, y pensez-vous, Monsieur, de me faire [...]
Mots clefs :
Orléans, Guespin, Latin, Caractère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite d'Orleans le 12. Avril 1732. sur le nom de Guespin, qu'on donne aux Orleanois.
LETTRE écrite d'Orleans le 11. Avril
1732. sur le nom de Guespin , qu'on
donne aux Orleanois.
D
E bonne foi , y pensez-vous , Monsieur , de me faire de pareilles demandes. Orleanois depuis le Deluge (1 )
ou peu s'en faut , vous voulez que je
vous dise d'où vient le nom de Guespin ,
et ce que l'on doit entendre par ce sobriquet , qu'on nous donne si liberalement ;il faut être bien complaisant pour
(1 ) Le Maire , Hist. d'Orleans , met la fonda
on de cette Ville seulement 350. ans après le Dé
suge.
Vous
MAY. 1732 913
vous répondre, mais l'amitié est imperieuse et je vous obéis.
Ceux qui croient que Guespin a été
formé de Genebensis , qu'on a employé ,
selon eux, pour Aurelianensis , en ont assez
bien établi la filiation ; Genebensis , Genebinus , Guebinus , et par le changement
ordinaire du B. en P. Guepinus , Guépin.
Mais par malheur les bonnes gens raisonnent sur un faux principe ; car Genebensis ne s'est jamais dit en ce sens , et
dans la Vie de S. Liphard , écrite au sixiéme siecle , où ils prétendent , d'après la
Saussaye ( 1 ) que l'Evêque d'Orleans est
appellé Episcopus Genebensis , on trouve
au contraire , Episcopus Aurelianensis ,
ainsi qu'il est aisé de s'en convaincre dans
le Pere Mabillon. ( 2 ) Comme c'est le seul
monument que nos Etimonologistes rapportent pour eux , vous le voyez bien , in
Vanum laboraaverunt ; mais Dieu le leur pardonne , ils ont eu bonne volonté et leur
zele mérite quelque remerciement.
Il faut donc , malgré nous , remonter
à la veritable source , et reconnoître de
bonne foi que Quespin descend en droite
ligne de Guespa , ( 3 ) mor dont on s'est ser-
(1 ) Sausseyus Annal. Eccles. Aurel. L. 1 .
Num. 16.
(2 ) Act. SS. Bened. T. 1. p. 155. n. 8.
(3) V.le Gloss. de Ducange.
D iiij vi
914 MERCURE DE FRANCE,
vi dans la basse latinité pour Vespa , uno
Guespe. Par malheur cet Insecte mis en
symbole , n'est pas de bonne augure ; aussi
les anciens Philosophes , au rapport de
Pierius Valerianus , ( 1 ) en faisoient- ils celui d'un esprit querelleur , et il a plu au
fameux Alciat dans son 51. Emblême
d'en faire celui de la médisance.
Vespas
Esse ferunt lingua certa sigilla mala.
Rien n'est plus ordinaire dans les Au
teurs , que les reproches qu'on nous fait
sur ces deux articles. » Le naturel des
Guespins ( dit un Ouvrage ( 2 ) publié
»du temps de la Ligue , ) j'en prens Or-
»leans pour exemple , est d'être hagard ,
» noiseux , et mutin. Et vous avez lû ,
sans doute, M. de Valois , ( 3 ) sur ce sujet.
» Vespis , dit-il , en parlant des Orleanois,
» Quarum advolantium molestos ictus , im-
»portunos bombos , ac pungendi libidinem;
»vino suo inflati clamoribus , rixis et con-
» viciis imitantur. Je me garderai bien de
(1 ) Hieroglyphica , L. 4.
(2 ) Saint et charitable conseil à Mrs le Pré- vôt des Marchands et Echevins de la Ville de Pais , pour se départir de la ligue. Memoire de la Li- gue, T. 3. P. 344.
(3) Notitia Galliarum.
traduire
MAY. 1732.
915
traduire ce beau Latin , si même en letranscrivant ma main pouvoit agir sans mes
yeux , je ferois comme Socrate , quand
il parloit de l'Amour , je me couvrirois
la tête d'un voile.
C'est en vain que Théodore de Beze ;
qui avoit étudié à Orleans , et dont l'esprit et le cœur ( 1 ) étoient interessez à
aimer cette Ville , a voulu expliquer le
mot de Guespe en bonne part.
Aurelias vocare Vespas suevimus ,
Ut dicere olim mos erat nasum atticum. (2)
Ces Vers sont beaux , mais il vaudroit
mieux pour nous n'avoir point de comparaison à faire de ce côté avec les Athéniens , quoique les Peuples les plus spirituels de la Grece.
Pour continuer à vous dire ce que je
sçai sur le mot de Guespin , je trouve que
Bonaventure Des Periers , (3 ) semble opposer ce terme à civil et poli ; c'est dans -
(1) Théodore de Bese y avoit une Maitresse .
Marie de l'Etoille , dont on voit l'Epitaphe dans le
grand Cimetiere , en Prose Latine et Françoise
mais si effacée , qu'on ne peut plus en lire que quel
ques mots. On croit cette Epitaphe de la composition de Th. de Beze.
(2) Juvenilia , p. 43. verso.
(3) Les nouvelles Recréations et joyeux Devis ,
page 71. Edition de Lyon 1558. ·
D v le
916 MERCURE DE FRANCE
le Conte d'une Dame d'Orleans , qui aimoit
un Ecolier. Une Dame , dit il , gentille et ,
bonnête , encore qu'elle fût Guepine. Enfin
je ne connois qu'un seul Passage d'Auteurs où Gespin soit employé sans mauvaise interprétation; c'est dans la Relation
(1 ) de l'Entrée de l'Empereur Charles V.
dans la Ville d'Orleans en 1539. Après
venoient les Maîtres d'Ecoles , les Medecins , puis les Officiers de l'Université, les
Conseillers et Guespins d'icelle. Dans ce
Passage, Guespin , comme on le voit, ne
signifie qu'Etudiant d'Orleans.
Il est aisé à present de juger si la définition que Richelet et les Auteurs du
Dictionnaire de Trévoux , ont donnée du
mot de Guespin , est bien juste , lorsqu'ils disent que c'est un Sobriquet qu'on
employe quand on veut signifier qu'une personne est fine et rusée et qu'elle est d'Orleans. Les Orleanois ont de l'esprit assurément , c'est une justice qu'on leur doit
rendre , mais pour être fins et ruscz , c'est
un reproche qu'ils ne méritent pas ,
ne sont que trop unis et trop natu els ,
et c'est ce même caractere qui fait en
partie celui du Guespin , que je ne
puis mieux vous peindre que par ' ces
ils
(1)Ceremonial de France deT. Godefroy , Tome
.2.P. 757.
Vers
MAY. 1732 917
Vers ,où M. Despréaux , Satyre premiere,
fait son Portrait sous le nom de Damon.
Je suis rustique et fier et j'ai l'ame grossiere ,
Je ne puis rien nommer, si ce n'est par son nom,
J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon.
Je suis , Monsieur , &c. D. P.
1732. sur le nom de Guespin , qu'on
donne aux Orleanois.
D
E bonne foi , y pensez-vous , Monsieur , de me faire de pareilles demandes. Orleanois depuis le Deluge (1 )
ou peu s'en faut , vous voulez que je
vous dise d'où vient le nom de Guespin ,
et ce que l'on doit entendre par ce sobriquet , qu'on nous donne si liberalement ;il faut être bien complaisant pour
(1 ) Le Maire , Hist. d'Orleans , met la fonda
on de cette Ville seulement 350. ans après le Dé
suge.
Vous
MAY. 1732 913
vous répondre, mais l'amitié est imperieuse et je vous obéis.
Ceux qui croient que Guespin a été
formé de Genebensis , qu'on a employé ,
selon eux, pour Aurelianensis , en ont assez
bien établi la filiation ; Genebensis , Genebinus , Guebinus , et par le changement
ordinaire du B. en P. Guepinus , Guépin.
Mais par malheur les bonnes gens raisonnent sur un faux principe ; car Genebensis ne s'est jamais dit en ce sens , et
dans la Vie de S. Liphard , écrite au sixiéme siecle , où ils prétendent , d'après la
Saussaye ( 1 ) que l'Evêque d'Orleans est
appellé Episcopus Genebensis , on trouve
au contraire , Episcopus Aurelianensis ,
ainsi qu'il est aisé de s'en convaincre dans
le Pere Mabillon. ( 2 ) Comme c'est le seul
monument que nos Etimonologistes rapportent pour eux , vous le voyez bien , in
Vanum laboraaverunt ; mais Dieu le leur pardonne , ils ont eu bonne volonté et leur
zele mérite quelque remerciement.
Il faut donc , malgré nous , remonter
à la veritable source , et reconnoître de
bonne foi que Quespin descend en droite
ligne de Guespa , ( 3 ) mor dont on s'est ser-
(1 ) Sausseyus Annal. Eccles. Aurel. L. 1 .
Num. 16.
(2 ) Act. SS. Bened. T. 1. p. 155. n. 8.
(3) V.le Gloss. de Ducange.
D iiij vi
914 MERCURE DE FRANCE,
vi dans la basse latinité pour Vespa , uno
Guespe. Par malheur cet Insecte mis en
symbole , n'est pas de bonne augure ; aussi
les anciens Philosophes , au rapport de
Pierius Valerianus , ( 1 ) en faisoient- ils celui d'un esprit querelleur , et il a plu au
fameux Alciat dans son 51. Emblême
d'en faire celui de la médisance.
Vespas
Esse ferunt lingua certa sigilla mala.
Rien n'est plus ordinaire dans les Au
teurs , que les reproches qu'on nous fait
sur ces deux articles. » Le naturel des
Guespins ( dit un Ouvrage ( 2 ) publié
»du temps de la Ligue , ) j'en prens Or-
»leans pour exemple , est d'être hagard ,
» noiseux , et mutin. Et vous avez lû ,
sans doute, M. de Valois , ( 3 ) sur ce sujet.
» Vespis , dit-il , en parlant des Orleanois,
» Quarum advolantium molestos ictus , im-
»portunos bombos , ac pungendi libidinem;
»vino suo inflati clamoribus , rixis et con-
» viciis imitantur. Je me garderai bien de
(1 ) Hieroglyphica , L. 4.
(2 ) Saint et charitable conseil à Mrs le Pré- vôt des Marchands et Echevins de la Ville de Pais , pour se départir de la ligue. Memoire de la Li- gue, T. 3. P. 344.
(3) Notitia Galliarum.
traduire
MAY. 1732.
915
traduire ce beau Latin , si même en letranscrivant ma main pouvoit agir sans mes
yeux , je ferois comme Socrate , quand
il parloit de l'Amour , je me couvrirois
la tête d'un voile.
C'est en vain que Théodore de Beze ;
qui avoit étudié à Orleans , et dont l'esprit et le cœur ( 1 ) étoient interessez à
aimer cette Ville , a voulu expliquer le
mot de Guespe en bonne part.
Aurelias vocare Vespas suevimus ,
Ut dicere olim mos erat nasum atticum. (2)
Ces Vers sont beaux , mais il vaudroit
mieux pour nous n'avoir point de comparaison à faire de ce côté avec les Athéniens , quoique les Peuples les plus spirituels de la Grece.
Pour continuer à vous dire ce que je
sçai sur le mot de Guespin , je trouve que
Bonaventure Des Periers , (3 ) semble opposer ce terme à civil et poli ; c'est dans -
(1) Théodore de Bese y avoit une Maitresse .
Marie de l'Etoille , dont on voit l'Epitaphe dans le
grand Cimetiere , en Prose Latine et Françoise
mais si effacée , qu'on ne peut plus en lire que quel
ques mots. On croit cette Epitaphe de la composition de Th. de Beze.
(2) Juvenilia , p. 43. verso.
(3) Les nouvelles Recréations et joyeux Devis ,
page 71. Edition de Lyon 1558. ·
D v le
916 MERCURE DE FRANCE
le Conte d'une Dame d'Orleans , qui aimoit
un Ecolier. Une Dame , dit il , gentille et ,
bonnête , encore qu'elle fût Guepine. Enfin
je ne connois qu'un seul Passage d'Auteurs où Gespin soit employé sans mauvaise interprétation; c'est dans la Relation
(1 ) de l'Entrée de l'Empereur Charles V.
dans la Ville d'Orleans en 1539. Après
venoient les Maîtres d'Ecoles , les Medecins , puis les Officiers de l'Université, les
Conseillers et Guespins d'icelle. Dans ce
Passage, Guespin , comme on le voit, ne
signifie qu'Etudiant d'Orleans.
Il est aisé à present de juger si la définition que Richelet et les Auteurs du
Dictionnaire de Trévoux , ont donnée du
mot de Guespin , est bien juste , lorsqu'ils disent que c'est un Sobriquet qu'on
employe quand on veut signifier qu'une personne est fine et rusée et qu'elle est d'Orleans. Les Orleanois ont de l'esprit assurément , c'est une justice qu'on leur doit
rendre , mais pour être fins et ruscz , c'est
un reproche qu'ils ne méritent pas ,
ne sont que trop unis et trop natu els ,
et c'est ce même caractere qui fait en
partie celui du Guespin , que je ne
puis mieux vous peindre que par ' ces
ils
(1)Ceremonial de France deT. Godefroy , Tome
.2.P. 757.
Vers
MAY. 1732 917
Vers ,où M. Despréaux , Satyre premiere,
fait son Portrait sous le nom de Damon.
Je suis rustique et fier et j'ai l'ame grossiere ,
Je ne puis rien nommer, si ce n'est par son nom,
J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon.
Je suis , Monsieur , &c. D. P.
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Résumé : LETTRE écrite d'Orleans le 12. Avril 1732. sur le nom de Guespin, qu'on donne aux Orleanois.
La lettre datée du 11 avril 1732 à Orléans traite de l'origine du sobriquet 'Guespin' attribué aux Orleanois. L'auteur répond à une demande d'explication sur ce terme et évoque plusieurs théories. L'une d'elles relie 'Guespin' à 'Genebensis', une forme supposée de 'Aurelianensis'. Cependant, cette théorie est réfutée car 'Genebensis' n'a jamais été utilisé dans ce sens. L'auteur conclut que 'Guespin' dérive de 'Guespa', un terme de basse latinité pour 'guêpe'. Cette association est négative, symbolisant un esprit querelleur et médisant. Des auteurs anciens et contemporains, comme Pierius Valerianus et Alciat, confirment cette interprétation péjorative. Des exemples littéraires, tels que ceux de Théodore de Bèze et Bonaventure Des Périers, montrent que 'Guespin' est souvent utilisé de manière défavorable. Un passage de la Relation de l'Entrée de l'Empereur Charles V à Orléans en 1539 utilise 'Guespin' de manière neutre, signifiant simplement 'étudiant d'Orléans'. L'auteur critique les définitions des dictionnaires comme celui de Richelet et du Dictionnaire de Trévoux, qui décrivent les Guespins comme fins et rusés. Il affirme que les Orleanois sont naturels et unis, mais ne méritent pas le reproche d'être rusés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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85
p. 1037-1040
DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
Début :
C'est un des Adorateurs des Ecrits et des Talens [...]
Mots clefs :
Traité des Etudes, Prononciation, Syllabes, Acents
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
DIFFICULTE' proposée à. M. Rollin
sur un endroit de son Traité des Etudes.
Est un des Adorateurs des Ecrits et des Ta- Clens lens de M. Rollin , qui prend la liberté de
lui demander la solution d'un doute qui lui est
venu en lisant son Traité des Etudes , tom. 1 .
page 15. Edit. de Paris , chez Etienne , 1726.
M. Rollin s'exprime ainsi , la quantité qui contribue tant au nombre et à la cadence du discours ,
n'a pû sefaire admettre dans la Langue Françoise.
J'avoueray bien que la quantité qui se trouve
dans notre Langue , n'est peut-être pas aussibien marquée que dans les Langues Grecque et
Latine , mais qu'il n'y en ait point du tout , c'est
une décision qui me paroît un peu forte.
Je crois en trouver dans la prononciation de
tous les mots François de toutes les phrases ; ne
pourroit-on pas même dire que notre Poësie a
une espece de quantité , sans laquelle les VersFrançois n'ont aucune grace et sont extremement rudes ?
M. Rollin , tom. I. p . 199. dit lui- même
qu'en François l'on ne peut prononcer pate , qui
se dit des animaux , comme pâte , qui signifie de
la farine détrempée avec de l'eau , ce qui ne peut venir que de ce que le premier est bref , et le second est long.
On peut voir encore tome r. p. 262. une note
o M. Rollin paroît retrancher ce qu'il avoit dit cy- dessus , p. 15.
1. Pour ce qui regarde les mots , en voici de
route espece , par rapport à la quantité.
La premiere sy labe est breve dans bilon ,
meton , mouton , ăvoit , feroit , děvant , jämais ,
toujours , &c.
Ivj La
1038 MERCURE DE FRANCE
La premiere est longue dans baton , brom,
nombreux, lungueur, quarré, parlé, beauté, &c.
En voici dont la seconde est breve , muse
buse , regle , cette , et tous les mots qui finissent
en e muet.
Les mots suivans sont de trois longues , cōm¬
pōsē , appōllōn , presumption , &c.
Ceux-cy sont de trois breves, l'unisson , ünissons , &c.
Les mots d'une longue et de deux breves sont
encore plus connus convenir, sōutenir, rēgalër,
conjerer , plaidoyer , &c.
On en trouve aussi grand nombre d'une breve
et de deux longues , comme remarquer , gouver
ner , &c Il faut raisonner de même des autres
especes de pieds où la quantité n'est gueres plus.
difficile à discerner qu'en Latin.
2. Cette quantité qui se fait si bien sentir , ce
me semble , dans les mots François , paroît encore plus dans les phrases. Celle que j'ai rapporté
du Traité des Etudes , peut servir d'exemple , on
ne peut gueres la prononcer qu'avec cette quan- rité..
La quantité qui contribue tant aŭ nombre et
ă lă câdence du discours nå pū së faire admēttrẻ dāns la Langue Françoise. Cet exemple suf
fit pour faire sentir la difficulté que je propose..
3. Pour ce qui est de la Poësie , tout le monde
lit les grands Vers avec une certaine cadence
sans laquelle la Poësie seroit extremement_rude. Tous les Vers François ne sont pas susceptibles de cette cadence , il n'y a que ceux où le
goût ou plutôt l'oreille , a sçû placer les mots
dont la quantité étoit la plus propre à la structure du Vers, et à son harmonie. Cette quantité
Quable et necessaire à la Poësie Françoise , se
trouve
MAY. 1252. ro39
trouve dans ces Vers de M. Despréaux , qui
pour cette raison font plaisir à entendre lire er
prononcer.
De tōus lēs ǎnīmaūx qui s'ëlēvĕnt dåns l'ãix,
Qui mārchēnt sur la Tērre ou nàgēnt dans la Mēr ,
Dě Părïs aū Pěrou , dū Jăpon jusqu'à Rōmě ,
Lè plüs sōt ānĭmǎl , å mōn ävis , est l'hōmmč.
Faute de cette cadence , fondée sur la quantité
des mots François , l'on trouve dans les mauvais
Poetes une infinité de Vers qui sont extremement
chocquans , quoique l'émistiche et le nombre
des pieds y soient scrupuleusement gardez.
Je ne m'étends pas davantage , parce que je ne
prétens qu'exposer une difficulté que M. Rollin est
plus que personne en état de résoudre. Je crois que
si l'on faisoit attention à cette quantité de la Langue Françoise et qu'on en recherchât les regles.
avec soin , on faciliteroit aux Etrangers sa veritable prononciation , et qu'on corrigeroit les
mauvais accens qu'apportent à Paris la plu- part des personnes de Province ; ces accens défectueux ne viennent , ce me semble , que de ce
qu'ils font longues les syllabes qu'il faudroit fairebreves , comme les Norinans , ou breves celles.
qu'il faudroit faire longues , comme les Gascons , Provençaux , Perigourdins, & c. Si M. Rollin veut avoir pour l'Auteur de cette difficulté la
même condescendance qu'il a pour tous ceux qui cherchent à s'instruire , peut-être ê pourra -t'il t sehazarder à lui proposer d'autres . difficultez plus
importantes encore, qui l'arrêtent dans le Traité
des Etudes qu'il juge cependant si plein de dọc- tring:
1040 MERCURE DE FRANCE
trine , qu'il croit que les plus grands 'Maîtres
peuvent y trouver de quoi profiter.
C. L. R ***
sur un endroit de son Traité des Etudes.
Est un des Adorateurs des Ecrits et des Ta- Clens lens de M. Rollin , qui prend la liberté de
lui demander la solution d'un doute qui lui est
venu en lisant son Traité des Etudes , tom. 1 .
page 15. Edit. de Paris , chez Etienne , 1726.
M. Rollin s'exprime ainsi , la quantité qui contribue tant au nombre et à la cadence du discours ,
n'a pû sefaire admettre dans la Langue Françoise.
J'avoueray bien que la quantité qui se trouve
dans notre Langue , n'est peut-être pas aussibien marquée que dans les Langues Grecque et
Latine , mais qu'il n'y en ait point du tout , c'est
une décision qui me paroît un peu forte.
Je crois en trouver dans la prononciation de
tous les mots François de toutes les phrases ; ne
pourroit-on pas même dire que notre Poësie a
une espece de quantité , sans laquelle les VersFrançois n'ont aucune grace et sont extremement rudes ?
M. Rollin , tom. I. p . 199. dit lui- même
qu'en François l'on ne peut prononcer pate , qui
se dit des animaux , comme pâte , qui signifie de
la farine détrempée avec de l'eau , ce qui ne peut venir que de ce que le premier est bref , et le second est long.
On peut voir encore tome r. p. 262. une note
o M. Rollin paroît retrancher ce qu'il avoit dit cy- dessus , p. 15.
1. Pour ce qui regarde les mots , en voici de
route espece , par rapport à la quantité.
La premiere sy labe est breve dans bilon ,
meton , mouton , ăvoit , feroit , děvant , jämais ,
toujours , &c.
Ivj La
1038 MERCURE DE FRANCE
La premiere est longue dans baton , brom,
nombreux, lungueur, quarré, parlé, beauté, &c.
En voici dont la seconde est breve , muse
buse , regle , cette , et tous les mots qui finissent
en e muet.
Les mots suivans sont de trois longues , cōm¬
pōsē , appōllōn , presumption , &c.
Ceux-cy sont de trois breves, l'unisson , ünissons , &c.
Les mots d'une longue et de deux breves sont
encore plus connus convenir, sōutenir, rēgalër,
conjerer , plaidoyer , &c.
On en trouve aussi grand nombre d'une breve
et de deux longues , comme remarquer , gouver
ner , &c Il faut raisonner de même des autres
especes de pieds où la quantité n'est gueres plus.
difficile à discerner qu'en Latin.
2. Cette quantité qui se fait si bien sentir , ce
me semble , dans les mots François , paroît encore plus dans les phrases. Celle que j'ai rapporté
du Traité des Etudes , peut servir d'exemple , on
ne peut gueres la prononcer qu'avec cette quan- rité..
La quantité qui contribue tant aŭ nombre et
ă lă câdence du discours nå pū së faire admēttrẻ dāns la Langue Françoise. Cet exemple suf
fit pour faire sentir la difficulté que je propose..
3. Pour ce qui est de la Poësie , tout le monde
lit les grands Vers avec une certaine cadence
sans laquelle la Poësie seroit extremement_rude. Tous les Vers François ne sont pas susceptibles de cette cadence , il n'y a que ceux où le
goût ou plutôt l'oreille , a sçû placer les mots
dont la quantité étoit la plus propre à la structure du Vers, et à son harmonie. Cette quantité
Quable et necessaire à la Poësie Françoise , se
trouve
MAY. 1252. ro39
trouve dans ces Vers de M. Despréaux , qui
pour cette raison font plaisir à entendre lire er
prononcer.
De tōus lēs ǎnīmaūx qui s'ëlēvĕnt dåns l'ãix,
Qui mārchēnt sur la Tērre ou nàgēnt dans la Mēr ,
Dě Părïs aū Pěrou , dū Jăpon jusqu'à Rōmě ,
Lè plüs sōt ānĭmǎl , å mōn ävis , est l'hōmmč.
Faute de cette cadence , fondée sur la quantité
des mots François , l'on trouve dans les mauvais
Poetes une infinité de Vers qui sont extremement
chocquans , quoique l'émistiche et le nombre
des pieds y soient scrupuleusement gardez.
Je ne m'étends pas davantage , parce que je ne
prétens qu'exposer une difficulté que M. Rollin est
plus que personne en état de résoudre. Je crois que
si l'on faisoit attention à cette quantité de la Langue Françoise et qu'on en recherchât les regles.
avec soin , on faciliteroit aux Etrangers sa veritable prononciation , et qu'on corrigeroit les
mauvais accens qu'apportent à Paris la plu- part des personnes de Province ; ces accens défectueux ne viennent , ce me semble , que de ce
qu'ils font longues les syllabes qu'il faudroit fairebreves , comme les Norinans , ou breves celles.
qu'il faudroit faire longues , comme les Gascons , Provençaux , Perigourdins, & c. Si M. Rollin veut avoir pour l'Auteur de cette difficulté la
même condescendance qu'il a pour tous ceux qui cherchent à s'instruire , peut-être ê pourra -t'il t sehazarder à lui proposer d'autres . difficultez plus
importantes encore, qui l'arrêtent dans le Traité
des Etudes qu'il juge cependant si plein de dọc- tring:
1040 MERCURE DE FRANCE
trine , qu'il croit que les plus grands 'Maîtres
peuvent y trouver de quoi profiter.
C. L. R ***
Fermer
Résumé : DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
Un admirateur de M. Rollin interroge une affirmation de son 'Traité des Études', où Rollin soutient que la quantité, influençant le nombre et la cadence du discours, n'existe pas en français. L'admirateur conteste cette affirmation, affirmant que la quantité est présente, bien que moins marquée qu'en grec ou en latin. Il cite des exemples comme 'pate' et 'pâte', où la prononciation varie selon la quantité. L'admirateur note que Rollin reconnaît cette variation dans d'autres parties de son ouvrage. Il fournit des exemples de mots français où la quantité des syllabes est perceptible, comme 'bilon' (première syllabe brève) et 'baton' (première syllabe longue). Il souligne l'importance de la quantité en poésie française, où une mauvaise cadence rend les vers rudes. Il cite des vers de M. Despréaux pour illustrer cette nécessité de cadence. L'admirateur suggère que l'étude de cette quantité pourrait aider à corriger les mauvais accents des étrangers et des provinciaux, qui allongent ou raccourcissent incorrectement les syllabes. Il espère que Rollin pourra résoudre cette difficulté et propose d'autres questions pour enrichir le 'Traité des Études'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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86
p. 1092-1108
TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Début :
Nous voicy donc enfin arrivez, Monsieur, au plus bel endroit [...]
Mots clefs :
Professeur d'Université, Bureau typographique, Société des arts, Collège du Plessis, Académies, Machine typographique, Méthodes, Alphabet, Syllabes, Ecoles d'Europe, Enfants typographes, Précepteurs typographistes, Docteur Abécédiste, Buraliste
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
ROISIEME Lettre d'un Professeur
del'Université de Paris , un Principal
de Province , sur le Bureau Typogra
phique.
Ni
Ous voicy donc enfin árrivez, Monsieur , au plus bel endroit de la Lettre , qui paroît au Buraliste , bien audessus des Vers de M. le Beau , et de la
Prose de M. Gaullyer , et qui nous pároît , à nous valoir au moins toutes les
Lettres écrites par le nouvel Abécédiste ,
I. Vol,
pour
JUI N. 1732 1093
pour faire valoir son ABC. Typogra
phique. C'est là qu'il met tout le fort
de sa Cause ; c'est un sujet de joye et de
triomphe pour lui ; c'est un Certificat
des plus autentiques et un Jugement sans
appel ; c'est par-là enfin , qu'en idées au
moins , il abbat et terrasse tous ses ennemis , sur tout les Régens du College du
Plessis.
Voici , Monsieur , ( dit-il d'un air victorieux
et triomphant ) un Certificat qui vous fera voir
un Jugement de la Societé des Arts , un peu dif- ferent de celui des Régens du College du Plessis.
EXTRAIT du Registre des Déliberations
de la Societé des Arts , du Dimanche
17. Décembre 1730.
Ce jour , Messieurs Medallon , Romieu , Degua , et Remond, Commissaires nommez par déliberation de la Societé du 27. Août dernier ,
pour l'examen d'une nouvelle Machine servant
à apprendre aux enfans plus facilement et plus promptement à connoître les Lettres , à les assem◄
bler , à ortographier , tant en Latin qu'en François, et même les premiers principes de la Langue
Latine , présentée à la Societé par le sieur Dumas,
sous le nom du Bureau Typographique , ont fait
leur rapport à la Compagnie , conçu en ces
termes :
Рома
Nous Commissaires nommez par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé
le sieur Dumas , certifions que cette nouvelle invention nous a parû mériter à plusieurs titres une entiere préference sur toutes les Méthodes employées I. Vol. jusqu'
T094 MERCURE DE FRANCE
jusqu'à présent pour l'instraction des enfans , en te
qu'ilfournit un moyen infaillible d'employer utilement les premieres années de la plus tendre enfance,
en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui
accompagne cet age , en épargnant les préceptes , en
ne parlant qu'au sens et à l'imagination , qui sont
le seul partage de l'enfance , en profitant même des
imperfections de cet age pour le progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir, et d'une prat que aisée et mécanique , laquelle
est néanmoinsfondée sur la théorie la plus exacte et la mieux suivie , enfin en donnant aux enfans une
habitude d'ordre et de travail , et ce qui mérite encore plus d'attention , en leur épargnant le dégots
qui les éloignant de l'étude , décide souvent de leur
sort pour le reste de leur vie. Nous croyons que tous
teux qui sentent l'importance de l'emploi des premieres années de l'enfance , regarderont avec estime
une invention dont l'utilité s'étend sur tous les âges,
et que l'Auteur recueillira par le succès et l'Approbation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
Je soussigné Secretaire de la Societé des Arts ,
certifie que l'Extrait cy-dessus a été tiré du Registre des Déliberations de la Societé , et qu'il
est en tout conforme à son original. Donné à
Paris ce 14. Septembre 1731. HYNAULT.
Que ferai-je présentement ? de quel
côté me tournerai- je ? à qui aurai- je recours ? à l'Académie Françoise ? elle ne
voudra pas porter son jugement après la
Societé des Arts ; et comme il s'agit de
Latin , elle me renverra à l'Université
comme elle y a déja renvoyé le grand
I. Vol. Inven
JUIN. 1732. 1095
Inventeur de la Regle monosyllabique
ad, et de la Leçon d'une demie heure.
Al'Académie des Sciences ? mais oseroitelle juger d'un Systême mécanique moins
favorablement que ceux qui font, dit- on,
des mécaniques , presque toute leur occupation ? M'adresserai- je à l'Université?
il est vrai qu'elle est depuis plusieurs siecles la mere des Arts et des Sciences ,
qu'elle a le droit de prononcer sur ces
matieres, et qu'elle l'a souvent exercé avec
grand contentement , et avec l'applaudissement de la République des Lettres.
Ainsi comme elle s'est déja déclarée plus
d'une fois pour l'ancienne Méthode , je
n'aurois pas de peine à en obtenir une
décision contraire à celle de ces Mrs de
la Societé des Arts.
par des '
Mais de quelle utilité seroit pour moi
cette décision ? Le Buraliste n'en appel
leroit-il pas , comme étant faite
Juges suspects de partialité , et n'opposeroit-il pas à toutes les Universitez du Monde , l'autorité de la Societé des Arts , et
ne secroiroit- il pas bre de ce grand nom à couvert à l'omde réJe n'ai donc , je
crois , d'autre parti à prendre que
pondre au Certificat de ces M , et d'affoiblir un peu le coup mortel que le Machiniste a prétendu porter par là à tous
1. Vol. C les
1096 MERCURE DE FRANCE
les Régens , et particulierement à ceux
du College du Plessis. C'est à quoi pourront peut- être servir les Refléxions suivantes.
Je remarque donc d'abord que l'humilité de l'Auteur du Bureau, qui a bien voulu présenter et soumettre sa nouvelle Machine à l'examen de la nouvelle Societé,
la politesse et l'humanité des Examina
teurs , l'affection particuliere qu'ils ont
pour tout ce qui est mécanique , et.pour
tous les nouveaux Machinistes , tour
cela a peut-être contribué à leur faire
porter du Bureau Typographique un Jugement si favorable , autant . et même
plus, que la vûë claire et distincte de la
bonté et de l'utilité de cette Méthode de
bois.
En second lieu ces Mes n'ont point prononcé sur la préference que la Machine
doit avoir sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present pour enseigner
aux enfans le Grec, l'Hebreu , l'Arabe
&c. 'Histoire , la Fable , la Chronolo
gie , la Géographie , les Généalogies , le
Blason , les Médailles , les Arts et les
Sciences, et par conséquent les Mécaniques , qui font leurs occupations particulieres , et à quoi le Buraliste prétend que
son Bureau est necessaire ( Lettre 4. page
1. Vol.
62.)
JUIN. 1732. 1097
2. ) ils se sont restraints à dire qu'il sert
à apprendre à connoître les Lettres , à les
assembler , à ortographier , tant en Latin
qu'en François , et même les premiers
principes de la Langue Latine , ajoûtentils, ce semble, avec quelque peine et sans
aller plus loin.
Troisièmement, l'Eloge que les quatre
Examinateurs font de la Machine Typo
graphique , et l'entiere préference qu'ils
lui donnent sur toutes les Méthodes qui
ont existé jusqu'à ce jour , nous paroît
convenir bien mieux à l'ingénieuse et à
l'admirable invention des Lettres et de
leurs combinaisons pour former les syllabes , qui se trouvent dans le moindre
petit Alphabet. C'est ce que Lucain et
son Traducteur Brebeuf ont exalté just
qu'au Ciel par ces Vers si beaux et si magnifiques :
Phænices primi, fama si creditur , ausi
Mansúram rudibus vocem signarefiguris.
Lucain 22.
C'est de lui que nous vient cet Art ingenieur
De peindre la parole et de parter aux yeux';
Et par les traits divers de figures tracées ,
Donner de la parole et du corps aux pensées.
Ainsi le Buraliste ne doit pas si fərt
I. Vol. Cijs'en
1098 MERCURE DE FRANCE
s'en orgueillir de ce qu'on a dit en faveur
de son Bureau , puisque les Lettres et les
Syllabes et par consequent l'Alphabet
qui les contient et qu'il méprise tant ,
nous paroît mériter à plusieurs titres
une entiere préference.
*
Ex
Examinons présentement plus en détail
le Certificat , et pesons en toutes les paroles. Nous certifions , dit-on , que cette
nouvelle invention nous a parû mériter à
plusieurs titres une entiere preference sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present
pour l'instruction des enfans , même pour les
premiers principes de la Langue Latine;
par consequent sur la Méthode de Quintilien , de Despautere , de Sanctius et de
Vossius , de M M. de Port Royal , de
M. Rollin et de M. le Fevre , &c. MTs les
Commissaites nommez par déliberation
de la Societé , du Dimanche 27. Août
1730. ont fait leur rapport aussi le Dimanche 17. Septembre de la même année. Du premier terme au second , il n'y
a que 112. jours ou 16. Semaines , c'està-dire,pas quatre mois entiers. Qui pour
ra donc être assez simple pour croire
qu'un espace si court ait suffi pour lire les
anciennes Méthodes, et les comparer avec
la nouvelle , ou que sans les lire , on ait
pû en juger sainement et lui donner rai1. Vol son-
JUIN. 1732. 1099
sonnablement une entiere préference sus
elles ?!
