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551
p. 294-297
LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
Début :
Jeune enfant de seize ans, drû comme pere et mere; [...]
Mots clefs :
Hymen, Jeunesse, Art de plaire, Amour, Amant, Époux
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texteReconnaissance textuelle : LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
LES FINES EGUILLES.
A Mlle D. M.... sous le nom de
C'élimene.
J
TEXT E.
Eune enfant de seize ans , dru comme pere et mere ;
» Aimable comme un Ange , ou deux
Que le fils de celui qui sera ton beau-pers
Se pourra dire heureux ! *
GLOS E.
Jeune et tendre Céliméne
C'est une prédiction ,
Que l'agréable Scaron
Vous cut appliqué sans peine ;
Et , sans doute , avec raison,
Ces quatre Vers sont de Scaron.
Fille
FEVRIER 1732. 295
Fille d'une aimable Mere ,
Dont l'amour forma les traits,
Belle , mais de ses attraits ;
Et qui joint à l'art de plaire
Les graces , et l'enjoüment
Rare et précieux talent,
Dont vous êtes Légataire ,
De ce Legs héréditaire
Vous jouissez pleinement.
Sous les yeux d'une Parènte
Qu'on ne sçauroit trop lover ;
Vous croissez , aimable Plante ;
Et lui faites avoüer ,
Qu'en remplissant son attente ,
Ses travaux sont couronnez.
Que ses jours soient épargnez ,
Que d'une santé constante
Ils soient tous accompagnez,
Mais , que vois-je ! L'Himen
De Festons la tête ornée ,
Vous invite chaque jour ,
A vous joindre à votre tour
A sa troupe fortunée ;
Autant vous en dit l'amour.
E ij Cc
E MERCURE DE FRANCE
Ce Dieu vous offre l'hommage ,
Des cœurs soumis à vos loix,
Enfaveur du moins volage
Déterminez votre choix.
L'Hymen , à vos chastes flammes
Allumera son flambeau ;
L'Amour lui rendra les armes ;
Quoi de plus doux , de plus beau !
Tous les deux d'intelligence ,
Vous conduisans à l'Autel,
Vous donneront l'assurance
D'un bonheur toujours réel,
Les jeux , les ris , la Jeunesse
Par des chants pleins d'allégresse
Seconderont vos désirs ;
Les Silvains et les Bergeres
Par mille danses légères ,
Animeront vos plaisirs.
Jouissez-en sans allarmes & 2
Puisque la danse a des charmes
Qui flatent vos jeunes ans ,
Exercez-y les talens
Qu'en vous admirent les Graces ;
Qui vous servent à genoux ;
Quoi-
FEVRIER. 1732 297
Quoiqu'elles suivent vos traces ,
Dansent-elles mieux que vous ?
O! qu'heureux l'Amant fidele ;
De qui recevant les vœux ,
Vous couronnerez les feux ,
Lorsqu'une chaîne éternelle
yous unira tous les deux !
Prenez-le enjoüé , mais sage ,
Tendre , sans être jaloux ;
Et qu'il ait tout en partage ,
Pour être digne de vous.
ΕΝΤΟΥ.
Recevez donc , Célimene ,
D'un Buveur de l'Hypocrène
La foible production';
Des Muses ce Nourrisson ,
Pour fille ne sçauroit faire.
De souhait qui soit plus doux ,
Ni plus certain de lui plaire ,
Que le souhait d'un Epoux.
V.
A Mlle D. M.... sous le nom de
C'élimene.
J
TEXT E.
Eune enfant de seize ans , dru comme pere et mere ;
» Aimable comme un Ange , ou deux
Que le fils de celui qui sera ton beau-pers
Se pourra dire heureux ! *
GLOS E.
Jeune et tendre Céliméne
C'est une prédiction ,
Que l'agréable Scaron
Vous cut appliqué sans peine ;
Et , sans doute , avec raison,
Ces quatre Vers sont de Scaron.
Fille
FEVRIER 1732. 295
Fille d'une aimable Mere ,
Dont l'amour forma les traits,
Belle , mais de ses attraits ;
Et qui joint à l'art de plaire
Les graces , et l'enjoüment
Rare et précieux talent,
Dont vous êtes Légataire ,
De ce Legs héréditaire
Vous jouissez pleinement.
Sous les yeux d'une Parènte
Qu'on ne sçauroit trop lover ;
Vous croissez , aimable Plante ;
Et lui faites avoüer ,
Qu'en remplissant son attente ,
Ses travaux sont couronnez.
Que ses jours soient épargnez ,
Que d'une santé constante
Ils soient tous accompagnez,
Mais , que vois-je ! L'Himen
De Festons la tête ornée ,
Vous invite chaque jour ,
A vous joindre à votre tour
A sa troupe fortunée ;
Autant vous en dit l'amour.
E ij Cc
E MERCURE DE FRANCE
Ce Dieu vous offre l'hommage ,
Des cœurs soumis à vos loix,
Enfaveur du moins volage
Déterminez votre choix.
L'Hymen , à vos chastes flammes
Allumera son flambeau ;
L'Amour lui rendra les armes ;
Quoi de plus doux , de plus beau !
Tous les deux d'intelligence ,
Vous conduisans à l'Autel,
Vous donneront l'assurance
D'un bonheur toujours réel,
Les jeux , les ris , la Jeunesse
Par des chants pleins d'allégresse
Seconderont vos désirs ;
Les Silvains et les Bergeres
Par mille danses légères ,
Animeront vos plaisirs.
Jouissez-en sans allarmes & 2
Puisque la danse a des charmes
Qui flatent vos jeunes ans ,
Exercez-y les talens
Qu'en vous admirent les Graces ;
Qui vous servent à genoux ;
Quoi-
FEVRIER. 1732 297
Quoiqu'elles suivent vos traces ,
Dansent-elles mieux que vous ?
O! qu'heureux l'Amant fidele ;
De qui recevant les vœux ,
Vous couronnerez les feux ,
Lorsqu'une chaîne éternelle
yous unira tous les deux !
Prenez-le enjoüé , mais sage ,
Tendre , sans être jaloux ;
Et qu'il ait tout en partage ,
Pour être digne de vous.
ΕΝΤΟΥ.
Recevez donc , Célimene ,
D'un Buveur de l'Hypocrène
La foible production';
Des Muses ce Nourrisson ,
Pour fille ne sçauroit faire.
De souhait qui soit plus doux ,
Ni plus certain de lui plaire ,
Que le souhait d'un Epoux.
V.
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Résumé : LES FINES EGUILLES. A Mlle D. M.... sous le nom de Célimene.
Le texte présente une série de poèmes et de commentaires dédiés à Célimène, une jeune fille de seize ans. Le premier poème la décrit comme aimable et prédit qu'elle apportera bonheur à son futur mari. Un glossaire attribue ces vers à Scaron. Un autre poème, daté de février 1732, loue Célimène pour sa beauté, ses charmes et son talent hérité de sa mère. Il mentionne également l'attention et l'amour de sa parente, ainsi que l'imminence de son mariage. Le texte évoque ensuite l'Hymen et l'Amour, qui guideront Célimène vers le bonheur conjugal, accompagné de jeux et de danses. Il conseille à Célimène de choisir un époux fidèle, tendre et sage. Enfin, un dernier poème souhaite à Célimène de trouver un époux aimant et exprime l'espoir que ses vœux se réalisent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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552
p. 298-313
LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
Début :
Je ne sçai, Monsieur, par quel hazard le Mercure de [...]
Mots clefs :
Mercure, Manuscrit, Chronique, Helinand, Diocèse, Évêque, Ordonnance, Saint inconnu
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
XXXX XXXXXXXXXX
LETTRE de M. d'Auvergne , Avocat en
Parlement, an sujet d'un Saint inconnu, et
des Fragments de la Chronique d'Helinand , Moine de Froimont.
J
E ne sçai , Monsieur , par quel hazard
le Mercure de Fevrier m'avoit échapé.
Assurément je n'aurois pas differé tant de
mois , si j'en avois été plutôt instruit , à
répondre à l'invitation obligeante qui m'y
a été faite , ( p. 334. ) pat un Sçavant de
Bourgogne , de rechercher ce que l'on
croit ici de saint Nerlin , et ce qui reste de
de la Chronique d'Helinand.
Pour ce qui est de saint Nerlin , il est
entierement ignoré dans le Diocèse de
Beauvais. A la Tour du Lay même , dont
il passe néanmoins pour être le Patron
on n'en connoît autre chose que le nom :
Encore n'y a-t'il pas bien long- tems que.
le souvenir y en étoit entierement perdu .
On n'y reconnoissoit pour Patron qu'un
saint Robert , non pas celui qui a été a été pre
mier Abbé de Cîteaux , et dont on fait
memoire le 29. Janvier , mais un autre
dont on celebroit la Fête le 21. Avril.
La reputation de ce dernier étoit mon-
>
tée
FEVRIER 1732.
299
>
tée à un très- haut degré dans les environs
De mêmeque l'Auteur de la Lettre sur ta
Secheresse , inserée dans le Mercure de
Septembre , paroft soupçonner que saint
Etienne a reçû , par préference aux autres Bien-heureux , le don de faire distri
buer la pluye aux Pays qui lui en demandent , on croyoit , dans les Paroisses
voisines de la Tour du Lay , que le prétendu saint Robert avoit le privilege specifique de guerir de la Fievre ceux qui
avoient la devotion de passer sous un
Tombeau qu'on prenoit pour le sien , et
de boire de l'eau d'une Fontaine qui se
conserve dans le Jardin du Prieuré. On
accouroit donc en foule pour faire très- serieusement ces deux ceremonies.
Le bruit éclatant de ce culte engagea
M. de S. Agnan,alors Evêque de Beauvais,
à en prendre connoissance. Il donna la
commission àM. le Roy, Curé de Persan,
tant à titre d'homme Lettré, qu'en qualité
de Promoteur Rural du Doyenné, de faire
unevisite dans l'Eglise du Prieuré du Lay.
De son côté , il fit faire des recherches à
l'Abbaye du Bec d'où dépend le Prieuré ; ce fut dans les Archives de cette Abbaye que se trouva le nom de S. Nerlin.
Quant à la visite de M. le Roy , elle fut
à cet égard des plus infructueuses. Il me
E iiij man
300 MERCURE DE FRANCE
mande qu'il n'a pas découvert que l'on ait
jamais fait , en quelque jour que ce fût, ni
Office , ni Memoire de ce saint , et qu'il
n'y en a , ni Legende , ni Collecte. De
sorte, Monsieur , que sans le titre de fondation du Prieuré, qui s'est trouvé à l'Abbaye du Bec , votre sçavant ami auroit sçû
avant nous qu'il y a eu un saint Nerlin.
C'est aussi apparemment tout au plus ce
dont M. de Saint Agnan lui-mêmea bien
pû s'assurer.
Car 1 ° . dans l'Ordonnance qu'il a renduë
le 12. Novembre 1727. tant pour faire
cesser le culte du faux saint Robert , que
pour nous apprendre que ce Robert , de
qui est le Tombeau qu'on veneroit , étoit
un Moine crû fils du Fondateur ; ni dans
la Lettre Pastorale dont il a accompagné
son Ordonnance , il n'a pas indiqué de
jour de Fête pour saint Nerlin , ni detitre
sous lequel on dût l'honorer. Effectivementon n'en fait point encore de memoire ; je me suis fait confirmer cela par le
Desservant du Prieuré , où , conformément aux derniers Ordres , il n'y a plus
d'autre Fête de Patron que celle de la
Vierge , le jour de la Nativité.
2. L'Ordonnance insinuë que la fondation du Prieuré a été faite sous l'Invocation de la Sainte Vierge et de saint Neslin
FEVRIER 1732 301
lin conjointement. Et la Lettre Pastorale
porte que cette Eglise fondée par un
Comte de Beaumont petit-Fils de France
(peut-être faut-il dire arriere-petit- Fils )
nereconnoissoit dans les premieres années
de son établissement d'autre Patron que
la Sainte Vierge , et que ce ne fut que
dans la suite qu'on y en ajouta un second
sous le nom de saint Nerlin, Ces deux exposez renferment une contradiction ma
nifeste. Pour la lever , M. le Roi m'a renvoyé à l'Abbaye du Bec : et j'y renvoye à
mon tour la Personne à qui je voudrois
pouvoir donner par moi- même de plus
grands éclaircissemens.
Il se pourroit faire que le nom du Saint,
dont il est en peine, eut, comme bien d'au
tres,été alteré. Je ne parle pointde la ci
tation que M. Eccard dans ses notes sur
les LoixRipuaires, p.2 14. a faite d'une histoire intitulée,Vita S. Nili. Qu'on en ait
fait saint Nilin , et par corruption saint
Nerlin , ce seroit peut être une conjecture qui paroîtroit trop tirée. Mais je trouve
dans une Charte de 1072. qu'un Chanoine de Compiegne qui étoit en même tems
un des deux Curés de saint Vaast de Beau
vais , s'appelloit Nevelon , et dans une
autre de 125o. que le Seigneur de Ronquerolles portoit aussialors le même nom.
By 711
302 MERCURE DE FRANCE
Il y a d'autant plus de vrai- semblance que
c'étoit le veritable nom du Patron dela
Tour du Lay , que-le Village de Ronque
rolles n'est qu'à une lieuë de distance de
ce Prieuré. Ces deux Chartes sont à la
suite des Memoires d'Antoine Loisel sur le
Beauvaisis. Je passe à l'article d'Helinand.
Les Fragmens de la Chronique de ce
Moine , qui a fleuri au commencement
du treiziéme siecle , et qui est aussi méprisé par Gabriel Naude(a ) que Vincent
de Beauvais , qui a néanmoins copié toutes les fables d'Helinand , en est estimé ; ces fragmens , dis- je , se conservent
veritablement dans l'Abbaye de Froidmont. Mais ils y sont d'une si mauvaise
écriture que le celebre Godefroy Hermant,
et un autre Chanoine de Beauvais son contemporain et aussi amateur d'antiquitez
n'en ont presque rien pû déchifrer. Sans
doute , l'Exemplaire que le Pere Labbe
marquequi faisoit partie des Livres quela
Reine Christine de Suede a fait acheter en
France de M. Petau, Conseiller, étoit beaucoup plus lisible..
Pour suppléer au défaut de ces deux Manuscrits , qui ne peuvent être d'ailleurs
que très- imparfaits , puisque , dès le mi-
(a ) Apologiepour les grands hommes soupçonnér de Magie, ch. 1. et 2-1.
lieu
FEVRIER. 1732. 353
nous و
lieu du même siecle dans lequel l'ouvra
ge a été composé , les differentes parties
en étoient déja toutes dispersées , ainsi
que l'assure Vincent de Beauvais
avons le Miroir Historial de ce dernier
qui y a fait entrer la meilleure partie de
ce qu'il a rassemblé de la Chronique d'Helinand par qui il n'avoit été précedé que
d'assez peu d'années. Voilà apparemment
où le curieux anonyme a lû autrefois ce
que sa memoire lui rappelle d'effrayant
dans le de l'Akousmate d'Ansacq genre
et ce qui , si on pouvoit y ajouter foi , seroit propre à confirmer ce qu'il pense
que,comme saint Paul assure que l'air est
rempli de Démons , ils peuvent fort bien.
s'attrouper de tems en tems, pour faire un
carillon semblable à celui que l'on prétend avoir entendu à Ansacq.
4
Le langagé d'une ancienne Traduction
Françoise du Miroir Historial sera beaucoup plus convenable à l'ingenuité des
Histoires sur lesquelles Helinand fondoit
ce systême , que ne le seroit telle autre
Traduction que ce fût de l'Original Latin .
Voici donc un premier trait qui se trouve
au liv. 3. du Copiste d'Helinand , chapitre 12.
» Chrétien vit tout le Couvent ( de
»l'Aumône Ordre de Cîteaux ) être enEvj vironné
304 MERCURE DE FRANCE
>> que il y
"
>
» vironné des Diables , et étoient si grant
» multitude que ils couvroient tout quanil y avoit entre le Ciel et la Terre.
» Et quant il les vit , il dit , Sire Dieu
que peut ce être qui pourra échaper ce
péril , et dont il oit une voix qui lui di-
» soit:Celui qui aura humilité pourrabien
»être délivréde toutes ces lats. Et unpou
» après vint une clarté du Ciel pardevers
»Orient. Et quant les mauvais esprits la
>> sentirent , ils s'évanoüirent , et ces glo-
» rieux qui étoient en l'aer en celle lumiere
»approcherent au lieu où ces Saints hom-
»mes étoientet le resplendirent du Soleil.
» Et en celle clarté apparut la Roine des
Anges , &c.
Jusques- là ce ne sont que des figures ,
et des figures de Démons qui ne donnent
de terreur que par leur aspect , mais quir
ne font point de tintamare. Plus bas les
ames des morts se mêlent avec les autres
esprits Aëriens. Si M. Pierquin avoit fçû.
ces faits , il les auroit peut- être mis en
usage dans la Dissertation qu'il a faite (a) .
sur le retour des ames. Quoiqu'il en soit,
voici d'abord , pour n'avancer que par degrès , une simple apparition dans le goût
de celle dont M. l'Abbé de saint Pierre a
fait inserer le recit , avec son explication
(a) Journal de Verdun , Janvier 1729. -
Physiqu
FEVRIER. 1732. 365
Physique, dans les Memoires de Trévoux
de Janvier 1726. L'histoire de cette an
cienne apparition est au chap, 118. du Li- \
vre cité de Vincent de Beauvais.
Il y est raconté que » Jean Chanoine de
»l'Eglise d'Orliens et ung Clerc nommê
»Noëlqui étoit dispensateur de son Hos-
»tel , avoient fait alliance en secret, que le
» premier d'eux qui mourroit , se il povoit
>> reviendroit dedans trente jours à son
>> Compaignon. Et quant il se apparoîtroiť
à lui il ne lui feroit point de paour ,
>> mais l'admonesteroit souëf et bellement
»et lui diroit de son état. « Après cet exposé , on fait ainsi détailler par le Chanoine lui-même ce que son Clerc mort'
lui est revenu dire , avec l'équipage dans
lequel il l'á vû.
» Et la nuit prouchaine ensuivante (la
>> mort de Noël ) ainsi comme je me répo-
»soye en mon lit veillant, et le lymeignon
>> ardoit devant moi en la lampe , car j'ai
>> toujours accoustumé à fuyr tenebres par
»> nuit, Noël mon Clerc vint et se tint de-
» vant moi, et étoit vestu comme il mesem-
» bloit et étoit advis, d'une chappe à pluye
» très- belle de couleur de plomb. Et je ne
» fus de rien épovanté. Et le congneu moult
» bien, et me prins à esjoyr de ce que il estoit si hastivement revenu de oultre les
monts
306 MERCURE DE FRANCE
,
» monts et lui dis. Noël bien vienges tu ,
» n'est pas l'Archediacre revenu. Non
» dit- il , Sire , mais je suis revenu tout seul
ǝ selon la chose establie , car je suis mort;
w'n'ayez doubte , car je ne vous feray nulle
23paour mais je vous prie que vous me
» secourez , car je suis en grans tourmens.
»Et pourquoi, dis je, vous vesquites assez
» honnestement avec moi ? et il dit , Sire ,
il est vrayque il me fût moult bien seau-
»jourd'hui je n'eusse esté sous prins d'ire,
» et que je ne me fusse pas commandé aux-
» Diables. Je vous pry que vous admon-
» nestez à tous ceux quevous pouvez que
>> ils nefacent pas ainsi.Car qui se comman-
>> de aux Diables il leur donne puissance
>> sus soy , ainsi comme moi très-malheu-
>> reux fis. Car ils eurent tantôt puissance
» de moi noyer. Et pour ce suis-je seule-
» ment tourmenté , car j'estois bien con-
>> fez de tous mes pechiez et je rencheu ent >> ce mal. »
Le traité d'entre le Chanoine d'Orleans
et son Clerc fut , comme on le voit , bien
mieux executé que celui des deux Ecoliers
de Vallognes dont il est parlé dans l'endroit cité des Memoires de Trevoux. L'essentiel de l'une et de l'autre convention
consistoit également dans la promesse que
celui qui mourroit le premier reviendroit
dire
FEVRIER. 1732% 307*
dire des nouvelles de son sort. Le petic
Desfontaines l'un des deux Enfans de Vallognes ne tint parole que sur l'article du
retour , mais on eut beau lui faire des
questions , s'il étoit sauvé , s'il étoit damné , s'il étoit en Purgatoire , si son Camarade étoit en état de grace , s'il le suivroit
de prês , on ne pût pas le faire cesser de
conter ses avantures d'Ecolier , ni l'engager à répondre sur les articles importants
pour lesquels seuls il avoit promis d'apparoître. Ce procedé , comme l'a remarqué
M. l'Abbé de saint Pierre , n'est ni honnête , ni digne d'un ami. La conduite du
Domestique d'Orleans fut bien plus civile , et de bien meilleure foi. Il apparut ,.
non pas comme Desfontaines nud et à micorps, mais tel qu'il avoit vêcu, et deplus
en habillemens somptueux de ceremonie,.
sans causer la moindre frayeur. Il rendit
un compte exact du triste état danslequel
il étoit tombé. L'interrogeoit - on , il ré
pondoit à tout avec complaisance et avec
justesse. C'est son Maître qui l'assure
dans la suite de sa Narration.
» Et à doncje lui demanday.Comment as
»tu si belle Chappe; si tu es en tourmens?
>> Sire , dit-il , cette Chappe qui est si belle
» ainsi comme il vous est advis , m'est
plus pesante et plus griefve queune tourse
368 MERCURE DE FRANCE
»se elle étoit mise sus moy , mais cette
beautéest l'esperance quej'ai d'avoir par
>>don pour la confession que je fis se j'ai
secours .... Et en se disant il s'évanouit
en pleurant
» J'ai dit cette chose » continue l'Auteur de la Chronique dans le chapitre suivant, " pour ce que il appère par ce dont
l'erreur de Virgile print son commence-
» ment des Ames des Trepassez que il ap-
» pelle Heroas , disant que ils ont celle
même cure , après la mort de Chevaux,
» de Chariots et d'Armes que ils avoient
»quant ils vivoient de laquelle chose ra-
>>comptoittrès certainement exemple.Eze
baudus , mon Parain , jadis Chambellan
»de Henry ( a ) Archevesque de Rheins.
Voilà l'évenement qui approche le plus
de celui d'Anfac.
DS
>> Si disoit ( Ezebaudus ) Monseigneur
l'Arcevesque de Rheims Monseigneur
>>si m'envoyoit à Arras. Et comme environ midy nous approuchissions en un
» Bois moi et mon varlet qui alloit devant
>> moi et chevauchoit plustóst , afin qué
»il me appareille logis. Il oyt grant tu-
>> multe en ce Bois et aussi comme frainte
»de divers Chevaux et sons d'Armures
ct aussi comme voix de grant multitude
(a ) Fils de Louis le Grás
de
FEVRIER 17320 309
deforce de Gens qui batailloient. Et donc
celui épouvanté retourna tantost à moi,
>> lui et son cheval.Et quant je lui demandai
» pourquoi il retournoit , il repondit. Je
» nepuis faire ne pour verge,ne pour espe-
>> ron que mon cheval passe oultre. Moyet
» lui sommes si espoventés que nous n'o-
»sons passer oultre. Car j'ai veu et ouy
»merveilles. Car ce Bois est tout plein de
>> Diables et de Ames des Trespassez, car je
>>les ai ouys crier et dire. Nous avonsja en
»nostre compaignie le Prevost d'Aire et
>> nous aurons prouchainement l'Arceves-
»que de Rheims. Et je respondi à ce. Fai-
»son le signe de la Croix et passon outre
>> hardiement. Et comme je alloye devant
»et je venisse au Bois , ces Ombres s'en
» estoient ja allés et toutesfois oi jeaucunes
voixconfuses , et frainte d'Armes et fre-
>> mir de Chevaux , mais ne je ne vi les *
»Ombres , neje ne pû entendre les voix.
» Et quant nous retournasmes de là, nous
» trouvasmes ja l'Arcevesque qui tiroit à
» sa derniere fin , ne depuis que ces voix
»furent oyes il ne vesquit que xv. jours. «<
Telle est la conclusion de l'histoire ,
ne reste plus qu'à rapporter la consequen
qu'en tiroit Helinand. La voici.
» Et de la apparoit il quels les Chevaux
sontsusquoi les Amesdes Trepassez che- vauchent
310 MERCURE DE FRANCE
>> vauchent aucunes fois, car ce sont Diables qui se transforment en Chevaux. Et
>> ceuxqui sont dessus sont très male curées
Ames chargées de pechiez aussi comme
» d'aucunes Armures et d'Ecus et de Heaumés,mais à la verité de la chose ils sont
»ainsi enlaidis de leurs pechiez et char-
» giez de telle chose selon le dit du Pro-
» phete. Ils descendront en Enfer avec
»leurs Armes. C'est- à- dire avec leurs
» membres , car ils firent Armes de iniqui-
»té en pechié , et ne les voulurent pas
و
faire Armes de droiture en Dieu. Il est
»certain que le Cheval est beste orgueil-
»leuse et fiere , et convoiteur de dissen-
>tions et batailles , chault en Luxure et
»puissant , et les Diables transformés en
» Chevaux , signifient que ceuxqui sicens
se esjoyssoient au Mondeen telles mau-
>> vaistiés. <«
Si cela étoit il faudroit croire que les
Morts dont les Ames se sont rassemblées
à Ansacq avoient mené une vie plus tranquille , moins ambitieuse et moins agitée
que ceux dont les Ombres se sont depuis
faitentendre vers laSuisse. Le bruit de ceux
ci ressembloit à une bataille des plus acharnées. (a ) Avec les autres au contraire on
n'a entendu ni Armes ni Chevaux ; ils ne
(a) Merc. deDecembre 1730. Vol. 2. p. 2839.'
faisoient
FEVRIER. 1732 311
faisoient que causer , rire et jouer des Instrumens. ( b )
Des Manes dont l'occupation est si gracieuse et si réjoüisante font vraisemblablement une classe diferente de ces Lar
ves ou Estries qu'Helinand decide ailleurs
n'être autre chose fors l'Ombre des Ames
damnées ou des malins Esprits , qui , selon
se quedit Saint Hierome, ontde nature d'espoenter petits enfans et de murmurer en liew
tenebreux.
Ces Larves , Larva , sont rendus dans
les anciens Dictionnaires par le mot de
Loups - Guroux qu'Etienne Pasquier n'a
pas oublié,fet dont les Nourrices fontencore des histoires. Il en trouve une semblable dans Vincent de Beauvais , liv. 2.1
ch. 96. Elle pourra servir à l'instruction
de l'Anonyme , qui dans le premier volume du Mercure de Juin ( p. 1344. ) demande l'origine de plusieurs Proverbes et
entr'autres de celui, connu comme le LoupGris.
"
Je me remembre bien » dit Helinand dans
» l'endroit cité ce que j'ai oui compter ,
» quant j'estois enfant de plusieurs que
»pour verité il estoit Villain du Ter- ung
» roüerdeBeauvaisà qui saFemme lavoit las
»testequi vosmithors parla boucheune des
( b) Ibid. p. 2807. et suiv.-
joinctures
312 MERCURE DE FRANCE,
joinctures de la main d'un Enfant. Et
>>l'opinion du commun du Pays estoit que
»il avoit esté transformé löng - tems en
>> Loup et celle opinion fut confirmée par »le vomissement des membres de l'En-
>>fant. «<
Je n'extrais plus de cette Chronique
qu'un dernier fait plus vrai- semblable par
la conformité qu'il a avec deux autres que MM.de S. André et Doison ont attesté et
expliqué, l'un dans ses Lettres sur les Malefices p. 221. et l'autre , aux Memoires de
Trevoux du mois d'Avril 1725.
Ces deux Medecins ont publié qu'une
Fille d'Orbec & une Religieuse de Tournay avoient rendu par les jambes , par la
poitrine , par la Gorge,par le dessous de
Foreille , une grande quantité d'Epingles.
Vincent de Bauvais,liv. 28.c.126. rappor
te d'après Helinand , que de son tems on
avoit vû sortir du bras d'une Fille de saint
Simphorien, au Diocése de Lyon, plus de
trente Aiguilles de fer,ausquelles succederent pendant plus d'un an de petites Broches de bois. La difference entre ces trois
Histoires ne consiste gueres que dans le
merveilleux. Dans la Religieuse de Tour
nay les Epingles laiffent chacune leur
playe. Dans la Fille de Lyon , ainsi que
dans celle d'Orbec , à peine les Aiguilles
étoient
FEVRIER. 1732. 313 .
étoient elles hors du bras ou de quelque
autre endroit du corps qu'on ne voyoit
plus par où elles étoient échapées. L'une
avoue qu'elle a plusieurs fois avalé des
Epingles. Chez les autres , l'accident étoit
l'effet de la Magie de deux Sorciers que
l'on connoissoit bien. Si cette opinion n'a
pas eu l'approbation de M. de saint André , du moins elle a emporté le suffrage
du bon Hélinand.
Pour revenir au Phénomene d'Ansacq,
Gaffarel,aux chap. 3. et 12. de ses Curiosi
tez inoüies , en réunit un affez bon nombre d'à-peu-près semblables à celui- là , et
il en distingue de deux sortes. Les uns
formés exprès par le Souverain Etre pour
nous avertir de quelque désastre prochain.
Les autres qui , suivant l'explication que
divers Physiciens en ont faites dans le
cours de cette année , ne viennent que de
la disposition fortuite de l'air et des nuës.
Le bruit d'Ansacq , s'il a été réel , ne
pourra être rangé que dans la derniere de
ces deux classes , puisque nous ne l'avons
vû suivi d'aucun évenement d'importance dont on puisse dire qu'il ait été le présage. Je suis , Monsieur , &c.
A Beauvais , le 13. Decembre 1731,
Co
14 MERCURE DE FRANCE,
1
LETTRE de M. d'Auvergne , Avocat en
Parlement, an sujet d'un Saint inconnu, et
des Fragments de la Chronique d'Helinand , Moine de Froimont.
J
E ne sçai , Monsieur , par quel hazard
le Mercure de Fevrier m'avoit échapé.
Assurément je n'aurois pas differé tant de
mois , si j'en avois été plutôt instruit , à
répondre à l'invitation obligeante qui m'y
a été faite , ( p. 334. ) pat un Sçavant de
Bourgogne , de rechercher ce que l'on
croit ici de saint Nerlin , et ce qui reste de
de la Chronique d'Helinand.
Pour ce qui est de saint Nerlin , il est
entierement ignoré dans le Diocèse de
Beauvais. A la Tour du Lay même , dont
il passe néanmoins pour être le Patron
on n'en connoît autre chose que le nom :
Encore n'y a-t'il pas bien long- tems que.
le souvenir y en étoit entierement perdu .
On n'y reconnoissoit pour Patron qu'un
saint Robert , non pas celui qui a été a été pre
mier Abbé de Cîteaux , et dont on fait
memoire le 29. Janvier , mais un autre
dont on celebroit la Fête le 21. Avril.
La reputation de ce dernier étoit mon-
>
tée
FEVRIER 1732.
299
>
tée à un très- haut degré dans les environs
De mêmeque l'Auteur de la Lettre sur ta
Secheresse , inserée dans le Mercure de
Septembre , paroft soupçonner que saint
Etienne a reçû , par préference aux autres Bien-heureux , le don de faire distri
buer la pluye aux Pays qui lui en demandent , on croyoit , dans les Paroisses
voisines de la Tour du Lay , que le prétendu saint Robert avoit le privilege specifique de guerir de la Fievre ceux qui
avoient la devotion de passer sous un
Tombeau qu'on prenoit pour le sien , et
de boire de l'eau d'une Fontaine qui se
conserve dans le Jardin du Prieuré. On
accouroit donc en foule pour faire très- serieusement ces deux ceremonies.
Le bruit éclatant de ce culte engagea
M. de S. Agnan,alors Evêque de Beauvais,
à en prendre connoissance. Il donna la
commission àM. le Roy, Curé de Persan,
tant à titre d'homme Lettré, qu'en qualité
de Promoteur Rural du Doyenné, de faire
unevisite dans l'Eglise du Prieuré du Lay.
De son côté , il fit faire des recherches à
l'Abbaye du Bec d'où dépend le Prieuré ; ce fut dans les Archives de cette Abbaye que se trouva le nom de S. Nerlin.
Quant à la visite de M. le Roy , elle fut
à cet égard des plus infructueuses. Il me
E iiij man
300 MERCURE DE FRANCE
mande qu'il n'a pas découvert que l'on ait
jamais fait , en quelque jour que ce fût, ni
Office , ni Memoire de ce saint , et qu'il
n'y en a , ni Legende , ni Collecte. De
sorte, Monsieur , que sans le titre de fondation du Prieuré, qui s'est trouvé à l'Abbaye du Bec , votre sçavant ami auroit sçû
avant nous qu'il y a eu un saint Nerlin.
C'est aussi apparemment tout au plus ce
dont M. de Saint Agnan lui-mêmea bien
pû s'assurer.
Car 1 ° . dans l'Ordonnance qu'il a renduë
le 12. Novembre 1727. tant pour faire
cesser le culte du faux saint Robert , que
pour nous apprendre que ce Robert , de
qui est le Tombeau qu'on veneroit , étoit
un Moine crû fils du Fondateur ; ni dans
la Lettre Pastorale dont il a accompagné
son Ordonnance , il n'a pas indiqué de
jour de Fête pour saint Nerlin , ni detitre
sous lequel on dût l'honorer. Effectivementon n'en fait point encore de memoire ; je me suis fait confirmer cela par le
Desservant du Prieuré , où , conformément aux derniers Ordres , il n'y a plus
d'autre Fête de Patron que celle de la
Vierge , le jour de la Nativité.
2. L'Ordonnance insinuë que la fondation du Prieuré a été faite sous l'Invocation de la Sainte Vierge et de saint Neslin
FEVRIER 1732 301
lin conjointement. Et la Lettre Pastorale
porte que cette Eglise fondée par un
Comte de Beaumont petit-Fils de France
(peut-être faut-il dire arriere-petit- Fils )
nereconnoissoit dans les premieres années
de son établissement d'autre Patron que
la Sainte Vierge , et que ce ne fut que
dans la suite qu'on y en ajouta un second
sous le nom de saint Nerlin, Ces deux exposez renferment une contradiction ma
nifeste. Pour la lever , M. le Roi m'a renvoyé à l'Abbaye du Bec : et j'y renvoye à
mon tour la Personne à qui je voudrois
pouvoir donner par moi- même de plus
grands éclaircissemens.
Il se pourroit faire que le nom du Saint,
dont il est en peine, eut, comme bien d'au
tres,été alteré. Je ne parle pointde la ci
tation que M. Eccard dans ses notes sur
les LoixRipuaires, p.2 14. a faite d'une histoire intitulée,Vita S. Nili. Qu'on en ait
fait saint Nilin , et par corruption saint
Nerlin , ce seroit peut être une conjecture qui paroîtroit trop tirée. Mais je trouve
dans une Charte de 1072. qu'un Chanoine de Compiegne qui étoit en même tems
un des deux Curés de saint Vaast de Beau
vais , s'appelloit Nevelon , et dans une
autre de 125o. que le Seigneur de Ronquerolles portoit aussialors le même nom.
