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1
p. 1092-1108
TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Début :
Nous voicy donc enfin arrivez, Monsieur, au plus bel endroit [...]
Mots clefs :
Professeur d'Université, Bureau typographique, Société des arts, Collège du Plessis, Académies, Machine typographique, Méthodes, Alphabet, Syllabes, Ecoles d'Europe, Enfants typographes, Précepteurs typographistes, Docteur Abécédiste, Buraliste
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texteReconnaissance textuelle : TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
ROISIEME Lettre d'un Professeur
del'Université de Paris , un Principal
de Province , sur le Bureau Typogra
phique.
Ni
Ous voicy donc enfin árrivez, Monsieur , au plus bel endroit de la Lettre , qui paroît au Buraliste , bien audessus des Vers de M. le Beau , et de la
Prose de M. Gaullyer , et qui nous pároît , à nous valoir au moins toutes les
Lettres écrites par le nouvel Abécédiste ,
I. Vol,
pour
JUI N. 1732 1093
pour faire valoir son ABC. Typogra
phique. C'est là qu'il met tout le fort
de sa Cause ; c'est un sujet de joye et de
triomphe pour lui ; c'est un Certificat
des plus autentiques et un Jugement sans
appel ; c'est par-là enfin , qu'en idées au
moins , il abbat et terrasse tous ses ennemis , sur tout les Régens du College du
Plessis.
Voici , Monsieur , ( dit-il d'un air victorieux
et triomphant ) un Certificat qui vous fera voir
un Jugement de la Societé des Arts , un peu dif- ferent de celui des Régens du College du Plessis.
EXTRAIT du Registre des Déliberations
de la Societé des Arts , du Dimanche
17. Décembre 1730.
Ce jour , Messieurs Medallon , Romieu , Degua , et Remond, Commissaires nommez par déliberation de la Societé du 27. Août dernier ,
pour l'examen d'une nouvelle Machine servant
à apprendre aux enfans plus facilement et plus promptement à connoître les Lettres , à les assem◄
bler , à ortographier , tant en Latin qu'en François, et même les premiers principes de la Langue
Latine , présentée à la Societé par le sieur Dumas,
sous le nom du Bureau Typographique , ont fait
leur rapport à la Compagnie , conçu en ces
termes :
Рома
Nous Commissaires nommez par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé
le sieur Dumas , certifions que cette nouvelle invention nous a parû mériter à plusieurs titres une entiere préference sur toutes les Méthodes employées I. Vol. jusqu'
T094 MERCURE DE FRANCE
jusqu'à présent pour l'instraction des enfans , en te
qu'ilfournit un moyen infaillible d'employer utilement les premieres années de la plus tendre enfance,
en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui
accompagne cet age , en épargnant les préceptes , en
ne parlant qu'au sens et à l'imagination , qui sont
le seul partage de l'enfance , en profitant même des
imperfections de cet age pour le progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir, et d'une prat que aisée et mécanique , laquelle
est néanmoinsfondée sur la théorie la plus exacte et la mieux suivie , enfin en donnant aux enfans une
habitude d'ordre et de travail , et ce qui mérite encore plus d'attention , en leur épargnant le dégots
qui les éloignant de l'étude , décide souvent de leur
sort pour le reste de leur vie. Nous croyons que tous
teux qui sentent l'importance de l'emploi des premieres années de l'enfance , regarderont avec estime
une invention dont l'utilité s'étend sur tous les âges,
et que l'Auteur recueillira par le succès et l'Approbation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
Je soussigné Secretaire de la Societé des Arts ,
certifie que l'Extrait cy-dessus a été tiré du Registre des Déliberations de la Societé , et qu'il
est en tout conforme à son original. Donné à
Paris ce 14. Septembre 1731. HYNAULT.
Que ferai-je présentement ? de quel
côté me tournerai- je ? à qui aurai- je recours ? à l'Académie Françoise ? elle ne
voudra pas porter son jugement après la
Societé des Arts ; et comme il s'agit de
Latin , elle me renverra à l'Université
comme elle y a déja renvoyé le grand
I. Vol. Inven
JUIN. 1732. 1095
Inventeur de la Regle monosyllabique
ad, et de la Leçon d'une demie heure.
Al'Académie des Sciences ? mais oseroitelle juger d'un Systême mécanique moins
favorablement que ceux qui font, dit- on,
des mécaniques , presque toute leur occupation ? M'adresserai- je à l'Université?
il est vrai qu'elle est depuis plusieurs siecles la mere des Arts et des Sciences ,
qu'elle a le droit de prononcer sur ces
matieres, et qu'elle l'a souvent exercé avec
grand contentement , et avec l'applaudissement de la République des Lettres.
Ainsi comme elle s'est déja déclarée plus
d'une fois pour l'ancienne Méthode , je
n'aurois pas de peine à en obtenir une
décision contraire à celle de ces Mrs de
la Societé des Arts.
par des '
Mais de quelle utilité seroit pour moi
cette décision ? Le Buraliste n'en appel
leroit-il pas , comme étant faite
Juges suspects de partialité , et n'opposeroit-il pas à toutes les Universitez du Monde , l'autorité de la Societé des Arts , et
ne secroiroit- il pas bre de ce grand nom à couvert à l'omde réJe n'ai donc , je
crois , d'autre parti à prendre que
pondre au Certificat de ces M , et d'affoiblir un peu le coup mortel que le Machiniste a prétendu porter par là à tous
1. Vol. C les
1096 MERCURE DE FRANCE
les Régens , et particulierement à ceux
du College du Plessis. C'est à quoi pourront peut- être servir les Refléxions suivantes.
Je remarque donc d'abord que l'humilité de l'Auteur du Bureau, qui a bien voulu présenter et soumettre sa nouvelle Machine à l'examen de la nouvelle Societé,
la politesse et l'humanité des Examina
teurs , l'affection particuliere qu'ils ont
pour tout ce qui est mécanique , et.pour
tous les nouveaux Machinistes , tour
cela a peut-être contribué à leur faire
porter du Bureau Typographique un Jugement si favorable , autant . et même
plus, que la vûë claire et distincte de la
bonté et de l'utilité de cette Méthode de
bois.