Un Alphabet ne fournit- il pas aussi aux
enfans un moyen infaillible d'employer utibement les premieres années de la plus tendré
enfance , en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui accompagne cet âge ? N'épargne-t- il pas les préceptes en ne parlant qu'aux
sens ( aux yeux qui sont le sens le plus
vif ) et à l'imagination , tandis que le Maître parle aux oreilles , qui sont , non le
seul, ( car il y a la memoire ) mais un des
meilleurs partages de l'enfance ? Par le
moyen de l'Alphabet ne profite- t'on pas
même des imperfections de cet age pour le
progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir , sur tout si
Alphabet est de bon pain d'épice ou de
quelqu'autre pâte sucrée , comme le veut
M. de Vallange et d'une pratique aisée et
toute mécanique , c'est- à- dire d'une digestion facile , toute physique et très- utile
pour la santé , pourvû qu'on n'en prenne
pas avec excès : laquelle est neanmoins fondée sur la théorie la plus exacte et la mieux
suivie , sçavoir ,sur les combinaisons meryeilleuses des Lettres et des Syllabes ; enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travails d'ordre , tel qu'il est
suivi generalement dans tous les Diction
I. Vol. C iij naires
1100 MERCURE DE FRANCE
naires , et qu'il est le plus naturel pour les
enfans ; de travail , par rapport à
àlala pro
nonciation de certaines syllabes rudes et
retives sur laquelle Quintilien veut qu'on
les exerce beaucoup ; et , pour me servir
toûjours des expressions de M M. Medallon , Degua , Romieu et Remond , ce qui
mérite encore plus d'attention , en leur épar
gnant le dégoût , qui les éloignant de l'étude,
décide souvent de leur sort pour le reste de
leur vie.
Je croi donc que tous ceux qui sentent
L'importance de l'emploi des premieres années
de l'enfance , regarderont avec estime une invention dont l'utilité , durant une longue
suite de siecles , depuis Cadmus , premier
Inventeur des Lettres de l'Alphabet , jusqu'à nous, s'est étendue , et plus que problablement depuis nous jusqu'à la fin du
monde , malgré l'invention de la Machi
ne Typographique , s'étendra sur tous les
hommes,de quelque âge, de quelque sexe,
de quelque qualité et condition qu'ils
soient , et que l'Auteur ( c'est Cadmas
et non l'Auteur du Bureau ) recueillira ,
comme il l'a toûjours recueilli , par le
succès et l'approbation generale du Public ,
la seule récompense qu'il ait attendu de son travail.
N'est-il pas clair que le Certificat
de
I. Vol. Mrs
JÚ IN. 1732. 1101
Mles quatre Commissaires , ainsi tourné,
et expliqué, est bien plus conforme à la
verité et plus honorable pour eux et
pour la Societé des Arts , dont ils sont
Membres? Mais de quelle utilité peut-il
être pour le Buraliste , puis qu'il met l'invention des Lettres et de l'Alphabet qu'il
méprise tant , bien au-dessus du Bureau
Typographique , qu'il estime seul et qu'il
prefere hautement et en toutes occasions
aux Méthodes vulgaires reçûës jusqu'ici
dans toutes les Ecoles d'Europe.
Au reste on ne voit pas trop la raison
pourquoi ce Certificat donné le 17. Décembre 1730. n'a été délivré par M. Hynault , Secretaire de la Societé des Arts ,
que le 19.Septembre 173 1. ne seroit- ce pas
quel'Auteurdu Bureau n'a pas crû enavoir
besoin pour se deffendre contre ses Adversaires qui ont écrit en Prose contre lui ,
et qu'au contraire ill'a crû necessaire pour
résister à son nouvel antagoniste , qui par,
sa petite Comédie de 800. Vers environ
lui a donné un si terrible assaut et livré
un si cruel combat , qu'il n'y a pas d'apparence qu'il s'en releve jamais. Revenons
presentement au Buraliste , nous n'aurons
pas grande peine à l'expedier , présentément que nous nous sommes tirés d'un si
mauvais pas.
و
1. Vol. Ciiij Les
roz MERCURE DE FRANCE
Les parens , dit-il , curieux en fait d'éducation , qui voudront connoître par euxmêmes le mérite et l'utilité du Bureau Typographique , pourront prendre la peine d'aller
voir les Enfans Typographes , instruits et
exercez selon cette nouvelle Méthode.
Ils verront quelque chose d'infiniment
moins curieux que ce qu'on voyoit à la
Foire les années précedentes. A la Foire
on voyoit une Chienne qui avoit été tellement dressée, et qui étoit dans ses operations si bien dirigée par son Maître ,
qu'elle jouoit aux cartes et gagnoit des
parties de triomphe , assembloit des Lettres et composoit des mots bien mieux
ortographiez qu'ils ne le sont très- souvent,
suivant les principes du Buraliste , faisoit
enfin plusieurs autres choses sembla- .
bles , toutes plus merveilleuses les unes
que les autres ; et tout cela sans qu'il parût que son Maître l'aîdât en la moindre
chose. Les Enfans Typographes , au contraire , qui sont évidemment conduits
et dirigez par leurs Precepteurs Typographistes , suivent très-souvent une ortographe qui est très- mauvaise, et écrivent,
par exemple , Filipe , au lieu de Philippe ;
faute que la Chienne de la Foire n'auroit
jamais faite.
Ontrouvera, continuë le Buraliste , chez
I. Vol nn
JUIN. 17328 1103.
.
un Marchand de Soye , au Bras d'or, dins
la rue S Denis , vis- à- vis sainte Catherine ,
une aimable perite fille au- dessous de trois
ans, qui en peu de mois a appris avec le
Bureau , ce que bien des enfans ignorent
après des années d'Ecoles vulgaires. On
trouvera chez M. Procope , vis- à- vis de
la Comédie Françoise , un digne Enfant ,
dont le seul exemple est capable de fermer
la bouche à tous les Critiques. On pourroit
indiquer un grand nombre d'autres Enfans
Typographes , si on ne craignoit de fatiguer les Parens et les Maîtres.
Tous les Enfans de l'un et l'autre sexe,
qui apprennent à lire avec leBureau, sont
tous, au dire du Buraliste, de dignes et d'aimables enfans. Mais sans vouloir rien ici
rabattre de leurs esprits et de leur mérite
ne puis je pas dire des Enfins les plus ordinaires , ce qu'il dit ici de ses Enfans Typo
graphes , qu'on peut, non pas prendre la
peine de les aller voir , mais sans aucune
peine, les voir soit dans les maisons parti
culieres , soit dans les Ecoles publiques , es
remarquer que plusieurs d'entre ceux qui
ont des dispositions heureuses , apprennent à l'âge de trois ans en peu de mois
ce que bien d'autres , que la Nature a
traitez moins favorablement , ignorent
après plusieurs années d'étude opiniâtre,
3
1. Vol. Cy Cette
rio MERCURE DE FRANCE
₹
Cette seule remarque , fondée sur l'expe
rience de tous les lieux et de tous les
temps , est capable de fermer la bouche
à tous les nouveaux Méthodistes , qui
tombent très souvent dans le sophisme , que les Philosophes appellent non
causa , qui consiste à prendre pour la
cause d'un effet , ce qui ne l'est pas veritablement.
·
Don Ventura de Liria , dit-on , qui a
un Bureau au College d'Harcourt , a fait en peu de temps l'heureuse experience
de cette Méthode , de même que le petit
Remilli , qui ayant aussi un Bureau au
College du Plessis , a eu un des Prix de
mémoire, distribuez le jour de la Tragé
die ,
،et qui va en Classe , selon le goût
et la volonté de ses Parens.
Don Ventura de Liria , âgé de 7. ans
environ , et fils d'un très- illustre et trèsaimable Seigneur , que le College du Plessis a eu le bonheur de posseder autrefois , et qui n'a pas eu lieu de se repentig
d'y avoir été instruit selon la Méthode
ordinaire. Je ne sçai pourquoi , pour lui
enseigner l'A B C et les premiers princi
pes du Latin , on a suivi une autre route
que pour M. son père.
Quant au petit Remilli , il est bien vrai
qu'il a eu un Prix de memoire , mais il
1. Vol. est
U IN. 1732. 1105
est aussi très - vrai que c'est à sa memoire et à son industrie qu'il doit ce
Prix , et non au Bureau , auquel jusqu'à
present le Buraliste même n'avoit pas accordé l'avantage de donner de là mẹmoire aux enfans. Cet aimable Enfant va
en septiéme depuis plusieurs mois , selon le goût et la volonté de Mrs ses Pere
et Mere.
:
Les personnes bien intentionnées , continuë le Docteur Abécédisre , qui aiment··
le bien public, sçachant que Monseigneur
Le Dauphin et Mesdames de France , apprennent à lire par la Méthode du Bureau
Typographique , et que l'Auteur , par commission , en a déja envoyé dans les Provinces , ces personnes , dis-je , s'embarraseront
peu des Critiques qu'ont produites jusqu'ici ,
l'ignorance, la prévention et peut- être l'envie ou la mauvaise foi.
Vous voyez , Monsieur , que la source
des injures n'est point taric. Vous sçavez que nous y avons répondu ; si cela
ne suffit pas , voici une réponse de la
façon du Buraliste. Celui qui s'éleve contre
nous , dit-il dans le Mercure de Mars ,
page 426. ou 427. devroit avant que d'écrire , apprendre à penser, et s'il croit avoirraison , nous démontrer avec politesse que·
nous donnons dans Berreur : tout Ecrivain . ,
I. Vol. Cvj donts
1106 MERCURE DE FRANCE
dont le style est grossier , m'est suspect er je
n'en attends aucune instruction.
Tout ceci est bien plus vrai lorsque ,
comme lui , on attaque seul le genre hamain. Quant à l'exemple de Monseigneur
le Dauphin et de Mesdames de France ,
qu'ils nous allegue pour la seconde fois
en sa faveur , outre ce que nous y avons
déja répondu , que prouvera- t'il autre
chose , sinon qu'on peut apprendre à
lire par cette nouvelle Méthode , puisqu'on l'a bien appris jusqu'à present par Pancienne Méthode. Mais s'ensuit- il delà qu'ils pourront apprendre le Latin ,
le Grec , l'Hebreu , l'Arabe , &c tous les
Arts et toutes les Sciences , comme l'Auteur le prétend ( Lettre 4. page 62. ) si
cela est, qui m'empêchera de dire , avec
bien plus de raison , qu'on a appris jusqu'à present les Arts et les Sciences par
le moyen de l'Alphabet , et que c'est l'Alphaber qui a formé les Rois , les Guerriers , les Politiques , les Théologiens,
les Jurisconsultes , les Philosophes , les
Orateurs , les Historiens , les Poëtes , & c.
les plus illustres qui ayent paru dans le
Monde depuis l'invention des Caracteres
qui servent à peindre la parole et à par- ler aux yeux ?
Si donc , comme je le souhaite de tout
1. Kol. mon
JUIN. 17323 1107
prit.
mon cœur et comme je l'espere , il arrive
un jour que Monseigneur le Dauphin eɛ
Mesdames de France , surpassent tous les
autres , autant par la grandeur de leur esprit et de leur science , que par celle de
leur Naissance , le Buraliste en donneras,
s'il veut , la gloire à lui et à son Bureau;
pour moi j'attr bûrai plutôt un si heureux
succès à leur excellent naturel, et aux
sçavantes instructions des personnes estimables et respectables à qui le Roy a
confié le soin de leur éducation ; et je
pense qu'en cela je ne serois pas le seul
de mon sentiment.
Ceux , dit enfin le Buraliste , qui souhaiteront avoir quelqu'une des quatre Classes
du Bureau Typographique, en trouveront de
toutes garnies dans la maison attenant la
porte du College de Lisieux , ruë S. Etienne
d'Egrès; l'avis , le prix , et l'instruction sur
les quatre Classes , se trouveront à la fin de
la neuvième Lettre sur la Bibliotheque des
Enfans , inserée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 209. on 234. en atterdant la suite de la Relation Typographi
que , j'ay l'honneur d'être , & c. A Paris.
15 " Septembre 1731. RIOMBAL
Le prix de chacune de ces quatre Clas
ses du Bureau est marqué à la fin de la
Lettre , et fixé depuis une pistole jus1 Kolo qu'à
1108 MERCURE DE FRANCE
1
qu'à dix. Ainsi , vous voyez , Monsieur ,
que l'Auteur ne donne pas ses coquilles
et qu'on pourroit fort bien dire de lui
avec quelque proportion , ce que Ciceron
disoit du Maître de Marc- Antoine : Invideo Magistro tuo , qui te tantâ mercede
nihil sapere docuit. Vous me demanderez
peut- être , comment cela s'accorde avec
ce qui est dit dans la Lettre de Mars
qu'il n'agit par aucune vûë d'interêt et qu'il
ne lui revient rien de ses Bureaux , que bien
de la peine , et dans celle d'Avril , qu'il a
distribué bien des choses gratis , aux riches
comme aux pauvres, &c. et que jusques-là
il n'a pas touché un solpour les Bureaux , et
qu'au contraire il les a prêtez à ceux qui en
ont voulu faire l'experience ? Je n'en sçai
rien , à moins qu'on ne dise que per
sonne ne s'étoit encore présenté pour les
achepter;car je n'oserois vous le faire soupçonner de contradiction et de mensonge.
Quoiqu'il en soit , M³, vous pourrez dorénavant avoir des Bureaux , pour de l'argent,bien entendu. Il se fera aussi un plai---
sir de vous indiquer des Maîtres Typogra
phiques , à qui vous donnerez une bonne
nourriture et des appointemens tres-ho
nêtes. Je suis , Monsieur ; &c.
del'Université de Paris , un Principal
de Province , sur le Bureau Typogra
phique.
Ni
Ous voicy donc enfin árrivez, Monsieur , au plus bel endroit de la Lettre , qui paroît au Buraliste , bien audessus des Vers de M. le Beau , et de la
Prose de M. Gaullyer , et qui nous pároît , à nous valoir au moins toutes les
Lettres écrites par le nouvel Abécédiste ,
I. Vol,
pour
JUI N. 1732 1093
pour faire valoir son ABC. Typogra
phique. C'est là qu'il met tout le fort
de sa Cause ; c'est un sujet de joye et de
triomphe pour lui ; c'est un Certificat
des plus autentiques et un Jugement sans
appel ; c'est par-là enfin , qu'en idées au
moins , il abbat et terrasse tous ses ennemis , sur tout les Régens du College du
Plessis.
Voici , Monsieur , ( dit-il d'un air victorieux
et triomphant ) un Certificat qui vous fera voir
un Jugement de la Societé des Arts , un peu dif- ferent de celui des Régens du College du Plessis.
EXTRAIT du Registre des Déliberations
de la Societé des Arts , du Dimanche
17. Décembre 1730.
Ce jour , Messieurs Medallon , Romieu , Degua , et Remond, Commissaires nommez par déliberation de la Societé du 27. Août dernier ,
pour l'examen d'une nouvelle Machine servant
à apprendre aux enfans plus facilement et plus promptement à connoître les Lettres , à les assem◄
bler , à ortographier , tant en Latin qu'en François, et même les premiers principes de la Langue
Latine , présentée à la Societé par le sieur Dumas,
sous le nom du Bureau Typographique , ont fait
leur rapport à la Compagnie , conçu en ces
termes :
Рома
Nous Commissaires nommez par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé
le sieur Dumas , certifions que cette nouvelle invention nous a parû mériter à plusieurs titres une entiere préference sur toutes les Méthodes employées I. Vol. jusqu'
T094 MERCURE DE FRANCE
jusqu'à présent pour l'instraction des enfans , en te
qu'ilfournit un moyen infaillible d'employer utilement les premieres années de la plus tendre enfance,
en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui
accompagne cet age , en épargnant les préceptes , en
ne parlant qu'au sens et à l'imagination , qui sont
le seul partage de l'enfance , en profitant même des
imperfections de cet age pour le progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir, et d'une prat que aisée et mécanique , laquelle
est néanmoinsfondée sur la théorie la plus exacte et la mieux suivie , enfin en donnant aux enfans une
habitude d'ordre et de travail , et ce qui mérite encore plus d'attention , en leur épargnant le dégots
qui les éloignant de l'étude , décide souvent de leur
sort pour le reste de leur vie. Nous croyons que tous
teux qui sentent l'importance de l'emploi des premieres années de l'enfance , regarderont avec estime
une invention dont l'utilité s'étend sur tous les âges,
et que l'Auteur recueillira par le succès et l'Approbation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
Je soussigné Secretaire de la Societé des Arts ,
certifie que l'Extrait cy-dessus a été tiré du Registre des Déliberations de la Societé , et qu'il
est en tout conforme à son original. Donné à
Paris ce 14. Septembre 1731. HYNAULT.
Que ferai-je présentement ? de quel
côté me tournerai- je ? à qui aurai- je recours ? à l'Académie Françoise ? elle ne
voudra pas porter son jugement après la
Societé des Arts ; et comme il s'agit de
Latin , elle me renverra à l'Université
comme elle y a déja renvoyé le grand
I. Vol. Inven
JUIN. 1732. 1095
Inventeur de la Regle monosyllabique
ad, et de la Leçon d'une demie heure.
Al'Académie des Sciences ? mais oseroitelle juger d'un Systême mécanique moins
favorablement que ceux qui font, dit- on,
des mécaniques , presque toute leur occupation ? M'adresserai- je à l'Université?
il est vrai qu'elle est depuis plusieurs siecles la mere des Arts et des Sciences ,
qu'elle a le droit de prononcer sur ces
matieres, et qu'elle l'a souvent exercé avec
grand contentement , et avec l'applaudissement de la République des Lettres.
Ainsi comme elle s'est déja déclarée plus
d'une fois pour l'ancienne Méthode , je
n'aurois pas de peine à en obtenir une
décision contraire à celle de ces Mrs de
la Societé des Arts.
par des '
Mais de quelle utilité seroit pour moi
cette décision ? Le Buraliste n'en appel
leroit-il pas , comme étant faite
Juges suspects de partialité , et n'opposeroit-il pas à toutes les Universitez du Monde , l'autorité de la Societé des Arts , et
ne secroiroit- il pas bre de ce grand nom à couvert à l'omde réJe n'ai donc , je
crois , d'autre parti à prendre que
pondre au Certificat de ces M , et d'affoiblir un peu le coup mortel que le Machiniste a prétendu porter par là à tous
1. Vol. C les
1096 MERCURE DE FRANCE
les Régens , et particulierement à ceux
du College du Plessis. C'est à quoi pourront peut- être servir les Refléxions suivantes.
Je remarque donc d'abord que l'humilité de l'Auteur du Bureau, qui a bien voulu présenter et soumettre sa nouvelle Machine à l'examen de la nouvelle Societé,
la politesse et l'humanité des Examina
teurs , l'affection particuliere qu'ils ont
pour tout ce qui est mécanique , et.pour
tous les nouveaux Machinistes , tour
cela a peut-être contribué à leur faire
porter du Bureau Typographique un Jugement si favorable , autant . et même
plus, que la vûë claire et distincte de la
bonté et de l'utilité de cette Méthode de
bois.
En second lieu ces Mes n'ont point prononcé sur la préference que la Machine
doit avoir sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present pour enseigner
aux enfans le Grec, l'Hebreu , l'Arabe
&c. 'Histoire , la Fable , la Chronolo
gie , la Géographie , les Généalogies , le
Blason , les Médailles , les Arts et les
Sciences, et par conséquent les Mécaniques , qui font leurs occupations particulieres , et à quoi le Buraliste prétend que
son Bureau est necessaire ( Lettre 4. page
1. Vol.
62.)
JUIN. 1732. 1097
2. ) ils se sont restraints à dire qu'il sert
à apprendre à connoître les Lettres , à les
assembler , à ortographier , tant en Latin
qu'en François , et même les premiers
principes de la Langue Latine , ajoûtentils, ce semble, avec quelque peine et sans
aller plus loin.
Troisièmement, l'Eloge que les quatre
Examinateurs font de la Machine Typo
graphique , et l'entiere préference qu'ils
lui donnent sur toutes les Méthodes qui
ont existé jusqu'à ce jour , nous paroît
convenir bien mieux à l'ingénieuse et à
l'admirable invention des Lettres et de
leurs combinaisons pour former les syllabes , qui se trouvent dans le moindre
petit Alphabet. C'est ce que Lucain et
son Traducteur Brebeuf ont exalté just
qu'au Ciel par ces Vers si beaux et si magnifiques :
Phænices primi, fama si creditur , ausi
Mansúram rudibus vocem signarefiguris.
Lucain 22.
C'est de lui que nous vient cet Art ingenieur
De peindre la parole et de parter aux yeux';
Et par les traits divers de figures tracées ,
Donner de la parole et du corps aux pensées.
Ainsi le Buraliste ne doit pas si fərt
I. Vol. Cijs'en
1098 MERCURE DE FRANCE
s'en orgueillir de ce qu'on a dit en faveur
de son Bureau , puisque les Lettres et les
Syllabes et par consequent l'Alphabet
qui les contient et qu'il méprise tant ,
nous paroît mériter à plusieurs titres
une entiere préference.
*
Ex
Examinons présentement plus en détail
le Certificat , et pesons en toutes les paroles. Nous certifions , dit-on , que cette
nouvelle invention nous a parû mériter à
plusieurs titres une entiere preference sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present
pour l'instruction des enfans , même pour les
premiers principes de la Langue Latine;
par consequent sur la Méthode de Quintilien , de Despautere , de Sanctius et de
Vossius , de M M. de Port Royal , de
M. Rollin et de M. le Fevre , &c. MTs les
Commissaites nommez par déliberation
de la Societé , du Dimanche 27. Août
1730. ont fait leur rapport aussi le Dimanche 17. Septembre de la même année. Du premier terme au second , il n'y
a que 112. jours ou 16. Semaines , c'està-dire,pas quatre mois entiers. Qui pour
ra donc être assez simple pour croire
qu'un espace si court ait suffi pour lire les
anciennes Méthodes, et les comparer avec
la nouvelle , ou que sans les lire , on ait
pû en juger sainement et lui donner rai1. Vol son-
JUIN. 1732. 1099
sonnablement une entiere préference sus
elles ?!
Un Alphabet ne fournit- il pas aussi aux
enfans un moyen infaillible d'employer utibement les premieres années de la plus tendré
enfance , en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui accompagne cet âge ? N'épargne-t- il pas les préceptes en ne parlant qu'aux
sens ( aux yeux qui sont le sens le plus
vif ) et à l'imagination , tandis que le Maître parle aux oreilles , qui sont , non le
seul, ( car il y a la memoire ) mais un des
meilleurs partages de l'enfance ? Par le
moyen de l'Alphabet ne profite- t'on pas
même des imperfections de cet age pour le
progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir , sur tout si
Alphabet est de bon pain d'épice ou de
quelqu'autre pâte sucrée , comme le veut
M. de Vallange et d'une pratique aisée et
toute mécanique , c'est- à- dire d'une digestion facile , toute physique et très- utile
pour la santé , pourvû qu'on n'en prenne
pas avec excès : laquelle est neanmoins fondée sur la théorie la plus exacte et la mieux
suivie , sçavoir ,sur les combinaisons meryeilleuses des Lettres et des Syllabes ; enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travails d'ordre , tel qu'il est
suivi generalement dans tous les Diction
I. Vol. C iij naires
1100 MERCURE DE FRANCE
naires , et qu'il est le plus naturel pour les
enfans ; de travail , par rapport à
àlala pro
nonciation de certaines syllabes rudes et
retives sur laquelle Quintilien veut qu'on
les exerce beaucoup ; et , pour me servir
toûjours des expressions de M M. Medallon , Degua , Romieu et Remond , ce qui
mérite encore plus d'attention , en leur épar
gnant le dégoût , qui les éloignant de l'étude,
décide souvent de leur sort pour le reste de
leur vie.
Je croi donc que tous ceux qui sentent
L'importance de l'emploi des premieres années
de l'enfance , regarderont avec estime une invention dont l'utilité , durant une longue
suite de siecles , depuis Cadmus , premier
Inventeur des Lettres de l'Alphabet , jusqu'à nous, s'est étendue , et plus que problablement depuis nous jusqu'à la fin du
monde , malgré l'invention de la Machi
ne Typographique , s'étendra sur tous les
hommes,de quelque âge, de quelque sexe,
de quelque qualité et condition qu'ils
soient , et que l'Auteur ( c'est Cadmas
et non l'Auteur du Bureau ) recueillira ,
comme il l'a toûjours recueilli , par le
succès et l'approbation generale du Public ,
la seule récompense qu'il ait attendu de son travail.
N'est-il pas clair que le Certificat
de
I. Vol. Mrs
JÚ IN. 1732. 1101
Mles quatre Commissaires , ainsi tourné,
et expliqué, est bien plus conforme à la
verité et plus honorable pour eux et
pour la Societé des Arts , dont ils sont
Membres? Mais de quelle utilité peut-il
être pour le Buraliste , puis qu'il met l'invention des Lettres et de l'Alphabet qu'il
méprise tant , bien au-dessus du Bureau
Typographique , qu'il estime seul et qu'il
prefere hautement et en toutes occasions
aux Méthodes vulgaires reçûës jusqu'ici
dans toutes les Ecoles d'Europe.
Au reste on ne voit pas trop la raison
pourquoi ce Certificat donné le 17. Décembre 1730. n'a été délivré par M. Hynault , Secretaire de la Societé des Arts ,
que le 19.Septembre 173 1. ne seroit- ce pas
quel'Auteurdu Bureau n'a pas crû enavoir
besoin pour se deffendre contre ses Adversaires qui ont écrit en Prose contre lui ,
et qu'au contraire ill'a crû necessaire pour
résister à son nouvel antagoniste , qui par,
sa petite Comédie de 800. Vers environ
lui a donné un si terrible assaut et livré
un si cruel combat , qu'il n'y a pas d'apparence qu'il s'en releve jamais. Revenons
presentement au Buraliste , nous n'aurons
pas grande peine à l'expedier , présentément que nous nous sommes tirés d'un si
mauvais pas.
و
1. Vol. Ciiij Les
roz MERCURE DE FRANCE
Les parens , dit-il , curieux en fait d'éducation , qui voudront connoître par euxmêmes le mérite et l'utilité du Bureau Typographique , pourront prendre la peine d'aller
voir les Enfans Typographes , instruits et
exercez selon cette nouvelle Méthode.
Ils verront quelque chose d'infiniment
moins curieux que ce qu'on voyoit à la
Foire les années précedentes. A la Foire
on voyoit une Chienne qui avoit été tellement dressée, et qui étoit dans ses operations si bien dirigée par son Maître ,
qu'elle jouoit aux cartes et gagnoit des
parties de triomphe , assembloit des Lettres et composoit des mots bien mieux
ortographiez qu'ils ne le sont très- souvent,
suivant les principes du Buraliste , faisoit
enfin plusieurs autres choses sembla- .
bles , toutes plus merveilleuses les unes
que les autres ; et tout cela sans qu'il parût que son Maître l'aîdât en la moindre
chose. Les Enfans Typographes , au contraire , qui sont évidemment conduits
et dirigez par leurs Precepteurs Typographistes , suivent très-souvent une ortographe qui est très- mauvaise, et écrivent,
par exemple , Filipe , au lieu de Philippe ;
faute que la Chienne de la Foire n'auroit
jamais faite.
Ontrouvera, continuë le Buraliste , chez
I. Vol nn
JUIN. 17328 1103.
.
un Marchand de Soye , au Bras d'or, dins
la rue S Denis , vis- à- vis sainte Catherine ,
une aimable perite fille au- dessous de trois
ans, qui en peu de mois a appris avec le
Bureau , ce que bien des enfans ignorent
après des années d'Ecoles vulgaires. On
trouvera chez M. Procope , vis- à- vis de
la Comédie Françoise , un digne Enfant ,
dont le seul exemple est capable de fermer
la bouche à tous les Critiques. On pourroit
indiquer un grand nombre d'autres Enfans
Typographes , si on ne craignoit de fatiguer les Parens et les Maîtres.
Tous les Enfans de l'un et l'autre sexe,
qui apprennent à lire avec leBureau, sont
tous, au dire du Buraliste, de dignes et d'aimables enfans. Mais sans vouloir rien ici
rabattre de leurs esprits et de leur mérite
ne puis je pas dire des Enfins les plus ordinaires , ce qu'il dit ici de ses Enfans Typo
graphes , qu'on peut, non pas prendre la
peine de les aller voir , mais sans aucune
peine, les voir soit dans les maisons parti
culieres , soit dans les Ecoles publiques , es
remarquer que plusieurs d'entre ceux qui
ont des dispositions heureuses , apprennent à l'âge de trois ans en peu de mois
ce que bien d'autres , que la Nature a
traitez moins favorablement , ignorent
après plusieurs années d'étude opiniâtre,
3
1. Vol. Cy Cette
rio MERCURE DE FRANCE
₹
Cette seule remarque , fondée sur l'expe
rience de tous les lieux et de tous les
temps , est capable de fermer la bouche
à tous les nouveaux Méthodistes , qui
tombent très souvent dans le sophisme , que les Philosophes appellent non
causa , qui consiste à prendre pour la
cause d'un effet , ce qui ne l'est pas veritablement.
·
Don Ventura de Liria , dit-on , qui a
un Bureau au College d'Harcourt , a fait en peu de temps l'heureuse experience
de cette Méthode , de même que le petit
Remilli , qui ayant aussi un Bureau au
College du Plessis , a eu un des Prix de
mémoire, distribuez le jour de la Tragé
die ,
،et qui va en Classe , selon le goût
et la volonté de ses Parens.
Don Ventura de Liria , âgé de 7. ans
environ , et fils d'un très- illustre et trèsaimable Seigneur , que le College du Plessis a eu le bonheur de posseder autrefois , et qui n'a pas eu lieu de se repentig
d'y avoir été instruit selon la Méthode
ordinaire. Je ne sçai pourquoi , pour lui
enseigner l'A B C et les premiers princi
pes du Latin , on a suivi une autre route
que pour M. son père.
Quant au petit Remilli , il est bien vrai
qu'il a eu un Prix de memoire , mais il
1. Vol. est
U IN. 1732. 1105
est aussi très - vrai que c'est à sa memoire et à son industrie qu'il doit ce
Prix , et non au Bureau , auquel jusqu'à
present le Buraliste même n'avoit pas accordé l'avantage de donner de là mẹmoire aux enfans. Cet aimable Enfant va
en septiéme depuis plusieurs mois , selon le goût et la volonté de Mrs ses Pere
et Mere.
:
Les personnes bien intentionnées , continuë le Docteur Abécédisre , qui aiment··
le bien public, sçachant que Monseigneur
Le Dauphin et Mesdames de France , apprennent à lire par la Méthode du Bureau
Typographique , et que l'Auteur , par commission , en a déja envoyé dans les Provinces , ces personnes , dis-je , s'embarraseront
peu des Critiques qu'ont produites jusqu'ici ,
l'ignorance, la prévention et peut- être l'envie ou la mauvaise foi.
Vous voyez , Monsieur , que la source
des injures n'est point taric. Vous sçavez que nous y avons répondu ; si cela
ne suffit pas , voici une réponse de la
façon du Buraliste. Celui qui s'éleve contre
nous , dit-il dans le Mercure de Mars ,
page 426. ou 427. devroit avant que d'écrire , apprendre à penser, et s'il croit avoirraison , nous démontrer avec politesse que·
nous donnons dans Berreur : tout Ecrivain . ,
I. Vol. Cvj donts
1106 MERCURE DE FRANCE
dont le style est grossier , m'est suspect er je
n'en attends aucune instruction.
Tout ceci est bien plus vrai lorsque ,
comme lui , on attaque seul le genre hamain. Quant à l'exemple de Monseigneur
le Dauphin et de Mesdames de France ,
qu'ils nous allegue pour la seconde fois
en sa faveur , outre ce que nous y avons
déja répondu , que prouvera- t'il autre
chose , sinon qu'on peut apprendre à
lire par cette nouvelle Méthode , puisqu'on l'a bien appris jusqu'à present par Pancienne Méthode. Mais s'ensuit- il delà qu'ils pourront apprendre le Latin ,
le Grec , l'Hebreu , l'Arabe , &c tous les
Arts et toutes les Sciences , comme l'Auteur le prétend ( Lettre 4. page 62. ) si
cela est, qui m'empêchera de dire , avec
bien plus de raison , qu'on a appris jusqu'à present les Arts et les Sciences par
le moyen de l'Alphabet , et que c'est l'Alphaber qui a formé les Rois , les Guerriers , les Politiques , les Théologiens,
les Jurisconsultes , les Philosophes , les
Orateurs , les Historiens , les Poëtes , & c.
les plus illustres qui ayent paru dans le
Monde depuis l'invention des Caracteres
qui servent à peindre la parole et à par- ler aux yeux ?
Si donc , comme je le souhaite de tout
1. Kol. mon
JUIN. 17323 1107
prit.
mon cœur et comme je l'espere , il arrive
un jour que Monseigneur le Dauphin eɛ
Mesdames de France , surpassent tous les
autres , autant par la grandeur de leur esprit et de leur science , que par celle de
leur Naissance , le Buraliste en donneras,
s'il veut , la gloire à lui et à son Bureau;
pour moi j'attr bûrai plutôt un si heureux
succès à leur excellent naturel, et aux
sçavantes instructions des personnes estimables et respectables à qui le Roy a
confié le soin de leur éducation ; et je
pense qu'en cela je ne serois pas le seul
de mon sentiment.
Ceux , dit enfin le Buraliste , qui souhaiteront avoir quelqu'une des quatre Classes
du Bureau Typographique, en trouveront de
toutes garnies dans la maison attenant la
porte du College de Lisieux , ruë S. Etienne
d'Egrès; l'avis , le prix , et l'instruction sur
les quatre Classes , se trouveront à la fin de
la neuvième Lettre sur la Bibliotheque des
Enfans , inserée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 209. on 234. en atterdant la suite de la Relation Typographi
que , j'ay l'honneur d'être , & c. A Paris.
15 " Septembre 1731. RIOMBAL
Le prix de chacune de ces quatre Clas
ses du Bureau est marqué à la fin de la
Lettre , et fixé depuis une pistole jus1 Kolo qu'à
1108 MERCURE DE FRANCE
1
qu'à dix. Ainsi , vous voyez , Monsieur ,
que l'Auteur ne donne pas ses coquilles
et qu'on pourroit fort bien dire de lui
avec quelque proportion , ce que Ciceron
disoit du Maître de Marc- Antoine : Invideo Magistro tuo , qui te tantâ mercede
nihil sapere docuit. Vous me demanderez
peut- être , comment cela s'accorde avec
ce qui est dit dans la Lettre de Mars
qu'il n'agit par aucune vûë d'interêt et qu'il
ne lui revient rien de ses Bureaux , que bien
de la peine , et dans celle d'Avril , qu'il a
distribué bien des choses gratis , aux riches
comme aux pauvres, &c. et que jusques-là
il n'a pas touché un solpour les Bureaux , et
qu'au contraire il les a prêtez à ceux qui en
ont voulu faire l'experience ? Je n'en sçai
rien , à moins qu'on ne dise que per
sonne ne s'étoit encore présenté pour les
achepter;car je n'oserois vous le faire soupçonner de contradiction et de mensonge.
Quoiqu'il en soit , M³, vous pourrez dorénavant avoir des Bureaux , pour de l'argent,bien entendu. Il se fera aussi un plai---
sir de vous indiquer des Maîtres Typogra
phiques , à qui vous donnerez une bonne
nourriture et des appointemens tres-ho
nêtes. Je suis , Monsieur ; &c.
Fermer
Résumé : TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Une lettre d'un professeur de l'Université de Paris et d'un principal de province discute du Bureau Typographique, une invention de M. Dumas. Un certificat de la Société des Arts, daté du 17 décembre 1730, loue cette invention pour son efficacité à enseigner aux enfants les lettres, l'orthographe et les principes de base du latin. Les commissaires de la Société des Arts, Messieurs Medallon, Romieu, Degua et Remond, affirment que cette méthode mérite une entière préférence sur les méthodes traditionnelles en raison de son approche ludique et mécanique, adaptée à l'intelligence des jeunes enfants. Le professeur et le principal expriment des doutes sur la rapidité avec laquelle la Société des Arts a évalué et approuvé l'invention, soulignant que seulement 112 jours séparaient la délibération initiale de la Société et le rapport final. Ils remettent également en question la portée du certificat, notant qu'il ne couvre pas l'enseignement du grec, de l'hébreu, de l'arabe, ni d'autres matières. Ils comparent l'invention des lettres et des syllabes, présentes dans tout alphabet, à l'invention du Bureau Typographique, estimant que les premières méritent une préférence. Le texte discute également de l'efficacité de la méthode d'apprentissage de la lecture à travers des bureaux typographiques. Les 'Enfants Typographes,' dirigés par leurs précepteurs, commettent souvent des erreurs orthographiques. Cependant, plusieurs exemples d'enfants ayant appris rapidement grâce à cette méthode sont mentionnés, comme une fille de moins de trois ans chez un marchand de soie et un garçon chez M. Procope. Le buraliste critique les 'nouveaux Méthodistes' qui tombent dans le sophisme de prendre pour cause d'un effet ce qui ne l'est pas. Il cite des exemples comme Don Ventura de Liria et le petit Remilli, qui ont réussi grâce à cette méthode. Le texte mentionne que des personnalités comme Monseigneur le Dauphin et Mesdames de France utilisent cette méthode, bien que le buraliste attribue leurs succès à leur naturel et à leurs instructeurs plutôt qu'au bureau typographique. Enfin, des informations sur l'achat des bureaux typographiques et des maîtres typographiques sont fournies, avec des prix allant d'une pistole à dix pistoles. Le buraliste affirme que l'auteur ne distribue pas ses bureaux gratuitement, contrairement à ce qui a été mentionné précédemment.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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87
p. 1183-1186
LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, ou les premiers Elemens des Lettres, contenant le systeme du Bureau Typographique, à l'usage de Monseigneur le Dauphin et de Messeigneurs les Enfans de France. A Paris, chez Pierre Simon, ruë de la Harpe, et chez P. Witte, ruë S. Jacques, 1732.