By 711
302 MERCURE DE FRANCE
Il y a d'autant plus de vrai- semblance que
c'étoit le veritable nom du Patron dela
Tour du Lay , que-le Village de Ronque
rolles n'est qu'à une lieuë de distance de
ce Prieuré. Ces deux Chartes sont à la
suite des Memoires d'Antoine Loisel sur le
Beauvaisis. Je passe à l'article d'Helinand.
Les Fragmens de la Chronique de ce
Moine , qui a fleuri au commencement
du treiziéme siecle , et qui est aussi méprisé par Gabriel Naude(a ) que Vincent
de Beauvais , qui a néanmoins copié toutes les fables d'Helinand , en est estimé ; ces fragmens , dis- je , se conservent
veritablement dans l'Abbaye de Froidmont. Mais ils y sont d'une si mauvaise
écriture que le celebre Godefroy Hermant,
et un autre Chanoine de Beauvais son contemporain et aussi amateur d'antiquitez
n'en ont presque rien pû déchifrer. Sans
doute , l'Exemplaire que le Pere Labbe
marquequi faisoit partie des Livres quela
Reine Christine de Suede a fait acheter en
France de M. Petau, Conseiller, étoit beaucoup plus lisible..
Pour suppléer au défaut de ces deux Manuscrits , qui ne peuvent être d'ailleurs
que très- imparfaits , puisque , dès le mi-
(a ) Apologiepour les grands hommes soupçonnér de Magie, ch. 1. et 2-1.
lieu
FEVRIER. 1732. 353
nous و
lieu du même siecle dans lequel l'ouvra
ge a été composé , les differentes parties
en étoient déja toutes dispersées , ainsi
que l'assure Vincent de Beauvais
avons le Miroir Historial de ce dernier
qui y a fait entrer la meilleure partie de
ce qu'il a rassemblé de la Chronique d'Helinand par qui il n'avoit été précedé que
d'assez peu d'années. Voilà apparemment
où le curieux anonyme a lû autrefois ce
que sa memoire lui rappelle d'effrayant
dans le de l'Akousmate d'Ansacq genre
et ce qui , si on pouvoit y ajouter foi , seroit propre à confirmer ce qu'il pense
que,comme saint Paul assure que l'air est
rempli de Démons , ils peuvent fort bien.
s'attrouper de tems en tems, pour faire un
carillon semblable à celui que l'on prétend avoir entendu à Ansacq.
4
Le langagé d'une ancienne Traduction
Françoise du Miroir Historial sera beaucoup plus convenable à l'ingenuité des
Histoires sur lesquelles Helinand fondoit
ce systême , que ne le seroit telle autre
Traduction que ce fût de l'Original Latin .
Voici donc un premier trait qui se trouve
au liv. 3. du Copiste d'Helinand , chapitre 12.
» Chrétien vit tout le Couvent ( de
»l'Aumône Ordre de Cîteaux ) être enEvj vironné
304 MERCURE DE FRANCE
>> que il y
"
>
» vironné des Diables , et étoient si grant
» multitude que ils couvroient tout quanil y avoit entre le Ciel et la Terre.
» Et quant il les vit , il dit , Sire Dieu
que peut ce être qui pourra échaper ce
péril , et dont il oit une voix qui lui di-
» soit:Celui qui aura humilité pourrabien
»être délivréde toutes ces lats. Et unpou
» après vint une clarté du Ciel pardevers
»Orient. Et quant les mauvais esprits la
>> sentirent , ils s'évanoüirent , et ces glo-
» rieux qui étoient en l'aer en celle lumiere
»approcherent au lieu où ces Saints hom-
»mes étoientet le resplendirent du Soleil.
» Et en celle clarté apparut la Roine des
Anges , &c.
Jusques- là ce ne sont que des figures ,
et des figures de Démons qui ne donnent
de terreur que par leur aspect , mais quir
ne font point de tintamare. Plus bas les
ames des morts se mêlent avec les autres
esprits Aëriens. Si M. Pierquin avoit fçû.
ces faits , il les auroit peut- être mis en
usage dans la Dissertation qu'il a faite (a) .
sur le retour des ames. Quoiqu'il en soit,
voici d'abord , pour n'avancer que par degrès , une simple apparition dans le goût
de celle dont M. l'Abbé de saint Pierre a
fait inserer le recit , avec son explication
(a) Journal de Verdun , Janvier 1729. -
Physiqu
FEVRIER. 1732. 365
Physique, dans les Memoires de Trévoux
de Janvier 1726. L'histoire de cette an
cienne apparition est au chap, 118. du Li- \
vre cité de Vincent de Beauvais.
Il y est raconté que » Jean Chanoine de
»l'Eglise d'Orliens et ung Clerc nommê
»Noëlqui étoit dispensateur de son Hos-
»tel , avoient fait alliance en secret, que le
» premier d'eux qui mourroit , se il povoit
>> reviendroit dedans trente jours à son
>> Compaignon. Et quant il se apparoîtroiť
à lui il ne lui feroit point de paour ,
>> mais l'admonesteroit souëf et bellement
»et lui diroit de son état. « Après cet exposé , on fait ainsi détailler par le Chanoine lui-même ce que son Clerc mort'
lui est revenu dire , avec l'équipage dans
lequel il l'á vû.
» Et la nuit prouchaine ensuivante (la
>> mort de Noël ) ainsi comme je me répo-
»soye en mon lit veillant, et le lymeignon
>> ardoit devant moi en la lampe , car j'ai
>> toujours accoustumé à fuyr tenebres par
»> nuit, Noël mon Clerc vint et se tint de-
» vant moi, et étoit vestu comme il mesem-
» bloit et étoit advis, d'une chappe à pluye
» très- belle de couleur de plomb. Et je ne
» fus de rien épovanté. Et le congneu moult
» bien, et me prins à esjoyr de ce que il estoit si hastivement revenu de oultre les
monts
306 MERCURE DE FRANCE
,
» monts et lui dis. Noël bien vienges tu ,
» n'est pas l'Archediacre revenu. Non
» dit- il , Sire , mais je suis revenu tout seul
ǝ selon la chose establie , car je suis mort;
w'n'ayez doubte , car je ne vous feray nulle
23paour mais je vous prie que vous me
» secourez , car je suis en grans tourmens.
»Et pourquoi, dis je, vous vesquites assez
» honnestement avec moi ? et il dit , Sire ,
il est vrayque il me fût moult bien seau-
»jourd'hui je n'eusse esté sous prins d'ire,
» et que je ne me fusse pas commandé aux-
» Diables. Je vous pry que vous admon-
» nestez à tous ceux quevous pouvez que
>> ils nefacent pas ainsi.Car qui se comman-
>> de aux Diables il leur donne puissance
>> sus soy , ainsi comme moi très-malheu-
>> reux fis. Car ils eurent tantôt puissance
» de moi noyer. Et pour ce suis-je seule-
» ment tourmenté , car j'estois bien con-
>> fez de tous mes pechiez et je rencheu ent >> ce mal. »
Le traité d'entre le Chanoine d'Orleans
et son Clerc fut , comme on le voit , bien
mieux executé que celui des deux Ecoliers
de Vallognes dont il est parlé dans l'endroit cité des Memoires de Trevoux. L'essentiel de l'une et de l'autre convention
consistoit également dans la promesse que
celui qui mourroit le premier reviendroit
dire
FEVRIER. 1732% 307*
dire des nouvelles de son sort. Le petic
Desfontaines l'un des deux Enfans de Vallognes ne tint parole que sur l'article du
retour , mais on eut beau lui faire des
questions , s'il étoit sauvé , s'il étoit damné , s'il étoit en Purgatoire , si son Camarade étoit en état de grace , s'il le suivroit
de prês , on ne pût pas le faire cesser de
conter ses avantures d'Ecolier , ni l'engager à répondre sur les articles importants
pour lesquels seuls il avoit promis d'apparoître. Ce procedé , comme l'a remarqué
M. l'Abbé de saint Pierre , n'est ni honnête , ni digne d'un ami. La conduite du
Domestique d'Orleans fut bien plus civile , et de bien meilleure foi. Il apparut ,.
non pas comme Desfontaines nud et à micorps, mais tel qu'il avoit vêcu, et deplus
en habillemens somptueux de ceremonie,.
sans causer la moindre frayeur. Il rendit
un compte exact du triste état danslequel
il étoit tombé. L'interrogeoit - on , il ré
pondoit à tout avec complaisance et avec
justesse. C'est son Maître qui l'assure
dans la suite de sa Narration.
» Et à doncje lui demanday.Comment as
»tu si belle Chappe; si tu es en tourmens?
>> Sire , dit-il , cette Chappe qui est si belle
» ainsi comme il vous est advis , m'est
plus pesante et plus griefve queune tourse
368 MERCURE DE FRANCE
»se elle étoit mise sus moy , mais cette
beautéest l'esperance quej'ai d'avoir par
>>don pour la confession que je fis se j'ai
secours .... Et en se disant il s'évanouit
en pleurant
» J'ai dit cette chose » continue l'Auteur de la Chronique dans le chapitre suivant, " pour ce que il appère par ce dont
l'erreur de Virgile print son commence-
» ment des Ames des Trepassez que il ap-
» pelle Heroas , disant que ils ont celle
même cure , après la mort de Chevaux,
» de Chariots et d'Armes que ils avoient
»quant ils vivoient de laquelle chose ra-
>>comptoittrès certainement exemple.Eze
baudus , mon Parain , jadis Chambellan
»de Henry ( a ) Archevesque de Rheins.
Voilà l'évenement qui approche le plus
de celui d'Anfac.
DS
>> Si disoit ( Ezebaudus ) Monseigneur
l'Arcevesque de Rheims Monseigneur
>>si m'envoyoit à Arras. Et comme environ midy nous approuchissions en un
» Bois moi et mon varlet qui alloit devant
>> moi et chevauchoit plustóst , afin qué
»il me appareille logis. Il oyt grant tu-
>> multe en ce Bois et aussi comme frainte
»de divers Chevaux et sons d'Armures
ct aussi comme voix de grant multitude
(a ) Fils de Louis le Grás
de
FEVRIER 17320 309
deforce de Gens qui batailloient. Et donc
celui épouvanté retourna tantost à moi,
>> lui et son cheval.Et quant je lui demandai
» pourquoi il retournoit , il repondit. Je
» nepuis faire ne pour verge,ne pour espe-
>> ron que mon cheval passe oultre. Moyet
» lui sommes si espoventés que nous n'o-
»sons passer oultre. Car j'ai veu et ouy
»merveilles. Car ce Bois est tout plein de
>> Diables et de Ames des Trespassez, car je
>>les ai ouys crier et dire. Nous avonsja en
»nostre compaignie le Prevost d'Aire et
>> nous aurons prouchainement l'Arceves-
»que de Rheims. Et je respondi à ce. Fai-
»son le signe de la Croix et passon outre
>> hardiement. Et comme je alloye devant
»et je venisse au Bois , ces Ombres s'en
» estoient ja allés et toutesfois oi jeaucunes
voixconfuses , et frainte d'Armes et fre-
>> mir de Chevaux , mais ne je ne vi les *
»Ombres , neje ne pû entendre les voix.
» Et quant nous retournasmes de là, nous
» trouvasmes ja l'Arcevesque qui tiroit à
» sa derniere fin , ne depuis que ces voix
»furent oyes il ne vesquit que xv. jours. «<
Telle est la conclusion de l'histoire ,
ne reste plus qu'à rapporter la consequen
qu'en tiroit Helinand. La voici.
» Et de la apparoit il quels les Chevaux
sontsusquoi les Amesdes Trepassez che- vauchent
310 MERCURE DE FRANCE
>> vauchent aucunes fois, car ce sont Diables qui se transforment en Chevaux. Et
>> ceuxqui sont dessus sont très male curées
Ames chargées de pechiez aussi comme
» d'aucunes Armures et d'Ecus et de Heaumés,mais à la verité de la chose ils sont
»ainsi enlaidis de leurs pechiez et char-
» giez de telle chose selon le dit du Pro-
» phete. Ils descendront en Enfer avec
»leurs Armes. C'est- à- dire avec leurs
» membres , car ils firent Armes de iniqui-
»té en pechié , et ne les voulurent pas
و
faire Armes de droiture en Dieu. Il est
»certain que le Cheval est beste orgueil-
»leuse et fiere , et convoiteur de dissen-
>tions et batailles , chault en Luxure et
»puissant , et les Diables transformés en
» Chevaux , signifient que ceuxqui sicens
se esjoyssoient au Mondeen telles mau-
>> vaistiés. <«
Si cela étoit il faudroit croire que les
Morts dont les Ames se sont rassemblées
à Ansacq avoient mené une vie plus tranquille , moins ambitieuse et moins agitée
que ceux dont les Ombres se sont depuis
faitentendre vers laSuisse. Le bruit de ceux
ci ressembloit à une bataille des plus acharnées. (a ) Avec les autres au contraire on
n'a entendu ni Armes ni Chevaux ; ils ne
(a) Merc. deDecembre 1730. Vol. 2. p. 2839.'
faisoient
FEVRIER. 1732 311
faisoient que causer , rire et jouer des Instrumens. ( b )
Des Manes dont l'occupation est si gracieuse et si réjoüisante font vraisemblablement une classe diferente de ces Lar
ves ou Estries qu'Helinand decide ailleurs
n'être autre chose fors l'Ombre des Ames
damnées ou des malins Esprits , qui , selon
se quedit Saint Hierome, ontde nature d'espoenter petits enfans et de murmurer en liew
tenebreux.
Ces Larves , Larva , sont rendus dans
les anciens Dictionnaires par le mot de
Loups - Guroux qu'Etienne Pasquier n'a
pas oublié,fet dont les Nourrices fontencore des histoires. Il en trouve une semblable dans Vincent de Beauvais , liv. 2.1
ch. 96. Elle pourra servir à l'instruction
de l'Anonyme , qui dans le premier volume du Mercure de Juin ( p. 1344. ) demande l'origine de plusieurs Proverbes et
entr'autres de celui, connu comme le LoupGris.
"
Je me remembre bien » dit Helinand dans
» l'endroit cité ce que j'ai oui compter ,
» quant j'estois enfant de plusieurs que
»pour verité il estoit Villain du Ter- ung
» roüerdeBeauvaisà qui saFemme lavoit las
»testequi vosmithors parla boucheune des
( b) Ibid. p. 2807. et suiv.-
joinctures
312 MERCURE DE FRANCE,
joinctures de la main d'un Enfant. Et
>>l'opinion du commun du Pays estoit que
»il avoit esté transformé löng - tems en
>> Loup et celle opinion fut confirmée par »le vomissement des membres de l'En-
>>fant. «<
Je n'extrais plus de cette Chronique
qu'un dernier fait plus vrai- semblable par
la conformité qu'il a avec deux autres que MM.de S. André et Doison ont attesté et
expliqué, l'un dans ses Lettres sur les Malefices p. 221. et l'autre , aux Memoires de
Trevoux du mois d'Avril 1725.
Ces deux Medecins ont publié qu'une
Fille d'Orbec & une Religieuse de Tournay avoient rendu par les jambes , par la
poitrine , par la Gorge,par le dessous de
Foreille , une grande quantité d'Epingles.
Vincent de Bauvais,liv. 28.c.126. rappor
te d'après Helinand , que de son tems on
avoit vû sortir du bras d'une Fille de saint
Simphorien, au Diocése de Lyon, plus de
trente Aiguilles de fer,ausquelles succederent pendant plus d'un an de petites Broches de bois. La difference entre ces trois
Histoires ne consiste gueres que dans le
merveilleux. Dans la Religieuse de Tour
nay les Epingles laiffent chacune leur
playe. Dans la Fille de Lyon , ainsi que
dans celle d'Orbec , à peine les Aiguilles
étoient
FEVRIER. 1732. 313 .
étoient elles hors du bras ou de quelque
autre endroit du corps qu'on ne voyoit
plus par où elles étoient échapées. L'une
avoue qu'elle a plusieurs fois avalé des
Epingles. Chez les autres , l'accident étoit
l'effet de la Magie de deux Sorciers que
l'on connoissoit bien. Si cette opinion n'a
pas eu l'approbation de M. de saint André , du moins elle a emporté le suffrage
du bon Hélinand.
Pour revenir au Phénomene d'Ansacq,
Gaffarel,aux chap. 3. et 12. de ses Curiosi
tez inoüies , en réunit un affez bon nombre d'à-peu-près semblables à celui- là , et
il en distingue de deux sortes. Les uns
formés exprès par le Souverain Etre pour
nous avertir de quelque désastre prochain.
Les autres qui , suivant l'explication que
divers Physiciens en ont faites dans le
cours de cette année , ne viennent que de
la disposition fortuite de l'air et des nuës.
Le bruit d'Ansacq , s'il a été réel , ne
pourra être rangé que dans la derniere de
ces deux classes , puisque nous ne l'avons
vû suivi d'aucun évenement d'importance dont on puisse dire qu'il ait été le présage. Je suis , Monsieur , &c.
A Beauvais , le 13. Decembre 1731,
Co
14 MERCURE DE FRANCE,
1
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Résumé : LETTRE de M. d'Auverge, Avocat en Parlement, au sujet d'un Saint inconnu, et des Fragments de la Chronique d'Helinand, Moine de Froimont.
M. d'Auvergne, avocat au Parlement, répond à une invitation publiée dans le Mercure de février en abordant deux sujets principaux : saint Nerlin et les fragments de la Chronique d'Hélinand. Concernant saint Nerlin, il est inconnu dans le diocèse de Beauvais. À la Tour du Lay, dont il est supposé être le patron, seul son nom est connu, et ce souvenir est récent. Auparavant, le saint patron était saint Robert, célébré le 21 avril. Ce saint Robert était réputé pour guérir de la fièvre ceux qui passaient sous son tombeau et buvaient de l'eau d'une fontaine du prieuré. L'évêque de Beauvais, M. de Saint-Agnan, a enquêté sur ce culte et a découvert le nom de saint Nerlin dans les archives de l'abbaye du Bec. Cependant, aucune fête ni légende n'est associée à saint Nerlin, et le culte de saint Robert a été supprimé. Pour ce qui est de la Chronique d'Hélinand, moine du XIIIe siècle, ses fragments sont conservés à l'abbaye de Froidmont mais sont difficilement lisibles. Vincent de Beauvais a copié les fables d'Hélinand dans son 'Miroir Historial'. Le texte mentionne également des apparitions et des récits de fantômes tirés de la Chronique, comme l'histoire d'un chanoine d'Orléans et de son clerc, qui se sont promis de se revoir après la mort. Le clerc est apparu à son maître pour lui parler de son état tourmenté après sa mort. Le texte relate également un événement surnaturel vécu par un archevêque de Reims et son valet près d'Arras. Vers midi, ils entendirent des bruits de tumulte, de chevaux et d'armures, ainsi que des voix dans un bois. Le valet, effrayé, revint en déclarant avoir vu des diables et des âmes des trépassés. L'archevêque, après avoir fait le signe de la croix, continua son chemin et ne vit rien, mais entendit des voix confuses. Plus tard, ils trouvèrent l'archevêque de Reims mourant, qui décéda quinze jours après avoir entendu ces voix. Helinand, un chroniqueur, interpréta cet événement en affirmant que les âmes des trépassés pouvaient chevaucher sous forme de diables transformés en chevaux. Ces âmes, chargées de péchés, étaient représentées avec des armures et des écus. Il souligna également que les chevaux symbolisaient l'orgueil et la luxure. Le texte compare cet événement à d'autres phénomènes surnaturels, comme des bruits de bataille ou des voix dans des lieux différents. Il mentionne également des cas de personnes ayant expulsé des épingles ou des aiguilles par divers orifices du corps, attribués à la magie ou à des sorciers. Enfin, le texte discute des interprétations possibles de ces phénomènes, distinguant ceux qui seraient des avertissements divins de ceux causés par des conditions atmosphériques fortuites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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553
p. 314
« Ce que vous avez inseré dans le Mercure d'Octobre [...] »
Début :
Ce que vous avez inseré dans le Mercure d'Octobre [...]
Mots clefs :
Grappe de raisin, Extraordinaire
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texteReconnaissance textuelle : « Ce que vous avez inseré dans le Mercure d'Octobre [...] »
Ce que vous avez inseré dans le Mercure d'Octobre p. 2399. qu'il s'est vû à
Orleans une grappe de Raisins , moitié de
grains noirs et moitié de grains blancs, en
parfaite maturité,est extraordinaire , mais
l'exemple n'en est pas unique. Le hazard
m'a fait tomber sous la main aux Vendanges dernieres, dans la Vigne d'un Chateau
qui n'est qu'à une lieuë d'ici, une grappe
mi- partie de Raisin noir &de Raisin gris,
aussi parfaitement mûr.
Orleans une grappe de Raisins , moitié de
grains noirs et moitié de grains blancs, en
parfaite maturité,est extraordinaire , mais
l'exemple n'en est pas unique. Le hazard
m'a fait tomber sous la main aux Vendanges dernieres, dans la Vigne d'un Chateau
qui n'est qu'à une lieuë d'ici, une grappe
mi- partie de Raisin noir &de Raisin gris,
aussi parfaitement mûr.
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554
p. 314
Enigme, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
Début :
On a dû expliquer l'Enigme du Mercure de Janvier [...]
Mots clefs :
Expliquer, Énigme
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texteReconnaissance textuelle : Enigme, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
On a dûexpliquer l'Enigme du Mercu
re de Janvier par le Bissac d'un Chasseur.
Les mots des deux Logogryphes sont Com
merce et Mensis.
re de Janvier par le Bissac d'un Chasseur.
Les mots des deux Logogryphes sont Com
merce et Mensis.
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555
p. 314-315
ENIGME.
Début :
Fille d'un animal belant [...]
Mots clefs :
Chandelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
' Ille d'un animal belant
Je suis d'une figure ronde ,
Je n'ai ni pieds, ni mains , et, quoique sans talent,
Je suis utile à tout le monde;
Par une injuste loi du sort
A mon Pere je suis funeste
Je n'existe que par sa mort ;
J'en suis le déplorable resteg Sans
FEVRIER 1732 315 :
Sans -Lettres , sans étude, avec plus d'un Docteur
Je veille quelquefois du soir jusqu'à l'Aurore ;
Mais je perds toute ma splendeur ,
Quand je vois le grand jour éclore ;
Devine qui je suis , benevole Lecteur.
' Ille d'un animal belant
Je suis d'une figure ronde ,
Je n'ai ni pieds, ni mains , et, quoique sans talent,
Je suis utile à tout le monde;
Par une injuste loi du sort
A mon Pere je suis funeste
Je n'existe que par sa mort ;
J'en suis le déplorable resteg Sans
FEVRIER 1732 315 :
Sans -Lettres , sans étude, avec plus d'un Docteur
Je veille quelquefois du soir jusqu'à l'Aurore ;
Mais je perds toute ma splendeur ,
Quand je vois le grand jour éclore ;
Devine qui je suis , benevole Lecteur.
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556
p. 315-316
LOGOGRIPHE.
Début :
Mon nom a fait trembler Paris, [...]
Mots clefs :
Cartouche
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGOGRIPHE.
MonOn- noma fait trembler Paris
J'ai même vú ma tête à prix :
Je fus depuis Heros de Comédie ,
•
Le Monde apprit par là l'histoire de mavie,
Je suis encor propre au Soldar.
En tout tems , dans la Ville , en Campagne , a
Combat.
Tranche mon dernier tiers, je presente une Fille,
Connuë à l'Opera , fort tendre , et fort gentille,
Rends moy vite dans mon entier •
De mes tiers tranche le premier ›
Et fais ce que fait un bon Maître ,
C'est le seul moyen de connoître ,
Si le corps quel qu'il foit , est dur , mol , froid
ou chaud.
Dans matotalité remets moi de nouveau ;
Je suis connu du Genealogiste ,
Le Peintre m'a fait naître , et sans que je resiste,
L'Architecte m'ordonne et dispose de moi ,
Contraint
316 MERCURE DE FRANCE
Contraint d'obéir à sa loy ;
2 j
Autrefois dans un corps aussi fameux qu'habile
Mon premier tiers tout seul causa tant de debat ,
Que sans avoir égard à son ancien état ,
On voulut le chasser comme membre inutile,
La Font
MonOn- noma fait trembler Paris
J'ai même vú ma tête à prix :
Je fus depuis Heros de Comédie ,
•
Le Monde apprit par là l'histoire de mavie,
Je suis encor propre au Soldar.
En tout tems , dans la Ville , en Campagne , a
Combat.
Tranche mon dernier tiers, je presente une Fille,
Connuë à l'Opera , fort tendre , et fort gentille,
Rends moy vite dans mon entier •
De mes tiers tranche le premier ›
Et fais ce que fait un bon Maître ,
C'est le seul moyen de connoître ,
Si le corps quel qu'il foit , est dur , mol , froid
ou chaud.
Dans matotalité remets moi de nouveau ;
Je suis connu du Genealogiste ,
Le Peintre m'a fait naître , et sans que je resiste,
L'Architecte m'ordonne et dispose de moi ,
Contraint
316 MERCURE DE FRANCE
Contraint d'obéir à sa loy ;
2 j
Autrefois dans un corps aussi fameux qu'habile
Mon premier tiers tout seul causa tant de debat ,
Que sans avoir égard à son ancien état ,
On voulut le chasser comme membre inutile,
La Font
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557
p. 316-317
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Mon corps est singulier dans toute sa figure. [...]
Mots clefs :
Lamproie
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
ECOND LOGOGRYPHE.
Moncorps est singulier dans toute sa figure,
En plus de six endroits une ronde ouverture
Sur ligne parallele est à chaque côté.
Parlà passe et repasse une sérosité.
Jemarche sur huit pieds , rangez de telle sorte ;
Qu'en retranchant les trois qu'à la tête je porte ,
Si vous les renversez , je désigne un tyran ,
Le Aéau des Humains , et vrai fils de Satan.
Le reste de mes pieds est le nom de la chose
Que devient aux Corbeaux un pendu qu'on expose.
Coupez mon tout en deux par sa derniere part
Je suis Ville Picarde : ôtez son premier quart
Me voilà sur le champ un animal qui vole ,
Et dont la voix jadis sauva le Capitole.
Si tous ces traits , Lecteur , ne sont pas suffisans ,
Je vais me démasquer par les chiffres suivans.
Je me métamorphose en plus d'une maniere.
Un,
FEVRIER. 1732. 317
Un , deux , trois , quatre et huit , je porte la lu- miere.
Otez quatre , je suis moitié de l'instrument
Quifit périr Henri par la main de Clement.
Un , deux , cinq , trois et huit
fougere.
souvent sur la
J'ai des fieres Beautez désarmé la colere.
Si je suis cinq , six , sept , plus d'un flateur me
suit.
Le désir de six , cinq , gâte deux , trois et huit.
Cinq , deux , sept huit , je suis employée en
cuisine.
Huit , six , un, huit , sur trois , huit et cinq je domine.
Deux, sept, marquent un lieu connu par ses bons vins ,
Un, sept, cinq , huit , pour vous,mes accens sont Divins ,
Mortels qui cherissez les concerts du Parnasse.
L'été ; six , cinq , trois , huit, les Dimanches j'a .. masse
Troupes de Paysans pour leurs champêtres jeux.
Cinq, six , trois , huit , je suis Ville de nom fa- meux.
Etant trois, six , cinq , huit , j'ai la prérogative
Qu'à me vouloir blanchir on perdroit sa lessive.
Trois , deux , cinq , un , sept , font un jardin • curieux ,
-Sur les bords de la Seine habité par des Dieux.
Moncorps est singulier dans toute sa figure,
En plus de six endroits une ronde ouverture
Sur ligne parallele est à chaque côté.
Parlà passe et repasse une sérosité.
Jemarche sur huit pieds , rangez de telle sorte ;
Qu'en retranchant les trois qu'à la tête je porte ,
Si vous les renversez , je désigne un tyran ,
Le Aéau des Humains , et vrai fils de Satan.
Le reste de mes pieds est le nom de la chose
Que devient aux Corbeaux un pendu qu'on expose.
Coupez mon tout en deux par sa derniere part
Je suis Ville Picarde : ôtez son premier quart
Me voilà sur le champ un animal qui vole ,
Et dont la voix jadis sauva le Capitole.
Si tous ces traits , Lecteur , ne sont pas suffisans ,
Je vais me démasquer par les chiffres suivans.
Je me métamorphose en plus d'une maniere.
Un,
FEVRIER. 1732. 317
Un , deux , trois , quatre et huit , je porte la lu- miere.
Otez quatre , je suis moitié de l'instrument
Quifit périr Henri par la main de Clement.
Un , deux , cinq , trois et huit
fougere.
souvent sur la
J'ai des fieres Beautez désarmé la colere.
Si je suis cinq , six , sept , plus d'un flateur me
suit.
Le désir de six , cinq , gâte deux , trois et huit.
Cinq , deux , sept huit , je suis employée en
cuisine.
Huit , six , un, huit , sur trois , huit et cinq je domine.
Deux, sept, marquent un lieu connu par ses bons vins ,
Un, sept, cinq , huit , pour vous,mes accens sont Divins ,
Mortels qui cherissez les concerts du Parnasse.
L'été ; six , cinq , trois , huit, les Dimanches j'a .. masse
Troupes de Paysans pour leurs champêtres jeux.
Cinq, six , trois , huit , je suis Ville de nom fa- meux.
Etant trois, six , cinq , huit , j'ai la prérogative
Qu'à me vouloir blanchir on perdroit sa lessive.
Trois , deux , cinq , un , sept , font un jardin • curieux ,
-Sur les bords de la Seine habité par des Dieux.
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558
s. p.
L'AGE D'OR.
Début :
QU'êtes-vous devenu, tempes heureux, âge d'or ? [...]
Mots clefs :
Âge d'or, Nature, Plaisir, Campagne, Temps heureux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AGE D'OR.
LAGE D'O R..
U'êtes- vous devenu , temps het
reux , âge d'or ,
Où regnoient les plaisirs , amis de l'innocence ?
De ce siecle pervers, quand je vois la licence ,
Non , je n'espere plus de vous revoir encor
Temps heureux , âge d'or !
Monesprit prévenu , prend pour de beffes fables,
Ce que l'on dit de vos douceurs ;
A ij LA
S.H.P
414 MERCURE DE FRANCE.
La corruption de nos mœurs
A mes yeux obsturcis les rend presque incroïa bles.
Je les croirois plus veritables ,
Si nous étions meilleurs.
Heureux ceux que le Ciel fit naître ,
Dans le cours fortuné , d'un âge si charmant §
Leur vie étoit simple et champêtre ,
Mais ils vivoient tranquillement.
Ils étoient simples , sans bassesse ;
Champêtres , sans rusticité ,
Villageois , sans grossiereté ;
Riches , sans de grands biens , délicats sans mol-→
lesse.
Plus Philosophes que Bergers ,
Fils avoient des Moutons, le soin de les con duire ,
Leur faisoit éviter les funestes dangers
Que l'oisiveté peut produire.
Chez eux point de Palais , de rustiques maisons
Leur servoient d'habitations ;
Maisons , dont la seule nature ,
Avoit souvent conduit toute l'Architecture.
Lc
MARS. 17323- 485
Le Lait de Teurs Brebis , étoit leur nourriture
De la Laine qu'ils en tiroient
Its filloient des habits , sans argent , sans do
rure ;
La propreté faisoit la plus riche parure
Des vétemens qui les couvroïent
Modestes , sans être timides ,
Ils étoient , sans ramper , humbles dans leurs
discours ;
Des hommes fourbes et perfides ,"
Ils ignoroient encor les dangereux détours",
Hélas ! ne pouvions-nous les ignorer toujours
Les Concerts que formoient leur Musique
champêtre ,
Etoient un doux plaisir pour eux',
Dans l'Art de l'harmonie , ils avoient eu pour
Maître ,
Apollon , descendu des Cieux.
Pourquoi des sentimens si beaux , sirespectables
Des cœurs de leurs Neveux , se sont-ils effacez
Ah ! pourquoi nos Bergers ne sont-ils point sem blables , •
Aux Bergers des siecles passez ?
A inj J'auro
418 MERCURE DE FRANCE
J'aurois déja quitté là Ville ,
Pour aller vivre et mourir avec eux ;
La Campagne , séjour tranquille ,
Me serviroit de sûr azyle ,
Contre les faux attraits d'un Monde dangereux.
P. R
U'êtes- vous devenu , temps het
reux , âge d'or ,
Où regnoient les plaisirs , amis de l'innocence ?
De ce siecle pervers, quand je vois la licence ,
Non , je n'espere plus de vous revoir encor
Temps heureux , âge d'or !
Monesprit prévenu , prend pour de beffes fables,
Ce que l'on dit de vos douceurs ;
A ij LA
S.H.P
414 MERCURE DE FRANCE.
La corruption de nos mœurs
A mes yeux obsturcis les rend presque incroïa bles.
Je les croirois plus veritables ,
Si nous étions meilleurs.
Heureux ceux que le Ciel fit naître ,
Dans le cours fortuné , d'un âge si charmant §
Leur vie étoit simple et champêtre ,
Mais ils vivoient tranquillement.
Ils étoient simples , sans bassesse ;
Champêtres , sans rusticité ,
Villageois , sans grossiereté ;
Riches , sans de grands biens , délicats sans mol-→
lesse.
Plus Philosophes que Bergers ,
Fils avoient des Moutons, le soin de les con duire ,
Leur faisoit éviter les funestes dangers
Que l'oisiveté peut produire.
Chez eux point de Palais , de rustiques maisons
Leur servoient d'habitations ;
Maisons , dont la seule nature ,
Avoit souvent conduit toute l'Architecture.
Lc
MARS. 17323- 485
Le Lait de Teurs Brebis , étoit leur nourriture
De la Laine qu'ils en tiroient
Its filloient des habits , sans argent , sans do
rure ;
La propreté faisoit la plus riche parure
Des vétemens qui les couvroïent
Modestes , sans être timides ,
Ils étoient , sans ramper , humbles dans leurs
discours ;
Des hommes fourbes et perfides ,"
Ils ignoroient encor les dangereux détours",
Hélas ! ne pouvions-nous les ignorer toujours
Les Concerts que formoient leur Musique
champêtre ,
Etoient un doux plaisir pour eux',
Dans l'Art de l'harmonie , ils avoient eu pour
Maître ,
Apollon , descendu des Cieux.
Pourquoi des sentimens si beaux , sirespectables
Des cœurs de leurs Neveux , se sont-ils effacez
Ah ! pourquoi nos Bergers ne sont-ils point sem blables , •
Aux Bergers des siecles passez ?
A inj J'auro
418 MERCURE DE FRANCE
J'aurois déja quitté là Ville ,
Pour aller vivre et mourir avec eux ;
La Campagne , séjour tranquille ,
Me serviroit de sûr azyle ,
Contre les faux attraits d'un Monde dangereux.
P. R
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Résumé : L'AGE D'OR.
Le texte évoque l'âge d'or, une période idéalisée caractérisée par les plaisirs et l'innocence. Le narrateur exprime son désarroi face à la corruption des mœurs actuelles, qui rend improbable la douceur de cette époque. Il imagine une vie simple et champêtre, où les gens vivaient paisiblement, modestes et humbles, ignorant la perfidie. Leur existence était marquée par la simplicité, la propreté et la philosophie. Ils se contentaient de peu, utilisant les ressources naturelles pour leur subsistance et leur vêture. Leur musique, inspirée par Apollon, apportait un doux plaisir. Le narrateur regrette la perte de ces valeurs et aspire à vivre comme les bergers des siècles passés, loin des dangers de la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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559
p. 416-426
RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
Début :
Il faudroit être d'un génie bien singulier, si je [...]
