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p. 106-156
NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
Début :
Nous avons démontré dans les Traitez précedens, comment la Baze [...]
Mots clefs :
Lunettes, Rayon, Optique, Image, Verres, Construction, Télescopes, Radiation, Rétine, Diaphragme, Objectifs, Clarté, Binocles, Savant, Définition, Avantages, Auteur, Livres, Instruments, Vision, Microscope, Yeux, Soleil, Astres, Physique, Observation, Expérience, Roi de France, D. Chorez
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texteReconnaissance textuelle : NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
NEUVIE' ME PARTIE
DU TRAITE
DES LUNETES,
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE
Par M² Comiers , d'Ambrun, Profeffeur
des Mathematiques à Paris.
NOU
Ous avons demontré dans
lesTraitez précedens, comment
la Baze du cone des rayons
de la Radiation particuliere émanée
de chaque point de l'objet,
eftant entrée dans l'oeil par l'ouverture
de la prunelle , & penétré
jufques fur l'humeur Chriftallin :
du Mercure Galant. 107
qui eft convexe des deux coftez,
les rayons de la Radiation de
chaque point de l'objet , forment
, par la réfraction qu'ils
fouffrent en penétrant le Criftallin
, leur cone renverfé , ou
pinceau optique , la pointe du
quel fe terminant fur la Retine ,,
y forme l'image de fon point de
L'objet , & tous ces pinceaux optiques
, dont le nombre eft égal
au nombre des points vifibles de
la furface de l'objet , y forment
l'image entiere de l'objet , mais .
renverfée .
Nous avons demontré l'effet :
des verres des Bezicles , tant conconcaves
pour l'ufage des Miopes
ou courtes veues qui ne peuvent
voir diftinctement que des
objets fort proches , que des con108
Extraordinaire
vexes , pour l'ufage des Presbi
tes , Vieillards , & autres qui ont
la veuë longue , & ne peuvent
voir bien diftinctement que les
objets notablement éloignez .
Nous avons donné la Con
ftruction de toutes les efpeces de
Teleſcopes ou Lunetes de longue
veuë , & tout ce qui les concerne.
Nous avons demontré. que leur
effet confifte à faire voir les ob
jets qui font tres éloignez comme
ils feroient veus eſtant à la portée
de la veuë naturelle , c'eft
à dire que par la veuë artificielle
que produifent les Lunetes , lesobjets
nous doivent paroistre fort
grands , fort diftinctement , &
bien éclairez .
Nous avons démontré que
L'augmentation de l'image arti
du Mercure Galant. 109
Acielle de l'objet , formée fur la
Retine par le moyen des verres
qui compofent la Lunete , procede
de ce que les deux axes des
deux cones des radiations émanées
des deux points extrémes
du diamétre de l'objet , fe croifent
beaucoup plûtoft au derriere
de l'humeur criſtallin , & forment
un plus grand angle ; & que ce
point d'interfection eftant plus
éloigné de la Retine , y forme
par conféquent une plus grande
baze ou peinture du diamétre de
l'objet.
Nous avons demontré que la
vifion diftincte qui eft la perception
diſtincte de cette image de
l'objet peinte fur la Retine , dépend
de la diftinction de cette
image artificicielle , & qu'elle
ILO Extraordinaire
dépend de la bonté de la matiere
des verres , & de la bonté
de leur travail , de leur jufte ouverture
, de leur proportion mutuelle
, de leur pofition bien pa-.
ralle & centrale , & en deuë diftance
dans un tuyau tres - large ,
noircy mat en dedans , & garny
de plufieurs diafragmes de metme.
J'ay dit que l'apparence di- .
ftincte de l'objet dépend de la
proportion du Verre Objectif au
Verre Oculaire , car fi la raifon
de l'objectif à fon oculaire eft
trop grande , l'apparence artificielle
de l'objet augmentée exceffivement,
ne peut eftre diftinte
, par ce que les rayons de
l'image aërienne de l'objet qui fe
forme renversée dans le Tuyau
tombant trop inclinez fur les
du Mercure Galant. I
bords de l'oculaire trop convexe,
leur refraction ne peut eftre réguliere,
c'eft pourquoy ces rayons
femeflant fur la Retine avec ceux
des autres points de l'objet , y
rendent l'image confuſe, & paroît
colorée ; & en outre , à moins
que l'objet ne foit lumineux ou
fortement éclairé , l'apparence
ne peut eſtre bien claire ; car la
même quantité de rayons de la
radiation de chaque point de
l'objet ne fuffit pas pour peindre
fortement une fi grande image.
Enfin nous avons demontré,
que la clarté de l'apparence de
l'objet dépend de l'ouverture du
verre objectif , qui eft de beaucoup
plus grande que l'ouverture
de la prunelle de l'oeil , ainfi
l'ouverture du verre objectif reIT2
Extraordinaire
cevant plus grande quantité de
rayons de chaque point de l'ob.
jet , & les refferrant par les loix
de la Refraction en les rendant
convergens , en fait entrer autant
de fois plus dans l'oeil, que l'ouverture
du verre objectif contient
de fois l'ouverture de la
prunelle , qui n'a ordinairement
que 3 lignes de diamètre ; & vous
fçavez par la Propofition 2. du
XII. Livre d'Euclide , que les
Cercles font entr'eux en mefme
raifon que les Quarrez de leurs
Diamétres. C'est pourquoy connoiffant
le diamètre de l'ouver
ture du verre objectif , il eft fa.
cile d'en faire le Calcul. Il nous
refte à traiter
du Mercure Galant.
DES BINOCLES
Telescopiques, leur Ancienneté,
& leur facile Conftruction.
Da tout temps on a efté per
fuadé
par raifon
& par
experience
, que
la viſion
d'un
objet
veu
en melme
temps
par
les deux
yeux
également
bien
conformez
,
eft
beaucoup
plus
forte
que
lors
que
l'objet
n'eft
veu
que
d'un
oeil , & on voit
en mefme
temps
des
deux
yeux
parfaitement
&
diftinctement
un objet
à la portée
de la
veüe
, lors
que
les
deux
axes
concourent
en un feul
point
de
l'objet
.
-
Il y a fix cens ans que le fçavant
Arabe ALHAZEN , c'eft¹à¹
dire Bon Homme , en parloit dans »
Q. deJanvier 1685. K.
114
Extraordinaire
fon Tréfor Optique , imprimé à
Bafle en l'année 1572. Le 2. Cha
pitre du troifiéme Livre page 76 .
num . 2. porte ce Titre , Axes Pyramidum
Opticarum utriufque vifus,
per centrumforaminis vue a tranfeuntes
in uno vifibili puncto femper
concurrunt , & c. Le Numero 10 .
page 80. a pour Titre , Concurfus
Axium Opticorum in Axe communi
facit vifionem certiffimam : extrà,
tanto certiorem , quantò Axi propinquior
fuerit. Enfin le Numero 15.
page 85. a pour Titre , vifibile in
Axium Opticorum.concurfu certiffimè
videtur , extrà tantò certius , quantò
concurfui fuerit propinquius.
Vitellon Thuringo - Polonus, qui
vivoit en l'année 12.69 .. dans fon
Livre d'Optique , imprimé à Bafle
en l'année 1572. au livre troifiéme
du Mercure Galant. is
Numero 32. page 100. a pour titre,
Neceffe eft Axes Pyramidum vifualum
amborum vifuum tranfeuntes
per centra foraminum vuea , femper
conjungi in une puncto fuperficiei
rei vifa . Le docte & R. P. Miller
Dechales,dansle deuxièmeTome
de fon Mundus Mathematicus , imprimé
à Lyon en l'année 1674.
dans la page 381. en la 30. Propofition
, avoit demontré que
Axes Optici concurrunt in unum
#demque objectum' ; & dans la Propofition
40. que Duo oculi commuiter
melius vident , quam unus
tantùm.
3
La demangeaifon d'écrire , &
de paroiftre fçavant , fit qu'en
l'année 1678. un grand Perfon.
nage croyant les Livres d'Albazen
& de Vitellon perdus , en voulut
Kij
116 Extraordinaire
publier quelque chofe comme du
fien , & pour nouveau , dans un
Livre tres bien imprimé , & qui
a pour titre , De Vifione Perfecta,
Live de amborum Vifionis Axium
Concurfu in eodem objecti puncto.
jvce
Puis que communement la vie.
naturelle d'un objet eft plus forte
eftant regardé des deux yeux , la
veüe artificielle d'un objet veu
des deux yeux à travers des Binocles
, fera auffi plus forte
que les Bezicles , qui font les fimples
Binocles qu'on met für le
nez , ont fait voir par expérience
depuis l'année 1285. qu'ils furent
inventez , comme j'ay demontré
dans la 247. page du XIX . Tome
du Mercure Etraordinaire..
du Mercure Galant. 117
Definition du Binocle Telesco
pique , ou de longue veie.
L
E Binocle Telescopique eft
ane cfpece de Bezicles compoice
de deux Lunetes de lomgue
veüe , d'égale force ou puiffance
, c'est à dire de dix pieds
au plus de Foyer Solaire , & de
mefme genre , car bien que les
deux verres objectifs foient de
melme longueur de Foyer , de
mefme matiere & bonté de tra
vail , fi le verre oculaire de l'une
des deux Luncres eftoit concave,
& l'oculaire de l'autre Lunete
eftoit convexe , on verroit l'objet
double , car la Lunete à oculaire
concave le feroit paroiftre en fa
firuation naturelle , & la Lunete
118 Extraordinaire
à oculaire convexe le feroit paroiftre
renverfé .
Ces deux Lunetes de meſme
genre & mefme proportion des
objectifs à leurs oculaires , doivent
eftre affemblées dans un
Tuyau ou Etuy parallelipipede
rectangle , en forte que deuxrayons
partant d'un mefme point
de l'objet , tombent perpendicu
lairement fur le centre des verres
, afin qu'ils les penétrent,,
comme auffi la prunelle & Phumeur
criftallin des deux yeux du
Regardant, & arivent fur lesReti
nes fans avoir fouffert aucune rerefraction
. Ainfi ces deux rayons
formeront un triangle Ifofcelle ,
dont la Baze eft la diftance comprife
entre les centres des deux
prunelles , & le fommet du triandu
Mercure Galant.
119 :
gle eft au point principal de l'objet
veu par le Binocle .
L'Autheur de fes Vifions Par-.
faites m'accufe de n'avoir pas fceu
definir le Binocle dans le Journal
des Sçavans du Lundy 20. Decembre
1677. & dit en parlant
Phoebus dans la 397. page de fa
Csntiquité des Corps , de l'année
1679. que Le Binocle est un affem .
blage de deux Oculaires Dioptriques
de mefme cfpece & d'égale puiffance,
MONTEZ SUR L'ANGLE DES
DEUX AXES DE LA VISION.
La Nature a fourny elle -mefme
des Binocles naturels aux Limaçons
& aux Ecreviffes de mer.
Petrus Berellus , dans la feconde
Partie de fon Livre De vero Telefcopii
inventore , imprimé à la
Haye en l'an 1655. apres avoir
120 Extraordinaire
enfeigné dans la page 22. l'oculin
Aftropicus Binoculis , &c. & dans
la page 23. De confectione Tubi Binoculi
, a donné dans la troifiéme
Partie de fon Livre , en la XC .
Obfervation Microfcopique De
Limacibus , la defcription des Binocles
naturels . Voicy fes termes,
Dentes acerrimos non folùm in Li
macibus effe ; fed quod mirum esty
& nullo alio forfan à natura animali
conceffum , oculos habent in cornibus,
& videbis nigrum eorum ab inferiori
cornuum parte , feu à cerebro ad corum
apices afcendere , cùm moveri
cupiunt , & greffum fuum dirigere
quò oculi convertuntur , &c. Cancri
Marini oculos bibent etiam in cornibus
feu tubis quibufdam duris , ubi
forfan codem pacto recurrunt. ·
ĽAvantages
du Mercure Galant. 127
A
L'Avantage des Binocles Telefcopiques
fur les Teleſcopes
Simples , & leur Ancienneté.
T
Out l'avantage qu'on peut
tirer de l'affemblage des
deux Lunetes de mefme efpece,
longueur,force & puiffance , confifte
à faire voir du moins auffi
clairement & fortement les ob .
jets terreftres , qu'avec une feule
Lunete deux fois plus longue.
Daniel Chorez, ce fçavant Dioptricien
Artiſte , en l'année 1625.
dans fon Imprimé in Folio , qui
a pour Titre , Les Admirables Lunetes
d'Approche réduites en petit volume
, avec leur vray usage, & leurs
utilitez préferables aux Grandes , &
le moyen de les ajuster à l'endroit des
2. deJanvier 1685 .
L
122 Extraordinaire
deux yeux , parle en ces termies
dans la 20. ligne . L'expériencefait .
connoiftre qu'on voit beaucoup mieux
avec deux Lunetes qu'avec une , car
les objets paroiffent plus gros & plus
prés. L'Autheur de la Veüe Dif
tincte de 1681. dit dans la page
195. qu'ayant préſenté à M¹ de Monmaur
Maistre des Requeftes , un Exemplaire
du premier Volume de cet Ouvrage,
dans lequelj'ay donné, dit- il ,
l'invention du Binocle , il me dit
quil croyoit en avoir déja quelque.
Ecrit du nommé Chorez . Mais ce
moderne Inventeur des vieux Binocles
, ne voulut pas voir cet
Imprimé , ny le Binocle monté
d'argent , & travaillé par Chorez,
Le R. P. Anthonius - Maria de
Rheita , dans fon Livre in Folio,
intitulé Oculus Enoch & Elia , imdu
Mercure Galant.
123
0,
1-
!
primé dans Anvers en 1645. page
356, au Titre Oculus Aftropicus Binooulus
, dit , Hujus Oculi Enech &
Elia Binoculum Telescopium , quòd
ejus ope admagnalia , etfi remotiffimè
à nobis in Calo elongata , non amplius
femi- caco , fed novo modo ambobus
oculis quafi prafentiafpectanda
inducamur , inflruamurque . Et dans
la page 355. Tali profectò Binoculo
Tubo à nobis confecto, objecta duplo,
triplò , imo quadruplò majora , lucidiora
atque clariora confpeximus,
quàm per Tubum Monoculum ; &
certè nifi ipfimet experti fuiffemus
qua fcribimus , utique fcribere puderet
, qua ad praxim redacta non
fubfifterent.
Le fçavant , curieux & R. P.
Gafpar Schott, dans le premier Tome
de fon Magia Univerfalis Na-
Lij
424
Extraordinaire
A
tura & Artis , imprimé en l'année
1657. fait dans le X. Livre le
Titre du fecond Chapitre en ces
termes , De Teleſcopii Aftronomici,
tam Monoculi , quàm Binoculi , Origine
, ejufque Auctore. Et dans les
pages 494. & 495. parle en ces
termes, Anthonius- Maria de Rheita,
vir aquè Religiofus ac doctus, mihique
familiariter notus , neque Monoculo
Tubo contentus , fed alterumfocium
conjunxit, & quidem feliciffima
aufu , feliciorique fucceffu , ut mecum
fateri coguntur quotquot ejus rei experimentum
fumpferunt. Talis quippe
inter hunc & priorem est differentia,
qualis effe communiterfolet inter Monoculum
& Binoculum hominem . Ex
perimentumfeci in Tubo Binoculo ab
ipfo Auctore elaborato . Et dans la
page 496. vous trouverez ces terdu
Mercure Galant. 125
mes. Foannes Vvifel , Augufta Vindelicorum
inftructus à Reyta , facit
Tubos tam Monoculos quàm Binocu
los . Carle P. de Reyta , ajoûte-t- il ,
non tantùm in ea arte excellit , eamque
fcriptis tradidit , fed alios etiam
inftruxit ; & cùm humaniffimusfit,
fine invidia non paucis fua communicavit.
Le R. P. Millet Dechales , dans
le 2. Tome de fon Mundus Mathematicus
, imprimé à Lyon en l'année
1674 au Theoréme TELESCOPIUM
BINOCULUM , page 672.
parle en ces termes . Mirum est
quantumjuvetur vifio, præcipuè verò
adjudicandum de objects ' Diftantia,
& confequenter de Magnitudine à
geminis oculis...... Fiant igitur duo
Teleſcopia omnimodò fimilia , quæ
conjungantur ita ut fim fibi invicem
Liij
126 Extraordinaire
parallela. Je demontreray ailleurs ,
que les deux Binocles de longue
veuë doivent eftre phyfiquement
paralleles , & qu'il n'y a point
d'Inftrument qui puiffe marquer
la diférence entre la diftance des
centres des deux verres objectifs ,
& celle des centres des deux ver
res oculaires. Expertus fum ( c'eſt
le P. Dechales qui continuë ) in
Telescopio Binoculo duorum pedum,
cerium est , diftinctius incompa
rabiliter& majus , & vicinius apparere
; & quod mirum est , non duo
Telefcopii gemina foramina videban
tur , fed unicum . Il ajoûte encore
ces termes, Pater Reyta infigne Telefcopium
Binoculum circumferebat....
Erat autem decem circiter palmorum
ejus longitudo.... Referunt autem Lunam
hoc tubo in magnitudinem prodigiofam
excreviffe.
du Mercure Galant. 127
la
Nonobftant tous ces authen
tiques témoignages de l'ancienneté
des Binocles , & de la bonté
de ceux du R. P. De Rheyta Capucin
Alleman,un fameuxAdiop .
tricien a dit en l'année 1677. dans
47. page de fa Viſion Parfaite,
que le Pere Rheita fe contentoit de
faire voir avec fon Binocle tellement
quellement des deux yeux quelques
objets du Ciel , comme la Lune , par
une feule inverfion d'efpece . Lemef
me Autheur Ageométre , dans
fon mefme Livre latinifé en l'année
1678. parle en ces termes dans
la 47. page. P. Rheita rudi atque
fine arte mechanica quatuor vitra,
ambo videlicet objectiva ; & ambo
immediata convexa , vel concava,
in ambo tuki oblongi extrema , nullo
abfque regulari horum vitrorum motu
Liiij
#28 Extraordinaire
aut fitu , palpando difponere fuerat
contentus ; qui quali quali modo binis
aculis ( Terreftria , ajoûte- t - il , nequaquam
objecta ) fed Lunam dumtaxat
confpiciendam præberet.
Quand il y auroit quelque
chole de veritable en tant d'Alleguez
de l'Autheur des Viſions ,
& quand mefme le tout feroit.
vray , le P. Rheita auroit du moins
avec fon Binocle fait voir en l'année
1645. la Lune & quelques
autres objets du Ciel quali quali
modo binis oculis . Cela eftant avoué
& reconnu par luy mefme, dans
quel fens en l'année 1679. a t ik
ofé dire dans la 401. page de
fa Contiquité des Corps , Que le
Binocle n'eftoit nullement connu, bien
loin d'eftre en ufage avant l'impref
fron de la Vifion Parfaite de l'année
du Mercure Galant.
129
les
1677.comment a- t-il pû dire dans
pages 190. & 191. defa Vifion
Parfaite de l'année 1681. Quc toutes
les Nations Etrangeres n'ont jamais
pu faire de Binocle, n'y en ayant ,
ajoûte- t - il, jamais paru aucun, jufques
à l'impreffion de mon Livre de
la Vision Parfaite , imprimé en l'année
1677. dans lequel j'en ay donné
l'invention ? Comment a t- il pû
écrire dans la 411. page du même
Livre , les termes fuivants. CHORES
& le P. RHEYTA ont tenté le
Binocle , je n'en fais aucun doute,
mais aucun n'y avoit reüfly avant
moy ; par conféquent aucun n'a inventé
le Binocle avant moy. Pourquoy
avoit-il dit eftre l'Inventeur
de la penfée mefme de faire
des Binocles . Voicy fes propres
termes , dans la premiere page de
130
Extraordinaire
la Préface de fa Vifion Parfaite
de l'année 1677. F'avois dés longtemps
médité & trouvé la maniere
pour diminuer la longueur de l'oculaire
Dioptrique , par NOSTRE
OCULAIRE , qui fait voir l'objet
des deuxyeux conjointement. Eftoitce
avant CHORES qui l'inventa
& pratiqua heureufement , & le
publia en l'année 1625 ; ou avant
le P. RHEITA, qui les fit admi.
rer à tous les Sçavans , & en écrivit
tres doctement en l'année-
1645?
Où trouvera- t-il que la Ma
chine du P. Rheita eftoit une rude-
Mécanique fans art ? Nous demontrerons
le contraire . Com
ment pourra-t-il impofer à dix
mille Curieux ce qu'il dit , que
le Binócle du P. Rheita Terreftria
du Mercure Galant. BI
nequaquam objecta,fed Lunam dumtaxat
confpiciendam
præberet. Puis
que ces mille Curieux ont auffi
veu les objets terreftres avec le
Binocle du P. Rheyta .
Monfieur de Caffini, ce celébre
& heureux Efpion des Aftres , &
l'un des Aſtronomes du Roy , m'a
autrefois affuré , qu'eſtant à Ravenne
en 1657. il avoit veu & admiré
avec le Binocle du P. de
Rheyta , la prunelle de l'oeil d'un
Pigeon qui eftoit fur un Colombier
fort éloigné . Mille bons Religieux
Capucins , dans les Convents
d'Allemagne , d'Italie , de
Paris , & de Lyon , portent fincere
témoignage de la bonté des
Binocles du P. Rheyta , avec lef
quels ils voyent les Objets Terreftres.
F32
Extraordinaire
Monfieur de Regnaud , ce fça
vant Philofophe Mathematicien,
fuffit entre mille autres Perfonnes
de mérite de laVille de Lyon,
pour témoigner qu'au mois dé
Juillet 1654 le R. P. de Rheyta,
Togé au Grand Convent des Capucins,
faifoit voir tres - diftinctement
& lire à tous les Curieux
l'Ecriteau qui eft en Lettres d'or
au Frontispice de l'Eglife S. Nizier.
Mon témoignage feroit fufpect
à l'Autheur des Vifions , puis
que dans les 196. & 198. pages.
de fes Vilions de 1681. il a dit
qu'à préfent je ne puis juger de
la bonté des Binocles , n'ayant
pas les deux yeux également bons
depuis l'année 1666. par l'effer,
comme il avoue dans la Table
des Matieres du mefme Livre aut
du Mercure Galant.
133.
penultiéme article de la Lettre N,
de l'IRA Kabale Toxicantoria. Il
ne laiffe pas de fe fouvenir que
pour corriger & rectifier ſon Teleſgraphe,
Oculus fui Cace , comme
dit Job au chap . XXIX . verf. 15.
Je n'ay pas oublié que toute
l'Italie difoit autrefois , Plus unum
Federicum uno oculo videre , quàm
Cateros omnes Principes duobus. Socios
habeo Horatios , Annibales , Sertorios.
Alii non femper virtatis fue
infignia fecum ferunt , fed haftas,
Torques , Coronas domi relinquunt.
Ego verò rei militaris pro falute Patrie
infummo , & omnibus bonis civilibus
periculo tremendo , infignia
mecum affiduè porto , cofdemque &
virtutis mea& fortuna habcofocios.
Le fameux Autheur Adioptricien
mépriſe à tort le Binocle du
134
Extraordinaire
-
P. Rheyta dans l'endroit fufcotté,
parce que ces deux Lunetes n'étant
compofées chacune que de
deux verres convexes , faifoient
voir les objets du Ciel comme la Lune
par unefeule inverfion d'efpeces puis
que luy mefme dans le mefme
Livre de fes Viſions Parfaites
de 1677 , dit dans la page 140.
Que l'Oculaire de deux convexes
peut fort bien fervir pour l'obferva.
tion des Aftres , eftant indiférent qu'il
les repréfente droits ou renverfez,
puis qu'ils font ronds , avoit - il oublié
ce qu'il avoit appris d'un Aftronome
, & inferé dans fa Dioptrique
de 1671. en la page 284.
L'oculaire duquel on fe fertpour l'obfervation
des Aftres , ne doit eftre
composé que de deux verres feulement.
Je m'étonne bien davandu
Mercure Galant,
135
tage de ce que dans une mefme
page de faViſion Parfaite de 1681.
il fe contrediſe luy- mefme. C'eſt
dans la 23. page . Il dit que l'oculaire
qui doit eftre appliqué aux Inftrumenspour
obferverfimplement les
objets du Ciel, fuffit qu'il foit conftrait
d'un bon objectif & d'un feul
verre immédiat à l'oeil , afin qu'il
venverfe nettement l'efpere, cela eftant
indiferent pour cette forte d'objets,
de la rondeur defquets on obferve,
à ce qu'il dit , feulement le centre,
comme le milieu de l'Aftre. Et en
la marge , il dit, L'Oculaire qui fert
à voir ou regarder lafigure des objets
du Ciel, doit redreffer l'espece par deux
inverfions. Cet Autheur est tout
particulier, il fait marcher enfemble
le ovr & le NON fur un même
fait. Jugez par là de fa grande
capacité dans les chofes difficiles.
136
Extraordinaire
LA FACILE
CONSTRUCTION
DES BINOCLES TELESCOPIQUES
ET MICROSCOPIQUES .
LA
la
'Autheur des Vifions Parfaites
de 1681. pour paffer pour
'Inventeur des Binocles , a voulu
perfuader aux Ouvriers , que
Conftruction des Binocles eftoit
fort miftérieufe . Cependant com.
me la verité échape quelquefois
à ceux qui la veulent étouffer,
on la trouve dans la page 192. en
en ces termes, conformes à ceux
de Chorez de l'année 1625. & du
R. P. De Rheita de l'année 1645-
Pour avoir un Binocle , il ne faut que
deux fimples Lunettes d'approche d'édu
Mercure Galant.
137
gale puissancefeulement, difpoféesfur
quelque plan , pour les appliquer conjointement
chacune à chacun oeil , &
ne voir par les deux enfemble qu'un
meſme objet
Pour mieux expliquer la Conftruction
des Binocles dont cet
Autheur n'a jamais travaillé les
verres , ny formé les Tuyaux ny
leur Etuy , le Sieur Querreau
Marchand Mirotier & Lunetier
luy ayant fait les premiers ; je
dis que la Conſtruction des Binocles
confifte à l'affemblage de
deux Lunetes en tout femblables ,
en forte qu'ayant appliqué les
deux centres des prunelles des
deux yeux tour- contre les centres
des fuperficies desverres oculaires
s'ils font concaves, ou aux centres ⚫
des ouvertures de trois lignes de
2. deJanvier 1685. M.
138 Extraordinaire
"
4 diamétre chacune , que portent
les boëtes de recouvrement des
Oculaires convexes , & lefquelles
ouvertures font un peu moins
éloignées des verres , que n'eſt la
longueur de leur Foyer folaire; en
forte, dis- je, qu'on ne voye qu'une
ouverture des deux tuyaux ,
& que le Soleil ne paroiffe pas
double.
Pour quoy obtenir , il faut que
les centres des ouvertures des
dioptres aufquelles on appliqne
les yeux , foient à la diftance l'un
de l'autre , égale à la diftance des
centres des prunelles , lors que
les yeux font naturellement contournez
pour bien voir le mefme
objet fans Binocle ; or cette diftance
entre les centres des deux
prunelles n'eft pas à tous la mef
du Mercure Galant. 139
me , bien qu'ordinairement pour
voir les objets éloignez , elle foit
d'environ deux pouces & demy.
Il faut encore que les deux :
axes des Lunetes aillent concou
rir en un meſme point de l'objet
, & fi l'objet eft fort éloigné,.
les Lunetes feront toûjours Phi
fiquement paralleles ; ce que je
demontreray geométriquement :
cy- apres par le calcul .
Les deux Lunetes eftant ainfi
affemblées , deux axes ou rayons.
principaux des deux radiations
coniques du mefme point vifible:
de l'objet , chacune defquelles a.
pour baze l'ouverture de l'un des
deux verres objectifs , tomberont
à plomb fur les centres de leurs .
fuperficies ; & paffant auffi per..
pendiculairement par les centress
Mij,
140
Extraordinairede
tous les autres verres qui compofent
les deux Lunettes , comme
auffi par les centres des dioptres.
ou ouvertures rondes qui font au
fonds de chaque boëre de recouvrement
des Oculaires des
deux Lunettes , pafferont auffi
perpendiculairement par les centres
de l'ouverture des deux pru
nelles & de l'humeur criftallin
des deux yeux ; & ainfi fans avoir.
fouffert aucune refraction , ces
deux axes ou rayons principaux :
des deux radiations d'un mefme
point viſible de l'objet , arriveront
au milieu du fonds de la
Retine des deux yeux . Par conféquent
ce point principal de
l'objet eftant peint fur les deux
Retines , & en femblables endroits
, fi les deux yeux font éga
du Mercure Galànt. 140
ment bien conformés , il fera
veu tres - diftinctement ; car comme
dit l'Arabe ALHAZEN au
troifiéme Livre de fon Optique ,
au Titre du Numero 15. page 85
Vifibile in Axium Opticorum concurfu
certiffimè videtur ; extra tantò certius
, quantò concurfui fucrit propinquius.
Car les autres points de
P'objet , par les pointes de leurs
pinceaux optiques renverfez , le
peignent en des femblables lieux
fur les deux Retines , tout- autour
du point principal de l'objet auquel
fe termine & aboutit le con
cours des deux axes optiques, on
ne verra par conféquent qu'un
objet total par le Binocle aini
difpofé , mais eftant veu en même
temps des deux yeux , l'objet
total paroistra beaucoup plus
J
14.2
Extraordinaire
clairement & plus grand , que
lors qu'on ne le regarde que d'un
ocil avec une des deux Lunettes;.
ce que M' Hubin , Emailleur du
Roy , & fi connu de tous les fçavans
Curicux de l'Europe , & par
l'excellence de fes Barométres ,
Poftiches , & par fon adreffe incomparable
, accompagnée de
folides raifonnemens , lors qu'il
montre gratuitement & publi
quement mille expériences qu'il
fait avec la Machine vulgaire
ment appellée du Vüide , pour
demontrer la pefanteur de l'air ,
reconnut d'abord par expérience
au mois de Juin 1681. eftant chez
le S Querreau , le merveilleux
effet du Binocle de fix à fept pou
ces de longueur , que CHOREZ
avoit fait en l'année 1625, monté.
ว
du Mercure Galant. 143
1
en argent . Il appartient à Monfieur
de Monmaur , de qui je
l'avois par emprunt, pour le faire
voir aux Curieux , car M' Hubin
l'ajufta d'abord à la diftance de
fes deux prunelles.
La raifon pour laquelle regar-.
dant des deux yeux un meſme
objet , on n'en voit qu'un , eft
par ce que chaque oeil repréfente
cet objet en un mefme
lieu . Les doctes Anciens ALHA…
ZEN & VITELLON , creurent
que le concours des deux
Nerfs optiques , eftoit le fiege de
la vifion ; mais bien que ces deux
Nerfs s'uniffent , ils ne compo-
#fent pas en tous les Hommes un
mefme Nerf , outre que Aquillonius
affeure avoir connu un
Homme lequel ne s'eftoit jamais
544
Extraordinaire "
plaint de voir les objets doubles,
bien qu'apres fa mort on ait trouvé
que ces deux Nerfs optiques
ne concouroient pas enfemble.
Jay connu particulierement il y a
vingt ans Monfieur le Chevalier
de Freze , prés de Bourbon-
Lanci , à qui , dans fes deux der
nieres années , à l'âge de 48 ans,
ou environ , furvint une maladie
qui le fit voir tous les objets dou
bles, tellement qu'il eftoit obligé,
eftant à pied ou à cheval , de
fermer un des deux yeux.
Dans l'Hiftoire de la Societé
Royale de Londres , établic pour l' Enrichiffement
de la Science naturelle,
écrite en Anglois par Thomas
Sprat , & traduite en François ,
& imprimée à Genéve l'an 1669
dans l'Enumération des Inftru
mens
du Mercure Galand, 145
mens de la Societé , il fait mention
de leur TELESCOPE DOVBLE.
C'eſt dans la page 307.
Voyons maintenant tout le
miftere de la facile Conftruction .
des Binocles, tant Telescopiques
que Microſcopiqués , & commençons
par Daniel Chorez qui les
inventa & exécuta heureuſement
, & les publia en 1625. par
une Feüille imprimée , que j'eus
en 1681. de la liberalité du tout
fçavant Monfieur Juftel , Secretaire
du Roy , fi regretté en
France , & qui voulut bien écrire
de fa main tout au haut, ces termes
, Ex chartis Henrici Fußtelli,
avec fa Paraphe , pour me fervir.
contre l'Autheur de la Vifion
Parfaite de 1681. lequel dans la
page 195. en veritable Habitant
Q. de Janvier 1685. N
146
Extraordinaire
de Candie , que S. Paul dans fon
Epître à Titus, chapitre 1. verf.12.
appelle Cretenfes , femper M. M. B.
V. P. impofant à M' Borely de
l'Académie Royale des Scien
Aces , & à tous les Lecteurs du
Livre de la Vifion Parfaite , y
avoit publié que dans l'Imprimé
de Chores , j'y avois ajoûté une
Dédicatoire au Roy , & que j'en
avois augmenté le Difcours de
plus de la moitié. Voicy donc
la Coppie de l'Original que j'en
eus de M' Juftel , que l'Autheur
des Vifions fut contraint de reconnoiftre
veritable par fa Lettre
de fatisfaction du 11. Juin
1681. imitant en cela Saint Auguftin
, qui au Prologue de fes
Retractations , dit , Si quis dicit,
non ca debuiffe à me dici , qua poftea
DE
LA
NOAT
BLIO
THERE
VILLE
1893
asA
}
7
P
1
2
DC
-E
3
da du Mercure Galant. 147
mihi etiam difplicent , verum dicit
, &c.
LES ADMIRABLES
Lunettes d'approche reduites
en petit Volume , avec leur
vray Ufage & leurs Utilitez
préférables aux grandes , & le
moyen de les accommoder à
l'endroit des deux yeux , ainfi
qu'elles font repreſentées
par les Figures fuivantes. De.
dié au Roy , l'an 1625. Pár
D. CHOREZ.
AU ROY ,
SIRE
.
Ily a prés de cinq ans que j'eus
bonneur de présenter à Voftre Ma-
7
Nij
$48 Extraordinaire
jefté les prémices de mon travail , en
ce qui eft communement appellé Lunettes
d'approche ; & voyant que
Voftre Majesté en avoit fait cas,
encore qu'elles ne fuffent dans la perfection
qu'elles font à present : jay
crú eftre obligé doublement à luy dédier
ce que j'ay depuis obfervé estre
neceffaire pour jour du plaifir que
l'on enpeut recevoir , les ayant mifes
en pratique telles que leurs Figures les
repréfentent cy- deffous. J'efpere que
Voftre Majesté ne dédaignera pas de
voir la preuve de ce qui eft propofe de
leur vray usage , par celuy qui eft ,
Son tres humble , & tresobeïffant
Serviteur &
Sujet, D. CHOREZ .
