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1
p. 202-227
Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Début :
Je viens à l'Article que je vous ay promis du Carnaval [...]
Mots clefs :
Monseigneur le Dauphin, Mademoiselle , Marquis, Avocat, Mascarade, Duc de Bourbon, Carnaval, Habits, Cour, Prince, Trompettes, Timbales, Course, Comte, Divertissement, Quadrille, Opéra, Bal, Comédie, Madame la Dauphine, Déguisements, Richesse, Mademoiselle , Armes, Cortège, Couleur, Foire
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texteReconnaissance textuelle : Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Je viens à l'Article que je
vous ay promis du Carnaval
de la Cour , pendant les mois
GALANT. 203.
de Janvier & de Fevrier. Les
Divertiffemens n'y ont point
ceffé. L'Opera de Roland y
a efté repreſenté une fois cha
que Semaine , & il y avoit al
ternativement Bal , Comedie
& Opera. Toute la Cour a
maſqué ſept fois , & auroit
continué à fe donner ce plaifir
, fi la mort du Roy d'Angleterre
n'euft interrompu
pour quelques jours tous les
Divertiffemens. Chaque jour
de Maſcarade , Monſeigneur
le Dauphin changeoit quatre
ou cinq fois d'habits , où l'on
n'oublioit rien pour empef
204 MERCURE
cher qu'il ne fuft reconnu. I
furprit toute l'Affemblée dans
la premiere Mafcarade , avec
un habit de Chauve fouris ..
La magnificence & l'invention
ont paru dans tous les
déguiſemens de Monſieur le
Duc. Les habits de fa Troupe.
eſtoient à cette premiereMafcarade
de grandes Robes , de
differentes couleurs , diverfement
& richement chamarées
, d'où fortoit un Col qui
s'élevoit fort haut , & s'abaiſ
foit , & fur lequel paroiffoit
une tefte d'Animal , coeffée
en Chauve fouris. Monfieur
GALANT. 205
le Duc de Bourbon , qui étoit
fous l'une de ces Machines,
avoit un habit de Femme de
Strasbourg. Mademoiſelle de
Bourbon , qui eftoit ſous une
autre , en avoit un de Magicienne,
& les Filles d'honneur
de Madame la Dauphine,
qui en rempliffoient d'autres,
eftoient diverſement vétuës .
Je ne dois pas oublier icy à
vous dire , que Monfieur le
Duc de Bourbon n'avoit encor
fait de fejour à la Cour,
que pendant ce Carnaval , &
qu'il y a paru au fortir de fes
Etudes , avec un air , des ma
206 MERCURE
nieres , & un eſprit auffi libre
que s'il y euft paffé fes premieres
années , & qu'il cust
eu un âge plus avancé . Le
fecond jour qu'on maſqua,
la Maſcarade
de Monſeigneur
le Dauphin repreſentoit toute
la Troupe Italienne . Ce Prin
ce eftoit veſtu en Docteur.
Ceux qui formoient cette
Mafcarade , eftoient Monfieur
le Prince de Conty,
Monfieur le Prince de la
Roche-fur-Yon , M' le Prince
de Turenne , M' le Duc de
Roquelaure , Miles Marquis
de Bellefonds
, d'Alincour
,
GALANT. 207
& de Liancour. Madame la
Dauphine , fit ce jour là une
Mafcarade de Perroquets
,
Monfieur le Duc de Bourbon
parut avec un riche habit
de Seigneur Hongrois , &
Mademoiſelle de Bourbon,
avec un habit de Païfane,
d'une proprieté furprenante.
Monfieur le Duc du Maine,
fe fit admirer le mefme jour,
avec une Maſcarade de petits
vieillards & de petites vieilles.
Rien n'a paru plus beau , &
l'on ne pouvoit ſe laſſer de
les regarder. Ceux qui compofoient
cette Mafcarade ་་
208 MERCURE
eftoient , Monfieur le Duc
du Mayne , Monfieur le
Comte de Thoulouſe , M' de
Manfini , Mi le Marquis de
la Vrilliere , Mademoiſelle de
Nantes , Mademoiſelle de
Blois , & Mademoiſelle de
Château - neuf.
Dans la troifiéme Maſcarade
, Monſeigneur le Dauphin
parut d'abort déguisé
avec quatre vifages. Enfuite,
prit un habit de Flamande
avec un Mafque de Perroquet
, & changea à fon ordinaire
quatre ou cinq fois
d'habit. Monfieur le Duc de
GALANT. 209
Bourbon , parut ce foir là..
avec un habit de Noble Venitien
, & Mademoiſelle de :
Bourbon s'y fit remarquer
par la propreté , & la richeffe
d'un habit magnifique. Toute
la Cour maſqua ce foir là ,,
& le mélange des habits gro
tefques , & fuperbes , eftant
fort agréable à la vuë , divertit
beaucoup.
Le quatrième jour qu'on
mafqua , Monfeigneur le
Dauphin mit pour premier:
habit celuy d'un Operateur,
& tirant feulement un petit
cordon , il parut en un inftant
Mars 1685, Si
210 MERCURE
vétu en grand Seigneur Chinois
. Des changemens auffi
furprenans le firent paroiftre
encore le mefme foir avec
deux autres habits . Monfieur
le Duc de Bourbon mit ce
foir-là un habit de Païfan,
auffi riche que bien entendu .
Monfieur le Duc de Mortemar
, qui fe diftingue en tout
ce qu'il fait , vint à l'Affemblée
du mefme jour avec un
habit tout formé de Manchons
jufqu'à la coëffure. Ils
étoient de differentes couleurs
. Il avoit une Palatine
pour Cravate , & un Mafque
GALANT. 211
qui imitoit le vifage d'un
homme tout tranfi de froid .
Sa barbe paroiffoit toute ge
lée , & les glaçons y pen
doient . Il euft eſté impoflibie
de le reconnoiftre s'il ne te
fuft pas découvert luy- même.
Neuf Quilles & la Boulle fe
trouverent dans le Balle jour
de la cinquiéme Affemblée;
c'eftoit la Mafcarade de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux
qui reprefentoient ces Quilles.
eftoient affis deffous , & de
petites feneftres leur donnoient
de l'air ; jugez par la
de leur contour , & de leur
Sij
212 MERCURE
hauteur ; elles eftoient peintes
de diverfes couleurs . Monſeigneur
le Dauphin fit paroiftrebeaucoup
d'agilité dans quelques-
uns des habits qu'il prit
le refte de la Soirée , les uns,
n'en demandant pas tant que:
les autres . Monfieur le Comte
de Thouloufe fe fit adinirer
en Scaramouche, & l'on n'au
roit pas eu de peine à le pren
dre pour un Amour déguiſé.
Monfieur le Duc de Bourbon
, Mademoiſelle de Bourbon
ne maſquerent ce foir- là
qu'en Avocats , mais ce fut
avec une propreté qui faifoit
GALANT 213
affez connoiftre que les Robes
de ces Avocats - là n'avoient
jamais effuyé la pouf
frere du Palais .
La Mafcarade des Cris de
Paris fut la fixiéme de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux,
qui accompagnoient ce Prince,
étoient Monfieur le Prince.
de Conty, Monfieur le Prince:
de la Roche-fur-Yon , M' le
Grand Prieur, M' le Prince de
Türenne , M le Comte de
Brienne , M' le Prince de
Thingry, M' le Marquis d'Alincourt
, M' le Marquis de:
Courtenyau M de la Roche214
MERCURE
guion , M' de Liencourt, M
de Grignan , & M ' du S.
Efteve. Selon les Meftiers
qu'ils
reprefentoient , ils por
toient ce qu'il y avoit de plus
delicat à boire & à manger, &
quelques uns portoient jufqu'à
des Boutiques garnies.
de ce qui regardoit leur Perfonage
. Monfieur le Duc de
Bourbon , & Mademoiſelle
de Bourbon vinrent ce foirlà
au Bal avec une Troupe de
huit Perfonnnes , dont les ha
bits reprefentoient des Pavil
lons . La Mafcarade de Monfieur
le Duc du Mayne , qui
GALANT. 215
Voicy
parut le mefme foir , étoit de
dix Seigneurs Chinois , & de
cinq Dames Chinoiſes , avec
des habits auſſi magnifiques
,
que bien imaginez .
les Noms de ceux qui compofoient
cette Mafcarade ;
Monfieur le Duc du Mayne,
Monfieur le Comte de Thouloufe
M' de Mancini , M' le
Comte de Cruffol , M de Duras,
M ' de Sully , M' de Gri
gnan , M' le Marquis de la
Vrilliere , M' de Soyecourt,
M' Bontemps, Mademoiſelle
de Nantes , Mademoiſelle de
Blois , Mademoiſelle d'Ufez ,
216 MERCURE
Mademoiſelle de Senneterre,
Mademoiſelle de Chafteauneuf.
Quelques jours avant la
fin du Carnaval Monfeigneur
le Dauphin ayant refolu de
faire une Courſe de Teftes
en maniere de petit Carouſel,
avec des Quadriles , on cher
cha un Sujet, on imagina des
Habits, on les fit, on s'exerça,
& l'on courut enfin fix
jours apres qu'on cut refolu
ce divertiffement . La France
feule eft capable d'executer
des chofes de cette nature en
fi peu de temps . Vous en ſe-.
rez furpriſe , quand vous au
rezz
GALANT. 217
rez ſçeu ce que j'ay à vous en
dire . Le Dimanche de Fevrier,
le
4.
Roy,Madame la Dauphine,
& toute la Cour fe ren-,
dirent à trois heures apres
midy fur les Amphitheatres
du Manege découvert de
Verfailles. La Quadrille de
Monfeigneur le Dauphin entra
auffi- toft dans la Carriere,
au fon des Timbales & des
Trompettes , les Armes de
cette Quadrille eftoient noir
& or , les habits de deffous
noirs & brodez d'or , & toutes
les plumes tant des Hom
mes que des Chevaux étoient
Mars 1685.
T
218 MERCURE
blanches , & les garnitures de
mefme. M le Marquis de
Dangeau , fous le nom de
Charlemagne , entra le premier
comme luge du Camp.
Monfeigneur le Dauphin,
eftoit fous le nom de Zerbin;
Mr le Prince de Tingry, fous
celuy de Renaud ; M' de la
Roche Guyon , fous celuy
d'Aquilan le noir , M' le
Marquis de Liancour , fous
celuy de Grifon le blanc ;
& M' le Marquis d'Antin ,
fous celuy de Roland. La feconde
Quadrille entra auffitoft
apres , précedée de fes
GALANT. 219
Trompettes , & de ſes Timbales
. Les couleurs de cette
Quadrille eftoient or & vert,
avec des plumes blanches, &
mouchetées de vert . M' le
Duc de Gramont eftoit Juge
du Camp. Il entra le premier
fous le nom d'Agra
mant . Monfieur le Prince de
la Roche-fur-Yon , avoit celuy
de Mandricard; M le Duc
de Vandofme , celuy de Gradaffe
, M' le Prince de Turenne
, celuy de Roger ; M' le
Comte de Briône , celuy de
Rodomont
; & M' le Marquis
d'Alincour , celuy de Sacri-
Tij
220 MERCURE
"
pant. On ne peut avoir plus
de fatisfaction
que cette
Courſe en donna aux Spectateurs
, ny meriter plus d'aplaudiffemens
que Monfeigneur
le Dauphin , qui eft le
Prince du Monde , qui a la
meilleure grace les Armes à
la main. Apres une fort
longue difpute , le Prix de
meura à la feconde Quadrille,
& ceux qui la compofoient
le difputerent long - temps entr'eux
; mais enfin , M' le
Prince de Turenne l'emporta
, & reçut de la main du
Roy , au fon des Timbales,
GALANT. 221
& des Trompettes , une Epée
d'or avec de riches Boucles .
Mr du Mont Ecuyer de Monfeigneur
le Dauphin , montoit
un Cheval nud qu'il gouvernoit
, comme auroit pû
faire le plus habile Ecuyer à
qui rien n'auroit manqué,
pour bien manier un Cheval,
fur lequel il auroit eſtémonté.
Je croy que vous fçavez
de quelle maniere fe fait cette
Courſe de teftes. Il faut .
d'abord enemporter une avec
la Lance ; puis on en darde
une autre , on ſe retourne en
faite vers la Meduſe que l'on
T iij
222 MERCURE
darde auffi , apres quoy on
emporte
à l'épée la derniere
tefte , qui eft plus baffe que
les autres. Ie vous
envoyeray
le mois prochain
les Devife's
de tous ceux qui eftoient
de
cette Courſe. Le lendemain
on reprefenta
l'Opera
d'Amadis
à Verſailles . Le Roy
ne l'avoit point encore veu ,
parce que cet Opera
avoit
paru dans l'année de la mort
de la Reyne , & vous fçavez
que pendant
ce temps , le
Roy n'a pris aucun divertiſ
fement. Le jour ſuivant
qui
eftoit le dernier du Carnaval,
GALANT. 223
la Mafcarade deMonfeigneur
le Dauphin , eftoit d'un Marquis
de Mafcarille porté en
Chaife , avec un équipage
convenable à fon fracas d'ajuſtement,
Monfieur le Comte
de Thoulouſe maſqua ce
foir là avec un habit de Perfan,
& charma toute la Cour.
