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1
p. 627-632
A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Début :
D'où naît la soudaine allegresse [...]
Mots clefs :
Libéralité, Bibliothèque, Mécène, Beaux-arts, Muses, Connaissance , Prélat
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texteReconnaissance textuelle : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
A S. E. M.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
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Résumé : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Le poème célèbre la générosité du Cardinal de Fleury, ministre d'État, qui a fait don à l'Université de Caen pour enrichir sa bibliothèque. Il commence par exprimer une joie soudaine et générale, attribuée à l'intervention d'un nouveau mécène. Le Cardinal de Fleury est loué pour ses vertus, sa sagesse et sa bienfaisance, et est comparé à des figures illustres comme Mentor et Fabrice. Malgré sa grandeur, Fleury veille aux besoins du peuple et favorise la foi, la paix et la justice. Le poème souligne également son soutien aux arts et à la connaissance, comparant les Muses à des filles de la sagesse et des mères de la politesse. L'Université de Caen est présentée comme un lieu de savoir où des savants dispensent des leçons sur divers sujets, et où de futures découvertes sont attendues. Le don de Fleury permettra à la ville de produire de grands érudits et poètes. Le texte se termine par un vœu pour la longue vie du Cardinal et son soutien continu aux arts et au bien de la France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 632-655
RÉFLEXIONS à l'occasion du Brutus de M. de Voltaire, et de son Discours sur la Tragédie.
Début :
Il ne faut pas être surpris que M. de Voltaire aye saisi l'occasion que sa nouvelle [...]
Mots clefs :
Tragédie, Versification, Prose, Poésie, Racine, Voltaire, Théâtre, Déclamation , Succès, Théâtre en vers
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS à l'occasion du Brutus de M. de Voltaire, et de son Discours sur la Tragédie.
REFLEXIONS à l'occasion du Brutus
de M. de Voltaire , et de son Dis
cours sur la Tragédie..
I
'L ne faut pas être surpris que M. de
Voltaire aye saisi l'occasion que sa nouvelle
Tragédie lui a présentée naturèllement
, de donner dans un Discours préliminaire
ses idées sur cette espece d'ouvrage.
On doit être obligé aux Auteurs
qui se distinguent dans un Art de ce qu'ils
veulent bien ouvrir leur secret , et mettre
leurs Lecteurs dans les voyes qu'ils
se sont frayées ; ils aident ainsi eux-mêmes
au jugement qu'ils attendent , et ils
éclairent cette même critique qui doit
montrer
A V RIL. 1731. 633
montrer leurs beautés et leurs deffauts ;
car il y a par tout à louer et à reprendre :
les Auteurs du premier ordre sont seulement
ceux qui donnent moins de prise
à la censure.
On devoit encore s'attendre que M. de
Voltaire ne manqueróit pas de réclamer
les droits que la Versification et la rime
' ont pris depuis long - tems sur nos Piéces
de Théatre , et qu'un Ecrivain judicieux
et séduisant vient d'attaquer,comme contraires
aux succés des Auteurs , et par
conséquent au plaisir de ceux qui les lìsent
il sied bien à un bel esprit qui ,
comme M. de Voltaire , nous a fait sentir
si souvent le charme des beaux Vers¸
d'en proteger le mérite ; et quand même
ce mérite ne seroit pas aussi réél qu'il le
croit , ou aussi necessaire qu'il le supose
dans nos Tragédies , il faudroit lui pardonner
sa sensibilité pour un genre d'écrire
qui lui a acquis tant de gloire. Let
Public y a contribué de ses applaudissemens
, et nous avons par notre plaisir
notre part à sa reconnoissance pour un
tálent qu'il cultive avec succès , et qu'on
seroit fâché de lui voir negliger.
Il a si bien senti lui - même combien la
continuité du travail est utile à la perfec
tion , qu'il avouë à Mylord Bolingbrooke,
que lors qu'après son retours à Paris , il
Asy
3
4 MERCURE DE FRANCE
a voulu rentrer dans la carriere françoise
dont il étoit sorti durant deux années ; les
expressions et les Phrases de sa langue
naturelle se refusoient à ses recherches ;
l'habitude qu'il avoit contractée de penser
en Anglois rendoit sa nouvelle composition
difficile ; ensorte qu'en bien des
endroits on croit découvrir la contrainte
de la Traduction .
de
Le principal obstacle qu'il a trouvé ,
son aveu , à la facilité de l'execution , a
été la severité de notre Poësie , et l'esclavage
de la rime. Lors qu'il avoit écrit
en Anglois , il avoit joui de cette heureuse
liberté qui donne à l'esprit toute son
étendue , et qui le laissant arbitre de la
mesure des Phrases et de la longueur des
mots , le remplit seulement de l'importance
des choses .
>
Cependant M. de Voltaire , tout persuadé
qu'il est de la dureté de l'assujetissement
à la rime , quoiqu'il sente le poids
de ses chaînes et ce qu'elles peuvent
coûter à la justesse de l'expression , à la
vivacité du sentiment et à la liberté de la
pensée , ne veut pas permettre qu'on s'en
affranchisse. Je ne veux pas prouver directement
combien il seroit utile et raisonnable
de laisser les Auteurs à leur aise
sur cet article ; ce dessein a été executé
avec beaucoup de force , de précision et
d'éleAVRIL.
1731.
635
d'élegance par son ingénieux Auteur. ,
J'examinerai seulement les raisons sur lesquelles
M. de Voltaire se fonde dans son
nouveau discours , pour détourner un
usage ou une nouveauté qu'il n'approuve
point , et dont ses talens l'ont appris à se
passer.
Il ne faut point , dit-il , s'écarter de la
route que les grands Maîtres nous ont
tracée ; s'en faire une nouvelle , seroit
moins une marque de génie que de foiblesse.
Mais il me semble , au contraire , que
plus les Tragédies de Corneille et de Racine
, toutes écrites en Vers rimés , ont
eu de succès , plus elles l'ont mérité ; plus
on trouve de beautés dans ces Piéces , et
plus il y auroit du mérite de se procurer
un succès égal sans le secours de la rime.
Car si la rime prête des beautés réelles aux
Piéces de Théatre , ceux qui auront abandonné
cette voye auront dû prendre ailleurs
, pour nous plaire également , des
compensations heureuses qui nous empêchent
de regreter la Poësie rimée.
M. de Voltaire ne peut pas supposer
comme une chose certaine , qu'on ne peut
faire une bonne Tragédie sans Vers rimés ,
car c'est là précisément la question ; il
prétend que l'habitude que nous avons
aux Vers de Corneille et de Racine nous
A vj rend
636 MERCURE DE FRANCE
rend ce nombre et cette harmonie si nécessaires
dans toutes les Tragédies , qu'une
Piéce dans laquelle on trouveroit une
disposition sage , un interêt vif continu ,
et bien conduit , de grandes idées , des
sentimens élevés , une diction noble et
majestueuse , n'auroit que peu ou point
de succès , si elle étoit privée de l'agré--
ment de la rime.
Il suppose que c'est un agrément sur la
foi de l'usage dont il paroît ailleurs ne
faire pas grand cas . Mais bien des gens
prétendent que ce retour perpetuel de
deux grands Vers féminins et masculins
les fatigue & les ennuye , et que s'ils n'étoient
aidés d'ailleurs par l'interêt , par
les sentimens et par l'action de l'Acteur ,
ils ne soutiendroient point un aussi long
Ouvrage sans peine.
D'où peut venir que M. de Voltaire lui
même trouve nos Tragédies trop longues
, comme les Tragédies Angloises ?
Est- ce que nous n'en avons point de bonnes
? Mais il fait profession d'admirer
Corneille
et Racine ; il les propose l'un
et l'autre comme les grands modeles .
Ne seroit-ce pas par la même raison
qui a empêché que le Poëme Epique ne
réussit en France , et qui a toujours fait
trouver longs & insipides ceux qu'on a
asé composer. Ce n'eft. pas que l'on manque
AVRIL; 1731. 637
que de sujets à traiter , ni peut-être de
génies capables de le faire , M. de Voltaire
a montré ses ressources dans ce genre
; mais il faut convenir qu'il l'a un peú
alteré , et que sa Henriade , pleine de tres
beaux morceaux et des plus beaux Vers ,
n'est pas un veritable Poëme Epique.
C'est cette alternative necessaire et insuportable
à la longue de deux rimes masculines
et de deux rimes féminines qui
nous prive d'un bon Poëme , et qui affoiblit
surement le plaisir naturel d'une
action qui se passe sur le Théatre entre
des grands ou entre des gens ordinaires.
Ce qui fait que le même défaut n'ôte
pas aux Comédies et aux Tragédies tout
feur succès , tandis qu'il se fait perdre aux
Poëmes , c'est que dans les Piéces de Théatre
on est reveillé , comme nous l'avons
dit , par une action vive et animée ; les
Acteurs nous échauffent , et nous lès confondons
, à proportion de leurs talens
avec les personnages qu'ils représentent,
Qui s'est jamais avisé de dire que l'Enéïde
est un trop long Poëme , que cette
lecture est fatigante et difficile à soûtenir
? assurément l'interêt est bien foible ,
puisqu'on le trouvoit tel du tems même .
de Virgile , et que l'on sçait que Didon
et Enée furent séparés par plusieurs siecles.
Ses Vers y sont de la même mesure que
Tes
638 MERCURE DE FRANCE
les nôtres , tous Alexandrins , mais sans
rimes , et voilà qui les sauve de l'ennui ;
cette uniformité de sons que l'on appelle
harmonie , lorsqu'on en a besoin , ne se
trouve pas dans l'Enéïde , et dès là cette
lecture est toujours agréable.
Je conviendrai pourtant d'une chose ,
et c'est peut- être ce que veut dire M. de
Voltaire , lorsqu'il nous oppose les exemples
de Corneille , de Despreaux et de
Racine ; je conviens avec lui que les Ouvrages
que ces Auteurs celebres ont donnés
en Vers rimés ne seroient pas supportables
en Vers sans rimes ou en pure
Prose. C'est là que la raison de la coutume
se trouve dans toute sa force : quelque
belle que fut la traduction en Prose que
l'on feroit de ces Vers , on y reviendroit
toujours ; ils se présenteroient sans cesse
à l'esprit , et l'oreille accoutumée à l'impression
flateuse des beaux Vers de ces
trois hommes , souffriroit du déguisement
, parceque la mémoire rappelleroit
à mesure les Vers originaux .
Mais il faut aussi que l'on demeure
d'accord avec moi que cet évenement
seroit réciproque , si l'on traduisoit en Vers
un Ouvrage bien écrit en Prose , et qui
eut déja emporté, les suffrages. Il ne faut
pas douter que ce ne fut une entreprise
téméraire que de réduire en Vers l'Histoire
AVRIL. 1731. 639
toire de Zaïde , la Princesse de Cléves ,
les Exilés de Madame de Ville - Dieu , et
quelques autres Ouvrages de ce caractere
qui seroient susceptibles par eux- mêmes
d'une Versification noble , mais que l'on
voudroit toujours lire tels qu'ils nous ont
été donnés.
et
Ainsi on ne doit pas prétendre de faire
accepter une traduction en Prose des Ouvrages
écrits en beaux Vers , moins encore
des Vers de M. Racine que de tout
autre. Ce n'est pas que M. Racine par
un effet prodigieux de son habileté n'ait
donné aux Phrases dans presque tous ses
Vers la construction la plus naturelle ,
c'est parceque cesVers sont un effet surpre
nant de l'art, c'est parceque les Ve.s de M.
Racine sont les plus beaux Vers François
qui ayent jamais été faits , qu'il n'en faut
rien ôter ; il n'y faut pas toucher. Il faut
les voir tels qu'ils sont sortis de la main de
l'Auteur , ces Ouvrages immortels , où
malgré la gêne de la Versification et l'assujetissement
scrupuleux à rimer richement
, M. Racine a tout dit , selon M. de
Voltaire lui-même , de la meilleure maniere
, et bien mieux que tous ceux qui
ont écrit dans son genre avant et après
lui.
C'est aussi ce qui me fit dire à M. de la
Mothe , il y a environ deux années
lors
2
640 MERCURE DE FRANCE
lorsqu'il me fit la grace de me faire part´
de son Essai de Prose sur la premiere
Scene de Mithridate , que c'étoit bien le
moyen de faire entendre sa pensée , mais
non pas de faire recevoir son dessein :
que les Vers de M. Racine étoient construits
de façon qu'on ne pouvoit pas esperer
de les faire oublier , et qu'en les
décomposant , pour essayer l'effet de la:
Prose , on les feroit seulement admirer
davantage.
Il est bien certain que M. de la Mothe
n'a jamais eu en vue de diminuer le prixdes
Vers de M. Racine ; en les réduisant
en Prose , il a prétendu faire voir que les
choses que M. Racine nous a laissées en
Vers pourroient se passer de cette parure
sans rien perdre de leur mérite , ni de
l'impression qu'elles font sur nous. Je
crois entrer dans son sens et entendre sa
pensée ; mais j'avoue que je ne sçaurois
l'adopter. Il ne faut point essayer la Prose
sur des beaux Vers -connus de tout le monde
: on y reviendra par goût , et sur- tout
par habitude. C'est des nouvelles Piéces
en Prose que l'on doit attendre un grand.
succès , pourvû qu'elles soient écrites
comme il convient.
Je dis pourvû qu'elles soient écrites >
comme il convient ; car en démontant
les Vers de M. Racine de la maniere que
M
AVRIL: 1737. 641
›
M.de la Mothe l'a fait, il n'en résulte point
une belle Prose . M. de Racine auroit écrít
autrement , auroit mieux écrit , et M. de
la Mothe aussi . C'est donc à tort qu'après
nous avoir donné cette épreuve il interpelle
les gens sensez et déprévenus , et
qu'il les sollicite d'avouer qu'ils n'ont
rien perdu à ce renversement , et que
l'impression à leur égard est toûjours la
même. Ils répondent que non , ils redemandent
les Vers de M. Racine , comme
ils redemanderoient sa Prose , s'il avoit
écrit Mithridate en Prose , et que quelqu'un
le donnât en Vers .
Qu'une Tragedie , belle d'ailleurs , et
digne d'être applaudie , ne soit connuë
qu'en Prose ; on l'écoutera on la lira
après un certain tems tout comme si elle
étoit en Vers. Qui est-ce qui ne lit pas
le Telemaque , et qui ne l'admire pas en
le lisant ? Je ne doute pourtant pas que
s'il eût été donné en beaux Vers par un
homme tel que M. Racine , avant qu'il
parût en Prose , tel que nous l'avons aujourd'hui
; je ne doute pas , dis je , que le
Telemaque de Racine n'eût obscurci le
Telemaque de Fenelon . Maintenant il ne
seroit plus tems ; le gout pour le Telemaque
est universel , l'habitude est inalterable
, et les plus beaux Vers , les Vers
les plus heureux et les plus accomplis
ne
642 MERCURE DE FRANCE
ne seroient regardez que comme une Traduction
imparfaite ; je croi même qu'elle
ne sçauroit être bonne .
Par exemple encore , M. de la Mothe
lui- même , vient de hazarder une Ode en
Prose ; on voit dans cette Ode tout le
feu , toute l'élevation et toute la magnificence
de la Poësie. Pourquoi la lit- on
telle qu'elle est ? Parce qu'on ne l'a pas
autrement. Mais que M. de la Mothe nous
donne cette même Ode en beaux Vers
Lyriques , tels que ceux de l'Astrée et de
presque toutes ses Odes , il verra que ses
Vers feront oublier sa Prose , quelque
noble et quelque harmonieuse qu'elle
nous paroisse. Pourquoi cela ? Parce que
nous ne sommes pas encore accoûtumez
à lire des Odes en Prose , et jusqu'à nouvel
ordre il faudra pardonner à ceux
qui exigeront qu'elles soient en Poësie
rimée.
M. de Voltaire , qui sent ses avantages,
ne veut point se désaisir de la Versification
, et la rime ne l'effraye point. M. de
la Mothe , qui est sans interêt dans cette
querelle , puisqu'il nous a fait voir qu'il
sçavoit tout écrire en Vers et en Prose ;
M. de la Mothe , dis-je , et bien des gens
avec lui , demandent au Public la liberté
de faire parler des Rois , des Reines , des
Ministres d'Etat , des Generaux d'Armée,
en
AVRIL. 1731. 643
en belle Prose , telle qu'ils sont censez
la parler et telle qu'il la sçauroit , faire
lui - même. Car il faut demeurer d'accord
qu'il écrit avec beaucoup de pureté , beaucoup
de clarté , de noblesse et d'élegance .
Ce seroit un vrai modele , s'il étoit permis
d'en imiter quelqu'un.
Qu'est- ce donc que l'on prétend lorsqu'on
veut faire recevoir des Tragédies
en Prose , et quel est le dessein de ceux
qui appuyent cette idée ? Le voici. Les
Tragedies qui ont parû depuis M. Racine
, sont toutes inferieures aux siennes
dans tous les sens ; c'est une verité dure,
mais incontestable. Un grand nombre
d'Auteurs de nom et de mérite ont courru
cette carriere avec un médiocre succès.
Je ne sçai si dans ce genre un succès
médiocre ne peut pas être compté pour
mauvais ; on a cherché les causes de ce
décroissement ; on a trouvé que parmi
ces Auteurs, quelques -uns avoient tout le
génie qui est nécessaire pour faire une
bonne Tragedie ; on a vû qu'ils sçavoient
disposer les évenemens , soutenir les caracteres
, jetter de l'interêt , qu'ils avoient
de la chaleur et du sentiment ; qu'ils sçavoient
faire à propos des portraits affreux
du vice , des peintures agreables de la
vertu qu'ils étoient fideles à la faire
triompher du crime et de la trahison .
噩
On
644 MERCURE DE FRANCE
On a vû qu'indépendamment des beautez
génerales qui constituent essentiellement
une bonne Tragedie , ils avoient
mis des beautez de détail , qui , quoiqu'elles
ne fassent pas le principal du
Poëme Dramatique , servent pourtant
beaucoup à le soutenir.
Malgré tous ces avantages , ces Poëmes
ne plaisent point , ne plaisent pas longtems
, ou ne plaisent pas toujours . On ne
les lit point , on y cherche quelques morceaux
détachez , on laisse le reste ; et le
gout seul
que l'on a pour la nouveauté
ou le grand Art d'un Acteur, soutenu par
quelques grands traits , par quelques tirades
brillantes , ou par l'interêt de l'action
, ont fait la réussite de toutes ces differentes
Pieces durant quelques Réprésentations.
Il ne restoit plus pour les excuser , que
d'attribuer le foible succès d'un Ouvrage,
bon d'ailleurs , à une diction défectueuse
›
età une expression
languissante
ou forcée.
Cependant
ces Auteurs connoissent
leur
langue ; ils parlent bien ils écrivent
bien en Prose ; ils donnent
des regles et
des exemples
dans l'Art de bien dire.
Il faut donc que ce soit la contrainte
de la rime et de la mesure des Vers qui entraîne
ces vices de l'expression
, et qui
coute aux Auteurs un plein succès , à
nous
AVRIL. 1731. 645
nous des Ouvrages plus accomplis.
Essayons , a-t'on dit , d'écrire ces mêmes
Ouvrages en Prose. Affranchissonsnous
du méchanisme de la Poësie , qui ,
aussi -bien nous fait perdre un tems précieux
que nous employerons à trouver des
choses ; et si après cette épreuve , on ne
réüissit pas mieux , nous serons forcez
d'attribuer ces affoiblissemens à la déca-
Edance des esprits.
Il n'y a rien que de raisonnable dans
ce Plan ; car enfin on n'a pas besoin de
Vers ; on peut se passer de Poësie ; mais
on ne peut pas se passer de Pieces de
Théatre . On sçait combien d'utilité et de
plaisir ce Spectacle apporte dans la societé
et dans les grandes Villes , il seroit
dangereux de le supprimer. Il faut
donc laisser aux Auteurs qui se sentiront
du génie pour le Théatre , mais qui seront
sans talens pour la Poësie rimée , il
faut leur laisser laliberté de nous amuser et
de nous instruire par le langage ordinaire,
pourvû qu'il soit noble et élegant. On ne
prétend pas pour cela ôter aux Poëtes , nez
Poëtes, la gloire qui les attend . On ne demande
pas mieux que de voir entre les Dramatiques
Poëtes et les Dramatiques Prosateurs,
cette émulation qui les excitera mutuellement
; ils en auront plus de gloire ,
et le Public plus de plaisir.
Qu'on
646 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne dise point que c'est proposer
une diminution de plaisir ; c'est supposer
ce qui est en question . Il est question
de sçavoir si le plaisir que les Vers nous
donnent dans la Tragedie , est un plaisir
d'habitude. Il n'y a qu'à essayer de faire
des Tragedies en Prose ; et si après l'essay,
toutes choses d'ailleurs égales , la Poësie rimée
l'emporte,il faudra encore en attendre
que l'habitude à la Prose ait été formée ,
pour que l'on puisse juger sans prévention .
Dailleurs il s'en faut bien que ce soit
proposer au Public de diminuer son plaisir
. En premier lieu , il est supposé que
ceux qui donneront des Tragedies en
Prose , ne les auroient point données en
Vers , parce qu'ils n'en sçavent pas faire.
'Ainsi le Public ne perd rien de ce côté ,
et il y gagne de l'autre des nouvelles Pieces
que sa condescendance lui procurera ,
et qu'il aura le plaisir singulier de comparer
avec les Poëmes Dramatiques rimez
qui sont déja en possession de son estime,
et les nouveaux qui la meriteront.
Je ne dis rien pour deffendre les Vers
François sans rimes ; on n'en a que faire.
Tout ce que M. de Voltaire a dit sur cela
est vrai , mais ne fait rien contre nous ;
nous voulons plus que cela ; c'est à- dire
de la Prose , mais belle , élegante , nombreuse.
Il
AVRIL. 1731 . 647
Il ne faut pas que l'on craigne de voir
paroître un trop grand nombre de Tragedies
en Prose. Nous avons vû jusqu'à
present que le nombre de ceux qui ont
bien écrit en prose à un certain point ,
n'est pas plus grand que le nombre des
bons Poëtes . La belle Prose est aussi rare
que la belle Poësie , et a bien autant de
merite. Elle est , du moins , plus propre.
à persuader , à convaincre , à émouvoir ,
à penetrer ; s'il en étoit autrement , la Poësie
rimée devroit être aussi le langage du
Barreau , et sur tout de la Chaire. Si la
Poësie réussissoit mieux à inspirer la terreur
et à remuer les ressorts du coeur , la
Prose devroit être interdite aux Prédicateurs
, et à proportion de la necessité
de l'importance et de l'immensité l'interêt
, la regle devroit être à leur égard ,
plus sacrée et plus inviolable.
Pour revenir à nos Tragedies , pourquoi
assujettirions- nous les Auteurs qui .
sont capables d'en faire de bonnes , quoiqu'ils
ne sçachent pas faire des Vers à cet
arrangement bizarre et pénible , puisque
les autres Nations qui ont aussi des Tragédies
, n'imposent pas la même contrainte
?
Qu'on ne réponde pas que la Langue
Françoise est plus bizarre elle-même , et
plus difficile à manier ; cela prouve pour la
Prose
648 MERCURE DE FRANCE
Prose contre la Versification . Est- il sage
d'ajouter de nouvelles difficultez à ce qui
n'en a déja que trop ? Selon M. de Voltaire
, l'Anglois , par exemple , a plus de
liberté dans sa Langue , il peut faire des
mots nouveaux , il peut , à son gré , étendre
ou resserrer les termes connus. Quelle
plus grande liberté un Poëte peut-il desirer,
à qui conviendroit- il mieux de s'assujettir
àla mesure et à la rime ?LesAnglois
s'accoutumeroient aux Vers rimés ; les
François s'accoutumeroient aux Tragedies
en Prose : pourquoi ne s'y accoutumeroient-
ils pas ? M. de Voltaire le dit avec
nous ; la Nature n'est- elle pas la même
dans tous les hommes ? Il faut qu'il convienne
aussi que c'est l'habitude que nous
avons aux Tragedies en Vers , qui nous
fait regarder cette forme comme necessaire
.
rez ; ils
La belle Prose est noble , douce , facile
, naturelle ; elle persuade , elle touche
; c'est le langage de la raison et l'or
gane de la verité .... Ne faisons point
d'énumeration des prodiges qu'elle a opepassent
ceux que la Fable a prêtez
à la Poësie. La Poësie peint avec force
mais elle outre les caracteres. Elle lou
avec emphase , ses Panegyriques sont des
apothéoses ; elle blâme avec rigueur ; tous
ses traits sont enflammez ; elle exager
égale
AVRIL.
1731.
649
également les vertus et les vices. Elle est
magnifique dans ses images et dans ses
descriptions ; mais pour vouloir embellir
la Nature , elle la cache ou la rend méconnoissable.
La rime est capricieuse , et
la mesure est un veritable esclavage . La
Prose plaît à tout le monde ; la Versification
déplaît à ceux qui n'y sont pas
accoutumez , c'est un fait d'experience.
Disons donc avec M. de Voltaire , quoiqu'il
ne le dise pas toujours, c'est à la coûtume
, qui est la Reine du monde , à changer
le gout des Nations , et à tourner en plaisirs
les objets de notre aversion.
Mais , dit M. de Voltaire , cette coûtume
est devenue un plaisir , et les François
aiment les Vers , même dans les Comedies.
Qui le conteste ? Je dis plus ,
qui conteste qu'ils ne doivent les aimer ?
Car je le repete , on ne veut point exclure
la rime du Théatre , et le Public sollicite
M. de Voltaire en particulier , de
cultiver l'heureux talent qu'il a reçû pour
ce genre d'écrire. On veut introduire la
Prose seulement en faveur de ceux qui
ont du génie pour le Théatre, et qui n'ont
point le talent des Vers. On ne sçauroit
douter que ces deux especes de mérite
ne puissent être divisées ; autrement il
en faudroit conclure , que tous ceux qui
sçavent faire des Vers , sçavent aussi faire
B dès
650 MERCURE DE FRANCE.
des Tragedies , ce qui est contre l'experience.
Ainsi il ya à gagner pour les Poëtes
Dramatiques et pour le Public. Le Public
aura un plus grand nombre de Tragedies
, à force de repetitions les anciennés
sont un peu usées . Les Poëtes Dramatiques
auront la gloire d'effacer les Dramatiques
Prosateurs , si en effet ceux - cy
n'ont pas d'aussi grands succès.
Des Comedies en Prose plaisent tous
les jours. On auroit souhaité que M. de
Voltaire eût bien voulu marquer quelles
sont les Comedies de Moliere écrites
en Prose , que l'on a été , dit - il , obligé
de mettre en Vers. Il y a de nouvelles
Comedies en Prose , où l'on va avec grand
plaisir. Cette disposition du Public ne
fait-elle pas augurer pour le succès de la
Tragedie en Prose ? Alors on aura moins
à craindre que jamais , ce dont M. de
Voltaire se plaint , que des Pieces mal
écrites ont cû un succès plus grand que
Cinna et Britannicus .
>
Qu'il me soit permis de dire en passant
que je crois être fondé à supposer
bien des beautez dans une Piece , qui
quoique mal écrite , a un succès plus
grand que les meilleures des plus grands
Maîtres . Car enfin c'est le Public qui
P'on écrit : doit juger ; c'est
pour lui que
et
AVRI L. 1731 .
651
et s'il a fait grace quelquefois à l'expression
en faveur de l'interêt et du sentiment
, que ne devroit - on pas attendre de
sa justice , si l'on y joignoit encore la pureté
de la diction et l'éloquence des
roles ?
pa-
Il ne faut pas qu'on tire avantage de
ce que les plus belles Pieces de Théatre
sont en Vers , et l'on ne peut pas dire
que les plus beaux Ouvrages sont en Poësie
rimée. En premier lieu , l'usage de la
Prose n'est point établi pour de certains
genres ; il faut la voir faire pour la comparer.
De plus , je ne crois pas qu'il soit
bien décidé que ce soit à la contrainte
des Vers rimez que l'on doit ces excellens
morceaux.
En second lieu , tant s'en faut que l'on
puisse avancer que les plus beaux Ouvrages
sont en Vers rimez , que la plûpart
de ceux qui sont écrits ainsi , sont
des Ouvrages frivoles.
Enfin , M. de Voltaire frappe le grand
coup pour détourner des Auteurs de faire
des Tragedies en Prose , et le Public de
les recevoir et de les entendre . » Si au
» milieu des Tableaux de Rubens , dit-
» il , ou de Paul Veroneze , quelqu'un ve-
»noit placer ses Desseins au crayon , n'au-
» roit- il pas tort de s'égaler à ces Peintres ?