La Figure eft icy dans l'Imprimé, Original
de Chorez.
du Mercure Galant. 149
1
L
Es Lunettes d'approche
font ainfi appellées à cauſe
de leurs effets , parce que les Objets
veus par icelles paroiffent
fort proches , encore qu'ils foient
fort éloignez . Cela procede de
la forme des Verres , & de leur
netteté & fituation , & de l'éloignement
qui eft entre eux . L'un
d'iceux eft convexe , ou boffu ,
comme il eft figuré fous A. L'autre
en concave, ou creufé, comme
il eft figuré fous B. Le Tuyau
dans lequel font enchaffez ces
Verres , eft fait ordinairement
de deux pieces , dont l'une peut
couler dans l'autre , comme il eft
figuré fous I , afin qu'on le puiffe
alonger ou accourcir autant qu'il
eft befoin pour fervir à diverfe
forte de veuë , & pour voir à di
N iij
Extraordinaire
›
verfes diſtances ; & fon point de
rencontre qui eft marqué fous la
piece de dedans à l'endroit de C,
dénote la longueur qu'il doit
avoir pour ceux qui ont la veuë
ordinaire quand l'Objet qu'il
faut voir eft éloigné plus de cent
pas , foit de mil ou dix mil , ou
cent mil pas & au deffus . Mais
pour voir les Objets proches , il
faut alonger le Tuyau jufqu'à ce
qu'on rencontre la longueur qui
eft requiſe pour y voir le mieux .
Si c'elt pour voir de dix pas loin ,
il faut alonger d'environ l'épaif
feur d'un Tefton ; & pour voir de
fix pas , il faut alonger de l'épaiffeur
de trois Teftons ; & ainfi tant
plus l'Objet eft proche , tant plus
il faut alonger le Tuyau , & ainu
L'Objet apparoift tant plus gros,
du Mercure Galant. isi
4
Comme cela un Ciron apparoift
auffi gros qu'un Pois , en forte
qu'on difcerne fa tefte , fes pieds
& fon poil , chofe qui fembloit
fabuleuse à plufieurs auparavant
l'avoir veuë avec admiration,
quoy que l'experience n'en foit
pas beaucoup difficile à qui en
voudra prendre le loifir. Quant
aux Perfonnes qui ont la veuč
courte de leur naturel , il faut
accourcir le Tuyau jufques à ce
qu'ils rencontrent de quelle lonils
gueur ils
voyent le mieux : Mais
il le faut alonger pour ceux qui
ont des tayes aux yeux , ou quelque
autre accident , ou qui font
à l'extréme vieilleffe , & obſerver
de quelle longueur il leur faut
pour leur ufage. Si on veut lirede
loin à la clarté de la Chandelle,
N iiij
152
Extraordinaire
il faut que la Chandelle foit le
plus prés qu'on peut de ce qu'on
veut lire , & fi la Lunette eft pofée
fixement , on voit bien mieux
que quand on la tient à la main,
à caufe qu'il y a toûjours du
tremblement. Les plus grandes
Lunettes font voir les Objets plus
gros que ne font les petites
( moyennant qu'elles foient faites
avec la perfection requiſe ; ) &
partant on voit plus loin par la
premiere 1. que par la feconde 2.
& encore moins par la troifiéme
3. Mais les plus petites font voirplus
large efpace que les grandes,
& l'objet qu'on defire voir eft
plus aifé à trouver par les petites
que par les grandes , qui eft une
utilité préferée , au moins par
ceux qui font incommodez de la
du Mercure Galant.
153
veuë , & qui ne fe foucient pas
tant de voir fort loin , que d'eftre
foulagez pour voir moyennement
loin.
L'experience fait connoiftre
qu'on voit beaucoup mieux avec
deux Lunettes , qu'avec une ; car
les Objets paroiflent plus gros &
plus prés . La quatriéme Figure
quieft marquée 4. montre comme
l'on les peut accommoder à
l'endroit des deux yeux , les faifant
pafferau travers d'une Lame
de métail , ou autre matiere reprefentée
par L, dans laquelle eft
renfermée la petite Platine P,
qui fert à porter la Lunette M ,
qui eft mobile , pour la pouvoir
approcher ou éloigner de la Lu
nette F , qui eft fixe , par le moyen
de la Vis D , qui eft retenue en
154
Extraordinaire
ladite Platine. Ces deux Lunettes
doivent eftre paralleles entr'elles
pour un Objet éloigné de plus de
cent pas, tant loin puiffe - t - il étre;
mais pour voir un Objet proche ,
elles doivent faire angle à iceluy
Objet , dont la baze eſt l'eſpace
qui eft entre les deux yeux de
celuy qui le regarde.par icelles.
Si elles ne font bien accommodées
, on voit deux objets pour
un , mais cela ne fait pas de beau.
coup fibien qu'il doit ; partant if
y faut remedier , foit en dégauchiffant
les Tuyaux , ou en les
approchant ou éloignant l'un de
l'autre,ainfi qu'il eft requis . Toutes
les Operations précedentes fe
font plus aifément quand les Lu.
nettes font arreftées fermement
droit aux Objets qu'on voit ; c'eft.
j
1
du Mercure Galant.
ISS
pourquoy j'ay préſenté le moyen
de les planter fur un Bâton , ou
autre chofe propre à les foûtenir
par le moyen des Vis G & H, qui
portent Charniere , ou petite
Boule enchaffée & mobile , pour
porter lefdites Lunettes , de forte
qu'on les puiffe incliner où il fera
requis. Mais il faut obferver foigneufement
de tenir les Verres les
plus nets qu'il eft poffible ; & fi
on les a touchez du doigt , ou
pouffé l'haleine deffus , on les doit
effuyer avec un linge blanc & net;
& fi on les ofte du Tuyau , il faut
remettre le cofté convexe du
grand Verre en dehors, car autrement
il faudroit alonger le Tuyau
de l'épaiffeur dudit Verre , outre
fon point marqué en C. Il n'importe
pas tant du petit , car la re156
Extraordinaire
fraction fe fait à fort peu prés du
milieu , encore qu'il ne foit creux
que d'un cofté , lequel on doit
mettre dehors.
Lefdites Lunettes , avec leur vray
Ufage & Figures, fe vendent chez l'Autheur
, à Paris , en l'Ifle Noftre- Dame,
à l'Enfeigne du Compas .
On donnera la fuite du Traité des
Lunctes, dans les Extraordinairesfuivans
du Mercure Galant.
DU TRAITE
DES LUNETES,
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE
Par M² Comiers , d'Ambrun, Profeffeur
des Mathematiques à Paris.
NOU
Ous avons demontré dans
lesTraitez précedens, comment
la Baze du cone des rayons
de la Radiation particuliere émanée
de chaque point de l'objet,
eftant entrée dans l'oeil par l'ouverture
de la prunelle , & penétré
jufques fur l'humeur Chriftallin :
du Mercure Galant. 107
qui eft convexe des deux coftez,
les rayons de la Radiation de
chaque point de l'objet , forment
, par la réfraction qu'ils
fouffrent en penétrant le Criftallin
, leur cone renverfé , ou
pinceau optique , la pointe du
quel fe terminant fur la Retine ,,
y forme l'image de fon point de
L'objet , & tous ces pinceaux optiques
, dont le nombre eft égal
au nombre des points vifibles de
la furface de l'objet , y forment
l'image entiere de l'objet , mais .
renverfée .
Nous avons demontré l'effet :
des verres des Bezicles , tant conconcaves
pour l'ufage des Miopes
ou courtes veues qui ne peuvent
voir diftinctement que des
objets fort proches , que des con108
Extraordinaire
vexes , pour l'ufage des Presbi
tes , Vieillards , & autres qui ont
la veuë longue , & ne peuvent
voir bien diftinctement que les
objets notablement éloignez .
Nous avons donné la Con
ftruction de toutes les efpeces de
Teleſcopes ou Lunetes de longue
veuë , & tout ce qui les concerne.
Nous avons demontré. que leur
effet confifte à faire voir les ob
jets qui font tres éloignez comme
ils feroient veus eſtant à la portée
de la veuë naturelle , c'eft
à dire que par la veuë artificielle
que produifent les Lunetes , lesobjets
nous doivent paroistre fort
grands , fort diftinctement , &
bien éclairez .
Nous avons démontré que
L'augmentation de l'image arti
du Mercure Galant. 109
Acielle de l'objet , formée fur la
Retine par le moyen des verres
qui compofent la Lunete , procede
de ce que les deux axes des
deux cones des radiations émanées
des deux points extrémes
du diamétre de l'objet , fe croifent
beaucoup plûtoft au derriere
de l'humeur criſtallin , & forment
un plus grand angle ; & que ce
point d'interfection eftant plus
éloigné de la Retine , y forme
par conféquent une plus grande
baze ou peinture du diamétre de
l'objet.
Nous avons demontré que la
vifion diftincte qui eft la perception
diſtincte de cette image de
l'objet peinte fur la Retine , dépend
de la diftinction de cette
image artificicielle , & qu'elle
ILO Extraordinaire
dépend de la bonté de la matiere
des verres , & de la bonté
de leur travail , de leur jufte ouverture
, de leur proportion mutuelle
, de leur pofition bien pa-.
ralle & centrale , & en deuë diftance
dans un tuyau tres - large ,
noircy mat en dedans , & garny
de plufieurs diafragmes de metme.
J'ay dit que l'apparence di- .
ftincte de l'objet dépend de la
proportion du Verre Objectif au
Verre Oculaire , car fi la raifon
de l'objectif à fon oculaire eft
trop grande , l'apparence artificielle
de l'objet augmentée exceffivement,
ne peut eftre diftinte
, par ce que les rayons de
l'image aërienne de l'objet qui fe
forme renversée dans le Tuyau
tombant trop inclinez fur les
du Mercure Galant. I
bords de l'oculaire trop convexe,
leur refraction ne peut eftre réguliere,
c'eft pourquoy ces rayons
femeflant fur la Retine avec ceux
des autres points de l'objet , y
rendent l'image confuſe, & paroît
colorée ; & en outre , à moins
que l'objet ne foit lumineux ou
fortement éclairé , l'apparence
ne peut eſtre bien claire ; car la
même quantité de rayons de la
radiation de chaque point de
l'objet ne fuffit pas pour peindre
fortement une fi grande image.
Enfin nous avons demontré,
que la clarté de l'apparence de
l'objet dépend de l'ouverture du
verre objectif , qui eft de beaucoup
plus grande que l'ouverture
de la prunelle de l'oeil , ainfi
l'ouverture du verre objectif reIT2
Extraordinaire
cevant plus grande quantité de
rayons de chaque point de l'ob.
jet , & les refferrant par les loix
de la Refraction en les rendant
convergens , en fait entrer autant
de fois plus dans l'oeil, que l'ouverture
du verre objectif contient
de fois l'ouverture de la
prunelle , qui n'a ordinairement
que 3 lignes de diamètre ; & vous
fçavez par la Propofition 2. du
XII. Livre d'Euclide , que les
Cercles font entr'eux en mefme
raifon que les Quarrez de leurs
Diamétres. C'est pourquoy connoiffant
le diamètre de l'ouver
ture du verre objectif , il eft fa.
cile d'en faire le Calcul. Il nous
refte à traiter
du Mercure Galant.
DES BINOCLES
Telescopiques, leur Ancienneté,
& leur facile Conftruction.
Da tout temps on a efté per
fuadé
par raifon
& par
experience
, que
la viſion
d'un
objet
veu
en melme
temps
par
les deux
yeux
également
bien
conformez
,
eft
beaucoup
plus
forte
que
lors
que
l'objet
n'eft
veu
que
d'un
oeil , & on voit
en mefme
temps
des
deux
yeux
parfaitement
&
diftinctement
un objet
à la portée
de la
veüe
, lors
que
les
deux
axes
concourent
en un feul
point
de
l'objet
.
-
Il y a fix cens ans que le fçavant
Arabe ALHAZEN , c'eft¹à¹
dire Bon Homme , en parloit dans »
Q. deJanvier 1685. K.
114
Extraordinaire
fon Tréfor Optique , imprimé à
Bafle en l'année 1572. Le 2. Cha
pitre du troifiéme Livre page 76 .
num . 2. porte ce Titre , Axes Pyramidum
Opticarum utriufque vifus,
per centrumforaminis vue a tranfeuntes
in uno vifibili puncto femper
concurrunt , & c. Le Numero 10 .
page 80. a pour Titre , Concurfus
Axium Opticorum in Axe communi
facit vifionem certiffimam : extrà,
tanto certiorem , quantò Axi propinquior
fuerit. Enfin le Numero 15.
page 85. a pour Titre , vifibile in
Axium Opticorum.concurfu certiffimè
videtur , extrà tantò certius , quantò
concurfui fuerit propinquius.
Vitellon Thuringo - Polonus, qui
vivoit en l'année 12.69 .. dans fon
Livre d'Optique , imprimé à Bafle
en l'année 1572. au livre troifiéme
du Mercure Galant. is
Numero 32. page 100. a pour titre,
Neceffe eft Axes Pyramidum vifualum
amborum vifuum tranfeuntes
per centra foraminum vuea , femper
conjungi in une puncto fuperficiei
rei vifa . Le docte & R. P. Miller
Dechales,dansle deuxièmeTome
de fon Mundus Mathematicus , imprimé
à Lyon en l'année 1674.
dans la page 381. en la 30. Propofition
, avoit demontré que
Axes Optici concurrunt in unum
#demque objectum' ; & dans la Propofition
40. que Duo oculi commuiter
melius vident , quam unus
tantùm.
3
La demangeaifon d'écrire , &
de paroiftre fçavant , fit qu'en
l'année 1678. un grand Perfon.
nage croyant les Livres d'Albazen
& de Vitellon perdus , en voulut
Kij
116 Extraordinaire
publier quelque chofe comme du
fien , & pour nouveau , dans un
Livre tres bien imprimé , & qui
a pour titre , De Vifione Perfecta,
Live de amborum Vifionis Axium
Concurfu in eodem objecti puncto.
jvce
Puis que communement la vie.
naturelle d'un objet eft plus forte
eftant regardé des deux yeux , la
veüe artificielle d'un objet veu
des deux yeux à travers des Binocles
, fera auffi plus forte
que les Bezicles , qui font les fimples
Binocles qu'on met für le
nez , ont fait voir par expérience
depuis l'année 1285. qu'ils furent
inventez , comme j'ay demontré
dans la 247. page du XIX . Tome
du Mercure Etraordinaire..
du Mercure Galant. 117
Definition du Binocle Telesco
pique , ou de longue veie.
L
E Binocle Telescopique eft
ane cfpece de Bezicles compoice
de deux Lunetes de lomgue
veüe , d'égale force ou puiffance
, c'est à dire de dix pieds
au plus de Foyer Solaire , & de
mefme genre , car bien que les
deux verres objectifs foient de
melme longueur de Foyer , de
mefme matiere & bonté de tra
vail , fi le verre oculaire de l'une
des deux Luncres eftoit concave,
& l'oculaire de l'autre Lunete
eftoit convexe , on verroit l'objet
double , car la Lunete à oculaire
concave le feroit paroiftre en fa
firuation naturelle , & la Lunete
118 Extraordinaire
à oculaire convexe le feroit paroiftre
renverfé .
Ces deux Lunetes de meſme
genre & mefme proportion des
objectifs à leurs oculaires , doivent
eftre affemblées dans un
Tuyau ou Etuy parallelipipede
rectangle , en forte que deuxrayons
partant d'un mefme point
de l'objet , tombent perpendicu
lairement fur le centre des verres
, afin qu'ils les penétrent,,
comme auffi la prunelle & Phumeur
criftallin des deux yeux du
Regardant, & arivent fur lesReti
nes fans avoir fouffert aucune rerefraction
. Ainfi ces deux rayons
formeront un triangle Ifofcelle ,
dont la Baze eft la diftance comprife
entre les centres des deux
prunelles , & le fommet du triandu
Mercure Galant.
119 :
gle eft au point principal de l'objet
veu par le Binocle .
L'Autheur de fes Vifions Par-.
faites m'accufe de n'avoir pas fceu
definir le Binocle dans le Journal
des Sçavans du Lundy 20. Decembre
1677. & dit en parlant
Phoebus dans la 397. page de fa
Csntiquité des Corps , de l'année
1679. que Le Binocle est un affem .
blage de deux Oculaires Dioptriques
de mefme cfpece & d'égale puiffance,
MONTEZ SUR L'ANGLE DES
DEUX AXES DE LA VISION.
La Nature a fourny elle -mefme
des Binocles naturels aux Limaçons
& aux Ecreviffes de mer.
Petrus Berellus , dans la feconde
Partie de fon Livre De vero Telefcopii
inventore , imprimé à la
Haye en l'an 1655. apres avoir
120 Extraordinaire
enfeigné dans la page 22. l'oculin
Aftropicus Binoculis , &c. & dans
la page 23. De confectione Tubi Binoculi
, a donné dans la troifiéme
Partie de fon Livre , en la XC .
Obfervation Microfcopique De
Limacibus , la defcription des Binocles
naturels . Voicy fes termes,
Dentes acerrimos non folùm in Li
macibus effe ; fed quod mirum esty
& nullo alio forfan à natura animali
conceffum , oculos habent in cornibus,
& videbis nigrum eorum ab inferiori
cornuum parte , feu à cerebro ad corum
apices afcendere , cùm moveri
cupiunt , & greffum fuum dirigere
quò oculi convertuntur , &c. Cancri
Marini oculos bibent etiam in cornibus
feu tubis quibufdam duris , ubi
forfan codem pacto recurrunt. ·
ĽAvantages
du Mercure Galant. 127
A
L'Avantage des Binocles Telefcopiques
fur les Teleſcopes
Simples , & leur Ancienneté.
T
Out l'avantage qu'on peut
tirer de l'affemblage des
deux Lunetes de mefme efpece,
longueur,force & puiffance , confifte
à faire voir du moins auffi
clairement & fortement les ob .
jets terreftres , qu'avec une feule
Lunete deux fois plus longue.
Daniel Chorez, ce fçavant Dioptricien
Artiſte , en l'année 1625.
dans fon Imprimé in Folio , qui
a pour Titre , Les Admirables Lunetes
d'Approche réduites en petit volume
, avec leur vray usage, & leurs
utilitez préferables aux Grandes , &
le moyen de les ajuster à l'endroit des
2. deJanvier 1685 .
L
122 Extraordinaire
deux yeux , parle en ces termies
dans la 20. ligne . L'expériencefait .
connoiftre qu'on voit beaucoup mieux
avec deux Lunetes qu'avec une , car
les objets paroiffent plus gros & plus
prés. L'Autheur de la Veüe Dif
tincte de 1681. dit dans la page
195. qu'ayant préſenté à M¹ de Monmaur
Maistre des Requeftes , un Exemplaire
du premier Volume de cet Ouvrage,
dans lequelj'ay donné, dit- il ,
l'invention du Binocle , il me dit
quil croyoit en avoir déja quelque.
Ecrit du nommé Chorez . Mais ce
moderne Inventeur des vieux Binocles
, ne voulut pas voir cet
Imprimé , ny le Binocle monté
d'argent , & travaillé par Chorez,
Le R. P. Anthonius - Maria de
Rheita , dans fon Livre in Folio,
intitulé Oculus Enoch & Elia , imdu
Mercure Galant.
123
0,
1-
!
primé dans Anvers en 1645. page
356, au Titre Oculus Aftropicus Binooulus
, dit , Hujus Oculi Enech &
Elia Binoculum Telescopium , quòd
ejus ope admagnalia , etfi remotiffimè
à nobis in Calo elongata , non amplius
femi- caco , fed novo modo ambobus
oculis quafi prafentiafpectanda
inducamur , inflruamurque . Et dans
la page 355. Tali profectò Binoculo
Tubo à nobis confecto, objecta duplo,
triplò , imo quadruplò majora , lucidiora
atque clariora confpeximus,
quàm per Tubum Monoculum ; &
certè nifi ipfimet experti fuiffemus
qua fcribimus , utique fcribere puderet
, qua ad praxim redacta non
fubfifterent.
Le fçavant , curieux & R. P.
Gafpar Schott, dans le premier Tome
de fon Magia Univerfalis Na-
Lij
424
Extraordinaire
A
tura & Artis , imprimé en l'année
1657. fait dans le X. Livre le
Titre du fecond Chapitre en ces
termes , De Teleſcopii Aftronomici,
tam Monoculi , quàm Binoculi , Origine
, ejufque Auctore. Et dans les
pages 494. & 495. parle en ces
termes, Anthonius- Maria de Rheita,
vir aquè Religiofus ac doctus, mihique
familiariter notus , neque Monoculo
Tubo contentus , fed alterumfocium
conjunxit, & quidem feliciffima
aufu , feliciorique fucceffu , ut mecum
fateri coguntur quotquot ejus rei experimentum
fumpferunt. Talis quippe
inter hunc & priorem est differentia,
qualis effe communiterfolet inter Monoculum
& Binoculum hominem . Ex
perimentumfeci in Tubo Binoculo ab
ipfo Auctore elaborato . Et dans la
page 496. vous trouverez ces terdu
Mercure Galant. 125
mes. Foannes Vvifel , Augufta Vindelicorum
inftructus à Reyta , facit
Tubos tam Monoculos quàm Binocu
los . Carle P. de Reyta , ajoûte-t- il ,
non tantùm in ea arte excellit , eamque
fcriptis tradidit , fed alios etiam
inftruxit ; & cùm humaniffimusfit,
fine invidia non paucis fua communicavit.
Le R. P. Millet Dechales , dans
le 2. Tome de fon Mundus Mathematicus
, imprimé à Lyon en l'année
1674 au Theoréme TELESCOPIUM
BINOCULUM , page 672.
parle en ces termes . Mirum est
quantumjuvetur vifio, præcipuè verò
adjudicandum de objects ' Diftantia,
& confequenter de Magnitudine à
geminis oculis...... Fiant igitur duo
Teleſcopia omnimodò fimilia , quæ
conjungantur ita ut fim fibi invicem
Liij
126 Extraordinaire
parallela. Je demontreray ailleurs ,
que les deux Binocles de longue
veuë doivent eftre phyfiquement
paralleles , & qu'il n'y a point
d'Inftrument qui puiffe marquer
la diférence entre la diftance des
centres des deux verres objectifs ,
& celle des centres des deux ver
res oculaires. Expertus fum ( c'eſt
le P. Dechales qui continuë ) in
Telescopio Binoculo duorum pedum,
cerium est , diftinctius incompa
rabiliter& majus , & vicinius apparere
; & quod mirum est , non duo
Telefcopii gemina foramina videban
tur , fed unicum . Il ajoûte encore
ces termes, Pater Reyta infigne Telefcopium
Binoculum circumferebat....
Erat autem decem circiter palmorum
ejus longitudo.... Referunt autem Lunam
hoc tubo in magnitudinem prodigiofam
excreviffe.
du Mercure Galant. 127
la
Nonobftant tous ces authen
tiques témoignages de l'ancienneté
des Binocles , & de la bonté
de ceux du R. P. De Rheyta Capucin
Alleman,un fameuxAdiop .
tricien a dit en l'année 1677. dans
47. page de fa Viſion Parfaite,
que le Pere Rheita fe contentoit de
faire voir avec fon Binocle tellement
quellement des deux yeux quelques
objets du Ciel , comme la Lune , par
une feule inverfion d'efpece . Lemef
me Autheur Ageométre , dans
fon mefme Livre latinifé en l'année
1678. parle en ces termes dans
la 47. page. P. Rheita rudi atque
fine arte mechanica quatuor vitra,
ambo videlicet objectiva ; & ambo
immediata convexa , vel concava,
in ambo tuki oblongi extrema , nullo
abfque regulari horum vitrorum motu
Liiij
#28 Extraordinaire
aut fitu , palpando difponere fuerat
contentus ; qui quali quali modo binis
aculis ( Terreftria , ajoûte- t - il , nequaquam
objecta ) fed Lunam dumtaxat
confpiciendam præberet.
Quand il y auroit quelque
chole de veritable en tant d'Alleguez
de l'Autheur des Viſions ,
& quand mefme le tout feroit.
vray , le P. Rheita auroit du moins
avec fon Binocle fait voir en l'année
1645. la Lune & quelques
autres objets du Ciel quali quali
modo binis oculis . Cela eftant avoué
& reconnu par luy mefme, dans
quel fens en l'année 1679. a t ik
ofé dire dans la 401. page de
fa Contiquité des Corps , Que le
Binocle n'eftoit nullement connu, bien
loin d'eftre en ufage avant l'impref
fron de la Vifion Parfaite de l'année
du Mercure Galant.
129
les
1677.comment a- t-il pû dire dans
pages 190. & 191. defa Vifion
Parfaite de l'année 1681. Quc toutes
les Nations Etrangeres n'ont jamais
pu faire de Binocle, n'y en ayant ,
ajoûte- t - il, jamais paru aucun, jufques
à l'impreffion de mon Livre de
la Vision Parfaite , imprimé en l'année
1677. dans lequel j'en ay donné
l'invention ? Comment a t- il pû
écrire dans la 411. page du même
Livre , les termes fuivants. CHORES
& le P. RHEYTA ont tenté le
Binocle , je n'en fais aucun doute,
mais aucun n'y avoit reüfly avant
moy ; par conféquent aucun n'a inventé
le Binocle avant moy. Pourquoy
avoit-il dit eftre l'Inventeur
de la penfée mefme de faire
des Binocles . Voicy fes propres
termes , dans la premiere page de
130
Extraordinaire
la Préface de fa Vifion Parfaite
de l'année 1677. F'avois dés longtemps
médité & trouvé la maniere
pour diminuer la longueur de l'oculaire
Dioptrique , par NOSTRE
OCULAIRE , qui fait voir l'objet
des deuxyeux conjointement. Eftoitce
avant CHORES qui l'inventa
& pratiqua heureufement , & le
publia en l'année 1625 ; ou avant
le P. RHEITA, qui les fit admi.
rer à tous les Sçavans , & en écrivit
tres doctement en l'année-
1645?
Où trouvera- t-il que la Ma
chine du P. Rheita eftoit une rude-
Mécanique fans art ? Nous demontrerons
le contraire . Com
ment pourra-t-il impofer à dix
mille Curieux ce qu'il dit , que
le Binócle du P. Rheita Terreftria
du Mercure Galant. BI
nequaquam objecta,fed Lunam dumtaxat
confpiciendam
præberet. Puis
que ces mille Curieux ont auffi
veu les objets terreftres avec le
Binocle du P. Rheyta .
Monfieur de Caffini, ce celébre
& heureux Efpion des Aftres , &
l'un des Aſtronomes du Roy , m'a
autrefois affuré , qu'eſtant à Ravenne
en 1657. il avoit veu & admiré
avec le Binocle du P. de
Rheyta , la prunelle de l'oeil d'un
Pigeon qui eftoit fur un Colombier
fort éloigné . Mille bons Religieux
Capucins , dans les Convents
d'Allemagne , d'Italie , de
Paris , & de Lyon , portent fincere
témoignage de la bonté des
Binocles du P. Rheyta , avec lef
quels ils voyent les Objets Terreftres.
F32
Extraordinaire
Monfieur de Regnaud , ce fça
vant Philofophe Mathematicien,
fuffit entre mille autres Perfonnes
de mérite de laVille de Lyon,
pour témoigner qu'au mois dé
Juillet 1654 le R. P. de Rheyta,
Togé au Grand Convent des Capucins,
faifoit voir tres - diftinctement
& lire à tous les Curieux
l'Ecriteau qui eft en Lettres d'or
au Frontispice de l'Eglife S. Nizier.
Mon témoignage feroit fufpect
à l'Autheur des Vifions , puis
que dans les 196. & 198. pages.
de fes Vilions de 1681. il a dit
qu'à préfent je ne puis juger de
la bonté des Binocles , n'ayant
pas les deux yeux également bons
depuis l'année 1666. par l'effer,
comme il avoue dans la Table
des Matieres du mefme Livre aut
du Mercure Galant.
133.
penultiéme article de la Lettre N,
de l'IRA Kabale Toxicantoria. Il
ne laiffe pas de fe fouvenir que
pour corriger & rectifier ſon Teleſgraphe,
Oculus fui Cace , comme
dit Job au chap . XXIX . verf. 15.
Je n'ay pas oublié que toute
l'Italie difoit autrefois , Plus unum
Federicum uno oculo videre , quàm
Cateros omnes Principes duobus. Socios
habeo Horatios , Annibales , Sertorios.
Alii non femper virtatis fue
infignia fecum ferunt , fed haftas,
Torques , Coronas domi relinquunt.
Ego verò rei militaris pro falute Patrie
infummo , & omnibus bonis civilibus
periculo tremendo , infignia
mecum affiduè porto , cofdemque &
virtutis mea& fortuna habcofocios.
Le fameux Autheur Adioptricien
mépriſe à tort le Binocle du
134
Extraordinaire
-
P. Rheyta dans l'endroit fufcotté,
parce que ces deux Lunetes n'étant
compofées chacune que de
deux verres convexes , faifoient
voir les objets du Ciel comme la Lune
par unefeule inverfion d'efpeces puis
que luy mefme dans le mefme
Livre de fes Viſions Parfaites
de 1677 , dit dans la page 140.
Que l'Oculaire de deux convexes
peut fort bien fervir pour l'obferva.
tion des Aftres , eftant indiférent qu'il
les repréfente droits ou renverfez,
puis qu'ils font ronds , avoit - il oublié
ce qu'il avoit appris d'un Aftronome
, & inferé dans fa Dioptrique
de 1671. en la page 284.
L'oculaire duquel on fe fertpour l'obfervation
des Aftres , ne doit eftre
composé que de deux verres feulement.
Je m'étonne bien davandu
Mercure Galant,
135
tage de ce que dans une mefme
page de faViſion Parfaite de 1681.
il fe contrediſe luy- mefme. C'eſt
dans la 23. page . Il dit que l'oculaire
qui doit eftre appliqué aux Inftrumenspour
obferverfimplement les
objets du Ciel, fuffit qu'il foit conftrait
d'un bon objectif & d'un feul
verre immédiat à l'oeil , afin qu'il
venverfe nettement l'efpere, cela eftant
indiferent pour cette forte d'objets,
de la rondeur defquets on obferve,
à ce qu'il dit , feulement le centre,
comme le milieu de l'Aftre. Et en
la marge , il dit, L'Oculaire qui fert
à voir ou regarder lafigure des objets
du Ciel, doit redreffer l'espece par deux
inverfions. Cet Autheur est tout
particulier, il fait marcher enfemble
le ovr & le NON fur un même
fait. Jugez par là de fa grande
capacité dans les chofes difficiles.
136
Extraordinaire
LA FACILE
CONSTRUCTION
DES BINOCLES TELESCOPIQUES
ET MICROSCOPIQUES .
LA
la
'Autheur des Vifions Parfaites
de 1681. pour paffer pour
'Inventeur des Binocles , a voulu
perfuader aux Ouvriers , que
Conftruction des Binocles eftoit
fort miftérieufe . Cependant com.
me la verité échape quelquefois
à ceux qui la veulent étouffer,
on la trouve dans la page 192. en
en ces termes, conformes à ceux
de Chorez de l'année 1625. & du
R. P. De Rheita de l'année 1645-
Pour avoir un Binocle , il ne faut que
deux fimples Lunettes d'approche d'édu
Mercure Galant.
137
gale puissancefeulement, difpoféesfur
quelque plan , pour les appliquer conjointement
chacune à chacun oeil , &
ne voir par les deux enfemble qu'un
meſme objet
Pour mieux expliquer la Conftruction
des Binocles dont cet
Autheur n'a jamais travaillé les
verres , ny formé les Tuyaux ny
leur Etuy , le Sieur Querreau
Marchand Mirotier & Lunetier
luy ayant fait les premiers ; je
dis que la Conſtruction des Binocles
confifte à l'affemblage de
deux Lunetes en tout femblables ,
en forte qu'ayant appliqué les
deux centres des prunelles des
deux yeux tour- contre les centres
des fuperficies desverres oculaires
s'ils font concaves, ou aux centres ⚫
des ouvertures de trois lignes de
2. deJanvier 1685. M.
138 Extraordinaire
"
4 diamétre chacune , que portent
les boëtes de recouvrement des
Oculaires convexes , & lefquelles
ouvertures font un peu moins
éloignées des verres , que n'eſt la
longueur de leur Foyer folaire; en
forte, dis- je, qu'on ne voye qu'une
ouverture des deux tuyaux ,
& que le Soleil ne paroiffe pas
double.
Pour quoy obtenir , il faut que
les centres des ouvertures des
dioptres aufquelles on appliqne
les yeux , foient à la diftance l'un
de l'autre , égale à la diftance des
centres des prunelles , lors que
les yeux font naturellement contournez
pour bien voir le mefme
objet fans Binocle ; or cette diftance
entre les centres des deux
prunelles n'eft pas à tous la mef
du Mercure Galant. 139
me , bien qu'ordinairement pour
voir les objets éloignez , elle foit
d'environ deux pouces & demy.
Il faut encore que les deux :
axes des Lunetes aillent concou
rir en un meſme point de l'objet
, & fi l'objet eft fort éloigné,.
les Lunetes feront toûjours Phi
fiquement paralleles ; ce que je
demontreray geométriquement :
cy- apres par le calcul .
Les deux Lunetes eftant ainfi
affemblées , deux axes ou rayons.
principaux des deux radiations
coniques du mefme point vifible:
de l'objet , chacune defquelles a.
pour baze l'ouverture de l'un des
deux verres objectifs , tomberont
à plomb fur les centres de leurs .
fuperficies ; & paffant auffi per..
pendiculairement par les centress
Mij,
140
Extraordinairede
tous les autres verres qui compofent
les deux Lunettes , comme
auffi par les centres des dioptres.
ou ouvertures rondes qui font au
fonds de chaque boëre de recouvrement
des Oculaires des
deux Lunettes , pafferont auffi
perpendiculairement par les centres
de l'ouverture des deux pru
nelles & de l'humeur criftallin
des deux yeux ; & ainfi fans avoir.
fouffert aucune refraction , ces
deux axes ou rayons principaux :
des deux radiations d'un mefme
point viſible de l'objet , arriveront
au milieu du fonds de la
Retine des deux yeux . Par conféquent
ce point principal de
l'objet eftant peint fur les deux
Retines , & en femblables endroits
, fi les deux yeux font éga
du Mercure Galànt. 140
ment bien conformés , il fera
veu tres - diftinctement ; car comme
dit l'Arabe ALHAZEN au
troifiéme Livre de fon Optique ,
au Titre du Numero 15. page 85
Vifibile in Axium Opticorum concurfu
certiffimè videtur ; extra tantò certius
, quantò concurfui fucrit propinquius.
