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1
p. 1830-1831
« On nous écrit de Caën que le 12 du mois de Juillet dernier, il se fit un exercice public au [...] »
Début :
On nous écrit de Caën que le 12 du mois de Juillet dernier, il se fit un exercice public au [...]
Mots clefs :
Carte de l'Europe, Collège, Estampes , Antoine Watteau
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texteReconnaissance textuelle : « On nous écrit de Caën que le 12 du mois de Juillet dernier, il se fit un exercice public au [...] »
On nous écrit de Caen que le 12 du mois de
Juillet dernier il fe fit un exercice public au
College du Bois , fur toute l'Andrienne de Terence
; on ouvrit l'Exercice par la récitation du fixiéme
Livre de Telemaque , traduit en Vers Latins
, comme nous l'avons dit dans un de nos
Journaux , par M. Heurtauld , Profeffeur dans
le même College.
Le 21 du même mois il y eut dans le même
College un autre Exercice fur les trois premiers
Livres de Quint- Curce ; on devoit ouvrir cet
Exercice par la récitation du feptiéme & du huitiéme
Livre de Telemaque , traduits par le même
Auteur qui a entrepris le Poeme entier , mais
l'indifpofition d'un Ecolier en empêcha l'éxecution.
L'Affemblée étoit confiderable , & compofée
de perfonnes de diftinction & de fçavoir , qui
ne font pas en petit nombre dans cette Ville.
Le fieur Guillaume Danet , vient de mettre
au jour une nouvelle Carte de l Europe , dreffée
fur les dernieres Obfervations Aftronomiques
, & fur les Itineraires anciens & modernes
;
A O UST. 1730. 1831
nes ; divifée en fes principales parties , exactement
conforme aux poffeffions des Rois & Prinornée
outre cela d'une Bor- ces d'aujourd'hui ;
dure d'un pouce de large , utile & curieuſe , reprefentant
les Armoiries des Royaumes , Républiques
ou Cantons , & autres Etats Souverains,
Cette Carte eft de la derniere utilité pour toutes
fortes de perfonnes , & particulierement
pour le
foulagement de la mémoire des jeunes perfonnes
qu'on veut inftruire dans la Géographie ou dans
la connoiffance de l'ufage de la Carte. Elle fe
Pont Novend
à Paris , chez ledit fieur Danet ,
tre-Dame , à la Sphere Royale,
Il vient de paroître deux nouvelles Eſtampes
en large , de Watteau , d'une compofition admirable
, & toujours d'un gout noble & galand.
Elles fe vendent chez Chereau , rue S. Jacque s ,
& Surugue , rue des Noyers , fous le titre de
Pifle de Cythere , & les Charmes de la vie.
> a ac-
M. de Maifons , Prefident à Mortier
quis depuis peu une très-belle Antique , repre- fentant l'Amour . On a mis au bas ces deux Vers
de M. de Voltaire.
Qui que tu fois , voici ton Maître.
Il l'eft , ou le fut , on doit l'être.
Le 4 Juillet dernier , le Roy fit choix du fieur
Godin pour remplir la place d'Aftronome
affocié
de l'Académie Royale des Sciences , vacante par la promotion du fieur Lieutaud , à celle d'Aftronome-
Penfionnaire
.
Juillet dernier il fe fit un exercice public au
College du Bois , fur toute l'Andrienne de Terence
; on ouvrit l'Exercice par la récitation du fixiéme
Livre de Telemaque , traduit en Vers Latins
, comme nous l'avons dit dans un de nos
Journaux , par M. Heurtauld , Profeffeur dans
le même College.
Le 21 du même mois il y eut dans le même
College un autre Exercice fur les trois premiers
Livres de Quint- Curce ; on devoit ouvrir cet
Exercice par la récitation du feptiéme & du huitiéme
Livre de Telemaque , traduits par le même
Auteur qui a entrepris le Poeme entier , mais
l'indifpofition d'un Ecolier en empêcha l'éxecution.
L'Affemblée étoit confiderable , & compofée
de perfonnes de diftinction & de fçavoir , qui
ne font pas en petit nombre dans cette Ville.
Le fieur Guillaume Danet , vient de mettre
au jour une nouvelle Carte de l Europe , dreffée
fur les dernieres Obfervations Aftronomiques
, & fur les Itineraires anciens & modernes
;
A O UST. 1730. 1831
nes ; divifée en fes principales parties , exactement
conforme aux poffeffions des Rois & Prinornée
outre cela d'une Bor- ces d'aujourd'hui ;
dure d'un pouce de large , utile & curieuſe , reprefentant
les Armoiries des Royaumes , Républiques
ou Cantons , & autres Etats Souverains,
Cette Carte eft de la derniere utilité pour toutes
fortes de perfonnes , & particulierement
pour le
foulagement de la mémoire des jeunes perfonnes
qu'on veut inftruire dans la Géographie ou dans
la connoiffance de l'ufage de la Carte. Elle fe
Pont Novend
à Paris , chez ledit fieur Danet ,
tre-Dame , à la Sphere Royale,
Il vient de paroître deux nouvelles Eſtampes
en large , de Watteau , d'une compofition admirable
, & toujours d'un gout noble & galand.
Elles fe vendent chez Chereau , rue S. Jacque s ,
& Surugue , rue des Noyers , fous le titre de
Pifle de Cythere , & les Charmes de la vie.
> a ac-
M. de Maifons , Prefident à Mortier
quis depuis peu une très-belle Antique , repre- fentant l'Amour . On a mis au bas ces deux Vers
de M. de Voltaire.
Qui que tu fois , voici ton Maître.
Il l'eft , ou le fut , on doit l'être.
Le 4 Juillet dernier , le Roy fit choix du fieur
Godin pour remplir la place d'Aftronome
affocié
de l'Académie Royale des Sciences , vacante par la promotion du fieur Lieutaud , à celle d'Aftronome-
Penfionnaire
.
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Résumé : « On nous écrit de Caën que le 12 du mois de Juillet dernier, il se fit un exercice public au [...] »
Le 12 juillet, le Collège du Bois à Caen a organisé un exercice public durant lequel l'Andrienne de Térence a été interprétée. L'événement a débuté par la récitation du sixième livre de Télémaque, traduit en vers latins par M. Heurtauld. Le 21 juillet, un autre exercice sur les trois premiers livres de Quint-Curce a été perturbé par l'indisposition d'un écolier. Les assemblées étaient composées de personnes distinguées et savantes. Guillaume Danet a publié une nouvelle carte de l'Europe, utile pour l'instruction géographique, disponible à Paris. Deux estampes de Watteau, 'Pilule de Cythère' et 'Les Charmes de la vie', sont en vente chez Chereau et Surugue. M. de Maisons a acquis une antique représentant l'Amour, accompagnée de vers de M. de Voltaire. Le 4 juillet, M. Godin a été choisi pour devenir astronome associé à l'Académie Royale des Sciences, remplaçant M. Lieutaud promu astronome pensionnaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2117-2141
CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Début :
J'aprens avec bien du plaisir, Monsieur, que vous ètes à présent un peut au faìt. [...]
Mots clefs :
Mots, Enfants, Enfant, Cartes, Méthode, Verbes, Pratique de la langue latine, Collège, Écoliers, Exercice, Langue, Dictionnaire, A, B, C Latin, Français, Ignorance, Savant, Conjugaison, Pratique, Règles, Expérience
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texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
CINQUIE'ME LETRE sur l'usage des
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Le texte présente une méthode pédagogique pour l'apprentissage de la langue latine à travers l'usage de cartes, adaptée aux enfants dès l'âge de 2 à 3 ans. Cette approche vise à rendre l'apprentissage ludique et efficace. Les cartes, numérotées et organisées, structurent l'apprentissage des déclinaisons, conjugaisons et autres éléments grammaticaux. L'enfant apprend à ranger et à réciter ces cartes, facilitant ainsi la mémorisation et la compréhension. L'auteur critique les méthodes traditionnelles, jugées inefficaces et trop théoriques, et prône une approche pratique et interactive. Les cartes sont également utilisées pour des exercices variés et progressifs, comme la déclinaison des paradigmes et la conjugaison des verbes. Elles servent aussi pour des exercices de composition et de version, en s'appuyant sur des textes historiques ou religieux. Cette méthode prépare l'enfant à des lectures plus complexes, comme le Nouveau Testament ou les fables de Phèdre, tout en évitant de surcharger sa mémoire. Le texte discute également des jeux de cartes pour rendre l'apprentissage plus agréable et instructif, permettant aux enfants de passer d'un sujet à un autre sans se lasser. Les livres peuvent alarmer les enfants, mais les cartes leur permettent de créer leur propre livre, augmentant ainsi leur curiosité. Certains maîtres critiquent l'usage des textes interlinéaires, mais l'auteur note leur utilité pour apprendre des langues mortes ou vivantes, citant des exemples comme l'Ancien et le Nouveau Testament avec des interprétations mot à mot. L'auteur critique les méthodes traditionnelles d'enseignement du latin et du grec, les trouvant trop abstraites et rebutantes pour les enfants. Il propose des rudiments pratiques et l'utilisation de cartes pour enseigner les déclinaisons et les adjectifs. Il insiste sur l'importance de commencer tôt l'éducation des enfants et de leur apprendre à étudier seul. Le texte compare également les écoles publiques et les éducations privées, notant que les premières ne produisent pas toujours des résultats proportionnés aux années d'étude. Il critique les méthodes vulgaires d'enseignement et propose des approches plus adaptées à l'âge et à la portée des enfants. Enfin, l'auteur souligne la différence entre apprendre par cœur des règles et les appliquer en pratique, insistant sur la nécessité de méthodes éducatives plus judicieuses dès le jeune âge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1017-1023
LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
Début :
Bien des personnes, Monsieur, me trouvant cité dans l'espece de Procès [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Adversaire du système, Collège, Alphabets ordinaires, Langue hébraïque, Horace, Maxime, Étude des Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
LETTRE de M. Chompré , Maître de
Pension dans la rue S. Jean de Bauvais ,
à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique
.
B
Ien des personnes , Monsieur , me
trouvant cité dans l'espece de Procès
Litteraire , intenté contre l'Auteur du
Bureau Tipographique , ont jugé différemment
de l'article qui me regarde en
particulier , et je crois devoir détromper
ceux qui de part et d'autre, voudroient
m'y engager pour plus que je ne dois y
être.
Bij II
1018 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai qu'après avoir connu les
avantages du Bureau Typographique , auquel
j'avois vû travailler le petit Candiac,
j'en fis faire un l'année derniere pour un
enfant âgé de deux ans mais peu après
on me proposa un établissement , dont
les pénibles commencemens ne paroissoient
guéres compatibles avec ce travail ,
qui demande un certain loisir , et une
certaine attention , suivie et réfléchie : de
plus , l'enfant tomba malade avant que
d'être mis au Bureau , et est demeuré
presque dans l'inaction jusqu'à présent,
>
L'Auteur du Bureau Typographique
sans distinguer mes Pensionnaires , ni meş
Externes qui vont en Classe , du petit
enfant pour lequel j'avois fait faire ce Bureau
, avança pour lors dans le Mercure
de Juillet , que je n'avois pas négligé de me
donner un Bureau Typographique pour accélerer
les premieres études des enfans. Il est
visible que ces premieres études ne regardoient
point les Pensionnaires ni les Externes
, mais seulement le petit enfant
dont il est question . Je craignis cependant
qu'on ne donnât à cela une fausse interl'Auprétation
, et j'aurois souhaitté que
teur du Bureau eut rectifié cet endroit
dans une autre Lettre : mais on ne présuma
pas qu'il se trouveroit quelqu'un pour
rele-
C
"
MAY. 1731 . 1019
relever une expérience qui n'étoit pas encore
commencée. L'Auteur du Bureau a
dit simplement que je n'avois pas négligé
de m'en donner un , et non pas que
j'y fisse travailler.
Un des Adversaires du Systême voulant
Fefuter cette Méthode , a conclu du pouvoir
à l'Acte , quand dans le dernier Mercure
de Février , après avoir rapporté
plusieurs exemples , il ajoûte ( parlant de
Auteur ) il n'oubliera pas M. Chompré ,
Maître de Pension , qui se sert du Bureau
Typographique pour les enfans. Si ce Critique
avoit voulu prendre la peine de se
bien informer de la chose , il auroit appris
que je n'ai point d'Ecoliers qui n'aillent
au College , ausquels par conséquent
le Bureau ne soit inutile ; c'est un fait.
Pourquoi donc avance- t-il que je m'en sers
pour les enfans ? Est-ce pour faire croire
ce qui n'est pas ? Si cependant il avoit été
curieux d'une exacte perquisition , il n'en
auroit pas sûr été content ; car il à coup
auroit appris que quoique l'enfant soit
toujours languissant , il n'a pas laissé de
faire quelques progrès.
Il sçait parfaitement
bien non- sculement
ses lettres , mais encore les chiffres ,
esa mere et sa soeur lui ont fait apprendre
en le tenant assis vis- à-vis le Bureau , /
que sa n
B iij pour
1020 MERCURE DE FRANCE
pour l'amuser , lorsque ses douleurs lui
donnoient un peu de repis , et il en est
présentement à ce que l'Auteur appelle
la seconde Classe . Comme il commence
à se mieux porter , il marque une inclination
constante pour ce jeu , et ne paroît
aucunement touché des objets qu'on présente
ordinairement aux enfans de son
âge : mais quand il se porteroit bien , l'ap
plication continuelle que je dois à l'éducation
des jeunes gens qu'on me confie , et
le bon ordre qu'il faut entretenir dans
ma Pension , ne me permettent pas de le
suivre au reste , il en attrapera ce qu'il
pourra ; c'est toujours beaucoup de pou
voir l'instruire de bonne heure , en l'amusant
et sans se fatiguer par trop d'attention
, ce qui ne paroit pas possible
avec les Alphabets ordinaires. Si l'éducation
particuliere de cet enfant n'est pas
des plus favorables à l'Auteur duSystême ,
elle l'est encore moins à ses Critiques . Je
vous prie donc , Monsieur , de trouver
bon que je détrompe ici ceux , qui captieusement,
ou mal informés , voudroient
encore faire mention de moi , et qui grossiroient
, ou qui diminueroient l'exemple
pour l'accommoder selon leur besoin , ce
qui n'arrive que trop communément
quand nous nous déclarons contre une
chose
MAY. 1731. 1021
chose qui ne nous plaît pas . On devroiť
du moins convenir genereusement du
bon qui se trouve dans le Systême du Bureau
Typographique , et refuter par des
raisons solides ce qu'on croit qui doit être
censuré.
Je sçai , comme bien d'autres , que l'Auteur
Typographe est de bonne foi , et
qu'il ne veut tromper personne. Sa probité
, son parfait désinteressement et son
extrême modestie , soutenus d'un sçavoir
qui n'est pas médiocre sur cette matiere ,
sont de bons préjugez pour son Systême :
néanmoins , entre plusieurs objections
qu'on peut lui faire. J'en vois une ou
deux qui me paroissent mériter quelque
attention. C'est la difficulté de trouver
des Maîtres , qui après avoir long - tems
étudié , et se croyant par conséquent en
état d'instruire , soient assez humbles pour
se mettre à l'A , B , C. C'est une étude
qui ne flatte assurément pas l'amour propre
, il faut cependant y revenir pour faire
usage du Bureau , car il ne s'agit pas
seulement de l'A , B , C , comme on l'entend
communément , mais d'une Doctrine
à laquelle on ne s'est guere appliqué
je veux dire la propre dénomination des
lettres , et les sons de la Langue , au moïen
de quoi l'enfant ne trouve plus dans son
Biiij che1012
MERCURE DE FRANCE.
2
chemin les ronces ni les épines qu'il rencontre
inévitablement avec la méthode
ordinaire . Outre la difficulté de trouver
des Maîtres capables , bien assidus et
bien patiens , il y en a encore une bien
plus forte c'est l'oeconomie du plus
grand nombre des parens , en fait d'éducation
, lesquels ne faisant pas souvent
difficulté de dépenser dix , vingt , trente
pistolles , et quelquefois des sommes bien
plus considérables , mal- à- propos
,
>
он
pour leurs plaisirs , ne pourront se résoudre
à en dépenser trois ou quatre pour
avoir un Bureau avec tout son attirail.
Un petit Alphabet de deux ou trois sols
est un peu moins difficile à acquerir .
La question est donc de sçavoir si ce
Systême réussira . Adhuc subjudice lis est.
Quoiqu'il en soit , n'y eut- il ici que les
verges et les férules de moins , c'est un
grand avantage. Ces sortes d'instrumens
sans lesquels l'enfant profite tout autant ,
et même plus qu'avec le petit Alphabet ,
et qui ne servent qu'à inspirer aux enfans
du dégoût pour l'étude des Lettres , deviennent
absolument inutiles avec cette
Méthode ; l'Auteur , sagement n'en conseille
l'usage que pour les fautes ausquelles
le coeur seul à plus de part que l'esprit.
Enfin , il est certain que ce Systême
a
ne
MA Y. 1731. 1023
ne regarde que ceux qui font profession
d'enseigner les premiers élémens des lettres
, depuis l'A , B , C , jusqu'aux basses
Classes , et qu'un enfant y apprend aisément
à lire les Langues Françoises , Latines
, Grecques , Hebraïques , et telles autres
, que le Maître est capable d'enseigner
: mais il ne peut convenir , ni à un
Professeur , ni à un Maître qui répéte les
Humanitez : en effet , quelle apparence y
auroit- il de dresser cette machine dans un
endroit où les jeunes gens sont plus pour
écouter et pour écrire que pour voir ? Le
Bureau Typographique est fait pour être
vû , et non pour être entendu , c'est ce
qui en fait le principal mérite ; car ce Ru
diment sensible , frappant les yeux , s'inculque
mieux que ce qu'on entend seule
ment raconter , et l'on y peut bien appliquer
cette Maxime d'Horace :
Segnius irritant animos demissa per aurem ,
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 18 Avril , 1731.
Pension dans la rue S. Jean de Bauvais ,
à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique
.
B
Ien des personnes , Monsieur , me
trouvant cité dans l'espece de Procès
Litteraire , intenté contre l'Auteur du
Bureau Tipographique , ont jugé différemment
de l'article qui me regarde en
particulier , et je crois devoir détromper
ceux qui de part et d'autre, voudroient
m'y engager pour plus que je ne dois y
être.
Bij II
1018 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai qu'après avoir connu les
avantages du Bureau Typographique , auquel
j'avois vû travailler le petit Candiac,
j'en fis faire un l'année derniere pour un
enfant âgé de deux ans mais peu après
on me proposa un établissement , dont
les pénibles commencemens ne paroissoient
guéres compatibles avec ce travail ,
qui demande un certain loisir , et une
certaine attention , suivie et réfléchie : de
plus , l'enfant tomba malade avant que
d'être mis au Bureau , et est demeuré
presque dans l'inaction jusqu'à présent,
>
L'Auteur du Bureau Typographique
sans distinguer mes Pensionnaires , ni meş
Externes qui vont en Classe , du petit
enfant pour lequel j'avois fait faire ce Bureau
, avança pour lors dans le Mercure
de Juillet , que je n'avois pas négligé de me
donner un Bureau Typographique pour accélerer
les premieres études des enfans. Il est
visible que ces premieres études ne regardoient
point les Pensionnaires ni les Externes
, mais seulement le petit enfant
dont il est question . Je craignis cependant
qu'on ne donnât à cela une fausse interl'Auprétation
, et j'aurois souhaitté que
teur du Bureau eut rectifié cet endroit
dans une autre Lettre : mais on ne présuma
pas qu'il se trouveroit quelqu'un pour
rele-
C
"
MAY. 1731 . 1019
relever une expérience qui n'étoit pas encore
commencée. L'Auteur du Bureau a
dit simplement que je n'avois pas négligé
de m'en donner un , et non pas que
j'y fisse travailler.
Un des Adversaires du Systême voulant
Fefuter cette Méthode , a conclu du pouvoir
à l'Acte , quand dans le dernier Mercure
de Février , après avoir rapporté
plusieurs exemples , il ajoûte ( parlant de
Auteur ) il n'oubliera pas M. Chompré ,
Maître de Pension , qui se sert du Bureau
Typographique pour les enfans. Si ce Critique
avoit voulu prendre la peine de se
bien informer de la chose , il auroit appris
que je n'ai point d'Ecoliers qui n'aillent
au College , ausquels par conséquent
le Bureau ne soit inutile ; c'est un fait.
Pourquoi donc avance- t-il que je m'en sers
pour les enfans ? Est-ce pour faire croire
ce qui n'est pas ? Si cependant il avoit été
curieux d'une exacte perquisition , il n'en
auroit pas sûr été content ; car il à coup
auroit appris que quoique l'enfant soit
toujours languissant , il n'a pas laissé de
faire quelques progrès.
Il sçait parfaitement
bien non- sculement
ses lettres , mais encore les chiffres ,
esa mere et sa soeur lui ont fait apprendre
en le tenant assis vis- à-vis le Bureau , /
que sa n
B iij pour
1020 MERCURE DE FRANCE
pour l'amuser , lorsque ses douleurs lui
donnoient un peu de repis , et il en est
présentement à ce que l'Auteur appelle
la seconde Classe . Comme il commence
à se mieux porter , il marque une inclination
constante pour ce jeu , et ne paroît
aucunement touché des objets qu'on présente
ordinairement aux enfans de son
âge : mais quand il se porteroit bien , l'ap
plication continuelle que je dois à l'éducation
des jeunes gens qu'on me confie , et
le bon ordre qu'il faut entretenir dans
ma Pension , ne me permettent pas de le
suivre au reste , il en attrapera ce qu'il
pourra ; c'est toujours beaucoup de pou
voir l'instruire de bonne heure , en l'amusant
et sans se fatiguer par trop d'attention
, ce qui ne paroit pas possible
avec les Alphabets ordinaires. Si l'éducation
particuliere de cet enfant n'est pas
des plus favorables à l'Auteur duSystême ,
elle l'est encore moins à ses Critiques . Je
vous prie donc , Monsieur , de trouver
bon que je détrompe ici ceux , qui captieusement,
ou mal informés , voudroient
encore faire mention de moi , et qui grossiroient
, ou qui diminueroient l'exemple
pour l'accommoder selon leur besoin , ce
qui n'arrive que trop communément
quand nous nous déclarons contre une
chose
MAY. 1731. 1021
chose qui ne nous plaît pas . On devroiť
du moins convenir genereusement du
bon qui se trouve dans le Systême du Bureau
Typographique , et refuter par des
raisons solides ce qu'on croit qui doit être
censuré.
Je sçai , comme bien d'autres , que l'Auteur
Typographe est de bonne foi , et
qu'il ne veut tromper personne. Sa probité
, son parfait désinteressement et son
extrême modestie , soutenus d'un sçavoir
qui n'est pas médiocre sur cette matiere ,
sont de bons préjugez pour son Systême :
néanmoins , entre plusieurs objections
qu'on peut lui faire. J'en vois une ou
deux qui me paroissent mériter quelque
attention. C'est la difficulté de trouver
des Maîtres , qui après avoir long - tems
étudié , et se croyant par conséquent en
état d'instruire , soient assez humbles pour
se mettre à l'A , B , C. C'est une étude
qui ne flatte assurément pas l'amour propre
, il faut cependant y revenir pour faire
usage du Bureau , car il ne s'agit pas
seulement de l'A , B , C , comme on l'entend
communément , mais d'une Doctrine
à laquelle on ne s'est guere appliqué
je veux dire la propre dénomination des
lettres , et les sons de la Langue , au moïen
de quoi l'enfant ne trouve plus dans son
Biiij che1012
MERCURE DE FRANCE.