En second lieu ces Mes n'ont point prononcé sur la préference que la Machine
doit avoir sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present pour enseigner
aux enfans le Grec, l'Hebreu , l'Arabe
&c. 'Histoire , la Fable , la Chronolo
gie , la Géographie , les Généalogies , le
Blason , les Médailles , les Arts et les
Sciences, et par conséquent les Mécaniques , qui font leurs occupations particulieres , et à quoi le Buraliste prétend que
son Bureau est necessaire ( Lettre 4. page
1. Vol.
62.)
JUIN. 1732. 1097
2. ) ils se sont restraints à dire qu'il sert
à apprendre à connoître les Lettres , à les
assembler , à ortographier , tant en Latin
qu'en François , et même les premiers
principes de la Langue Latine , ajoûtentils, ce semble, avec quelque peine et sans
aller plus loin.
Troisièmement, l'Eloge que les quatre
Examinateurs font de la Machine Typo
graphique , et l'entiere préference qu'ils
lui donnent sur toutes les Méthodes qui
ont existé jusqu'à ce jour , nous paroît
convenir bien mieux à l'ingénieuse et à
l'admirable invention des Lettres et de
leurs combinaisons pour former les syllabes , qui se trouvent dans le moindre
petit Alphabet. C'est ce que Lucain et
son Traducteur Brebeuf ont exalté just
qu'au Ciel par ces Vers si beaux et si magnifiques :
Phænices primi, fama si creditur , ausi
Mansúram rudibus vocem signarefiguris.
Lucain 22.
C'est de lui que nous vient cet Art ingenieur
De peindre la parole et de parter aux yeux';
Et par les traits divers de figures tracées ,
Donner de la parole et du corps aux pensées.
Ainsi le Buraliste ne doit pas si fərt
I. Vol. Cijs'en
1098 MERCURE DE FRANCE
s'en orgueillir de ce qu'on a dit en faveur
de son Bureau , puisque les Lettres et les
Syllabes et par consequent l'Alphabet
qui les contient et qu'il méprise tant ,
nous paroît mériter à plusieurs titres
une entiere préference.
*
Ex
Examinons présentement plus en détail
le Certificat , et pesons en toutes les paroles. Nous certifions , dit-on , que cette
nouvelle invention nous a parû mériter à
plusieurs titres une entiere preference sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present
pour l'instruction des enfans , même pour les
premiers principes de la Langue Latine;
par consequent sur la Méthode de Quintilien , de Despautere , de Sanctius et de
Vossius , de M M. de Port Royal , de
M. Rollin et de M. le Fevre , &c. MTs les
Commissaites nommez par déliberation
de la Societé , du Dimanche 27. Août
1730. ont fait leur rapport aussi le Dimanche 17. Septembre de la même année. Du premier terme au second , il n'y
a que 112. jours ou 16. Semaines , c'està-dire,pas quatre mois entiers. Qui pour
ra donc être assez simple pour croire
qu'un espace si court ait suffi pour lire les
anciennes Méthodes, et les comparer avec
la nouvelle , ou que sans les lire , on ait
pû en juger sainement et lui donner rai1. Vol son-
JUIN. 1732. 1099
sonnablement une entiere préference sus
elles ?!
Un Alphabet ne fournit- il pas aussi aux
enfans un moyen infaillible d'employer utibement les premieres années de la plus tendré
enfance , en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui accompagne cet âge ? N'épargne-t- il pas les préceptes en ne parlant qu'aux
sens ( aux yeux qui sont le sens le plus
vif ) et à l'imagination , tandis que le Maître parle aux oreilles , qui sont , non le
seul, ( car il y a la memoire ) mais un des
meilleurs partages de l'enfance ? Par le
moyen de l'Alphabet ne profite- t'on pas
même des imperfections de cet age pour le
progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir , sur tout si
Alphabet est de bon pain d'épice ou de
quelqu'autre pâte sucrée , comme le veut
M. de Vallange et d'une pratique aisée et
toute mécanique , c'est- à- dire d'une digestion facile , toute physique et très- utile
pour la santé , pourvû qu'on n'en prenne
pas avec excès : laquelle est neanmoins fondée sur la théorie la plus exacte et la mieux
suivie , sçavoir ,sur les combinaisons meryeilleuses des Lettres et des Syllabes ; enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travails d'ordre , tel qu'il est
suivi generalement dans tous les Diction
I. Vol. C iij naires
1100 MERCURE DE FRANCE
naires , et qu'il est le plus naturel pour les
enfans ; de travail , par rapport à
àlala pro
nonciation de certaines syllabes rudes et
retives sur laquelle Quintilien veut qu'on
les exerce beaucoup ; et , pour me servir
toûjours des expressions de M M. Medallon , Degua , Romieu et Remond , ce qui
mérite encore plus d'attention , en leur épar
gnant le dégoût , qui les éloignant de l'étude,
décide souvent de leur sort pour le reste de
leur vie.
Je croi donc que tous ceux qui sentent
L'importance de l'emploi des premieres années
de l'enfance , regarderont avec estime une invention dont l'utilité , durant une longue
suite de siecles , depuis Cadmus , premier
Inventeur des Lettres de l'Alphabet , jusqu'à nous, s'est étendue , et plus que problablement depuis nous jusqu'à la fin du
monde , malgré l'invention de la Machi
ne Typographique , s'étendra sur tous les
hommes,de quelque âge, de quelque sexe,
de quelque qualité et condition qu'ils
soient , et que l'Auteur ( c'est Cadmas
et non l'Auteur du Bureau ) recueillira ,
comme il l'a toûjours recueilli , par le
succès et l'approbation generale du Public ,
la seule récompense qu'il ait attendu de son travail.