Parmy les Maſcarades qui ont
le plus diverty , il y en a cu
une de Suiffes , qui a donué
un fort grand plaifir , & dont
l'invention caufa beaucoup
de furprife. Toutes les fois
que Madame la Dauphine a
dancé , pendant les jours de-
T iiij
224 MERCURE
ftinez aux Mafcarades , fa
bonne grace & la jufteſſe de
fon oreille ont toûjours paru ."
Madame la Princeffe de Conty
s'y eft fouvent fait admirer
fous plufieurs habits , mais
fur tout avec un habit Grec,
dont on fut tellement charmé
, que plufieurs en firent
faire de femblables pour les
Bals fuivans . Mes Dames les
Marquifes de Richelieu & de
Bellefonds, fe font fort diftinguées
par divers habits auffi
riches que bien entendus , &
Madame la Marquiſe de Seignelay
a auffi brillé de la mef
1
GALANT. 229
me forte , & fur tout avec un
habit à la Hongroiſe . Je ferois
trop long fi j'entrois dans le
detail de toutes celles qui en
ont eu de tres riches en maf
quant. Quoy que ces habits
n'euffent le Caractere d'aucune
Nation , ils n'en eftoient
ny moins beaux , ny moins
magnifiques , ny moins bien
entendus , & n'en paroient
pas moins les Dames qui les
portoient. Il y a eu encore
un divertiffement , qui pour
n'avoir pas efté du nombre
des Mafcarades qui fe
font faites chez le Roy , n'a
226 MERCURE
pas laiffé d'eftre un des plus
agréables , dont on ayt ja
mais entendu parler. Le Roy
eftant entré un foir chez Madame
de Montefpan , fut furpris
de voir
partement repreſentoit la
Foire de S. Germain. Ce n'étoit
par tout que Boutiques.
remplies de Marchands , &
l'on voyoit mefme des Compagnies
entieres de Perfon
nes qui fe promenoient dans
cette Foire , & qui faifoient
converſation , ou entr'elles,
ou avec les Marchands & les
Marchandes. Enfin , tout ce
que tout fon apGALANT
227
que l'on a couftume de voir
à la Foire, y paroiffoit dépeint
au naturel. C'est ainsi qu'on
doit furprendre pour bien divertir
, & tous ces fortes de
divertiffemens font de bon
gouft.
vous ay promis du Carnaval
de la Cour , pendant les mois
GALANT. 203.
de Janvier & de Fevrier. Les
Divertiffemens n'y ont point
ceffé. L'Opera de Roland y
a efté repreſenté une fois cha
que Semaine , & il y avoit al
ternativement Bal , Comedie
& Opera. Toute la Cour a
maſqué ſept fois , & auroit
continué à fe donner ce plaifir
, fi la mort du Roy d'Angleterre
n'euft interrompu
pour quelques jours tous les
Divertiffemens. Chaque jour
de Maſcarade , Monſeigneur
le Dauphin changeoit quatre
ou cinq fois d'habits , où l'on
n'oublioit rien pour empef
204 MERCURE
cher qu'il ne fuft reconnu. I
furprit toute l'Affemblée dans
la premiere Mafcarade , avec
un habit de Chauve fouris ..
La magnificence & l'invention
ont paru dans tous les
déguiſemens de Monſieur le
Duc. Les habits de fa Troupe.
eſtoient à cette premiereMafcarade
de grandes Robes , de
differentes couleurs , diverfement
& richement chamarées
, d'où fortoit un Col qui
s'élevoit fort haut , & s'abaiſ
foit , & fur lequel paroiffoit
une tefte d'Animal , coeffée
en Chauve fouris. Monfieur
GALANT. 205
le Duc de Bourbon , qui étoit
fous l'une de ces Machines,
avoit un habit de Femme de
Strasbourg. Mademoiſelle de
Bourbon , qui eftoit ſous une
autre , en avoit un de Magicienne,
& les Filles d'honneur
de Madame la Dauphine,
qui en rempliffoient d'autres,
eftoient diverſement vétuës .
Je ne dois pas oublier icy à
vous dire , que Monfieur le
Duc de Bourbon n'avoit encor
fait de fejour à la Cour,
que pendant ce Carnaval , &
qu'il y a paru au fortir de fes
Etudes , avec un air , des ma
206 MERCURE
nieres , & un eſprit auffi libre
que s'il y euft paffé fes premieres
années , & qu'il cust
eu un âge plus avancé . Le
fecond jour qu'on maſqua,
la Maſcarade
de Monſeigneur
le Dauphin repreſentoit toute
la Troupe Italienne . Ce Prin
ce eftoit veſtu en Docteur.
Ceux qui formoient cette
Mafcarade , eftoient Monfieur
le Prince de Conty,
Monfieur le Prince de la
Roche-fur-Yon , M' le Prince
de Turenne , M' le Duc de
Roquelaure , Miles Marquis
de Bellefonds
, d'Alincour
,
GALANT. 207
& de Liancour. Madame la
Dauphine , fit ce jour là une
Mafcarade de Perroquets
,
Monfieur le Duc de Bourbon
parut avec un riche habit
de Seigneur Hongrois , &
Mademoiſelle de Bourbon,
avec un habit de Païfane,
d'une proprieté furprenante.
Monfieur le Duc du Maine,
fe fit admirer le mefme jour,
avec une Maſcarade de petits
vieillards & de petites vieilles.
Rien n'a paru plus beau , &
l'on ne pouvoit ſe laſſer de
les regarder. Ceux qui compofoient
cette Mafcarade ་་
208 MERCURE
eftoient , Monfieur le Duc
du Mayne , Monfieur le
Comte de Thoulouſe , M' de
Manfini , Mi le Marquis de
la Vrilliere , Mademoiſelle de
Nantes , Mademoiſelle de
Blois , & Mademoiſelle de
Château - neuf.
Dans la troifiéme Maſcarade
, Monſeigneur le Dauphin
parut d'abort déguisé
avec quatre vifages. Enfuite,
prit un habit de Flamande
avec un Mafque de Perroquet
, & changea à fon ordinaire
quatre ou cinq fois
d'habit. Monfieur le Duc de
GALANT. 209
Bourbon , parut ce foir là..
avec un habit de Noble Venitien
, & Mademoiſelle de :
Bourbon s'y fit remarquer
par la propreté , & la richeffe
d'un habit magnifique. Toute
la Cour maſqua ce foir là ,,
& le mélange des habits gro
tefques , & fuperbes , eftant
fort agréable à la vuë , divertit
beaucoup.
Le quatrième jour qu'on
mafqua , Monfeigneur le
Dauphin mit pour premier:
habit celuy d'un Operateur,
& tirant feulement un petit
cordon , il parut en un inftant
Mars 1685, Si
210 MERCURE
vétu en grand Seigneur Chinois
. Des changemens auffi
furprenans le firent paroiftre
encore le mefme foir avec
deux autres habits . Monfieur
le Duc de Bourbon mit ce
foir-là un habit de Païfan,
auffi riche que bien entendu .
Monfieur le Duc de Mortemar
, qui fe diftingue en tout
ce qu'il fait , vint à l'Affemblée
du mefme jour avec un
habit tout formé de Manchons
jufqu'à la coëffure. Ils
étoient de differentes couleurs
. Il avoit une Palatine
pour Cravate , & un Mafque
GALANT. 211
qui imitoit le vifage d'un
homme tout tranfi de froid .
Sa barbe paroiffoit toute ge
lée , & les glaçons y pen
doient . Il euft eſté impoflibie
de le reconnoiftre s'il ne te
fuft pas découvert luy- même.
Neuf Quilles & la Boulle fe
trouverent dans le Balle jour
de la cinquiéme Affemblée;
c'eftoit la Mafcarade de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux
qui reprefentoient ces Quilles.
eftoient affis deffous , & de
petites feneftres leur donnoient
de l'air ; jugez par la
de leur contour , & de leur
Sij
212 MERCURE
hauteur ; elles eftoient peintes
de diverfes couleurs . Monſeigneur
le Dauphin fit paroiftrebeaucoup
d'agilité dans quelques-
uns des habits qu'il prit
le refte de la Soirée , les uns,
n'en demandant pas tant que:
les autres . Monfieur le Comte
de Thouloufe fe fit adinirer
en Scaramouche, & l'on n'au
roit pas eu de peine à le pren
dre pour un Amour déguiſé.
Monfieur le Duc de Bourbon
, Mademoiſelle de Bourbon
ne maſquerent ce foir- là
qu'en Avocats , mais ce fut
avec une propreté qui faifoit
GALANT 213
affez connoiftre que les Robes
de ces Avocats - là n'avoient
jamais effuyé la pouf
frere du Palais .
La Mafcarade des Cris de
Paris fut la fixiéme de Monfeigneur
le Dauphin. Ceux,
qui accompagnoient ce Prince,
étoient Monfieur le Prince.
de Conty, Monfieur le Prince:
de la Roche-fur-Yon , M' le
Grand Prieur, M' le Prince de
Türenne , M le Comte de
Brienne , M' le Prince de
Thingry, M' le Marquis d'Alincourt
, M' le Marquis de:
Courtenyau M de la Roche214
MERCURE
guion , M' de Liencourt, M
de Grignan , & M ' du S.
Efteve. Selon les Meftiers
qu'ils
reprefentoient , ils por
toient ce qu'il y avoit de plus
delicat à boire & à manger, &
quelques uns portoient jufqu'à
des Boutiques garnies.
de ce qui regardoit leur Perfonage
. Monfieur le Duc de
Bourbon , & Mademoiſelle
de Bourbon vinrent ce foirlà
au Bal avec une Troupe de
huit Perfonnnes , dont les ha
bits reprefentoient des Pavil
lons . La Mafcarade de Monfieur
le Duc du Mayne , qui
GALANT. 215
Voicy
parut le mefme foir , étoit de
dix Seigneurs Chinois , & de
cinq Dames Chinoiſes , avec
des habits auſſi magnifiques
,
que bien imaginez .
les Noms de ceux qui compofoient
cette Mafcarade ;
Monfieur le Duc du Mayne,
Monfieur le Comte de Thouloufe
M' de Mancini , M' le
Comte de Cruffol , M de Duras,
M ' de Sully , M' de Gri
gnan , M' le Marquis de la
Vrilliere , M' de Soyecourt,
M' Bontemps, Mademoiſelle
de Nantes , Mademoiſelle de
Blois , Mademoiſelle d'Ufez ,
216 MERCURE
Mademoiſelle de Senneterre,
Mademoiſelle de Chafteauneuf.
Quelques jours avant la
fin du Carnaval Monfeigneur
le Dauphin ayant refolu de
faire une Courſe de Teftes
en maniere de petit Carouſel,
avec des Quadriles , on cher
cha un Sujet, on imagina des
Habits, on les fit, on s'exerça,
& l'on courut enfin fix
jours apres qu'on cut refolu
ce divertiffement . La France
feule eft capable d'executer
des chofes de cette nature en
fi peu de temps . Vous en ſe-.
rez furpriſe , quand vous au
rezz
GALANT. 217
rez ſçeu ce que j'ay à vous en
dire . Le Dimanche de Fevrier,
le
4.
Roy,Madame la Dauphine,
& toute la Cour fe ren-,
dirent à trois heures apres
midy fur les Amphitheatres
du Manege découvert de
Verfailles. La Quadrille de
Monfeigneur le Dauphin entra
auffi- toft dans la Carriere,
au fon des Timbales & des
Trompettes , les Armes de
cette Quadrille eftoient noir
& or , les habits de deffous
noirs & brodez d'or , & toutes
les plumes tant des Hom
mes que des Chevaux étoient
Mars 1685.
T
218 MERCURE
blanches , & les garnitures de
mefme. M le Marquis de
Dangeau , fous le nom de
Charlemagne , entra le premier
comme luge du Camp.
Monfeigneur le Dauphin,
eftoit fous le nom de Zerbin;
Mr le Prince de Tingry, fous
celuy de Renaud ; M' de la
Roche Guyon , fous celuy
d'Aquilan le noir , M' le
Marquis de Liancour , fous
celuy de Grifon le blanc ;
& M' le Marquis d'Antin ,
fous celuy de Roland. La feconde
Quadrille entra auffitoft
apres , précedée de fes
GALANT. 219
Trompettes , & de ſes Timbales
. Les couleurs de cette
Quadrille eftoient or & vert,
avec des plumes blanches, &
mouchetées de vert . M' le
Duc de Gramont eftoit Juge
du Camp. Il entra le premier
fous le nom d'Agra
mant . Monfieur le Prince de
la Roche-fur-Yon , avoit celuy
de Mandricard; M le Duc
de Vandofme , celuy de Gradaffe
, M' le Prince de Turenne
, celuy de Roger ; M' le
Comte de Briône , celuy de
Rodomont
; & M' le Marquis
d'Alincour , celuy de Sacri-
Tij
220 MERCURE
"
pant. On ne peut avoir plus
de fatisfaction
que cette
Courſe en donna aux Spectateurs
, ny meriter plus d'aplaudiffemens
que Monfeigneur
le Dauphin , qui eft le
Prince du Monde , qui a la
meilleure grace les Armes à
la main. Apres une fort
longue difpute , le Prix de
meura à la feconde Quadrille,
& ceux qui la compofoient
le difputerent long - temps entr'eux
; mais enfin , M' le
Prince de Turenne l'emporta
, & reçut de la main du
Roy , au fon des Timbales,
GALANT. 221
& des Trompettes , une Epée
d'or avec de riches Boucles .