Mots clefs :
Physique, Acousmate d'Ansacq, Liquide, Matière, Fermentation, Vapeurs, Mouvement, Corps
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
REPONSE aux Réflexions de M.Lalonat de Sonlaines , Avocat au Parlement de Paris , sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq , dans le Mercure de
France , du mois de Novembre 1731.
L faudroit être d'un génie bien singulier , si je me refusois à ce que M. Lalouat de Soulaines désire de moi ; sçavoir,
que je dissipe les doutes et les scrupules
Philosophiques, que mon explication de
l'Akousmate d'Ansacq a jettés dans son
esprit. Un concurrent qui en agit avec
tant d'honnêteté et de politesse , mérite
qu'on ne néglige rien pour le satisfaire.
,
J'aurai d'abord l'honneur de lui dire ,
par rapport à sa premiere observation
qu'il n'a pas lieu d'être embarassé sur ce
quej'ai dit qu'il y avoit des fermentations
froides
A
“
MARS. 1732 417
froides , s'il souhaite de s'en convaincre
il peut voir dans le Livre des Expériences Physiques , que M. Poliniere a donné
au public, la 77 Experience , où il rapporte , qu'en mettant dans l'Esprit de Vitriol du Sel armoniac , si l'on y plonge la
Boule d'un Thermométre , pendant que
ces deux choses fermentent , l'Esprit de
vin descend au même instant considérablement , ce qui est une preuve incontestable qu'il y a des Fermentations froides.
Le même Auteur en donne l'explication ,
et il dit peu après , qu'il y a long-temps
qu'on a remarqué ces Fermentations froides. On les a , ajoute- t-il , souvent regardées comme contraires à l'opinion commune, qui est , que la chaleur consiste
dans le mouvement.
Enfin, pour parler plus précisément ,
par rapport à mon systême , énoncé dans
mon Explication ; je dis , avec un Auteur
moderne , que je reconnois , ainsi que je
l'ai exposé , deux sortes de fermentations;
sçavoir , celles que j'appelle chaudes , et
qui se fontavec une chaleur sensible, telle
que celle qui me pensa autrefois brûler
les doigts , pour avoir jetté quelques
clouds de fer dans une Phiole de verre ou
j'avois mis de l'Eau-forte , et que je tenois
dans ma main & et d'autres fermentations
A iiij froides
418 MERCURE DE FRANCE
froides , c'est à-dire , qui se font sans cha
leur sensible , telle que celle du Vinaigre,
avec le Corail , les Coquillages et sembla
Bles Alcalis. C'est sur ces principes , que
j'ai attribué à la premiere sorte de fermentation, formée dans un nuage , la cause du Tonnerre ; et à la seconde , formée
aussi dans un nuage , la cause des bruits
qu'on entend quelquefois dans l'air.
En ce qui touche sa seconde Observation , j'ai dit, et je le dis encore, avec tous
les Physiciens de nos jours , que la matie
re subtile par son mouvement tourbillonant , agitant continuellement les parties
essentielles des liquides , et en mêmetemps celles qui s'y trouvent quelquefois
mélangées , quoiqu'éthérogenes , est la
seule cause de leur fluidité, et par occasion,
celle des fermentations qui se font dans
ces liquides, par le mélange de ces parties
hétérogenes qui peuvent s'y trouver. S'il
étoit vrai , comme le dit M. Laloüat de
Soulaines , que les parties des fluides fussent longues,contigues , couchées les unes
sur les autres , la matiere subtile n'ayant
qu'un libre passage entre chaque partie ,
et que ces parties n'eussent pointde pores,
comme il le veut; il s'ensuivroit , qu'à
raison de leur contiguité , étant d'ailleurs
couchées les unes sur les autres , loin de
former
MARS: 1732. 419
former des corps liquides par leur tours
billonement continuel , elles en forme
roient de solides , puisqu'elles seroient
dans le repos ; et faute d'avoir des pores ,
pour laisser passer librement la matiere
éthérée qui produit la lumiere , elles ren- droient tous les corps liquides opaques.
Je crois que M.Lalouat comprend bien
que quand j'ai parlé de la fermentation
froide du Vin et du Cidre , et que pour
l'expliquer j'ai dit , que la matiere subtile
fait seule la liquidité des fluides , et que
j'ai ajouté , qu'agitant continuellement
leurs parties grossieres et tartareuses , &c.
je n'entendois parler que du Vin et du
Cidre , desquels seuls j'expliquois la fer
mentation , et non des liquides en general , tels qu'ils peuvent être dans leur pureté essentielle. Il faut avouer qu'il s'est
glissé une faute de Copisté dans cet endroit , et qu'il devoit y avoir de ces finides , et non simplement des fluides ; mais
la chose se trouve réparée huit lignes
plus bas , où je conclus que c'est l'action
de ces parties fines contre les grossieres
qui cause la fermentation de ces liquides ,
sçavoir, du Vin et du Cidre , dont il étoit
uniquement question . -
9
Je suis surpris , que quand je dis que
les vapeurs emportent avec elles , dans
Av Pair
420 MERCURE DE FRANCE
:
Pair , quantité de parties simplementterestres , qui contiennent aussi de l'air , et
quantité d'autres , purement salines cela
ait jetté de la confusion à son égard , sur la
nature des vapeurs et de l'air car il expli
que lui- même dans sa troisième et derniere Reflexion , comment les vapeurs et
les exhalaisons s'élevent dans l'air , et je
ne crois pas qu'il ignore , qu'on entend
par vapeurs les parties aqueuses qui s'élevent dans l'air , et par les exhalaisons , les
parties terrestres qui s'y élevent de même,
soit qu'elles soient simplement terrestres
ou salines , ou sulphureuses. Je ne dis
donc que ce que tout le monde sçait , et
qu'il n'ignore pas lui- même ; car pour la
nature de l'air , j'en pense comme tous les
Physicions modernes, ainsi je ne vois pas ,
ce qui dans mes paroles , a pu jetter de la confusion , si ce n'est ce que je dis , que
les parties terrestres qui sont enlevées ,
avec les vapeurs , contiennent de l'air , et .
c'est surquoi je m'expliquerai , en répon- dant à sa troisiéme Reflexion.
Après ce que je viens d'exposer pour
servir de premier éclaircissement aux
doutes de M. Lalotat , je vais répondre
à sa premiere Refléxion , et je dis , que la
premiere consequence qu'il tire de l'idée
que je donne de la fermentation , n'est
pas
MARS. 1732. 421
pas juste ; car quoique je dise qu'il y a
des fermentations froides dans les liquides , comme je l'ai prouvé , je n'ai jamais
dit que cela arrivât quand ces liquides
étoient dans la pureté qui leur est essen❤
tielle , comme lorsque l'eau et l'air song
parfaitement purs ; mais bien quand il s'y
trouve des corps étrangers , qui mettent
obstacle au mouvement naturel et ordi
naire que la matiere subtile entretient
dans ces liquides , pour former leur li
quidité. Les liquides ne peuvent dond
pas fermenter toujours ni en toute saison;
puisqu'il n'y a pas toujours en eux des
corps qui mettent obstacle au libre mou
vement de la matiere subtile. Je n'ai garde de penser que la fermentation soit
occasionnée la matiere subtile , com- par
me il paroît me l'attribuer. Je sçai bien
que son mouvement est continuel ; j'ai
dit seulement que ce qui occasionnoit la
fermentation des liquides , tels que le vin
et le Cidre, c'étoient les parties grossieres
et tartareuses , qui, dans ces liquides ,
mettoient par occasion un obstacle au
mouvement de la matiere subtile.
Comment M. de Soulaines entend- il
que si dans les fermentations froides des
liquides , l'effet de la matiere subtile étoit
de pousser les parties les plus fines dans
A vj les
422 MERCURE DE FRANCE
les pores des plus grossieres , il s'en ensuivroit une condensation ou diminution
de volume ? Peut- il ignorer que la fe
mentation ne se fait que pourbriser , dissoudre , subtiliser et éloigner les parties
grossieres des liquides qui mettent obsta
cle au mouvement de la matiere subtile ?
Parconsequent , si les fines sont poussées
dans les pores des plus grossieres , ce n'est
pas pour y rester, mais pour les diviser
et les rompre , comme un coin qu'on enfonce violemment dans du bois l'ouvre
et le divise , la fermentation des liquides
n'y peut donc causer ni condensation
ni diminution de volume.
Pour répondre à la seconde Refléxion ,
je dis qu'elle me paroît fort inutile 3 premierement , parce que les trois inconveniens qu'il croyoit s'ensuivre de mon Systême , de la fermentation des liquides, ne
subsiste pas , comme je viens de le fairevoir. Secondement , parce que les trois
causes qu'il apporte de cette fermentation, n'ont rien de vrai-semblable qu'en
ce qui a quelque rapport à ce que j'en'
ai dit, conjointement avec tous les Physiciens modernes.
Car dans la fermentation ce n'est pas
la matiere subtile , comme il le prétend,
qui augmente son mouvement ,
il est
toujours
&
MAR S. 1732 423
toujours le même ; mais rencontrant des
obstacles dans son mouvement , c'est alors
qu'elle pousse , agite , brise , chasse ces
corps qui lui résistent , et voilà ce qui
cause le trouble qui se fait dans les li
quides pendant les fermentations. Pourquoi y chercher des parties grasses et enz trelassées ? Se trouve- til des parties gras
ses dans le vinaigre qui fermente avec le
Corail , les yeux d'Ecrevisses et sembla
bles Alcalis? Que signifie cette augmen
tation de force que prend la matiere sub
tile lorsqu'elle frappe les Globules du
second Element ? Selon tous les Cartésiens , n'est-elle pas elle- même composée du premier et du second Element ? (a)
Enfin, quel est ce corps étrangerqui pousse la matiere subtile , qu'on donne pour
troisiéme cause de la fermentation , et
qu'onsuppose plus puissant que cette mariere subtile ? J'avoue que je ne le con →
pas , et que tout cela n'est pas assez
clair et intelligible , pour me faire changer de sentiment.
nois
Je n'ai rien à dire sur la premiere Par
tic de la troisiéme Refléxion , puisqu'elle
ne sert qu'à justifier qu'il s'éleve dans
Fair des vapeurs et des exhalaisons dont
(a) Regis. Syst. de Philos. Tom. I. Part 2.
Chap. 9.
rout
424 MERCURE DE FRANCE
tout le monde convient , ce qui fait l'es
sentiel de mon Explication . Il s'agit seulement de répondre à la conclusion tirée de cette Refléxion ; sçavoir , que les
parties qui composent les vapeurs sont
trop fines pour être poreuses et pour pou,
voir parconsequent contenir de l'air. A
quoi je dirai d'abord , qu'elles ne sont
pas toûjours si fines qu'on se l'imagine ¿
puisque les parties terrestres qui s'élevent
avec les vapeurs , sont si sensibles , que
retombant avec la pluye , elles déposent
dans les Réservoirs un veritable limon
Chambon , dans ses Principes de Physique , dit qu'en Pologne on voit souvent,
pendant l'hyver le Nitre qui a été enlevé.
avec les vapeurs , tomber en forme de
nege. La même chose est aussi quelquefois arrivée à l'égard du Souffre. Wormius a donné la Relation d'une pluye
qui tomba à Copenhague le 16. May,
1646. laquelle outre l'odeur du Souffre
dont elle infectoit tout le monde , laissa..
sur la terre tant de poudre sulphureuse
qu'on la pouvoit aisément ramasser ; ce
qui démontre que les parties des corps
terrestres qui s'élevent dans l'air avec les
Vapeurs , ne sont pas toujours si fines
qu'on peut s'imaginer..
Enfin , si fines qu'elles puissent être
MARS. 17322 425
elles
pas
il faut néanmoins qu'elles soient toûjours
poreuses, car si elles ne l'étoient pas,
seroient alors exactement compactes et
solides; dans ce cas , selon les loix cons
tantes de la pesanteur respective des corps
solides et des liquides , leur petit volume
l'emporteroit de force , à raison de sa
grande solidité, sur un égal volume de l'air
qui est très- fluide ; ainsi l'air n'auroit
assez de force pour les enlever de la terre,
et beaucoup moins encore pour les soutenir su penduës dans sa masse ; comme
un morceau de bois très dur et très solide ne peut pas aisément s'élever dans
l'eau et y nâger , ainsi que fait sans peine
un morceau de liege très- poreux , quoi.
qu'il soit d'un volume égal à celui de ce
bois dur.
Or comme les particules terrestres qui '
s'élevent avec les vapeurs et qui retombent avec la pluye , ne sont pas si excessivement fines , puisqu'elles forment
un limon sensible , rien n'empêche que
leurs pores étant plus ouverts , ils ne
puissent contenir de l'air ; la facilité qu'elles ont à s'y élever et à s'y soutenir aussi
aisément qu'elles font , est une preuve,
non seulement qu'elles sont poreuses ,
mais que penetrées de l'air , il les soutient d'autant plus aisément , que son
poids
426 MERCURE DE FRANCE
poids est plus puissant que le leur.-
J'espere qu'après tous ces éclaircissemens , M. Laloüat de Soulaines sera satisfait , au moins doit-il demeurer persuadé que je n'ai rien négligé pour lui
donner des marques de ma bonne volonté à son égard; et que je suis et serai tou
jours plein d'estime pour sa capacité et
pour son mérite.
France , du mois de Novembre 1731.
L faudroit être d'un génie bien singulier , si je me refusois à ce que M. Lalouat de Soulaines désire de moi ; sçavoir,
que je dissipe les doutes et les scrupules
Philosophiques, que mon explication de
l'Akousmate d'Ansacq a jettés dans son
esprit. Un concurrent qui en agit avec
tant d'honnêteté et de politesse , mérite
qu'on ne néglige rien pour le satisfaire.
,
J'aurai d'abord l'honneur de lui dire ,
par rapport à sa premiere observation
qu'il n'a pas lieu d'être embarassé sur ce
quej'ai dit qu'il y avoit des fermentations
froides
A
“
MARS. 1732 417
froides , s'il souhaite de s'en convaincre
il peut voir dans le Livre des Expériences Physiques , que M. Poliniere a donné
au public, la 77 Experience , où il rapporte , qu'en mettant dans l'Esprit de Vitriol du Sel armoniac , si l'on y plonge la
Boule d'un Thermométre , pendant que
ces deux choses fermentent , l'Esprit de
vin descend au même instant considérablement , ce qui est une preuve incontestable qu'il y a des Fermentations froides.
Le même Auteur en donne l'explication ,
et il dit peu après , qu'il y a long-temps
qu'on a remarqué ces Fermentations froides. On les a , ajoute- t-il , souvent regardées comme contraires à l'opinion commune, qui est , que la chaleur consiste
dans le mouvement.
Enfin, pour parler plus précisément ,
par rapport à mon systême , énoncé dans
mon Explication ; je dis , avec un Auteur
moderne , que je reconnois , ainsi que je
l'ai exposé , deux sortes de fermentations;
sçavoir , celles que j'appelle chaudes , et
qui se fontavec une chaleur sensible, telle
que celle qui me pensa autrefois brûler
les doigts , pour avoir jetté quelques
clouds de fer dans une Phiole de verre ou
j'avois mis de l'Eau-forte , et que je tenois
dans ma main & et d'autres fermentations
A iiij froides
418 MERCURE DE FRANCE
froides , c'est à-dire , qui se font sans cha
leur sensible , telle que celle du Vinaigre,
avec le Corail , les Coquillages et sembla
Bles Alcalis. C'est sur ces principes , que
j'ai attribué à la premiere sorte de fermentation, formée dans un nuage , la cause du Tonnerre ; et à la seconde , formée
aussi dans un nuage , la cause des bruits
qu'on entend quelquefois dans l'air.
En ce qui touche sa seconde Observation , j'ai dit, et je le dis encore, avec tous
les Physiciens de nos jours , que la matie
re subtile par son mouvement tourbillonant , agitant continuellement les parties
essentielles des liquides , et en mêmetemps celles qui s'y trouvent quelquefois
mélangées , quoiqu'éthérogenes , est la
seule cause de leur fluidité, et par occasion,
celle des fermentations qui se font dans
ces liquides, par le mélange de ces parties
hétérogenes qui peuvent s'y trouver. S'il
étoit vrai , comme le dit M. Laloüat de
Soulaines , que les parties des fluides fussent longues,contigues , couchées les unes
sur les autres , la matiere subtile n'ayant
qu'un libre passage entre chaque partie ,
et que ces parties n'eussent pointde pores,
comme il le veut; il s'ensuivroit , qu'à
raison de leur contiguité , étant d'ailleurs
couchées les unes sur les autres , loin de
former
MARS: 1732. 419
former des corps liquides par leur tours
billonement continuel , elles en forme
roient de solides , puisqu'elles seroient
dans le repos ; et faute d'avoir des pores ,
pour laisser passer librement la matiere
éthérée qui produit la lumiere , elles ren- droient tous les corps liquides opaques.
Je crois que M.Lalouat comprend bien
que quand j'ai parlé de la fermentation
froide du Vin et du Cidre , et que pour
l'expliquer j'ai dit , que la matiere subtile
fait seule la liquidité des fluides , et que
j'ai ajouté , qu'agitant continuellement
leurs parties grossieres et tartareuses , &c.
je n'entendois parler que du Vin et du
Cidre , desquels seuls j'expliquois la fer
mentation , et non des liquides en general , tels qu'ils peuvent être dans leur pureté essentielle. Il faut avouer qu'il s'est
glissé une faute de Copisté dans cet endroit , et qu'il devoit y avoir de ces finides , et non simplement des fluides ; mais
la chose se trouve réparée huit lignes
plus bas , où je conclus que c'est l'action
de ces parties fines contre les grossieres
qui cause la fermentation de ces liquides ,
sçavoir, du Vin et du Cidre , dont il étoit
uniquement question . -
9
Je suis surpris , que quand je dis que
les vapeurs emportent avec elles , dans
Av Pair
420 MERCURE DE FRANCE
:
Pair , quantité de parties simplementterestres , qui contiennent aussi de l'air , et
quantité d'autres , purement salines cela
ait jetté de la confusion à son égard , sur la
nature des vapeurs et de l'air car il expli
que lui- même dans sa troisième et derniere Reflexion , comment les vapeurs et
les exhalaisons s'élevent dans l'air , et je
ne crois pas qu'il ignore , qu'on entend
par vapeurs les parties aqueuses qui s'élevent dans l'air , et par les exhalaisons , les
parties terrestres qui s'y élevent de même,
soit qu'elles soient simplement terrestres
ou salines , ou sulphureuses. Je ne dis
donc que ce que tout le monde sçait , et
qu'il n'ignore pas lui- même ; car pour la
nature de l'air , j'en pense comme tous les
Physicions modernes, ainsi je ne vois pas ,
ce qui dans mes paroles , a pu jetter de la confusion , si ce n'est ce que je dis , que
les parties terrestres qui sont enlevées ,
avec les vapeurs , contiennent de l'air , et .
c'est surquoi je m'expliquerai , en répon- dant à sa troisiéme Reflexion.
Après ce que je viens d'exposer pour
servir de premier éclaircissement aux
doutes de M. Lalotat , je vais répondre
à sa premiere Refléxion , et je dis , que la
premiere consequence qu'il tire de l'idée
que je donne de la fermentation , n'est
pas
MARS. 1732. 421
pas juste ; car quoique je dise qu'il y a
des fermentations froides dans les liquides , comme je l'ai prouvé , je n'ai jamais
dit que cela arrivât quand ces liquides
étoient dans la pureté qui leur est essen❤
tielle , comme lorsque l'eau et l'air song
parfaitement purs ; mais bien quand il s'y
trouve des corps étrangers , qui mettent
obstacle au mouvement naturel et ordi
naire que la matiere subtile entretient
dans ces liquides , pour former leur li
quidité. Les liquides ne peuvent dond
pas fermenter toujours ni en toute saison;
puisqu'il n'y a pas toujours en eux des
corps qui mettent obstacle au libre mou
vement de la matiere subtile. Je n'ai garde de penser que la fermentation soit
occasionnée la matiere subtile , com- par
me il paroît me l'attribuer. Je sçai bien
que son mouvement est continuel ; j'ai
dit seulement que ce qui occasionnoit la
fermentation des liquides , tels que le vin
et le Cidre, c'étoient les parties grossieres
et tartareuses , qui, dans ces liquides ,
mettoient par occasion un obstacle au
mouvement de la matiere subtile.
Comment M. de Soulaines entend- il
que si dans les fermentations froides des
liquides , l'effet de la matiere subtile étoit
de pousser les parties les plus fines dans
A vj les
422 MERCURE DE FRANCE
les pores des plus grossieres , il s'en ensuivroit une condensation ou diminution
de volume ? Peut- il ignorer que la fe
mentation ne se fait que pourbriser , dissoudre , subtiliser et éloigner les parties
grossieres des liquides qui mettent obsta
cle au mouvement de la matiere subtile ?
Parconsequent , si les fines sont poussées
dans les pores des plus grossieres , ce n'est
pas pour y rester, mais pour les diviser
et les rompre , comme un coin qu'on enfonce violemment dans du bois l'ouvre
et le divise , la fermentation des liquides
n'y peut donc causer ni condensation
ni diminution de volume.
Pour répondre à la seconde Refléxion ,
je dis qu'elle me paroît fort inutile 3 premierement , parce que les trois inconveniens qu'il croyoit s'ensuivre de mon Systême , de la fermentation des liquides, ne
subsiste pas , comme je viens de le fairevoir. Secondement , parce que les trois
causes qu'il apporte de cette fermentation, n'ont rien de vrai-semblable qu'en
ce qui a quelque rapport à ce que j'en'
ai dit, conjointement avec tous les Physiciens modernes.
Car dans la fermentation ce n'est pas
la matiere subtile , comme il le prétend,
qui augmente son mouvement ,
il est
toujours
&
MAR S. 1732 423
toujours le même ; mais rencontrant des
obstacles dans son mouvement , c'est alors
qu'elle pousse , agite , brise , chasse ces
corps qui lui résistent , et voilà ce qui
cause le trouble qui se fait dans les li
quides pendant les fermentations. Pourquoi y chercher des parties grasses et enz trelassées ? Se trouve- til des parties gras
ses dans le vinaigre qui fermente avec le
Corail , les yeux d'Ecrevisses et sembla
bles Alcalis? Que signifie cette augmen
tation de force que prend la matiere sub
tile lorsqu'elle frappe les Globules du
second Element ? Selon tous les Cartésiens , n'est-elle pas elle- même composée du premier et du second Element ? (a)
Enfin, quel est ce corps étrangerqui pousse la matiere subtile , qu'on donne pour
troisiéme cause de la fermentation , et
qu'onsuppose plus puissant que cette mariere subtile ? J'avoue que je ne le con →
pas , et que tout cela n'est pas assez
clair et intelligible , pour me faire changer de sentiment.
nois
Je n'ai rien à dire sur la premiere Par
tic de la troisiéme Refléxion , puisqu'elle
ne sert qu'à justifier qu'il s'éleve dans
Fair des vapeurs et des exhalaisons dont
(a) Regis. Syst. de Philos. Tom. I. Part 2.
Chap. 9.
rout
424 MERCURE DE FRANCE
tout le monde convient , ce qui fait l'es
sentiel de mon Explication . Il s'agit seulement de répondre à la conclusion tirée de cette Refléxion ; sçavoir , que les
parties qui composent les vapeurs sont
trop fines pour être poreuses et pour pou,
voir parconsequent contenir de l'air. A
quoi je dirai d'abord , qu'elles ne sont
pas toûjours si fines qu'on se l'imagine ¿
puisque les parties terrestres qui s'élevent
avec les vapeurs , sont si sensibles , que
retombant avec la pluye , elles déposent
dans les Réservoirs un veritable limon
Chambon , dans ses Principes de Physique , dit qu'en Pologne on voit souvent,
pendant l'hyver le Nitre qui a été enlevé.
avec les vapeurs , tomber en forme de
nege. La même chose est aussi quelquefois arrivée à l'égard du Souffre. Wormius a donné la Relation d'une pluye
qui tomba à Copenhague le 16. May,
1646. laquelle outre l'odeur du Souffre
dont elle infectoit tout le monde , laissa..
sur la terre tant de poudre sulphureuse
qu'on la pouvoit aisément ramasser ; ce
qui démontre que les parties des corps
terrestres qui s'élevent dans l'air avec les
Vapeurs , ne sont pas toujours si fines
qu'on peut s'imaginer..
Enfin , si fines qu'elles puissent être
MARS. 17322 425
elles
pas
il faut néanmoins qu'elles soient toûjours
poreuses, car si elles ne l'étoient pas,
seroient alors exactement compactes et
solides; dans ce cas , selon les loix cons
tantes de la pesanteur respective des corps
solides et des liquides , leur petit volume
l'emporteroit de force , à raison de sa
grande solidité, sur un égal volume de l'air
qui est très- fluide ; ainsi l'air n'auroit
assez de force pour les enlever de la terre,
et beaucoup moins encore pour les soutenir su penduës dans sa masse ; comme
un morceau de bois très dur et très solide ne peut pas aisément s'élever dans
l'eau et y nâger , ainsi que fait sans peine
un morceau de liege très- poreux , quoi.
qu'il soit d'un volume égal à celui de ce
bois dur.
Or comme les particules terrestres qui '
s'élevent avec les vapeurs et qui retombent avec la pluye , ne sont pas si excessivement fines , puisqu'elles forment
un limon sensible , rien n'empêche que
leurs pores étant plus ouverts , ils ne
puissent contenir de l'air ; la facilité qu'elles ont à s'y élever et à s'y soutenir aussi
aisément qu'elles font , est une preuve,
non seulement qu'elles sont poreuses ,
mais que penetrées de l'air , il les soutient d'autant plus aisément , que son
poids
426 MERCURE DE FRANCE
poids est plus puissant que le leur.-
J'espere qu'après tous ces éclaircissemens , M. Laloüat de Soulaines sera satisfait , au moins doit-il demeurer persuadé que je n'ai rien négligé pour lui
donner des marques de ma bonne volonté à son égard; et que je suis et serai tou
jours plein d'estime pour sa capacité et
pour son mérite.
Fermer
Résumé : RÉPONSE aux Réflexions de M. Laloüat de Soulaines, Avocat au Parlement de Paris, sur l'Explication Physique que M. Capperon a donnée de l'Akousmate d'Ansacq, dans le Mercure de France, du mois de Novembre 1731.
Le texte est une réponse de M. Capperon aux réflexions de M. Lalouat de Soulaines concernant l'explication physique de l'Akousmate d'Ansacq, publiée dans le Mercure de France en novembre 1731. Capperon reconnaît l'honnêteté et la politesse de Soulaines et accepte de dissiper les doutes philosophiques soulevés. Capperon commence par aborder la question des fermentations froides, qu'il justifie en se référant à des expériences décrites par M. Poliniere. Il distingue deux types de fermentations : les fermentations chaudes, accompagnées de chaleur sensible, et les fermentations froides, sans chaleur sensible, comme celles du vinaigre avec le corail ou les coquillages. Il attribue au premier type la cause du tonnerre et au second, les bruits dans l'air. Ensuite, Capperon discute de la matière subtile et son rôle dans la fluidité des liquides et les fermentations. Il réfute l'idée que les parties des fluides soient longues et contiguës, ce qui empêcherait leur fluidité et les rendrait opaques. Il précise que ses explications sur la fermentation du vin et du cidre ne concernent pas les liquides en général mais ces liquides spécifiques. Capperon s'étonne que Soulaines ait été confus par sa description des vapeurs et de l'air, soulignant que les vapeurs contiennent des parties terrestres et salines. Il explique que les particules terrestres, bien que fines, sont poreuses et peuvent contenir de l'air, ce qui leur permet de s'élever et de se maintenir dans l'atmosphère. Enfin, Capperon espère que ces éclaircissements satisferont Soulaines et réaffirme son estime pour sa capacité et son mérite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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560
p. 426-429
IDILE.
Début :
Plus mon coeur amoureux vous presse de vous rendre, [...]
Mots clefs :
Tircis, Aminte, Bergère, Amour, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IDILE.
I DILE.-
Tircis.
Lus mon cœur amoureux vous presse de vous s
rendre ,
Plus le vôtre abusé , s'obstine à se deffendre ,
Ainsi coulent nos plus beaux jours ;
Aminte.
Le Dieu d'amour fait trop verser de larmes;
Tircis.
Pour échapper au pouvoir de ses charmes
Vous cherchez mille vains détours.
Aminte.
Du doux Tyran qui cherche à me surprend
Je crains le dangereux poison ;
Je le fuis ; ai-je tort d'opposer ma raison ,
Auxpieges qu'il voudroit me tendre ?
Tircis
MARS. 17328 427
Tircis.
Bergere , craignez moins de vous y laisser
prendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et tendre !
L'Amour a des attraits qu'il faut avoir goutez
Pour pouvoir les comprendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et
tendre!
Ensemble.
Il faut chercher à se guérir ,
Des maux que cause une inhumaine ?
Plutôt que de mourir ,
On doit briser sa chaîne.
Tircis.
Mais si le puissant Dieu , Maître de l'Univers
Qui d'un coup de sa foudre,
Mit les Titans en poudre ,-
Tout inconstant qu'il est , vouloit porter vos fers
Pour venir sur l'herbette ,
Vous parler d'amourette ,
S'il quittoit sa brillante Cour;
Si pour gage dé son'amour ,
Il vous offroit un Sceptre au lieu d'une houlette,
Al'attrait d'un bonheur si doux, si glorieux,
Votre cœur pourroit- il ... , .
Aminte
428 MERCURE DE FRANCE
Aminte.
Ah! s'il étoit possible ,
Qu'Amour rendît mon cœur sensible ,
Le plus puissant de tous les Dieux,
Ne seroit pas l'Amant qui me plairoit le mieux,
Tircis
Que cet aveu flatte mon ame !
Le doux et tendre espoir qui conduit au plaisir ,
Aidé par l'amoureux desir ,
S'efforce à s'expliquer en faveur de ma flamme ;
Mais ce n'est point de l'espoir séducteur >
Aminte, c'est de vous que je voudrois apprendre
Qui seroit ce Rival si rempli de bonheur ,
Qui mieux que Jupiter auroit droit de prétendre
A l'Empire de votre cœur.
Aminte.
Un Berger fidele et tendre ,
S'il me pouvoit jurer une éternelle ardeur.
Tircis.
Je ne connoissois pas mon plus parfait bonheur ;
Aminte , vous m'aimiez vous chérissiez ma flamme !
Et je vous accusois d'une injuste rigueur 1
Ah ! si j'avois plutôt reconnu mon erreur
Que j'aurois épargné de tourmens à mon amèr
Mortelle Divinité,
Bergere
MARS. 1732. 429
Bergere que j'adore ,
'Ah ! vous m'ôtez ma liberté ,
Par des charmes plus doux encore,
Que l'éclat de la beauté.
Aminte.
In vous plaignant de ma froideurextrême ,
Berger , vous parliez autrement.
Tircis.
Si je ne parlois pas de même ;
C'est dans l'excès de mon toutment.
Ensemble.
Ledoux Ruisseau qui coule dans la Plaine ,
Suit son penchant , s'abandonne à son cours;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine ;
Aimons , allons où le desir nous mene;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours ;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine;
Aimons , allons où le desir nous mene ;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours.
Par M. de Balmary de Cabors,
Tircis.
Lus mon cœur amoureux vous presse de vous s
rendre ,
Plus le vôtre abusé , s'obstine à se deffendre ,
Ainsi coulent nos plus beaux jours ;
Aminte.
Le Dieu d'amour fait trop verser de larmes;
Tircis.
Pour échapper au pouvoir de ses charmes
Vous cherchez mille vains détours.
Aminte.
Du doux Tyran qui cherche à me surprend
Je crains le dangereux poison ;
Je le fuis ; ai-je tort d'opposer ma raison ,
Auxpieges qu'il voudroit me tendre ?
Tircis
MARS. 17328 427
Tircis.
Bergere , craignez moins de vous y laisser
prendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et tendre !
L'Amour a des attraits qu'il faut avoir goutez
Pour pouvoir les comprendre.
Quels doux plaisirs , quelles felicitez ,
Quand on aime un Berger discret , fidele et
tendre!
Ensemble.
Il faut chercher à se guérir ,
Des maux que cause une inhumaine ?
Plutôt que de mourir ,
On doit briser sa chaîne.
Tircis.
Mais si le puissant Dieu , Maître de l'Univers
Qui d'un coup de sa foudre,
Mit les Titans en poudre ,-
Tout inconstant qu'il est , vouloit porter vos fers
Pour venir sur l'herbette ,
Vous parler d'amourette ,
S'il quittoit sa brillante Cour;
Si pour gage dé son'amour ,
Il vous offroit un Sceptre au lieu d'une houlette,
Al'attrait d'un bonheur si doux, si glorieux,
Votre cœur pourroit- il ... , .
Aminte
428 MERCURE DE FRANCE
Aminte.
Ah! s'il étoit possible ,
Qu'Amour rendît mon cœur sensible ,
Le plus puissant de tous les Dieux,
Ne seroit pas l'Amant qui me plairoit le mieux,
Tircis
Que cet aveu flatte mon ame !
Le doux et tendre espoir qui conduit au plaisir ,
Aidé par l'amoureux desir ,
S'efforce à s'expliquer en faveur de ma flamme ;
Mais ce n'est point de l'espoir séducteur >
Aminte, c'est de vous que je voudrois apprendre
Qui seroit ce Rival si rempli de bonheur ,
Qui mieux que Jupiter auroit droit de prétendre
A l'Empire de votre cœur.
Aminte.
Un Berger fidele et tendre ,
S'il me pouvoit jurer une éternelle ardeur.
Tircis.
Je ne connoissois pas mon plus parfait bonheur ;
Aminte , vous m'aimiez vous chérissiez ma flamme !
Et je vous accusois d'une injuste rigueur 1
Ah ! si j'avois plutôt reconnu mon erreur
Que j'aurois épargné de tourmens à mon amèr
Mortelle Divinité,
Bergere
MARS. 1732. 429
Bergere que j'adore ,
'Ah ! vous m'ôtez ma liberté ,
Par des charmes plus doux encore,
Que l'éclat de la beauté.
Aminte.
In vous plaignant de ma froideurextrême ,
Berger , vous parliez autrement.
Tircis.
Si je ne parlois pas de même ;
C'est dans l'excès de mon toutment.
Ensemble.
Ledoux Ruisseau qui coule dans la Plaine ,
Suit son penchant , s'abandonne à son cours;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine ;
Aimons , allons où le desir nous mene;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours ;
Fuyons , fuyons une contrainte vaine;
Aimons , allons où le desir nous mene ;
Et qu'ainsi coulent nos beaux jours.
Par M. de Balmary de Cabors,
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Résumé : IDILE.