Car les autres points de
P'objet , par les pointes de leurs
pinceaux optiques renverfez , le
peignent en des femblables lieux
fur les deux Retines , tout- autour
du point principal de l'objet auquel
fe termine & aboutit le con
cours des deux axes optiques, on
ne verra par conféquent qu'un
objet total par le Binocle aini
difpofé , mais eftant veu en même
temps des deux yeux , l'objet
total paroistra beaucoup plus
J
14.2
Extraordinaire
clairement & plus grand , que
lors qu'on ne le regarde que d'un
ocil avec une des deux Lunettes;.
ce que M' Hubin , Emailleur du
Roy , & fi connu de tous les fçavans
Curicux de l'Europe , & par
l'excellence de fes Barométres ,
Poftiches , & par fon adreffe incomparable
, accompagnée de
folides raifonnemens , lors qu'il
montre gratuitement & publi
quement mille expériences qu'il
fait avec la Machine vulgaire
ment appellée du Vüide , pour
demontrer la pefanteur de l'air ,
reconnut d'abord par expérience
au mois de Juin 1681. eftant chez
le S Querreau , le merveilleux
effet du Binocle de fix à fept pou
ces de longueur , que CHOREZ
avoit fait en l'année 1625, monté.
ว
du Mercure Galant. 143
1
en argent . Il appartient à Monfieur
de Monmaur , de qui je
l'avois par emprunt, pour le faire
voir aux Curieux , car M' Hubin
l'ajufta d'abord à la diftance de
fes deux prunelles.
La raifon pour laquelle regar-.
dant des deux yeux un meſme
objet , on n'en voit qu'un , eft
par ce que chaque oeil repréfente
cet objet en un mefme
lieu . Les doctes Anciens ALHA…
ZEN & VITELLON , creurent
que le concours des deux
Nerfs optiques , eftoit le fiege de
la vifion ; mais bien que ces deux
Nerfs s'uniffent , ils ne compo-
#fent pas en tous les Hommes un
mefme Nerf , outre que Aquillonius
affeure avoir connu un
Homme lequel ne s'eftoit jamais
544
Extraordinaire "
plaint de voir les objets doubles,
bien qu'apres fa mort on ait trouvé
que ces deux Nerfs optiques
ne concouroient pas enfemble.
Jay connu particulierement il y a
vingt ans Monfieur le Chevalier
de Freze , prés de Bourbon-
Lanci , à qui , dans fes deux der
nieres années , à l'âge de 48 ans,
ou environ , furvint une maladie
qui le fit voir tous les objets dou
bles, tellement qu'il eftoit obligé,
eftant à pied ou à cheval , de
fermer un des deux yeux.
Dans l'Hiftoire de la Societé
Royale de Londres , établic pour l' Enrichiffement
de la Science naturelle,
écrite en Anglois par Thomas
Sprat , & traduite en François ,
& imprimée à Genéve l'an 1669
dans l'Enumération des Inftru
mens
du Mercure Galand, 145
mens de la Societé , il fait mention
de leur TELESCOPE DOVBLE.
C'eſt dans la page 307.
Voyons maintenant tout le
miftere de la facile Conftruction .
des Binocles, tant Telescopiques
que Microſcopiqués , & commençons
par Daniel Chorez qui les
inventa & exécuta heureuſement
, & les publia en 1625. par
une Feüille imprimée , que j'eus
en 1681. de la liberalité du tout
fçavant Monfieur Juftel , Secretaire
du Roy , fi regretté en
France , & qui voulut bien écrire
de fa main tout au haut, ces termes
, Ex chartis Henrici Fußtelli,
avec fa Paraphe , pour me fervir.
contre l'Autheur de la Vifion
Parfaite de 1681. lequel dans la
page 195. en veritable Habitant
Q. de Janvier 1685. N
146
Extraordinaire
de Candie , que S. Paul dans fon
Epître à Titus, chapitre 1. verf.12.
appelle Cretenfes , femper M. M. B.
V. P. impofant à M' Borely de
l'Académie Royale des Scien
Aces , & à tous les Lecteurs du
Livre de la Vifion Parfaite , y
avoit publié que dans l'Imprimé
de Chores , j'y avois ajoûté une
Dédicatoire au Roy , & que j'en
avois augmenté le Difcours de
plus de la moitié. Voicy donc
la Coppie de l'Original que j'en
eus de M' Juftel , que l'Autheur
des Vifions fut contraint de reconnoiftre
veritable par fa Lettre
de fatisfaction du 11. Juin
1681. imitant en cela Saint Auguftin
, qui au Prologue de fes
Retractations , dit , Si quis dicit,
non ca debuiffe à me dici , qua poftea
DE
LA
NOAT
BLIO
THERE
VILLE
1893
asA
}
7
P
1
2
DC
-E
3
da du Mercure Galant. 147
mihi etiam difplicent , verum dicit
, &c.
LES ADMIRABLES
Lunettes d'approche reduites
en petit Volume , avec leur
vray Ufage & leurs Utilitez
préférables aux grandes , & le
moyen de les accommoder à
l'endroit des deux yeux , ainfi
qu'elles font repreſentées
par les Figures fuivantes. De.
dié au Roy , l'an 1625. Pár
D. CHOREZ.
AU ROY ,
SIRE
.
Ily a prés de cinq ans que j'eus
bonneur de présenter à Voftre Ma-
7
Nij
$48 Extraordinaire
jefté les prémices de mon travail , en
ce qui eft communement appellé Lunettes
d'approche ; & voyant que
Voftre Majesté en avoit fait cas,
encore qu'elles ne fuffent dans la perfection
qu'elles font à present : jay
crú eftre obligé doublement à luy dédier
ce que j'ay depuis obfervé estre
neceffaire pour jour du plaifir que
l'on enpeut recevoir , les ayant mifes
en pratique telles que leurs Figures les
repréfentent cy- deffous. J'efpere que
Voftre Majesté ne dédaignera pas de
voir la preuve de ce qui eft propofe de
leur vray usage , par celuy qui eft ,
Son tres humble , & tresobeïffant
Serviteur &
Sujet, D. CHOREZ .
La Figure eft icy dans l'Imprimé, Original
de Chorez.
du Mercure Galant. 149
1
L
Es Lunettes d'approche
font ainfi appellées à cauſe
de leurs effets , parce que les Objets
veus par icelles paroiffent
fort proches , encore qu'ils foient
fort éloignez . Cela procede de
la forme des Verres , & de leur
netteté & fituation , & de l'éloignement
qui eft entre eux . L'un
d'iceux eft convexe , ou boffu ,
comme il eft figuré fous A. L'autre
en concave, ou creufé, comme
il eft figuré fous B. Le Tuyau
dans lequel font enchaffez ces
Verres , eft fait ordinairement
de deux pieces , dont l'une peut
couler dans l'autre , comme il eft
figuré fous I , afin qu'on le puiffe
alonger ou accourcir autant qu'il
eft befoin pour fervir à diverfe
forte de veuë , & pour voir à di
N iij
Extraordinaire
›
verfes diſtances ; & fon point de
rencontre qui eft marqué fous la
piece de dedans à l'endroit de C,
dénote la longueur qu'il doit
avoir pour ceux qui ont la veuë
ordinaire quand l'Objet qu'il
faut voir eft éloigné plus de cent
pas , foit de mil ou dix mil , ou
cent mil pas & au deffus . Mais
pour voir les Objets proches , il
faut alonger le Tuyau jufqu'à ce
qu'on rencontre la longueur qui
eft requiſe pour y voir le mieux .
Si c'elt pour voir de dix pas loin ,
il faut alonger d'environ l'épaif
feur d'un Tefton ; & pour voir de
fix pas , il faut alonger de l'épaiffeur
de trois Teftons ; & ainfi tant
plus l'Objet eft proche , tant plus
il faut alonger le Tuyau , & ainu
L'Objet apparoift tant plus gros,
du Mercure Galant. isi
4
Comme cela un Ciron apparoift
auffi gros qu'un Pois , en forte
qu'on difcerne fa tefte , fes pieds
& fon poil , chofe qui fembloit
fabuleuse à plufieurs auparavant
l'avoir veuë avec admiration,
quoy que l'experience n'en foit
pas beaucoup difficile à qui en
voudra prendre le loifir. Quant
aux Perfonnes qui ont la veuč
courte de leur naturel , il faut
accourcir le Tuyau jufques à ce
qu'ils rencontrent de quelle lonils
gueur ils
voyent le mieux : Mais
il le faut alonger pour ceux qui
ont des tayes aux yeux , ou quelque
autre accident , ou qui font
à l'extréme vieilleffe , & obſerver
de quelle longueur il leur faut
pour leur ufage. Si on veut lirede
loin à la clarté de la Chandelle,
N iiij
152
Extraordinaire
il faut que la Chandelle foit le
plus prés qu'on peut de ce qu'on
veut lire , & fi la Lunette eft pofée
fixement , on voit bien mieux
que quand on la tient à la main,
à caufe qu'il y a toûjours du
tremblement. Les plus grandes
Lunettes font voir les Objets plus
gros que ne font les petites
( moyennant qu'elles foient faites
avec la perfection requiſe ; ) &
partant on voit plus loin par la
premiere 1. que par la feconde 2.
& encore moins par la troifiéme
3. Mais les plus petites font voirplus
large efpace que les grandes,
& l'objet qu'on defire voir eft
plus aifé à trouver par les petites
que par les grandes , qui eft une
utilité préferée , au moins par
ceux qui font incommodez de la
du Mercure Galant.
153
veuë , & qui ne fe foucient pas
tant de voir fort loin , que d'eftre
foulagez pour voir moyennement
loin.
L'experience fait connoiftre
qu'on voit beaucoup mieux avec
deux Lunettes , qu'avec une ; car
les Objets paroiflent plus gros &
plus prés . La quatriéme Figure
quieft marquée 4. montre comme
l'on les peut accommoder à
l'endroit des deux yeux , les faifant
pafferau travers d'une Lame
de métail , ou autre matiere reprefentée
par L, dans laquelle eft
renfermée la petite Platine P,
qui fert à porter la Lunette M ,
qui eft mobile , pour la pouvoir
approcher ou éloigner de la Lu
nette F , qui eft fixe , par le moyen
de la Vis D , qui eft retenue en
154
Extraordinaire
ladite Platine. Ces deux Lunettes
doivent eftre paralleles entr'elles
pour un Objet éloigné de plus de
cent pas, tant loin puiffe - t - il étre;
mais pour voir un Objet proche ,
elles doivent faire angle à iceluy
Objet , dont la baze eſt l'eſpace
qui eft entre les deux yeux de
celuy qui le regarde.par icelles.
Si elles ne font bien accommodées
, on voit deux objets pour
un , mais cela ne fait pas de beau.
coup fibien qu'il doit ; partant if
y faut remedier , foit en dégauchiffant
les Tuyaux , ou en les
approchant ou éloignant l'un de
l'autre,ainfi qu'il eft requis . Toutes
les Operations précedentes fe
font plus aifément quand les Lu.
nettes font arreftées fermement
droit aux Objets qu'on voit ; c'eft.
j
1
du Mercure Galant.
ISS
pourquoy j'ay préſenté le moyen
de les planter fur un Bâton , ou
autre chofe propre à les foûtenir
par le moyen des Vis G & H, qui
portent Charniere , ou petite
Boule enchaffée & mobile , pour
porter lefdites Lunettes , de forte
qu'on les puiffe incliner où il fera
requis. Mais il faut obferver foigneufement
de tenir les Verres les
plus nets qu'il eft poffible ; & fi
on les a touchez du doigt , ou
pouffé l'haleine deffus , on les doit
effuyer avec un linge blanc & net;
& fi on les ofte du Tuyau , il faut
remettre le cofté convexe du
grand Verre en dehors, car autrement
il faudroit alonger le Tuyau
de l'épaiffeur dudit Verre , outre
fon point marqué en C. Il n'importe
pas tant du petit , car la re156
Extraordinaire
fraction fe fait à fort peu prés du
milieu , encore qu'il ne foit creux
que d'un cofté , lequel on doit
mettre dehors.
Lefdites Lunettes , avec leur vray
Ufage & Figures, fe vendent chez l'Autheur
, à Paris , en l'Ifle Noftre- Dame,
à l'Enfeigne du Compas .
On donnera la fuite du Traité des
Lunctes, dans les Extraordinairesfuivans
du Mercure Galant.
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Résumé : NEUVIÉME PARTIE DU TRAITÉ DES LUNETES, DEDIÉ A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE Par Mr Comiers, d'Ambrun, Professeur des Mathematiques à Paris.
M. Comiers d'Ambrun, professeur de mathématiques à Paris, explique dans un traité dédié au Duc de Bourgogne le fonctionnement des lunettes et des télescopes. Il décrit comment les rayons lumineux provenant d'un objet pénètrent dans l'œil et forment une image sur la rétine. Les verres correcteurs permettent de corriger la myopie et la presbytie. Les télescopes augmentent la taille et la clarté des images des objets éloignés. La qualité de la vision dépend de la précision des verres, de leur ouverture et de leur position. La vision binoculaire est plus efficace que la vision monoculaire. Les binocles télescopiques, composés de deux lunettes de même puissance, offrent une vision plus claire et distincte. Le texte mentionne des références historiques, notamment les travaux d'Alhazen et Vitellon sur la vision binoculaire. Le Père Millet Dechales, dans son ouvrage 'Mundus Mathematicus' (1674), souligne l'utilité des binocles pour juger des distances et des magnitudes des objets. Le Père Rheita, un capucin allemand, a fabriqué et utilisé des binocles dès 1645, permettant d'observer des objets célestes et terrestres. Plusieurs témoignages confirment la qualité et l'efficacité des binocles de Rheita. Un auteur anonyme contredit ces témoignages dans 'Vision Parfaite' (1677), affirmant que Rheita ne pouvait voir que la Lune avec son binocle. Cependant, des témoignages de religieux capucins et de savants attestent de la capacité des binocles de Rheita à observer des objets terrestres. Le texte explique également la construction des binocles, composés de deux lunettes simples disposées de manière à aligner les centres des prunelles des yeux avec les centres des verres oculaires. Cette configuration permet une vision distincte et claire des objets observés. Les Anciens, comme Alhazen, Zenon et Vitellon, croyaient que la vision résultait du concours des deux nerfs optiques. Cependant, des cas exceptionnels remettent en question cette théorie. Le Chevalier de Freze voyait double en raison d'une maladie. Le texte mentionne le télescope double de la Société Royale de Londres et l'invention des binocles par Daniel Chorez en 1625. Chorez a dédié son invention au roi et a publié une feuille imprimée décrivant la construction et l'usage des binocles. Les lunettes d'approche permettent de voir des objets éloignés comme s'ils étaient proches, et peuvent être ajustées pour différentes distances et conditions de vision.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 947-959
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres. Avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages, Tome IX. de 410. pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, rüe S. Jacques, à la Science, MDCC. XXIX.
Début :
MARTIAL D'AUVERGNE, l'un des 27. Sçavans dont il est parlé dans [...]
Mots clefs :
Amour, Ouvrage, Auteurs, Martial d'Auvergne, Savant, Paris, Parlement, Arrêts
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texteReconnaissance textuelle : MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres. Avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages, Tome IX. de 410. pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, rüe S. Jacques, à la Science, MDCC. XXIX.
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire
des Hommes Illuftres dans la République
des Lettres. Avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , Tome IX. de
pages fans les Tables. A Paris , chez
Briaffon , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC . XXIX .
Ma ,
410 .
ARTIAL D'AUVERGNE , l'un des
27. Sçavans dont il eft parlé dans
le IX Volume , nous a paru mériter une
E iiij
atten1948
MERCURE DE FRANCE
attention particuliere , par le genre &
par la gayeté de fes Ouvrages. Voici ce
qu'en rapporte le P. Niceron , p . 171 .
Cet Auteur eft peu connu ; on ne convient
pas même du Pays dont il étoit. La
Croix du Maine prétend , que quoiqu'il
portât le nom de Martial d'Auvergne , il
étoit cependant Limoufin ; mais il eft feul
de ce fentiment , & l'on fçait qu'il eft peu
exact , & que fouvent il n'eft pas fûr de
s'en rapporter à lui. Il s'eft peut- être imaginé
que cela étoit ainfi cela étoit ainsi , parce que Martial
eft un nom de Baptême fort commun
aux Limoufins , à caufe de S. Martial
Apôtre du Pays. Benoît le Court , Commentateur
de fes Arrêts d'Amour , dit
au contraire qu'il étoit du Pays , dont il
portoit le nom , & la chofe eft affez croyable.
Il est vrai qu'il finit fes Vigiles du
Roi Charles VII. par ces mots.
O vous , Meffeigneurs , qui verrez
Les Vigiles , & les lirez ,
Ne prenez pas garde à l'Acteur ,
Car grand faultes y trouverez ;
Mais , s'il vous plaît , le excuferez ,
Veu qu'il eft un nouveau Facteur. /
Martial de Paris.
→
Mais il eſt à croire qu'il ne s'eft furnommé
MAY. 1730. 949
nommé de Paris , que parce qu'il s'y étoit
tranfplanté & marié , comme le dit la
Chronique fcandaleufe .
Ce qu'il y a de fûr , c'eft qu'il étoit
Procureur au Parlement & Notaire au
Châtelet de Paris.
La Croix du Maine dit qu'il fe fouvient
d'avoir lû dans les Hiftoires de France
, qu'il mourut à Paris d'une fievre
chaude , & qu'il fe précipita dans l'eau ,
étant preffé de la fureur de fon mal ;
nouvelle preuve de l'inexactitude de cet
Auteur , qui copie d'imagination ce qu'il
fe fouvient confufément d'avoir lû , fans
pouvoir fe reffouvenir en quel endroit.
Le Livre où la Croix du Maine avoit
lû quelque chofe d'approchant , à ce qu'il
dit , eft la Chronique fcandaleufe. Voici ce
qu'on y trouve touchant notre Auteur.
» Au mois de Juin ( 1466. ) advint que
>> plufieurs hommes & femmes perdirent
>> leur bon entendement , & mêmement à
» Paris il y eut entre autres ung jeune
>> homme nommé Maître Martial d'Au-
» vergne , Procureur en la Cour de Parle-
>> ment , & Notaire au Châtelet de Paris ,
»lequel après qu'il eut été marié trois
»femaines avefques une des filles de Maî-
» tre Jacques Fournier , Confeiller du Roi
» en fadite Cour de Parlement , perdit fon
>> entendement en telle maniere , que
E v jour
le
950 MERCURE DE FRANCE
»jour de S. Jean -Baptifte , environ neuf
heures du matin , une telle frenaifie le
"print , qu'il fe jetta par la fenêtre de fa
» Chambre en la ruë , & fe rompit une
» cuiffe & froiffa tout le corps , & fut en
» grant dangier de mourir.
Il n'en mourut donc pas , comme le dit
la Croix du Maine , qui par une autrefaute
le fait vivre en 1480. pendant qu'il
le fait mourir d'une chute arrivée en
1466 .
Le P. le Long , met fa mort en 1558 ..
je ne fçai fur quelle autorité.
Voila tout ce qu'on fçait de cet Auteur,
qui étoit un des hommes de fon fiecle qui
écrivoit le mieux & avec plus d'efprit ,
& qui eft plus connu par fes Ouvrages
que par les circonftances de fa vie..
Ces Ouvrages font :
1. Les Arrêts d'Amour. Ils furent imprimez
à Paris en 1528. & même auparavant
, fuivant la Croix du Maine , qui
eft toûjours négligent à marquer exactement
l'année des Editions & leur forme..
Mais ils ne parurent accompagnez des
Commentaires Latins de Benoît le Court
qu'en 1533. à Lyon , chez Seb. Gryphius,
in-4. Ces Commentaires ſe trouvent dans :
la plupart des Editions fuivantes , qui font
celles de Lyon , 1538. in-4 de Paris , 1544..
in-8. de Lyon , 1546. in- 8..
M.
MAY. 1730. 951
M. le Duchat croit que c'eft la premiere
où l'on trouve le cinquante-deuxiéme
Arrêt & l'Ordonnance fur le fait des
Mafques. Celle de Paris , 1555. in- 16 , une
in- 16. en 1566. chez Jerôme Mamel , où
je ne fçai pourquoi on à obmis l'Arrêt
52. & l'Ordonnance fur le fait des Mafques.
L'Edition la plus ample de toutes eſt
celle de Rouen , 1587. in- 16 , parce qu'ou
tre les 51. Arrêts compofez originairement
par Martial d'Auvergne , & commentez
par Benoît le Court , outre le
52e Arrêt & l'Ordonnance fur le fait des
Mafques , qui font deux Pieces de l'invention
de Gilles d'Avrigny , dit le Pamphile
, Avocat au Parlement de Paris , elle
contient de plus un 53 Arrêt rendu par
l'Abbé des Cornars , en fes grands jours tenus
à Rouen , pourfervir de Reglement touchant
les arrerages requis par les femmes à
l'encontre des Maris.
Les Arrêts d'Amour le trouvent encore
dans un Recueil intitulé : Proceffus Juris
Jocoferius. Hanoria , 1611. in - 8 . Ce font
des Pieces purement badines , où regne
une grande naïveté , & ç'a été une plaifante
imagination que de les aller commenter
férieuſement , comme a fait Benoit
le Court , qui étale beaucoup d'éru
dition dans fon Commentaire , & y dés
veloppe £ vj
952 MERCURE DE FRANCE
veloppe fort-bien plufieurs queſtions du
Droit Civil , mais dont peu de perſonnes
s'aviſeront d'y aller chercher la folution.
Les Arrêts font écrits en Profe , mais
l'Ouvrage commence par des Vers , dont
je rapporterai ici quelques- uns.
Environ la fin de Septembre ,
Que faillent Violettes & Flours ,
Je me trouvai en la Grand'Chambre ,
Du noble Parlement d'Amours ;
Et advint fi bien qu'on vouloit ,
Les derniers Arrêts prononcer ,
Et que à cette heure on appelloit
Le Greffier pour les commencer.
Si eftoient illec bien fix ,
A les rapporter, & avoir ,
Au milieu defquels je m'affis,
Pour en faire comme eux devoir .'
Le Prefident tout de Drap d'or
Avoit Robbe fourée d'Ermines ,
Et fur le cou un camail d'or ,
Tout couvert d'Emeraudes fines ...
Plufieurs Amans & Amoureux ,
Illec vinrent de divers lieux ,
Et d'Amans courroucez , joyeux.
Par derriere les bancz j'en vis ,
Qui lefdits Arrêts écoutoient ,
Dont les coeurs étoient tant ravis
Qu'il
MAY. 1730. 95.3
Qu'ils ne fçavoient où ils étoient.
Les uns de paour ferroient leurs dens
Les autres emûs & ardens ,
Tremblans comme la feuille en l'arbre
Nul n'eft fi fage , ne parfait ,
Que , quand il oit fon Jugement ,
Il ne foit à moitié deffait ,
Et troublé à l'entendement.
Je laifferai cette matiere ,
Car de cela peu me chaloit
Et raconterai la maniere ,
Comme le Préfident parloit.
Pour donner une idée de ces Arrêts ,
qui ne font pas communs , malgré toutes
les Editions qui s'en font faites , j'en
mettrai ici un , qui eſt le trentiéme.
» Un ami fe plainct de ce que pour fer-
»vir à fa Dame , il ha tout defpendu : la-
»quelle depuis n'a tenu compte de lui :
»concluant à ce qu'elle fuft condamnée à
»l'entretenir comme devant.
» Ceans s'eft plainct un Amoureux d'une
>> fienne Dame , que la ha longuement fer-
>> vie. Difoit que du temps qu'il eût premierement
cognoiffance à elle , il étoit
» bien aife , & avoit du fien largement.
Et quand elle lui demandoit aucune
>>chofe à prêter ou donner , jamais ne lui
euft refufée. Or étoit vrai que pour toujours
954 MERCURE DE FRANCE
» jours fournir aux fraiz & aux grandes
" cheres , chevance y avoit été employée ,
» & tellement que fes caues étoient deve-
» nuës bien baffes . Mais il cuydoit qu'elle
» dueft foubvenir , comme il ha faict à
» elle , & la pria de lui aider & de l'en-
>> tretenir , dont n'a rien voulu faire : ains
» lui ha plainement répondu qu'il përdoit
fon temps , & que puifqu'il n'avoit plus
» de quoi , elle n'en tenoit compte . Et non
>> contente de ce , lui ha faict dire qu'il
"fe retire de chez fes amis ; car plus n'a-
>> voit intention de l'aimer ni de lui faire:
>> aucun bien. Et encore, qui pis eft, fe mocque
de lui devant les autres , en le monf
» trant au doigt : qui lui eft plus de mar-
»tyre , que qui le frapperoit d'un cou-
»teau parmi le coeur. Si requeroit fina-
»
blement ledict Amant , que fadicte Da--
» me fut condemnée , nonobftant fon ad-
» verfité , de l'entretenir feulement en
» amour , & lui faire chere , comme eller
>> fouloit , & qu'il fût préferé devant tous
les autres , attendu mêmement qu'il
» étoit des premiers venus & des anciens
>> Serviteurs..
» De la partie de cette Defendereffe
» fut défendu au contraire , & difoit pour
» fon proffit , que quiconque veult d'a-
>> mours jouir , baille l'argent devant la
main , & que c'eft grande folie de
que
» s'atMA
Y. 1730 9:55
s'attendre à l'éfcuelle d'autruy , s'il ne
» fournit & remplit. Difoit avec ce , que
» le Galand au temps de fa fortune , &
» que les biens luy venoient en dormant ,
» s'eft mefcongneu , & en ha feftoyé un
» & autre , dont il fe fuft bien paffe ;:
» maintenant s'il a difette , il n'eft pas
» trop mal employé ; & quant eft de l'ai-
» mer , elle difoit qu'elle n'y eftoit pas
» tenue ; car les biens & vertus qui ſou-
» loient être en luy n'y font plus. Et ne
» falloit ja ramentevoir les bonnes che-
» res du temps paffé ; car fi ledict Amant
» luy ha faict tant de plaifirs & fervices,.
» auffi lui en ha elle fait plufieurs autres,
qu'il n'eft ja befoin de déclairer . Et puif
» que
il eft ainfi que pauvreté maintenant
» le guerroye , adonc elle n'en veut plus;
>> car auffi au lieu où elle habite , n'y a
» que toute malheureté , & jamais ne s'y
» treuve joye . Et quant eft au furplus pour
» les biens , qu'elle lui offroit un povre
» bâton en fa main pour s'en aller avec :
» la prébende de Va-t'en , pour récom-
» penfe de fes fervices. En concluant que
» à tort fe plaignoit d'elle , & en deman
>> doit dépens.
›
Après lefquelles deffenfes propofées ,
» les Gens d'Amours qui s'étoient adjoint
avec leditAmant, difoient que cette femme
n'étoit pas digne qu'on parlaft d'elle
39
devant
056 MERCURE DE FRANCE
»
» devant les gens de bien ; car par fon
propos jamais n'aymoit que pour ar-
» gent ,
& ainfi confeffoit avoir vendu les
" biens d'Amours . Et qu'elle en ha mef-
» chamment ufé en fon tems , & auffi pa-
>> reillement étoit voix & commune re-
» nommée qu'elle aime toûjours trois ou
» quatre , & qu'elle les fucce jufqu'aux
" os , & puis encore s'en mocque , qui
» eft pis ; car quelque femme que ce foit
jamais ne doibt defprifer le ferviteur
» qui l'a fervie , combien qu'il lui fou-
» vienne de beaucoup de fortunes . Et
» requeroient lefdictes Gens d'Amours à
» l'encontre d'elle qu'elle fut condemnée
» à faire amende honorable , & à lui ren-
» dre & reftituer tout ce qu'elle ha eu de
» luy , & dont il devoit être crû par fon
» ferment , veu la maniere de proceder.
» Et avec ce , qu'elle foit bannie à tou-
» jours dudict Royaume d'Amours , com-
» me indigne d'y converfer.
>>
25
Ce povre Amant pour fes repliques
" difoit qu'en tant qu'il luy touche qu'il
>> eftoit encore content , que tous les biens
qu'il luy avoit donnez demouraffent
pour elle , comme fiens , & ne vouloit
» qu'on luy en oftât rien ; mais requeroit
»feulement qu'elle l'aimaft comme de-
» vant ; & encore promettoit de luy en
» faire. A quoy elle répondit , que quand
elle
MAY. 1730. 957
» elle le verroit , en feroit fon debvoir ;
» mais jufques alors lui confeilloit de
» changer air pour recouvrer fanté
» & obvier qu'il ne fuft pas mala-
» de : & difoit oultre qu'à la contrain-
» dre d'aimer l'on ne sçauroit , & auffi tel
>> amour qui feroit donné par force ne du-
» reroit point ; mais plus de mal faict à
» celuy qui l'obtient , que s'il n'en avoit
» point.
>>
>>
Si ont été les parties ou yes appointées
>> en droit & confeil . Finablement veu le
» Procez & confideré tout ce qu'il falloit
>> confiderer en cette matiere , la Cour dit
» qu'elle condemne cette rebelle femme
» à rendre & reftituer audict Amoureux
tout ce qu'il affermera en fa confcience
» lui avoir baillé & donné , nonobftant
» l'offre
par luy faite de ne luy en vou-
>> loir demander aucune chofe. A laquelle
offre la Cour n'y obtempere point , veu
» que ladicte Defendereffe ne l'accepte ,
& qu'elle s'eft renduë ingrate , & or-
» donne qu'à ce faire fera contrainte par
>> la prinfe de fes biens & emprisonnement
» de fon corps. Et à toûjours la bannit des
» biens & fervice d'amours , en diſant
» avoir forfaict de corps & de biens ; en
» maniere qu'elle fera abandonnée à un
>> chacun pour déformais fervir le com-
>> mun , & devenir à tous publique .
>>
>>
.
Za
958 MERCURE DE FRANCE
2. Les Vigiles de la mort du Roi Charles
VII. à neuf Pfeaumes & neuf Leçons , contenant
la Chronique & les faits advenus
durant la vie dudit Roi . Paris 1493. in-4.
It. Paris 1505 & 1528. Item Paris 1724.
in 8. 2. Vol. Cet Ouvrage qui eft en Vers
contient la Vie du Roi Charles VII. La
Verfification n'en eft pas exacte , mais
l'Auteur Y fait paroître de l'invention .
On y voit comment ce Roi chaffa les
Anglois de la France , dont ils occupoient
une bonne partie. Martial d'Auvergne
étoit l'homme de fon fiecle qui écrivoit
le mieux & avec le plus d'efprit. Cet Ou
vrage lui acquit beaucoup de réputation.
3. Les dévotes louanges à la Vierge Marie.
Paris , Jean du Pré 1492. It . Paris
Simon Votre 1509. in 8. Cet Ouvrage eft
encore en Vers.
4. L'Amant rendu Cordelier à l'obfer
vance d'Amour. Lyon 1545. in 15. La
Croix du Maine ne parle point de cet
Ouvrage qui eft cité au N° 1701 , de la
Bibliotheque de M. Brochard ,
Voici les noms des autres Sçavans ,
dont on trouve la Vie & le Catalogue
des Ouvrages dans ce IX. Tome.
Antoine , Jean Beverovicius , Barnabé
Briffon , Samuel Butler , Louis Caftelvetro,
Henri de Cocceji , Batifte Fulgofe , Joſeph
Gazola , Janus Gruter , Claude Joly , Jac
ques
MAY. 1730. 959
ques Lenfant , Jean Mery , Jean Morin ,
Gabriel Naudé , M. Antoine Oudinet ,
Gui Pancirole , Antoine Panormita , Nicolas
Perot , Poggio Bracciolini , Denis de
Salle , Jacques Savary , Barth. Scala , Jean
André Schmid , Antoine de Solis , Jac
ques Augufte de Thou , & Olaus Vormius.
des Hommes Illuftres dans la République
des Lettres. Avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , Tome IX. de
pages fans les Tables. A Paris , chez
Briaffon , rue S. Jacques , à la Science ,
M. DCC . XXIX .
Ma ,
410 .
ARTIAL D'AUVERGNE , l'un des
27. Sçavans dont il eft parlé dans
le IX Volume , nous a paru mériter une
E iiij
atten1948
MERCURE DE FRANCE
attention particuliere , par le genre &
par la gayeté de fes Ouvrages. Voici ce
qu'en rapporte le P. Niceron , p . 171 .
Cet Auteur eft peu connu ; on ne convient
pas même du Pays dont il étoit. La
Croix du Maine prétend , que quoiqu'il
portât le nom de Martial d'Auvergne , il
étoit cependant Limoufin ; mais il eft feul
de ce fentiment , & l'on fçait qu'il eft peu
exact , & que fouvent il n'eft pas fûr de
s'en rapporter à lui. Il s'eft peut- être imaginé
que cela étoit ainfi cela étoit ainsi , parce que Martial
eft un nom de Baptême fort commun
aux Limoufins , à caufe de S. Martial
Apôtre du Pays. Benoît le Court , Commentateur
de fes Arrêts d'Amour , dit
au contraire qu'il étoit du Pays , dont il
portoit le nom , & la chofe eft affez croyable.
Il est vrai qu'il finit fes Vigiles du
Roi Charles VII. par ces mots.
O vous , Meffeigneurs , qui verrez
Les Vigiles , & les lirez ,
Ne prenez pas garde à l'Acteur ,
Car grand faultes y trouverez ;
Mais , s'il vous plaît , le excuferez ,
Veu qu'il eft un nouveau Facteur. /
Martial de Paris.
→
Mais il eſt à croire qu'il ne s'eft furnommé
MAY. 1730. 949
nommé de Paris , que parce qu'il s'y étoit
tranfplanté & marié , comme le dit la
Chronique fcandaleufe .
Ce qu'il y a de fûr , c'eft qu'il étoit
Procureur au Parlement & Notaire au
Châtelet de Paris.