Mr du Mont Ecuyer de Monfeigneur
le Dauphin , montoit
un Cheval nud qu'il gouvernoit
, comme auroit pû
faire le plus habile Ecuyer à
qui rien n'auroit manqué,
pour bien manier un Cheval,
fur lequel il auroit eſtémonté.
Je croy que vous fçavez
de quelle maniere fe fait cette
Courſe de teftes. Il faut .
d'abord enemporter une avec
la Lance ; puis on en darde
une autre , on ſe retourne en
faite vers la Meduſe que l'on
T iij
222 MERCURE
darde auffi , apres quoy on
emporte
à l'épée la derniere
tefte , qui eft plus baffe que
les autres. Ie vous
envoyeray
le mois prochain
les Devife's
de tous ceux qui eftoient
de
cette Courſe. Le lendemain
on reprefenta
l'Opera
d'Amadis
à Verſailles . Le Roy
ne l'avoit point encore veu ,
parce que cet Opera
avoit
paru dans l'année de la mort
de la Reyne , & vous fçavez
que pendant
ce temps , le
Roy n'a pris aucun divertiſ
fement. Le jour ſuivant
qui
eftoit le dernier du Carnaval,
GALANT. 223
la Mafcarade deMonfeigneur
le Dauphin , eftoit d'un Marquis
de Mafcarille porté en
Chaife , avec un équipage
convenable à fon fracas d'ajuſtement,
Monfieur le Comte
de Thoulouſe maſqua ce
foir là avec un habit de Perfan,
& charma toute la Cour.
Parmy les Maſcarades qui ont
le plus diverty , il y en a cu
une de Suiffes , qui a donué
un fort grand plaifir , & dont
l'invention caufa beaucoup
de furprife. Toutes les fois
que Madame la Dauphine a
dancé , pendant les jours de-
T iiij
224 MERCURE
ftinez aux Mafcarades , fa
bonne grace & la jufteſſe de
fon oreille ont toûjours paru ."
Madame la Princeffe de Conty
s'y eft fouvent fait admirer
fous plufieurs habits , mais
fur tout avec un habit Grec,
dont on fut tellement charmé
, que plufieurs en firent
faire de femblables pour les
Bals fuivans . Mes Dames les
Marquifes de Richelieu & de
Bellefonds, fe font fort diftinguées
par divers habits auffi
riches que bien entendus , &
Madame la Marquiſe de Seignelay
a auffi brillé de la mef
1
GALANT. 229
me forte , & fur tout avec un
habit à la Hongroiſe . Je ferois
trop long fi j'entrois dans le
detail de toutes celles qui en
ont eu de tres riches en maf
quant. Quoy que ces habits
n'euffent le Caractere d'aucune
Nation , ils n'en eftoient
ny moins beaux , ny moins
magnifiques , ny moins bien
entendus , & n'en paroient
pas moins les Dames qui les
portoient. Il y a eu encore
un divertiffement , qui pour
n'avoir pas efté du nombre
des Mafcarades qui fe
font faites chez le Roy , n'a
226 MERCURE
pas laiffé d'eftre un des plus
agréables , dont on ayt ja
mais entendu parler. Le Roy
eftant entré un foir chez Madame
de Montefpan , fut furpris
de voir
partement repreſentoit la
Foire de S. Germain. Ce n'étoit
par tout que Boutiques.
remplies de Marchands , &
l'on voyoit mefme des Compagnies
entieres de Perfon
nes qui fe promenoient dans
cette Foire , & qui faifoient
converſation , ou entr'elles,
ou avec les Marchands & les
Marchandes. Enfin , tout ce
que tout fon apGALANT
227
que l'on a couftume de voir
à la Foire, y paroiffoit dépeint
au naturel. C'est ainsi qu'on
doit furprendre pour bien divertir
, & tous ces fortes de
divertiffemens font de bon
gouft.
Fermer
Résumé : Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes, [titre d'après la table]
Le texte décrit les divertissements de la cour pendant les mois de janvier et février, marqués par une série de mascarades et de spectacles. Chaque semaine, l'opéra de Roland était représenté, alternant avec des bals, des comédies et des opéras. La cour a participé à sept mascarades, brièvement interrompues par la mort du roi d'Angleterre. Le Dauphin a changé plusieurs fois d'habits lors de chaque mascarade, se déguisant notamment en docteur, en Flamande et en opérateur. Le Duc de Bourbon et Mademoiselle de Bourbon ont également participé avec des déguisements variés, tels que des habits de magicienne, de seigneur hongrois et de païfane. Les thèmes des mascarades incluaient la troupe italienne, les perroquets et les petits vieillards. Le Duc du Maine a impressionné avec une mascarade de petits vieillards et vieilles. Ces événements étaient caractérisés par une grande magnificence et inventivité dans les déguisements. Le Carnaval s'est conclu par une course de têtes, un spectacle équestre où le Dauphin et d'autres nobles ont participé, déguisés en personnages célèbres. Cette course a été suivie par une représentation de l'opéra d'Amadis à Versailles. D'autres divertissements incluaient une mascarade de Suisses et une représentation de la foire de Saint-Germain chez Madame de Montespan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 256-272
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
On m'a conté une chose fort particuliere, arrivée icy sur [...]
Mots clefs :
Carnaval, Déguisements, Cavalier, Dame, Filles, Richesse, Honnêteté, Soeurs, Coeur, Charme, Belle, Correspondance, Mariage, Passion, Comédie, Galanterie, Bal, Assemblée, Amour, Divertissement, Amants, Hasard, Masques, Attaque, Diamant, Bourse, Mémoire, Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
On m'a conté une choſe
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
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la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
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€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
Fermer
3
p. 1034-1039
L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
Début :
Muse, raconte moi par quel destin contraire, [...]
Mots clefs :
Amour, Plutus, Muse, Tyran des cœurs, Candeur, Pactole, Regard téméraire, Richesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
L'AMOUR ET PLUTUS ,
POEM E.
Par M. Cavaliés , de Montpellier , Avocat
à la Cour des Aydes de la même Ville.
Muse , raconte moi par- quel destin contraire ,
Plutus malgré l'Amour s'empara de Cythere ,
Et vrai tyran des coeurs dans son funeste emploi
Leur fit de s'enrichir une suprême loi .
Jadis avec l'Amour , avec ce Maître aimable
La Terre entretenoit un commerce agréable ;
Il en fit un séjour charmant , délicieux ,
Pour elle il dédaignoit la demeure des Cieux.
Sans contraindre les coeurs à changer de nature ,
Par
MAY. 1731.
1035
Par la simple équité , par l'exacte droiture ,
Il n'en fit que regler les secrets mouvemens,
Ses volontez étoient les Loix des premiers tems ;
Les Belles consultant le cristal d'une eau claire ,
Epioient leurs attraits et ne vouloient que plaire ,
Par son éclat encor , un métal odieux ,
N'avoit point fasciné ni leurs coeurs ni leur yeux;
Le respect , la candeur , la constante tendresse ,
D'un Amant jusqu'alors composoient la finesse.
Les Belles se rendoient à d'innocens vainqueurs.
Tems heureux ! où les coeurs étoient le prix des
coeurs.
Tel étoit le bonheur d'une innocente vie ,
Et rien n'en alteroit la parfaite harmonie ;
Quand Plutus contemplant du celeste Lambris ,
L'Empire fortuné de l'enfant de Cypris :
Jusqu'à quand l'Univers , dit- il , plein de colere ,
Subira t'il donc le joug d'un jeune témeraire ?
Le plus petit des Dieux, en usurpant mes droits ,
Aux crédules Mortels imposera des loix !
Mais son triomphe est vain et ma gloire exposée ,
Trouve dans mes trésors une ressource aisée ;
Assez et trop long-tems sans culte et sans Autels,
Je ne fus regardé que comme un des Mortels.
Il faut à notre tour que l'on nous rende hommage.
Désormais dans leurs eaux le Pactole et le Tage ,
Ne feront plus rouler d'inutiles trésors ,
Et
1036 MERCURE DE FRANCE.
Et bien - tôt les Mortels , à l'envi sur leurs bords ,
Méprisant de l'Amour tous les bienfaits stériles ,
Viendront cueillir des biens plus surs et plus
utiles.
>
Il appelle à ces mots , pour servir sa fureur ,
L'infame trahison à l'oeil sombre et trompeur ,
L'orgueil , l'ambition au regard témeraire ,
L'ardente soif du gain , l'interêt mercenaire ,
L'artifice flateur au langage affecté ,
L'usure au front d'airain , le parjure effronté ,
`Et l'avarice enfin mere de tous les crimes ;
Ces Monstres odieux des plus profonds abîmes ;
Du Dieu leur Souverain entendirent la voix
Et l'Univers les vit pour la premiere fois.
La terre s'en émut , étonnée , éperduë ,
La Nature trembla , frémit à cette vûë ,
La lumiere pâlit , l'air en fut infecté.
A leur aspect le Dieu lui- même épouventé ,
Pour en cacher l'horreur à la Terre éplorée ,
Répandit sur leurs traits une couche dorée.
Hélas ! sous ce vernis jusqu'alors inconnu ,
Le crime cût à nos yeux l'éclat de la vertu .
Enfin Plutus suivi de ce cortege étrange ,
Et chargé des trésors et de l'Inde et du Gange ,
Se presente aux Humaius et leur tient ce discours.
Ovous , foibles Mortels , esclaves des Amours
C'est pour romprc vos fers qu'une Troupe immortelle,
Vient
MAY. 1731 .
1037
Vient donner à la terre une face nouvelle.
Gouterez-vous toujours une insipide paix ?
Le Carquois d'un Enfant remplit - il vos souhaits ?
Sous l'espoir d'un plaisir que suivent mille
peines ,
Ignorez - vous encor qu'il vous charge de
chaînes ?
Reconnoissez ma voix ; le plus riche des Dieux,
Suivi de ses trésors , Plutus vient en ces lieux.
J'en bannis à jamais l'inutile tendresse ;
J'amene le plaisir , j'amene la richesse ,
Vous me verrez bien- tôt , secondant vos desseins
,
Répandre mes bienfaits sur vous à pleines
mains .
Il dit et dans les coeurs son langage perfide ,
A son gré fait couler un poison homicide ,
De ce fatal poison les Mortels enyvrez ,
Aux folles passions dès - lors furent livrez.
Le desir d'acquerir s'établit à Cythére ,
La richesse aux Humains apporta la misere ;
Et l'avide interêt vainqueur de l'Univers ,
Combattit la raison et la mit dans les fers .
Cependant Cupidon méprisé sur la terre ,
S'envole et prend l'essor vers le Dieu du Tonnerre.
Puissant pere , dit - il , des hommes et des Dieux ,
Sur l'Enfant de Cipris , daigne jetter les yeux.
Détourne les malheurs qu'un Dieu jaloux m'apprête
,
rc38 MERCURE DE FRANCE
Plutus m'ose des coeurs disputer la conquête ,
Tu vois, par son éclat les Mortels éblouis ,
Ne rendre qu'à lui seul des honneurs inoüis.
Non , jamais ces ingrats , cette race infidele ,
Ne fit pour m'honorer éclater tant de zele.
Les desirs effrenez , et les voeux criminels ,
Les conduisent en foule au pied de ses Autels.
Là , parmi les horreurs , le trouble , les allarmes ,
D'un métal à leurs yeux , il fait briller les char
mes.
Là l'Avare à son gré se repaît , s'assouvit ,
Et fait provision d'un bien qui l'asservit ;
En vain je cherchois sur la terre un azile ;
La discorde a rendu mon Carquois inutile ;
En vain je l'ai vuidé pour rétablir la paix ;
Les coeurs avec dédain ont repoussé mes Traits.
Tu peux seul , Jupiter , rétablir mon Empire ;
Et la paix dans les coeurs que Plutus vient séduire
A ces mots Jupiter , le visage serain ,
Apprens , dit- il , Amour , les Arrêts du Destin ,
Les temps sont arrivez que , regnant sur la terre
Plutus doit la livrer au démon de la
guerre.
Déja peu satisfaits de tes dons bienfaisants ,
Les Mortels ont reçû ses funestes présens.
Ils adorent Plutus ; que Plutus les conduise ;
Et les comble d'un bien dont l'éclat les séduise .
Le crime qui grossit leurs coupables trésors
Te
M A Y.
1039 1731 .
Te vengera sur eux par les cuisans remords.