N'est-il pas clair que le Certificat
de
I. Vol. Mrs
JÚ IN. 1732. 1101
Mles quatre Commissaires , ainsi tourné,
et expliqué, est bien plus conforme à la
verité et plus honorable pour eux et
pour la Societé des Arts , dont ils sont
Membres? Mais de quelle utilité peut-il
être pour le Buraliste , puis qu'il met l'invention des Lettres et de l'Alphabet qu'il
méprise tant , bien au-dessus du Bureau
Typographique , qu'il estime seul et qu'il
prefere hautement et en toutes occasions
aux Méthodes vulgaires reçûës jusqu'ici
dans toutes les Ecoles d'Europe.
Au reste on ne voit pas trop la raison
pourquoi ce Certificat donné le 17. Décembre 1730. n'a été délivré par M. Hynault , Secretaire de la Societé des Arts ,
que le 19.Septembre 173 1. ne seroit- ce pas
quel'Auteurdu Bureau n'a pas crû enavoir
besoin pour se deffendre contre ses Adversaires qui ont écrit en Prose contre lui ,
et qu'au contraire ill'a crû necessaire pour
résister à son nouvel antagoniste , qui par,
sa petite Comédie de 800. Vers environ
lui a donné un si terrible assaut et livré
un si cruel combat , qu'il n'y a pas d'apparence qu'il s'en releve jamais. Revenons
presentement au Buraliste , nous n'aurons
pas grande peine à l'expedier , présentément que nous nous sommes tirés d'un si
mauvais pas.
و
1. Vol. Ciiij Les
roz MERCURE DE FRANCE
Les parens , dit-il , curieux en fait d'éducation , qui voudront connoître par euxmêmes le mérite et l'utilité du Bureau Typographique , pourront prendre la peine d'aller
voir les Enfans Typographes , instruits et
exercez selon cette nouvelle Méthode.
Ils verront quelque chose d'infiniment
moins curieux que ce qu'on voyoit à la
Foire les années précedentes. A la Foire
on voyoit une Chienne qui avoit été tellement dressée, et qui étoit dans ses operations si bien dirigée par son Maître ,
qu'elle jouoit aux cartes et gagnoit des
parties de triomphe , assembloit des Lettres et composoit des mots bien mieux
ortographiez qu'ils ne le sont très- souvent,
suivant les principes du Buraliste , faisoit
enfin plusieurs autres choses sembla- .
bles , toutes plus merveilleuses les unes
que les autres ; et tout cela sans qu'il parût que son Maître l'aîdât en la moindre
chose. Les Enfans Typographes , au contraire , qui sont évidemment conduits
et dirigez par leurs Precepteurs Typographistes , suivent très-souvent une ortographe qui est très- mauvaise, et écrivent,
par exemple , Filipe , au lieu de Philippe ;
faute que la Chienne de la Foire n'auroit
jamais faite.
Ontrouvera, continuë le Buraliste , chez
I. Vol nn
JUIN. 17328 1103.
.
un Marchand de Soye , au Bras d'or, dins
la rue S Denis , vis- à- vis sainte Catherine ,
une aimable perite fille au- dessous de trois
ans, qui en peu de mois a appris avec le
Bureau , ce que bien des enfans ignorent
après des années d'Ecoles vulgaires. On
trouvera chez M. Procope , vis- à- vis de
la Comédie Françoise , un digne Enfant ,
dont le seul exemple est capable de fermer
la bouche à tous les Critiques. On pourroit
indiquer un grand nombre d'autres Enfans
Typographes , si on ne craignoit de fatiguer les Parens et les Maîtres.
Tous les Enfans de l'un et l'autre sexe,
qui apprennent à lire avec leBureau, sont
tous, au dire du Buraliste, de dignes et d'aimables enfans. Mais sans vouloir rien ici
rabattre de leurs esprits et de leur mérite
ne puis je pas dire des Enfins les plus ordinaires , ce qu'il dit ici de ses Enfans Typo
graphes , qu'on peut, non pas prendre la
peine de les aller voir , mais sans aucune
peine, les voir soit dans les maisons parti
culieres , soit dans les Ecoles publiques , es
remarquer que plusieurs d'entre ceux qui
ont des dispositions heureuses , apprennent à l'âge de trois ans en peu de mois
ce que bien d'autres , que la Nature a
traitez moins favorablement , ignorent
après plusieurs années d'étude opiniâtre,
3
1. Vol. Cy Cette
rio MERCURE DE FRANCE
₹
Cette seule remarque , fondée sur l'expe
rience de tous les lieux et de tous les
temps , est capable de fermer la bouche
à tous les nouveaux Méthodistes , qui
tombent très souvent dans le sophisme , que les Philosophes appellent non
causa , qui consiste à prendre pour la
cause d'un effet , ce qui ne l'est pas veritablement.
·
Don Ventura de Liria , dit-on , qui a
un Bureau au College d'Harcourt , a fait en peu de temps l'heureuse experience
de cette Méthode , de même que le petit
Remilli , qui ayant aussi un Bureau au
College du Plessis , a eu un des Prix de
mémoire, distribuez le jour de la Tragé
die ,
،et qui va en Classe , selon le goût
et la volonté de ses Parens.
Don Ventura de Liria , âgé de 7. ans
environ , et fils d'un très- illustre et trèsaimable Seigneur , que le College du Plessis a eu le bonheur de posseder autrefois , et qui n'a pas eu lieu de se repentig
d'y avoir été instruit selon la Méthode
ordinaire. Je ne sçai pourquoi , pour lui
enseigner l'A B C et les premiers princi
pes du Latin , on a suivi une autre route
que pour M. son père.
Quant au petit Remilli , il est bien vrai
qu'il a eu un Prix de memoire , mais il
1. Vol. est
U IN. 1732. 1105
est aussi très - vrai que c'est à sa memoire et à son industrie qu'il doit ce
Prix , et non au Bureau , auquel jusqu'à
present le Buraliste même n'avoit pas accordé l'avantage de donner de là mẹmoire aux enfans. Cet aimable Enfant va
en septiéme depuis plusieurs mois , selon le goût et la volonté de Mrs ses Pere
et Mere.
:
Les personnes bien intentionnées , continuë le Docteur Abécédisre , qui aiment··
le bien public, sçachant que Monseigneur
Le Dauphin et Mesdames de France , apprennent à lire par la Méthode du Bureau
Typographique , et que l'Auteur , par commission , en a déja envoyé dans les Provinces , ces personnes , dis-je , s'embarraseront
peu des Critiques qu'ont produites jusqu'ici ,
l'ignorance, la prévention et peut- être l'envie ou la mauvaise foi.