>> On est accoûtumé dans les Fêtes à des
Bij >> Danses
652 MERCURE DE FRANCE.
» Danses et à des Chants ; seroit- ce assez
» de marcher et de parler , sous prétexte
» qu'on marcheroit et qu'on parleroit bien
»et que cela seroit plus aïsé et plus na-
>> turel.
J'étendrois trop ces Refléxions , si je
marquois toutes les raisons de difference
que l'on trouve dans les paralleles . J'admettrai
le premier lorsque M. de Voltaire.
m'aura fait comprendre qu'un Dessein
au crayon est un Tableau ; car il n'a pas
besoin qu'on lui montre qu'une Tragedie
en Prose est une Tragedie .
On est accoûtumé dans les Fêtes à chanter
et à danser , ainsi il ne suffiroit pas de
marcheret de parler, cela est incontestable;
parce que la danse et le chant entrent necessairement
dans l'idée d'une Fête . Ensorte
que la Danse ôtée , les pas que formeroient
un grand nombre de personnes
assemblées , ne seroient qu'une promenade
triste , froide et insupportable ; le
Chant ôté , ce ne seroit plus qu'une conversation
fade et ennuyeuse. Mais a- t'on
jamais dit que la rime et la mesure des
Vers constituent essentiellement une Tragedie.
En France même , qui est le seul
Pays où l'on voit des Tragedies en Vers
rimez , a-t'on jamais défini la Tragedie
en Poëme à Vers Alexandrins à rimes
plates ? M. de Voltaire sçait parfaitement
ce
+
AVRIL. 1731. 653
e qui constitue le Poëme Dramatique ;
j'en prendrai volontiers la définition de
sa main , et je suis déja sûr qu'il n'y fera
seulement mention ni des Vers ni de
la rime.
pas
A quelle sorte d'ouvrage la rime et les
Vers semblent-ils appartenir plus specialement
qu'au Poëme Epique ? La Poësie
qui y est absolument necessaire et dont
on doit presque toujours se garder dans
la Tragedie , exige , ce semble , ce nombre
qui sert à l'embellir ; cependant nous
avons un Poëme en Prose que personne
ne trouve trop long , et que personne
n'entreprendra apparamment de mettre
en Vers.
Ainsi le Chant et la Danse sont nécessaires
aux Fêtes , parce qu'où il n'y
a ni Chant ni Danse , il n'y a plus de
Fête , du moins de cette espece de Fête
que M. de Voltaire suppose. Mais il ne
s'ensuit pas que que les Vers soient essentiels
à la Poësie Dramatique qui subsisteroit
bien sans leur secours ; ainsi la rime peut
bien être necessaire aux Vers François ,
soit à cause que l'habitude est formée
soit à cause du génie même de notre Langue
; mais elle n'est point necessaire au
Poëme Dramatique .
Voilà mes idées sur la dispute qui s'est
élevée dequis quelque tems au sujet des
Biij Tra654
MERCURE DE FRANCE .
que
Tragedies en Prose. Les endroits où M. de
Voltaire a touché cette question dans son
Discours sur la Tragedie , m'ont donné
occasion de les développer. Idées ébauchées
qui serviront peut- être de Canevas
à quelque personne plus éclairée moi
et plus exercée à écrire. Il y a sur tout
de la sincerité dans mes Refléxions et
dans le temperamment que j'ai pris entre
la Prose et la Versification . Ceux qui
me connoissent ne me soupçonneront pas
de prévention ; car quoique je ne sçache
pas faire des Vers , ( du moins je ne le
crois pas ) j'ai une passion si forte pour
la déclamation , et je suis d'ailleurs si
persuadé qu'elle sera difficile ou changée
sensiblement dans les Tragedies en Prose
, que je ne puis m'empêcher de la regretter.
Cependant il me paroît qu'elle ne sed
roit pas impraticable , sur tout aux Ccmédiens
de Paris. On en a perdu deux
qui, chacun, auroient guidé leur sexe; mais
il en reste , qui avec de la docilité et de la
patience pourroient y réussir , les autres
s'y accoutumeroient avec le tems , quand
ce ne seroit que par imitation. Le Public
auroit d'abord de l'indulgence , il s'accoutumeroit
lui- même , et il parviendroit enfin
à voir représenter indifferemment des
Tragedies en Vers et des Tragedies en
Prose
A
AVRIL.´ 1731 . 1731 655
Prose , comme il voit tous les jours des
Comedies dans ces deux genres.
J'ai essayé moi - même de déclamer de
la belle Prose , et il m'a parû qu'il ne
falloit pas desesperer. Ceux qui font une
profession publique d'exercer ce talent ,
doivent avoir plus de ressources . Plus on
s'est appliqué en déclamant , à rompre
la mesure des Vers , moins on y trouve
de la difficulté . Cette maniere avoit bien
réussi , on la devoit à l'art admirable du
grand Maître de la Déclamation , que
l'on regrettera long- temps ; on peut la
faire revivre et accoutumer ainsi insensiblement
à la Prose.
Or n'entendons- nous point quelquefois
de certains Orateurs déclamer leurs Pieces
d'Eloquence ? Et qu'étoit donc cette
action si vive , si pathetique du celebre
Orateur de la Grece , qui causa tant d'admiration
à son Rival même ; qu'étoit - ce
si - non une Déclamation animée qui aidoit
à la persuasion , et qui alloit au coeur ?
On donnera le mois prochain les Reflexions
sur la Tragedie de Brutus.
de M. de Voltaire , et de son Dis
cours sur la Tragédie..
I
'L ne faut pas être surpris que M. de
Voltaire aye saisi l'occasion que sa nouvelle
Tragédie lui a présentée naturèllement
, de donner dans un Discours préliminaire
ses idées sur cette espece d'ouvrage.
On doit être obligé aux Auteurs
qui se distinguent dans un Art de ce qu'ils
veulent bien ouvrir leur secret , et mettre
leurs Lecteurs dans les voyes qu'ils
se sont frayées ; ils aident ainsi eux-mêmes
au jugement qu'ils attendent , et ils
éclairent cette même critique qui doit
montrer
A V RIL. 1731. 633
montrer leurs beautés et leurs deffauts ;
car il y a par tout à louer et à reprendre :
les Auteurs du premier ordre sont seulement
ceux qui donnent moins de prise
à la censure.
On devoit encore s'attendre que M. de
Voltaire ne manqueróit pas de réclamer
les droits que la Versification et la rime
' ont pris depuis long - tems sur nos Piéces
de Théatre , et qu'un Ecrivain judicieux
et séduisant vient d'attaquer,comme contraires
aux succés des Auteurs , et par
conséquent au plaisir de ceux qui les lìsent
il sied bien à un bel esprit qui ,
comme M. de Voltaire , nous a fait sentir
si souvent le charme des beaux Vers¸
d'en proteger le mérite ; et quand même
ce mérite ne seroit pas aussi réél qu'il le
croit , ou aussi necessaire qu'il le supose
dans nos Tragédies , il faudroit lui pardonner
sa sensibilité pour un genre d'écrire
qui lui a acquis tant de gloire. Let
Public y a contribué de ses applaudissemens
, et nous avons par notre plaisir
notre part à sa reconnoissance pour un
tálent qu'il cultive avec succès , et qu'on
seroit fâché de lui voir negliger.
Il a si bien senti lui - même combien la
continuité du travail est utile à la perfec
tion , qu'il avouë à Mylord Bolingbrooke,
que lors qu'après son retours à Paris , il
Asy
3
4 MERCURE DE FRANCE
a voulu rentrer dans la carriere françoise
dont il étoit sorti durant deux années ; les
expressions et les Phrases de sa langue
naturelle se refusoient à ses recherches ;
l'habitude qu'il avoit contractée de penser
en Anglois rendoit sa nouvelle composition
difficile ; ensorte qu'en bien des
endroits on croit découvrir la contrainte
de la Traduction .
de
Le principal obstacle qu'il a trouvé ,
son aveu , à la facilité de l'execution , a
été la severité de notre Poësie , et l'esclavage
de la rime. Lors qu'il avoit écrit
en Anglois , il avoit joui de cette heureuse
liberté qui donne à l'esprit toute son
étendue , et qui le laissant arbitre de la
mesure des Phrases et de la longueur des
mots , le remplit seulement de l'importance
des choses .
>
Cependant M. de Voltaire , tout persuadé
qu'il est de la dureté de l'assujetissement
à la rime , quoiqu'il sente le poids
de ses chaînes et ce qu'elles peuvent
coûter à la justesse de l'expression , à la
vivacité du sentiment et à la liberté de la
pensée , ne veut pas permettre qu'on s'en
affranchisse. Je ne veux pas prouver directement
combien il seroit utile et raisonnable
de laisser les Auteurs à leur aise
sur cet article ; ce dessein a été executé
avec beaucoup de force , de précision et
d'éleAVRIL.
1731.
635
d'élegance par son ingénieux Auteur. ,
J'examinerai seulement les raisons sur lesquelles
M. de Voltaire se fonde dans son
nouveau discours , pour détourner un
usage ou une nouveauté qu'il n'approuve
point , et dont ses talens l'ont appris à se
passer.
Il ne faut point , dit-il , s'écarter de la
route que les grands Maîtres nous ont
tracée ; s'en faire une nouvelle , seroit
moins une marque de génie que de foiblesse.
Mais il me semble , au contraire , que
plus les Tragédies de Corneille et de Racine
, toutes écrites en Vers rimés , ont
eu de succès , plus elles l'ont mérité ; plus
on trouve de beautés dans ces Piéces , et
plus il y auroit du mérite de se procurer
un succès égal sans le secours de la rime.
Car si la rime prête des beautés réelles aux
Piéces de Théatre , ceux qui auront abandonné
cette voye auront dû prendre ailleurs
, pour nous plaire également , des
compensations heureuses qui nous empêchent
de regreter la Poësie rimée.
M. de Voltaire ne peut pas supposer
comme une chose certaine , qu'on ne peut
faire une bonne Tragédie sans Vers rimés ,
car c'est là précisément la question ; il
prétend que l'habitude que nous avons
aux Vers de Corneille et de Racine nous
A vj rend
636 MERCURE DE FRANCE
rend ce nombre et cette harmonie si nécessaires
dans toutes les Tragédies , qu'une
Piéce dans laquelle on trouveroit une
disposition sage , un interêt vif continu ,
et bien conduit , de grandes idées , des
sentimens élevés , une diction noble et
majestueuse , n'auroit que peu ou point
de succès , si elle étoit privée de l'agré--
ment de la rime.
Il suppose que c'est un agrément sur la
foi de l'usage dont il paroît ailleurs ne
faire pas grand cas . Mais bien des gens
prétendent que ce retour perpetuel de
deux grands Vers féminins et masculins
les fatigue & les ennuye , et que s'ils n'étoient
aidés d'ailleurs par l'interêt , par
les sentimens et par l'action de l'Acteur ,
ils ne soutiendroient point un aussi long
Ouvrage sans peine.
D'où peut venir que M. de Voltaire lui
même trouve nos Tragédies trop longues
, comme les Tragédies Angloises ?
Est- ce que nous n'en avons point de bonnes
? Mais il fait profession d'admirer
Corneille
et Racine ; il les propose l'un
et l'autre comme les grands modeles .
Ne seroit-ce pas par la même raison
qui a empêché que le Poëme Epique ne
réussit en France , et qui a toujours fait
trouver longs & insipides ceux qu'on a
asé composer. Ce n'eft. pas que l'on manque
AVRIL; 1731. 637
que de sujets à traiter , ni peut-être de
génies capables de le faire , M. de Voltaire
a montré ses ressources dans ce genre
; mais il faut convenir qu'il l'a un peú
alteré , et que sa Henriade , pleine de tres
beaux morceaux et des plus beaux Vers ,
n'est pas un veritable Poëme Epique.
C'est cette alternative necessaire et insuportable
à la longue de deux rimes masculines
et de deux rimes féminines qui
nous prive d'un bon Poëme , et qui affoiblit
surement le plaisir naturel d'une
action qui se passe sur le Théatre entre
des grands ou entre des gens ordinaires.
Ce qui fait que le même défaut n'ôte
pas aux Comédies et aux Tragédies tout
feur succès , tandis qu'il se fait perdre aux
Poëmes , c'est que dans les Piéces de Théatre
on est reveillé , comme nous l'avons
dit , par une action vive et animée ; les
Acteurs nous échauffent , et nous lès confondons
, à proportion de leurs talens
avec les personnages qu'ils représentent,
Qui s'est jamais avisé de dire que l'Enéïde
est un trop long Poëme , que cette
lecture est fatigante et difficile à soûtenir
? assurément l'interêt est bien foible ,
puisqu'on le trouvoit tel du tems même .
de Virgile , et que l'on sçait que Didon
et Enée furent séparés par plusieurs siecles.
Ses Vers y sont de la même mesure que
Tes
638 MERCURE DE FRANCE
les nôtres , tous Alexandrins , mais sans
rimes , et voilà qui les sauve de l'ennui ;
cette uniformité de sons que l'on appelle
harmonie , lorsqu'on en a besoin , ne se
trouve pas dans l'Enéïde , et dès là cette
lecture est toujours agréable.
Je conviendrai pourtant d'une chose ,
et c'est peut- être ce que veut dire M. de
Voltaire , lorsqu'il nous oppose les exemples
de Corneille , de Despreaux et de
Racine ; je conviens avec lui que les Ouvrages
que ces Auteurs celebres ont donnés
en Vers rimés ne seroient pas supportables
en Vers sans rimes ou en pure
Prose. C'est là que la raison de la coutume
se trouve dans toute sa force : quelque
belle que fut la traduction en Prose que
l'on feroit de ces Vers , on y reviendroit
toujours ; ils se présenteroient sans cesse
à l'esprit , et l'oreille accoutumée à l'impression
flateuse des beaux Vers de ces
trois hommes , souffriroit du déguisement
, parceque la mémoire rappelleroit
à mesure les Vers originaux .
Mais il faut aussi que l'on demeure
d'accord avec moi que cet évenement
seroit réciproque , si l'on traduisoit en Vers
un Ouvrage bien écrit en Prose , et qui
eut déja emporté, les suffrages. Il ne faut
pas douter que ce ne fut une entreprise
téméraire que de réduire en Vers l'Histoire
AVRIL. 1731. 639
toire de Zaïde , la Princesse de Cléves ,
les Exilés de Madame de Ville - Dieu , et
quelques autres Ouvrages de ce caractere
qui seroient susceptibles par eux- mêmes
d'une Versification noble , mais que l'on
voudroit toujours lire tels qu'ils nous ont
été donnés.
et
Ainsi on ne doit pas prétendre de faire
accepter une traduction en Prose des Ouvrages
écrits en beaux Vers , moins encore
des Vers de M. Racine que de tout
autre. Ce n'est pas que M. Racine par
un effet prodigieux de son habileté n'ait
donné aux Phrases dans presque tous ses
Vers la construction la plus naturelle ,
c'est parceque cesVers sont un effet surpre
nant de l'art, c'est parceque les Ve.s de M.
Racine sont les plus beaux Vers François
qui ayent jamais été faits , qu'il n'en faut
rien ôter ; il n'y faut pas toucher. Il faut
les voir tels qu'ils sont sortis de la main de
l'Auteur , ces Ouvrages immortels , où
malgré la gêne de la Versification et l'assujetissement
scrupuleux à rimer richement
, M. Racine a tout dit , selon M. de
Voltaire lui-même , de la meilleure maniere
, et bien mieux que tous ceux qui
ont écrit dans son genre avant et après
lui.
C'est aussi ce qui me fit dire à M. de la
Mothe , il y a environ deux années
lors
2
640 MERCURE DE FRANCE
lorsqu'il me fit la grace de me faire part´
de son Essai de Prose sur la premiere
Scene de Mithridate , que c'étoit bien le
moyen de faire entendre sa pensée , mais
non pas de faire recevoir son dessein :
que les Vers de M. Racine étoient construits
de façon qu'on ne pouvoit pas esperer
de les faire oublier , et qu'en les
décomposant , pour essayer l'effet de la:
Prose , on les feroit seulement admirer
davantage.
Il est bien certain que M. de la Mothe
n'a jamais eu en vue de diminuer le prixdes
Vers de M. Racine ; en les réduisant
en Prose , il a prétendu faire voir que les
choses que M. Racine nous a laissées en
Vers pourroient se passer de cette parure
sans rien perdre de leur mérite , ni de
l'impression qu'elles font sur nous. Je
crois entrer dans son sens et entendre sa
pensée ; mais j'avoue que je ne sçaurois
l'adopter. Il ne faut point essayer la Prose
sur des beaux Vers -connus de tout le monde
: on y reviendra par goût , et sur- tout
par habitude. C'est des nouvelles Piéces
en Prose que l'on doit attendre un grand.
succès , pourvû qu'elles soient écrites
comme il convient.
Je dis pourvû qu'elles soient écrites >
comme il convient ; car en démontant
les Vers de M. Racine de la maniere que
M
AVRIL: 1737. 641
›
M.de la Mothe l'a fait, il n'en résulte point
une belle Prose . M. de Racine auroit écrít
autrement , auroit mieux écrit , et M. de
la Mothe aussi . C'est donc à tort qu'après
nous avoir donné cette épreuve il interpelle
les gens sensez et déprévenus , et
qu'il les sollicite d'avouer qu'ils n'ont
rien perdu à ce renversement , et que
l'impression à leur égard est toûjours la
même. Ils répondent que non , ils redemandent
les Vers de M. Racine , comme
ils redemanderoient sa Prose , s'il avoit
écrit Mithridate en Prose , et que quelqu'un
le donnât en Vers .
Qu'une Tragedie , belle d'ailleurs , et
digne d'être applaudie , ne soit connuë
qu'en Prose ; on l'écoutera on la lira
après un certain tems tout comme si elle
étoit en Vers. Qui est-ce qui ne lit pas
le Telemaque , et qui ne l'admire pas en
le lisant ? Je ne doute pourtant pas que
s'il eût été donné en beaux Vers par un
homme tel que M. Racine , avant qu'il
parût en Prose , tel que nous l'avons aujourd'hui
; je ne doute pas , dis je , que le
Telemaque de Racine n'eût obscurci le
Telemaque de Fenelon . Maintenant il ne
seroit plus tems ; le gout pour le Telemaque
est universel , l'habitude est inalterable
, et les plus beaux Vers , les Vers
les plus heureux et les plus accomplis
ne
642 MERCURE DE FRANCE
ne seroient regardez que comme une Traduction
imparfaite ; je croi même qu'elle
ne sçauroit être bonne .
Par exemple encore , M. de la Mothe
lui- même , vient de hazarder une Ode en
Prose ; on voit dans cette Ode tout le
feu , toute l'élevation et toute la magnificence
de la Poësie. Pourquoi la lit- on
telle qu'elle est ? Parce qu'on ne l'a pas
autrement. Mais que M. de la Mothe nous
donne cette même Ode en beaux Vers
Lyriques , tels que ceux de l'Astrée et de
presque toutes ses Odes , il verra que ses
Vers feront oublier sa Prose , quelque
noble et quelque harmonieuse qu'elle
nous paroisse. Pourquoi cela ? Parce que
nous ne sommes pas encore accoûtumez
à lire des Odes en Prose , et jusqu'à nouvel
ordre il faudra pardonner à ceux
qui exigeront qu'elles soient en Poësie
rimée.
M. de Voltaire , qui sent ses avantages,
ne veut point se désaisir de la Versification
, et la rime ne l'effraye point. M. de
la Mothe , qui est sans interêt dans cette
querelle , puisqu'il nous a fait voir qu'il
sçavoit tout écrire en Vers et en Prose ;
M. de la Mothe , dis-je , et bien des gens
avec lui , demandent au Public la liberté
de faire parler des Rois , des Reines , des
Ministres d'Etat , des Generaux d'Armée,
en
AVRIL. 1731. 643
en belle Prose , telle qu'ils sont censez
la parler et telle qu'il la sçauroit , faire
lui - même. Car il faut demeurer d'accord
qu'il écrit avec beaucoup de pureté , beaucoup
de clarté , de noblesse et d'élegance .
Ce seroit un vrai modele , s'il étoit permis
d'en imiter quelqu'un.
Qu'est- ce donc que l'on prétend lorsqu'on
veut faire recevoir des Tragédies
en Prose , et quel est le dessein de ceux
qui appuyent cette idée ? Le voici. Les
Tragedies qui ont parû depuis M. Racine
, sont toutes inferieures aux siennes
dans tous les sens ; c'est une verité dure,
mais incontestable. Un grand nombre
d'Auteurs de nom et de mérite ont courru
cette carriere avec un médiocre succès.
Je ne sçai si dans ce genre un succès
médiocre ne peut pas être compté pour
mauvais ; on a cherché les causes de ce
décroissement ; on a trouvé que parmi
ces Auteurs, quelques -uns avoient tout le
génie qui est nécessaire pour faire une
bonne Tragedie ; on a vû qu'ils sçavoient
disposer les évenemens , soutenir les caracteres
, jetter de l'interêt , qu'ils avoient
de la chaleur et du sentiment ; qu'ils sçavoient
faire à propos des portraits affreux
du vice , des peintures agreables de la
vertu qu'ils étoient fideles à la faire
triompher du crime et de la trahison .
噩
On
644 MERCURE DE FRANCE
On a vû qu'indépendamment des beautez
génerales qui constituent essentiellement
une bonne Tragedie , ils avoient
mis des beautez de détail , qui , quoiqu'elles
ne fassent pas le principal du
Poëme Dramatique , servent pourtant
beaucoup à le soutenir.
Malgré tous ces avantages , ces Poëmes
ne plaisent point , ne plaisent pas longtems
, ou ne plaisent pas toujours . On ne
les lit point , on y cherche quelques morceaux
détachez , on laisse le reste ; et le
gout seul
que l'on a pour la nouveauté
ou le grand Art d'un Acteur, soutenu par
quelques grands traits , par quelques tirades
brillantes , ou par l'interêt de l'action
, ont fait la réussite de toutes ces differentes
Pieces durant quelques Réprésentations.
Il ne restoit plus pour les excuser , que
d'attribuer le foible succès d'un Ouvrage,
bon d'ailleurs , à une diction défectueuse
›
età une expression
languissante
ou forcée.
Cependant
ces Auteurs connoissent
leur
langue ; ils parlent bien ils écrivent
bien en Prose ; ils donnent
des regles et
des exemples
dans l'Art de bien dire.
Il faut donc que ce soit la contrainte
de la rime et de la mesure des Vers qui entraîne
ces vices de l'expression
, et qui
coute aux Auteurs un plein succès , à
nous
AVRIL. 1731. 645
nous des Ouvrages plus accomplis.
Essayons , a-t'on dit , d'écrire ces mêmes
Ouvrages en Prose. Affranchissonsnous
du méchanisme de la Poësie , qui ,
aussi -bien nous fait perdre un tems précieux
que nous employerons à trouver des
choses ; et si après cette épreuve , on ne
réüissit pas mieux , nous serons forcez
d'attribuer ces affoiblissemens à la déca-
Edance des esprits.
Il n'y a rien que de raisonnable dans
ce Plan ; car enfin on n'a pas besoin de
Vers ; on peut se passer de Poësie ; mais
on ne peut pas se passer de Pieces de
Théatre . On sçait combien d'utilité et de
plaisir ce Spectacle apporte dans la societé
et dans les grandes Villes , il seroit
dangereux de le supprimer. Il faut
donc laisser aux Auteurs qui se sentiront
du génie pour le Théatre , mais qui seront
sans talens pour la Poësie rimée , il
faut leur laisser laliberté de nous amuser et
de nous instruire par le langage ordinaire,
pourvû qu'il soit noble et élegant. On ne
prétend pas pour cela ôter aux Poëtes , nez
Poëtes, la gloire qui les attend . On ne demande
pas mieux que de voir entre les Dramatiques
Poëtes et les Dramatiques Prosateurs,
cette émulation qui les excitera mutuellement
; ils en auront plus de gloire ,
et le Public plus de plaisir.
Qu'on
646 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne dise point que c'est proposer
une diminution de plaisir ; c'est supposer
ce qui est en question . Il est question
de sçavoir si le plaisir que les Vers nous
donnent dans la Tragedie , est un plaisir
d'habitude. Il n'y a qu'à essayer de faire
des Tragedies en Prose ; et si après l'essay,
toutes choses d'ailleurs égales , la Poësie rimée
l'emporte,il faudra encore en attendre
que l'habitude à la Prose ait été formée ,
pour que l'on puisse juger sans prévention .
Dailleurs il s'en faut bien que ce soit
proposer au Public de diminuer son plaisir
. En premier lieu , il est supposé que
ceux qui donneront des Tragedies en
Prose , ne les auroient point données en
Vers , parce qu'ils n'en sçavent pas faire.
'Ainsi le Public ne perd rien de ce côté ,
et il y gagne de l'autre des nouvelles Pieces
que sa condescendance lui procurera ,
et qu'il aura le plaisir singulier de comparer
avec les Poëmes Dramatiques rimez
qui sont déja en possession de son estime,
et les nouveaux qui la meriteront.
Je ne dis rien pour deffendre les Vers
François sans rimes ; on n'en a que faire.
Tout ce que M. de Voltaire a dit sur cela
est vrai , mais ne fait rien contre nous ;
nous voulons plus que cela ; c'est à- dire
de la Prose , mais belle , élegante , nombreuse.
Il
AVRIL. 1731 . 647
Il ne faut pas que l'on craigne de voir
paroître un trop grand nombre de Tragedies
en Prose. Nous avons vû jusqu'à
present que le nombre de ceux qui ont
bien écrit en prose à un certain point ,
n'est pas plus grand que le nombre des
bons Poëtes . La belle Prose est aussi rare
que la belle Poësie , et a bien autant de
merite. Elle est , du moins , plus propre.
à persuader , à convaincre , à émouvoir ,
à penetrer ; s'il en étoit autrement , la Poësie
rimée devroit être aussi le langage du
Barreau , et sur tout de la Chaire. Si la
Poësie réussissoit mieux à inspirer la terreur
et à remuer les ressorts du coeur , la
Prose devroit être interdite aux Prédicateurs
, et à proportion de la necessité
de l'importance et de l'immensité l'interêt
, la regle devroit être à leur égard ,
plus sacrée et plus inviolable.
Pour revenir à nos Tragedies , pourquoi
assujettirions- nous les Auteurs qui .
sont capables d'en faire de bonnes , quoiqu'ils
ne sçachent pas faire des Vers à cet
arrangement bizarre et pénible , puisque
les autres Nations qui ont aussi des Tragédies
, n'imposent pas la même contrainte
?
Qu'on ne réponde pas que la Langue
Françoise est plus bizarre elle-même , et
plus difficile à manier ; cela prouve pour la
Prose
648 MERCURE DE FRANCE
Prose contre la Versification . Est- il sage
d'ajouter de nouvelles difficultez à ce qui
n'en a déja que trop ? Selon M. de Voltaire
, l'Anglois , par exemple , a plus de
liberté dans sa Langue , il peut faire des
mots nouveaux , il peut , à son gré , étendre
ou resserrer les termes connus. Quelle
plus grande liberté un Poëte peut-il desirer,
à qui conviendroit- il mieux de s'assujettir
àla mesure et à la rime ?LesAnglois
s'accoutumeroient aux Vers rimés ; les
François s'accoutumeroient aux Tragedies
en Prose : pourquoi ne s'y accoutumeroient-
ils pas ? M. de Voltaire le dit avec
nous ; la Nature n'est- elle pas la même
dans tous les hommes ? Il faut qu'il convienne
aussi que c'est l'habitude que nous
avons aux Tragedies en Vers , qui nous
fait regarder cette forme comme necessaire
.
rez ; ils
La belle Prose est noble , douce , facile
, naturelle ; elle persuade , elle touche
; c'est le langage de la raison et l'or
gane de la verité .... Ne faisons point
d'énumeration des prodiges qu'elle a opepassent
ceux que la Fable a prêtez
à la Poësie. La Poësie peint avec force
mais elle outre les caracteres. Elle lou
avec emphase , ses Panegyriques sont des
apothéoses ; elle blâme avec rigueur ; tous
ses traits sont enflammez ; elle exager
égale
AVRIL.
1731.
649
également les vertus et les vices. Elle est
magnifique dans ses images et dans ses
descriptions ; mais pour vouloir embellir
la Nature , elle la cache ou la rend méconnoissable.