Pour toi, fils de Venus , regne dans l'Empirée ,
Regnes -y de concert avec l'aimable Astrée ;
Le Destin a fixé ton séjour dans les Cieux ,
Tu soumis les Mortels , tu soumettras les Dieux .
Depuis pour nous cacher notre propre esclavage,
Plutus prit de l'Amour la taille et le visage ,
Et s'armant de Traits d'or, et d'un Carquois doré,
Il asservit les coeurs , il en fut adoré ;
Mais qu'il a mal rempli leurs desirs trop avides ,
Plus ils sont pleins de lui , plus ils se trouvent
vuides ;
Accablez des trésors qu'ils ont tant demandez ,
Ils les possedent moins qu'ils n'en sont possedez.
POEM E.
Par M. Cavaliés , de Montpellier , Avocat
à la Cour des Aydes de la même Ville.
Muse , raconte moi par- quel destin contraire ,
Plutus malgré l'Amour s'empara de Cythere ,
Et vrai tyran des coeurs dans son funeste emploi
Leur fit de s'enrichir une suprême loi .
Jadis avec l'Amour , avec ce Maître aimable
La Terre entretenoit un commerce agréable ;
Il en fit un séjour charmant , délicieux ,
Pour elle il dédaignoit la demeure des Cieux.
Sans contraindre les coeurs à changer de nature ,
Par
MAY. 1731.
1035
Par la simple équité , par l'exacte droiture ,
Il n'en fit que regler les secrets mouvemens,
Ses volontez étoient les Loix des premiers tems ;
Les Belles consultant le cristal d'une eau claire ,
Epioient leurs attraits et ne vouloient que plaire ,
Par son éclat encor , un métal odieux ,
N'avoit point fasciné ni leurs coeurs ni leur yeux;
Le respect , la candeur , la constante tendresse ,
D'un Amant jusqu'alors composoient la finesse.
Les Belles se rendoient à d'innocens vainqueurs.
Tems heureux ! où les coeurs étoient le prix des
coeurs.
Tel étoit le bonheur d'une innocente vie ,
Et rien n'en alteroit la parfaite harmonie ;
Quand Plutus contemplant du celeste Lambris ,
L'Empire fortuné de l'enfant de Cypris :
Jusqu'à quand l'Univers , dit- il , plein de colere ,
Subira t'il donc le joug d'un jeune témeraire ?
Le plus petit des Dieux, en usurpant mes droits ,
Aux crédules Mortels imposera des loix !
Mais son triomphe est vain et ma gloire exposée ,
Trouve dans mes trésors une ressource aisée ;
Assez et trop long-tems sans culte et sans Autels,
Je ne fus regardé que comme un des Mortels.
Il faut à notre tour que l'on nous rende hommage.
Désormais dans leurs eaux le Pactole et le Tage ,
Ne feront plus rouler d'inutiles trésors ,
Et
1036 MERCURE DE FRANCE.
Et bien - tôt les Mortels , à l'envi sur leurs bords ,
Méprisant de l'Amour tous les bienfaits stériles ,
Viendront cueillir des biens plus surs et plus
utiles.
>
Il appelle à ces mots , pour servir sa fureur ,
L'infame trahison à l'oeil sombre et trompeur ,
L'orgueil , l'ambition au regard témeraire ,
L'ardente soif du gain , l'interêt mercenaire ,
L'artifice flateur au langage affecté ,
L'usure au front d'airain , le parjure effronté ,
`Et l'avarice enfin mere de tous les crimes ;
Ces Monstres odieux des plus profonds abîmes ;
Du Dieu leur Souverain entendirent la voix
Et l'Univers les vit pour la premiere fois.
La terre s'en émut , étonnée , éperduë ,
La Nature trembla , frémit à cette vûë ,
La lumiere pâlit , l'air en fut infecté.
A leur aspect le Dieu lui- même épouventé ,
Pour en cacher l'horreur à la Terre éplorée ,
Répandit sur leurs traits une couche dorée.
Hélas ! sous ce vernis jusqu'alors inconnu ,
Le crime cût à nos yeux l'éclat de la vertu .
Enfin Plutus suivi de ce cortege étrange ,
Et chargé des trésors et de l'Inde et du Gange ,
Se presente aux Humaius et leur tient ce discours.
Ovous , foibles Mortels , esclaves des Amours
C'est pour romprc vos fers qu'une Troupe immortelle,
Vient
MAY. 1731 .
1037
Vient donner à la terre une face nouvelle.
Gouterez-vous toujours une insipide paix ?
Le Carquois d'un Enfant remplit - il vos souhaits ?
Sous l'espoir d'un plaisir que suivent mille
peines ,
Ignorez - vous encor qu'il vous charge de
chaînes ?
Reconnoissez ma voix ; le plus riche des Dieux,
Suivi de ses trésors , Plutus vient en ces lieux.
J'en bannis à jamais l'inutile tendresse ;
J'amene le plaisir , j'amene la richesse ,
Vous me verrez bien- tôt , secondant vos desseins
,
Répandre mes bienfaits sur vous à pleines
mains .
Il dit et dans les coeurs son langage perfide ,
A son gré fait couler un poison homicide ,
De ce fatal poison les Mortels enyvrez ,
Aux folles passions dès - lors furent livrez.
Le desir d'acquerir s'établit à Cythére ,
La richesse aux Humains apporta la misere ;
Et l'avide interêt vainqueur de l'Univers ,
Combattit la raison et la mit dans les fers .
Cependant Cupidon méprisé sur la terre ,
S'envole et prend l'essor vers le Dieu du Tonnerre.
Puissant pere , dit - il , des hommes et des Dieux ,
Sur l'Enfant de Cipris , daigne jetter les yeux.
Détourne les malheurs qu'un Dieu jaloux m'apprête
,
rc38 MERCURE DE FRANCE
Plutus m'ose des coeurs disputer la conquête ,
Tu vois, par son éclat les Mortels éblouis ,
Ne rendre qu'à lui seul des honneurs inoüis.
Non , jamais ces ingrats , cette race infidele ,
Ne fit pour m'honorer éclater tant de zele.
Les desirs effrenez , et les voeux criminels ,
Les conduisent en foule au pied de ses Autels.
Là , parmi les horreurs , le trouble , les allarmes ,
D'un métal à leurs yeux , il fait briller les char
mes.
Là l'Avare à son gré se repaît , s'assouvit ,
Et fait provision d'un bien qui l'asservit ;
En vain je cherchois sur la terre un azile ;
La discorde a rendu mon Carquois inutile ;
En vain je l'ai vuidé pour rétablir la paix ;
Les coeurs avec dédain ont repoussé mes Traits.
Tu peux seul , Jupiter , rétablir mon Empire ;
Et la paix dans les coeurs que Plutus vient séduire
A ces mots Jupiter , le visage serain ,
Apprens , dit- il , Amour , les Arrêts du Destin ,
Les temps sont arrivez que , regnant sur la terre
Plutus doit la livrer au démon de la
guerre.
Déja peu satisfaits de tes dons bienfaisants ,
Les Mortels ont reçû ses funestes présens.
Ils adorent Plutus ; que Plutus les conduise ;
Et les comble d'un bien dont l'éclat les séduise .
Le crime qui grossit leurs coupables trésors
Te
M A Y.
1039 1731 .
Te vengera sur eux par les cuisans remords.
Pour toi, fils de Venus , regne dans l'Empirée ,
Regnes -y de concert avec l'aimable Astrée ;
Le Destin a fixé ton séjour dans les Cieux ,
Tu soumis les Mortels , tu soumettras les Dieux .
Depuis pour nous cacher notre propre esclavage,
Plutus prit de l'Amour la taille et le visage ,
Et s'armant de Traits d'or, et d'un Carquois doré,
Il asservit les coeurs , il en fut adoré ;
Mais qu'il a mal rempli leurs desirs trop avides ,
Plus ils sont pleins de lui , plus ils se trouvent
vuides ;
Accablez des trésors qu'ils ont tant demandez ,
Ils les possedent moins qu'ils n'en sont possedez.
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Résumé : L'AMOUR ET PLUTUS, POEME. Par M. Cavaliés, de Montpellier, Avocat à la Cour des Aydes de la même Ville.
Le poème 'L'AMOUR ET PLUTUS' de M. Cavaliés, avocat à la Cour des Aydes de Montpellier, narre la prise de contrôle de Cythère, le domaine de l'Amour, par Plutus, le dieu de la richesse. Initialement, l'Amour gouvernait la Terre, favorisant des relations humaines harmonieuses et sincères. Les beautés cherchaient à plaire sans être influencées par la richesse matérielle. Cependant, Plutus, envieux du pouvoir de l'Amour, a introduit des valeurs telles que l'orgueil, l'ambition et l'avarice, corrompant ainsi les cœurs humains pour qu'ils préfèrent la richesse aux sentiments authentiques. L'Amour, délaissé, a sollicité l'aide de Jupiter. Ce dernier a révélé que le destin voulait que Plutus règne sur Terre et mène les hommes à la guerre. Jupiter a conseillé à l'Amour de régner dans l'Empyrée aux côtés d'Astrée. Depuis lors, Plutus a pris l'apparence de l'Amour pour asservir les cœurs, mais cette richesse ne satisfait pas les désirs humains, les laissant vides malgré l'abondance de trésors.
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4
p. 1469-1470
SONNET.
Début :
Pour charmer son ennui, pour bannir la tristesse, [...]
Mots clefs :
Charmer, Ennui, Tristesse, Tircis, Richesse, Chasseur, Ivrogne, Poète
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET.
SONNE T.
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
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Résumé : SONNET.
Le poème du 'Mercure de France' de 1470 décrit les plaisirs de divers personnages. Tircis chante pour chasser l'ennui. Un nocher vogue sur l'eau, un avare apprécie sa richesse, un chasseur se rafraîchit au ruisseau. Un ivrogne aime boire, une nonne jaser, un joueur passe la nuit à jouer. Un poète touche la lyre, un évêque vit à la cour. Le narrateur aime Thamire jusqu'à son dernier jour.
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5
p. 167-168
A Mlle de Chanville, SONGE.
Début :
Qu'on bâtit en rêvant de Châteaux en Espagne ! [...]
Mots clefs :
Songe, Adieu, Coeur, Richesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Mlle de Chanville, SONGE.
A‘ M”. de Chanvälr ‘, ' i j:
. ‘- SONGEÇ -:
U’on bâtit cnrêrant de Châteauxen-ifisä
pagne Z ‘
Je m’étois cette nuit "fait un destin ;si doux ,
(Ëe tout ce que lïon fruit du pays de Coca-l
gne _ ' s
Etoit millcrfois air-dessous.
‘ ]’avois recouvré ma jeunesse‘, _
Mon esprit , belle Iris , avoir presque‘
. 10m‘ r
“t...
Du vôtre la délicatesse ,
]’étois , comme on dit, fait ai. tout ,1
Et favois du Perou tout l’or et la richesse.
je vous Poifrois avec mon coeur;
Cette offre eut rheureux sort de ne vous pasdé-‘v
laize z
Ê sa‘
‘k8 MERCURE Dl! FRANCHE
Il ne manquait donc plus qu’un point amoÿ
bonheur; - ’
Ijl-lymen alloit y satisfaire.
Mais un maudit réveil, fatal à mes souhaits‘;
A renversé toute Parfaire: '
lTrop fidele portrait‘ du pot i‘ la Laitiere;
A ' rai vû tomber tous mes projets.
Adieu bonlair ,'adieu jeunesse ; l
. Adieu génie, adieu richesse.
fics dons (en. sont allés, comme ils étoient vcê
nus ,
Il me reste pourtant encore l e
ce coeur constant qui_vous adore ,
Mais , tout seul , c’est moins qu’un E51»;
. ‘- SONGEÇ -:
U’on bâtit cnrêrant de Châteauxen-ifisä
pagne Z ‘
Je m’étois cette nuit "fait un destin ;si doux ,
(Ëe tout ce que lïon fruit du pays de Coca-l
gne _ ' s
Etoit millcrfois air-dessous.
‘ ]’avois recouvré ma jeunesse‘, _
Mon esprit , belle Iris , avoir presque‘
. 10m‘ r
“t...
Du vôtre la délicatesse ,
]’étois , comme on dit, fait ai. tout ,1
Et favois du Perou tout l’or et la richesse.
je vous Poifrois avec mon coeur;
Cette offre eut rheureux sort de ne vous pasdé-‘v
laize z
Ê sa‘
‘k8 MERCURE Dl! FRANCHE
Il ne manquait donc plus qu’un point amoÿ
bonheur; - ’
Ijl-lymen alloit y satisfaire.
Mais un maudit réveil, fatal à mes souhaits‘;
A renversé toute Parfaire: '
lTrop fidele portrait‘ du pot i‘ la Laitiere;
A ' rai vû tomber tous mes projets.
Adieu bonlair ,'adieu jeunesse ; l
. Adieu génie, adieu richesse.
fics dons (en. sont allés, comme ils étoient vcê
nus ,
Il me reste pourtant encore l e
ce coeur constant qui_vous adore ,
Mais , tout seul , c’est moins qu’un E51»;
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Résumé : A Mlle de Chanville, SONGE.