Vous voyez , Monsieur , que la source
des injures n'est point taric. Vous sçavez que nous y avons répondu ; si cela
ne suffit pas , voici une réponse de la
façon du Buraliste. Celui qui s'éleve contre
nous , dit-il dans le Mercure de Mars ,
page 426. ou 427. devroit avant que d'écrire , apprendre à penser, et s'il croit avoirraison , nous démontrer avec politesse que·
nous donnons dans Berreur : tout Ecrivain . ,
I. Vol. Cvj donts
1106 MERCURE DE FRANCE
dont le style est grossier , m'est suspect er je
n'en attends aucune instruction.
Tout ceci est bien plus vrai lorsque ,
comme lui , on attaque seul le genre hamain. Quant à l'exemple de Monseigneur
le Dauphin et de Mesdames de France ,
qu'ils nous allegue pour la seconde fois
en sa faveur , outre ce que nous y avons
déja répondu , que prouvera- t'il autre
chose , sinon qu'on peut apprendre à
lire par cette nouvelle Méthode , puisqu'on l'a bien appris jusqu'à present par Pancienne Méthode. Mais s'ensuit- il delà qu'ils pourront apprendre le Latin ,
le Grec , l'Hebreu , l'Arabe , &c tous les
Arts et toutes les Sciences , comme l'Auteur le prétend ( Lettre 4. page 62. ) si
cela est, qui m'empêchera de dire , avec
bien plus de raison , qu'on a appris jusqu'à present les Arts et les Sciences par
le moyen de l'Alphabet , et que c'est l'Alphaber qui a formé les Rois , les Guerriers , les Politiques , les Théologiens,
les Jurisconsultes , les Philosophes , les
Orateurs , les Historiens , les Poëtes , & c.
les plus illustres qui ayent paru dans le
Monde depuis l'invention des Caracteres
qui servent à peindre la parole et à par- ler aux yeux ?
Si donc , comme je le souhaite de tout
1. Kol. mon
JUIN. 17323 1107
prit.
mon cœur et comme je l'espere , il arrive
un jour que Monseigneur le Dauphin eɛ
Mesdames de France , surpassent tous les
autres , autant par la grandeur de leur esprit et de leur science , que par celle de
leur Naissance , le Buraliste en donneras,
s'il veut , la gloire à lui et à son Bureau;
pour moi j'attr bûrai plutôt un si heureux
succès à leur excellent naturel, et aux
sçavantes instructions des personnes estimables et respectables à qui le Roy a
confié le soin de leur éducation ; et je
pense qu'en cela je ne serois pas le seul
de mon sentiment.
Ceux , dit enfin le Buraliste , qui souhaiteront avoir quelqu'une des quatre Classes
du Bureau Typographique, en trouveront de
toutes garnies dans la maison attenant la
porte du College de Lisieux , ruë S. Etienne
d'Egrès; l'avis , le prix , et l'instruction sur
les quatre Classes , se trouveront à la fin de
la neuvième Lettre sur la Bibliotheque des
Enfans , inserée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 209. on 234. en atterdant la suite de la Relation Typographi
que , j'ay l'honneur d'être , & c. A Paris.
15 " Septembre 1731. RIOMBAL
Le prix de chacune de ces quatre Clas
ses du Bureau est marqué à la fin de la
Lettre , et fixé depuis une pistole jus1 Kolo qu'à
1108 MERCURE DE FRANCE
1
qu'à dix. Ainsi , vous voyez , Monsieur ,
que l'Auteur ne donne pas ses coquilles
et qu'on pourroit fort bien dire de lui
avec quelque proportion , ce que Ciceron
disoit du Maître de Marc- Antoine : Invideo Magistro tuo , qui te tantâ mercede
nihil sapere docuit. Vous me demanderez
peut- être , comment cela s'accorde avec
ce qui est dit dans la Lettre de Mars
qu'il n'agit par aucune vûë d'interêt et qu'il
ne lui revient rien de ses Bureaux , que bien
de la peine , et dans celle d'Avril , qu'il a
distribué bien des choses gratis , aux riches
comme aux pauvres, &c. et que jusques-là
il n'a pas touché un solpour les Bureaux , et
qu'au contraire il les a prêtez à ceux qui en
ont voulu faire l'experience ? Je n'en sçai
rien , à moins qu'on ne dise que per
sonne ne s'étoit encore présenté pour les
achepter;car je n'oserois vous le faire soupçonner de contradiction et de mensonge.
Quoiqu'il en soit , M³, vous pourrez dorénavant avoir des Bureaux , pour de l'argent,bien entendu. Il se fera aussi un plai---
sir de vous indiquer des Maîtres Typogra
phiques , à qui vous donnerez une bonne
nourriture et des appointemens tres-ho
nêtes. Je suis , Monsieur ; &c.
del'Université de Paris , un Principal
de Province , sur le Bureau Typogra
phique.
Ni
Ous voicy donc enfin árrivez, Monsieur , au plus bel endroit de la Lettre , qui paroît au Buraliste , bien audessus des Vers de M. le Beau , et de la
Prose de M. Gaullyer , et qui nous pároît , à nous valoir au moins toutes les
Lettres écrites par le nouvel Abécédiste ,
I. Vol,
pour
JUI N. 1732 1093
pour faire valoir son ABC. Typogra
phique. C'est là qu'il met tout le fort
de sa Cause ; c'est un sujet de joye et de
triomphe pour lui ; c'est un Certificat
des plus autentiques et un Jugement sans
appel ; c'est par-là enfin , qu'en idées au
moins , il abbat et terrasse tous ses ennemis , sur tout les Régens du College du
Plessis.
Voici , Monsieur , ( dit-il d'un air victorieux
et triomphant ) un Certificat qui vous fera voir
un Jugement de la Societé des Arts , un peu dif- ferent de celui des Régens du College du Plessis.