La rime est capricieuse , et
la mesure est un veritable esclavage . La
Prose plaît à tout le monde ; la Versification
déplaît à ceux qui n'y sont pas
accoutumez , c'est un fait d'experience.
Disons donc avec M. de Voltaire , quoiqu'il
ne le dise pas toujours, c'est à la coûtume
, qui est la Reine du monde , à changer
le gout des Nations , et à tourner en plaisirs
les objets de notre aversion.
Mais , dit M. de Voltaire , cette coûtume
est devenue un plaisir , et les François
aiment les Vers , même dans les Comedies.
Qui le conteste ? Je dis plus ,
qui conteste qu'ils ne doivent les aimer ?
Car je le repete , on ne veut point exclure
la rime du Théatre , et le Public sollicite
M. de Voltaire en particulier , de
cultiver l'heureux talent qu'il a reçû pour
ce genre d'écrire. On veut introduire la
Prose seulement en faveur de ceux qui
ont du génie pour le Théatre, et qui n'ont
point le talent des Vers. On ne sçauroit
douter que ces deux especes de mérite
ne puissent être divisées ; autrement il
en faudroit conclure , que tous ceux qui
sçavent faire des Vers , sçavent aussi faire
B dès
650 MERCURE DE FRANCE.
des Tragedies , ce qui est contre l'experience.
Ainsi il ya à gagner pour les Poëtes
Dramatiques et pour le Public. Le Public
aura un plus grand nombre de Tragedies
, à force de repetitions les anciennés
sont un peu usées . Les Poëtes Dramatiques
auront la gloire d'effacer les Dramatiques
Prosateurs , si en effet ceux - cy
n'ont pas d'aussi grands succès.
Des Comedies en Prose plaisent tous
les jours. On auroit souhaité que M. de
Voltaire eût bien voulu marquer quelles
sont les Comedies de Moliere écrites
en Prose , que l'on a été , dit - il , obligé
de mettre en Vers. Il y a de nouvelles
Comedies en Prose , où l'on va avec grand
plaisir. Cette disposition du Public ne
fait-elle pas augurer pour le succès de la
Tragedie en Prose ? Alors on aura moins
à craindre que jamais , ce dont M. de
Voltaire se plaint , que des Pieces mal
écrites ont cû un succès plus grand que
Cinna et Britannicus .
>
Qu'il me soit permis de dire en passant
que je crois être fondé à supposer
bien des beautez dans une Piece , qui
quoique mal écrite , a un succès plus
grand que les meilleures des plus grands
Maîtres . Car enfin c'est le Public qui
P'on écrit : doit juger ; c'est
pour lui que
et
AVRI L. 1731 .
651
et s'il a fait grace quelquefois à l'expression
en faveur de l'interêt et du sentiment
, que ne devroit - on pas attendre de
sa justice , si l'on y joignoit encore la pureté
de la diction et l'éloquence des
roles ?
pa-
Il ne faut pas qu'on tire avantage de
ce que les plus belles Pieces de Théatre
sont en Vers , et l'on ne peut pas dire
que les plus beaux Ouvrages sont en Poësie
rimée. En premier lieu , l'usage de la
Prose n'est point établi pour de certains
genres ; il faut la voir faire pour la comparer.
De plus , je ne crois pas qu'il soit
bien décidé que ce soit à la contrainte
des Vers rimez que l'on doit ces excellens
morceaux.
En second lieu , tant s'en faut que l'on
puisse avancer que les plus beaux Ouvrages
sont en Vers rimez , que la plûpart
de ceux qui sont écrits ainsi , sont
des Ouvrages frivoles.
Enfin , M. de Voltaire frappe le grand
coup pour détourner des Auteurs de faire
des Tragedies en Prose , et le Public de
les recevoir et de les entendre . » Si au
» milieu des Tableaux de Rubens , dit-
» il , ou de Paul Veroneze , quelqu'un ve-
»noit placer ses Desseins au crayon , n'au-
» roit- il pas tort de s'égaler à ces Peintres ?
>> On est accoûtumé dans les Fêtes à des
Bij >> Danses
652 MERCURE DE FRANCE.
» Danses et à des Chants ; seroit- ce assez
» de marcher et de parler , sous prétexte
» qu'on marcheroit et qu'on parleroit bien
»et que cela seroit plus aïsé et plus na-
>> turel.
J'étendrois trop ces Refléxions , si je
marquois toutes les raisons de difference
que l'on trouve dans les paralleles . J'admettrai
le premier lorsque M. de Voltaire.
m'aura fait comprendre qu'un Dessein
au crayon est un Tableau ; car il n'a pas
besoin qu'on lui montre qu'une Tragedie
en Prose est une Tragedie .
On est accoûtumé dans les Fêtes à chanter
et à danser , ainsi il ne suffiroit pas de
marcheret de parler, cela est incontestable;
parce que la danse et le chant entrent necessairement
dans l'idée d'une Fête . Ensorte
que la Danse ôtée , les pas que formeroient
un grand nombre de personnes
assemblées , ne seroient qu'une promenade
triste , froide et insupportable ; le
Chant ôté , ce ne seroit plus qu'une conversation
fade et ennuyeuse. Mais a- t'on
jamais dit que la rime et la mesure des
Vers constituent essentiellement une Tragedie.
En France même , qui est le seul
Pays où l'on voit des Tragedies en Vers
rimez , a-t'on jamais défini la Tragedie
en Poëme à Vers Alexandrins à rimes
plates ? M. de Voltaire sçait parfaitement
ce
+
AVRIL. 1731. 653
e qui constitue le Poëme Dramatique ;
j'en prendrai volontiers la définition de
sa main , et je suis déja sûr qu'il n'y fera
seulement mention ni des Vers ni de
la rime.
pas
A quelle sorte d'ouvrage la rime et les
Vers semblent-ils appartenir plus specialement
qu'au Poëme Epique ? La Poësie
qui y est absolument necessaire et dont
on doit presque toujours se garder dans
la Tragedie , exige , ce semble , ce nombre
qui sert à l'embellir ; cependant nous
avons un Poëme en Prose que personne
ne trouve trop long , et que personne
n'entreprendra apparamment de mettre
en Vers.
Ainsi le Chant et la Danse sont nécessaires
aux Fêtes , parce qu'où il n'y
a ni Chant ni Danse , il n'y a plus de
Fête , du moins de cette espece de Fête
que M. de Voltaire suppose. Mais il ne
s'ensuit pas que que les Vers soient essentiels
à la Poësie Dramatique qui subsisteroit
bien sans leur secours ; ainsi la rime peut
bien être necessaire aux Vers François ,
soit à cause que l'habitude est formée
soit à cause du génie même de notre Langue
; mais elle n'est point necessaire au
Poëme Dramatique .
Voilà mes idées sur la dispute qui s'est
élevée dequis quelque tems au sujet des
Biij Tra654
MERCURE DE FRANCE .
que
Tragedies en Prose. Les endroits où M. de
Voltaire a touché cette question dans son
Discours sur la Tragedie , m'ont donné
occasion de les développer. Idées ébauchées
qui serviront peut- être de Canevas
à quelque personne plus éclairée moi
et plus exercée à écrire. Il y a sur tout
de la sincerité dans mes Refléxions et
dans le temperamment que j'ai pris entre
la Prose et la Versification . Ceux qui
me connoissent ne me soupçonneront pas
de prévention ; car quoique je ne sçache
pas faire des Vers , ( du moins je ne le
crois pas ) j'ai une passion si forte pour
la déclamation , et je suis d'ailleurs si
persuadé qu'elle sera difficile ou changée
sensiblement dans les Tragedies en Prose
, que je ne puis m'empêcher de la regretter.
Cependant il me paroît qu'elle ne sed
roit pas impraticable , sur tout aux Ccmédiens
de Paris. On en a perdu deux
qui, chacun, auroient guidé leur sexe; mais
il en reste , qui avec de la docilité et de la
patience pourroient y réussir , les autres
s'y accoutumeroient avec le tems , quand
ce ne seroit que par imitation. Le Public
auroit d'abord de l'indulgence , il s'accoutumeroit
lui- même , et il parviendroit enfin
à voir représenter indifferemment des
Tragedies en Vers et des Tragedies en
Prose
A
AVRIL.´ 1731 . 1731 655
Prose , comme il voit tous les jours des
Comedies dans ces deux genres.
J'ai essayé moi - même de déclamer de
la belle Prose , et il m'a parû qu'il ne
falloit pas desesperer. Ceux qui font une
profession publique d'exercer ce talent ,
doivent avoir plus de ressources . Plus on
s'est appliqué en déclamant , à rompre
la mesure des Vers , moins on y trouve
de la difficulté . Cette maniere avoit bien
réussi , on la devoit à l'art admirable du
grand Maître de la Déclamation , que
l'on regrettera long- temps ; on peut la
faire revivre et accoutumer ainsi insensiblement
à la Prose.
Or n'entendons- nous point quelquefois
de certains Orateurs déclamer leurs Pieces
d'Eloquence ? Et qu'étoit donc cette
action si vive , si pathetique du celebre
Orateur de la Grece , qui causa tant d'admiration
à son Rival même ; qu'étoit - ce
si - non une Déclamation animée qui aidoit
à la persuasion , et qui alloit au coeur ?
On donnera le mois prochain les Reflexions
sur la Tragedie de Brutus.
Fermer
Résumé : RÉFLEXIONS à l'occasion du Brutus de M. de Voltaire, et de son Discours sur la Tragédie.
Le texte traite de la tragédie et de la versification, en se référant notamment à la pièce 'Brutus' de Voltaire. L'auteur met en avant l'importance des discours préliminaires des écrivains pour éclairer la critique et révéler les beautés et les défauts de leurs œuvres. Voltaire défend l'usage de la versification et de la rime dans les pièces de théâtre, malgré les critiques récentes qui les jugent contraires au succès des auteurs et au plaisir des lecteurs. Voltaire, ayant écrit en anglais, apprécie la liberté de cette langue mais ne souhaite pas s'affranchir de la rime en français. Il argue que les tragédies de Corneille et Racine, écrites en vers rimés, ont connu un grand succès et que toute nouvelle voie serait perçue comme une faiblesse plutôt qu'un génie. Cependant, certains contestent cette vision et estiment que des compensations heureuses pourraient remplacer la rime. Voltaire pense que l'habitude des vers rimés est nécessaire au succès des tragédies, mais certains trouvent cette répétition fatigante. Le texte compare également les tragédies françaises aux poèmes épiques et aux œuvres en prose, soulignant que l'action vive et les acteurs réchauffent le public. Enfin, il est mentionné que les œuvres de Racine, bien que contraignantes en vers, sont immortelles et ne doivent pas être altérées. En avril 1731, le texte discute de la proposition de permettre aux auteurs de rédiger des tragédies en prose plutôt qu'en vers. De la Mothe et d'autres soutiennent que cette liberté permettrait de mieux exprimer les dialogues des personnages royaux et militaires. Ils estiment que les tragédies écrites après Racine sont inférieures et que la contrainte de la rime nuit à l'expression. Les auteurs de tragédies en prose possèdent les qualités nécessaires pour écrire de bonnes tragédies, mais leurs œuvres ne plaisent pas autant que celles de Racine. La proposition vise à libérer les auteurs du 'méchanisme' de la poésie pour voir si la prose pourrait mieux réussir. Le texte souligne également que la prose est plus adaptée pour persuader et émouvoir, et que la rime et la mesure des vers sont des contraintes inutiles. Les auteurs en prose pourraient ainsi offrir de nouvelles pièces au public, augmentant le choix et la qualité des œuvres théâtrales. L'auteur aborde une dispute récente sur les tragédies en prose, inspirée par les écrits de Voltaire. Il exprime son équilibre entre la prose et la versification, tout en regrettant la difficulté potentielle de la déclamation dans les tragédies en prose. Cependant, il estime que les comédiens parisiens pourraient s'adapter à ce changement avec du temps et de la pratique. Il compare cela à la déclamation des orateurs et à l'action vivante des orateurs grecs, soulignant que la déclamation animée peut aider à la persuasion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 256-657
SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
Début :
On a reçû des Lettres de Paris, [...]
Mots clefs :
Iris, Amour, Vénus, Fête, Édit, Statue, Grâces, Plaisirs, Autels, Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
SUITE des Nouvelles de Paphos ,
l'An de l'Amour 1731 .
ONN a reçû des Lettres de Paris ,
Qui portent en substance ,
Qu'Iris est en convalescence.
Et ces jours passez , quelques Ris ,'
Sont arrivez à tire d'aîle ,
Pour en confirmer la nouvelle.
On pense ici differemment ,
Sur cet heureux évenement.
L'Amour en montre une allegresse entiere ,
Mais on remarque que sa mere ,
Reçoit la chose froidement ;
Que sans trop en faire mistere ,
Au rapport des Courriers elle entra brusquement
Dans son Appartement.
Cependant le Dieu de Cythere ,
Vient d'ordonner par un Edit ,
Dans les Païs de son obéissance ,
Trois jours pleins de réjouissance .
Et lui même , à ce que l'on dit ,
Dans sa Cour prépare une Fête ,
Dont Vénus à martel en tête.
Concert , Comedie , Opera ,
Bals , Jeux , Festin , et catera ,
Y
AVRIL.
1731 657
Y feront chacun leur office.
On y joint un Feu d'artifice ,
Et Vulcain le composera.
Ce Dieu ne fut jamais dans l'ame ,
Tout- à-fait content de sa femme ,
Et n'est pas fâché par ce feu ,
De la mortifier un peu.
On doit d'Iris y placer la Statuë :
De l'Echarpe divine elle sera vétuë ,
Les Graces la couronneront ,
Et les Plaisirs l'entoureront.
Ces quatre Vers se feront lire ,
Sur un Piedestal de Porphire.
Des Dieux, ainsi que des Mortels ,
Se réunit ici l'hommage ,
La Beauté dont on voit l'image ,
Mérite un culte et des Autels.
l'An de l'Amour 1731 .
ONN a reçû des Lettres de Paris ,
Qui portent en substance ,
Qu'Iris est en convalescence.
Et ces jours passez , quelques Ris ,'
Sont arrivez à tire d'aîle ,
Pour en confirmer la nouvelle.
On pense ici differemment ,
Sur cet heureux évenement.
L'Amour en montre une allegresse entiere ,
Mais on remarque que sa mere ,
Reçoit la chose froidement ;
Que sans trop en faire mistere ,
Au rapport des Courriers elle entra brusquement
Dans son Appartement.
Cependant le Dieu de Cythere ,
Vient d'ordonner par un Edit ,
Dans les Païs de son obéissance ,
Trois jours pleins de réjouissance .
Et lui même , à ce que l'on dit ,
Dans sa Cour prépare une Fête ,
Dont Vénus à martel en tête.
Concert , Comedie , Opera ,
Bals , Jeux , Festin , et catera ,
Y
AVRIL.
1731 657
Y feront chacun leur office.
On y joint un Feu d'artifice ,
Et Vulcain le composera.
Ce Dieu ne fut jamais dans l'ame ,
Tout- à-fait content de sa femme ,
Et n'est pas fâché par ce feu ,
De la mortifier un peu.
On doit d'Iris y placer la Statuë :
De l'Echarpe divine elle sera vétuë ,
Les Graces la couronneront ,
Et les Plaisirs l'entoureront.
Ces quatre Vers se feront lire ,
Sur un Piedestal de Porphire.
Des Dieux, ainsi que des Mortels ,
Se réunit ici l'hommage ,
La Beauté dont on voit l'image ,
Mérite un culte et des Autels.
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Résumé : SUITE des Nouvelles de Paphos, l'An de l'Amour 1731.
En 1731, des nouvelles de Paris confirment la convalescence d'Iris. Les réactions divergent : L'Amour exprime une grande joie, tandis que sa mère reste froide. L'Amour organise trois jours de festivités dans ses domaines, incluant concerts, comédies, opéras, bals, jeux, festins et un feu d'artifice conçu par Vulcain. Ce dernier, mécontent de son épouse, voit là une opportunité de la mortifier. Lors de la fête, une statue d'Iris, vêtue de l'écharpe divine, sera placée et couronnée par les Grâces, entourée des Plaisirs. Des vers seront lus sur un piédestal de porphyre, soulignant que la beauté d'Iris mérite un culte et des autels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 657-664
SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Début :
L'Éloquence de la Chaire et du Barreau sont d'une si grande utilité, [...]
Mots clefs :
Éloquence, Poètes, Orateurs, Chaire, Discours, Racine, Christianisme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
SUITE de la Réponse à la Lettre sur
la gloire des Orateurs et des Poëtes.
L'Eloquence
de la Chaire et du Bary
reau sont d'une si grande utilité
qu'on a une obligation infinie à ceux qui
veulent bien y employer leurs talens ; il
n'en est pas de même des Poëtes , et
quelque préference que vous vous effor-
Bv
ciez
658 MERCURE DE FRANCE.
ciez de donner à Racine sur M. Flechier,
dans l'endroit où ils peignent tous les
deux la puissance du souverain Maître
de l'Univers , je crois que le Discours a
plus fructifié que le Poëme , et si l'un
paroît plus élevé que l'autre , c'est que
les pensées ne sont pas précisement les
mêmes , et que la Chaire de verité qui ne
souffre rien d'enflé , rien d'empoulé , rien
d'allambiqué , ne permettoit pas au sçavant
Evêque de Nîmes , de donner dans
le Phebus ; d'ailleurs on conviendra que
ces images monstrueuses d'un Dieu , tendent
plus à surprendre , qu'à émouvoir
à frapper l'esprit , qu'à toucher le coeur
et à effrayer l'Auditoire , qu'à le convaincre
de la Puissance divine.
Pour fasciner les yeux du Lecteur , vous
analisez les chefs- d'oeuvres des plus grands
Maîtres de la Poësie , vous mettez en oeuvre
tout ce qu'on peut imaginer de speeleux
pour étayer un sentiment ruineux,
et je vois bien qu'on ne pourroit vous
convaincre ' de l'hereticité de votre opinion
, qu'avec l'autorité des exemples ;
mais comme le grand nombre que j'aurois
à citer , si je ne voulois jamais finir ,
m'effraye ; j'ai fermé les yeux sur une
infinité d'éloquens Ouvrages que nous
voyons sortir de l'Académie Françoise
comme les Ruisseaux de leur source
و
et
$
AVRIL 1731. 659
y
et je me suis borné à ce qui suit.
Un de nos Rois qui marchoit à la tête
de son armée , voyant l'Ennemi et l'heure
du combat s'approcher , fait une Harangue
à ses Soldats. J'en appelle au jugement
des fameux Poëtes de l'Antiquité ;
n'invoqueroient-ils pas toutes les Puissances
du Parnasse pour faire parler dignement
ce grand Prince ? Oui , sans doute ,
ils le prépareroient par un talia fatur ou
par quelque chose d'équivalant , à circonstancier
l'approche de l'Ennemi , sans
oublier le son bruyant des Trompettes,
ni l'éclat que leurs Armes reçoivent de
la refléxion du Soleil ; après avoir promené
les Soldats dans tous les endroits
signalez par leurs anciennes Victoires , ils
les reconduiroient au Champ de bataille ,
où par une exageration fastueuse de l'honneur
qu'ils ont d'avoir le Roi à leur tête
et des récompenses qu'ils en peuvent attendre
, ils employeroient tout le tems
du combat à les haranguer. Que ces Nourrissons
des Muses , qui font descendre
leurs Héros dans un détail trop poëtique,
apprennent de ce grand Roi, à ne plus
dégrader l'Eloquence héroïque , il parle
moins qu'eux , et il dit davantage ; écou
tons comme il s'explique. Voila l'Ennemi,
Vous êtes François , je suis votre Roi. Quelle
dignité quelle majesté ! quelle sublimité
B vj tous
660 MERCURE DE FRANCE
tous les Poëtes ensemble feroient de vains
efforts pour nous donner quelque chose
qui approchât de ce Discours ; jamais si
peu de paroles n'ont renfermé un si grand
sens , et cette citation ne vous laissant rien'
à desirer , Monsieur , je me contente de
renvoyer les curieux aux Oraisons Funebres
de M. Flechier , aux Plaidoyers de
Patru , aux Oeuvres de S. Evremont , aux
Caracteres de la Bruyere , et à mille autres
Ouvrages de ce genre , qui préconisent
d'eux- mêmes l'Eloquence , et dont
les beautez frappantes font assez son
éloge.
و J'avoue Monsieur , à la honte du
Christianisme , que l'on fréquente plus
volontiers les Jeux et les Spectacles que
la Maison du Seigneur , et qu'on s'y plaît
davantage ; le fruit qu'on en tire est cependant
bien funeste , et nos Pieces comiques
dont une intrigue amoureuse est
toûjours le mobile , soüillent l'ame , énervent
l'esprit , et corrompent le coeur de
quiconque n'a pas assez de discernement
pour voir que la verité y est toûjours fardée
, et que le crime y prend un caractere
d'héroïsme qu'on ne doit
dre avec la vertu .
pas confon-
Cet abus vient encore de ce qu'on veut
être touché à la Comedie , et se plaire
au Sermon ; si on y assistoit dans un autre
esprit
AVRIL. 1731. 661
esprit , on sortiroit sain et sauf du Spectacle
, et on rapporteroit toûjours de l'Eglise
un exterieur content , un coeur penetré
, un esprit docile et une ame exemte
de soüillure ; la Chaire même et le Bareau
, ont des Sujets capables de nous dédommager
de toute la Poësie du monde ,
il ne faut pas un si grand effort de la raison
pour leur rendre cette justice.
L'indigence des Poëtes n'enrichit certainement
pas leur Panegyrique , et le
langage du Renard de la Fable à l'aspect
d'un Raisin qu'il desire et qu'il ne sçauroit
avoir , contribuë fort peu à leur justification
; il est plus vrai de dire que la
Poësie n'est utile aux Poëtes qu'autant
qu'ils le sont eux-mêmes au Public. L'Eloquence
rend, au contraire , l'Orateur
puissant et recommandable , parce qu'elle
sert à tout. Elle s'occupe aux interêts de
la Religion et à ceux de l'Etat , elle s'attache
à la Campagne aussi- bien qu'au Cabinet
, elle préside aux Etats , elle opine
dans les Conseils de Guerre ,va au combat,
et elle a plus de part au gouvernement
des Royaumes et au Ministere , que les
Ministres mêmes.
les
Jugez après cela si ce n'est pas compromettre
gens d'esprit et de bon gout ,
les Héros et le beau Sexe que de se vanter
de leur suffrage dans une aussi mauvaise
cause,
662 MERCURE DE FRANCE
se . Je suis persuadé qu'ils desavoüent unanimement
votre Lettre , les Dames y ont
sur tout un interêt fort sensible , la Poësie
en fait des portraits grotesques où la
vraisemblance est si peu gardée , que
leur merite seroit encore inconnu , si une
Prose élegante n'avoit pris soin de peindre
le beau Sexe tel qu'il est , c'est- à-dire,
joignant à toutes les
du graces corps les
plus puissans charmes de l'esprit , et cet
usage du monde qu'il faut avoir pour
être parfaitement éloquent , n'étant autre
chose que le commerce des Dames , j'ose
assurer qu'elles prennent plus de part à
la gloire des Orateurs qu'à celle des
Poëtes.
A Dieu ne plaise cependant que j'aye
intention de dégrader la Poësie , je sçais
trop l'estime qu'ont eu pour elle de tout
rems les hommes les plus illustres , mais
je suis bien aise de vous apprendre que
Fes Orateurs étoient si distinguez parmi
les Grecs et les Romains , qu'on faisoit
faire souvent des images , des Statuës et
des Inscriptions à leur honneur , que
leur mérite étoit une voye de parvenir
à tout , même au souverain pouvoir , et
qu'ainsi tout le crédit qu'avoient les Poëtes
à la Cour des plus grands Princes ,
peut s'entendre de l'honneur qu'ils recevoient
le plus souvent de ceux que ?
PE
AVRIL. 173.1 . 663
l'Eloquence avoit élevez à la souveraineté
.
Au reste on peut encore juger de l'éclat
des Orateurs pour l'importance des
personnages que l'on compte parmi eux,
comme les Cesars , les Scipions , les
Gachques , et tant d'autres Romains illustres
d'ailleurs par les plus grands exploits .
La Chaire retentit aussi tous les jours du
nom respectable des Chrisostômes , des
Ambroises , des Gregoires et des saints
Prédicateurs , dont l'eloquence victorieuse
a ravagé tant de consciences , subjugué
tant d'esprits et conquis tant d'ames.
La France enfin nous fournit assez de
preuves , et sans aller plus loin , nous
voyons les trois premiers emplois du
Royaume si bien distribuez , qu'on diroit
que l'Eloquence elle même en estrevêtuë,
Episcopat , le Ministere et les Charges
de Magistrature n'ont rien de trop élevé,
et à quoi ne puisse parvenir un homme
éloquent ; les Poëtes , au contraire , re
sont jamais que des Poëtes , ils n'ont de
rang , de crédit et d'autorité qu'au Par
nasse , tout leur bonheur consiste dans-
Festime qu'on fait d'eux lorsqu'ils s'en
rendent dignes ; et ce prétendu langage
des Dieux , que vous ne pouvez préconiser
qu'avec celui des hommes, c'est-à- dire,
sans le secours de l'Eloquence dont votre
Lettre
664 MERCURE DE FRANCE
Lettre est un modele parfait , suffit pour
faire respecter un talent qu'on ne sçauroit
attaquer qu'en l'opposant à lui - même
; pour moi , Monsieur , qui n'ai d'autre
mérite que le zele , je m'estimerai
très-heureux si le desir que j'ai eu de
vous desabuser , peut vous persuader de
l'estime particuliere avec laquelle j'ai
l'honneur d'être , &c.
J. G. Duchasteau , Bachelier en Droit.
la gloire des Orateurs et des Poëtes.
L'Eloquence
de la Chaire et du Bary
reau sont d'une si grande utilité
qu'on a une obligation infinie à ceux qui
veulent bien y employer leurs talens ; il
n'en est pas de même des Poëtes , et
quelque préference que vous vous effor-
Bv
ciez
658 MERCURE DE FRANCE.
ciez de donner à Racine sur M. Flechier,
dans l'endroit où ils peignent tous les
deux la puissance du souverain Maître
de l'Univers , je crois que le Discours a
plus fructifié que le Poëme , et si l'un
paroît plus élevé que l'autre , c'est que
les pensées ne sont pas précisement les
mêmes , et que la Chaire de verité qui ne
souffre rien d'enflé , rien d'empoulé , rien
d'allambiqué , ne permettoit pas au sçavant
Evêque de Nîmes , de donner dans
le Phebus ; d'ailleurs on conviendra que
ces images monstrueuses d'un Dieu , tendent
plus à surprendre , qu'à émouvoir
à frapper l'esprit , qu'à toucher le coeur
et à effrayer l'Auditoire , qu'à le convaincre
de la Puissance divine.
Pour fasciner les yeux du Lecteur , vous
analisez les chefs- d'oeuvres des plus grands
Maîtres de la Poësie , vous mettez en oeuvre
tout ce qu'on peut imaginer de speeleux
pour étayer un sentiment ruineux,
et je vois bien qu'on ne pourroit vous
convaincre ' de l'hereticité de votre opinion
, qu'avec l'autorité des exemples ;
mais comme le grand nombre que j'aurois
à citer , si je ne voulois jamais finir ,
m'effraye ; j'ai fermé les yeux sur une
infinité d'éloquens Ouvrages que nous
voyons sortir de l'Académie Françoise
comme les Ruisseaux de leur source
و
et
$
AVRIL 1731. 659
y
et je me suis borné à ce qui suit.