Dans le poème 'Songe' de Jean de La Fontaine, le narrateur relate un rêve agréable où il retrouve sa jeunesse, son esprit et sa délicatesse, ainsi que toutes les richesses du Pérou. Il exprime son amour et son désir de faire une offre à une personne nommée Iris. Cependant, ce bonheur est brutalement interrompu par un réveil qui détruit tous ses projets et rêves, le ramenant à la réalité. Il doit alors dire adieu à son bonheur, sa jeunesse, son génie et sa richesse. Malgré cela, il conserve un cœur constant qui adore Iris, bien que cela soit insuffisant sans les autres éléments de son bonheur rêvé.
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6
p. 1851
QUESTION.
Début :
Quel est l'état le plus propre à acquerir la Sagesse, de la Richesse ou de la Pauvreté ? [...]
Mots clefs :
Richesse, Pauvreté, Sagesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION.
QUESTION.
Quel est l'état le plus propre à acquerir la Sagesse
, de la Richesse ou de la Pauvreté ?
Quel est l'état le plus propre à acquerir la Sagesse
, de la Richesse ou de la Pauvreté ?
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7
p. 5-6
L'EMBARRAS DES RICHESSES, CANTATILLE.
Début :
Nous possedons, Dieux de la terre ! [...]
Mots clefs :
Bonheur, Richesse, Embarras
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'EMBARRAS DES RICHESSES, CANTATILLE.
L'EMBARRAS DES RICHESSES,
CANTA TILL E.
Nous poffedons , Dieux de la rerre !
Vous , les tréfors , moi , les plaifirs :
A l'abondance je préfere
L'attente qui naît des défirs.
Plus vous nagez dans la richeffe ,
Moins vous goûtez la volupté
Vous êtes plongés dans l'yvreffe ,
J'en ai la pointe & la gaieté,
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
De loin votre bonheur nous féduit, nous étonne ;
Il difparoît de près ; fitôt qu'on peut vous voir
L'ennui vous fuit partout , l'effroi vous environne:
Semblables à la feuille à la fin de l'Automne ,
Du faîte des grandeurs un vent vous fait décheoir :
Mon partage eft plus doux ; quand Iris me cou-
Des fleurs
ronne
que dans nos prés fans choix fa main
moiffonne ,
Je fuis Roi le matin , fûr de l'être le foir.
Au bord d'un ruiffeau qui murmure ,
J'éprouve un tranquille fommeil.
Je ne crains point qu'à mon réveil
Contre moi s'arme la nature.
D'elle & d'Iris je fuis la loi ,
Sur leurs dons mon bonheur fe fonde :
Le foleil luit pour tout le monde ,
Mon Iris ne vit que pour moi .
CANTA TILL E.
Nous poffedons , Dieux de la rerre !
Vous , les tréfors , moi , les plaifirs :
A l'abondance je préfere
L'attente qui naît des défirs.
Plus vous nagez dans la richeffe ,
Moins vous goûtez la volupté
Vous êtes plongés dans l'yvreffe ,
J'en ai la pointe & la gaieté,
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
De loin votre bonheur nous féduit, nous étonne ;
Il difparoît de près ; fitôt qu'on peut vous voir
L'ennui vous fuit partout , l'effroi vous environne:
Semblables à la feuille à la fin de l'Automne ,
Du faîte des grandeurs un vent vous fait décheoir :
Mon partage eft plus doux ; quand Iris me cou-
Des fleurs
ronne
que dans nos prés fans choix fa main
moiffonne ,
Je fuis Roi le matin , fûr de l'être le foir.
Au bord d'un ruiffeau qui murmure ,
J'éprouve un tranquille fommeil.
Je ne crains point qu'à mon réveil
Contre moi s'arme la nature.
D'elle & d'Iris je fuis la loi ,
Sur leurs dons mon bonheur fe fonde :
Le foleil luit pour tout le monde ,
Mon Iris ne vit que pour moi .
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Résumé : L'EMBARRAS DES RICHESSES, CANTATILLE.
Le poème 'L'EMBARRAS DES RICHESSES' de Cantat Till E. met en lumière la contradiction entre l'abondance matérielle et le bonheur véritable. Le poète exprime une préférence pour l'attente des désirs plutôt que pour l'abondance, estimant que la richesse excessive empêche de savourer la volupté. Les riches, malgré leur ivresse, ne connaissent pas la véritable gaieté. Leur bonheur, admiré de loin, se transforme en ennui et en peur de près. Ils sont comparés à une feuille d'automne, délogée par le vent des grandeurs. En contraste, le poète se réjouit de sa condition plus douce, se comparant à un roi le matin et à un simple mortel le soir. Il trouve un sommeil tranquille au bord d'un ruisseau murmurant. Il ne craint ni la nature ni Iris, car son bonheur repose sur leurs dons. Le soleil luit pour tous, mais son Iris ne vit que pour lui.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 52-61
CONSEILS d'un Homme de 80 ans, à une Demoiselle de neuf ans qu'il appelloit sa femme.
Début :
QUOIQU'IL y ait déja quelques années que vous soyez ma femme, & [...]
Mots clefs :
Apprendre, Leçon, Religion, Jeunesse, Richesse, Mari, Modération
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONSEILS d'un Homme de 80 ans, à une Demoiselle de neuf ans qu'il appelloit sa femme.
CONSEILS d'un Homme de 80 ans *
à une Demoiselle de neuf ans qu'il
appelloit fa femme.
QuUOIQU'IL y ait déja quelques
années que vous foyez ma femme , &
que vous paroiffiez fatisfaite de votre
fituation ; cet état heureux ne peut durer
encore tout au plus que cinq ou fix
ans, & un autre mari me fuccédera, avec
fequel vous aurez plus longtemps à vivre
qu'avec moi . L'amitié que j'ai pour
vous m'oblige de vous faire part de quelques
réfléxions qui pourront vous être
utiles par la fuite , & qui fuppléront à
celles que la jeuneffe vous empêche de
faire aujourd'hui . Vous devez avoir une
fortune & des biens confidérables ; vous
ferez recherchée d'une infinité de Soupirans
, qui , avant de fe déclarer s'informeront
avec la plus grande éxactitude
de la quantité & de la qualité de
vos richeffes , mais ne s'embarrafferont
nullement ni de votre figure , ni des
qualités de votre efprit : ce n'eft donc
point vous , pour ainfi dire , que votre
mari époufera , ce fera vos biens &
JANVIER. 1763 . 53 1
votre fortune . Penfez bien à cet article
ma chère petire femme ! & comprenez
que fi vous n'aviez que quatre mille liv.
de rente , tous ceux qui fe montreront
fi empreffés de vous pofféder , s'éloigneroient
bien vîte de vous. Vous ignorez
ce que c'eft que la richeffe & quel fond
vous devez faire fur les biens que vous
apporterez en mariage je m'en vais
vous l'expliquer. Votre Contrat ne fera
pas plutôt figné que toutes ces richeſſes
& ces biens ne feront plus en votre difpofition
; ce fera votre mari qui en fera
le maître & l'éconôme. Il eft vrai qu'il
ne pourroit pas manger le fond de votre
bien ; mais qu'est-ce que c'eft qu'un
fond de bien , dont vous ne pourrez faire
aucun ufage fans la permiffion de ce
mari , qui peut prodiguer vos revenus
pour tout autre que pour vous , & qui
vous privera de toutes les douceurs de
la vie pour ne s'attacher qu'à des dépenfes
frivoles & inutiles ? Il faut donc ,
ma chère petite femme , que vous vous
précautionniez de bonne heure contre
un pareil malheur qui n'arrive que trop
fouvent , & que cependant vous pouvez
éviter , fi vous fuivez mes confeils . La
beauté & les talens aimables ne fuffifent
pas pour fixer l'inconftance des maris ;
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
il est des moyens plus fùrs. Le premier
moyen , eft d'avoir un grand fond de religion
; & à mefure que vous avancerez
en âge , de faire férieufement tous
les jours réfléxion que la beauté n'eft
qu'une chofe paffagère ; que la vie eft
fort courte ; & qu'il n'y a rien de folide
, que de travailler dans ce bas - monde
à vous procurer une félicité éternelle .
Ne regardez donc pas , ma chère petite
femme , les pieufes inftru &tions que
l'on vous fait aujourd'hui comme des
leçons d'Hiftoire & de Géographie ; il
n'y a qu'une chofe abfolument néceffaire
, qui eft de fçavoir bien vivre pour
apprendre à bien mourir. Mais fouvenez-
vous bien , que la véritable piété
ne confifte pas dans les fimagrées de la
dévotion , ni dans tout un appareil extérieur
; il faut que votre dévotion foit
douce , éclairée & charitable ; il faut
que vous foyez complaifante pour votre
mari , compâtiffante pour vos femmes
& pour vos domeftiques ; que fi
quelque chofe vous déplaît dans votre
mari , le moyen de le corriger , c'eſt de
fouffrir avec patience ce qui peut vous
déplaire. Vous avez le bonheur d'être
actuellement fous les yeux d'une grandmaman
dont l'efprit , le coeur & l'expéJANVIER.
1763. 55
rience font un tréfor pour vous préférable
à toutes vos richeffes . Ne lui cachez
rien de vos plus fecrettes pensées ,
jafez & caufez avec elle comme les jeunes
perfones font naturellement avec
leurs jeunes compagnes , ne ceffez jamais
de lui débiter vos goûts & vos
imaginations ; & bavardez continuéllement
avec elle , afin d'apprendre à vous
taire. Les premieres années que vous
entrerez dans le monde , quand vous
aurez un âge plus avancé , & que vous
aurez appris à difcerner ce qui eft bon
d'avec ce qui eft mauvais , ce qui eft
décent d'avec ce qui n'eft pas convenable
, profitez de votre difcernement
pour ne point imiter les mauvais exemples
, mais gardez-vous bien de critiquer
perfonne ; évitez les compagnies des
jeunes perfonnes de toutes efpéces autant
que faire fe pourra ; mais attachez
vous à des perfonnes d'un certain âge :
il y a tout gagner avec elles & tout
à perdre avec les autres . Les perfonnes
âgées font quelquefois ennuyeufes &
donneufes de leçons , elles veulent inf
truire la jeuneffe ; mais elles ne font
point leurs rivales , & ne font point affectées
de la jaloufie qui régne ordinairement
parmi les jeunes Dames, N'af
4
C iv
36 MERCURE DE FRANCE.
fectez point dans vos habillemens &
dans votre maniere de vous coeffer ,
certains airs qui ne font aujourd'hui que
trop à la mode ; imitez les jeunes perfonnes
de votre âge qui fe mettent d'une
façon élégante , mais modefte . Ne
foyez jamais affez hardie pour inventer
une nouvelle mode de coëffure ou d'habillement
; abandonnez aux jeunes folles
de votre âge la gloire de l'invention en
pareille chofe. Cependant quand une
nouvelle mode eft établie & fuivie par
les perfonnes de votre caractère & de
votre rang , il faut fuivre cette mode
car il feroit auffi ridicule' de vous voir
coëffée & habillée à l'antique , que d'avoir
la folie de vouloir être la premiere
à inventer & à dominer fur les ufages
& le goût établi parmi les perfonnes de
votre condition . Ce n'eft point la quantité
d'ornemens qui rendent une perfonne
aimable , c'eft la propreté , c'eft
un certain arrangement qui convienne
à votre figure & à votre vifage . Il
faut apprendre à vous coëffer vous-même
; & quand vos femmes feront empreffées
à entourer votre toilette de
n'avoir jamais d'impatience ni d'humeur
: furtout de ne les point apoftropher
des noms de maladroites & d'im-
,
JANVIER. 1763. 57
pertinentes. Apprenez , ma chère petite
femme , que votre réputation publique
dépend en grande partie des difcours
de vos domeftiques . Si vous les
aimez , & que vous les traitiez bien , ils
cacheront vos défauts ; & fi vous en agiffez
autrement , ils groffiront vos imperfections
, & même vous donneront
celles que vous n'aurez pas. Il n'appar
tient qu'aux bons Maîtres d'avoir d'anciens
Domeſtiques. Quand vous ferez
à table , ayez attention de fervir tout
le monde mangez vous -même avec
propreté , & proportionnez la dépenfe
de votre table au nombre & à la qualité
de la compagnie. Soyez de la plus grande
modeftie , même devant vos femmes
lorfque vous vous leverez & que vous
vous coucherez . Témoignez beaucoup
d'amitié & de tendreffe à votre mari
dans le particulier : évitez les minauderies
& les afféteries avec lui dans le Public.
Ces fortes de façons font des façons
bourgeoifes , & ne marquent bien fouvent
que de la fauffeté & de l'indécence.
Ne dites jamais rien que ce que vous
penfez véritablement ; mais gardez -vous
bien de dire indifcrétement tout ce que
Vous pensez .