2
chemin les ronces ni les épines qu'il rencontre
inévitablement avec la méthode
ordinaire . Outre la difficulté de trouver
des Maîtres capables , bien assidus et
bien patiens , il y en a encore une bien
plus forte c'est l'oeconomie du plus
grand nombre des parens , en fait d'éducation
, lesquels ne faisant pas souvent
difficulté de dépenser dix , vingt , trente
pistolles , et quelquefois des sommes bien
plus considérables , mal- à- propos
,
>
он
pour leurs plaisirs , ne pourront se résoudre
à en dépenser trois ou quatre pour
avoir un Bureau avec tout son attirail.
Un petit Alphabet de deux ou trois sols
est un peu moins difficile à acquerir .
La question est donc de sçavoir si ce
Systême réussira . Adhuc subjudice lis est.
Quoiqu'il en soit , n'y eut- il ici que les
verges et les férules de moins , c'est un
grand avantage. Ces sortes d'instrumens
sans lesquels l'enfant profite tout autant ,
et même plus qu'avec le petit Alphabet ,
et qui ne servent qu'à inspirer aux enfans
du dégoût pour l'étude des Lettres , deviennent
absolument inutiles avec cette
Méthode ; l'Auteur , sagement n'en conseille
l'usage que pour les fautes ausquelles
le coeur seul à plus de part que l'esprit.
Enfin , il est certain que ce Systême
a
ne
MA Y. 1731. 1023
ne regarde que ceux qui font profession
d'enseigner les premiers élémens des lettres
, depuis l'A , B , C , jusqu'aux basses
Classes , et qu'un enfant y apprend aisément
à lire les Langues Françoises , Latines
, Grecques , Hebraïques , et telles autres
, que le Maître est capable d'enseigner
: mais il ne peut convenir , ni à un
Professeur , ni à un Maître qui répéte les
Humanitez : en effet , quelle apparence y
auroit- il de dresser cette machine dans un
endroit où les jeunes gens sont plus pour
écouter et pour écrire que pour voir ? Le
Bureau Typographique est fait pour être
vû , et non pour être entendu , c'est ce
qui en fait le principal mérite ; car ce Ru
diment sensible , frappant les yeux , s'inculque
mieux que ce qu'on entend seule
ment raconter , et l'on y peut bien appliquer
cette Maxime d'Horace :
Segnius irritant animos demissa per aurem ,
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 18 Avril , 1731.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Chompré, Maître de Pension dans la ruë S. Jean de Bauvais, à M. D. L. R. touchant le Bureau Tipographique.
M. Chompré, maître de pension, adresse une lettre à M. D. L. R. pour éclaircir sa position concernant le Bureau Typographique, un système d'enseignement. Il explique avoir acheté ce bureau pour un enfant de deux ans, mais des circonstances, telles que l'ouverture d'une pension et la maladie de l'enfant, ont retardé son utilisation. L'auteur du Bureau Typographique a affirmé que M. Chompré utilisait ce système pour accélérer les études des enfants, ce que M. Chompré rectifie en précisant que cela concernait uniquement l'enfant en question. Un opposant au système a également propagé des informations erronées. Cependant, M. Chompré confirme que l'enfant a fait des progrès malgré sa santé fragile. Il souligne que l'éducation de cet enfant ne doit pas être utilisée pour critiquer le système. M. Chompré reconnaît la bonne foi de l'auteur du Bureau Typographique mais mentionne des objections, notamment la difficulté de trouver des maîtres qualifiés et la réticence des parents à investir dans ce système coûteux. Il conclut en soulignant que le Bureau Typographique est utile pour l'apprentissage des premières lettres et des langues, mais ne convient pas aux classes avancées. Il cite Horace pour illustrer l'efficacité visuelle du système.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1498-1514
RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
Début :
MR. Gaullyer se plaint de ce que ceux qu'il appelle les Charlatans de la [...]
Mots clefs :
Méthode, Professeur, Collège, Littérature, Charlatans, Déclinaisons, Grammaire, Composition, Explication, Philosophie
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
REFLEXIONS sur la Methode de
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
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Résumé : RÉFLEXIONS sur la Methode de M. le Fevre de Saumur, et sur les Notes de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme au College du Plessis-Sorbonne.
Le texte présente une critique de la méthode pédagogique de M. le Fèvre de Saumur et des notes de M. Gaullyer, professeur au Collège du Plessis - Sorbonne. M. Gaullyer accuse des 'charlatans de la menue Littérature' de ne pas répondre à ses critiques. Les auteurs anonymes du texte, se présentant comme ces 'charlatans', expriment leur surprise que M. Gaullyer ait imprimé la méthode de M. le Fèvre, qui condamne la pratique vulgaire. Ils détaillent la méthode de M. le Fèvre, qui consiste à ne pas enseigner le grec et le latin aux enfants avant l'âge de dix ans, à apprendre à lire et à écrire sans se soucier de la beauté du caractère, et à commencer l'apprentissage des déclinaisons en grand papier. M. le Fèvre recommande également de commencer par l'explication des textes plutôt que par la composition de thèmes. Les auteurs soutiennent que la méthode des 'charlatans' est plus conforme à celle de M. le Fèvre que celle de M. Gaullyer. Les auteurs critiquent la réponse de M. Gaullyer, qui affirme que les collèges sont mieux montés aujourd'hui et que les auteurs grecs et latins sont mieux distribués. Ils argumentent que la principale différence entre la méthode de M. le Fèvre et celle des collèges réside dans l'approche pédagogique, et non dans l'ordre des auteurs étudiés. Ils concluent que la méthode des collèges actuels est fondamentalement la même que celle de 1672, et que M. Gaullyer n'a pas compris l'esprit de la méthode de M. le Fèvre. Ils soulignent également que la méthode vulgaire est plus nuisible à la santé des enfants que les méthodes alternatives. Le texte mentionne également les ouvrages de M. Gaullyer sur la langue latine et française, tels que 'Règles pour la Langue Latine', 'Rudiment', 'Méthode', 'Règles d'élégance', 'Règles de Traduction', 'Règles de Versification', et 'Grammaire Françoise'. Il critique M. Gaullyer pour ne proposer que ses propres livres et pour son langage excessif. Gaullyer affirme que ses critiques sont soit hérétiques, soit fous, selon qu'ils croient ou non au péché originel et à la difficulté de guérir l'ignorance. Il cite un exemple d'un solitaire pieux qui reste silencieux face aux insultes mais se justifie lorsqu'on l'accuse d'hérésie. Gaullyer se plaint également de trouver des dupes parmi ses admirateurs. Le texte mentionne une erreur de Gaullyer concernant l'identité de Longin et critique son approche pédagogique, qui privilégie ses propres ouvrages. Gaullyer est décrit comme quelqu'un qui parle beaucoup de mal des autres et de bien de lui-même, sans justice ni équité. Le texte conclut en soulignant que Gaullyer ne cherche qu'à valoriser ses propres ouvrages et en refusant de perdre du temps à répondre à ses déclamations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2199-2203
Lettre d'un Partisan du systême typographique, à un de ses amis.
Début :
Vous voulez donc sçavoir, mon cher Monsieur, la suite des disputes, au sujet du Bureau [...]
Mots clefs :
Système typographique, Maîtres mercenaires, Critique anonyme, Collège
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre d'un Partisan du systême typographique, à un de ses amis.
Lettre d'un Partisan du systême typogra
phique , à un de ses amis.
V sicur , la suite des disputes , au sujet du Bu-
Ous voulez donc sçavoir , mon cher Mon-
›
reau Typographique la voici ; l'Auteur de cette
methode , bien loin de se rebuter des vaines déclamations
des petits genies remplis d'eux-mêmes
, suit le conseil que de grands hommes lui
ont donné , qui est de ne pas se mettre beaucoup
en peine des critiqueurs de College , dont tout le
plaisir seroit de vouloir faire adopter leur ignorance
comme une science certaine et infaillible.
Cet Aureur va toûjours son train, en prouvant et
établissant de plus en plus , par le raisonnement
et par l'expérience le systême du Bureau , il néglige
ce que la prévention et la mauvaise foi des
Maîtres mercenaires pourroient dire contre la
verité et l'utilité de ce systême . La plupart de ces
Maîtres regardent les anciennes methodes comme
incorporées avec leur être : L'indifference pour le
bien public er pour la bonne éducation , les rendent
insensibles aux avantages des nouvelles mé
thodes . Au contraire les Partisans du Bureau
méprisent la ridicule prévention où l'on est d'a-
Giiij. muser
2200 MERCURE DE FRANCE
muser les enfans à des niaiseries qui ne leur laissent
rien de bon dans la mémoire , et les parens
sensés goûtent volontiers une méthode qui débarasse
leurs enfans de toutes les épines qui accompagnent
les premiers principes.
Vous sçaurez d'abord que la critique anonime
inserée dans le Mercure du mois de Fevrier dernier
, fût encore plus mal reçûë du Public , que
celle du mois de Janvier. M. Gaullyer , regent
de quatrième au College du Plessis , se flâta d'être
plus heureux en donnant avec des notes de
sa façon une nouvelle édition de la methode de
M. Lefevre , voici ce qu'en dit le Nouveliste du
Parnasse , lettre 28. page 285.
>
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur au
College du Plessis a publié une méthode pour
l'étude des Humanités . C'est un Grammairien
fecond , qui suivant toutes les apparences , regalera
encore ses écoliers d'un bon nombre de
Volumes. Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire ; il me semble que le grand nombre
de regles accable plus l'esprit qu'il ne le soulage.
>
La réponse inserée dans le second volume du
Mercure de Juin a fait voir à ce Regent qu'il
n'avoit pas tous les rieurs de son côté. La Cour
et la Ville ont fort goûté cette réponse de l'Auteur
des Tropes , et l'on doute avec raison que
M. Gaullyer y puisse répondre comme il faut.
dit- on ,
M.
Gaullyer voyant donc le peu de succês de
ses critiques et de ses brochures , a eu ,
recours au Regent de seconde du même College
pour tâcher de tourner en ridicule le systême du
Bureau et les Personnes
de la Cour et de la Ville
qui en aprouveroient
l'usage. On exigea là-dessus
un secret inviolable
de la part des Acteurs de
cetto
SEPTEMBRE . 1731. 220L
›
cette nouvelle Piece et le secret synderetique
fut si grand , que la plupart des Spectateurs s'en
retournerent sans sçavoir le sujet de cette farce ,
annoncée le Mercredy 22. Août , pour le lendemain
Jeudy 23. après la Tragedie de Joseph de
M. l'Abbé Genest . Une personne au fait des
Spectacles , et de l'ordre qu'on y doit observer ,
ayant été témoin des traits injurieux et personnels
dont cette Piece étoit remplie , et de l'accident
vrayement tragique qui arriva pendant la
premiere , par la chûte d'un échafaut , sous lequel
il y eût des bras et des jambes cassées , ne
pût s'empêcher de dire publiquement qu'il seroit
de l'ordre de la Police d'empêcher de tels abus ,
de prévenir de pareils accidens dans les répresentations
de College , d'en faire auparavant examiner
ler Pieces et visiter les échafauts comme
il se pratique dans les autres Theatres.
2
Pour revenir à cette petite Piece , dont le sujet
devoit, disoit- on, s'anoncer de lui- même , Momus:
ouvre la Scene , en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains avanturiers de la me--
nuë literature , qui s'érigeant en réformateursdu
Parnasse , voudroient renvoyer les Muses à
l'école ; et remettre Apollon lui- même à l'Abécé..
Jupiter , personnage entierement inutile , et qui .
ne sert au plus qu'à multiplier les rôles de la
Piece pour le compte du Regent qui en est l'Auteur
, vient demander à Momus quel est ce bruit:
de Scies et de Marteaux qu'on entend sur le Par
nasse ? Momus lui répond que c'est une Manu--
facture de Bureaux Typographiques qu'on veut .
Y établir , et dont un visionnaire , nommé M.
Buriver , vient demander à Apollon le Privilege
Apollon survient , et entendant parler de Buriver ,.
demande à Momus , quelle espece d'homme est .
Gy CC
2202 MERCURE DE FRANCE
ce Buriver ? Momus lui dit que c'est un fou sérieux
, qui croit avoir une Mission pour changer
le nom des Lettres de l'Alphabet , et qui a telleà
coeur de mettre à profit les premieres années
de l'enfance , qu'il veut absolument ( au dire
de l'Auteur ) qu'on apprenne à lire aux Enfans,
dès le maillot , pour réparer le temps qu'ils ont
perdu dans le ventre de leur Mere.
ment
2
Apollon ayant donné ordre de l'introduire
on voit entrer M. Buriver , suivi de deux autres.
réformateurs ausquels on ne comprend rien , et :
qui n'étant-là , que pour faire nombre , ne servent
, comme on l'a dit de Jupiter , qu'à multiplier
les personnages de la Piece. L'Auteur fait
ensuite exposer à M. Buvier le projet et la pratique
de sa réforme de la maniere du monde la
plus plate et la plus insipide aux yeux des Spec-.
tateurs , mais d'une maniere très - ingenieuse aux
yeux des Regens , qui trouvent que cette Piece
petille d'esprit. L'on en peut juger par l'exemple:
suivant Pour empêcher les Enfans de ronger
leurs Livres , Buriver , dit - on , a imaginé de
leur donner des Rudimens de bois , et d'en mettre
les Leçons sur des cartes détachées › pour les.
empêcher d'épuiser leur salive , et d'user leur
pouce à en tourner les feuillets..
Voilà les gentillesses que l'Auteur met dans la
bouche de M. Buriver , et il n'a eû garde de faire
un mauvais usage de son esprit , en lui faisant
dire › pour prouver les effets merveilleux de sa
méthode , que c'étoit par son moyen , que la
chienne de la Foire S. Germain avoit appris à
lire , tant il a eu soin d'éviter les basses plaisanseries
, quoique plus naturelles et plus propres à
son sujet.
Enfin , un Menuisier nommé Thibaud , an-
допсе
SEPTEMBRE . 1731. 2203
nonce pour
"'
dénoüment les Muses viennent
que
de:
de mettre en pieces tous ses Bureaux , de briser
ses outils et de lui rompre ses Regles sur le
corps , et il finit la piece en se proposant
retourner à sa boutique , et en conseillant à M..
Buriver de le suivre et de devenir son garçon
c'est ainsi que des gens de College s'éforcent de
tourner en ridicule la métode du Bureau , pendant
que les personnes les plus sages de la Ville
et de la Cour font gloire d'en reconnoître l'uti
lité , et que cette métode a l'avantage d'être em
ployée à l'instruction des ENFANS DE FRANCE
Voici , Monsieur , un Certificat qui vous fera
voir le Jugement de la societé des Arts " uns peus
different de celui des Regens du College du
Plessis..
phique , à un de ses amis.
V sicur , la suite des disputes , au sujet du Bu-
Ous voulez donc sçavoir , mon cher Mon-
›
reau Typographique la voici ; l'Auteur de cette
methode , bien loin de se rebuter des vaines déclamations
des petits genies remplis d'eux-mêmes
, suit le conseil que de grands hommes lui
ont donné , qui est de ne pas se mettre beaucoup
en peine des critiqueurs de College , dont tout le
plaisir seroit de vouloir faire adopter leur ignorance
comme une science certaine et infaillible.
Cet Aureur va toûjours son train, en prouvant et
établissant de plus en plus , par le raisonnement
et par l'expérience le systême du Bureau , il néglige
ce que la prévention et la mauvaise foi des
Maîtres mercenaires pourroient dire contre la
verité et l'utilité de ce systême . La plupart de ces
Maîtres regardent les anciennes methodes comme
incorporées avec leur être : L'indifference pour le
bien public er pour la bonne éducation , les rendent
insensibles aux avantages des nouvelles mé
thodes . Au contraire les Partisans du Bureau
méprisent la ridicule prévention où l'on est d'a-
Giiij. muser
2200 MERCURE DE FRANCE
muser les enfans à des niaiseries qui ne leur laissent
rien de bon dans la mémoire , et les parens
sensés goûtent volontiers une méthode qui débarasse
leurs enfans de toutes les épines qui accompagnent
les premiers principes.
Vous sçaurez d'abord que la critique anonime
inserée dans le Mercure du mois de Fevrier dernier
, fût encore plus mal reçûë du Public , que
celle du mois de Janvier. M. Gaullyer , regent
de quatrième au College du Plessis , se flâta d'être
plus heureux en donnant avec des notes de
sa façon une nouvelle édition de la methode de
M. Lefevre , voici ce qu'en dit le Nouveliste du
Parnasse , lettre 28. page 285.
>
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur au
College du Plessis a publié une méthode pour
l'étude des Humanités . C'est un Grammairien
fecond , qui suivant toutes les apparences , regalera
encore ses écoliers d'un bon nombre de
Volumes. Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire ; il me semble que le grand nombre
de regles accable plus l'esprit qu'il ne le soulage.
>
La réponse inserée dans le second volume du
Mercure de Juin a fait voir à ce Regent qu'il
n'avoit pas tous les rieurs de son côté. La Cour
et la Ville ont fort goûté cette réponse de l'Auteur
des Tropes , et l'on doute avec raison que
M. Gaullyer y puisse répondre comme il faut.
dit- on ,
M.
Gaullyer voyant donc le peu de succês de
ses critiques et de ses brochures , a eu ,
recours au Regent de seconde du même College
pour tâcher de tourner en ridicule le systême du
Bureau et les Personnes
de la Cour et de la Ville
qui en aprouveroient
l'usage. On exigea là-dessus
un secret inviolable
de la part des Acteurs de
cetto
SEPTEMBRE . 1731. 220L
›
cette nouvelle Piece et le secret synderetique
fut si grand , que la plupart des Spectateurs s'en
retournerent sans sçavoir le sujet de cette farce ,
annoncée le Mercredy 22. Août , pour le lendemain
Jeudy 23. après la Tragedie de Joseph de
M. l'Abbé Genest . Une personne au fait des
Spectacles , et de l'ordre qu'on y doit observer ,
ayant été témoin des traits injurieux et personnels
dont cette Piece étoit remplie , et de l'accident
vrayement tragique qui arriva pendant la
premiere , par la chûte d'un échafaut , sous lequel
il y eût des bras et des jambes cassées , ne
pût s'empêcher de dire publiquement qu'il seroit
de l'ordre de la Police d'empêcher de tels abus ,
de prévenir de pareils accidens dans les répresentations
de College , d'en faire auparavant examiner
ler Pieces et visiter les échafauts comme
il se pratique dans les autres Theatres.
2
Pour revenir à cette petite Piece , dont le sujet
devoit, disoit- on, s'anoncer de lui- même , Momus:
ouvre la Scene , en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains avanturiers de la me--
nuë literature , qui s'érigeant en réformateursdu
Parnasse , voudroient renvoyer les Muses à
l'école ; et remettre Apollon lui- même à l'Abécé..
Jupiter , personnage entierement inutile , et qui .
ne sert au plus qu'à multiplier les rôles de la
Piece pour le compte du Regent qui en est l'Auteur
, vient demander à Momus quel est ce bruit:
de Scies et de Marteaux qu'on entend sur le Par
nasse ? Momus lui répond que c'est une Manu--
facture de Bureaux Typographiques qu'on veut .
Y établir , et dont un visionnaire , nommé M.
Buriver , vient demander à Apollon le Privilege
Apollon survient , et entendant parler de Buriver ,.
demande à Momus , quelle espece d'homme est .
Gy CC
2202 MERCURE DE FRANCE
ce Buriver ? Momus lui dit que c'est un fou sérieux
, qui croit avoir une Mission pour changer
le nom des Lettres de l'Alphabet , et qui a telleà
coeur de mettre à profit les premieres années
de l'enfance , qu'il veut absolument ( au dire
de l'Auteur ) qu'on apprenne à lire aux Enfans,
dès le maillot , pour réparer le temps qu'ils ont
perdu dans le ventre de leur Mere.
ment
2
Apollon ayant donné ordre de l'introduire
on voit entrer M. Buriver , suivi de deux autres.
réformateurs ausquels on ne comprend rien , et :
qui n'étant-là , que pour faire nombre , ne servent
, comme on l'a dit de Jupiter , qu'à multiplier
les personnages de la Piece. L'Auteur fait
ensuite exposer à M. Buvier le projet et la pratique
de sa réforme de la maniere du monde la
plus plate et la plus insipide aux yeux des Spec-.
tateurs , mais d'une maniere très - ingenieuse aux
yeux des Regens , qui trouvent que cette Piece
petille d'esprit. L'on en peut juger par l'exemple:
suivant Pour empêcher les Enfans de ronger
leurs Livres , Buriver , dit - on , a imaginé de
leur donner des Rudimens de bois , et d'en mettre
les Leçons sur des cartes détachées › pour les.
empêcher d'épuiser leur salive , et d'user leur
pouce à en tourner les feuillets..
Voilà les gentillesses que l'Auteur met dans la
bouche de M. Buriver , et il n'a eû garde de faire
un mauvais usage de son esprit , en lui faisant
dire › pour prouver les effets merveilleux de sa
méthode , que c'étoit par son moyen , que la
chienne de la Foire S. Germain avoit appris à
lire , tant il a eu soin d'éviter les basses plaisanseries
, quoique plus naturelles et plus propres à
son sujet.
Enfin , un Menuisier nommé Thibaud , an-
допсе
SEPTEMBRE . 1731. 2203
nonce pour
"'
dénoüment les Muses viennent
que
de:
de mettre en pieces tous ses Bureaux , de briser
ses outils et de lui rompre ses Regles sur le
corps , et il finit la piece en se proposant
retourner à sa boutique , et en conseillant à M..
Buriver de le suivre et de devenir son garçon
c'est ainsi que des gens de College s'éforcent de
tourner en ridicule la métode du Bureau , pendant
que les personnes les plus sages de la Ville
et de la Cour font gloire d'en reconnoître l'uti
lité , et que cette métode a l'avantage d'être em
ployée à l'instruction des ENFANS DE FRANCE
Voici , Monsieur , un Certificat qui vous fera
voir le Jugement de la societé des Arts " uns peus
different de celui des Regens du College du
Plessis..
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Résumé : Lettre d'un Partisan du systême typographique, à un de ses amis.