Un de nos Rois qui marchoit à la tête
de son armée , voyant l'Ennemi et l'heure
du combat s'approcher , fait une Harangue
à ses Soldats. J'en appelle au jugement
des fameux Poëtes de l'Antiquité ;
n'invoqueroient-ils pas toutes les Puissances
du Parnasse pour faire parler dignement
ce grand Prince ? Oui , sans doute ,
ils le prépareroient par un talia fatur ou
par quelque chose d'équivalant , à circonstancier
l'approche de l'Ennemi , sans
oublier le son bruyant des Trompettes,
ni l'éclat que leurs Armes reçoivent de
la refléxion du Soleil ; après avoir promené
les Soldats dans tous les endroits
signalez par leurs anciennes Victoires , ils
les reconduiroient au Champ de bataille ,
où par une exageration fastueuse de l'honneur
qu'ils ont d'avoir le Roi à leur tête
et des récompenses qu'ils en peuvent attendre
, ils employeroient tout le tems
du combat à les haranguer. Que ces Nourrissons
des Muses , qui font descendre
leurs Héros dans un détail trop poëtique,
apprennent de ce grand Roi, à ne plus
dégrader l'Eloquence héroïque , il parle
moins qu'eux , et il dit davantage ; écou
tons comme il s'explique. Voila l'Ennemi,
Vous êtes François , je suis votre Roi. Quelle
dignité quelle majesté ! quelle sublimité
B vj tous
660 MERCURE DE FRANCE
tous les Poëtes ensemble feroient de vains
efforts pour nous donner quelque chose
qui approchât de ce Discours ; jamais si
peu de paroles n'ont renfermé un si grand
sens , et cette citation ne vous laissant rien'
à desirer , Monsieur , je me contente de
renvoyer les curieux aux Oraisons Funebres
de M. Flechier , aux Plaidoyers de
Patru , aux Oeuvres de S. Evremont , aux
Caracteres de la Bruyere , et à mille autres
Ouvrages de ce genre , qui préconisent
d'eux- mêmes l'Eloquence , et dont
les beautez frappantes font assez son
éloge.
و J'avoue Monsieur , à la honte du
Christianisme , que l'on fréquente plus
volontiers les Jeux et les Spectacles que
la Maison du Seigneur , et qu'on s'y plaît
davantage ; le fruit qu'on en tire est cependant
bien funeste , et nos Pieces comiques
dont une intrigue amoureuse est
toûjours le mobile , soüillent l'ame , énervent
l'esprit , et corrompent le coeur de
quiconque n'a pas assez de discernement
pour voir que la verité y est toûjours fardée
, et que le crime y prend un caractere
d'héroïsme qu'on ne doit
dre avec la vertu .
pas confon-
Cet abus vient encore de ce qu'on veut
être touché à la Comedie , et se plaire
au Sermon ; si on y assistoit dans un autre
esprit
AVRIL. 1731. 661
esprit , on sortiroit sain et sauf du Spectacle
, et on rapporteroit toûjours de l'Eglise
un exterieur content , un coeur penetré
, un esprit docile et une ame exemte
de soüillure ; la Chaire même et le Bareau
, ont des Sujets capables de nous dédommager
de toute la Poësie du monde ,
il ne faut pas un si grand effort de la raison
pour leur rendre cette justice.
L'indigence des Poëtes n'enrichit certainement
pas leur Panegyrique , et le
langage du Renard de la Fable à l'aspect
d'un Raisin qu'il desire et qu'il ne sçauroit
avoir , contribuë fort peu à leur justification
; il est plus vrai de dire que la
Poësie n'est utile aux Poëtes qu'autant
qu'ils le sont eux-mêmes au Public. L'Eloquence
rend, au contraire , l'Orateur
puissant et recommandable , parce qu'elle
sert à tout. Elle s'occupe aux interêts de
la Religion et à ceux de l'Etat , elle s'attache
à la Campagne aussi- bien qu'au Cabinet
, elle préside aux Etats , elle opine
dans les Conseils de Guerre ,va au combat,
et elle a plus de part au gouvernement
des Royaumes et au Ministere , que les
Ministres mêmes.
les
Jugez après cela si ce n'est pas compromettre
gens d'esprit et de bon gout ,
les Héros et le beau Sexe que de se vanter
de leur suffrage dans une aussi mauvaise
cause,
662 MERCURE DE FRANCE
se . Je suis persuadé qu'ils desavoüent unanimement
votre Lettre , les Dames y ont
sur tout un interêt fort sensible , la Poësie
en fait des portraits grotesques où la
vraisemblance est si peu gardée , que
leur merite seroit encore inconnu , si une
Prose élegante n'avoit pris soin de peindre
le beau Sexe tel qu'il est , c'est- à-dire,
joignant à toutes les
du graces corps les
plus puissans charmes de l'esprit , et cet
usage du monde qu'il faut avoir pour
être parfaitement éloquent , n'étant autre
chose que le commerce des Dames , j'ose
assurer qu'elles prennent plus de part à
la gloire des Orateurs qu'à celle des
Poëtes.
A Dieu ne plaise cependant que j'aye
intention de dégrader la Poësie , je sçais
trop l'estime qu'ont eu pour elle de tout
rems les hommes les plus illustres , mais
je suis bien aise de vous apprendre que
Fes Orateurs étoient si distinguez parmi
les Grecs et les Romains , qu'on faisoit
faire souvent des images , des Statuës et
des Inscriptions à leur honneur , que
leur mérite étoit une voye de parvenir
à tout , même au souverain pouvoir , et
qu'ainsi tout le crédit qu'avoient les Poëtes
à la Cour des plus grands Princes ,
peut s'entendre de l'honneur qu'ils recevoient
le plus souvent de ceux que ?
PE
AVRIL. 173.1 . 663
l'Eloquence avoit élevez à la souveraineté
.
Au reste on peut encore juger de l'éclat
des Orateurs pour l'importance des
personnages que l'on compte parmi eux,
comme les Cesars , les Scipions , les
Gachques , et tant d'autres Romains illustres
d'ailleurs par les plus grands exploits .
La Chaire retentit aussi tous les jours du
nom respectable des Chrisostômes , des
Ambroises , des Gregoires et des saints
Prédicateurs , dont l'eloquence victorieuse
a ravagé tant de consciences , subjugué
tant d'esprits et conquis tant d'ames.
La France enfin nous fournit assez de
preuves , et sans aller plus loin , nous
voyons les trois premiers emplois du
Royaume si bien distribuez , qu'on diroit
que l'Eloquence elle même en estrevêtuë,
Episcopat , le Ministere et les Charges
de Magistrature n'ont rien de trop élevé,
et à quoi ne puisse parvenir un homme
éloquent ; les Poëtes , au contraire , re
sont jamais que des Poëtes , ils n'ont de
rang , de crédit et d'autorité qu'au Par
nasse , tout leur bonheur consiste dans-
Festime qu'on fait d'eux lorsqu'ils s'en
rendent dignes ; et ce prétendu langage
des Dieux , que vous ne pouvez préconiser
qu'avec celui des hommes, c'est-à- dire,
sans le secours de l'Eloquence dont votre
Lettre
664 MERCURE DE FRANCE
Lettre est un modele parfait , suffit pour
faire respecter un talent qu'on ne sçauroit
attaquer qu'en l'opposant à lui - même
; pour moi , Monsieur , qui n'ai d'autre
mérite que le zele , je m'estimerai
très-heureux si le desir que j'ai eu de
vous desabuser , peut vous persuader de
l'estime particuliere avec laquelle j'ai
l'honneur d'être , &c.
J. G. Duchasteau , Bachelier en Droit.
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Résumé : SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Le texte traite de la comparaison entre l'utilité et la gloire des orateurs et des poètes. L'auteur met en avant l'éloquence de la chaire et du barreau comme étant d'une grande utilité, contrairement à la poésie qui, bien qu'elle puisse surprendre, ne touche pas nécessairement le cœur. Il compare un discours de Racine à un sermon de M. Flechier, estimant que ce dernier a eu plus d'impact. L'auteur critique les poètes pour leur tendance à utiliser des images monstrueuses et à fasciner les lecteurs avec des détails superflus. L'auteur illustre son propos en citant l'exemple d'un roi haranguant ses soldats avant une bataille, montrant que la simplicité et la dignité du discours royal surpassent les ornements poétiques. Il renvoie aux œuvres de Flechier, Patru, Saint-Évremond, et La Bruyère pour illustrer l'éloquence. Le texte aborde également la fréquentation des spectacles et des jeux plutôt que des lieux de culte, soulignant les effets néfastes des pièces comiques sur l'âme et l'esprit. L'auteur affirme que l'éloquence est plus utile et puissante, servant la religion, l'État, et le gouvernement, contrairement à la poésie qui n'enrichit pas son panégyrique. L'auteur mentionne l'importance des orateurs dans l'histoire, citant des figures illustres comme les Césars, les Scipions, et des saints prédicateurs. En France, les emplois élevés comme l'épiscopat, le ministère, et la magistrature sont accessibles aux hommes éloquents, tandis que les poètes restent confinés au Parnasse. Enfin, l'auteur exprime son désir de persuader son interlocuteur de l'estime particulière qu'il porte à l'éloquence, tout en reconnaissant la valeur de la poésie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 664-667
PARAPHRASE DE L'ODE XIV. DU SECOND LIVRE D'HORACE, Sur la necessité de la Mort.
Début :
Le tems s'écoule incessamment, [...]
Mots clefs :
Mort, Destinées, Pluton, Cercueil, Cyprès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PARAPHRASE DE L'ODE XIV. DU SECOND LIVRE D'HORACE, Sur la necessité de la Mort.
PARAPHRASE DE L'ODE XIV .
DU SECOND LIVRE D'HORACE,
Sur la necessité de la Mort.
LEE tems s'écoule incessamment
Tel est l'ordre des destinées ;
La Parque si rapidement ,
Des Humains file les années ,
Que de leurs déplorables jours ,
Souvent dans leur printems se termine le cours
En vain pour nous rendre propices ,
Les Deitez des tristes bords ,
Nous consumons en Sacrifices ,
Nos revenus et nos trésors
A
AVRIL. 1731. 665
A tous nos voeux inexorables ,
Rien ne peut arrêter leurs decrets implacables.
A ce superbe Souverain ,
Atropos ravit la lumiere ,
Un Berger sous la même main ,
Ferme sa mourante paupiere ,
En abordant le Phlegeton ,
Ils sont au même rang sous les Loix de Pluton.
Pourrois- je m'exempter de boire ,
De l'eau dont burent mes Ayeux ?
Ils ont tous passé l'Onde noire ,
Je la dois passer après eux ;
En me transmettant leur fortune ,
Ne m'ont-ils pas soumis à cette Loi commune è
Un Guerrier sort des Champs de Mars ,
Couronné des mains de la Gloire ,
Il a triomphé des hazards ,
Dont on peut payer la victoire ,
Sous une legere langueur ,
Je vois l'instant d'aprés succomber sa valeur.
Remarquez ce Nocher habile ;
Au gré des Matelots contens ,
Eviter et Caribde et Scille ,
Triompher
666 MERCURE DE FRANCE
Triompher des flots et des vents ;
Au Port il revient dans sa Barque ,
Chercher le trait mortel que lui garde la Parque.
Tel échappe au poison fatal ,
Sous une maligne influence ,
Que bien- tôt au Fleuve infernal ,
Précipite une défaillance ;
Heureux s'il sçait sans murmurer ,
Se soumettre à l'Arrêt qu'il ne peut differer !
C'est en vain que sur tes Boccages ,
Ton coeur s'égare avec ton oeil ;
Qu'attends- tu de ton Jardinage ,
Que l'arbre qui fait ton cercueil ?
Seul de sa livide verdure ,
Le funeste Cyprès couvre ta Sépulture.
Hélas ! digne objet de mes voeux ,
Celimene allumoit ma flamme ;
Quel Mortel étoit plus heureux ?
Mon ardeur embrasoit son ame;
Jaloux de ma felicité,
Le Destin la conduit sur les bords du Lethé.
> De tes amis illegitimes ,
Qui n'ont satisfait que tes yeux ,
Quem
AVRIL. 1731. 667
Qu'emportes-tu dans les abîmes ,
Où tu vas trouver tes Ayeux ?
Fruits et principes de tout crime ,
Tes avides neveux t'en rendent la victime.
Gardois- tu pour tes heritiers ,
Tes vins délicats de Falerne ?
Pour eux s'enfoncent tes Celliers ,
Pour toi s'ouvre le sombre Averne ;
La mort te frappe ce matin ,
Ce soir sur ton Cercueil ils feront un festin.
Le Chevalier de Montador.
DU SECOND LIVRE D'HORACE,
Sur la necessité de la Mort.
LEE tems s'écoule incessamment
Tel est l'ordre des destinées ;
La Parque si rapidement ,
Des Humains file les années ,
Que de leurs déplorables jours ,
Souvent dans leur printems se termine le cours
En vain pour nous rendre propices ,
Les Deitez des tristes bords ,
Nous consumons en Sacrifices ,
Nos revenus et nos trésors
A
AVRIL. 1731. 665
A tous nos voeux inexorables ,
Rien ne peut arrêter leurs decrets implacables.
A ce superbe Souverain ,
Atropos ravit la lumiere ,
Un Berger sous la même main ,
Ferme sa mourante paupiere ,
En abordant le Phlegeton ,
Ils sont au même rang sous les Loix de Pluton.
Pourrois- je m'exempter de boire ,
De l'eau dont burent mes Ayeux ?
Ils ont tous passé l'Onde noire ,
Je la dois passer après eux ;
En me transmettant leur fortune ,
Ne m'ont-ils pas soumis à cette Loi commune è
Un Guerrier sort des Champs de Mars ,
Couronné des mains de la Gloire ,
Il a triomphé des hazards ,
Dont on peut payer la victoire ,
Sous une legere langueur ,
Je vois l'instant d'aprés succomber sa valeur.
Remarquez ce Nocher habile ;
Au gré des Matelots contens ,
Eviter et Caribde et Scille ,
Triompher
666 MERCURE DE FRANCE
Triompher des flots et des vents ;
Au Port il revient dans sa Barque ,
Chercher le trait mortel que lui garde la Parque.
Tel échappe au poison fatal ,
Sous une maligne influence ,
Que bien- tôt au Fleuve infernal ,
Précipite une défaillance ;
Heureux s'il sçait sans murmurer ,
Se soumettre à l'Arrêt qu'il ne peut differer !
C'est en vain que sur tes Boccages ,
Ton coeur s'égare avec ton oeil ;
Qu'attends- tu de ton Jardinage ,
Que l'arbre qui fait ton cercueil ?
Seul de sa livide verdure ,
Le funeste Cyprès couvre ta Sépulture.
Hélas ! digne objet de mes voeux ,
Celimene allumoit ma flamme ;
Quel Mortel étoit plus heureux ?
Mon ardeur embrasoit son ame;
Jaloux de ma felicité,
Le Destin la conduit sur les bords du Lethé.
> De tes amis illegitimes ,
Qui n'ont satisfait que tes yeux ,
Quem
AVRIL. 1731. 667
Qu'emportes-tu dans les abîmes ,
Où tu vas trouver tes Ayeux ?
Fruits et principes de tout crime ,
Tes avides neveux t'en rendent la victime.
Gardois- tu pour tes heritiers ,
Tes vins délicats de Falerne ?
Pour eux s'enfoncent tes Celliers ,
Pour toi s'ouvre le sombre Averne ;
La mort te frappe ce matin ,
Ce soir sur ton Cercueil ils feront un festin.
Le Chevalier de Montador.
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Résumé : PARAPHRASE DE L'ODE XIV. DU SECOND LIVRE D'HORACE, Sur la necessité de la Mort.
Le texte paraphrase l'Ode XIV du second livre d'Horace, abordant la nécessité de la mort. Il souligne que le temps passe inévitablement et que la mort frappe sans distinction, que ce soit un souverain ou un simple berger. Tous les êtres humains sont soumis aux mêmes lois de la mort, symbolisées par Atropos, l'une des Parques. Le texte mentionne des exemples variés, comme un guerrier triomphant ou un marin habile, pour illustrer que personne ne peut échapper à la mort. Il met en garde contre la vanité des biens terrestres et des plaisirs, rappelant que la mort égalise tous les hommes. Le poème se conclut par une réflexion sur la perte d'un être cher, Célimène, et sur les conséquences des actions humaines, soulignant que les biens accumulés peuvent devenir une source de malheur pour les héritiers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 667-679
MÉMOIRES HISTORIQUES sur les personnes originaires du Comté d'Eu, qui se sont distingués par leur vertu, par leur science, par leur valeur &c. Par M. Capperon, Ancien Doyen de S. Maxent.
Début :
Je vous envoyer, Monsieur, les Mémoires que vous m'avez demandés au [...]
Mots clefs :
Comté d'Eu, Évêque, Amiens, Canonisation, Médecine, Sorbonne, Prélat, Épitaphe, Université de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MÉMOIRES HISTORIQUES sur les personnes originaires du Comté d'Eu, qui se sont distingués par leur vertu, par leur science, par leur valeur &c. Par M. Capperon, Ancien Doyen de S. Maxent.
MEMOIRES HISTORIQUES
sur les personnes originaires du Comté
d'Eu , qui se sont distinguées par leur ver
tu , par leur science , par leur valeur &c.
Par M. Capperon , Ancien Doyen de
J
S. Maxent.
E vous envoye , Monsieur , les Mémoires
que vous m'avez demandés au
sujet des personnes originaires du Comté
d'Eu , et qui se sont distinguées par quelque
chose de singulier .
Le premier dont j'ai à parler est Geofroi
second du nom , Evêque d'Amiens .
né
668 MERCURE DE FRANCE
né à Eu à la fin du XII . siécle. Il fut nommé
Geofroi d'Eu , suivant ce qui s'observoit
alors à l'égard des gens de Lettres ,
qui prenoient tous leur nom de celui du
lieu de leur naissance , car son nom de
famille étoit le Valet ou le Varlet , ce qui
se prouve par l'obituaire de l'Eglise de
Notre- Dame d'Amiens , où son frere est
nommé Walterius le Valet de Lugo . Ils
étoient tous deux fils d'un bon Bourgeois
de la Ville d'Eu ; en quoi de la Morliere
s'est trompé dans son Livre des Antiquités
d'Amiens , supposant que cet Evêque
étoit de la famille des Comtes d'Eu .
Si cela eut été , les titres de la Çathédrale
n'eussent pas oublié de distinguet
expressément une naissance aussi illustre
que celle de la Maison de Lusignan , qui
possedoit alors le Comté d'Eu , et les Historiens
qui ont parlé de lui ne l'auroient
pas non plus oublié ; au lieu que Du Boulay
dans son Histoire de l'Université de
Paris, n'en parle que comme d'un simple
Docteur , distingué seulement par sa
grande érudition : Doctor insignis.
Ce fut à Eu , il est vrai , que ce Prélat
prit naissance ; mais il est à propos d'observer
que ce fut dans la Paroisse de cette
Ville , qui est dépendante du Diocèse d'A-
* Lenom decettefamille subsiste encore à Eu.
miens
AVRI L. 1731. 669
miens , ainsi que le fait connoître le Pere
Ignace dans son Histoire Ecclesiastique
de Ponthieu , Chap. 34. Après ses premieres
études il alla à Paris , y prit le dégré
de Docteur en Théologie , et s'appliqua
ensuite à l'étude de la Medecine , où il se
rendit également habile , ce qui ne doit
pas vous surprendre , n'y ayant alors que
les seuls Ecclesiastiques qui exerçassent
en France cette Profession ; on convient
même qu'il n'y a pas eu de Medecins
mariés dans ce Royaume avant 1452 .
Comme Geofroi s'étoit fait connoître
par
son mérite extraordinaire , l'Evêché d'Amiens
étant venu à vaquer , et les Evêques
se faisant alors par élection , notre
Geofroi fut élû Evêque de ce Diocèse ,
P'an 1223. ( a )
A peine eut- il pris possession de son
Evêché qu'il se trouva avec tous les Evêques
du Royaume à l'Assemblée qui fut
tenue à Paris par ordre du Pape Honoré
III. à l'occasion de l'Heresie des Albigeois.
De retour dans son Diocèse , étant prié
de confirmer la fondation de quelques
Chapelles , érigées dans l'Eglise de Saint
Jean des Prés d'Abbeville , il ne le fit
qu'avec cette reserve si conforme aux
saints Canons , sçavoir , que ceux qui en
,
,
( a ) La Morliere , Antiq. d'Amiens.
seroient
670 MERCURE DE FRANCE
seroient pourvûs ne pourroient posseder
aucun autre Benéfice avec ces Chapelles.
( a )
د
Comme les Habitans de la Ville d'Eu
sollicitoient la Canonisation de S. Laurent
, Archevêque de Dublin , dans les
premiers tems de l'Episcopat de l'Evêque
Geofroi , ce Prélat s'y interessa d'autant
plus qu'il étoit né dans cette Ville peu
de tems après que cet illustre Saint y eut
fini ses jours , et qu'il avoit été le témoin
de plusieurs miracles operés par son intercession
, et qu'une partie de la Ville
étoit de son Diocèse , tout cela , dis- je
lui fit prendre beaucoup de part à la joye
que recurent les Habitans d'Eu , lorsqu'ils
eurent obtenu la Bulle de Canonisation .
L'onzième jour de Décembre 1226. ayant
donc été invité à la translation solemnelle
que l'Archevêque de Rouen devoir faire
du corps de ce Saint , il s'y trouva volontiers
, et la solemnité en fut faite par
ces deux Prélats le dixième jour de Mai
de la même année. ( b ) En 1233. voyant
qu'il y avoit peu d'ordre dans l'Hôtel-
Dieu d'Amiens , il regla les choses sur le
pié qu'elles ont été depuis , et y ayant
établi des Religieuses , il leur donna des
( a) Hist. Eccles. de Ponthieu , L. 1. Ch. 34.
(b) Vie originale de S. Laurent , Chap. 39 .
ConsAVRIL.
1731. 671
Constitutions qui furent dans la suite approuvées
au Concile de Lyon par le Pape
Innocent IX. En 1235. il assista au Concile
de la Province de Reims , qui fut tenu
à Senlis ; ce qui rendra sa mémoire
recommandable à la posterité , est l'Eglise
Cathédrale d'Amiens , un des plus
beaux Vaisseaux qu'il y ait dans le Royaume
, dont il a fait élever l'Edifice depuis
le rez de chaussée presque jusqu'à la voute.
Enfin comblé de mérites et de benedictians
, il mourut l'an 1238. on le voit
encore aujourd'hui représenté sur un tombeau
de bronze , soutenu par six petits
Lions , de même métal , posé à l'entrée
de la nef de cette Eglise , autour duquel
on lit cette Epitaphe :
Ecce premunt humile Gaufridi membra cubile
Seu minus aut simile nobis parat omnibus ille
Quem laurus gemina decoraverat , in Medicina
Legeque divina , decuerunt cornua bina
Clare vir Augensis , quo sedes Ambianensis
Crevit in immensis , in coelis auctus , amen , sis,
Dans le siécle suivant , le Comté d'Eu
donna encore un Evêque à l'Eglise de
France , ce fut Jean , Evêque d'Auxerre
lequel étoit né au Bourg de Blangy , situé
dans ce Comté , à cinq lieuës de la Ville
d'Eu , Suivant l'usage qui s'observoit encore
672 MERCURE DE FRANCE .
core , il prit son nom , comme l'Evêque
Geofroi , du lieu où il étoit né , et s'appella
Jean de Blangy , Joannes de Blangiaco.
Après avoir fait ses études à Paris ,
il fut reçû Docteur de la Maison de Navarre
; (a ) en cette qualité il assista à
l'Assemblée des Docteurs qui fut tenuë
à Paris par ordre du Roi Philippe de Valois
pour y examiner le sentiment du Pape
Jean XXII . touchant la vision béatifique ,
lequel y fut déclaré heterodoxe. Jean de
Blangy fut fait Archidiacre du Vexin ,
dans l'Archevêché de Rouen ; et parcequ'il
avoit fait ses études à Paris avec
le Pape Benoît XII. lorsqu'il n'etoit
encore que simple Religieux de l'Ordre
de Citeaux , ce qui avoit formé une
amitié particuliere entre eux , ce Pontife
lui procura l'Evêché d'Auxerre , l'an
1338. ( a ) En 1340. il se trouva de la part
du même Roi au Traité d'Arras , où la
tréve fut concluë pour trois ans avec le
Roi d'Angleterre , et l'année suivante
l'Abbé de Pontigny jura entre ses mains
obéissance à son Siége , et au Chapitre de
sa Cathédrale. Fatigué du fardeau de l'Episcopat
, il obtint du Pape Clement VI .
la permission de se démetre de son Evê-
(a) M. de Launoy.
( b ) Labbe , Bibliot. des Mss . T. 1 .
ché
AVRIL. 1731. 673
ché , et il voulut se retirer à Paris ; mais
s'étant mis dans un bateau pour y descendre
la Riviere , il y gagna un rhume
qui se termina en fiévre continuë lors
qu'il fut arrivé à Paris , laquelle l'emporta
peu de jours après , sçavoir le 15. de
Mars de l'année 1344. Il fut inhumé dans
l'Eglise des Chartreux , sous une tombe
de cuivre , sur laquelle est gravée cette
Epitaphe :
Hic jacet recolende memoria Johannes de
Blangiaco , Rothomagensis Diocesis , Doctor
in Sacra Theologia , Episcopus Autissiodorensis
quondam , cujus anima qui scat in
pace , qui obiit anno Domini 1344.
M. de Launoy , dans son Histoire de
la Maison de Navarre , parle de deux autres
Sçavans , originaires du Comté d'Eu;
le premier est Michel d'Eu , Michaël
Augensis , qui fut fait Docteur de là même
Maison en 149. et Doyen de la Faculté
de Theologie en 1530. il mourut
fort avancé en âge. Le second étoit natif
du Bourg de Treport , proche la Ville
d'Eu , et se nommoit Jean Daval ; il fut
fait aussi Docteur de cette Maison , l'an
-1527. et composa quelques Ouvrages , en
petit nombre , à la verité ; mais ( dit M.
de Launoi ) il pouvoit , s'il avoit voulu ,
en composer davantage.
C Le
1
74 MERCURE DE FRANCE
Le P. Ignace , dans l'Histoire Ecclesiastique
du Ponthieu , fait beaucoup d'éloge
d'un autre Docteur natif de la Ville d'Eu,
nommé Jean Avril , qu'il dit avoir été
un des plus sçavans de son siècle , et
Prédicateur si fameux , qu'il surpassa presque
tous ceux qui excelloient alors dans
l'éloquence de la Chaire . Il fut fait Recteur
de l'Université de Paris le 16. Decembre
1586 ; en 1596. il accepta la digrité
de Doyen de la Collegiale de Saint
Vulfrain d'Abbeville . Enfin après avoir
donné dans cette Ville des preuves continuelles
de sa rare érudition et de son zele
infatigable à annoncer la parole de Dieu ;
le jour de la Nativité de la Vierge de l'an
1611. ayant fait le Service , et assisté à
tout l'Office , il se retira sur le soir dans
son Cabinet , où après avoir legérement
soupé , on le trouva mort le lendemain
matin .
Le siecle dernier a donné encore des
personnes distinguées par leur érudition,
qui ont pris naissance au Comté d'Eu .
Il y a eu un Pere Mithon , Religieux des
Pénitens de l'Ordre de S. François , nommé
dans son Ordre le P. Irenée d'Eu , fils
de Richard Mithon , Ancien Baillif du
Comté d'Eu , lequel mérita par sa science
et par ses vertus de remplir les premieres
places de son Ordre , telles que
celles
AVRIL: 1731. 679
celles de Gardien , de Définiteur et de
Provincial. Il en donna des preuves par
differens Ouvrages , particulierement par
trois gros Volumes in folio , qu'il composa
sur la Vie Spirituelle et Chrétienne ,
qui furent imprimés à Paris en 1659. chez
George Josse l'Auteur mourut cette
même année .
›
On a une Traduction Françoise de la
Vie de S. Laurent , Archevêque de Dublin
, écrite en Latin par un Chanoine de
Notre-Dame d'Eu , so. ans après la mort
de ce Saint , laquelle a été mise au jour
par le Pere Nicolas le Carpentier , Prieur
de l'Abbaye d'Eu , natif de la même Ville,
imprimée à Rouen en 1618. Plus une autre
Vie du même Saint beaucoup plus
étendue , composée par le Pere Jean Guignon
, né aussi à Eu , et imprimée pareillement
à Rouen en 1653. Enfin François
le Beuf , Lieutenant Genéral au Bailliage
d'Eu , né dans le même lieu , mort vers
l'an 1659. après avoir donné des preuves
de ses lumieres et de son équité dans l'exercice
de sa Charge , a composé une Histoire
abregée des Comtes d'Eu , qui est
restée en Manuscrit. Il avoit d'ailleurs
fait peindre un Tableau Historique des
mêmes Comtes , où sont leurs Portraits
avec leurs Armes en migniature , sur du
velin , et un abregé de leur vie , le tout
Cij par676
MERCURE DE FRANCE
parfaitement bien travaillé . Ce Tableau
est présentement chez M. le Duc du
Maine.