Ornez votre efprit de bonnes led-
Cy
58 MERCURE DE FRANCE .
ne
res ; foyez attentive aux différentes leçons
que l'on vous donne , tant pour
orner votre efprit que votre corps :
mais ne reffemblez pas à un perroquet
qui ne fait que répéter ce qu'il ne comprend
pas. Quand votre efprit & votre
mémoire feront ornés des plus belles
connoiffances , gardez-vous bien de débiter
mal-à-propos dans le Public ce
que vous aurez appris dans votre jeuneffe
; & lorfque vous trouverez des
perfonnes ignorantes qui débiteront des
chofes contraires à la vérité de l'Hiftoire
, de la Géographie & autres
vous érigez point en Docteur pour réprimer
leurs erreurs ; & fi vous gliffez
quelques paroles , vous pouvez faire
voir adroitement & fans aigreur que
vous êtes mieux inftruite que les autres.
Apprenez que le moyen de vous faire
hair c'eft de vouloir dominer & de vous
attribuer toute efpéce de préférence :
vous deviendrez infupportable dans la
fociété ; & quand réellement vous furpafferiez
les perfonnes que vous fréquentez
dans toutes les efpéces & de toutes
fortes de manieres , les Dames ne vous
pardonneroient jamais cette fupériorité.
Ayez donc attention , ma chere petite
femme , de faire aimer vos talens &
JANVIER. 1763. 59
vos vertus , & de ne vous point faire
haïr à force de mérite. Tâchez de pofféder
réellement tous ces talens fupérieurs ;
mais n'en montrez , avec beaucoup de
difcrétion , que ce qui eft néceffaire pour
vous faire aimer & pour donner bon
exemple aux autres fans affectation .
Mais fur-tout , à l'égard de votre mari
gardez-vous bien de lui faire voir indifcrétement
que vous avez plus d'efprit
que lui ! Ne difputez jamais avec lui dans
les momens où vous lui verrez de l'entêtement
. Prenez bien votre temps , &
attendez le moment pour calmer fa colere
, ou pour lui faire goûter la vérité.
Avec de la patience & de la douceur
vous en viendrez à bout , & avec de
l'arrogance & de l'imprudence , vous
l'irriterez & ne le perfuaderez pas. Soyez
complaifante envers votre mari dans
tout ce qui ne fera pas contraire à la
Religion ; & fi par malheur votre mari
n'en avoit point , gardez-vous bien de
le prêcher mal - à - propos : prêchez- le
d'exemple , & quelquefois bien mieux
par votre filence que par vos exhortations
. Ne regardez le jeu que comme
un amuſement ,, & ne montrez jamais
dans cette occafion ni avidité , ni thuni
difpute . Accoutumez -vous à
meur ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE .
搏
vous renfermer quelquefois dans votre
cabinet donnez envie à votre mari
d'aller troubler votre petite folitude ; &
quand le cas arrivera , recevez - le avec
amitié , & quittez vos Livres & votre
écriture avec un air de gaîté . Dans les
difputes de Religion , gardez-vous bien
de vous ériger en Docteur : vous n'entendrez
que trop dans la fuite de ces
Femmes-Docteurs qui parlent avec beaucoup
de vivacité fur des matieres qu'elles
n'entendent pas. Quand vous vous trouverez
dans ces occafions , gardez-vous
bien de vous mêler de la converfation ;
& fi l'on vous preffe pour vous faire
parler , dites fimplement que vous vous
en tenez à votre Catéchifme. N'ayez
pas peur que l'on vous prenne pour ignorante
: cette modération vous fera beaucoup
plus d'honneur que fi vous vouliez
régenter la fociété. Ne critiquez jamais
le gouvernement des pays que
vous habiterez. Ayez un petit tribunal
dans vous-même pour prifer ce qui eft
bon & le diftinguer de ce qui eft mauvais
; mais ne communiquez jamais au
Public les Arrêts de votre petite jurifdiction
intérieure ; & apprenez de votre
vieux mari qu'une femme qui décide
toujours , quoique fort bien , qui a touJANVIER.
1763. 61
jours raifon dans le Public , eſt une
femme infupportable ; & que celle qui
décide mal eft impertinente , méprifable
& ridicule .
à une Demoiselle de neuf ans qu'il
appelloit fa femme.
QuUOIQU'IL y ait déja quelques
années que vous foyez ma femme , &
que vous paroiffiez fatisfaite de votre
fituation ; cet état heureux ne peut durer
encore tout au plus que cinq ou fix
ans, & un autre mari me fuccédera, avec
fequel vous aurez plus longtemps à vivre
qu'avec moi . L'amitié que j'ai pour
vous m'oblige de vous faire part de quelques
réfléxions qui pourront vous être
utiles par la fuite , & qui fuppléront à
celles que la jeuneffe vous empêche de
faire aujourd'hui . Vous devez avoir une
fortune & des biens confidérables ; vous
ferez recherchée d'une infinité de Soupirans
, qui , avant de fe déclarer s'informeront
avec la plus grande éxactitude
de la quantité & de la qualité de
vos richeffes , mais ne s'embarrafferont
nullement ni de votre figure , ni des
qualités de votre efprit : ce n'eft donc
point vous , pour ainfi dire , que votre
mari époufera , ce fera vos biens &
JANVIER. 1763 . 53 1
votre fortune . Penfez bien à cet article
ma chère petire femme ! & comprenez
que fi vous n'aviez que quatre mille liv.
de rente , tous ceux qui fe montreront
fi empreffés de vous pofféder , s'éloigneroient
bien vîte de vous. Vous ignorez
ce que c'eft que la richeffe & quel fond
vous devez faire fur les biens que vous
apporterez en mariage je m'en vais
vous l'expliquer. Votre Contrat ne fera
pas plutôt figné que toutes ces richeſſes
& ces biens ne feront plus en votre difpofition
; ce fera votre mari qui en fera
le maître & l'éconôme. Il eft vrai qu'il
ne pourroit pas manger le fond de votre
bien ; mais qu'est-ce que c'eft qu'un
fond de bien , dont vous ne pourrez faire
aucun ufage fans la permiffion de ce
mari , qui peut prodiguer vos revenus
pour tout autre que pour vous , & qui
vous privera de toutes les douceurs de
la vie pour ne s'attacher qu'à des dépenfes
frivoles & inutiles ? Il faut donc ,
ma chère petite femme , que vous vous
précautionniez de bonne heure contre
un pareil malheur qui n'arrive que trop
fouvent , & que cependant vous pouvez
éviter , fi vous fuivez mes confeils . La
beauté & les talens aimables ne fuffifent
pas pour fixer l'inconftance des maris ;
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
il est des moyens plus fùrs. Le premier
moyen , eft d'avoir un grand fond de religion
; & à mefure que vous avancerez
en âge , de faire férieufement tous
les jours réfléxion que la beauté n'eft
qu'une chofe paffagère ; que la vie eft
fort courte ; & qu'il n'y a rien de folide
, que de travailler dans ce bas - monde
à vous procurer une félicité éternelle .
Ne regardez donc pas , ma chère petite
femme , les pieufes inftru &tions que
l'on vous fait aujourd'hui comme des
leçons d'Hiftoire & de Géographie ; il
n'y a qu'une chofe abfolument néceffaire
, qui eft de fçavoir bien vivre pour
apprendre à bien mourir. Mais fouvenez-
vous bien , que la véritable piété
ne confifte pas dans les fimagrées de la
dévotion , ni dans tout un appareil extérieur
; il faut que votre dévotion foit
douce , éclairée & charitable ; il faut
que vous foyez complaifante pour votre
mari , compâtiffante pour vos femmes
& pour vos domeftiques ; que fi
quelque chofe vous déplaît dans votre
mari , le moyen de le corriger , c'eſt de
fouffrir avec patience ce qui peut vous
déplaire. Vous avez le bonheur d'être
actuellement fous les yeux d'une grandmaman
dont l'efprit , le coeur & l'expéJANVIER.
1763. 55
rience font un tréfor pour vous préférable
à toutes vos richeffes . Ne lui cachez
rien de vos plus fecrettes pensées ,
jafez & caufez avec elle comme les jeunes
perfones font naturellement avec
leurs jeunes compagnes , ne ceffez jamais
de lui débiter vos goûts & vos
imaginations ; & bavardez continuéllement
avec elle , afin d'apprendre à vous
taire. Les premieres années que vous
entrerez dans le monde , quand vous
aurez un âge plus avancé , & que vous
aurez appris à difcerner ce qui eft bon
d'avec ce qui eft mauvais , ce qui eft
décent d'avec ce qui n'eft pas convenable
, profitez de votre difcernement
pour ne point imiter les mauvais exemples
, mais gardez-vous bien de critiquer
perfonne ; évitez les compagnies des
jeunes perfonnes de toutes efpéces autant
que faire fe pourra ; mais attachez
vous à des perfonnes d'un certain âge :
il y a tout gagner avec elles & tout
à perdre avec les autres . Les perfonnes
âgées font quelquefois ennuyeufes &
donneufes de leçons , elles veulent inf
truire la jeuneffe ; mais elles ne font
point leurs rivales , & ne font point affectées
de la jaloufie qui régne ordinairement
parmi les jeunes Dames, N'af
4
C iv
36 MERCURE DE FRANCE.
fectez point dans vos habillemens &
dans votre maniere de vous coeffer ,
certains airs qui ne font aujourd'hui que
trop à la mode ; imitez les jeunes perfonnes
de votre âge qui fe mettent d'une
façon élégante , mais modefte . Ne
foyez jamais affez hardie pour inventer
une nouvelle mode de coëffure ou d'habillement
; abandonnez aux jeunes folles
de votre âge la gloire de l'invention en
pareille chofe. Cependant quand une
nouvelle mode eft établie & fuivie par
les perfonnes de votre caractère & de
votre rang , il faut fuivre cette mode
car il feroit auffi ridicule' de vous voir
coëffée & habillée à l'antique , que d'avoir
la folie de vouloir être la premiere
à inventer & à dominer fur les ufages
& le goût établi parmi les perfonnes de
votre condition . Ce n'eft point la quantité
d'ornemens qui rendent une perfonne
aimable , c'eft la propreté , c'eft
un certain arrangement qui convienne
à votre figure & à votre vifage . Il
faut apprendre à vous coëffer vous-même
; & quand vos femmes feront empreffées
à entourer votre toilette de
n'avoir jamais d'impatience ni d'humeur
: furtout de ne les point apoftropher
des noms de maladroites & d'im-
,
JANVIER. 1763. 57
pertinentes. Apprenez , ma chère petite
femme , que votre réputation publique
dépend en grande partie des difcours
de vos domeftiques . Si vous les
aimez , & que vous les traitiez bien , ils
cacheront vos défauts ; & fi vous en agiffez
autrement , ils groffiront vos imperfections
, & même vous donneront
celles que vous n'aurez pas. Il n'appar
tient qu'aux bons Maîtres d'avoir d'anciens
Domeſtiques. Quand vous ferez
à table , ayez attention de fervir tout
le monde mangez vous -même avec
propreté , & proportionnez la dépenfe
de votre table au nombre & à la qualité
de la compagnie. Soyez de la plus grande
modeftie , même devant vos femmes
lorfque vous vous leverez & que vous
vous coucherez . Témoignez beaucoup
d'amitié & de tendreffe à votre mari
dans le particulier : évitez les minauderies
& les afféteries avec lui dans le Public.
Ces fortes de façons font des façons
bourgeoifes , & ne marquent bien fouvent
que de la fauffeté & de l'indécence.
Ne dites jamais rien que ce que vous
penfez véritablement ; mais gardez -vous
bien de dire indifcrétement tout ce que
Vous pensez .
Ornez votre efprit de bonnes led-
Cy
58 MERCURE DE FRANCE .
ne
res ; foyez attentive aux différentes leçons
que l'on vous donne , tant pour
orner votre efprit que votre corps :
mais ne reffemblez pas à un perroquet
qui ne fait que répéter ce qu'il ne comprend
pas. Quand votre efprit & votre
mémoire feront ornés des plus belles
connoiffances , gardez-vous bien de débiter
mal-à-propos dans le Public ce
que vous aurez appris dans votre jeuneffe
; & lorfque vous trouverez des
perfonnes ignorantes qui débiteront des
chofes contraires à la vérité de l'Hiftoire
, de la Géographie & autres
vous érigez point en Docteur pour réprimer
leurs erreurs ; & fi vous gliffez
quelques paroles , vous pouvez faire
voir adroitement & fans aigreur que
vous êtes mieux inftruite que les autres.
Apprenez que le moyen de vous faire
hair c'eft de vouloir dominer & de vous
attribuer toute efpéce de préférence :
vous deviendrez infupportable dans la
fociété ; & quand réellement vous furpafferiez
les perfonnes que vous fréquentez
dans toutes les efpéces & de toutes
fortes de manieres , les Dames ne vous
pardonneroient jamais cette fupériorité.
Ayez donc attention , ma chere petite
femme , de faire aimer vos talens &
JANVIER. 1763. 59
vos vertus , & de ne vous point faire
haïr à force de mérite. Tâchez de pofféder
réellement tous ces talens fupérieurs ;
mais n'en montrez , avec beaucoup de
difcrétion , que ce qui eft néceffaire pour
vous faire aimer & pour donner bon
exemple aux autres fans affectation .