La Croix du Maine dit qu'il fe fouvient
d'avoir lû dans les Hiftoires de France
, qu'il mourut à Paris d'une fievre
chaude , & qu'il fe précipita dans l'eau ,
étant preffé de la fureur de fon mal ;
nouvelle preuve de l'inexactitude de cet
Auteur , qui copie d'imagination ce qu'il
fe fouvient confufément d'avoir lû , fans
pouvoir fe reffouvenir en quel endroit.
Le Livre où la Croix du Maine avoit
lû quelque chofe d'approchant , à ce qu'il
dit , eft la Chronique fcandaleufe. Voici ce
qu'on y trouve touchant notre Auteur.
» Au mois de Juin ( 1466. ) advint que
>> plufieurs hommes & femmes perdirent
>> leur bon entendement , & mêmement à
» Paris il y eut entre autres ung jeune
>> homme nommé Maître Martial d'Au-
» vergne , Procureur en la Cour de Parle-
>> ment , & Notaire au Châtelet de Paris ,
»lequel après qu'il eut été marié trois
»femaines avefques une des filles de Maî-
» tre Jacques Fournier , Confeiller du Roi
» en fadite Cour de Parlement , perdit fon
>> entendement en telle maniere , que
E v jour
le
950 MERCURE DE FRANCE
»jour de S. Jean -Baptifte , environ neuf
heures du matin , une telle frenaifie le
"print , qu'il fe jetta par la fenêtre de fa
» Chambre en la ruë , & fe rompit une
» cuiffe & froiffa tout le corps , & fut en
» grant dangier de mourir.
Il n'en mourut donc pas , comme le dit
la Croix du Maine , qui par une autrefaute
le fait vivre en 1480. pendant qu'il
le fait mourir d'une chute arrivée en
1466 .
Le P. le Long , met fa mort en 1558 ..
je ne fçai fur quelle autorité.
Voila tout ce qu'on fçait de cet Auteur,
qui étoit un des hommes de fon fiecle qui
écrivoit le mieux & avec plus d'efprit ,
& qui eft plus connu par fes Ouvrages
que par les circonftances de fa vie..
Ces Ouvrages font :
1. Les Arrêts d'Amour. Ils furent imprimez
à Paris en 1528. & même auparavant
, fuivant la Croix du Maine , qui
eft toûjours négligent à marquer exactement
l'année des Editions & leur forme..
Mais ils ne parurent accompagnez des
Commentaires Latins de Benoît le Court
qu'en 1533. à Lyon , chez Seb. Gryphius,
in-4. Ces Commentaires ſe trouvent dans :
la plupart des Editions fuivantes , qui font
celles de Lyon , 1538. in-4 de Paris , 1544..
in-8. de Lyon , 1546. in- 8..
M.
MAY. 1730. 951
M. le Duchat croit que c'eft la premiere
où l'on trouve le cinquante-deuxiéme
Arrêt & l'Ordonnance fur le fait des
Mafques. Celle de Paris , 1555. in- 16 , une
in- 16. en 1566. chez Jerôme Mamel , où
je ne fçai pourquoi on à obmis l'Arrêt
52. & l'Ordonnance fur le fait des Mafques.
L'Edition la plus ample de toutes eſt
celle de Rouen , 1587. in- 16 , parce qu'ou
tre les 51. Arrêts compofez originairement
par Martial d'Auvergne , & commentez
par Benoît le Court , outre le
52e Arrêt & l'Ordonnance fur le fait des
Mafques , qui font deux Pieces de l'invention
de Gilles d'Avrigny , dit le Pamphile
, Avocat au Parlement de Paris , elle
contient de plus un 53 Arrêt rendu par
l'Abbé des Cornars , en fes grands jours tenus
à Rouen , pourfervir de Reglement touchant
les arrerages requis par les femmes à
l'encontre des Maris.
Les Arrêts d'Amour le trouvent encore
dans un Recueil intitulé : Proceffus Juris
Jocoferius. Hanoria , 1611. in - 8 . Ce font
des Pieces purement badines , où regne
une grande naïveté , & ç'a été une plaifante
imagination que de les aller commenter
férieuſement , comme a fait Benoit
le Court , qui étale beaucoup d'éru
dition dans fon Commentaire , & y dés
veloppe £ vj
952 MERCURE DE FRANCE
veloppe fort-bien plufieurs queſtions du
Droit Civil , mais dont peu de perſonnes
s'aviſeront d'y aller chercher la folution.
Les Arrêts font écrits en Profe , mais
l'Ouvrage commence par des Vers , dont
je rapporterai ici quelques- uns.
Environ la fin de Septembre ,
Que faillent Violettes & Flours ,
Je me trouvai en la Grand'Chambre ,
Du noble Parlement d'Amours ;
Et advint fi bien qu'on vouloit ,
Les derniers Arrêts prononcer ,
Et que à cette heure on appelloit
Le Greffier pour les commencer.
Si eftoient illec bien fix ,
A les rapporter, & avoir ,
Au milieu defquels je m'affis,
Pour en faire comme eux devoir .'
Le Prefident tout de Drap d'or
Avoit Robbe fourée d'Ermines ,
Et fur le cou un camail d'or ,
Tout couvert d'Emeraudes fines ...
Plufieurs Amans & Amoureux ,
Illec vinrent de divers lieux ,
Et d'Amans courroucez , joyeux.
Par derriere les bancz j'en vis ,
Qui lefdits Arrêts écoutoient ,
Dont les coeurs étoient tant ravis
Qu'il
MAY. 1730. 95.3
Qu'ils ne fçavoient où ils étoient.
Les uns de paour ferroient leurs dens
Les autres emûs & ardens ,
Tremblans comme la feuille en l'arbre
Nul n'eft fi fage , ne parfait ,
Que , quand il oit fon Jugement ,
Il ne foit à moitié deffait ,
Et troublé à l'entendement.
Je laifferai cette matiere ,
Car de cela peu me chaloit
Et raconterai la maniere ,
Comme le Préfident parloit.
Pour donner une idée de ces Arrêts ,
qui ne font pas communs , malgré toutes
les Editions qui s'en font faites , j'en
mettrai ici un , qui eſt le trentiéme.
» Un ami fe plainct de ce que pour fer-
»vir à fa Dame , il ha tout defpendu : la-
»quelle depuis n'a tenu compte de lui :
»concluant à ce qu'elle fuft condamnée à
»l'entretenir comme devant.
» Ceans s'eft plainct un Amoureux d'une
>> fienne Dame , que la ha longuement fer-
>> vie. Difoit que du temps qu'il eût premierement
cognoiffance à elle , il étoit
» bien aife , & avoit du fien largement.
Et quand elle lui demandoit aucune
>>chofe à prêter ou donner , jamais ne lui
euft refufée. Or étoit vrai que pour toujours
954 MERCURE DE FRANCE
» jours fournir aux fraiz & aux grandes
" cheres , chevance y avoit été employée ,
» & tellement que fes caues étoient deve-
» nuës bien baffes . Mais il cuydoit qu'elle
» dueft foubvenir , comme il ha faict à
» elle , & la pria de lui aider & de l'en-
>> tretenir , dont n'a rien voulu faire : ains
» lui ha plainement répondu qu'il përdoit
fon temps , & que puifqu'il n'avoit plus
» de quoi , elle n'en tenoit compte . Et non
>> contente de ce , lui ha faict dire qu'il
"fe retire de chez fes amis ; car plus n'a-
>> voit intention de l'aimer ni de lui faire:
>> aucun bien. Et encore, qui pis eft, fe mocque
de lui devant les autres , en le monf
» trant au doigt : qui lui eft plus de mar-
»tyre , que qui le frapperoit d'un cou-
»teau parmi le coeur. Si requeroit fina-
»
blement ledict Amant , que fadicte Da--
» me fut condemnée , nonobftant fon ad-
» verfité , de l'entretenir feulement en
» amour , & lui faire chere , comme eller
>> fouloit , & qu'il fût préferé devant tous
les autres , attendu mêmement qu'il
» étoit des premiers venus & des anciens
>> Serviteurs..
» De la partie de cette Defendereffe
» fut défendu au contraire , & difoit pour
» fon proffit , que quiconque veult d'a-
>> mours jouir , baille l'argent devant la
main , & que c'eft grande folie de
que
» s'atMA
Y. 1730 9:55
s'attendre à l'éfcuelle d'autruy , s'il ne
» fournit & remplit. Difoit avec ce , que
» le Galand au temps de fa fortune , &
» que les biens luy venoient en dormant ,
» s'eft mefcongneu , & en ha feftoyé un
» & autre , dont il fe fuft bien paffe ;:
» maintenant s'il a difette , il n'eft pas
» trop mal employé ; & quant eft de l'ai-
» mer , elle difoit qu'elle n'y eftoit pas
» tenue ; car les biens & vertus qui ſou-
» loient être en luy n'y font plus. Et ne
» falloit ja ramentevoir les bonnes che-
» res du temps paffé ; car fi ledict Amant
» luy ha faict tant de plaifirs & fervices,.
» auffi lui en ha elle fait plufieurs autres,
qu'il n'eft ja befoin de déclairer . Et puif
» que
il eft ainfi que pauvreté maintenant
» le guerroye , adonc elle n'en veut plus;
>> car auffi au lieu où elle habite , n'y a
» que toute malheureté , & jamais ne s'y
» treuve joye . Et quant eft au furplus pour
» les biens , qu'elle lui offroit un povre
» bâton en fa main pour s'en aller avec :
» la prébende de Va-t'en , pour récom-
» penfe de fes fervices. En concluant que
» à tort fe plaignoit d'elle , & en deman
>> doit dépens.
›
Après lefquelles deffenfes propofées ,
» les Gens d'Amours qui s'étoient adjoint
avec leditAmant, difoient que cette femme
n'étoit pas digne qu'on parlaft d'elle
39
devant
056 MERCURE DE FRANCE
»
» devant les gens de bien ; car par fon
propos jamais n'aymoit que pour ar-
» gent ,
& ainfi confeffoit avoir vendu les
" biens d'Amours . Et qu'elle en ha mef-
» chamment ufé en fon tems , & auffi pa-
>> reillement étoit voix & commune re-
» nommée qu'elle aime toûjours trois ou
» quatre , & qu'elle les fucce jufqu'aux
" os , & puis encore s'en mocque , qui
» eft pis ; car quelque femme que ce foit
jamais ne doibt defprifer le ferviteur
» qui l'a fervie , combien qu'il lui fou-
» vienne de beaucoup de fortunes . Et
» requeroient lefdictes Gens d'Amours à
» l'encontre d'elle qu'elle fut condemnée
» à faire amende honorable , & à lui ren-
» dre & reftituer tout ce qu'elle ha eu de
» luy , & dont il devoit être crû par fon
» ferment , veu la maniere de proceder.
» Et avec ce , qu'elle foit bannie à tou-
» jours dudict Royaume d'Amours , com-
» me indigne d'y converfer.
>>
25
Ce povre Amant pour fes repliques
" difoit qu'en tant qu'il luy touche qu'il
>> eftoit encore content , que tous les biens
qu'il luy avoit donnez demouraffent
pour elle , comme fiens , & ne vouloit
» qu'on luy en oftât rien ; mais requeroit
»feulement qu'elle l'aimaft comme de-
» vant ; & encore promettoit de luy en
» faire. A quoy elle répondit , que quand
elle
MAY. 1730. 957
» elle le verroit , en feroit fon debvoir ;
» mais jufques alors lui confeilloit de
» changer air pour recouvrer fanté
» & obvier qu'il ne fuft pas mala-
» de : & difoit oultre qu'à la contrain-
» dre d'aimer l'on ne sçauroit , & auffi tel
>> amour qui feroit donné par force ne du-
» reroit point ; mais plus de mal faict à
» celuy qui l'obtient , que s'il n'en avoit
» point.
>>
>>
Si ont été les parties ou yes appointées
>> en droit & confeil . Finablement veu le
» Procez & confideré tout ce qu'il falloit
>> confiderer en cette matiere , la Cour dit
» qu'elle condemne cette rebelle femme
» à rendre & reftituer audict Amoureux
tout ce qu'il affermera en fa confcience
» lui avoir baillé & donné , nonobftant
» l'offre
par luy faite de ne luy en vou-
>> loir demander aucune chofe. A laquelle
offre la Cour n'y obtempere point , veu
» que ladicte Defendereffe ne l'accepte ,
& qu'elle s'eft renduë ingrate , & or-
» donne qu'à ce faire fera contrainte par
>> la prinfe de fes biens & emprisonnement
» de fon corps. Et à toûjours la bannit des
» biens & fervice d'amours , en diſant
» avoir forfaict de corps & de biens ; en
» maniere qu'elle fera abandonnée à un
>> chacun pour déformais fervir le com-
>> mun , & devenir à tous publique .
>>
>>
.
Za
958 MERCURE DE FRANCE
2. Les Vigiles de la mort du Roi Charles
VII. à neuf Pfeaumes & neuf Leçons , contenant
la Chronique & les faits advenus
durant la vie dudit Roi . Paris 1493. in-4.
It. Paris 1505 & 1528. Item Paris 1724.
in 8. 2. Vol. Cet Ouvrage qui eft en Vers
contient la Vie du Roi Charles VII. La
Verfification n'en eft pas exacte , mais
l'Auteur Y fait paroître de l'invention .
On y voit comment ce Roi chaffa les
Anglois de la France , dont ils occupoient
une bonne partie. Martial d'Auvergne
étoit l'homme de fon fiecle qui écrivoit
le mieux & avec le plus d'efprit. Cet Ou
vrage lui acquit beaucoup de réputation.
3. Les dévotes louanges à la Vierge Marie.
Paris , Jean du Pré 1492. It . Paris
Simon Votre 1509. in 8. Cet Ouvrage eft
encore en Vers.
4. L'Amant rendu Cordelier à l'obfer
vance d'Amour. Lyon 1545. in 15. La
Croix du Maine ne parle point de cet
Ouvrage qui eft cité au N° 1701 , de la
Bibliotheque de M. Brochard ,
Voici les noms des autres Sçavans ,
dont on trouve la Vie & le Catalogue
des Ouvrages dans ce IX. Tome.
Antoine , Jean Beverovicius , Barnabé
Briffon , Samuel Butler , Louis Caftelvetro,
Henri de Cocceji , Batifte Fulgofe , Joſeph
Gazola , Janus Gruter , Claude Joly , Jac
ques
MAY. 1730. 959
ques Lenfant , Jean Mery , Jean Morin ,
Gabriel Naudé , M. Antoine Oudinet ,
Gui Pancirole , Antoine Panormita , Nicolas
Perot , Poggio Bracciolini , Denis de
Salle , Jacques Savary , Barth. Scala , Jean
André Schmid , Antoine de Solis , Jac
ques Augufte de Thou , & Olaus Vormius.
Fermer
Résumé : MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres. Avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages, Tome IX. de 410. pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, rüe S. Jacques, à la Science, MDCC. XXIX.
Le texte fournit des informations sur Martial d'Auvergne, un écrivain du XVe siècle dont l'origine est incertaine. Certains le considèrent Limousin, tandis que d'autres pensent qu'il était Auvergnat. Il exerçait les fonctions de procureur au Parlement et de notaire au Châtelet de Paris. En 1466, il subit une perte temporaire de raison et se jeta par une fenêtre, mais il ne mourut pas de cet incident. Martial d'Auvergne est principalement connu pour ses œuvres littéraires. Ses principaux ouvrages incluent 'Les Arrêts d'Amour', publiés pour la première fois en 1528 et accompagnés de commentaires latins par Benoît le Court en 1533. Ces textes sont des pièces badines écrites en prose, commençant par des vers et traitant de questions juridiques de manière ludique. Un autre ouvrage notable est 'Les Vigiles de la mort du Roi Charles VII', publié en 1493, qui relate la vie du roi Charles VII et sa victoire contre les Anglais. Bien que la versification de cet ouvrage soit imparfaite, il lui valut une grande réputation. Martial d'Auvergne est ainsi reconnu pour son esprit et son talent littéraire. Le document mentionne également une liste d'ouvrages et de savants. Parmi les ouvrages cités figurent 'Les dévotes louanges à la Vierge Marie', imprimé à Paris par Jean du Pré en 1492 et réédité par Simon Votre en 1509, écrit en vers, et 'L'Amant rendu Cordelier à l'obférance d'Amour', publié à Lyon en 1545. Le texte énumère également les noms de divers savants dont les vies et les catalogues d'ouvrages sont mentionnés dans le neuvième tome. Parmi ces savants figurent Antoine, Jean Beverovicius, Barnabé Briffon, Samuel Butler, Louis Castelvetro, Henri de Cocceji, Baptiste Fulgosé, Joseph Gazola, Janus Gruter, Claude Joly, Jacques Lenfant, Jean Mery, Jean Morin, Gabriel Naudé, M. Antoine Oudinet, Gui Pancirole, Antoine Panormita, Nicolas Perot, Poggio Bracciolini, Denis de Salle, Jacques Savary, Barthélemy Scala, Jean André Schmid, Antoine de Solis, Jacques Auguste de Thou, et Olaus Vormius.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2117-2141
CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Début :
J'aprens avec bien du plaisir, Monsieur, que vous ètes à présent un peut au faìt. [...]
Mots clefs :
Mots, Enfants, Enfant, Cartes, Méthode, Verbes, Pratique de la langue latine, Collège, Écoliers, Exercice, Langue, Dictionnaire, A, B, C Latin, Français, Ignorance, Savant, Conjugaison, Pratique, Règles, Expérience
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
CINQUIE'ME LETRE sur l'usage des
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Le texte présente une méthode pédagogique pour l'apprentissage de la langue latine à travers l'usage de cartes, adaptée aux enfants dès l'âge de 2 à 3 ans. Cette approche vise à rendre l'apprentissage ludique et efficace. Les cartes, numérotées et organisées, structurent l'apprentissage des déclinaisons, conjugaisons et autres éléments grammaticaux. L'enfant apprend à ranger et à réciter ces cartes, facilitant ainsi la mémorisation et la compréhension. L'auteur critique les méthodes traditionnelles, jugées inefficaces et trop théoriques, et prône une approche pratique et interactive. Les cartes sont également utilisées pour des exercices variés et progressifs, comme la déclinaison des paradigmes et la conjugaison des verbes. Elles servent aussi pour des exercices de composition et de version, en s'appuyant sur des textes historiques ou religieux. Cette méthode prépare l'enfant à des lectures plus complexes, comme le Nouveau Testament ou les fables de Phèdre, tout en évitant de surcharger sa mémoire. Le texte discute également des jeux de cartes pour rendre l'apprentissage plus agréable et instructif, permettant aux enfants de passer d'un sujet à un autre sans se lasser. Les livres peuvent alarmer les enfants, mais les cartes leur permettent de créer leur propre livre, augmentant ainsi leur curiosité. Certains maîtres critiquent l'usage des textes interlinéaires, mais l'auteur note leur utilité pour apprendre des langues mortes ou vivantes, citant des exemples comme l'Ancien et le Nouveau Testament avec des interprétations mot à mot. L'auteur critique les méthodes traditionnelles d'enseignement du latin et du grec, les trouvant trop abstraites et rebutantes pour les enfants. Il propose des rudiments pratiques et l'utilisation de cartes pour enseigner les déclinaisons et les adjectifs. Il insiste sur l'importance de commencer tôt l'éducation des enfants et de leur apprendre à étudier seul. Le texte compare également les écoles publiques et les éducations privées, notant que les premières ne produisent pas toujours des résultats proportionnés aux années d'étude. Il critique les méthodes vulgaires d'enseignement et propose des approches plus adaptées à l'âge et à la portée des enfants. Enfin, l'auteur souligne la différence entre apprendre par cœur des règles et les appliquer en pratique, insistant sur la nécessité de méthodes éducatives plus judicieuses dès le jeune âge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2205-2210
REFLEXIONS.
Début :
Dans les Athées, s'il est vrai qu'il y en ait, la corruption du coeur précede [...]
Mots clefs :
Savant, Athéisme, Athées, Esprit, Lumières, Intérêt
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS,
Ans les Athées , s'il eſt vrai qu'il y
en ait , la corruption du coeur précede
prefque toujours l'égarement de l'ef
prit , & un mépris orgueilleux des fentimens
populaires les détermine à une opinion
finguliere qui flate leur vanité plus
qu'elle ne perfuade leur raifon .
Dans quelque égarement que tombe
l'efprit humain , il eft impoffible d'éteindre
entierement la lumiere qui nous découvre
l'existence de Dieu , Créateur du
monde &c. & un Athée a , pour ainfi dire,
grand interêt de l'être pour calmer les
juftes
2206 MERCURE DE FRANCE
juftes frayeurs d'une confcience allarmée.
C'eſt un très grand abus de croire que
les maximes Evangeliques ne font guere
compatibles avec de grandes lumieres
& qu'il n'eft rien de fi voifin de l'irréligion
qu'un génie fublime & élevé.
On appelle Athées ceux qui par leurs
'difcours & leurs actions paroiffent fouhaiter
qu'il n'y ait point de Dieux , afin
de n'avoir point de fujet de craindre les
châtimens qu'ils méritent leurs impiétés
& leurs defordres. Dixit infipiens in
corde fuo , non eft Deus,
par
Ce n'eft pas l'incrédulité qui produit le
libertinage ; on affecte d'être incrédule
parcequ'on veut être libertin : on commence
par fuivre fon penchant , & puis
on cherche à le juftifier.
L'homme qui a de l'efprit , & qui con•
fulte les autres , n'eft prefque qu'un demi
homme ; mais celui qui n'en a point , &
qui ne prend confeil de perfonne n'eſt
pas homme.
Il eft difficile de bien choifir ceux à
qui on veut demander confeil : celui des
yieillards eft lent , timide & douteux : la
jeuneffe
OCTOBRE. 1730. 2207
jeuneffe en donne de legers , de violens,
de teméraires ; fi on confulte les Sçavans,
on eft fatigué de leurs longs difcours , &
choqué de leur opiniâtreté : fi on confulte
les ignorans , on eft maître de leurs
avis , mais on en tire peu de lumieres :
fi on s'adreffe aux pauvres , leurs confeils
feront intereffés ; fi on s'adreffe aux riches
, il y aura trop de hauteur & de du
reté dans le parti qu'ils propoferont ; nos
parens , nos domeftiques , pour mieux
nous flater , nous tromperont : les étran
gers ne le donneront pas la peine d'exa
miner la matiere & délibereront fans
attention , ne prenant nul interêt en la
choſe. Plufieurs confeillers embaraffent
peu de confeillers ne fuffifent pas.
2
Qui confulte une fois veut s'éclaircir ;
qui confulte deux fois cherche à douter.
Les Sçavans font pour l'ordinaire dédaigneux
pour les ignorans , & ils font
mal , car ils prouvent par là combien ils
leur reffemblent encore.
L'imitation fervile eft blâmable ; mais
un homme d'efprit fçait habilement fe
rendre propres , & faire paffer dans fes
Ouvrages les beautés de ceux qui l'ont
devancé. On honore ceux qu'on imitę
ayce
1
2208 MERCURE DE FRANCE
avec art ; & un Auteur , même celebre ,
qui feroit profeffion étroite de n'imiter
perfonne , rarement meriteroit-il d'être
imité .
Sur les faits hiſtoriques que nous apprenons
,ou que nous lifons dans les livres
nous devons toujours être en garde contre
l'incertitude qui flatte fans ceffe notre
vanité ; car nous aimons à entendre
nos connoiffances , & quand la verité fe
dérobe à nos recherches , nous nous contentons
de la trouver remplacée par la
fiction que notre crédulité réalife , l'erreur
nous paroiffant moins à craindre
que l'ignorance.
Les hommes d'un gout fûr & délicat
ne font jamais contens de leurs Ouvrages ;
ils ont une fi haute idée de la perfection,
qu'ils ne croyent jamais y être parvenus .
On ne doit pas faire dépendre fes idées
de fon goût ; il faut prendre des guides
plus furs , la raifon & l'experience.
La décadence des Sciences & des Arts
eft fort à craindre ; car on commence à
outrer tout. Le goût des beautés fimples
& naturelles fe perd ; il faudra déformais
du bizarre , de l'étranger & du mefquin
pour
OCTOBRE. 1730. 2209
pour nous toucher ; plus d'un obftacle
s'oppose à la guerilon du mauvais gout.
Le défaut des Medecins , les génies fuperieurs
, tels qu'il en faudroit pour ramener
les efprits, font rares; & quand il s'en
trouve , ils voyent le mal , ils le blâment.
& fe laiffent cependant entraîner par la
foule à laquelle ils veulent plaire : on aime
le nouveau & le fingulier , on ſe ſçait
bon gré de ne pas marcher fur les pas de
fes prédeceffeurs . La défenſe du mauvais
gout devient un interêt de nation ; d'ail.
leurs, quand on pourroit le guerir, quelle
méthode fuivre dans une entrepriſe fi
difficile , où le malade croit être dans une
parfaite fanté , & regarde le Medecin
comme celui qui a befoin de remede ? fi
quelqu'un s'apperçoit de l'erreur commune
, ofera-t'il l'attaquer ? ofera - t'il
s'écarter des routes par où l'on parvient
à la réputation la plus brillante ? ne crain
dra- t'il point de s'expoſer à la dériſion .
On voit tous les jours de petits génies
vuides de lumieres & d'efprit , & pleins
d'amour propre , fe montrer difficiles &
même critiquer hautement dáns les Sciences
& dans les Arts les nouveautés qui
paroiffent , pour ſe faire une réputation
de gens d'efprit & de gout , fe flattant
qu'en attaquant des Auteurs & des Ou-
E vrages
2210 MERCURE DE FRANCE
yrages celebres , on fera grand cas de leurs
remarques , & qu'on les mettra , finon
au deffus , au moins à coté des plus ha
biles.
& و
Quelques Sçavans pleins de bonne opinion
de leurs études , difent par tout , &
croyent même que tout est trouvé
cela parce qu'ils fe perfuadent avec complaifance
qu'ils n'ont plus rien à appren
dre. Ils méprifent hautement les nouvelles
découvertes , & ne daignent pas
les examiner , crainte de fe convaincre
d'une préfomption qui les flate.
Un efprit vain & de mauvaiſe trempe,
quoique cultivé d'ailleurs , parle de tout
avec confiance , & ne peut juger fainement
de rien ; les frais qu'il fait en lecture
& en effort de mémoire , pour paroître
habile , font prefque autant de nouvelles
couches de ridicule qu'il fe donne;
l'orgueil & l'impertinence percent au
travers ; enforte qu'on peut dire avec
Moliere :
Un fot fçavant eft fot plus qu'un fot ignorant.
Et avec un Poëte plus moderne , M.
Pope.
Tel eft devenu fat à force de lecture
Qui n'eut été que fot en fuivant la nature.
Ans les Athées , s'il eſt vrai qu'il y
en ait , la corruption du coeur précede
prefque toujours l'égarement de l'ef
prit , & un mépris orgueilleux des fentimens
populaires les détermine à une opinion
finguliere qui flate leur vanité plus
qu'elle ne perfuade leur raifon .
Dans quelque égarement que tombe
l'efprit humain , il eft impoffible d'éteindre
entierement la lumiere qui nous découvre
l'existence de Dieu , Créateur du
monde &c. & un Athée a , pour ainfi dire,
grand interêt de l'être pour calmer les
juftes
2206 MERCURE DE FRANCE
juftes frayeurs d'une confcience allarmée.
C'eſt un très grand abus de croire que
les maximes Evangeliques ne font guere
compatibles avec de grandes lumieres
& qu'il n'eft rien de fi voifin de l'irréligion
qu'un génie fublime & élevé.
On appelle Athées ceux qui par leurs
'difcours & leurs actions paroiffent fouhaiter
qu'il n'y ait point de Dieux , afin
de n'avoir point de fujet de craindre les
châtimens qu'ils méritent leurs impiétés
& leurs defordres. Dixit infipiens in
corde fuo , non eft Deus,
par
Ce n'eft pas l'incrédulité qui produit le
libertinage ; on affecte d'être incrédule
parcequ'on veut être libertin : on commence
par fuivre fon penchant , & puis
on cherche à le juftifier.
L'homme qui a de l'efprit , & qui con•
fulte les autres , n'eft prefque qu'un demi
homme ; mais celui qui n'en a point , &
qui ne prend confeil de perfonne n'eſt
pas homme.
Il eft difficile de bien choifir ceux à
qui on veut demander confeil : celui des
yieillards eft lent , timide & douteux : la
jeuneffe
OCTOBRE. 1730. 2207
jeuneffe en donne de legers , de violens,
de teméraires ; fi on confulte les Sçavans,
on eft fatigué de leurs longs difcours , &
choqué de leur opiniâtreté : fi on confulte
les ignorans , on eft maître de leurs
avis , mais on en tire peu de lumieres :
fi on s'adreffe aux pauvres , leurs confeils
feront intereffés ; fi on s'adreffe aux riches
, il y aura trop de hauteur & de du
reté dans le parti qu'ils propoferont ; nos
parens , nos domeftiques , pour mieux
nous flater , nous tromperont : les étran
gers ne le donneront pas la peine d'exa
miner la matiere & délibereront fans
attention , ne prenant nul interêt en la
choſe. Plufieurs confeillers embaraffent
peu de confeillers ne fuffifent pas.
2
Qui confulte une fois veut s'éclaircir ;
qui confulte deux fois cherche à douter.
Les Sçavans font pour l'ordinaire dédaigneux
pour les ignorans , & ils font
mal , car ils prouvent par là combien ils
leur reffemblent encore.
L'imitation fervile eft blâmable ; mais
un homme d'efprit fçait habilement fe
rendre propres , & faire paffer dans fes
Ouvrages les beautés de ceux qui l'ont
devancé. On honore ceux qu'on imitę
ayce
1
2208 MERCURE DE FRANCE
avec art ; & un Auteur , même celebre ,
qui feroit profeffion étroite de n'imiter
perfonne , rarement meriteroit-il d'être
imité .
Sur les faits hiſtoriques que nous apprenons
,ou que nous lifons dans les livres
nous devons toujours être en garde contre
l'incertitude qui flatte fans ceffe notre
vanité ; car nous aimons à entendre
nos connoiffances , & quand la verité fe
dérobe à nos recherches , nous nous contentons
de la trouver remplacée par la
fiction que notre crédulité réalife , l'erreur
nous paroiffant moins à craindre
que l'ignorance.
Les hommes d'un gout fûr & délicat
ne font jamais contens de leurs Ouvrages ;
ils ont une fi haute idée de la perfection,
qu'ils ne croyent jamais y être parvenus .
On ne doit pas faire dépendre fes idées
de fon goût ; il faut prendre des guides
plus furs , la raifon & l'experience.
La décadence des Sciences & des Arts
eft fort à craindre ; car on commence à
outrer tout. Le goût des beautés fimples
& naturelles fe perd ; il faudra déformais
du bizarre , de l'étranger & du mefquin
pour
OCTOBRE. 1730. 2209
pour nous toucher ; plus d'un obftacle
s'oppose à la guerilon du mauvais gout.
Le défaut des Medecins , les génies fuperieurs
, tels qu'il en faudroit pour ramener
les efprits, font rares; & quand il s'en
trouve , ils voyent le mal , ils le blâment.
& fe laiffent cependant entraîner par la
foule à laquelle ils veulent plaire : on aime
le nouveau & le fingulier , on ſe ſçait
bon gré de ne pas marcher fur les pas de
fes prédeceffeurs . La défenſe du mauvais
gout devient un interêt de nation ; d'ail.
leurs, quand on pourroit le guerir, quelle
méthode fuivre dans une entrepriſe fi
difficile , où le malade croit être dans une
parfaite fanté , & regarde le Medecin
comme celui qui a befoin de remede ? fi
quelqu'un s'apperçoit de l'erreur commune
, ofera-t'il l'attaquer ? ofera - t'il
s'écarter des routes par où l'on parvient
à la réputation la plus brillante ? ne crain
dra- t'il point de s'expoſer à la dériſion .
On voit tous les jours de petits génies
vuides de lumieres & d'efprit , & pleins
d'amour propre , fe montrer difficiles &
même critiquer hautement dáns les Sciences
& dans les Arts les nouveautés qui
paroiffent , pour ſe faire une réputation
de gens d'efprit & de gout , fe flattant
qu'en attaquant des Auteurs & des Ou-
E vrages
2210 MERCURE DE FRANCE
yrages celebres , on fera grand cas de leurs
remarques , & qu'on les mettra , finon
au deffus , au moins à coté des plus ha
biles.
& و
Quelques Sçavans pleins de bonne opinion
de leurs études , difent par tout , &
croyent même que tout est trouvé
cela parce qu'ils fe perfuadent avec complaifance
qu'ils n'ont plus rien à appren
dre. Ils méprifent hautement les nouvelles
découvertes , & ne daignent pas
les examiner , crainte de fe convaincre
d'une préfomption qui les flate.
Un efprit vain & de mauvaiſe trempe,
quoique cultivé d'ailleurs , parle de tout
avec confiance , & ne peut juger fainement
de rien ; les frais qu'il fait en lecture
& en effort de mémoire , pour paroître
habile , font prefque autant de nouvelles
couches de ridicule qu'il fe donne;
l'orgueil & l'impertinence percent au
travers ; enforte qu'on peut dire avec
Moliere :
Un fot fçavant eft fot plus qu'un fot ignorant.
Et avec un Poëte plus moderne , M.
Pope.
Tel eft devenu fat à force de lecture
Qui n'eut été que fot en fuivant la nature.
Fermer
Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore divers aspects de la nature humaine et de la société, en se concentrant sur la foi, la raison et les comportements sociaux. Il commence par aborder l'athéisme, affirmant que la corruption morale précède souvent l'incrédulité. Même les athées ressentent le besoin de croire en Dieu pour apaiser leur conscience. Le texte critique l'idée que les enseignements évangéliques soient incompatibles avec une grande intelligence, soulignant que l'incrédulité sert souvent de justification au libertinage. Le texte discute également de la difficulté de choisir des conseillers fiables. Chaque groupe a ses défauts : les vieillards sont lents, les jeunes sont téméraires, les savants sont opiniâtres, et les ignorants manquent de lumières. Il met en garde contre l'incertitude et la vanité qui conduisent à préférer la fiction à la vérité. Ensuite, il traite de la décadence des sciences et des arts, attribuée à un goût excessif pour le bizarre et l'étranger. Les médecins et les esprits supérieurs, bien qu'ils voient le mal, se laissent entraîner par la foule. Le texte critique ceux qui se croient supérieurs et méprisent les nouvelles découvertes, ainsi que les esprits vains qui parlent de tout avec confiance sans véritable connaissance. Enfin, le texte cite Molière et Pope pour illustrer que la vanité et l'impertinence peuvent rendre un savant ridicule.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2620-2621
VERS A M. de Fontenelle.