Le texte relate un dialogue entre Tircis et Aminte, deux personnages amoureux. Tircis souhaite rejoindre Aminte, mais celle-ci hésite, craignant les dangers de l'amour. Tircis vante les plaisirs de l'amour avec un berger fidèle et tendre. Aminte, bien que touchée, exprime ses doutes. Tircis imagine ensuite Jupiter déclarant son amour à Aminte, mais elle préfère un berger fidèle. Tircis, flatté, demande qui est ce rival. Aminte souhaite un berger capable de lui jurer un amour éternel. Tircis regrette ses erreurs passées et avoue son amour. Le dialogue se conclut par une réflexion sur la liberté et le désir, les personnages souhaitant suivre leurs penchants naturels et vivre leurs amours librement, loin des contraintes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
561
p. 430-434
LETTRE de M. de Couffilts, Medecin de Barege, écrite à M. Chevillard, Fontainier du Roy, sur la Découverte d'une nouvelle Source, &c.
Début :
Pour l'intelligence de cette Lettre, il faut sçavoir que [...]
Mots clefs :
Eaux , Nouvelle source, Barèges, Bains de Barège, Guérisons extraordinaires, Minéraux, Analyse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Couffilts, Medecin de Barege, écrite à M. Chevillard, Fontainier du Roy, sur la Découverte d'une nouvelle Source, &c.
LETTRE de M. de Couffilts , Medecin
de Barege , écrite à M. Chevillard
Fontainier du Roy , sur la Découverte ´
d'une nouvelle Source , &c..
Our l'intelligence de cette Lettre , il Pourfaut sçavoir que les Eaux de Barege ,
dans les Pyrenées , dont les excellentes
qualitez et les merveilleux effets ne sont
ignorez de personne , se perdoient depuis quelque temps , et sembloient , pour
ainsi- dire , vouloir rentrer dans le sein
de la Terre. M. Dangervilliers en ayant
eû avis et sçachant combien ces Eaux sont
particulierement salutaires aux Officiers
et à tous les gens de guerre qui exposent leur vie pour le service du Roy
pria M. le Duc d'Antin , de jetter les yeux
sur quelque personne habile et entenduë
sur le fait des Eaux , capable de faire la
recherche en question et le rétablissement
parfait des Bains de Barege. Le Duc d'Antin lui envoya aussi- tôt le sieur Chevillard , Fontainier du Roy à Meudon , d'une capacité reconnue , lequel partit pour
les Pyrenées au mois de Juin dernier
et fut de retour au mois de Septembre ,
après
MARS. 17320 431
après avoir fait , non-seulement la recherche et la réunion des anciennes Eaux en
plus grande abondance qu'auparavant ,
mais encore la découverte heureuse d'une
nouvelle Source qui a déja operé des guérisons extraordinaires et presque subites.'
C'est de quoi M. Couffilts , Medecin des
Eaux de Barege , instruit le sieur Chevillard par la Lettre qu'on va lire.
Le succès de vos peines et de votre
Ouvrage en ce Pays- cy , Monsieur , st
trop grand , sur tout par la découverte
que vous avez faite de la Source Minerale qui produit tous les jours des effets
admirables , pour ne vous pas informer
des heureuses suites de vore travail . Je
vous dirai d'abord que l'Eau de la nouvelle Source a un grand gout de fer et
de souffre ; j'estime qu'elle charrie d'autres Mineraux , mais qui sont si bien liez
ensemble , qu'on ne peut guere les distinguer par le goût ni par l'odorat , les
premiers etant dominants , ce qui mérite
qu'on en fasse faire l'Analyse par quelque
habile Artiste.
A l'égard des effets , cette Eau purge
des uns par les premieres voyes , par les
urines et par les transpiration ; elle fait
vomir les autres et les soulage de même,
donnant à tous un grand appetit.
Ma
432 MERCURE DE FRANCE
Ma Lettre seroit trop longue si je vous
faisois l'énumeration de toutes les guérisons parfaites qui sont de ma connoissance ; des Malades sur tout qui avoient
des obstructions aux Visceres. Je me contenterai de vous parler sommairement de
trois personnes.
La premiere est un Prêtre Arragonois
de la Ville d'Aorle , que la réputation de
la nouvelle Source a fait venir ici. Il
souffroit depuis long-temps d'une tumeur squirreuse au foye , et avoit tenté
inutilement tous les Remedes de la Medecine Espagnole. Après neufjours d'usage de ces Eaux , pendant lesquels je
purgeai deux fois le Malade avec la Rhu
barbe et la Mane seulement , la tumeur
s'est entierement fonduë , et il s'est retiré
parfaitement guéri. J'ai reçû depuis peu
une de ses Lettres , par laquelle il me
marque qu'il jouit d'une santé parfaite
et qu'il doit sa guérison aux Eaux de cette
Source.
En second lieu , un Domestique du
Comte de Montaigu , atteint depuis
long- temps d'une maladie de langueur
qui l'avoit rendu éthique , à cause , sans
doute , des obstructions de ses Visceres ,
ayant accompagné son Maître à Barege
fur conseillé de boire aussi de cette Eau,
ce
MARS. 1132. 433
S
S
ce qu'il a pratiqué avec tant de succès ,
qu'il a été pareillement et radicalement
guéri.
>
Enfin le sieur Gertoux , Marchand et
Habitant de la Valée d'Aure , qui souffroit des Obstructions considerables au
Foye et au Pancreas se trouvant aux
Eaux de Bagneres , qu'il prenoit sans aucun succès , les quitta pour venir essayer
de cette nouvelle Source; je n'osai pas
le lui conseiller, voyant sa bile répanpar tout le corps , et craignant quelfâcheux accident ; cependant au bout
de huit jours d'usage de cette Eau, ils'apperçut comme moi , que la bile avoit
repris sa circulation naturelle , et que les
Obstructions étoient fondues par la force
des Mineraux ; en un mot, il s'est retire
en parfaite santé.
duë
que
Jay crû, Monsieur , devoir vous faire
će petit détail pour votre satisfaction particuliere et pour l'interêt du Public , qui
ne sçauroit trop tôt être informé des ef
fets merveilleux de cette nouvelle Découverte. Je suis , &c.
A Lus en Barege , le 2. Novembre 1781,
Nous invitons M. Couffilts , au nom
du Public , de travailler ou de faire travailler le plutôt qu'il lui sera possible
434 MERCURE DE FRANCE
à l'Analyse de ces Eaux , Operation dont
il reconnoît lui- même la necessité , et
que nous publierons avec plaisir , s'il veut
bien nous en faire part.
de Barege , écrite à M. Chevillard
Fontainier du Roy , sur la Découverte ´
d'une nouvelle Source , &c..
Our l'intelligence de cette Lettre , il Pourfaut sçavoir que les Eaux de Barege ,
dans les Pyrenées , dont les excellentes
qualitez et les merveilleux effets ne sont
ignorez de personne , se perdoient depuis quelque temps , et sembloient , pour
ainsi- dire , vouloir rentrer dans le sein
de la Terre. M. Dangervilliers en ayant
eû avis et sçachant combien ces Eaux sont
particulierement salutaires aux Officiers
et à tous les gens de guerre qui exposent leur vie pour le service du Roy
pria M. le Duc d'Antin , de jetter les yeux
sur quelque personne habile et entenduë
sur le fait des Eaux , capable de faire la
recherche en question et le rétablissement
parfait des Bains de Barege. Le Duc d'Antin lui envoya aussi- tôt le sieur Chevillard , Fontainier du Roy à Meudon , d'une capacité reconnue , lequel partit pour
les Pyrenées au mois de Juin dernier
et fut de retour au mois de Septembre ,
après
MARS. 17320 431
après avoir fait , non-seulement la recherche et la réunion des anciennes Eaux en
plus grande abondance qu'auparavant ,
mais encore la découverte heureuse d'une
nouvelle Source qui a déja operé des guérisons extraordinaires et presque subites.'
C'est de quoi M. Couffilts , Medecin des
Eaux de Barege , instruit le sieur Chevillard par la Lettre qu'on va lire.
Le succès de vos peines et de votre
Ouvrage en ce Pays- cy , Monsieur , st
trop grand , sur tout par la découverte
que vous avez faite de la Source Minerale qui produit tous les jours des effets
admirables , pour ne vous pas informer
des heureuses suites de vore travail . Je
vous dirai d'abord que l'Eau de la nouvelle Source a un grand gout de fer et
de souffre ; j'estime qu'elle charrie d'autres Mineraux , mais qui sont si bien liez
ensemble , qu'on ne peut guere les distinguer par le goût ni par l'odorat , les
premiers etant dominants , ce qui mérite
qu'on en fasse faire l'Analyse par quelque
habile Artiste.
A l'égard des effets , cette Eau purge
des uns par les premieres voyes , par les
urines et par les transpiration ; elle fait
vomir les autres et les soulage de même,
donnant à tous un grand appetit.
Ma
432 MERCURE DE FRANCE
Ma Lettre seroit trop longue si je vous
faisois l'énumeration de toutes les guérisons parfaites qui sont de ma connoissance ; des Malades sur tout qui avoient
des obstructions aux Visceres. Je me contenterai de vous parler sommairement de
trois personnes.
La premiere est un Prêtre Arragonois
de la Ville d'Aorle , que la réputation de
la nouvelle Source a fait venir ici. Il
souffroit depuis long-temps d'une tumeur squirreuse au foye , et avoit tenté
inutilement tous les Remedes de la Medecine Espagnole. Après neufjours d'usage de ces Eaux , pendant lesquels je
purgeai deux fois le Malade avec la Rhu
barbe et la Mane seulement , la tumeur
s'est entierement fonduë , et il s'est retiré
parfaitement guéri. J'ai reçû depuis peu
une de ses Lettres , par laquelle il me
marque qu'il jouit d'une santé parfaite
et qu'il doit sa guérison aux Eaux de cette
Source.
En second lieu , un Domestique du
Comte de Montaigu , atteint depuis
long- temps d'une maladie de langueur
qui l'avoit rendu éthique , à cause , sans
doute , des obstructions de ses Visceres ,
ayant accompagné son Maître à Barege
fur conseillé de boire aussi de cette Eau,
ce
MARS. 1132. 433
S
S
ce qu'il a pratiqué avec tant de succès ,
qu'il a été pareillement et radicalement
guéri.
>
Enfin le sieur Gertoux , Marchand et
Habitant de la Valée d'Aure , qui souffroit des Obstructions considerables au
Foye et au Pancreas se trouvant aux
Eaux de Bagneres , qu'il prenoit sans aucun succès , les quitta pour venir essayer
de cette nouvelle Source; je n'osai pas
le lui conseiller, voyant sa bile répanpar tout le corps , et craignant quelfâcheux accident ; cependant au bout
de huit jours d'usage de cette Eau, ils'apperçut comme moi , que la bile avoit
repris sa circulation naturelle , et que les
Obstructions étoient fondues par la force
des Mineraux ; en un mot, il s'est retire
en parfaite santé.
duë
que
Jay crû, Monsieur , devoir vous faire
će petit détail pour votre satisfaction particuliere et pour l'interêt du Public , qui
ne sçauroit trop tôt être informé des ef
fets merveilleux de cette nouvelle Découverte. Je suis , &c.
A Lus en Barege , le 2. Novembre 1781,
Nous invitons M. Couffilts , au nom
du Public , de travailler ou de faire travailler le plutôt qu'il lui sera possible
434 MERCURE DE FRANCE
à l'Analyse de ces Eaux , Operation dont
il reconnoît lui- même la necessité , et
que nous publierons avec plaisir , s'il veut
bien nous en faire part.
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Résumé : LETTRE de M. de Couffilts, Medecin de Barege, écrite à M. Chevillard, Fontainier du Roy, sur la Découverte d'une nouvelle Source, &c.
La lettre de M. de Couffilts, médecin des Eaux de Barege, adressée à M. Chevillard, fontainier du Roy, rapporte la découverte d'une nouvelle source à Barege. Les Eaux de Barege, réputées pour leurs vertus thérapeutiques, avaient cessé de couler, ce qui inquiétait M. Dangervilliers en raison de leurs bienfaits pour les officiers et les soldats. À la demande de M. Dangervilliers, le Duc d'Antin envoya M. Chevillard enquêter sur place. Chevillard se rendit à Barege en juin et revint en septembre, ayant non seulement restauré les anciennes sources, mais aussi découvert une nouvelle source minérale aux effets remarquables. L'eau de cette nouvelle source présente un goût prononcé de fer et de soufre et contient probablement d'autres minéraux. Elle possède des propriétés purgatives, stimule l'appétit et soulage divers maux. M. Couffilts mentionne plusieurs guérisons spectaculaires, notamment celle d'un prêtre souffrant d'une tumeur au foie, d'un domestique atteint de langueur, et d'un marchand souffrant d'obstructions au foie et au pancréas. Ces guérisons rapides et complètes attestent de l'efficacité de la nouvelle source. M. Couffilts suggère de réaliser une analyse chimique des eaux pour mieux comprendre leurs propriétés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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562
p. 434-437
EPITAPHE Du Frere Hilarion, Capucin au Convent du Croisic, en Bretagne. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, à son Oncle, M. de P** A** Conseiller du Roy, Pere spirituel des Capucins du Croisic.
Début :
Cy gist le Frere Hilarion ; [...]
Mots clefs :
Frère capucin, Mort, Couvent, Oncle
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texteReconnaissance textuelle : EPITAPHE Du Frere Hilarion, Capucin au Convent du Croisic, en Bretagne. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, à son Oncle, M. de P** A** Conseiller du Roy, Pere spirituel des Capucins du Croisic.
EPITAPHE
Du Frere Hilarion , Capucin au Convent
du Croisic , en Bretagne. Par Me de
Malcrais de la Vigne , à son Oncle,
M. de P. ** A ** Conseiller du Roy,
Pere spirituel des Capucins du Croisico
Cy gist le Frere Hilarion §
C'étoit un digne Personnage.
Nul autre avec tant d'avantage,
N'honora sa Profession.
Encloîtré dès son plus jeune âge ,
Ce fut dans l'Ordre Capucin ,
Qu'il mit ses talens en usage.
Sans impudence il fut badin;
Sans être Cafard il fut sages
Mérite assurément divin ;
Chez le Capuchonné Lignage.
Il ne fit jamais du Latin ,
Le long er dur apprentissage ;
Mais à l'aide de maint lopin,
Qu'il
MARS. 1732. 435
•
Qu'il goboit par fois au passage,
Et qu'il citoit sans jargonnage
On l'eût prit pour un Calepin.
Pour peu qu'il eût sçû davantage,
Du Convent on l'eût fait Gardien ;
Et certes plus homme de bien ,
Ne méritoit ce haut étage.
Il attiroit par beau langage,
Froment , Orge , Avoine au Moulin.
Et la Cloche au premier dreliu ,
Lui disoit si c'étoit du pain ,
Qu'on apportoit, ou du Fromage ;
Fût-il à manger son Potage ,
A la porte il voloit soudain.
Et Froc à bas , d'un front serain ,
Recevoit le friand message ;
Puis demandoit d'un air humain ,
Comment fait- on dans le ménage?
Le monde au Logis est-il sain ?
Votre Procès va- t'il son train ?
Que dit-on dans le voisinage ?
O le beau temps ! point de nuage ,
Le Soleil se leve matin.
L'Almanach Nantois ,
pour certain ,
Promet , s'il ne vient point d'Orage ,
Un Eté fertile en tout grain ,
Une Automne abondante en vin.
Le Printemps l'est en Pâturage.
B D'ailleurs
1
426 MERCURE DE FRANCE
D'ailleurs le Proverbe ou l'Adage ,
Dit que gras Avril et chaud May
Amenent le Bled au balay ;
Mais , mon Dieu , qu'à notre dommage
S'est changé le temps ancien
Le Peuple est devenu Payen ,
Et de la Ville et du Village
Il ne nous vient presque plus rien
Ni provision , ni chauffage.
Aujourd'hui nous mourrions de faim ,
Si votre bienfaisante main,
N'avoit apporté son suffrage.
Puis adieu , bon jour , grandmerci,
Le Donneur retournoit ainsi ,
Très-satisfait de son voyage..
Il étoit Portier , Cuisinier ,
Sommelier , Quêteur , Jardinier ,
Tous les Arts furent son partage ,
Sa mort m'a causé des regrets ,
Je l'aimois pour son caractere ,
Et de mes intimes secrets ,
Il fut souvent dépositaire.
Combien de notre Hilarion ,
A tous ceux de sa Nation ,
Sa perte a dû paroître amere !
Quoique cet excellent garçon ,
Dans l'Ordre n'ait été qu'un Frere ,
Il pouvoit être, avec raison ,
Des
Des
SAIS
CARAL 2
EIA
Æ
SPFAV
A AV
T
MARS. 17328 437
Des autres appellé le Pere.
Cher Oncle , Pere et Défenseur
Des Capucins de cette Ville ,
Toi, qui d'une aumône fertile ,
Fais sur eux pleuvoir la douceur ,
Examine si dans mon stile ,
J'ai sçu faire un Portrait naif,
Du Frere aimable , à qui la vie ,
Par le sort fut trop tôt ravie ;
J'ai laissé le genre plaintif ,
"Et suivi le récreatif,
Pour bannir ma mélancolie.
Du Frere Hilarion , Capucin au Convent
du Croisic , en Bretagne. Par Me de
Malcrais de la Vigne , à son Oncle,
M. de P. ** A ** Conseiller du Roy,
Pere spirituel des Capucins du Croisico
Cy gist le Frere Hilarion §
C'étoit un digne Personnage.
Nul autre avec tant d'avantage,
N'honora sa Profession.
Encloîtré dès son plus jeune âge ,
Ce fut dans l'Ordre Capucin ,
Qu'il mit ses talens en usage.
Sans impudence il fut badin;
Sans être Cafard il fut sages
Mérite assurément divin ;
Chez le Capuchonné Lignage.
Il ne fit jamais du Latin ,
Le long er dur apprentissage ;
Mais à l'aide de maint lopin,
Qu'il
MARS. 1732. 435
•
Qu'il goboit par fois au passage,
Et qu'il citoit sans jargonnage
On l'eût prit pour un Calepin.
Pour peu qu'il eût sçû davantage,
Du Convent on l'eût fait Gardien ;
Et certes plus homme de bien ,
Ne méritoit ce haut étage.
Il attiroit par beau langage,
Froment , Orge , Avoine au Moulin.
Et la Cloche au premier dreliu ,
Lui disoit si c'étoit du pain ,
Qu'on apportoit, ou du Fromage ;
Fût-il à manger son Potage ,
A la porte il voloit soudain.
Et Froc à bas , d'un front serain ,
Recevoit le friand message ;
Puis demandoit d'un air humain ,
Comment fait- on dans le ménage?
Le monde au Logis est-il sain ?
Votre Procès va- t'il son train ?
Que dit-on dans le voisinage ?
O le beau temps ! point de nuage ,
Le Soleil se leve matin.
L'Almanach Nantois ,
pour certain ,
Promet , s'il ne vient point d'Orage ,
Un Eté fertile en tout grain ,
Une Automne abondante en vin.
Le Printemps l'est en Pâturage.
B D'ailleurs
1
426 MERCURE DE FRANCE
D'ailleurs le Proverbe ou l'Adage ,
Dit que gras Avril et chaud May
Amenent le Bled au balay ;
Mais , mon Dieu , qu'à notre dommage
S'est changé le temps ancien
Le Peuple est devenu Payen ,
Et de la Ville et du Village
Il ne nous vient presque plus rien
Ni provision , ni chauffage.
Aujourd'hui nous mourrions de faim ,
Si votre bienfaisante main,
N'avoit apporté son suffrage.
Puis adieu , bon jour , grandmerci,
Le Donneur retournoit ainsi ,
Très-satisfait de son voyage..
Il étoit Portier , Cuisinier ,
Sommelier , Quêteur , Jardinier ,
Tous les Arts furent son partage ,
Sa mort m'a causé des regrets ,
Je l'aimois pour son caractere ,
Et de mes intimes secrets ,
Il fut souvent dépositaire.
Combien de notre Hilarion ,
A tous ceux de sa Nation ,
Sa perte a dû paroître amere !
Quoique cet excellent garçon ,
Dans l'Ordre n'ait été qu'un Frere ,
Il pouvoit être, avec raison ,
Des
Des
SAIS
CARAL 2
EIA
Æ
SPFAV
A AV
T
MARS. 17328 437
Des autres appellé le Pere.
Cher Oncle , Pere et Défenseur
Des Capucins de cette Ville ,
Toi, qui d'une aumône fertile ,
Fais sur eux pleuvoir la douceur ,
Examine si dans mon stile ,
J'ai sçu faire un Portrait naif,
Du Frere aimable , à qui la vie ,
Par le sort fut trop tôt ravie ;
J'ai laissé le genre plaintif ,
"Et suivi le récreatif,
Pour bannir ma mélancolie.
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Résumé : EPITAPHE Du Frere Hilarion, Capucin au Convent du Croisic, en Bretagne. Par Mlle de Malcrais de la Vigne, à son Oncle, M. de P** A** Conseiller du Roy, Pere spirituel des Capucins du Croisic.
L'épitaphe rend hommage au Frère Hilarion, un capucin du couvent du Croisic en Bretagne. Rédigée par Me de Malcrais de la Vigne pour son oncle, M. de P. ** A **, conseiller du roi et père spirituel des capucins, elle loue les qualités et les actions du Frère Hilarion. Entré dans l'ordre capucin dès son jeune âge, il se distinguait par son caractère badin et sage. Bien qu'il n'ait pas reçu de formation en latin, il maîtrisait suffisamment la langue pour être apprécié. Polyvalent, il remplissait divers rôles au couvent, tels que portier, cuisinier, sommelier, quêteur et jardinier. Il était également connu pour son accueil chaleureux et ses conversations engageantes avec les visiteurs, qui apportaient souvent des provisions au couvent. Sa mort a été perçue comme une grande perte pour la communauté. L'auteur exprime ses regrets et souligne l'importance du Frère Hilarion, malgré son statut de frère et non de père dans l'ordre. L'épitaphe se conclut par une réflexion sur la générosité de l'oncle envers les capucins et sur le choix de l'auteur de présenter un portrait réjouissant plutôt que plaintif du défunt.
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563
p. 437-452
EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Début :
Monseigneur, L'accüeil dont V.A.S. m'a honoré à mon [...]
Mots clefs :
Médaille antique, Carausius, Tutele, Figure, Légende, Cote, Divinité, Empereur, Temple
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
EXPLICATION d'une Medaille
antique très singuliere de Carausius ,
Empereur des anciens Bretons , au temps de Diocletien et de Maximien-Hercule ,
adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine,
Prince Souverain de Dombes , &c. Par
M. Genebrier , Docteur en Medecine.
MONSEIGNEUR,
L'accueil dont V. A. S. m'a honoré à
mon retour d'Angleterre , la maniere distinguée dont elle a b en voulu me communiquer elle-même , et à Versailles et
Bij à
38 MERCURE DE FRANCE
à Sceaux , ses differens Cabinets de Mé,
dailles antiques , et la permission qu'elle
m'a accordée de décrire celles qui pou
voient entrer dans mes vûës Litteraires
sont des effets d'unebonté digne deV.A.S
mais trop marquez pour moi , pour ne
pas rechercher l'occasion de les publier.
' ose donc mefatter , Monseigneur , que
V. A. S. ne trouvera pas mauvais que je
fasse paroître cet Ecrit sous vos auspices.
Je l'ai composé au sujet d'une Médaille
antique du Héros bes Bretons , dont j'ai
déja eu l'honneur d'entretenir V. A, S.
Cette Médaille interesse particulierement
la gloire d'une de nos plus anciennes
Villes de France , Ville autrefois et encore aujourd'hui très celebre , et qui
étant la Capitale du Gouvernement de
Monseigneur le Comte d'Eu , Prince qui
marche si dignement sur vos traces , doit
aussi interesser V. A. S.
Cette Médaille est de petit bronze et
assez bien conservée , elle est d'un Métail jaune , qui est rare dans les Médailles
de ce temps- là . Je la croyois d'abord unique , mais M. l'Abbé de Rothelin en a
trouvé depuis peu une autre qui n'est que
de cuivre rouge. Elle représente d'un côté
la tête de l'Empereur Carausius , couronnée de rayons , avec la Légende ordinaire.
Imp
MARS J
es
1-
de
ui
E.AE
fé
lles
uni
en a
que
côté
гоп
aire
Imp.
>
. 1732 439
Imp. Carausius P. F. Aug. Et au revers
pour Legende , Tutela Aug. La Tutele
d'Auguste. Pour Type la figure d'une
femme debout , tournée du côté droit
vétuë d'une robe longue abbattue , don't
ún bout ramené du côté droit par devant et retroussé sur le bras gauche , va
encore descendre jusqu'aux pieds. Certe
figure tient de la main droite une patere
sur un Autel où il y a du feu , et de la
gauche elle soutient par le bas une Corne
d'abondance , couchée sur le bras du mê- me côté.
Parmi beaucoup de Médailles antiques
que j'ai vûës dans un assez grand nombre de Cabinets en differens Royaumes,
par ordre et sous les auspices de S. A. R.
feuë Madame , et que j'ai décrites , je
n'en ai jamais trouvé que deux differentes du haut Empire , avec la Legende
TVTELA , &C.
La premiere est une Médaille de Vespasien , et la seconde de Nerva.
Au revers de la Médaille de Vespasien , il y a pour Legende Tutela Augusti S. C. et pour Type , la figure d'une
femme assise , tournée du côté droit , qui
impose la main droite sur la tête de Tite,
qui est devant elle au côté droit , ayant
fe bras gauche négligemment appuyé sur
Biij les
440 MERCURE DE FRANCE
les épaules de Domitien , qui est aussi
debout de l'autre côté , la face tournée
differemment. Ce qui nous marque que
ces deux jeunes Princes s'étoient , pour ainsi dire voüés à cette Divinité Tutele
et qu'ils s'étoient mis sous sa protection.
3
Au revers de la Médaille de Nerva ,
il y a pour Legende Tutela Italia S. C.
La Tutele de l'Italie. Pour Type , la figure de l'Empereur assis , de gauche à
droite , sur une Chaise Curule , qui tend
la main droite à deux petits enfans , garçon et fille , qui sont debout à ses pieds ,
et qui lui sont présentez par l'Italie personifiée sous la figure d'une femme aussi
debout derriere eux , pour faire entendre
que ce Prince s'étoit déclaré le Pere et le
Protecteur des enfans orphelins de l'un
et l'autre Sexe, C'est ce qui paroît confirmé par un Passage de Xiphilin , * qui
rapporte que ce Prince assigna des Terres
estimées quinze cent mille dragmes pour
la subsistance des Citoyens qui étoient
dans la necessité.
A l'égard de la Médaille de Carausius,
il- y a pour Legende au revers , Tutela
Aug. à peu près comme dans la Médaille de Vespasien , et non pas Tutela
Italia , comme dans celle de Nerva ; mais
* Dans la Vie de Nerva.
au
MARS. 17321 441
e
|-
ai
es
ur
at
is,
ela
éela
ais
au
au lieu que sur la Médaille de Vespasien,
on y voit trois figures représentées , et
que sur celle de Nerva , on en voit quatre,
il ne se trouve qu'une seule figure sur
la Médaille de Carausius , comme je l'ai
décrite au commencement; ce qui forme
un troisiéme Type different sur les Médailles de ce genre.
Boissart , dans le troisiéme Tome de
ses Antiquitez , nous a donné la figure
de la Déesse Tutilina , sous l'habit d'une
venerable Matrone debout , le derriere
de la tête voilé , dont la robe descend
jusques aux pieds. On voit au côté droit
auprès d'elle un tronc d'arbre qu'un Serpent entortille ; et au-dessous de la figure est écrit en gros caractere , TVTILINAE. S, ce qui nous apprend que la figure qui est représentée sur ce bas- relief,
avoit été consacrée à la Tutiline sous ce
Type. *
Cette Divinité avoit un Autel à Rome
sur le Mont Aventin , comme Varron le
remarque dans sa Ménippée. Cette der-
* S. Augustin , dans le 4. Livre de la Cité de
Dieu , Chap. 8. fait mention de la Déesse Tutiline , comme de la Sur- Intendante des Grains
après la récolte. Frumentis vero collectis atque reconditis , ut tutò servarentur Deam Tutilinam praposuerunt.
B iiij niere
442 MERCURE DE FRANCE
niere figure est encore differente de celle
qui est représentée sur notre Médaille de
Carausius , elle ne ressemble point non
plus à la figure de la Tutele qui est sur
la Médaille de Vespasien , où cette Divinité est assise dans une attitude majestueuse , ayant deux jeunes Princes debout à ses côtez.
Pour ce qui regarde la Médaille de
Nerva, ce n'est point la Divinité Tutele
qui est représentée sur son revers ; c'est
l'Empereur Nerva lui- même qui y est
appellé la Tutele de l'Italie , et avec jus- tice , pour les raisons que nous avons rapportées plus haut.
Ainsi le Type de la Médaille de Carausius avec TVTELA AVG..ne revient à aucun de tous ces Types. C'est , comme on
l'a dit , une figure toute particuliere. Elle
sacrifie sur un Autel , où il y a du feu ,
sur lequel elle répand une Patere pleine
de quelque liqueur propre au Sacrifice ,
tenant de la main gauche une Corne d'abondance.
Ne seroit- ce point là , Monseigneur
le Génie Tutelaire de la Ville et du Port
de Boulogne sur l'Ocean , ou bien celui
de la Ville et du Port de Bourdeaux ?
Ce sont , comme V.A.S. le sçait, deux
Ports et deux Villes qui ont été autrefois
MARS. 17320 443
fois très- considerables , soit par leur propre situation , soit par les grands Evenemens qui y sont arrivez du temps des Romains.
•
La premiere est aujourd'hui la Capitale
du Boulonnois , Peuple qu'on appelloit
autrefois les Morins.
La seconde est la Capitale de la Guyen:
ne , Province que Ptolomée appelle Aqui
tania.
Par rapport à Boulogne , j'ai prouvé dans le corps de mon Ouvrage sur Carausius , que cette Ville fût d'abord comme le Magazin general et l'Arcenal de
cet Empereur, et qu'il en fit une des plus
fortes Places qu'il eûr sur les Côtes Maritimes des Gaules , et qu'elle soutint un
Siege presqu'aussi long que le fut le fameux Siege de Troye.
Le Génie Tutelaire en ce sens sur les
Médailles de Carausius , ne conviendroit
peut-être pas mal à Boulogne ; cet Autel,
ces Parfums , cette Paterre , désigneroient
les Sacrifices qui furent faits dans cette
Ville pour la prosperité des Armes , et
pour l'heureux succès de la Flotte de cet
Empereur.LaCorne d'abondance que tient
cette Figure , marqueroit la quantité suffisante de toutes les munitions necessaires
pour la deffense et pour la sureté de cette
Place. Les Tours dont elle paroît couronBv néc
444 MERCURE DE FRANCE
née , désigneroient la force de ses murailles , qui devoient être bien considérables ,
puisque le Rhéteur Euménius ( a) , dans
un de ses Panégyriques en fait mention ;
en les appellant Gessoriacenses muros , les
Murs de Gessoriac , parce que cette Ville
a aussi été appellée , Gessoriacum navale
à cause de la renommée de son Port , que
je prétends être le fameux Por.us Iccius
des Anciens.
Pour revenir à notre Médaille. Pline le
jeune en parlant des Sacrifices qui furenţ
faits à la proclamation de Nerva , nous
fournit un passage qui semble l'expliquer
encore dans un sens qui ne seroit point
incompatible à quelque Ville qu'on voulut la donner. Diem , dit-il , in quem
Tutela Generis humani felicissima successione translata est debita religione celebravimus, commendantes Diis Imperii Authoribus , et vota publica et gaudia.
C'est peut être , Monseigneur , ce que
les Monetaires nous auroient voulu faire
entendre par ce Type et par cette Légende , par cet Autel et par ces Sacrifices.
Pour marquer à la posterité qu'à son
avenement à l'Empire , les Gaulois et les
Bretons de son parti , s'étoient religieu-
(a) Panegyr. à Constantius César , chap. 4.
sement
MARS. 1732. 445
sement acquittez d'un devoir essentiel
envers Carausius , qu'ils venoient de reconnoître pour Empereur , et qu'ils regardoient comme l'objet de leurs vœux et
la Tutele du genre humain , dans le mê
me sens qu'Horace,dans une de ses Odes*,
donne ce titre à Auguste.
OTutela prasens
Italia, Dominaque Roma.
C'est dans la même pensée que Nerva
est appellé , Tutela Italia sur la Médaille ,
dont nous avons déja décrit le revers , et
dont la Légende est tirée de ces deux Vers
d'Horace.
Mais la Médaille de Carausius , avec
Tutela Aug.au revers , accompagnée d'un
Type nouveau , et jusques icy inconnu ;
paroît nous marquer encore quelque chose de plus , et elle pourroit s'entendre
d'une Divinité Topique , et propre à un
lieu particulier.
L'Autel , sur ce revers nous marque
que la Tutele avoit aussi ses Autels , ses
Temples et ses Sacrifices particuliers du
temps de Carausius , et que le culte de la
Tutele , étant Romain d'origine , s'étoit
* Ode 14. Carmin. lib. 4.
B vj ré
446 MERCURE DE FRANCE.
répandu dans l'étendue de ses Etats , dans
la grande Bretagne , dans nos Gaules et
dans d'autres Provinces, comme celui des
autres Dieux , dont V. A. S. sçait que le
culte s'étendoit , à mesure que les Romains avançoient leurs conquêtes.
Pour venir à la Ville de Bourdeaux
l'Inscription antique qui y fut trouvée ,
et que voici , prouve invinciblement
le culte de la Tutele y étoit établi,
TVTELÆ
AVG.
LASCIVOS CANIL:
EX VOTO
L. D. EX. D. D.
que
C'est l'accomplissement d'un vœu solemnel , fait à la Turele d'Auguste , par
un particulier, nommé Lascivus Canilius.
Les dernieres Lettres initiales de cette
Inscription , L. D. EX. D. D. signifient
que le Sol lui en avoit été assigné par un
Décret exprès des Décurions de la Ville.
Locus datus ex Decreto Decurionum. Ce
qui fait voir en passant que Bourdeaux
joüissoit pour lors du droit de Colonie
Romaine, et qu'elle avoit adopté le culte
de cette Divinité. Elle y avoit un Temple
MARS. 1732 447
܂ܐ
>
ple des plus superbes , dans lequel cette
Inscription fut trouvée , selon Tristan.
Ce Temple subsistoit encore presqu'en
son entier en 1700.avant que Louis XIV.
de glorieuse mémoire , l'eut fait détruire
pour en faire une Esplanade devant le
Château Trompette. C'étoit un Péristyle,
à quatre Angles droits , long de 87 pieds,
et large de 62. selon Elie Vinet , ou de
63 , selon Merula , dans sa Géographie
page 426. Ce Temple avoit six Colonnes
en face dans sa largeur, et huit Colonnes
à chaque côté dans sa longueur ; ce qui
faisoit en tout une colonnade de 24 Colonnes , de l'Ordre Corinthien , dont il
en restoit encore 18 sur pied , dans le
temps que Vinet publia ses Notes sur Ausone. Les Colonnes de ce Temple étoient
d'une hauteur si considérable qu'elles do
minoient sur tous les plus hauts Edifices
de la Ville ; ce qui peut avoir été en partie cause de sa destruction. Au dessous de
ce Temple il y avoit des Voutes et des
Caves qui étoient d'un ouvrage aussi ancien. On s'en servoit pour y conserver du
Vin , selon quelques Auteurs.