La lettre d'un partisan du système typographique à un ami met en lumière les controverses entourant cette méthode d'enseignement. L'auteur de la méthode, malgré les critiques des 'petits génies' et des maîtres mercenaires attachés aux anciennes méthodes, continue de promouvoir son système. Il est soutenu par des grands hommes et des parents sensibles aux avantages de cette nouvelle approche. Les critiques anonymes, comme celle publiée dans le Mercure de février, ont été mal reçues par le public. M. Gaullyer, un régent du Collège du Plessis, a tenté de discréditer la méthode en publiant une édition annotée de la méthode de M. Lefevre. Cependant, sa critique a été réfutée dans le Mercure de juin. Gaullyer a ensuite essayé de ridiculiser le système typographique à travers une pièce de théâtre, mais cette tentative a été un échec, marquée par un accident tragique. La pièce, jouée au Collège du Plessis, a été critiquée pour ses traits injurieux et personnels. Malgré ces attaques, les personnes sages de la Ville et de la Cour reconnaissent l'utilité de la méthode typographique, qui est utilisée pour l'instruction des enfants en France. Un certificat de la société des Arts confirme ce jugement positif.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 611-620
ARRESTS NOTABLES.
Début :
ORDONNANCE DU ROY, du 17. Février, contre les prétendus Convulsionnaires, [...]
Mots clefs :
Convulsionnaires, Juges des Fermes en Languedoc, Libelle, Livre, Collège, Toulouse, Procureur général du roi, Conseil, Propositions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARRESTS NOTABLES.
ARRESTS NOTABLE S.-
RDONNANCE DU ROY , du 17.
Février,contre les prétendus Convulsion
naires , par laquelle il est dit :
Que Sa Majesté étant informée que depuis
l'Ordonnance qu'elle a rendue le 27. Janvier .
1732. pour faire fermer le petit Cimetiere de
S. Medard , plusieurs personnes , par un déreglement
d'imagination , ou par un esprit d'imposture
, se prétendent attaquées de convulsions , et
qu'elles se donnent même en spectacle dans des
maisons particulieres , pour abuser de la crédulité
du Peuple , et faire naître un fanatisme déja trop
semblable , par de chimeriques Propheties à celui
qu'on a vu dans d'autres temps . Et comme
rien n'est plus important que d'arrêter , par les
voyes les plus efficaces et les plus promptes , de
pareils excès , toujours dangereux pour la Religion
, et contraires à toutes les loix de la police ,
qui ont été faites pour empêcher toute sorte de
Concours du peuple et d'assemblées illicites ;
1 vj
S.
612 MERCURE DE FRANCE
S. M. a crû devoir encore interposer son autorite
sur un sujet aussi important pour la tranquillité
publique, et marquer de nouveau toute son indignation
contre les Auteurs d'un pareil scandale :
A ces causes , S. M. a fait très- expresses inhibitions
et deffenses à toutes personnes se prétendant
attaquées de convulsions , de se donner en
spectacle au Public , ni même de souffrir dans
leurs maisons , dans leurs chambres ou autres
lieux , aucuns concours ou assemblées , à peine
d'emprisonnement de leur personne , et d'être
poursuivis extraordinairement comme séducteurs
et perturbateurs du repos public . Deffend
pareillement à tous ses Suiets , sous peine de
desobéissance , d'aller voir , ni visiter lesdites
personnes , sous prétexte d'être témoins de leurs
prétendues convulsions : enjoint S. M. au sieur
Heraut , Conseiller d'Etat , Lieutenant General
de Police de la Ville , Prévôté et Vicomté
de Paris , et aux sieurs Intendans départis dans
les Provinces , de faire toutes les diligences nécessaires
pour l'execution de la présente Ordonnance
, & c .
ARREST du 24. Février , qui ordonne
l'execution de plusieurs Sentences et Arrêts rendus
par les Juges des Fermes en Languedoc er
Provence ; par lesquels il a été prononcé des
confiscations , amendes et peines de Galeres contre
differens Patrons et Matelots Catalans , convaincus
de fauxsaunage et d'introduction de faux
Tabacs et autres Marchandises de contrebande ;
et cependant , par grace et sans tirer à conséquence
, leur fait main- levée de partie desdites
Marchandises et amendes.
AUTRE
MARS. 1733. G13
AUTRE du 8. Mars , qui permet la sortie
à l'Etranger des vieux linges , vieux drapeaux ,
drilles et pattes , rogneures de peaux et parchemin
et autres semblables matieres servant à la
fabrication du papier , en payant trente livres du
cent pesant.
ARREST DU GRAND CONSEIL ,
du 17. Mars , qui ordonne la suppression d'un
Livre , &c.
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , et Maître
Armand- Jerôme Bignon , Avocat dudit Sei
gneur Roy , portant la parole , ont dit :
MES.SIEURS ,
On nous remit le dernier jour à votre Audien
ce le Livre que vous voyez entre nos mains ; il est
imprimé sans Privilege à Lyon en 1729. On y
donne à cette Ville le nom de Colonia Munatia→
na , qui n'est pas celui sous lequel elle est connue
ordinairement.
Quelqu'étonnant qu'il soit que des Libraires
osent en France hazarder l'impression d'un Livre,.
sans y être autorisez par les formalitez ordinaires
si justement établies , il est plus étonnant encore
qu'un Religieux demeurant dans le Royaume
, s'écarte si extraordinairement des principes
fondamentaux de la Doctrine de l'Eglise Gallicane.
Mais ce qui nous semble de plus surprenant
encore , c'est qu'il paroisse à la tête d'un Ouvrade
cette nature l'Approbation et la Permission
d'imprimer données par l'Abbé general de Cîge
teaux .
Ce seroit abuser de votre Audience que de s'é
tendre en longs discours sur les propositions qui
vous ont été dénoncées ; elles sont repetées en
differens
614 MERCURE DE FRANCE
differens endroits du corps de l'Ouvrage , et no
tamment à la fin dans un petit Traité qui paroît
séparé du reste du Livre , et auquel on a donné
le titre particulier de Parerga ex Theologia specu
lativa. Vous y verrez entr'autres , Messieurs
dans le corps du Livre , page 12. Papa utitur
plenitudine potestatis sua , et alii Pralati Ecclesiastici
suam quam habent potestatem , habent immediatè
à Papa.
>
Pag. 13. Christus concessit potestatem jurisdictionis
per Claves Ecclesia , concessit autem Claves
Ecclesia soli Petro : adeòque potestatem jurisdictionis
soli Petro immediatè commissit , et per Petrum ,
aut ejus Successorem Episcopis . Unde Papa potest
Episcopos à se institutos , electos et confirmatos deponere
, et potestatem jurisdictionis per electionem et
confirmationem illis concessam , auferre ab illis .
Page 17. Neque etiam Concilium Generale poestatem
habet immediatè à Christo , sed à Papá
et separatum à Papâ non annuente vel influente ,
potest errare , ejusque decreta non confirmata nullans .
veritatem , quoad fidem et mores , stabilire possunt ,
quia autoritas Concilii non procedit autoritate Episcoporum
, quia sicut unus illorum sic singuli errare
possunt ; sed ab autoritate Papa universaliter convocante
et approbante Concilium Generale.
Et dans le Parerga pag. 7. Solus divus Petrus
ejusque legitimi Successores Romani Pontifices , à
Christo Domino obtinuerunt primatum et regimen
monarchicum in Ecclesiâ militante , Autoritas Summi
Pontificis in definiendis et declaran is rebus fi→
dei , in ferendis sententiis et legibus pro totâ Ecclesia,
tam intra quam extra Concilium est infaillibi -
lis ; bocque est de fide.
A concilio, etiam ecumenico, licita est appellatio
ad Papam , sed à Papâ ad Concilium Generale non
licet appellare..
MARS . 1733. 615
Ces propositions ont été tant de fois condamnées
, et sont si directement contraires aux plus
précieuses Maximes du Royaume , qu'il suffit de
les lire et de les entendre , pour concevoir combien
elles sont repréhensibles . Nous ne croyons
donc pas necessaire de les combattre plus particulierement
, et nous sommes persuadez que la
simple lecture de ces propositions excitera votre
indignation , et que vous en préviendrez les dan,
gereuses consequences par un Arrêt digne de votre
zele et de votre juste séverité .
C'est ce qui nous a déterminés , Messieurs , à
prendre les conclusions que nous laissons par .
écrit avec ledit Livre.
Eux retirez :
Vu le Livre intitulé : Elenchus Privilegiorum
Regularium tam mendicantium quàm non mendicantium
maximè Cisterciensium , &c. Congestus à
P. Raphaële Kondig , c. Colonia Munatiana
apud Thurnisios Fratres anno 1729. après lequel
Ecrit est un autre intitulé : Parerga ex Theologia
speculativa : ensemble les conclusions du Procu
reur Generál du Roy. La matiere mise en déliberation.
Le Conseil ordonne , que le Livre intitulé :
Elenchus Privilegiorum Regularium tam Mendicantium
quam non mendicantium maximè Cisterciensium
, &c. Congestus à P. Raphaële Kondig
c. Colonia Munasiana apud Thurnisios Fratres ,
sera et demeurera supprimé , comme contenant
des propositions contraires aux droits de la Couronne
, à ceux de l'Episcopat , aux Loix et aux
Maximes du Royaume , aux Libertez de l'Eglise -
Gallicane , à l'autorité des Conciles Generaux
et notamment aux Décrets des Sessions 4. et 5 .
du Concile de Constance , et à ceux de la Session
16.
616 MERCURE DE FRANCE
16. du Concile de Basle. Enjoint à tous les Supe
rieurs Reguliers de l'Ordre de Câteaux , chacun
en ce qui le regarde , de tenir la main à ce qu'il
ne soit soutenu , ni enseigné directement ni indirectement
dans leurs Maisons , aucunes de ces
propostions ni autres contraires aux Maximes du
Royaume. Enjoint à tous ceux qui en auroient
des Exemplaires de les apporter au Greffe du
Conseil pour y être supprimez. Fait deffenses à
toutes personnes de les retenir , vendre et debiter.
Permet au Procureur General du Roy d'informer
contre les Auteurs , Libraires , Imprimeurs,
Distributeurs , pardevant Maître Jean Duchastelet
, Conseiller au Conseil , que le Conseil a commis
et commet à cet effet . Enjoint au Procureur
General du Roy de tenir la main à l'execution
du present Arrêt.
ARREST du Parlement , au sujet d'un
Libelle , & c.
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et
Maître Pierre-Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Egalement surpris et indiguez , nous croyons
ne pouvoir trop tôt vous déferer le Libelle le plus
punissable , que depuis long-temps on ait va se
répandre dans le Public. La nécessité de le réprimer
et d'en poursuivre la vengeance , ne nous
permet pas de vous épargner ce qu'il offrira
d'odieux à vos regards , et dont sans ce devoir
indispensable nous craindrions que la
Majesté de cet auguste Sanctuaire ne fût en quelque
forte profanee.
Une Lettre insolente et séditieuse emprunte le
nona
MARS. 617 r༡༣༣ .
nom du feu Roy pour s'adresser au Roy lui- même,
et par un double attentat, ose compromettre deux
noms si sacrez , dans ce que la malignité et la calomnie
peuvent exhaler de plus noir et de plus
atroce. Rien n'est à couvert de ses traits empoisonnez;
ni la plus auguste naissance, ni le rang le plus
élevé , ni la plus sublime vertu , ni le caractere le
plus respectabe . La memoire du feu Roy , consacrée
à jamais par une gloire immortelle , s'y voir
outragée. L'oserons- nous dire ? Une plume audacieuse
porte jusqu'au Roy lui- même des atteintes
criminelles qui retombent sur ses fideles Sujets.
Depuis le jour heureux de sa naissance, objet continuel
de nos affections , de nos empressemens er
de nos soins ; si cher à ses Peuples , si digne de
l'être , on voudroit le faire douter d'un amour
qui les portera toujours à lui sacrifier jusqu'à
leur vie.
Serons-nous surpris que ceux qu'il honore de
sa confiance , et qu'il appelle à ses Conseils , malgré
leurs infatigables travaux , leur zele et leur
attachement inviolable à sa Personne , soient en
butte à un Ecrivain dont l'aversion est honorable,
et de qui les louanges blessent davantage que ses
traits les plus amers et les plus injurieux.
Quelque méprisable que soit l'Ouvrage en lu
même , ce qui ne l'est pas , c'est l'attentat qu'il
commet contre la Majesté du Prince , contre la
dignité et la grandeur de son Etat , contre la réputation
et la gloire de notre Nation , dont elle a
toujours été si jalouse ; c'est l'exemple pernicieux
qu'il donne d'une licence jusqu'à present inouie ,
et d'un désordre digne des plus severes châtimens.
Que ce Libelle criminel , ouvrage odieux de
tenebres , en éprouve en ce moment la rigueur ;
que flétri des titres qui lui appartiennent , s'il en
618 MERCURE DE FRANCE
est qui puissent exprimer sa noirceur , il soit expié
par les flammes. Que l'Auteur et ceux qui ont
pû se rendre les complices de son crime , n'échappent
pas , s'il est possible , à toutes les voyes légitimes
que notre Ministere employe pour la
recherche des Coupables. Ce sont , Messieurs , les
principales vûes des Conclusions que nous ap--
portons à la Cour , accompagnées des Exemplaires
du Libelle qui sont tombez entre nos mains.
Eux retirez ;
Vu le Libelle imprimé , intitulé : Lettre de
LOUIS XIV . à LOUIS XV. contenant
dix-huit pages in 4. La matiere sur ce mise en
déliberation.
La Cour a ordonné et ordonne , que ledit Li
belle sera laceré et brulé en la Cour du Palais , au
pied du grand Escalier d'icelui par l'Executeur de
la haute Juftice , comme séditieux , calomnieux
et injurieux à la Majesté et à l'autorité Royale.
Fait très- expresses inhibitions et deffenses à tous
Libraires , Imprimeurs , Colpolteurs , et à tous
autres de l'imprimer , vendre et debiter , ou autrement
distribuer en quelque maniere que ce
puisse être , sur peine d'être poursuivis comme
criminels de léze - Majesté. Enjoint à tous ceux
qui en ont ou qui en auroient des Exemplaires ,
de les remettre incessamment au Greffe de la.
Cour , pour y être supprimez ; ordonne qu'à la
requête du Procureur General du Roy , il sera
informé pardevant Maître Anne- Charles Goislard,
Conseiller , contre ceux qui ont composé
imprimé , vendu , débité ou distribué ledit Libelle
ou qui pourroient l'imprimer , le vendre , débiter
ou distribuer à l'avenir en quelque sorte et
maniere que ce pût être ; et que pareillement il en
sera informé contre iceux à la requête du Procureur
MARS. 1733 . 619
reur General du Roy , poursuite et diligence de
ses Substituts , devant les Lieutenans Criminels ,
ou autres premiers Officiers des Bailliages et Sénechaussées
, ou autres Juges des cas Royaux ,
pour les témoins qui pourroient se trouver dans
P'étendue desdits Sieges , et les contraventions
qui auroient pû être faites , ou seroient faites à
l'avenir à ce sujet ; permet à cet effet au Procureur
General du Roy d'obtenir , et faire publier
Monitoires en forme de Droit ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur General du Roy , être par lui requis ,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; et
qu'à cet effet un des exemplaires dudit Libelle
sera et demeurera déposé au Greffe de la Cour ,
et paraphé par ledit Conseiller et par un des Substituts
du Procureur General du Roy pour servir
à conviction , et que copies collationnées du présent
Arrêt seront envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du Ressort , pour y être lû , publié
er enregistré , et affiché par tout où besoin sera .
Enjoint aux Substituts du Procureur General du
Roy d'y tenir la main , et d'en certifier la Cour
dans le mois. Fait en Parlement le 20. Mars 1720.
Signé , YSA BE A U.
Et le 21. Mars 1733. à la levée de la Cour en
execution du susdit Arrêt , le Libelle y mentionné a
étélaceré et jetté aufeu par l'Executeur de la haute
Justice , au bas du grand Escalier du Palais , en
présence de nous Etienne -Henry Tsabeau , l'un das
trois premiers et principaux Commis pour la Grand-
Chambre , assisté de deux Huissiers de ladite
Cour. Signé Y SABEAU.
ARREST du Grand - Conseil du 26. Mars
1733. rendu après une Plaidoirie de 18. Audiances
,
620 MERCURE DE FRANCE
ces , en faveur de l'Abbé de Cîteaux , Chef es
General de son Ordre , contre les Abbez de la
Ferté , de Clairvaux et de Pontigny , au sujet du
College établi dans la Ville de Toulouse , concernant
les Religieux Etudians des Abbayes situées
dans les Ressorts des Parlemens de Toulou-.
se , de Bordeaux et de Pau , quoique de differentes
Filiations , conformément aux Conclusions
de M. Bignon , Avocat General , dont le Discours
, rempli d'éloquence et digne de son nom
a tenu deux Séances entieres.
RDONNANCE DU ROY , du 17.
Février,contre les prétendus Convulsion
naires , par laquelle il est dit :
Que Sa Majesté étant informée que depuis
l'Ordonnance qu'elle a rendue le 27. Janvier .
1732. pour faire fermer le petit Cimetiere de
S. Medard , plusieurs personnes , par un déreglement
d'imagination , ou par un esprit d'imposture
, se prétendent attaquées de convulsions , et
qu'elles se donnent même en spectacle dans des
maisons particulieres , pour abuser de la crédulité
du Peuple , et faire naître un fanatisme déja trop
semblable , par de chimeriques Propheties à celui
qu'on a vu dans d'autres temps . Et comme
rien n'est plus important que d'arrêter , par les
voyes les plus efficaces et les plus promptes , de
pareils excès , toujours dangereux pour la Religion
, et contraires à toutes les loix de la police ,
qui ont été faites pour empêcher toute sorte de
Concours du peuple et d'assemblées illicites ;
1 vj
S.
612 MERCURE DE FRANCE
S. M. a crû devoir encore interposer son autorite
sur un sujet aussi important pour la tranquillité
publique, et marquer de nouveau toute son indignation
contre les Auteurs d'un pareil scandale :
A ces causes , S. M. a fait très- expresses inhibitions
et deffenses à toutes personnes se prétendant
attaquées de convulsions , de se donner en
spectacle au Public , ni même de souffrir dans
leurs maisons , dans leurs chambres ou autres
lieux , aucuns concours ou assemblées , à peine
d'emprisonnement de leur personne , et d'être
poursuivis extraordinairement comme séducteurs
et perturbateurs du repos public . Deffend
pareillement à tous ses Suiets , sous peine de
desobéissance , d'aller voir , ni visiter lesdites
personnes , sous prétexte d'être témoins de leurs
prétendues convulsions : enjoint S. M. au sieur
Heraut , Conseiller d'Etat , Lieutenant General
de Police de la Ville , Prévôté et Vicomté
de Paris , et aux sieurs Intendans départis dans
les Provinces , de faire toutes les diligences nécessaires
pour l'execution de la présente Ordonnance
, & c .
ARREST du 24. Février , qui ordonne
l'execution de plusieurs Sentences et Arrêts rendus
par les Juges des Fermes en Languedoc er
Provence ; par lesquels il a été prononcé des
confiscations , amendes et peines de Galeres contre
differens Patrons et Matelots Catalans , convaincus
de fauxsaunage et d'introduction de faux
Tabacs et autres Marchandises de contrebande ;
et cependant , par grace et sans tirer à conséquence
, leur fait main- levée de partie desdites
Marchandises et amendes.
AUTRE
MARS. 1733. G13
AUTRE du 8. Mars , qui permet la sortie
à l'Etranger des vieux linges , vieux drapeaux ,
drilles et pattes , rogneures de peaux et parchemin
et autres semblables matieres servant à la
fabrication du papier , en payant trente livres du
cent pesant.
ARREST DU GRAND CONSEIL ,
du 17. Mars , qui ordonne la suppression d'un
Livre , &c.
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , et Maître
Armand- Jerôme Bignon , Avocat dudit Sei
gneur Roy , portant la parole , ont dit :
MES.SIEURS ,
On nous remit le dernier jour à votre Audien
ce le Livre que vous voyez entre nos mains ; il est
imprimé sans Privilege à Lyon en 1729. On y
donne à cette Ville le nom de Colonia Munatia→
na , qui n'est pas celui sous lequel elle est connue
ordinairement.
Quelqu'étonnant qu'il soit que des Libraires
osent en France hazarder l'impression d'un Livre,.
sans y être autorisez par les formalitez ordinaires
si justement établies , il est plus étonnant encore
qu'un Religieux demeurant dans le Royaume
, s'écarte si extraordinairement des principes
fondamentaux de la Doctrine de l'Eglise Gallicane.
Mais ce qui nous semble de plus surprenant
encore , c'est qu'il paroisse à la tête d'un Ouvrade
cette nature l'Approbation et la Permission
d'imprimer données par l'Abbé general de Cîge
teaux .
Ce seroit abuser de votre Audience que de s'é
tendre en longs discours sur les propositions qui
vous ont été dénoncées ; elles sont repetées en
differens
614 MERCURE DE FRANCE
differens endroits du corps de l'Ouvrage , et no
tamment à la fin dans un petit Traité qui paroît
séparé du reste du Livre , et auquel on a donné
le titre particulier de Parerga ex Theologia specu
lativa. Vous y verrez entr'autres , Messieurs
dans le corps du Livre , page 12. Papa utitur
plenitudine potestatis sua , et alii Pralati Ecclesiastici
suam quam habent potestatem , habent immediatè
à Papa.
>
Pag. 13. Christus concessit potestatem jurisdictionis
per Claves Ecclesia , concessit autem Claves
Ecclesia soli Petro : adeòque potestatem jurisdictionis
soli Petro immediatè commissit , et per Petrum ,
aut ejus Successorem Episcopis . Unde Papa potest
Episcopos à se institutos , electos et confirmatos deponere
, et potestatem jurisdictionis per electionem et
confirmationem illis concessam , auferre ab illis .
Page 17. Neque etiam Concilium Generale poestatem
habet immediatè à Christo , sed à Papá
et separatum à Papâ non annuente vel influente ,
potest errare , ejusque decreta non confirmata nullans .
veritatem , quoad fidem et mores , stabilire possunt ,
quia autoritas Concilii non procedit autoritate Episcoporum
, quia sicut unus illorum sic singuli errare
possunt ; sed ab autoritate Papa universaliter convocante
et approbante Concilium Generale.
Et dans le Parerga pag. 7. Solus divus Petrus
ejusque legitimi Successores Romani Pontifices , à
Christo Domino obtinuerunt primatum et regimen
monarchicum in Ecclesiâ militante , Autoritas Summi
Pontificis in definiendis et declaran is rebus fi→
dei , in ferendis sententiis et legibus pro totâ Ecclesia,
tam intra quam extra Concilium est infaillibi -
lis ; bocque est de fide.
A concilio, etiam ecumenico, licita est appellatio
ad Papam , sed à Papâ ad Concilium Generale non
licet appellare..
MARS . 1733. 615
Ces propositions ont été tant de fois condamnées
, et sont si directement contraires aux plus
précieuses Maximes du Royaume , qu'il suffit de
les lire et de les entendre , pour concevoir combien
elles sont repréhensibles . Nous ne croyons
donc pas necessaire de les combattre plus particulierement
, et nous sommes persuadez que la
simple lecture de ces propositions excitera votre
indignation , et que vous en préviendrez les dan,
gereuses consequences par un Arrêt digne de votre
zele et de votre juste séverité .
C'est ce qui nous a déterminés , Messieurs , à
prendre les conclusions que nous laissons par .
écrit avec ledit Livre.