Nous avons eu de nos jours un autre
Jean Daval , né à Eu , qui s'est distingué
par l'étendue de ses lumieres , et par son
habileté dans l'étude et dans la pratique
de la Medecine. Il fut premierement Docteur
dans cette Faculté en l'Université
d'Angers , ensuite il prit la même qualité
dans celle de Paris en 1683. où il professa
pendant les années 1685 et 1686. un Cours
d'Anatomie et de Physiologie , et les deux
années suivantes un Cours de Botanique ,
lesquels Traités ont été estimés de tous
les Connoisseurs. Il étoit en même tems
Medecin de l'Hôpital de la Charité et des
Paroisses de S. Jean , de S. Gervais et de
S. Sauveur , où il prenoit soin des Pauvres
. Il se rendit particulierement recommandable
à l'occasion des fiév res malignes
qui regnerent à Paris pendant l'année
1699. dont il penétra si bien la cause , et
en découvrit si justement les remedes ,
qu'il les guerissoit à coup sûr , ce qui le
mit dans un si grand crédit,que M. Fagon
parla de lui au Roi Louis XIV. pour qu'il
pût lui succeder dans la place de Premier
Medecin de S. M. Il lui en fit même tenir
le Brevet d'agrément, lequel lui fut ensuite
envoyé par un Gentilhomme de la part du
Roi ;
AVRIL. 17318 677
>
Roi ; mais trop jaloux de sa liberté , il alla
en faire ses très humbles remercimens
s'excusant sur la délicatesse de son temperament.
Il est mort âgé de 64. ans¸ le
23. Juin 1719 .
,
Après tous ces Sçavans , qui sont sortis
du Comté d'Eu on sera moins surpris
de trouver une fille sçavante du même
Pays , quoique la chose soit plus rare ;
plusieurs Auteurs en ont parlé dans leurs
Ouvrages , tels que La Croix du Maine
dans sa Bibliotheque Françoise, Louis Jacob
dans un Ouvrage semblable , et Augustin
de la Chieza dans son Théatre des
Dames Sçavantes. Ils ont tous fait l'éloge
d'Anne Marquet , Religieuse du Monastere
de Poissy de l'Ordre de S. Dominique
, native du Comté d'Eu . Elle parloit
les Langues Sçavantes ' , la Grecque et la
Latine , et composoit élegamment en Prose
et en Vers. Les Poëtes les plus fameux
de son tems , tels que Dorat , Ronsard -
& c. estimoient beaucoup les Piéces de sa
façon ; il en parut quelques - unes imprimées
en l'année 1561. accompagnée d'une
Préface faite par une Religieuse du
même Ordre , nommée Marie de Fortia.
Anne Marquet mourut l'onzième jour
de Mai 1588 .
Les effets singuliers de la pieté chrétienne
ne méritant pas moins d'être ob-
Ciij servés
878 MERCURE DE FRANCE
servés que ceux des Sciences , des Armes
et des Arts , je ne dois pas oublier dans
re Mémoire la généreuse résolution que
prit Laurent Villedor , natif de cette Ville,
Docteur de Sorbonne , Theologal de
Noyon , d'abandonner sa Patrie , ses biens
et sa dignité pour passer à la Chine , dans
la vue d'y travailler à la conversion des
Infideles de ce vaste Empire. S'étant donc
embarqué dans ce dessein l'année 1701 .
au Port- Louis , et ayant mis à la voile le
5. de Fevrier , après cinq mois quatorze
jours de navigation , le Vaisseau moüilla
à Pondicheri , sur la côte de Coromandel
; là Dieu le traitant comme un autre
Xavier , content du sacrifice de ses desirs,
il ne permit pas qu'il en vit l'execution ;
car après avoir prêché dans une grande
solemnité qui fut faite en cette Ville où
assisterent les Jesuites , les Capucins et toutes
les personnes de consideration, il tomba
malade quelques jours après , et mourut.
Les Voyageurs qui l'accompagnoient dans
le Vaisseau ont rapporté que ce qui l'avoit
épuisé étoit le trop grand travail qu'il
s'étoit donné sur la route pour apprendre
la Langue Chinoise , qu'il leur faisoit fréquemment
des discours de pieté , et qu'il
les avoit édifiés par toute sa conduite . *
* Relat. d'un Voyage aux Indes. Paris ,
Moreau 1703 .
chet
Ne
AVRIL . 1731. 679
Ne puis -je pas joindre à ce zelé Docteur
celui qui par sa rare pieté , ses austerités
et sa prudence a merité d'être placé en
qualité d'Abbé de la Trappe pour gouverner
cette nombreuse Communauté qui
édifie toute l'Eglise : il se nomme François
Augustin Gouche , né à Eu , et élû
Abbé en 1727.
Nous donnerons la suite de ces Mémoires
le mois prochain.
sur les personnes originaires du Comté
d'Eu , qui se sont distinguées par leur ver
tu , par leur science , par leur valeur &c.
Par M. Capperon , Ancien Doyen de
J
S. Maxent.
E vous envoye , Monsieur , les Mémoires
que vous m'avez demandés au
sujet des personnes originaires du Comté
d'Eu , et qui se sont distinguées par quelque
chose de singulier .
Le premier dont j'ai à parler est Geofroi
second du nom , Evêque d'Amiens .
né
668 MERCURE DE FRANCE
né à Eu à la fin du XII . siécle. Il fut nommé
Geofroi d'Eu , suivant ce qui s'observoit
alors à l'égard des gens de Lettres ,
qui prenoient tous leur nom de celui du
lieu de leur naissance , car son nom de
famille étoit le Valet ou le Varlet , ce qui
se prouve par l'obituaire de l'Eglise de
Notre- Dame d'Amiens , où son frere est
nommé Walterius le Valet de Lugo . Ils
étoient tous deux fils d'un bon Bourgeois
de la Ville d'Eu ; en quoi de la Morliere
s'est trompé dans son Livre des Antiquités
d'Amiens , supposant que cet Evêque
étoit de la famille des Comtes d'Eu .
Si cela eut été , les titres de la Çathédrale
n'eussent pas oublié de distinguet
expressément une naissance aussi illustre
que celle de la Maison de Lusignan , qui
possedoit alors le Comté d'Eu , et les Historiens
qui ont parlé de lui ne l'auroient
pas non plus oublié ; au lieu que Du Boulay
dans son Histoire de l'Université de
Paris, n'en parle que comme d'un simple
Docteur , distingué seulement par sa
grande érudition : Doctor insignis.
Ce fut à Eu , il est vrai , que ce Prélat
prit naissance ; mais il est à propos d'observer
que ce fut dans la Paroisse de cette
Ville , qui est dépendante du Diocèse d'A-
* Lenom decettefamille subsiste encore à Eu.
miens
AVRI L. 1731. 669
miens , ainsi que le fait connoître le Pere
Ignace dans son Histoire Ecclesiastique
de Ponthieu , Chap. 34. Après ses premieres
études il alla à Paris , y prit le dégré
de Docteur en Théologie , et s'appliqua
ensuite à l'étude de la Medecine , où il se
rendit également habile , ce qui ne doit
pas vous surprendre , n'y ayant alors que
les seuls Ecclesiastiques qui exerçassent
en France cette Profession ; on convient
même qu'il n'y a pas eu de Medecins
mariés dans ce Royaume avant 1452 .
Comme Geofroi s'étoit fait connoître
par
son mérite extraordinaire , l'Evêché d'Amiens
étant venu à vaquer , et les Evêques
se faisant alors par élection , notre
Geofroi fut élû Evêque de ce Diocèse ,
P'an 1223. ( a )
A peine eut- il pris possession de son
Evêché qu'il se trouva avec tous les Evêques
du Royaume à l'Assemblée qui fut
tenue à Paris par ordre du Pape Honoré
III. à l'occasion de l'Heresie des Albigeois.
De retour dans son Diocèse , étant prié
de confirmer la fondation de quelques
Chapelles , érigées dans l'Eglise de Saint
Jean des Prés d'Abbeville , il ne le fit
qu'avec cette reserve si conforme aux
saints Canons , sçavoir , que ceux qui en
,
,
( a ) La Morliere , Antiq. d'Amiens.
seroient
670 MERCURE DE FRANCE
seroient pourvûs ne pourroient posseder
aucun autre Benéfice avec ces Chapelles.
( a )
د
Comme les Habitans de la Ville d'Eu
sollicitoient la Canonisation de S. Laurent
, Archevêque de Dublin , dans les
premiers tems de l'Episcopat de l'Evêque
Geofroi , ce Prélat s'y interessa d'autant
plus qu'il étoit né dans cette Ville peu
de tems après que cet illustre Saint y eut
fini ses jours , et qu'il avoit été le témoin
de plusieurs miracles operés par son intercession
, et qu'une partie de la Ville
étoit de son Diocèse , tout cela , dis- je
lui fit prendre beaucoup de part à la joye
que recurent les Habitans d'Eu , lorsqu'ils
eurent obtenu la Bulle de Canonisation .
L'onzième jour de Décembre 1226. ayant
donc été invité à la translation solemnelle
que l'Archevêque de Rouen devoir faire
du corps de ce Saint , il s'y trouva volontiers
, et la solemnité en fut faite par
ces deux Prélats le dixième jour de Mai
de la même année. ( b ) En 1233. voyant
qu'il y avoit peu d'ordre dans l'Hôtel-
Dieu d'Amiens , il regla les choses sur le
pié qu'elles ont été depuis , et y ayant
établi des Religieuses , il leur donna des
( a) Hist. Eccles. de Ponthieu , L. 1. Ch. 34.
(b) Vie originale de S. Laurent , Chap. 39 .
ConsAVRIL.
1731. 671
Constitutions qui furent dans la suite approuvées
au Concile de Lyon par le Pape
Innocent IX. En 1235. il assista au Concile
de la Province de Reims , qui fut tenu
à Senlis ; ce qui rendra sa mémoire
recommandable à la posterité , est l'Eglise
Cathédrale d'Amiens , un des plus
beaux Vaisseaux qu'il y ait dans le Royaume
, dont il a fait élever l'Edifice depuis
le rez de chaussée presque jusqu'à la voute.
Enfin comblé de mérites et de benedictians
, il mourut l'an 1238. on le voit
encore aujourd'hui représenté sur un tombeau
de bronze , soutenu par six petits
Lions , de même métal , posé à l'entrée
de la nef de cette Eglise , autour duquel
on lit cette Epitaphe :
Ecce premunt humile Gaufridi membra cubile
Seu minus aut simile nobis parat omnibus ille
Quem laurus gemina decoraverat , in Medicina
Legeque divina , decuerunt cornua bina
Clare vir Augensis , quo sedes Ambianensis
Crevit in immensis , in coelis auctus , amen , sis,
Dans le siécle suivant , le Comté d'Eu
donna encore un Evêque à l'Eglise de
France , ce fut Jean , Evêque d'Auxerre
lequel étoit né au Bourg de Blangy , situé
dans ce Comté , à cinq lieuës de la Ville
d'Eu , Suivant l'usage qui s'observoit encore
672 MERCURE DE FRANCE .
core , il prit son nom , comme l'Evêque
Geofroi , du lieu où il étoit né , et s'appella
Jean de Blangy , Joannes de Blangiaco.
Après avoir fait ses études à Paris ,
il fut reçû Docteur de la Maison de Navarre
; (a ) en cette qualité il assista à
l'Assemblée des Docteurs qui fut tenuë
à Paris par ordre du Roi Philippe de Valois
pour y examiner le sentiment du Pape
Jean XXII . touchant la vision béatifique ,
lequel y fut déclaré heterodoxe. Jean de
Blangy fut fait Archidiacre du Vexin ,
dans l'Archevêché de Rouen ; et parcequ'il
avoit fait ses études à Paris avec
le Pape Benoît XII. lorsqu'il n'etoit
encore que simple Religieux de l'Ordre
de Citeaux , ce qui avoit formé une
amitié particuliere entre eux , ce Pontife
lui procura l'Evêché d'Auxerre , l'an
1338. ( a ) En 1340. il se trouva de la part
du même Roi au Traité d'Arras , où la
tréve fut concluë pour trois ans avec le
Roi d'Angleterre , et l'année suivante
l'Abbé de Pontigny jura entre ses mains
obéissance à son Siége , et au Chapitre de
sa Cathédrale. Fatigué du fardeau de l'Episcopat
, il obtint du Pape Clement VI .
la permission de se démetre de son Evê-
(a) M. de Launoy.
( b ) Labbe , Bibliot. des Mss . T. 1 .
ché
AVRIL. 1731. 673
ché , et il voulut se retirer à Paris ; mais
s'étant mis dans un bateau pour y descendre
la Riviere , il y gagna un rhume
qui se termina en fiévre continuë lors
qu'il fut arrivé à Paris , laquelle l'emporta
peu de jours après , sçavoir le 15. de
Mars de l'année 1344. Il fut inhumé dans
l'Eglise des Chartreux , sous une tombe
de cuivre , sur laquelle est gravée cette
Epitaphe :
Hic jacet recolende memoria Johannes de
Blangiaco , Rothomagensis Diocesis , Doctor
in Sacra Theologia , Episcopus Autissiodorensis
quondam , cujus anima qui scat in
pace , qui obiit anno Domini 1344.
M. de Launoy , dans son Histoire de
la Maison de Navarre , parle de deux autres
Sçavans , originaires du Comté d'Eu;
le premier est Michel d'Eu , Michaël
Augensis , qui fut fait Docteur de là même
Maison en 149. et Doyen de la Faculté
de Theologie en 1530. il mourut
fort avancé en âge. Le second étoit natif
du Bourg de Treport , proche la Ville
d'Eu , et se nommoit Jean Daval ; il fut
fait aussi Docteur de cette Maison , l'an
-1527. et composa quelques Ouvrages , en
petit nombre , à la verité ; mais ( dit M.
de Launoi ) il pouvoit , s'il avoit voulu ,
en composer davantage.
C Le
1
74 MERCURE DE FRANCE
Le P. Ignace , dans l'Histoire Ecclesiastique
du Ponthieu , fait beaucoup d'éloge
d'un autre Docteur natif de la Ville d'Eu,
nommé Jean Avril , qu'il dit avoir été
un des plus sçavans de son siècle , et
Prédicateur si fameux , qu'il surpassa presque
tous ceux qui excelloient alors dans
l'éloquence de la Chaire . Il fut fait Recteur
de l'Université de Paris le 16. Decembre
1586 ; en 1596. il accepta la digrité
de Doyen de la Collegiale de Saint
Vulfrain d'Abbeville . Enfin après avoir
donné dans cette Ville des preuves continuelles
de sa rare érudition et de son zele
infatigable à annoncer la parole de Dieu ;
le jour de la Nativité de la Vierge de l'an
1611. ayant fait le Service , et assisté à
tout l'Office , il se retira sur le soir dans
son Cabinet , où après avoir legérement
soupé , on le trouva mort le lendemain
matin .
Le siecle dernier a donné encore des
personnes distinguées par leur érudition,
qui ont pris naissance au Comté d'Eu .
Il y a eu un Pere Mithon , Religieux des
Pénitens de l'Ordre de S. François , nommé
dans son Ordre le P. Irenée d'Eu , fils
de Richard Mithon , Ancien Baillif du
Comté d'Eu , lequel mérita par sa science
et par ses vertus de remplir les premieres
places de son Ordre , telles que
celles
AVRIL: 1731. 679
celles de Gardien , de Définiteur et de
Provincial. Il en donna des preuves par
differens Ouvrages , particulierement par
trois gros Volumes in folio , qu'il composa
sur la Vie Spirituelle et Chrétienne ,
qui furent imprimés à Paris en 1659. chez
George Josse l'Auteur mourut cette
même année .
›
On a une Traduction Françoise de la
Vie de S. Laurent , Archevêque de Dublin
, écrite en Latin par un Chanoine de
Notre-Dame d'Eu , so. ans après la mort
de ce Saint , laquelle a été mise au jour
par le Pere Nicolas le Carpentier , Prieur
de l'Abbaye d'Eu , natif de la même Ville,
imprimée à Rouen en 1618. Plus une autre
Vie du même Saint beaucoup plus
étendue , composée par le Pere Jean Guignon
, né aussi à Eu , et imprimée pareillement
à Rouen en 1653. Enfin François
le Beuf , Lieutenant Genéral au Bailliage
d'Eu , né dans le même lieu , mort vers
l'an 1659. après avoir donné des preuves
de ses lumieres et de son équité dans l'exercice
de sa Charge , a composé une Histoire
abregée des Comtes d'Eu , qui est
restée en Manuscrit. Il avoit d'ailleurs
fait peindre un Tableau Historique des
mêmes Comtes , où sont leurs Portraits
avec leurs Armes en migniature , sur du
velin , et un abregé de leur vie , le tout
Cij par676
MERCURE DE FRANCE
parfaitement bien travaillé . Ce Tableau
est présentement chez M. le Duc du
Maine.
Nous avons eu de nos jours un autre
Jean Daval , né à Eu , qui s'est distingué
par l'étendue de ses lumieres , et par son
habileté dans l'étude et dans la pratique
de la Medecine. Il fut premierement Docteur
dans cette Faculté en l'Université
d'Angers , ensuite il prit la même qualité
dans celle de Paris en 1683. où il professa
pendant les années 1685 et 1686. un Cours
d'Anatomie et de Physiologie , et les deux
années suivantes un Cours de Botanique ,
lesquels Traités ont été estimés de tous
les Connoisseurs. Il étoit en même tems
Medecin de l'Hôpital de la Charité et des
Paroisses de S. Jean , de S. Gervais et de
S. Sauveur , où il prenoit soin des Pauvres
. Il se rendit particulierement recommandable
à l'occasion des fiév res malignes
qui regnerent à Paris pendant l'année
1699. dont il penétra si bien la cause , et
en découvrit si justement les remedes ,
qu'il les guerissoit à coup sûr , ce qui le
mit dans un si grand crédit,que M. Fagon
parla de lui au Roi Louis XIV. pour qu'il
pût lui succeder dans la place de Premier
Medecin de S. M. Il lui en fit même tenir
le Brevet d'agrément, lequel lui fut ensuite
envoyé par un Gentilhomme de la part du
Roi ;
AVRIL. 17318 677
>
Roi ; mais trop jaloux de sa liberté , il alla
en faire ses très humbles remercimens
s'excusant sur la délicatesse de son temperament.
Il est mort âgé de 64. ans¸ le
23. Juin 1719 .
,
Après tous ces Sçavans , qui sont sortis
du Comté d'Eu on sera moins surpris
de trouver une fille sçavante du même
Pays , quoique la chose soit plus rare ;
plusieurs Auteurs en ont parlé dans leurs
Ouvrages , tels que La Croix du Maine
dans sa Bibliotheque Françoise, Louis Jacob
dans un Ouvrage semblable , et Augustin
de la Chieza dans son Théatre des
Dames Sçavantes. Ils ont tous fait l'éloge
d'Anne Marquet , Religieuse du Monastere
de Poissy de l'Ordre de S. Dominique
, native du Comté d'Eu . Elle parloit
les Langues Sçavantes ' , la Grecque et la
Latine , et composoit élegamment en Prose
et en Vers. Les Poëtes les plus fameux
de son tems , tels que Dorat , Ronsard -
& c. estimoient beaucoup les Piéces de sa
façon ; il en parut quelques - unes imprimées
en l'année 1561. accompagnée d'une
Préface faite par une Religieuse du
même Ordre , nommée Marie de Fortia.
Anne Marquet mourut l'onzième jour
de Mai 1588 .
Les effets singuliers de la pieté chrétienne
ne méritant pas moins d'être ob-
Ciij servés
878 MERCURE DE FRANCE
servés que ceux des Sciences , des Armes
et des Arts , je ne dois pas oublier dans
re Mémoire la généreuse résolution que
prit Laurent Villedor , natif de cette Ville,
Docteur de Sorbonne , Theologal de
Noyon , d'abandonner sa Patrie , ses biens
et sa dignité pour passer à la Chine , dans
la vue d'y travailler à la conversion des
Infideles de ce vaste Empire. S'étant donc
embarqué dans ce dessein l'année 1701 .
au Port- Louis , et ayant mis à la voile le
5. de Fevrier , après cinq mois quatorze
jours de navigation , le Vaisseau moüilla
à Pondicheri , sur la côte de Coromandel
; là Dieu le traitant comme un autre
Xavier , content du sacrifice de ses desirs,
il ne permit pas qu'il en vit l'execution ;
car après avoir prêché dans une grande
solemnité qui fut faite en cette Ville où
assisterent les Jesuites , les Capucins et toutes
les personnes de consideration, il tomba
malade quelques jours après , et mourut.
Les Voyageurs qui l'accompagnoient dans
le Vaisseau ont rapporté que ce qui l'avoit
épuisé étoit le trop grand travail qu'il
s'étoit donné sur la route pour apprendre
la Langue Chinoise , qu'il leur faisoit fréquemment
des discours de pieté , et qu'il
les avoit édifiés par toute sa conduite . *
* Relat. d'un Voyage aux Indes. Paris ,
Moreau 1703 .
chet
Ne
AVRIL . 1731. 679
Ne puis -je pas joindre à ce zelé Docteur
celui qui par sa rare pieté , ses austerités
et sa prudence a merité d'être placé en
qualité d'Abbé de la Trappe pour gouverner
cette nombreuse Communauté qui
édifie toute l'Eglise : il se nomme François
Augustin Gouche , né à Eu , et élû
Abbé en 1727.
Nous donnerons la suite de ces Mémoires
le mois prochain.
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Résumé : MÉMOIRES HISTORIQUES sur les personnes originaires du Comté d'Eu, qui se sont distingués par leur vertu, par leur science, par leur valeur &c. Par M. Capperon, Ancien Doyen de S. Maxent.
Le texte présente les mémoires historiques de personnalités originaires du Comté d'Eu, distinguées par leur vertu, science et valeur. L'auteur, M. Capperon, ancien doyen de J. S. Maxent, répond à une demande de mémoires sur ces individus. Geoffroi, second du nom, évêque d'Amiens, né à Eu à la fin du XIIe siècle, est le premier personnage mentionné. Son nom de famille était le Valet ou le Varlet, et il était fils d'un bourgeois de Eu. Geoffroi se distingua par son érudition et devint docteur en théologie et en médecine à Paris. Il fut élu évêque d'Amiens en 1223 et participa à diverses assemblées et conciles. Il régla l'organisation de l'Hôtel-Dieu d'Amiens et supervisa la construction de la cathédrale. Il mourut en 1238. Le texte mentionne également Jean, évêque d'Auxerre, né au Bourg de Blangy dans le Comté d'Eu. Il fut docteur à la Maison de Navarre et participa à des assemblées doctrinales. Il devint évêque d'Auxerre en 1338 et mourut en 1344. D'autres savants du Comté d'Eu sont cités, comme Michel d'Eu, Jean Daval, Jean Avril, et le Père Mithon, tous distingués par leurs contributions académiques et spirituelles. Le texte mentionne également des œuvres littéraires et historiques écrites par des natifs du Comté, comme des vies de saints et des histoires des Comtes d'Eu. Le texte évoque également un docteur de Sorbonne et théologal de Noyon qui, en 1701, décida d'abandonner sa patrie, ses biens et sa dignité pour se rendre en Chine afin de convertir les infidèles de cet empire. Il s'embarqua au Port-Louis le 5 février 1701 et, après cinq mois et quatorze jours de navigation, arriva à Pondichéry sur la côte de Coromandel. Cependant, malgré ses efforts pour apprendre la langue chinoise et son zèle missionnaire, il tomba malade peu après une grande cérémonie à Pondichéry et mourut. Ses compagnons de voyage témoignèrent de son dévouement et de sa piété. Enfin, le texte mentionne François Augustin Gouche, né à Eu, qui fut élu abbé de la Trappe en 1727 et était connu pour sa piété, ses austérités et sa prudence. La suite des mémoires est annoncée pour le mois suivant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 679-682
L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
Début :
Prés d'un Temple fameux par son antiquité, [...]
Mots clefs :
Vénus, Amour, Cythère, Temple, Chants, Zéphyrs, Beautés, Maître, Cantate
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
L'AMOUR MUSICIEN ,
CANTAT E.
PRés d'un Temple fameux par son antiquité ,
Où les Mortels qui veulent plaire
A la Déesse de Cythere
Vont offrir leur encens à sa Divinité ,
Est une Forêt solitaire ,
Qu'environne une sombre et sainte obscurité :
C'est là qu'aux bords d'une Fontaine
Dans les bras du sommeil j'oubliois mes soucis
Lorsque Venus avec son fils
Vint par sa présence soudaine
Troubler l'heureux repos que goutoient mes esprits.
C iiij Les
680 MERCURE DE FRANCE
Les Ris , les Jeux suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces climats.
Leur donnoit de nouvelles graces.
Dans ces Bois sombres et charmans
A Venus tout rendoit hommage' ;
Les Oiseaux mêmes du Bocage
A l'envi redoubloient leurs Chants.
Les Jeux , les Ris suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces Climats
Leur donnoit de nouvelles graces.
Je veux me dit alors la Mere des Amours ; >
Que par tes soins mon fils apprene
Cet Art qui d'Arion a conservé les jours ,
Et du Chantre de Thrace a soulagé la peine."
Flatté du choix de Venus ,
Je chantai le combat de Pan et de Phoebus ,
Et Pallas d'Arachné punissant l'arrogance ;
Mais l'Amour dégouté de ces chants ennuyeux
! Chanta d'un ton harmonieux
Les Dieux et les Mortels soumis à fa puiffance.
Fixês
AVRIL:
1731 . 681
Fixés par ces accens ,
Les Zéphirs moins volages
Laifferent
pour un tems
Reposer les feuillages ,
Les hôtes de ces Bois
Devenus moins sauvages
Aux charmes de sa voix
Joignirent leurs ramages ;
Cachés sous les ombrages ,
Les échos d'alentour
Repetent aux Boccages
Les accens de l'amour.
Touché comme eux des chants de l'enfant de
Cypris ,
Je demeurai frappé de toutes ces merveilles ,
Confus , immobile , furpris ,
A peine en crus - je alors mes yeux et mes oreilles,
Et sans me rappeller les airs que je chantois ,
Je devins Ecolier de Maître que j'étois.
Jeunes Beautés , l'Amour est un grand Maître ,
Ce Dieu sçait tout sans avoir rien appris ;
Courez à lui , vous pourrez tout connoître ;
Rien n'eft caché pour un coeur bien épris.
Les autres Dieux ont chacun leur partage ,
Mars eft Guerrier , Phoebus eft Dieu des Vers;
Cv Le
882 MERCURE DE FRANCE.
Le feul Amour par un rare aſſemblage
Unit en lui tous leurs talens divers.
Jeunes Beautez &c.
CANTAT E.
PRés d'un Temple fameux par son antiquité ,
Où les Mortels qui veulent plaire
A la Déesse de Cythere
Vont offrir leur encens à sa Divinité ,
Est une Forêt solitaire ,
Qu'environne une sombre et sainte obscurité :
C'est là qu'aux bords d'une Fontaine
Dans les bras du sommeil j'oubliois mes soucis
Lorsque Venus avec son fils
Vint par sa présence soudaine
Troubler l'heureux repos que goutoient mes esprits.
C iiij Les
680 MERCURE DE FRANCE
Les Ris , les Jeux suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces climats.
Leur donnoit de nouvelles graces.
Dans ces Bois sombres et charmans
A Venus tout rendoit hommage' ;
Les Oiseaux mêmes du Bocage
A l'envi redoubloient leurs Chants.
Les Jeux , les Ris suivoient ses traces ;
Les Amours voloient sur ses pas ;
Sa présence dans ces Climats
Leur donnoit de nouvelles graces.
Je veux me dit alors la Mere des Amours ; >
Que par tes soins mon fils apprene
Cet Art qui d'Arion a conservé les jours ,
Et du Chantre de Thrace a soulagé la peine."
Flatté du choix de Venus ,
Je chantai le combat de Pan et de Phoebus ,
Et Pallas d'Arachné punissant l'arrogance ;
Mais l'Amour dégouté de ces chants ennuyeux
! Chanta d'un ton harmonieux
Les Dieux et les Mortels soumis à fa puiffance.
Fixês
AVRIL:
1731 . 681
Fixés par ces accens ,
Les Zéphirs moins volages
Laifferent
pour un tems
Reposer les feuillages ,
Les hôtes de ces Bois
Devenus moins sauvages
Aux charmes de sa voix
Joignirent leurs ramages ;
Cachés sous les ombrages ,
Les échos d'alentour
Repetent aux Boccages
Les accens de l'amour.
Touché comme eux des chants de l'enfant de
Cypris ,
Je demeurai frappé de toutes ces merveilles ,
Confus , immobile , furpris ,
A peine en crus - je alors mes yeux et mes oreilles,
Et sans me rappeller les airs que je chantois ,
Je devins Ecolier de Maître que j'étois.