La démolition d'un monument si superbe et si respectable par son anciennete , ne laissa pas d'exciter les regrets de
quelques amateurs de l'Antiquité , gens
qui
448 MERCURE DE FRANCE
qui ne s'embarassent guere de politique.
Ces regrets furent même accompagnez
des larmes d'un des plus sçavans Antiquaires (a) de ce temps- là. Ce qui donna
occasion aux Vers , qui furent imprimez
dans le Mercurede Mars 1702.que V.A.S.
ne sera peut-être pas fâchée de voir icy.
99
55
Pourquoi démolit-on ces Colomnes des
Dieux ?
Ouvrage des Césars , Monument Tutclaire ,
Depuis plus de mille ans , que le temps les re- vére ,
Elles s'élevoient jusqu'aux Cieux.
»Il faut que leur orgueil , cede à la Forteresse
» Où Mars pour nous veille sans cesse.
Son redoutable Mur , Edifice Royal ,
Ne doit point souffrir de Rival.
Ainsi il ne nous reste plus aujourd'hui
aucun vestige de ce fameux Temple de
la Tutele, qu'un triste souvenir de sa ruine..
Mais que dis- je, Monseigneur, ce Temple n'est pas entierement détruit , et l'idée de ce superbe Edifice ne sera jamais tout à-fait effacée de la mémoire des hommes. Le même Vinet nous en a heureusement conservé le Dessein. C'est dans ses
sçavantes Notes sur Ausone , où j'ai eu
( a ) M. Spon.
la
MARS. 1732. 449
ul
de
ne,
cm.
l'imais
ɔmceu5 ses
eu
la 1
la satisfaction de le voir représenté sous
le nom de Palais ou de Piliers de Tutele,
C'est ainsi qu'on l'appelloit vulgairement , à cause de sa magnificence égale à
celle des Palais des Rois. C'étoit , sans
doute , non un Palais , mais un Temple
consacré à la Tutele , ou au Genie Tutelaire de la Ville et du Port de Bourdeaux,
comme l'Inscription antique , que nous
venons de rapporter plus haut , et qui y
fut trouvée , le prouve invinciblement.
Quoique tous les Dieux pussent être
Dieux Tuteles , soit male , ou femelle ,
V. A. S. sçait cependant que chaque Nation ou Peuplade s'en choisissoit un particulier , qu'elle invoquoit comme son
Génie , son Protecteur , et son Dieu Tutele. Chaque Vaisseau avoit aussi son Dieu
Tutele particulier.
Or c'est du Dieu Tutele de la Ville de
Bourdeaux que je crois qu'on doit entendre l'Inscription : Tutela Aug. & c. qui y
fut trouvée.
C'est de Bourdeaux que je crois aussi
qu'il faut entendre la Légende : Tutela
Aug. qui est sur la Médaille de Carausius;
et il est beaucoup plus à présumer , que
la figure qui esr sur notre Médaille, peut
être la mêmequi étoit adorée dans ceTemple
450 MERCURE DE FRANCE
ple de Bourdeaux , et que c'étoit- là la
Divinité Tutele de la Ville.
En effet , Carausius étant Maître de la
Mer, comme il l'étoit , je ne fais aucun
doute , qu'il ne se fut aussi emparé de la
Ville et du Port de Bourdeaux. Cette
Ville , aussi-bien que Boulogne , lui étoit
de trop grande importance pour la négliger. Son Port , qui étoit autrefois au
milieu de la Ville , étoit aussi un des plus
superbes , suivant ces Vers d'Ausone :
"Per mediumque Urbis Fontani fluminis al veum
Quem Pater Oceanus refluo quum impleverit astu.
» Adlabi totum spectabis classibus aquor.
Carausius avoit en ces deux Villes deux
clefs pour sortir et pour entrer dans les
Gaules , suivant que ses affaires tourneroient , bien ou mal ; dans l'expédition
qu'il projettoit de la grande Bretagne.
C'est de Bourdeaux et de ses Citoyens
que je pense qu'il faut entendre en partie
un Passage d'Eumenius , où il est dit que
Carausius emmena avec lui , en la grande
Bretagne , plusieurs Marchands des GauIes. Contractis ad Dilectum Mercatoribus
*
Galli
MAR S.. 1732.
450
S
n
je
le
He
us
Gallicanis;parce que cette Ville a toujours
été en grand commerce , sur tout avec
ces Insulaires.
Enfin Bourdeaux est la Ville où je crois
que notre Médaillea pû avoir été frappée,
les raisons que nous venons d'en raporter.
par
Peut- être cette Ville, puissante comme
elle étoit,et parTerre et par Mer,à l'exemple de Boulogne, fut- elle une des premieres à saisir cette occasion , pour secoüer
le joug des deux autres Empereurs Romains. V. A. S. sçait qu'il n'y avoit pas
long- temps que la Ville de Bourdeaux
s'étoit soustraite à l'obéïssance de Gallien,
et que du Gouverneur de la Province
dont elle étoit la Capitale , elle avoit fait
un Empereur , nommé Tetricus , qui prit
la Pourpre à Bourdeaux , où il faisoit sa
résidence ordinaire.
On voit encore à Bourdeaux , parmi les
autres Antiquitez, les ruines d'un Amphithéatre , nommé vulgairement , le Palais
de Gallien , qui pouvoit y avoir fait quelque séjour avant la révolte de Tétricus.
Cela fait voir le rang distingué que tenoit autrefois cette Ville Maritime de la
Province d'Aquitaine , ou de la Guienne,
comme on l'appelle aujourd'hui.
Cette Ville ancienne ne s'étoit pas seu
lement
452 MERCURE DE FRANCE
lement renduë recommandable par son
commerce dans les extrémitez des Mers ,
même du temps d'Auguste , comme Strabon , qui vivoit sous ce Prince, nous l'assure. Elle s'est encore rendue celebre par
le grand nombre de Sçavans qui y ont
fleuri , comme on le peut voir dans les
Vers d'Ausone. Mais ce n'est point icy le
lieu d'en parler.
Ce que j'ai dit , Monseigneur, en faveur
de cette Ville , paroît suffire pour l'expliIcation de notre Médaille de Carausius
avec la Légende , Tutela Aug. ,
Légende inconnue jusques icy dans les
Médailles du bas Empire , et dont le Type n'est pas moins singulier , ni moins
digne de l'attention des Antiquaires.
Ce sont- là , Monseigneur , les conjectures que j'ai crû pouvoir hazarder , et
que je soûmets entierement à votre décision. Je ne sçai si V. A. S. les trouvera
assez solidement appuyées ; mais elles serviront du moins à exciter la curiosité
des Sçavans sur ce sujet , et elles seront
un témoignage public de la Protection
jose dire , de la Tutele particuliere , dont vous honorez les Sciences et les Gens de
Lettres , ainsi que du profond respect et
de la reconnoissance parfaite avec laquelle
je serai toute ma vie , &c.
A Paris , ce 15 Février 1732.
antique très singuliere de Carausius ,
Empereur des anciens Bretons , au temps de Diocletien et de Maximien-Hercule ,
adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine,
Prince Souverain de Dombes , &c. Par
M. Genebrier , Docteur en Medecine.
MONSEIGNEUR,
L'accueil dont V. A. S. m'a honoré à
mon retour d'Angleterre , la maniere distinguée dont elle a b en voulu me communiquer elle-même , et à Versailles et
Bij à
38 MERCURE DE FRANCE
à Sceaux , ses differens Cabinets de Mé,
dailles antiques , et la permission qu'elle
m'a accordée de décrire celles qui pou
voient entrer dans mes vûës Litteraires
sont des effets d'unebonté digne deV.A.S
mais trop marquez pour moi , pour ne
pas rechercher l'occasion de les publier.
' ose donc mefatter , Monseigneur , que
V. A. S. ne trouvera pas mauvais que je
fasse paroître cet Ecrit sous vos auspices.
Je l'ai composé au sujet d'une Médaille
antique du Héros bes Bretons , dont j'ai
déja eu l'honneur d'entretenir V. A, S.
Cette Médaille interesse particulierement
la gloire d'une de nos plus anciennes
Villes de France , Ville autrefois et encore aujourd'hui très celebre , et qui
étant la Capitale du Gouvernement de
Monseigneur le Comte d'Eu , Prince qui
marche si dignement sur vos traces , doit
aussi interesser V. A. S.
Cette Médaille est de petit bronze et
assez bien conservée , elle est d'un Métail jaune , qui est rare dans les Médailles
de ce temps- là . Je la croyois d'abord unique , mais M. l'Abbé de Rothelin en a
trouvé depuis peu une autre qui n'est que
de cuivre rouge. Elle représente d'un côté
la tête de l'Empereur Carausius , couronnée de rayons , avec la Légende ordinaire.
Imp
MARS J
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1-
de
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fé
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uni
en a
que
côté
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aire
Imp.
>
. 1732 439
Imp. Carausius P. F. Aug. Et au revers
pour Legende , Tutela Aug. La Tutele
d'Auguste. Pour Type la figure d'une
femme debout , tournée du côté droit
vétuë d'une robe longue abbattue , don't
ún bout ramené du côté droit par devant et retroussé sur le bras gauche , va
encore descendre jusqu'aux pieds. Certe
figure tient de la main droite une patere
sur un Autel où il y a du feu , et de la
gauche elle soutient par le bas une Corne
d'abondance , couchée sur le bras du mê- me côté.
Parmi beaucoup de Médailles antiques
que j'ai vûës dans un assez grand nombre de Cabinets en differens Royaumes,
par ordre et sous les auspices de S. A. R.
feuë Madame , et que j'ai décrites , je
n'en ai jamais trouvé que deux differentes du haut Empire , avec la Legende
TVTELA , &C.
La premiere est une Médaille de Vespasien , et la seconde de Nerva.
Au revers de la Médaille de Vespasien , il y a pour Legende Tutela Augusti S. C. et pour Type , la figure d'une
femme assise , tournée du côté droit , qui
impose la main droite sur la tête de Tite,
qui est devant elle au côté droit , ayant
fe bras gauche négligemment appuyé sur
Biij les
440 MERCURE DE FRANCE
les épaules de Domitien , qui est aussi
debout de l'autre côté , la face tournée
differemment. Ce qui nous marque que
ces deux jeunes Princes s'étoient , pour ainsi dire voüés à cette Divinité Tutele
et qu'ils s'étoient mis sous sa protection.
3
Au revers de la Médaille de Nerva ,
il y a pour Legende Tutela Italia S. C.
La Tutele de l'Italie. Pour Type , la figure de l'Empereur assis , de gauche à
droite , sur une Chaise Curule , qui tend
la main droite à deux petits enfans , garçon et fille , qui sont debout à ses pieds ,
et qui lui sont présentez par l'Italie personifiée sous la figure d'une femme aussi
debout derriere eux , pour faire entendre
que ce Prince s'étoit déclaré le Pere et le
Protecteur des enfans orphelins de l'un
et l'autre Sexe, C'est ce qui paroît confirmé par un Passage de Xiphilin , * qui
rapporte que ce Prince assigna des Terres
estimées quinze cent mille dragmes pour
la subsistance des Citoyens qui étoient
dans la necessité.
A l'égard de la Médaille de Carausius,
il- y a pour Legende au revers , Tutela
Aug. à peu près comme dans la Médaille de Vespasien , et non pas Tutela
Italia , comme dans celle de Nerva ; mais
* Dans la Vie de Nerva.
au
MARS. 17321 441
e
|-
ai
es
ur
at
is,
ela
éela
ais
au
au lieu que sur la Médaille de Vespasien,
on y voit trois figures représentées , et
que sur celle de Nerva , on en voit quatre,
il ne se trouve qu'une seule figure sur
la Médaille de Carausius , comme je l'ai
décrite au commencement; ce qui forme
un troisiéme Type different sur les Médailles de ce genre.
Boissart , dans le troisiéme Tome de
ses Antiquitez , nous a donné la figure
de la Déesse Tutilina , sous l'habit d'une
venerable Matrone debout , le derriere
de la tête voilé , dont la robe descend
jusques aux pieds. On voit au côté droit
auprès d'elle un tronc d'arbre qu'un Serpent entortille ; et au-dessous de la figure est écrit en gros caractere , TVTILINAE. S, ce qui nous apprend que la figure qui est représentée sur ce bas- relief,
avoit été consacrée à la Tutiline sous ce
Type. *
Cette Divinité avoit un Autel à Rome
sur le Mont Aventin , comme Varron le
remarque dans sa Ménippée. Cette der-
* S. Augustin , dans le 4. Livre de la Cité de
Dieu , Chap. 8. fait mention de la Déesse Tutiline , comme de la Sur- Intendante des Grains
après la récolte. Frumentis vero collectis atque reconditis , ut tutò servarentur Deam Tutilinam praposuerunt.
B iiij niere
442 MERCURE DE FRANCE
niere figure est encore differente de celle
qui est représentée sur notre Médaille de
Carausius , elle ne ressemble point non
plus à la figure de la Tutele qui est sur
la Médaille de Vespasien , où cette Divinité est assise dans une attitude majestueuse , ayant deux jeunes Princes debout à ses côtez.
Pour ce qui regarde la Médaille de
Nerva, ce n'est point la Divinité Tutele
qui est représentée sur son revers ; c'est
l'Empereur Nerva lui- même qui y est
appellé la Tutele de l'Italie , et avec jus- tice , pour les raisons que nous avons rapportées plus haut.
Ainsi le Type de la Médaille de Carausius avec TVTELA AVG..ne revient à aucun de tous ces Types. C'est , comme on
l'a dit , une figure toute particuliere. Elle
sacrifie sur un Autel , où il y a du feu ,
sur lequel elle répand une Patere pleine
de quelque liqueur propre au Sacrifice ,
tenant de la main gauche une Corne d'abondance.
Ne seroit- ce point là , Monseigneur
le Génie Tutelaire de la Ville et du Port
de Boulogne sur l'Ocean , ou bien celui
de la Ville et du Port de Bourdeaux ?
Ce sont , comme V.A.S. le sçait, deux
Ports et deux Villes qui ont été autrefois
MARS. 17320 443
fois très- considerables , soit par leur propre situation , soit par les grands Evenemens qui y sont arrivez du temps des Romains.
•
La premiere est aujourd'hui la Capitale
du Boulonnois , Peuple qu'on appelloit
autrefois les Morins.
La seconde est la Capitale de la Guyen:
ne , Province que Ptolomée appelle Aqui
tania.
Par rapport à Boulogne , j'ai prouvé dans le corps de mon Ouvrage sur Carausius , que cette Ville fût d'abord comme le Magazin general et l'Arcenal de
cet Empereur, et qu'il en fit une des plus
fortes Places qu'il eûr sur les Côtes Maritimes des Gaules , et qu'elle soutint un
Siege presqu'aussi long que le fut le fameux Siege de Troye.
Le Génie Tutelaire en ce sens sur les
Médailles de Carausius , ne conviendroit
peut-être pas mal à Boulogne ; cet Autel,
ces Parfums , cette Paterre , désigneroient
les Sacrifices qui furent faits dans cette
Ville pour la prosperité des Armes , et
pour l'heureux succès de la Flotte de cet
Empereur.LaCorne d'abondance que tient
cette Figure , marqueroit la quantité suffisante de toutes les munitions necessaires
pour la deffense et pour la sureté de cette
Place. Les Tours dont elle paroît couronBv néc
444 MERCURE DE FRANCE
née , désigneroient la force de ses murailles , qui devoient être bien considérables ,
puisque le Rhéteur Euménius ( a) , dans
un de ses Panégyriques en fait mention ;
en les appellant Gessoriacenses muros , les
Murs de Gessoriac , parce que cette Ville
a aussi été appellée , Gessoriacum navale
à cause de la renommée de son Port , que
je prétends être le fameux Por.us Iccius
des Anciens.
Pour revenir à notre Médaille. Pline le
jeune en parlant des Sacrifices qui furenţ
faits à la proclamation de Nerva , nous
fournit un passage qui semble l'expliquer
encore dans un sens qui ne seroit point
incompatible à quelque Ville qu'on voulut la donner. Diem , dit-il , in quem
Tutela Generis humani felicissima successione translata est debita religione celebravimus, commendantes Diis Imperii Authoribus , et vota publica et gaudia.
C'est peut être , Monseigneur , ce que
les Monetaires nous auroient voulu faire
entendre par ce Type et par cette Légende , par cet Autel et par ces Sacrifices.
Pour marquer à la posterité qu'à son
avenement à l'Empire , les Gaulois et les
Bretons de son parti , s'étoient religieu-
(a) Panegyr. à Constantius César , chap. 4.
sement
MARS. 1732. 445
sement acquittez d'un devoir essentiel
envers Carausius , qu'ils venoient de reconnoître pour Empereur , et qu'ils regardoient comme l'objet de leurs vœux et
la Tutele du genre humain , dans le mê
me sens qu'Horace,dans une de ses Odes*,
donne ce titre à Auguste.
OTutela prasens
Italia, Dominaque Roma.
C'est dans la même pensée que Nerva
est appellé , Tutela Italia sur la Médaille ,
dont nous avons déja décrit le revers , et
dont la Légende est tirée de ces deux Vers
d'Horace.
Mais la Médaille de Carausius , avec
Tutela Aug.au revers , accompagnée d'un
Type nouveau , et jusques icy inconnu ;
paroît nous marquer encore quelque chose de plus , et elle pourroit s'entendre
d'une Divinité Topique , et propre à un
lieu particulier.
L'Autel , sur ce revers nous marque
que la Tutele avoit aussi ses Autels , ses
Temples et ses Sacrifices particuliers du
temps de Carausius , et que le culte de la
Tutele , étant Romain d'origine , s'étoit
* Ode 14. Carmin. lib. 4.
B vj ré
446 MERCURE DE FRANCE.
répandu dans l'étendue de ses Etats , dans
la grande Bretagne , dans nos Gaules et
dans d'autres Provinces, comme celui des
autres Dieux , dont V. A. S. sçait que le
culte s'étendoit , à mesure que les Romains avançoient leurs conquêtes.
Pour venir à la Ville de Bourdeaux
l'Inscription antique qui y fut trouvée ,
et que voici , prouve invinciblement
le culte de la Tutele y étoit établi,
TVTELÆ
AVG.
LASCIVOS CANIL:
EX VOTO
L. D. EX. D. D.
que
C'est l'accomplissement d'un vœu solemnel , fait à la Turele d'Auguste , par
un particulier, nommé Lascivus Canilius.
Les dernieres Lettres initiales de cette
Inscription , L. D. EX. D. D. signifient
que le Sol lui en avoit été assigné par un
Décret exprès des Décurions de la Ville.
Locus datus ex Decreto Decurionum. Ce
qui fait voir en passant que Bourdeaux
joüissoit pour lors du droit de Colonie
Romaine, et qu'elle avoit adopté le culte
de cette Divinité. Elle y avoit un Temple
MARS. 1732 447
܂ܐ
>
ple des plus superbes , dans lequel cette
Inscription fut trouvée , selon Tristan.
Ce Temple subsistoit encore presqu'en
son entier en 1700.avant que Louis XIV.
de glorieuse mémoire , l'eut fait détruire
pour en faire une Esplanade devant le
Château Trompette. C'étoit un Péristyle,
à quatre Angles droits , long de 87 pieds,
et large de 62. selon Elie Vinet , ou de
63 , selon Merula , dans sa Géographie
page 426. Ce Temple avoit six Colonnes
en face dans sa largeur, et huit Colonnes
à chaque côté dans sa longueur ; ce qui
faisoit en tout une colonnade de 24 Colonnes , de l'Ordre Corinthien , dont il
en restoit encore 18 sur pied , dans le
temps que Vinet publia ses Notes sur Ausone. Les Colonnes de ce Temple étoient
d'une hauteur si considérable qu'elles do
minoient sur tous les plus hauts Edifices
de la Ville ; ce qui peut avoir été en partie cause de sa destruction. Au dessous de
ce Temple il y avoit des Voutes et des
Caves qui étoient d'un ouvrage aussi ancien. On s'en servoit pour y conserver du
Vin , selon quelques Auteurs.
La démolition d'un monument si superbe et si respectable par son anciennete , ne laissa pas d'exciter les regrets de
quelques amateurs de l'Antiquité , gens
qui
448 MERCURE DE FRANCE
qui ne s'embarassent guere de politique.
Ces regrets furent même accompagnez
des larmes d'un des plus sçavans Antiquaires (a) de ce temps- là. Ce qui donna
occasion aux Vers , qui furent imprimez
dans le Mercurede Mars 1702.que V.A.S.
ne sera peut-être pas fâchée de voir icy.
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55
Pourquoi démolit-on ces Colomnes des
Dieux ?
Ouvrage des Césars , Monument Tutclaire ,
Depuis plus de mille ans , que le temps les re- vére ,
Elles s'élevoient jusqu'aux Cieux.
»Il faut que leur orgueil , cede à la Forteresse
» Où Mars pour nous veille sans cesse.
Son redoutable Mur , Edifice Royal ,
Ne doit point souffrir de Rival.
Ainsi il ne nous reste plus aujourd'hui
aucun vestige de ce fameux Temple de
la Tutele, qu'un triste souvenir de sa ruine..
Mais que dis- je, Monseigneur, ce Temple n'est pas entierement détruit , et l'idée de ce superbe Edifice ne sera jamais tout à-fait effacée de la mémoire des hommes. Le même Vinet nous en a heureusement conservé le Dessein. C'est dans ses
sçavantes Notes sur Ausone , où j'ai eu
( a ) M. Spon.
la
MARS. 1732. 449
ul
de
ne,
cm.
l'imais
ɔmceu5 ses
eu
la 1
la satisfaction de le voir représenté sous
le nom de Palais ou de Piliers de Tutele,
C'est ainsi qu'on l'appelloit vulgairement , à cause de sa magnificence égale à
celle des Palais des Rois. C'étoit , sans
doute , non un Palais , mais un Temple
consacré à la Tutele , ou au Genie Tutelaire de la Ville et du Port de Bourdeaux,
comme l'Inscription antique , que nous
venons de rapporter plus haut , et qui y
fut trouvée , le prouve invinciblement.
Quoique tous les Dieux pussent être
Dieux Tuteles , soit male , ou femelle ,
V. A. S. sçait cependant que chaque Nation ou Peuplade s'en choisissoit un particulier , qu'elle invoquoit comme son
Génie , son Protecteur , et son Dieu Tutele. Chaque Vaisseau avoit aussi son Dieu
Tutele particulier.
Or c'est du Dieu Tutele de la Ville de
Bourdeaux que je crois qu'on doit entendre l'Inscription : Tutela Aug. & c. qui y
fut trouvée.
C'est de Bourdeaux que je crois aussi
qu'il faut entendre la Légende : Tutela
Aug. qui est sur la Médaille de Carausius;
et il est beaucoup plus à présumer , que
la figure qui esr sur notre Médaille, peut
être la mêmequi étoit adorée dans ceTemple
450 MERCURE DE FRANCE
ple de Bourdeaux , et que c'étoit- là la
Divinité Tutele de la Ville.
En effet , Carausius étant Maître de la
Mer, comme il l'étoit , je ne fais aucun
doute , qu'il ne se fut aussi emparé de la
Ville et du Port de Bourdeaux. Cette
Ville , aussi-bien que Boulogne , lui étoit
de trop grande importance pour la négliger. Son Port , qui étoit autrefois au
milieu de la Ville , étoit aussi un des plus
superbes , suivant ces Vers d'Ausone :
"Per mediumque Urbis Fontani fluminis al veum
Quem Pater Oceanus refluo quum impleverit astu.
» Adlabi totum spectabis classibus aquor.
Carausius avoit en ces deux Villes deux
clefs pour sortir et pour entrer dans les
Gaules , suivant que ses affaires tourneroient , bien ou mal ; dans l'expédition
qu'il projettoit de la grande Bretagne.
C'est de Bourdeaux et de ses Citoyens
que je pense qu'il faut entendre en partie
un Passage d'Eumenius , où il est dit que
Carausius emmena avec lui , en la grande
Bretagne , plusieurs Marchands des GauIes. Contractis ad Dilectum Mercatoribus
*
Galli
MAR S.. 1732.
450
S
n
je
le
He
us
Gallicanis;parce que cette Ville a toujours
été en grand commerce , sur tout avec
ces Insulaires.
Enfin Bourdeaux est la Ville où je crois
que notre Médaillea pû avoir été frappée,
les raisons que nous venons d'en raporter.
par
Peut- être cette Ville, puissante comme
elle étoit,et parTerre et par Mer,à l'exemple de Boulogne, fut- elle une des premieres à saisir cette occasion , pour secoüer
le joug des deux autres Empereurs Romains. V. A. S. sçait qu'il n'y avoit pas
long- temps que la Ville de Bourdeaux
s'étoit soustraite à l'obéïssance de Gallien,
et que du Gouverneur de la Province
dont elle étoit la Capitale , elle avoit fait
un Empereur , nommé Tetricus , qui prit
la Pourpre à Bourdeaux , où il faisoit sa
résidence ordinaire.
On voit encore à Bourdeaux , parmi les
autres Antiquitez, les ruines d'un Amphithéatre , nommé vulgairement , le Palais
de Gallien , qui pouvoit y avoir fait quelque séjour avant la révolte de Tétricus.
Cela fait voir le rang distingué que tenoit autrefois cette Ville Maritime de la
Province d'Aquitaine , ou de la Guienne,
comme on l'appelle aujourd'hui.
Cette Ville ancienne ne s'étoit pas seu
lement
452 MERCURE DE FRANCE
lement renduë recommandable par son
commerce dans les extrémitez des Mers ,
même du temps d'Auguste , comme Strabon , qui vivoit sous ce Prince, nous l'assure. Elle s'est encore rendue celebre par
le grand nombre de Sçavans qui y ont
fleuri , comme on le peut voir dans les
Vers d'Ausone. Mais ce n'est point icy le
lieu d'en parler.
Ce que j'ai dit , Monseigneur, en faveur
de cette Ville , paroît suffire pour l'expliIcation de notre Médaille de Carausius
avec la Légende , Tutela Aug. ,
Légende inconnue jusques icy dans les
Médailles du bas Empire , et dont le Type n'est pas moins singulier , ni moins
digne de l'attention des Antiquaires.
Ce sont- là , Monseigneur , les conjectures que j'ai crû pouvoir hazarder , et
que je soûmets entierement à votre décision. Je ne sçai si V. A. S. les trouvera
assez solidement appuyées ; mais elles serviront du moins à exciter la curiosité
des Sçavans sur ce sujet , et elles seront
un témoignage public de la Protection
jose dire , de la Tutele particuliere , dont vous honorez les Sciences et les Gens de
Lettres , ainsi que du profond respect et
de la reconnoissance parfaite avec laquelle
je serai toute ma vie , &c.
A Paris , ce 15 Février 1732.
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Résumé : EXPLICATION d'une Medaille antique très singuliere de Carausius, Empereur des anciens Bretons, au temps de Diocletion et de Maximien-Hercule, adressée à S.A.S. M. le Duc du Maine, Prince Souverain de Dombes, &c. Par M. Genebrier, Docteur en Medecine.
Le texte, rédigé par M. Genebrier, Docteur en Médecine, présente une médaille antique en bronze dédiée à Carausius, Empereur des anciens Bretons. Cette médaille, unique en son genre, représente Carausius couronné de rayons au recto, avec la légende 'Imp. Carausius P. F. Aug.' et au verso, une femme debout tenant une patère et une corne d'abondance, accompagnée de la légende 'Tutela Aug.' Cette médaille se distingue des autres médailles antiques connues, comme celles de Vespasien et Nerva, qui portent également la légende 'Tutela'. La médaille de Carausius pourrait être liée à Boulogne-sur-Mer ou Bordeaux, deux villes importantes à l'époque romaine. Boulogne-sur-Mer était un arsenal et une place forte de Carausius, tandis que Bordeaux possédait un temple dédié à la Tutele, comme le montre une inscription antique. La médaille pourrait symboliser le génie tutélaire de l'une de ces villes, représentant les sacrifices et les abondances nécessaires à leur défense et prospérité. Le texte mentionne également des détails sur les autres médailles antiques et les divinités tutélaires, soulignant l'importance historique et culturelle de ces objets. La médaille de Carausius, portant l'inscription 'Tutela Aug.', est probablement liée à Bordeaux, ville stratégique pour Carausius en raison de son port et de son importance commerciale. Bordeaux a également été un centre de rébellion contre les empereurs romains, avec l'ascension de Tetricus. La ville est riche en antiquités, comme les ruines d'un amphithéâtre, et a été célèbre pour son commerce et ses savants, notamment Ausone. Le texte conclut en soumettant ces conjectures à l'appréciation de son destinataire, soulignant l'importance historique et culturelle de Bordeaux.
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564
p. 453-457
EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Début :
Un jour, las d'écouter les plaintes et les voeux, [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Minerve, Bragny, Déesse
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texteReconnaissance textuelle : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
EPITH ALAME,
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
AM.le Comte de Marigny-Pibrac , ( a )
sur le Mariage de Mademoiselle de
Tyard - Bragny , sa petite-fille , et petiteniéce de M. le Cardinal de Bissy , avec
M.le Comte de la Magdelaine Ragny.
N jour , las d'écouter les plaintes et les vœux ,
Des Epoux asservis sous un joug rigoureux ,
Jupiter au Dieu d'Hymenée
Reprocha vivement leur triste destinée.
Oui , c'est vous , lui dit-il , qui causez leurs mal- heurs ,
Lorsque sans consulter leurs panchans-, leurs humeurs ,
Vous osez à Plutus en faire un Sacrifice :
Moi - même tous les jours , grace à votre ca⇒
price ,
J'éprouve des chagrins que j'ai peine à bannir , `
( a ) M. de Pibrac , Chancelier de Marguerite
de Valois , Reine de Navarre , Président et Conseiller au Conseil du Roy , connu par ses diverses Ambassades et par ses fameux Quatrains , est le BisAyeul do M, le Comte de Marigny-Pibrac.
De
454 MERCURE DE FRANCE
Et ma foudre cent fois auroit dû vous punir ;
De m'avoir choisi pour Epouse >
Junon, ma propre sœur , querelleuse et jalouse.
L'Hymen tremble à ces mots altiers ;
L'Amour par un souris, en témoigne sa joye ,
Aux dépens de l'Hymen , l'Amour rit volon
tiers.
Eh-bien ! vous le il faut voyez ,
l'on que pourvoye ,
Dit le Dieu de Cythere , aux maux que vous causez ,
Mon Frere , tant d'Epoux que vous tyrannisez
D'un regret éternel ne seroient point la proye,
Si nous n'étions pas divisez.
Pour rendre heureux les cœurs , je vous ouvre
une voye ,
C'est de souffrir, qu'à l'avenir .
Je vous livre tous ceux que vous devrez unir.
Aux conseils de l'Amour, qui cherche à le
séduire
L'Hymen étoit prêt à souscrire ,
Quand Minerve élevant sa voix ,
´Arrêtez , lui dit-elle , est- ce ainsi qu'on oublie
Que croire l'Amour seul , c'est croire la Folie ?
Des Sujets que sans aucun choix ,
L'Hymen par Cupidon , voit ranger sous ses loix&
L'aveugle
MARS. 1732. 455
L'aveugle passion est à peine assouvie ,
Que tout leur feu s'éteint , que le dégoût s'en,
suit:
L'Epouse à son réveil funeste ,
Voit que le tendre Amant s'enfuit ,
Et que l'Epoux fâcheux lui reste.
De vos Fêtes, Hymen , ce n'est pas qu'à mon tour ,
Je prétende bannir le Dieu de la tendresse ,
Non ; mais n'invitez pas l'Amour sans la Sa
gesse,
Ni la Sagesse sans l'Amour,
Jupiter applaudit à la sage Déesse ,
Minerve , Hymen , Amour , que votre haine cesse ,
Et tous trois à mes yeux courez vous embrasser ;
Je veux , dit- il , je veux que dès cette journée ,
Pallas marque à l'Amour les Cœurs qu'il faut
blesser
Pour les assujettir aux loix de l'Hymenée.
J'ai déja fait un choix , reprend soudain Pallas ;
Et l'Amour et PHymen n'ont qu'à suivre mes
pas
De la voûte étoilée , on voit ces Dieux des- cendre :
D'un yol léger ils vont se rendre
Chez
455 MERCURE DE FRANCE
Chez Ragny , qui croissant à l'ombre des Lau- riers ,
Cueillis par ses Ayeux guerriers ,
S'exerçoit sans relâche Gloire ,
→ aux Vertus que la
Grave éternellement au Temple de Mémoire.
Pallas d'un air plein de douceur ,
Lui tient , en l'abordant , ce langage flateur.
Mortel , chéri des Dieux , reconnoissez Minerve.
Je viens vous annoncer que le Ciel vous réserve
Pour faire bientôt le bonheur
D'une sage Beauté qui doit faire le vôtre ;
Les liens dont l'Hymen vous joindra l'un et
l'autre ,
Suivront l'offre de votre cœur.
Courez , allez trouver cette aimable Mortelle ,
Elle est digne de vous , comme vous digne delle.
C'est la jeune Bragny , qui paroît ignorer
Tous les attraits divers qui la font adorer.
Je ne vous vante point son ancienne noblesse ,
Ce mérite étranger charme peu le Sagesse ;
Mais pour être assûré des vertus de Bragny,
Apprenez qu'elle sort du sang de Marigny.
Ragný párt à ces mots. Minerve sur ses tračės
Conduit l'Amour , l'Hymen , les Plaisirs et les
Graces ;
Il
MARS. 1732. 457
1 joint Bragny, lui parle , elle ose l'écouter ;
Son extrême délicatesse ,
Ne lui défend pas d'accepter
L'hommage d'un Mortel , guidé par la Sagesse.
De cet heureux instant , l'Amour sçait profiter ,
il prend son arc , il tire , et tous deux i les blesse
De traits qui dans leurs cœurs ouverts à la tendresse ,
Font naître des transports, jusqu'alors inconnus;
Et PHymen secondant l'ardeur qui les entraîne ,
Compose pour eux une chaîne
De la Ceinture de Vénus.
Ovous, qui recevez en ce jour agréable,
De leur douce union un pur contentement
Trop heureux , Marigny , ne doutez nullement
Que leur félicité ne soit invariable ,
Puisque par la vertu d'un Hymen si charmant
Leur amour sera sage , et leur sagesse aimable.
Par M. CocQUARD, Avocat au
Parlement de Dijon.
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Résumé : EPITHALAME, A M. le Comte de Marigny-Pribrac, sur le Mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, sa petite-fille, et petite-niéce de M. le Cardinal de Bissy, avec M. le Comte de la Magdelaine Ragny.
Le poème épithalame célèbre le mariage de Mademoiselle de Tyard-Bragny, petite-fille et nièce du Cardinal de Bissy, avec le Comte de la Magdelaine Ragny. Il commence par une plainte de Jupiter à Hyménée, qui reproche à ce dernier de sacrifier les sentiments des époux au profit de la richesse. L'Amour et Minerve interviennent alors. L'Amour suggère de laisser les époux choisir leurs partenaires, tandis que Minerve met en garde contre les dangers de suivre uniquement la passion. Jupiter décide que l'Amour et Hyménée doivent suivre les conseils de la sagesse incarnée par Minerve. Minerve descend sur Terre et annonce au Comte de Ragny qu'il est destiné à épouser une jeune femme sage et vertueuse, Mademoiselle de Tyard-Bragny. Elle vante les mérites de Bragny, soulignant son origine noble et ses vertus. Minerve conduit ensuite l'Amour et Hyménée auprès de Bragny, qui accepte les hommages de Ragny. L'Amour les blesse de ses flèches, et Hyménée les unit par une chaîne symbolisant leur amour et leur sagesse. Le poème se termine par une bénédiction pour les époux, assurant que leur union sera heureuse et durable grâce à la combinaison de l'amour et de la sagesse.