Début :
Il y a deux ans que l'on parle du [...]
Mots clefs :
Bibliothèque des enfants, Système du bureau typographique, A, B, C Latin, A, B, C Français, Orthographe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, ou les premiers Elemens des Lettres, contenant le systeme du Bureau Typographique, à l'usage de Monseigneur le Dauphin et de Messeigneurs les Enfans de France. A Paris, chez Pierre Simon, ruë de la Harpe, et chez P. Witte, ruë S. Jacques, 1732.
LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS , on les
premiers Elemens des Lettres , contenant la
systeme du Bureau Typographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin et de Mes
seigneurs les Enfans de France. A Paris
chez Pierre Simon , rue de la Harpe , es
shez P. Witte , ruë S. Jacques , 1732.
Il y a deux ans que l'on parle du BiBu
reau Typographique dans les Mercures
de France. On a donné quatorze Lettres
sur ce sujet , ou sur l'importante matiere
qui regarde la premiere éducation des
Enfans. L'abregé de ces Lettres donnera
le volume qui roule précisement sur le
sistême du Bureau Typographique ; mais
voici un Livre dont tous les Parens , tous
les Maîtres et tous les Enfans pourront
se servir utilement , soit qu'ils ayent des
1. Vala Bureaux
1184 MERCURE DE FRANCE
par
Bureaux , soit qu'ils n'en ayent point.
C'est un nouvel A, B, C, Latin ,
le moyen duquel on apprendra par principes plus facilement et en moins de tems
les premiers élemens des Lettres ignorez
ordinairement par le plus grand nombre
de ceux qui se mêlent de les montrer.
Ce Livre que l'Auteur a eu l'honneur
de dédier et de présenter à MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN , Contient en 24. pages , l'Epitre Dédicatoire, un Avertissement Préliminaire sur l'Ortographe passagere d'Enfans et des sons ou de l'oreille , en attendant l'Ortographe permanente d'hom- me , des yeux ou de l'usage ; la Préface
en deux feuilles de gros Romain , l'Extrait du Registre des Déliberations de la
Societé des Arts , qui a fait examiner le
Bureau Typographique ; ce Livre contient encore la Table des Leçons de trois
A, B, C, Latins , celle des noms de dixhuit sortes de Caracteres employez pour
varier utilement l'impression de ce volume , et enfin un Avis aux Parens et
aux Maîtres dans lequel l'Auteur dit qu'il
donnera de la même maniere in 4° . et in
16. les A, B, C , François pour la suite
de la Bibliotheque des Enfans.
Le premier A, B, C , Latin contient
en 38. pages 21. Leçons pour le Maître
=
L. Vol. et
JUIN. 1731. 1185
"
et alternativement autant pour l'Enfant ,
il ne s'agit dans cet A, B, C, que de
la seule connoissance et de la seule dénomination des Lettres ou des sons , avec
laquelle dénomination l'Enfant lira bientôt des sillabes et des mots , même sans
épeler , comme dans les Leçons 12. 13.
14. 15. 16. 17. 18. et 19.
Le second A, B , C , Latin contient en
20. pages 15. Leçons pour le Maître , et
autant pour l'Enfant ; il s'agit dans cet
A, B, C , de Lettres du Sillabaire , ou
du Recueil des sillabes élementaires , sur
lesquelles il faut tâcher de rendre imperturbable Enfant auquel on veut montrer à lire.
Le troisiéme A, B , C , Latin contient
en 38. pages , 14. Leçons pour le Maître
et autant pour l'Enfant ; il s'agit dans
cet A , B, C , des Lettres de l'épellation de la sillabe et de la Lettre ordinaire et extraordinaire.
On peut dire que cet Ouvrage estsingu
lier et peut-être unique dans ce goût- là ,
c'est pourquoi le Lecteur y est prié d'avoir quelque indulgence pour l'Auteur ,
qui avoue son ignorance ou sa négligence
à l'égard de l'expression , de la précision
et de la ponctuation. On doit s'attacher
aux choses , plutôt qu'aux mots ; heureux
1. Vol. qui-
1186 MERCURE DE FRANCE
qui possede également bien l'art de penser et l'art de s'exprimer dans les grandes et dans les petites choses. La matiere
Abécédique paroît en general si mince et
et si méprisée , qu'on trouvera peut- être
difficile , obscure ou abstraite , la maniere
dont l'Auteur a essayé de la traiter. Mais
il faut esperer que dans la suite on rendra le sujet plus clair, et qu'enfin on le
perfectionnera , sur tout si M M. de l'Académie Françoise daignent un jour revoir l'Ouvrage en faveur des Enfans
de notre Empire et de tous les enfans de
l'Europe.
Les Critiques du Bureau Typographi
que , au reste , en attaquant ce nouvel
A, B, C, pourront continuer de faire
connoître leur goût et leur discernement
en fait d'institution morale et litteraire.
Le Public continuera aussi d'admirer la
prévention et la simplicité des Latinistes.
scandalisez mal- à- propos de la moindre
nouveauté élementaire et du moindre solecisme; mais peu accoûtumez à l'Analise
des pensées , à l'exactitude et à la justesse
d'un raisonnement suivi et philosophique; justesse cependant à laquelle de- vroient tendre nos lectures et nos études,
tout autre motif ne paroît tolerable
dans un homme payé pour parler, plutôt que
que pour penser.
premiers Elemens des Lettres , contenant la
systeme du Bureau Typographique , à l'usage de Monseigneur le Dauphin et de Mes
seigneurs les Enfans de France. A Paris
chez Pierre Simon , rue de la Harpe , es
shez P. Witte , ruë S. Jacques , 1732.
Il y a deux ans que l'on parle du BiBu
reau Typographique dans les Mercures
de France. On a donné quatorze Lettres
sur ce sujet , ou sur l'importante matiere
qui regarde la premiere éducation des
Enfans. L'abregé de ces Lettres donnera
le volume qui roule précisement sur le
sistême du Bureau Typographique ; mais
voici un Livre dont tous les Parens , tous
les Maîtres et tous les Enfans pourront
se servir utilement , soit qu'ils ayent des
1. Vala Bureaux
1184 MERCURE DE FRANCE
par
Bureaux , soit qu'ils n'en ayent point.
C'est un nouvel A, B, C, Latin ,
le moyen duquel on apprendra par principes plus facilement et en moins de tems
les premiers élemens des Lettres ignorez
ordinairement par le plus grand nombre
de ceux qui se mêlent de les montrer.
Ce Livre que l'Auteur a eu l'honneur
de dédier et de présenter à MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN , Contient en 24. pages , l'Epitre Dédicatoire, un Avertissement Préliminaire sur l'Ortographe passagere d'Enfans et des sons ou de l'oreille , en attendant l'Ortographe permanente d'hom- me , des yeux ou de l'usage ; la Préface
en deux feuilles de gros Romain , l'Extrait du Registre des Déliberations de la
Societé des Arts , qui a fait examiner le
Bureau Typographique ; ce Livre contient encore la Table des Leçons de trois
A, B, C, Latins , celle des noms de dixhuit sortes de Caracteres employez pour
varier utilement l'impression de ce volume , et enfin un Avis aux Parens et
aux Maîtres dans lequel l'Auteur dit qu'il
donnera de la même maniere in 4° . et in
16. les A, B, C , François pour la suite
de la Bibliotheque des Enfans.
Le premier A, B, C , Latin contient
en 38. pages 21. Leçons pour le Maître
=
L. Vol. et
JUIN. 1731. 1185
"
et alternativement autant pour l'Enfant ,
il ne s'agit dans cet A, B, C, que de
la seule connoissance et de la seule dénomination des Lettres ou des sons , avec
laquelle dénomination l'Enfant lira bientôt des sillabes et des mots , même sans
épeler , comme dans les Leçons 12. 13.
14. 15. 16. 17. 18. et 19.
Le second A, B , C , Latin contient en
20. pages 15. Leçons pour le Maître , et
autant pour l'Enfant ; il s'agit dans cet
A, B, C , de Lettres du Sillabaire , ou
du Recueil des sillabes élementaires , sur
lesquelles il faut tâcher de rendre imperturbable Enfant auquel on veut montrer à lire.
Le troisiéme A, B , C , Latin contient
en 38. pages , 14. Leçons pour le Maître
et autant pour l'Enfant ; il s'agit dans
cet A , B, C , des Lettres de l'épellation de la sillabe et de la Lettre ordinaire et extraordinaire.
On peut dire que cet Ouvrage estsingu
lier et peut-être unique dans ce goût- là ,
c'est pourquoi le Lecteur y est prié d'avoir quelque indulgence pour l'Auteur ,
qui avoue son ignorance ou sa négligence
à l'égard de l'expression , de la précision
et de la ponctuation. On doit s'attacher
aux choses , plutôt qu'aux mots ; heureux
1. Vol. qui-
1186 MERCURE DE FRANCE
qui possede également bien l'art de penser et l'art de s'exprimer dans les grandes et dans les petites choses. La matiere
Abécédique paroît en general si mince et
et si méprisée , qu'on trouvera peut- être
difficile , obscure ou abstraite , la maniere
dont l'Auteur a essayé de la traiter. Mais
il faut esperer que dans la suite on rendra le sujet plus clair, et qu'enfin on le
perfectionnera , sur tout si M M. de l'Académie Françoise daignent un jour revoir l'Ouvrage en faveur des Enfans
de notre Empire et de tous les enfans de
l'Europe.
Les Critiques du Bureau Typographi
que , au reste , en attaquant ce nouvel
A, B, C, pourront continuer de faire
connoître leur goût et leur discernement
en fait d'institution morale et litteraire.
Le Public continuera aussi d'admirer la
prévention et la simplicité des Latinistes.
scandalisez mal- à- propos de la moindre
nouveauté élementaire et du moindre solecisme; mais peu accoûtumez à l'Analise
des pensées , à l'exactitude et à la justesse
d'un raisonnement suivi et philosophique; justesse cependant à laquelle de- vroient tendre nos lectures et nos études,
tout autre motif ne paroît tolerable
dans un homme payé pour parler, plutôt que
que pour penser.
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Résumé : LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS, ou les premiers Elemens des Lettres, contenant le systeme du Bureau Typographique, à l'usage de Monseigneur le Dauphin et de Messeigneurs les Enfans de France. A Paris, chez Pierre Simon, ruë de la Harpe, et chez P. Witte, ruë S. Jacques, 1732.
Le texte présente 'LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS', un ouvrage éducatif publié en 1732 à Paris. Destiné à l'éducation des enfants, il est dédié à Monseigneur le Dauphin et aux Enfants de France. L'ouvrage propose un système d'enseignement des lettres via le Bureau Typographique et a été mentionné dans les Mercures de France à travers quatorze lettres sur l'éducation des enfants. Il est conçu pour être utile à tous les parents, maîtres et enfants, indépendamment de la possession de Bureaux Typographiques. L'ouvrage est structuré en plusieurs sections : une épître dédicatoire, un avertissement préliminaire sur l'orthographe, une préface, un extrait du registre des délibérations de la Société des Arts, une table des leçons, une liste des caractères typographiques, et un avis aux parents et maîtres. Il inclut trois sections intitulées A, B, C Latins, chacune contenant des leçons pour les maîtres et les enfants. Le premier A, B, C se concentre sur la connaissance et la dénomination des lettres, permettant aux enfants de lire des syllabes et des mots sans épeler. Le second A, B, C traite des syllabes élémentaires, et le troisième des techniques d'épellation. L'auteur reconnaît l'unicité de l'ouvrage et demande indulgence pour les imperfections de style. Il espère que l'Académie Française pourrait un jour examiner et améliorer l'ouvrage pour le bénéfice des enfants en Europe. Le texte mentionne également les critiques potentielles et la simplicité des latinistes face aux nouvelles méthodes éducatives.
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88
p. 1294-1306
QUATORZIÈME LETTRE sur le Systeme du Bureau Typographique et sur le choix d'un Précepteur, pour la premiere éducation d'un Enfant.
Début :
VOICI, Monsieur, une objection que l'on ne m'auroit [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Bibliothèque des enfants, Éducation, Précepteur, Système, Méthode, A, Bé, Cé Typographique, Maîtres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATORZIÈME LETTRE sur le Systeme du Bureau Typographique et sur le choix d'un Précepteur, pour la premiere éducation d'un Enfant.
QUATORZIEME LETTRE
sur le Systeme du Bureau Typographique
et sur le choix d'un Précepteur, pour la
premiere éducation d'un Enfant.
Oici , Monsieur , une objection que l'on ne
m'auroit peut- être pas faite , si l'on avoit
pris la peine de lire attentivement les dernieres
Lettres sur le Systême du Bureau Typographi
que , et si l'on avoit un peu parcouru la Brochure qui se vend chez Pierre Witte , ruë S. Jacques,
à l'Ange Gardien , intitulée : Réponse de M. Perquis , Maitre de Philosophie , d'Humanitez et de
Typographie, à la Lettre d'un Professeur anonime
de l'Université de Paris , inserée dans le Mercure
du mois de Février 1731.
Si ce Sisteme , m'a- t'on dit , étoit aussi utile que vous le publiez depuis près de deux ans , lès
Parens et les Maîtres se feroient un plaisir et mê- me un devoir de le suivre pour la premiere institution des enfans de trois à sept et à huit ans ,
cependant les Maîtres sont effrayez à la vûë de cette Machine , et l'on dit que du grand nombre de personnes qui ont lû vos Lettres , qui ont en--
tendu parler de ce Sisteme , ou qui ont vu des Bureaux et même l'exercice de cette Méthode , il
y en a peu qui ayent mis leurs enfans aux Clas- IT. Vol
JUIN. 1732. 1295
ses du Bureau Typographique , il faut donc conclure , a-t'on poursuivi , que ce nouveau Sistême
n'est point aussi utile que vous le prétendez , ni
au-dessus de la Méthode vulgaire.
Voilà , Monsieur , ce que nos Critiques appellent une Démonstration , car ce mot est devenu aujourd'hui si commun , qu'on l'employe
hardiment pour les matieres les plus probléma- tiques ; vous trouvez des Ecrivains de parti ,
acharnez les uns contre les autres qui se flattent
d'avoir procedé à la maniere des Géometres dans
toutes leurs disputes , et l'on peut dire qu'en supposant la verité de leurs principes contestez, bien
des Auteurs , comme Spinosa , ont effectivement suivi la Méthode des Géometres. Venons au fait.-
pour
être
être
Pour répondre à cette prétendue Démonstration , je dis , 1 °. que les Maîtres vulgaires s'opposeront toujours à toutes les Méthodes qui feront:
connoître au Public leur ignorance ou leur pré--
vention , et que leur opposition aveugle et témeraire augmentera toujours le mépris dû à leurs
vaines déclamations. 2°. Qu'un sistème peut
fort utile et meilleur qu'un autre , sans obtenir
néanmoins la préference , parce qu'il ne suffit pas
qu'une chose soit bonne en elle- même recherchée , il faut encore que l'on soit persuadé
de cette bonté , et ce deffaut de persuasion qui
vient d'une infinité de causes , ne diminuë en rien
la bonté réelle de cette même chose. Un exemple
sensible rendra ce raisonnement plus clair. Que
diroit-on à un Chinois qui feroit cette difficulté ,
si une telle Loi , une telle Coutume , et une telle.
Religion , étoient les meilleures du monde , les
Souverains et les Peuples de la Terre se feroient
un plaisir et même un devoir de les pratiquer dèsqu'on leur en parleroit , cependant ils ne le font
II. Vol pase;
1296 MERCURE DE FRANCE
pas ; donc cette Loi , cette Coûtume et cette Religion , ne sont point les meilleures du monde. Le
Lecteur sensé et judicieux , n'a pas besoin qu'on
lui fasse voir la fausseté et le sophisme dans un
pareil raisonnement.
3. Je dis qu'aucun Journal n'a encore parlé
du Bureau Typographique , parce que les Lettres.
insérées dans les Mercures , n'ont encore été ni
affichées , ni mises en vente chez des Libraires.
Je dis que peu de gens lisent les Journaux, la plûpart même des Lecteurs passent les matieres ou
Ies Pieces qu'ils n'entendent point, et qu'ils trouvent toûjours trop longues , de même que celles
où ils ne prennent aucune part. Ceux qui ont lu les Lettres sur le sistème du Bureau , ou qui em
ont entendu parler , ne sont pas tous dans le cas
d'avoir de petits enfans , et quand ce peu de Lecteurs auroit excité la curiosité des autres , ce premier empressement est bien - tôt ralenti par le torrent des embarras du siecle , ou par le flux et
reflux de mille affaires domestiques, Tel Pere
avoit voulu d'abord donner un Bureau à ses enfans , qui ensuite en a été détourné par la mere.
trop œconome ou trop allarmée en fait d'éducation ; tels parens ont proposé l'experience du Bureau, qui en ont été détournez par les Précep
teurs ; c'est ainsi que beaucoup de gens, d'ailleurs
pleins de mérite et bien intentionnez , se laissent
quelquefois mener en aveugles.
4°. Je dis que de tous ceux qui ont vu le Bu
reau , il n'y a personne qui , du moins exterieument et en apparence , n'en ait reconnu l'utilités.
je ne dois pas même en excepter notre Critique.
M. G. quelque mal qu'il ait crû avoir interêt d'en
dire ailleurs. Le Bureau peut se vanter d'avoir à la Cour , à la Ville et dans les Provinces , un grand
II.. Vol. nombre.
JUIN 1732. 1297
nombre d'illustres Partisans dont le témoignage
autentique fera toujours mépriser les mauvaises critiques , malgré le mérite de leurs Auteurs, -
5. Je dis que quand il n'y auroit encore qu'u ne trentaine d'enfans de l'un ou de l'autre sexe
exercez par le sistème du Bureau , ce seroit toûjours beaucoup qu'en si peu de temps , malgré le préjugé vulgaire , malgré les affiches et les vaines.
promesses de plusieurs Charlatans en menuë Litterature , qui dégoutent et indisposent le Public
malgré les Critiques anonimes et celle de M. G.
malgré les calomnies et les faux rapports des
Maîtres et des Précepteurs prévenus ou passion
nez contre le sistème Typographique , ce seroit,
dis-je , toûjours beaucoup d'avoir autant d'enfans connus , exercez et montrez selon cette nouvelle
maniere d'enseigner les premiers élemens des
Lettres..
6º.Je dis que le préjugé , l'ignorance , la paresse,
L'indifference , l'interêt , l'envie et la mauvaisefoi ,
peuvent arrêter pour quelque temps les progrès du
Bureau Typographique ; et afin que mes Critiques
ne blâment point l'emploi de pareils termes , je.
leur déclare que par le mot préjugé , j'entens le ju- les Maîtres por- gement vague et indéterminé que tent par tradition et sans examen en faveur de la
Méthode vulgaire contre toutes les nouvelles
Méthodes ; les trois quarts des Maîtres , pour le
moins , sont dans ce préjugé et presque tous les
parens. Par le mot ignorance , j'entens la privation des connoissances grammaticales necessaires
pour l'intelligence de la doctrine typographique
ou des sons de la Langue Françoise et de la vraye dénomination des Lettres , pour la prompte et fa
cile sillabisation ; nos Critiques et bien d'autres
sont dans cette ignorance. Par le mot paresse ,
II.. Vel j'entens
1298 MERCURE DE FRANCE
j'entens l'aversion et l'éloignement qu'un Maître
fait souvent paroître quand il s'agit de travailler
avec un enfant; cela regarde le plus grand nombre des Précepteurs. Par indifference , j'entens le
caractere de certains Maîtres mercenaires , plus -
occupez , de pane lucrando , que de puero instiuendo. Par interêt , j'entens le motif de certains
Auteurs qui craignent mal à propos que le systême du Bureau ne nuise à la vente de leurs perites Brochures. Par envie, j'entens les sentimens
jaloux de ceux qui ne voudroient jouir que de
leur propre gloire , et même aux dépens de ce lle
des autres. Par mauvaisefoy, j'entens le caractere et le sentiment de ceux qui persuadez de la
bonté et de l'utilité du systême , cachent ce sentiment et agissent contre la vérité connue, poussez par diverses passions, qu'ils n'oseroient avoüer
devant les hommes, et qu'ils ont la malice d'entretenir devant Dieu. Tous ces injustes motifs de
critique , peuvent se rencontrer dans la même
personne ; on pourroit même les désigner , à lamauvais foy près , dont Dieu seul est le juge.
7°. Je dis que l'ortographe passagere dont on
a fait l'essai et dont on a rendu compte dans la
neuvième Lettre sur le sistême du Bureau , je dis
que cette ortographe passagere d'épfant et des
sons ou de l'oreille , peut avoir éloigné bien des
gens , du systême Typographique , ce que n'auroit peut- être pas fait l'ortographe permanente
d'homme , des yeux et de l'usage. Quoiqu'on cut
facilement prévu que cela pourroit arriver ainsi ,
on a été cependant obligé de suivre son Plan
pour mettre le Lecteur bien intentionné , au fait
des sons de la Langue , et en état de mieux juger
du systême ; et cela au hazard de déplaire aux
Lecteurs prévenus qu'on pourroit un peu comII. Vol. parer
JUIN. 1299 1732.
parer à celui qui aima mieux perdre la valeur d'une Lettre de Change , que d'en faire usage ,
malgré l'ortographe singuliere de cette Lettre ,
ou au malade qui refusa tout soulagement , faute
de parfaite guérison.
9
8. J'ajouterai que la saison de l'hyver , propre à faire Recruë de Soldats, ne l'est guere pour
celle des enfans du Bureau. Le froid en fait differer l'exercice , le Printems en paroît la premiere
saison ; outre cela les objets frivoles qu'on donne ordinairement pour étrennes aux petits enfans
dans le commencement de l'année , les occupent
si fort , qu'il seroit pour lors assez inutile de leur
donner un Bureau. Les parens , les amis , les domestiques, tous à l'envi , présentent à l'enfant
bien des niaiseries, plus nuisibles que profitables.
Une Classe de Bureau pour étrennes amuseroit et
instruiroit l'enfant ; mais les parens en general
aiment mieux se prêter au torrent du préjugé
vulgaire,et ausystême ou au jeu des Marionettes,
dont ils font souvent eux-mêmes leur amusement.
9. Oserois- je dire que le prix d'un Bureau
arrête bien des gens riches , dans l'esprit desquels l'argent tient souvent la place de fils aîné
et quelquefois celle de fils unique , même à la
vue d'une nombreuse famille. Dix Pistoles pour
la suite des quatre Classes du Bureau peuvent pa-- roître une somme non seulement à de riches
Bourgeois , mais encore à certaines personnes qui
ne dépensent guere moins de cent francs par jour
pour leur table et pour leur écurie. C'est aux
parens à s'examiner là- dessus devant Dieu et devant les hommes.
,
10°. Il faut convenir que la disette des Maîtres qui veuillent s'asservir au systême du Buseau , en arrétera toûjours les progrès ; mais
II. Vol.
c'est
1300 MERCURE DE FRANCE
c'est faute d'entendre leur véritable interêt qu'ils
refusent d'apprendre et de pratiquer cette métho
de. Elle les feroit rechercher et préferer aux
Maîtres vulgaires ; enfin elle assureroit aux Maîtres externes un nombre de meilleures Maisons
et donneroit aux Précepteurs le choix des meilleurs Elèves. Je dois ajouter icy qu'un mois de
Leçons tipographiques , mettra facilement une
Gouvernante , un Domestique en état de montrer les premieres Classes du Bureau , en atten- dant que l'on donne à l'enfant un Précepteur, ou
bien un Maître -externe.
Q
11 Pour derniere réponse, je donnerai à mon
tour un argument qu'on pourra opposer à celui
de nos critiques. Le voici : Si les Professeurs , les
Régens , les Préfets , ni les Maîtres ne peuvent
pas détruire les preuves qui font voir les avan
tages du Bureau typographique sur la Méthode
vulgaire ; il faut conclure en faveur du Bureau.
Or est-il que ces MM) n'ont pu jusqu'icy prouver l'infériorité du Bureau , ni la supériorité de
la Méthode vulgaire ; donc en faveur de la verité , et pour le bien de la cause des enfans , on
peut, par provision et hardiment predire que les Maîtres ne viendront jamais à bout de prouver l'excellence de leur Méthode vulgaire, contre
celle du Bureau. On doit donc aussi conclure en
faveur du Bureau , contre les mauvaises critiques, C'est au Public à décider , en attendant le
jugement des Commissaires que l'Université de
Paris, et les Académies pourroient nommer dans
la suite , pour l'examen de ce systême.
Je conclus, après toutes ces réfléxions, que les
parens bien intentionnez et curieux de trouver un
bon Précepteur pour leurs petits enfans , ne sauroient mieux faire que de l'éprouver , par le
1. Vel. moyen
JUIN. 1732. 1301
moïen du Bureau tipographyque ; ce sera la
vraie Pierre de touche , en fait de Pédagogie , er l'on peut assurer , sans témérité, que tout Maître
qui refusera aux parens de suivre la Méthode du
Bureau , pour un enfant de trois à sept et à huit
ans , donnera contre lui des préjugez suffisans
pour le refuser lui- même ; et l'on voit par là
que l'épreuve du Maître par celle du Bureau, sera
toujours d'une grande utilité et d'un grand secours pour les parens capables ou incapables de
faire par eux-mêmes choix d'un bon Maître,
>
Les Précepteurs qui refuseront de suivre le systême du Bureau , aux parens qui le leur propos seront , seront obligez de dire pourquoi ? Or ces
Précepteurs , ou ils connoissent le Bureau , ou ils
ne le connoissent pas ; s'ils ne le connoissent
point , et que sans examen ils refusent d'en
faire usage , ils se rendront suspects de préjugé ,
ou d'ignorance , ou de paresse , ou d'indifference; qualitez suffisantes pour refuser ces Précepteurs , dans la plupart desquels on trouvera ordinairement un esprit vain , superficiel , aigre,
indocile , impatient ; un esprit mercenaire , qui
fuit la peine , qui craint le travail , et sur tout
qui redoute l'examen.
Si les Précepteurs au contraire , en refusant absolument de suivre la Méthode du Bureau tipographyque , disent que c'est par connoissance
de cause ; il est juste de les entendre et de répondie à leurs difficultez; ce sera là un des plus surs moyens pour juger de leur maniere de penser , de
parler , et de raisonner. Qualitez rares mais essentielles pour la bonne et la noble éducation.
Cette opposition , d'ailleurs soutenuë de bonne
foy et avec quelque apparence de fondement, ne
peut que faire honneur à l'adversaire , qui se dé11. Vol. clarera
302 MERCURE DE FRANCE
4
clarera contre le systême du Bureau , sans - renoncer à un plus grand examen de cette Methode , ni au dessein de la suivre ; supposé qu'elle se
trouvât la meilleure, L'Auteur , au reste offre
d'intervenir avec plaisir , dans le differend , lorsque les parens témoigneront le désirer , pour le bien de leurs enfans et de la cause publique.
›
Mais si le Maîrre, simple latiniste, plein de luimême, se trouve un esprit faux , incapable de
justesse dans le raisonnement , un esprit sans méthode , enfin un esprit qui ne voye que par les
yeux du préjugé vulgaire , et qui sans vouloir raisonner, soûtienne obstinément que le systême
du Bureau est frivole ; il sera aisé de s'appercevoir qu'un tel caractere n'est pas le meilleur que
l'on puisse désirer pour élever un enfant , et c'est
un grand avantage que de pouvoir s'en assurer
dès le premier jour , sans s'exposer si souvent
à essayer de nouveaux Précepteurs ; car ce frequent changement de Maître , est ordinairement
un obstacle à l'avancement de l'enfant , et le Bureau préviendra quelquefois cetinconvenient.
Les parens qui aiment à se déterminer par rai.
son plutôt que par coutume, remarqueront bientôt dans le monde que les partisans du Bureau
sont ordinairementou personnes d'ordre ou gens
d'esprit Philosophique , aimant le bien public ;
et qu'au contraire ceux qui se déclarent contre le
Bureau ne sont que de simples latinistes , tres- indifferens sur le bien et le mieux , et la plupart incapables d'analiser les idées et de suivre.
avec honneur , le moindre raisonnement. Or si
la chose est , comme j'ose le dire, et comme chacun peut s'en convaincre lui-même , avec les critiques qu'il trouvera dans son chemin ; n'est-ce
pas un grand avantage pour les dignes parens es
D
JUIN. 1732.
1303
pour le public d'avoir un moyen si simple et si
propre à développer l'intérieur des Maîtres les plus dissimulez , qui se présenteront pour la pre- miere institution de l'enfance.
Je ne prétens pas , au reste , conclure qu'un
Maître qui offre de se soumettre au systême du
Bureau devienne par-là et sur le champ un bon
Précepteur ; mais je veux seulement dire qu'entre deux hommes de Lettres , à peu près d'égale réputation , en fait de Pédagogie, on doit toujours préferer l'esprit doux , docile , bien intentionné,
méthodique, qui se prétera volontiers et sans répugnance à l'exercice du Bureau, et qui en hom- me d'honneur et de bien , par ses discours et par
sa complaisance litteraire,prouvera qu'il ne craint
pas le travail , et qu'il est capable d'affection et d'attachement pour l'enfant dont on veut bien
d'abord lui confier la premiere éducation,
5
On pourra aussi trouver des Maîtres d'ailleurs
tres-capables , qui pleins d'eux- mêmes et de la Méthode vulgaire , diront qu'il est possible que
le Bureau soit bon et utile , mais que leur répu- tation étant faite , ils n'ont pas besoin d'entrer
dans le détail de ce systême, et qu'ils s'en tiennent à leur maniere d'enseigner , sans vouloir
être remis à l'A , Bé, Cé Tipographyque. Or ne
peut-on pas encore dire , sans témérité , que ces Maîtres , quelque habiles qu'ils soient dans le
Grec et dans le Latin ; que ces Maîtres , dis-je ,
en craignant la peine et le travail , donnent parlà contr'eux, des préjugez suffisans pour leur refuser la préférence sur les autres Maîtres ? Car
c'est déja un grand préjugé contre un Précep- teur que de vouloir d'abord canoniser son indifference, sa paresse , et son peu de goût litteraire ,
en refusant de lire une Méthode qui fait quelque
11. Vol. bruit
1304 MERCURE DE FRANCE
bruit dans le monde , et qui , selon l'expression
d'un grand homme, annonce une révolution dans l'éducation des enfans.
Enfin il y a des Maîtres bien intentionnez , qui
feroient volontiers usage du Bureau s'ils en comprenoient le systême , mais ils s'en font d'abord une épouvantail et tâchent adroitement de
détourner les parens qui en voudroient faire l'expérience.
Je n'ai rien à dire contre la prudence de ces
Maîtres , si ce n'est qu'ils apprendroient facilement le systême , dès que sans prévention , et à
l'exemple des autres , ils en voudroient faire l'essai ; les enfans donneront aux Maîtres le temps
necessaire pour cette étude ; comme les Ecoliers
de certains Colleges , donnent aux Regens des
Basses classes, le temps de se rendre capables des
plus hautes. Le Maître apprendra le sistème Ty ,
pographique en le mostrant à l'enfant , après
avoir un peu raisonné et conferé avec quelque
Maître de Typographie , et après avoir vú travailler quelque Enfant sur la Table de son Bureau. Ce sera toujours un grand préjugé contre
un Précepteur s'il trouve pénible et difficile un
petit exercice d'enfant. Un Maître qui craint ce
petit travail , fait voir sans y prendre garde, qu'il
est occupé à chercher du pain , plutôt qu'à le
gagner.
On trouvera au surplus facilement de bons
Maîtres quand les parens connoîtront le prix de l'éducation , qu'ils ne regarderont pas un Precep
teur comme un simple domestique , indigne de manger à leur table , à propos de quoi il n'est
pas mal de rapporter ici ce que le Maréchal
de Villeroy dit autrefois à l'occasion d'un Prési- dent à Mortier, dont le fils ne mangeoit pomt
II. Vol. avec
JUIN 1732. 1305
avec son Précepteur : Je ne voudrois point , dit le
Maréchal , donner à mon fils un homme que je ne
croirois pas digne de manger à matable. Il est visible qu'un Maître , Précepteur , ou Gouverneur
qui ne mangera pas avec son Eleve , ei sera
bientôt méprisé. Enfin les parens trouveront un
bon Précepteur quand ils seront dans le dessein
de le dédommager du sacrifice qu'il aura fait de
sa liberté , de son tems , et de la meilleure partie de ses années.
D'où vient qu'on est si libéral à l'égard d'un
Cuisinier, envers un Maître de Musique et d'Ins- trument, à l'égard d'un Maître à Danser , même
avec un dresseur de Chiens , et qu'on leur donne
volontiers pour un seul mois la somme qu'on
marchande quelquefois pour six mois de simple
pédagogic
Doit- on être surpris après cela si les bons Précepteurs sont rares, et si l'on voit manquer tant
d'éducations. Je l'ai dit bien des fois , c'est souvent la faute des parens , des domestiques et des
Maîtres , plutôt que celle des enfans. Et c'est sur
cette matiere qu'on pourroit donner bien des gemissemens. Trop de gens pensent sur cet article commeM. G. Ce Regent suppose que le moindre
secours du plus petit Maître d'Ecole d'un Maître
d'unmédiocre sçavoir et d'une médiocre exaatitude;
que ce moindre secours suffit pour montrer
lire aux petits enfans.
כי Voici ce qu'on lit là- dessus , dans la Réponse,
du M. Perquis à un critique anonime. Jem'é3 tonne, M. que citant quelquefoisQuintilien quand
→ vous croyez qu'il vous estfavorable , vous n'ayez
» pas remarqué qu'il condamne ceux qui ne pren- nent d'abord que de petits Maîtres pour don-
"ner,disent-ils, les principes des sciences , au lieu
II.Vel C » de
1396 MERCURE DE FRANCE
3
9
??
de choisir les plus habiles , et d'imiter Philippe,
qui ne voulut pas permettre qu'un autre qu'Aristote montrat à lire à Alexandre , parce qu'il
étoit persuadé que la perfection dépendoit deces
» commencemens.Ne faut- il pas parler et raison-
» ner avec un petit enfant ? Or, pour me servir
de l'expression de M. le Févre , si le Maitre est
≫ unâne , que voulez-vous qu'un âne fasse , sinon
» un âne comme lui.S.Jérôme a fair la même remarque ,il pensoit autrement que vous , et le
moindre Lecteur s'appercevra que Philippe ,
Quintilien et S. Jérôme se seroient accommo
dez du Bureau Typographique , plutôt que de
so, voire A, Bé , Cé Vulgaire , et de votre Maitre
d'un médiocre sçavoir et d'une médiocre exactitude , ou enfin du moindre secours du plus petit- Maître d'Ecole.
"
33
Je repeterai encore ici que si on ne goute point
la Méthode du Bureau Typographique , je m'en
étonne , et que si on la goute , je m'en étonne de
même.
sur le Systeme du Bureau Typographique
et sur le choix d'un Précepteur, pour la
premiere éducation d'un Enfant.
Oici , Monsieur , une objection que l'on ne
m'auroit peut- être pas faite , si l'on avoit
pris la peine de lire attentivement les dernieres
Lettres sur le Systême du Bureau Typographi
que , et si l'on avoit un peu parcouru la Brochure qui se vend chez Pierre Witte , ruë S. Jacques,
à l'Ange Gardien , intitulée : Réponse de M. Perquis , Maitre de Philosophie , d'Humanitez et de
Typographie, à la Lettre d'un Professeur anonime
de l'Université de Paris , inserée dans le Mercure
du mois de Février 1731.