Eux retirez :
Vu le Livre intitulé : Elenchus Privilegiorum
Regularium tam mendicantium quàm non mendicantium
maximè Cisterciensium , &c. Congestus à
P. Raphaële Kondig , c. Colonia Munatiana
apud Thurnisios Fratres anno 1729. après lequel
Ecrit est un autre intitulé : Parerga ex Theologia
speculativa : ensemble les conclusions du Procu
reur Generál du Roy. La matiere mise en déliberation.
Le Conseil ordonne , que le Livre intitulé :
Elenchus Privilegiorum Regularium tam Mendicantium
quam non mendicantium maximè Cisterciensium
, &c. Congestus à P. Raphaële Kondig
c. Colonia Munasiana apud Thurnisios Fratres ,
sera et demeurera supprimé , comme contenant
des propositions contraires aux droits de la Couronne
, à ceux de l'Episcopat , aux Loix et aux
Maximes du Royaume , aux Libertez de l'Eglise -
Gallicane , à l'autorité des Conciles Generaux
et notamment aux Décrets des Sessions 4. et 5 .
du Concile de Constance , et à ceux de la Session
16.
616 MERCURE DE FRANCE
16. du Concile de Basle. Enjoint à tous les Supe
rieurs Reguliers de l'Ordre de Câteaux , chacun
en ce qui le regarde , de tenir la main à ce qu'il
ne soit soutenu , ni enseigné directement ni indirectement
dans leurs Maisons , aucunes de ces
propostions ni autres contraires aux Maximes du
Royaume. Enjoint à tous ceux qui en auroient
des Exemplaires de les apporter au Greffe du
Conseil pour y être supprimez. Fait deffenses à
toutes personnes de les retenir , vendre et debiter.
Permet au Procureur General du Roy d'informer
contre les Auteurs , Libraires , Imprimeurs,
Distributeurs , pardevant Maître Jean Duchastelet
, Conseiller au Conseil , que le Conseil a commis
et commet à cet effet . Enjoint au Procureur
General du Roy de tenir la main à l'execution
du present Arrêt.
ARREST du Parlement , au sujet d'un
Libelle , & c.
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et
Maître Pierre-Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Egalement surpris et indiguez , nous croyons
ne pouvoir trop tôt vous déferer le Libelle le plus
punissable , que depuis long-temps on ait va se
répandre dans le Public. La nécessité de le réprimer
et d'en poursuivre la vengeance , ne nous
permet pas de vous épargner ce qu'il offrira
d'odieux à vos regards , et dont sans ce devoir
indispensable nous craindrions que la
Majesté de cet auguste Sanctuaire ne fût en quelque
forte profanee.
Une Lettre insolente et séditieuse emprunte le
nona
MARS. 617 r༡༣༣ .
nom du feu Roy pour s'adresser au Roy lui- même,
et par un double attentat, ose compromettre deux
noms si sacrez , dans ce que la malignité et la calomnie
peuvent exhaler de plus noir et de plus
atroce. Rien n'est à couvert de ses traits empoisonnez;
ni la plus auguste naissance, ni le rang le plus
élevé , ni la plus sublime vertu , ni le caractere le
plus respectabe . La memoire du feu Roy , consacrée
à jamais par une gloire immortelle , s'y voir
outragée. L'oserons- nous dire ? Une plume audacieuse
porte jusqu'au Roy lui- même des atteintes
criminelles qui retombent sur ses fideles Sujets.
Depuis le jour heureux de sa naissance, objet continuel
de nos affections , de nos empressemens er
de nos soins ; si cher à ses Peuples , si digne de
l'être , on voudroit le faire douter d'un amour
qui les portera toujours à lui sacrifier jusqu'à
leur vie.
Serons-nous surpris que ceux qu'il honore de
sa confiance , et qu'il appelle à ses Conseils , malgré
leurs infatigables travaux , leur zele et leur
attachement inviolable à sa Personne , soient en
butte à un Ecrivain dont l'aversion est honorable,
et de qui les louanges blessent davantage que ses
traits les plus amers et les plus injurieux.
Quelque méprisable que soit l'Ouvrage en lu
même , ce qui ne l'est pas , c'est l'attentat qu'il
commet contre la Majesté du Prince , contre la
dignité et la grandeur de son Etat , contre la réputation
et la gloire de notre Nation , dont elle a
toujours été si jalouse ; c'est l'exemple pernicieux
qu'il donne d'une licence jusqu'à present inouie ,
et d'un désordre digne des plus severes châtimens.
Que ce Libelle criminel , ouvrage odieux de
tenebres , en éprouve en ce moment la rigueur ;
que flétri des titres qui lui appartiennent , s'il en
618 MERCURE DE FRANCE
est qui puissent exprimer sa noirceur , il soit expié
par les flammes. Que l'Auteur et ceux qui ont
pû se rendre les complices de son crime , n'échappent
pas , s'il est possible , à toutes les voyes légitimes
que notre Ministere employe pour la
recherche des Coupables. Ce sont , Messieurs , les
principales vûes des Conclusions que nous ap--
portons à la Cour , accompagnées des Exemplaires
du Libelle qui sont tombez entre nos mains.
Eux retirez ;
Vu le Libelle imprimé , intitulé : Lettre de
LOUIS XIV . à LOUIS XV. contenant
dix-huit pages in 4. La matiere sur ce mise en
déliberation.
La Cour a ordonné et ordonne , que ledit Li
belle sera laceré et brulé en la Cour du Palais , au
pied du grand Escalier d'icelui par l'Executeur de
la haute Juftice , comme séditieux , calomnieux
et injurieux à la Majesté et à l'autorité Royale.
Fait très- expresses inhibitions et deffenses à tous
Libraires , Imprimeurs , Colpolteurs , et à tous
autres de l'imprimer , vendre et debiter , ou autrement
distribuer en quelque maniere que ce
puisse être , sur peine d'être poursuivis comme
criminels de léze - Majesté. Enjoint à tous ceux
qui en ont ou qui en auroient des Exemplaires ,
de les remettre incessamment au Greffe de la.
Cour , pour y être supprimez ; ordonne qu'à la
requête du Procureur General du Roy , il sera
informé pardevant Maître Anne- Charles Goislard,
Conseiller , contre ceux qui ont composé
imprimé , vendu , débité ou distribué ledit Libelle
ou qui pourroient l'imprimer , le vendre , débiter
ou distribuer à l'avenir en quelque sorte et
maniere que ce pût être ; et que pareillement il en
sera informé contre iceux à la requête du Procureur
MARS. 1733 . 619
reur General du Roy , poursuite et diligence de
ses Substituts , devant les Lieutenans Criminels ,
ou autres premiers Officiers des Bailliages et Sénechaussées
, ou autres Juges des cas Royaux ,
pour les témoins qui pourroient se trouver dans
P'étendue desdits Sieges , et les contraventions
qui auroient pû être faites , ou seroient faites à
l'avenir à ce sujet ; permet à cet effet au Procureur
General du Roy d'obtenir , et faire publier
Monitoires en forme de Droit ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur General du Roy , être par lui requis ,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; et
qu'à cet effet un des exemplaires dudit Libelle
sera et demeurera déposé au Greffe de la Cour ,
et paraphé par ledit Conseiller et par un des Substituts
du Procureur General du Roy pour servir
à conviction , et que copies collationnées du présent
Arrêt seront envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du Ressort , pour y être lû , publié
er enregistré , et affiché par tout où besoin sera .
Enjoint aux Substituts du Procureur General du
Roy d'y tenir la main , et d'en certifier la Cour
dans le mois. Fait en Parlement le 20. Mars 1720.
Signé , YSA BE A U.
Et le 21. Mars 1733. à la levée de la Cour en
execution du susdit Arrêt , le Libelle y mentionné a
étélaceré et jetté aufeu par l'Executeur de la haute
Justice , au bas du grand Escalier du Palais , en
présence de nous Etienne -Henry Tsabeau , l'un das
trois premiers et principaux Commis pour la Grand-
Chambre , assisté de deux Huissiers de ladite
Cour. Signé Y SABEAU.
ARREST du Grand - Conseil du 26. Mars
1733. rendu après une Plaidoirie de 18. Audiances
,
620 MERCURE DE FRANCE
ces , en faveur de l'Abbé de Cîteaux , Chef es
General de son Ordre , contre les Abbez de la
Ferté , de Clairvaux et de Pontigny , au sujet du
College établi dans la Ville de Toulouse , concernant
les Religieux Etudians des Abbayes situées
dans les Ressorts des Parlemens de Toulou-.
se , de Bordeaux et de Pau , quoique de differentes
Filiations , conformément aux Conclusions
de M. Bignon , Avocat General , dont le Discours
, rempli d'éloquence et digne de son nom
a tenu deux Séances entieres.
Fermer
Résumé : ARRESTS NOTABLES.
Le document présente plusieurs ordonnances et arrêts royaux concernant divers sujets. Le 17 février 1733, une ordonnance royale condamne les 'convulsionnaires', des individus se prétendant atteints de convulsions pour abuser de la crédulité publique et propager un fanatisme dangereux. L'ordonnance interdit toute assemblée ou spectacle lié à ces convulsions, sous peine d'emprisonnement et de poursuites. Le 24 février, un arrêt ordonne l'exécution de sentences contre des contrebandiers catalans, tout en leur accordant une grâce partielle. Le 8 mars, un autre arrêt autorise l'exportation de vieux textiles et matériaux de papeterie contre une taxe. Le 17 mars, le Grand Conseil supprime un livre intitulé 'Elenchus Privilegiorum Regularium' pour ses propositions contraires aux droits de la Couronne et aux libertés de l'Église Gallicane. Enfin, le Parlement condamne un libelle séditieux et injurieux envers la royauté, ordonnant sa destruction et la poursuite de ses auteurs et distributeurs. Le document décrit également une série d'événements juridiques et administratifs relatifs à un arrêt parlementaire. Le 20 mars 1720, un arrêt a été signé par un conseiller et un substitut du Procureur Général du Roi. Cet arrêt devait être envoyé aux bailliages et sénéchaussées pour y être lu, publié, enregistré et affiché. Les substituts du Procureur Général du Roi étaient chargés de veiller à son exécution et d'en certifier la Cour dans le mois. Le 21 mars 1733, un libelle mentionné dans l'arrêt a été lacéré et brûlé par l'exécuteur de la haute justice au bas du grand escalier du Palais, en présence d'Étienne-Henry Tsabeau, l'un des principaux commis de la Grand-Chambre, assisté de deux huissiers. Le 26 mars 1733, un arrêt du Grand Conseil a été rendu après une plaidoirie de 18 audiences. Cet arrêt concernait un différend entre l'Abbé de Cîteaux, Chef général de son Ordre, et les Abbés de la Ferté, de Clairvaux et de Pontigny, au sujet d'un collège établi à Toulouse. Le différend impliquait les religieux étudiants des abbayes situées dans les ressorts des parlements de Toulouse, Bordeaux et Pau, indépendamment de leurs filiations. Le discours de M. Bignon, Avocat Général, a tenu deux séances entières et a été jugé éloquent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 1093-1097
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Début :
Je continue, Monsieur, de vous faire part des fruits de l'application des [...]
Mots clefs :
Empire, Selim Khan, Effendi, Collège, Traductions, Règne, Sultan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
EXTRA IT d'une Lettre écrite de Constantinople
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
par le R. P. Romain de Paris,
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues sur diverses Traductions
d'Ouvrages choisis , &c.
J
,
E continue , Monsieur , de vous faire
part des fruits de l'application des
jeunes Gens de notre Nation , qui étudient
les Langues Orientales par l'ordre ,
et pour le service du Roi , dans le College
dont nous avons la direction . Je
vous envoye avec cette Lettre l'Etat des
Traductions , qui ont été faites dans ce
College par mes soins , pendant le cours
de l'année 1732. conforme à celui que
nous envoyons à la Cour. Vous seriez
charmé , Monsieur , de voir avec quelle
ardeur et quelle assiduité cette Jeunesse
travaille pour se rendre digne de remplir
avec honneur les Emplois ausquels elle
1. Vol. cij est.
1094 MERCURE DE FRANC
est destinée , et pour mériter la prote
tion et les graces de Sa Majesté. J'espe
que vous serez content du choix des S
jets sur lesquels j'ai éxercé nos Tradi
teurs , et que vous conviendrez en n
me tems que c'est un profit pour la Lit
rature en general d'enrichir notre L
gue , de tout ce qui est le plus esti
dans celle des Turcs , et des autres Ori
taux .
La conformité du Sujet m'engag
vous dire ici un mot du Chaïdy , espe
de Dictionnaire Turc et Persan que
fait traduire d'une maniere , et avec
tel ordre , qu'il facilitera extrêmem
P'intelligence de ces deux Langues
levant toutes les difficultez et l'embai
où se trouvoient ceux qui s'appliquer
cette Etude , ce qui mettra en très- ]
de tems et sans peine un homme en
d'entendre les Auteurs les plus difficil
de sorte , Monsieur , que les Traducti
qui avant que ce Chaidy fut tradui
mis dans l'ordre qu'il est aujourd'h
étoient d'un travail qui rebutoit les
patiens , se font aujourd'hui avec be
coup moins de peine , et plus fidelem
On ne sçauroit trop faire connoître 1
portance de cet Ouvrage. Je revie
nos Traductions .
1. Vol,
JUIN. 1733. 1095
ETAT des Traductions faites dans le
Gollege des Enfans , ou Jeunes de Langues
de France , par les soins , et sous la direc
tion du R. P. Romain de Paris , durant le
cours de l'année 1732 .
L'Ambassade de Durri - Effendi , Doc
teur de la Loi Mahometane , en Perse ,
sous le Régne de Sultan - Achmet , par le
sieur le Grand.
Relation du nouveau Monde imprimée
à Constantinople , composée en Turc
par Ibrahim Effendi , Directeur de la nouvelle
Imprimerie , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de
Fiennes , Interpréte du Roi à la Cour .
Relation de différentes Expéditions des
Turcs dans le Royaume de Candie , imprimée
à Constantinople , par le même
İbrahim Effendi , traduite par le sieur
Galland.
Histoire de Rustem , fils de Zal , Roy
des Parthes , et de Isfendiar , fils de
Kuschtasel , Roi de Scythie , par le sieur
Rocques.
Histoire du Régne de Kuschtasel , Roi
de Scythie , par le sieur R. Imbault...
Histoire de Sultan Selim Khan , Pre-
* C'est le neuviéme Sultan de la Dynassie des
L. Vol. C iij Ot1096
MERCURE DE FRANCE
mier du nom , fils de Sultan Bajazeth-
Khan , second du nom , jusqu'à son Avenement
à l'Empire , par le sieur Choquet.
Histoire de Sultan Selim - Khan , second
du nom , fils du grand Solyman , par le
sieur Berault.
Les Racines de la Sagesse , ou les Régles
pour bien gouverner un Etat , traduites
de l'Arabe en Turc, par un Effendi
, et du Turc en François , par le sieur
Choquet.
2
et
Recueil de plusieurs Faits mémorables
arrivez sous l'Empire de Sultan Solyman-
Khan , second du nom , sa mort
*
les différentes fondations qu'il a faites.
en plusieurs Lieux de sa Domination , par
le sieur Galland .
Histoire de Diameseb , fils du Prophete
Daniel , par le sieur de Fiennes.
Histoire de l'Origine des Empereurs
Ottomans , par le sieur Rocques.
Ottomans , lesquels ont accoutumé d'ajoûter à
leur nom le titre de Khan , originairement Turc ,
et abregé Khacan , qui signifie Roi , Prince Souverain
, &c.
* C'est le même que le Grand Soliman , que
quelques Historiens marquent 1. du nom, en omettant
Soliman , fils de Bajazeth I. qu'ils prétendent
n'avoir pas régné , ¿c.
I. Vol.
Les
JUIN. 1733- 1097
5
LES CANONS de l'Empire Ottoman
ou Réglement general pour le Gouver
nement , tant en guerre qu'en paix , avec
les Canons des Dignitez , Charges et
Emplois de l'Etat , enrichis de Notes
curieuses pour l'intelligence des Canons
particuliers , qui regardent les Charges
er les Dignitez , &c. par le sieur le
Grand .
Histoire du Régné de Sultan Amurath
Khan , troisiéme du nom , fils de Sultan
Selim - Khan second , par le sieur Guintrand
.
Abregé de ce qui s'est passé de plus mé--
morable sous l'Empire de Sultan Mahomet-
Khan , second du nom , fils de Sul--
tan Amurath- Khan second , par le sieur
Brüe .
Histoire de Sultan Bajazeth second , par
le sieur Roboly.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople par le R. P. Romain de Paris, Capucin, Conseiller des Missions de Grece, et Préfet du College des Enfans de Langues, sur diverses Traductions d'Ouvrages choisis, &c.
Le document est une lettre rédigée par le R. P. Romain de Paris, un capucin et conseiller des Missions de Grèce, préfet du Collège des Enfants de Langues. Cette lettre date de l'année 1732 et informe des traductions réalisées par les jeunes étudiants du Collège des Enfants de Langues de France. Ces traductions sont destinées au service du Roi et visent à enrichir la littérature française en intégrant des œuvres turques et orientales. Le Père Romain met en avant l'ardeur et l'assiduité des étudiants, qui travaillent pour mériter la protection et les grâces du Roi. Il souligne également l'importance d'un dictionnaire turc et persan, le Chaïdy, qui facilite l'étude de ces langues et rend les traductions plus accessibles et fidèles. La lettre énumère plusieurs traductions effectuées, incluant des œuvres historiques et politiques. Parmi celles-ci, on trouve des relations d'ambassades, des récits d'expéditions militaires, des histoires de souverains ottomans, et des réglements de l'Empire ottoman. Les traducteurs mentionnés incluent le sieur de Fiennes, le sieur Galland, le sieur Rocques, et le sieur Choquet, entre autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 2624-2628
ELOGE du R. P. SANADON, de la Compagnie de JESUS.
Début :
LE R. P. Noël-Etienne SANADON est mort au College de LOÜIS LE GRAND, [...]
Mots clefs :
P. Sanadon, Poésie, Goût, Latinité, Jésuites, Collège
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE du R. P. SANADON, de la Compagnie de JESUS.
ELOGE du R. P SANADON , de la
Compagnie de JESUS..
LEB
ER . P. Noël- Etienne SANADON est
mort au College de Louis LE GRAND,
le 22 Octobre 1733. dans la 58 année de
son âge. Il étoit entré chez les Jésuites
avec un goût rare pour les Belles - Lettres
, et particulierement pour la Poësie
Latine. Il eut licu de cultiver ce goût naturel
, et il le cultiva en effet toujours
dans les différens emplois dont on le char
1. Vol.
gea
DECEMBRE. 1733. 26235
gea. Son Recueil de Poësies sent le beau
siécle des Maîtres du langage Romain ,
qu'il s'étoit fait une étude d'imiter. Il les
imitoit si heureusement dans chaque
genre de Poësie que ses Modeles ne l'auroient
point désavoué . Dans ses Odes on
reconnoit le feu et le génie d'Horace ';
dans ses Elégies la facilité et les graces
d'Ovide ; dans ses Vers héroïques la cadence
et la correction de Virgile. Il ne se
permettoit pas une expression , pas un
tour , pas même une pensée , qui ne fussent
propres du sujet et du caractere par
ticulier de Vers qu'il employoit ; exact
jusqu'au scrupule sur la Latinité ; il faisoit
passer dans sa Prose cette pureté de
style et de langage , qui fait en grande
partie le mérite des bons Auteurs Latins.
C'est sur tout durant les six années qu'il
a professé la Rhétorique à Paris , que
son application à ce genre d'étude lui a
donné la réputation d'excellent connoisseur
en fait de Latinité. Il a composé de
puis d'autres Ouvrages de Critique qui
lui ont fait honneur. La mort en a inters
rompu d'autres qu'il avoit commencez :
par exemple , un Traité de la Versifica→
tion latine qui devoit être sulyi d'un autre
sur la Poësie , un tres grand nombre
e Recherches Géographiques , quantité
1. Vol. de
2626 MERCURE DE FRANCE
de Remarques sur des expressions latines
, un Rudiment sçavant , des Notes
sur Phédre et sur plusieurs autres Poëtes,
sans compter de petites Poësies fugitives
qui échapoient quelquefois à sa vei
ne, desObservations manuscrites sur quelques
Livres à son usage , et sur le bel
Atlas de Géographie qu'il avoit formé
avec beaucoup de soin , aussi bien que sa
Bibliotheque , qui étoit tres choisie .
Monseigneur le Prince de Conti, dont
il a eu l'honneur de conduire les premieres
années au Collége des Jésuites , l'a honoré
de son estime et de ses bontez.
Voici l'Extrait d'une Lettre écrite depuis
peu à un autre Prince , et bien honorable
à la mémoire du P. Sanadon .
» C'est avec un sensible regret , Mon-
» seigneur , que je rappelle à V.A.le souvenir
du feu P. Sanadon , qui a été le
premier à vous recevoir au Tribunal de
» la Pénitence , et le seul à diriger votre
>>
» conscience à Paris. Il vous aimoit ten-
» drement , et il méritoit toute la tendresse
que vous vouliez bien avoir
» pour lui. La France perd en lui un de
ses plus beaux Esprits. L'Europe un de
ses plus habiles Critiques,et un des derniers
disciples du grand Huet. Pour le
» goût et la délicatesse , il sembloit être
1. Vol du
DECEMBRE . 1733. 2627
du siécle et de la Cour d'Auguste.
» Vous vous rappellez , Monseigneur
» cette douceur , ces graces , et cette mo-
» destie qui l'accompagnoient toujours ;
au milieu des occupations les plus sé-
» duisantes pour l'esprit , entouré d'amis
» qui le chérissoient , il quittoit tout au
» moment qu'il apprenoit qu'un mala-
» de de la lie du peuple souhaitoit de le
» voir , etil alloit loin pour lui porter les
»secours du corps et de l'ame. Pour adou-
» cir la douleur dont je suis pénétré , on
»a permis que je fisse faire son Portrait.
La mort avoit déja effacé quelques
» traits , mais la vive impression qui me
» restera toujours de ce cher ami , m'a-
» voit mis en état d'y suppléer , et de
rendre au Peintre ce qui avoit disparu .
Le caracrere du P. Sanadon étoit tel
qu'on le représente icy ; il étoit doux ,.
obligeant , poli , aussi s'étoit- il fait beaucoup
d'illustres et de vrais amis.Il joignoit
à un grand fonds de probité , une piété
solide , et la pratique constante des vertus
de son état. Son amour pour le bon
ordre se remarquoit dans toute sa conduite
.Occupé uniquement de ses devoirs ,
il ne songeoit qu'à les remplir. Sa charitésur
tout et son talent à gagner la confiance
des coeurs , se faisoient distinguer. En
1. Vola un
2628 MERCURE DE FRANCE
un mot , il étoit encore plus recommendable
par son Christianisme , que par sa
qualité d'Homme de Lettres .
Compagnie de JESUS..