Jeunes Beautés , l'Amour est un grand Maître ,
Ce Dieu sçait tout sans avoir rien appris ;
Courez à lui , vous pourrez tout connoître ;
Rien n'eft caché pour un coeur bien épris.
Les autres Dieux ont chacun leur partage ,
Mars eft Guerrier , Phoebus eft Dieu des Vers;
Cv Le
882 MERCURE DE FRANCE.
Le feul Amour par un rare aſſemblage
Unit en lui tous leurs talens divers.
Jeunes Beautez &c.
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Résumé : L'AMOUR MUSICIEN, CANTATE.
Le texte 'L'AMOUR MUSICIEN' relate une scène près d'un temple antique dédié à Vénus. Le narrateur, endormi au bord d'une fontaine, est réveillé par la déesse et son fils, l'Amour. La forêt sombre et mystérieuse se transforme en un lieu de célébration à leur arrivée. Les jeux, les rires et les amours suivent leurs pas, et les oiseaux redoublent leurs chants en hommage à Vénus. Vénus demande au narrateur d'enseigner à l'Amour l'art de la musique. Le narrateur chante des récits mythologiques, mais l'Amour préfère chanter les dieux et les mortels soumis à sa puissance. Les zéphyrs, les oiseaux et les échos répètent les chants de l'Amour, touchant profondément le narrateur. Émerveillé, le narrateur devient l'élève de l'Amour, reconnaissant la supériorité de ce dieu qui unit en lui les talents de tous les autres dieux. Le texte se conclut par une invitation aux jeunes beautés à se tourner vers l'Amour pour connaître toutes les merveilles du monde.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 682-688
LETTRE écrite à M. D.L. R. Par le R. P. Michel le Quien, Dominicain, Bibliothequaire du Convent de S. Honoré, au sujet du dernier Ouvrage du P. Le Courayer &c.
Début :
Il m'importe peu à présent, Monsieur, que le P. Le Courayer veüille encore, [...]
Mots clefs :
Ordinations, Épiscopat, Sacre, Anglicans, Vérification, Schisme
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. D.L. R. Par le R. P. Michel le Quien, Dominicain, Bibliothequaire du Convent de S. Honoré, au sujet du dernier Ouvrage du P. Le Courayer &c.
LETTRE écrite à M. D. L. R. Par
le R. P. Michel le Quien , Dominicain
Bibliothequaire du Convent de S. Honoré,
au sujet du dernier Ouvrage du P. Le
Courayer&c.
L m'importe peu à présent , Monsieur,
que le P. Le Courayer veüille encore,
comme ses amis l'assurent , continuer
d'écrire pour ses Ordinations ; j'ai déclaré
que dorénavant je garderois le silence sur
ce sujet. Cependant , qu'il me réplique et
qu'il défende sa cause avec la solidité et
a sincerité que le sujet l'exige , je serai le
premier à lui applaudir ; je ne suis prévenu
en faveur de la mienne que parceque
j'en ai établi les preuves sur les principes
qu'il avoit lui-même posés . J'ai
de l'aveu même de ceux qu'il avoit éblouis
par sa défense , satisfait à tous les points
capitaux qu'il avoit exigé qu'on lui prouvât.
Il a demandé » qu'on lui citât des
» Historiens qui contredisent les Actes
» qu'il produisoit , ou qu'on rapportât
des
4
AVRIL: 1731. 683
» des Actes contraires aux siens , ou qu'on
fit voir qu'on ne peut concilier les Ac-
» tes avec des faits reconnus pour cer-
» tains. J'ai admis toutes ces disjonctives;
j'ai cité un bon nombre d'Auteurs contemporains
et oculaires qui contredisent
ouvertement la Relation qu'on a produite
du prétendu sacre de Mathieu Parker pour
l'Archevêché de Cantorberi. Le seul fait
du procès que l'Evêque de Londres Edmond
Bonner a soutenu contre le faux
Evêque de Winchester Robert Horn , suffisoit
pour ôter toute croyance à cette
Histoire , et la faire passer pour ce qu'elle
est , c'est-à-dire , pour un Roman.Le Prélat
Catholique y verifia contradictoirement
devant les Juges que les nouveaux
Evêques de la Reine Elizabeth avoient
envahi en cachete les Siéges d'Angleterre
sans avoir reçû l'imposition des mains
d'aucun Evêque , et tout haï qu'il étoit
des Protestans , le Parlement à qui l'affaire
avoit été déferée , le renvoya absous .
Quoi de plus C'est en lisant les Historiens
Anglicans que j'ai verifié
que le Registre
de Cranmer a été falsifié. Ces mêmes
Auteurs m'ont fourni des Actes autentiques
dans lesquels on trouve Mathieu
Parker reconnu pour Archevêque veritable
, anterieurement au tems auquel on
veut qu'il ait été ordonné ; j'en ai conclu
C vj
par
684 MERCURE DE FRANCE.
par une juste conséquence qu'il ne l'a
point été du tout; je ne me suis point
aheurté à soutenir son sacre dans une Auberge
; mais j'ai soutenu que si ce fait est
fabuleux , la Relation ne l'est pas moins.
me ,
J'ai verifié que le Registre qu'on vante
tant , est composé de feuilles détachées
qu'on n'a assemblées et reliées que longtems
après la mort de Parker , d'où j'ai
inferé qu'il a été aisé d'y mêler de faux
Actes. On a vû le refus que les Prélats
Anglicans ont fait à des Prêtres Catholiques
d'examiner ce Registre à loisir et à
tête reposée , dans le tems même qu'ils
ont commencé à l'annoncer . D'autres
personnes dignes de foi , mais qui ne ju
gent pas encore à propos qu'on les nomveulent
qu'on déclare au Public qu'étant
parties de France, et étant allées à Londres
depuis nos disputes contre le Docteur
d'Oxford pour avoir la satisfaction
de consulter les péces dont il est question,
elles s'en sont retournées sans l'avoir pû obtenir
de ceux qui en sont les Dépositaires.
Le Docteur d'Oxford a donc tort de se
vanter qu'étant à présent sur les lieux , it
est plus en état de justifier leur authenticité.
Je lui ai dit, et je le repéte , que sa
présence et son témoignage n'y servirone
de rien ; il n'est ni assez habile connoisseur
en anciennes Ecritures , ni assez
déAVRIL
1731. 685
désinteressé , ni peut- être assez sincere ,
pour qu'on doive déferer à son témoignage.
Enfin, quoiqu'il avance désormais
pour faire valoir ses prétendus Actes , tout
bien pe é dans une juste balance , tout ce
qu'il a allegué , ou qu'il pourra alleguer
dans la suite , ne l'emportera jamais sur les
preuves que je lui ai opposées , et cela me
suffit.
Quand même je lui passerois sa Relation
de Lambeth , outre les témoins que
j'ai cités contre l'Episcopat de Guillaume
Barlow , qu'il nous donne pour Consécrateur
de Parker , j'ai démontré clair
comme le jour, que puisque lui et les Anglois
sont obligés de convenir que ce Prélat
de la Réforme ne fut jamais sacré pour
le Siége de Saint Asaph , auquel il avoit
été nommé d'abord , il ne l'a point nonplus
été pour celui de Saint Davids où il
fut tran feré. Il est bon de repéter en
deux mots ma démonstration ; la voici :
Notre Docteur a lui-même publié les
Actes de la confirmation de ce faux Evêque
pour ce second Siége , avec le certificat
qu'en donna au Roi Henri VIII.
l'Archevêque Cranmer. Son grand Auteur
François Masson avoit auparavant
imprimé les Lettres Patentes de ce Prince,
par lesquelles , en vertu du certificat , il
fut mis en possession de l'Evêché , pour
jouir
686 MERCURE DE FRANCE
;
jouir du temporel et de tous les droits et
honneurs qui y étoient attachés ; le Brevet
de Henri qui ordonnoit à Cranmer
de faire à l'égard de Barlou , élû Evêque
de Saint Davids , tout ce qui étoit de
son office , omne quod tui officii est , c'està
dire , de le confirmer et de le sacrer ensuite
, s'il ne l'étoit pas , est du 21. Avril
.1536. les Actes de la confirmation sont
dattés du lendemain qui étoit un Vendredi
le Certificat est datté du même
jour 22. Avril ; enfin les Lettres Patentes
du Roi ont pour datte le 27. qui étoit
le Mercredi suivant . Cranmer auroit attendu
du moins au Dimanche 24. pour
donner son Certificat après l'avoir sacré,
s'il avoit eu envie d'en faire la cerémonie,
et attester par ce même Acte qu'il l'avoit
confirmé et sacré : il n'en a rien fait , il
n'a attesté que la confirmation , sans parler
de consécration , aussi ne l'auroit-il
pû faire un Vendredi. Le Roi lui même
dans ses Lettres Patentes données sur le
Certificat , ' ne fait aucune mention du Sacre
, mais seulement de la confirmation
ensorte qu'on ne peut plus supposer qu'il
y eut un Certificat de Sacre pour obtedans
ce
nir ces Lettres.
De tout cela j'ai conclu que
malheureux tems de schisme et de confusion
, Barlow Herétique , comme son
ArcheAVRIL
1731 687
pas-
Archevêque , de concert avec lui et avec
Thomas Cromwel , homme Seculier et
Vicaire General de Henri VIII. pour toutes
les affaires de l'Eglise , se sera fait
ser dans le monde pour veritable Evêque
sans avoir été sacré , et aura pris scéance
au Parlement sur les Lettres Patentes de
son Prince , en qualité de Pair et de Ba →
ron du Royaume. Voilà ce que je n'ai pas
craint d'appeller une démonstration contre
l'Episcopat de Guillaume Barlow ,
je me suis flatté que toutes les personnes
judicieuses en jugeront de même.
et
Ce que j'ai encore soutenu dans la se
conde Partie , de l'invalidité des formes.
d'Ordination , usitées par la Secte Anglicanne
depuis le Regne d'Edouard VI.
ne fait plus de difficulté , et il n'y a point
de Catholique qui ne convienne que leur
Episcopat Protestant est absolument nul
de ce côté- là. En vain leur Doffenseur
ose t il les comparer avec celui des Chrétiens
du Levant. J'en ai fait sentir la difference
en les comparant les unes avec les
autres et avec les Latines.Les Théologiens
Catholiques me sçauront sans doute gré
de leur avoir expliqué en quoi consiste
veritablement la forme de l'Ordination
dans toutes les Eglises d'Orient. La question
du Sacrifice n'est pas moins bien
éclaircie , et je doute que le Docteur d'Or
ford veüille encore y revenir.
388 MERCURE DE FRANCE
Il nous menace , dit on , de publier un
Ouvrage qui justifiera de Schisme , et les
Grecs et les Anglois. L'entreprise est digne
de son Auteur. Comme j'espere , avec
l'aide de Dieu , de publier l'Oriens Christianus
, il me sera aisé d'y trouver quelque
place pour réfuter ce Livre , et pour
redresser l'Auteur , qui ne peut gueres
manquer de s'égarer dans un Pays qu'il
ne connoît pas ; je finis , Monsieur , en
disant que la meilleure réponse qu'on
puisse opposer à ses déclamations , c'est
de les mépriser. La Satyre , les railleries ,
les insultes , sont ordinairement ses preuves
et ses argumens les plus forts , argumens
, je l'avouë , ausquels il est difficile
de répondre ; c'est à ces lieux communs
qu'ont d'ordinaire recours les Partisans
de l'erreur. Quia veritate non possunt , lacerant
conviciis , dit S. Jerôme.
Je suis , Monsieur , &c.
A Paris le 14. Fevrier
le R. P. Michel le Quien , Dominicain
Bibliothequaire du Convent de S. Honoré,
au sujet du dernier Ouvrage du P. Le
Courayer&c.
L m'importe peu à présent , Monsieur,
que le P. Le Courayer veüille encore,
comme ses amis l'assurent , continuer
d'écrire pour ses Ordinations ; j'ai déclaré
que dorénavant je garderois le silence sur
ce sujet. Cependant , qu'il me réplique et
qu'il défende sa cause avec la solidité et
a sincerité que le sujet l'exige , je serai le
premier à lui applaudir ; je ne suis prévenu
en faveur de la mienne que parceque
j'en ai établi les preuves sur les principes
qu'il avoit lui-même posés . J'ai
de l'aveu même de ceux qu'il avoit éblouis
par sa défense , satisfait à tous les points
capitaux qu'il avoit exigé qu'on lui prouvât.
Il a demandé » qu'on lui citât des
» Historiens qui contredisent les Actes
» qu'il produisoit , ou qu'on rapportât
des
4
AVRIL: 1731. 683
» des Actes contraires aux siens , ou qu'on
fit voir qu'on ne peut concilier les Ac-
» tes avec des faits reconnus pour cer-
» tains. J'ai admis toutes ces disjonctives;
j'ai cité un bon nombre d'Auteurs contemporains
et oculaires qui contredisent
ouvertement la Relation qu'on a produite
du prétendu sacre de Mathieu Parker pour
l'Archevêché de Cantorberi. Le seul fait
du procès que l'Evêque de Londres Edmond
Bonner a soutenu contre le faux
Evêque de Winchester Robert Horn , suffisoit
pour ôter toute croyance à cette
Histoire , et la faire passer pour ce qu'elle
est , c'est-à-dire , pour un Roman.Le Prélat
Catholique y verifia contradictoirement
devant les Juges que les nouveaux
Evêques de la Reine Elizabeth avoient
envahi en cachete les Siéges d'Angleterre
sans avoir reçû l'imposition des mains
d'aucun Evêque , et tout haï qu'il étoit
des Protestans , le Parlement à qui l'affaire
avoit été déferée , le renvoya absous .
Quoi de plus C'est en lisant les Historiens
Anglicans que j'ai verifié
que le Registre
de Cranmer a été falsifié. Ces mêmes
Auteurs m'ont fourni des Actes autentiques
dans lesquels on trouve Mathieu
Parker reconnu pour Archevêque veritable
, anterieurement au tems auquel on
veut qu'il ait été ordonné ; j'en ai conclu
C vj
par
684 MERCURE DE FRANCE.
par une juste conséquence qu'il ne l'a
point été du tout; je ne me suis point
aheurté à soutenir son sacre dans une Auberge
; mais j'ai soutenu que si ce fait est
fabuleux , la Relation ne l'est pas moins.
me ,
J'ai verifié que le Registre qu'on vante
tant , est composé de feuilles détachées
qu'on n'a assemblées et reliées que longtems
après la mort de Parker , d'où j'ai
inferé qu'il a été aisé d'y mêler de faux
Actes. On a vû le refus que les Prélats
Anglicans ont fait à des Prêtres Catholiques
d'examiner ce Registre à loisir et à
tête reposée , dans le tems même qu'ils
ont commencé à l'annoncer . D'autres
personnes dignes de foi , mais qui ne ju
gent pas encore à propos qu'on les nomveulent
qu'on déclare au Public qu'étant
parties de France, et étant allées à Londres
depuis nos disputes contre le Docteur
d'Oxford pour avoir la satisfaction
de consulter les péces dont il est question,
elles s'en sont retournées sans l'avoir pû obtenir
de ceux qui en sont les Dépositaires.
Le Docteur d'Oxford a donc tort de se
vanter qu'étant à présent sur les lieux , it
est plus en état de justifier leur authenticité.
Je lui ai dit, et je le repéte , que sa
présence et son témoignage n'y servirone
de rien ; il n'est ni assez habile connoisseur
en anciennes Ecritures , ni assez
déAVRIL
1731. 685
désinteressé , ni peut- être assez sincere ,
pour qu'on doive déferer à son témoignage.
Enfin, quoiqu'il avance désormais
pour faire valoir ses prétendus Actes , tout
bien pe é dans une juste balance , tout ce
qu'il a allegué , ou qu'il pourra alleguer
dans la suite , ne l'emportera jamais sur les
preuves que je lui ai opposées , et cela me
suffit.
Quand même je lui passerois sa Relation
de Lambeth , outre les témoins que
j'ai cités contre l'Episcopat de Guillaume
Barlow , qu'il nous donne pour Consécrateur
de Parker , j'ai démontré clair
comme le jour, que puisque lui et les Anglois
sont obligés de convenir que ce Prélat
de la Réforme ne fut jamais sacré pour
le Siége de Saint Asaph , auquel il avoit
été nommé d'abord , il ne l'a point nonplus
été pour celui de Saint Davids où il
fut tran feré. Il est bon de repéter en
deux mots ma démonstration ; la voici :
Notre Docteur a lui-même publié les
Actes de la confirmation de ce faux Evêque
pour ce second Siége , avec le certificat
qu'en donna au Roi Henri VIII.
l'Archevêque Cranmer. Son grand Auteur
François Masson avoit auparavant
imprimé les Lettres Patentes de ce Prince,
par lesquelles , en vertu du certificat , il
fut mis en possession de l'Evêché , pour
jouir
686 MERCURE DE FRANCE
;
jouir du temporel et de tous les droits et
honneurs qui y étoient attachés ; le Brevet
de Henri qui ordonnoit à Cranmer
de faire à l'égard de Barlou , élû Evêque
de Saint Davids , tout ce qui étoit de
son office , omne quod tui officii est , c'està
dire , de le confirmer et de le sacrer ensuite
, s'il ne l'étoit pas , est du 21. Avril
.1536. les Actes de la confirmation sont
dattés du lendemain qui étoit un Vendredi
le Certificat est datté du même
jour 22. Avril ; enfin les Lettres Patentes
du Roi ont pour datte le 27. qui étoit
le Mercredi suivant . Cranmer auroit attendu
du moins au Dimanche 24. pour
donner son Certificat après l'avoir sacré,
s'il avoit eu envie d'en faire la cerémonie,
et attester par ce même Acte qu'il l'avoit
confirmé et sacré : il n'en a rien fait , il
n'a attesté que la confirmation , sans parler
de consécration , aussi ne l'auroit-il
pû faire un Vendredi. Le Roi lui même
dans ses Lettres Patentes données sur le
Certificat , ' ne fait aucune mention du Sacre
, mais seulement de la confirmation
ensorte qu'on ne peut plus supposer qu'il
y eut un Certificat de Sacre pour obtedans
ce
nir ces Lettres.
De tout cela j'ai conclu que
malheureux tems de schisme et de confusion
, Barlow Herétique , comme son
ArcheAVRIL
1731 687
pas-
Archevêque , de concert avec lui et avec
Thomas Cromwel , homme Seculier et
Vicaire General de Henri VIII. pour toutes
les affaires de l'Eglise , se sera fait
ser dans le monde pour veritable Evêque
sans avoir été sacré , et aura pris scéance
au Parlement sur les Lettres Patentes de
son Prince , en qualité de Pair et de Ba →
ron du Royaume. Voilà ce que je n'ai pas
craint d'appeller une démonstration contre
l'Episcopat de Guillaume Barlow ,
je me suis flatté que toutes les personnes
judicieuses en jugeront de même.
et
Ce que j'ai encore soutenu dans la se
conde Partie , de l'invalidité des formes.
d'Ordination , usitées par la Secte Anglicanne
depuis le Regne d'Edouard VI.
ne fait plus de difficulté , et il n'y a point
de Catholique qui ne convienne que leur
Episcopat Protestant est absolument nul
de ce côté- là. En vain leur Doffenseur
ose t il les comparer avec celui des Chrétiens
du Levant. J'en ai fait sentir la difference
en les comparant les unes avec les
autres et avec les Latines.Les Théologiens
Catholiques me sçauront sans doute gré
de leur avoir expliqué en quoi consiste
veritablement la forme de l'Ordination
dans toutes les Eglises d'Orient. La question
du Sacrifice n'est pas moins bien
éclaircie , et je doute que le Docteur d'Or
ford veüille encore y revenir.
388 MERCURE DE FRANCE
Il nous menace , dit on , de publier un
Ouvrage qui justifiera de Schisme , et les
Grecs et les Anglois. L'entreprise est digne
de son Auteur. Comme j'espere , avec
l'aide de Dieu , de publier l'Oriens Christianus
, il me sera aisé d'y trouver quelque
place pour réfuter ce Livre , et pour
redresser l'Auteur , qui ne peut gueres
manquer de s'égarer dans un Pays qu'il
ne connoît pas ; je finis , Monsieur , en
disant que la meilleure réponse qu'on
puisse opposer à ses déclamations , c'est
de les mépriser. La Satyre , les railleries ,
les insultes , sont ordinairement ses preuves
et ses argumens les plus forts , argumens
, je l'avouë , ausquels il est difficile
de répondre ; c'est à ces lieux communs
qu'ont d'ordinaire recours les Partisans
de l'erreur. Quia veritate non possunt , lacerant
conviciis , dit S. Jerôme.
Je suis , Monsieur , &c.
A Paris le 14. Fevrier
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Résumé : LETTRE écrite à M. D.L. R. Par le R. P. Michel le Quien, Dominicain, Bibliothequaire du Convent de S. Honoré, au sujet du dernier Ouvrage du P. Le Courayer &c.
Le Père Michel Le Quien, dominicain et bibliothécaire du couvent de Saint-Honoré, adresse une lettre à M. D. L. R. concernant l'ouvrage du Père Le Courayer. Le Quien exprime son refus de débattre des ordinations, mais se déclare prêt à soutenir Le Courayer s'il défend sa cause avec sincérité. Il répond aux exigences de preuves de Le Courayer en citant des historiens contemporains et oculaires qui contredisent la relation du prétendu sacre de Mathieu Parker pour l'archevêché de Cantorbéry. Le Quien mentionne également le procès de l'évêque de Londres Edmond Bonner contre Robert Horn, démontrant que les nouveaux évêques de la reine Élisabeth ont pris possession des sièges épiscopaux sans imposition des mains. Le Quien affirme que le registre de Cranmer a été falsifié et que Mathieu Parker a été reconnu comme archevêque avant son prétendu sacre. Il souligne que ce registre est composé de feuilles détachées assemblées après la mort de Parker, facilitant l'ajout de faux actes. Les prélats anglicans ont refusé d'examiner ce registre aux prêtres catholiques, et des personnes dignes de foi n'ont pas pu consulter les pièces à Londres. Le Quien critique le Docteur d'Oxford, le jugeant ni suffisamment connaisseur en anciennes écritures, ni désintéressé, ni sincère pour justifier l'authenticité des actes. Il démontre que Guillaume Barlow, prétendu consécrateur de Parker, n'a jamais été sacré pour les sièges de Saint Asaph ou Saint Davids, malgré les actes de confirmation et les lettres patentes du roi Henri VIII. Selon Le Quien, Barlow s'est fait passer pour évêque sans être sacré, prenant place au Parlement grâce aux lettres patentes. Enfin, Le Quien aborde l'invalidité des formes d'ordination anglicanes depuis le règne d'Édouard VI, soulignant que l'épiscopat protestant est nul. Il mentionne un ouvrage que le Docteur d'Oxford menace de publier pour justifier le schisme des Grecs et des Anglois, et se prépare à le réfuter dans son propre ouvrage, l'Oriens Christianus. Le Quien conclut en recommandant de mépriser les déclamations et les insultes du Docteur d'Oxford, qui sont souvent ses preuves et arguments les plus forts.
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9
p. 688-692
CONTE.
Début :
Un bon Badaut, s'il en fut un en France, [...]
Mots clefs :
Badaud, Provence, Figue, Citrouille, Colique, Médecin, Apprentissage, Hôpital
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTE.
CONTE.
N bon Badaut , s'il en fut un en France ,
Et d'esprit assez dépourvû ;
L'un de ces gens qui n'ont jamais rien vû ,
Un
AVRIL
689 1731 .
Un beau matin partit pour la Provence.
Qu'alloit-il faire en ce beau Pays-là ,
Me direz-vous ? vouloit-il , le bon homme ,
Se mettre en mer , aller ensuite à Rome ,
Voir le Saint Pere ? Oh ! rien de tout cela ;
Il avoit autre chose en tête ,
Projet nouveau , dont il se faisoit fête ,
Depuis long- temps , mais il n'en sonnoit mot
C'étoit , dit-on , d'aller manger des Figues.
Certain Gascon , qui n'étoit pas manchot ,
Né pour former de pareilles intrigues ,
Et qui vouloit aux dépens du Marmot ,
Faire voyage et bonne chere ,
L'assiegeoit les jours et les nuits ,
Et lui vantoit la Provence et ses fruits.
Oui , disoit - il , la Provence est la mere ,
Des plaisirs innoccns que l'on goute ici bas ,
Les fleurs y naissent sous les pas ;
Elle fournit en abondance ,
Tout ce qu'on peut et veut avoir ,
Tout est bon à manger, tout est charmant à voir.'
Cadedis , vive la Provence ;
Il exaltoit sur tout la Figue et sa douceur ,
Son gout exquis , son extréme grosseur
Gascon sçait à propos employer l'hyperbole ,
Faire Elephant d'un Moucheron ;
Badaut croyoit sur sa parole ,
Que Figue étoit un fruit gros comme un Potiron,
Car
690 MERCURE DE FRANCE
Car il n'en avoit de sa vie ,
Vu ni mangé , mais plutôt que plus tard ,
Il veut contenter son envie.
Bientôt tout est prêt , et l'on part ;
Non sans avoir la bourse bien garnic ;
Car après tout vous aurez beau chercher ,
De quoi voyager à votre aise ;
Foin d'un Carosse ou d'une Chaise ,
Si l'argent ne sert de Cocher.
Le Gascon chargé de la bourse ,
L'avoit fait remplir jusqu'au haut ,
>
Et plus qu'il ne falloit pour achever la course
Qu'il méditoit de faire avec notre Badaut.
Enfin on arrive en Provence ,
Badaut crut être au bout de l'Univers ,
Gascon conduit son Excellence ,
En un Jardin tout planté d'arbres verds.
Du haut de leurs branches chargées ,
Pendoient comme festons des Citrouilles rangées ,
Dont l'énorme grosseur venoit frapper les yeux;
Voilà , dit le Gascon , le fruit délicieux
Qu'on vous destine ici ; mangez sur ma parole ,
Pendant que mon Badaut sur ses deux piés planté ,
Admire l'objet si vanté ,
Gascon commence un autre rôle ,
Et sans Trompette délogeant ,
Emporte la bourse et l'argent ,
Faisant à son ami la Figue ;
Mais
AVRIL.
9 1731.
Mais le Badaut qui n'étoit pas si fin ,
Et qui prenoit courge pour Figue
Fait saut en l'air , en saisit une enfin ,
Il la fend d'un coup de mâchoire ,
Mais le mal fut qu'ayant grand faim ,
Il fit un grand repas sans boire ,
en mange à crever , et se sentant rendu ,
Il se couche à terre étendu.
Ce n'est pas fait , une affreuse colique ,
Soit venteuse , soit néphretique ,
Je n'en sçais rien , à l'instant l'assaillit .
Le Malade s'agite , il frissonne , il pâlit ,
Son coeur palpite et la tête lui groüille &
On entend son ventre de loin ,
Croasser comme une Grenouille :
Tant la malheureuse Citroüille ,
Fait de dégât ; En ce pressant besoin ,
De tous côtez on vient à la récousse.
Le Médecin portant l'Apoticaire en trousse ,
Arrive , ordonne un Anodin ,
Monsieur Cussifle avec la flute en main
Fait son devoir en galant Mousquetaire ;
Car pour seringuer un clistere ,
Il n'est pas dans le monde entier ,
De Mortel plus habile en ce noble métier ;
Le succès passa l'esperance ,
Ventre se vuide et malade guérit.
Le mal passé , chacun en rit ;
Mais
592 MERCURE DE FRANCE
Mais voici bien autre chevance ,
Il faut compter , Gascon ne paroît plus ;
Gousset est vuide , et les écus ,
Ont avec lui pris la volée.
Voilà notre Badaut réduit à l'Hôpital ,
Et tombé de fievre en chaud mal.
Chagrin au coeur et l'ame desolée ,
Ayant rendu plus qu'il n'a pris ;
Purgé bien et dûment il retourne à Paris ,
Non sans avoir pour son apprentissage ,
Dont il a payé tous les frais ,
Fait voir aux Provençaux assez mal satisfaits ,
Son grand génie et son double visage.
N bon Badaut , s'il en fut un en France ,
Et d'esprit assez dépourvû ;
L'un de ces gens qui n'ont jamais rien vû ,
Un
AVRIL
689 1731 .
Un beau matin partit pour la Provence.