Si ce Sisteme , m'a- t'on dit , étoit aussi utile que vous le publiez depuis près de deux ans , lès
Parens et les Maîtres se feroient un plaisir et mê- me un devoir de le suivre pour la premiere institution des enfans de trois à sept et à huit ans ,
cependant les Maîtres sont effrayez à la vûë de cette Machine , et l'on dit que du grand nombre de personnes qui ont lû vos Lettres , qui ont en--
tendu parler de ce Sisteme , ou qui ont vu des Bureaux et même l'exercice de cette Méthode , il
y en a peu qui ayent mis leurs enfans aux Clas- IT. Vol
JUIN. 1732. 1295
ses du Bureau Typographique , il faut donc conclure , a-t'on poursuivi , que ce nouveau Sistême
n'est point aussi utile que vous le prétendez , ni
au-dessus de la Méthode vulgaire.
Voilà , Monsieur , ce que nos Critiques appellent une Démonstration , car ce mot est devenu aujourd'hui si commun , qu'on l'employe
hardiment pour les matieres les plus probléma- tiques ; vous trouvez des Ecrivains de parti ,
acharnez les uns contre les autres qui se flattent
d'avoir procedé à la maniere des Géometres dans
toutes leurs disputes , et l'on peut dire qu'en supposant la verité de leurs principes contestez, bien
des Auteurs , comme Spinosa , ont effectivement suivi la Méthode des Géometres. Venons au fait.-
pour
être
être
Pour répondre à cette prétendue Démonstration , je dis , 1 °. que les Maîtres vulgaires s'opposeront toujours à toutes les Méthodes qui feront:
connoître au Public leur ignorance ou leur pré--
vention , et que leur opposition aveugle et témeraire augmentera toujours le mépris dû à leurs
vaines déclamations. 2°. Qu'un sistème peut
fort utile et meilleur qu'un autre , sans obtenir
néanmoins la préference , parce qu'il ne suffit pas
qu'une chose soit bonne en elle- même recherchée , il faut encore que l'on soit persuadé
de cette bonté , et ce deffaut de persuasion qui
vient d'une infinité de causes , ne diminuë en rien
la bonté réelle de cette même chose. Un exemple
sensible rendra ce raisonnement plus clair. Que
diroit-on à un Chinois qui feroit cette difficulté ,
si une telle Loi , une telle Coutume , et une telle.
Religion , étoient les meilleures du monde , les
Souverains et les Peuples de la Terre se feroient
un plaisir et même un devoir de les pratiquer dèsqu'on leur en parleroit , cependant ils ne le font
II. Vol pase;
1296 MERCURE DE FRANCE
pas ; donc cette Loi , cette Coûtume et cette Religion , ne sont point les meilleures du monde. Le
Lecteur sensé et judicieux , n'a pas besoin qu'on
lui fasse voir la fausseté et le sophisme dans un
pareil raisonnement.
3. Je dis qu'aucun Journal n'a encore parlé
du Bureau Typographique , parce que les Lettres.
insérées dans les Mercures , n'ont encore été ni
affichées , ni mises en vente chez des Libraires.
Je dis que peu de gens lisent les Journaux, la plûpart même des Lecteurs passent les matieres ou
Ies Pieces qu'ils n'entendent point, et qu'ils trouvent toûjours trop longues , de même que celles
où ils ne prennent aucune part. Ceux qui ont lu les Lettres sur le sistème du Bureau , ou qui em
ont entendu parler , ne sont pas tous dans le cas
d'avoir de petits enfans , et quand ce peu de Lecteurs auroit excité la curiosité des autres , ce premier empressement est bien - tôt ralenti par le torrent des embarras du siecle , ou par le flux et
reflux de mille affaires domestiques, Tel Pere
avoit voulu d'abord donner un Bureau à ses enfans , qui ensuite en a été détourné par la mere.
trop œconome ou trop allarmée en fait d'éducation ; tels parens ont proposé l'experience du Bureau, qui en ont été détournez par les Précep
teurs ; c'est ainsi que beaucoup de gens, d'ailleurs
pleins de mérite et bien intentionnez , se laissent
quelquefois mener en aveugles.
4°. Je dis que de tous ceux qui ont vu le Bu
reau , il n'y a personne qui , du moins exterieument et en apparence , n'en ait reconnu l'utilités.
je ne dois pas même en excepter notre Critique.
M. G. quelque mal qu'il ait crû avoir interêt d'en
dire ailleurs. Le Bureau peut se vanter d'avoir à la Cour , à la Ville et dans les Provinces , un grand
II.. Vol. nombre.
JUIN 1732. 1297
nombre d'illustres Partisans dont le témoignage
autentique fera toujours mépriser les mauvaises critiques , malgré le mérite de leurs Auteurs, -
5. Je dis que quand il n'y auroit encore qu'u ne trentaine d'enfans de l'un ou de l'autre sexe
exercez par le sistème du Bureau , ce seroit toûjours beaucoup qu'en si peu de temps , malgré le préjugé vulgaire , malgré les affiches et les vaines.
promesses de plusieurs Charlatans en menuë Litterature , qui dégoutent et indisposent le Public
malgré les Critiques anonimes et celle de M. G.
malgré les calomnies et les faux rapports des
Maîtres et des Précepteurs prévenus ou passion
nez contre le sistème Typographique , ce seroit,
dis-je , toûjours beaucoup d'avoir autant d'enfans connus , exercez et montrez selon cette nouvelle
maniere d'enseigner les premiers élemens des
Lettres..
6º.Je dis que le préjugé , l'ignorance , la paresse,
L'indifference , l'interêt , l'envie et la mauvaisefoi ,
peuvent arrêter pour quelque temps les progrès du
Bureau Typographique ; et afin que mes Critiques
ne blâment point l'emploi de pareils termes , je.
leur déclare que par le mot préjugé , j'entens le ju- les Maîtres por- gement vague et indéterminé que tent par tradition et sans examen en faveur de la
Méthode vulgaire contre toutes les nouvelles
Méthodes ; les trois quarts des Maîtres , pour le
moins , sont dans ce préjugé et presque tous les
parens. Par le mot ignorance , j'entens la privation des connoissances grammaticales necessaires
pour l'intelligence de la doctrine typographique
ou des sons de la Langue Françoise et de la vraye dénomination des Lettres , pour la prompte et fa
cile sillabisation ; nos Critiques et bien d'autres
sont dans cette ignorance. Par le mot paresse ,
II.. Vel j'entens
1298 MERCURE DE FRANCE
j'entens l'aversion et l'éloignement qu'un Maître
fait souvent paroître quand il s'agit de travailler
avec un enfant; cela regarde le plus grand nombre des Précepteurs. Par indifference , j'entens le
caractere de certains Maîtres mercenaires , plus -
occupez , de pane lucrando , que de puero instiuendo. Par interêt , j'entens le motif de certains
Auteurs qui craignent mal à propos que le systême du Bureau ne nuise à la vente de leurs perites Brochures. Par envie, j'entens les sentimens
jaloux de ceux qui ne voudroient jouir que de
leur propre gloire , et même aux dépens de ce lle
des autres. Par mauvaisefoy, j'entens le caractere et le sentiment de ceux qui persuadez de la
bonté et de l'utilité du systême , cachent ce sentiment et agissent contre la vérité connue, poussez par diverses passions, qu'ils n'oseroient avoüer
devant les hommes, et qu'ils ont la malice d'entretenir devant Dieu. Tous ces injustes motifs de
critique , peuvent se rencontrer dans la même
personne ; on pourroit même les désigner , à lamauvais foy près , dont Dieu seul est le juge.
7°. Je dis que l'ortographe passagere dont on
a fait l'essai et dont on a rendu compte dans la
neuvième Lettre sur le sistême du Bureau , je dis
que cette ortographe passagere d'épfant et des
sons ou de l'oreille , peut avoir éloigné bien des
gens , du systême Typographique , ce que n'auroit peut- être pas fait l'ortographe permanente
d'homme , des yeux et de l'usage. Quoiqu'on cut
facilement prévu que cela pourroit arriver ainsi ,
on a été cependant obligé de suivre son Plan
pour mettre le Lecteur bien intentionné , au fait
des sons de la Langue , et en état de mieux juger
du systême ; et cela au hazard de déplaire aux
Lecteurs prévenus qu'on pourroit un peu comII. Vol. parer
JUIN. 1299 1732.
parer à celui qui aima mieux perdre la valeur d'une Lettre de Change , que d'en faire usage ,
malgré l'ortographe singuliere de cette Lettre ,
ou au malade qui refusa tout soulagement , faute
de parfaite guérison.
9
8. J'ajouterai que la saison de l'hyver , propre à faire Recruë de Soldats, ne l'est guere pour
celle des enfans du Bureau. Le froid en fait differer l'exercice , le Printems en paroît la premiere
saison ; outre cela les objets frivoles qu'on donne ordinairement pour étrennes aux petits enfans
dans le commencement de l'année , les occupent
si fort , qu'il seroit pour lors assez inutile de leur
donner un Bureau. Les parens , les amis , les domestiques, tous à l'envi , présentent à l'enfant
bien des niaiseries, plus nuisibles que profitables.
Une Classe de Bureau pour étrennes amuseroit et
instruiroit l'enfant ; mais les parens en general
aiment mieux se prêter au torrent du préjugé
vulgaire,et ausystême ou au jeu des Marionettes,
dont ils font souvent eux-mêmes leur amusement.
9. Oserois- je dire que le prix d'un Bureau
arrête bien des gens riches , dans l'esprit desquels l'argent tient souvent la place de fils aîné
et quelquefois celle de fils unique , même à la
vue d'une nombreuse famille. Dix Pistoles pour
la suite des quatre Classes du Bureau peuvent pa-- roître une somme non seulement à de riches
Bourgeois , mais encore à certaines personnes qui
ne dépensent guere moins de cent francs par jour
pour leur table et pour leur écurie. C'est aux
parens à s'examiner là- dessus devant Dieu et devant les hommes.
,
10°. Il faut convenir que la disette des Maîtres qui veuillent s'asservir au systême du Buseau , en arrétera toûjours les progrès ; mais
II. Vol.
c'est
1300 MERCURE DE FRANCE
c'est faute d'entendre leur véritable interêt qu'ils
refusent d'apprendre et de pratiquer cette métho
de. Elle les feroit rechercher et préferer aux
Maîtres vulgaires ; enfin elle assureroit aux Maîtres externes un nombre de meilleures Maisons
et donneroit aux Précepteurs le choix des meilleurs Elèves. Je dois ajouter icy qu'un mois de
Leçons tipographiques , mettra facilement une
Gouvernante , un Domestique en état de montrer les premieres Classes du Bureau , en atten- dant que l'on donne à l'enfant un Précepteur, ou
bien un Maître -externe.
Q
11 Pour derniere réponse, je donnerai à mon
tour un argument qu'on pourra opposer à celui
de nos critiques. Le voici : Si les Professeurs , les
Régens , les Préfets , ni les Maîtres ne peuvent
pas détruire les preuves qui font voir les avan
tages du Bureau typographique sur la Méthode
vulgaire ; il faut conclure en faveur du Bureau.
Or est-il que ces MM) n'ont pu jusqu'icy prouver l'infériorité du Bureau , ni la supériorité de
la Méthode vulgaire ; donc en faveur de la verité , et pour le bien de la cause des enfans , on
peut, par provision et hardiment predire que les Maîtres ne viendront jamais à bout de prouver l'excellence de leur Méthode vulgaire, contre
celle du Bureau. On doit donc aussi conclure en
faveur du Bureau , contre les mauvaises critiques, C'est au Public à décider , en attendant le
jugement des Commissaires que l'Université de
Paris, et les Académies pourroient nommer dans
la suite , pour l'examen de ce systême.
Je conclus, après toutes ces réfléxions, que les
parens bien intentionnez et curieux de trouver un
bon Précepteur pour leurs petits enfans , ne sauroient mieux faire que de l'éprouver , par le
1. Vel. moyen
JUIN. 1732. 1301
moïen du Bureau tipographyque ; ce sera la
vraie Pierre de touche , en fait de Pédagogie , er l'on peut assurer , sans témérité, que tout Maître
qui refusera aux parens de suivre la Méthode du
Bureau , pour un enfant de trois à sept et à huit
ans , donnera contre lui des préjugez suffisans
pour le refuser lui- même ; et l'on voit par là
que l'épreuve du Maître par celle du Bureau, sera
toujours d'une grande utilité et d'un grand secours pour les parens capables ou incapables de
faire par eux-mêmes choix d'un bon Maître,
>
Les Précepteurs qui refuseront de suivre le systême du Bureau , aux parens qui le leur propos seront , seront obligez de dire pourquoi ? Or ces
Précepteurs , ou ils connoissent le Bureau , ou ils
ne le connoissent pas ; s'ils ne le connoissent
point , et que sans examen ils refusent d'en
faire usage , ils se rendront suspects de préjugé ,
ou d'ignorance , ou de paresse , ou d'indifference; qualitez suffisantes pour refuser ces Précepteurs , dans la plupart desquels on trouvera ordinairement un esprit vain , superficiel , aigre,
indocile , impatient ; un esprit mercenaire , qui
fuit la peine , qui craint le travail , et sur tout
qui redoute l'examen.
Si les Précepteurs au contraire , en refusant absolument de suivre la Méthode du Bureau tipographyque , disent que c'est par connoissance
de cause ; il est juste de les entendre et de répondie à leurs difficultez; ce sera là un des plus surs moyens pour juger de leur maniere de penser , de
parler , et de raisonner. Qualitez rares mais essentielles pour la bonne et la noble éducation.
Cette opposition , d'ailleurs soutenuë de bonne
foy et avec quelque apparence de fondement, ne
peut que faire honneur à l'adversaire , qui se dé11. Vol. clarera
302 MERCURE DE FRANCE
4
clarera contre le systême du Bureau , sans - renoncer à un plus grand examen de cette Methode , ni au dessein de la suivre ; supposé qu'elle se
trouvât la meilleure, L'Auteur , au reste offre
d'intervenir avec plaisir , dans le differend , lorsque les parens témoigneront le désirer , pour le bien de leurs enfans et de la cause publique.
›
Mais si le Maîrre, simple latiniste, plein de luimême, se trouve un esprit faux , incapable de
justesse dans le raisonnement , un esprit sans méthode , enfin un esprit qui ne voye que par les
yeux du préjugé vulgaire , et qui sans vouloir raisonner, soûtienne obstinément que le systême
du Bureau est frivole ; il sera aisé de s'appercevoir qu'un tel caractere n'est pas le meilleur que
l'on puisse désirer pour élever un enfant , et c'est
un grand avantage que de pouvoir s'en assurer
dès le premier jour , sans s'exposer si souvent
à essayer de nouveaux Précepteurs ; car ce frequent changement de Maître , est ordinairement
un obstacle à l'avancement de l'enfant , et le Bureau préviendra quelquefois cetinconvenient.
Les parens qui aiment à se déterminer par rai.
son plutôt que par coutume, remarqueront bientôt dans le monde que les partisans du Bureau
sont ordinairementou personnes d'ordre ou gens
d'esprit Philosophique , aimant le bien public ;
et qu'au contraire ceux qui se déclarent contre le
Bureau ne sont que de simples latinistes , tres- indifferens sur le bien et le mieux , et la plupart incapables d'analiser les idées et de suivre.
avec honneur , le moindre raisonnement. Or si
la chose est , comme j'ose le dire, et comme chacun peut s'en convaincre lui-même , avec les critiques qu'il trouvera dans son chemin ; n'est-ce
pas un grand avantage pour les dignes parens es
D
JUIN. 1732.
1303
pour le public d'avoir un moyen si simple et si
propre à développer l'intérieur des Maîtres les plus dissimulez , qui se présenteront pour la pre- miere institution de l'enfance.
Je ne prétens pas , au reste , conclure qu'un
Maître qui offre de se soumettre au systême du
Bureau devienne par-là et sur le champ un bon
Précepteur ; mais je veux seulement dire qu'entre deux hommes de Lettres , à peu près d'égale réputation , en fait de Pédagogie, on doit toujours préferer l'esprit doux , docile , bien intentionné,
méthodique, qui se prétera volontiers et sans répugnance à l'exercice du Bureau, et qui en hom- me d'honneur et de bien , par ses discours et par
sa complaisance litteraire,prouvera qu'il ne craint
pas le travail , et qu'il est capable d'affection et d'attachement pour l'enfant dont on veut bien
d'abord lui confier la premiere éducation,
5
On pourra aussi trouver des Maîtres d'ailleurs
tres-capables , qui pleins d'eux- mêmes et de la Méthode vulgaire , diront qu'il est possible que
le Bureau soit bon et utile , mais que leur répu- tation étant faite , ils n'ont pas besoin d'entrer
dans le détail de ce systême, et qu'ils s'en tiennent à leur maniere d'enseigner , sans vouloir
être remis à l'A , Bé, Cé Tipographyque. Or ne
peut-on pas encore dire , sans témérité , que ces Maîtres , quelque habiles qu'ils soient dans le
Grec et dans le Latin ; que ces Maîtres , dis-je ,
en craignant la peine et le travail , donnent parlà contr'eux, des préjugez suffisans pour leur refuser la préférence sur les autres Maîtres ? Car
c'est déja un grand préjugé contre un Précep- teur que de vouloir d'abord canoniser son indifference, sa paresse , et son peu de goût litteraire ,
en refusant de lire une Méthode qui fait quelque
11. Vol. bruit
1304 MERCURE DE FRANCE
bruit dans le monde , et qui , selon l'expression
d'un grand homme, annonce une révolution dans l'éducation des enfans.
Enfin il y a des Maîtres bien intentionnez , qui
feroient volontiers usage du Bureau s'ils en comprenoient le systême , mais ils s'en font d'abord une épouvantail et tâchent adroitement de
détourner les parens qui en voudroient faire l'expérience.
Je n'ai rien à dire contre la prudence de ces
Maîtres , si ce n'est qu'ils apprendroient facilement le systême , dès que sans prévention , et à
l'exemple des autres , ils en voudroient faire l'essai ; les enfans donneront aux Maîtres le temps
necessaire pour cette étude ; comme les Ecoliers
de certains Colleges , donnent aux Regens des
Basses classes, le temps de se rendre capables des
plus hautes. Le Maître apprendra le sistème Ty ,
pographique en le mostrant à l'enfant , après
avoir un peu raisonné et conferé avec quelque
Maître de Typographie , et après avoir vú travailler quelque Enfant sur la Table de son Bureau. Ce sera toujours un grand préjugé contre
un Précepteur s'il trouve pénible et difficile un
petit exercice d'enfant. Un Maître qui craint ce
petit travail , fait voir sans y prendre garde, qu'il
est occupé à chercher du pain , plutôt qu'à le
gagner.
On trouvera au surplus facilement de bons
Maîtres quand les parens connoîtront le prix de l'éducation , qu'ils ne regarderont pas un Precep
teur comme un simple domestique , indigne de manger à leur table , à propos de quoi il n'est
pas mal de rapporter ici ce que le Maréchal
de Villeroy dit autrefois à l'occasion d'un Prési- dent à Mortier, dont le fils ne mangeoit pomt
II. Vol. avec
JUIN 1732. 1305
avec son Précepteur : Je ne voudrois point , dit le
Maréchal , donner à mon fils un homme que je ne
croirois pas digne de manger à matable. Il est visible qu'un Maître , Précepteur , ou Gouverneur
qui ne mangera pas avec son Eleve , ei sera
bientôt méprisé. Enfin les parens trouveront un
bon Précepteur quand ils seront dans le dessein
de le dédommager du sacrifice qu'il aura fait de
sa liberté , de son tems , et de la meilleure partie de ses années.
D'où vient qu'on est si libéral à l'égard d'un
Cuisinier, envers un Maître de Musique et d'Ins- trument, à l'égard d'un Maître à Danser , même
avec un dresseur de Chiens , et qu'on leur donne
volontiers pour un seul mois la somme qu'on
marchande quelquefois pour six mois de simple
pédagogic
Doit- on être surpris après cela si les bons Précepteurs sont rares, et si l'on voit manquer tant
d'éducations. Je l'ai dit bien des fois , c'est souvent la faute des parens , des domestiques et des
Maîtres , plutôt que celle des enfans. Et c'est sur
cette matiere qu'on pourroit donner bien des gemissemens. Trop de gens pensent sur cet article commeM. G. Ce Regent suppose que le moindre
secours du plus petit Maître d'Ecole d'un Maître
d'unmédiocre sçavoir et d'une médiocre exaatitude;
que ce moindre secours suffit pour montrer
lire aux petits enfans.
כי Voici ce qu'on lit là- dessus , dans la Réponse,
du M. Perquis à un critique anonime. Jem'é3 tonne, M. que citant quelquefoisQuintilien quand
→ vous croyez qu'il vous estfavorable , vous n'ayez
» pas remarqué qu'il condamne ceux qui ne pren- nent d'abord que de petits Maîtres pour don-
"ner,disent-ils, les principes des sciences , au lieu
II.Vel C » de
1396 MERCURE DE FRANCE
3
9
??
de choisir les plus habiles , et d'imiter Philippe,
qui ne voulut pas permettre qu'un autre qu'Aristote montrat à lire à Alexandre , parce qu'il
étoit persuadé que la perfection dépendoit deces
» commencemens.Ne faut- il pas parler et raison-
» ner avec un petit enfant ? Or, pour me servir
de l'expression de M. le Févre , si le Maitre est
≫ unâne , que voulez-vous qu'un âne fasse , sinon
» un âne comme lui.S.Jérôme a fair la même remarque ,il pensoit autrement que vous , et le
moindre Lecteur s'appercevra que Philippe ,
Quintilien et S. Jérôme se seroient accommo
dez du Bureau Typographique , plutôt que de
so, voire A, Bé , Cé Vulgaire , et de votre Maitre
d'un médiocre sçavoir et d'une médiocre exactitude , ou enfin du moindre secours du plus petit- Maître d'Ecole.
"
33
Je repeterai encore ici que si on ne goute point
la Méthode du Bureau Typographique , je m'en
étonne , et que si on la goute , je m'en étonne de
même.
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Résumé : QUATORZIÈME LETTRE sur le Systeme du Bureau Typographique et sur le choix d'un Précepteur, pour la premiere éducation d'un Enfant.
La quatorzième lettre aborde le système du Bureau Typographique et le choix d'un précepteur pour l'éducation des jeunes enfants. L'auteur répond à une objection selon laquelle, si ce système était aussi utile que prétendu, plus de parents et de maîtres l'adopteraient. Il explique que les maîtres s'opposent souvent aux nouvelles méthodes par ignorance ou prévention. La bonté d'un système ne dépend pas seulement de sa qualité intrinsèque, mais aussi de la persuasion des gens quant à cette bonté. L'auteur mentionne que peu de journaux ont parlé du Bureau Typographique, car les lettres insérées dans les Mercures n'ont pas été largement diffusées. De plus, beaucoup de lecteurs ne lisent pas les journaux ou passent les sujets qu'ils ne comprennent pas. Ceux qui ont vu le Bureau en ont reconnu l'utilité, y compris les critiques. Cependant, des facteurs comme le préjugé, l'ignorance, la paresse, l'indifférence, l'intérêt, l'envie et la mauvaise foi peuvent freiner les progrès du système. L'auteur ajoute que l'orthographe passagère utilisée dans les lettres pourrait avoir éloigné certains lecteurs. Il note également que la saison hivernale n'est pas propice à l'enseignement avec le Bureau Typographique, et que le prix de ce dernier peut dissuader certains parents. La disette de maîtres formés à ce système en freine également l'adoption. Le texte distingue deux types de précepteurs : ceux qui refusent la méthode par connaissance de cause et ceux qui la rejettent par orgueil ou paresse. Les premiers méritent d'être entendus et peuvent contribuer à un débat constructif. Les seconds sont décrits comme des latinistes simples, incapables de raisonnement juste et méthodique, et leur caractère est jugé inapproprié pour l'éducation des enfants. Les parents sont encouragés à observer les partisans du Bureau, souvent des personnes d'ordre ou des philosophes, et à éviter ceux qui s'y opposent par indifférence ou incapacité. Il est souligné l'importance de choisir des précepteurs dociles, méthodiques et bien intentionnés, capables de s'adapter à la méthode du Bureau. Les maîtres réticents à adopter la méthode sont invités à l'étudier pour le bien des enfants. Le texte critique la sous-estimation des précepteurs par les parents, comparée à la générosité accordée à d'autres professionnels comme les cuisiniers ou les maîtres de danse. Enfin, il rappelle l'importance de choisir des précepteurs compétents dès le début de l'éducation, citant des autorités comme Quintilien, Philippe et Jérôme, qui prônaient l'excellence dès les premiers apprentissages.
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89
p. 1802-1803
Nouveau Lexicon Medicum, &c. [titre d'après la table]
Début :
Les Nouvelles Litteraires d'Hollande nous apprennent qu'on y va donner incessamment [...]
Mots clefs :
Lexicon Medicum, Médecine, Définitions, Étymologie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouveau Lexicon Medicum, &c. [titre d'après la table]
Les Nouvelles Litteraires d'Hollande
nous apprennent qu'on y va donner incessamment un Ouvrage considérable ,
qui ne sçauroit manquer d'être bien reçû
du public. C'est un Lexicon Medicum
dont on manquoit en Medecine On s'étoit contentéjusqu'icy des définitions des
Maladies de Gorræus , de l'Oeconomie
d'Hippocrate , par Foesius , en forme de
Léxicon. Le petit Lexicon Medicum , de
Blanchard , Grec et Latin , ne laissoit pas
d'avoir son utilité ; mais l'ouvrage qu'on
nous promet , semble devoir épuiser la
matiere Mrs Theod. Tronchin et Louis
de Neuville , Docteurs en Médecine , travaillent à l'Edition de cet Ouvrage. Ces
M" promettent d'y comprendre generalement tous les termes qui concernent la
Médecine , soit dans la Thore , soit dans
la Pratique , l'Anatomie , la Chirurgie
la Chymie , les Méchiniques , la Pharmacie , la Botanique, l'Histoire naturelle,
&c. Le tout tiré des meilleurs Auteurs
de chaque Nation , tant Anciens que Modernes.
Ony donnera
en même
-temps
l'éthymologie
et les
differentes
significations
des
mots
Grecs
, avec
l'interprétation
des
termes
Latins
, Anglois
, Flamans
, François
, Allemands
et Italiens
.
On
AOUST. 1732. 18031
On y trouvera de plus les noms des
Médicamens, tant simples que composez ;
comme aussi des Planches gravées, de toutes les Parties du Corps Humain , suivant
les nouvelles découvertes des plus habiles Anatomistes ; les différens caracteres
dont on se sert en Médecine et en Chymie , avec leurs explications ; et à la fin ,
une Table des matiéres très- ample. C'est
l'idée qu'on donne de cet Ouvrage, par le
Projet, imprimé à Amsterdam , chez R.et
J. Westeins , et G. Smith. 1732. in 4º.
On avoit déja donné le titre de ce Lexicon , il y a plus de six mois , dans le 7 .
tome, premiere Partie, de la Bibliotheque
Raisonnée ; ce qui n'a pas empêché M.
Jean Philippe Burggrave le jeune , Medecin à Francfort , sur le Maine , de pu
blier presqu'en même-temps , un Projet à
peu près semblable. Si ces Mrs tiennent
leur parole,au lieu d'un Lexicon Medicum,
le public en aura deux. Un Sujet de cette importance ne sçauroit être trop discuté.
nous apprennent qu'on y va donner incessamment un Ouvrage considérable ,
qui ne sçauroit manquer d'être bien reçû
du public. C'est un Lexicon Medicum
dont on manquoit en Medecine On s'étoit contentéjusqu'icy des définitions des
Maladies de Gorræus , de l'Oeconomie
d'Hippocrate , par Foesius , en forme de
Léxicon. Le petit Lexicon Medicum , de
Blanchard , Grec et Latin , ne laissoit pas
d'avoir son utilité ; mais l'ouvrage qu'on
nous promet , semble devoir épuiser la
matiere Mrs Theod. Tronchin et Louis
de Neuville , Docteurs en Médecine , travaillent à l'Edition de cet Ouvrage. Ces
M" promettent d'y comprendre generalement tous les termes qui concernent la
Médecine , soit dans la Thore , soit dans
la Pratique , l'Anatomie , la Chirurgie
la Chymie , les Méchiniques , la Pharmacie , la Botanique, l'Histoire naturelle,
&c. Le tout tiré des meilleurs Auteurs
de chaque Nation , tant Anciens que Modernes.
Ony donnera
en même
-temps
l'éthymologie
et les
differentes
significations
des
mots
Grecs
, avec
l'interprétation
des
termes
Latins
, Anglois
, Flamans
, François
, Allemands
et Italiens
.
On
AOUST. 1732. 18031
On y trouvera de plus les noms des
Médicamens, tant simples que composez ;
comme aussi des Planches gravées, de toutes les Parties du Corps Humain , suivant
les nouvelles découvertes des plus habiles Anatomistes ; les différens caracteres
dont on se sert en Médecine et en Chymie , avec leurs explications ; et à la fin ,
une Table des matiéres très- ample. C'est
l'idée qu'on donne de cet Ouvrage, par le
Projet, imprimé à Amsterdam , chez R.et
J. Westeins , et G. Smith. 1732. in 4º.
On avoit déja donné le titre de ce Lexicon , il y a plus de six mois , dans le 7 .
tome, premiere Partie, de la Bibliotheque
Raisonnée ; ce qui n'a pas empêché M.
Jean Philippe Burggrave le jeune , Medecin à Francfort , sur le Maine , de pu
blier presqu'en même-temps , un Projet à
peu près semblable. Si ces Mrs tiennent
leur parole,au lieu d'un Lexicon Medicum,
le public en aura deux. Un Sujet de cette importance ne sçauroit être trop discuté.
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Résumé : Nouveau Lexicon Medicum, &c. [titre d'après la table]
Les Nouvelles Littéraires d'Hollande annoncent la publication prochaine du Lexicon Medicum, un ouvrage majeur en médecine. Jusqu'alors, les médecins utilisaient les définitions de Gorræus, l'Oeconomie d'Hippocrate par Foesius, et le petit Lexicon Medicum de Blanchard. Le Lexicon Medicum, édité par Théodore Tronchin et Louis de Neuville, vise à être exhaustif en couvrant la médecine théorique et pratique, l'anatomie, la chirurgie, la chimie, les mécaniques, la pharmacie, la botanique et l'histoire naturelle. Il inclura l'étymologie et les significations des mots grecs, ainsi que les interprétations en latin, anglais, flamand, français, allemand et italien. L'ouvrage comprendra les noms des médicaments, des planches anatomiques, les caractères médicaux et chimiques, et une table des matières détaillée. Le projet a été imprimé à Amsterdam en 1732. Parallèlement, Jean Philippe Burggrave a publié un projet similaire, ce qui pourrait aboutir à la publication de deux lexiques médicaux.
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90
p. 2142-2144
LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
Début :
En relisant, Monsieur, le Mercure du mois de mai dernier, j'ai fait attention [...]
Mots clefs :
Orléanais, Guespin, Ville des Gaules
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
LETTRE écrite de Marseille le 3. Sepau sujet du mot de Guespin tembre
attribué aux Orleanois.
E
N relisant , Monsieur , le Mercure du
mois de mai dernier , j'ai fait attention à une petite Dissertation , faite par
M. P. au sujet du mot de Guespin , qu'on
donne aux Orléanois. Quelque sçavant
que m'ait parû son Ouvrage , je n'ai pas
laissé de m'appercevoir qu'il n'avoit pour
fondement qu'une erreur populaire, à laquel1
OCTOBRE. 1732. 2143
quelle je m'étonne qu'un homme versé
comme lui dans l'Antiquité soumette si
facilement son jugement ; il ne devroit
pas, ce me semble, ignorer qu'Orleans est
une des plus anciennes Villes des Gaules ,
fondée par une Colonie Grecque sortie
des environs de l'Epire , 250. ans après la
destruction de Troyes; et comme dans ces
tems là les Grecs étoient les seuls Peuples
addonnez aux Sciences , ils firent par leur
nouvelle Colonie, d'Orleans, la plus sçavante Ville des Gaules. On remarqubit
dans ses habitans un certain génie vif et
brillant , qu'on ne distinguoit point dans
les autres Gaulois : aussi leur donna- t'on
dès lors le nom de Guespos , qui en Grec
signifie ( comme il est facile de le voir )
Pierre brillante , c'étoit une espece de
caillou transparant qui se trouvoit aux
environs de l'Epire , et qui a long - tems
decoré les Temples des Grecs. Ce nom
leur est resté depuis , et par corruption
de langage a été changé en celui de Guespin.
Je n'ignore pas que ce même mot entraîne une autre idée , que quelques ignorans lui ont donnée , par rapport à une
sorte de Mouche appellée Guespe , dont
la piqueure est mauvaise. Je pardonnetois à tout autre qu'à un Orleanois éclaiτέ
2144 MERCURE DE FRANCE
ré , de donner dans une idée si grossiere ;
la franchise qu'il affecte dahs son Ecrit
n'est , ce me semble , qu'un voile dont
il couvre adroitement sa négligence pour
la recherche de la verité.
Au reste , les qualitez qu'il attribuë
aux Orleanois sont très- bien fondées , et
à l'exception du génie mordant , dont il
prétend les taxer pour autoriser son explication , je n'y trouve rien que de conforme aux sentimens de tous les Etrangers
qui les connoissent . J'ai l'honneur d'être , &c.
V. D. G.
attribué aux Orleanois.
E
N relisant , Monsieur , le Mercure du
mois de mai dernier , j'ai fait attention à une petite Dissertation , faite par
M. P. au sujet du mot de Guespin , qu'on
donne aux Orléanois. Quelque sçavant
que m'ait parû son Ouvrage , je n'ai pas
laissé de m'appercevoir qu'il n'avoit pour
fondement qu'une erreur populaire, à laquel1
OCTOBRE. 1732. 2143
quelle je m'étonne qu'un homme versé
comme lui dans l'Antiquité soumette si
facilement son jugement ; il ne devroit
pas, ce me semble, ignorer qu'Orleans est
une des plus anciennes Villes des Gaules ,
fondée par une Colonie Grecque sortie
des environs de l'Epire , 250. ans après la
destruction de Troyes; et comme dans ces
tems là les Grecs étoient les seuls Peuples
addonnez aux Sciences , ils firent par leur
nouvelle Colonie, d'Orleans, la plus sçavante Ville des Gaules. On remarqubit
dans ses habitans un certain génie vif et
brillant , qu'on ne distinguoit point dans
les autres Gaulois : aussi leur donna- t'on
dès lors le nom de Guespos , qui en Grec
signifie ( comme il est facile de le voir )
Pierre brillante , c'étoit une espece de
caillou transparant qui se trouvoit aux
environs de l'Epire , et qui a long - tems
decoré les Temples des Grecs. Ce nom
leur est resté depuis , et par corruption
de langage a été changé en celui de Guespin.
Je n'ignore pas que ce même mot entraîne une autre idée , que quelques ignorans lui ont donnée , par rapport à une
sorte de Mouche appellée Guespe , dont
la piqueure est mauvaise. Je pardonnetois à tout autre qu'à un Orleanois éclaiτέ
2144 MERCURE DE FRANCE
ré , de donner dans une idée si grossiere ;
la franchise qu'il affecte dahs son Ecrit
n'est , ce me semble , qu'un voile dont
il couvre adroitement sa négligence pour
la recherche de la verité.
Au reste , les qualitez qu'il attribuë
aux Orleanois sont très- bien fondées , et
à l'exception du génie mordant , dont il
prétend les taxer pour autoriser son explication , je n'y trouve rien que de conforme aux sentimens de tous les Etrangers
qui les connoissent . J'ai l'honneur d'être , &c.
V. D. G.
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Résumé : LETTRE écrite de Marseille le 3. Septembre, au sujet du mot de Guespin attribué aux Orleanois.
La lettre, datée du 3 septembre et écrite à Marseille, aborde le terme 'Guespin' attribué aux habitants d'Orléans. L'auteur conteste une dissertation de M. P. publiée dans le Mercure de mai, qui repose sur une erreur populaire. Il affirme qu'Orléans est l'une des plus anciennes villes des Gaules, fondée par une colonie grecque venue des environs de l'Épire, 250 ans après la destruction de Troie. Les Grecs, alors les seuls peuples savants, firent d'Orléans une ville érudite. Les Orléanois étaient réputés pour leur esprit vif et brillant, ce qui leur valut le nom de 'Guespos', signifiant 'Pierre brillante' en grec. Ce nom a évolué en 'Guespin' par corruption linguistique. L'auteur rejette l'idée que 'Guespin' soit lié à une mouche, comme le suggèrent certains. Il conclut que les qualités attribuées aux Orléanois par M. P. sont bien fondées, sauf le génie mordant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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91
p. 2209-2210
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
Début :
Nous avons vû ici, Monsieur, avec plaisir et reconnoissance l'annonce [...]