LEB
ER . P. Noël- Etienne SANADON est
mort au College de Louis LE GRAND,
le 22 Octobre 1733. dans la 58 année de
son âge. Il étoit entré chez les Jésuites
avec un goût rare pour les Belles - Lettres
, et particulierement pour la Poësie
Latine. Il eut licu de cultiver ce goût naturel
, et il le cultiva en effet toujours
dans les différens emplois dont on le char
1. Vol.
gea
DECEMBRE. 1733. 26235
gea. Son Recueil de Poësies sent le beau
siécle des Maîtres du langage Romain ,
qu'il s'étoit fait une étude d'imiter. Il les
imitoit si heureusement dans chaque
genre de Poësie que ses Modeles ne l'auroient
point désavoué . Dans ses Odes on
reconnoit le feu et le génie d'Horace ';
dans ses Elégies la facilité et les graces
d'Ovide ; dans ses Vers héroïques la cadence
et la correction de Virgile. Il ne se
permettoit pas une expression , pas un
tour , pas même une pensée , qui ne fussent
propres du sujet et du caractere par
ticulier de Vers qu'il employoit ; exact
jusqu'au scrupule sur la Latinité ; il faisoit
passer dans sa Prose cette pureté de
style et de langage , qui fait en grande
partie le mérite des bons Auteurs Latins.
C'est sur tout durant les six années qu'il
a professé la Rhétorique à Paris , que
son application à ce genre d'étude lui a
donné la réputation d'excellent connoisseur
en fait de Latinité. Il a composé de
puis d'autres Ouvrages de Critique qui
lui ont fait honneur. La mort en a inters
rompu d'autres qu'il avoit commencez :
par exemple , un Traité de la Versifica→
tion latine qui devoit être sulyi d'un autre
sur la Poësie , un tres grand nombre
e Recherches Géographiques , quantité
1. Vol. de
2626 MERCURE DE FRANCE
de Remarques sur des expressions latines
, un Rudiment sçavant , des Notes
sur Phédre et sur plusieurs autres Poëtes,
sans compter de petites Poësies fugitives
qui échapoient quelquefois à sa vei
ne, desObservations manuscrites sur quelques
Livres à son usage , et sur le bel
Atlas de Géographie qu'il avoit formé
avec beaucoup de soin , aussi bien que sa
Bibliotheque , qui étoit tres choisie .
Monseigneur le Prince de Conti, dont
il a eu l'honneur de conduire les premieres
années au Collége des Jésuites , l'a honoré
de son estime et de ses bontez.
Voici l'Extrait d'une Lettre écrite depuis
peu à un autre Prince , et bien honorable
à la mémoire du P. Sanadon .
» C'est avec un sensible regret , Mon-
» seigneur , que je rappelle à V.A.le souvenir
du feu P. Sanadon , qui a été le
premier à vous recevoir au Tribunal de
» la Pénitence , et le seul à diriger votre
>>
» conscience à Paris. Il vous aimoit ten-
» drement , et il méritoit toute la tendresse
que vous vouliez bien avoir
» pour lui. La France perd en lui un de
ses plus beaux Esprits. L'Europe un de
ses plus habiles Critiques,et un des derniers
disciples du grand Huet. Pour le
» goût et la délicatesse , il sembloit être
1. Vol du
DECEMBRE . 1733. 2627
du siécle et de la Cour d'Auguste.
» Vous vous rappellez , Monseigneur
» cette douceur , ces graces , et cette mo-
» destie qui l'accompagnoient toujours ;
au milieu des occupations les plus sé-
» duisantes pour l'esprit , entouré d'amis
» qui le chérissoient , il quittoit tout au
» moment qu'il apprenoit qu'un mala-
» de de la lie du peuple souhaitoit de le
» voir , etil alloit loin pour lui porter les
»secours du corps et de l'ame. Pour adou-
» cir la douleur dont je suis pénétré , on
»a permis que je fisse faire son Portrait.
La mort avoit déja effacé quelques
» traits , mais la vive impression qui me
» restera toujours de ce cher ami , m'a-
» voit mis en état d'y suppléer , et de
rendre au Peintre ce qui avoit disparu .
Le caracrere du P. Sanadon étoit tel
qu'on le représente icy ; il étoit doux ,.
obligeant , poli , aussi s'étoit- il fait beaucoup
d'illustres et de vrais amis.Il joignoit
à un grand fonds de probité , une piété
solide , et la pratique constante des vertus
de son état. Son amour pour le bon
ordre se remarquoit dans toute sa conduite
.Occupé uniquement de ses devoirs ,
il ne songeoit qu'à les remplir. Sa charitésur
tout et son talent à gagner la confiance
des coeurs , se faisoient distinguer. En
1. Vola un
2628 MERCURE DE FRANCE
un mot , il étoit encore plus recommendable
par son Christianisme , que par sa
qualité d'Homme de Lettres .
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Résumé : ELOGE du R. P. SANADON, de la Compagnie de JESUS.
Le texte rend hommage au Père Noël-Étienne Sanadon, jésuite décédé au Collège de Louis-le-Grand le 22 octobre 1733 à l'âge de 58 ans. Sanadon était renommé pour son goût prononcé pour les Belles-Lettres et la poésie latine. Il a cultivé ce talent dans divers emplois et a produit un recueil de poésies imitant les maîtres du langage romain, tels qu'Horace, Ovide et Virgile. Son style se distinguait par une pureté de langage et une exactitude scrupuleuse en latinité. Sanadon a enseigné la rhétorique à Paris pendant six ans, acquérant ainsi une réputation d'expert en latinité. Il a également composé plusieurs ouvrages de critique et a entrepris divers projets, comme un traité de versification latine et des recherches géographiques, interrompus par sa mort. Sanadon a été honoré par le Prince de Conti, qu'il a éduqué, et par d'autres princes qui ont souligné sa douceur, ses grâces et sa modestie. Son caractère était marqué par la probité, la piété et une charité distinguée, le rendant recommandable autant pour son christianisme que pour ses qualités littéraires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 147-152
LETTRE écrite de Belley, sur le Collége nouvellement établi dans cette ville.
Début :
Vous me demandez, Monsieur, en quoi consiste le nouvel établissement [...]
Mots clefs :
Collège, Province, Évêque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Belley, sur le Collége nouvellement établi dans cette ville.
LETTRE écrite de Belley , fur le College.
nouvellement établi dans cette ville.
Ous me demandez , Monfieur , en
quoi confifte le nouvel établiffement
qui vient de fe former dans cette capitale
de notre province de Bugey. Il eft juſte de
fatisfaire votre curiofité fur un fujet qui ,
malgré votre éloignement , ne fçauroit
manquer de vous intéreffer , dès qu'il intéreffe
la patrie.
M. Pierre du Laurent , Evêque de Belley
, animé d'un zéle ardent pour la gloire.
de Dieu & le falut des ames confiées à fa
conduite , réfolut en l'année 1700 , d'ériger
à Belley un Séminaire , où les jeunes
Clercs qui fe préfenteroient pour être admis
aux Ordres facrés , puffent être inftruits
dans les fonctions eccléfiaftiques , &
élevés dans la faine doctrine. Dans cette
vûe il fit quelques arrangemens , qui furent
approuvés par Lettres patentes de Sa Majefté
, & il appliqua à cette oeuvre une
fomme provenant de la liquidation desi
biens que M. d'Arcollieres , Prêtre du
Diocéfe , avoit laiffés pour la même caufe ,
par teftament du 17 Novembre 1696.
Divers obftacles fufpendirent l'effet de
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
ces difpofitions jufqu'en l'année 1742 ,
que M. Jean du Doucer , fucceffeur de M.
du Laurent , s'efforça d'en procurer l'exécution
, en y faifant quelques changemens
qui lui parurent néceffaires. Sans abandonner
le projet de l'érection d'un Séminaire
le Prélat fe propofa pour objet principal
l'établiffement d'un College , où la jeuneſſe
de la province , qui étoit obligée d'en fortir
& d'aller étudier à grands frais dans
le pays étranger , pût déformais recevoir
l'éducation & l'enfeignement , depuis la
fixieme claffe jufques & compris la Théologie.
Pour y parvenir , il fit un teftament
le 23 Mai de la même année , par lequel.
il légue une fomme confidérable à la Communauté
qui fera chargée de la direction
de ce College , déclarant que la même
Communauté pourra être pareillement
chargée , fi fon fucceffeur le juge à pro-.
de la direction du Séminaire , & jouir
des revenus deftinés à cette fin. Ce premier
fonds a été augmenté dans la fuite par un
codicille de M. du Doucet , du 23 Décem
bre.1743 ; & par un legs de M. Jacques
Flavier , Curé de Flavieux.
pos ,
-
Après la mort de M. du Doucet , M.
Jean Antoine de Tinzeau , aujourd'hui
Evêque de Nevers , lui ayant fuccedé dans
e fiége de Belley , fe hâta de faire exécuAVRIL.
1755. 149
ter l'utile fondation de fon prédéceffeur ;
& pour en remplir l'objet il fit choix des
Chanoines Réguliers de l'ordre de S. Antoine
, dont l'Abbaye chef- lieu , fituée dans
le Dauphiné , n'eft éloignée que d'environ
quinze lieues de la ville de Belley. M. Etien
ne Galland , Abbé général de cet Ordre ,
s'eft généreufement prêté aux pieufes intentions
du Prélat , & de MM . les Maire ,
Syndics & Communauté de la même ville,
qui l'en follicitoient de concert. En conféquence
, & fous le bon plaifir du Roi ,
les parties pafferent un contrat pardevant
Notaires , le 27 Mars 1751 , dans lequel
tout ce qui concerne l'exécution de la fondation
de M. du Doucet fut provifoirement
arrêté. La ville de Belley s'engage
par cet acte , à fournir le terrein néceffaire
pour la conftruction des bâtimens du College.
Le contrat , & par conféquent l'érection
du College , ont été confirmés
Lettres patentes de Sa Majefté , du mois
de Février 1753 , régiftrées au Parlement
de Dijon le 28 Juin de la même
année , & à la Chambre des Comptes le
6 Février de l'année fuivante. Ce traité a
été confenti par M. Courtois de Quincy ,
qui a fuccédé à M. de Tinzeau , & qui
remplit aujourd'hui le fiége de Belley. Les
Profeffeurs ou Régens choifis , comme je
par
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
l'ai dit ci - devant , parmi les Chanoines
Réguliers de l'Ordre de S. Antoine , ont
ouvert leurs claffes dès 1751 , & remplif
fent leurs fonctions avec fuccès.
M. Joly de Fleury , Intendant de Bourgogne
, dont on connoît le zéle pour le
bien de la province , en a témoigné fa fatisfaction
lorfqu'il s'eft rendu à Belley
vers la fin du mois de Septembre de l'année
derniere ; & fur la réquifition de MM.
les Syndics Généraux , il a permis que l'on
défignât , pour la conſtruction du nouveau
College , un emplacement plus commode
& plus étendu que celui qui y avoit été
deftiné auparavant
.
Vous ne ferez pas fâché que je joigne
à ma lettre le compliment qui lui a été fait
dans cette circonftance , par M. Granier ,
Supérieur du College .
» Monfieur , l'hommage que nous vous
» rendons eft le fruit du refpect & de la
» reconnoiffance, Il est heureux pour nous
de trouver un protecteur dans l'objet
de la joie & de l'admiration publiques.
» Si vos rares qualités font le bonheur de
» cette province , vous le perpétuerez
» Monfieur , en affurant un établiſſement
39
2
qui a pour but l'éducation de la jeuneſſe.
>> Les vûes des grands hommes embraffent
» tous les tems. Flattés nous -mêmes de
AVRIL.. 1755. 151
1
» concourir à l'exécution d'un fi noble def-
» fein , nous n'oublierons rien pour for-
" mer des fujets utiles à l'Etat. Nous leur
infpirerons , en particulier , nos fenti-
» mens pour vous : la reconnoiffance pour
» le bienfaicteur durera autant que le fou-
>> venir du bienfait,
Ce difcours fut fuivi d'un fecond compliment
en vers , de la compofition de M.
Sutaine , l'un des Régens , qui fut prononcé
avec beaucoup de grace au nom des Ecoliers
, par le jeune M. de Précigny , penfionnaire
au College , & neveu de M. l'Evêque
: le voici .
Enfin à nos defirs fenfible ,
Pallas te conduit en ces lieux.
O l'heureux jour ! ô moment précieux !
"Pourrions-nous efperer un figne plus viſible
De la bonté des Dieux ?
Devant toi marche l'abondance ,
Mere des plaiſirs & des ris :
Les coeurs , de tes bontés épris ,
Suivent ton chat , guidés par la reconnoiffance:
Miniftre du plus grand des Rois ,
Tu fais adorer la fageffe
Qui lui dicte fes loix ;
Et de la plus vive tendreffe ,
Tout fon peuple animé ,
T'appelle ,comme lui , Fleuri le bien aimé.
Giv
192 MERCURE DE FRANCE.
Les chaftes Soeurs , dont nous t'offrons l'hommage
,
Reconnoiflent en toi l'image
De ce Proconful généreux ,
Qui fous Trajan , le plus fage des Princes ,
Parcouroit les provinces ,
En faifant des heureux.
Comme toi , plein de vigilance ,
Par fa féconde activité ,
Il pourvoyoit à tout , & fa mâle prudence
Suivoit toujours les loix de l'auftere équité :
Des Muſes , protecteur fincere ,
Il fut , ainfi que toi , leur foutien & leur pere ;
Les Muſes , comme à lui , t'élevent un autel ,
Où nous ferons brûler un encens immortel.
Je fuis perfuadé , Monfieur , que vous
applaudirez avec tout le public à des élages
bien mérités. J'ai l'honneur , &c.
nouvellement établi dans cette ville.
Ous me demandez , Monfieur , en
quoi confifte le nouvel établiffement
qui vient de fe former dans cette capitale
de notre province de Bugey. Il eft juſte de
fatisfaire votre curiofité fur un fujet qui ,
malgré votre éloignement , ne fçauroit
manquer de vous intéreffer , dès qu'il intéreffe
la patrie.
M. Pierre du Laurent , Evêque de Belley
, animé d'un zéle ardent pour la gloire.
de Dieu & le falut des ames confiées à fa
conduite , réfolut en l'année 1700 , d'ériger
à Belley un Séminaire , où les jeunes
Clercs qui fe préfenteroient pour être admis
aux Ordres facrés , puffent être inftruits
dans les fonctions eccléfiaftiques , &
élevés dans la faine doctrine. Dans cette
vûe il fit quelques arrangemens , qui furent
approuvés par Lettres patentes de Sa Majefté
, & il appliqua à cette oeuvre une
fomme provenant de la liquidation desi
biens que M. d'Arcollieres , Prêtre du
Diocéfe , avoit laiffés pour la même caufe ,
par teftament du 17 Novembre 1696.
Divers obftacles fufpendirent l'effet de
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
ces difpofitions jufqu'en l'année 1742 ,
que M. Jean du Doucer , fucceffeur de M.
du Laurent , s'efforça d'en procurer l'exécution
, en y faifant quelques changemens
qui lui parurent néceffaires. Sans abandonner
le projet de l'érection d'un Séminaire
le Prélat fe propofa pour objet principal
l'établiffement d'un College , où la jeuneſſe
de la province , qui étoit obligée d'en fortir
& d'aller étudier à grands frais dans
le pays étranger , pût déformais recevoir
l'éducation & l'enfeignement , depuis la
fixieme claffe jufques & compris la Théologie.
Pour y parvenir , il fit un teftament
le 23 Mai de la même année , par lequel.
il légue une fomme confidérable à la Communauté
qui fera chargée de la direction
de ce College , déclarant que la même
Communauté pourra être pareillement
chargée , fi fon fucceffeur le juge à pro-.
de la direction du Séminaire , & jouir
des revenus deftinés à cette fin. Ce premier
fonds a été augmenté dans la fuite par un
codicille de M. du Doucet , du 23 Décem
bre.1743 ; & par un legs de M. Jacques
Flavier , Curé de Flavieux.
pos ,
-
Après la mort de M. du Doucet , M.
Jean Antoine de Tinzeau , aujourd'hui
Evêque de Nevers , lui ayant fuccedé dans
e fiége de Belley , fe hâta de faire exécuAVRIL.
1755. 149
ter l'utile fondation de fon prédéceffeur ;
& pour en remplir l'objet il fit choix des
Chanoines Réguliers de l'ordre de S. Antoine
, dont l'Abbaye chef- lieu , fituée dans
le Dauphiné , n'eft éloignée que d'environ
quinze lieues de la ville de Belley. M. Etien
ne Galland , Abbé général de cet Ordre ,
s'eft généreufement prêté aux pieufes intentions
du Prélat , & de MM . les Maire ,
Syndics & Communauté de la même ville,
qui l'en follicitoient de concert. En conféquence
, & fous le bon plaifir du Roi ,
les parties pafferent un contrat pardevant
Notaires , le 27 Mars 1751 , dans lequel
tout ce qui concerne l'exécution de la fondation
de M. du Doucet fut provifoirement
arrêté. La ville de Belley s'engage
par cet acte , à fournir le terrein néceffaire
pour la conftruction des bâtimens du College.
Le contrat , & par conféquent l'érection
du College , ont été confirmés
Lettres patentes de Sa Majefté , du mois
de Février 1753 , régiftrées au Parlement
de Dijon le 28 Juin de la même
année , & à la Chambre des Comptes le
6 Février de l'année fuivante. Ce traité a
été confenti par M. Courtois de Quincy ,
qui a fuccédé à M. de Tinzeau , & qui
remplit aujourd'hui le fiége de Belley. Les
Profeffeurs ou Régens choifis , comme je
par
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
l'ai dit ci - devant , parmi les Chanoines
Réguliers de l'Ordre de S. Antoine , ont
ouvert leurs claffes dès 1751 , & remplif
fent leurs fonctions avec fuccès.
M. Joly de Fleury , Intendant de Bourgogne
, dont on connoît le zéle pour le
bien de la province , en a témoigné fa fatisfaction
lorfqu'il s'eft rendu à Belley
vers la fin du mois de Septembre de l'année
derniere ; & fur la réquifition de MM.
les Syndics Généraux , il a permis que l'on
défignât , pour la conſtruction du nouveau
College , un emplacement plus commode
& plus étendu que celui qui y avoit été
deftiné auparavant
.
Vous ne ferez pas fâché que je joigne
à ma lettre le compliment qui lui a été fait
dans cette circonftance , par M. Granier ,
Supérieur du College .
» Monfieur , l'hommage que nous vous
» rendons eft le fruit du refpect & de la
» reconnoiffance, Il est heureux pour nous
de trouver un protecteur dans l'objet
de la joie & de l'admiration publiques.
» Si vos rares qualités font le bonheur de
» cette province , vous le perpétuerez
» Monfieur , en affurant un établiſſement
39
2
qui a pour but l'éducation de la jeuneſſe.
>> Les vûes des grands hommes embraffent
» tous les tems. Flattés nous -mêmes de
AVRIL.. 1755. 151
1
» concourir à l'exécution d'un fi noble def-
» fein , nous n'oublierons rien pour for-
" mer des fujets utiles à l'Etat. Nous leur
infpirerons , en particulier , nos fenti-
» mens pour vous : la reconnoiffance pour
» le bienfaicteur durera autant que le fou-
>> venir du bienfait,
Ce difcours fut fuivi d'un fecond compliment
en vers , de la compofition de M.
Sutaine , l'un des Régens , qui fut prononcé
avec beaucoup de grace au nom des Ecoliers
, par le jeune M. de Précigny , penfionnaire
au College , & neveu de M. l'Evêque
: le voici .
Enfin à nos defirs fenfible ,
Pallas te conduit en ces lieux.
O l'heureux jour ! ô moment précieux !
"Pourrions-nous efperer un figne plus viſible
De la bonté des Dieux ?
Devant toi marche l'abondance ,
Mere des plaiſirs & des ris :
Les coeurs , de tes bontés épris ,
Suivent ton chat , guidés par la reconnoiffance:
Miniftre du plus grand des Rois ,
Tu fais adorer la fageffe
Qui lui dicte fes loix ;
Et de la plus vive tendreffe ,
Tout fon peuple animé ,
T'appelle ,comme lui , Fleuri le bien aimé.
Giv
192 MERCURE DE FRANCE.
Les chaftes Soeurs , dont nous t'offrons l'hommage
,
Reconnoiflent en toi l'image
De ce Proconful généreux ,
Qui fous Trajan , le plus fage des Princes ,
Parcouroit les provinces ,
En faifant des heureux.
Comme toi , plein de vigilance ,
Par fa féconde activité ,
Il pourvoyoit à tout , & fa mâle prudence
Suivoit toujours les loix de l'auftere équité :
Des Muſes , protecteur fincere ,
Il fut , ainfi que toi , leur foutien & leur pere ;
Les Muſes , comme à lui , t'élevent un autel ,
Où nous ferons brûler un encens immortel.
Je fuis perfuadé , Monfieur , que vous
applaudirez avec tout le public à des élages
bien mérités. J'ai l'honneur , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Belley, sur le Collége nouvellement établi dans cette ville.
En 1700, M. Pierre du Laurent, évêque de Belley, décida de créer un séminaire pour former les jeunes clercs aux fonctions ecclésiastiques. Ce projet, approuvé par le roi, fut retardé jusqu'en 1742 en raison de divers obstacles. M. Jean du Doucer, successeur de M. du Laurent, modifia le projet pour établir un collège offrant une éducation complète, allant de la sixième classe à la théologie. Il légua une somme importante pour financer ce collège, somme qui fut augmentée par des legs ultérieurs. Après la mort de M. du Doucer, M. Jean Antoine de Tinzeau, évêque de Nevers, prit la relève et accéléra la mise en œuvre du projet. Il choisit les Chanoines Réguliers de l'ordre de Saint-Antoine pour diriger le collège. Un contrat fut signé en 1751 et confirmé par des lettres patentes royales en 1753. Les cours commencèrent dès 1751 sous la direction des Chanoines Réguliers. En 1754, M. Joly de Fleury, intendant de Bourgogne, visita Belley et approuva le choix de l'emplacement pour la construction du collège. Il reçut des compliments pour son soutien à cette initiative éducative.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 133-140
Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
Début :
Vous avez pris, Monsieur, une trop grande part à l'établissement du College [...]
Mots clefs :
Collège, Collège du Belley, Belley, Marquis de Paulmy, Ministre, Honneur, Province, Coeur, Joie, Chanoine, Guerre, Voeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
Lettre écrite de Belley , à l'occafion du paſſage
de M. le Marquis de Paulmy par cette
ville.
Ous avez pris , Monfieur , une trop
grande part à l'établiffement
du Cotlege
du Belley , dont j'eus l'honneur de
vous entretenir , il y a quelques mois ( 1 ) ,
pour vous laiffer ignorer fes actions d'éclat
& fes fuccés , dans les occafions furtout
qui intéreffent particulierement
la ville
& la province. Vous conviendrez
aifément
que le paffage de M. le Marquis de
Paulmy par Belley , eft un de ces momens
précieux également propres à s'attirer
l'attention de nos Mufes , & à exciter la
joie dans le coeur de nos citoyens .
Ce Miniftre arriva ici le famedi s Juil- S
let dernier fur les dix heures du foir. La
porte de la ville par laquelle il fit fon entrée
, étoit illuminée avec gout , & chargée
d'un cartouche , où on lifoit cette infcription
, qui étoit de M. Vinfon , Chanoine
Régulier de S. Antoine , Syndic du
College.