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565
p. 458-463
QUESTION jugée au Parlement de Paris, par Arrest du 21 Fevrier 1732. sur un appel comme d'abus de Mariage.
Début :
Fait N. Daluimar, originaire de la Paroisse de S. Martin [...]
Mots clefs :
Actes, Parlement de Paris, Domicile, Consentement, Arrêt, Abus de mariage, Paroisse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION jugée au Parlement de Paris, par Arrest du 21 Fevrier 1732. sur un appel comme d'abus de Mariage.
QUESTIONjugée au Parlement de
Paris , par Arrest du 21 Fevrier 17320
sur un appel comme d'abus de Mariage.
AIT. N. Daluimar , originaire de la
Paroisse de S. Martin de Nigel , Diocèse de Chartres , épousa en 1718. la
Dlle Tauvay. Contrat de Mariage , du
mois de Mars. Acte de célébration de la
même année. Par le Contrat , signé de
quatre témoins,il s'est dit demeurant ruë
de la Calende , Paroisse de S. Germain le
Vieux. Le Mariage a été célébré à S. Benoît , Paroisse de la fille , après une publication de Bancs faite à S. Benoît, et une
autre , en la Paroisse de S. Germain le
Vieux. On a prétendu au contraire , que
Daluimar étoit domicilié sur la Paroisse
de S. Martin de Nigel , au Païs Chartrain,
lors de son Mariage , et que dès qu'il ne
paroissoit point de consentement du
Curé de cette Paroisse , le Mariage étoit
abusif.
M. Joli de Fleury , Avocat General ,
portant la parole en cette cause , a distingué deux objets : la question de Droit er
la question de Fait. ·
Suc
MARS. 1732 459
a
u
de
1
Sur la question de Droit , il dit qu'il
étoit inutile de remonter aux Loix faites
par les Papes , et aux Capitulaires de nos
Rois ; que nous avions là - dessus une Loy
nouvelle, qui étoit l'Ordonnance de 1639 .
Cette Ordonnance veutque l'on fasse une
publication de Bans dans les deux Paroisses des Contractans Elle veut de plus que
l'Acte de Célébration soit signé de quatre
témoins. Le motifde cette Loy est d'obla vier à la Clandestinité des Mariages. Elle
veut que les personnes qui ont interêt de
ue s'opposer à un Mariage , ayent un Ministre sur qui ils se puissent reposer. Si on
ne demande que la présence d'un Curé ,
les Contractans ne manqueront pas d'éviter le Curé qui pourroit les traverser.
Le même esprit regne dans l'Edit de 1697.
Cet Editrequiert dans les Mariages le con-
-oisse sentement du Curé des Parties qui conrain, tractent; il nedit pas le consentement du
il ne Curé de l'une des Parties , mais des Part duties ; par consequent il faut le consenteétoit ment des deux Curez.
le
Bepu
une
le
que
conti
Quand nous parlons de ce concours de
neral, Curez , nous ne demandons pas ,
distin- nua-t-il , la présence des deux Curez
roitet mais seulement le consentement des deux.
Ce consentement se peut constater de
Sur trois manieres. On peut prendre un Acte
C du
460 MERCURE DE FRANCE,
du Curé, portant son consentement, premiere voie. Secondement , on peut demander la permission à l'Evêque , qui
tiendroit lieu du consentement du Curé,
Enfin ce concours est encore suffisamment marqué par la publication des
Bancs dans les deux Paroisses,
Une troisiéme Loy , qui peut nous ser
vir de regle , c'est l'Arrêt de 1697. par lequelonjugea le concours des deux Curez
necessaire. Il est vrai que l'on s'est depuis
écarté de l'Edit , dans l'Arrêt de 1707,
parceque dans ce temps-là on n'avoit plus
les motifs de l'Edit si présens,
Après avoir établi la nécessité du concours , il enfaut revenir à la question de
Fait , peut- être celle- cy se décidera-t-elle
indépendamment de la question de Droit,
Deux Actes authentiques attestent le
domicile de Dalvimar sur la Paroisse de
S. Germain le Vieux , un Contrat de Mariage de 1718.et un Acte de celebration de
la mêmeannée. Il est constant qu'il faut
donner la provision à ces Actes , si l'on
ne rapporte pas la preuve du contraire.
Il est vrai aussi que si on les combat
par des piéces de quelque consideration ,
ces Actes pourroient fort- bien ne se pas
soûtenir; mais d'autre côté, jusqu'à ce
qu'il en paroisse les Actes subsistent dans
Leur
M.ARS. 1732. 461
de
de
ut
OD
Dat
pas
an
leur entier et dans toute leur faveur. On
pourroit dire que ces Actes sont bien plus
propres à prouver le domicile present
que le domicile antérieur ; du moins le
font- ils présumer , et on doit s'en reposer sur la foy de ces Actes , jusqu'à ce
qu'ils soient renyersez. Il est à observer.
que l'Acte de célébration est signé de quatre témoins.
A ces deux Actes qu'oppose- t-on ? Un
Bail, passé hors de Paris en 1727. un Acte.
passé entre les habitans ; un Extrait des
Rôles des Tailles , par lequel il paroît que
Dalvimar a payé la Taille depuis 1716.
jusqu'en 1727.
-Le Bail ne peut être d'aucune considération , il a été passé dans un temps
posterieur de plusieurs années au Mariages on ne doit pas avoir plus d'égard à.
l'Acte passé pardevant Notaires , par le
quel plusieurs habitans déposent du domicile de Dalvimar à Nigel. Cet Acte
ne peut tenir lieu que d'une preuve testimoniale. Quant à l'Extrait du Rôle des
Tailles , il semble d'abord qu'on en pourroit conclure que Dalvimar ne demeuroit
point à Paris en 1718. puisqu'il a payé la
Taille depuis 1716 jusqu'en 1727. Cette
continuité de payement semble supposer
une continuité de domicile , mais cepen
Cij dant
462 MERCURE DE FRANCE
dant elle ne prouve pas absolument le
domicile ; on est encore sujet au Rôle des
Tailles pendant dix ans , malgré la translation de domicile. Dalvimar peut avoir
eu son domicile à Paris en 1718. et cependant avoir payé la Taille : il pouvoit être
encore dans les dix ans de sa translation
de domicile.
Mais , dira-t-on , il ne rapporte point
d'autres Actes pour constater son domicile , que le Contrat et l'Acte de célébration de son Mariage , point de quittance
de Capitation. Ce défaut d'Acte est tout
au plus une preuve négative. D'ailleurs
il se peut faire qu'il n'ait été inquiété ni ;
pour la taxe des Pauvres , ni pour la Cam
pitation,
Par ces considérations M. l'Avocat Ge
neral de Fleury a conclu , à ce que sans
avoir égard à la Requête de la Partie de
M Paillet des Brunieres ( Avocat de l'appellant ) faisant droit sur l'appel comme
d'abus , il fut dit qu'il n'y avoit abus.
Les Conclusions ont été suivies ; cependant M. le Premier Président est retourné aux voix , et a dit que la Cour s'étoit
déterminée par le point de Fait ; qu'il étoit
chargé d'avertir le Barreau que quand la
question se présenteroit dans le Droit
elle jugeroit pour la nécessité du con..
Cours
1
.
MARS. 173.23 463
cours des deux Curez. M. Sarrazin plaidoit pour la validité du Mariage
Paris , par Arrest du 21 Fevrier 17320
sur un appel comme d'abus de Mariage.
AIT. N. Daluimar , originaire de la
Paroisse de S. Martin de Nigel , Diocèse de Chartres , épousa en 1718. la
Dlle Tauvay. Contrat de Mariage , du
mois de Mars. Acte de célébration de la
même année. Par le Contrat , signé de
quatre témoins,il s'est dit demeurant ruë
de la Calende , Paroisse de S. Germain le
Vieux. Le Mariage a été célébré à S. Benoît , Paroisse de la fille , après une publication de Bancs faite à S. Benoît, et une
autre , en la Paroisse de S. Germain le
Vieux. On a prétendu au contraire , que
Daluimar étoit domicilié sur la Paroisse
de S. Martin de Nigel , au Païs Chartrain,
lors de son Mariage , et que dès qu'il ne
paroissoit point de consentement du
Curé de cette Paroisse , le Mariage étoit
abusif.
M. Joli de Fleury , Avocat General ,
portant la parole en cette cause , a distingué deux objets : la question de Droit er
la question de Fait. ·
Suc
MARS. 1732 459
a
u
de
1
Sur la question de Droit , il dit qu'il
étoit inutile de remonter aux Loix faites
par les Papes , et aux Capitulaires de nos
Rois ; que nous avions là - dessus une Loy
nouvelle, qui étoit l'Ordonnance de 1639 .
Cette Ordonnance veutque l'on fasse une
publication de Bans dans les deux Paroisses des Contractans Elle veut de plus que
l'Acte de Célébration soit signé de quatre
témoins. Le motifde cette Loy est d'obla vier à la Clandestinité des Mariages. Elle
veut que les personnes qui ont interêt de
ue s'opposer à un Mariage , ayent un Ministre sur qui ils se puissent reposer. Si on
ne demande que la présence d'un Curé ,
les Contractans ne manqueront pas d'éviter le Curé qui pourroit les traverser.
Le même esprit regne dans l'Edit de 1697.
Cet Editrequiert dans les Mariages le con-
-oisse sentement du Curé des Parties qui conrain, tractent; il nedit pas le consentement du
il ne Curé de l'une des Parties , mais des Part duties ; par consequent il faut le consenteétoit ment des deux Curez.
le
Bepu
une
le
que
conti
Quand nous parlons de ce concours de
neral, Curez , nous ne demandons pas ,
distin- nua-t-il , la présence des deux Curez
roitet mais seulement le consentement des deux.
Ce consentement se peut constater de
Sur trois manieres. On peut prendre un Acte
C du
460 MERCURE DE FRANCE,
du Curé, portant son consentement, premiere voie. Secondement , on peut demander la permission à l'Evêque , qui
tiendroit lieu du consentement du Curé,
Enfin ce concours est encore suffisamment marqué par la publication des
Bancs dans les deux Paroisses,
Une troisiéme Loy , qui peut nous ser
vir de regle , c'est l'Arrêt de 1697. par lequelonjugea le concours des deux Curez
necessaire. Il est vrai que l'on s'est depuis
écarté de l'Edit , dans l'Arrêt de 1707,
parceque dans ce temps-là on n'avoit plus
les motifs de l'Edit si présens,
Après avoir établi la nécessité du concours , il enfaut revenir à la question de
Fait , peut- être celle- cy se décidera-t-elle
indépendamment de la question de Droit,
Deux Actes authentiques attestent le
domicile de Dalvimar sur la Paroisse de
S. Germain le Vieux , un Contrat de Mariage de 1718.et un Acte de celebration de
la mêmeannée. Il est constant qu'il faut
donner la provision à ces Actes , si l'on
ne rapporte pas la preuve du contraire.
Il est vrai aussi que si on les combat
par des piéces de quelque consideration ,
ces Actes pourroient fort- bien ne se pas
soûtenir; mais d'autre côté, jusqu'à ce
qu'il en paroisse les Actes subsistent dans
Leur
M.ARS. 1732. 461
de
de
ut
OD
Dat
pas
an
leur entier et dans toute leur faveur. On
pourroit dire que ces Actes sont bien plus
propres à prouver le domicile present
que le domicile antérieur ; du moins le
font- ils présumer , et on doit s'en reposer sur la foy de ces Actes , jusqu'à ce
qu'ils soient renyersez. Il est à observer.
que l'Acte de célébration est signé de quatre témoins.
A ces deux Actes qu'oppose- t-on ? Un
Bail, passé hors de Paris en 1727. un Acte.
passé entre les habitans ; un Extrait des
Rôles des Tailles , par lequel il paroît que
Dalvimar a payé la Taille depuis 1716.
jusqu'en 1727.
-Le Bail ne peut être d'aucune considération , il a été passé dans un temps
posterieur de plusieurs années au Mariages on ne doit pas avoir plus d'égard à.
l'Acte passé pardevant Notaires , par le
quel plusieurs habitans déposent du domicile de Dalvimar à Nigel. Cet Acte
ne peut tenir lieu que d'une preuve testimoniale. Quant à l'Extrait du Rôle des
Tailles , il semble d'abord qu'on en pourroit conclure que Dalvimar ne demeuroit
point à Paris en 1718. puisqu'il a payé la
Taille depuis 1716 jusqu'en 1727. Cette
continuité de payement semble supposer
une continuité de domicile , mais cepen
Cij dant
462 MERCURE DE FRANCE
dant elle ne prouve pas absolument le
domicile ; on est encore sujet au Rôle des
Tailles pendant dix ans , malgré la translation de domicile. Dalvimar peut avoir
eu son domicile à Paris en 1718. et cependant avoir payé la Taille : il pouvoit être
encore dans les dix ans de sa translation
de domicile.
Mais , dira-t-on , il ne rapporte point
d'autres Actes pour constater son domicile , que le Contrat et l'Acte de célébration de son Mariage , point de quittance
de Capitation. Ce défaut d'Acte est tout
au plus une preuve négative. D'ailleurs
il se peut faire qu'il n'ait été inquiété ni ;
pour la taxe des Pauvres , ni pour la Cam
pitation,
Par ces considérations M. l'Avocat Ge
neral de Fleury a conclu , à ce que sans
avoir égard à la Requête de la Partie de
M Paillet des Brunieres ( Avocat de l'appellant ) faisant droit sur l'appel comme
d'abus , il fut dit qu'il n'y avoit abus.
Les Conclusions ont été suivies ; cependant M. le Premier Président est retourné aux voix , et a dit que la Cour s'étoit
déterminée par le point de Fait ; qu'il étoit
chargé d'avertir le Barreau que quand la
question se présenteroit dans le Droit
elle jugeroit pour la nécessité du con..
Cours
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MARS. 173.23 463
cours des deux Curez. M. Sarrazin plaidoit pour la validité du Mariage
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Résumé : QUESTION jugée au Parlement de Paris, par Arrest du 21 Fevrier 1732. sur un appel comme d'abus de Mariage.
En 1732, une affaire de mariage fut jugée au Parlement de Paris. Antoine Daluimar, originaire de la paroisse de Saint-Martin de Nigel, diocèse de Chartres, avait épousé Mademoiselle Tauvay en 1718. Le contrat de mariage, signé par quatre témoins, indiquait que Daluimar résidait rue de la Calende, paroisse de Saint-Germain le Vieux. Le mariage fut célébré à Saint-Benoît, paroisse de la fiancée, après des publications de bans dans cette paroisse et à Saint-Germain le Vieux. L'appel contestait la validité du mariage, affirmant que Daluimar était domicilié à Saint-Martin de Nigel et que le curé de cette paroisse n'avait pas consenti au mariage. M. Joli de Fleury, avocat général, distingua deux questions : celle du droit et celle du fait. Sur la question du droit, il cita l'ordonnance de 1639 et l'édit de 1697, qui exigent des publications de bans dans les deux paroisses des contractants et le consentement des curés des deux paroisses. Sur la question du fait, Daluimar était attesté comme résidant à Saint-Germain le Vieux par le contrat de mariage et l'acte de célébration. Les preuves opposées, telles qu'un bail et un extrait des rôles des tailles, étaient jugées insuffisantes ou non pertinentes. La cour conclut qu'il n'y avait pas abus et que le mariage était valide.
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566
p. 463-465
REMERCIEMENT A MADAME D....
Début :
Quand à Marot Dame bonne et gentille [...]
Mots clefs :
Marot, Vers, Plume
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMERCIEMENT A MADAME D....
REMERCIMENT
Qu
A MADAME D ...
Uand à Marot Dame bonne et gentille
Par bons repas donnoit allegement ,
Pour elle alors Marot de sa Mandille
Tiroit en Vers gentil Remerciment ,
Vers dont un pied valoit une pistole ,
Vers, comme on dit faits tous au petit point
Moi qui ne fus jamais à son école ,
Ne puis donner Vers marquez à son coin ;
Car pour tel cas faudroit avoir sa plume 5
Et tel qui veut sans elle l'imiter ,
S'agite en vain , puis se fâche et s'enthume ,
Mal dangereux. Ce fut pour l'éviter ,
Que m'enhardis à faire un coup de tête.
Voulant avoir pour vous gentil propos,
Droit àMarot j'offris humble Requête ,
Qui seul en fit digne de votre los.
Affectant donc air de condoleance ,
Pour que sa plume il daignât me prêter ,.
Je lui tirai très-bas ma réverence ,
Mais d'un seul mot il sçût bien m'arrêter ;
Ciij Scachez
464 MERCURE DE FRANCE
Sçachez qu'un jour la Parque meurtriere .
Lorsqu'à rimer je prénois mes ébats,
Lorgnant son coup pour m'étendre en la biere ,
Du même coup mit ma plume en éclats.
Or avec moi périt beau badinage , G
Bien que depuis on ait vû maints Marmots
A qui mieux mieux, affecter mon langage ,
En excroquant quelqu'un de mes vieux mots.
Très bien le sçais ; mais souffre qu'on s'explique.
Sire Marot : si mon dit te déplaît , -
Toujours pourras au bas de ma supplique
Mettre un néant , dissiper mes projets.
Si donc ne puis avoir ta plume ancienne ,
Encor est-il remede à ce malheur ;
Nepeux-tu pas du moins tailler la mienne ?
Je sçaurai bien m'en faire ensuite honneur.
Ah ! pour si peu ne te veux éconduire ,
Me dit Marot , d'un visage serein ,
'Ainsi soit fait, si beaux Vers veux déduire.
Il me la taille et me la met en main.
S'il m'eût offert les ducats de sa bourse,
Je n'aurois pas trouvé mon sort si beau,
Tant bien croyois qu'alloient couler de source ,
Ode , Sonnet , Madrigal , ou Rondeau.
Mais par malheur la plume étoit trop fine.
J'écris du dos , pardevant , de travers ,
Tout m'étoit un; dont fis piteuse mine ,
Jamais ne pus mettre ensemble deux Vers.
Sur
MARS. 1732: 465
Sur quoi Marot me voyant si mal faire ,
Dit les gros mots , se mit en grand esmoy :
Quitte , dit-il , ces armes , pauvre hére ,
Si tu ne peux t'en servir comme moi;
A tes amis fais compliment en Prose ,
Sans faire Vers tu peux parler raison :
Car sur les tiens je crains fort qu'on ne glose ,
Crois-moi , l'avis est pour toi de saison.
Je conviendrai que j'aurois de m'y rendre,
Et qu'en tel cas m'eût été plus prudent ,
Si sans rimer vous eusse fait entendre ,
Comment m'avint tant piteux accident ;
Mais peu m'en chaut qu'on dise avec justice
Que ne suis pas bon Versificateur ;
Pour vous, croyez si m'êtes plus propice ,
Que mon esprit est duppe de mon cœur.
ENVO r.
Si vous mesurez ces miens Carmes ;
Avec l'Equerre d'Apollon ,
Iceux seront sans valuë et sans charmes
Et n'y trouverez rien de bon.
Mais prenez une autre balance ,
Vous en connoîtrez la valeur ,
Pour Mere ils ont tendre reconnoissance ,
Et leur Papa s'appelle Cœur.
Qu
A MADAME D ...
Uand à Marot Dame bonne et gentille
Par bons repas donnoit allegement ,
Pour elle alors Marot de sa Mandille
Tiroit en Vers gentil Remerciment ,
Vers dont un pied valoit une pistole ,
Vers, comme on dit faits tous au petit point
Moi qui ne fus jamais à son école ,
Ne puis donner Vers marquez à son coin ;
Car pour tel cas faudroit avoir sa plume 5
Et tel qui veut sans elle l'imiter ,
S'agite en vain , puis se fâche et s'enthume ,
Mal dangereux. Ce fut pour l'éviter ,
Que m'enhardis à faire un coup de tête.
Voulant avoir pour vous gentil propos,
Droit àMarot j'offris humble Requête ,
Qui seul en fit digne de votre los.
Affectant donc air de condoleance ,
Pour que sa plume il daignât me prêter ,.
Je lui tirai très-bas ma réverence ,
Mais d'un seul mot il sçût bien m'arrêter ;
Ciij Scachez
464 MERCURE DE FRANCE
Sçachez qu'un jour la Parque meurtriere .
Lorsqu'à rimer je prénois mes ébats,
Lorgnant son coup pour m'étendre en la biere ,
Du même coup mit ma plume en éclats.
Or avec moi périt beau badinage , G
Bien que depuis on ait vû maints Marmots
A qui mieux mieux, affecter mon langage ,
En excroquant quelqu'un de mes vieux mots.
Très bien le sçais ; mais souffre qu'on s'explique.
Sire Marot : si mon dit te déplaît , -
Toujours pourras au bas de ma supplique
Mettre un néant , dissiper mes projets.
Si donc ne puis avoir ta plume ancienne ,
Encor est-il remede à ce malheur ;
Nepeux-tu pas du moins tailler la mienne ?
Je sçaurai bien m'en faire ensuite honneur.
Ah ! pour si peu ne te veux éconduire ,
Me dit Marot , d'un visage serein ,
'Ainsi soit fait, si beaux Vers veux déduire.
Il me la taille et me la met en main.
S'il m'eût offert les ducats de sa bourse,
Je n'aurois pas trouvé mon sort si beau,
Tant bien croyois qu'alloient couler de source ,
Ode , Sonnet , Madrigal , ou Rondeau.
Mais par malheur la plume étoit trop fine.
J'écris du dos , pardevant , de travers ,
Tout m'étoit un; dont fis piteuse mine ,
Jamais ne pus mettre ensemble deux Vers.
Sur
MARS. 1732: 465
Sur quoi Marot me voyant si mal faire ,
Dit les gros mots , se mit en grand esmoy :
Quitte , dit-il , ces armes , pauvre hére ,
Si tu ne peux t'en servir comme moi;
A tes amis fais compliment en Prose ,
Sans faire Vers tu peux parler raison :
Car sur les tiens je crains fort qu'on ne glose ,
Crois-moi , l'avis est pour toi de saison.
Je conviendrai que j'aurois de m'y rendre,
Et qu'en tel cas m'eût été plus prudent ,
Si sans rimer vous eusse fait entendre ,
Comment m'avint tant piteux accident ;
Mais peu m'en chaut qu'on dise avec justice
Que ne suis pas bon Versificateur ;
Pour vous, croyez si m'êtes plus propice ,
Que mon esprit est duppe de mon cœur.
ENVO r.
Si vous mesurez ces miens Carmes ;
Avec l'Equerre d'Apollon ,
Iceux seront sans valuë et sans charmes
Et n'y trouverez rien de bon.
Mais prenez une autre balance ,
Vous en connoîtrez la valeur ,
Pour Mere ils ont tendre reconnoissance ,
Et leur Papa s'appelle Cœur.
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Résumé : REMERCIEMENT A MADAME D....
Le poème est adressé à Madame D..., à qui l'auteur exprime sa gratitude pour son hospitalité. L'auteur compare sa capacité poétique à celle de Clément Marot, un poète célèbre, et reconnaît qu'il ne peut atteindre la même excellence. Il relate une rencontre avec Marot, durant laquelle il lui demande de lui prêter sa plume pour écrire des vers en l'honneur de Madame D... Marot refuse, expliquant que sa plume a été détruite par la Parque, mais accepte de tailler celle de l'auteur. Cependant, la plume est trop fine et l'auteur ne parvient pas à écrire correctement. Marot lui conseille alors d'écrire en prose. L'auteur conclut en affirmant que, bien que ses vers ne soient pas parfaits, ils sont empreints de reconnaissance et d'amour pour sa mère.
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567
p. 466-484
REPONSE à la Lettre écrite de Soissons, sur Saint Front, inserée dans le Mercure d'Avril 1731.
Début :
MESSIEURS, Le zele de la Personne qui demande des Mémoires [...]
Mots clefs :
Périgueux, Neuilly, Martyrologue, Évêque, Lettre, Apôtres, Corps, Ossements, Diocèse, Patron, Saint Front, Reliques, Clergé de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE à la Lettre écrite de Soissons, sur Saint Front, inserée dans le Mercure d'Avril 1731.
REPONSE à la Lettre écrite de Soissons,
sur SaintFront, inserée dans le Mercure
d'Avril 1731.
MESSIESSIEURS ,
Le zele de la Personne qui demande
'des Mémoires sur S. Front , est très louable ;il est juste de le seconder. Il paroît
qu'elle seroit fâchée qu'on lui en envoyât
de faux , ou qu'on s'expliquât d'une maniere qui ne décidât rien. Cependant
il sera difficile de découvrir la verité
dans une chose si incertaine et si enveloppée d'obscuritez. Je ne me flatte pas
de l'enrichir beaucoup ; mais au moins
L'exposition que je ferai de ma disette ,
pourra contribuer à éclaircir un jour ce
qui paroît couvert de tant de nuages ,
si dès-à- present on n'a pas de quoi les
dissiper. Les hommes , comme dit M.Baillet, à l'occasion de S. Front de Perigueux,
peuvent bien tirer la verité des tenebres,
mais il n'est pas en leur pouvoir de la
créer. Ainsi il ne faut pas que le Curieux
de Soissons s'attende à la production d'une Légende bien circonstanciée. C'est
beaucoup
MARS. 1732. 467
beaucoup qu'on puisse lui indiquer l'état de son Saint, et le Siecle auquel il a vécu.
Je ne puis deviner la raison qu'a eû
cette Personne , dont vous avez imprimé
la Lettre dans le Mercure d'Avril , de
prendre Neuilly - Saint - Front pour un
Village. C'est veritablement une petite
Ville ; et celle de Soissons n'en étant éloignée que de six lieuës , je ne trouve pas
que son ignorance soit pardonnable , ni
qu'elle rende suffisamment justice à ce lieu,
en le qualifiant de Village assez conside
rable. Ne seroit- ce point à l'imitation de
ce Bourguignon , qui n'ayant jamais été à
Avallon , prenoit cette Ville pour une
Bicoque , tandis qu'il y a bien des Villes
Episcopales en France qui n'en approchent pas Je ne fais cette remarque en
passant , que parce que c'est dans un Livre imprimé dans le siecle présent , que la Ville d'Avallon a été ainsi maltraitée.
Le mot de Bicoque , étoit appliqué fort
injurieusement.
Comme c'est ce Neuilly Soissonnois
qui a donné occasion à la Lettre qu'on
vous a écrite , je croi qu'il n'y a pas de mal de commencer par le venger et d'en
tracer d'abord une legere idée. Ce Neuilly
est situé dans un fond qui est cependant
C v
ly
assez
468 MERCURE DE FRANCE
1
3.
+
assez découvert , sur tout du côté du
Couchant , et dont la vûë se termine vers
le Midy,à un petit Côteau , au haut duquel est l'ancienne Eglise de l'Hôpital. II
est composé de deux Paroisses ; sçavoir ,
Saint Front , qui est une Eglise dont la
partie Orientale est d'une structure du
treiziéme siecle ou un peu plus , le reste
étant plus nouveau et d'Architecture
seulement erriciastique. Elle est renfermée dans le Château et elle s'y trou
ve seule avec un ou deux bâtimens.
Ce Château est dans le goût de ces Forteresses qu'on bâtissoit il y a six ou sept
cens ans. Il est de forme ronde , environné de Fossez pleins d'eau et flanqué
de plusieurs grosses Tours à cinquante
l'une de l'autre. La seconde Paroisse pas
est S. Kemy, Eglise bâtie dans le Fauxbourg du côté du Septentrion , mais d'une antiquité au moins égale à ce qu'il y
a de plus ancien dans celle de S. Front.
Cette derniere Paroisse comprend dans
son territoire la partie Septentrionale de
la Ville. Les rues de ce lieu sont larges ,
propres , bien pavées , les maisons assezbien rangées et peuplées de toute sorte
de Marchands et d'Artisans. le Château
qui est dans le plus bas de la Ville , est Fenfermé entierement dans les murs qui
la
MARS. 469 1732. .
1
la ferment وet. ces murs sont encore passablement bons et élevez , à cause de la
commodité du grais qui n'est pas rare en
ces quartiers- là . Voilà d'abord ce que j'avois à dire touchant ce Neuilly, pour prouver que ce n'est pas un Village. Aussi
est-il qualifié de Ville dans le Dictionnaire Universel de la France , qui y compte
1792. Habitans.
Les Ecclesiastiques de S. Front m'apprirent lorsque j'y passai, que c'est le premier Evêque de Perigueux , qu'ils regardent comme leur Patron. On y débite
que ce Saint est l'Apôtre de Neuilly , éga
lement comme de Perigueux. Je ne sçai
même si l'on ne met pas Neüilly en premier lieu , comme si ce Saint fût venu
y annoncer la Foy avant que d'aller à
Perigueux. On avoit dit la même chose
à M. l'Abbé Chastelain , Chanoine de l'Eglise de Paris , lorsqu'il y passa l'an 1682.-
et ce Sçavant, sans approfondir alors cette
matiere , déclara assez ce qu'il en pensoit,
en marquant que ce Saint pouvoit n'être
venu à Neuilly que par quelqu'une de ses
Reliques. Le 25. Octobre jour du culte
de l'Apôtre du Périgord , étant la Fête
de Neuilly , cela confirme encore les
Habitans dans leur opinion ; mais il y a
plus , c'est que du côté Méridional de
C vj l'E-
470 MERCURE DE FRANCE
l'Eglise on montre un vitrage où l'on
apperçoit en peinture quelques traits de
la L gende de l'Evêque de Perigueux , le
reste ayant été détruit par l'injure des
tenips. J'y vis en effet la représentation
du Miracle de la Phiole , qu'on dit être
descendue du Ciel pendant que ce Saint
celebroit la Messe ; mais par malheur ce
Vitrage n'a tout au plus que deux cens
ans. On m'assura que cette Phiole étoit
autrefois conservée à Neuilly , et qu'elle
a été perduë ou cassée ; desorte que tout
ce qu'on y conserve aujourd'hui de ce
Saint consiste dans un article des doigts
à quoi on ajoûta qu'outre la Fête du 25.
Octobre,il y en a encore une autre qu'on
appelle la Tranflation , laquelle se celebre le second Dimanche d'après Pâques.
Le nom de S. Front ayant été fameux
dans ce Pays- là , il n'est pas étonnant :
qu'on l'ait donné au Baptême à plusieurs
Enfans. On le trouve aussi dans les Registres Baptistaires de la Paroisse du Fauxbourg de Cône sur Loire , par la raison
que je vais rapporter.
Avant que de passer par Nülly , je
sçavois que dans le Diocèse d'Auxerre il
y a une très-ancienne Eglise sous l'invocation d'un S. Front. Son Edifice est presqu'entierement du onziéme siecle ; le Peuple
MARS. 1732. 471
ple de la Ville de Cône app lie communément cette Eglise du nom de S. Aignan,
et c'est l'erection d'un Prieuré dans la
même Eglise, qui a fait ce changement de'
dénomination. J'avois vû le Manuscrit
de cette Eglise , qui contient l'Office du
S. Patron. Il a deux cens ans ou environ
d'antiquité et il est ainsi désigné : En ce
Cayer est comprins la Legende et l'Office de
Chant de Monsieur S Front , dont les Reliques de tout son digne Corps sont cyens ,
hors la haute partie de son Chef qui est en
Perigord , dont il fut premier Evêque envoyé de Rome par Monsieur S. Pierre l'Apore , premier Pape de Rome , et avec ledit
S. Front , ung Prêtre son Disciple nommé
Georges , lesquels cheminant l'espace de trois
jours , Georges déceda et fut ensepulturé par
ledit S. Front, lequel dolent s'en retourna ,
&c. Il est inutile de dire le reste , ni de
marquer que l'Office qui suit contient la
Legende rapportée dans le Mercure de ³
Juillet dernier , pages 1670. 71. et 72. et
qu'elle est rédigée dans un style qui ressent tout à- fait la barbarie des anciens
Perigourdins. Ceci suffit pour faire voir
que les Villes de Cône et de Neuilly ont
fait venir du Perigord l'Office de saint
Front, croyant que leur Saint étoit ce
prétendu Disciple de J. C. Mais on ne
-
peut
472 MERCURE DE FRANCE
peut prouver que cette créance soit plus
ancienne que de deux ou trois siecles dans
ces deux Villes , et quand même elle seroit plus ancienne , elle n'en seroit pas
pour cela plus veritable ; c'est pourquoi
j'espere qu'en démontrant qu'à Cône on
a été dans l'erreur lorsqu'on a crû que
le S. Front , ancien Patron de l'Eglise du
Fauxbourg , est l'Evêque de Perigueux, je
pourrai inspirer quelque doute sur le
même article aux Habitans de Neuilly ,
qui sont bien plus éloignez de la Ville
de Perigueux , que ne le sont les Habi
tans de Cône.
Il est constant que l'on conserve à Cô
ne , dans l'Eglise en question , presque
tous les Ossemens qui composent un
corps humain , et qu'ils y sont regardez
comme formant le Corps d'un S. Front,
suivant l'Inscription du Livre dont je
viens de parler. Je parle sur ce ton pour
avoir vû ces saintes Reliques et pour être
assuré qu'en l'an 1622. François de Donadieu Evêque d'Auxerre , les visita
dans leur ancienne Châsse , et les appronva; je suis même certain qu'il y a quel
ques portions de la tête. Or c'est une
chose très- clairement prouvée dans l'Histoire des Evêques de Perigueux , publiée
par Jean du Puy en 1629. que le Corps
.
entier
MARS. 1732. 473
*
entier et le Chef de S. Front , premier
Evêque de Perigueux , furent conservez
à Perigueux même jusqu'à-ce que les
Calvinistes ayant porté la Châsse à un
Château voisin de la Dordogne , les jetterent dans la Riviere l'an 1575. Done
le Corps presque entier , conservé à Cô
ne , n'est nullement celui de S. Front de
Perigueux. Je suis persuadé par l'ardeur
que les Perigourdins témoignent et qu'ils
ont toujours témoignée depuis les siecles
d'ignorance à perpetuer dans la pureté
de son Original la prétendue Vie de
S. Front , qu'à plus forte raison ils ont
toûjours dû montrer un zele bien plus
ardent pour ne pas souffrir qu'on fit des
distractions si notables du Corps de
leur S.Apôtre, et qu'on emportât ailleurs
la partie inferieure de la tête avec les
dents , le femur , le tibia , les os ischion
illion , les vertebres , les côtes , les phalanges, rotules de genou , calcaneum , &c.