Mots clefs :
Collège des enfants de langues, Traductions, Langues orientales
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris ;
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues , sur diverses Traductions.
N
pl
vâ Ous avons vu ici , Monsieur , avec
plaisir et reconnoissance l'anonce
faite dans l'un des Mercures de l'année
1731. de la Traduction Françoise de deux
Ouvrages Orientaux ; fruits de l'applica
tion des jeunes gens de notre Nation, qui
étudient les Langues dans le College dont
nous avons la direction. Depuis ce temslà , la même Jeunesse a donné plusieurs
autres Traductions d'Ouvrages estimez
lesquelles ont été envoyées en France à
Monseigneur le Comte de Maurepas , et
dont nous vous prions de vouloir bien.
publier la liste ci-jointe. Il est bon que le
Public n'ignore pas ce que nous faisons
dans ce pays éloigné sous la puissante protection du Roi , et pour le bien du servi
ce de S. M. l'institution de ce College
n'ayant point d'autre but que celui- là.
J'ai envoyé en même tems que ces
Traductions tous les Mémoires que j'ai
crû nécessaires pour l'éclaircissement du
Projet de mon Dictionnaire en sept Langues
420 MERCURE DE FRANCE
gues , dont M. l'Ambassadeur a bien vouJu depuis proposer l'impression. Sice Pro
jet réussit , comme je commence de l'esperer , son éxécution procurera un grand
avantage à tous ceux qui s'appliquent à
l'étude des Langues Orientales. L'Allemagne a la gloire d'en avoir donné un
qui commence par le Turc , mais on a
toujours souhaité depuis qu'on en produisit un autre qui commençât par le
François. Celui que j'ai anoncé et dont
vous avez publié l'essai dans votre Jour
nal , imprimé dans la nouvelle Imprimerie de cette Ville , aura tous les avantages qu'on peut souhaiter , et sera utile à
notre Nation et à la Litterature en gé néral.
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues , sur diverses Traductions.
N
pl
vâ Ous avons vu ici , Monsieur , avec
plaisir et reconnoissance l'anonce
faite dans l'un des Mercures de l'année
1731. de la Traduction Françoise de deux
Ouvrages Orientaux ; fruits de l'applica
tion des jeunes gens de notre Nation, qui
étudient les Langues dans le College dont
nous avons la direction. Depuis ce temslà , la même Jeunesse a donné plusieurs
autres Traductions d'Ouvrages estimez
lesquelles ont été envoyées en France à
Monseigneur le Comte de Maurepas , et
dont nous vous prions de vouloir bien.
publier la liste ci-jointe. Il est bon que le
Public n'ignore pas ce que nous faisons
dans ce pays éloigné sous la puissante protection du Roi , et pour le bien du servi
ce de S. M. l'institution de ce College
n'ayant point d'autre but que celui- là.
J'ai envoyé en même tems que ces
Traductions tous les Mémoires que j'ai
crû nécessaires pour l'éclaircissement du
Projet de mon Dictionnaire en sept Langues
420 MERCURE DE FRANCE
gues , dont M. l'Ambassadeur a bien vouJu depuis proposer l'impression. Sice Pro
jet réussit , comme je commence de l'esperer , son éxécution procurera un grand
avantage à tous ceux qui s'appliquent à
l'étude des Langues Orientales. L'Allemagne a la gloire d'en avoir donné un
qui commence par le Turc , mais on a
toujours souhaité depuis qu'on en produisit un autre qui commençât par le
François. Celui que j'ai anoncé et dont
vous avez publié l'essai dans votre Jour
nal , imprimé dans la nouvelle Imprimerie de cette Ville , aura tous les avantages qu'on peut souhaiter , et sera utile à
notre Nation et à la Litterature en gé néral.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions.
Le Père Romain de Paris, capucin et conseiller des Missions de Grèce, écrit depuis Constantinople pour signaler la traduction française de deux ouvrages orientaux réalisée par des étudiants du Collège des Enfants de Langues. Depuis 1731, ces étudiants ont traduit plusieurs ouvrages estimés, envoyés en France à Monseigneur le Comte de Maurepas. Le Père Romain souhaite informer le public des activités du Collège, qui vise à servir le roi et à promouvoir l'étude des langues orientales. Il a également envoyé des mémoires détaillant son projet de dictionnaire en sept langues, soutenu par l'ambassadeur. Ce dictionnaire, commençant par le français, offrira des avantages pour l'étude des langues orientales, contrairement à celui existant en Allemagne qui commence par le turc. Un essai du projet a déjà été publié, et celui-ci sera bénéfique pour la nation et la littérature en général.
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92
p. 2210-2213
TRADUCTIONS faites dans le College des Enfans, ou Jeunes de Langues de France, par les soins et sous la direction du R. P. -Romain de Paris, jusqu'au mois de Décembre 1731.
Début :
Le Pendattar, ou Instructions et Conseils à un Prince pour bien se gouverner [...]
Mots clefs :
Traductions, Collège des enfants, Jeunes de langues, Ouvrages, Langue turque, Grammaire Turque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTIONS faites dans le College des Enfans, ou Jeunes de Langues de France, par les soins et sous la direction du R. P. -Romain de Paris, jusqu'au mois de Décembre 1731.
TRADUCTIONS faites dans le College
des Enfans , ou Jeunes de Langues de
France , par les soins et sous la direction
du R. P. Romain de Paris , jusqu'au mois
de Décembre 1731.
L
E Pendattar , ou Instructions et Conseils à un Prince pour se bien gou
verner dans l'administration de ses Etats,
avec des Remarques et des Notes curieuses pour une plus facile intelligence de
cette Traduction , faite par le sieur Șiel1
ve ,
OCTOBRE. 1732. 2211
ve , à présent Interprete du Roi à Alep.
Instruction d'un Pere à ses enfans , traduite par le sieur de Latine , Interprete
au Caire.
Histoire du dernier Siége de Vienne ,
par Kara Mustafa , Gr. Vizir , traduit par
le même.
Avanture extraordinaire , arrivée à Scutary , à un certain Yaya Tcheleby, Corroyeur de Constantinople , traduite
te sieur Legrand.
par
Histoire du Siége de Canize en Hongrie,
par les Allemands , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de Fiennes , Interprete du Roi à la Cour.
Histoire d'Achraseb , Roi de Scythie ',
traduite par M. Imbault.
Conte Turc, intitulé Temim Davi , traduit par le sieur Galland.
Conquêtes des Turcs dans la Mer blanche , depuis l'établissement de leur Monarchie jusqu'à Khaireddin Pacha
Barberousse , Ouvrage traduit
*Roques.
ou
par le sieur
le
Histoire extraordinaire de Selim de
Vasite , Ville de Chaldée , traduite par
sieur Berault.
Histoire des dernieres Révolutions de
Perse , imprimées en Turc à Constantinople,
211 MERCURE DE FRANCE
ple , traduite par le sieur Choquet.
Tous ces Ouvrages sont écrits en Langue Turque , et les Traducteurs sont actuellement , ou ont été du College des
Enfans François , ou Jeunes de Langues,
établi à Constantinople aux dépens et
sous la protection du Roi.
*
L'occasion et la confirmité du sujet nous
engageroient de dire ici quelque chose
de la Grammaire Turque , &c. imprimée à
Constantinople , vol. in 4. 1730. de 194.
pages , dont nous avons reçû presqu'en
même- tems un Exemplaire ; si Mrs les
Auteurs du Journal des Sçavans n'avoient déja rendu de cet Ouvrage un
compte très- éxact dans le mois de Mai
dernier , l'article est curieux , et mérite
d'être lû. Nous nous contenterons de
nommer l'Auteur principal de cette Grammaire ; sçavoir , le R. P. Olderman , Jésuite Allemand, lequel a eu pour Adjoint
Ibrahim Effendi, Hongrois , Directeur de
la nouvelle Imprimerie. Nous nous sommes apperçus dans la sixième partie de
cette Grammaire , contenant un Recueil
des Noms et des Verbes , &c. de la sterilité de la Langue Turque , et des emprunts qu'elle a faits dans les Langues des
Peuples voisins ; mais cette sterilité a
quelquefois donné lieu à des expressions
heu
OCTOBRE. 1732. 221
heureuses , et qui supposent , contre la
croyance ordinaire , que les Turcs n'ignorent pas l'Histoire fabuleuse des Grecs
et des Romains : faute , par exemple , de
terme pour exprimer le Laurier, ils l'ap
pellent Daphne Aghadgi , &c,
des Enfans , ou Jeunes de Langues de
France , par les soins et sous la direction
du R. P. Romain de Paris , jusqu'au mois
de Décembre 1731.
L
E Pendattar , ou Instructions et Conseils à un Prince pour se bien gou
verner dans l'administration de ses Etats,
avec des Remarques et des Notes curieuses pour une plus facile intelligence de
cette Traduction , faite par le sieur Șiel1
ve ,
OCTOBRE. 1732. 2211
ve , à présent Interprete du Roi à Alep.
Instruction d'un Pere à ses enfans , traduite par le sieur de Latine , Interprete
au Caire.
Histoire du dernier Siége de Vienne ,
par Kara Mustafa , Gr. Vizir , traduit par
le même.
Avanture extraordinaire , arrivée à Scutary , à un certain Yaya Tcheleby, Corroyeur de Constantinople , traduite
te sieur Legrand.
par
Histoire du Siége de Canize en Hongrie,
par les Allemands , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de Fiennes , Interprete du Roi à la Cour.
Histoire d'Achraseb , Roi de Scythie ',
traduite par M. Imbault.
Conte Turc, intitulé Temim Davi , traduit par le sieur Galland.
Conquêtes des Turcs dans la Mer blanche , depuis l'établissement de leur Monarchie jusqu'à Khaireddin Pacha
Barberousse , Ouvrage traduit
*Roques.
ou
par le sieur
le
Histoire extraordinaire de Selim de
Vasite , Ville de Chaldée , traduite par
sieur Berault.
Histoire des dernieres Révolutions de
Perse , imprimées en Turc à Constantinople,
211 MERCURE DE FRANCE
ple , traduite par le sieur Choquet.
Tous ces Ouvrages sont écrits en Langue Turque , et les Traducteurs sont actuellement , ou ont été du College des
Enfans François , ou Jeunes de Langues,
établi à Constantinople aux dépens et
sous la protection du Roi.
*
L'occasion et la confirmité du sujet nous
engageroient de dire ici quelque chose
de la Grammaire Turque , &c. imprimée à
Constantinople , vol. in 4. 1730. de 194.
pages , dont nous avons reçû presqu'en
même- tems un Exemplaire ; si Mrs les
Auteurs du Journal des Sçavans n'avoient déja rendu de cet Ouvrage un
compte très- éxact dans le mois de Mai
dernier , l'article est curieux , et mérite
d'être lû. Nous nous contenterons de
nommer l'Auteur principal de cette Grammaire ; sçavoir , le R. P. Olderman , Jésuite Allemand, lequel a eu pour Adjoint
Ibrahim Effendi, Hongrois , Directeur de
la nouvelle Imprimerie. Nous nous sommes apperçus dans la sixième partie de
cette Grammaire , contenant un Recueil
des Noms et des Verbes , &c. de la sterilité de la Langue Turque , et des emprunts qu'elle a faits dans les Langues des
Peuples voisins ; mais cette sterilité a
quelquefois donné lieu à des expressions
heu
OCTOBRE. 1732. 221
heureuses , et qui supposent , contre la
croyance ordinaire , que les Turcs n'ignorent pas l'Histoire fabuleuse des Grecs
et des Romains : faute , par exemple , de
terme pour exprimer le Laurier, ils l'ap
pellent Daphne Aghadgi , &c,
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Résumé : TRADUCTIONS faites dans le College des Enfans, ou Jeunes de Langues de France, par les soins et sous la direction du R. P. -Romain de Paris, jusqu'au mois de Décembre 1731.
Le Collège des Enfants ou Jeunes de Langues de France, dirigé par le Père Romain de Paris, a réalisé plusieurs traductions d'ouvrages en langue turque jusqu'en décembre 1731. Parmi ces traductions figurent 'Le Pendattar', 'Instruction d'un Père à ses enfants', 'Histoire du dernier Siège de Vienne', ainsi que divers récits historiques et contes. Les traducteurs étaient des interprètes du Roi ou des pensionnaires du Collège, établis à Constantinople sous la protection du Roi. Le texte mentionne également une Grammaire Turque imprimée à Constantinople en 1730, dont l'auteur principal est le Père Olderman, jésuite allemand, assisté par Ibrahim Effendi, Hongrois. Cette grammaire a été commentée dans le Journal des Sçavans. Le texte note la stérilité de la langue turque et ses emprunts aux langues voisines, tout en soulignant certaines expressions qui montrent une connaissance des histoires fabuleuses grecques et romaines.
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93
p. 2362-2379
LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
Début :
Quoi ! Monsieur, vous qui aimez tant l'Ail, et qui avez occasion d'en [...]
Mots clefs :
Ail, Grammairien , Singulier, Cuisinier, Philosophe, Poètes latins, Pluriel, Proverbe grec
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
LETTRE sur l'Ail , écrite par M. CocQUARD , Avocat au Parlement de Dijon
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
à M. **. le 15 Septembre 1732.
Q
,
l'Ail, et avez
Uoi ! Monsieur Vous qui aimez
tant l'Ail , et qui avez occasion d'en
parler tous les jours , vous avez jusqu'ici
negligé de vous instruire si la pureté de
notre Langue veut qu'on dise des ails , ou
des aulx , ou simplement de l'ail ? En verité , je ne vous reconnois pas, et j'ai trop
de soin de votre réputation , pour ne
vous pas donner sur le champ l'éclaircis
sement que vous désirez.
Quoique , suivant la régle génerale établie par Vaugelas , 1 tous les noms dont
les pluriels se terminent en aulx , se terminent en al , ou en ail , dit T. Corneille,
Remarq. sur la Langue Franç. verb. Pseaume
pénitentiel.
I tous
NOVEMBRE. 1732 2363
I tous les noms terminez en ail ou en al
n'ont pas aulx au pluriel ; car si bail fait
baux , émail émaux , travail travaux , &c.
attirail , camail , détail , éventail , &c.
font attirails , camails , détails , éventails :
de sorte que c'est à l'usage seul qu'il faut recourir pour décider votre doute sur le
mot Ail.
Si l'on en croit un Grammairien ano
nyme , 2 on peut se servir de ce mot au
pluriel , et on doit dire des ails et non
des aulx. Richelet 3 avance que ce
mot ail faisoit il y a quelque- tems son
pluriel en aulx , mais qu'aujourd'hui il se
termine d'ordinaire en ails.
pas
Consultez au contraire Furetiere , 4 il
vous dira qu'ail fait aulx au pluriel. L'Académie Françoise 5 tient le même langage ; et je ne doute pas non plus que si
l'on étoit absolument contraint de se setvir du mot ail au pluriel , il ne fallût dire
des aulx et non pas des ails.
Mais , Monsieur , le plus sûr est de
n'employer ce mot qu'au singulier , et
Notes sur Vaugelas , verb. Pseaume péni tentiel.
2 Réflex. sur l'usage présent de la Langue.
3. Dictionn. verbo ail.
4 Dictionn. verbo ail."
5 Dictionn. vérbo ail.
C iiij voici
2364 MERCURE DE FRANCE
voici mes garants. Le Grammairien anonyme que je citois tout à l'heure , et qui
s'est déclaré pour ails plutôt que pour
aulx , avoue cependant qu'il aimeroit
mieux dire deux têtes d'ail que deux ails.
Menage I soûtient qu'encore que tous nos
Anciens ayent dit aulx , et même plusieurs
de nos Modernes , ce mot ail n'est plus
usité qu'au singulier. Richelet demeure
d'accord qu'il est plus en usage au singulier qu'au pluriel. M. de la Touche 2 croit
qu'on ne dit ni ails ni aulx au pluriel :
disons donc , il mange de l'ail , il aime
fail , il a mangé deux têtes d'ail , &c.
Eh bien ! Monsieur , vous voilà satisfait sur l'usage de ce mot; souffrez, s'il vous
plaît , que je me satisfasse à mon tour, en
déclamant ici contre la chose même ; d'autant plus que c'est vous qui m'en avez
donné depuis peu un juste sujet.
Il vous souvient , Monsieur , que Samedi dernier , soupant chez vous avec notre
ami ... vous nous vantâ es certains mets ,
qui me parurent effectivement si délicieux , que je ne pûs m'empêcher
149
1 Observ. sur la Langue Franç. Tom. 1. ch.
2 Art de bien parler François , Tom. II. ver bo ail.
De
NOVEMBRE. 1732. 2365
De faire en bien mangeant l'éloge des mor ceaux I
Et de dire à la louange de votre Ćuisinier :
Ma foi , vive Mignot et tout ce qu'il apre
te • 2
Mais je ne vous eus pas plutôt quitté ,
que je m'aperçûs de sa trahison , et que
» Dans le monde entier ,
Jamais empoisonneur ne sçût mieux son mé- tier. 3
Je me trouvai incommodé en rentrant
chez moi ; et après m'être plus d'une fois
écrié avec Horace : 4
Quid hoc veneni savit in pracordiis ?
Num viperinus his cruor
Incoctis herbis mefefellit ? an malas
Canidia tractavit dapes ?
Je reconnus enfin que mon incommodité provenoit très - certainement de la
trop grande quantité d'ail que votre Cuisinier avoit mis dans ses ragoûts. Et quoiPlines assûre l'ail est ami de Ve- que que
1 Boileau , Sat. III.
2 Boileau , Sat. III.
3 Ode 3. Liv. V.
4 Hist. Natur.L. XX. Ch, 6.
Cv nus,
2366 MERCURE DE FRANCE
nus , et fait dormir; je m'allai non seut
lement coucher dans un appartement éloigné decelui de ma femme , mais je ne pûs
fermer l'œil de toute la nuit ; je la passai
en murmurant , tantôt contre votre Cuisinier , et tantôt contre vous- même ; oui,
contre vous-même , mangeur d'ail que
Vous êtes ; et s'il vous arrive jamais de
demander de semblables ragoûts lorsqu'il
vous plaira de m'inviter , vous serez bien
heureux que je me contente de faire contre vous l'imprécation dont Horace I menaça autrefois Mécene , qui lui avoit fait
manger d'un plat d'herbes où l'on avoit
mêlé de l'ail :
A si quidunquam tale concupiveris,
Jocose Mecenas, precor
Manum puella suavio opponat tuo ,
Extrema et in spondâ cubet.
Dès que les Cocqs commencerent à
chanter , je me levai dans le dessein d'aller respirer à la Campagne un air plus
pur que celui de ma chambre , qui étoit
empestée les exhalaisons de l'ail dont par
j'avois été empoisonné la veille.
» Mais admire avec moi le sort dont la pour
suite
Ode 3. Liv. y5 .
Me
NOVEMBRE. 1732. 2367,
Me fait courir alors au piége que j'évite. 1
:
Comme c'étoit un Dimanche , je fus ;
avant que de partir , obligé d'entendre
la Messe à peine étois-je à genoux dans
le fond d'une Chapelle , que de miserables Vignerons , qui se vinrent ranger
autour de moi , penserent me faire évanoüir par l'odeur insupportable de l'ail qui
avoit déja infecté leur haleine : ce qui me
fit faire deux refléxions ; l'une , que si
j'avois eu le malheur de naître chez la
Nation Egyptienne du temps qu'on la
voyoit
Adorer les Serpens , les Poissons , les Oi seaux
» Aux Chiens , aux Chats , aux Boucs , offrir des Sacrifices ,
Conjurer l'ail , l'oignon d'être à ses vœux propice ,
»Et croire follement maîtres de ses destins ,
>> Ces Dieux nez du fumier porté dans ses Jar- dins ;
Je n'aurois jamais pû me résoudre à fléchir les genoux devant l'ail , et j'aurois
bien plutôt offert mon hommage à des
Dieux encore plus ridicules que tous
ceux dont Boileau a parlé d'après Juve溪 Racine , Andromaque , Act 1. Sc. 1.
Cvj nal
2368 MERCURE DE FRANCE
nal et Pline 1 dans les Vers que vous ve
nez de lire.
Ma seconde refléxion fut que de même
qu'il étoit défendu à ceux qui avoient
mangé de l'ail , d'entrer dans le Temple
de la Mere des Dieux , 2 il seroit à souhaiter qu'à l'avenir , on défendit aussi
très-expressément à toutes personnes de
quelque qualité et condition qu'elles fussent , de mettre le pied dans nos Eglises
après en avoir mangé
En attendant ces défenses salutaires ;
j'eus beau inviter les Manans dont j'ai
parlé , à s'éloigner un peu de moi , par
rapport à l'incommodité que me causoit
l'odeur de l'ail dont ils s'étoient regalez.
Rustica progenies nescit habere modum. 5·
?
Ces Manans ne bougerent point : Palsandié , me répondit l'un d'entre eux
si cette odeur vous incommode tant , je consentons , pour vous faire plaisir, de ne jamais manger d'ail , à condition néanmoins
que vous nous envoyerez tous les jours des
mêts plus friands. Cette repartie , de la
1 Boileau , Sat. 12. Juvenal Sat. 15. Pline Hist. nat. Liv. 19 ch. 6.
2 Athenée , Liv . X. ch. s.
3 Ovide.
2 C
part
NOVEMBRE. 1732. 2369
part d'un Rustaud , m'en rappelle en ce
moment une toute semblable que fit ацtrefois un Philosophe à la bonne Déesse :
Voici à quel propos. Stilpon de Mégare ,
Disciple d'Euclide , étant non- seulement
entré dans le Temple de Cybelle , après
avoir bien mangé de l'ail ; mais s'y étant
couché et endormi , il crut voir en songe
cette Déesse qui lui reprochoit ainsi son
audace : Quoi! Stilpon , vous êtes Philosophe , et vous violez ma loi qui défend
L'entrée de mon Temple à tous ceux qui ont
mangé de Pail Ah ! Déesse , répondit
Stilpon toujours en révant , donnez- moi
و
manger quelque chose de meilleur , et je
vous jure que je ne mangerai plus d'ail.
Vous remarquerez , Monsieur , en pas
sant , qu'Athenée 1 rapporte cette avanture comme une marque de la tempérance de Stilpon , et qu'au contraire , Mé
nage 2 et Bayle 3 l'alleguent comme une
preuve de l'irréligion de ce Philosophe.
Je n'examinerai point ici qui d'Ath née
ou de Ménage et Bayle a raison , de peur
que vous ne me disiez , d'après un Proverbe Grec > 4 que vous m'avez parlé
I Liv. X. Ch. 5.
2 Sur Diogene Laërt. L. II. n. 117.
Dictionn. verbo. Stilpon , Remarq. E.
4 E'zw' própoda mi a iww , &c.
Fail
2370 MERCURE DE FRANCE
d'ail , et que je vous réponds d'oignon. Revenons donc au petit voyage que j'avois médité , et dont vous avez été la
cause.
Au sortir de la Messe , je partis , espérant qu'après avoir bien pris l'air , je me
réjouirois à Chenove I chez un de mes
amis qui m'avoit très- souvent prié de
l'aller voir cette Automne. A moitié chemin , je rencontrai une certaine Coquette ,
Qui souvent d'un repas sortant toute enfu mée ,
Fait même à ses Amans trop foibles d'esto- mac >
Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac. z
Aussi tôt qu'elle m'eut reconnu , elle
fit arrêter sa Chaise , moins pour me
souhaitter le bon jour , que pour avoir
occasion de se plaindre de ce que dernierement je lui présentai mon oreille lorsqu'elle voulut m'embrasser à son retour de ***. En un autre tems , j'aurois d'abord été un peu embarassé sur ma réponse à ce reproche imprévû ; mais j'étois si
rempli de l'idée de l'ail , que cela me fit
1 Village à une lieuë de Dijon.
2 Boileau , Sat. X.
souve
NOVEMBRE. 1732. 2371
Souvenir sur le champ d'un Passage de
l'Amphitryon de Moliere , 1 où Sosie
s'excusant de n'avoir pas voulu baiser
Cléanthis , lui dit :
J'avois mangé de l'ail , et fis en homme sage
» De détourner un peu mon haleine de toi.
Ainsi je me tirai promptement d'affaire
avec ma Coquette , en lui débitant ces
deux Vers , que son amour propre lui fit
prendre pour une excuse sincere, et nous
continuâmes notre voïage ; elle du côté
de Dijon , et moi du côté de Chenove
Mais que cette Coquette fut bi n - tôt
vang'e et du refus que j'avois fait de recevoir son baiser , et de l'excuse que je
venois de lui alléguer ! Car étant arrivé
chez mon ami , je vis de si jolies et de si
agréables Demoiselles de ma connoissance, qu'une prompte tentation me vint de
les embrasser; j'étois sur le point d'y suctomber , quand à quelques pas d'elles , ja
sentis ,
Namque sagacius unus odor , 2
Je sentis l'odeur de l'ail le plus fort
dont la liberté qui regne à la Campagne,
les avoit engagées dès le matin à faire dé
1 Act. 2. Sect. 30
2 Horace, Ode 12. liv.ş..
bau
2372 MERCURE DE FRANCE
bauche ; de sorte que , comme , selon
Plutarque , l'Aimant frotté d'ail n'attire plus le fer , ces Belles n'eurent plus le
pouvoir de m'attirer , si - tôt que j'eus reconnu que l'Ail avoit porté préjudice à
leur haleine.
Pour comble d'infortune, lorsque l'heure du dîné fut venue, on nous servit force ragoûts, que j'aurois voulu que les.
Harpyes nous eussent enlevez de dessus
la Table , car ils étoient encore plus empoisonnez d'Ail que les vôtres. Toute la
Compagnie ne laissa pourtant pas de s'en
régaler :
Pour moi , j'étois si transporté ,
Qui donnant de fureur tout le festin au Dia- ble ,
"Jeme suis vû vingt fois prêt à quitter la Ta- ble ,
» Et dût-on m'appeller et fantasque et bourru
J'allois sortir enfin quand le Rot a paru. 2
Après dîné , on proposa une partie de
Quadrille , dont je fus ravi ; car comme il
s'offrit des Joueurs plus empressez que
moi , je me retirai dans un petit Cabinet,
où mon Ami me donna pour m'amuser ,
less Bucoliques de Virgile ; Ouvrage tres1 Propos de table , liv. 4. q. 7.
a Boileau, Sat. 111-
pro
NOVEMBRE. 1732. 2373
propre à lire à la Campagne , mais mon
mauvais sort me fit , à l'ouverture du Liyre ,justement tomber sur ces Vers:
Thestylis et rapido fessis messoribus astu ,
Allia , serpyllumque herbas contundit olentes. I
Robustes Moissonneurs , à qui l'Ail ne
fait point de mal , m'écriai - je à l'instant,
que j'envie votre estomac de fer !
O dura messorum ilia ! 2
Le passage de Virgile me fit naître la
curiosité de m'éclaircir dans le Commentaire , d'où vient que dès le tems duPrince des Poëtes Latins , l'on donnoit de l'Ait
aux Moissonneurs , fatiguez de la chaleur
du jour ; j'appris , et vous ne serez pas fâché d'apprendre , que c'est parce qu'on
s'imaginoit que l'Ail desseche les humeurs , causées par la trop grande quantité d'eau que les gens de cetre espece ont
coutume de boire , et sert de préservatif
contre le venin des Serpens qui pourroient les piquer.
Quelles que soient ces raisons , et quoique Briot 3 ait écrit que l'Ail est la Thériaque des Païsans , il me semble que si
1 Eglog. 2.
2
Horace , Ode 3. liv. 5.
1 Hist. natur. d'Angleterre.
}
j'avois
2374 MERCURE DE FRANCE
j'avois été en la place de ce Païsan donɛ
parle la Fontaine , 1 à qui son Seigneur offensé dit :
I
De trois choses l'une ,'
» Tu peux choisir ; ou de manger trente Aulx
J'entends sans boire , et sans prendre repos ,
B Ou de souffrir trente bons coups de Gaules ,
Bien appliquez sur tes larges épaules ,
Ou de payer sur le champ cent écus.
Il me semble , dis - je , que je n'aurois
pas été incertain du choix , et que je me
serois bien gardé de préferer , ainsi que le
Païsan, les trente Aulx sans boire , aux
trente coups de Gaules , et au payement
des cent écus ; j'aurois mieux aimé , au
contraire , recevoir les trente coups de
Gaules et payer encore les cent écus , que
de les trente Aulx , même en bû- manger
vant.
Enfin , Monsieur , mon aversion pour
l'Ail est si grande , qu'à mon retour , j'ai
renouvellé à ma Cuisiniere les deffenses
que je lui avois faites d'en acheter jamais
et d'en mêler dans aucune Sauce, ni dans
aucun Ragoûts et quoique Aristophane
2 ait voulu décrier un Avare , en disant
I Conte 5. tom. I.
2 Dans la Comédie des Guespes.
qu'il
NOVEMBRE. 1732 2375
qu'il ne donnoit pas une tête d'Ail, je me
flate au contraire qu'on me loüera de ce
que je n'en donnerai point du tout , et
qu'on ne meregardera pas pour cela com→
me un avaricieux. Bien plus , je vais faire
mettre au dessus de la Cheminée de ma
Cuisine un Tableau, où seront imprimezen gros caractere , ces mots : NE M'ANGE
NI AIL NI FEVES , qui sont la traduction d'un Proverbe Grec.
Je prévois , Monsieur , que pour soutenir les interêts des Mangeurs d'Ail ,
vous me répondrez que ce Proverbe Grec
ne doit pas être pris à la Lettre , et qu'il
signifie : Ne vaspas à la Guerre , et ne sois
pas fuge. Je conviens que Suïdas qui le
raporte , 2 prétend que c'en est là le véritable sens , parce qu'autrefois les Soldats
portoient avec eux et mangeoient de
Ail , et que les Juges rongeoient des
Féves pour s'empêcher de dormir à l'Audience mais aussi vous devez convenir
que pour faire entendre que le métier de
Soldat, et la condition de Juge n'étoient
pas à envier ; on ne s'est servi de ce Proverbe : Ne mange ni Ail , ni Féves , que
parce qu'au fond c'est un fort mauvais
aliment.
;
Z Mélanges Historiques.
E
2376 MERCURE DE FRANCE
Et ne me repliquez pas que Pline le
Naturaliste i dit qu'on croit que l'Ail est
bon pour quelques Médicamens , sur tout
à la Campagne ; car je vous répondrai.1 .
que les Poisons servent aussi dans la Médecine. 2° . Que le même Pline a remar
qué 2 plusieurs mauvaises qualitez de
F'Ail , entr'autres qu'il est venteux , qu'il
desseche l'estomac , qu'il cause la soif et
des inflammations , qu'il corrompt l'ha
leine , qu'il est nuisible à la vue. Qu'on
fasse cuire , ajoute - t - il , 3 de l'Ail qui
naît dans les Champs , et qu'on l'y séme
ensuite , les Oyseaux qui en mangeront
seront si étourdis,qu'ils se laisseront prendre à la main.
A considerer même l'étymologie du
mot Ail , il vient sans contredit du mot
latin Allium. 4 Or Allium n'a été ainsi
appellé , selon Isidore , 5 qu'à cause de la
forte odeur qu'il répand , Allium dictum
quòd oleat.
4
Et cette odeur infecte tellement l'endroit où croît l'Ail , que la même terre
ne peut en porter deux années de suite
7.1 Liv. 19. ch. 6.
2 Liv. 19. ch. 6. et Liv. 20. ch . 6.
3
Liv. 20. ch. 6.
4 Richelet , Dictionn, Verbo , Ail.
s Origin. ou Etymol. liv. 17. cap. 10. des cho es rustiques.
eq
NOVEMBRE. 1732. 2377
et que cette plante craint de s'y succeder
à elle-même. Cette derniere observation
est d'Olivier de Serres , 1 dans son Théatre d'Agriculture , qui , si l'on s'en rapporte à Scaliger , 2 est si beau , qu'Henry
IV. à qui il est dédié , se le faisoit apporter après dîner , durant trois ou quatre
mois ; et tout impatient qu'étoit ce Prin- ce , il y faisoit à chaque fois une lecture.
d'une demi heure. Continuons :
Eh ! comment pourroit- on se persuader que l'Ail n'est pas pernicieux , puisqu'il se nourrit du plus mauvais suc de la
terre ? C'est ce qui résulte de ce passage
de Plutarque : 3 Comme les bons Jardiniers , dit - il , estiment que les Roses et
les Violettes deviennent meilleures lorsqu'il y a de l'Ail semé auprès , parce que
Ail attire tout le mauvais suç de la terre
qui les nourrit , de même notre ennemi
attirant toute notre envie et notre malignité , nous rend plus traitables et plus.
gracieux envers nos amis qui sont dans
La prosperité. Remarquez er core , s'il vous
plait , Monsieur, le parallele que fait Plu tarque , de l'Ail et d'un Ennemi.
I Olivier de Serres , sieur du Pradel.
2 Scaligeriana.
3. Traité de l'utilité qu'on peut recevoir de ses ennemis.
Oka
2378 MERCURE DE FRANCE
Oseroit-on , après cela , trouver étran→
ge qu'Horace ait dit , 1 que l'Ail est plus
nuisible que la Ciguë ?
Cicutis allium nocentius ?
Que pour faire mourir les Parricides ;
il ne faut point choisir d'autre poison
que l'Ail?Que l'herbe dont Médée frotta
Jason , lorsqu'il alloit pour dompter les
fiers Taureaux qui gardoient la Toison
d'Or, étoit de véritable Ail ? Que la robbe qu'elle envoya à la fille de Créon , sa
Rivale , étoit empoisonnée avec del Ail ?
Notre Ami *** qui vient d'entrer
dans mon Cabinet , et qui par ces dernie
res lignes , qu'il a lûes familierement pardessus mon épaule , a deviné que cette
Lettre s'addressoit à vous , m'avertit que
vous ne manquerez pas de me faire icy
une objection que vous lui fîtes un jour ,
lorsqu'il vous cita cette Tirade d'Horace :
c'est- à - dire , que vous ne manquerez pas
de soûtenir qu'on doit rejetter le témoi
gnage de ce Poëte , parce qu'il ne paroît
pas tout-à-fait d'accord avec lui-même ,
puisqu'il attribue à l'Ail deux effets contraires , en disant que l'Ail fut salutaire à
Jason , et funeste à la fille du Roy de
Corinthe. Jules Scaliger avoit fait cette
Ode 3. liv. 5.
marque
NOVEMBRE. 1732. 2379
remarque avant vous , Monsieur ; mais
quelque plausible qu'elle semble d'abord
M. Dacier 1 y a suffisamment répondu ,
en faisant voir qu'Horace prétend que
Médée avoit donné quelque Antidote à
Jason , et que cet Ail dont elle le frotta
n'agissoit point contre lui , mais contre
les Taureaux qu'il vouloit dompter.
,
C'est pour le coup,Monsieur , que vous
direz avec fondement de mon éloquence, ce que Varron et Balzac 2 ont dit
de celle de quelques Sçavans , qu'elle sentoit l'Ail. Comme je craindrois que les
nouvelles Observations que je pourrois
ajoûter au sujet de l'Ail , ne vous engageassent à faire à votre tour contre moi ,
cette imprécation de Plaute.
TeJupiter Diique omnes perdant ,oboluisti allium .
Je suis , M onsieur , &c
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Résumé : LETTRE sur l'Ail, écrite par M. COCQUART, Avocat au Parlement de Dijon, à M. ** le 15 Septembre 1732.