EXTRAIT du Registre des Déliberations
de la Societé des Arts , du Dimanche
17. Décembre 1730.
Ce jour , Messieurs Medallon , Romieu , Degua , et Remond, Commissaires nommez par déliberation de la Societé du 27. Août dernier ,
pour l'examen d'une nouvelle Machine servant
à apprendre aux enfans plus facilement et plus promptement à connoître les Lettres , à les assem◄
bler , à ortographier , tant en Latin qu'en François, et même les premiers principes de la Langue
Latine , présentée à la Societé par le sieur Dumas,
sous le nom du Bureau Typographique , ont fait
leur rapport à la Compagnie , conçu en ces
termes :
Рома
Nous Commissaires nommez par la Societé pour
L'examen du Bureau Typographique , inventé
le sieur Dumas , certifions que cette nouvelle invention nous a parû mériter à plusieurs titres une entiere préference sur toutes les Méthodes employées I. Vol. jusqu'
T094 MERCURE DE FRANCE
jusqu'à présent pour l'instraction des enfans , en te
qu'ilfournit un moyen infaillible d'employer utilement les premieres années de la plus tendre enfance,
en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui
accompagne cet age , en épargnant les préceptes , en
ne parlant qu'au sens et à l'imagination , qui sont
le seul partage de l'enfance , en profitant même des
imperfections de cet age pour le progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir, et d'une prat que aisée et mécanique , laquelle
est néanmoinsfondée sur la théorie la plus exacte et la mieux suivie , enfin en donnant aux enfans une
habitude d'ordre et de travail , et ce qui mérite encore plus d'attention , en leur épargnant le dégots
qui les éloignant de l'étude , décide souvent de leur
sort pour le reste de leur vie. Nous croyons que tous
teux qui sentent l'importance de l'emploi des premieres années de l'enfance , regarderont avec estime
une invention dont l'utilité s'étend sur tous les âges,
et que l'Auteur recueillira par le succès et l'Approbation generale du Public , la seule récompense
qu'il ait attenduë de son travail.
Je soussigné Secretaire de la Societé des Arts ,
certifie que l'Extrait cy-dessus a été tiré du Registre des Déliberations de la Societé , et qu'il
est en tout conforme à son original. Donné à
Paris ce 14. Septembre 1731. HYNAULT.
Que ferai-je présentement ? de quel
côté me tournerai- je ? à qui aurai- je recours ? à l'Académie Françoise ? elle ne
voudra pas porter son jugement après la
Societé des Arts ; et comme il s'agit de
Latin , elle me renverra à l'Université
comme elle y a déja renvoyé le grand
I. Vol. Inven
JUIN. 1732. 1095
Inventeur de la Regle monosyllabique
ad, et de la Leçon d'une demie heure.
Al'Académie des Sciences ? mais oseroitelle juger d'un Systême mécanique moins
favorablement que ceux qui font, dit- on,
des mécaniques , presque toute leur occupation ? M'adresserai- je à l'Université?
il est vrai qu'elle est depuis plusieurs siecles la mere des Arts et des Sciences ,
qu'elle a le droit de prononcer sur ces
matieres, et qu'elle l'a souvent exercé avec
grand contentement , et avec l'applaudissement de la République des Lettres.
Ainsi comme elle s'est déja déclarée plus
d'une fois pour l'ancienne Méthode , je
n'aurois pas de peine à en obtenir une
décision contraire à celle de ces Mrs de
la Societé des Arts.
par des '
Mais de quelle utilité seroit pour moi
cette décision ? Le Buraliste n'en appel
leroit-il pas , comme étant faite
Juges suspects de partialité , et n'opposeroit-il pas à toutes les Universitez du Monde , l'autorité de la Societé des Arts , et
ne secroiroit- il pas bre de ce grand nom à couvert à l'omde réJe n'ai donc , je
crois , d'autre parti à prendre que
pondre au Certificat de ces M , et d'affoiblir un peu le coup mortel que le Machiniste a prétendu porter par là à tous
1. Vol. C les
1096 MERCURE DE FRANCE
les Régens , et particulierement à ceux
du College du Plessis. C'est à quoi pourront peut- être servir les Refléxions suivantes.
Je remarque donc d'abord que l'humilité de l'Auteur du Bureau, qui a bien voulu présenter et soumettre sa nouvelle Machine à l'examen de la nouvelle Societé,
la politesse et l'humanité des Examina
teurs , l'affection particuliere qu'ils ont
pour tout ce qui est mécanique , et.pour
tous les nouveaux Machinistes , tour
cela a peut-être contribué à leur faire
porter du Bureau Typographique un Jugement si favorable , autant . et même
plus, que la vûë claire et distincte de la
bonté et de l'utilité de cette Méthode de
bois.
En second lieu ces Mes n'ont point prononcé sur la préference que la Machine
doit avoir sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present pour enseigner
aux enfans le Grec, l'Hebreu , l'Arabe
&c. 'Histoire , la Fable , la Chronolo
gie , la Géographie , les Généalogies , le
Blason , les Médailles , les Arts et les
Sciences, et par conséquent les Mécaniques , qui font leurs occupations particulieres , et à quoi le Buraliste prétend que
son Bureau est necessaire ( Lettre 4. page
1. Vol.
62.)
JUIN. 1732. 1097
2. ) ils se sont restraints à dire qu'il sert
à apprendre à connoître les Lettres , à les
assembler , à ortographier , tant en Latin
qu'en François , et même les premiers
principes de la Langue Latine , ajoûtentils, ce semble, avec quelque peine et sans
aller plus loin.
Troisièmement, l'Eloge que les quatre
Examinateurs font de la Machine Typo
graphique , et l'entiere préference qu'ils
lui donnent sur toutes les Méthodes qui
ont existé jusqu'à ce jour , nous paroît
convenir bien mieux à l'ingénieuse et à
l'admirable invention des Lettres et de
leurs combinaisons pour former les syllabes , qui se trouvent dans le moindre
petit Alphabet. C'est ce que Lucain et
son Traducteur Brebeuf ont exalté just
qu'au Ciel par ces Vers si beaux et si magnifiques :
Phænices primi, fama si creditur , ausi
Mansúram rudibus vocem signarefiguris.