و
Puis donc qu'on est encore en état de
montrer tous ces Ossemens à Cône , et
que M. l'Evêque d'Auxerre déclara en
1622. que l'étoffe qui les renferme contenoit cette Inscription , De sancto FronVoyez le second Tome de son Livre, intitulé
l'Etat de l'Eglise du Perigord , aux pages 91. 139%
151. et 203. suivant l'Edition de l'an 1716.
tone
474 MERCURE DE FRANCE
tone , c'est une marque certaine que les
deux Corps sont differens ; à moins qu'on
ne dise que quelqu'un auroit pris en 1575
dans la Riviere de Dordogne les Ossemens de S. Front , et les auroit portez à
Cône. Mais c'est ce qui ne peut être ;
premierement, parce qu'il est impossible.
de réunir en un seul endroit d'une eau
courante tant d'Ossemens, même très- pe
tits , et que d'ailleurs il seroit bien difficile de les prendre secretement ; secondement , parce que l'étoffe qui enveloppe
les Ossemens de S Front de Cône est
plus ancienne que les guerres des Calvinistes ; il y en a même qui est d'un travail de cinq ou six cens ans. Outre cela,
la Tradition touchant la presence du,
Corps de S. Front à Cône, est bien anterieure aux guerres des Calvinistes , ce
qui se prouve par le titre qui se lit à la
tête de son ancien Office , dont j'ai rap "
porté cy-dessus le commencement.
Etant donc suffisamment prouvé qu'à
Cône sur Loire , on a été dans l'illusion
depuis quelques siecles , en prenant les
Reliques qu'on y possede pour celles de
S. Front de Perigueux , et en chantant en
son honneur un Office entierement tiré
de la Legende fabuleuse du Périgord et
le chantant le 25. Octobre, jour auquel
on
MAR S. 1732. 475
on honore à Perigueux l'Apôtre de la
Ville ; c'est un exemple qui doit faire
beaucoup appréhender qu'il n'en soit demême de la Tradition de Neuilly , où
l'on prend pareillement l'Evêque de Perigueux pour Patron , comme s'il n'avoit
jamais existé qu'un S. Front , et que tout
dût retourner à l'augmentation du culte
de celui de Perigord.
Je suis en état d'en indiquer un autre
aux Habitans de Neuilly ; mais je prévois
qu'étant accoutumez à entendre raconter
par des Prédicateurs trop crédulés , toutes les fictions de la Legende si judicieu
sement rejettée de nos jours , ils au
ront de la peine à revenir de leurs
préjugez. Souvent le desir d'avoir un
Panégyrique propre pour un S. Patron ,
et d'en chanter un Office plenier , fait
qu'on donne , tête baissée , dans quantité
de fables qui fournissent une ample matiere aux Orateurs et aux Poëtes. J'avoie
qu'il n'est pas impossible qu'on ait eu à
Neully quelques Reliques d'un S. Front ,
mais il est plus vrai- semblable qu'on l'au
ra obtenue de l'Eglise de son nom à Cô
ne , que de celle de Perigueux. Quelques.
Connoisseurs en anciennes Forteresses
croyent que le Château de Cône et celui
de Neuilly, sont du même temps , com- me
476 MERCURE DE FRANCE
me étant également construits en forme
ronde dans un lieu aquatique , et flanquez de plusieurs Tours rondes ; de sorte
qu'ils nous fournissent par là matiere à
conjecturer qu'un certain Hugues , Seigneur dans le Pays du Maine , qui se rendit maître du Château de Cône au XII.
siecle , pourroit bien avoir aussi possedé
celui de Neuilly et avoir tiré de l'Eglise
de Cône de quoi faire un présent à celle
de cet autre Château. On sçait que les
anciens Seigneurs aimoient à enrichir
leurs Terres de ces précieux restes , qu'ils
regardoient , avec raison , comme des
trésors inestimables. Jean , Moine de Marmoutier , Auteur contemporain , parle
de ce Hugues le Manceau , et l'appelle
HugoCenomannicus. Comme donc il avoit
des Terres dans le Maine, et qu'il y a eu un
S. Front Solitaire en ces Pays-là , il semble qu'on pourroit avoir des vûës sur ce
Saint ; ou bien , s'il est faux que ce soit
dans le Diocèse du Mans que soit mort
un S. Hermite du nom de Front , et qu'il
soit decedé plutôt proche Cône sur Loire,
comme Nithard le laisse à penser en appellant ce lieu Sanctus- Fludnaldus , dès le
neuvième siècle , il résultera de- là que
c'est le transport d'une partie de ses ReLiques fait au Diocèse du Mans , qui y
aura
MARS. 17328 477 Y
aura établi son culte , et qui aura fait
croire qu'il y avoit vécu en Solitaire comme tant d'autres.
Quoiqu'il en soit , la Tradition étoit
autrefois à Orleans , que ses Reliques y
avoient passé, et on en celebroit encore
la memoire il n'y a pas plus de cent ans
dans l'Eglise de S. Benoît du Retour , où
il étoit représenté en habit de Religieux.
Ce que Symphorien Guyon , dans son
Histoire d'Orleans, (a) et Corvaisier, dans
celle des Evêques du Mans , (b) écrivent
sur un S. Gaud et un S. Frond , son Compagnon , qui au sortir du Monastere de
S. Memin proche Orleans , embrasserent
la vie Eremitique , est très - probable ,
mais leurs noms ne sont ni Gallus ni
Fronto. L'un avoit nom Godoaldus , -èt
l'autre Fludualdus. Le culte du premier
appellé Gaud , a éclaté à Yevre , sur les
confins des Diocèses d'Orleans et de Sens,
et il est marqué dans tous les anciens Calendriers et Martyrologes de Sens au 6.
Juin sous le nom de Godoaldus Confessor.
Celui du second a été celebre à Cône
plus qu'il n'est aujourd'hui ; on y voit
par d'anciens Manuscrits en Langue vulgaire , que son nom étoit écrit , non pas
Front , mais Frond, ce qui dénote un ori-
(a) Page 466. (b) Page 140
gine
478 MERCURE DE FRANCE
gine venant de Fludualdus , dont la premiere syllabe souffroit dans notre Langue le même changement qu'on a fait
ailleurs de Flocellus en Froncean.
Les deux Ecrivains que je viens de
nommer , quoique vivans avant que la
Critique fut au point qu'elle est de nos
jours , n'ont pas laissé de blâmer ceux
qui prenoient ce S. Frond Solitaire pour
l'Evêque de Perigueux , et ils ont soutenu qu'ils étoient fort differens. Guyon
assure que le Solitaire vivoit au sixième
siecle. Corvaisier ne craint pas de dire que
le Voyage et les Avantures de S. Front de
Perigueux sont plus fabuleuses que vraisemblables , et il se plaint après M. du
Bosquet , de l'ignorance ou de la negligence
des anciens Ecrivains , qui sans faire distinction des temps , confondent en une seule
Vie toutes les diverses actions de ceux qui
portoient un semblable nom. Il auroit pú
ajoûter que de-là est venue la méprise
par laquelle ceux qui avoient intention
d'honorer S. Front le Solitaire ou simple
Confesseur , lui ont choisi le 25. Octobre jour de la Mort de S. Front , Evêque de Perigueux. C'est ce qui est arrivé,
non seulement à Cône sur Loire , mais
encore au Diocèse du Mans , où ce saint
Hermite est l'un des Patrons de la Ville
et
MARS. 1732. 479
et du voisinage de Dom- Front en basse
Normandie , qui en a pris le nom , au
lieu de celui que cette Ville portoit auparavant , lequel paroîtroit aujourd'hui
ridicule , au moins en Latin. Je sçai encore qu'au Diocèse d'Amiens , dans le
voisinage de Roye , il y a un Village appellé Dom-Front , où l'on voit un Chef
de bois doré , qui contient des Reliques ,
auxquelles il y avoit concours le 25. Octobre , et cependant le Saint n'est représenté que comme Prêtre , et non comme
Evêque. Que sçais - je si on n'est pas dans
la même erreur à Suzemont au Diocèse
de Toul , où un S. Front est pareillement
Patron , suivant le Pouillé du Pere Benoit ?
+ La question seroit à present de démê
ler dans la Vie de l'Evêque de Perigueux,
ce qui a été emprunté des Actions du
S. Solitaire , dont le nom vulgaire se
trouve aujourd'hui limé de maniere à n'être pas pas different pour la prononciation ;
car il se peut faire enrore qu'on ait appliqué à notre Fludualdus , des actions de
S. Fronton de Nitrie ou d'Egypte. Je ne
me flatte donc pas d'apprendre à notre
Curieux du Pays Soissonnois , de quoi
faire une longue Legende de son Saint.
Ce n'est pas là ce qu'il demande , mais
seu
480 MERCURE DE FRANCE
seulement qu'on lui donne quelque chose
de moins décrié que ce qu'on a debité de
S. Front de Perigueux. Je suis fâché de
lui laisser ignorer les actions de notre
S. Confesseur ; mais si le Saint a été véritablement Solitaire , il n'est pas surprenant que sa vie ait été inconnue , et que
ce ne soient que les Miracles d'après sa
mort qui l'ayent rendu celebre , sans que
les Fideles ayent fait grande attention au
jour de son décès. Je croirois que la Fête
de S. Frond de Cône auroit été autrefois celebrée au mois d'Avril , le jour que
les Martyrologes marquent S. Fronton de
Nitrie , et que c'est encore en memoire
de ce culte que l'usage a resté d'honorer
S. Frond à Neuilly , l'un des Dimanches
d'après Pâques. Mais je n'ose encore rien
prononcer d'assuré là-dessus.
Ce que je puis ajoûter à cette Lettre
pour vous marquer que j'ai fait usage des
Livres du Perigord que vous m'avez envoyez , est que plus je lis ces nouveaux
Auteurs Perigourdins , tel qu'est le Livre du Pere du Ray , Récolet , et la Dissertation de M. de la Serre , cy-devant
Superieur du Seminaire de Perigueux, imprimée en 1728. plus je suis surpris de
leur attachement scrupuleux à des Histoires qui furent rejettées comme fausses
des
MARS. 1732. 481
ès l'onziéme siecle , et dont ils ne trou
veront des deffenseurs que parmi ceux à
qui on apprend dès la jeunesse à faire des
especes d'Actes de Foi sur la Tradition
de la Mission de S. Front par S. Pierre.
N'est-ce pas en effet vouloir renfermer
cette créance dans les limites du Diocèse
de Perigueux , que d'exiger qu'on regarde l'Eglise Chrétienne de Perigueux comme la plus ancienne des Gaules , et qu'on
croye que les Perigourdins ont été les
premiers appellez à la Foy avant les Habitans de Marseille , deLyon, de Vienne
&c? C'est ce que signifie clairement cette
exclamation qui termine un abregé de la
Vie de S. Front , imprimé à Perigueux
L'an 1728. en forme de Meditation : Quel
sujet n'avons-nous point de louer Dien !
Quelle reconnoissance ne devons-nous point
à son adorable Providence , de nous avoir
appellé les premiers à la Foy , et de nous
avoir donné un des Disciples de son Fils
N. S. J. C. pour établir dans ce lieu une
des premieres Eglises Chrétiennes ! La critique peut bien former contre nous toutes les
objections qu'elle voudra ; mais elle ne sera
pas capable de nous faire, abandonner notre
Tradition. La gloire que nous avons d'avoir été les premiers appellez à la Religion
Chrétienne est trop grande pour ne la pas conserver
482 MERCURE DE FRANCE
conserver très- cherement , et il faut esperer
que notre Saint conservera par sa protec- "
tion auprès de Dieu , l'Eglise qu'il a formée avec tant de travaux. Quelle seroit notre
ingratitude , ô mon Dieu , si nous étions capables d'oublier la preference que vous nous
avez donnée surtant d'autres Provinces qui
paroissent plus considerables ! Mais quelle
seroit notre lâcheté , si nous abandonnions
une Tradition si honorable et reconnuë par
tous les Martyrologes anciens et nouveaux !
Il est fâcheux qu'on n'ait pas inspiré
il y a trente-cinq ans au Clergé de Paris
de pareilles résolutions pour empêcher
qu'on n'abandonnât l'opinion de l'Aréopagisme du premier Evêque de cette Ville.
Je doute fort que le sçavant Pere Sirmond , Jesuite , eût pû tenir son sérieux,
s'il avoit vû une matiere de cette nature
mise en style de Méditation sur l'article
de S. Denis de Paris , et en apostrophant
la divine Majesté et la souveraine Verité ,
lui citer les Martyrologes avec les Aréopagitiques d'Hilduin. Čar enfin ( n'en déplaise à l'Auteur Perigourdin ) il falloit
donc en parlant à celui qui connoît
tout, faire exception du plus ancien des
Martyrologes , qui est celui qu'on appelle de S. Jerôme , et n'y pas compren
dre les deux plus nouveaux, qui sont
و
celui
MARS. 1732 483
celui de l'illustre M. Chastelain , imprimé
en 1709. et celui de l'Eglise de Paris ,
publié en 1727. Outre que les deux
crochets marquez par M. Chastelain , pour
exclure du Texte du Martyrologe de Baronius , la Mission de S. Front par Saint
Pierre , signifient qu'il n'y ajoûtoit aucune créance , je vous ferai encore part
de cet Anecdote en finissant. Cet excellent Connoisseur avoit vû bien des milliers de Legendes de Saints , il en avoit
trouvé de fausses , de douteuses , de falsifiées ; mais il a écrit de sa propre main
à la marge d'un exemplaire du Martyrologe Romain au 25. Octobre, que les
Actes de S. Front , Evêque de Perigueux,
sont de tous ceux qu'il a jamais vûs
les plus mal-adroitement inventez , puisqu'on y met un Duc de Lorraine du
temps de Neron. S'il avoue dans son
premier Bimestre imprimé , que Bollandus croyoit S. Front du premier siecle; (a)
il ajoûte aussi- tôt que ce Jesuite n'avoit
pas encore démêlé les anciennes Traditions d'avec celle des moyens siecles.
comme ont excellemment fait depuis luí
Henschenius , Papebroc , Janning , et
Cardon , ses Associez ou ses Successeurs.
Ce sçavant Chanoine a' encore laissé par
(2) Au 2. Janvier , page 43.
D écrit
484 MERCURE DE FRANCE
écrit un trait tout singulier qui revient
à S. Front de Perigueux. C'est en parlant
de S. Fronton de Nitrie , qui mourut
sous l'Empereur Gratien, Il marque qu'un
Auteur appellé Lezana , en fait un Carme
ce que font aussi Coria et d'autres de cet
Ordre ; que l'un de ces Ecrivains assure
sérieusement que ce S. Fronton a été Disciple de S. Jean-Baptiste, et troisiéme General des Carmes ; et qu'après avoir bâti
la premierede toutes les Eglises de laVierge, il a été fait Evêque de Perigueux, puis
est allé demeurer au Desert de Nitrie , et
est mort âgé de cent trente et un an , l'an
de Notre-Seigneur 153. S'il y avoit des
Carmes à Perigueux , ils prendroient sans
doute part à ce petit trait d'Histoire, qui
paroît les affilier en quelque sorte au
•Clergé de ce Diocèse. Mais en voilà assez
sur cette matiere , et peut- être plus que le
Curieux de Soissons n'en demande. Je
suis , &c.
Ce 12. Decembre 1731 .
sur SaintFront, inserée dans le Mercure
d'Avril 1731.
MESSIESSIEURS ,
Le zele de la Personne qui demande
'des Mémoires sur S. Front , est très louable ;il est juste de le seconder. Il paroît
qu'elle seroit fâchée qu'on lui en envoyât
de faux , ou qu'on s'expliquât d'une maniere qui ne décidât rien. Cependant
il sera difficile de découvrir la verité
dans une chose si incertaine et si enveloppée d'obscuritez. Je ne me flatte pas
de l'enrichir beaucoup ; mais au moins
L'exposition que je ferai de ma disette ,
pourra contribuer à éclaircir un jour ce
qui paroît couvert de tant de nuages ,
si dès-à- present on n'a pas de quoi les
dissiper. Les hommes , comme dit M.Baillet, à l'occasion de S. Front de Perigueux,
peuvent bien tirer la verité des tenebres,
mais il n'est pas en leur pouvoir de la
créer. Ainsi il ne faut pas que le Curieux
de Soissons s'attende à la production d'une Légende bien circonstanciée. C'est
beaucoup
MARS. 1732. 467
beaucoup qu'on puisse lui indiquer l'état de son Saint, et le Siecle auquel il a vécu.
Je ne puis deviner la raison qu'a eû
cette Personne , dont vous avez imprimé
la Lettre dans le Mercure d'Avril , de
prendre Neuilly - Saint - Front pour un
Village. C'est veritablement une petite
Ville ; et celle de Soissons n'en étant éloignée que de six lieuës , je ne trouve pas
que son ignorance soit pardonnable , ni
qu'elle rende suffisamment justice à ce lieu,
en le qualifiant de Village assez conside
rable. Ne seroit- ce point à l'imitation de
ce Bourguignon , qui n'ayant jamais été à
Avallon , prenoit cette Ville pour une
Bicoque , tandis qu'il y a bien des Villes
Episcopales en France qui n'en approchent pas Je ne fais cette remarque en
passant , que parce que c'est dans un Livre imprimé dans le siecle présent , que la Ville d'Avallon a été ainsi maltraitée.
Le mot de Bicoque , étoit appliqué fort
injurieusement.
Comme c'est ce Neuilly Soissonnois
qui a donné occasion à la Lettre qu'on
vous a écrite , je croi qu'il n'y a pas de mal de commencer par le venger et d'en
tracer d'abord une legere idée. Ce Neuilly
est situé dans un fond qui est cependant
C v
ly
assez
468 MERCURE DE FRANCE
1
3.
+
assez découvert , sur tout du côté du
Couchant , et dont la vûë se termine vers
le Midy,à un petit Côteau , au haut duquel est l'ancienne Eglise de l'Hôpital. II
est composé de deux Paroisses ; sçavoir ,
Saint Front , qui est une Eglise dont la
partie Orientale est d'une structure du
treiziéme siecle ou un peu plus , le reste
étant plus nouveau et d'Architecture
seulement erriciastique. Elle est renfermée dans le Château et elle s'y trou
ve seule avec un ou deux bâtimens.
Ce Château est dans le goût de ces Forteresses qu'on bâtissoit il y a six ou sept
cens ans. Il est de forme ronde , environné de Fossez pleins d'eau et flanqué
de plusieurs grosses Tours à cinquante
l'une de l'autre. La seconde Paroisse pas
est S. Kemy, Eglise bâtie dans le Fauxbourg du côté du Septentrion , mais d'une antiquité au moins égale à ce qu'il y
a de plus ancien dans celle de S. Front.
Cette derniere Paroisse comprend dans
son territoire la partie Septentrionale de
la Ville. Les rues de ce lieu sont larges ,
propres , bien pavées , les maisons assezbien rangées et peuplées de toute sorte
de Marchands et d'Artisans. le Château
qui est dans le plus bas de la Ville , est Fenfermé entierement dans les murs qui
la
MARS. 469 1732. .
1
la ferment وet. ces murs sont encore passablement bons et élevez , à cause de la
commodité du grais qui n'est pas rare en
ces quartiers- là . Voilà d'abord ce que j'avois à dire touchant ce Neuilly, pour prouver que ce n'est pas un Village. Aussi
est-il qualifié de Ville dans le Dictionnaire Universel de la France , qui y compte
1792. Habitans.
Les Ecclesiastiques de S. Front m'apprirent lorsque j'y passai, que c'est le premier Evêque de Perigueux , qu'ils regardent comme leur Patron. On y débite
que ce Saint est l'Apôtre de Neuilly , éga
lement comme de Perigueux. Je ne sçai
même si l'on ne met pas Neüilly en premier lieu , comme si ce Saint fût venu
y annoncer la Foy avant que d'aller à
Perigueux. On avoit dit la même chose
à M. l'Abbé Chastelain , Chanoine de l'Eglise de Paris , lorsqu'il y passa l'an 1682.-
et ce Sçavant, sans approfondir alors cette
matiere , déclara assez ce qu'il en pensoit,
en marquant que ce Saint pouvoit n'être
venu à Neuilly que par quelqu'une de ses
Reliques. Le 25. Octobre jour du culte
de l'Apôtre du Périgord , étant la Fête
de Neuilly , cela confirme encore les
Habitans dans leur opinion ; mais il y a
plus , c'est que du côté Méridional de
C vj l'E-
470 MERCURE DE FRANCE
l'Eglise on montre un vitrage où l'on
apperçoit en peinture quelques traits de
la L gende de l'Evêque de Perigueux , le
reste ayant été détruit par l'injure des
tenips. J'y vis en effet la représentation
du Miracle de la Phiole , qu'on dit être
descendue du Ciel pendant que ce Saint
celebroit la Messe ; mais par malheur ce
Vitrage n'a tout au plus que deux cens
ans. On m'assura que cette Phiole étoit
autrefois conservée à Neuilly , et qu'elle
a été perduë ou cassée ; desorte que tout
ce qu'on y conserve aujourd'hui de ce
Saint consiste dans un article des doigts
à quoi on ajoûta qu'outre la Fête du 25.
Octobre,il y en a encore une autre qu'on
appelle la Tranflation , laquelle se celebre le second Dimanche d'après Pâques.
Le nom de S. Front ayant été fameux
dans ce Pays- là , il n'est pas étonnant :
qu'on l'ait donné au Baptême à plusieurs
Enfans. On le trouve aussi dans les Registres Baptistaires de la Paroisse du Fauxbourg de Cône sur Loire , par la raison
que je vais rapporter.
Avant que de passer par Nülly , je
sçavois que dans le Diocèse d'Auxerre il
y a une très-ancienne Eglise sous l'invocation d'un S. Front. Son Edifice est presqu'entierement du onziéme siecle ; le Peuple
MARS. 1732. 471
ple de la Ville de Cône app lie communément cette Eglise du nom de S. Aignan,
et c'est l'erection d'un Prieuré dans la
même Eglise, qui a fait ce changement de'
dénomination. J'avois vû le Manuscrit
de cette Eglise , qui contient l'Office du
S. Patron. Il a deux cens ans ou environ
d'antiquité et il est ainsi désigné : En ce
Cayer est comprins la Legende et l'Office de
Chant de Monsieur S Front , dont les Reliques de tout son digne Corps sont cyens ,
hors la haute partie de son Chef qui est en
Perigord , dont il fut premier Evêque envoyé de Rome par Monsieur S. Pierre l'Apore , premier Pape de Rome , et avec ledit
S. Front , ung Prêtre son Disciple nommé
Georges , lesquels cheminant l'espace de trois
jours , Georges déceda et fut ensepulturé par
ledit S. Front, lequel dolent s'en retourna ,
&c. Il est inutile de dire le reste , ni de
marquer que l'Office qui suit contient la
Legende rapportée dans le Mercure de ³
Juillet dernier , pages 1670. 71. et 72. et
qu'elle est rédigée dans un style qui ressent tout à- fait la barbarie des anciens
Perigourdins. Ceci suffit pour faire voir
que les Villes de Cône et de Neuilly ont
fait venir du Perigord l'Office de saint
Front, croyant que leur Saint étoit ce
prétendu Disciple de J. C. Mais on ne
-
peut
472 MERCURE DE FRANCE
peut prouver que cette créance soit plus
ancienne que de deux ou trois siecles dans
ces deux Villes , et quand même elle seroit plus ancienne , elle n'en seroit pas
pour cela plus veritable ; c'est pourquoi
j'espere qu'en démontrant qu'à Cône on
a été dans l'erreur lorsqu'on a crû que
le S. Front , ancien Patron de l'Eglise du
Fauxbourg , est l'Evêque de Perigueux, je
pourrai inspirer quelque doute sur le
même article aux Habitans de Neuilly ,
qui sont bien plus éloignez de la Ville
de Perigueux , que ne le sont les Habi
tans de Cône.
Il est constant que l'on conserve à Cô
ne , dans l'Eglise en question , presque
tous les Ossemens qui composent un
corps humain , et qu'ils y sont regardez
comme formant le Corps d'un S. Front,
suivant l'Inscription du Livre dont je
viens de parler. Je parle sur ce ton pour
avoir vû ces saintes Reliques et pour être
assuré qu'en l'an 1622. François de Donadieu Evêque d'Auxerre , les visita
dans leur ancienne Châsse , et les appronva; je suis même certain qu'il y a quel
ques portions de la tête. Or c'est une
chose très- clairement prouvée dans l'Histoire des Evêques de Perigueux , publiée
par Jean du Puy en 1629. que le Corps
.
entier
MARS. 1732. 473
*
entier et le Chef de S. Front , premier
Evêque de Perigueux , furent conservez
à Perigueux même jusqu'à-ce que les
Calvinistes ayant porté la Châsse à un
Château voisin de la Dordogne , les jetterent dans la Riviere l'an 1575. Done
le Corps presque entier , conservé à Cô
ne , n'est nullement celui de S. Front de
Perigueux. Je suis persuadé par l'ardeur
que les Perigourdins témoignent et qu'ils
ont toujours témoignée depuis les siecles
d'ignorance à perpetuer dans la pureté
de son Original la prétendue Vie de
S. Front , qu'à plus forte raison ils ont
toûjours dû montrer un zele bien plus
ardent pour ne pas souffrir qu'on fit des
distractions si notables du Corps de
leur S.Apôtre, et qu'on emportât ailleurs
la partie inferieure de la tête avec les
dents , le femur , le tibia , les os ischion
illion , les vertebres , les côtes , les phalanges, rotules de genou , calcaneum , &c.
و
Puis donc qu'on est encore en état de
montrer tous ces Ossemens à Cône , et
que M. l'Evêque d'Auxerre déclara en
1622. que l'étoffe qui les renferme contenoit cette Inscription , De sancto FronVoyez le second Tome de son Livre, intitulé
l'Etat de l'Eglise du Perigord , aux pages 91. 139%
151. et 203. suivant l'Edition de l'an 1716.
tone
474 MERCURE DE FRANCE
tone , c'est une marque certaine que les
deux Corps sont differens ; à moins qu'on
ne dise que quelqu'un auroit pris en 1575
dans la Riviere de Dordogne les Ossemens de S. Front , et les auroit portez à
Cône. Mais c'est ce qui ne peut être ;
premierement, parce qu'il est impossible.
de réunir en un seul endroit d'une eau
courante tant d'Ossemens, même très- pe
tits , et que d'ailleurs il seroit bien difficile de les prendre secretement ; secondement , parce que l'étoffe qui enveloppe
les Ossemens de S Front de Cône est
plus ancienne que les guerres des Calvinistes ; il y en a même qui est d'un travail de cinq ou six cens ans. Outre cela,
la Tradition touchant la presence du,
Corps de S. Front à Cône, est bien anterieure aux guerres des Calvinistes , ce
qui se prouve par le titre qui se lit à la
tête de son ancien Office , dont j'ai rap "
porté cy-dessus le commencement.
Etant donc suffisamment prouvé qu'à
Cône sur Loire , on a été dans l'illusion
depuis quelques siecles , en prenant les
Reliques qu'on y possede pour celles de
S. Front de Perigueux , et en chantant en
son honneur un Office entierement tiré
de la Legende fabuleuse du Périgord et
le chantant le 25. Octobre, jour auquel
on
MAR S. 1732. 475
on honore à Perigueux l'Apôtre de la
Ville ; c'est un exemple qui doit faire
beaucoup appréhender qu'il n'en soit demême de la Tradition de Neuilly , où
l'on prend pareillement l'Evêque de Perigueux pour Patron , comme s'il n'avoit
jamais existé qu'un S. Front , et que tout
dût retourner à l'augmentation du culte
de celui de Perigord.
Je suis en état d'en indiquer un autre
aux Habitans de Neuilly ; mais je prévois
qu'étant accoutumez à entendre raconter
par des Prédicateurs trop crédulés , toutes les fictions de la Legende si judicieu
sement rejettée de nos jours , ils au
ront de la peine à revenir de leurs
préjugez. Souvent le desir d'avoir un
Panégyrique propre pour un S. Patron ,
et d'en chanter un Office plenier , fait
qu'on donne , tête baissée , dans quantité
de fables qui fournissent une ample matiere aux Orateurs et aux Poëtes. J'avoie
qu'il n'est pas impossible qu'on ait eu à
Neully quelques Reliques d'un S. Front ,
mais il est plus vrai- semblable qu'on l'au
ra obtenue de l'Eglise de son nom à Cô
ne , que de celle de Perigueux. Quelques.
Connoisseurs en anciennes Forteresses
croyent que le Château de Cône et celui
de Neuilly, sont du même temps , com- me
476 MERCURE DE FRANCE
me étant également construits en forme
ronde dans un lieu aquatique , et flanquez de plusieurs Tours rondes ; de sorte
qu'ils nous fournissent par là matiere à
conjecturer qu'un certain Hugues , Seigneur dans le Pays du Maine , qui se rendit maître du Château de Cône au XII.
siecle , pourroit bien avoir aussi possedé
celui de Neuilly et avoir tiré de l'Eglise
de Cône de quoi faire un présent à celle
de cet autre Château. On sçait que les
anciens Seigneurs aimoient à enrichir
leurs Terres de ces précieux restes , qu'ils
regardoient , avec raison , comme des
trésors inestimables. Jean , Moine de Marmoutier , Auteur contemporain , parle
de ce Hugues le Manceau , et l'appelle
HugoCenomannicus. Comme donc il avoit
des Terres dans le Maine, et qu'il y a eu un
S. Front Solitaire en ces Pays-là , il semble qu'on pourroit avoir des vûës sur ce
Saint ; ou bien , s'il est faux que ce soit
dans le Diocèse du Mans que soit mort
un S. Hermite du nom de Front , et qu'il
soit decedé plutôt proche Cône sur Loire,
comme Nithard le laisse à penser en appellant ce lieu Sanctus- Fludnaldus , dès le
neuvième siècle , il résultera de- là que
c'est le transport d'une partie de ses ReLiques fait au Diocèse du Mans , qui y
aura
MARS. 17328 477 Y
aura établi son culte , et qui aura fait
croire qu'il y avoit vécu en Solitaire comme tant d'autres.
Quoiqu'il en soit , la Tradition étoit
autrefois à Orleans , que ses Reliques y
avoient passé, et on en celebroit encore
la memoire il n'y a pas plus de cent ans
dans l'Eglise de S. Benoît du Retour , où
il étoit représenté en habit de Religieux.
Ce que Symphorien Guyon , dans son
Histoire d'Orleans, (a) et Corvaisier, dans
celle des Evêques du Mans , (b) écrivent
sur un S. Gaud et un S. Frond , son Compagnon , qui au sortir du Monastere de
S. Memin proche Orleans , embrasserent
la vie Eremitique , est très - probable ,
mais leurs noms ne sont ni Gallus ni
Fronto. L'un avoit nom Godoaldus , -èt
l'autre Fludualdus. Le culte du premier
appellé Gaud , a éclaté à Yevre , sur les
confins des Diocèses d'Orleans et de Sens,
et il est marqué dans tous les anciens Calendriers et Martyrologes de Sens au 6.
Juin sous le nom de Godoaldus Confessor.
Celui du second a été celebre à Cône
plus qu'il n'est aujourd'hui ; on y voit
par d'anciens Manuscrits en Langue vulgaire , que son nom étoit écrit , non pas
Front , mais Frond, ce qui dénote un ori-
(a) Page 466. (b) Page 140
gine
478 MERCURE DE FRANCE
gine venant de Fludualdus , dont la premiere syllabe souffroit dans notre Langue le même changement qu'on a fait
ailleurs de Flocellus en Froncean.
Les deux Ecrivains que je viens de
nommer , quoique vivans avant que la
Critique fut au point qu'elle est de nos
jours , n'ont pas laissé de blâmer ceux
qui prenoient ce S. Frond Solitaire pour
l'Evêque de Perigueux , et ils ont soutenu qu'ils étoient fort differens. Guyon
assure que le Solitaire vivoit au sixième
siecle. Corvaisier ne craint pas de dire que
le Voyage et les Avantures de S. Front de
Perigueux sont plus fabuleuses que vraisemblables , et il se plaint après M. du
Bosquet , de l'ignorance ou de la negligence
des anciens Ecrivains , qui sans faire distinction des temps , confondent en une seule
Vie toutes les diverses actions de ceux qui
portoient un semblable nom. Il auroit pú
ajoûter que de-là est venue la méprise
par laquelle ceux qui avoient intention
d'honorer S. Front le Solitaire ou simple
Confesseur , lui ont choisi le 25. Octobre jour de la Mort de S. Front , Evêque de Perigueux. C'est ce qui est arrivé,
non seulement à Cône sur Loire , mais
encore au Diocèse du Mans , où ce saint
Hermite est l'un des Patrons de la Ville
et
MARS. 1732. 479
et du voisinage de Dom- Front en basse
Normandie , qui en a pris le nom , au
lieu de celui que cette Ville portoit auparavant , lequel paroîtroit aujourd'hui
ridicule , au moins en Latin. Je sçai encore qu'au Diocèse d'Amiens , dans le
voisinage de Roye , il y a un Village appellé Dom-Front , où l'on voit un Chef
de bois doré , qui contient des Reliques ,
auxquelles il y avoit concours le 25. Octobre , et cependant le Saint n'est représenté que comme Prêtre , et non comme
Evêque. Que sçais - je si on n'est pas dans
la même erreur à Suzemont au Diocèse
de Toul , où un S. Front est pareillement
Patron , suivant le Pouillé du Pere Benoit ?
+ La question seroit à present de démê
ler dans la Vie de l'Evêque de Perigueux,
ce qui a été emprunté des Actions du
S. Solitaire , dont le nom vulgaire se
trouve aujourd'hui limé de maniere à n'être pas pas different pour la prononciation ;
car il se peut faire enrore qu'on ait appliqué à notre Fludualdus , des actions de
S. Fronton de Nitrie ou d'Egypte. Je ne
me flatte donc pas d'apprendre à notre
Curieux du Pays Soissonnois , de quoi
faire une longue Legende de son Saint.
Ce n'est pas là ce qu'il demande , mais
seu
480 MERCURE DE FRANCE
seulement qu'on lui donne quelque chose
de moins décrié que ce qu'on a debité de
S. Front de Perigueux. Je suis fâché de
lui laisser ignorer les actions de notre
S. Confesseur ; mais si le Saint a été véritablement Solitaire , il n'est pas surprenant que sa vie ait été inconnue , et que
ce ne soient que les Miracles d'après sa
mort qui l'ayent rendu celebre , sans que
les Fideles ayent fait grande attention au
jour de son décès. Je croirois que la Fête
de S. Frond de Cône auroit été autrefois celebrée au mois d'Avril , le jour que
les Martyrologes marquent S. Fronton de
Nitrie , et que c'est encore en memoire
de ce culte que l'usage a resté d'honorer
S. Frond à Neuilly , l'un des Dimanches
d'après Pâques. Mais je n'ose encore rien
prononcer d'assuré là-dessus.
Ce que je puis ajoûter à cette Lettre
pour vous marquer que j'ai fait usage des
Livres du Perigord que vous m'avez envoyez , est que plus je lis ces nouveaux
Auteurs Perigourdins , tel qu'est le Livre du Pere du Ray , Récolet , et la Dissertation de M. de la Serre , cy-devant
Superieur du Seminaire de Perigueux, imprimée en 1728. plus je suis surpris de
leur attachement scrupuleux à des Histoires qui furent rejettées comme fausses
des
MARS. 1732. 481
ès l'onziéme siecle , et dont ils ne trou
veront des deffenseurs que parmi ceux à
qui on apprend dès la jeunesse à faire des
especes d'Actes de Foi sur la Tradition
de la Mission de S. Front par S. Pierre.
N'est-ce pas en effet vouloir renfermer
cette créance dans les limites du Diocèse
de Perigueux , que d'exiger qu'on regarde l'Eglise Chrétienne de Perigueux comme la plus ancienne des Gaules , et qu'on
croye que les Perigourdins ont été les
premiers appellez à la Foy avant les Habitans de Marseille , deLyon, de Vienne
&c? C'est ce que signifie clairement cette
exclamation qui termine un abregé de la
Vie de S. Front , imprimé à Perigueux
L'an 1728. en forme de Meditation : Quel
sujet n'avons-nous point de louer Dien !