La lettre, datée du 15 septembre 1732, est écrite par M. Cocquard, avocat au Parlement de Dijon, à un destinataire non nommé. L'auteur aborde la confusion entre les termes 'ails' et 'aulx' en français. Selon Vaugelas, les noms terminant en 'ail' ou 'al' ne prennent pas 'aulx' au pluriel. Cependant, des grammairiens comme Richelet et Furetière divergent sur cette règle. L'Académie Française et Furetière préfèrent 'aulx', tandis que Richelet note que 'ails' est plus courant. Cocquard recommande d'utiliser 'ail' au singulier pour éviter toute ambiguïté. L'auteur partage ensuite une expérience personnelle où il a été incommodé par une grande quantité d'ail lors d'un repas chez son destinataire. Il décrit les désagréments causés par l'odeur de l'ail, notamment lors d'une messe et lors de rencontres sociales. Il mentionne des références littéraires et historiques, comme Horace et Pline, pour illustrer les effets négatifs de l'ail. La lettre se termine par une réflexion sur l'usage de l'ail chez les paysans et les raisons historiques de cette pratique. Dans une autre lettre, datée de novembre 1732, l'auteur exprime son aversion profonde pour l'ail. Il préfère recevoir des coups plutôt que de consommer de l'ail, même en le mangeant cuit. À son retour, il a renouvelé l'interdiction à sa cuisinière d'utiliser de l'ail dans les sauces ou les ragoûts. L'auteur se flatte que son refus de l'ail soit loué, contrairement à l'avare décrié par Aristophane. Il prévoit de faire afficher au-dessus de la cheminée de sa cuisine un tableau avec l'inscription 'NE M'ANGE NI AIL NI FEVES', traduction d'un proverbe grec. L'auteur anticipe les arguments en faveur de l'ail, notamment son utilisation en médecine, mais les réfute en citant les mauvaises qualités de l'ail mentionnées par Pline. Il souligne également l'étymologie du mot 'ail' et son impact négatif sur la terre et les oiseaux. Le texte mentionne des références historiques et littéraires, comme Plutarque, Horace, et Médée, pour illustrer la nocivité de l'ail. L'auteur conclut en craignant que ses observations supplémentaires sur l'ail n'incitent son destinataire à faire une imprécation contre lui.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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94
p. 91-95
Glossaire en neuf Langues, &c. [titre d'après la table]
Début :
GLOSSARIUM Enneasticu, seu Dictionarium novum, &c. c'est-à-dire, Glossaire [...]
Mots clefs :
Langues, Latin, Dictionnaires, Dictionnaire, Programme, Français, Grec
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texteReconnaissance textuelle : Glossaire en neuf Langues, &c. [titre d'après la table]
GLOSSARIUM Enrzemticitm m4 Dictia-î
rmrium nez/nm , 0c. dest-à-dire , Glasmi
re- en neuf Langues, ou Dictionnaire nou
ycau pqur. lïntclligenceïde neuf Lan-f
. . _ E vj gues ,
9s.» MER CURE DE FRÂNCE
l
gucs , ÿçavoit : le Latin , le François , PIS‘;
talien , l’Anglois , ‘lilzspagnol , l’Allc——
mand , FHebreu , le Grec Littoral et le»
Grec Vulgaire , disposé suivant une Mé
thode qui forme pour ces neuf Langues
soixante et douze Dictionnaires complets
et. très-utiles , non-seulement aux gens
(le Lettres , mais aussi âceux «qui n’ont
aucune teinture de Latin , comme les
femmes et toutes les autres personnes qui
«par leur éducation et par leur état se
\
trouvent bornées a leur Langue mater
nelle : Ouvrage postume du R. P. Cas
sien , Capucin. . .
sCct Ouvrage est annoncé au Public. par
un Programme Latin et François , impri
’mé en 1731, qui ‘n’est venu que‘ depuis
à notre connaissance. lîsuraisons qui ont porté l’AOutneuyr àtrcooumve
poser cet Ouvrage; la maniere dontil a
eré distribué et dont il doit être imprimé ,‘
suivant l'étendue‘ et Perdre du Manuscrit
de l’Auteu-r. _
L’Auteur du Programme passe ensuite
au dessein et à la division de l’Ouvrage s
il fait remarquer jusquï‘: quel point ce
Dictionnaire se multiplie par le moyen du.
Latin , et quelle est son utilité. Il donne:
une idée generale des 72 Dictionnaires
que ces neuf Langues fournissent, et que
ce
4 4 k Ë
Î JA.N'V I E R.‘ 1733.‘ d 9g‘
ce Glossaire explique dans route leur‘
êtenduèäfll fait voir la difietence de cet’
Ouvrage d’avec les autres Dictionnaires
en plusieurs Langues : il donne ensuite le‘
Prospectus de POuvrage et de ses parties ;
après quoi il fait quelques remarques qui _
servent à entendre Pample détail qu’il‘
donne enouize de ces Dictionnaires , qui;
montent jusqu’â 144.. Il y a joint une‘
Méthode en faveur de ceux qui ne sça
vent pas le Latin , quoique le Latin soit
la clef de ce Dictionnaire , pour qu’ils
' puissent s’en servir utilement à apprendre
es Langues qu’ils veulent sçavoit. _
-» On y trouve enfin dans la Conclusion
du Programme un ex osé de la capacité
du Pere Cassien danslp
Eanguts, papacité que quelques Curieux
ont trouvee msques dans le nom de ce
Pere. Les Approbations terminent le Pro
gramme.
» Voilà, pour ainsi dire, une Esquisse du
Glossaire , disons quelque chose des ce
que le Programme rapporte en détail.
Nous y apprenons que le R. P. Cassien
plein d’un zele ‘tout-âfait loüable , réso
lut de donner en faveur de ‘ceux qui pot-i
tent parmi les Nations la prédication de
lOEvangile , un Dictionnaire qui pût leur
a connoissancc des
faciliter la cqnnoissance des Langues , qui.
SQÏXÎ
n
,4. MERCURE DE "FRANC!
sont les plus étenduës dans Plîurope.‘
Comme il les possedoit parfaitement , il
résolut d'abord de donner un Dictionnai
re en six Langues , sçavolt le Latin , le
François , l‘Italien , l’Anglois , le Grec
Littcral et le Grec Vulgaire. Ce Diction
naire devoir par le moyen du Latin Four
nir jusqifä trente Dictionnaires: en effet ,1
il le composa et en» fit même imprimer;
le Projet: il en ajoûta ensuite trois autres,‘
sçavoir l’Hebreu , l’vAllemand et l’Es a
gnol. Pour l’Allemand il en a acheve le
premierxDictiontiaitc , quiest de l’Alle
mand en François et en Latin ; mais pour
le second qui est celui du Latin en Fran
çois et en Allemand ,il ne pût Fachever,
prévenu par la mort.
M. de Vogel, à la sollicitation du Pere
Urse Capucin , a suppléé à cette perte ,
et c’est à ses travaux que le Public est re
devable de la perfection de ce Diction-q
mire. L’Ouvrage est divisé en deux par
tiez. : dans la premiereJes mots latins sont
expliquez dans les huit autres Langues g
dans la seconde , les huit Langues séparé
ment sont traduites en Latin. Or , en
multi liant les raports avec lacs Langues qu'ondeecxepslieqxupeli,caettiodnes
ces Langues les unes avec les autres , on.
montre que ce Dictionnaire qui fait envi...
. Ion
JANVIER} .1733." 9;‘
ron deux volumes In folio , tient lieu de
r44. Dictionnaires , dont l'acquisition se
roit impossible à bien des personnes. De—'__
là on apperçoit facilement l'utilité et tout
l'avantage de ce Glossaire. Il sufiira pour
faire connoîrre le mérite de cet Ouvrage
de faire remarquer que M. l’Abbî- Renau
a6: , qui ,' comme l’on sçait , avoir des
connoissances si profondes et si étenduës
sur les Langues , en fit Péloge dans Pap
probation qu'il donna àPAuteuren 171 r.
rapportée à lafin du Projet.
Nbublions pas d’avertir les Libraires
q-uo le Programme détaille en particulier,
la maniere dont ils doivent im rimer ce
Dictionnaire , et la forme qu’i s lui doi
vent donner _, eu égard au nombre et à la
grandeur des volumes dans lesquels ils le
distribueront. Le Programme se trouve
à Paris chez le sieur LangloisJm primeur,
ruë S. Etienne d’Egrès , au bon Pas:
tout.
rmrium nez/nm , 0c. dest-à-dire , Glasmi
re- en neuf Langues, ou Dictionnaire nou
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l
gucs , ÿçavoit : le Latin , le François , PIS‘;
talien , l’Anglois , ‘lilzspagnol , l’Allc——
mand , FHebreu , le Grec Littoral et le»
Grec Vulgaire , disposé suivant une Mé
thode qui forme pour ces neuf Langues
soixante et douze Dictionnaires complets
et. très-utiles , non-seulement aux gens
(le Lettres , mais aussi âceux «qui n’ont
aucune teinture de Latin , comme les
femmes et toutes les autres personnes qui
«par leur éducation et par leur état se
\
trouvent bornées a leur Langue mater
nelle : Ouvrage postume du R. P. Cas
sien , Capucin. . .
sCct Ouvrage est annoncé au Public. par
un Programme Latin et François , impri
’mé en 1731, qui ‘n’est venu que‘ depuis
à notre connaissance. lîsuraisons qui ont porté l’AOutneuyr àtrcooumve
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eré distribué et dont il doit être imprimé ,‘
suivant l'étendue‘ et Perdre du Manuscrit
de l’Auteu-r. _
L’Auteur du Programme passe ensuite
au dessein et à la division de l’Ouvrage s
il fait remarquer jusquï‘: quel point ce
Dictionnaire se multiplie par le moyen du.
Latin , et quelle est son utilité. Il donne:
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que ces neuf Langues fournissent, et que
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Prospectus de POuvrage et de ses parties ;
après quoi il fait quelques remarques qui _
servent à entendre Pample détail qu’il‘
donne enouize de ces Dictionnaires , qui;
montent jusqu’â 144.. Il y a joint une‘
Méthode en faveur de ceux qui ne sça
vent pas le Latin , quoique le Latin soit
la clef de ce Dictionnaire , pour qu’ils
' puissent s’en servir utilement à apprendre
es Langues qu’ils veulent sçavoit. _
-» On y trouve enfin dans la Conclusion
du Programme un ex osé de la capacité
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Eanguts, papacité que quelques Curieux
ont trouvee msques dans le nom de ce
Pere. Les Approbations terminent le Pro
gramme.
» Voilà, pour ainsi dire, une Esquisse du
Glossaire , disons quelque chose des ce
que le Programme rapporte en détail.
Nous y apprenons que le R. P. Cassien
plein d’un zele ‘tout-âfait loüable , réso
lut de donner en faveur de ‘ceux qui pot-i
tent parmi les Nations la prédication de
lOEvangile , un Dictionnaire qui pût leur
a connoissancc des
faciliter la cqnnoissance des Langues , qui.
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résolut d'abord de donner un Dictionnai
re en six Langues , sçavolt le Latin , le
François , l‘Italien , l’Anglois , le Grec
Littcral et le Grec Vulgaire. Ce Diction
naire devoir par le moyen du Latin Four
nir jusqifä trente Dictionnaires: en effet ,1
il le composa et en» fit même imprimer;
le Projet: il en ajoûta ensuite trois autres,‘
sçavoir l’Hebreu , l’vAllemand et l’Es a
gnol. Pour l’Allemand il en a acheve le
premierxDictiontiaitc , quiest de l’Alle
mand en François et en Latin ; mais pour
le second qui est celui du Latin en Fran
çois et en Allemand ,il ne pût Fachever,
prévenu par la mort.
M. de Vogel, à la sollicitation du Pere
Urse Capucin , a suppléé à cette perte ,
et c’est à ses travaux que le Public est re
devable de la perfection de ce Diction-q
mire. L’Ouvrage est divisé en deux par
tiez. : dans la premiereJes mots latins sont
expliquez dans les huit autres Langues g
dans la seconde , les huit Langues séparé
ment sont traduites en Latin. Or , en
multi liant les raports avec lacs Langues qu'ondeecxepslieqxupeli,caettiodnes
ces Langues les unes avec les autres , on.
montre que ce Dictionnaire qui fait envi...
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JANVIER} .1733." 9;‘
ron deux volumes In folio , tient lieu de
r44. Dictionnaires , dont l'acquisition se
roit impossible à bien des personnes. De—'__
là on apperçoit facilement l'utilité et tout
l'avantage de ce Glossaire. Il sufiira pour
faire connoîrre le mérite de cet Ouvrage
de faire remarquer que M. l’Abbî- Renau
a6: , qui ,' comme l’on sçait , avoir des
connoissances si profondes et si étenduës
sur les Langues , en fit Péloge dans Pap
probation qu'il donna àPAuteuren 171 r.
rapportée à lafin du Projet.
Nbublions pas d’avertir les Libraires
q-uo le Programme détaille en particulier,
la maniere dont ils doivent im rimer ce
Dictionnaire , et la forme qu’i s lui doi
vent donner _, eu égard au nombre et à la
grandeur des volumes dans lesquels ils le
distribueront. Le Programme se trouve
à Paris chez le sieur LangloisJm primeur,
ruë S. Etienne d’Egrès , au bon Pas:
tout.
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Résumé : Glossaire en neuf Langues, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un ouvrage intitulé 'Glossarium Enzementicum m4 Dictia-î', également connu sous le nom de 'Dictionnaire neuf Langues'. Cet ouvrage posthume du Père Cassien, capucin, vise à faciliter la connaissance des langues les plus répandues en Europe. Il inclut le latin, le français, l'italien, l'anglais, l'espagnol, l'allemand, l'hébreu, le grec littéral et le grec vulgaire. Structuré en soixante-douze dictionnaires complets, il est utile tant pour les lettrés que pour ceux n'ayant aucune connaissance de latin, comme les femmes et d'autres personnes limitées à leur langue maternelle. L'ouvrage a été annoncé par un programme latin et français imprimé en 1731. Le Père Cassien, motivé par le désir de faciliter la prédication de l'Évangile, avait initialement prévu un dictionnaire en six langues, mais en a finalement ajouté trois autres. M. de Vogel a complété l'œuvre après la mort du Père Cassien. Le dictionnaire est divisé en deux parties : la première explique les mots latins dans les huit autres langues, et la seconde traduit les huit langues en latin. Ainsi, il équivaut à cent quarante-quatre dictionnaires, rendant son acquisition plus accessible. Le programme détaille également la méthode d'impression et de distribution de l'ouvrage, disponible chez le sieur Langlois à Paris. L'Abbé Renaudot, connu pour ses profondes connaissances linguistiques, a approuvé l'ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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95
p. 177-184
RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
Début :
Je viens de voir dans le Mercure du mois d'Octobre dernier, deux Articles [...]
Mots clefs :
Orléans, Inscription, Lettres, Serfs, Roi, Gaules, Voyage, Manumission, Guespin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
RE'PONSE à deux Articles du Mercure
du mois d'Octobre dernier.
J
E viens de voir dans le Mercure du
mois d'Octobre dernier , deux Articles
qui me concernent ; le premier, contient
des Remarques sur ce que j'ai dit au
'sujet de la Manumission d'Orleans , dans
le Mercure de Juin , et dans le second on
nous donne une nouvelle Etimologie du
mot de Guespin , contre celle qui est imprimée
dans le Mercure de May. Voicy
ce que j'ai à répondre à l'un et à l'autre.
L'Auteur des Remarques les commence
par m'avertir que l'Inscription d'Orleans,
que je croyois jusques icy , n'avoir point
été donnée figurée, se trouve neanmoins
gravée dans les Annales Benedictines, du
P. Mabillon. En effet , elle s'y rencontre
à la page 533 du 5 vol . Je remercie
l'Observateur de me l'avoir indiquée ,
mais quand j'aurois sçû cette particularité,
je n'aurois pas moins donné l'Inscription
au Mercure , qui étant un Livre en-
I tre
178 MERCURE DE FRANCE
tre les mains de tout le monde , est beaucoup
plus propre qu'aucun autre à la répandre
et à la faire connoître par tout.
On sçaura du moins ce qu'est devenu ce
Monument après la destruction desTours,
où il se trouvoit attaché , et cela pourra
engager ceux qui passeront par Orleans ,
à demander à le voir. Les Curieux doivent
tout attendre en cette occasion de la
politesse des Chanoines qui en ont la
garde.
L'Observateur se plaint ensuite , que
dans la Liste de ceux qui ont rapporté
l'Inscription , j'aie oublié l'Auteur du
Voyage Liturgique , dans l'Ouvrage duquel
elle se trouve fidelement décrite . A cela
je réponds que je n'ai jamais pensé à faire
un dénombrement complet de tous ceux
qui ont fait mention de ce Monument. Je
n'ai cité que ceux que j'avois sous la
main ; car il y en a bien un plus grand
nombre ; et je me contenterai icy d'ajouter
Guillaume Fournier ; d'autant plus
qu'en rapportant l'Inscription , ch. 4. du
liv. 1. de ses Selectiones , il s'est trompé sur
le nom de l'Affranchi , LETBERTUS , qu'il
appelle mal LEMTBERTUS . Au reste , ce
n'est point le titre de Voyage Liturgique
qui m'a empêché de penser à cet Ouvrage
, comme semble le croire l'Auteur des
Re-
,
JANVIE R. 1733 179
Remarques ; je sçavois qu'il y avoit dans
ce Livre bien des choses plus éloignées de
la Liturgie , qu'une Manumission ad altare.
Mais comme je n'avois fait que par--
courir legerement ce Voyage , lorsqu'il
parut , je ne me souvenois pas d'y avoir
vû la nôtre .
La Remarque qui suit , regarde l'Ins--
cription même: On demande pourquoi
l'affranchissement de Letbert est le seul
qui se trouve gravé sur la Pierre ; et on
ajoute que j'en devois rendre raison . J'avoue
que si je l'avois fait , j'aurois donné
un grand jour à l'Inscription . Mais com
ment en venir à bout ? Les termes simples
et concis qui la composent, ne donnent
aucun lieu à des conjectures , et les Archives
de l'Eglise d'Orleans , où ce Letbert
est entierement inconnu , ne nous
en apprennent pas davantage . Il faut
donc , sans chercher à deviner , dans un
fait entierement obscur , se contenter de
dire , avec M de Lasaussaie * , que la gravûre
de cet affrancissement n'a été que
pour suppléer à un autre Acte , selon la
disposition de la Loy de Constantin sur
ce sujet , qui permet que dans cette occasion
: Vice Actorum , interponatur qualiscunque
scriptura.
✯ Annal. Eccl. Aurel. L. 9. n. 6.
I ij Com
180 MERCURE DE FRANCE
les
Comme tout ce que j'ai dit sur les Serfs
et leurs affranchissemens , n'a été que pour
en donner une teinture legere qui pût
servir à entendre l'Inscription , j'ai pû
avancer d'une maniere generale que
Serfs avoient subsisté en France jusqu'au
milieu du treizième siècle, quoiqu'il n'en
soit fait mention que bien long- tems après,
puisque ce fut vers ce tems - là , qu'au
rapport d un des Historiens d'Orleans, *
S. Louis affranchit tous ceux qui se trouvoient
en France , moyennant quelques
sommes qu'ils payeroient à leurs Scigneurs.
Il est vrai que cette Ordonnance
que Le Maire date de l'an 1255. ne se
trouve point dans le nouveau Recueil de
celles de nos Rois de la troisiéme Race .
Mais comme dans les Lettres du Roi
Louis Hutin , du troisième Juillet 1315 ,
sur le même sujet , il est fait mention d'une
Ordonnance plus ancienne qu'on n'a
pas , il y a apparence que c'est de celle
de S. Louis qu'il est parlé. Les Seigneurs
ne se presserent pas beaucoup d'obéir à
ces ordres , qu'on avoit réïterez sous les
Régnes suivans, et il est parlé de Serfs jusques
dans le quinziéme siècle , quoiqu'a
bolis dès le treizième.
* Le Maire , p . 327. dų I. Tome,
J¢
JANVIER 1733 181
9
Je viens à la derniere Observation de
l'Auteur du Mémoire. J'ai dit que les Lettres
que le Chapitre d'Orleans avoit obtenuës
en 1204. du Roi Philippe Auguste
, pour l'affranchissement de ses Serfs
servirent vingt ans après en 1224 pour
ceux de Mesnil - Giraut , et qu'elles furent
confirmées par le Roi Louis VIII. L'Au
teur m'oppose que dans les Lettres de ce
Roi qui sont rapportées par Ducange et
par le Pere Martenne , et qui , pour le dire
en passant , ne se trouvent point dans le
Trésor de l'Eglise d'Orleans , il n'est parlé
en aucune maniere de cette confirmation
. Cela est vrai . Mais une autre Charte
de Louis VIII. du même Trésor , donnée
à Paris au mois de Septembre de la même
année 1224. en fait expresse mention .
Noveritis quod nos dilectis nostris Domino
et Cto Aurelianensi ad exemplum progenitoris
nostri Philippi recordationis inclite
Regis quondam F.illustris concessimus ut ipsi
servos suos et ancillas suas... autoritate nostra
et sua manumittant. Comme cette Charte
ne parle point de Mesnil Giraut , et
que ce sont des Lettres distinctes de celles
que
de Ducange et du Pere Martenne , c'est
une faute de les avoir confondues , mais
je ne l'ai fait qu'après les Auteurs de
I iij
l'His182
MERCURE DE FRANCE
1
l'Histoire d'Orleans , dont j'avois co-
*
pié les termes sur cet article : cela peut
me servir d'excuse .
Voilà ce que j'avois à dire sur le premier
Mémoire. L'Auteur m'en paroît aussi
poli que sçavant , et je lui ai bien de
l'obligation de l'idée avantageuse qu'il
s'est formée de moi ; j'aurois cependant
souhaité qu'il ne m'eut point désigné par
mon nom , et que me trouvant couvert
sous des Lettres initiales , il m'eut laissé
garder l'incognito.
Il s'agit à présent de la nouvelle étimologie
du mot de Guespin . L'Auteur la
tire de Guespos , mot Grec selon lui , qui
signifie une pierre brillante qui se trouve
aux environs de l'Epire , et voici l'histoire
qu'il fait de cette dénomination . Les
peuples de ces Pays étant passés dans les
Gaules environ 250 ans après la destruction
de Troye , y fonderent la Ville d'Orleans
et remarquant dans ses habitans
une finesse d'esprit qu'on ne voyoit point
dans les autres Gaulois , ils les appellerent
Guespos , par rapport à la pierre brillante
de même nom .
La Pierre dont veut parler notre Etimologiste
est le Gyp , pierre transparen
Le Maire , p. 327. T. 1. Guion. pag.
te *
JANVIER. 1732. 183
te qui se trouve avec le plastre , et qu'il
auroit dû nommer Gupsos futes , car
son Guespos ne signifie rien . Que cette
pierre se rencontre en Epire , ou non
cela ne fait rien au sujet dont il s'agit ,
puisqu'il n'est point vrai que les Epirotes
se soient jamais venus établir dans les
Gaules. L'Etimologiste a confondu les
habitans de la Phocide , Province voisine
de l'Epire , avec les Phocéens , peuples
d'Ionie en Asie , qu'on sçait avoir descendus
dans les Gaules du tems de Cyrus ,
dont ils fuyoient la domination ; mais
la fondation d'Orleans n'est pas moins
étrangere à ces derniers qu'aux Epirotes.
Les Phocéens se contenterent d'occuper les
>
côtes maritimes où ils avoient abordé
sans avancer dans les terres , bien loin de
pénétrer dans des Provinces aussi éloignées
que les nôtres. Marseille leur dût
sa naissance , mais celle d'Orleans appartient
trop aux Chartrains , sous la domi
nation desquels nous trouvons cette Ville
aussi-tôt qu'elle nous est connue , pour
vouloir la rapporter à d'autres. Tout ce
que l'Etimologiste dit là- dessus est avancé
gratuitement et sans aucune preuve.
Herodote , L. I. Justin , Liv. XLIII. Solin ,
C8. &c.
I iiij Je
184 MERCURE DE FRANCE
Je pourrois à mon tour lui reprocher sa
négligence pour la recherche de la Verité , si
je ne craignois de m'être déja trop arrêté
sur un Sujet qui peut- être ne méritoit pas
d'être refuté sérieusement.
D. P.
A Orleans , ce 7 Decembre 1732.
du mois d'Octobre dernier.
J
E viens de voir dans le Mercure du
mois d'Octobre dernier , deux Articles
qui me concernent ; le premier, contient
des Remarques sur ce que j'ai dit au
'sujet de la Manumission d'Orleans , dans
le Mercure de Juin , et dans le second on
nous donne une nouvelle Etimologie du
mot de Guespin , contre celle qui est imprimée
dans le Mercure de May. Voicy
ce que j'ai à répondre à l'un et à l'autre.
L'Auteur des Remarques les commence
par m'avertir que l'Inscription d'Orleans,
que je croyois jusques icy , n'avoir point
été donnée figurée, se trouve neanmoins
gravée dans les Annales Benedictines, du
P. Mabillon. En effet , elle s'y rencontre
à la page 533 du 5 vol . Je remercie
l'Observateur de me l'avoir indiquée ,
mais quand j'aurois sçû cette particularité,
je n'aurois pas moins donné l'Inscription
au Mercure , qui étant un Livre en-
I tre
178 MERCURE DE FRANCE
tre les mains de tout le monde , est beaucoup
plus propre qu'aucun autre à la répandre
et à la faire connoître par tout.
On sçaura du moins ce qu'est devenu ce
Monument après la destruction desTours,
où il se trouvoit attaché , et cela pourra
engager ceux qui passeront par Orleans ,
à demander à le voir. Les Curieux doivent
tout attendre en cette occasion de la
politesse des Chanoines qui en ont la
garde.
L'Observateur se plaint ensuite , que
dans la Liste de ceux qui ont rapporté
l'Inscription , j'aie oublié l'Auteur du
Voyage Liturgique , dans l'Ouvrage duquel
elle se trouve fidelement décrite . A cela
je réponds que je n'ai jamais pensé à faire
un dénombrement complet de tous ceux
qui ont fait mention de ce Monument. Je
n'ai cité que ceux que j'avois sous la
main ; car il y en a bien un plus grand
nombre ; et je me contenterai icy d'ajouter
Guillaume Fournier ; d'autant plus
qu'en rapportant l'Inscription , ch. 4. du
liv. 1. de ses Selectiones , il s'est trompé sur
le nom de l'Affranchi , LETBERTUS , qu'il
appelle mal LEMTBERTUS . Au reste , ce
n'est point le titre de Voyage Liturgique
qui m'a empêché de penser à cet Ouvrage
, comme semble le croire l'Auteur des
Re-
,
JANVIE R. 1733 179
Remarques ; je sçavois qu'il y avoit dans
ce Livre bien des choses plus éloignées de
la Liturgie , qu'une Manumission ad altare.
Mais comme je n'avois fait que par--
courir legerement ce Voyage , lorsqu'il
parut , je ne me souvenois pas d'y avoir
vû la nôtre .
La Remarque qui suit , regarde l'Ins--
cription même: On demande pourquoi
l'affranchissement de Letbert est le seul
qui se trouve gravé sur la Pierre ; et on
ajoute que j'en devois rendre raison . J'avoue
que si je l'avois fait , j'aurois donné
un grand jour à l'Inscription . Mais com
ment en venir à bout ? Les termes simples
et concis qui la composent, ne donnent
aucun lieu à des conjectures , et les Archives
de l'Eglise d'Orleans , où ce Letbert
est entierement inconnu , ne nous
en apprennent pas davantage . Il faut
donc , sans chercher à deviner , dans un
fait entierement obscur , se contenter de
dire , avec M de Lasaussaie * , que la gravûre
de cet affrancissement n'a été que
pour suppléer à un autre Acte , selon la
disposition de la Loy de Constantin sur
ce sujet , qui permet que dans cette occasion
: Vice Actorum , interponatur qualiscunque
scriptura.
✯ Annal. Eccl. Aurel. L. 9. n. 6.
I ij Com
180 MERCURE DE FRANCE
les
Comme tout ce que j'ai dit sur les Serfs
et leurs affranchissemens , n'a été que pour
en donner une teinture legere qui pût
servir à entendre l'Inscription , j'ai pû
avancer d'une maniere generale que
Serfs avoient subsisté en France jusqu'au
milieu du treizième siècle, quoiqu'il n'en
soit fait mention que bien long- tems après,
puisque ce fut vers ce tems - là , qu'au
rapport d un des Historiens d'Orleans, *
S. Louis affranchit tous ceux qui se trouvoient
en France , moyennant quelques
sommes qu'ils payeroient à leurs Scigneurs.
Il est vrai que cette Ordonnance
que Le Maire date de l'an 1255. ne se
trouve point dans le nouveau Recueil de
celles de nos Rois de la troisiéme Race .
Mais comme dans les Lettres du Roi
Louis Hutin , du troisième Juillet 1315 ,
sur le même sujet , il est fait mention d'une
Ordonnance plus ancienne qu'on n'a
pas , il y a apparence que c'est de celle
de S. Louis qu'il est parlé. Les Seigneurs
ne se presserent pas beaucoup d'obéir à
ces ordres , qu'on avoit réïterez sous les
Régnes suivans, et il est parlé de Serfs jusques
dans le quinziéme siècle , quoiqu'a
bolis dès le treizième.
* Le Maire , p . 327. dų I. Tome,
J¢
JANVIER 1733 181
9
Je viens à la derniere Observation de
l'Auteur du Mémoire. J'ai dit que les Lettres
que le Chapitre d'Orleans avoit obtenuës
en 1204. du Roi Philippe Auguste
, pour l'affranchissement de ses Serfs
servirent vingt ans après en 1224 pour
ceux de Mesnil - Giraut , et qu'elles furent
confirmées par le Roi Louis VIII. L'Au
teur m'oppose que dans les Lettres de ce
Roi qui sont rapportées par Ducange et
par le Pere Martenne , et qui , pour le dire
en passant , ne se trouvent point dans le
Trésor de l'Eglise d'Orleans , il n'est parlé
en aucune maniere de cette confirmation
. Cela est vrai . Mais une autre Charte
de Louis VIII. du même Trésor , donnée
à Paris au mois de Septembre de la même
année 1224. en fait expresse mention .
Noveritis quod nos dilectis nostris Domino
et Cto Aurelianensi ad exemplum progenitoris
nostri Philippi recordationis inclite
Regis quondam F.illustris concessimus ut ipsi
servos suos et ancillas suas... autoritate nostra
et sua manumittant. Comme cette Charte
ne parle point de Mesnil Giraut , et
que ce sont des Lettres distinctes de celles
que
de Ducange et du Pere Martenne , c'est
une faute de les avoir confondues , mais
je ne l'ai fait qu'après les Auteurs de
I iij
l'His182
MERCURE DE FRANCE
1
l'Histoire d'Orleans , dont j'avois co-
*
pié les termes sur cet article : cela peut
me servir d'excuse .
Voilà ce que j'avois à dire sur le premier
Mémoire. L'Auteur m'en paroît aussi
poli que sçavant , et je lui ai bien de
l'obligation de l'idée avantageuse qu'il
s'est formée de moi ; j'aurois cependant
souhaité qu'il ne m'eut point désigné par
mon nom , et que me trouvant couvert
sous des Lettres initiales , il m'eut laissé
garder l'incognito.
Il s'agit à présent de la nouvelle étimologie
du mot de Guespin . L'Auteur la
tire de Guespos , mot Grec selon lui , qui
signifie une pierre brillante qui se trouve
aux environs de l'Epire , et voici l'histoire
qu'il fait de cette dénomination . Les
peuples de ces Pays étant passés dans les
Gaules environ 250 ans après la destruction
de Troye , y fonderent la Ville d'Orleans
et remarquant dans ses habitans
une finesse d'esprit qu'on ne voyoit point
dans les autres Gaulois , ils les appellerent
Guespos , par rapport à la pierre brillante
de même nom .
La Pierre dont veut parler notre Etimologiste
est le Gyp , pierre transparen
Le Maire , p. 327. T. 1. Guion. pag.
te *
JANVIER. 1732. 183
te qui se trouve avec le plastre , et qu'il
auroit dû nommer Gupsos futes , car
son Guespos ne signifie rien . Que cette
pierre se rencontre en Epire , ou non
cela ne fait rien au sujet dont il s'agit ,
puisqu'il n'est point vrai que les Epirotes
se soient jamais venus établir dans les
Gaules. L'Etimologiste a confondu les
habitans de la Phocide , Province voisine
de l'Epire , avec les Phocéens , peuples
d'Ionie en Asie , qu'on sçait avoir descendus
dans les Gaules du tems de Cyrus ,
dont ils fuyoient la domination ; mais
la fondation d'Orleans n'est pas moins
étrangere à ces derniers qu'aux Epirotes.
Les Phocéens se contenterent d'occuper les
>
côtes maritimes où ils avoient abordé
sans avancer dans les terres , bien loin de
pénétrer dans des Provinces aussi éloignées
que les nôtres. Marseille leur dût
sa naissance , mais celle d'Orleans appartient
trop aux Chartrains , sous la domi
nation desquels nous trouvons cette Ville
aussi-tôt qu'elle nous est connue , pour
vouloir la rapporter à d'autres. Tout ce
que l'Etimologiste dit là- dessus est avancé
gratuitement et sans aucune preuve.
Herodote , L. I. Justin , Liv. XLIII. Solin ,
C8. &c.
I iiij Je
184 MERCURE DE FRANCE
Je pourrois à mon tour lui reprocher sa
négligence pour la recherche de la Verité , si
je ne craignois de m'être déja trop arrêté
sur un Sujet qui peut- être ne méritoit pas
d'être refuté sérieusement.
D. P.
A Orleans , ce 7 Decembre 1732.
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Résumé : RÉPONSE à deux Articles du Mercure du mois d'Octobre dernier.
L'auteur réagit à deux articles du Mercure d'octobre précédent. Le premier article discute de la manumission d'Orléans, mentionnée dans le Mercure de juin. L'auteur découvre que l'inscription d'Orléans, qu'il croyait non figurée, est en réalité gravée dans les Annales Benedictines du Père Mabillon. Il remercie l'observateur pour cette information mais justifie la publication de l'inscription dans le Mercure, car ce dernier est plus accessible au public. Il reconnaît avoir omis de citer l'auteur du Voyage Liturgique, qui décrit fidèlement l'inscription, mais précise qu'il n'avait pas l'intention de faire un dénombrement complet des sources. L'auteur aborde également la question de l'unicité de l'affranchissement de Letbert gravé sur la pierre, un fait qu'il ne peut expliquer faute de preuves suffisantes. Il mentionne que les serfs ont subsisté en France jusqu'au milieu du treizième siècle, bien que des ordonnances comme celle de Saint Louis aient visé à les affranchir. Le second article propose une nouvelle étymologie du mot 'Guespin', que l'auteur réfute. Selon lui, cette étymologie est incorrecte et repose sur des confusions historiques. L'auteur critique la méthode de l'étymologiste, qui aurait confondu les habitants de la Phocide avec les Phocéens. Il souligne que la fondation d'Orléans est attribuée aux Chartrains, non aux Épirotes ou aux Phocéens. Il conclut en regrettant la négligence de l'étymologiste dans la recherche de la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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96
p. 416-421
LETTRE sur la Ville Capitale de Guyenne, s'il faut l'appeller Bordeaux ou Bourdeaux.
Début :
La question, Monsieur, dont il s'agit icy, me rappelle celle que fit autrefois [...]
Mots clefs :
Bordeaux, Ville, Nom, Burdigala, Diphtongue, Garonne, Origine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la Ville Capitale de Guyenne, s'il faut l'appeller Bordeaux ou Bourdeaux.
LETTRE sur la Ville Capitale de
Guyenne , s'il faut l'appeller Bordeaux
ou Bourdeaux.
L
A question , Monsieur , dont il s'agit
icy , me rappelle telle que fit autrefois
Pompée aux Sçavans de son temps,
pour sçavoir s'il falloit mettre dans l'Inscription
de ses Titres , au Temple de la
Victoire , tertiò ou tertium Consul. Ciceron
se fit une occupation grave d'y penser
, pour e donner sérieusement son
avis , qui nous est rapporté par Aulügelle
, dans son bel Ouvrage , Noctes Attica..
Je ne me sens pas moins obligé que l'Ora
teur Romain , d'avoir de l'application
pour la Critique du nom d'une des principales
Villes du Royaume ; et qui par le
Testament de Charlemagne est qualifiée
une des Métropoles de son Empire .
Une personne qui seroit de la famille .
du deffunt Président de Bordeaux , qui fut
Ambassadeur en Angleterre , pourroit
prendre parti pour Bordeaux , afin d'avoir
un nom commun avee une grande
et b.lle Ville ; mais ni vous ni moi n'avons
pas cet interêt particulier , au préjudice
du bon cho.x qu'il faut faire.
Une
MAR S. 1733. 417
Une prétendue Etymologic a donné
lieu au doute . Il y a bien des gens qui lisent
et écrivent Bordeaux , sur l'imagination
qu'ils ont que le nom de cette Ville
lui vient du Bord des Eaux ; et qu'ainsi il
faut en conformité, lá nommer Bordeaux.
Cette origine n'est pas de distinction , et
de plus elle n'est pas raisonnable. Ce
n'est qu'une petite allusion qui vient d'abord
à la bouche , et qui n'étant pas véritable
, ne fait nulle conséquence pour la
dénomination de la Ville. A suivre le
cours des grandes Rivieres de France , et
de la Garonne en particulier , depuis la
source jusqu'à l'embouchure , il y a plu
sieurs Villes bâties sur le bas des Eaux
ce qui est si commun , n'est pas plus propre
à nommer cette Ville que les autres.