Mais fur-tout , à l'égard de votre mari
gardez-vous bien de lui faire voir indifcrétement
que vous avez plus d'efprit
que lui ! Ne difputez jamais avec lui dans
les momens où vous lui verrez de l'entêtement
. Prenez bien votre temps , &
attendez le moment pour calmer fa colere
, ou pour lui faire goûter la vérité.
Avec de la patience & de la douceur
vous en viendrez à bout , & avec de
l'arrogance & de l'imprudence , vous
l'irriterez & ne le perfuaderez pas. Soyez
complaifante envers votre mari dans
tout ce qui ne fera pas contraire à la
Religion ; & fi par malheur votre mari
n'en avoit point , gardez-vous bien de
le prêcher mal - à - propos : prêchez- le
d'exemple , & quelquefois bien mieux
par votre filence que par vos exhortations
. Ne regardez le jeu que comme
un amuſement ,, & ne montrez jamais
dans cette occafion ni avidité , ni thuni
difpute . Accoutumez -vous à
meur ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE .
搏
vous renfermer quelquefois dans votre
cabinet donnez envie à votre mari
d'aller troubler votre petite folitude ; &
quand le cas arrivera , recevez - le avec
amitié , & quittez vos Livres & votre
écriture avec un air de gaîté . Dans les
difputes de Religion , gardez-vous bien
de vous ériger en Docteur : vous n'entendrez
que trop dans la fuite de ces
Femmes-Docteurs qui parlent avec beaucoup
de vivacité fur des matieres qu'elles
n'entendent pas. Quand vous vous trouverez
dans ces occafions , gardez-vous
bien de vous mêler de la converfation ;
& fi l'on vous preffe pour vous faire
parler , dites fimplement que vous vous
en tenez à votre Catéchifme. N'ayez
pas peur que l'on vous prenne pour ignorante
: cette modération vous fera beaucoup
plus d'honneur que fi vous vouliez
régenter la fociété. Ne critiquez jamais
le gouvernement des pays que
vous habiterez. Ayez un petit tribunal
dans vous-même pour prifer ce qui eft
bon & le diftinguer de ce qui eft mauvais
; mais ne communiquez jamais au
Public les Arrêts de votre petite jurifdiction
intérieure ; & apprenez de votre
vieux mari qu'une femme qui décide
toujours , quoique fort bien , qui a touJANVIER.
1763. 61
jours raifon dans le Public , eſt une
femme infupportable ; & que celle qui
décide mal eft impertinente , méprifable
& ridicule .
Fermer
Résumé : CONSEILS d'un Homme de 80 ans, à une Demoiselle de neuf ans qu'il appelloit sa femme.
Un homme de 80 ans adresse un conseil à une jeune fille de neuf ans qu'il appelle sa femme. Il lui rappelle que leur situation actuelle ne durera pas plus de cinq ou six ans et qu'elle aura un autre mari. Il l'avertit que les futurs prétendants s'intéresseront principalement à sa fortune plutôt qu'à sa personne. Après le mariage, les biens de la jeune fille seront sous la gestion de son mari, qui pourra en disposer à sa guise. Pour éviter les désagréments, il lui conseille de développer une forte foi religieuse et de se comporter avec douceur et patience. Il lui recommande également de se confier à sa grand-mère et de suivre ses conseils. La jeune fille doit éviter les critiques et les mauvaises compagnies, et adopter une conduite modeste et respectueuse. Elle doit apprendre à se coiffer et à s'habiller avec élégance mais sans ostentation, et traiter ses domestiques avec bienveillance. À table, elle doit servir tout le monde avec propreté et modération. Elle doit éviter les minauderies et les afféteries en public et ne jamais dire ce qu'elle ne pense pas véritablement. Elle doit orner son esprit de bonnes lectures et éviter de montrer son savoir de manière imprudente. Avec son mari, elle doit faire preuve de patience et de douceur, et ne jamais lui montrer qu'elle a plus d'esprit que lui. Elle doit éviter les disputes et les critiques sur le gouvernement des pays qu'elle habite. Enfin, elle doit se comporter avec modération et discrétion pour éviter d'être perçue comme insupportable ou impertinente.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 211-216
CÉRÉMONIES ET FESTES, A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA STATUE DU ROI, DANS LA PLACE DE LOUIS XV ET DE LA PUBLICATION DE LA PAIX.
Début :
Le Corps de la Ville de Paris sembloit n'avoir consulté que son zèle & celui [...]
Mots clefs :
Citoyens, Statue, Roi de France, Réjouissances publiques, Cérémonie, Louis XV, Duc, Cortège, Richesse, Broderie, Perles, Couleurs, Musique, Illumination, Hommages, Feu d'artifice, Spectacles, Repas, Inscriptions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CÉRÉMONIES ET FESTES, A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA STATUE DU ROI, DANS LA PLACE DE LOUIS XV ET DE LA PUBLICATION DE LA PAIX.
CÉRÉMONIES ET FESTES ,
A L'OCCASION DE L'INAUGURA-.
TION DE LA STATUE DU ROI
DANS LA PLACE DE LOUIS XV.
ET DE LA PUBLICATION DE LA
PAIX.
L.E Corps de la Ville de Paris fembloit n'avoir
confulté que ſon zéle & celui des Citoyens , dans
les premiers Projets de fêtes qu'elle fe propofoit
de faire éxécuter fur les dellens du fieur
Moreau fon Architecte , & qu'elle avoit eu l'honneur
de préfenter au Roi . L'attention paternelle
212 MERCURE DE FRANCE.
de Sa Majesté a daigné réduire les dépenfes confidérables
où elle avoit intention de s'engager par
la magnificence de fes Projets , en ne lui permettant
pour les réjouillances publiques que ce qui a
été fait pendant les 20 , 21 & 22 du mois précédent
, ainfi que nous allons le décrire.
Le premier jour zo Juin , deſtiné à célébrer
l'inauguration de la Statue du Roi dans la Place
de Louis XV. on a fait le matin la Cavalcade &
Cérémonies d'ufage.
Le Corps de Ville , en robes de Cérémonie à
cheval & en équipages très magnifiques accom
pagné de fes Gardes , fe rendit vers les dix heures
du matin à l'Hôtel de M. le Duc de Chevreufe
, Gouverneur de Paris , pour le joindre , & continuer
avec lui la marche juſqu'à la Place de
Louis XV . Il étoit accompagné de fes Gardes ,
tous avec des nouveaux uniformes , & d'un nombreux
Cortége de Domeftiques , de Gentilshommes
& de Pages fuperbement vêtus . L'équipage
de fon cheval étoit de la plus grande richelle &
chargé de diamans. Celui des chevaux de main
n'étoit pas moins riche ,, par les magnifiques
broderies qui en couvroient les houffes , ainfi que
celle d'un très-beau cheval de parade , tenu avec
des longes de treffe d'or par deux hommes d'écurie.
Lui même monté fur un cheval gris & dans
l'habit le plus riche , entre deux Ecuyers ou Gentilshommes
, jettoit avec profufion de l'argent au
Peuple , pendant tout le cours de la marche ; &
les trompettes d'argent de M. le Gouverneur accompagnées
des timballes, ainfi que celles de la
Ville , fonnoient inceffament des fanfares. Le
Négre , Timballier de M. le Gouverneur étoit
fingulierement remarquable , par la richeffe de
fon habillement , & par une coëffure en forme
de turban , ornée de divers rangs de perles & de
JUILLET. 1763. 213
diamans de couleurs , le tout furmonté d'un trèsbeau
pannache de plumes.
Lorfque cette marche entra dans la Place au
bruit des fanfares de fa mufique & de très - nombreux
orcheſtres difpofès près du Pont tournant
des Thuileries , ainfi qu'à celui des acclamations
de la multitude qui rempliffoit ce vafte eſpace ;
les voiles qui couvroient la Statue & Piedeſtal
devoient tomber ; mais l'imprudence d'un Ouvrier
avoit avancé de quelques momens ce point
de la Cérémonie. Toute la Cavalcade fit le tour
de la Place , & parvenue en face de la Statue ,
chacun de ceux qui la compofoient s'arrêtant & ſe
découvrant , on fit les faluts d'hommage ufités en
pareille occafion , au bruit des boëtes , du canon •
des bruyantes fymphonies , de la mufique , & des
cris d'allegrelle de tout le Peuple. Enfuite toute
cette marche retourna dans le même ordre juf
qu'a l'Hôtel de M. le Gouverneur où elle le reconduifit
, & de- là à l'Hôtel- de- Ville .
Le foir , il y eut illumination dans la Place par
des cordons de lumière fur les baluftres dont elle
eft environée , & par des girandoles pofées fur des
piedeftaux dans toute fon enceinte . On avoit difpofé
deux rangs de lumières fur des poteaux élevés
, dans la longueur de la grande allée des
Thuileries , qui conduifoient jufqu'à un amphi
théâtre illuminé élevé contre la façade du Palais
, fur lequel fe donnoit la ferenade de fymphonies
par l'Académie Royale de Mufique , dont
nous avons parlé dans l'Article des Spectacles.
Le 2me jour 21 Juin , la Paix a été publiée
dans 14 endroits de la Ville , y compris la nouvelle
Place , par la Ville & la Jurifdiction du Châ
telet réunies , avec les céremonies & formalités
accoutumées. L'efpace qu'avoit à parcourir cette
214 MERCURE DE FRANCE
nombreufe cavalcade , remplit tout le temps.de
cette journée. a)
Le troisième jour 22 Juin confacré aux Fêtes &
Réjouiffances publiques dans toute la Ville , fut
annoncé par les Salves ordinaires du Canon , &
le Te Deum fat chanté à Notre- Dame avec le
Cérémonial ufité .
On avoit préparé dans la longueur de plus de
480 pieds fur la Terraffe du Palais de Bourbon ,
des Loges ornées en Damas cramoifi , avec un
Luftre dans chaque divifion , pour contenir environ
, 000 perfonnes ; s'étant trouvées toutes remplies
vers les cing heures après midi , la Fête , fur
la Rivière , commença par des Joûtes qu'exécuté- ,
rent des Bateliers vêtus de blanc & ornés de rubans
fur des Bateaux peints de diverfes couleurs , auxquels
on diftribua des Prix .
A l'entrée de la nuit , on tira le grand Feu
d'Artifice qui avoit été préparé fur la Rivière ,
mais le violent Orage qui étoit furvenu ce même
jour fur les deux heures , avoit tellement endommagé
tout l'Artifice figuré de Feux de lances de
diverfes couleurs qui compofoient la décoration
du Temple élevé fur une Terraffe de Rochers ,
qu'aucune partie ne put prendre , & que l'on fut
privé par cet accident, pour ce jour- là , de la partie
principale de ce magnifique Spectacle ; ( b ) mais
ce qui en formoit un , denton ne peut le faire une
trop grande idée , étoit le vafte Baffin du Pont
Royal jufqu'à Chaillot , dont les Berges & les
Quais entiérement couverts d'une multitude innombrable
de Spectateurs , offroit l'image réelle
( a ) On donnera dans le Mercure prochain des
états détaillés des marches & cavalcades .
(b ) Le corps de Ville pour remplir l'objet de fon'
zéle & la fatisfaction des Citoyens , doitfaire éxéJUILLET.
1763 . 215
d'une Nation entière affemblée pour une grande
Solemnité . On conçoit de quelle variété de couleurs
étoit peint cet immenfe tableau , dont les
figures fur des plans en gradation , quoique
tranquiles & fans confufion , produiloient cependant
un mouvement léger & continuel qui l'animoit
& foutenoit perpétuellement l'agrément de
la vue. L'artifice , qu'on appelle Feux d'air qu'il
avoit été plus facile de préierver de l'humidité, eut
plus de fuccès . On admira de très - belles fufées
d'honneur , des Bombes d'un fort bel effet & des
Gerbes ou Girandes d'une multitude de fufées
très -brillantes. Le feu de Rivière en ferpenteaux
& autres figures , fournit fans difcontinuation ,
pendant tout le temps du feu des effets très- agréables
& très-variés fur l'eau.
Il y eut le même foir des fontaines de vin avec
des Orchestres dans toutes les places & dans tous
les lieux marqués de la Ville . Toutes les maifons
des Particuliers furent illuminées , & les Hôtels
des Princes , Seigneurs , Magiftrats , s'étoient
diftingués par des illuminations décorées & des
plus brillantes. Celle de la Place de Louis XV ,
qui mérite une defcription particulière , formoit
en lumières la repréfentation des grandes façades
des deux corps de bâtimens qui l'accompagnent
, dont la riche Architecture étoit deffinée
en lumières , ainfi que les appuis des Baluftres ,
avec des Girandoles dans tout fon circuit , & des
Obélifques de pots- à feu fur toutes les guérites
ou petits pavillons , conftruits en différens endroits
de cette Place.
cuter le Dimanche 3 du préfent mois cette partie
brillante du Feu , après y avoir fait faire les réparations
néceffaires . On inftruira les Lecteurs dans
le fecond volume de ce mois , du fucces de cette réparation
, & l'on donnera une defcription entière
de ce Feu.