Lucain 22.
C'est de lui que nous vient cet Art ingenieur
De peindre la parole et de parter aux yeux';
Et par les traits divers de figures tracées ,
Donner de la parole et du corps aux pensées.
Ainsi le Buraliste ne doit pas si fərt
I. Vol. Cijs'en
1098 MERCURE DE FRANCE
s'en orgueillir de ce qu'on a dit en faveur
de son Bureau , puisque les Lettres et les
Syllabes et par consequent l'Alphabet
qui les contient et qu'il méprise tant ,
nous paroît mériter à plusieurs titres
une entiere préference.
*
Ex
Examinons présentement plus en détail
le Certificat , et pesons en toutes les paroles. Nous certifions , dit-on , que cette
nouvelle invention nous a parû mériter à
plusieurs titres une entiere preference sur toutes les Méthodes employées jusqu'à present
pour l'instruction des enfans , même pour les
premiers principes de la Langue Latine;
par consequent sur la Méthode de Quintilien , de Despautere , de Sanctius et de
Vossius , de M M. de Port Royal , de
M. Rollin et de M. le Fevre , &c. MTs les
Commissaites nommez par déliberation
de la Societé , du Dimanche 27. Août
1730. ont fait leur rapport aussi le Dimanche 17. Septembre de la même année. Du premier terme au second , il n'y
a que 112. jours ou 16. Semaines , c'està-dire,pas quatre mois entiers. Qui pour
ra donc être assez simple pour croire
qu'un espace si court ait suffi pour lire les
anciennes Méthodes, et les comparer avec
la nouvelle , ou que sans les lire , on ait
pû en juger sainement et lui donner rai1. Vol son-
JUIN. 1732. 1099
sonnablement une entiere préference sus
elles ?!
Un Alphabet ne fournit- il pas aussi aux
enfans un moyen infaillible d'employer utibement les premieres années de la plus tendré
enfance , en mettant en œuvre la mesure d'intelligence qui accompagne cet âge ? N'épargne-t- il pas les préceptes en ne parlant qu'aux
sens ( aux yeux qui sont le sens le plus
vif ) et à l'imagination , tandis que le Maître parle aux oreilles , qui sont , non le
seul, ( car il y a la memoire ) mais un des
meilleurs partages de l'enfance ? Par le
moyen de l'Alphabet ne profite- t'on pas
même des imperfections de cet age pour le
progrès des connoissances , puisqu'on n'y employe que la voye du plaisir , sur tout si
Alphabet est de bon pain d'épice ou de
quelqu'autre pâte sucrée , comme le veut
M. de Vallange et d'une pratique aisée et
toute mécanique , c'est- à- dire d'une digestion facile , toute physique et très- utile
pour la santé , pourvû qu'on n'en prenne
pas avec excès : laquelle est neanmoins fondée sur la théorie la plus exacte et la mieux
suivie , sçavoir ,sur les combinaisons meryeilleuses des Lettres et des Syllabes ; enfin en donnant aux enfans une habitude
d'ordre et de travails d'ordre , tel qu'il est
suivi generalement dans tous les Diction
I. Vol. C iij naires
1100 MERCURE DE FRANCE
naires , et qu'il est le plus naturel pour les
enfans ; de travail , par rapport à
àlala pro
nonciation de certaines syllabes rudes et
retives sur laquelle Quintilien veut qu'on
les exerce beaucoup ; et , pour me servir
toûjours des expressions de M M. Medallon , Degua , Romieu et Remond , ce qui
mérite encore plus d'attention , en leur épar
gnant le dégoût , qui les éloignant de l'étude,
décide souvent de leur sort pour le reste de
leur vie.
Je croi donc que tous ceux qui sentent
L'importance de l'emploi des premieres années
de l'enfance , regarderont avec estime une invention dont l'utilité , durant une longue
suite de siecles , depuis Cadmus , premier
Inventeur des Lettres de l'Alphabet , jusqu'à nous, s'est étendue , et plus que problablement depuis nous jusqu'à la fin du
monde , malgré l'invention de la Machi
ne Typographique , s'étendra sur tous les
hommes,de quelque âge, de quelque sexe,
de quelque qualité et condition qu'ils
soient , et que l'Auteur ( c'est Cadmas
et non l'Auteur du Bureau ) recueillira ,
comme il l'a toûjours recueilli , par le
succès et l'approbation generale du Public ,
la seule récompense qu'il ait attendu de son travail.
N'est-il pas clair que le Certificat
de
I. Vol. Mrs
JÚ IN. 1732. 1101
Mles quatre Commissaires , ainsi tourné,
et expliqué, est bien plus conforme à la
verité et plus honorable pour eux et
pour la Societé des Arts , dont ils sont
Membres? Mais de quelle utilité peut-il
être pour le Buraliste , puis qu'il met l'invention des Lettres et de l'Alphabet qu'il
méprise tant , bien au-dessus du Bureau
Typographique , qu'il estime seul et qu'il
prefere hautement et en toutes occasions
aux Méthodes vulgaires reçûës jusqu'ici
dans toutes les Ecoles d'Europe.
Au reste on ne voit pas trop la raison
pourquoi ce Certificat donné le 17. Décembre 1730. n'a été délivré par M. Hynault , Secretaire de la Societé des Arts ,
que le 19.Septembre 173 1. ne seroit- ce pas
quel'Auteurdu Bureau n'a pas crû enavoir
besoin pour se deffendre contre ses Adversaires qui ont écrit en Prose contre lui ,
et qu'au contraire ill'a crû necessaire pour
résister à son nouvel antagoniste , qui par,
sa petite Comédie de 800. Vers environ
lui a donné un si terrible assaut et livré
un si cruel combat , qu'il n'y a pas d'apparence qu'il s'en releve jamais. Revenons
presentement au Buraliste , nous n'aurons
pas grande peine à l'expedier , présentément que nous nous sommes tirés d'un si
mauvais pas.