Il y a même quelque turpitude dans cette
origine , qu'il faut laisser à ces lieux
de débauche , qu'on dit en avoir été appellez
dans le vieux stile , Bordeaux , à
cause que ces Loges de prostitution ont
été autrefois sur le bord de l'eau . Ciceron
en fait mention : Ad partem littoris
positis tabernaculis castra luxuria collocaverat.
Après avoir fait dresser des Tentes
sur un endroit du Rivage , il y avoit placé
le Camp de la Luxure. Enfin Burdidala
, le mot Latin, étant plus ancien que
A v de
418 MERCURE DE FRANCE
le mot François , car on le trouve dans
Ausone , Burdigala est natale solum , & c.
Il n'y a aucune sillable qui donne la
moindre idée du bord de l'eau . Il n'en
est pas de même dans Aigues mortes , où
le Latin contient et exprime les eaux du
nom François , Aqua- mortua .
Il faut donc chercher l'origine du mot
François dans Burdigala latin . Elle se presente
en deux gros Ruisseaux , Bourdes
et Jalles , qui ne sont pas éloignez de la
Ville , et qui à l'endroit où ils entrent
dans la Garonne , qu'on dit être à present
sous l'Eglise de S. Pierre , ont marqué
celui où la Ville a été bâtie. Or on
voit dans ce premier Ruisseau , Bourdes ,
qu'il faut dire Bourdeaux , et non pas
Bordeaux. Le Fleuve de la Judée , qui de
deux Fontaines , Jor et Dan , à été nommé
en Latin Jordanis , est nommé en
François , Jourdain.
Le mot Burdigala , même sans l'Etymologie
, est favorable à Bourdeaux , parce
que lorsque le Latin souffre une conversion
de lettres au François , u se change
en la diphtongue ou ; exemples : Cubitus
, Coude ; Curvus , Courbes Dulcis ,
Doux Turma , Troupe , et non pas
Trope , qu'on trouve barbare dans Ronsard
, Nutrix , Nourrice , et non pas Norrice
›
MARS. 1733
419
rice , qu'on ne peut souffrir dans plusieurs
femmes de Paris ; de même Burdigala ,
fait Bourdeaux.
Il y a un double exemple où la Garonne
entre dans l'Ocean : Tumis Cor
duana , Tour de Cordouan. Les autres
Villes changent de même , u en' on . Turones
, Tours ; Bituriges , Bourges , & c. Le
Palais du Roy , Lupara , le Louvre , et
le nom même du Roy Ludovicus
LOUIS . Il ne faut pas ôter à Bourdeaux
la dignité d'être en communauté d'une
diphtongue douce , avec des Villes considérables
, et avec des noms Augustes.
>
Une nouvelle preuve paroît dans le
nom Grec de la Ville , rapporté par Strabon
, qui vivoit du temps d'Auguste. On
lit au 4 Livre de sa Géographie , Bourde
gala. Or le François ayant beaucoup d'affinité
avec le Grec , doit retenir la diphtongue
ou pour Bourdeaux. Les Latins
mêmes ont été jaloux de la douceur de
cette diphtongue dans les Grecs , et l'ont
quelquefois imitée trois fois dans un même
mot , prononçant Lucullus , contme
s'il y avoit Loucoullous. Notre Langue la
conserve dans ces grands Noms , Bourbon,
Bourgogne ; il faut pareillement la conserver
dans la grande Ville de Bourdeaux.
Il y a des Auteurs qui tiennent que ses
A vj habi420
MERCURE DE FRANCE
habitans ont été autrefois appellez Bitu
riges , patce que des familles de Bourges ,
en ont été les premiers Citoyens ; et que
de Bituriges on a substitué dans la basse
Latinité par contraction Bourga ou Bourgi.
Tout cela établit le nom de Bourdeaux .
On doit supposer que les habitans sçavent
le nom de leur Ville , comme un fils
sçait le nom de son Pere. Or il est constant
qu'ils disoient Bourden, dans le vieux
langage , et depuis ils disent Bourdeaux ,
comme il paroît dans la Chronique Bourdeloise
, et dans ses Archives de familles.
Elie Vinet , ce sçavant Homme , qui fit
honneur à l'Université de la Ville , présenta
à Charles IX . en 1564. les Antiquitez
de la Ville de Bourdeaux ; et au devant
de son Discours , on voit une Estampe
de la Ville , où il y a en haut Bourdeaux.
C'est l'affaire des Géographes de sçavoir
les noms des Villes , aussi bien des
que
Montagnes et des Rivieres . On lit dans les
Cartes de Samson de Duval et de de Fer,
Bourdeaux; et M' d'Audifret qui a donné,
avec de petites Cartes , la Géographie an
cienne , moderne et historique , a mis
dans son Discours , et fait graver dans sa
Carte , Bourdeaux.
Enfin pour achever de vuider entierement
MARS. 1733. 42
an- ment le partage qui depuis plusieurs
nées est dans le monde entre Bordeaux
et Bourdeaux , on peut alléguer , en faveur
du bel usage , trois Auteurs Illustres.
Mr le Maitre , fameux Avocat du
Parlement de Paris , dans son Plaidoyer
29. parle d'une Dame , qui fait , dit - il ,
compassion à tout Bourdeaux. Mr Pelisson
dans son Histoire de l'Académie Françoise
, à l'article de M' le Comte de Servien
, dont il rapporte les Titres , y met
celui de Premier President au Parlement de
Bourdeaux. Et le P. Bouhours , dont les
nouvelles Remarques sur la Langue Françoise
peuvent être jointes à celles de
Vaugelas , comme de la Broderie sur du
Velours , dit aussi Bourdeaux. C'est dans
son premier Entretien , qui est de la Mer:
Au contraire , à la côte de Bourdeaux It
Flux eft de sept heures. Il me semble que
voilà le nom de Bourdeaux au si - bien soutenu
, à l'exclusion de Bordeaux , que si
Mile Maitre en avoit fait un Plaidoyer 5
M' Pélisson , une Histoire ; et le P. Bouhours
, un Entretien . Je suis , &c.
Guyenne , s'il faut l'appeller Bordeaux
ou Bourdeaux.
L
A question , Monsieur , dont il s'agit
icy , me rappelle telle que fit autrefois
Pompée aux Sçavans de son temps,
pour sçavoir s'il falloit mettre dans l'Inscription
de ses Titres , au Temple de la
Victoire , tertiò ou tertium Consul. Ciceron
se fit une occupation grave d'y penser
, pour e donner sérieusement son
avis , qui nous est rapporté par Aulügelle
, dans son bel Ouvrage , Noctes Attica..
Je ne me sens pas moins obligé que l'Ora
teur Romain , d'avoir de l'application
pour la Critique du nom d'une des principales
Villes du Royaume ; et qui par le
Testament de Charlemagne est qualifiée
une des Métropoles de son Empire .
Une personne qui seroit de la famille .
du deffunt Président de Bordeaux , qui fut
Ambassadeur en Angleterre , pourroit
prendre parti pour Bordeaux , afin d'avoir
un nom commun avee une grande
et b.lle Ville ; mais ni vous ni moi n'avons
pas cet interêt particulier , au préjudice
du bon cho.x qu'il faut faire.
Une
MAR S. 1733. 417
Une prétendue Etymologic a donné
lieu au doute . Il y a bien des gens qui lisent
et écrivent Bordeaux , sur l'imagination
qu'ils ont que le nom de cette Ville
lui vient du Bord des Eaux ; et qu'ainsi il
faut en conformité, lá nommer Bordeaux.
Cette origine n'est pas de distinction , et
de plus elle n'est pas raisonnable. Ce
n'est qu'une petite allusion qui vient d'abord
à la bouche , et qui n'étant pas véritable
, ne fait nulle conséquence pour la
dénomination de la Ville. A suivre le
cours des grandes Rivieres de France , et
de la Garonne en particulier , depuis la
source jusqu'à l'embouchure , il y a plu
sieurs Villes bâties sur le bas des Eaux
ce qui est si commun , n'est pas plus propre
à nommer cette Ville que les autres.
Il y a même quelque turpitude dans cette
origine , qu'il faut laisser à ces lieux
de débauche , qu'on dit en avoir été appellez
dans le vieux stile , Bordeaux , à
cause que ces Loges de prostitution ont
été autrefois sur le bord de l'eau . Ciceron
en fait mention : Ad partem littoris
positis tabernaculis castra luxuria collocaverat.
Après avoir fait dresser des Tentes
sur un endroit du Rivage , il y avoit placé
le Camp de la Luxure. Enfin Burdidala
, le mot Latin, étant plus ancien que
A v de
418 MERCURE DE FRANCE
le mot François , car on le trouve dans
Ausone , Burdigala est natale solum , & c.
Il n'y a aucune sillable qui donne la
moindre idée du bord de l'eau . Il n'en
est pas de même dans Aigues mortes , où
le Latin contient et exprime les eaux du
nom François , Aqua- mortua .
Il faut donc chercher l'origine du mot
François dans Burdigala latin . Elle se presente
en deux gros Ruisseaux , Bourdes
et Jalles , qui ne sont pas éloignez de la
Ville , et qui à l'endroit où ils entrent
dans la Garonne , qu'on dit être à present
sous l'Eglise de S. Pierre , ont marqué
celui où la Ville a été bâtie. Or on
voit dans ce premier Ruisseau , Bourdes ,
qu'il faut dire Bourdeaux , et non pas
Bordeaux. Le Fleuve de la Judée , qui de
deux Fontaines , Jor et Dan , à été nommé
en Latin Jordanis , est nommé en
François , Jourdain.
Le mot Burdigala , même sans l'Etymologie
, est favorable à Bourdeaux , parce
que lorsque le Latin souffre une conversion
de lettres au François , u se change
en la diphtongue ou ; exemples : Cubitus
, Coude ; Curvus , Courbes Dulcis ,
Doux Turma , Troupe , et non pas
Trope , qu'on trouve barbare dans Ronsard
, Nutrix , Nourrice , et non pas Norrice
›
MARS. 1733
419
rice , qu'on ne peut souffrir dans plusieurs
femmes de Paris ; de même Burdigala ,
fait Bourdeaux.
Il y a un double exemple où la Garonne
entre dans l'Ocean : Tumis Cor
duana , Tour de Cordouan. Les autres
Villes changent de même , u en' on . Turones
, Tours ; Bituriges , Bourges , & c. Le
Palais du Roy , Lupara , le Louvre , et
le nom même du Roy Ludovicus
LOUIS . Il ne faut pas ôter à Bourdeaux
la dignité d'être en communauté d'une
diphtongue douce , avec des Villes considérables
, et avec des noms Augustes.
>
Une nouvelle preuve paroît dans le
nom Grec de la Ville , rapporté par Strabon
, qui vivoit du temps d'Auguste. On
lit au 4 Livre de sa Géographie , Bourde
gala. Or le François ayant beaucoup d'affinité
avec le Grec , doit retenir la diphtongue
ou pour Bourdeaux. Les Latins
mêmes ont été jaloux de la douceur de
cette diphtongue dans les Grecs , et l'ont
quelquefois imitée trois fois dans un même
mot , prononçant Lucullus , contme
s'il y avoit Loucoullous. Notre Langue la
conserve dans ces grands Noms , Bourbon,
Bourgogne ; il faut pareillement la conserver
dans la grande Ville de Bourdeaux.
Il y a des Auteurs qui tiennent que ses
A vj habi420
MERCURE DE FRANCE
habitans ont été autrefois appellez Bitu
riges , patce que des familles de Bourges ,
en ont été les premiers Citoyens ; et que
de Bituriges on a substitué dans la basse
Latinité par contraction Bourga ou Bourgi.
Tout cela établit le nom de Bourdeaux .
On doit supposer que les habitans sçavent
le nom de leur Ville , comme un fils
sçait le nom de son Pere. Or il est constant
qu'ils disoient Bourden, dans le vieux
langage , et depuis ils disent Bourdeaux ,
comme il paroît dans la Chronique Bourdeloise
, et dans ses Archives de familles.
Elie Vinet , ce sçavant Homme , qui fit
honneur à l'Université de la Ville , présenta
à Charles IX . en 1564. les Antiquitez
de la Ville de Bourdeaux ; et au devant
de son Discours , on voit une Estampe
de la Ville , où il y a en haut Bourdeaux.
C'est l'affaire des Géographes de sçavoir
les noms des Villes , aussi bien des
que
Montagnes et des Rivieres . On lit dans les
Cartes de Samson de Duval et de de Fer,
Bourdeaux; et M' d'Audifret qui a donné,
avec de petites Cartes , la Géographie an
cienne , moderne et historique , a mis
dans son Discours , et fait graver dans sa
Carte , Bourdeaux.
Enfin pour achever de vuider entierement
MARS. 1733. 42
an- ment le partage qui depuis plusieurs
nées est dans le monde entre Bordeaux
et Bourdeaux , on peut alléguer , en faveur
du bel usage , trois Auteurs Illustres.
Mr le Maitre , fameux Avocat du
Parlement de Paris , dans son Plaidoyer
29. parle d'une Dame , qui fait , dit - il ,
compassion à tout Bourdeaux. Mr Pelisson
dans son Histoire de l'Académie Françoise
, à l'article de M' le Comte de Servien
, dont il rapporte les Titres , y met
celui de Premier President au Parlement de
Bourdeaux. Et le P. Bouhours , dont les
nouvelles Remarques sur la Langue Françoise
peuvent être jointes à celles de
Vaugelas , comme de la Broderie sur du
Velours , dit aussi Bourdeaux. C'est dans
son premier Entretien , qui est de la Mer:
Au contraire , à la côte de Bourdeaux It
Flux eft de sept heures. Il me semble que
voilà le nom de Bourdeaux au si - bien soutenu
, à l'exclusion de Bordeaux , que si
Mile Maitre en avoit fait un Plaidoyer 5
M' Pélisson , une Histoire ; et le P. Bouhours
, un Entretien . Je suis , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE sur la Ville Capitale de Guyenne, s'il faut l'appeller Bordeaux ou Bourdeaux.
La lettre traite de la dénomination correcte de la ville capitale de Guyenne, se demandant s'il faut l'appeler Bordeaux ou Bourdeaux. L'auteur compare cette question à celle posée par Pompée concernant l'inscription de ses titres. Il souligne que la ville est qualifiée de métropole dans le testament de Charlemagne. L'origine étymologique du nom est débattue : certains pensent que Bordeaux vient du bord des eaux, mais cette explication est jugée peu distinguée et incorrecte. L'auteur mentionne également une connotation négative liée à la prostitution. Le mot latin Burdigala, plus ancien que le mot français, ne contient aucune syllabe évoquant le bord de l'eau. L'auteur propose que le nom français dérive de Burdigala et des ruisseaux Bourdes et Jalles, situés près de la ville. Il argue que le latin u se transforme en ou en français, comme dans les exemples Cubitus (Coude) et Curvus (Courbes). Le nom grec de la ville, rapporté par Strabon, est également cité en faveur de Bourdeaux. Des auteurs et des cartes géographiques, comme celles de Samson, Duval, et de Fer, utilisent le nom Bourdeaux. Enfin, l'auteur cite trois auteurs illustres, M. le Maître, M. Pelisson, et le P. Bouhours, qui utilisent également le nom Bourdeaux dans leurs œuvres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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97
p. 532-544
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République [...]
Mots clefs :
Elena Cornaro Piscopia, Grecque, Valbonnais, Padoue, Catalogue, Épitaphe, Rigord, Docteur, Journal, République
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texteReconnaissance textuelle : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XIX . de 408.
pages . A Paris , chez Briasson , à la
Science , M. DCC . XXXII.
Dans ce nouveau Volume des Memoires
du R. P. Niceron , executé sur le
même plan de ceux qui ont precedé , on
trouve un abregé de la vie de XXIX.
Sçavans en divers genres d'érudition ,
avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages
, ce qui fait la matiere d'une lecture
également agréable et instructive ;
on en pourra juger par le nom et le
mérite de ces Sçavans , qui sont ainsi rangez
dans la Table qui suit le Frontispice
' du Livre .
Ambroise Camaldule , Marc Battaglini ,
Olans
MARS. 1733.
$33
Olaus Borrichius , fean de la Bruyere , Joachim
Camerarius, Herman Conringius, Jean
de Cordes , Helene Lucrece Cornara Piscopia
, Quinto Mario Corrado , Sébastien
Corrado , Pierre Danés , Antoine Faure
Claude Faure de Vaugelas , foachim Frideric
Feller , Nicodême Frischlin , Jacques
Goar, Hugues Grotius , Pierre Guilleband
Chrétien Huygens , Thomas James , Engelbert
Kaemfer , Martin Lippenius , Hippolyte
Jule Pilet de la Menardiere , François
de la Mothe le Vayer , Bernardin Ochin ,
Jean- Isaac Pontamus , Jean- Pierre de Valbonnais
, Degorée Whear , Guillaume Xi ,
lander.
Le plus ancien de tous ces Sçavans est
Ambroise Camaldule , qui étant né en
1378. mourut en l'année 1439. C'est aussi
l'un des plus recommandables par sa pieté
et par son Erudition.L'Article qui le concerne
est fort bien rempli , ct le Catalogue
de ses Ouvrages travaillé avec soin .
L'Article de Bernardin Ochin , mort
en 1564. est curieux dans son genre. Ce
Personnage est une espece de Problême,
parmi les Sçavans ; on peut en dire du
bien et du mal sans s'écarter de la verité.
Notre Editeur n'a rien oublié pour débrouiller
tout ce qui regarde Ochin , en
quoi on peut dire qu'il a réussi beaucoup
Fii mieux
634 MERCURE DE FRANCE
mieux que les Critiques qui l'ont precedé
, sans en excepter M. Bayle , qui dans
son Dictionnaire s'est fort égayé sur
son Chapitre. Au reste , loin qu'Ochin ait
été l'Instituteur des Capucins , selon l'erreur
de plusieurs Ecrivains , on soutient
ici qu'il n'entra chez eux qu'en l'année
1534. dans le temps que cette Réforme
de l'Ordre de S. François commençoit
à faire du bruit. On avertit en mêmetemps
que pour être bien et sûrement
instruit au sujet de cet Auteur , il ne
faut point se fier tout- à - fait à l'Ecrivain
des Annales des Capucins.
Parmi les plus modernes d'entre les
Sçavans , dont il est fait mention dans
ce Volume , il n'en est point dont l'Article
fasse plus de plaisir à lire que celui
de Jean Pierre Moret de Bourchenu , Marquis
de Valbonnais , né à Grenoble en
1651. et mort le 2. Mars 1730. Premier
Président de la Chambre des Comp-"
tes de Dauphiné. Il a tenu un rang considerable
dans la République des Lettres
et il l'a enrichie de plusieurs Ouvrages ,
dont le Catalogue paroît ici avec une
Critique exacte de la part de l'Editeur.
L'Article VIII . de ce Catalogue indique
une Lettre de notre sçavant Magistrat
sur une Epitaphe Grecque, inserée dans
les
MARS. 1733.
535
les Memoires de Trévoux, Décembre 1715.
page 2246. Cette Epitaphe , pour le dire
en passant et par occasion , est celle d'une
Dame Grecque , trouvée à Marseille il
y a déja bien des années , sur une petite
Colomne de Marbre blanc , que M. Rigord
, Subdelegué de l'Intendant de Provence
en cette Ville , fit enlever et placer
à l'entrée de son Cabinet. Il en envoya
peu de temps après une copie à
Paris à un de ses Amis , pour la communiquer
aux Antiquaires .
Cet Ami l'ayant examinée , il en envoya
une Explication à M. Rigord dans
ane Lettre qui fut imprimée dans le Journal
de Trévoux du mois d'Octobre 1714.
à laquelle les Auteurs du Journal donnerent
en même- temps une autre Expli
cation .
M. Rigord , de son côté , ayant trouvé
quelque difficulté dans ces deux Explications
, en proposa une autre dans une
Dissertation adressée à M.le PrésidentBon,
qui fut rendue publique dans le même
Journal , Juillet 1715 .
Ces differentes Explications réveillerent
l'attention de M. de Valbonnais , qui dans
une Lettre aussi adressée au Président
Bon , et imprimée dans le mois de Décembre
1716. du même Journal , prit le
Fiiij ton
536 MERCURE DE FRANCE
ton de Maître , et censurant tout ce qui
avoit parû sur ce sujet , donna sa propre
Explication de l'Epitaphe Grecque ,
Explication qui , pour ne rien dissimuler
, ne fut pas heureuse .
Car l'Auteur de la premiere Interpretation
dont le sens avoit paru le plus
naturel à M. Rigord , à M. Galland et
à d'autres Antiquaires distinguez , démontra
par une Lettre imprimée dans le
Mercure du mois d'Août 1721. que celle
de M. de Valbonnais étoit insoutenable,
en ce que , pour l'admettre , il falloit admettre
aussi un Paradoxe capable de ré
volter tous les Antiquaires , sçavoir que
du temps de Marseille Payenne , temps
de la composition de l'Epitaphe , la Langue
Grecque étoit éttangere dans cette
Ville , et qu'un Grec n'entendoit rien
dans la Langue qu'on y parloit ; à Marseille
Colonie Grecque , où l'on a trouvé
tant de Monumens Grecs , et où encore
aujourd'hui on reconnoît des traces
de son origine dans la Langue vulgaire
qu'on y parle , &c.
Il faut rendre ici justice à M. de Valbonnais
, qui ayant vécu encore près de
dix ans depuis la publication de cette Lettre
dans le Mercure , n'a pas jugé à propos
d'y répondre , plus amateur de la
verité
MARS. 1733 .
537
verité , qu'il avoit sans doute reconnue
la reflexion , qu'attaché à ses propres
sentimens.
par
Pour ne pas déroger à notre coûtume
, sans exceder les bornes qui nous sont
prescrites , nous employerons ici l'Article
entier qui précede celui de M. de Valbonnais
et qui regarde l'Illustre Lucrece Cornara,
prasuadez que tous nos Lecteurs , et
surtout les Dames , nous en sçaurons gré.
HELENE Lucrece Cornara Piscopia,
naquit à Venise le 5. Juin 1646. de Jean-
Baptiste Cornaro , Procurateur de Saint
Marc. Dès sa plus tendre Enfance elle
donna des marques de ce qu'elle devien
droit un jour. Jean - Baptiste Fabris , homme
docte , et ami de son pere , ayant remarqué
en elle des dispositions heureuses
pour les Sciences , l'engagea à s'y appliquer.
A peine avoit elle sept ans -
qu'on lui donna des Maîtres pour lui apprendre
la Langue Latine. Ce furent Jean
Valesio , Chanoine de S. Marc , et le Docteur
Bartolotti . Les progrès qu'elle fit
bien-tôt en cette Langue par leurs instructions
, déterminerent son Pere à lui
faire apprendre aussi la Langue Grecque.
Fabris lui en donna les premieres leçons;
mais étant mort peu de temps après , Loüis
Gradenigo , Préfet de la Bibliotheque pu-
Fy blique
$ 38 MERCURE DE FRANCE
blique de Venise , prit sa place et continua
ce qu'il avoit commencé.
La june Cornara apprit ces Langues
avec beaucoup de facilité, et passa ensuite
à l'Hébraïque , à la Grecque vulgaire , à
l'Espagnole et à la Françoise , dans lesquelles
elle ne fit pas de moindres progrès
, elle voulut aussi sçavoir quelque
chose de l'Arabe.
Lorsqu'elle fut suffisamment instruite
de ce côté là , on l'appliqua à la Philosophie
et aux Mathématiques , dans lesquelles
elle eut pour Maître Charles Ri
naldini , qui les professoit à Padoue , et
ensuite à la Théologie , dont Hipolite
Marcheti , Prêtre de l'Oratoire , lui donna
des leçons.
Cette science lui plut particulierement
et elle s'y rendit si habile , que l'on consulta
les plus habiles gens de la France
et de l'Italie , pour sçavoir si l'on pouvoit
lui donner les degrez du Doctorat
en Théologie ; quelques Italiens composerent
même des Dissertations pour prouver
que cela se pouvoit , et que ce n'étoit
pas une chose opposée au précepte de l'Apôtre,
qui deffend aux femmes de parler
dans l'Eglise Charles Rinaldini son
Maître de Philosophie , fut de ce nombre.
Mais quelques obstacles qui se rencontrerent
MARS. 1733. 539
trerent dans cette affaire , obligerent le
Pere de la jeune Cornara , qui souhaitoit
avec passion de voir sa fille honorée
d'un titre singulier , à renoncer à son
premier dessein et à se tourner du côté
de la Philosophie , où il esperoit trouver
moins d'oppositions.
Il songea donc alors à la faire recevoir
Docteur en Philosophie dans l'Université
de Padoüe ; l'exemple étoit nouveau.
On n'avoit point encore vû de
Fille élevée au Doctorat. On sçavoit bien
que sainte Gertrude parloit souvent des
Mysteres de la Religion dans des Assemblées
nombreuses , et que sainte Catherine
de Sienne avoit harangué un jour
le Pape en présence des Cardinaux ; mais
ces actions particulieres étoicnt quelque
chose de moins considerable que de donner
en forme le Bonnet de Docteur à
une Fille . Quelques inconveniens qu'il y
cût à craindre de celle - cy, on crut devoir
passer par- dessus. On marquà le jour pour
la leçon d'épreuve de Lucrece Cornara ,
qui aussi humble que sçavante , eut d'abord
de la peine à accepter l'honneur que
l'on vouloit lui faire , et ne se rendit
que par obéîssance pour la volonté de
son Pere.
Ce jour qui étoit le 25. Juin 1678 .
Fvj étant
$40 MERCURE DE FRANCE
étant venu , on s'assembla , non point
dans les Ecoles publiques , suivant la coûtume
mais dans une Chip lle de la Cathédrale
, dédiée à la Vierge , que l'on
crut plus propre à contenir l'affluence
du Monde que la nouveauté du Spectacle
sembloit devoir y attirer. Cornara
y fit un Discours très-sc vant et trèséloquent
sur un Texte d'Aristote , qui
mérita les applaudissemens de toute l'Assemblée
et reçut ensuite le Bonnet de
Docteur , avec toutes les ceremonies usitées
en cette occasion .
Cette action attira sur elle les
yeux de toute l'Europe , et depuis ce
temps là elle fut visitée par tous les Curieux
qui voyagerent en Italie.
Elle avoit déja été auparavant aggrégée
à plusieurs Académies comme à celles
des Infecondi de Rome , des Intronati
de Sienne , & c .
Plusieurs personnes de mérite la rechercherent
en mariage , mais elle avoit
fait voeu de virginité dès l'âge d'onze ans,
et elle persista toute sa vie , dans le dessein
de l'observer quoique ses paren en
eussent obtenu la dispense de Rome
pour l'engager à se marier Elle vouloit
même se retirer entierement du Monde ;
mais la répugnance que sa famille témoigna
MARS .
540 1733
permoigna
pour cette résolution , ne lui
mit pas de l'exécuter; elle se contenta donc
de faire des voeux simples de Religion , en
qualité d'Oblate, de l'Ordre de S Benoît ,
entre les mains de Corneille Codanini
Abbé de S. George , et de recevoir de lui
l'habit des Religieuses de cet Ordre , qu'el
le porta toujours depuis , sous ses habits,
séculiers.
Son attachement extraordinaire à l'étu
de , et particulierement à celle des Langues
Grecque et Hébraïque , affoiblir si
fort sa complexion , qui étoit déja foible
d'elle - même, qu'elle tomba dans une langueur
et dans differentes infirmitez , qui
la conduisirent peu à peu au tombeau.
Elle mourut le 25 Juillet 1604. dans la
38 année de son âge , et fut enterrée à
Sainte Justine de Padoue , avec cette Epitaphe.
D. O. M.
HELENA Lucretia Cornelia Piscopia
, Joan. Bapti te D Marci Procuratoris
Filia , que moribus et Doctrina supra sexum
, et Laurea ad memoriam Posteritatis.
insignis , privatis votis coram Cornelio Codanino
Abbate S. Georgii Majoris emissis,
S. Benedicti Institutum ab ineunte alate
complexa , et religiosè prosecuta , in Monachorum
$42 MERCURE DE FRANCE
chorum Conditorium ut vivens optaverat ,
post acerba fata , admissa est Monachis H.
M. PP. Anno D. 1684.
Les Académies dont elle étoit , s'empresserent
à lui faire des Pompes Funebres
, et l'on a sur ce sujet l'Ouvrage suivant
: Le Pompe Funebri celebrate da Signori
Academici Infecondi in Roma per la
morte dell' Illust. Sign. Elena Lucretia Cornara
Piscopia , Accademica detta linalterabile.
In Padoua 1685. infol.
Catalogue de ses Ouvrages.
1º . Lettera o vero colloquio di Christo nostro
Redentore all' Anima devota composta
dal R.P. D. Giovanni Lanspergio Cartusiano
in Lingua Latina Transportata poscia
in idioma Spagnuolo dal P. F. Andrea Capiglia
, Monaco della Certosa , Prior del
Paular: Or vien tradotte di Spagnulo in
Italiano dall' Ill. Sign . Elena Lucretia Cornara
Piscopia , In Venezia , 1673. in 24.
Cette traduction a été réimprimée dans le
Recueil suivant .
2º . Helena Lucretia ( que et Scholastica)
Cornelia Piscopia l'irginis pietate et eruditione
admirabilis Ordinis D. Benedicti privatis
votis adscripta Opera que quidem haberi
potuerunt. Parma 1688. in 8. pag. 310
Cette
MARS. 1733.
548
Cette Edition des Ouvrages de Cornara
donnée par Benoit Bacchini , qui a mis
la tête une vie fort ample de cette Sças
vante , est divisée en trois Parties ; la
premiere contient un Panégyrique Italien
de la République de Venise , tout
rempli de Fleurs et de Saillies Italiennes ,
et l'Explication de deux Problêmes de
Politique , aussi en Italien . On voit dans
la seconde , des Eloges Latins , en Stile
Lapidaire , de l'Empereur , du Roy de
Pologne , du Pape Innocent XI . &c. Enfin
la troisiéme renferme quelques Lettres
Latines et Italiennes de notre Sçavante
, ou qui lui ont été écrites , avec
la Traduction dont il est parlé cydessus.
C'est à cela que se termine tout le
contenu de ce Recueil . Le nom de Scholastique
, qu'elle porte dans le titre , lui
avoit été donné par l'Abbé Codadini, lorsqu'elle
fit ses voeux entre ses mains .
Voyez sa Vie par Benoît Bicchini , à la
tête de ses Oeuvres , et dans un Recueil
intitulé , Vita Selecta Vratislavia , 1711.
in 8. Sa Vie écrite en Italien pir Maximilien
Deza , et imprimée en 1617 Les
Pompes, funebres des Infecondi de Rome.
Gregorio Leti Italia Regnante; T. 4. p. 44 .
Nous ajoûterons , avec la permission
du
344 MERCURE DE FRANCE
du R. P. Niceron , que cette celebre Fille
étant aussi aggregée à l'Académie des Ricovrati
de Padoüe , on fit son Eloge dans
cette Académie , dans une Assemblée publique
à laquelle présida un illustre Acadé
micien François; sçavoir Charles Patin ,fils
du fameux Guy , Professeur en Medecine
dans l'Université de Padoüe et Chevalier
de S. Marc .
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XIX . de 408.
pages . A Paris , chez Briasson , à la
Science , M. DCC . XXXII.
Dans ce nouveau Volume des Memoires
du R. P. Niceron , executé sur le
même plan de ceux qui ont precedé , on
trouve un abregé de la vie de XXIX.
Sçavans en divers genres d'érudition ,
avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages
, ce qui fait la matiere d'une lecture
également agréable et instructive ;
on en pourra juger par le nom et le
mérite de ces Sçavans , qui sont ainsi rangez
dans la Table qui suit le Frontispice
' du Livre .
Ambroise Camaldule , Marc Battaglini ,
Olans
MARS. 1733.
$33
Olaus Borrichius , fean de la Bruyere , Joachim
Camerarius, Herman Conringius, Jean
de Cordes , Helene Lucrece Cornara Piscopia
, Quinto Mario Corrado , Sébastien
Corrado , Pierre Danés , Antoine Faure
Claude Faure de Vaugelas , foachim Frideric
Feller , Nicodême Frischlin , Jacques
Goar, Hugues Grotius , Pierre Guilleband
Chrétien Huygens , Thomas James , Engelbert
Kaemfer , Martin Lippenius , Hippolyte
Jule Pilet de la Menardiere , François
de la Mothe le Vayer , Bernardin Ochin ,
Jean- Isaac Pontamus , Jean- Pierre de Valbonnais
, Degorée Whear , Guillaume Xi ,
lander.
Le plus ancien de tous ces Sçavans est
Ambroise Camaldule , qui étant né en
1378. mourut en l'année 1439. C'est aussi
l'un des plus recommandables par sa pieté
et par son Erudition.L'Article qui le concerne
est fort bien rempli , ct le Catalogue
de ses Ouvrages travaillé avec soin .
L'Article de Bernardin Ochin , mort
en 1564. est curieux dans son genre. Ce
Personnage est une espece de Problême,
parmi les Sçavans ; on peut en dire du
bien et du mal sans s'écarter de la verité.
Notre Editeur n'a rien oublié pour débrouiller
tout ce qui regarde Ochin , en
quoi on peut dire qu'il a réussi beaucoup
Fii mieux
634 MERCURE DE FRANCE
mieux que les Critiques qui l'ont precedé
, sans en excepter M. Bayle , qui dans
son Dictionnaire s'est fort égayé sur
son Chapitre. Au reste , loin qu'Ochin ait
été l'Instituteur des Capucins , selon l'erreur
de plusieurs Ecrivains , on soutient
ici qu'il n'entra chez eux qu'en l'année
1534. dans le temps que cette Réforme
de l'Ordre de S. François commençoit
à faire du bruit. On avertit en mêmetemps
que pour être bien et sûrement
instruit au sujet de cet Auteur , il ne
faut point se fier tout- à - fait à l'Ecrivain
des Annales des Capucins.
Parmi les plus modernes d'entre les
Sçavans , dont il est fait mention dans
ce Volume , il n'en est point dont l'Article
fasse plus de plaisir à lire que celui
de Jean Pierre Moret de Bourchenu , Marquis
de Valbonnais , né à Grenoble en
1651. et mort le 2. Mars 1730. Premier
Président de la Chambre des Comp-"
tes de Dauphiné. Il a tenu un rang considerable
dans la République des Lettres
et il l'a enrichie de plusieurs Ouvrages ,
dont le Catalogue paroît ici avec une
Critique exacte de la part de l'Editeur.
L'Article VIII . de ce Catalogue indique
une Lettre de notre sçavant Magistrat
sur une Epitaphe Grecque, inserée dans
les
MARS. 1733.
535
les Memoires de Trévoux, Décembre 1715.
page 2246. Cette Epitaphe , pour le dire
en passant et par occasion , est celle d'une
Dame Grecque , trouvée à Marseille il
y a déja bien des années , sur une petite
Colomne de Marbre blanc , que M. Rigord
, Subdelegué de l'Intendant de Provence
en cette Ville , fit enlever et placer
à l'entrée de son Cabinet. Il en envoya
peu de temps après une copie à
Paris à un de ses Amis , pour la communiquer
aux Antiquaires .
Cet Ami l'ayant examinée , il en envoya
une Explication à M. Rigord dans
ane Lettre qui fut imprimée dans le Journal
de Trévoux du mois d'Octobre 1714.
à laquelle les Auteurs du Journal donnerent
en même- temps une autre Expli
cation .
M. Rigord , de son côté , ayant trouvé
quelque difficulté dans ces deux Explications
, en proposa une autre dans une
Dissertation adressée à M.le PrésidentBon,
qui fut rendue publique dans le même
Journal , Juillet 1715 .
Ces differentes Explications réveillerent
l'attention de M. de Valbonnais , qui dans
une Lettre aussi adressée au Président
Bon , et imprimée dans le mois de Décembre
1716. du même Journal , prit le
Fiiij ton
536 MERCURE DE FRANCE
ton de Maître , et censurant tout ce qui
avoit parû sur ce sujet , donna sa propre
Explication de l'Epitaphe Grecque ,
Explication qui , pour ne rien dissimuler
, ne fut pas heureuse .