Début :
O Vous qui sçavez tout, modeste Fontenelle, [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Savant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS A M. de Fontenelle.
VERS
A M. de Fontenelle.
Vous qui fçavez tout , modefte Fontenelle
Vous qui poffedez tous les tons
> De qui la veine ou la cervelle
Quand il vous plaît , égale celle
Des Virgiles ou des Newtons ,
Vous ignorez peut - être un trait à votre hiftoire.
Je voudrois vous le reciter ,
Et par bonheur je n'ai besoin que de mémoire ,
I. Vol.
Car
DECE MBRE. 1730. 262
Car je ne dois que répeter :
Tout au plus j'y fournis la rime ,
Mais pas le moindre coup de lime.
Certain Sçavant du Nord, à la grande Cité,
Uniquement pour vous entreprit un voyage ;
Vous avez maintes fois reçû pareil hommage ,
Sans en tirer de vanité ;
Auffi n'eft- ce pas la nouvelle
Que je veux vous apprendre ici ;
Mais de grace écoutez ceci.
Il arrive à Paris . Où loge Fontenelle ?
Dit- il , dès la Barriere au Commis qui l'ouvroit
Le Commis n'en fçait rien ; le Sçavant le qued
relle :
Surpris il croit qu'on le lui céle ,
Et penfoit qu'à Paris aucun ne l'ignoroit,
Voilà le fait tel qu'on l'a dit
Devant un Prince ( a ) en qui l'efprit ,
Heureux préfent de la Nature ,
Couronne mille autres beaux dons ;
11 dit de l'étranger qu'étonna l'avanture :
*Il nous louoit bien plus que nous ne méritons,
S. A. S. M. le Comte de Clermont,
A M. de Fontenelle.
Vous qui fçavez tout , modefte Fontenelle
Vous qui poffedez tous les tons
> De qui la veine ou la cervelle
Quand il vous plaît , égale celle
Des Virgiles ou des Newtons ,
Vous ignorez peut - être un trait à votre hiftoire.
Je voudrois vous le reciter ,
Et par bonheur je n'ai besoin que de mémoire ,
I. Vol.
Car
DECE MBRE. 1730. 262
Car je ne dois que répeter :
Tout au plus j'y fournis la rime ,
Mais pas le moindre coup de lime.
Certain Sçavant du Nord, à la grande Cité,
Uniquement pour vous entreprit un voyage ;
Vous avez maintes fois reçû pareil hommage ,
Sans en tirer de vanité ;
Auffi n'eft- ce pas la nouvelle
Que je veux vous apprendre ici ;
Mais de grace écoutez ceci.
Il arrive à Paris . Où loge Fontenelle ?
Dit- il , dès la Barriere au Commis qui l'ouvroit
Le Commis n'en fçait rien ; le Sçavant le qued
relle :
Surpris il croit qu'on le lui céle ,
Et penfoit qu'à Paris aucun ne l'ignoroit,
Voilà le fait tel qu'on l'a dit
Devant un Prince ( a ) en qui l'efprit ,
Heureux préfent de la Nature ,
Couronne mille autres beaux dons ;
11 dit de l'étranger qu'étonna l'avanture :
*Il nous louoit bien plus que nous ne méritons,
S. A. S. M. le Comte de Clermont,
Fermer
Résumé : VERS A M. de Fontenelle.
La lettre poétique est adressée à M. de Fontenelle, reconnu pour ses talents littéraires et scientifiques, comparables à ceux de Virgile et Newton. L'auteur évoque un événement survenu en décembre 1730, où un savant du Nord se rend à Paris pour rencontrer Fontenelle. À son arrivée, le savant demande à un commis où loge Fontenelle, mais le commis ignore la réponse. Surpris, le savant pense qu'on se moque de lui, croyant que tout le monde à Paris connaît Fontenelle. Cet épisode est relaté devant le Comte de Clermont, qui commente que le savant étranger loue Fontenelle plus que ce dernier ne le mérite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 118-1127
Mémoire sur la Carte de l'Empire d'Alexandre, [titre d'après la table]
Début :
M. Buache, Gendre de feu M. Delisle, premier Géographe du Roy, de l'Académie [...]
Mots clefs :
Mémoire, Géographe, Pays orientaux, Savant, Carte, Empire d'Alexandre, Méridien, Constantinople, Mer Caspienne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mémoire sur la Carte de l'Empire d'Alexandre, [titre d'après la table]
M. Buache , Gendre de feu M. Delisle ,
premier Géographe du Roy , de l'Académie
Royale des Sciences , nommé par
l'Académie pour remplir la place d'Académicien
Géographe, créée par le Roy ,
lût à la derniere Assemblée publique de
cette Académie , un Mémoire sur la Carte
de l'Empire d'Alexandre , dressé par M.
Delisle son Beau- pere , pour l'usage de Sa
Majesté.
Il marqua en commençant que ce qui
l'avoit déterminé à choisir ce Mémoire
préférablement
MAY. 1731 . 1119
préférablement à plusieurs autres , c'étoit
non seulement l'importance des changements
faits à la Géographie des Pays.
Orientaux par M. Delisle , mais encore le
dessein qu'il avoit eu de rendre compte à
l'Académie des raisons de ces mêmes
changemens. M. Buache s'est , comme il
le dit , fait un devoir d'exécuter le projet
de son Beau-pere , duquel il remplit
la place , et de consacrer ses premiers travaux
à la gloire d'un homme, aux instructions
duquel il reconnût qu'il devoit tout
ce qu'il pouvoit sçavoir.
Quoique M. Delisle eût formé le dessein
de faire un Mémoire sur ce sujet,
comme il n'avoit encore rien écrit , M.
Buache a été obligé de rechercher dans les
Extraits et dans les Mémoires que ce sçavant
Géographe avoit laissés , quelles
avoient été les raisons sur lesquelles il s'étoit
déterminé.
Mais comme il y a dans la Géographie
un grand nombre de positions conjecturales
que l'on ne détermine presque que
par l'estime, par voye de tâtonnement , et
souvent même en mettant la derniere main
à la Carte , M.Delisle n'avoit rien écrit des
motifs qui l'avoient déterminé dans ces
occasions , et par là M. Buache n'avoit pas
trouvé tous les secours qu'il pouvoit espe
F v rer
1120 MERCURE DE FRANCE
rer dans les Mémoires de M. Delisle sur
cette partie de sa Carte qui étoit la plus
difficile , comme le sçavent ceux qui ont
quelque connoissance de la Géographie :
ainsi il a été obligé de se rapeller,et d'imaginer
quelquefois , pour ainsi dire , les.
raisons qui avoient déterminé M. Delisle
dans ces occasions.
Pour rendre plus sensibles les changements
faits par M. Delisle à la Géographie
des Pays Orientaux dans sa Carte de
l'Empire d'Alexandre , M. Buache avoit
dessiné le Plan de cet Empire suivant la
Carte de M. Moulard- Sanson , publiée en
1712 : et sur le même Plan il avoit marqué
les differents Pays,suivant le nouveau
systéme , par cette méthode déja employée
par M. Delisle , dans un mémoire lût à
l'Académie des Sciences en 1714. sur la
Carte d'Italie. On apperçoit d'un coupd'oeil
la différence des deux Cartes ; le
Meridien de Constantinople ou de Bysance
est commun à l'une et à l'autre ?
mais comme M. Moulard donnoit une
trop grande étendue aux differents pays ,.
les mêmes Provinces et les mêmes Villes
se trouvent placées deux fois avec des
longitudes differentes .
Supposant Constantinople à 26. degrés
30 minutes du Méridien de Paris , conformément
MAY. 1731. [ 121
formément aux observations , l'extré
mité de l'Epire , ou la côte de la Grece
se trouvera , selon M. Delisle, au 17. degré
de Paris , et selon M. Moulard au 14.
avec une difference de prés d'un sixième .
M. Moulard- Sanson plaçant avec Ptolomée
Constantinople au 43. degré de
latitude , et l'extrémité Méridionale du
Peloponése au 35. degré , donnoit à la
Grece 8. degrés , ' du Nord au Sud , par
les observations Constantinople étant au
41. dégrés 6. minutes , et l'Ile du Mile
à l'Orient du Cap Malée à 36. dégrés 41 .
minutes , l'intervale entre ces deux extremités
de la Grece n'est que de 4. degrés
25. minutes , ce qui fait une difference
de prés de moitié , entre la Carte de
M. Sanson et celle de M. Delisle , et une
difference de 2. degrés ou de so. lieuës
dans la latitude de Constantinople.
A mesure que l'on s'avance vers l'Orient
la différence se trouve encore plus
sensible , parceque les différences s'accu
mulants , la somme devient plus considerable.
On voit par l'inspection des deux
Cartes que la Mer Rouge sur le Plan de
M. Sanson se trouve marquée dans les
pays qui font la Terre Ferme d'Arabie
dans le Plan de M. Delisle que le Golphe
Persique est tout entier dans le Continent
F vj
de
1122 MERCURE DE FRANCE
de la Perse , et que la Mer des Indes, entre
Mascaté et Diou , occupe la place de
la Presqu'Isle de l'Inde . La Mer Caspienne
est de même toute entiere sur la Terreferme
de Tartarie . Il faut en dire autant
de la Mer Noire , qui couvre toute la
Circassie et toute la Géorgie .
Outre une Carte en très grand point ,
qui étoit exposée aux yeux de l'Assemblée ,
M. Buache en avoit fait graver une petite
qu'il distribua , et sur laquelle les marches
d'Alexandre étoient tracées. Comme l'objet
de M. Buache n'étoit point d'entrer
dans les discussions des Pays et Provinces
qui composoient les Frontieres et l'étenduë
de l'Empire d'Alexandre , il se contenta
d'indiquer les Pays où ce Prince
avoit borné ses Conquêtes. Il remarque
d'abord que , quoyqu'il eût porté ses
Armes jusques au Danube, il n'avoit point.
soumis les pays des Triballes au Midy de
ce Fleuve , il observa ensuite que l'Atique.
et le Peloponése n'obeissoient à Alexandre
que comme au Chef et au Général de.
la Nation Grecque , et non comme à leur
Souverain ; que Bysance et la Bythynie ,.
non plus que le Pont , l'Arménie , et
l'Atropatene ne furent point soumises par.
ce Prince. La Scytie au delà du Jaxartes .
conserva sa liberté , de même que les ;
Peuples
MAY. 1731. TF2F
Peuples de l'Hyrcanie , situés à la partie
Orientale de cette Mer. Les Peuples de
l'Arabie , ausquels Alexandre alloit déclarer
la Guerre lorsqu'il mourût , conserverent
leur liberté.
Les preuves rapportées par M. Buache
de la veritable position de ces differents
Pays , sont les Observations Astronomi
ques faites à Constantinople , à Smyrne ,
à Candie , à Rhodes , à Alexandrette et
à Alexandrie d'Egypte par les Astronomes
François , enfin celle qui fut faite par
le P. Grueber à Agra et à Dely sur le Gemené
, Riviere qui tombe dans le Gange
, et dont le résultat est conforme aux
diverses Observations faites à Goa , et en
differents lieux de la Presqu'Isle de l'Inde.
et par les Observateurs François et Anglois..
Comme ces observations donnent seu-
Tement la Position des extrémités de l'Em--
pire d'Alexandre , et que d'Alexandrie à
Agra nous n'avons aucunes observations .
modernes , M. Buache ayant remarqué
que M. Delisle s'étoit servi de celles des
Astronomes Orientaux , montra que ces .
observations étoient assés exactes , 1 ° ..
parcequ'elles mettent entre Antioche et
Lahor la même distance à peu prés que
celle qui résulte des observations modernes
entre Alexandrette voisine d'Antio--
che
# 124 MERCURE DE FRANCE
, che et l'extrémité Orientale de l'Inde
comme Guzurate, Goa, &c. 2º . Parceque
les mêmes observations s'accordent à peu
prés avec celles des Voyageurs éxacts pour
les latitudes et pour les distances Itineraires
des Villes de Perse .
Les Longitudes et les Latitudes de
Ptolomée qui sont celles que les Géographes
ont suivies jusqu'à M. Delisle
s'écartent également des observations
des Astronomes modernes , et de celles
que nous donnent les Orientaux ; suivant
les Géographes qui ont précédé M. Delisle
, les Frontieres Orientales de l'Empire
d'Alexandre seroient à 58. degrés
de Bysance , au lieu que suivant la Carte
de M. Delisle elles ne sont qu'à 48. degrés
, c'est une erreur de 10. degrés ou
de plus de 200. lieuës , dans laquelle ces
Géographes sont tombés .
M. Buache montra que les Positions:
résultantes de ces observations Orientales
et de celles des Voyageurs modernes comparées
avec les Itineraires , ayant donné à
M. Delisle le moyen de fixer les principales
Villes de la Perse , dont plusieurs
portent encore avec peu de changement.
les noms qu'elles avoient au tems d'Alexandre
; il passa ensuite à l'examen de la distance
de ces mêmes Villes , suivant les
marches
MAY. 1731. 1125
marches de l'Armée de ce Prince. Cette
partie de la Carte a demandé un plus
grand travail . Ces distances mésurées
éxactement par les Arpenteurs que ce
Prince menoit avec lui , sont exprimées
en stades , et si l'on avoit évalué ces stades
sur le pied de 5oo . au degré d'un
grand Cercle comme Ptolomée , ou même
sur le pied de 700. comme Eratostene
et Hipparque , on se seroit trouvé fort
loin de compte. M. Buache montra que
les stades des Arpenteurs d'Alexandre
étoient les mêmes que ceux des Astronomes
dont Aristote , Précepteur de ce Prince,
rapporte la mesure de la Terre , et qui
étoient de plus de onze cens au degré. 11
étoit naturel ,comme le remarque M. Buache
, que ce Prince dans le projet duquel
la Conquête du Monde entier étoit entrée
, se servit pour mésurer l'étendue de
ses Conquêtes des mêmes stades dans lesquels
on avoit déterminé de son tems la
mésure de la Terre , afin de connoître
où en étoit l'éxécution de son projet.
M. Delisle avoit déja fait quelque usage
de ces stades de onze cens au degré dans
son Mémoire sur la Carte de l'expédition
de Xenophon,qu'il a donnée dans les Mémoires
de l'Académie desSciences en 1721 .
mais M. Buache montra par des preuves
trés
L116 MERCURE DE FRANCE
trés fortes , que l'on ne pouvoit se dispenser
de reconnoître que c'étoit ceux dont
Ies Arpenteurs d'Alexandre s'étoient
servis.
Il fit voir que supposant des stades de
onze cens au degré , les routes d'Alexandre
se rapportent avec beaucoup de précision
aux Positions des Astronomes.
Orientaux , et à celles qui résultent des
distances Itineraires marquées par les Voyageurs
les plus exacts. Il observa de plas
que les marches forcées de ce Prince qui
supposoient que ces Troupes auroient
fait 54. lieues communes par jour , et
cela plusieurs jours de suite dans l'Hypothése
des Anciens , deviennent non - sculement
vrai -semblables dans l'Hypothése
des stades de onze cens au degré adopté.
par M. Delisle , mais se trouvent même
moins fortes que certaines marches extraordinaires
qui se sont faites de nos
jours. Il fit la même remarque au sujet
de la largeur de l'Hydaspe qu'Alexandre
passa en présence de l'Armée des Per
ses , et montra que cette largeur étant
diminuée de prés de moitié dans l'opinion
que M. Delisle avoit suivie , l'ac
tion d'Alexandre n'a plus rien qui passe
la vrai- semblance .
Il donna plusieurs autres preuves dont
le:
MAY . 1731 . 1127
le détail ne peut s'abréger , ni même se
retenir , et en . finissant sa dissertation
il parla d'une faute de Graveur qui s'est
glissée sur la Carte de la Mer Caspienne
en 2. feuilles , publiée par M. Delisle en
1722. Dans une Note sur cette Carte le
Méridien est marqué au 67. degré deLongitude
à l'Orient de Paris , au lieu de dire an
67. du premier Meridien et au 47. à l'Orient
de Paris. Cette méprise étoit facile à
corriger par toutes les autres Cartes de
M. Delisle antérieures et postérieures.
M. Buache se crût obligé de faire cette
Remarque , parceque dans le nouveau
Recueil des observations faites aux Indes
et à la Chine , publié en 1729. on
a relevé cette position d'Astracan comme
une erreur de M. Delisle ; et pour donner
l'éclaicissement au sujet de la longitude
d'Astracan , il rémarqua qu'elle étoit déterminée
sur une Eclipse observée à Astracan
par Burrough Anglois , et à Vranibourg
par Tycho le 15. Janvier 1580 .
و
La Carte de l'Empire et de l'Expedition
d'Alexandre , dressée par feu M. Delisle
pour l'usage du Roy , laquelle étoit l'objet du
Mémoire de M. Buache , paroîtra incessament
en une feuille et demi , et se trouvera
chez Madame Delisle , Veuve de l'Auteur ,
Quay de l'Horloge..
premier Géographe du Roy , de l'Académie
Royale des Sciences , nommé par
l'Académie pour remplir la place d'Académicien
Géographe, créée par le Roy ,
lût à la derniere Assemblée publique de
cette Académie , un Mémoire sur la Carte
de l'Empire d'Alexandre , dressé par M.
Delisle son Beau- pere , pour l'usage de Sa
Majesté.
Il marqua en commençant que ce qui
l'avoit déterminé à choisir ce Mémoire
préférablement
MAY. 1731 . 1119
préférablement à plusieurs autres , c'étoit
non seulement l'importance des changements
faits à la Géographie des Pays.
Orientaux par M. Delisle , mais encore le
dessein qu'il avoit eu de rendre compte à
l'Académie des raisons de ces mêmes
changemens. M. Buache s'est , comme il
le dit , fait un devoir d'exécuter le projet
de son Beau-pere , duquel il remplit
la place , et de consacrer ses premiers travaux
à la gloire d'un homme, aux instructions
duquel il reconnût qu'il devoit tout
ce qu'il pouvoit sçavoir.
Quoique M. Delisle eût formé le dessein
de faire un Mémoire sur ce sujet,
comme il n'avoit encore rien écrit , M.
Buache a été obligé de rechercher dans les
Extraits et dans les Mémoires que ce sçavant
Géographe avoit laissés , quelles
avoient été les raisons sur lesquelles il s'étoit
déterminé.
Mais comme il y a dans la Géographie
un grand nombre de positions conjecturales
que l'on ne détermine presque que
par l'estime, par voye de tâtonnement , et
souvent même en mettant la derniere main
à la Carte , M.Delisle n'avoit rien écrit des
motifs qui l'avoient déterminé dans ces
occasions , et par là M. Buache n'avoit pas
trouvé tous les secours qu'il pouvoit espe
F v rer
1120 MERCURE DE FRANCE
rer dans les Mémoires de M. Delisle sur
cette partie de sa Carte qui étoit la plus
difficile , comme le sçavent ceux qui ont
quelque connoissance de la Géographie :
ainsi il a été obligé de se rapeller,et d'imaginer
quelquefois , pour ainsi dire , les.
raisons qui avoient déterminé M. Delisle
dans ces occasions.
Pour rendre plus sensibles les changements
faits par M. Delisle à la Géographie
des Pays Orientaux dans sa Carte de
l'Empire d'Alexandre , M. Buache avoit
dessiné le Plan de cet Empire suivant la
Carte de M. Moulard- Sanson , publiée en
1712 : et sur le même Plan il avoit marqué
les differents Pays,suivant le nouveau
systéme , par cette méthode déja employée
par M. Delisle , dans un mémoire lût à
l'Académie des Sciences en 1714. sur la
Carte d'Italie. On apperçoit d'un coupd'oeil
la différence des deux Cartes ; le
Meridien de Constantinople ou de Bysance
est commun à l'une et à l'autre ?
mais comme M. Moulard donnoit une
trop grande étendue aux differents pays ,.
les mêmes Provinces et les mêmes Villes
se trouvent placées deux fois avec des
longitudes differentes .
Supposant Constantinople à 26. degrés
30 minutes du Méridien de Paris , conformément
MAY. 1731. [ 121
formément aux observations , l'extré
mité de l'Epire , ou la côte de la Grece
se trouvera , selon M. Delisle, au 17. degré
de Paris , et selon M. Moulard au 14.
avec une difference de prés d'un sixième .
M. Moulard- Sanson plaçant avec Ptolomée
Constantinople au 43. degré de
latitude , et l'extrémité Méridionale du
Peloponése au 35. degré , donnoit à la
Grece 8. degrés , ' du Nord au Sud , par
les observations Constantinople étant au
41. dégrés 6. minutes , et l'Ile du Mile
à l'Orient du Cap Malée à 36. dégrés 41 .
minutes , l'intervale entre ces deux extremités
de la Grece n'est que de 4. degrés
25. minutes , ce qui fait une difference
de prés de moitié , entre la Carte de
M. Sanson et celle de M. Delisle , et une
difference de 2. degrés ou de so. lieuës
dans la latitude de Constantinople.
A mesure que l'on s'avance vers l'Orient
la différence se trouve encore plus
sensible , parceque les différences s'accu
mulants , la somme devient plus considerable.
On voit par l'inspection des deux
Cartes que la Mer Rouge sur le Plan de
M. Sanson se trouve marquée dans les
pays qui font la Terre Ferme d'Arabie
dans le Plan de M. Delisle que le Golphe
Persique est tout entier dans le Continent
F vj
de
1122 MERCURE DE FRANCE
de la Perse , et que la Mer des Indes, entre
Mascaté et Diou , occupe la place de
la Presqu'Isle de l'Inde . La Mer Caspienne
est de même toute entiere sur la Terreferme
de Tartarie . Il faut en dire autant
de la Mer Noire , qui couvre toute la
Circassie et toute la Géorgie .
Outre une Carte en très grand point ,
qui étoit exposée aux yeux de l'Assemblée ,
M. Buache en avoit fait graver une petite
qu'il distribua , et sur laquelle les marches
d'Alexandre étoient tracées. Comme l'objet
de M. Buache n'étoit point d'entrer
dans les discussions des Pays et Provinces
qui composoient les Frontieres et l'étenduë
de l'Empire d'Alexandre , il se contenta
d'indiquer les Pays où ce Prince
avoit borné ses Conquêtes. Il remarque
d'abord que , quoyqu'il eût porté ses
Armes jusques au Danube, il n'avoit point.
soumis les pays des Triballes au Midy de
ce Fleuve , il observa ensuite que l'Atique.
et le Peloponése n'obeissoient à Alexandre
que comme au Chef et au Général de.
la Nation Grecque , et non comme à leur
Souverain ; que Bysance et la Bythynie ,.
non plus que le Pont , l'Arménie , et
l'Atropatene ne furent point soumises par.
ce Prince. La Scytie au delà du Jaxartes .
conserva sa liberté , de même que les ;
Peuples
MAY. 1731. TF2F
Peuples de l'Hyrcanie , situés à la partie
Orientale de cette Mer. Les Peuples de
l'Arabie , ausquels Alexandre alloit déclarer
la Guerre lorsqu'il mourût , conserverent
leur liberté.
Les preuves rapportées par M. Buache
de la veritable position de ces differents
Pays , sont les Observations Astronomi
ques faites à Constantinople , à Smyrne ,
à Candie , à Rhodes , à Alexandrette et
à Alexandrie d'Egypte par les Astronomes
François , enfin celle qui fut faite par
le P. Grueber à Agra et à Dely sur le Gemené
, Riviere qui tombe dans le Gange
, et dont le résultat est conforme aux
diverses Observations faites à Goa , et en
differents lieux de la Presqu'Isle de l'Inde.
et par les Observateurs François et Anglois..
Comme ces observations donnent seu-
Tement la Position des extrémités de l'Em--
pire d'Alexandre , et que d'Alexandrie à
Agra nous n'avons aucunes observations .
modernes , M. Buache ayant remarqué
que M. Delisle s'étoit servi de celles des
Astronomes Orientaux , montra que ces .
observations étoient assés exactes , 1 ° ..
parcequ'elles mettent entre Antioche et
Lahor la même distance à peu prés que
celle qui résulte des observations modernes
entre Alexandrette voisine d'Antio--
che
# 124 MERCURE DE FRANCE
, che et l'extrémité Orientale de l'Inde
comme Guzurate, Goa, &c. 2º . Parceque
les mêmes observations s'accordent à peu
prés avec celles des Voyageurs éxacts pour
les latitudes et pour les distances Itineraires
des Villes de Perse .
Les Longitudes et les Latitudes de
Ptolomée qui sont celles que les Géographes
ont suivies jusqu'à M. Delisle
s'écartent également des observations
des Astronomes modernes , et de celles
que nous donnent les Orientaux ; suivant
les Géographes qui ont précédé M. Delisle
, les Frontieres Orientales de l'Empire
d'Alexandre seroient à 58. degrés
de Bysance , au lieu que suivant la Carte
de M. Delisle elles ne sont qu'à 48. degrés
, c'est une erreur de 10. degrés ou
de plus de 200. lieuës , dans laquelle ces
Géographes sont tombés .
M. Buache montra que les Positions:
résultantes de ces observations Orientales
et de celles des Voyageurs modernes comparées
avec les Itineraires , ayant donné à
M. Delisle le moyen de fixer les principales
Villes de la Perse , dont plusieurs
portent encore avec peu de changement.
les noms qu'elles avoient au tems d'Alexandre
; il passa ensuite à l'examen de la distance
de ces mêmes Villes , suivant les
marches
MAY. 1731. 1125
marches de l'Armée de ce Prince. Cette
partie de la Carte a demandé un plus
grand travail . Ces distances mésurées
éxactement par les Arpenteurs que ce
Prince menoit avec lui , sont exprimées
en stades , et si l'on avoit évalué ces stades
sur le pied de 5oo . au degré d'un
grand Cercle comme Ptolomée , ou même
sur le pied de 700. comme Eratostene
et Hipparque , on se seroit trouvé fort
loin de compte. M. Buache montra que
les stades des Arpenteurs d'Alexandre
étoient les mêmes que ceux des Astronomes
dont Aristote , Précepteur de ce Prince,
rapporte la mesure de la Terre , et qui
étoient de plus de onze cens au degré. 11
étoit naturel ,comme le remarque M. Buache
, que ce Prince dans le projet duquel
la Conquête du Monde entier étoit entrée
, se servit pour mésurer l'étendue de
ses Conquêtes des mêmes stades dans lesquels
on avoit déterminé de son tems la
mésure de la Terre , afin de connoître
où en étoit l'éxécution de son projet.
M. Delisle avoit déja fait quelque usage
de ces stades de onze cens au degré dans
son Mémoire sur la Carte de l'expédition
de Xenophon,qu'il a donnée dans les Mémoires
de l'Académie desSciences en 1721 .
mais M. Buache montra par des preuves
trés
L116 MERCURE DE FRANCE
trés fortes , que l'on ne pouvoit se dispenser
de reconnoître que c'étoit ceux dont
Ies Arpenteurs d'Alexandre s'étoient
servis.
Il fit voir que supposant des stades de
onze cens au degré , les routes d'Alexandre
se rapportent avec beaucoup de précision
aux Positions des Astronomes.
Orientaux , et à celles qui résultent des
distances Itineraires marquées par les Voyageurs
les plus exacts. Il observa de plas
que les marches forcées de ce Prince qui
supposoient que ces Troupes auroient
fait 54. lieues communes par jour , et
cela plusieurs jours de suite dans l'Hypothése
des Anciens , deviennent non - sculement
vrai -semblables dans l'Hypothése
des stades de onze cens au degré adopté.
par M. Delisle , mais se trouvent même
moins fortes que certaines marches extraordinaires
qui se sont faites de nos
jours. Il fit la même remarque au sujet
de la largeur de l'Hydaspe qu'Alexandre
passa en présence de l'Armée des Per
ses , et montra que cette largeur étant
diminuée de prés de moitié dans l'opinion
que M. Delisle avoit suivie , l'ac
tion d'Alexandre n'a plus rien qui passe
la vrai- semblance .
Il donna plusieurs autres preuves dont
le:
MAY . 1731 . 1127
le détail ne peut s'abréger , ni même se
retenir , et en . finissant sa dissertation
il parla d'une faute de Graveur qui s'est
glissée sur la Carte de la Mer Caspienne
en 2. feuilles , publiée par M. Delisle en
1722. Dans une Note sur cette Carte le
Méridien est marqué au 67. degré deLongitude
à l'Orient de Paris , au lieu de dire an
67. du premier Meridien et au 47. à l'Orient
de Paris. Cette méprise étoit facile à
corriger par toutes les autres Cartes de
M. Delisle antérieures et postérieures.
M. Buache se crût obligé de faire cette
Remarque , parceque dans le nouveau
Recueil des observations faites aux Indes
et à la Chine , publié en 1729. on
a relevé cette position d'Astracan comme
une erreur de M. Delisle ; et pour donner
l'éclaicissement au sujet de la longitude
d'Astracan , il rémarqua qu'elle étoit déterminée
sur une Eclipse observée à Astracan
par Burrough Anglois , et à Vranibourg
par Tycho le 15. Janvier 1580 .
و
La Carte de l'Empire et de l'Expedition
d'Alexandre , dressée par feu M. Delisle
pour l'usage du Roy , laquelle étoit l'objet du
Mémoire de M. Buache , paroîtra incessament
en une feuille et demi , et se trouvera
chez Madame Delisle , Veuve de l'Auteur ,
Quay de l'Horloge..
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Résumé : Mémoire sur la Carte de l'Empire d'Alexandre, [titre d'après la table]
M. Buache, gendre de feu M. Delisle, premier Géographe du Roy et membre de l'Académie Royale des Sciences, a présenté un mémoire sur la carte de l'Empire d'Alexandre, réalisée par son beau-père pour le roi. Ce mémoire visait à souligner l'importance des modifications apportées par M. Delisle à la géographie des pays orientaux et à expliquer les raisons de ces changements. M. Buache a dû reconstituer les motivations de M. Delisle à partir de ses extraits et mémoires, car ce dernier n'avait rien écrit à ce sujet. Il a également dû imaginer certaines raisons, car la géographie comporte de nombreuses positions conjecturales. Pour illustrer les changements, M. Buache a comparé la carte de M. Delisle avec celle de M. Moulard-Sanson, publiée en 1712. Il a montré que M. Moulard donnait une trop grande étendue aux pays, plaçant les mêmes provinces et villes à des longitudes différentes. M. Buache a également corrigé les erreurs de latitude et de longitude, notamment pour Constantinople et l'extrémité méridionale du Péloponnèse. La carte de M. Delisle corrigeait plusieurs erreurs, comme la position de la mer Rouge, du golfe Persique, de la mer des Indes, de la mer Caspienne et de la mer Noire. M. Buache a distribué une petite carte gravée montrant les marches d'Alexandre et a indiqué les pays conquis par ce dernier, tout en précisant que certains territoires, comme la Scythie et l'Arabie, n'étaient pas soumis à Alexandre. Les preuves de M. Buache reposent sur des observations astronomiques faites par des astronomes français et orientaux. Il a également comparé les distances mesurées par les arpenteurs d'Alexandre avec les observations modernes, montrant que les stades utilisés par Alexandre étaient de plus de onze cents au degré. Enfin, M. Buache a corrigé une erreur de graveur sur la carte de la mer Caspienne publiée par M. Delisle en 1722 et a expliqué la longitude d'Astracan à partir d'une éclipse observée en 1580. La carte de l'Empire et de l'expédition d'Alexandre, dressée par M. Delisle, sera publiée prochainement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1322-1324
CATALOGUE des Ouvrages du Marquis SCIPION MAFFEI , Illustre Sçavant de Veronne.
Début :
Della Scienza chiamata Cavalleresca. En trois Livres in 4 °. à Rome 1710. on [...]
Mots clefs :
Catalogue, Savant, Commentaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CATALOGUE des Ouvrages du Marquis SCIPION MAFFEI , Illustre Sçavant de Veronne.
CATALOGUE des Ouvrages du Mar
quis SCIPION MAFFEI , Illustre
Sçavant de Veronne.
Della Scienza chiamata Cavalleresca. En
trois Livres in 4 ° . à Rome 1710. on
en a fait depuis six Editions . La der
niere avec des notes en commentaires
du P. Paoli , de l'Académie des Arcadi.
L'Auteur attaque dans cet ouvrage
les fausses maximes et les faux préjugez
du point d'honneur.
Rime et Prose & c. Recueil des Discours
Lettres , Dissertations , et autres Pie
ces composées en divers temps par le
Marquis Maffei , et qui avoient déja
paru séparément . On en est redevable
à M. le Docteur Colleti , qui le fit im
primer à Venise en 1719. in 4º .
Merope , Tragedie. Cerimanie , Comedie.
La fida Ninfa: Drame mis en Musique.
Ces trois Pieces ont été nouvellement
réimprimées à Verone en un même vo
lume , avec l'explication de quelques
Antiquités qui appartiennent au Thea
tre.LaTragedie deMerope fut imprimée
pour la premiere fois en 1710. et dans
1
"
}
I.Vol.
l'espace
JUIN. 1731. 1323
l'espace de moins de dix années il s'en
est fait en Italie , ou dans les Pays
étrangers , plus de douze Editions. Ja
mais Tragedie n'a eu un applaudisse
ment si universel, et ne le merita mieux.
Il en a paru des Traductions en Alle
mand , en Anglois , en Castillan , et
trois differentes en François.
· Tradutori Italiani , &c. Ouvrage où l'on
donne une connoissance de toutes les
Traductions qui ont été faites en Lan
gne Toscane , des anciens Auteurs
Grecs et Latins .
Dell amica Condizion di Verona. Le Mar
quis Maffei publia certe Dissertation
pour la déffense de Verone sa Patrie ,
contre un Auteur qui avoit entrepris
de prouver que Brescia avoit été la
Capitale des Cenomans , et que Verone
lui avoit été soumise. Il y prouve d'une
maniere claire et solide , que ce vers
Brixia Verona mater amata mea.
n'est point de Catulle. On a décou
vert depuis la publication de cet Ou
vrage deux anciens Manuscrits des
Oeuvres de ce Poëte , où en effet ce vers
ne se trouve pas.
Cassiodiori Complexiones, &c. Ces opuscu
les de Cassiodore qui n'avoient point
encore été publiés , furent imprimés à
I.Vol. F Florence
1324 MERCURE DE FRANCE
Florence en 1721. accompagnés de
Sçavantes Notes.