و
1. Vol. Ciiij Les
roz MERCURE DE FRANCE
Les parens , dit-il , curieux en fait d'éducation , qui voudront connoître par euxmêmes le mérite et l'utilité du Bureau Typographique , pourront prendre la peine d'aller
voir les Enfans Typographes , instruits et
exercez selon cette nouvelle Méthode.
Ils verront quelque chose d'infiniment
moins curieux que ce qu'on voyoit à la
Foire les années précedentes. A la Foire
on voyoit une Chienne qui avoit été tellement dressée, et qui étoit dans ses operations si bien dirigée par son Maître ,
qu'elle jouoit aux cartes et gagnoit des
parties de triomphe , assembloit des Lettres et composoit des mots bien mieux
ortographiez qu'ils ne le sont très- souvent,
suivant les principes du Buraliste , faisoit
enfin plusieurs autres choses sembla- .
bles , toutes plus merveilleuses les unes
que les autres ; et tout cela sans qu'il parût que son Maître l'aîdât en la moindre
chose. Les Enfans Typographes , au contraire , qui sont évidemment conduits
et dirigez par leurs Precepteurs Typographistes , suivent très-souvent une ortographe qui est très- mauvaise, et écrivent,
par exemple , Filipe , au lieu de Philippe ;
faute que la Chienne de la Foire n'auroit
jamais faite.
Ontrouvera, continuë le Buraliste , chez
I. Vol nn
JUIN. 17328 1103.
.
un Marchand de Soye , au Bras d'or, dins
la rue S Denis , vis- à- vis sainte Catherine ,
une aimable perite fille au- dessous de trois
ans, qui en peu de mois a appris avec le
Bureau , ce que bien des enfans ignorent
après des années d'Ecoles vulgaires. On
trouvera chez M. Procope , vis- à- vis de
la Comédie Françoise , un digne Enfant ,
dont le seul exemple est capable de fermer
la bouche à tous les Critiques. On pourroit
indiquer un grand nombre d'autres Enfans
Typographes , si on ne craignoit de fatiguer les Parens et les Maîtres.
Tous les Enfans de l'un et l'autre sexe,
qui apprennent à lire avec leBureau, sont
tous, au dire du Buraliste, de dignes et d'aimables enfans. Mais sans vouloir rien ici
rabattre de leurs esprits et de leur mérite
ne puis je pas dire des Enfins les plus ordinaires , ce qu'il dit ici de ses Enfans Typo
graphes , qu'on peut, non pas prendre la
peine de les aller voir , mais sans aucune
peine, les voir soit dans les maisons parti
culieres , soit dans les Ecoles publiques , es
remarquer que plusieurs d'entre ceux qui
ont des dispositions heureuses , apprennent à l'âge de trois ans en peu de mois
ce que bien d'autres , que la Nature a
traitez moins favorablement , ignorent
après plusieurs années d'étude opiniâtre,
3
1. Vol. Cy Cette
rio MERCURE DE FRANCE
₹
Cette seule remarque , fondée sur l'expe
rience de tous les lieux et de tous les
temps , est capable de fermer la bouche
à tous les nouveaux Méthodistes , qui
tombent très souvent dans le sophisme , que les Philosophes appellent non
causa , qui consiste à prendre pour la
cause d'un effet , ce qui ne l'est pas veritablement.
·
Don Ventura de Liria , dit-on , qui a
un Bureau au College d'Harcourt , a fait en peu de temps l'heureuse experience
de cette Méthode , de même que le petit
Remilli , qui ayant aussi un Bureau au
College du Plessis , a eu un des Prix de
mémoire, distribuez le jour de la Tragé
die ,
،et qui va en Classe , selon le goût
et la volonté de ses Parens.
Don Ventura de Liria , âgé de 7. ans
environ , et fils d'un très- illustre et trèsaimable Seigneur , que le College du Plessis a eu le bonheur de posseder autrefois , et qui n'a pas eu lieu de se repentig
d'y avoir été instruit selon la Méthode
ordinaire. Je ne sçai pourquoi , pour lui
enseigner l'A B C et les premiers princi
pes du Latin , on a suivi une autre route
que pour M. son père.
Quant au petit Remilli , il est bien vrai
qu'il a eu un Prix de memoire , mais il
1. Vol. est
U IN. 1732. 1105
est aussi très - vrai que c'est à sa memoire et à son industrie qu'il doit ce
Prix , et non au Bureau , auquel jusqu'à
present le Buraliste même n'avoit pas accordé l'avantage de donner de là mẹmoire aux enfans. Cet aimable Enfant va
en septiéme depuis plusieurs mois , selon le goût et la volonté de Mrs ses Pere
et Mere.
:
Les personnes bien intentionnées , continuë le Docteur Abécédisre , qui aiment··
le bien public, sçachant que Monseigneur
Le Dauphin et Mesdames de France , apprennent à lire par la Méthode du Bureau
Typographique , et que l'Auteur , par commission , en a déja envoyé dans les Provinces , ces personnes , dis-je , s'embarraseront
peu des Critiques qu'ont produites jusqu'ici ,
l'ignorance, la prévention et peut- être l'envie ou la mauvaise foi.
Vous voyez , Monsieur , que la source
des injures n'est point taric. Vous sçavez que nous y avons répondu ; si cela
ne suffit pas , voici une réponse de la
façon du Buraliste. Celui qui s'éleve contre
nous , dit-il dans le Mercure de Mars ,
page 426. ou 427. devroit avant que d'écrire , apprendre à penser, et s'il croit avoirraison , nous démontrer avec politesse que·
nous donnons dans Berreur : tout Ecrivain . ,
I. Vol. Cvj donts
1106 MERCURE DE FRANCE
dont le style est grossier , m'est suspect er je
n'en attends aucune instruction.