Car l'Auteur de la premiere Interpretation
dont le sens avoit paru le plus
naturel à M. Rigord , à M. Galland et
à d'autres Antiquaires distinguez , démontra
par une Lettre imprimée dans le
Mercure du mois d'Août 1721. que celle
de M. de Valbonnais étoit insoutenable,
en ce que , pour l'admettre , il falloit admettre
aussi un Paradoxe capable de ré
volter tous les Antiquaires , sçavoir que
du temps de Marseille Payenne , temps
de la composition de l'Epitaphe , la Langue
Grecque étoit éttangere dans cette
Ville , et qu'un Grec n'entendoit rien
dans la Langue qu'on y parloit ; à Marseille
Colonie Grecque , où l'on a trouvé
tant de Monumens Grecs , et où encore
aujourd'hui on reconnoît des traces
de son origine dans la Langue vulgaire
qu'on y parle , &c.
Il faut rendre ici justice à M. de Valbonnais
, qui ayant vécu encore près de
dix ans depuis la publication de cette Lettre
dans le Mercure , n'a pas jugé à propos
d'y répondre , plus amateur de la
verité
MARS. 1733 .
537
verité , qu'il avoit sans doute reconnue
la reflexion , qu'attaché à ses propres
sentimens.
par
Pour ne pas déroger à notre coûtume
, sans exceder les bornes qui nous sont
prescrites , nous employerons ici l'Article
entier qui précede celui de M. de Valbonnais
et qui regarde l'Illustre Lucrece Cornara,
prasuadez que tous nos Lecteurs , et
surtout les Dames , nous en sçaurons gré.
HELENE Lucrece Cornara Piscopia,
naquit à Venise le 5. Juin 1646. de Jean-
Baptiste Cornaro , Procurateur de Saint
Marc. Dès sa plus tendre Enfance elle
donna des marques de ce qu'elle devien
droit un jour. Jean - Baptiste Fabris , homme
docte , et ami de son pere , ayant remarqué
en elle des dispositions heureuses
pour les Sciences , l'engagea à s'y appliquer.
A peine avoit elle sept ans -
qu'on lui donna des Maîtres pour lui apprendre
la Langue Latine. Ce furent Jean
Valesio , Chanoine de S. Marc , et le Docteur
Bartolotti . Les progrès qu'elle fit
bien-tôt en cette Langue par leurs instructions
, déterminerent son Pere à lui
faire apprendre aussi la Langue Grecque.
Fabris lui en donna les premieres leçons;
mais étant mort peu de temps après , Loüis
Gradenigo , Préfet de la Bibliotheque pu-
Fy blique
$ 38 MERCURE DE FRANCE
blique de Venise , prit sa place et continua
ce qu'il avoit commencé.
La june Cornara apprit ces Langues
avec beaucoup de facilité, et passa ensuite
à l'Hébraïque , à la Grecque vulgaire , à
l'Espagnole et à la Françoise , dans lesquelles
elle ne fit pas de moindres progrès
, elle voulut aussi sçavoir quelque
chose de l'Arabe.
Lorsqu'elle fut suffisamment instruite
de ce côté là , on l'appliqua à la Philosophie
et aux Mathématiques , dans lesquelles
elle eut pour Maître Charles Ri
naldini , qui les professoit à Padoue , et
ensuite à la Théologie , dont Hipolite
Marcheti , Prêtre de l'Oratoire , lui donna
des leçons.
Cette science lui plut particulierement
et elle s'y rendit si habile , que l'on consulta
les plus habiles gens de la France
et de l'Italie , pour sçavoir si l'on pouvoit
lui donner les degrez du Doctorat
en Théologie ; quelques Italiens composerent
même des Dissertations pour prouver
que cela se pouvoit , et que ce n'étoit
pas une chose opposée au précepte de l'Apôtre,
qui deffend aux femmes de parler
dans l'Eglise Charles Rinaldini son
Maître de Philosophie , fut de ce nombre.
Mais quelques obstacles qui se rencontrerent
MARS. 1733. 539
trerent dans cette affaire , obligerent le
Pere de la jeune Cornara , qui souhaitoit
avec passion de voir sa fille honorée
d'un titre singulier , à renoncer à son
premier dessein et à se tourner du côté
de la Philosophie , où il esperoit trouver
moins d'oppositions.
Il songea donc alors à la faire recevoir
Docteur en Philosophie dans l'Université
de Padoüe ; l'exemple étoit nouveau.
On n'avoit point encore vû de
Fille élevée au Doctorat. On sçavoit bien
que sainte Gertrude parloit souvent des
Mysteres de la Religion dans des Assemblées
nombreuses , et que sainte Catherine
de Sienne avoit harangué un jour
le Pape en présence des Cardinaux ; mais
ces actions particulieres étoicnt quelque
chose de moins considerable que de donner
en forme le Bonnet de Docteur à
une Fille . Quelques inconveniens qu'il y
cût à craindre de celle - cy, on crut devoir
passer par- dessus. On marquà le jour pour
la leçon d'épreuve de Lucrece Cornara ,
qui aussi humble que sçavante , eut d'abord
de la peine à accepter l'honneur que
l'on vouloit lui faire , et ne se rendit
que par obéîssance pour la volonté de
son Pere.
Ce jour qui étoit le 25. Juin 1678 .
Fvj étant
$40 MERCURE DE FRANCE
étant venu , on s'assembla , non point
dans les Ecoles publiques , suivant la coûtume
mais dans une Chip lle de la Cathédrale
, dédiée à la Vierge , que l'on
crut plus propre à contenir l'affluence
du Monde que la nouveauté du Spectacle
sembloit devoir y attirer. Cornara
y fit un Discours très-sc vant et trèséloquent
sur un Texte d'Aristote , qui
mérita les applaudissemens de toute l'Assemblée
et reçut ensuite le Bonnet de
Docteur , avec toutes les ceremonies usitées
en cette occasion .
Cette action attira sur elle les
yeux de toute l'Europe , et depuis ce
temps là elle fut visitée par tous les Curieux
qui voyagerent en Italie.
Elle avoit déja été auparavant aggrégée
à plusieurs Académies comme à celles
des Infecondi de Rome , des Intronati
de Sienne , & c .
Plusieurs personnes de mérite la rechercherent
en mariage , mais elle avoit
fait voeu de virginité dès l'âge d'onze ans,
et elle persista toute sa vie , dans le dessein
de l'observer quoique ses paren en
eussent obtenu la dispense de Rome
pour l'engager à se marier Elle vouloit
même se retirer entierement du Monde ;
mais la répugnance que sa famille témoigna
MARS .
540 1733
permoigna
pour cette résolution , ne lui
mit pas de l'exécuter; elle se contenta donc
de faire des voeux simples de Religion , en
qualité d'Oblate, de l'Ordre de S Benoît ,
entre les mains de Corneille Codanini
Abbé de S. George , et de recevoir de lui
l'habit des Religieuses de cet Ordre , qu'el
le porta toujours depuis , sous ses habits,
séculiers.
Son attachement extraordinaire à l'étu
de , et particulierement à celle des Langues
Grecque et Hébraïque , affoiblir si
fort sa complexion , qui étoit déja foible
d'elle - même, qu'elle tomba dans une langueur
et dans differentes infirmitez , qui
la conduisirent peu à peu au tombeau.
Elle mourut le 25 Juillet 1604. dans la
38 année de son âge , et fut enterrée à
Sainte Justine de Padoue , avec cette Epitaphe.
D. O. M.
HELENA Lucretia Cornelia Piscopia
, Joan. Bapti te D Marci Procuratoris
Filia , que moribus et Doctrina supra sexum
, et Laurea ad memoriam Posteritatis.
insignis , privatis votis coram Cornelio Codanino
Abbate S. Georgii Majoris emissis,
S. Benedicti Institutum ab ineunte alate
complexa , et religiosè prosecuta , in Monachorum
$42 MERCURE DE FRANCE
chorum Conditorium ut vivens optaverat ,
post acerba fata , admissa est Monachis H.
M. PP. Anno D. 1684.
Les Académies dont elle étoit , s'empresserent
à lui faire des Pompes Funebres
, et l'on a sur ce sujet l'Ouvrage suivant
: Le Pompe Funebri celebrate da Signori
Academici Infecondi in Roma per la
morte dell' Illust. Sign. Elena Lucretia Cornara
Piscopia , Accademica detta linalterabile.
In Padoua 1685. infol.
Catalogue de ses Ouvrages.
1º . Lettera o vero colloquio di Christo nostro
Redentore all' Anima devota composta
dal R.P. D. Giovanni Lanspergio Cartusiano
in Lingua Latina Transportata poscia
in idioma Spagnuolo dal P. F. Andrea Capiglia
, Monaco della Certosa , Prior del
Paular: Or vien tradotte di Spagnulo in
Italiano dall' Ill. Sign . Elena Lucretia Cornara
Piscopia , In Venezia , 1673. in 24.
Cette traduction a été réimprimée dans le
Recueil suivant .
2º . Helena Lucretia ( que et Scholastica)
Cornelia Piscopia l'irginis pietate et eruditione
admirabilis Ordinis D. Benedicti privatis
votis adscripta Opera que quidem haberi
potuerunt. Parma 1688. in 8. pag. 310
Cette
MARS. 1733.
548
Cette Edition des Ouvrages de Cornara
donnée par Benoit Bacchini , qui a mis
la tête une vie fort ample de cette Sças
vante , est divisée en trois Parties ; la
premiere contient un Panégyrique Italien
de la République de Venise , tout
rempli de Fleurs et de Saillies Italiennes ,
et l'Explication de deux Problêmes de
Politique , aussi en Italien . On voit dans
la seconde , des Eloges Latins , en Stile
Lapidaire , de l'Empereur , du Roy de
Pologne , du Pape Innocent XI . &c. Enfin
la troisiéme renferme quelques Lettres
Latines et Italiennes de notre Sçavante
, ou qui lui ont été écrites , avec
la Traduction dont il est parlé cydessus.
C'est à cela que se termine tout le
contenu de ce Recueil . Le nom de Scholastique
, qu'elle porte dans le titre , lui
avoit été donné par l'Abbé Codadini, lorsqu'elle
fit ses voeux entre ses mains .
Voyez sa Vie par Benoît Bicchini , à la
tête de ses Oeuvres , et dans un Recueil
intitulé , Vita Selecta Vratislavia , 1711.
in 8. Sa Vie écrite en Italien pir Maximilien
Deza , et imprimée en 1617 Les
Pompes, funebres des Infecondi de Rome.
Gregorio Leti Italia Regnante; T. 4. p. 44 .
Nous ajoûterons , avec la permission
du
344 MERCURE DE FRANCE
du R. P. Niceron , que cette celebre Fille
étant aussi aggregée à l'Académie des Ricovrati
de Padoüe , on fit son Eloge dans
cette Académie , dans une Assemblée publique
à laquelle présida un illustre Acadé
micien François; sçavoir Charles Patin ,fils
du fameux Guy , Professeur en Medecine
dans l'Université de Padoüe et Chevalier
de S. Marc .
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Résumé : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Le Tome XIX des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres' du R. P. Niceron, publié en 1732 à Paris, présente des résumés biographiques de 29 savants de divers domaines, accompagnés d'un catalogue raisonné de leurs œuvres. Parmi les savants mentionnés figurent Ambroise Camaldule, Bernardin Ochin, et Jean-Pierre de Valbonnais. Ambroise Camaldule, né en 1378 et mort en 1439, est particulièrement recommandé pour sa piété et son érudition. L'article sur Bernardin Ochin, mort en 1564, est noté pour sa complexité et les divergences d'opinions qu'il suscite. Jean-Pierre de Valbonnais, né en 1651 et mort en 1730, est souligné pour ses contributions significatives à la République des Lettres. Le texte mentionne également une controverse académique concernant une épitaphe grecque trouvée à Marseille, à laquelle Valbonnais a participé. Le texte inclut également une biographie détaillée de Hélène Lucrece Cornara Piscopia, née en 1646 à Venise, qui a reçu un doctorat en philosophie à l'Université de Padoue en 1678. Elle était polyglotte et a traduit plusieurs œuvres. Cornara est décédée en 1684 et a été honorée par diverses académies. Par ailleurs, le texte traite de la vie et des œuvres d'une femme nommée Scholastique. Le nom de Scholastique lui a été donné par l'Abbé Codadini lors de ses vœux. Plusieurs sources documentent sa vie, notamment une biographie par Benoît Bicchini, publiée dans un recueil intitulé 'Vita Selecta Vratislavia' en 1711. Une autre biographie en italien a été écrite par Maximilien Deza et imprimée en 1617. Les pompes funèbres des Infecondi de Rome, décrites par Gregorio Leti dans 'Italia Regnante', volume 4, page 44, mentionnent également Scholastique. Le texte mentionne aussi que Scholastique était membre de l'Académie des Ricovrati de Padoue. Un éloge en son honneur a été prononcé lors d'une assemblée publique présidée par Charles Patin, fils du célèbre Guy Patin, professeur de médecine à l'Université de Padoue et chevalier de Saint-Marc.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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98
p. 659-666
RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Début :
L'habitude dans laquelle je vois presque tout le monde, Monsieur, de [...]
Mots clefs :
Bordeaux, Ville, Latin, Prononciation, Étymologie, Burdigala, Langue, Garonne
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
REPONSE à la Lettre inseree dans
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Le texte discute de l'orthographe correcte du nom de la ville de Bordeaux. L'auteur reconnaît les arguments en faveur de 'Bourdeaux' mais soutient que 'Bordeaux' est la prononciation correcte. Il explique que 'Bordeaux' dérive de la situation géographique de la ville, entourée d'eaux, et que cette étymologie est plus logique que les autres propositions. L'auteur rejette l'idée que 'Bourdeaux' soit une corruption du nom et affirme que l'ajout du 'u' est une erreur. Il cite plusieurs auteurs et dictionnaires qui utilisent 'Bordeaux' et critique ceux qui préfèrent 'Bourdeaux' pour des raisons de vanité ou de négligence. L'auteur conclut que l'usage actuel et l'étymologie naturelle du nom favorisent 'Bordeaux'. Il propose également une étymologie alternative selon laquelle 'Burdigala' pourrait dériver de 'Bordeaux', mais il insiste sur le fait que 'Bordeaux' est le nom originel et correct.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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99
p. 862-865
REMARQUES sur les Lettres inserées dans les deux derniers Mercures, au sujet du nom et de l'étimologie de Bourdeaux ou Bordeaux.
Début :
En matiere d'étimologies il faut les chercher dans la langue naturelle et [...]
Mots clefs :
Bordeaux, Langue, Gaulois, Ville, Villes, Goths, Étymologie
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les Lettres inserées dans les deux derniers Mercures, au sujet du nom et de l'étimologie de Bourdeaux ou Bordeaux.
REMARQUES sur les Lettres inserées
dans les deux derniers Mercures >
au sujet du nom et de l'étimologie de
Bourdeaux ou Bordeaux .
N matiere d'étimologies il faut les
E chercher dans la langue naturelle et
originale de chaque Païs , ou de celledes
Colonies qui sont venues l'habiter.
Dans l'ancienne Langue celtique , qui
étoit celle qu'on parloit dans les Gaules
, la Germanie , la Grande Bretagne
&c. Bourg, ou Burggauts , signifie la ville
des Gaulois , nom qu'on a donné à Bordeaux
, parce que les Gaulois, qui étoient
divi
MAY. 1733. 863
divisez des Aquitains par la Garonne ,
passerent cette Riviere , et s'établirent en
deçà. Une semblable raison a fait appeller
Burgus Santonum , la ville de Bourg ,
qui est une Colonie des Santones , qui
s'établirent plus bas sur cette Riviere.Le
nom de Burg est fort usité dans les noms
des Villes de tout le Païs du Nord , et il
signifie Castrum , Sedes , Urbs, habitatio
& c. Cesar a appellé Bituriges vibises
les environs de Bordeaux , et ce n'est
que Strabon, et Ausone après lui, qui ont
latinisé Burg , gauls , et en on fait Burdigala.
Or ce mot s'est formé comme celui
de Linguadokum , qui vient de Lingua
Gottorum , nom qu'on donne à la Gaule
Narbonnoise , où les Gots s'établirent au
quatrième siècle , sous l'Empereur Honorius.
Les François appellerent ce Païs
Langue des Gots ou Langue des Kots , cat
le Get le K se changent souvent l'un en
l'autre , et quand on a voulu latiniser ce
nom , on a dit Linguadokum ; de sorte
qu'il y a eu d'ajouté l'article du Génitif,
tout ainsi qu'il s'est introduit dans l'Espagnol
, l'Italien et l'Anglois.
De Burg de Gauls , on en a ensuite
formé Bordeaux , comme de Langue des
Gots , s'est formé Languedok , où il y a
une sillabe retranchée.
By Les
864 MERCURE DE FRANCE
Les noms anciens latinisez , où il y a
un D au milieu , qui n'est point article
du Génitif, ont laissé le D en devenant
François , comme Andegavum , Anjou ;
Cadurcum , Cahors ; Clodoveus , Clovis , et
Loüis ; Lugdunum , Lyon ; Rhodanus , le
Rhône , &c mais lorsque le D a été prafixum
du Gnitif , il y est resté , comme
dans Linguadakum , Languedoc ; Burdigala
, Bordeaux , & c .
Dans les Langues Gauloise , Celtique ,
Saxone et même Tudesque , aujourd'hui ,
Bord , signifie extrêmité et rivage. Il se
peut qu'on a donné le nom de Bordgauls
à la ville des Gaulois , établis sur les Kives
de la Garonne , du cô é des Aquitains,
et que pour rendre latin ce nom , on a dit
Burdegala. Cette étimologie paroît fort
naturelle ; il y a même plusieurs Paï's qui
ont pris leur nom des Rivages de la Mer,,
ou de quelque Riviere . On dit qu'Aquitania,
signifie Aquarum regio. Armorica, en
Anglois , signifie Regio Maritima. L'Attique
en Grece , Regio littoralis ( si l'on peutse
servir de ce terme ) , parce qu'elle estpresque
toute environnée de Mer.L'Tonie,,
le Pont , la Phrygie, par la même raison..
Le Portugal est le Port des Gaulois.. On
trouve encore aujourd'hui beaucoup de
Villes Maritimes , où sur les bords des,
Rivieres
MAY. 1733 865
Rivieres , qui ont pris leur nom de leur
situation ; comme en France , le Havre
de Grace , Bayonne , &c . et les Villes où
le mot de Port se trouve joint. En Hollande
, Utrecht et Maestrecht ont pris
leur nom de Trajectus , passage , ou Ville
au de- là . En Angleterre quantité de
Villes. En Italie , Östic , &c.
Voilà deux Etimologies dont on pourra
choisir celle qui fera le plus de plaisir,
et qu'on jugera la plus convenable a
nom de Bordeaux.
dans les deux derniers Mercures >
au sujet du nom et de l'étimologie de
Bourdeaux ou Bordeaux .
N matiere d'étimologies il faut les
E chercher dans la langue naturelle et
originale de chaque Païs , ou de celledes
Colonies qui sont venues l'habiter.
Dans l'ancienne Langue celtique , qui
étoit celle qu'on parloit dans les Gaules
, la Germanie , la Grande Bretagne
&c. Bourg, ou Burggauts , signifie la ville
des Gaulois , nom qu'on a donné à Bordeaux
, parce que les Gaulois, qui étoient
divi
MAY. 1733. 863
divisez des Aquitains par la Garonne ,
passerent cette Riviere , et s'établirent en
deçà. Une semblable raison a fait appeller
Burgus Santonum , la ville de Bourg ,
qui est une Colonie des Santones , qui
s'établirent plus bas sur cette Riviere.Le
nom de Burg est fort usité dans les noms
des Villes de tout le Païs du Nord , et il
signifie Castrum , Sedes , Urbs, habitatio
& c. Cesar a appellé Bituriges vibises
les environs de Bordeaux , et ce n'est
que Strabon, et Ausone après lui, qui ont
latinisé Burg , gauls , et en on fait Burdigala.
Or ce mot s'est formé comme celui
de Linguadokum , qui vient de Lingua
Gottorum , nom qu'on donne à la Gaule
Narbonnoise , où les Gots s'établirent au
quatrième siècle , sous l'Empereur Honorius.
Les François appellerent ce Païs
Langue des Gots ou Langue des Kots , cat
le Get le K se changent souvent l'un en
l'autre , et quand on a voulu latiniser ce
nom , on a dit Linguadokum ; de sorte
qu'il y a eu d'ajouté l'article du Génitif,
tout ainsi qu'il s'est introduit dans l'Espagnol
, l'Italien et l'Anglois.
De Burg de Gauls , on en a ensuite
formé Bordeaux , comme de Langue des
Gots , s'est formé Languedok , où il y a
une sillabe retranchée.
By Les
864 MERCURE DE FRANCE
Les noms anciens latinisez , où il y a
un D au milieu , qui n'est point article
du Génitif, ont laissé le D en devenant
François , comme Andegavum , Anjou ;
Cadurcum , Cahors ; Clodoveus , Clovis , et
Loüis ; Lugdunum , Lyon ; Rhodanus , le
Rhône , &c mais lorsque le D a été prafixum
du Gnitif , il y est resté , comme
dans Linguadakum , Languedoc ; Burdigala
, Bordeaux , & c .
Dans les Langues Gauloise , Celtique ,
Saxone et même Tudesque , aujourd'hui ,
Bord , signifie extrêmité et rivage. Il se
peut qu'on a donné le nom de Bordgauls
à la ville des Gaulois , établis sur les Kives
de la Garonne , du cô é des Aquitains,
et que pour rendre latin ce nom , on a dit
Burdegala. Cette étimologie paroît fort
naturelle ; il y a même plusieurs Paï's qui
ont pris leur nom des Rivages de la Mer,,
ou de quelque Riviere . On dit qu'Aquitania,
signifie Aquarum regio. Armorica, en
Anglois , signifie Regio Maritima. L'Attique
en Grece , Regio littoralis ( si l'on peutse
servir de ce terme ) , parce qu'elle estpresque
toute environnée de Mer.L'Tonie,,
le Pont , la Phrygie, par la même raison..
Le Portugal est le Port des Gaulois.. On
trouve encore aujourd'hui beaucoup de
Villes Maritimes , où sur les bords des,
Rivieres
MAY. 1733 865
Rivieres , qui ont pris leur nom de leur
situation ; comme en France , le Havre
de Grace , Bayonne , &c . et les Villes où
le mot de Port se trouve joint. En Hollande
, Utrecht et Maestrecht ont pris
leur nom de Trajectus , passage , ou Ville
au de- là . En Angleterre quantité de
Villes. En Italie , Östic , &c.
Voilà deux Etimologies dont on pourra
choisir celle qui fera le plus de plaisir,
et qu'on jugera la plus convenable a
nom de Bordeaux.
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Résumé : REMARQUES sur les Lettres inserées dans les deux derniers Mercures, au sujet du nom et de l'étimologie de Bourdeaux ou Bordeaux.
Le texte explore l'étymologie du nom 'Bordeaux' en se basant sur la langue celtique. Le terme 'Bourg' ou 'Burggauts' signifie 'ville des Gaulois'. Les Gaulois, après avoir traversé la Garonne, se sont établis dans cette région, nommant ainsi la ville. Le nom 'Burg' est courant dans les noms de villes du Nord et signifie 'castrum', 'sedes', 'urbs' ou 'habitatio'. César appelait les environs de Bordeaux 'Bituriges vivis', tandis que Strabon et Ausone ont latinisé le nom en 'Burdigala'. Ce mot s'est formé de manière similaire à 'Linguadokum', dérivé de 'Lingua Gottorum', le nom donné à la Gaule Narbonnaise où les Gots se sont établis au quatrième siècle. Les Français ont appelé cette région 'Langue des Gots' ou 'Langue des Kots', et le nom a été latinisé en 'Linguadokum'. De 'Burg de Gauls', le nom 'Bordeaux' a été formé, tout comme 'Languedoc' est dérivé de 'Langue des Gots' avec une syllabe retranchée. En gaulois, celtique, saxon et tudesque, 'Bord' signifie 'extrémité' et 'rivage'. Il est possible que Bordeaux ait été nommé ainsi en raison de sa situation sur les rives de la Garonne. Plusieurs pays et villes ont des noms dérivés de leur situation géographique, comme l'Aquitaine, l'Armorique, l'Attique, la Thrace, le Pont, la Phrygie et le Portugal. Le texte présente deux étymologies possibles pour le nom de Bordeaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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100
p. 865-869
MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS, au Chevalier de LEUCOTECE, en réponse à la sienne, inserée dans le premier volume du Mercure de Decembre, page 2570.
Début :
Preux Paladin, fameux en courtoisie, [...]
Mots clefs :
Italien, Roland furieux, Brutus , Épée, Latin, Malcrais
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texteReconnaissance textuelle : MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS, au Chevalier de LEUCOTECE, en réponse à la sienne, inserée dans le premier volume du Mercure de Decembre, page 2570.
MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS ,
au Chevalier de LEUCOTE CE , en réponse
à la sienne , inserée dans le premier
volume du Mercure de Decembre , page
2570.
Preux Paladin , fameux en courtoisie „,
Qui publiez à ma gloire un Cartel ,
Et défiez, piqué par jalousie ,.
Trois Chevaliers peu chiches de leur pel :
Bien que d'effroi pantoisante , et transie 2
I Voyez Villon , dans la Ballade de son appels
toute Bête garde sa pel ..
2 On disoit aussi Pantoiser , pour
Galeine. Academie Erançoise.
dire la courte
Bvj
OUL
་
866 MERCURE DE FRANCE
Pour quelqu'un d'eux je craigne un coup mor
tel ;
Endemetiers 3 , à noble fantaisie ,
Honneur dois rendre , et veux , n'en doutez
mie ,
Pour ce , du moins vous donner un Châtel •
Quand j'en aurai , s'entend , s'il prend envie
Au Rɔy des Francs , par contrat solemnel
De m'en vendre un à crédit éternel ,
Ja ne cuidez que pourtant sans faillie ,
Homme et Harnois soient en votre baillie
Et que puissiez , sans moult y périller
Conduire à chef chaude et brave avanture ,
Escus desrompre , et hauberts desmailler ,
Tout comme Argi e enfondre triple armure.
Le cas n'est hoc ; fussiez - vous sur Bayard , 4
>
3 Endemétiers , mot ancien, dont s'est servi Alain
Chartier , dans le débat du Reveille matin. Du
Chesne , après avoir dit que ce terme signfie , cependant
, se figure qu'il est dérivé du latin , intercadum
;pour moi e croirois avec tout le respect
que je lui dois , qu'il tire son origine de l'expression
Italienne , è dimesi re, il faut , il convient, quoique
la cons'ruction de la Phrase , dont cette expression
fait partie en Italien , soit n peu differente de
la construction françoise , où cependant, demeure,
pour ainsi dire , isolé.
4 Arioste dans le Poëme de Roland furieux, chant.
5. Sect.74. fait de cefameux Cheval de Renant de
Montauban l'élog: qui suit :
Ne' calci tal passa harca il Cavallo ,
C'hauria spezzato un Monte di metallo.
Cein
MAY. 17337
867
Ceindriez-vous l'illustre Balisarde , s
Qui d'un Héros , fit souvent un fuyard ,
Votre pourpoint bel et bien s'y hazarde,
Emmi Soudarts qui viendront ferraillant
Voltairio Chevalier parvaillant ,
Fait en champ clos tournoyer une Epée ,
Forte , et luisante , enfin acier trempée ;
Et qui plus est , bien qu'il soit bon Jousteur ;
Le vieux Merlin n'étoit pire enchanteur. 6
Tout l'Ost 7 Turquois ne soûtiendroit sa vûë ;
Coint et faitis , l'invincible Guerrier ,
Tenant en main baguette de Laurier ,
Vous les sçauroit , comme poudre menuë ,
Esparpiller , où s'il n'avoit loisir
De faire exploit de sa vertu connuë ,
A son secours veriez en hâte Issir. 8
Des creux Enfers , où bien fort leur ennuye
5 Balisarda , c'étoit le nom de l'Epée de Roger ,
comme Durindana étoit celui de l'Epée de Roland
Se Durindana , è Balisarda taglia ,
Sapete , è quanto in queste , mani vaglia.
Ariost Rol. fur . c. 30. St 51.
6 Voyez dans le chant de Roland furieux , 3
description de la Groste enchantée de Merlin.
Lax
7 Ost , vieux mot , qui signifie Armée ; il est
dérivé du latin Hostis .
8 Issir , vient de l'Italien Usire , en François ,
Sortir.
Brutus
68 MERCURE DE FRANCE
Brutus , Herode , au front plus noir que suye
Et vous feroient sur l'arêne gésir. ro
Point n'ignorez , ô tres-valeureux Sire
Que le Romain qu'orgueil engrillonna ,
Sa géniture à mort abandonna ,
Qu'à l'autre un Rat fit son Epouse occire.
Partant jugez que ces tueurs de gens ,
Au fier combat volant comme à la danse
N'épargneront de vous bourrer la panse ::
Et ne craindront des Archers diligens ,
Par monts , par vaux , la poursuite empressée
Ains , aussi -tôt qu'étendu vous verront ,
Sur le terrain , de votre chair feront ,
Hachis , Ragout , Grillade et Fricassée
Puis à l'envi guayement vous grugeront.
Las ! quand s'aurois la fatale nouvelle ,
Qu'auriez subi fortune tant cruelle ,
D
Pour mon ainour ; que mon coeur plein d'es
moy ,
Se guémentant iroit en désarroy !
Donc , bien qu'ayez fait guerriere Apertise,.
Forcé Remparts , et Géants abbatus ,
Quand sériez même aussi vaillant qu'Artus ,
9 Allusion aux Tragedies de M, de Voltaire,
Mariamne et Brutus,
10. Gésir on Gir , infinitif de Gît ; en Italien ,
Giacere ; en latin Jacere.
11 Artus , Roy d'Angleterre , quifut tres - vail-
Fant , et qui établit P'Ordre des Chevaliers de Ia
Table Ronde..
Trois
MAY. 2733 .
Trois , quatre fois remirés l'entreprise..
Bon soir , Seigneur , je suis à toujours mais ,
Votre servante , Antoinette Malcrais..
Au Croisic , ce 29 de Janvier 173:30.
2. Cette façon de parler vient de l'Italien , Sem
gre mai , dont nous avons fait à tout jamais.
au Chevalier de LEUCOTE CE , en réponse
à la sienne , inserée dans le premier
volume du Mercure de Decembre , page
2570.
Preux Paladin , fameux en courtoisie „,
Qui publiez à ma gloire un Cartel ,
Et défiez, piqué par jalousie ,.
Trois Chevaliers peu chiches de leur pel :
Bien que d'effroi pantoisante , et transie 2
I Voyez Villon , dans la Ballade de son appels
toute Bête garde sa pel ..
2 On disoit aussi Pantoiser , pour
Galeine. Academie Erançoise.
dire la courte
Bvj
OUL
་
866 MERCURE DE FRANCE
Pour quelqu'un d'eux je craigne un coup mor
tel ;
Endemetiers 3 , à noble fantaisie ,
Honneur dois rendre , et veux , n'en doutez
mie ,
Pour ce , du moins vous donner un Châtel •
Quand j'en aurai , s'entend , s'il prend envie
Au Rɔy des Francs , par contrat solemnel
De m'en vendre un à crédit éternel ,
Ja ne cuidez que pourtant sans faillie ,
Homme et Harnois soient en votre baillie
Et que puissiez , sans moult y périller
Conduire à chef chaude et brave avanture ,
Escus desrompre , et hauberts desmailler ,
Tout comme Argi e enfondre triple armure.
Le cas n'est hoc ; fussiez - vous sur Bayard , 4
>
3 Endemétiers , mot ancien, dont s'est servi Alain
Chartier , dans le débat du Reveille matin. Du
Chesne , après avoir dit que ce terme signfie , cependant
, se figure qu'il est dérivé du latin , intercadum
;pour moi e croirois avec tout le respect
que je lui dois , qu'il tire son origine de l'expression
Italienne , è dimesi re, il faut , il convient, quoique
la cons'ruction de la Phrase , dont cette expression
fait partie en Italien , soit n peu differente de
la construction françoise , où cependant, demeure,
pour ainsi dire , isolé.
4 Arioste dans le Poëme de Roland furieux, chant.
5. Sect.74. fait de cefameux Cheval de Renant de
Montauban l'élog: qui suit :
Ne' calci tal passa harca il Cavallo ,
C'hauria spezzato un Monte di metallo.
Cein
MAY. 17337
867
Ceindriez-vous l'illustre Balisarde , s
Qui d'un Héros , fit souvent un fuyard ,
Votre pourpoint bel et bien s'y hazarde,
Emmi Soudarts qui viendront ferraillant
Voltairio Chevalier parvaillant ,
Fait en champ clos tournoyer une Epée ,
Forte , et luisante , enfin acier trempée ;
Et qui plus est , bien qu'il soit bon Jousteur ;
Le vieux Merlin n'étoit pire enchanteur. 6
Tout l'Ost 7 Turquois ne soûtiendroit sa vûë ;
Coint et faitis , l'invincible Guerrier ,
Tenant en main baguette de Laurier ,
Vous les sçauroit , comme poudre menuë ,
Esparpiller , où s'il n'avoit loisir
De faire exploit de sa vertu connuë ,
A son secours veriez en hâte Issir. 8
Des creux Enfers , où bien fort leur ennuye
5 Balisarda , c'étoit le nom de l'Epée de Roger ,
comme Durindana étoit celui de l'Epée de Roland
Se Durindana , è Balisarda taglia ,
Sapete , è quanto in queste , mani vaglia.
Ariost Rol. fur . c. 30. St 51.
6 Voyez dans le chant de Roland furieux , 3
description de la Groste enchantée de Merlin.
Lax
7 Ost , vieux mot , qui signifie Armée ; il est
dérivé du latin Hostis .
8 Issir , vient de l'Italien Usire , en François ,
Sortir.
Brutus
68 MERCURE DE FRANCE
Brutus , Herode , au front plus noir que suye
Et vous feroient sur l'arêne gésir. ro
Point n'ignorez , ô tres-valeureux Sire
Que le Romain qu'orgueil engrillonna ,
Sa géniture à mort abandonna ,
Qu'à l'autre un Rat fit son Epouse occire.
Partant jugez que ces tueurs de gens ,
Au fier combat volant comme à la danse
N'épargneront de vous bourrer la panse ::
Et ne craindront des Archers diligens ,
Par monts , par vaux , la poursuite empressée
Ains , aussi -tôt qu'étendu vous verront ,
Sur le terrain , de votre chair feront ,
Hachis , Ragout , Grillade et Fricassée
Puis à l'envi guayement vous grugeront.
Las ! quand s'aurois la fatale nouvelle ,
Qu'auriez subi fortune tant cruelle ,
D
Pour mon ainour ; que mon coeur plein d'es
moy ,
Se guémentant iroit en désarroy !
Donc , bien qu'ayez fait guerriere Apertise,.
Forcé Remparts , et Géants abbatus ,
Quand sériez même aussi vaillant qu'Artus ,
9 Allusion aux Tragedies de M, de Voltaire,
Mariamne et Brutus,
10. Gésir on Gir , infinitif de Gît ; en Italien ,
Giacere ; en latin Jacere.
11 Artus , Roy d'Angleterre , quifut tres - vail-
Fant , et qui établit P'Ordre des Chevaliers de Ia
Table Ronde..
Trois
MAY. 2733 .
Trois , quatre fois remirés l'entreprise..
Bon soir , Seigneur , je suis à toujours mais ,
Votre servante , Antoinette Malcrais..
Au Croisic , ce 29 de Janvier 173:30.
2. Cette façon de parler vient de l'Italien , Sem
gre mai , dont nous avons fait à tout jamais.
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Résumé : MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS, au Chevalier de LEUCOTECE, en réponse à la sienne, inserée dans le premier volume du Mercure de Decembre, page 2570.
La missive de l'Infante de Malcrais, datée du 29 janvier 1733 au Croisic, est adressée au Chevalier de Leucote en réponse à un cartel publié par ce dernier dans le Mercure de décembre. L'Infante exprime sa préoccupation face aux trois chevaliers défiés par Leucote, bien qu'elle reconnaisse leur courtoisie et leur bravoure. Elle propose de lui offrir un château, à condition que le roi des Francs le lui vende à crédit éternel, permettant ainsi à Leucote de défendre ce château avec ses hommes et son équipement. Pour illustrer la dangerosité des adversaires, l'Infante fait référence à des œuvres littéraires telles que celles de Villon et Arioste. Elle évoque également des personnages historiques et mythologiques, comme Brutus et Hérode, pour souligner les risques encourus par Leucote. L'Infante conclut en exprimant son inquiétude pour sa sécurité et en lui souhaitant bonne chance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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