Supplementum Acacionum. Ce sont trois
Lettres de Felix I I I. jusqu'alors non
publiées. On les a inserées dans le 5.To
me de l'Edition des Conciles , qu'on
fait à Venise.
Historia Diplomatica &c. Histoire Diplo
matique pour servir d'introduction à .
l'art critique sur cette matiere , avec
un Recueil de documens qui n'avoient
pas encore été publiés. On a de plus
dans ce même volume , un Discours
sur l'origine des Vers Rithmiques.
Une Dissertation sur les premiers ha
bitans d'Italie ; la Lettre de S. Chri
sostome à Cesarius expliquée , et quel
ques autres Monumens.
*
·C
Il Theatro Italiano. C'est un Recueil des
plus belles Tragedies qui ayent été re
presentées sur les Theatres d'Italie.
Opere di Giorgio Trissino raccolte. Ce Re
cüeil est précedé d'une sçavante Preface.
De gli Amphiteatri &c. Traité des Amphi
theatres , et en particulier de celui de
Veronne. Il paroitra de nouveau dans
un ouvrage plus considerable , qui est
déja sous Presse , et qui aura pour titre
Verona illustrata.
quis SCIPION MAFFEI , Illustre
Sçavant de Veronne.
Della Scienza chiamata Cavalleresca. En
trois Livres in 4 ° . à Rome 1710. on
en a fait depuis six Editions . La der
niere avec des notes en commentaires
du P. Paoli , de l'Académie des Arcadi.
L'Auteur attaque dans cet ouvrage
les fausses maximes et les faux préjugez
du point d'honneur.
Rime et Prose & c. Recueil des Discours
Lettres , Dissertations , et autres Pie
ces composées en divers temps par le
Marquis Maffei , et qui avoient déja
paru séparément . On en est redevable
à M. le Docteur Colleti , qui le fit im
primer à Venise en 1719. in 4º .
Merope , Tragedie. Cerimanie , Comedie.
La fida Ninfa: Drame mis en Musique.
Ces trois Pieces ont été nouvellement
réimprimées à Verone en un même vo
lume , avec l'explication de quelques
Antiquités qui appartiennent au Thea
tre.LaTragedie deMerope fut imprimée
pour la premiere fois en 1710. et dans
1
"
}
I.Vol.
l'espace
JUIN. 1731. 1323
l'espace de moins de dix années il s'en
est fait en Italie , ou dans les Pays
étrangers , plus de douze Editions. Ja
mais Tragedie n'a eu un applaudisse
ment si universel, et ne le merita mieux.
Il en a paru des Traductions en Alle
mand , en Anglois , en Castillan , et
trois differentes en François.
· Tradutori Italiani , &c. Ouvrage où l'on
donne une connoissance de toutes les
Traductions qui ont été faites en Lan
gne Toscane , des anciens Auteurs
Grecs et Latins .
Dell amica Condizion di Verona. Le Mar
quis Maffei publia certe Dissertation
pour la déffense de Verone sa Patrie ,
contre un Auteur qui avoit entrepris
de prouver que Brescia avoit été la
Capitale des Cenomans , et que Verone
lui avoit été soumise. Il y prouve d'une
maniere claire et solide , que ce vers
Brixia Verona mater amata mea.
n'est point de Catulle. On a décou
vert depuis la publication de cet Ou
vrage deux anciens Manuscrits des
Oeuvres de ce Poëte , où en effet ce vers
ne se trouve pas.
Cassiodiori Complexiones, &c. Ces opuscu
les de Cassiodore qui n'avoient point
encore été publiés , furent imprimés à
I.Vol. F Florence
1324 MERCURE DE FRANCE
Florence en 1721. accompagnés de
Sçavantes Notes.
Supplementum Acacionum. Ce sont trois
Lettres de Felix I I I. jusqu'alors non
publiées. On les a inserées dans le 5.To
me de l'Edition des Conciles , qu'on
fait à Venise.
Historia Diplomatica &c. Histoire Diplo
matique pour servir d'introduction à .
l'art critique sur cette matiere , avec
un Recueil de documens qui n'avoient
pas encore été publiés. On a de plus
dans ce même volume , un Discours
sur l'origine des Vers Rithmiques.
Une Dissertation sur les premiers ha
bitans d'Italie ; la Lettre de S. Chri
sostome à Cesarius expliquée , et quel
ques autres Monumens.
*
·C
Il Theatro Italiano. C'est un Recueil des
plus belles Tragedies qui ayent été re
presentées sur les Theatres d'Italie.
Opere di Giorgio Trissino raccolte. Ce Re
cüeil est précedé d'une sçavante Preface.
De gli Amphiteatri &c. Traité des Amphi
theatres , et en particulier de celui de
Veronne. Il paroitra de nouveau dans
un ouvrage plus considerable , qui est
déja sous Presse , et qui aura pour titre
Verona illustrata.
Fermer
Résumé : CATALOGUE des Ouvrages du Marquis SCIPION MAFFEI , Illustre Sçavant de Veronne.
Le texte présente un catalogue des œuvres du marquis Scipion Maffei, savant de Vérone. Parmi ses travaux notables, 'Della Scienza chiamata Cavalleresca', publié en 1710 à Rome, critique les fausses maximes et préjugés du point d'honneur. Maffei a également compilé un recueil de discours, lettres et dissertations, imprimé à Venise en 1719. Ses pièces de théâtre, telles que 'Merope' (tragédie), 'Cerimanie' (comédie) et 'La fida Ninfa' (drame musical), ont connu un grand succès, avec plusieurs éditions et traductions en diverses langues. 'Merope' a été particulièrement acclamée, avec plus de douze éditions en moins de dix ans et des traductions en allemand, anglais, castillan et français. Maffei a écrit 'Tradutori Italiani', un ouvrage sur les traductions des anciens auteurs grecs et latins en langue toscane. Il a défendu Vérone dans 'Dell amica Condizion di Verona' contre des affirmations erronées sur la capitale des Cénomans. De plus, il a publié des œuvres de Cassiodore avec des notes savantes, des lettres de Félix III, et une 'Historia Diplomatica' contenant divers documents et dissertations historiques. Enfin, il a compilé un recueil des meilleures tragédies italiennes et un traité sur les amphithéâtres, notamment celui de Vérone.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1933-1940
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
Début :
L'Orient a toûjours eu et a encore aujourd'hui des Gens de Lettres de Profession [...]
Mots clefs :
Orient, Mahométisme, Érudition, Alcoran, Science, Histoire orientale, Savant, Auteurs orientaux, Sultan Bajazet Kan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par
M.D. L. R. à M*** sur la Litterature
des Mahometans , et sur celle des Turcs
en particulier.
'Orient a
toûjous eu et a encore auLo Lettres
fession ; on y cultive les Sciences et les
Beaux-Arts la plupart des Européens
sont là-dessus dans une étrange préjugé,
croyant que le Mahometisme a absolument détruit, dans son Empire tout ce
qui s'appelle bon goût et érudition. Je
sortirois trop du sujet principal de ma
Lettre , si j'entreprenois de combattre ce
préjugé , avec quelque étendue , et je ne
dirois rien qui ne vous fût en quelque
façon connu. Je me contenterai de faire.
ici quelques Remarques pour prouver ce
que je viens d'avancer.
Premierement , dans l'Alcoran même,
la Science en general est fort exaltée et
recommandée aux Musulmans ,
jusquesfà qu'un des plus anciens Docteurs Mahométans , disoit que celui qui s'exerce
dans les bonnes œuvres sans la Science ,
est semblable àl'âne d'un Moulin qui tourC no
1934 MERCURE DE FRANCE
"
ne toujours sans avancer chemin. Le
Monde , dit une des Traditions Mahometanes , ne subsiste que par quatre choses ; par la science des Docteurs , par la
justice des Princes , par les prieres des
gens de bien , et par la valeur des Braves.
Enfin un des plus grands Personnages de
cette Secte , étant au lit de la mort ,
disoit à ses Enfans , apprenez toutes les
Sciences , si vous pouvez , à l'exception
de trois , qui sont l'Astrologie judiciaire,
la Chimie , qui n'a pour but que la Pierre
Philosophale , et la Controverse ; car la
premiere ne sert qu'à augmenter les chagrins de la vie ; la seconde , à consumer
son bien , et la troisième , qu'à causer des
doutes , qui font enfin perdre la Religion.
Depuis l'établissement des Califes , successeurs de Mahomet , et la fondation
de leur Monarchie , plus vaste que celle
des Romains , il y a toujours eu parr i
les Arabes une infinité de gens qui s
sont appliquez à l'étude des Sciences
des Arts ; ils ont traduit en leur Langu
l'une des plus anciennes , les meilleu
Livres Grecs , Hebreux , &c. qu'ils or
pû trouver. Plusieurs même de ces C
lifes ont été sçavans et ont aimé et pro
regé les Gens de Lettre ; ils ont fon
des Colleges , établi des Académies
SC
SEPTEMBRE. 1732: 1935
sont celebres dans l'Histoire Orientale.
Il faut avouer , dit le Pere Rapin dans
ses Refléxions sur l'Histoire , que les
Arabes , par la qualité de leur esprit et
par le loisir que la prosperité de leurs
Armes et l'abondance leur procurerent ,
s'appliquerent tellement à l'étude de la
Philosophie et des Mathématiques , qu'ils
devinrent les premiers Sçavans du Monde.
Les autres Princes Mahométans contemporains ou successeurs des Califes
sur tout les Princes Asiatiques , se sont
piquez de science , et de faire fleurir les
Lettres dans leurs Etats. L'Histoire Orientale parle d'un Sultan si studieux , qu'il
faisoit porter à l'armée et dans tous ses
voyages , une Bibliotheque , qui faisoit
seule la charge de 400. Chameaux. Le
Grand Visir Kupruli , tué à la Bataille
de Salamkemen , a fait la même chose
de nos jours.
J'ajoûterai l'exemple de deux autres
Sultans amateurs des Sciences ; le preier est Kedder Kan , qui regnoit dans
a Transoxane , ou le Turquestan , dans
te Ve Siecle de l'Hegire. C'étoit un Prince
- puissant , sçavant et des plus magnifiques
de son temps. Il avoit formé une Acaémie qui s'assembloit en sa présence
nt assis sur une Estrade élevée , au
Cij pied
1936 MERCURE DE FRANCE
pied de laquelle étoient quatre grands
bassins remplis d'or et d'argent , qu'il
distribuoit aux Académiciens , suivant le
prix et le mérite de leurs Ouvrages. Ce
Prince avoit toûjours à sa Cour une centaine de Sçavans d'élite , qui l'accompagnoient partout, et auxquels il donnoit
de grosses pensions.
L'autre Prince est Atsiz , Sultan de Karisme , qui se distinguoit par sa liberalité
envers les Gens de Lettres. Il assembloit
souvent au milieu de sa Cour une Académie pour conferer sur les Sciences et
sur les Belles Lettres , et il récompensoit
les Sçavans suivant leur mérite et celui
de leurs productions. Ce Prince vivoit
vers le milieu du VI. siecle de l'Hegire
le XII. de J. C.
On dira peut- être , Monsieur , que ces
traits recueillis des Auteurs Orientaux ,
regardent des temps fort éloignez du
nôtre , et que depuis les conquêtes des
Turcs dans le Levant , sur tout depuis la
prise de Constantinople , cette Nation ,
qu'on suppose toujours ennemie des Lettres et des études , a aboli toute espece
de science et d'érudition en ce Pays- là.
On le dira , si on veut , mais on le dira
sans autorité et sans fondement. Il est
rai que cette Nation a fait dès le com
mencement
SEPTEMBRE. 1732. 1937
mencement une profession particuliers
des armes , mais il est vrai, aussi qu'elle n'a
jamais méprisé l'étude des Lettres , qu'elle
s'est polie dans la suite , qu'elle a eu pour
Maîtres dans les Sciences , ces mêmes Arabes dont elle a détruit l'Empire , qu'elle
les a même surpassez en plusieurs choses';
et qu'enfin les Turcs ont traduit en leur
Langue les plus beaux Ouvrages des Arabes et des Persans. Mahomet II. les deux
Bajazets , Selim I. et le grand Soliman ,
dont nous avons des Lettres écrites à
François I. étoient des Princes curieux et
sçavans. Les Lettres de Soliman se trouvent dans la Bibliotheque du Roy , dans
celle du Chancelier Seguier , aujourd'hui
de M. l'Evêque de Metz , Duc de Coislin,
et dans des Cabinets particuliers. J'en
possede deux , dont l'une est l'original
Turc, lesquelles ne se trouvent point ailleurs. J'ajoûterai à cette occasion qu'à la
fin du premier volume de la nouvelle
Edition de Gallia Christiana on trouve
la Traduction Latine d'une Lettre assez
singuliere de Bajazet II. écrite au Pape
Alexandre VI. pour le prier de faire CardinalNicolas Cibo , Archevêque d'Arles,
Cette Lettre n'est pas dattée à la maniere
des Musulmans , par l'Hegite , mais par
la Naissance du Messie , ce qui ne peutC iij ërre
1938 MERCURE DE FRANCE
de être regardé que comme une espece
politesse de la part de Bajazet , écrivant
au Souverain Pontife des Chrétiens.
Nous voyons enfin dans la Bibliotheque Orientale de Hagi Kalfah , Turc
moderne de Constantinople , qui contient un ample Recueil alphabetique de
tous les Auteurs Orientaux , et de leurs
Ouvrages , depuis l'origine du Mohometisme jusqu'à son temps ; nous voyons ,
dis-je , par ce Recueil , que les Turcs ont
écrit sur toute sorte de matieres , et qu'ils
ont une très- bonne part dans cette Bibliotheque , laquelle contient une Encyclopedie de toutes les Sciences et des Arts.
Ce Hagi Kalfah , natif, comme je l'ai dit,
de Constantinople , étoit fils du premier
Secretaire du Divan ; il fut premier Commis du Secretaire d'Etat en Chef de la
Cour Ottomane , et il a passé pour un
des plus habiles hommes de son temps.
Sa Bibliographie est dans la Bibliotheque
du Roy et dans celle de M. Colbert ,
M. Petis de la Croix , mort en 1713. en
a laissé une Traduction en notre Langue,
qui contient plusieurs volumes in folio s
il avoit dessein de la publier.
Je finis en disant que ceux qui ont fait
le voyage du Levant avec les dispositions
necessaires pour en profiter , sçavent que dans
SEPTEMBR E. 1732. 1939
dans la Capitale et dans les principales
Villes de l'Empire Turc , il y a des Professeurs publics , des Maîtres particuliers
et des Livres en toute sorte de Sciences
et sur les Beaux Arts , et que les Empereurs Ottomans n'ont jamais fait bâtir
de Mosquées sans y joindre un College
magnifiquement fondé et entretenu. Il y
en a plusieurs de cette espece à Constantinople. Il y en a aussi au Grand Caire , à
Damas , à Alep , &c. Je suis , Monsieur , &c.
>
Comme vous n'êtes pas à portée de
voir dans le nouveau Gallia Christiana
la Lettre dont je viens de parler , j'ai
crû que vous ne seriez pas fâché de la
trouver ici telle que le R. P. de SainteMarthe l'a rapportée , T. I. page 103.
N°. 32. parmi les titres qui regardent la
Métropole d'Arles.
SULTAN BAJAZET KAN , Dei Gratia
Rex Maximus et Imperator utriusque Continentis Asia et Europe ; Christianorum
excellenti, Patri et DD. Alexandro, divinâ
Providentia Romana Ecclesia Pontifici dignissimo. Post convenientem et justam Sa
iutationem ; notum sit tuo supremo Pontificio , quemadmodum Reverendus Dominus
Nicolaus Cybo , Archiepiscopus Arelatensis
est dignus et fidelis homo ipsius et à temCij pore
1940 MERCURE DE FRANCE
pore precedentis Papa Supremi Pontificis
Domini Innocentii usque in hodiernum diem
in tempus sue Magnitudinis, continuè adpacem et amicitiamfestinat, semperque animò et^
corpore in fidelissimâ fide duabus Partibus
servivit et adhuc servit. Hujus rei causâ
justum est et vobis decet majori in ordine
ipsum esse debere ; et rogavimus Supremum Pontificem ut faceret illum Cardinalem , et assensus est nostre petitioni , adeò
ut litteris nobis significaverit quod petitum est
daturum fuisse ipsi. Verùm quia non erat
tempus, Idibus Septembris mensis non sedet
in ordine suo , et ut requirit consuetudo. Intereà verò jussu Dei dedit Pontifex commune debitum , et sic ipse remansit. Ea igitur
de causâ scribimus et rogamus tuam Magnitudinem propter amicitiam et pacem quam
inter nos habuimus , et propter mutuum cor ,
ut ad impleat ipsi tuum Pontificium , videlicet , ut faciat ipsum perfectum Cardinalem , habebimus et nos id in magnâ gratiâ.
·Datum in Aulâ nostra Sultania Auctoritatis in Constantinopoli , M. ccccxcrv.
Anno à Jesu Propheta Nativitate VIII.
Septembris
M.D. L. R. à M*** sur la Litterature
des Mahometans , et sur celle des Turcs
en particulier.
'Orient a
toûjous eu et a encore auLo Lettres
fession ; on y cultive les Sciences et les
Beaux-Arts la plupart des Européens
sont là-dessus dans une étrange préjugé,
croyant que le Mahometisme a absolument détruit, dans son Empire tout ce
qui s'appelle bon goût et érudition. Je
sortirois trop du sujet principal de ma
Lettre , si j'entreprenois de combattre ce
préjugé , avec quelque étendue , et je ne
dirois rien qui ne vous fût en quelque
façon connu. Je me contenterai de faire.
ici quelques Remarques pour prouver ce
que je viens d'avancer.
Premierement , dans l'Alcoran même,
la Science en general est fort exaltée et
recommandée aux Musulmans ,
jusquesfà qu'un des plus anciens Docteurs Mahométans , disoit que celui qui s'exerce
dans les bonnes œuvres sans la Science ,
est semblable àl'âne d'un Moulin qui tourC no
1934 MERCURE DE FRANCE
"
ne toujours sans avancer chemin. Le
Monde , dit une des Traditions Mahometanes , ne subsiste que par quatre choses ; par la science des Docteurs , par la
justice des Princes , par les prieres des
gens de bien , et par la valeur des Braves.
Enfin un des plus grands Personnages de
cette Secte , étant au lit de la mort ,
disoit à ses Enfans , apprenez toutes les
Sciences , si vous pouvez , à l'exception
de trois , qui sont l'Astrologie judiciaire,
la Chimie , qui n'a pour but que la Pierre
Philosophale , et la Controverse ; car la
premiere ne sert qu'à augmenter les chagrins de la vie ; la seconde , à consumer
son bien , et la troisième , qu'à causer des
doutes , qui font enfin perdre la Religion.
Depuis l'établissement des Califes , successeurs de Mahomet , et la fondation
de leur Monarchie , plus vaste que celle
des Romains , il y a toujours eu parr i
les Arabes une infinité de gens qui s
sont appliquez à l'étude des Sciences
des Arts ; ils ont traduit en leur Langu
l'une des plus anciennes , les meilleu
Livres Grecs , Hebreux , &c. qu'ils or
pû trouver. Plusieurs même de ces C
lifes ont été sçavans et ont aimé et pro
regé les Gens de Lettre ; ils ont fon
des Colleges , établi des Académies
SC
SEPTEMBRE. 1732: 1935
sont celebres dans l'Histoire Orientale.
Il faut avouer , dit le Pere Rapin dans
ses Refléxions sur l'Histoire , que les
Arabes , par la qualité de leur esprit et
par le loisir que la prosperité de leurs
Armes et l'abondance leur procurerent ,
s'appliquerent tellement à l'étude de la
Philosophie et des Mathématiques , qu'ils
devinrent les premiers Sçavans du Monde.
Les autres Princes Mahométans contemporains ou successeurs des Califes
sur tout les Princes Asiatiques , se sont
piquez de science , et de faire fleurir les
Lettres dans leurs Etats. L'Histoire Orientale parle d'un Sultan si studieux , qu'il
faisoit porter à l'armée et dans tous ses
voyages , une Bibliotheque , qui faisoit
seule la charge de 400. Chameaux. Le
Grand Visir Kupruli , tué à la Bataille
de Salamkemen , a fait la même chose
de nos jours.
J'ajoûterai l'exemple de deux autres
Sultans amateurs des Sciences ; le preier est Kedder Kan , qui regnoit dans
a Transoxane , ou le Turquestan , dans
te Ve Siecle de l'Hegire. C'étoit un Prince
- puissant , sçavant et des plus magnifiques
de son temps. Il avoit formé une Acaémie qui s'assembloit en sa présence
nt assis sur une Estrade élevée , au
Cij pied
1936 MERCURE DE FRANCE
pied de laquelle étoient quatre grands
bassins remplis d'or et d'argent , qu'il
distribuoit aux Académiciens , suivant le
prix et le mérite de leurs Ouvrages. Ce
Prince avoit toûjours à sa Cour une centaine de Sçavans d'élite , qui l'accompagnoient partout, et auxquels il donnoit
de grosses pensions.
L'autre Prince est Atsiz , Sultan de Karisme , qui se distinguoit par sa liberalité
envers les Gens de Lettres. Il assembloit
souvent au milieu de sa Cour une Académie pour conferer sur les Sciences et
sur les Belles Lettres , et il récompensoit
les Sçavans suivant leur mérite et celui
de leurs productions. Ce Prince vivoit
vers le milieu du VI. siecle de l'Hegire
le XII. de J. C.
On dira peut- être , Monsieur , que ces
traits recueillis des Auteurs Orientaux ,
regardent des temps fort éloignez du
nôtre , et que depuis les conquêtes des
Turcs dans le Levant , sur tout depuis la
prise de Constantinople , cette Nation ,
qu'on suppose toujours ennemie des Lettres et des études , a aboli toute espece
de science et d'érudition en ce Pays- là.
On le dira , si on veut , mais on le dira
sans autorité et sans fondement. Il est
rai que cette Nation a fait dès le com
mencement
SEPTEMBRE. 1732. 1937
mencement une profession particuliers
des armes , mais il est vrai, aussi qu'elle n'a
jamais méprisé l'étude des Lettres , qu'elle
s'est polie dans la suite , qu'elle a eu pour
Maîtres dans les Sciences , ces mêmes Arabes dont elle a détruit l'Empire , qu'elle
les a même surpassez en plusieurs choses';
et qu'enfin les Turcs ont traduit en leur
Langue les plus beaux Ouvrages des Arabes et des Persans. Mahomet II. les deux
Bajazets , Selim I. et le grand Soliman ,
dont nous avons des Lettres écrites à
François I. étoient des Princes curieux et
sçavans. Les Lettres de Soliman se trouvent dans la Bibliotheque du Roy , dans
celle du Chancelier Seguier , aujourd'hui
de M. l'Evêque de Metz , Duc de Coislin,
et dans des Cabinets particuliers. J'en
possede deux , dont l'une est l'original
Turc, lesquelles ne se trouvent point ailleurs. J'ajoûterai à cette occasion qu'à la
fin du premier volume de la nouvelle
Edition de Gallia Christiana on trouve
la Traduction Latine d'une Lettre assez
singuliere de Bajazet II. écrite au Pape
Alexandre VI. pour le prier de faire CardinalNicolas Cibo , Archevêque d'Arles,
Cette Lettre n'est pas dattée à la maniere
des Musulmans , par l'Hegite , mais par
la Naissance du Messie , ce qui ne peutC iij ërre
1938 MERCURE DE FRANCE
de être regardé que comme une espece
politesse de la part de Bajazet , écrivant
au Souverain Pontife des Chrétiens.
Nous voyons enfin dans la Bibliotheque Orientale de Hagi Kalfah , Turc
moderne de Constantinople , qui contient un ample Recueil alphabetique de
tous les Auteurs Orientaux , et de leurs
Ouvrages , depuis l'origine du Mohometisme jusqu'à son temps ; nous voyons ,
dis-je , par ce Recueil , que les Turcs ont
écrit sur toute sorte de matieres , et qu'ils
ont une très- bonne part dans cette Bibliotheque , laquelle contient une Encyclopedie de toutes les Sciences et des Arts.
Ce Hagi Kalfah , natif, comme je l'ai dit,
de Constantinople , étoit fils du premier
Secretaire du Divan ; il fut premier Commis du Secretaire d'Etat en Chef de la
Cour Ottomane , et il a passé pour un
des plus habiles hommes de son temps.
Sa Bibliographie est dans la Bibliotheque
du Roy et dans celle de M. Colbert ,
M. Petis de la Croix , mort en 1713. en
a laissé une Traduction en notre Langue,
qui contient plusieurs volumes in folio s
il avoit dessein de la publier.
Je finis en disant que ceux qui ont fait
le voyage du Levant avec les dispositions
necessaires pour en profiter , sçavent que dans
SEPTEMBR E. 1732. 1939
dans la Capitale et dans les principales
Villes de l'Empire Turc , il y a des Professeurs publics , des Maîtres particuliers
et des Livres en toute sorte de Sciences
et sur les Beaux Arts , et que les Empereurs Ottomans n'ont jamais fait bâtir
de Mosquées sans y joindre un College
magnifiquement fondé et entretenu. Il y
en a plusieurs de cette espece à Constantinople. Il y en a aussi au Grand Caire , à
Damas , à Alep , &c. Je suis , Monsieur , &c.
>
Comme vous n'êtes pas à portée de
voir dans le nouveau Gallia Christiana
la Lettre dont je viens de parler , j'ai
crû que vous ne seriez pas fâché de la
trouver ici telle que le R. P. de SainteMarthe l'a rapportée , T. I. page 103.
N°. 32. parmi les titres qui regardent la
Métropole d'Arles.
SULTAN BAJAZET KAN , Dei Gratia
Rex Maximus et Imperator utriusque Continentis Asia et Europe ; Christianorum
excellenti, Patri et DD. Alexandro, divinâ
Providentia Romana Ecclesia Pontifici dignissimo. Post convenientem et justam Sa
iutationem ; notum sit tuo supremo Pontificio , quemadmodum Reverendus Dominus
Nicolaus Cybo , Archiepiscopus Arelatensis
est dignus et fidelis homo ipsius et à temCij pore
1940 MERCURE DE FRANCE
pore precedentis Papa Supremi Pontificis
Domini Innocentii usque in hodiernum diem
in tempus sue Magnitudinis, continuè adpacem et amicitiamfestinat, semperque animò et^
corpore in fidelissimâ fide duabus Partibus
servivit et adhuc servit. Hujus rei causâ
justum est et vobis decet majori in ordine
ipsum esse debere ; et rogavimus Supremum Pontificem ut faceret illum Cardinalem , et assensus est nostre petitioni , adeò
ut litteris nobis significaverit quod petitum est
daturum fuisse ipsi. Verùm quia non erat
tempus, Idibus Septembris mensis non sedet
in ordine suo , et ut requirit consuetudo. Intereà verò jussu Dei dedit Pontifex commune debitum , et sic ipse remansit. Ea igitur
de causâ scribimus et rogamus tuam Magnitudinem propter amicitiam et pacem quam
inter nos habuimus , et propter mutuum cor ,
ut ad impleat ipsi tuum Pontificium , videlicet , ut faciat ipsum perfectum Cardinalem , habebimus et nos id in magnâ gratiâ.
·Datum in Aulâ nostra Sultania Auctoritatis in Constantinopoli , M. ccccxcrv.
Anno à Jesu Propheta Nativitate VIII.
Septembris
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. D. L. R. à M*** sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
L'auteur de la lettre conteste le préjugé européen selon lequel l'islam aurait détruit le bon goût et l'érudition dans l'Empire ottoman. Il souligne que l'Alcoran valorise la science et que les musulmans la considèrent essentielle. Plusieurs traditions islamiques mettent en avant l'importance de la science, de la justice, des prières et du courage. Les califes et autres princes musulmans ont encouragé les sciences et les arts en traduisant des œuvres grecques et hébraïques et en fondant des académies. Les Arabes sont devenus des savants éminents en philosophie et en mathématiques. Des sultans comme Kedder Kan et Atsiz ont soutenu les lettres et les sciences, formant des académies et récompensant les savants. Les Turcs, bien que connus pour leurs conquêtes militaires, n'ont jamais méprisé les lettres. Ils ont traduit des œuvres arabes et persanes et ont eu des sultans savants comme Mahomet II, Bajazet II, Selim I et Soliman le Magnifique. La Bibliothèque Orientale de Hagi Kalfah témoigne de la contribution des Turcs à diverses sciences et arts. Les villes de l'Empire ottoman, comme Constantinople, Le Caire, Damas et Alep, possèdent des collèges et des professeurs publics. L'auteur conclut en affirmant que les empereurs ottomans ont toujours soutenu l'éducation et les lettres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 36-49
REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
Début :
Si les Voyages ont leur utilité du côté du Corps, on doit aussi avoüer que [...]
Mots clefs :
Ansac, Beauvais, Beauvaisis, Forêt, Village, Saint Robert, La Neuville, Savant, Prieuré, Lettre pastorale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
_R'E MA R Q?) E S curieuse: sur la
_ ‘Bazar/aisés , addrméer à M. de la Reg
que , Auteur/ï.» Mercure.
Æ les Voyages ont leur utilité du côté
S du Corps‘, on doit aussi avoiier que
ceux qui les entreprennent par espritde
Ïuriosité , trouvent presque toujours de
quoi profiter en les aisant, pourvu qu’ils
ne sasservissent point si fort aux Voitu.
xes publiqueglcsquelles "ne donnent pres
que pas le temps de rien voir ni de rien
exariiiner, parce qu'elles ne ÿécartent ja
mais des grands chemins. Vous sçavez de
uelle maniere je fais une bonne partie
e mes Voyages ,'et que je quitte’, quand
r
bon me semble , ces sortes de Voitures,
ounuser de la même commodité avec
äaquelle M.l’Abbé Baudrand fit autrefois
e voyage de Rome, et dont se servit le
sçavânt Pere hiabillonganr qu’il se porta
bien._ C’est ainsi que j’ai parcouru déja.
une bonne partie du Royaume, et jmr ce
moïen je me suis trouvé à portée de faire
plusieurs Observations,qui peuvent avoir:
leur place dans differens Ouvrages de mes
amis, ou dans ceux que j’ai entrepris de
' A donne!
. JANVIER. 173;. 57
r‘
donner au public. Je n’oublie point sur
tout le Sanctoral de France en faveur des
Continuateurs de Bollandus ,à l'exemple
de M. l’A_bbé Chastelain, mon ancien‘
Maître, ni ce qui peut servir à illustrer.‘
l’Histoire de France, en quelque genre
que ce soit.
Rien ne me tentoit davantage dans ma:
derniere course faire en Beauvoi;is,que de
voir la Patrie du cclebre M. Barillet , et:
ce Village d'Ansac , duquel on a parlé
tant de fois dans vos Journaux, depuis
deux ans. Je ne vous rapporte-rai rien du
Prieuré de la Tour du Lay; que ïai vû
en passant, à une petite lieuë de l'an
cien Palais Royal de Chambli , situé sur
la grande Route. Ce Prieuré est devenu
fameux depuis qu'il a donné occasion‘ â
une Lettre Pastorale , singulier-e de M. de.
Saint-Agnan , Évêque de Beauvais, du u.‘
Novembre r7 2.7. imprimée -â Paris , chez
Josse et Briasson , et mentionnée dans le
Journal de Verduu , aussi- bien que le
Village de Nogent-les-Vierges, connupar
une autre Lettre Pastorale‘ du même Pré-Î
lat , du 6 Novembre 1723. M. d’Auver
gne , Avocat à Beauvais; digne imitateur
du goût et du zele des Sieurs Loyscl et:
Louvet, m'a communiqué par la voïe de,
votre Journal de Févrierjtout ce quïl,
' iij peu;
38 MERCURE DE FRANCE.‘
‘v.
pensoit sur S. Nerlin, Patron de ce Prieuo‘
té. Mais constamment le nom de Nerlin
ne peut être formé de celui de Nevelon,‘
et [Ordonnance qui a proposé ce Saint,
en place de S. Robert, semble substituer
à une chose obscure, une autre qui l’est
encore davantage , dès qu’elle ne dé—‘
signe à ce S. Nerlin aucun jour de culte,
et qu’elle n’enseigne pas même comment
on le nommera en Latin. j’ai vû ce que
la Lettre Pastorale ap elle le Tombeau de
S, Robert. Ce qui est elevé sur six petites
Colonnes dans la Nef du Prieuré , n’est
point un Tombeau commeelle Passure;
ce n’est qu’une sim le Tombe du xm sié-_
cle , qui est ainsi p acée,et sur cette Tom
be est’ couchée la figure en relief d’un
Prêtre vêtu des habits Sacerdotaux ,
comme on les portoit il ya environ cinq»
cens ans, ayant la tête‘ nuë , les mains
jointes et une espece de Dragon sous ses:
pieds. Il est probable que ce Cenotaphe
est pour faire ressouvenir ‘du Tombeau
qui doit être quelque part dans cette
Eglise; mais certainement il en est tres
distingué. Ce S. Robert , du 2x Avril,‘
n’est point aussi absolument inconnu ,
même hors le Pais de Beauvoisis. Je me
suis ressouvenu que parcourant en I730.
51ans le Berry , le Martyrologe de laCcË-r
' . 1 ,‘ ._. l f!
JANVIER. X733’. 3g
lËgiale de Leré, qui est du treizième sié
cle‘, Ïy lûs cette addition du’ sieclc sui
vant ,W au jour en question: Item , lîoberti
c/Iôbati: ; et les Chanoines de cette Égli
se , qui estiment, avec raison , leur ma
nusctit ,et qui s’en servent tous les jours,
ne manqnent point de prononcct cette
‘annonce a son tour.
Mais je vais vous (lite quelquûchose
'de plus interrcssant , au sujet de la Ncu
villc , Patrie de M. Baiilet. Comme ilhy a
plusieurs Villages de ce nom dansle Dio
cèse de Beauvais; celui-cy säppelle la.