Tout ceci est bien plus vrai lorsque ,
comme lui , on attaque seul le genre hamain. Quant à l'exemple de Monseigneur
le Dauphin et de Mesdames de France ,
qu'ils nous allegue pour la seconde fois
en sa faveur , outre ce que nous y avons
déja répondu , que prouvera- t'il autre
chose , sinon qu'on peut apprendre à
lire par cette nouvelle Méthode , puisqu'on l'a bien appris jusqu'à present par Pancienne Méthode. Mais s'ensuit- il delà qu'ils pourront apprendre le Latin ,
le Grec , l'Hebreu , l'Arabe , &c tous les
Arts et toutes les Sciences , comme l'Auteur le prétend ( Lettre 4. page 62. ) si
cela est, qui m'empêchera de dire , avec
bien plus de raison , qu'on a appris jusqu'à present les Arts et les Sciences par
le moyen de l'Alphabet , et que c'est l'Alphaber qui a formé les Rois , les Guerriers , les Politiques , les Théologiens,
les Jurisconsultes , les Philosophes , les
Orateurs , les Historiens , les Poëtes , & c.
les plus illustres qui ayent paru dans le
Monde depuis l'invention des Caracteres
qui servent à peindre la parole et à par- ler aux yeux ?
Si donc , comme je le souhaite de tout
1. Kol. mon
JUIN. 17323 1107
prit.
mon cœur et comme je l'espere , il arrive
un jour que Monseigneur le Dauphin eɛ
Mesdames de France , surpassent tous les
autres , autant par la grandeur de leur esprit et de leur science , que par celle de
leur Naissance , le Buraliste en donneras,
s'il veut , la gloire à lui et à son Bureau;
pour moi j'attr bûrai plutôt un si heureux
succès à leur excellent naturel, et aux
sçavantes instructions des personnes estimables et respectables à qui le Roy a
confié le soin de leur éducation ; et je
pense qu'en cela je ne serois pas le seul
de mon sentiment.
Ceux , dit enfin le Buraliste , qui souhaiteront avoir quelqu'une des quatre Classes
du Bureau Typographique, en trouveront de
toutes garnies dans la maison attenant la
porte du College de Lisieux , ruë S. Etienne
d'Egrès; l'avis , le prix , et l'instruction sur
les quatre Classes , se trouveront à la fin de
la neuvième Lettre sur la Bibliotheque des
Enfans , inserée dans le Mercure du mois de
Février dernier , page 209. on 234. en atterdant la suite de la Relation Typographi
que , j'ay l'honneur d'être , & c. A Paris.
15 " Septembre 1731. RIOMBAL
Le prix de chacune de ces quatre Clas
ses du Bureau est marqué à la fin de la
Lettre , et fixé depuis une pistole jus1 Kolo qu'à
1108 MERCURE DE FRANCE
1
qu'à dix. Ainsi , vous voyez , Monsieur ,
que l'Auteur ne donne pas ses coquilles
et qu'on pourroit fort bien dire de lui
avec quelque proportion , ce que Ciceron
disoit du Maître de Marc- Antoine : Invideo Magistro tuo , qui te tantâ mercede
nihil sapere docuit. Vous me demanderez
peut- être , comment cela s'accorde avec
ce qui est dit dans la Lettre de Mars
qu'il n'agit par aucune vûë d'interêt et qu'il
ne lui revient rien de ses Bureaux , que bien
de la peine , et dans celle d'Avril , qu'il a
distribué bien des choses gratis , aux riches
comme aux pauvres, &c. et que jusques-là
il n'a pas touché un solpour les Bureaux , et
qu'au contraire il les a prêtez à ceux qui en
ont voulu faire l'experience ? Je n'en sçai
rien , à moins qu'on ne dise que per
sonne ne s'étoit encore présenté pour les
achepter;car je n'oserois vous le faire soupçonner de contradiction et de mensonge.
Quoiqu'il en soit , M³, vous pourrez dorénavant avoir des Bureaux , pour de l'argent,bien entendu. Il se fera aussi un plai---
sir de vous indiquer des Maîtres Typogra
phiques , à qui vous donnerez une bonne
nourriture et des appointemens tres-ho
nêtes. Je suis , Monsieur ; &c.
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Résumé : TROISIÈME Lettre d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Une lettre d'un professeur de l'Université de Paris et d'un principal de province discute du Bureau Typographique, une invention de M. Dumas. Un certificat de la Société des Arts, daté du 17 décembre 1730, loue cette invention pour son efficacité à enseigner aux enfants les lettres, l'orthographe et les principes de base du latin. Les commissaires de la Société des Arts, Messieurs Medallon, Romieu, Degua et Remond, affirment que cette méthode mérite une entière préférence sur les méthodes traditionnelles en raison de son approche ludique et mécanique, adaptée à l'intelligence des jeunes enfants. Le professeur et le principal expriment des doutes sur la rapidité avec laquelle la Société des Arts a évalué et approuvé l'invention, soulignant que seulement 112 jours séparaient la délibération initiale de la Société et le rapport final. Ils remettent également en question la portée du certificat, notant qu'il ne couvre pas l'enseignement du grec, de l'hébreu, de l'arabe, ni d'autres matières. Ils comparent l'invention des lettres et des syllabes, présentes dans tout alphabet, à l'invention du Bureau Typographique, estimant que les premières méritent une préférence. Le texte discute également de l'efficacité de la méthode d'apprentissage de la lecture à travers des bureaux typographiques. Les 'Enfants Typographes,' dirigés par leurs précepteurs, commettent souvent des erreurs orthographiques. Cependant, plusieurs exemples d'enfants ayant appris rapidement grâce à cette méthode sont mentionnés, comme une fille de moins de trois ans chez un marchand de soie et un garçon chez M. Procope. Le buraliste critique les 'nouveaux Méthodistes' qui tombent dans le sophisme de prendre pour cause d'un effet ce qui ne l'est pas. Il cite des exemples comme Don Ventura de Liria et le petit Remilli, qui ont réussi grâce à cette méthode. Le texte mentionne que des personnalités comme Monseigneur le Dauphin et Mesdames de France utilisent cette méthode, bien que le buraliste attribue leurs succès à leur naturel et à leurs instructeurs plutôt qu'au bureau typographique. Enfin, des informations sur l'achat des bureaux typographiques et des maîtres typographiques sont fournies, avec des prix allant d'une pistole à dix pistoles. Le buraliste affirme que l'auteur ne distribue pas ses bureaux gratuitement, contrairement à ce qui a été mentionné précédemment.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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