216 MERCURE DE FRANCE.
Le grand & brillant effet de cette Place con
duifoit , & d'une certaine diftance , paroiffoit toucher
à celui de l'élégante & en même temps
fuperbe illumination des Jardins de l'Hôtel de
Pompadour ( ci - devant l'Hôtel d'Evreux ) qui
font ouverts dans toute leur étendue fur les
Champs Elifées , à peu de diftance de la Place.
Cette Illumination particulière que l'on décrira
avec plus de détail , ainfi que quelques autres qui
ont embelli la Fête générale a retenu jufqu'à
cinq heures du matin un concours incroyable de
Spectateurs tant en carrolle qu'à pied."
On n'a prèfque jamais remarqué en aucune
occafion plus de joie , plus de mouvement &
plus de fatisfaction dans le Public , que pendant
ces Fêtes. La gaîté du Peuple furtout & fon
allégreffe pourroit fe prouver par la prodigieuſe
confommation du Vin & des Alimens qu'il y
a cu à Paris pendant quelques jours.
Les deux Hôtels des Comédiens du Roi étoient
auffi illuminés avec décorations & autant de magnificence
, que leur étendue le comportoir. On
Tifoit , à celui des Comédiens François dans des
cartels pofés entre les lumières , les deux Inſcriptions
fuivantes.
PACE RESTITUTA
REGE DILECTISSIMO
POSITO
FASTILUSUS.
JOCORUM MATER
PAX ALMA REDIT
JOCOSA SOLVIT
THALIA VOTUM .
Les Nouvelles Politiques au Mercure prochain .
A L'OCCASION DE L'INAUGURA-.
TION DE LA STATUE DU ROI
DANS LA PLACE DE LOUIS XV.
ET DE LA PUBLICATION DE LA
PAIX.
L.E Corps de la Ville de Paris fembloit n'avoir
confulté que ſon zéle & celui des Citoyens , dans
les premiers Projets de fêtes qu'elle fe propofoit
de faire éxécuter fur les dellens du fieur
Moreau fon Architecte , & qu'elle avoit eu l'honneur
de préfenter au Roi . L'attention paternelle
212 MERCURE DE FRANCE.
de Sa Majesté a daigné réduire les dépenfes confidérables
où elle avoit intention de s'engager par
la magnificence de fes Projets , en ne lui permettant
pour les réjouillances publiques que ce qui a
été fait pendant les 20 , 21 & 22 du mois précédent
, ainfi que nous allons le décrire.
Le premier jour zo Juin , deſtiné à célébrer
l'inauguration de la Statue du Roi dans la Place
de Louis XV. on a fait le matin la Cavalcade &
Cérémonies d'ufage.
Le Corps de Ville , en robes de Cérémonie à
cheval & en équipages très magnifiques accom
pagné de fes Gardes , fe rendit vers les dix heures
du matin à l'Hôtel de M. le Duc de Chevreufe
, Gouverneur de Paris , pour le joindre , & continuer
avec lui la marche juſqu'à la Place de
Louis XV . Il étoit accompagné de fes Gardes ,
tous avec des nouveaux uniformes , & d'un nombreux
Cortége de Domeftiques , de Gentilshommes
& de Pages fuperbement vêtus . L'équipage
de fon cheval étoit de la plus grande richelle &
chargé de diamans. Celui des chevaux de main
n'étoit pas moins riche ,, par les magnifiques
broderies qui en couvroient les houffes , ainfi que
celle d'un très-beau cheval de parade , tenu avec
des longes de treffe d'or par deux hommes d'écurie.
Lui même monté fur un cheval gris & dans
l'habit le plus riche , entre deux Ecuyers ou Gentilshommes
, jettoit avec profufion de l'argent au
Peuple , pendant tout le cours de la marche ; &
les trompettes d'argent de M. le Gouverneur accompagnées
des timballes, ainfi que celles de la
Ville , fonnoient inceffament des fanfares. Le
Négre , Timballier de M. le Gouverneur étoit
fingulierement remarquable , par la richeffe de
fon habillement , & par une coëffure en forme
de turban , ornée de divers rangs de perles & de
JUILLET. 1763. 213
diamans de couleurs , le tout furmonté d'un trèsbeau
pannache de plumes.
Lorfque cette marche entra dans la Place au
bruit des fanfares de fa mufique & de très - nombreux
orcheſtres difpofès près du Pont tournant
des Thuileries , ainfi qu'à celui des acclamations
de la multitude qui rempliffoit ce vafte eſpace ;
les voiles qui couvroient la Statue & Piedeſtal
devoient tomber ; mais l'imprudence d'un Ouvrier
avoit avancé de quelques momens ce point
de la Cérémonie. Toute la Cavalcade fit le tour
de la Place , & parvenue en face de la Statue ,
chacun de ceux qui la compofoient s'arrêtant & ſe
découvrant , on fit les faluts d'hommage ufités en
pareille occafion , au bruit des boëtes , du canon •
des bruyantes fymphonies , de la mufique , & des
cris d'allegrelle de tout le Peuple. Enfuite toute
cette marche retourna dans le même ordre juf
qu'a l'Hôtel de M. le Gouverneur où elle le reconduifit
, & de- là à l'Hôtel- de- Ville .
Le foir , il y eut illumination dans la Place par
des cordons de lumière fur les baluftres dont elle
eft environée , & par des girandoles pofées fur des
piedeftaux dans toute fon enceinte . On avoit difpofé
deux rangs de lumières fur des poteaux élevés
, dans la longueur de la grande allée des
Thuileries , qui conduifoient jufqu'à un amphi
théâtre illuminé élevé contre la façade du Palais
, fur lequel fe donnoit la ferenade de fymphonies
par l'Académie Royale de Mufique , dont
nous avons parlé dans l'Article des Spectacles.
Le 2me jour 21 Juin , la Paix a été publiée
dans 14 endroits de la Ville , y compris la nouvelle
Place , par la Ville & la Jurifdiction du Châ
telet réunies , avec les céremonies & formalités
accoutumées. L'efpace qu'avoit à parcourir cette
214 MERCURE DE FRANCE
nombreufe cavalcade , remplit tout le temps.de
cette journée. a)
Le troisième jour 22 Juin confacré aux Fêtes &
Réjouiffances publiques dans toute la Ville , fut
annoncé par les Salves ordinaires du Canon , &
le Te Deum fat chanté à Notre- Dame avec le
Cérémonial ufité .
On avoit préparé dans la longueur de plus de
480 pieds fur la Terraffe du Palais de Bourbon ,
des Loges ornées en Damas cramoifi , avec un
Luftre dans chaque divifion , pour contenir environ
, 000 perfonnes ; s'étant trouvées toutes remplies
vers les cing heures après midi , la Fête , fur
la Rivière , commença par des Joûtes qu'exécuté- ,
rent des Bateliers vêtus de blanc & ornés de rubans
fur des Bateaux peints de diverfes couleurs , auxquels
on diftribua des Prix .
A l'entrée de la nuit , on tira le grand Feu
d'Artifice qui avoit été préparé fur la Rivière ,
mais le violent Orage qui étoit furvenu ce même
jour fur les deux heures , avoit tellement endommagé
tout l'Artifice figuré de Feux de lances de
diverfes couleurs qui compofoient la décoration
du Temple élevé fur une Terraffe de Rochers ,
qu'aucune partie ne put prendre , & que l'on fut
privé par cet accident, pour ce jour- là , de la partie
principale de ce magnifique Spectacle ; ( b ) mais
ce qui en formoit un , denton ne peut le faire une
trop grande idée , étoit le vafte Baffin du Pont
Royal jufqu'à Chaillot , dont les Berges & les
Quais entiérement couverts d'une multitude innombrable
de Spectateurs , offroit l'image réelle
( a ) On donnera dans le Mercure prochain des
états détaillés des marches & cavalcades .
(b ) Le corps de Ville pour remplir l'objet de fon'
zéle & la fatisfaction des Citoyens , doitfaire éxéJUILLET.
1763 . 215
d'une Nation entière affemblée pour une grande
Solemnité . On conçoit de quelle variété de couleurs
étoit peint cet immenfe tableau , dont les
figures fur des plans en gradation , quoique
tranquiles & fans confufion , produiloient cependant
un mouvement léger & continuel qui l'animoit
& foutenoit perpétuellement l'agrément de
la vue. L'artifice , qu'on appelle Feux d'air qu'il
avoit été plus facile de préierver de l'humidité, eut
plus de fuccès . On admira de très - belles fufées
d'honneur , des Bombes d'un fort bel effet & des
Gerbes ou Girandes d'une multitude de fufées
très -brillantes. Le feu de Rivière en ferpenteaux
& autres figures , fournit fans difcontinuation ,
pendant tout le temps du feu des effets très- agréables
& très-variés fur l'eau.
Il y eut le même foir des fontaines de vin avec
des Orchestres dans toutes les places & dans tous
les lieux marqués de la Ville . Toutes les maifons
des Particuliers furent illuminées , & les Hôtels
des Princes , Seigneurs , Magiftrats , s'étoient
diftingués par des illuminations décorées & des
plus brillantes. Celle de la Place de Louis XV ,
qui mérite une defcription particulière , formoit
en lumières la repréfentation des grandes façades
des deux corps de bâtimens qui l'accompagnent
, dont la riche Architecture étoit deffinée
en lumières , ainfi que les appuis des Baluftres ,
avec des Girandoles dans tout fon circuit , & des
Obélifques de pots- à feu fur toutes les guérites
ou petits pavillons , conftruits en différens endroits
de cette Place.
cuter le Dimanche 3 du préfent mois cette partie
brillante du Feu , après y avoir fait faire les réparations
néceffaires . On inftruira les Lecteurs dans
le fecond volume de ce mois , du fucces de cette réparation
, & l'on donnera une defcription entière
de ce Feu.
216 MERCURE DE FRANCE.
Le grand & brillant effet de cette Place con
duifoit , & d'une certaine diftance , paroiffoit toucher
à celui de l'élégante & en même temps
fuperbe illumination des Jardins de l'Hôtel de
Pompadour ( ci - devant l'Hôtel d'Evreux ) qui
font ouverts dans toute leur étendue fur les
Champs Elifées , à peu de diftance de la Place.
Cette Illumination particulière que l'on décrira
avec plus de détail , ainfi que quelques autres qui
ont embelli la Fête générale a retenu jufqu'à
cinq heures du matin un concours incroyable de
Spectateurs tant en carrolle qu'à pied."
On n'a prèfque jamais remarqué en aucune
occafion plus de joie , plus de mouvement &
plus de fatisfaction dans le Public , que pendant
ces Fêtes. La gaîté du Peuple furtout & fon
allégreffe pourroit fe prouver par la prodigieuſe
confommation du Vin & des Alimens qu'il y
a cu à Paris pendant quelques jours.
Les deux Hôtels des Comédiens du Roi étoient
auffi illuminés avec décorations & autant de magnificence
, que leur étendue le comportoir. On
Tifoit , à celui des Comédiens François dans des
cartels pofés entre les lumières , les deux Inſcriptions
fuivantes.
PACE RESTITUTA
REGE DILECTISSIMO
POSITO
FASTILUSUS.
JOCORUM MATER
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Résumé : CÉRÉMONIES ET FESTES, A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA STATUE DU ROI, DANS LA PLACE DE LOUIS XV ET DE LA PUBLICATION DE LA PAIX.
Le texte relate les cérémonies et les fêtes organisées à l'occasion de l'inauguration de la statue du roi sur la place de Louis XV et de la publication de la paix. La Ville de Paris avait initialement prévu des projets somptueux, mais le roi a réduit les dépenses, permettant des réjouissances publiques les 20, 21 et 22 juin. Le 20 juin, une cavalcade et des cérémonies traditionnelles ont marqué l'inauguration de la statue. Le Corps de Ville, accompagné du gouverneur de Paris et de nombreux domestiques, s'est rendu à la place de Louis XV. Malgré un incident technique, la statue a été dévoilée au milieu des acclamations et des salves d'artillerie. Le 21 juin, la paix a été proclamée dans 14 endroits de la ville, avec les cérémonies habituelles. Le 22 juin, des fêtes et des réjouissances publiques ont été organisées dans toute la ville. Un Te Deum a été chanté à Notre-Dame, et des illuminations ont été préparées. Des loges ont été installées au Palais de Bourbon pour les spectateurs, et des jeux nautiques ont été organisés sur la rivière. Un feu d'artifice était prévu, mais un orage a endommagé une partie de la décoration. Les fontaines de vin et les illuminations ont marqué la soirée, avec des illuminations remarquables à la place de Louis XV et aux Jardins de l'Hôtel de Pompadour. La joie et la satisfaction du public ont été remarquables, avec une consommation excessive de vin et d'aliments. Les théâtres ont également été illuminés, affichant des inscriptions célébrant la paix.
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