Neuville en Hez , pour le distigguer des
‘autres. Il n’est point situé au Nord de la
Ville de Beauvàis, comme on l'a assuré
dans ŸEiogc de ce Sçairant ,.imprimé en
i707; et comme le Pcre-Nicerbn l’a dit
ÿclepuis dans ses Mcmoires , ôte. ‘mais. s:
àituation est âPOticnt de cette Villes‘
C’est une difficulté purement Géogra.
phique de sgavoir s’il faut écrire en_ Heu
bu en Hayes. Ce lieu est à Fenttée d’une
Forêt de Hantc-Futaye , qui le ‘sépare ‘de
la terre d'Ansac.' Si l’on avoir des Îi
tres bien anciens , qui les clésignassent par
le surnom in Hagn, ou bien in Haya ,
il FaudroitPêctire de la seconde manied
se; mais" les Titres du douzième siècle,‘
tapgçrtez‘ parLouyft ,‘cmployent toul
i“ l C iiij jours
l 4
Etc M ERCURE DE FRANCE.‘ A
jours le nom de Hez , pour désigner l2!
Forêt : Magnum 21mm: quod 710cm1"; Hez, ,
ensorte qu’il paroît que f-Iez est un nom
propre c Forêt, de même queLaye ,
Argonne , Ardennes. Le Dictionnaire
Universel de la France,imprimé en i726.
met ce la Ntuville ‘en Picardie ; et cepen
dant il le déclare situé au Diocèse de
Clernÿnuce qui est absurde et risible.
Ce Village peu connu mérite däautan‘;
lus d’être tiré de Pobscurité , que c’est
sans le Château qu’en y voyoir avant les
Guerres de la Religion , qu’un‘ des lus
illustres de nos Rois vint au mondallest
vrai que'M. Baillet qui éroit natif de ce
la Neuvillea ignoré ce fait ; mais comme
ce Sçavant quitta sa Patrie de bonne beu
re, et qu’il sïnformoit peu de ce qui
éroit contenu dans les Archives séculie
tes, il n’est pas étonnant qu’il n’en ait
pas eu connoissancelepremier Ecrivain
qui ait remarque ce point historique est
M. Simon, Conseiller au Présidial d:
Bfrauvais , lequel dms ses Additions 5.
PI-Iistoire du Beauvoisis, imprimées Pan
I704. s’explique positivement en ces ret
mes , à la pag. 45. touchant la Neuville
en l-Iez : J'ai vû , dit-il , la: Originaux; de
irai: Titres , dam il y en a deux du Ra]
Iwüi: X1. l'un du mai: «#401453 i468. et
. ‘ ' ‘ Pâture
4
s L
. ‘JANVIER. 173.3. 41
l'autre du r3 Octobre 1475m2 le troisiême qui
sont Lettres olu Roy Henry Il’. de 1601. ois
l’on accorde aux Haéitans de la Neuville
fourmi temps, l'exemption (le la Taille, en
honneur et souvenir de la naissance de saint
Louis; et il est énoncé dans le dernier de ses
titres , qu’il avait lui-même accordé la même
exemption par Lettres. Il est vrai que" celle
_ de 1468. marque seulement ( ainsi qu’il a été
aflïrmé ausdits babitans. ) Les "copiesldes
mêmes titres,que i’ai vûës entre les mains
de M. Maillard , Avocat à Paris, me POP‘
\ \ n \ ,
tent a suivre, aptes le R. P. de Mont
faucon , le sentiment qu’a eu ce Sçavant
touchant ce fait Historique; et s’il est vrai
quÎaucun Historien contemporain a la
naissance de S. Loüis , [fait assuré qu’elle
soit arrivée à Poissy, mais seulement qu'il
y fut baptizé 5 il reste à croire plus vrai
semblable que ce Prince étoit néà la Neu
ville. La premiers Charte de Loüis XI.‘
fut expediée à Compiégxie; et la seconde,
â la Vietoire , proche Senlis. Il seroit à
souhaitter qu'on pût recouvrer le Titre
par lequel S. Loüis lui-même avoir re
connu ce La-Nertville pour le lieu de sa
naissance. On pourroit encore recourir
à la confirmation que ce Roy a faire de la
donation d’une Comtesse de Clermonr au
Prêtre de 1a Neuvifleg en 1 2. 5 I. que Lou;
C v Net
4:2‘ MERCURE DE FRANCE.‘
vet dit être au Trésor Royal des Char?
j les Layere , de PAppanage des Enfans
de France.
Au sortit de la Forêt de I-Iez, on apaj
perçoit vers le midy , dans un fond , le
Village d’Ansac , qui s'est fait un certain.
renom, à_l’occasion de l’Akousmate,dont
vos Journaux ont parlé. J’en ai examiné
la situation en venant de la Ferme du.
Plessis- Bilbaud , dest-à-dire , devers le
Septentrion. Il y a en ce territoire et de
ce côté-là — même , plusieurs Gorges ou
Vallons bornez , mais très-secs et arides;
et sans Caverne,au moins qui paroisse.‘
La superficie du terrain est pierreuse,
puisqubn en tire du Pavé. Le Parc est à
opposite de ces Gorges ( le Village en—'
tre deux), c’est - à - dire, en tirant de
PEglise du lieu vers le Soleil Fes-g
ace de deux heures; et il est étendu en‘
fongueur de ce côté-là , moitié en plai-f
ne, moitié en côteau à main gauche.
S’il n’y a point de Cavernes ou de Sou-a
terrains à Ansac , ce n’est point non
plus un Païs où l’on puisse dire que les
Marais et les Eaux dormanres , fournis
sent à l’air une vapeur capable de Former
des bruits extraordinaires. Il n’y a qu’un
tres-perit Ruisseau,qui traverse la ion-g
gueur du Parc , "capable à peinede Ÿfaire
l’ v - tourner
JANVIER. I733: 43
tourner un Moulin; de sorte que je me
trouverois embarassé à décider lesquels
des deuxiont plus de raison , ou de ceux
qui croyenr que ces bruits étoient dans
Pair, ou des autres que vous me mander,
être d’avis qu’ils sortoient de dessous la
terre. Jenavoispas remarqué qu’on peut:
avoir cette derniete pensée , cr que dans
Penquête de M. le Curé , quelques-uns
(les principaux de ses Paroissiens dépo
sent qtfune partie de ces bruits leurs pa
rutent comme s’ils fussent sortis des en
trailles de la terre. Si quelque Sçavane
Physicien prenoit la peine de. mettre
cette pensée dans tout son jour ,peut
être» ne setoit elle pas trouvée hors d’ap-‘
arence. Ce que jen dis , au reste , est
toujours en supposant que le bruit enten
du à Ansac , a été naturel ,v et non pas ars
tificiel ,. et que personne ne s’est diverrj.
dans lebas du Châreamautour de que lquo
Machine, soigneusement disposée pour
representer un murmure populaire; can
gens habiles dans la Mécanique préten.
dent qu’un homme qui tiendtoit de la,
main gauche un Tonneau vuide , dêfon’.
‘cé par les deuxbours, et dont les Don.
yes autoicnt été ctênelées de la longrtepg
çl-‘un pied, plus ou moins,.vers' le milieu.’
çtqrti promeneroitde la droite à Pinte.
« Ç vj tien;
1,4. MERCURE DE" FRANCE.‘
rieur cle ce Tonneau autour" de ces créneæ‘
lures , un fercourbê et garni de différens
crans , Former-cit des sons qui represenre
roienr la Musette, la Vielle‘, le Hautbois,
ëäc. confusément entendus.
-' Que sçaLje s’il n’y ‘a pas d’autres sc-‘
crets pourreprésenrer à Foüiexun amas
confus de voix humaines , et- le somâcre
de gens qui riroient tous ensemble.
Autant Ie bruit d’Ansac est extraordinai
re en lui-mêmqaurantildoit paroîrre sin
gulier de voir dans le Pais de Beauvoisis
un nom de lieu finissant enaall semble que
ces sortes de terminaisons devroLnt être
renfermées dans FAuVergneJe Limousin,
la Guyenne ou autres parties Méridiona
les du Royaume. Je dourerois de la gé
nuité de ce nom , si je ne l’avois trouvé
dansl un tirée, rîipporré par Louvenll fana
ui ‘y- air ien es siecles u’on sa ‘ erdu
3e vûë le nom larinde ceqViIiaggPpui-sq
que dès l’an 1186, le Pape Urbain‘ lII.‘
que l’on fait parler dans une Bulle , ne-le
peut désigner que par le nom François
Anmc( a ). Je merrrois Cressonsac du.
Diocèse de Beauvais dans le même cas , si
ce n’éroit que M. Simon m’apprcnd qu’i_l
t‘ ( '21) Hein,‘ quicquid Imàetis in Villa qui; dicitur
‘Ansac, mm in hospitibu: guùm in amen. Louvet, e
Tome l. pag‘. 19+. _,<,
faut
JANVIER. 173;. 4,5
faut dire Cressonsart conformément aux
anciennes Chartes , et que ce mot vient:
de Cresxaninm Euartaruvz.
M. Dauvergne a bien rai<on de croire
qu’on a des Otivrages d’H;linand dans
l’Abbaye de Froimont. il me fut facile '
(le m’y transporterâ la faveur du voisina
ge de Brêle où je sèjotirnois; ct ayant eu
entrée dans la Bibliotheqtie, je les y trou-r»
vai aisément. Si on y croÿoit l1 Chtoni4
que perdue‘ , c’est qu_’en efiet elle est deg
venuë très-mèconnoissable , cn ce que les"
cahiers ont è*é autrefois si mal reliczl que
celui qui est au commencement du Voï
lume contient des articles du Règne de
Dagobert, tandis que le premier cahier ,
à la tête duquel sont les Fasrss Consulai
res , est au milieu du Livre. Ce volume ,
fout petit 527-49. qu’il est , peut contenir
toute la Chronique dT-Ielinand rèdigèe
e_'n latim Outre q‘u’il est sans aucune
marge , l’Ecriture en est très - minutèe.
Elle est du treizième siècle; mais elle n’est
pas pqur cela si difficile à‘ lire qu’elle l’a.
péfruë a M. Hermant , et a son Coufrere.
Çc lqui est plus voisin clu tems de l’Au
peut me parût plein d'apparitions , et:
n’est po’nt du goût de notre siècle. Cet
Écrivain passe pour Bienheureux dans‘
läâbbaye. On voit par certains endroits
l‘. quïl ’
4€ MERCURE DE FR ANGE
qu’il imitoit S. Jerôme , quant à la pen
sée de la mort , et son Tableau le repré-j
sente à peu près comme ce saint Doc
teur. Je cherchai ( mais inutilement .)
l'endroit où Helinand parle de cet
homme du Beauvoisis qu’on croyoit être
transformé en Loup 3 ct qui de son tems
passa pour Antropophnge ou mangeur
d’Enfans , parce qu'on lui en vit vomit
des jointures cle doigt toutes entieres. Ce
qui mïzngageoit à ce point de curiosité ,
est la parité du cas où nous nous trou
‘vons dans nos Cantons , puisqubn ne
peut presque ôter de Pesprit de la plû
partldes Paysans du Comté düuxeäte ,
ue eLou énorme ui man etant ‘en
gins depuiî plus deqsix moigs’ , et que la
Louvetetie du Roi n’a û en cote tuer ,
est d’une espece route siemblable. Il fane
qu'Helin1nd fut un Auteur de grande
réputation au treizième siecle. Outre
Vincent de Beauvais qui en a fait delongs
Extraits . îe le trouve encore souvent ci
té par un Jean de S. Chefs (a) Corde-â
lier , qui se dit de la Province de Bout-‘_
gogne , lequel a composé une Chronique,
qui finit à l'an 1 2.50. Ce Franciscain écrit;
\
ce qui suit a l’.æn 12.09: Hz": temporibm
(a)‘ besJîveadwio; - i. . ' .flomü
JÂNVIER. 1733. 4.7
flortiit Helinandus Manne/Jus , wir Religio
sus et facundtts , Belvaoensis. La qualité
de disert peut être fondée sur le style de
ses Sermons , dont plusieurs sont dans
le même volume à Froimont: mais je me
dispensai d’en prendre lecture. Depuis
que ïal eu communication cle la vieille
Traduction du fragment d’Helinand , ti
rée du Miroir Historia], par le canal du»
Mercure de Fevrier, j’ai retrouvé les mê-A
mes choses dans S. Antonin, Pari. III.
Lit. r8‘. Cap. ç. et c'est là justement que
j'avais lû autrefois le bruit qui fut enten
du dans une Forêt entre Rcims et Aré
ras s chose terrible , si elle étoit veritable.
Je finirai, Monsieur , ce que fai à vous
dite cl’Helinancl par la Pièce de Vers que
ce même Auteur a écrite en françois sur
la Mort. Cet Ouvrage renommé est une
nouvelle preuve de ce que ÿai avancé
contre la proposition trop generaie de
M. l’Abbé Fleury, que l’on ne tram/e point
ale Poësies en langagef/angois du dauziéme
ou treiziéme siécle sur des S ujets moraux et
depieteflcr que j’ai réfutêe par des exeme
pics rapportez dans le Mercure de Dés
cembre 173x. 1. vol. p. 2972. CQSVCYS
doivent n’être pas extrêmement rares _,
puisque c'est Loysél qui les fit imprimer
l’an 152+. avec une Dédicace au Présiälrnt
au:
48 MERCURE DEFRANCE
L
vFauchet , ainsi qu’il le dit lui-même dans
ses Mémoires. '
Comme vous faites quelquefois part de
mes Lettres â deÿpcrsonnes qui aiment
la science des Rits Ecclésiastiques, je fi
nirai celle-ci par une Observation que Ïai
faîte à Beauvais à la Fête de S. Pierre ,
Patron de la Cathedrale. Un Etranger ne
gent mänqtier d’être surpris de voir quïän
resse ans lc Sanctuaire es Parterres e
Fleurs et de verdure sur les Tombes des
Ehveques cote que qdu’iuny asuotnrte:inilhunm’eeszt , ptaasntoblige
d’avoir la clefde cet usage. Comme c’est
a celui m’a le plus frappé par sa singu
larité , ÿen ai cherché lbtigine dans les
Ecrivains de cette Ville. Louvet , le plus
difÎus de ses Conftctes , en parlantfïama
1. p. 391. de Penlevement des Tombes
du Choeur de l’Abbaye de Saint Lucien ,
fait au XVI. ‘siècle pour paver les Cuisi
nes du Cardinal de Chastillon , alors
Évêque de Beauvais, dit que lor<qu’elles
étoient encore en leur place , il y en avoit
une d’Airain garnie de plusieurs trous
dans lesquels en certains jours on mettoit
des bouquets de fleurs , et qu'à Pégard de
deux ou trois autres des Evêques de Beau
yais réputez de sainte vie , on pratiquoit
autour;
M - >JANVIER. 173;. 4g
‘äutour de leurs Tombes la même cerémoè
nie gubn fait-dans la Cathédrale autour.‘
fics Sêpùlcrès des Evêques aux jours s04
IemnçLguqui-cst de les environner Vde
fldùfssVoiiä Ÿesprit de cette cèrêmohîcî
Mais ce n’e t pas encore assez de rendre
honneur erfcela à la mémoire des Evê
quegquoique non-çanonïsez , les Oflîcianl
encenscnt encore ces Tombes pendant
POflîce d'une mariiere édifiahtc , de mê-T
me que l'on fait dans d’autres Églises de
là Ikovince de Reiins , de Sens, 86C. Ce
qui est une marque de rechonnoissancc pû
blique très-bien placée , et qui invite lei
Evêqucs vivans ä meritcr parleurs bien
faits et par leur sainte vie , lès mêmes
honneuzs qgÿils voyent rendre à lcùrs Pré;
x
décesseuts. -. .
.4 Aùàcerre , ce 22. fnilluet 1732.‘
_ ‘Bazar/aisés , addrméer à M. de la Reg
que , Auteur/ï.» Mercure.
Æ les Voyages ont leur utilité du côté
S du Corps‘, on doit aussi avoiier que
ceux qui les entreprennent par espritde
Ïuriosité , trouvent presque toujours de
quoi profiter en les aisant, pourvu qu’ils
ne sasservissent point si fort aux Voitu.
xes publiqueglcsquelles "ne donnent pres
que pas le temps de rien voir ni de rien
exariiiner, parce qu'elles ne ÿécartent ja
mais des grands chemins. Vous sçavez de
uelle maniere je fais une bonne partie
e mes Voyages ,'et que je quitte’, quand
r
bon me semble , ces sortes de Voitures,
ounuser de la même commodité avec
äaquelle M.l’Abbé Baudrand fit autrefois
e voyage de Rome, et dont se servit le
sçavânt Pere hiabillonganr qu’il se porta
bien._ C’est ainsi que j’ai parcouru déja.
une bonne partie du Royaume, et jmr ce
moïen je me suis trouvé à portée de faire
plusieurs Observations,qui peuvent avoir:
leur place dans differens Ouvrages de mes
amis, ou dans ceux que j’ai entrepris de
' A donne!
. JANVIER. 173;. 57
r‘
donner au public. Je n’oublie point sur
tout le Sanctoral de France en faveur des
Continuateurs de Bollandus ,à l'exemple
de M. l’A_bbé Chastelain, mon ancien‘
Maître, ni ce qui peut servir à illustrer.‘
l’Histoire de France, en quelque genre
que ce soit.
Rien ne me tentoit davantage dans ma:
derniere course faire en Beauvoi;is,que de
voir la Patrie du cclebre M. Barillet , et:
ce Village d'Ansac , duquel on a parlé
tant de fois dans vos Journaux, depuis
deux ans. Je ne vous rapporte-rai rien du
Prieuré de la Tour du Lay; que ïai vû
en passant, à une petite lieuë de l'an
cien Palais Royal de Chambli , situé sur
la grande Route. Ce Prieuré est devenu
fameux depuis qu'il a donné occasion‘ â
une Lettre Pastorale , singulier-e de M. de.
Saint-Agnan , Évêque de Beauvais, du u.‘
Novembre r7 2.7. imprimée -â Paris , chez
Josse et Briasson , et mentionnée dans le
Journal de Verduu , aussi- bien que le
Village de Nogent-les-Vierges, connupar
une autre Lettre Pastorale‘ du même Pré-Î
lat , du 6 Novembre 1723. M. d’Auver
gne , Avocat à Beauvais; digne imitateur
du goût et du zele des Sieurs Loyscl et:
Louvet, m'a communiqué par la voïe de,
votre Journal de Févrierjtout ce quïl,
' iij peu;
38 MERCURE DE FRANCE.‘
‘v.
pensoit sur S. Nerlin, Patron de ce Prieuo‘
té. Mais constamment le nom de Nerlin
ne peut être formé de celui de Nevelon,‘
et [Ordonnance qui a proposé ce Saint,
en place de S. Robert, semble substituer
à une chose obscure, une autre qui l’est
encore davantage , dès qu’elle ne dé—‘
signe à ce S. Nerlin aucun jour de culte,
et qu’elle n’enseigne pas même comment
on le nommera en Latin. j’ai vû ce que
la Lettre Pastorale ap elle le Tombeau de
S, Robert. Ce qui est elevé sur six petites
Colonnes dans la Nef du Prieuré , n’est
point un Tombeau commeelle Passure;
ce n’est qu’une sim le Tombe du xm sié-_
cle , qui est ainsi p acée,et sur cette Tom
be est’ couchée la figure en relief d’un
Prêtre vêtu des habits Sacerdotaux ,
comme on les portoit il ya environ cinq»
cens ans, ayant la tête‘ nuë , les mains
jointes et une espece de Dragon sous ses:
pieds. Il est probable que ce Cenotaphe
est pour faire ressouvenir ‘du Tombeau
qui doit être quelque part dans cette
Eglise; mais certainement il en est tres
distingué. Ce S. Robert , du 2x Avril,‘
n’est point aussi absolument inconnu ,
même hors le Pais de Beauvoisis. Je me
suis ressouvenu que parcourant en I730.
51ans le Berry , le Martyrologe de laCcË-r
' . 1 ,‘ ._. l f!
JANVIER. X733’. 3g
lËgiale de Leré, qui est du treizième sié
cle‘, Ïy lûs cette addition du’ sieclc sui
vant ,W au jour en question: Item , lîoberti
c/Iôbati: ; et les Chanoines de cette Égli
se , qui estiment, avec raison , leur ma
nusctit ,et qui s’en servent tous les jours,
ne manqnent point de prononcct cette
‘annonce a son tour.
Mais je vais vous (lite quelquûchose
'de plus interrcssant , au sujet de la Ncu
villc , Patrie de M. Baiilet. Comme ilhy a
plusieurs Villages de ce nom dansle Dio
cèse de Beauvais; celui-cy säppelle la.
Neuville en Hez , pour le distigguer des
‘autres. Il n’est point situé au Nord de la
Ville de Beauvàis, comme on l'a assuré
dans ŸEiogc de ce Sçairant ,.imprimé en
i707; et comme le Pcre-Nicerbn l’a dit
ÿclepuis dans ses Mcmoires , ôte. ‘mais. s:
àituation est âPOticnt de cette Villes‘
C’est une difficulté purement Géogra.
phique de sgavoir s’il faut écrire en_ Heu
bu en Hayes. Ce lieu est à Fenttée d’une
Forêt de Hantc-Futaye , qui le ‘sépare ‘de
la terre d'Ansac.' Si l’on avoir des Îi
tres bien anciens , qui les clésignassent par
le surnom in Hagn, ou bien in Haya ,
il FaudroitPêctire de la seconde manied
se; mais" les Titres du douzième siècle,‘
tapgçrtez‘ parLouyft ,‘cmployent toul
i“ l C iiij jours
l 4
Etc M ERCURE DE FRANCE.‘ A
jours le nom de Hez , pour désigner l2!
Forêt : Magnum 21mm: quod 710cm1"; Hez, ,
ensorte qu’il paroît que f-Iez est un nom
propre c Forêt, de même queLaye ,
Argonne , Ardennes. Le Dictionnaire
Universel de la France,imprimé en i726.
met ce la Ntuville ‘en Picardie ; et cepen
dant il le déclare situé au Diocèse de
Clernÿnuce qui est absurde et risible.
Ce Village peu connu mérite däautan‘;
lus d’être tiré de Pobscurité , que c’est
sans le Château qu’en y voyoir avant les
Guerres de la Religion , qu’un‘ des lus
illustres de nos Rois vint au mondallest
vrai que'M. Baillet qui éroit natif de ce
la Neuvillea ignoré ce fait ; mais comme
ce Sçavant quitta sa Patrie de bonne beu
re, et qu’il sïnformoit peu de ce qui
éroit contenu dans les Archives séculie
tes, il n’est pas étonnant qu’il n’en ait
pas eu connoissancelepremier Ecrivain
qui ait remarque ce point historique est
M. Simon, Conseiller au Présidial d:
Bfrauvais , lequel dms ses Additions 5.
PI-Iistoire du Beauvoisis, imprimées Pan
I704. s’explique positivement en ces ret
mes , à la pag. 45. touchant la Neuville
en l-Iez : J'ai vû , dit-il , la: Originaux; de
irai: Titres , dam il y en a deux du Ra]
Iwüi: X1. l'un du mai: «#401453 i468. et
. ‘ ' ‘ Pâture
4
s L
. ‘JANVIER. 173.3. 41
l'autre du r3 Octobre 1475m2 le troisiême qui
sont Lettres olu Roy Henry Il’. de 1601. ois
l’on accorde aux Haéitans de la Neuville
fourmi temps, l'exemption (le la Taille, en
honneur et souvenir de la naissance de saint
Louis; et il est énoncé dans le dernier de ses
titres , qu’il avait lui-même accordé la même
exemption par Lettres. Il est vrai que" celle
_ de 1468. marque seulement ( ainsi qu’il a été
aflïrmé ausdits babitans. ) Les "copiesldes
mêmes titres,que i’ai vûës entre les mains
de M. Maillard , Avocat à Paris, me POP‘
\ \ n \ ,
tent a suivre, aptes le R. P. de Mont
faucon , le sentiment qu’a eu ce Sçavant
touchant ce fait Historique; et s’il est vrai
quÎaucun Historien contemporain a la
naissance de S. Loüis , [fait assuré qu’elle
soit arrivée à Poissy, mais seulement qu'il
y fut baptizé 5 il reste à croire plus vrai
semblable que ce Prince étoit néà la Neu
ville. La premiers Charte de Loüis XI.‘
fut expediée à Compiégxie; et la seconde,
â la Vietoire , proche Senlis. Il seroit à
souhaitter qu'on pût recouvrer le Titre
par lequel S. Loüis lui-même avoir re
connu ce La-Nertville pour le lieu de sa
naissance. On pourroit encore recourir
à la confirmation que ce Roy a faire de la
donation d’une Comtesse de Clermonr au
Prêtre de 1a Neuvifleg en 1 2. 5 I. que Lou;
C v Net
4:2‘ MERCURE DE FRANCE.‘
vet dit être au Trésor Royal des Char?
j les Layere , de PAppanage des Enfans
de France.
Au sortit de la Forêt de I-Iez, on apaj
perçoit vers le midy , dans un fond , le
Village d’Ansac , qui s'est fait un certain.
renom, à_l’occasion de l’Akousmate,dont
vos Journaux ont parlé. J’en ai examiné
la situation en venant de la Ferme du.
Plessis- Bilbaud , dest-à-dire , devers le
Septentrion. Il y a en ce territoire et de
ce côté-là — même , plusieurs Gorges ou
Vallons bornez , mais très-secs et arides;
et sans Caverne,au moins qui paroisse.‘
La superficie du terrain est pierreuse,
puisqubn en tire du Pavé. Le Parc est à
opposite de ces Gorges ( le Village en—'
tre deux), c’est - à - dire, en tirant de
PEglise du lieu vers le Soleil Fes-g
ace de deux heures; et il est étendu en‘
fongueur de ce côté-là , moitié en plai-f
ne, moitié en côteau à main gauche.
S’il n’y a point de Cavernes ou de Sou-a
terrains à Ansac , ce n’est point non
plus un Païs où l’on puisse dire que les
Marais et les Eaux dormanres , fournis
sent à l’air une vapeur capable de Former
des bruits extraordinaires. Il n’y a qu’un
tres-perit Ruisseau,qui traverse la ion-g
gueur du Parc , "capable à peinede Ÿfaire
l’ v - tourner
JANVIER. I733: 43
tourner un Moulin; de sorte que je me
trouverois embarassé à décider lesquels
des deuxiont plus de raison , ou de ceux
qui croyenr que ces bruits étoient dans
Pair, ou des autres que vous me mander,
être d’avis qu’ils sortoient de dessous la
terre. Jenavoispas remarqué qu’on peut:
avoir cette derniete pensée , cr que dans
Penquête de M. le Curé , quelques-uns
(les principaux de ses Paroissiens dépo
sent qtfune partie de ces bruits leurs pa
rutent comme s’ils fussent sortis des en
trailles de la terre. Si quelque Sçavane
Physicien prenoit la peine de. mettre
cette pensée dans tout son jour ,peut
être» ne setoit elle pas trouvée hors d’ap-‘
arence. Ce que jen dis , au reste , est
toujours en supposant que le bruit enten
du à Ansac , a été naturel ,v et non pas ars
tificiel ,. et que personne ne s’est diverrj.
dans lebas du Châreamautour de que lquo
Machine, soigneusement disposée pour
representer un murmure populaire; can
gens habiles dans la Mécanique préten.
dent qu’un homme qui tiendtoit de la,
main gauche un Tonneau vuide , dêfon’.
‘cé par les deuxbours, et dont les Don.
yes autoicnt été ctênelées de la longrtepg
çl-‘un pied, plus ou moins,.vers' le milieu.’
çtqrti promeneroitde la droite à Pinte.
« Ç vj tien;
1,4. MERCURE DE" FRANCE.‘
rieur cle ce Tonneau autour" de ces créneæ‘
lures , un fercourbê et garni de différens
crans , Former-cit des sons qui represenre
roienr la Musette, la Vielle‘, le Hautbois,
ëäc. confusément entendus.
-' Que sçaLje s’il n’y ‘a pas d’autres sc-‘
crets pourreprésenrer à Foüiexun amas
confus de voix humaines , et- le somâcre
de gens qui riroient tous ensemble.
Autant Ie bruit d’Ansac est extraordinai
re en lui-mêmqaurantildoit paroîrre sin
gulier de voir dans le Pais de Beauvoisis
un nom de lieu finissant enaall semble que
ces sortes de terminaisons devroLnt être
renfermées dans FAuVergneJe Limousin,
la Guyenne ou autres parties Méridiona
les du Royaume. Je dourerois de la gé
nuité de ce nom , si je ne l’avois trouvé
dansl un tirée, rîipporré par Louvenll fana
ui ‘y- air ien es siecles u’on sa ‘ erdu
3e vûë le nom larinde ceqViIiaggPpui-sq
que dès l’an 1186, le Pape Urbain‘ lII.‘
que l’on fait parler dans une Bulle , ne-le
peut désigner que par le nom François
Anmc( a ). Je merrrois Cressonsac du.
Diocèse de Beauvais dans le même cas , si
ce n’éroit que M. Simon m’apprcnd qu’i_l
t‘ ( '21) Hein,‘ quicquid Imàetis in Villa qui; dicitur
‘Ansac, mm in hospitibu: guùm in amen. Louvet, e
Tome l. pag‘. 19+. _,<,
faut
JANVIER. 173;. 4,5
faut dire Cressonsart conformément aux
anciennes Chartes , et que ce mot vient:
de Cresxaninm Euartaruvz.
M. Dauvergne a bien rai<on de croire
qu’on a des Otivrages d’H;linand dans
l’Abbaye de Froimont. il me fut facile '
(le m’y transporterâ la faveur du voisina
ge de Brêle où je sèjotirnois; ct ayant eu
entrée dans la Bibliotheqtie, je les y trou-r»
vai aisément. Si on y croÿoit l1 Chtoni4
que perdue‘ , c’est qu_’en efiet elle est deg
venuë très-mèconnoissable , cn ce que les"
cahiers ont è*é autrefois si mal reliczl que
celui qui est au commencement du Voï
lume contient des articles du Règne de
Dagobert, tandis que le premier cahier ,
à la tête duquel sont les Fasrss Consulai
res , est au milieu du Livre. Ce volume ,
fout petit 527-49. qu’il est , peut contenir
toute la Chronique dT-Ielinand rèdigèe
e_'n latim Outre q‘u’il est sans aucune
marge , l’Ecriture en est très - minutèe.
Elle est du treizième siècle; mais elle n’est
pas pqur cela si difficile à‘ lire qu’elle l’a.
péfruë a M. Hermant , et a son Coufrere.
Çc lqui est plus voisin clu tems de l’Au
peut me parût plein d'apparitions , et:
n’est po’nt du goût de notre siècle. Cet
Écrivain passe pour Bienheureux dans‘
läâbbaye. On voit par certains endroits
l‘. quïl ’
4€ MERCURE DE FR ANGE
qu’il imitoit S. Jerôme , quant à la pen
sée de la mort , et son Tableau le repré-j
sente à peu près comme ce saint Doc
teur. Je cherchai ( mais inutilement .)
l'endroit où Helinand parle de cet
homme du Beauvoisis qu’on croyoit être
transformé en Loup 3 ct qui de son tems
passa pour Antropophnge ou mangeur
d’Enfans , parce qu'on lui en vit vomit
des jointures cle doigt toutes entieres. Ce
qui mïzngageoit à ce point de curiosité ,
est la parité du cas où nous nous trou
‘vons dans nos Cantons , puisqubn ne
peut presque ôter de Pesprit de la plû
partldes Paysans du Comté düuxeäte ,
ue eLou énorme ui man etant ‘en
gins depuiî plus deqsix moigs’ , et que la
Louvetetie du Roi n’a û en cote tuer ,
est d’une espece route siemblable. Il fane
qu'Helin1nd fut un Auteur de grande
réputation au treizième siecle. Outre
Vincent de Beauvais qui en a fait delongs
Extraits . îe le trouve encore souvent ci
té par un Jean de S. Chefs (a) Corde-â
lier , qui se dit de la Province de Bout-‘_
gogne , lequel a composé une Chronique,
qui finit à l'an 1 2.50. Ce Franciscain écrit;
\
ce qui suit a l’.æn 12.09: Hz": temporibm
(a)‘ besJîveadwio; - i. . ' .flomü
JÂNVIER. 1733. 4.7
flortiit Helinandus Manne/Jus , wir Religio
sus et facundtts , Belvaoensis. La qualité
de disert peut être fondée sur le style de
ses Sermons , dont plusieurs sont dans
le même volume à Froimont: mais je me
dispensai d’en prendre lecture. Depuis
que ïal eu communication cle la vieille
Traduction du fragment d’Helinand , ti
rée du Miroir Historia], par le canal du»
Mercure de Fevrier, j’ai retrouvé les mê-A
mes choses dans S. Antonin, Pari. III.
Lit. r8‘. Cap. ç. et c'est là justement que
j'avais lû autrefois le bruit qui fut enten
du dans une Forêt entre Rcims et Aré
ras s chose terrible , si elle étoit veritable.
Je finirai, Monsieur , ce que fai à vous
dite cl’Helinancl par la Pièce de Vers que
ce même Auteur a écrite en françois sur
la Mort. Cet Ouvrage renommé est une
nouvelle preuve de ce que ÿai avancé
contre la proposition trop generaie de
M. l’Abbé Fleury, que l’on ne tram/e point
ale Poësies en langagef/angois du dauziéme
ou treiziéme siécle sur des S ujets moraux et
depieteflcr que j’ai réfutêe par des exeme
pics rapportez dans le Mercure de Dés
cembre 173x. 1. vol. p. 2972. CQSVCYS
doivent n’être pas extrêmement rares _,
puisque c'est Loysél qui les fit imprimer
l’an 152+. avec une Dédicace au Présiälrnt
au:
48 MERCURE DEFRANCE
L
vFauchet , ainsi qu’il le dit lui-même dans
ses Mémoires. '
Comme vous faites quelquefois part de
mes Lettres â deÿpcrsonnes qui aiment
la science des Rits Ecclésiastiques, je fi
nirai celle-ci par une Observation que Ïai
faîte à Beauvais à la Fête de S. Pierre ,
Patron de la Cathedrale. Un Etranger ne
gent mänqtier d’être surpris de voir quïän
resse ans lc Sanctuaire es Parterres e
Fleurs et de verdure sur les Tombes des
Ehveques cote que qdu’iuny asuotnrte:inilhunm’eeszt , ptaasntoblige
d’avoir la clefde cet usage. Comme c’est
a celui m’a le plus frappé par sa singu
larité , ÿen ai cherché lbtigine dans les
Ecrivains de cette Ville. Louvet , le plus
difÎus de ses Conftctes , en parlantfïama
1. p. 391. de Penlevement des Tombes
du Choeur de l’Abbaye de Saint Lucien ,
fait au XVI. ‘siècle pour paver les Cuisi
nes du Cardinal de Chastillon , alors
Évêque de Beauvais, dit que lor<qu’elles
étoient encore en leur place , il y en avoit
une d’Airain garnie de plusieurs trous
dans lesquels en certains jours on mettoit
des bouquets de fleurs , et qu'à Pégard de
deux ou trois autres des Evêques de Beau
yais réputez de sainte vie , on pratiquoit
autour;
M - >JANVIER. 173;. 4g
‘äutour de leurs Tombes la même cerémoè
nie gubn fait-dans la Cathédrale autour.‘
fics Sêpùlcrès des Evêques aux jours s04
IemnçLguqui-cst de les environner Vde
fldùfssVoiiä Ÿesprit de cette cèrêmohîcî
Mais ce n’e t pas encore assez de rendre
honneur erfcela à la mémoire des Evê
quegquoique non-çanonïsez , les Oflîcianl
encenscnt encore ces Tombes pendant
POflîce d'une mariiere édifiahtc , de mê-T
me que l'on fait dans d’autres Églises de
là Ikovince de Reiins , de Sens, 86C. Ce
qui est une marque de rechonnoissancc pû
blique très-bien placée , et qui invite lei
Evêqucs vivans ä meritcr parleurs bien
faits et par leur sainte vie , lès mêmes
honneuzs qgÿils voyent rendre à lcùrs Pré;
x
décesseuts. -. .