Qu'alloit-il faire en ce beau Pays-là ,
Me direz-vous ? vouloit-il , le bon homme ,
Se mettre en mer , aller ensuite à Rome ,
Voir le Saint Pere ? Oh ! rien de tout cela ;
Il avoit autre chose en tête ,
Projet nouveau , dont il se faisoit fête ,
Depuis long- temps , mais il n'en sonnoit mot
C'étoit , dit-on , d'aller manger des Figues.
Certain Gascon , qui n'étoit pas manchot ,
Né pour former de pareilles intrigues ,
Et qui vouloit aux dépens du Marmot ,
Faire voyage et bonne chere ,
L'assiegeoit les jours et les nuits ,
Et lui vantoit la Provence et ses fruits.
Oui , disoit - il , la Provence est la mere ,
Des plaisirs innoccns que l'on goute ici bas ,
Les fleurs y naissent sous les pas ;
Elle fournit en abondance ,
Tout ce qu'on peut et veut avoir ,
Tout est bon à manger, tout est charmant à voir.'
Cadedis , vive la Provence ;
Il exaltoit sur tout la Figue et sa douceur ,
Son gout exquis , son extréme grosseur
Gascon sçait à propos employer l'hyperbole ,
Faire Elephant d'un Moucheron ;
Badaut croyoit sur sa parole ,
Que Figue étoit un fruit gros comme un Potiron,
Car
690 MERCURE DE FRANCE
Car il n'en avoit de sa vie ,
Vu ni mangé , mais plutôt que plus tard ,
Il veut contenter son envie.
Bientôt tout est prêt , et l'on part ;
Non sans avoir la bourse bien garnic ;
Car après tout vous aurez beau chercher ,
De quoi voyager à votre aise ;
Foin d'un Carosse ou d'une Chaise ,
Si l'argent ne sert de Cocher.
Le Gascon chargé de la bourse ,
L'avoit fait remplir jusqu'au haut ,
>
Et plus qu'il ne falloit pour achever la course
Qu'il méditoit de faire avec notre Badaut.
Enfin on arrive en Provence ,
Badaut crut être au bout de l'Univers ,
Gascon conduit son Excellence ,
En un Jardin tout planté d'arbres verds.
Du haut de leurs branches chargées ,
Pendoient comme festons des Citrouilles rangées ,
Dont l'énorme grosseur venoit frapper les yeux;
Voilà , dit le Gascon , le fruit délicieux
Qu'on vous destine ici ; mangez sur ma parole ,
Pendant que mon Badaut sur ses deux piés planté ,
Admire l'objet si vanté ,
Gascon commence un autre rôle ,
Et sans Trompette délogeant ,
Emporte la bourse et l'argent ,
Faisant à son ami la Figue ;
Mais
AVRIL.
9 1731.
Mais le Badaut qui n'étoit pas si fin ,
Et qui prenoit courge pour Figue
Fait saut en l'air , en saisit une enfin ,
Il la fend d'un coup de mâchoire ,
Mais le mal fut qu'ayant grand faim ,
Il fit un grand repas sans boire ,
en mange à crever , et se sentant rendu ,
Il se couche à terre étendu.
Ce n'est pas fait , une affreuse colique ,
Soit venteuse , soit néphretique ,
Je n'en sçais rien , à l'instant l'assaillit .
Le Malade s'agite , il frissonne , il pâlit ,
Son coeur palpite et la tête lui groüille &
On entend son ventre de loin ,
Croasser comme une Grenouille :
Tant la malheureuse Citroüille ,
Fait de dégât ; En ce pressant besoin ,
De tous côtez on vient à la récousse.
Le Médecin portant l'Apoticaire en trousse ,
Arrive , ordonne un Anodin ,
Monsieur Cussifle avec la flute en main
Fait son devoir en galant Mousquetaire ;
Car pour seringuer un clistere ,
Il n'est pas dans le monde entier ,
De Mortel plus habile en ce noble métier ;
Le succès passa l'esperance ,
Ventre se vuide et malade guérit.
Le mal passé , chacun en rit ;
Mais
592 MERCURE DE FRANCE
Mais voici bien autre chevance ,
Il faut compter , Gascon ne paroît plus ;
Gousset est vuide , et les écus ,
Ont avec lui pris la volée.
Voilà notre Badaut réduit à l'Hôpital ,
Et tombé de fievre en chaud mal.
Chagrin au coeur et l'ame desolée ,
Ayant rendu plus qu'il n'a pris ;
Purgé bien et dûment il retourne à Paris ,
Non sans avoir pour son apprentissage ,
Dont il a payé tous les frais ,
Fait voir aux Provençaux assez mal satisfaits ,
Son grand génie et son double visage.
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Résumé : CONTE.
En avril 1731, un homme surnommé Badaut décide de se rendre en Provence, influencé par un Gascon qui vante la douceur et la taille des figues locales. Badaut, n'ayant jamais vu ni goûté de figues, se laisse convaincre et part avec une bourse bien garnie. À son arrivée, le Gascon lui montre des citrouilles, que Badaut prend pour des figues. Après en avoir mangé plusieurs, Badaut souffre d'une violente colique. Un médecin et un apothicaire interviennent et le soignent. Cependant, le Gascon disparaît avec l'argent de Badaut. Ruiné et malade, Badaut retourne à Paris après avoir été soigné à l'hôpital.
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10
p. 692-701
RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
Début :
Bièn des jans sansés, Monsieur, ont cru que votre critique étoìt une fixion [...]
Mots clefs :
Nouvelle orthographe, Bureau typographique, Critique, Méthode, Réponse, Expérience, Innovation, Système
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
REPONSE d'un partisan de la nouvèle
ortografe , et du bureau tipografique
à la letre d'un gramairien de Provance
, datée de Ventabrén le 2. d'octobre
1730. et insérée dans le Mercure du
mois de Janvier 1731 .
' èn des jins sansés , Monsieur , ont
Betcru que votre critique étoit une fixion
de l'auteur des lètres sur la bibliotèque
des anfans ; d'autres ont dit qu'elle
étoit sortie d'un fameus colège , et sans
aucun fondemant l'ont atribuée à un très
habile professeur , dont la vraie critique
n'a
AVRIL. 1731. 693
n'a paru que dans le mois de fevrier.
De quelque androit qu'elle viène , d'autres
l'aïant trouvée pitoyable , ont dit
que ce seroit lui faire trop d'honeur que
d'y répondre sérieusement : d'autres , et
c'est le vulgaire , ont cru que par cette
critique le bureau aloit ètre ranversé de
fond en conble. La réponse n'est donc
nécessaire que pour ceus qui donent toujours
l'avantage au dernier qui parle ; mais
meritent- ils cette atancion ? oui , il faut
écouter tout le monde , bien loin de rebuter
quelcun ; le nonbre des persones
prévenues contre les nouvèles métodes , et
des adversaires du bureau tipografique ,
n'est ancore que trop grand , il faut avoir
de la condesçandance mème pour les esprits
les plus foibles , c'est donc en leur
faveur que je done cette petite réponse
assés inutile pour les vrais lecteurs qui
lisent avec reflexion .
Les homes divisés presque sur tout ,
ne le sont pas moins sur la nature deş
critiques et sur celle des ouvrages critiqués
. Les uns croient que les meilleurs
t livres gagnent par les critiques , ils n'en
exceptent pas le Cid , et les autres pensent
qu'une critique augmante toujours
en quelque manière la prévansion de la
splupart des lecteurs , mème sur la Pucelle
, etc. il pouroit y avoir du vrai dans
ces
394 MERCURE DE FRANCE
ces deus jugemans , les combinaisons du
fisic et du moral ou des circonstances an
décident ordinairemant.
Quoiqu'il an soit , on étoit déja surpris
qu'il n'ût paru aucun adversaire contre
la métode du bureau tipografique , anoncée
et expliquée dans tous les Mercures de
France , depuis le segond volume de juîn
dernier car le préjujé pour mètre tout
à profit , tire d'abor avantage du silance
gardé sur la nouveauté de quelque métode
, et conclut de ce silance , qu'elle ne
merite pas d'être critiquée : et si au contraire
il paroit des critiques , les esprits
prévenus ne saisissent et n'adoptent gue
res de ces critiques , que les raisons specieuses
qui paroissent favorables à leur
prévansion ; aveuglés sur la suite des plus
forts raisonemans , ils s'acoutument à une
espece de voile au travers duquel ne peuvent
passer les rayons les plus lumineus .
Si l'on avoit done gardé un profond
silance sur la métode du bureau tipografique
, beaucoup de persones l'auroint
peut- être mise au rang des métodes avanturées
, dont la seule lecture a dégouté et
mal prévenu le public , c'est donc un
avantage pour le sistème tipografique de
trouver des adversaires , qui contre leur
insinuation , randent le bureau plus conu
et plus recherché , après la lecture des
critiques et des réponses.
AVRIL. 1731.
69.5
Pour revenir à votre lètre , j'aurai l'honeur
de vous dire , Monsieur , que la cour
et la vile en donant favorablement audiance
aus diferans invanteurs an fait
d'art et de sciance , prouvent le bon gour
du siecle et celui du ministre. Les plus
grans personages du royaume , santent la
foiblesse de l'esprit humain , ils voient
tous les jours les besoins où nous somes
de cantité de choses pour la comodité
du public , devez -vous donc ètre surpris
d'aprendre qu'ils écoutent tout ce qu'on
leur propose; qu'ils donent toujours du
courage , souvant des éloges et mème
quelquefois des récompanses aus homes
ingenieus et invantifs , cette généreuse
conduite de la part des grans et de la
cour , inspire de nobles sentimens d'émulation
et nous raproche peu à peu de
la perfection des arts. il n'y a rien là qui
ne fasse honeur aus protecteurs et aus persones
protegées. Les plaintes contre les
abus et l'imperfection des métodes vulgaires
sont des mieus fondées , le mal est
reconu du public qui en fait l'experiance,
cela vous regarde , Monsieur, et м vos confreres
, il s'agit de trouver du remede au
mal conu , et c'est la principale fin que
s'est proposée l'auteur du sistème tipogra
fique.
rs
Je n'antre point dans le détail des afi
ches
696 MERCURE DE FRANCE
ches qui promètent des miracles literaires
, et dont vous paroissés scandalisé ,
mais j'aurois du moins souhaité que vous
ussiés atandu d'ètre mieus instruit sur la
métode du bureau tipografique , que vous
ussiés un peu plus médité votre matiere,
ou un peu plus déferé au témoignage de
l'experiance , car c'est la meilleure des afiches.
Bien loin de vous contanter de simples
exclamacions et de lieus comuns qui
ne prouvent rien , vous auriés du ataquer
le fond du sistème tipografique , mais
coment ataquer ce qu'on ne comprant
pas ? tâchez donc de comprandre , je me
Alate que la lecture des neuf lètres sur la
bibliotèque des enfans vous donera tous
les éclaircissemans que vous demandés ; il
vous est licite et permis , au reste , d'ètre
dificile et peu crédule sur les ouvrages des
nouvèles métodes , mais vous me permetrés
, s'il vous plait , de vous dire que
vous ne devriés pas paroître si extasié des
vieilles métodes dont le decri est de notorieté
publique dans votre province et
peut ètre à Véntabrén mème .
Un critique , M. a beau vouloir faire
le plaisant , il n'est pas toujours sur d'avoir
les rieurs de son côté . voici ce qu'une
persone d'esprit, après avoir lu votre critique
, écrivit à l'auteur des lètres sur la
bibliotèque des enfans.
Je
AVRIL: 1731. 697
Je vous fais mon conpliment , monsieur , sur
la bèle satire que j'ai lue contre vous dans le mercure
de France du mois de janvier ; je ne saí si avec
votre bon esprit vous feriés mieus santir le faus
et le ridicule de ces critiques et de leurs métodes
que le fait cette lètre , quel domage si on l'avoit
suprimée ! il est pourtant vrai que c'est le conble
de l'extravagance.
Je vois avec regret que vous n'avés
pas bien conpris ce que l'auteur a dit sur
l'ortografe des sons ou de l'oreille , vous
avés cela de comun avec le plus grand
nonbre des maîtres de paris mème , come
vous , ils se scandalisent , ils s'anportent,
ils donent des sènes dignes du métier ,
plutôt que de rougir utilemant , et de
songer à s'instruire , du moins en secret ,
de ce qu'ils ignorent , la chose leur seroit
aisée , puisque des enfans en peu de
mois devienent docteurs sur l'article
des sons de la langue et de l'ortografe
de l'oreille qui doit préceder la pratique
de l'ortografe des ïeus et de
l'usage. ces maitres prévenus et obstinés
autant que vous pouriez l'ètre , bien loin
de dire au Seigneur , Domine ut videam ,
apèlent lumiere leurs propres tenèbres et
ne font que batre la campagne sans comprandre
, sans saisir , sans retenir et sans
Suivre le point essenciel du burau tipografique.
vous serés peut- être convaincu
de cette verité quand vous aurés lu les
derniers мercures. D Je
*
698 MERCURE DE FRANCE
Je ne saí quelle idée vous avés du mot
charlatan , mais je doute que vous vou-
Jussiés califier ainsi un home qui au lieu
d'aler chés lui ou dans votre voisinage
jouir de toutes les comodités de la vie
et de la douceur du climat , soufre patiament
le rude séjour de paris dans la
seule esperanse de faire gouter au public
l'ouvrage qu'il souhaite de lui ofrir ; un
home qui emploie ses épargnes à faire
copier , graver , imprimer bien des choses
qu'il distribue ansuite gratis aus rìches
come aus pauvres , aus enemis come
aus amis du burau tipografique , ainsi
qu'il l'a déja pratiqué à l'égard de la brochure
donée en 1711. sur la transposition
de la musique instrumentale ; un home
qui bien loin de demander ou d'accepter
le privilege exclusif pour la vante
des buraus et de leurs garnitures , ofre
de mettre tout le monde au fait de cet
ouvrage et de cette métode ; enfin un
home qui jusqu'ici n'a pas touché un sou
pour les buraus et qui au contraire les a
pretés à ceus qui an ont voulu faire l'experiance.
si vous disiés qu'un tel auteur
est frapé et entousiasme de son ouvrage
et de la chimere du bien public , votre
reflexion aus feus de bien des jans auroit
pour lors plus de fondemant ; mais c'est
une injustice de confondre sous le nomde
charAVRI
L.. 1731.
699
charlatan , ccus qui agissent de bone foi
et par gout pour le bien public.
Vous n'ètes pas plus heureus , M. dans
le comentaire sur la celebre Charmante
de la foire , que sur l'ortografe des sons
que vous ignorés come le plus grand nonbre
de м M. vos confreres. il apert donc
visiblement que vous ne vous ètes jamais
élevé au- dessus de la métode vulgaire et
que vous devriés la respecter cette métode
, mème dans la fameuse chiène , car
je doute qu'une bète dressée par un maitre
ordinaire , pût jamais operer selon le
sistème des sons aussi aisément que selon
le sistème des lètres ; mais remarqués ,
s'il vous plaît , que la métode d'inprimer
lètre à lètre et de ranger , par example ,
sèt cartes pour le mot ouaille , est propremant
la métode vulgaire , la métode
de la chiène lètrée , ou la vôtre qui est
la segonde et moindre des quatre classes
du burau tipografique ; c'est pourquoi
l'auteur conseille de la passer vite come
presque inutile et peu instructive , au lieu
qu'inprimant son à son , et selon la troisième
classe du burau , un enfant de trois
à quatre ans ne metra que trois cartes
pour les trois sons du mot ou- a- ille , lequel
exercice done d'abord la lecture ,
puisque nomer les trois sons ou - a- ille , oų
lire le mot ouaille , c'est la mème chose ,
D ij apa-
380106
700 MERCURE DE FRANCE
aparamant vous ne comprandrés pas ceci ,
et la posterité canine ne poura jamais antreprandre
de l'imiter, que quand ce sistèmedes
sons sera devenu vulgaire.
Je ne vous suis point , M..dans toutes
vos reflexions , elles ont été faites à paris
come à Véntabrén , il y a ici du préjugé,
de la prévention , ect. mais il y a aussi
du gout pour la verité , pour la justice
et pour le bien public , après tout je me
flate que la suite des Mercures et la critique
du savant professeur anonime de
l'université de Paris , vous auront réconcilié
avec le burau tipografique , suposé
que vous soyés bien intancioné et que
vous aimiés la verité , sur tout quand vous
aprandrés par le témoignage mème de
cet habile professeur , que des principaus
de mérite et des plus respectables de l'université
ont laissé introduire l'usage du
burau dans leurs colèges , si malgré cette
de fait et d'autorité , preuve assés
forte pour les maitres qui se piquent bien
plus de latinité et d'autorité que de justesse
de raisonement , si malgré votre
droiture et ce témoignage de la bouche
d'un critique home d'esprit et de merite,
vous regimbés contre l'aiguillon , s'il
vous reste quelque doute et que vous en
fassiés part au public , je tacheraí d'y répondre
de mon mieus , dans la vue de
preuve
conAVRIL.
1731. 701
concourir à la perfection du sistème tipografique
et de vous persuader combien
je suis , etc.
D'un Cabinet tipografique ce 26.Mars 1731
ortografe , et du bureau tipografique
à la letre d'un gramairien de Provance
, datée de Ventabrén le 2. d'octobre
1730. et insérée dans le Mercure du
mois de Janvier 1731 .
' èn des jins sansés , Monsieur , ont
Betcru que votre critique étoit une fixion
de l'auteur des lètres sur la bibliotèque
des anfans ; d'autres ont dit qu'elle
étoit sortie d'un fameus colège , et sans
aucun fondemant l'ont atribuée à un très
habile professeur , dont la vraie critique
n'a
AVRIL. 1731. 693
n'a paru que dans le mois de fevrier.
De quelque androit qu'elle viène , d'autres
l'aïant trouvée pitoyable , ont dit
que ce seroit lui faire trop d'honeur que
d'y répondre sérieusement : d'autres , et
c'est le vulgaire , ont cru que par cette
critique le bureau aloit ètre ranversé de
fond en conble. La réponse n'est donc
nécessaire que pour ceus qui donent toujours
l'avantage au dernier qui parle ; mais
meritent- ils cette atancion ? oui , il faut
écouter tout le monde , bien loin de rebuter
quelcun ; le nonbre des persones
prévenues contre les nouvèles métodes , et
des adversaires du bureau tipografique ,
n'est ancore que trop grand , il faut avoir
de la condesçandance mème pour les esprits
les plus foibles , c'est donc en leur
faveur que je done cette petite réponse
assés inutile pour les vrais lecteurs qui
lisent avec reflexion .
Les homes divisés presque sur tout ,
ne le sont pas moins sur la nature deş
critiques et sur celle des ouvrages critiqués
. Les uns croient que les meilleurs
t livres gagnent par les critiques , ils n'en
exceptent pas le Cid , et les autres pensent
qu'une critique augmante toujours
en quelque manière la prévansion de la
splupart des lecteurs , mème sur la Pucelle
, etc. il pouroit y avoir du vrai dans
ces
394 MERCURE DE FRANCE
ces deus jugemans , les combinaisons du
fisic et du moral ou des circonstances an
décident ordinairemant.
Quoiqu'il an soit , on étoit déja surpris
qu'il n'ût paru aucun adversaire contre
la métode du bureau tipografique , anoncée
et expliquée dans tous les Mercures de
France , depuis le segond volume de juîn
dernier car le préjujé pour mètre tout
à profit , tire d'abor avantage du silance
gardé sur la nouveauté de quelque métode
, et conclut de ce silance , qu'elle ne
merite pas d'être critiquée : et si au contraire
il paroit des critiques , les esprits
prévenus ne saisissent et n'adoptent gue
res de ces critiques , que les raisons specieuses
qui paroissent favorables à leur
prévansion ; aveuglés sur la suite des plus
forts raisonemans , ils s'acoutument à une
espece de voile au travers duquel ne peuvent
passer les rayons les plus lumineus .
Si l'on avoit done gardé un profond
silance sur la métode du bureau tipografique
, beaucoup de persones l'auroint
peut- être mise au rang des métodes avanturées
, dont la seule lecture a dégouté et
mal prévenu le public , c'est donc un
avantage pour le sistème tipografique de
trouver des adversaires , qui contre leur
insinuation , randent le bureau plus conu
et plus recherché , après la lecture des
critiques et des réponses.
AVRIL. 1731.
69.5
Pour revenir à votre lètre , j'aurai l'honeur
de vous dire , Monsieur , que la cour
et la vile en donant favorablement audiance
aus diferans invanteurs an fait
d'art et de sciance , prouvent le bon gour
du siecle et celui du ministre. Les plus
grans personages du royaume , santent la
foiblesse de l'esprit humain , ils voient
tous les jours les besoins où nous somes
de cantité de choses pour la comodité
du public , devez -vous donc ètre surpris
d'aprendre qu'ils écoutent tout ce qu'on
leur propose; qu'ils donent toujours du
courage , souvant des éloges et mème
quelquefois des récompanses aus homes
ingenieus et invantifs , cette généreuse
conduite de la part des grans et de la
cour , inspire de nobles sentimens d'émulation
et nous raproche peu à peu de
la perfection des arts. il n'y a rien là qui
ne fasse honeur aus protecteurs et aus persones
protegées. Les plaintes contre les
abus et l'imperfection des métodes vulgaires
sont des mieus fondées , le mal est
reconu du public qui en fait l'experiance,
cela vous regarde , Monsieur, et м vos confreres
, il s'agit de trouver du remede au
mal conu , et c'est la principale fin que
s'est proposée l'auteur du sistème tipogra
fique.
rs
Je n'antre point dans le détail des afi
ches
696 MERCURE DE FRANCE
ches qui promètent des miracles literaires
, et dont vous paroissés scandalisé ,
mais j'aurois du moins souhaité que vous
ussiés atandu d'ètre mieus instruit sur la
métode du bureau tipografique , que vous
ussiés un peu plus médité votre matiere,
ou un peu plus déferé au témoignage de
l'experiance , car c'est la meilleure des afiches.
Bien loin de vous contanter de simples
exclamacions et de lieus comuns qui
ne prouvent rien , vous auriés du ataquer
le fond du sistème tipografique , mais
coment ataquer ce qu'on ne comprant
pas ? tâchez donc de comprandre , je me
Alate que la lecture des neuf lètres sur la
bibliotèque des enfans vous donera tous
les éclaircissemans que vous demandés ; il
vous est licite et permis , au reste , d'ètre
dificile et peu crédule sur les ouvrages des
nouvèles métodes , mais vous me permetrés
, s'il vous plait , de vous dire que
vous ne devriés pas paroître si extasié des
vieilles métodes dont le decri est de notorieté
publique dans votre province et
peut ètre à Véntabrén mème .
Un critique , M. a beau vouloir faire
le plaisant , il n'est pas toujours sur d'avoir
les rieurs de son côté . voici ce qu'une
persone d'esprit, après avoir lu votre critique
, écrivit à l'auteur des lètres sur la
bibliotèque des enfans.
Je
AVRIL: 1731. 697
Je vous fais mon conpliment , monsieur , sur
la bèle satire que j'ai lue contre vous dans le mercure
de France du mois de janvier ; je ne saí si avec
votre bon esprit vous feriés mieus santir le faus
et le ridicule de ces critiques et de leurs métodes
que le fait cette lètre , quel domage si on l'avoit
suprimée ! il est pourtant vrai que c'est le conble
de l'extravagance.
Je vois avec regret que vous n'avés
pas bien conpris ce que l'auteur a dit sur
l'ortografe des sons ou de l'oreille , vous
avés cela de comun avec le plus grand
nonbre des maîtres de paris mème , come
vous , ils se scandalisent , ils s'anportent,
ils donent des sènes dignes du métier ,
plutôt que de rougir utilemant , et de
songer à s'instruire , du moins en secret ,
de ce qu'ils ignorent , la chose leur seroit
aisée , puisque des enfans en peu de
mois devienent docteurs sur l'article
des sons de la langue et de l'ortografe
de l'oreille qui doit préceder la pratique
de l'ortografe des ïeus et de
l'usage. ces maitres prévenus et obstinés
autant que vous pouriez l'ètre , bien loin
de dire au Seigneur , Domine ut videam ,
apèlent lumiere leurs propres tenèbres et
ne font que batre la campagne sans comprandre
, sans saisir , sans retenir et sans
Suivre le point essenciel du burau tipografique.
vous serés peut- être convaincu
de cette verité quand vous aurés lu les
derniers мercures. D Je
*
698 MERCURE DE FRANCE
Je ne saí quelle idée vous avés du mot
charlatan , mais je doute que vous vou-
Jussiés califier ainsi un home qui au lieu
d'aler chés lui ou dans votre voisinage
jouir de toutes les comodités de la vie
et de la douceur du climat , soufre patiament
le rude séjour de paris dans la
seule esperanse de faire gouter au public
l'ouvrage qu'il souhaite de lui ofrir ; un
home qui emploie ses épargnes à faire
copier , graver , imprimer bien des choses
qu'il distribue ansuite gratis aus rìches
come aus pauvres , aus enemis come
aus amis du burau tipografique , ainsi
qu'il l'a déja pratiqué à l'égard de la brochure
donée en 1711. sur la transposition
de la musique instrumentale ; un home
qui bien loin de demander ou d'accepter
le privilege exclusif pour la vante
des buraus et de leurs garnitures , ofre
de mettre tout le monde au fait de cet
ouvrage et de cette métode ; enfin un
home qui jusqu'ici n'a pas touché un sou
pour les buraus et qui au contraire les a
pretés à ceus qui an ont voulu faire l'experiance.
si vous disiés qu'un tel auteur
est frapé et entousiasme de son ouvrage
et de la chimere du bien public , votre
reflexion aus feus de bien des jans auroit
pour lors plus de fondemant ; mais c'est
une injustice de confondre sous le nomde
charAVRI
L.. 1731.
699
charlatan , ccus qui agissent de bone foi
et par gout pour le bien public.
Vous n'ètes pas plus heureus , M. dans
le comentaire sur la celebre Charmante
de la foire , que sur l'ortografe des sons
que vous ignorés come le plus grand nonbre
de м M. vos confreres. il apert donc
visiblement que vous ne vous ètes jamais
élevé au- dessus de la métode vulgaire et
que vous devriés la respecter cette métode
, mème dans la fameuse chiène , car
je doute qu'une bète dressée par un maitre
ordinaire , pût jamais operer selon le
sistème des sons aussi aisément que selon
le sistème des lètres ; mais remarqués ,
s'il vous plaît , que la métode d'inprimer
lètre à lètre et de ranger , par example ,
sèt cartes pour le mot ouaille , est propremant
la métode vulgaire , la métode
de la chiène lètrée , ou la vôtre qui est
la segonde et moindre des quatre classes
du burau tipografique ; c'est pourquoi
l'auteur conseille de la passer vite come
presque inutile et peu instructive , au lieu
qu'inprimant son à son , et selon la troisième
classe du burau , un enfant de trois
à quatre ans ne metra que trois cartes
pour les trois sons du mot ou- a- ille , lequel
exercice done d'abord la lecture ,
puisque nomer les trois sons ou - a- ille , oų
lire le mot ouaille , c'est la mème chose ,
D ij apa-
380106
700 MERCURE DE FRANCE
aparamant vous ne comprandrés pas ceci ,
et la posterité canine ne poura jamais antreprandre
de l'imiter, que quand ce sistèmedes
sons sera devenu vulgaire.
Je ne vous suis point , M..dans toutes
vos reflexions , elles ont été faites à paris
come à Véntabrén , il y a ici du préjugé,
de la prévention , ect. mais il y a aussi
du gout pour la verité , pour la justice
et pour le bien public , après tout je me
flate que la suite des Mercures et la critique
du savant professeur anonime de
l'université de Paris , vous auront réconcilié
avec le burau tipografique , suposé
que vous soyés bien intancioné et que
vous aimiés la verité , sur tout quand vous
aprandrés par le témoignage mème de
cet habile professeur , que des principaus
de mérite et des plus respectables de l'université
ont laissé introduire l'usage du
burau dans leurs colèges , si malgré cette
de fait et d'autorité , preuve assés
forte pour les maitres qui se piquent bien
plus de latinité et d'autorité que de justesse
de raisonement , si malgré votre
droiture et ce témoignage de la bouche
d'un critique home d'esprit et de merite,
vous regimbés contre l'aiguillon , s'il
vous reste quelque doute et que vous en
fassiés part au public , je tacheraí d'y répondre
de mon mieus , dans la vue de
preuve
conAVRIL.
1731. 701
concourir à la perfection du sistème tipografique
et de vous persuader combien
je suis , etc.