( 1 ) Voyez le Mercure d'Avril de cette année,
Page 147.
134 MERCURE DE FRANCE.
Felici Adventui
Supremi Bellorum Moderatoris
Tanto exultans hofpite
Bellicenfis Civitas
Plaudit.
L'écuffon des armes de M. le Marquis
de Paulmy faifoit partie de la décoration
de la porte. Vous fçavez que ce font deux
lions d'or paffans fur un fond d'azur . M.
Vinfon y avoit fait ajouter ce mot , Defenfuri
incedunt ; allufion noble , qui caracrerife
heureufement les fonctions du Miniftre
occupé pour lors à la vifite de nos
places de guerre.
L'infcription qui étoit placée fur la façade
de l'Hôtel de ville , pareillement illuminée
, eft de la même main , & elle exprime
la même penfée avec plus de développement
:
Vigilantiffimo
Belli Adminiftro ,
Provincias Tutanti Prafentiá ,
Hoftes Providentia Continenti ,
Gratulatur Bellicium.
Le lendemain de fon arrivée , M. le
Marquis de Paulniy reçut les complimens
des Syndics de la province, & des Corps
DECEMBRE. 1755. 135.
de la ville. Voici celui qui fut prononcé
par M. Granier , Chanoine Régulier de S.
Antoine , Profeffeur de Rhétorique , &
qui fut également gouté du Miniftre &
du Public.
Monfeigneur , votre arrivée eft l'é-
" poque de la joie publique , & vous êtes ,
» Monfeigneur , le digne objet de notre
» admiration & de nos hommages . La na-
» ture , en vous comblant de fes dons les
plus rares , vous infpira l'ardeur de les
» cultiver. Aux talens fupérieurs vous
» joignîtes bientôt les connoiffances les
plus vaftes , les plus fublimes vertus ,
» & vous fçûtes toujours tempérer leur
» éclat par le voile attrayant des qualités
» fociables. Dans un âge encore tendre
» vous fixâtes les regards du Monarque &
" les fuffrages du public. La carriere eft
» d'abord ouverte aux grands hommes.
» Leur mérite en marque l'étendue . Une
nation prudente & notre ancienne alliée
» vous vit menager auprès d'elle les in-
" térêts de notre Monarchie . Elle eut tout
» lieu d'être furprife de trouver dans un
» Ambaſſadeur auffi jeune la pénétration
» la plus vive , la circonfpection la plus
» réfléchie , la prudence la plus confom-
» mée. Devenu depuis l'arbitre de la guer-
» re , on vous voit , Monfeigneur , avec
و ر
"
136 MERCURE DE FRANCE.
, ر
» une activité furprenante , parcourir le
» Royaume de l'une à l'autre extrêmité ,
examiner tout par vous-même , pour-
»voir à la fûreté de nos frontieres , &
faire paffer dans le coeur de nos enne-
»mis cette crainte pleine d'égards , que
la vigilance du gouvernement ne man-
" que jamais d'infpirer. Il convenoit à un
Roi conquerant & pacifique d'avoir un
Miniftre également jaloux de prévenir
» la guerre & de la faire avec fuccès . Plus
» la foudre , dont vous êtes dépofitaire ,
» caufe de terreur , moins vous aimez à
» la faire éclater. C'eft à vos foins & à vo-
» tre prudence que nos provinces doivent
» leur repos. Veuille le ciel conferver
» long - tems une vie fi précieuſe à la France
! Puiffent nos fentimens & nos voeux
» mériter au College de Belley l'honneur
»de votre protection !
Les Penfionnaires du College fignalerent
leur zele par un compliment en vers ,
de la compofition de M. Sutaine , auffi
Chanoine Régulier de S. Antoine , & Profeffeur
de Rhétorique. Ce fut M. Dugaz ,
de Lyon , l'un de ces penfionnaires , qui
devint l'interprete des fentimens communs
, qu'il exprima avec autant d'aflurance
que de bonne grace , en ces termes :
Quelle divinité puiſſante
DECEMBRE. 1755 137
Favorife ces lieux ?
Jamais fous le regne des Dieux ,
L'Univers gouta- t'il de grace plus touchante !
Nous te voyons , Paulmy , nos voeux font fatisfaits.
Le Ciel pouvoit -il mieux feconder nos fouhaits ,
Qu'en accordant à notre impatience
Le bonheur d'admirer le foutien de la France ?
Qui feroit infenfible à tes tendres égards ,
Miniftre du Dieu de la guerre ?
Pour venir dans ces lieux tu quittes ton tonnerre ;
Tu craindrois d'effrayer nos timides regards.
Autour de toi , les jeux , les ris , les
Viennent folâtrer tour à tour;
Et nous ne voyons fur tes traces ,
graces ,
Que des coeurs pénétrés de refpect & d'amour.
Sous l'ordre du plus grand des Princes ,
Ta prévoyante activité
Affure à nos riches Provinces
Une douce tranquillité.
Oui , c'eſt partes bienfaits , qu'aux bords de l'Hyppocrêne
,
Jaloux des faveurs d'Apollon ,
Nous allons cultiver dans le facré vallon
Les fruits heureux d'une innocente veine.
Tu t'en fouviens , Phoebus & les neuf Soeurs
Te répétoient encor leurs chanfons immortelles ,
Quand le plus grand des Rois , par de juftes faveurs
>
138 MERCURE DE FRANCE.
Remit entre tes mains fidelles
Le noble emploi d'aller chez des peuples prudens
( 1 )
Faire briller l'éclat qui t'environne ,
Et foutenir les droits de fa couronne.
Qui n'admira dès -lors les refforts tout puiffans
De ta fage induſtrie ›
A peine revenu dans ta chere Patrie ,
On vit de généreux rivaux , ( 2 )
On vit un corps illuftre , où regnent la ſageſſe ,
Le bon goût , les talens & le dieu du Permeffe ,
Admirer tes nobles travaux ;
Ceindre ton front du laurier de la gloire ,
Partager avec toi fes foins laborieux ;
Graver ton nom au Temple de Mémoire ,
Et t'élever au rang des Dieux.
Sans doute les neuf foeurs firent naître en ton ame
Ce feu divin dont la céleste flamme
Anime ton grand coeur.
Daigne voir leurs enfans avec un oeil flatteur ,
Reçois nos voeux & notre hommage ,
Ce fera de notre bonheur
Le garand le plus fûr , le plus précieux gage .
Ce n'eft point là l'unique témoignage
de la joie qu'a donné le College pendant
le féjour de M. le Marquis de Paulmy à
( 1 ) Ambaſſade de M. de Paulmi en Suiffe.
(2) Réception de M. de Paulmy à l'Académie
Françoile.
DECEMBRE . 1755. 139
Belley ; il a taché de l'amufer , & de le
retenir le plus longtemps qu'il étoit poffible
, par la repréfentation d'une Comédie ;
fpectacle d'autant plus agréable à nos Citoyens
, qu'il paroiffoit pour la premiere
fois dans cette ville. Pour peu que ce coup
d'effai pique votre curiofité , je me ferai
un plaifir de vous envoyer une autrefois
l'analyſe de la piece , à laquelle nous avons
unanimement accordé nos fuffrages.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Belley , le 15 Juillet , 1755 .
Duchefne , Libraire à Paris , rue S. Jacques
, au Temple du Gout , vient de mettre
en vente l'Année Musicale , ouvrage
périodique. Cet ouvrage d'agrément fe
diftribue toutes les femaines par une feuille
grand in 8 °. de quatre pages , contenant
des Ariettes & Vaudevilles nouveaux , &
des petits airs choifis par les plus habiles
Muficiens , tant Italiens que François.
Chaque feuille fe vend fix fols . Les amateurs
qui fouhaiteront s'abonner , payeront
pour Paris quinze livres
par année
& on les leur apportera chez eux au moment
qu'elles fortiront de deffous preffe ;
& pour la province on payera dix- huit livres
par an. Le Libraire fe charge de les
140 MERCURE DE FRANCE.
faire rendre à leur deftination , francs de
port. La premiere feuille a paru le premier
Août 1755.
de M. le Marquis de Paulmy par cette
ville.
Ous avez pris , Monfieur , une trop
grande part à l'établiffement
du Cotlege
du Belley , dont j'eus l'honneur de
vous entretenir , il y a quelques mois ( 1 ) ,
pour vous laiffer ignorer fes actions d'éclat
& fes fuccés , dans les occafions furtout
qui intéreffent particulierement
la ville
& la province. Vous conviendrez
aifément
que le paffage de M. le Marquis de
Paulmy par Belley , eft un de ces momens
précieux également propres à s'attirer
l'attention de nos Mufes , & à exciter la
joie dans le coeur de nos citoyens .
Ce Miniftre arriva ici le famedi s Juil- S
let dernier fur les dix heures du foir. La
porte de la ville par laquelle il fit fon entrée
, étoit illuminée avec gout , & chargée
d'un cartouche , où on lifoit cette infcription
, qui étoit de M. Vinfon , Chanoine
Régulier de S. Antoine , Syndic du
College.
( 1 ) Voyez le Mercure d'Avril de cette année,
Page 147.
134 MERCURE DE FRANCE.
Felici Adventui
Supremi Bellorum Moderatoris
Tanto exultans hofpite
Bellicenfis Civitas
Plaudit.
L'écuffon des armes de M. le Marquis
de Paulmy faifoit partie de la décoration
de la porte. Vous fçavez que ce font deux
lions d'or paffans fur un fond d'azur . M.
Vinfon y avoit fait ajouter ce mot , Defenfuri
incedunt ; allufion noble , qui caracrerife
heureufement les fonctions du Miniftre
occupé pour lors à la vifite de nos
places de guerre.
L'infcription qui étoit placée fur la façade
de l'Hôtel de ville , pareillement illuminée
, eft de la même main , & elle exprime
la même penfée avec plus de développement
:
Vigilantiffimo
Belli Adminiftro ,
Provincias Tutanti Prafentiá ,
Hoftes Providentia Continenti ,
Gratulatur Bellicium.
Le lendemain de fon arrivée , M. le
Marquis de Paulniy reçut les complimens
des Syndics de la province, & des Corps
DECEMBRE. 1755. 135.
de la ville. Voici celui qui fut prononcé
par M. Granier , Chanoine Régulier de S.
Antoine , Profeffeur de Rhétorique , &
qui fut également gouté du Miniftre &
du Public.
Monfeigneur , votre arrivée eft l'é-
" poque de la joie publique , & vous êtes ,
» Monfeigneur , le digne objet de notre
» admiration & de nos hommages . La na-
» ture , en vous comblant de fes dons les
plus rares , vous infpira l'ardeur de les
» cultiver. Aux talens fupérieurs vous
» joignîtes bientôt les connoiffances les
plus vaftes , les plus fublimes vertus ,
» & vous fçûtes toujours tempérer leur
» éclat par le voile attrayant des qualités
» fociables. Dans un âge encore tendre
» vous fixâtes les regards du Monarque &
" les fuffrages du public. La carriere eft
» d'abord ouverte aux grands hommes.
» Leur mérite en marque l'étendue . Une
nation prudente & notre ancienne alliée
» vous vit menager auprès d'elle les in-
" térêts de notre Monarchie . Elle eut tout
» lieu d'être furprife de trouver dans un
» Ambaſſadeur auffi jeune la pénétration
» la plus vive , la circonfpection la plus
» réfléchie , la prudence la plus confom-
» mée. Devenu depuis l'arbitre de la guer-
» re , on vous voit , Monfeigneur , avec
و ر
"
136 MERCURE DE FRANCE.
, ر
» une activité furprenante , parcourir le
» Royaume de l'une à l'autre extrêmité ,
examiner tout par vous-même , pour-
»voir à la fûreté de nos frontieres , &
faire paffer dans le coeur de nos enne-
»mis cette crainte pleine d'égards , que
la vigilance du gouvernement ne man-
" que jamais d'infpirer. Il convenoit à un
Roi conquerant & pacifique d'avoir un
Miniftre également jaloux de prévenir
» la guerre & de la faire avec fuccès . Plus
» la foudre , dont vous êtes dépofitaire ,
» caufe de terreur , moins vous aimez à
» la faire éclater. C'eft à vos foins & à vo-
» tre prudence que nos provinces doivent
» leur repos. Veuille le ciel conferver
» long - tems une vie fi précieuſe à la France
! Puiffent nos fentimens & nos voeux
» mériter au College de Belley l'honneur
»de votre protection !
Les Penfionnaires du College fignalerent
leur zele par un compliment en vers ,
de la compofition de M. Sutaine , auffi
Chanoine Régulier de S. Antoine , & Profeffeur
de Rhétorique. Ce fut M. Dugaz ,
de Lyon , l'un de ces penfionnaires , qui
devint l'interprete des fentimens communs
, qu'il exprima avec autant d'aflurance
que de bonne grace , en ces termes :
Quelle divinité puiſſante
DECEMBRE. 1755 137
Favorife ces lieux ?
Jamais fous le regne des Dieux ,
L'Univers gouta- t'il de grace plus touchante !
Nous te voyons , Paulmy , nos voeux font fatisfaits.
Le Ciel pouvoit -il mieux feconder nos fouhaits ,
Qu'en accordant à notre impatience
Le bonheur d'admirer le foutien de la France ?
Qui feroit infenfible à tes tendres égards ,
Miniftre du Dieu de la guerre ?
Pour venir dans ces lieux tu quittes ton tonnerre ;
Tu craindrois d'effrayer nos timides regards.
Autour de toi , les jeux , les ris , les
Viennent folâtrer tour à tour;
Et nous ne voyons fur tes traces ,
graces ,
Que des coeurs pénétrés de refpect & d'amour.
Sous l'ordre du plus grand des Princes ,
Ta prévoyante activité
Affure à nos riches Provinces
Une douce tranquillité.
Oui , c'eſt partes bienfaits , qu'aux bords de l'Hyppocrêne
,
Jaloux des faveurs d'Apollon ,
Nous allons cultiver dans le facré vallon
Les fruits heureux d'une innocente veine.
Tu t'en fouviens , Phoebus & les neuf Soeurs
Te répétoient encor leurs chanfons immortelles ,
Quand le plus grand des Rois , par de juftes faveurs
>
138 MERCURE DE FRANCE.
Remit entre tes mains fidelles
Le noble emploi d'aller chez des peuples prudens
( 1 )
Faire briller l'éclat qui t'environne ,
Et foutenir les droits de fa couronne.
Qui n'admira dès -lors les refforts tout puiffans
De ta fage induſtrie ›
A peine revenu dans ta chere Patrie ,
On vit de généreux rivaux , ( 2 )
On vit un corps illuftre , où regnent la ſageſſe ,
Le bon goût , les talens & le dieu du Permeffe ,
Admirer tes nobles travaux ;
Ceindre ton front du laurier de la gloire ,
Partager avec toi fes foins laborieux ;
Graver ton nom au Temple de Mémoire ,
Et t'élever au rang des Dieux.
Sans doute les neuf foeurs firent naître en ton ame
Ce feu divin dont la céleste flamme
Anime ton grand coeur.
Daigne voir leurs enfans avec un oeil flatteur ,
Reçois nos voeux & notre hommage ,
Ce fera de notre bonheur
Le garand le plus fûr , le plus précieux gage .
Ce n'eft point là l'unique témoignage
de la joie qu'a donné le College pendant
le féjour de M. le Marquis de Paulmy à
( 1 ) Ambaſſade de M. de Paulmi en Suiffe.
(2) Réception de M. de Paulmy à l'Académie
Françoile.
DECEMBRE . 1755. 139
Belley ; il a taché de l'amufer , & de le
retenir le plus longtemps qu'il étoit poffible
, par la repréfentation d'une Comédie ;
fpectacle d'autant plus agréable à nos Citoyens
, qu'il paroiffoit pour la premiere
fois dans cette ville. Pour peu que ce coup
d'effai pique votre curiofité , je me ferai
un plaifir de vous envoyer une autrefois
l'analyſe de la piece , à laquelle nous avons
unanimement accordé nos fuffrages.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Belley , le 15 Juillet , 1755 .
Duchefne , Libraire à Paris , rue S. Jacques
, au Temple du Gout , vient de mettre
en vente l'Année Musicale , ouvrage
périodique. Cet ouvrage d'agrément fe
diftribue toutes les femaines par une feuille
grand in 8 °. de quatre pages , contenant
des Ariettes & Vaudevilles nouveaux , &
des petits airs choifis par les plus habiles
Muficiens , tant Italiens que François.
Chaque feuille fe vend fix fols . Les amateurs
qui fouhaiteront s'abonner , payeront
pour Paris quinze livres
par année
& on les leur apportera chez eux au moment
qu'elles fortiront de deffous preffe ;
& pour la province on payera dix- huit livres
par an. Le Libraire fe charge de les
140 MERCURE DE FRANCE.
faire rendre à leur deftination , francs de
port. La premiere feuille a paru le premier
Août 1755.
Fermer
Résumé : Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
La lettre, rédigée à Belley, célèbre la visite du Marquis de Paulmy dans cette ville. L'auteur exprime sa reconnaissance envers le Marquis pour son rôle dans la création du Collège de Belley et souligne l'importance de sa venue. Le Marquis est arrivé à Belley le samedi 3 juillet vers dix heures du matin. Il a été accueilli par une porte illuminée et décorée d'un cartouche portant l'inscription 'Felici Adventui Supremi Bellorum Moderatoris' et les armes du Marquis. Le lendemain, le Marquis a reçu les compliments des syndics de la province et de la ville. M. Granier, chanoine régulier de Saint-Antoine et professeur de rhétorique, a prononcé un discours en l'honneur du Marquis, mettant en avant ses talents, ses connaissances et ses vertus, ainsi que son rôle dans la diplomatie et la défense du royaume. Les pensionnaires du Collège ont également exprimé leur admiration par un compliment en vers composé par M. Sutaine. Pour marquer la joie de cette visite, le Collège a organisé une représentation théâtrale, un événement rare pour la ville. L'auteur propose d'envoyer une analyse de la pièce jouée. La lettre se conclut par une mention de la publication de l'Année Musicale par le libraire Duchefne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 143-144
ETABLISSEMENT d'un College Royal dans le ville neuve de Metz sous le nom de S. Louis confié à perpétuité aux Chanoines Réguliers de la Congrégation de N. Sauveur, établis en cette Ville.
Début :
Monseigneur le Maréchal Duc de Belle-Isle, Gouverneur Général des [...]
Mots clefs :
Collège, Chanoines, Metz, Collège royal, Jeune noblesse
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texteReconnaissance textuelle : ETABLISSEMENT d'un College Royal dans le ville neuve de Metz sous le nom de S. Louis confié à perpétuité aux Chanoines Réguliers de la Congrégation de N. Sauveur, établis en cette Ville.
ETABLISSEMENT d'un College
Royal dans la ville neuve de Merz fous le
nom de S. Louis confié à perpétuité aux
Chanoines Réguliers de la
Congrégation de
N. Sauveur , établis en cette Ville.
Monfeigneur le Maréchal Duc de
Belle- Ifle ,
Gouverneur Général des
trois Evêchés , ayant attiré les Chanoines
Réguliers de Lorraine dans la ville neuve
de Metz bâtie par fes foins , ils y ont formé
une penfion pour l'éducation de la
jeune Nobleffe qui a mérité la confiance
des
Nationaux & des Etrangers . Leurs
fuccès ont engagé M. Pillevel alors Abbé
Régulier de S. Pierremont , depuis élevé
au
Généralat de la
Congrégation ,
avoit fait les frais de tous les bâtimens &
qui
pourvu jufques-là à l'entretien de cet établiffement
, à chercher les moyens de lui
procurer des fonds pour l'avenir. Dans
cette vue , par un exemple unique de défintéreffement
& de zele pour le bien
blic , il s'est démis
volontairement de fon
pu144
MERCURE DE FRANCE.
Abbaye entre les mains du Roi fans aucune
referve demandant que le titre de fon
Abbaye fût fupprimé , & que tous les
biens & revenus en fuffent unis à la maifon
qu'il avoit fait bâtir à Metz.
En conféquence , par la protection &
les bons offices de Monfeigneur le Maréchal
Duc de Belle - Ifle , le Roi informé des
progrès de cet établiſſement , a donné ſon
confentement pour l'union des biens de la
menfe abbatiale de S. Pierremont dont le
titre a été fupprimé , à ladite maifon des
Chanoines Réguliers de la ville neuve de
Metz , laquelle union eft confommée . Le
Roi charge ladite Maifon à perpétuité de
loger , nourrir , & enfeigner douze jeunes
Gentilshommes à fa nomination. Il l'a décorée
du titre de College Royal de S. Louis ,
lui a donné pour cachet ordinaire l'écuffon
de fes armes , qui doit auffi être placé
fur l'entrée principale , & lui a accordé
tous les privileges utiles & bonorables que
pouvoit défirer cet établiſſement .
A Metz , le 14 Novembre 1755.
Royal dans la ville neuve de Merz fous le
nom de S. Louis confié à perpétuité aux
Chanoines Réguliers de la
Congrégation de
N. Sauveur , établis en cette Ville.
Monfeigneur le Maréchal Duc de
Belle- Ifle ,
Gouverneur Général des
trois Evêchés , ayant attiré les Chanoines
Réguliers de Lorraine dans la ville neuve
de Metz bâtie par fes foins , ils y ont formé
une penfion pour l'éducation de la
jeune Nobleffe qui a mérité la confiance
des
Nationaux & des Etrangers . Leurs
fuccès ont engagé M. Pillevel alors Abbé
Régulier de S. Pierremont , depuis élevé
au
Généralat de la
Congrégation ,
avoit fait les frais de tous les bâtimens &
qui
pourvu jufques-là à l'entretien de cet établiffement
, à chercher les moyens de lui
procurer des fonds pour l'avenir. Dans
cette vue , par un exemple unique de défintéreffement
& de zele pour le bien
blic , il s'est démis
volontairement de fon
pu144
MERCURE DE FRANCE.
Abbaye entre les mains du Roi fans aucune
referve demandant que le titre de fon
Abbaye fût fupprimé , & que tous les
biens & revenus en fuffent unis à la maifon
qu'il avoit fait bâtir à Metz.
En conféquence , par la protection &
les bons offices de Monfeigneur le Maréchal
Duc de Belle - Ifle , le Roi informé des
progrès de cet établiſſement , a donné ſon
confentement pour l'union des biens de la
menfe abbatiale de S. Pierremont dont le
titre a été fupprimé , à ladite maifon des
Chanoines Réguliers de la ville neuve de
Metz , laquelle union eft confommée . Le
Roi charge ladite Maifon à perpétuité de
loger , nourrir , & enfeigner douze jeunes
Gentilshommes à fa nomination. Il l'a décorée
du titre de College Royal de S. Louis ,
lui a donné pour cachet ordinaire l'écuffon
de fes armes , qui doit auffi être placé
fur l'entrée principale , & lui a accordé
tous les privileges utiles & bonorables que
pouvoit défirer cet établiſſement .
A Metz , le 14 Novembre 1755.
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Résumé : ETABLISSEMENT d'un College Royal dans le ville neuve de Metz sous le nom de S. Louis confié à perpétuité aux Chanoines Réguliers de la Congrégation de N. Sauveur, établis en cette Ville.