.4 Aùàcerre , ce 22. fnilluet 1732.‘
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Résumé : REMARQUES curieuses sur le Beauvoisis, addressées à M. de la Roque, Auteur du Mercure.
L'auteur d'une lettre adressée à M. de la Regnie discute des voyages et de leurs utilités. Il souligne que les voyages entrepris par curiosité permettent souvent des observations profitables, à condition de ne pas se limiter aux voies publiques. L'auteur mentionne sa méthode de voyage, inspirée par l'Abbé Baudrand et le Père Habillon, qui consiste à quitter les voitures publiques pour explorer plus librement. L'auteur a parcouru une grande partie du Royaume de France, ce qui lui a permis de faire plusieurs observations utiles pour divers ouvrages, y compris le Sanctoral de France et l'histoire de France. Il évoque notamment sa visite en Beauvoisis, où il a exploré la patrie de M. Barillet et le village d'Ansac, rendu célèbre par des lettres pastorales de M. de Saint-Agnan. Il décrit le Prieuré de la Tour du Lay près de l'ancien Palais Royal de Chambli, et les controverses entourant le saint patron de ce prieuré, S. Nerlin ou S. Robert. L'auteur rapporte également des observations sur la Neuville-en-Hez, distinguée des autres villages du même nom, et discute de son histoire, notamment la naissance supposée de Saint Louis dans ce village. Enfin, il mentionne les bruits mystérieux entendus à Ansac et les théories sur leur origine, naturelle ou artificielle. Il conclut en parlant de la cérémonie autour des tombes des évêques et de l'honneur rendu à leur mémoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 869-874
ELOGE du R. P. le Quien, Dominiquain. Extrait d'une Lettre de M D. L. R. écrite à M. l'Abbé L. B. Chanoine de la Cathedrale d'Auxerre.
Début :
Le P. Michel le Quien nâquit à Boulogne sur Mer le 8. Octobre 1661. [...]
Mots clefs :
Michel Le Quien, Ouvrages, Mort, Éloge, Savant, Savants, Mémoires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE du R. P. le Quien, Dominiquain. Extrait d'une Lettre de M D. L. R. écrite à M. l'Abbé L. B. Chanoine de la Cathedrale d'Auxerre.
ELOGE du R. P. le Quien , Dominiquain.
Extrait d'une Lettre de M D.L..
R. écrite à M. l'Abbé L.B. Chanoine de
la Cathedrale d'Auxerre.
L
E P. Michel le Quien nîquit à Boulogne
sur Mer le 8. Octobre 1661 ..
d'une honnête famille , originaire de la
même Ville. Il fit ses premieres études à
Paris , dans le College du Plessis. A l'âge:
d'environ vingt ans il prit l'habit de
P'Ordre de S. Dominique , et fit son Noviciat
dans le Convent du Fauxbourg.
S. Germain ; mais dans la suite son amour
pour la plus exacte régularité le détermi
na à se faire affilier dans le Monastere
de la rue S. Honoré , qui est d'une Province
Réformée , où il a toujours demeu
ré , et où il est mort le 12 Mars dernier.
En sortant du Noviciat il apprit l'Hé
bren
870 MERCURE DE FRANCE
breu du P. Massoulié , qui possedoit à
fond cette Langue . Ce Religieux est connu
par plusieurs Ouvrages , sur tout par
celui qui est intitulé : Divus Thomas`sui
interpres. Le P. le Quien se mit ensuite
à la lecture de la Langue Grecque , qu'il
sçavoit parfaitement , et voulut aussi ap.
prendre l'Arabe ; connoissances qui lut
furent depuis d'une grande utilité.
Il n'avoit que trente ans lorsqu'il écrivit
contre l'Antiquité des Temps , du Pere
Pezron , qui fit une réponse , à laquelle
notre Sçavant repliqua , l'un et Fautre
Ouvrage , en 2 vol. in 12.
Dans la suite il fit encore une Dissertation
sur un autre Livre du P. Pezron,
intitulé: Essai du Commentaire sur les Prophetes.
Cette Dissertation fut insérée dans
les Mémoires de Trevoux , 1711 .
En 1712.il publia les Oeuvres de S. Jean
Damascene , tirées de diverses Editions
et des Monuscrits de France , d'Italie et
d'Angleterre, revues, traduites en Latin,
éclaircies par des Notes et des Dissertations
préliminaires, &c. 2. vol. infal.chez
de l'Epine
.
Il composa depuis quelques Ouvrages
particuliers , dont le plus important est
la Panoplie , contre les Grecs Schismatiques,
il s'est caché dans cet Ouvrage sous
le nom d'Etienne de Altimura.
Il
MAY. 871
#733 .
Il y a plusieurs Dissertations de sa façon
dans le Journal , intitulé : Mémoires
de Litterature et d'Histoire ; entr'autres sur
Sanchoniat , Auteur Phénicien ; sur S.Nicolas
, sur le Portus Iccius , &c.
Il a eu de plus une tres bonne part à
la nouvelle Edition de l'Historien Josephe
qui s'est faite en Angleterre , et que
tous les Sçavans estiment beaucoup .
Mais l'objet principal de l'application
infatigable du P. le Quien , a été depuis
plusieurs années , la composition d'une
Histoire generale de toutes les Eglises
d'Orient , et de celles de l'Affrique , dont
il publia le Projet dès l'année 1713. sous
le titre ORIENS CHRISTIANUS ET AFFRICA.
Plusieurs empêchemens , des Maladies
sur tout, ont retardé l'exécution de ce
Projet , qui se trouve cependant bien
avancée comme vous le verrez à la fin
de ma Lettre.
,
On peut mettre parmi les Distractions
qui ont empêché l'Auteur de publier luimême
son Ouvrage , la contestation , ou
plutôt la vive dispute qu'il a eue avec le
P. le Courrayer, au sujet des Ordinations
Anglicanes. Notre Sçavant Religieux s'y
donna tout entier ; ce qui a produit de
sa part une Réfutation en 2 vol. in 12.et
ensuite une Replique , sans compter la
Lettre
872 MERCURE DE FRANCE
Lettre qu'il me fit l'honneur de m'addresser
, sur la même matiere , du 14 Février
1731. insérée dans le Mercure d'Avril
suivant.
Le P. le Quien fut lié de bonne heure
avec beaucoup de Sçavans , sur tout
avec le R. P. Montfaucon , dont l'intime
amitié étoit de 46 ans , avec les Abbez
Renaudot , de Fleury , de Longuerie et
des Thuilleries , le P. Hardouin , M. Simon
, M. Ernest Grabbe , sçavant Anglois
, qui a parlé si avantageusement de
lui dans ses Notes sur S. Irenée , et avec
d'autres Sçavans et vertueux Etrangers.
Du nombre de ces derniers sont Mauto
Cordato , Prince de Valachie , qui lui
a envoyé son Livre des Offices , composé
en grec , à l'imitation de celui de Ciceron
, et Chrysante , dernier Patriarche
de Jerusalem , qui lui a aussi envoyé un
Ouvrage grec fort estimé , de sa composition.
La Piété du P. le Quien fut au moins
égale à son érudition , et on peut dire que
la science , bien loin d'affoiblir sa foy ,
servit au contraire toujours à nourrir en
lui l'esprit de Religion . La veritable
science , disoit- il souvent , enseigne à
être humble ; aussi n'a - t - on jamais vû de
mort plus chrétienne que celle qui a ter
phiné
MAY. 1733 . 873
miné sa course ; entr'autres dispositions
qu'il a fait paroître en mourant , il a déclaré
qu'il renonçoit à toute l'estime que
les hommes pourroient faire de sa personne
et de ses Ecrits , ne souhaitant autre
chose , si ce n'est que Dieu fut glorifié
par ses Ouvrages , &c. enfin ses
dernieres paroles , et qu'il repeta souvent,
furent celles de S. Ignace Martyr : Amor
meus Crucifixus est .
La veille de sa mort il parla avec une
parfaite tranquilité de son principal Ouvrage
, donnant à ceux qui doivent en
continuer l'Edition , tous les conseils et
tous les enseignemens necessaires ; il parla
aussi , et de la même maniere , de ses
autres Ouvrages Manuscrits , entre lesquels
sont plusieurs Dissert ons et l'His
toire de Boulogne sa Patrie , sans oublier
plusieurs petits détails Litteraires , les Livres
empruntez à ses amis , & c. le tout
avec la présence d'esprit d'un homme
bien sain , qui se dispose à faire un voyage.
Vous serez bien- alse d'apprendre que
le premier volume du grand Ouvrage
Oriens Christianus , est presque entierement
imprimé, et que le Manuscrit est
dans un tel état que l'impression pour
être continuée , comme elle le sera en
effet
874 MERCURE DE FRANCE
effer , sans que la mort de l'Auteur caus
aucune interruption .
Ce que je dois à sa mémoire et le mérite
de l'Ouvrage m'engageront à continuer
mes attentions , pour procurer du
côté du Levant , tous les Mémoires et les
aurres secours qui peuvent contribuer à
sa perfection.
Extrait d'une Lettre de M D.L..
R. écrite à M. l'Abbé L.B. Chanoine de
la Cathedrale d'Auxerre.
L
E P. Michel le Quien nîquit à Boulogne
sur Mer le 8. Octobre 1661 ..
d'une honnête famille , originaire de la
même Ville. Il fit ses premieres études à
Paris , dans le College du Plessis. A l'âge:
d'environ vingt ans il prit l'habit de
P'Ordre de S. Dominique , et fit son Noviciat
dans le Convent du Fauxbourg.
S. Germain ; mais dans la suite son amour
pour la plus exacte régularité le détermi
na à se faire affilier dans le Monastere
de la rue S. Honoré , qui est d'une Province
Réformée , où il a toujours demeu
ré , et où il est mort le 12 Mars dernier.
En sortant du Noviciat il apprit l'Hé
bren
870 MERCURE DE FRANCE
breu du P. Massoulié , qui possedoit à
fond cette Langue . Ce Religieux est connu
par plusieurs Ouvrages , sur tout par
celui qui est intitulé : Divus Thomas`sui
interpres. Le P. le Quien se mit ensuite
à la lecture de la Langue Grecque , qu'il
sçavoit parfaitement , et voulut aussi ap.
prendre l'Arabe ; connoissances qui lut
furent depuis d'une grande utilité.
Il n'avoit que trente ans lorsqu'il écrivit
contre l'Antiquité des Temps , du Pere
Pezron , qui fit une réponse , à laquelle
notre Sçavant repliqua , l'un et Fautre
Ouvrage , en 2 vol. in 12.
Dans la suite il fit encore une Dissertation
sur un autre Livre du P. Pezron,
intitulé: Essai du Commentaire sur les Prophetes.
Cette Dissertation fut insérée dans
les Mémoires de Trevoux , 1711 .
En 1712.il publia les Oeuvres de S. Jean
Damascene , tirées de diverses Editions
et des Monuscrits de France , d'Italie et
d'Angleterre, revues, traduites en Latin,
éclaircies par des Notes et des Dissertations
préliminaires, &c. 2. vol. infal.chez
de l'Epine
.
Il composa depuis quelques Ouvrages
particuliers , dont le plus important est
la Panoplie , contre les Grecs Schismatiques,
il s'est caché dans cet Ouvrage sous
le nom d'Etienne de Altimura.
Il
MAY. 871
#733 .
Il y a plusieurs Dissertations de sa façon
dans le Journal , intitulé : Mémoires
de Litterature et d'Histoire ; entr'autres sur
Sanchoniat , Auteur Phénicien ; sur S.Nicolas
, sur le Portus Iccius , &c.
Il a eu de plus une tres bonne part à
la nouvelle Edition de l'Historien Josephe
qui s'est faite en Angleterre , et que
tous les Sçavans estiment beaucoup .
Mais l'objet principal de l'application
infatigable du P. le Quien , a été depuis
plusieurs années , la composition d'une
Histoire generale de toutes les Eglises
d'Orient , et de celles de l'Affrique , dont
il publia le Projet dès l'année 1713. sous
le titre ORIENS CHRISTIANUS ET AFFRICA.
Plusieurs empêchemens , des Maladies
sur tout, ont retardé l'exécution de ce
Projet , qui se trouve cependant bien
avancée comme vous le verrez à la fin
de ma Lettre.
,
On peut mettre parmi les Distractions
qui ont empêché l'Auteur de publier luimême
son Ouvrage , la contestation , ou
plutôt la vive dispute qu'il a eue avec le
P. le Courrayer, au sujet des Ordinations
Anglicanes. Notre Sçavant Religieux s'y
donna tout entier ; ce qui a produit de
sa part une Réfutation en 2 vol. in 12.et
ensuite une Replique , sans compter la
Lettre
872 MERCURE DE FRANCE
Lettre qu'il me fit l'honneur de m'addresser
, sur la même matiere , du 14 Février
1731. insérée dans le Mercure d'Avril
suivant.
Le P. le Quien fut lié de bonne heure
avec beaucoup de Sçavans , sur tout
avec le R. P. Montfaucon , dont l'intime
amitié étoit de 46 ans , avec les Abbez
Renaudot , de Fleury , de Longuerie et
des Thuilleries , le P. Hardouin , M. Simon
, M. Ernest Grabbe , sçavant Anglois
, qui a parlé si avantageusement de
lui dans ses Notes sur S. Irenée , et avec
d'autres Sçavans et vertueux Etrangers.
Du nombre de ces derniers sont Mauto
Cordato , Prince de Valachie , qui lui
a envoyé son Livre des Offices , composé
en grec , à l'imitation de celui de Ciceron
, et Chrysante , dernier Patriarche
de Jerusalem , qui lui a aussi envoyé un
Ouvrage grec fort estimé , de sa composition.
La Piété du P. le Quien fut au moins
égale à son érudition , et on peut dire que
la science , bien loin d'affoiblir sa foy ,
servit au contraire toujours à nourrir en
lui l'esprit de Religion . La veritable
science , disoit- il souvent , enseigne à
être humble ; aussi n'a - t - on jamais vû de
mort plus chrétienne que celle qui a ter
phiné
MAY. 1733 . 873
miné sa course ; entr'autres dispositions
qu'il a fait paroître en mourant , il a déclaré
qu'il renonçoit à toute l'estime que
les hommes pourroient faire de sa personne
et de ses Ecrits , ne souhaitant autre
chose , si ce n'est que Dieu fut glorifié
par ses Ouvrages , &c. enfin ses
dernieres paroles , et qu'il repeta souvent,
furent celles de S. Ignace Martyr : Amor
meus Crucifixus est .
La veille de sa mort il parla avec une
parfaite tranquilité de son principal Ouvrage
, donnant à ceux qui doivent en
continuer l'Edition , tous les conseils et
tous les enseignemens necessaires ; il parla
aussi , et de la même maniere , de ses
autres Ouvrages Manuscrits , entre lesquels
sont plusieurs Dissert ons et l'His
toire de Boulogne sa Patrie , sans oublier
plusieurs petits détails Litteraires , les Livres
empruntez à ses amis , & c. le tout
avec la présence d'esprit d'un homme
bien sain , qui se dispose à faire un voyage.
Vous serez bien- alse d'apprendre que
le premier volume du grand Ouvrage
Oriens Christianus , est presque entierement
imprimé, et que le Manuscrit est
dans un tel état que l'impression pour
être continuée , comme elle le sera en
effet
874 MERCURE DE FRANCE
effer , sans que la mort de l'Auteur caus
aucune interruption .
Ce que je dois à sa mémoire et le mérite
de l'Ouvrage m'engageront à continuer
mes attentions , pour procurer du
côté du Levant , tous les Mémoires et les
aurres secours qui peuvent contribuer à
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Résumé : ELOGE du R. P. le Quien, Dominiquain. Extrait d'une Lettre de M D. L. R. écrite à M. l'Abbé L. B. Chanoine de la Cathedrale d'Auxerre.
Le Père Michel Le Quien, dominicain, est né à Boulogne-sur-Mer le 8 octobre 1661. Après des études à Paris, il rejoignit l'Ordre de Saint Dominique et se distingua par son attachement à la régularité monastique. Polyglotte, il maîtrisait l'hébreu, le grec et l'arabe. Il publia plusieurs ouvrages, notamment en réponse aux écrits du Père Pezron. En 1712, il édita les œuvres de Saint Jean Damascène et rédigea diverses dissertations pour des journaux. Son œuvre majeure est l'Histoire générale des Églises d'Orient et d'Afrique, intitulée 'Oriens Christianus et Africa', dont le projet fut publié en 1713. Le Père Le Quien fut également impliqué dans une controverse avec le Père Le Courrayer au sujet des ordinations anglicanes. Connu pour ses amitiés avec de nombreux savants et sa piété, il mourut le 12 mars, laissant un ouvrage presque achevé et des instructions pour sa publication.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 1168-1174
Nouvelle Edition des Ouvrages d'Origene, [titre d'après la table]
Début :
NOUVELLE EDITION des Ouvrages d'Origene, en cinq Volumes in-folio, Grecs [...]
Mots clefs :
Origène, Cause, Église, Traités, Écriture, Texte grec, Savant, Écrits, Fragments, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle Edition des Ouvrages d'Origene, [titre d'après la table]
NOUVELLE EDITION des Ouvrages d'Origene
, en cinq Volumes in folio , Grecs
et Latins , par le R. P. Dom Charles de
la Rue , Religieux Benedictin de la Congrégation
de S. Maur. Les deux premiers
Volumes sont déja imprimez et se vendent
chez Jacques - Vincent , Libraire et
Imprimeur à Paris ruë S. Severin , ઢ
Ange.
I. Vol De
17336 JUIN. 1169
}
son
De tous les grands Hommes
qui ont
fait l'ornement
des premiers
siécles de
l'Eglise , il n'y en a peut- être aucun dont
le nom ait été et soit encore aussi célébre
, que celui d'Origene
, fils du S. Martyr
Léonide. Sa vie , son esprit , sa vaste
érudition
l'ont fait d'abord regarder comme
un prodige
de la Nature et de la grace ; máis cette estime universelle
dégenera
bientôt
en une persécution
presque
générale
qui s'éleva contre lui
ou par sa faute , ou par son malheur
que Démétrius qu par la jalousie
Evêque , avoit conçuë de sa réputation
. Il s'est vû chassé de son Pays , déposé du
Sacerdoce
, excommunié
même par les
deux premiers
Siéges du monde chrétien
, et par la plupart des autres , tandis
que de grands Saints soutenoient
sa cause
, et que Dieu sembloit
se déclarer pour
lui , en se servant de ses rares talens pour faire entrer dans la verité et dans le sein
de son Eglise des Ambroises
, des Grégoires
Thaumaturges
, et des Athenodores
.
Ha eu le même sort après sa mort . Des
Martyrs ont fait des Ecrits sanglans
contre
lui , et des Martyrs ont fait son Apologie.
Les uns l'ont détesté comme un
Ecrivain
pernicieux
, les autres l'ont regardé
comme le plus grand Maître qu'ait
1. Vol. Fiiij eu
1170 MERCURE DE FRANCE
eu l'Eglise après les Apôtres .
Il est donc assez surprenant que jus-`
qu'ici nous n'ayons pas encore eu rassemblez
dans un corps complet d'une
Edition éxacte , ce qui nous reste des
Ecrits d'un si grand Homme. Il est inutile
d'alléguer la collection de Merlin' , et
celle de Genebrard , puisque dès l'an
1636. une Assemblée générale du Clergé
de France les déclara insuffisantes , et
qu'elles sont encore aujourd'hui par tous
les Sçavans comptées presque pour rien ,
tant à cause de l'omission essentielle du
Texte Grec , qu'à cause de quelques
Traitez d'importance ; et d'un grand
nombre de Fragmens de conséquence qui
ne s'y trouvent pas .
L'illustre et sçavant M. Huet en avoit
promis une troisiéme ; mais quand même
il l'auroit achevée , elle n'auroit pas été
entiere , puisque les anciennes versions
dont le Texte grec est perdu , n'y au
roient pas été comprises . D'ailleurs , ce
docte Prélat est mort sans avoir même
donné la partie la plus considérable de
son Recueil ; sçavoir , les Traitez particuliers
sur des sujets qui n'ont pas un rapport
direct à l'explication de l'Ecriture-
Sainte. Il est vrai que d'autres ont publié
ces Piéces en Grec et en Latin , par-
1. Vol.
tic
JUIN. 1733.. 1171
tie avant lui , et partie après lui : mais
outre que dans leurs Editions le Texté
Grec est ordinairement tres fautif , pour
n'avoir été tiré que d'un seul Manuscrit ,
la Version latine qu'ils ont mise à côté
est souvent ou infidele , ou barbare . De
plus , presque tous ces Traitez particuliers
ont été imprimez séparément en
différens tems , en différens Pays , en différentes
formes de papier , et en trespetite
quantité d'Exemplaires : d'où il
est arrivé que quelques- uns sont aujourd'hui
tres- rares et tres chers.
Enfin , à force de chercher dans les
Manuscrits de France , d'Italie , d'An- .
gleterre et d'Allemagne , on a fait une
abondante récolte d'un tres grand nombre
de fragmens grecs qui n'avoient pas
encore vû le jour , et qui assûrent présentement
à Origene pour toujours quel
ques Commentaires et plusieurs Homelies
, que nous n'avions qu'en latin , eg
dont plusieurs Sçavans doutoient. De ce,
nombre sont les 39. Homelies sur S. Luc,
contre lesquels le Ministre Matthieu de ,
La Roque s'est inscrit en faux , et a fait
des efforts étranges , pour n'être pas obligé
de reconnoitre avec le docte Pearson
que les Lettres
de S. Ignace Martyr
, qui,
y sont citées , étoient connues
dans l'E-, 1. Fol.
Evi gli1172
MERCURE DE FRANCE
glise avant Eusebe. Presque tout le Grec
de ces 39 Homelies est aujourd'hui retrouvé.
Il est donc visible que rien n'étoit plus
nécessaire qu'une nouvelle Edition de
tout ce qui nous reste d'Origene , où
chaque Piéce soit imprimée en son rang ;
où le Grec qui nous reste se trouve revû
sur d'anciens Manuscrits, et où , quand il
manque , les anciennes Versions de Rufin
et de S. Jerôme y suppléent : le tout avec
des Notes et des Avertissemens préliminaires.
Tel est aussi le dessein de la nouvelle
Collection que nous annonçons au
Public en cinq Volumes in-folio , de la
même grandeur que les deux Tomes des
Hexaples , publiez en 1713. par le scavant
Pere Dom Bernard de Montfaucon ,
afin qu'ils puissent être placez à leur tête
ou à leur suite .
Le premier Volume renferme ce qui
nous reste des Lettres d'Origene , quelques
fragmens des Livres de la Résurrection
, et des Stromates ; les quatre Livres
des Principes , l'Exhortation au martyre ,
le Traité de la Priere , et l'Apologie de la
Religion Chrétienne en huit Livres
contre le Philosophe Celsus . On voit ensuite
en plus petits caracteres deux Traitez
supposez , sçavoir le Dialogue contre
I. Vol. les
JUIN. 1733. 1173
lés Marcionites , et le Livre intitulé Philosophica
: puis en forme d' Appendix les
Notes d'un sçavant Anglois sur le věritable
Traité de la Priere , les Remarques
d'Hoeschelius sur les huit Livres contre
Celse , et les Observations de Gronovius
sur les Philosophica. A la tête du Volume
est une Préface où l'Editeur a solidement
refuté l'opinion de ceux qui croyent que
les Ecrits d'Origene ont été corrompus
par les Hérétiques ; il rend compte en
détail de son travail sur chaque Traité
particulier. Ce Tome est terminé par
deux Index tres-amples , l'un des Passages
de l'Ecriture- Sainte , et l'autre des
choses mémorables. Il y en a toujours
deux semblables dans les suivans.
Les quatre autres Volumes contiennent
les Commentaires sur l'Ecriture. Au
commencement est une Préface qui dé
veloppe le Systême qu'Origene s'est formé
pour expliquer les Livres saints , et
l'Editeur fait voir les dangéreuses conséquences
qu'on en peut tirer. Le dernier
des cinq Volumes finit par la Vie d'Origene
, et par plusieurs Dissertations sur
ses sentimens , qui de son vivant ont causé
de grands troubles dans l'Eglise , et de
plus grands encore après sa mort.
Le caractere et le papier sont d'une
I:Vol. F vj
beausé
1174 MERCURE DE FRANCE
beauté qui fait honneur au Libraire.
, en cinq Volumes in folio , Grecs
et Latins , par le R. P. Dom Charles de
la Rue , Religieux Benedictin de la Congrégation
de S. Maur. Les deux premiers
Volumes sont déja imprimez et se vendent
chez Jacques - Vincent , Libraire et
Imprimeur à Paris ruë S. Severin , ઢ
Ange.
I. Vol De
17336 JUIN. 1169
}
son
De tous les grands Hommes
qui ont
fait l'ornement
des premiers
siécles de
l'Eglise , il n'y en a peut- être aucun dont
le nom ait été et soit encore aussi célébre
, que celui d'Origene
, fils du S. Martyr
Léonide. Sa vie , son esprit , sa vaste
érudition
l'ont fait d'abord regarder comme
un prodige
de la Nature et de la grace ; máis cette estime universelle
dégenera
bientôt
en une persécution
presque
générale
qui s'éleva contre lui
ou par sa faute , ou par son malheur
que Démétrius qu par la jalousie
Evêque , avoit conçuë de sa réputation
. Il s'est vû chassé de son Pays , déposé du
Sacerdoce
, excommunié
même par les
deux premiers
Siéges du monde chrétien
, et par la plupart des autres , tandis
que de grands Saints soutenoient
sa cause
, et que Dieu sembloit
se déclarer pour
lui , en se servant de ses rares talens pour faire entrer dans la verité et dans le sein
de son Eglise des Ambroises
, des Grégoires
Thaumaturges
, et des Athenodores
.
Ha eu le même sort après sa mort . Des
Martyrs ont fait des Ecrits sanglans
contre
lui , et des Martyrs ont fait son Apologie.
Les uns l'ont détesté comme un
Ecrivain
pernicieux
, les autres l'ont regardé
comme le plus grand Maître qu'ait
1. Vol. Fiiij eu
1170 MERCURE DE FRANCE
eu l'Eglise après les Apôtres .
Il est donc assez surprenant que jus-`
qu'ici nous n'ayons pas encore eu rassemblez
dans un corps complet d'une
Edition éxacte , ce qui nous reste des
Ecrits d'un si grand Homme. Il est inutile
d'alléguer la collection de Merlin' , et
celle de Genebrard , puisque dès l'an
1636. une Assemblée générale du Clergé
de France les déclara insuffisantes , et
qu'elles sont encore aujourd'hui par tous
les Sçavans comptées presque pour rien ,
tant à cause de l'omission essentielle du
Texte Grec , qu'à cause de quelques
Traitez d'importance ; et d'un grand
nombre de Fragmens de conséquence qui
ne s'y trouvent pas .
L'illustre et sçavant M. Huet en avoit
promis une troisiéme ; mais quand même
il l'auroit achevée , elle n'auroit pas été
entiere , puisque les anciennes versions
dont le Texte grec est perdu , n'y au
roient pas été comprises . D'ailleurs , ce
docte Prélat est mort sans avoir même
donné la partie la plus considérable de
son Recueil ; sçavoir , les Traitez particuliers
sur des sujets qui n'ont pas un rapport
direct à l'explication de l'Ecriture-
Sainte. Il est vrai que d'autres ont publié
ces Piéces en Grec et en Latin , par-
1. Vol.
tic
JUIN. 1733.. 1171
tie avant lui , et partie après lui : mais
outre que dans leurs Editions le Texté
Grec est ordinairement tres fautif , pour
n'avoir été tiré que d'un seul Manuscrit ,
la Version latine qu'ils ont mise à côté
est souvent ou infidele , ou barbare . De
plus , presque tous ces Traitez particuliers
ont été imprimez séparément en
différens tems , en différens Pays , en différentes
formes de papier , et en trespetite
quantité d'Exemplaires : d'où il
est arrivé que quelques- uns sont aujourd'hui
tres- rares et tres chers.
Enfin , à force de chercher dans les
Manuscrits de France , d'Italie , d'An- .
gleterre et d'Allemagne , on a fait une
abondante récolte d'un tres grand nombre
de fragmens grecs qui n'avoient pas
encore vû le jour , et qui assûrent présentement
à Origene pour toujours quel
ques Commentaires et plusieurs Homelies
, que nous n'avions qu'en latin , eg
dont plusieurs Sçavans doutoient. De ce,
nombre sont les 39. Homelies sur S. Luc,
contre lesquels le Ministre Matthieu de ,
La Roque s'est inscrit en faux , et a fait
des efforts étranges , pour n'être pas obligé
de reconnoitre avec le docte Pearson
que les Lettres
de S. Ignace Martyr
, qui,
y sont citées , étoient connues
dans l'E-, 1. Fol.
Evi gli1172
MERCURE DE FRANCE
glise avant Eusebe. Presque tout le Grec
de ces 39 Homelies est aujourd'hui retrouvé.
Il est donc visible que rien n'étoit plus
nécessaire qu'une nouvelle Edition de
tout ce qui nous reste d'Origene , où
chaque Piéce soit imprimée en son rang ;
où le Grec qui nous reste se trouve revû
sur d'anciens Manuscrits, et où , quand il
manque , les anciennes Versions de Rufin
et de S. Jerôme y suppléent : le tout avec
des Notes et des Avertissemens préliminaires.
Tel est aussi le dessein de la nouvelle
Collection que nous annonçons au
Public en cinq Volumes in-folio , de la
même grandeur que les deux Tomes des
Hexaples , publiez en 1713. par le scavant
Pere Dom Bernard de Montfaucon ,
afin qu'ils puissent être placez à leur tête
ou à leur suite .
Le premier Volume renferme ce qui
nous reste des Lettres d'Origene , quelques
fragmens des Livres de la Résurrection
, et des Stromates ; les quatre Livres
des Principes , l'Exhortation au martyre ,
le Traité de la Priere , et l'Apologie de la
Religion Chrétienne en huit Livres
contre le Philosophe Celsus . On voit ensuite
en plus petits caracteres deux Traitez
supposez , sçavoir le Dialogue contre
I. Vol. les
JUIN. 1733. 1173
lés Marcionites , et le Livre intitulé Philosophica
: puis en forme d' Appendix les
Notes d'un sçavant Anglois sur le věritable
Traité de la Priere , les Remarques
d'Hoeschelius sur les huit Livres contre
Celse , et les Observations de Gronovius
sur les Philosophica. A la tête du Volume
est une Préface où l'Editeur a solidement
refuté l'opinion de ceux qui croyent que
les Ecrits d'Origene ont été corrompus
par les Hérétiques ; il rend compte en
détail de son travail sur chaque Traité
particulier. Ce Tome est terminé par
deux Index tres-amples , l'un des Passages
de l'Ecriture- Sainte , et l'autre des
choses mémorables. Il y en a toujours
deux semblables dans les suivans.
Les quatre autres Volumes contiennent
les Commentaires sur l'Ecriture. Au
commencement est une Préface qui dé
veloppe le Systême qu'Origene s'est formé
pour expliquer les Livres saints , et
l'Editeur fait voir les dangéreuses conséquences
qu'on en peut tirer. Le dernier
des cinq Volumes finit par la Vie d'Origene
, et par plusieurs Dissertations sur
ses sentimens , qui de son vivant ont causé
de grands troubles dans l'Eglise , et de
plus grands encore après sa mort.
Le caractere et le papier sont d'une
I:Vol. F vj
beausé
1174 MERCURE DE FRANCE
beauté qui fait honneur au Libraire.
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Résumé : Nouvelle Edition des Ouvrages d'Origene, [titre d'après la table]
Le texte annonce la publication d'une nouvelle édition des œuvres d'Origène, un théologien des premiers siècles de l'Église, en cinq volumes in-folio, en grec et en latin, par le R. P. Dom Charles de la Rue, bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur. Les deux premiers volumes sont déjà imprimés et disponibles chez Jacques-Vincent, libraire à Paris. Origène, fils du martyr Léonide, est reconnu pour son érudition et son esprit, mais il a également été sujet à des persécutions et des controverses. Déposé du sacerdoce et excommunié par les principaux sièges chrétiens, il a néanmoins influencé de grands saints comme Ambroise et Grégoire de Nazianze. Après sa mort, les avis sur son œuvre restent partagés, certains le considérant comme un écrivain pernicieux, d'autres comme un maître éminent. Les précédentes collections de ses écrits, comme celles de Merlin et Genebrard, sont jugées insuffisantes par les savants. Une nouvelle édition est donc nécessaire pour rassembler et corriger les textes grecs et latins, souvent fautifs ou incomplets. Cette nouvelle édition inclut des fragments grecs récemment retrouvés et des commentaires sur l'Écriture Sainte. Le premier volume contient des lettres, des fragments de divers ouvrages, et des traités comme 'Les Principes' et 'L'Apologie contre Celsus'. Les volumes suivants contiennent des commentaires sur les Livres saints, une préface expliquant le système d'Origène pour interpréter les Écritures, et des dissertations sur ses sentiments controversés. L'édition est présentée avec soin, utilisant un caractère et un papier de qualité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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