D'un Cabinet tipografique ce 26.Mars 1731
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Résumé : RÉPONSE d'un partisan de la nouvèle ortografe, et du bureau tipografique à la lètre d'un gramaìrien de Provance, datée de Véntabrén le 2. d'octobre 1730. et insérée dans le Mercure du mois de Janvier 1731.
Le texte est une réponse à une lettre critique adressée à un partisan de la nouvelle orthographe et du bureau typographique. La lettre critique, datée d'octobre 1730, a suscité diverses réactions, certaines attribuant la critique à des sources spécifiques, d'autres la jugeant pitoyable ou exagérée. L'auteur de la réponse décide d'y répondre pour apaiser les esprits prévenus contre les nouvelles méthodes et pour clarifier les malentendus. Les opinions sur les critiques et les ouvrages critiqués sont divisées. Certains pensent que les critiques améliorent les livres, tandis que d'autres estiment qu'elles augmentent les préventions des lecteurs. L'auteur note que le silence sur la méthode typographique pourrait la faire passer pour aventureuse, mais que les critiques, même négatives, augmentent sa notoriété. La réponse souligne également le soutien de la cour et des grands personnages du royaume aux innovations, soulignant la nécessité de trouver des remèdes aux imperfections des méthodes vulgaires. L'auteur regrette que le critique n'ait pas mieux compris la méthode typographique et l'invite à lire les lettres sur la bibliothèque des enfants pour s'éclairer. Le texte mentionne une personne d'esprit qui, après avoir lu la critique, écrit à l'auteur des lettres sur la bibliothèque des enfants pour souligner l'extravagance de la critique. Cette personne critique les maîtres de Paris qui, comme le critique, ne comprennent pas l'orthographe des sons et préfèrent se scandaliser plutôt que de s'instruire. L'auteur de la réponse défend le bureau typographique en soulignant les efforts et les sacrifices de son promoteur, qui distribue gratuitement ses ouvrages et offre de partager sa méthode sans demander de privilège exclusif. Il critique également le manque de compréhension du critique sur des sujets comme l'orthographe des sons et la méthode vulgaire d'impression lettre à lettre. Enfin, l'auteur exprime l'espoir que la suite des Mercures et la critique d'un professeur anonyme de l'Université de Paris réconcilieront le critique avec le bureau typographique, surtout si ce dernier est bien intentionné et aime la vérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 701-704
LE LION ET LA BREBIS, FABLE.
Début :
Vous qui des grands recherchez l'assistance, [...]
Mots clefs :
Lion, Brebis, Protection, Toison, Fable, Justice, Puissance, Fourrure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE LION ET LA BREBIS, FABLE.
LE LION ET LA BREBIS ,
V
FABLE.
Ous qui des grands recherchez l'assistance ,
N'allez pas avec eux vous lier d'interêt , ´
Si vous donnez plus que la reverence 2
Vous êtes perdus pour jamais.
Un Lion , mais Lion du plus sublime étage ,
Et des plus nobles d'alentour ,
Lion puissant Siegneur , qui par haut parentage ,
Etoit des mieux venus en Cour ,
Joua , dit- on , un vilain tour ,
A la Brebis , sa voisine , peu sage.
Voici le cas ; le bêlant animal ,
Voulant s'avancer , se produire ,
Pour maîtriser ceux qui pouvoient lui naire ,
Et l'emporter sur maint et maint Rival ;
Il faut , dit- il , choisir une Puissance ,
Envers et contre tous qui puisse nous munir ,
Et réprimer l'insolence ,
De l'Escroqueur , qui contre notre engeance®,
Diij
Aima
702 MERCURE DE FRANCE
Aima toûjours tant à sevir.
Ainsi pensoit la Bête à Laine ,
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait ;
Elle court à perte d'haleine ,
Chez le Lion , pour le voir à souhait ,
Et lui faire sa réverence .
Celui- cy de bonne accointance ,.
Avec beaucoup d'affectation ,
Lui promet sa protection.
Grande amitié de part et d'autre ,
Mais par présens falloit l'entretenir ,
Seigneur Lion , le bon apôtre ,
Eût voulu déja les tenir.
D'abord on n'exigea que la simple courbette ,
Que constante assiduité :
Mais bien-tôt la Bête sujette ,
N'en fut quitte à si bon marché ;
Laissant là sa délicatesse ,
Notre Patron s'arma de hardiesse
Et la pria de lui prêter ,
Maintes feuilles qu'avoit amassé la pécore ,
Pour subsister durant l'âpre saison
Cette demande qui l'honore ,
Lui fait donner au Patron 2.
Le feuillage ,
Qu'elle avoit fait à son Village ,
Voiturer à grands frais par Maître Aliboron..
Ce ne fur tout , et comme dit l'adage ,
Plus
AVRIL. 703 1731 .
Plus on a , plus on veut avoir ,
Chez tous les Grands c'est maxime en usage.
Ainsi donc le Lion venant à concevoir ,
Que s'approchoit le tems de la froidure ,
Pensa comment d'une saison si dure ,
Il éviteroit les rigueurs ;
Puis tout à coup songeant à sa Cliente ,
>
En vain, dit- il , je me tourmente ,
Pour de chimeriques malheurs ;
Notre Brebis de sa véture ,
Nous fera chaude couverture.
Bien disoit vrai , le benin animal
De sa Toison lui fait une fourure ,
Si bien que tant que l'hyver dure ,
Le Protecteur ne ressent aucun mal.
A sa porte souvent l'autre cria misere ,
Voulut qu'on la payât et qu'on finît l'affaire .
Pas le moindre petit retour ;
Et qui pis est , la pécore bêlante ,
N'osa plaider pour un si vilain tour ;
Trop bien sçavoit que la Justice est lente ,
A condamner les gens de Cour.
Tout ce que fit la bête aux frimats exposée ,
C'est qu'à son dain déniaisée ,
N'ayant de quoi manger , ni se vétir ,
Elle jura bien fort de n'y plus revenir..
Cet Apologue est pour confondre ,
Ceux qui se livrent trop à de puissans amis ,
D. iiij
Car
704 MERCURE DE * FRANCE
A
Car il est plus d'une Brebis ,
Quipar les Grands se laisse tondre.'
Par René-Vincent Desf *** .
V
FABLE.
Ous qui des grands recherchez l'assistance ,
N'allez pas avec eux vous lier d'interêt , ´
Si vous donnez plus que la reverence 2
Vous êtes perdus pour jamais.
Un Lion , mais Lion du plus sublime étage ,
Et des plus nobles d'alentour ,
Lion puissant Siegneur , qui par haut parentage ,
Etoit des mieux venus en Cour ,
Joua , dit- on , un vilain tour ,
A la Brebis , sa voisine , peu sage.
Voici le cas ; le bêlant animal ,
Voulant s'avancer , se produire ,
Pour maîtriser ceux qui pouvoient lui naire ,
Et l'emporter sur maint et maint Rival ;
Il faut , dit- il , choisir une Puissance ,
Envers et contre tous qui puisse nous munir ,
Et réprimer l'insolence ,
De l'Escroqueur , qui contre notre engeance®,
Diij
Aima
702 MERCURE DE FRANCE
Aima toûjours tant à sevir.
Ainsi pensoit la Bête à Laine ,
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait ;
Elle court à perte d'haleine ,
Chez le Lion , pour le voir à souhait ,
Et lui faire sa réverence .
Celui- cy de bonne accointance ,.
Avec beaucoup d'affectation ,
Lui promet sa protection.
Grande amitié de part et d'autre ,
Mais par présens falloit l'entretenir ,
Seigneur Lion , le bon apôtre ,
Eût voulu déja les tenir.
D'abord on n'exigea que la simple courbette ,
Que constante assiduité :
Mais bien-tôt la Bête sujette ,
N'en fut quitte à si bon marché ;
Laissant là sa délicatesse ,
Notre Patron s'arma de hardiesse
Et la pria de lui prêter ,
Maintes feuilles qu'avoit amassé la pécore ,
Pour subsister durant l'âpre saison
Cette demande qui l'honore ,
Lui fait donner au Patron 2.
Le feuillage ,
Qu'elle avoit fait à son Village ,
Voiturer à grands frais par Maître Aliboron..
Ce ne fur tout , et comme dit l'adage ,
Plus
AVRIL. 703 1731 .
Plus on a , plus on veut avoir ,
Chez tous les Grands c'est maxime en usage.
Ainsi donc le Lion venant à concevoir ,
Que s'approchoit le tems de la froidure ,
Pensa comment d'une saison si dure ,
Il éviteroit les rigueurs ;
Puis tout à coup songeant à sa Cliente ,
>
En vain, dit- il , je me tourmente ,
Pour de chimeriques malheurs ;
Notre Brebis de sa véture ,
Nous fera chaude couverture.
Bien disoit vrai , le benin animal
De sa Toison lui fait une fourure ,
Si bien que tant que l'hyver dure ,
Le Protecteur ne ressent aucun mal.
A sa porte souvent l'autre cria misere ,
Voulut qu'on la payât et qu'on finît l'affaire .
Pas le moindre petit retour ;
Et qui pis est , la pécore bêlante ,
N'osa plaider pour un si vilain tour ;
Trop bien sçavoit que la Justice est lente ,
A condamner les gens de Cour.
Tout ce que fit la bête aux frimats exposée ,
C'est qu'à son dain déniaisée ,
N'ayant de quoi manger , ni se vétir ,
Elle jura bien fort de n'y plus revenir..
Cet Apologue est pour confondre ,
Ceux qui se livrent trop à de puissans amis ,
D. iiij
Car
704 MERCURE DE * FRANCE
A
Car il est plus d'une Brebis ,
Quipar les Grands se laisse tondre.'
Par René-Vincent Desf *** .
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Résumé : LE LION ET LA BREBIS, FABLE.
La fable 'Le Lion et la Brebis' relate l'histoire d'une brebis cherchant protection auprès d'un lion puissant. Le lion accepte de la protéger en échange de présents. Initialement, il demande de la courbette et de l'assiduité, puis exige des feuilles que la brebis a amassées pour l'hiver. La brebis, soumise, lui fournit ce qu'il demande. Lorsque l'hiver arrive, le lion utilise la laine de la brebis pour se couvrir sans compensation. La brebis, malgré ses plaintes, n'ose pas réclamer justice, sachant que les puissants sont protégés par la lenteur de la justice. Elle finit par jurer de ne plus jamais chercher la protection des grands. Cette fable met en garde contre les dangers de s'allier à des puissants qui peuvent exploiter et abandonner ceux qui leur font confiance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 704-706
SOURIS nourrie par une Chatte. Extrait d'une Lettre écrite à M. D. L. R. par M. A. C. D. V. D. le 19. Janvier 1731.
Début :
Le fait qu'on vous a rapporté plusieurs fois, en passant et en repassant [...]
Mots clefs :
Chatte, Souris, Évreux, Férocité, Réflexions, Antipathie naturelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SOURIS nourrie par une Chatte. Extrait d'une Lettre écrite à M. D. L. R. par M. A. C. D. V. D. le 19. Janvier 1731.
SOURIS nourrie par une Chatte. Extrait
d'une Lettre écrite à M. D. L. R..
par M. A. C. D. V. D. le 19. Fanvier
1731.
Lie
E fait qu'on vous a rapporté plusieurs
fois , en passant et en repassant
par notre Ville , lorsque vous fréquentiez
la Normandie , et que vous me
rappellez dans votre derniere Lettre ,
avec prière de vous en bien marquer tou
tes les circonstances ; ce fait , dis -je , est
très-certain , et tel que je vais vous le
narrer.
En l'année 1664. dans cette Ville d'Evreux
, une Chatte ayant mis bas ses petits
chez le nommé Dupuis, ruë Trienne;
ce Dupuis trouva dans le même temps
une nichée de Souris dans sa maison
qu'il porta à sa Chatte. Elle les mangea
toutes , à la réserve d'une seule , qui
par hazard se trouva cachée sous elle ;
la petite Souris sucçoit le lait qui dégou
toit de la gueule des petits Chats , qui
tettoient
AVRIL. 1731. 701
tettoient leur mere. Cette Souris n'eut
pas plutôt gouté du lait de la Chatte
que celle- cy dépoüilla , pour ainsi dire ,
sa ferocité et son antipatie naturelle , caressa
la Souris et la nourrit , avec ses petits
Chats . Quelques Vieillards de ce temslà
certifient la chose comme témoins oculaires
; on la trouve écrite à peu près de
même dans les Memoires de feu M.Ruault,
Avocat d'Evreux , homme des plus sçavans
, des plus curieux , des moins crédules
de notre Province , qui a laissé quantité
de Memoires historiques , et dont
vous connoissez la réputation et les enfans
; voici comment finit le narré de notre
illustre Compatriote sur ce fait singulier.
»Presque toute la Ville alla voir
»cette Souris nourrie par une Chatte , j'y
allai moi-même , et je vis un Particu
lier prendre la Souris sous la Chatte er
>> la mettre au milieu de la Chambre. La
>> Chatte sortit aussi-tôt du lieu où elle
» étoit , reprit la Souris dans sa gueule ,
» la reporta sans lui faire aucun mal avec
» ses petits Chats , et lui fit des caresses
» surprenantes .
Ce fait , encore une fois , dont j'ai en
tendu parler toute ma vie , et dont nous
avons encore des temoins , se trouve tel que
je viens de vous le dire dans les Memoires
d'un vrai Sçavant , reconnu pour
tel
Dv
et
706 MERCURE DE FRANCE
et incapable d'en imposer au Public. M
fait même là - dessus quelques Refléxions
en Physicien , et en particulier sur la force
du fait , qui a , dit il , produit un effet
si contraire à la nature de ces deux Animaux
; mais je supprime et les Reflexions.
et les consequences qu'il en tire par rapport
aux Meres et aux Nourrices , pour
Jaisser à nos Physiciens modernes une entiere
liberté de méditer et de s'expliquer
sur un fait si extraordinaire.
d'une Lettre écrite à M. D. L. R..
par M. A. C. D. V. D. le 19. Fanvier
1731.
Lie
E fait qu'on vous a rapporté plusieurs
fois , en passant et en repassant
par notre Ville , lorsque vous fréquentiez
la Normandie , et que vous me
rappellez dans votre derniere Lettre ,
avec prière de vous en bien marquer tou
tes les circonstances ; ce fait , dis -je , est
très-certain , et tel que je vais vous le
narrer.
En l'année 1664. dans cette Ville d'Evreux
, une Chatte ayant mis bas ses petits
chez le nommé Dupuis, ruë Trienne;
ce Dupuis trouva dans le même temps
une nichée de Souris dans sa maison
qu'il porta à sa Chatte. Elle les mangea
toutes , à la réserve d'une seule , qui
par hazard se trouva cachée sous elle ;
la petite Souris sucçoit le lait qui dégou
toit de la gueule des petits Chats , qui
tettoient
AVRIL. 1731. 701
tettoient leur mere. Cette Souris n'eut
pas plutôt gouté du lait de la Chatte
que celle- cy dépoüilla , pour ainsi dire ,
sa ferocité et son antipatie naturelle , caressa
la Souris et la nourrit , avec ses petits
Chats . Quelques Vieillards de ce temslà
certifient la chose comme témoins oculaires
; on la trouve écrite à peu près de
même dans les Memoires de feu M.Ruault,
Avocat d'Evreux , homme des plus sçavans
, des plus curieux , des moins crédules
de notre Province , qui a laissé quantité
de Memoires historiques , et dont
vous connoissez la réputation et les enfans
; voici comment finit le narré de notre
illustre Compatriote sur ce fait singulier.
»Presque toute la Ville alla voir
»cette Souris nourrie par une Chatte , j'y
allai moi-même , et je vis un Particu
lier prendre la Souris sous la Chatte er
>> la mettre au milieu de la Chambre. La
>> Chatte sortit aussi-tôt du lieu où elle
» étoit , reprit la Souris dans sa gueule ,
» la reporta sans lui faire aucun mal avec
» ses petits Chats , et lui fit des caresses
» surprenantes .
Ce fait , encore une fois , dont j'ai en
tendu parler toute ma vie , et dont nous
avons encore des temoins , se trouve tel que
je viens de vous le dire dans les Memoires
d'un vrai Sçavant , reconnu pour
tel
Dv
et
706 MERCURE DE FRANCE
et incapable d'en imposer au Public. M
fait même là - dessus quelques Refléxions
en Physicien , et en particulier sur la force
du fait , qui a , dit il , produit un effet
si contraire à la nature de ces deux Animaux
; mais je supprime et les Reflexions.
et les consequences qu'il en tire par rapport
aux Meres et aux Nourrices , pour
Jaisser à nos Physiciens modernes une entiere
liberté de méditer et de s'expliquer
sur un fait si extraordinaire.
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Résumé : SOURIS nourrie par une Chatte. Extrait d'une Lettre écrite à M. D. L. R. par M. A. C. D. V. D. le 19. Janvier 1731.
En 1731, M. A. C. D. V. D. rapporte un événement survenu en 1664 à Évreux. Une chatte, ayant mis bas chez un certain Dupuis, se retrouva avec une nichée de souris. Elle en mangea toutes sauf une, qui se cachait. Cette souris, ayant goûté au lait de la chatte, fut adoptée et nourrie avec les chatons. Plusieurs témoins, dont des vieillards et l'avocat M. Ruault, confirmèrent ce fait. M. Ruault, connu pour sa curiosité et son sérieux, décrivit la scène où la chatte protégeait et caressait la souris. Ce récit, attesté par des témoins et des mémoires historiques, reste un sujet d'étude pour les physiciens modernes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 706-707
ENIGME.
Début :
Je suis un beau petit Palais, [...]
Mots clefs :
Lanterne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIG ME.
E suis un beau petit Palais,
Bâti d'une aimable structure ,
Sans employer pour moi l'Art de l'Architecture;
On me construit à peu de frais.
J'ai cependant gentille couverture ;
Mansarde quelquefois , fenêtres et tréineaux
Et tous les ornemens des Palais les plus beaux.
Je n'ai jamais qu'un seul étage ,
Et qu'un Salon pour tout Appartement :
C'est là qu'une Beauté , quoiqu'en mince équi
page ,
Vient se loger superbement..
Je fus jadis compagne inséparable
D'un Sage de l'Antiquité.
2
Mais
AVRIL 1731. 707
J Mais quelle calomnie inhumaine , execrable
N'ont point fait les Mortels de moi , de ma
beauté !
> Ils ont poussé la cruauté
Jusques me tacher de cet Art, redoutable ,
Dont on brule àRouen quiconque en est coupable.
E suis un beau petit Palais,
Bâti d'une aimable structure ,
Sans employer pour moi l'Art de l'Architecture;
On me construit à peu de frais.
J'ai cependant gentille couverture ;
Mansarde quelquefois , fenêtres et tréineaux
Et tous les ornemens des Palais les plus beaux.
Je n'ai jamais qu'un seul étage ,
Et qu'un Salon pour tout Appartement :
C'est là qu'une Beauté , quoiqu'en mince équi
page ,
Vient se loger superbement..
Je fus jadis compagne inséparable
D'un Sage de l'Antiquité.
2
Mais
AVRIL 1731. 707
J Mais quelle calomnie inhumaine , execrable
N'ont point fait les Mortels de moi , de ma
beauté !
> Ils ont poussé la cruauté
Jusques me tacher de cet Art, redoutable ,
Dont on brule àRouen quiconque en est coupable.
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14
p. 707-709
LOGOGRYPHE à Madame de G.
Début :
Oui, j'ose, Iris, me flater en secret, [...]
Mots clefs :
Claire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE à Madame de G.
LOGOGRYPHE à Madame de G.
Par M. du P. d'Arras.
OU
Qui
Ui , j'ose , Iris , me flater en secret ,
Que ce présent aura de quoi vous plaire :
Je le puis bien sans être témeraire ,
Puisque chez vous j'en ai pris le sujet.
On me prend en deux sens ; le premier vous
presente ,
Le nom de plus d'une Beauté ,
Au second je suis qualité ,
Qui rend le vin brillant et l'Onde transparente
Six lettres font mon tout ; prises diversement ,
Elles vous formeront maint objet different ,
Prenez- les enchiffrez ; la route est plus aisée ;.
Un, trois, quatre, cinq, six , je suis Ville vantée
Trois , quatre , cinq , sans moi nul ne peut respirer
;
Trois , quatre , cinq , puis six , double Ville -de
France 2
De mon sein vous tirez tous votre subsistance ;
Quatre , cinq , six , je suis deffaut à eviter,
Dvj Deux.
708 MERCURE DE FRANCE.
Deux, quatre , trois , je fus femme de Patriarche
Trois, quatre , deux et six, chose utile à l'Oiseau,
Deux , quatre , six , je naîs dans le fond d'un
tonneau.
Trois , quatre , la douleur avec moi toujours
marche ,
Quatre , trois , cinq et six , jeune présomptueux,
Je péris en quittant les traces de mon pere ;
Deux , trois , quatre , puis six , je suis bête très→
fiere ;
Un, quatre, six et deux , l'objet de tous vos voeux;
Cinq , six , ou bien deux , trois , je sers à la Musique
;
Deux, quatre, un, six , heureux qui ne me court
en vain ;
Trois , cinq et un , jadis funeste au genre hu
main ;
Je sçais plaire à present au plus mélancolique ,
Trois , un, cinq , six , j'aurai de quoi picquer le
goût ,
Mille en païs lointain , mesure en Normandie ;
Un , trois , cinq , quatre , six , Province de l'Asie.
Deux, trois , quatre , cinq , six , refrein connu
par tout ,
Un , trois , deux , six , malheur à qui je sers de
gîte ;
Un , cinq et quatre , on peut m'entendre de bien ,
loin.
Un , quatre, cinq et six , une Mouche avec soin
Me forme et m'embellit ; un , trois , deux , d'aller
vîte ; Je
AVRIL.
1731. 709
Je puis bien empêcher le plus leger pieton :
Deux , trois , un > vous voyez qantité d'eau dor →
mante ;
Trois , quatre , deux , je suis d'une odeur trèspicquante..
Un , deux et six , sans moi nul n'entre en sa
maison ;
Deux , quatre , cinq et six , on me voit toujours.
lire.
Un , deux, trois , quatre , cinq , je suis nom mas◄
culin ;
P
Deux , trois , quatre , puis un , au Service divin
Je ne puis qu'assister ... je n'ai plus rien à dire.
Par M. du P. d'Arras.
OU
Qui
Ui , j'ose , Iris , me flater en secret ,
Que ce présent aura de quoi vous plaire :
Je le puis bien sans être témeraire ,
Puisque chez vous j'en ai pris le sujet.
On me prend en deux sens ; le premier vous
presente ,
Le nom de plus d'une Beauté ,
Au second je suis qualité ,
Qui rend le vin brillant et l'Onde transparente
Six lettres font mon tout ; prises diversement ,
Elles vous formeront maint objet different ,
Prenez- les enchiffrez ; la route est plus aisée ;.
Un, trois, quatre, cinq, six , je suis Ville vantée
Trois , quatre , cinq , sans moi nul ne peut respirer
;
Trois , quatre , cinq , puis six , double Ville -de
France 2
De mon sein vous tirez tous votre subsistance ;
Quatre , cinq , six , je suis deffaut à eviter,
Dvj Deux.
708 MERCURE DE FRANCE.
Deux, quatre , trois , je fus femme de Patriarche
Trois, quatre , deux et six, chose utile à l'Oiseau,
Deux , quatre , six , je naîs dans le fond d'un
tonneau.
Trois , quatre , la douleur avec moi toujours
marche ,
Quatre , trois , cinq et six , jeune présomptueux,
Je péris en quittant les traces de mon pere ;
Deux , trois , quatre , puis six , je suis bête très→
fiere ;
Un, quatre, six et deux , l'objet de tous vos voeux;
Cinq , six , ou bien deux , trois , je sers à la Musique
;
Deux, quatre, un, six , heureux qui ne me court
en vain ;
Trois , cinq et un , jadis funeste au genre hu
main ;
Je sçais plaire à present au plus mélancolique ,
Trois , un, cinq , six , j'aurai de quoi picquer le
goût ,
Mille en païs lointain , mesure en Normandie ;
Un , trois , cinq , quatre , six , Province de l'Asie.
Deux, trois , quatre , cinq , six , refrein connu
par tout ,
Un , trois , deux , six , malheur à qui je sers de
gîte ;
Un , cinq et quatre , on peut m'entendre de bien ,
loin.
Un , quatre, cinq et six , une Mouche avec soin
Me forme et m'embellit ; un , trois , deux , d'aller
vîte ; Je
AVRIL.
1731. 709
Je puis bien empêcher le plus leger pieton :
Deux , trois , un > vous voyez qantité d'eau dor →
mante ;
Trois , quatre , deux , je suis d'une odeur trèspicquante..
Un , deux et six , sans moi nul n'entre en sa
maison ;
Deux , quatre , cinq et six , on me voit toujours.
lire.
Un , deux, trois , quatre , cinq , je suis nom mas◄
culin ;
P
Deux , trois , quatre , puis un , au Service divin
Je ne puis qu'assister ... je n'ai plus rien à dire.
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15
p. 709-710
AUTRE LOGOGRYPHE.
Début :
Cinq membres composent mon corps ; [...]
Mots clefs :
Pavie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE LOGOGRYPHE.
AÚTRE LOGO GRYP HE .
Cinq
membres
composent mon corps ;,
Je nomme une fameuse Ville ,
Qui vit sa Campagne fertile ,
Pleine de Captifs et de Morts.
Pour trouver une Ville en France ,
Prenez mes trois membres premiers ;
Vous verrez dans mes trois derniers .
Par où l'homme a son existence,
"
I1 naît un magnifique fruit ,
Des quatre premieres parties ;
Les deux dernieres assorties
A ma tête qui les conduit ,
Font d'un animal volatile,
2.
Re
710 MERCURE
DE FRANCE
Reconnoître aisément le nom .
( Tel se nommoit en grand renom ,
Le Coursier d'un Guerrier habile . )
La troisiéme de mon tout
part
Au mot précedent ajoûtée ,
Est l'instrument d'une Jettée ,
Quand on l'éguize par un bout.
Retranches de ma forme entiere ,
Mes membres , troisième et second
Combinez , c'est l'étui fécond ,
D'une nourrissante matiere ...
Par Anagrame , un vêtement ,
S'offre en ôtant mon second membre.
Deux lettres dont on me démembre
Font éclore un amusement..
Supprimez ma derniere lettre
Transposez mes membres divers
Alors remanié , je sers ,
A regarder par la fenêtre .
Enfin arrachez - moi le coeur
Mon reste devient le salaire ,
Qui de l'indigent militaire ,
Nourrit la force et la vigueur.
2:
Par M. le Besgue , Chanoine de Gerberoy
Cinq
membres
composent mon corps ;,
Je nomme une fameuse Ville ,
Qui vit sa Campagne fertile ,
Pleine de Captifs et de Morts.
Pour trouver une Ville en France ,
Prenez mes trois membres premiers ;
Vous verrez dans mes trois derniers .
Par où l'homme a son existence,
"
I1 naît un magnifique fruit ,
Des quatre premieres parties ;
Les deux dernieres assorties
A ma tête qui les conduit ,
Font d'un animal volatile,
2.
Re
710 MERCURE
DE FRANCE
Reconnoître aisément le nom .
( Tel se nommoit en grand renom ,
Le Coursier d'un Guerrier habile . )
La troisiéme de mon tout
part
Au mot précedent ajoûtée ,
Est l'instrument d'une Jettée ,
Quand on l'éguize par un bout.
Retranches de ma forme entiere ,
Mes membres , troisième et second
Combinez , c'est l'étui fécond ,
D'une nourrissante matiere ...
Par Anagrame , un vêtement ,
S'offre en ôtant mon second membre.
Deux lettres dont on me démembre
Font éclore un amusement..
Supprimez ma derniere lettre
Transposez mes membres divers
Alors remanié , je sers ,
A regarder par la fenêtre .
Enfin arrachez - moi le coeur
Mon reste devient le salaire ,
Qui de l'indigent militaire ,
Nourrit la force et la vigueur.
2:
Par M. le Besgue , Chanoine de Gerberoy
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16
p. 710
« L'Enigme et les deux Logogryphes du mois dernier se doivent expliquer par [...] »
Début :
L'Enigme et les deux Logogryphes du mois dernier se doivent expliquer par [...]
Mots clefs :
Girouette, Sanglier, Aigle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Enigme et les deux Logogryphes du mois dernier se doivent expliquer par [...] »
L'Enigme et les deux Logogryphes du
mois dernier se doivent expliquer par
Gironate , Sanglier et Aigle,
mois dernier se doivent expliquer par
Gironate , Sanglier et Aigle,
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