Le texte décrit la création d'un collège royal à Metz, dédié à Saint Louis. Cette initiative a été confiée aux Chanoines Réguliers de la Congrégation de Notre Sauveur. Le Maréchal Duc de Belle-Isle, Gouverneur Général des trois Évêchés, a invité ces chanoines à s'installer dans la ville neuve de Metz, où ils ont fondé une pension pour l'éducation des jeunes nobles. Le succès de cette pension a poussé M. Pillevel, Abbé Régulier de Saint-Pierremont et Général de la Congrégation, à chercher des financements. Il a cédé son abbaye au Roi, demandant que ses biens et revenus soient intégrés à la maison des chanoines de Metz. Informé par le Maréchal Duc de Belle-Isle, le Roi a accepté cette union et a chargé les chanoines de loger, nourrir et instruire douze jeunes gentilshommes choisis par lui. Le collège a été nommé Collège Royal de Saint Louis et a reçu divers privilèges. Cette décision a été officialisée à Metz le 14 novembre 1755.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 133-142
OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
Début :
PLUSIEURS Sçavans se sont fait une réputation distinguée, en écrivant historiquement [...]
Mots clefs :
Chirurgie, Médecine, Art, Temps, Livre, Recherches, Collège, Réputation
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texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
OBSERVATIONS fur l'Hiftoire de la
MÉDECINE.
PLUSIEURS Sçavans fe font fait une
réputation diftinguée , en écrivant hiftoriquement
fur la Médecine : Daniel le
Clerc & le Docteur Freind ont travaillé
d'une manière digne de la poſtérité.
Les éffais de Bernier , tout fatyriques
qu'ils font , ou peut-être auffi
parce qu'ils font fatyriques , fe font lire
avec pláifir , & joignent l'agrément
à l'inftruction. Nous ne citons pas le
livre de la Métrie , qui n'eft qu'une
invective raiſonnée. Ces Ouvrages fourniroient
à peine quelques matériaux
pour l'hiſtoire de la Médecine en
France. Pour la faire utilement , il
faudroit bien connoître les Auteurs &
leurs travaux ; rappeller quels ont ét
les fyftêmes fuivant lefquels les Prati
ciens ont éxércé dans les différens temps
expofer les progrès fucceffifs de l'art
134 MERCURE DE FRANCE .
les viciffitudes qu'il a éffuyées , le ca
price des différentes opinions d'où la
vie des hommes a dépendu ; marquer ,
fi l'on pouvoit , le fatal enchaînement
des circonftances qui ont donné de la
vogue aux Charlatans , & fait préférer
des affronteurs , à ceux qui méritoient
l'eftime du Public & qui pouvoient fe
rendre dignes de fa reconnoiffance ;
dire enfin quelles fuites malheureuſes a
eues cette confiance mal placée, & faire
voir que la protection qu'on accorde
aux uns aux dépens des autres , eft une
vraie confpiration contre l'humanité
dont les fiécles même qu'on accufe de
barbarie , n'ont pas eu à rougir.
Mais quelles connoiffances , quelles
recherches , quelle fagacité & quel
temps ne demanderoit pas un pareil
travail ! Nous n'en fommes pas dédommagés
par une brochure nouvelle qui
à pour titre Effai hiftorique fur la Médecine
en France. Ce que ce livre contient
de relatif à fon titre , ſe borne
à une lifte des noms & furnoms , des
premiers Médecins de nos Rois ; à celle
des noms & furnoms des Doyens de
la Faculté de Médecine de Paris , depuis
1395 , jufques & compris 1761 ,
élus chaque année le premier Samedi
AVRIL. 1763. 135
après la Touffaint ; ce qui n'eft pas
plus intéreffant , que les loix , les ftatuts
& les ufages de cette Faculté, qu'on
donne en entier , fans obmettre l'article
des fonctions des Bedeaux . On parle
plus au long d'Hippocrate , d'Afclepiade
, & de Galien , que de Fernel , de
Baillou & de Riolan. Eh ! qu'importe
à la Médecine Françoife ce qu'on dit
de S. Charles Borromée , qui dans la
deuxième partie des Actes du premier
Concile de Milan , a défendu aux Moines,
aux Chanoines réguliers & aux Clercs
de faire la Médecine ? L'Auteur de cet
éffai eft fans doute un jeune homme, nou
vellement forti des Ecoles , & qui aime à
tranfcrire du Latin. Il a pourtant bien
fenti que fes Lecteurs pourroient en être
fatigués: on n'approuvera peur-être pas ,
dit-il dans fa préface , plufieurs paffages
Latins dans un ouvrage François : j'écris
furtout pour mes Confrères & pour les
jeunes Médecins qui ne font pas fâchés
de rencontrer du Latin. C'eft ce qui fait
qu'on ne s'eft pas gêné là - deffus , & il
n'y a peut-être pas un grand inconvénient.
Mais ce que l'on auroit dû éviter , c'eſt
une fatyre perfonnelle contre le célébre
Tronchin,Médecin de Genêve , & avoir
un peu plus de modération fur les
136 MERCURE DE FRANCE .
à
Chirurgiens en général , parmi lesquels
il y en a qui font honneur à leur art ,
leur nation & à leur fiécle . C'eſt un
zéle de novice , que la maturité de l'ârendra
quelque jour plus difcret. ge
J'éffayerai de faire connoître l'eſprit
de recherches néceffaires pour écrire
l'hiftoire d'un art , par la difcuffion de
deux points dont il eft queftion dans
la brochure que je viens de citer. L'un
regarde la perfonne de Lanfranc , &
l'autre l'origine de la maladie honteufe
qui eft le fruit de la débauche .
Suivant l'Auteur de l'Effai hiftorique ,
on apprend par les écrits de Lanfranc de
Milan , qui arriva à Paris en 1295 ,
que cette Ville,dont pour lors l'enceinte
étoit peu étendue , avoit néanmoins
un affez grand nombre de Médecins qui
formoit un Collége ou Société qui étoit en
grande réputation. Il ajoute qu'il ignore
fur quel fondement les Auteurs anonymes
d'une efpéce de Factum , fans fignature,
qu'on diftribuoit il y a quelques années
furtivement avec un grand nombre de
cartons , & qu'on avoit décoré du titre
impofant de Recherches fur l'origine &
les progrès de la Chirurgie en Franont
fait Lanfranc de Milan
Membre du foi-difant Collége de Saint
ce >
AVRIL 1763. 137
els
>
Louis ; tandis que cette efpéce de Livre
avance dans un autre endroit que
Jean Pitard qui vivoit vers 1320 , en
étoit le Fondateur. On fe feroit bien
donné de garde , ajoute- t-on , de faire
de Lanfranc un Chirurgien , & furtout
un Chirurgien François , fi l'on avoit
pris la peine de lire fa Chirurgie , trèsbeau
Manufcrit de la Bibliothéque
Royale . En effet , continue l'Auteur
après avoir donné les plus grands éloges
aux Médecins de Paris , Lanfranc
gémit dans plus d'un endroit de l'état
miférable où étoit réduite de fon temps
Ja Chirurgie en France. Il. dit que les
Chirurgiens y étoient prèfque tous
idiots (fçachant à peine leur langue
tous laïques , vrais manoeuvres & fi
ignorans qu'à peine trouvoit- on un Chirurgien
rationel ; qu'ils ne fçavoient
point mettre de différence entre le cautère
actuel & le cautère potentiel , ce
qui étoit caufe qu'en France on ne fe
fervoit plus de cautère .
Dans toute cette injurieufe tirade , il
y a plus de fautes que de mots ; c'eſt ce
qu'il eft facile de prouver. L'Auteur qui
paroît ne connoître que le manufcrit de
la Chirurgie de Lanfranc à la Bibliothéque
Royale , ne fçait pas que cet
138 MERCURE DE FRANCE .
Ouvrage eft public par diverfes éditions
imprimées à Venife & ailleurs en
1490 , 1519 , 1544 & 1553 ; qu'il y en
a même une Traduction Françoife,trèsbien
imprimée en caractères femblables
à ceux d'un Livret qui a pour titre la
Civilité puérile & honnête . Or nous trouvons
dans la lecture même de Lanfranc
où l'on nous renvoye , le contraire de
tout ce qu'on allégue fur cet ancien Auteur
dans l'Effai hiftorique.
Il étoit Chirurgien. Il vint en France
forcément , comme plufieurs autres Italiens
que le malheur des temps chaffa de
leur pays pendant les factions des Guelphes
& des Gibelins. Il s'arrêta à Lyon
où il a exercé la Chirurgie ; il eft venu
à Paris où il a pratiqué & enfeigné cet
art avec la plus grande diftinction : donc
il étoit Chirurgien. La fource de l'erreur
qui a fait croire qu'il étoit ce que
nous appellons préfentement un Médecin
, vient de ce que ce terme étoit employé
alors dans fa vraie fignification .
Medicus , qui medetur. Tout homme
appliqué à la guérifon des maladies.
étoit Médecin ; c'eft pourquoi le Chirurgien
Lanfranc en prend le nom . On
diftinguoit par l'épithète de Phyficien
celui qui donnoit fon application à la
AVRIL. 1763 . 139
Médecine ſpéculativement,qui ne voyoit
ད །། point de malades , ou qui en les voyant
bornoit fes foins à des confeils & à
des avis ; tels font encore aujourd'hui
nos Médecins . Leurs Prédéceffeurs étoient
Eccléfiaftiques , & la plupart Chanoines
de Notre- Dame. Le mot de Chirurgien
étoit auffi une épithéte qui fervoir à défigner
fpécialement le Médecin qui opéroit
de la main , & Lanfranc même ne
fe fervoit pas fubftantivement du terme
Chirurgus , mais de l'Adjectif Cyrurgicus.
De même le mot Phyficus fuppofoit
toujours le fubftantif générique
medicus ; fans quoi le terme auroit
manqué la fignification dans laquelle
on l'employoit ; car la Phyfique a bien
d'autres parties que la Médecine ; &
ceux qui s'y appliquoient étoient certainement
des Phyficiens.
Les Médecins qui formoient à Paris
du temps de Lanfranc un Collége ou
Société en grande réputation étoient les
Pères du Collége de Chirurgie , pour
lequel Jean Pitard , premier Chirurgien
de S. Louis & de Philippe- le- Bel a obtenu
des Statuts & des Loix . Dans le
Chapitre fecond de fa grande Chirurgie
, Lanfranc traite des qualités néceffaires
à un Chirurgien , de qualitate,
140 MERCURE DE FRANCE.
formá , moribus & fcientiâ Cyrurgici . II
éxige de lui beaucoup plus qu'on ne
requiert aujourd'hui du Médecin. Il
établit des régles morales qui montrent
combien on étoit attentif à vouloir que
les Chirurgiens fuffent des Perfonnages
auffi refpectables par leur probité que
par le fçavoir. Au Chapitre XV , du
fpafme qui furvient à une playe , il
parle d'une bleffure à la tête qui avoit
été traitée à Milan par un de fes écoliers
Chirurgien , nommé Oliverius de monte
orphano : il le reprend d'avoir confoli- >
dé cette playe à l'extérieur , avant que
d'en avoir détergé le fond ; & pour ne
pas repéter fon nom , après l'avoir défigné
par le mot fcholaris Cyrurgicus ;
il l'appelle un peu plus bas , ille Medicus.
Que pourroit oppofer à des preuves
auffi convaincantes l'Auteur de l'Ef
fai hiftorique ?
Lanfranc , donne à fon ami Bernard,
les motifs qui l'ont engagé à écrire fur
la Chirurgie : pour l'amour de lui ; propter
amorem tuum , Bernarde cariffime.
Il s'y est déterminé par les prières &
par les ordres des Médecins ; propter
preces præceptaque venerabilium Phyfi
ca Magiftrorum. Il ne faut pas perdre
de vue les termes refpectueux dont il
*
AVRIL. 1763. 141
fe fert dans l'expreffion de ce motif ,
præcepta venerabilium ; & il faut les
comparer à ceux du motif fuivant , qui
eft l'amitié fraternelle qu'il portoit aux
-Eléves en Chirurgie qui le fuivoient
dans l'exercice de cet art pour en apprendre
la pratique fous un auffi grand
Maître : propter fraternum amorem valentium
Medicinae fcolarium , mihi tam
honorabilem facientium comitivam, On
ne voit nulle-part qu'il ait parlé injurieufement
des Chirurgiens , comme on
l'avance ; il dit au contraire formellement
qu'il n'a jamais offenfé perfonne
& qu'il a prié Dieu pour fes perfécuteurs.
Les recherches fur l'origine de la
Chirurgie qu'on appelle une espéce de
Livre , ne font pas de Lanfranc un Chirurgien
François . Elles difent qu'il étoit
de Milan , & qu'il a enfeigné & pratiqué
la Chirurgie à Paris. M. Winflow étoit
Danois & Médecin de Paris. Lanfranc
étoit contemporain de Jean Pitard, que
l'Auteur de l'Effai hiſtorique donne
pour vivant vers 1320. Il eſt mort fort
âgé en 1315. C'est dans la force de l'âge
& au retour de fon voyage de la Terre-
Sainte où il avoit accompagné S. Louis,
qu'il réunit les Chirurgiens en Corps.
1
142 MERCURE DE FRANCE.
Ils formoient une Société dès l'an 1260.
& Lanfranc n'eft venu à Paris qu'en
1295 ; où eft donc la contradiction de
le mettre au nombre des Chirurgiens de
Paris , c'est -à - dire de ceux qui éxerçoient
la Chirurgie dans cette Capitale ?
La fuite au Mercure prochain.
MÉDECINE.
PLUSIEURS Sçavans fe font fait une
réputation diftinguée , en écrivant hiftoriquement
fur la Médecine : Daniel le
Clerc & le Docteur Freind ont travaillé
d'une manière digne de la poſtérité.
Les éffais de Bernier , tout fatyriques
qu'ils font , ou peut-être auffi
parce qu'ils font fatyriques , fe font lire
avec pláifir , & joignent l'agrément
à l'inftruction. Nous ne citons pas le
livre de la Métrie , qui n'eft qu'une
invective raiſonnée. Ces Ouvrages fourniroient
à peine quelques matériaux
pour l'hiſtoire de la Médecine en
France. Pour la faire utilement , il
faudroit bien connoître les Auteurs &
leurs travaux ; rappeller quels ont ét
les fyftêmes fuivant lefquels les Prati
ciens ont éxércé dans les différens temps
expofer les progrès fucceffifs de l'art
134 MERCURE DE FRANCE .
les viciffitudes qu'il a éffuyées , le ca
price des différentes opinions d'où la
vie des hommes a dépendu ; marquer ,
fi l'on pouvoit , le fatal enchaînement
des circonftances qui ont donné de la
vogue aux Charlatans , & fait préférer
des affronteurs , à ceux qui méritoient
l'eftime du Public & qui pouvoient fe
rendre dignes de fa reconnoiffance ;
dire enfin quelles fuites malheureuſes a
eues cette confiance mal placée, & faire
voir que la protection qu'on accorde
aux uns aux dépens des autres , eft une
vraie confpiration contre l'humanité
dont les fiécles même qu'on accufe de
barbarie , n'ont pas eu à rougir.
Mais quelles connoiffances , quelles
recherches , quelle fagacité & quel
temps ne demanderoit pas un pareil
travail ! Nous n'en fommes pas dédommagés
par une brochure nouvelle qui
à pour titre Effai hiftorique fur la Médecine
en France. Ce que ce livre contient
de relatif à fon titre , ſe borne
à une lifte des noms & furnoms , des
premiers Médecins de nos Rois ; à celle
des noms & furnoms des Doyens de
la Faculté de Médecine de Paris , depuis
1395 , jufques & compris 1761 ,
élus chaque année le premier Samedi
AVRIL. 1763. 135
après la Touffaint ; ce qui n'eft pas
plus intéreffant , que les loix , les ftatuts
& les ufages de cette Faculté, qu'on
donne en entier , fans obmettre l'article
des fonctions des Bedeaux . On parle
plus au long d'Hippocrate , d'Afclepiade
, & de Galien , que de Fernel , de
Baillou & de Riolan. Eh ! qu'importe
à la Médecine Françoife ce qu'on dit
de S. Charles Borromée , qui dans la
deuxième partie des Actes du premier
Concile de Milan , a défendu aux Moines,
aux Chanoines réguliers & aux Clercs
de faire la Médecine ? L'Auteur de cet
éffai eft fans doute un jeune homme, nou
vellement forti des Ecoles , & qui aime à
tranfcrire du Latin. Il a pourtant bien
fenti que fes Lecteurs pourroient en être
fatigués: on n'approuvera peur-être pas ,
dit-il dans fa préface , plufieurs paffages
Latins dans un ouvrage François : j'écris
furtout pour mes Confrères & pour les
jeunes Médecins qui ne font pas fâchés
de rencontrer du Latin. C'eft ce qui fait
qu'on ne s'eft pas gêné là - deffus , & il
n'y a peut-être pas un grand inconvénient.
Mais ce que l'on auroit dû éviter , c'eſt
une fatyre perfonnelle contre le célébre
Tronchin,Médecin de Genêve , & avoir
un peu plus de modération fur les
136 MERCURE DE FRANCE .
à
Chirurgiens en général , parmi lesquels
il y en a qui font honneur à leur art ,
leur nation & à leur fiécle . C'eſt un
zéle de novice , que la maturité de l'ârendra
quelque jour plus difcret. ge
J'éffayerai de faire connoître l'eſprit
de recherches néceffaires pour écrire
l'hiftoire d'un art , par la difcuffion de
deux points dont il eft queftion dans
la brochure que je viens de citer. L'un
regarde la perfonne de Lanfranc , &
l'autre l'origine de la maladie honteufe
qui eft le fruit de la débauche .
Suivant l'Auteur de l'Effai hiftorique ,
on apprend par les écrits de Lanfranc de
Milan , qui arriva à Paris en 1295 ,
que cette Ville,dont pour lors l'enceinte
étoit peu étendue , avoit néanmoins
un affez grand nombre de Médecins qui
formoit un Collége ou Société qui étoit en
grande réputation. Il ajoute qu'il ignore
fur quel fondement les Auteurs anonymes
d'une efpéce de Factum , fans fignature,
qu'on diftribuoit il y a quelques années
furtivement avec un grand nombre de
cartons , & qu'on avoit décoré du titre
impofant de Recherches fur l'origine &
les progrès de la Chirurgie en Franont
fait Lanfranc de Milan
Membre du foi-difant Collége de Saint
ce >
AVRIL 1763. 137
els
>
Louis ; tandis que cette efpéce de Livre
avance dans un autre endroit que
Jean Pitard qui vivoit vers 1320 , en
étoit le Fondateur. On fe feroit bien
donné de garde , ajoute- t-on , de faire
de Lanfranc un Chirurgien , & furtout
un Chirurgien François , fi l'on avoit
pris la peine de lire fa Chirurgie , trèsbeau
Manufcrit de la Bibliothéque
Royale . En effet , continue l'Auteur
après avoir donné les plus grands éloges
aux Médecins de Paris , Lanfranc
gémit dans plus d'un endroit de l'état
miférable où étoit réduite de fon temps
Ja Chirurgie en France. Il. dit que les
Chirurgiens y étoient prèfque tous
idiots (fçachant à peine leur langue
tous laïques , vrais manoeuvres & fi
ignorans qu'à peine trouvoit- on un Chirurgien
rationel ; qu'ils ne fçavoient
point mettre de différence entre le cautère
actuel & le cautère potentiel , ce
qui étoit caufe qu'en France on ne fe
fervoit plus de cautère .
Dans toute cette injurieufe tirade , il
y a plus de fautes que de mots ; c'eſt ce
qu'il eft facile de prouver. L'Auteur qui
paroît ne connoître que le manufcrit de
la Chirurgie de Lanfranc à la Bibliothéque
Royale , ne fçait pas que cet
138 MERCURE DE FRANCE .
Ouvrage eft public par diverfes éditions
imprimées à Venife & ailleurs en
1490 , 1519 , 1544 & 1553 ; qu'il y en
a même une Traduction Françoife,trèsbien
imprimée en caractères femblables
à ceux d'un Livret qui a pour titre la
Civilité puérile & honnête . Or nous trouvons
dans la lecture même de Lanfranc
où l'on nous renvoye , le contraire de
tout ce qu'on allégue fur cet ancien Auteur
dans l'Effai hiftorique.
Il étoit Chirurgien. Il vint en France
forcément , comme plufieurs autres Italiens
que le malheur des temps chaffa de
leur pays pendant les factions des Guelphes
& des Gibelins. Il s'arrêta à Lyon
où il a exercé la Chirurgie ; il eft venu
à Paris où il a pratiqué & enfeigné cet
art avec la plus grande diftinction : donc
il étoit Chirurgien. La fource de l'erreur
qui a fait croire qu'il étoit ce que
nous appellons préfentement un Médecin
, vient de ce que ce terme étoit employé
alors dans fa vraie fignification .
Medicus , qui medetur. Tout homme
appliqué à la guérifon des maladies.
étoit Médecin ; c'eft pourquoi le Chirurgien
Lanfranc en prend le nom . On
diftinguoit par l'épithète de Phyficien
celui qui donnoit fon application à la
AVRIL. 1763 . 139
Médecine ſpéculativement,qui ne voyoit
ད །། point de malades , ou qui en les voyant
bornoit fes foins à des confeils & à
des avis ; tels font encore aujourd'hui
nos Médecins . Leurs Prédéceffeurs étoient
Eccléfiaftiques , & la plupart Chanoines
de Notre- Dame. Le mot de Chirurgien
étoit auffi une épithéte qui fervoir à défigner
fpécialement le Médecin qui opéroit
de la main , & Lanfranc même ne
fe fervoit pas fubftantivement du terme
Chirurgus , mais de l'Adjectif Cyrurgicus.
De même le mot Phyficus fuppofoit
toujours le fubftantif générique
medicus ; fans quoi le terme auroit
manqué la fignification dans laquelle
on l'employoit ; car la Phyfique a bien
d'autres parties que la Médecine ; &
ceux qui s'y appliquoient étoient certainement
des Phyficiens.
Les Médecins qui formoient à Paris
du temps de Lanfranc un Collége ou
Société en grande réputation étoient les
Pères du Collége de Chirurgie , pour
lequel Jean Pitard , premier Chirurgien
de S. Louis & de Philippe- le- Bel a obtenu
des Statuts & des Loix . Dans le
Chapitre fecond de fa grande Chirurgie
, Lanfranc traite des qualités néceffaires
à un Chirurgien , de qualitate,
140 MERCURE DE FRANCE.
formá , moribus & fcientiâ Cyrurgici . II
éxige de lui beaucoup plus qu'on ne
requiert aujourd'hui du Médecin. Il
établit des régles morales qui montrent
combien on étoit attentif à vouloir que
les Chirurgiens fuffent des Perfonnages
auffi refpectables par leur probité que
par le fçavoir. Au Chapitre XV , du
fpafme qui furvient à une playe , il
parle d'une bleffure à la tête qui avoit
été traitée à Milan par un de fes écoliers
Chirurgien , nommé Oliverius de monte
orphano : il le reprend d'avoir confoli- >
dé cette playe à l'extérieur , avant que
d'en avoir détergé le fond ; & pour ne
pas repéter fon nom , après l'avoir défigné
par le mot fcholaris Cyrurgicus ;
il l'appelle un peu plus bas , ille Medicus.
Que pourroit oppofer à des preuves
auffi convaincantes l'Auteur de l'Ef
fai hiftorique ?
Lanfranc , donne à fon ami Bernard,
les motifs qui l'ont engagé à écrire fur
la Chirurgie : pour l'amour de lui ; propter
amorem tuum , Bernarde cariffime.
Il s'y est déterminé par les prières &
par les ordres des Médecins ; propter
preces præceptaque venerabilium Phyfi
ca Magiftrorum. Il ne faut pas perdre
de vue les termes refpectueux dont il
*
AVRIL. 1763. 141
fe fert dans l'expreffion de ce motif ,
præcepta venerabilium ; & il faut les
comparer à ceux du motif fuivant , qui
eft l'amitié fraternelle qu'il portoit aux
-Eléves en Chirurgie qui le fuivoient
dans l'exercice de cet art pour en apprendre
la pratique fous un auffi grand
Maître : propter fraternum amorem valentium
Medicinae fcolarium , mihi tam
honorabilem facientium comitivam, On
ne voit nulle-part qu'il ait parlé injurieufement
des Chirurgiens , comme on
l'avance ; il dit au contraire formellement
qu'il n'a jamais offenfé perfonne
& qu'il a prié Dieu pour fes perfécuteurs.
Les recherches fur l'origine de la
Chirurgie qu'on appelle une espéce de
Livre , ne font pas de Lanfranc un Chirurgien
François . Elles difent qu'il étoit
de Milan , & qu'il a enfeigné & pratiqué
la Chirurgie à Paris. M. Winflow étoit
Danois & Médecin de Paris. Lanfranc
étoit contemporain de Jean Pitard, que
l'Auteur de l'Effai hiſtorique donne
pour vivant vers 1320. Il eſt mort fort
âgé en 1315. C'est dans la force de l'âge
& au retour de fon voyage de la Terre-
Sainte où il avoit accompagné S. Louis,
qu'il réunit les Chirurgiens en Corps.
1
142 MERCURE DE FRANCE.
Ils formoient une Société dès l'an 1260.
& Lanfranc n'eft venu à Paris qu'en
1295 ; où eft donc la contradiction de
le mettre au nombre des Chirurgiens de
Paris , c'est -à - dire de ceux qui éxerçoient
la Chirurgie dans cette Capitale ?
La fuite au Mercure prochain.
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Résumé : OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
Le texte examine l'histoire de la médecine en France, mettant en lumière les contributions de savants tels que Daniel le Clerc et le Docteur Freind. Les œuvres de Bernier, bien que satiriques, sont reconnues pour leur agrément et leur valeur instructive. Le texte critique un ouvrage récent intitulé 'Essai historique sur la Médecine en France', le jugeant insuffisant pour une histoire complète de la médecine. Cet essai se limite à des listes de noms et de lois, manquant de profondeur sur les systèmes médicaux, les progrès et les vicissitudes de l'art médical. Il mentionne des figures historiques comme Hippocrate, Asclépiade et Galien, mais néglige des médecins français importants tels que Fernel, Baillou et Riolan. L'auteur de l'essai est décrit comme un jeune homme récemment sorti des écoles, appréciant la transcription du latin. Le texte critique également une satire personnelle contre le célèbre médecin Tronchin et manque de modération envers les chirurgiens. Il discute ensuite de la figure de Lanfranc de Milan, clarifiant son rôle en tant que chirurgien et son influence sur la chirurgie à Paris. Le texte rectifie les erreurs de l'essai historique concernant Lanfranc, affirmant qu'il était un chirurgien respecté et non un médecin au sens moderne. Il conclut en soulignant l'importance de recherches approfondies pour écrire l'histoire de la médecine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 185
DE ROME, le 26 Octobre 1763.
Début :
Le 16 de ce mois, le Cardinal Valentini fut attaqué d'une fiévre violente [...]
Mots clefs :
Cardinal, Fièvre, Décès, Collège, Nomination, Siège vacant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE ROME, le 26 Octobre 1763.
DE ROME , le 26 Octobre 1763.
Le 16 de ce mois , le Cardinal Valentini fut attaqué
d'une fiévre violente , dont il eſt mort le 18 .
Le Cardinal Banchieri eft mort le 17 à Pitoie fa
Patrie. Ces deux morts font vaquer dans le Sacré
Collège un neuviéme & un dixiéme Chapeaux ,
y compris celui qui eſt réſervé à la nomination da
Roi de Portugal .
Le 16 de ce mois , le Cardinal Valentini fut attaqué
d'une fiévre violente , dont il eſt mort le 18 .
Le Cardinal Banchieri eft mort le 17 à Pitoie fa
Patrie. Ces deux morts font vaquer dans le Sacré
Collège un neuviéme & un dixiéme Chapeaux ,
y compris celui qui eſt réſervé à la nomination da
Roi de Portugal .
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14
p. 186-191
De PARIS, le 8 Juin 1764.
Début :
L'affection singulière du Roi pour cette Noblesse illustre qui [...]
Mots clefs :
Noblesse, Illustre, École militaire, Éducation, Collège, Enfants, Édits, Évêque, Lieutenant, Ordonnance du roi, Régiments, Compagnies, Capitaines, Bains chauds, Magistrats, Loterie de l'Hôtel-de-ville, Tirage, Loterie de l'école royale militaire, Numéros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De PARIS, le 8 Juin 1764.
De PARIS , le 8 Juin 1764. -
L'affection fingulière du Roi pour cette Nobleſſe
luftre qui fait la gloire & la force du Royau
JUILLET. 1764. 187
me , & le defir d'en perpétuer l'éclat & l'utilité
ont porté Sa Majesté à inftituer une Ecole Mili
taire pour y élever dans l'art des armes cinq cens
Gentilshommes . L'expérience ayant fait reconnoître
que l'éducation , qui ne fe rapporte qu'à
un feul objet , eſt ſouvent infructueuse , le Roi a
jugé que le cours des Etudes publiques deftinées à
préparer toutes fortes de profeffions devoit être le
fondement de l'éducation de ceux qui feroient
admis à l'Ecole Militaire ; mais ce premier dégré
d'inftitution ne pouvant le trouver que dans une
Ecole célébre & nombreufe , Sa Majefté a jetté
les yeux fur le Collége de le Fléche qui , par
l'étendue de fes bâtimens , la nobleffe de fon établiffement
& les grands biens dont il a été doté ,
a paru remplir l'objet que Sa Majesté le propofe.
En conféquence , le Roi a donné des Lettres - Patentes
, en date du 7 Avril dernier , contenant
quarante-trois Articles dont on donne ici la
fubftance.
y
Le College Royal de la Flêche fera & demeu
rera dorénavant & à perpétuité deſtiné à l'éducation
& à l'inſtruction des enfans de deux cens cinquante
Gentilshommes du Royaume : il ne pourra
être établi aucun autre Penfionnat ; mais toutes
les Claffes y feront publiques , & tous les Externes
feront admis gratuitement dans ces Claffes , ainfi
que dans les autres Colléges de plein exercice.
Lefdits enfans feront nommés par le Roi & choifis
dans la Nobleſſe , fur la préſentation qui lui en
fera faite par le Secrétaire d'Etat ayant le Département
de la Guèrre & de la Marine : ils pour
ront être admis à l'âge de huit à neuf ans jufqu'à
celui de dix à onze , & les orphelins jufqu'à
treize , avec les conditions prefcrites par les Edits
& Déclarations précédens concernant l'Ecole Mi488
MERCURE DE FRANCE .
litaire , tant par rapport aux preuves de Nobleſſe
qu'aux autres qualités qui y font requifes. Il ne
pourra être admis aux deux cens cinquante places
qui resteront à remplir dans l'Hôtel de l'Ecole
Royale Militaire que ceux defdits enfans de Gentilshommes
qui auront fait leuts Etudes dans ledit
College Royal & qui auront quatorze ans accomplis
: ceux d'entr'eux qui , par leurs difpofitions
particulières , fe trouveroient appellés à l'Etat
Eccléfiaftique ou de Magiftrature , ou à d'autres
profeflions nobles , pourront continuer d'y
faire leurs Etudes . Ce Collége fera régi & adminiftré
, fous l'infpection du Secrétaire d'Etat de
la Guerre & de la Marine , par un Bureau compofé
de l'Evêque Diocéfain , qui y préfidera , da
Lieutenant- Général & du Procureur du Roi en la
Sénéchauffée de la Flêche , de deux Notables
ehoifis par Sa Majefté parmi d'anciens Gentilshommes
retirés du ſervice , du Maire de la Ville
& du Principal dudit Collége. Il y fera établi un
Infpecteur chargé de rendre compte des moeurs
du caractère & des talens defdits enfans', & qui
aura féance & voix délibérative dans ledit Bureau
immédiatement après les deuxdits Gentilshommes.
Le College fera deffervi par des perfonnes
Eccléfiaftiques ou Séculières , & compofé d'un
Principal , d'un Sous-Principal , de deux Profeffeurs
de Philofophie , d'un de Rhétorique , de
cing Régens pour les Seconde , Troifiéme , Quatriéme
, Cinquiéme & Sixiéme Claffes , indépendamment
du nombre de Sous -Maîtres que le
Bureau d'Adminiſtration jugera néceffaire . Tous
les biens donnés audit College par les Rois prédéceffeurs
de Sa Majesté & par d'autres perfonnes
, & tous ceux en général qui doivent lui appartenir
au terme des Lettres - Patentes des 14
>
JUILLET. 1764. 189
Juin & 21 Novembre 1763 , & 30 Mars dernier
, lui feront & demeureront confervés , aux
charges portées par leldites Lettres , à l'exception
des rentes fur les Papegaux de Bretagne ,
qui feront employées au foutien des Colléges de
cette Province , & de la Terre de Bonnes , fur laquelle
Sa Majelté expliquera fes intentions. Comme
les revenus de ce Collége ne pourroient ſuffire
aux dépenfes néceffaires pour l'éducation &
l'entretien defdits deux cens cinquante Eléves
Gentilshommes , ce qui y manquera fera fuppléé
annuellement fur les revenus de l'Hôtel de l'Ecole
Royale Militaire , fur lefquels il fera auffi
pourvu aux frais nécellaires pour l'ameublemeut
dudit College & pour le premier établiſſement
defdics Eléves. Le College Royal de la Flêche
jouira de toutes les franchiſes , exemptions & immunités
accordées par Sa Majefté à l'Hôtel de
l'Ecole Royale Militaire. Il continuera d'être régi
en la forme portée par l'Edit du mois de Février
1763 jufqu'au premier Octobre prochain. Les
mêmes Lettres Patentes contiennent différentes
difpofitions fur le choix & les appointemens du
Principal , du Sous- Principal , des Profeffeurs ,
Régens , &c . ainfi que des Eccléfiaftiques qui feront
attachés à la Chapelle : elles portent auffi
plufieurs réglemens pour l'adminiſtration des
biens & revenus du Collège.
Il paroît une Ordonnance du Roi , datée du 10
Février dernier , fuivant laquelle chacun des trois
Régimens de Huffards de Berchény , de Chamborant
& de Royal- Naſſau , actuellement compofés
de douze Compagnies de vingt- neuf hommes
, fera réduit huit Compagnies de vingtcing
hommes , dont fera auffi compofé le qua
triéme Régiment que Sa Majefté à réfolu de
190 MERCURE DE FRANCE .
former , & dont elle a donné le Commandement
au freur d'Efterhafy en qualité de Meſtrede
Camp. Tous les Officiers & Huffards excédens
feront Licenciés : les Capitaines réformés
jouiront de 800 liv. en appointement de réforme,
les Lieutenans de soo liv. & les Sous-Lieutenans
de 400 liv. chacun des Huffards Licenciés retournera
chez lui avec fon habit uniforme , &
un bonnet , & il lui fera donné deux fols par
lieue pour s'y rendre. La même Ordonnance
fixe les divers arrangemens à prendre pour parvenir
à la nouvelle compofition du Régiment
d'Ellerhafy , & en régle l'uniforme.
On mande de Franche -Comté , que la Ville de
Luxeul a pris la réſolution de rétablir les bains
d'eau chaude qui étoient prèfque tombés en ruine:
le fieur de Lacorée , Intendant de la Province
, a fait drefler pour cet objet le plan d'un
bâtiment vafte & commode dont la première
pierre a été polée , avec un grand appareil , le
S de ce mois , par les Officiers du Magiftrat, le
Maire de la Ville étant à leur tête & portant un
rablier de Maçon -garni de rubans . Les bains de
Lexeu font très-anciens & ont été très renommés
; mais depuis Jules Célar en avoit fait réparer
le bâtiment , on avoit négligé de l'entretenir.
Les Prêtres de la Doctrine Chrétienne ont tenu ,
le 30 du mois dernier , dans leur Maiſon de S.
Charles une Aflemblée générale, dans laquelle ils
ont élu pour Supérieur Général de leur Congrégation
le Père Jean -Augufte- Louis Chaftener de
Puységur .
Le quarante & uniéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel -de - Ville s'eft fait , le 24 du mois dernier
, en la manière accoutumée. Le Lot de cinJUILLET.
1764. 191
quante mille livres eft échu au Numéro 76'41 ;
celui de vingt mille livres au Numéro 68786 ;
& les deux de dix mille livres aux Numéros
63983 & 71603 .
Les de ce mois , on a tiré la Loterie de l'Ecole
Royale Militaire . Les Numéros fortis de la roue
de fortune font 53 , 90 , 48,73 , 65 .
L'affection fingulière du Roi pour cette Nobleſſe
luftre qui fait la gloire & la force du Royau
JUILLET. 1764. 187
me , & le defir d'en perpétuer l'éclat & l'utilité
ont porté Sa Majesté à inftituer une Ecole Mili
taire pour y élever dans l'art des armes cinq cens
Gentilshommes . L'expérience ayant fait reconnoître
que l'éducation , qui ne fe rapporte qu'à
un feul objet , eſt ſouvent infructueuse , le Roi a
jugé que le cours des Etudes publiques deftinées à
préparer toutes fortes de profeffions devoit être le
fondement de l'éducation de ceux qui feroient
admis à l'Ecole Militaire ; mais ce premier dégré
d'inftitution ne pouvant le trouver que dans une
Ecole célébre & nombreufe , Sa Majefté a jetté
les yeux fur le Collége de le Fléche qui , par
l'étendue de fes bâtimens , la nobleffe de fon établiffement
& les grands biens dont il a été doté ,
a paru remplir l'objet que Sa Majesté le propofe.
En conféquence , le Roi a donné des Lettres - Patentes
, en date du 7 Avril dernier , contenant
quarante-trois Articles dont on donne ici la
fubftance.
y
Le College Royal de la Flêche fera & demeu
rera dorénavant & à perpétuité deſtiné à l'éducation
& à l'inſtruction des enfans de deux cens cinquante
Gentilshommes du Royaume : il ne pourra
être établi aucun autre Penfionnat ; mais toutes
les Claffes y feront publiques , & tous les Externes
feront admis gratuitement dans ces Claffes , ainfi
que dans les autres Colléges de plein exercice.
Lefdits enfans feront nommés par le Roi & choifis
dans la Nobleſſe , fur la préſentation qui lui en
fera faite par le Secrétaire d'Etat ayant le Département
de la Guèrre & de la Marine : ils pour
ront être admis à l'âge de huit à neuf ans jufqu'à
celui de dix à onze , & les orphelins jufqu'à
treize , avec les conditions prefcrites par les Edits
& Déclarations précédens concernant l'Ecole Mi488
MERCURE DE FRANCE .
litaire , tant par rapport aux preuves de Nobleſſe
qu'aux autres qualités qui y font requifes. Il ne
pourra être admis aux deux cens cinquante places
qui resteront à remplir dans l'Hôtel de l'Ecole
Royale Militaire que ceux defdits enfans de Gentilshommes
qui auront fait leuts Etudes dans ledit
College Royal & qui auront quatorze ans accomplis
: ceux d'entr'eux qui , par leurs difpofitions
particulières , fe trouveroient appellés à l'Etat
Eccléfiaftique ou de Magiftrature , ou à d'autres
profeflions nobles , pourront continuer d'y
faire leurs Etudes . Ce Collége fera régi & adminiftré
, fous l'infpection du Secrétaire d'Etat de
la Guerre & de la Marine , par un Bureau compofé
de l'Evêque Diocéfain , qui y préfidera , da
Lieutenant- Général & du Procureur du Roi en la
Sénéchauffée de la Flêche , de deux Notables
ehoifis par Sa Majefté parmi d'anciens Gentilshommes
retirés du ſervice , du Maire de la Ville
& du Principal dudit Collége. Il y fera établi un
Infpecteur chargé de rendre compte des moeurs
du caractère & des talens defdits enfans', & qui
aura féance & voix délibérative dans ledit Bureau
immédiatement après les deuxdits Gentilshommes.
Le College fera deffervi par des perfonnes
Eccléfiaftiques ou Séculières , & compofé d'un
Principal , d'un Sous-Principal , de deux Profeffeurs
de Philofophie , d'un de Rhétorique , de
cing Régens pour les Seconde , Troifiéme , Quatriéme
, Cinquiéme & Sixiéme Claffes , indépendamment
du nombre de Sous -Maîtres que le
Bureau d'Adminiſtration jugera néceffaire . Tous
les biens donnés audit College par les Rois prédéceffeurs
de Sa Majesté & par d'autres perfonnes
, & tous ceux en général qui doivent lui appartenir
au terme des Lettres - Patentes des 14
>
JUILLET. 1764. 189
Juin & 21 Novembre 1763 , & 30 Mars dernier
, lui feront & demeureront confervés , aux
charges portées par leldites Lettres , à l'exception
des rentes fur les Papegaux de Bretagne ,
qui feront employées au foutien des Colléges de
cette Province , & de la Terre de Bonnes , fur laquelle
Sa Majelté expliquera fes intentions. Comme
les revenus de ce Collége ne pourroient ſuffire
aux dépenfes néceffaires pour l'éducation &
l'entretien defdits deux cens cinquante Eléves
Gentilshommes , ce qui y manquera fera fuppléé
annuellement fur les revenus de l'Hôtel de l'Ecole
Royale Militaire , fur lefquels il fera auffi
pourvu aux frais nécellaires pour l'ameublemeut
dudit College & pour le premier établiſſement
defdics Eléves. Le College Royal de la Flêche
jouira de toutes les franchiſes , exemptions & immunités
accordées par Sa Majefté à l'Hôtel de
l'Ecole Royale Militaire. Il continuera d'être régi
en la forme portée par l'Edit du mois de Février
1763 jufqu'au premier Octobre prochain. Les
mêmes Lettres Patentes contiennent différentes
difpofitions fur le choix & les appointemens du
Principal , du Sous- Principal , des Profeffeurs ,
Régens , &c . ainfi que des Eccléfiaftiques qui feront
attachés à la Chapelle : elles portent auffi
plufieurs réglemens pour l'adminiſtration des
biens & revenus du Collège.
Il paroît une Ordonnance du Roi , datée du 10
Février dernier , fuivant laquelle chacun des trois
Régimens de Huffards de Berchény , de Chamborant
& de Royal- Naſſau , actuellement compofés
de douze Compagnies de vingt- neuf hommes
, fera réduit huit Compagnies de vingtcing
hommes , dont fera auffi compofé le qua
triéme Régiment que Sa Majefté à réfolu de
190 MERCURE DE FRANCE .
former , & dont elle a donné le Commandement
au freur d'Efterhafy en qualité de Meſtrede
Camp. Tous les Officiers & Huffards excédens
feront Licenciés : les Capitaines réformés
jouiront de 800 liv. en appointement de réforme,
les Lieutenans de soo liv. & les Sous-Lieutenans
de 400 liv. chacun des Huffards Licenciés retournera
chez lui avec fon habit uniforme , &
un bonnet , & il lui fera donné deux fols par
lieue pour s'y rendre. La même Ordonnance
fixe les divers arrangemens à prendre pour parvenir
à la nouvelle compofition du Régiment
d'Ellerhafy , & en régle l'uniforme.
On mande de Franche -Comté , que la Ville de
Luxeul a pris la réſolution de rétablir les bains
d'eau chaude qui étoient prèfque tombés en ruine:
le fieur de Lacorée , Intendant de la Province
, a fait drefler pour cet objet le plan d'un
bâtiment vafte & commode dont la première
pierre a été polée , avec un grand appareil , le
S de ce mois , par les Officiers du Magiftrat, le
Maire de la Ville étant à leur tête & portant un
rablier de Maçon -garni de rubans . Les bains de
Lexeu font très-anciens & ont été très renommés
; mais depuis Jules Célar en avoit fait réparer
le bâtiment , on avoit négligé de l'entretenir.
Les Prêtres de la Doctrine Chrétienne ont tenu ,
le 30 du mois dernier , dans leur Maiſon de S.
Charles une Aflemblée générale, dans laquelle ils
ont élu pour Supérieur Général de leur Congrégation
le Père Jean -Augufte- Louis Chaftener de
Puységur .
Le quarante & uniéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel -de - Ville s'eft fait , le 24 du mois dernier
, en la manière accoutumée. Le Lot de cinJUILLET.
1764. 191
quante mille livres eft échu au Numéro 76'41 ;
celui de vingt mille livres au Numéro 68786 ;
& les deux de dix mille livres aux Numéros
63983 & 71603 .
Les de ce mois , on a tiré la Loterie de l'Ecole
Royale Militaire . Les Numéros fortis de la roue
de fortune font 53 , 90 , 48,73 , 65 .
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Résumé : De PARIS, le 8 Juin 1764.
Le 8 juin 1764, le roi de France a créé une École Militaire pour former cinq cents gentilshommes à l'art des armes. Reconnaissant l'importance d'une éducation polyvalente, le roi a décidé que les élèves de cette école devraient d'abord suivre des études publiques destinées à préparer diverses professions. Pour cela, il a choisi le Collège de la Flèche, renommé pour ses bâtiments, son établissement noble et ses grands biens. Par des Lettres Patentes du 7 avril 1764, le Collège Royal de la Flèche a été désigné pour l'éducation de deux cent cinquante enfants de gentilshommes du royaume. Ces enfants seront nommés par le roi sur présentation du Secrétaire d'État de la Guerre et de la Marine et pourront être admis entre huit et treize ans. Ils devront avoir effectué leurs études au Collège Royal de la Flèche pour être admis à l'École Royale Militaire. Le collège sera administré par un bureau composé de l'évêque diocésain, du lieutenant-général, du procureur du roi, de deux notables choisis par le roi, du maire de la ville et du principal du collège. Un inspecteur sera chargé de surveiller les mœurs, le caractère et les talents des élèves. Le collège sera desservi par des personnes ecclésiastiques ou séculières, incluant un principal, un sous-principal, des professeurs de philosophie et de rhétorique, et des régents pour les différentes classes. Les biens du collège seront conservés, et les revenus nécessaires pour l'éducation et l'entretien des élèves seront complétés par les revenus de l'Hôtel de l'École Royale Militaire. Le collège jouira des mêmes franchises et exemptions que l'École Royale Militaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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