Quelle reconnoissance ne devons-nous point
à son adorable Providence , de nous avoir
appellé les premiers à la Foy , et de nous
avoir donné un des Disciples de son Fils
N. S. J. C. pour établir dans ce lieu une
des premieres Eglises Chrétiennes ! La critique peut bien former contre nous toutes les
objections qu'elle voudra ; mais elle ne sera
pas capable de nous faire, abandonner notre
Tradition. La gloire que nous avons d'avoir été les premiers appellez à la Religion
Chrétienne est trop grande pour ne la pas conserver
482 MERCURE DE FRANCE
conserver très- cherement , et il faut esperer
que notre Saint conservera par sa protec- "
tion auprès de Dieu , l'Eglise qu'il a formée avec tant de travaux. Quelle seroit notre
ingratitude , ô mon Dieu , si nous étions capables d'oublier la preference que vous nous
avez donnée surtant d'autres Provinces qui
paroissent plus considerables ! Mais quelle
seroit notre lâcheté , si nous abandonnions
une Tradition si honorable et reconnuë par
tous les Martyrologes anciens et nouveaux !
Il est fâcheux qu'on n'ait pas inspiré
il y a trente-cinq ans au Clergé de Paris
de pareilles résolutions pour empêcher
qu'on n'abandonnât l'opinion de l'Aréopagisme du premier Evêque de cette Ville.
Je doute fort que le sçavant Pere Sirmond , Jesuite , eût pû tenir son sérieux,
s'il avoit vû une matiere de cette nature
mise en style de Méditation sur l'article
de S. Denis de Paris , et en apostrophant
la divine Majesté et la souveraine Verité ,
lui citer les Martyrologes avec les Aréopagitiques d'Hilduin. Čar enfin ( n'en déplaise à l'Auteur Perigourdin ) il falloit
donc en parlant à celui qui connoît
tout, faire exception du plus ancien des
Martyrologes , qui est celui qu'on appelle de S. Jerôme , et n'y pas compren
dre les deux plus nouveaux, qui sont
و
celui
MARS. 1732 483
celui de l'illustre M. Chastelain , imprimé
en 1709. et celui de l'Eglise de Paris ,
publié en 1727. Outre que les deux
crochets marquez par M. Chastelain , pour
exclure du Texte du Martyrologe de Baronius , la Mission de S. Front par Saint
Pierre , signifient qu'il n'y ajoûtoit aucune créance , je vous ferai encore part
de cet Anecdote en finissant. Cet excellent Connoisseur avoit vû bien des milliers de Legendes de Saints , il en avoit
trouvé de fausses , de douteuses , de falsifiées ; mais il a écrit de sa propre main
à la marge d'un exemplaire du Martyrologe Romain au 25. Octobre, que les
Actes de S. Front , Evêque de Perigueux,
sont de tous ceux qu'il a jamais vûs
les plus mal-adroitement inventez , puisqu'on y met un Duc de Lorraine du
temps de Neron. S'il avoue dans son
premier Bimestre imprimé , que Bollandus croyoit S. Front du premier siecle; (a)
il ajoûte aussi- tôt que ce Jesuite n'avoit
pas encore démêlé les anciennes Traditions d'avec celle des moyens siecles.
comme ont excellemment fait depuis luí
Henschenius , Papebroc , Janning , et
Cardon , ses Associez ou ses Successeurs.
Ce sçavant Chanoine a' encore laissé par
(2) Au 2. Janvier , page 43.
D écrit
484 MERCURE DE FRANCE
écrit un trait tout singulier qui revient
à S. Front de Perigueux. C'est en parlant
de S. Fronton de Nitrie , qui mourut
sous l'Empereur Gratien, Il marque qu'un
Auteur appellé Lezana , en fait un Carme
ce que font aussi Coria et d'autres de cet
Ordre ; que l'un de ces Ecrivains assure
sérieusement que ce S. Fronton a été Disciple de S. Jean-Baptiste, et troisiéme General des Carmes ; et qu'après avoir bâti
la premierede toutes les Eglises de laVierge, il a été fait Evêque de Perigueux, puis
est allé demeurer au Desert de Nitrie , et
est mort âgé de cent trente et un an , l'an
de Notre-Seigneur 153. S'il y avoit des
Carmes à Perigueux , ils prendroient sans
doute part à ce petit trait d'Histoire, qui
paroît les affilier en quelque sorte au
•Clergé de ce Diocèse. Mais en voilà assez
sur cette matiere , et peut- être plus que le
Curieux de Soissons n'en demande. Je
suis , &c.
Ce 12. Decembre 1731 .
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Résumé : REPONSE à la Lettre écrite de Soissons, sur Saint Front, inserée dans le Mercure d'Avril 1731.
Le texte est une réponse à une lettre publiée dans le Mercure d'Avril 1731, visant à clarifier les informations concernant Saint Front et la ville de Neuilly-Saint-Front. L'auteur reconnaît les difficultés à distinguer la vérité parmi les légendes et les obscurités. Il corrige d'abord une erreur en affirmant que Neuilly-Saint-Front est une petite ville située à six lieues de Soissons, et non un village. Neuilly-Saint-Front est décrite comme une ville bien structurée avec deux paroisses : Saint Front et Saint Kemy. L'église Saint Front, dont la partie orientale date du treizième siècle, est située dans un château fortifié. La ville est habitée par des marchands et des artisans, et les habitants considèrent Saint Front comme leur patron et l'Apôtre de la ville, célébrant sa fête le 25 octobre. Le texte mentionne également une église dédiée à Saint Front à Cône-sur-Loire, où les reliques sont conservées depuis plusieurs siècles. L'auteur conteste l'idée que ces reliques appartiennent à Saint Front de Périgueux, en se basant sur des preuves historiques et des visites épiscopales. Il suggère que les reliques de Neuilly pourraient provenir de l'église de Cône, et non de Périgueux. L'auteur souligne les erreurs et les légendes entourant la figure de Saint Front, et invite les habitants de Neuilly à reconsiderer leurs croyances à la lumière des faits historiques. Le texte traite également de la confusion entre Saint Front, évêque de Périgueux, et Saint Frond, un ermite. Les deux saints ont des cultes distincts mais sont souvent confondus. Saint Front est célébré le 25 octobre, mais ses actions et miracles sont parfois attribués à Saint Frond. Les écrits de Symphorien Guyon et Corvaisier distinguent les deux saints, précisant que Saint Frond, également appelé Fludualdus, vivait au sixième siècle et n'était pas l'évêque de Périgueux. Le culte de Saint Frond est célébré à Cône-sur-Loire et dans d'autres régions comme le Diocèse du Mans et celui d'Amiens. Les auteurs anciens reconnaissent la distinction entre les deux saints, soulignant l'importance de la critique historique pour démêler les faits. Les auteurs perigourdins, malgré les critiques, restent attachés à la tradition locale selon laquelle Saint Front aurait été le premier évêque de Périgueux et un disciple de Saint Pierre. Cette tradition est défendue avec ferveur, même face aux objections historiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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568
p. 485-487
LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
Début :
Un Serein, jeune, beau, chantoit dans un bocage; [...]
Mots clefs :
Serein, Linotte, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
LE SEREIN ET LA LINOTE,
FABLE.
UN Sereim , jeune , beau , chantoit dans un
bocage ;
Les Rossignols étoient jaloux
De la douceur de son ramage.
Malgré leur dépit et leur rage ,
Pour l'entendre , ils se taisoient tous.
Il apperçut une Linote ,
Dont l'air étoit vif, tendre et doux ;'
Dans ce Bois , lui dit-il , belle , que faites vous ?
Je ne fais rien ; si je sçavois la notte
Que je chanterois tendrement !
Lui répondit, en soûpirant , la belle ,
Avec un désir si charmant ,
Repliqua le Serein , brúlant d'amour pour elle
Que vous apprendrez promptement !
Sij'osois vous prier que sous ce verd feüillage
Je vous donnasse des leçons , 8
Bientôt vous charmeriez par vos tendres
chansons
Tous les Oiseaux du voisinage ,
Ah ! dit-elle , d'un ton flateur ,
Sera-ce assez de ma reconnoissance
Dij Pour
486 MERCURE DE FRANCE
Pour vous payer d'une telle faveur
C'est-là , je crois , la récompense
Que vous devez attendre de mon cœur.
Le Serein généreux et tendre ,
Par ses soupirs lui fit comprendre ,
Qu'il souhaittoit lui plaire seulement;
Qu'il ne vouloit d'autre païment
Que le doux plaisir de l'entendre
Chanter mélodieusement.
L'accord fut fait dans le moment.
En peu de temps elle scut la Musique ,
L'Amour est un Maître charmant ;
Quand à montrer , ce Dieu s'applique,
Que l'on apprend facilement !
D'abord que le Serein vit l'aimable Linotte
Se servir avec sentiment
Des charmes touchans de la notte ,
Vous chantez aussi-bien que moi,
Lui dit-il , recevez ma foy ,
C'est le prix que je veux , d'avoir scû vous inse
truire ;
La Linotte se prit à rire.
Cet aveu , lui dit- elle , est tout-à- fait nouveau ¿
Je vous croyois plus de cerveau ;
Grand mercy de votre Musique.
Adicu. Mon tendre coeur s'explique
En faveur d'un jeune Moineau,
Aux Champs , dans les Cours , dans les
Villes Tandis
MARS. 11327 487
Tandis que nous sommes utiles ,
Nous sommes toujours bien reçus ,
Mais d'abord que notre présence,
Semble exiger de la reconnoissance ,
On nous fuir , nous ne plaisons plus
M. L'AFFICHARD.
FABLE.
UN Sereim , jeune , beau , chantoit dans un
bocage ;
Les Rossignols étoient jaloux
De la douceur de son ramage.
Malgré leur dépit et leur rage ,
Pour l'entendre , ils se taisoient tous.
Il apperçut une Linote ,
Dont l'air étoit vif, tendre et doux ;'
Dans ce Bois , lui dit-il , belle , que faites vous ?
Je ne fais rien ; si je sçavois la notte
Que je chanterois tendrement !
Lui répondit, en soûpirant , la belle ,
Avec un désir si charmant ,
Repliqua le Serein , brúlant d'amour pour elle
Que vous apprendrez promptement !
Sij'osois vous prier que sous ce verd feüillage
Je vous donnasse des leçons , 8
Bientôt vous charmeriez par vos tendres
chansons
Tous les Oiseaux du voisinage ,
Ah ! dit-elle , d'un ton flateur ,
Sera-ce assez de ma reconnoissance
Dij Pour
486 MERCURE DE FRANCE
Pour vous payer d'une telle faveur
C'est-là , je crois , la récompense
Que vous devez attendre de mon cœur.
Le Serein généreux et tendre ,
Par ses soupirs lui fit comprendre ,
Qu'il souhaittoit lui plaire seulement;
Qu'il ne vouloit d'autre païment
Que le doux plaisir de l'entendre
Chanter mélodieusement.
L'accord fut fait dans le moment.
En peu de temps elle scut la Musique ,
L'Amour est un Maître charmant ;
Quand à montrer , ce Dieu s'applique,
Que l'on apprend facilement !
D'abord que le Serein vit l'aimable Linotte
Se servir avec sentiment
Des charmes touchans de la notte ,
Vous chantez aussi-bien que moi,
Lui dit-il , recevez ma foy ,
C'est le prix que je veux , d'avoir scû vous inse
truire ;
La Linotte se prit à rire.
Cet aveu , lui dit- elle , est tout-à- fait nouveau ¿
Je vous croyois plus de cerveau ;
Grand mercy de votre Musique.
Adicu. Mon tendre coeur s'explique
En faveur d'un jeune Moineau,
Aux Champs , dans les Cours , dans les
Villes Tandis
MARS. 11327 487
Tandis que nous sommes utiles ,
Nous sommes toujours bien reçus ,
Mais d'abord que notre présence,
Semble exiger de la reconnoissance ,
On nous fuir , nous ne plaisons plus
M. L'AFFICHARD.
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Résumé : LE SEREIN ET LA LINOTE. FABLE.
La fable 'Le Serein et la Linote' narre l'histoire d'un serein, un oiseau jeune et talentueux, qui chante dans un bocage. Les rossignols, jaloux de son talent, se taisent pour l'écouter. Le serein remarque une linote et lui propose de lui apprendre à chanter. La linote accepte sans montrer de reconnaissance. Après quelques leçons, la linote chante aussi bien que le serein, mais refuse de reconnaître ses efforts. Elle avoue préférer un jeune moineau. La morale de la fable est que tant que l'on est utile, on est bien reçu, mais dès que l'on attend de la reconnaissance, on est fui et ne plaît plus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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569
p. 487-492
LETTRE de M.L.B. écrite à M***, au sujet de l'Ordonnance de Bacchus, inserée dans le Mercure de Septembre 1731.
Début :
Il en faut convenir, Monsieur; l'Ordonnance Bacchique de Mrs [...]
Mots clefs :
Ordonnance bacchique, Bacchus, Vins de Joigny, Vigne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M.L.B. écrite à M***, au sujet de l'Ordonnance de Bacchus, inserée dans le Mercure de Septembre 1731.
LETTRE de M. L. B. écrite à M***, au
sujetde l'Ordonnance de Bacchus , inseréc
dans le Mercure de Septembre 1731.
I
L en faut convenir , Monsieur'; l'Or
d'Auxerre
est tout-à- fait plaisante ; pour moi je l'ar
fort goûtée. Cette Piece, quoiqu'en récri
mination de la Lettre du mois de Janvier 1731, publiée dans le Mercure de Février suivant , ne laisse pas de donner un'
petit coup aux Vins de Joigny, et de faire'
en même-temps un parfait éloge de ceux
d'Auxerre. Il faut croire que Bacchus étoit
en débauche le soir qu'il fit cette Piece.
Quoiqu'il en soit , ce Dieu s'est visiblement laissé surprendre , et je crois que vous en conviendrez.
J'ai sollicité mon ami qui a écrit la'
Lettre du mois de Février dernier de pré
senterune Requête civile à cette Divinité ,
Diij ten
88 MERCURE DE FRANCE
tendante à faire connoître qu'on a abusé
de sa complaisance et de sa situation , et à
ce qu'il lui plût , par les raisons déduires en la Requête , d'annuler ladite Or
donnance ; ce faisant , déclarer les Vins
d'Auxerre au moins égaux à ceux de Joigny, &c.
Cet ami m'a fait réponse , que si l'Université où veulent , envoyer M' d'Auxerre , est l'Areopage de Bacchus , il n'y
sera jamais qu'un Ecolier , en comparaison d'eux. Cecy me paroît clair , et dit
sans allusion , d'une Ecole à l'autre. Je
crois , au reste , 'que vous seriez bien-aise
d'avoir le défaut qu'on reproche dans
l'Ordonnance , à l'Auteur de cette Lettre
de Février 1731. et que vous ne seriez
pas fâché de n'avoir , comme lui , que
27 ans , quand même vous devriez perdre une partie des connoissances que vous
vous avez acquises avec les années supé- rieures à cet âge.
Permettez -moi donc de répondre ici
quelque chose pour lui. Je ne m'amuserai pas à éplucher scrupuleusement cette
Ordonnance ; il me suffira de soûtenir
ainsi qu'on l'a déja fait voir , que le terrain des côtes de Joigny est propre par
excellence pour la Vigne. Le public en
>
auroit
MARS. 1732. 489
auroit mieux jugé, et aussi favorablement
que de celui d'Auxerre , si l'Ordonnance
de Bacchus eut rapporté les témoignages
assurez de ceux qui se sont particulierement appliquez à connoître le sol propre
à la Vigne,comme sont les Auteurs, dont
s'est servi mon ami dans sa Lettre déja
citée. Peut-on ne pas être frappé de celui de Virgile ; et après lui , de ce qu'en a
écrit récemment le fameux P. Vaniere ?
On auroit souhaitté une réponse exacte
sur les citations de ces célébres Auteurs ,
au lieu des propos vagues qui sont enchassez dans l'Ordonnance Bacchique, sur
la moienne , la superieure et la basse region de l'air ; discours qui sentent trop le
Copernic , et qui conviendroient mieux
dans un Traité d'Astronomie qu'au sujet
dont il est icy question.
L'Auteur de l'Ordonnance s'évapore
ensuite en digressions inutiles , telles que
les lui fournit son rêve , ou son voyage
chimérique ; il dit qu'un certain soir du
mois de Février les du vin ne que vapeurs
lui montoient pas trop à la tête ; il parcourut bien du païs , &c. mais ce voyage
ne seroit-il pas plutôt produit par une
trop longue diette , dont les effets sont
bien plus dangereux que les vapeurs bacchiques ; les abstinences et les jeûnes ne Diiij val-
490 MERCURE DE FRANCE
vallent rien pour les Gens de Lettres ; ils
doivent en craindre les suites. Nous en
voyons des exemples funestes.
Je pourrois bien dire icy quelque chose du Langage de ces deux Villes ; j'ai séjourné plusieurs années en l'une et en
l'autre ; je ne me suis pas apperçu quetes
Bourgeois de l'une et de l'autre Ville fissent des fautes notables en parlant.Quant
au petit peuple , ce n'est pas seulement à
Joigny qu'on remarque, avec notre Critique , qu'il parle mal on en pourroit dire
autant d'Auxerre, où le bas peuple use de
termes assez risibles , jusqu'à appeller une
Hotte , un Benatron ; il vous semblera
sans doute , être transporté dans la Lousianne , parmi les Sauvages , à entendre
ce mot barbare , sans parler de plusieurs
autres aussi hétéroclites ; ensorte qu'il y
auroit pour le moins autant à plaisanter
sur le Patois des Artisans et des Mancuvres d'Auxerre, que sur celui de Joigny.
On ne répondra rien à la Note prise du
P. Labbe , et imprimée dans le Mercure
d'Aoust, pag. 1930. DolosiSenonenses, &c.I †
me semble qu'on ne peut l'appliquer àJoigny, sans faire beaucoup de violence à la
Topographie , en comprenant cette Ville
dans les environs de Sens. Cependant
Joigny est à 6 lieues d'Auxerre , et à 7 de
Sens.
MARS. 1732. 491
à
Sens. C'est donc à Mrs deSens à la réfuter.
Une autre Note fort hazardée
l'Ordonnance en question , est que les
Vins d'Auxerre se sont vendus jusqu'à
140 liv. et ceux de Joigny , 80 liv. le plus
haut prix. Je ne veux pas m'exposer
encourir la peine portée dans cette Or
donnance. Je ne veux pas , dis-je , contester sur ce prix ainsi fixé par le Voyageur Bacchique , mais un fait certain et
bien connu me servira de réponse ;
c'est que le meilleur Vin s'est vendu à
Auxerre , une bonne partie de l'année
18 deniers la pinte. Le moindre Vin de
Joigny au contraire, ne s'y est jamais ven→
du moins de 3 ou 4 sols , et toute déduc--
tion faite des droits des Aydes , qui sont
plus forts à Joigny qu'à Auxerre , le Vin
s'est toujours vendu le double à Joigny.
On ne doit jamais disputer contre des
faits.
,
On conviendra bien que les Vins de
Joigny ne se gardent pas autant que des
gros Vins ou des Rappez ; il suffit que nos
Vins se conservent bons pendant 2 et 3 %
ans , pour qu'on puisse les transporter par
tout où l'on voudra ; on pourroit même
leur donner 2 et 3 ans de plus de garde
en les faisant cuver davantage ; mais les
Experts en Vinsfins, prétendent que cette
Dv façon
492 MERCURE DE FRANCE
façon ôte la qualité au Vin. On ne peut,
ay reste , reprocher aux Bourgeois de Joigny de droguer leur Vin , il est toujours
naturel et sans aucun mélange; il est vrai
qu'il a la qualité de se marier; qualité que
quelques Marchands de Vin , bons connoisseurs , sçavent tres- bien mettre en
usage.
Admirons , en finissant , l'Auteur de
l'Ordonnance , de s'approprier , comme
il fait , sans scrupule , les Païs voisins , en
comprenant dans le Territoire d'Auxerre
tous les Vignobles de dix lieuës à la ronde ; il s'égare même jusques dans les Vignes de Dijon, mais cela n'a pas besoin de
réfutation. Commeje me persuade M.que
vous êtes parfaitement neutre dans la querelle qui est entre ces deux Villes , je me
flatte aussi que vous voudrez bien faire
inserer cette Lettre dans le même Livre,.
où je sçai qu'on n'affecte aucune partialité ,, pour
désabuser
le Public
des impres
sions
qu'auroit
pû faire
l'Ordonnance
de
Bacchus
, sur l'esprit
de ceux
qui ne connoissent
pas assez
l'excellence
des Vins
de Joigny
. Je suis , &c.
Le 12 Decembre 1731.
sujetde l'Ordonnance de Bacchus , inseréc
dans le Mercure de Septembre 1731.
I
L en faut convenir , Monsieur'; l'Or
d'Auxerre
est tout-à- fait plaisante ; pour moi je l'ar
fort goûtée. Cette Piece, quoiqu'en récri
mination de la Lettre du mois de Janvier 1731, publiée dans le Mercure de Février suivant , ne laisse pas de donner un'
petit coup aux Vins de Joigny, et de faire'
en même-temps un parfait éloge de ceux
d'Auxerre. Il faut croire que Bacchus étoit
en débauche le soir qu'il fit cette Piece.
Quoiqu'il en soit , ce Dieu s'est visiblement laissé surprendre , et je crois que vous en conviendrez.
J'ai sollicité mon ami qui a écrit la'
Lettre du mois de Février dernier de pré
senterune Requête civile à cette Divinité ,
Diij ten
88 MERCURE DE FRANCE
tendante à faire connoître qu'on a abusé
de sa complaisance et de sa situation , et à
ce qu'il lui plût , par les raisons déduires en la Requête , d'annuler ladite Or
donnance ; ce faisant , déclarer les Vins
d'Auxerre au moins égaux à ceux de Joigny, &c.
Cet ami m'a fait réponse , que si l'Université où veulent , envoyer M' d'Auxerre , est l'Areopage de Bacchus , il n'y
sera jamais qu'un Ecolier , en comparaison d'eux. Cecy me paroît clair , et dit
sans allusion , d'une Ecole à l'autre. Je
crois , au reste , 'que vous seriez bien-aise
d'avoir le défaut qu'on reproche dans
l'Ordonnance , à l'Auteur de cette Lettre
de Février 1731. et que vous ne seriez
pas fâché de n'avoir , comme lui , que
27 ans , quand même vous devriez perdre une partie des connoissances que vous
vous avez acquises avec les années supé- rieures à cet âge.
Permettez -moi donc de répondre ici
quelque chose pour lui. Je ne m'amuserai pas à éplucher scrupuleusement cette
Ordonnance ; il me suffira de soûtenir
ainsi qu'on l'a déja fait voir , que le terrain des côtes de Joigny est propre par
excellence pour la Vigne. Le public en
>
auroit
MARS. 1732. 489
auroit mieux jugé, et aussi favorablement
que de celui d'Auxerre , si l'Ordonnance
de Bacchus eut rapporté les témoignages
assurez de ceux qui se sont particulierement appliquez à connoître le sol propre
à la Vigne,comme sont les Auteurs, dont
s'est servi mon ami dans sa Lettre déja
citée. Peut-on ne pas être frappé de celui de Virgile ; et après lui , de ce qu'en a
écrit récemment le fameux P. Vaniere ?
On auroit souhaitté une réponse exacte
sur les citations de ces célébres Auteurs ,
au lieu des propos vagues qui sont enchassez dans l'Ordonnance Bacchique, sur
la moienne , la superieure et la basse region de l'air ; discours qui sentent trop le
Copernic , et qui conviendroient mieux
dans un Traité d'Astronomie qu'au sujet
dont il est icy question.
L'Auteur de l'Ordonnance s'évapore
ensuite en digressions inutiles , telles que
les lui fournit son rêve , ou son voyage
chimérique ; il dit qu'un certain soir du
mois de Février les du vin ne que vapeurs
lui montoient pas trop à la tête ; il parcourut bien du païs , &c. mais ce voyage
ne seroit-il pas plutôt produit par une
trop longue diette , dont les effets sont
bien plus dangereux que les vapeurs bacchiques ; les abstinences et les jeûnes ne Diiij val-
490 MERCURE DE FRANCE
vallent rien pour les Gens de Lettres ; ils
doivent en craindre les suites. Nous en
voyons des exemples funestes.
Je pourrois bien dire icy quelque chose du Langage de ces deux Villes ; j'ai séjourné plusieurs années en l'une et en
l'autre ; je ne me suis pas apperçu quetes
Bourgeois de l'une et de l'autre Ville fissent des fautes notables en parlant.Quant
au petit peuple , ce n'est pas seulement à
Joigny qu'on remarque, avec notre Critique , qu'il parle mal on en pourroit dire
autant d'Auxerre, où le bas peuple use de
termes assez risibles , jusqu'à appeller une
Hotte , un Benatron ; il vous semblera
sans doute , être transporté dans la Lousianne , parmi les Sauvages , à entendre
ce mot barbare , sans parler de plusieurs
autres aussi hétéroclites ; ensorte qu'il y
auroit pour le moins autant à plaisanter
sur le Patois des Artisans et des Mancuvres d'Auxerre, que sur celui de Joigny.
On ne répondra rien à la Note prise du
P. Labbe , et imprimée dans le Mercure
d'Aoust, pag. 1930. DolosiSenonenses, &c.I †
me semble qu'on ne peut l'appliquer àJoigny, sans faire beaucoup de violence à la
Topographie , en comprenant cette Ville
dans les environs de Sens. Cependant
Joigny est à 6 lieues d'Auxerre , et à 7 de
Sens.
MARS. 1732. 491
à
Sens. C'est donc à Mrs deSens à la réfuter.
Une autre Note fort hazardée
l'Ordonnance en question , est que les
Vins d'Auxerre se sont vendus jusqu'à
140 liv. et ceux de Joigny , 80 liv. le plus
haut prix. Je ne veux pas m'exposer
encourir la peine portée dans cette Or
donnance. Je ne veux pas , dis-je , contester sur ce prix ainsi fixé par le Voyageur Bacchique , mais un fait certain et
bien connu me servira de réponse ;
c'est que le meilleur Vin s'est vendu à
Auxerre , une bonne partie de l'année
18 deniers la pinte. Le moindre Vin de
Joigny au contraire, ne s'y est jamais ven→
du moins de 3 ou 4 sols , et toute déduc--
tion faite des droits des Aydes , qui sont
plus forts à Joigny qu'à Auxerre , le Vin
s'est toujours vendu le double à Joigny.
On ne doit jamais disputer contre des
faits.
,
On conviendra bien que les Vins de
Joigny ne se gardent pas autant que des
gros Vins ou des Rappez ; il suffit que nos
Vins se conservent bons pendant 2 et 3 %
ans , pour qu'on puisse les transporter par
tout où l'on voudra ; on pourroit même
leur donner 2 et 3 ans de plus de garde
en les faisant cuver davantage ; mais les
Experts en Vinsfins, prétendent que cette
Dv façon
492 MERCURE DE FRANCE
façon ôte la qualité au Vin. On ne peut,
ay reste , reprocher aux Bourgeois de Joigny de droguer leur Vin , il est toujours
naturel et sans aucun mélange; il est vrai
qu'il a la qualité de se marier; qualité que
quelques Marchands de Vin , bons connoisseurs , sçavent tres- bien mettre en
usage.
Admirons , en finissant , l'Auteur de
l'Ordonnance , de s'approprier , comme
il fait , sans scrupule , les Païs voisins , en
comprenant dans le Territoire d'Auxerre
tous les Vignobles de dix lieuës à la ronde ; il s'égare même jusques dans les Vignes de Dijon, mais cela n'a pas besoin de
réfutation. Commeje me persuade M.que
vous êtes parfaitement neutre dans la querelle qui est entre ces deux Villes , je me
flatte aussi que vous voudrez bien faire
inserer cette Lettre dans le même Livre,.
où je sçai qu'on n'affecte aucune partialité ,, pour
désabuser
le Public
des impres
sions
qu'auroit
pû faire
l'Ordonnance
de
Bacchus
, sur l'esprit
de ceux
qui ne connoissent
pas assez
l'excellence
des Vins
de Joigny
. Je suis , &c.
Le 12 Decembre 1731.
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Résumé : LETTRE de M.L.B. écrite à M***, au sujet de l'Ordonnance de Bacchus, inserée dans le Mercure de Septembre 1731.
La lettre de M. L. B. adressée à M*** traite de l'Ordonnance de Bacchus, publiée dans le Mercure de Septembre 1731. L'auteur trouve cette ordonnance plaisante mais critique ses propos vagues et ses digressions inutiles. L'Ordonnance critique les vins de Joigny tout en louant ceux d'Auxerre, ce que M. L. B. conteste en suggérant que Bacchus, le dieu du vin, a été trompé. Il demande à un ami d'envoyer une requête à Bacchus pour annuler cette ordonnance et déclarer les vins d'Auxerre au moins égaux à ceux de Joigny. M. L. B. souligne que le terrain des côtes de Joigny est excellent pour la vigne et que le public aurait mieux jugé si l'ordonnance avait inclus des témoignages d'experts. Il cite Virgile et le Père Vanière pour appuyer son argument. La lettre aborde également des aspects linguistiques, notant que les habitants des deux villes font des fautes de langage. L'auteur réfute une note de l'Ordonnance concernant les prix de vente des vins, affirmant que les vins de Joigny se vendent à des prix plus élevés et sont de meilleure qualité. Enfin, M. L. B. admire l'audace de l'auteur de l'Ordonnance qui s'approprie les vignobles voisins et espère que sa lettre sera publiée pour désabuser le public des impressions fausses sur les vins de Joigny.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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570
p. 495-504
RÉPONSE à une Lettre écrite de Toulouze, inserée dans le Mercure du mois d'Aoust 1731. page 1922. au sujet de la Philosophie Hermetique.
Début :
L'On ne répondra qu'à deux articles de la [...]
Mots clefs :
Mercure philosophique, Agent, Soleil, Science, Métaux, Corps sec, Or
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à une Lettre écrite de Toulouze, inserée dans le Mercure du mois d'Aoust 1731. page 1922. au sujet de la Philosophie Hermetique.
RE'PONSE à une Lettre écrite de Toulouze, inserée dans le Mercure du mois
d'Aoust 1731. page 1922. au sujet de la
Philosophie Hermetique.
L'altre Anonime de Toulouse.
'Onne répondra qu'à deux articles de
Premierement ; que son Mercure ou Vif
argent commun et Venal , quelque épu
ré qu'il soit , n'est point le premier Mer--
cure actif des Philosophes , ni leur semence, et qu'il ne peut en cet état pro-.
duire par lui-même l'Or phisique , comme il l'assure ; et cela , parce qu'il n'en´
contient point, et que nulle chose ne peutdonner ce qu'elle n'a pas. Le Mercure devenu vierge et mondifie , ne se peut précipi
ter enforme de terre par aucun feu, dit Helmont, à cause de sa trop grande simplicité,
pourlaquelle on le compare à l'Element de
l'eau. Il auroit dû voir dans le roʻchap.
de Philalette , de son Entrée ouverte, qu'il
faut introduire dans le Mercure un feu sulfureux , actif, capable de pourir l'or ; et que·
parcette préparation le Mercure est herma
frodite , àcause de ce soufre , qui renferme
en même-temps en lui un principe qui est tout
496 MERCURE DE FRANCE
tout ensemble actifet passif, moyennant lequel il se coagule soi- même , étant aidé senlement d'une chaleur convenable ; c'est
pourquoi dans le chap. suivant, il dit ,
que la vie du Mercure est dans le seul soufre Metallique, caché dans la Maison d'Aries. Et dans cet autre Passage du même
Auteur , dans son Commentaire sur la
Lettre de Riplée , au Roy Edouard , où
il dit : Sachez que le Mercure a en lui un
soufre qui n'est pas actif; notre Art consiste
àmultiplier en lui un soufre vifet actif, lequel vient des reins de notre corps hermafrodite , dont le pere est un Métal , et la
mere un Mineral. Voilà qui est bien
clair ? Si l'Anonime connoissoit la composition de ce corps , qui est le premier
Rebis , et son usage ; il n'auroit pas assûré
que l'Artiste ne crez rien de nouveau, car
la premiere opération est de composer le
Chaos , le Rebis ou Corps hermafrodite ,
pour nétoyer le Mercure , et lui ajouter
par la même opération , ce qui lui manque. Rebis, dit Bernard Trévisan à Thomas de Boulogne , est la premiere chose en
cet œuvre , c'est pourquoi Phil. dans le
Commentaire cité, dit- il , n'y a qu'une seu
le liqueur convenable à notre ture , laquelle
n'est tirée d'aucune chose , que la nature ay?
formé , mais d'une substance composée par
Part
MARS. 17321 1 497
l'art du Philosophe. Notre Art donc , ajoute-t- il , est de joindre deux principes , ( un
dans lequel le soufre , et l'autre dans lequel le
sel de nature abonde ) , qui pourtant ne sont
pas parfaits , ni toutefois imparfaits entierement, etpar consequent peuvent, par notre
Art , être changez on exaltez , ( ce que ne
peut être et qui sera entierement parfait ) et
puis par le Mercure commun , extraire du
composé , non le poids , mais la vertu fermentative , qui engendre dans le Mercure
commun une race plus noble qu'elle même, qui
est notre vraie hermafrodite. Or cette hermafrodite icy est un corps fluide , sous
forme de Vif-argent ; mais le premier
qui a animé ce second , est un corps sec:
et pulverisable ; c'est l'enfant hermafro
dite dont Phil. décrit la composition dans
son 7 ch. de l'Entrée ouverte , lequel est
seul capable de nettoyer le vif- argent de
sa lépre , et en même temps de l'impreigner du soufre spirituel embrional et
potentiel de l'or physique , contenu dans
le premier Rebis ou Chaos. Cela est conforme à la pratique de B. Trévisan et à
celle d'Espagner , qui d'un commun accord ne se sont pas contentez de rendre
le Mercure homogéne , mais ils ont cru
qu'il falloit , par la même opération , lui
ajouter ce qui lui manque, qui est le soufre
498 MERCURE DE FRANCE
ด
fre spirituel Metallique , et comme ap
puyé d'un double soûtien Métallique , ils eussent un Mercure double et animé
qu'ils n'ont pas cru seulement être l'unique clefnécessaire pour ouvrir le Palais
du Roy; mais ils l'ont persuadé aux au-~
tres avec autant de force que de science , non seulement n'ayant point admis
le Mercure simple , mais l'ayant totalement rejetté. Le premier se déclare ou
vertement dans l'Epître à T. de B. à las
pénultiéme page , et le 2ª , dans les §. 47--
et 54.
Voilà assez d'autoritez pour prouver
àl'Auteur anonime que son Mercure n'a
point les qualitez de celui des Phylosophes , que Phil. nomme dans le 1. ch. de
son Entrée ouverte : Or bland crud semence femine, dans laquelle l'or jette la›
sienne.
,
Nous voilà arrivé au second article à ›
réfuter. L'Anonime prétend que son prétendu Mercure homogéne , mondifié de
sa lépre ou tache originelle , étant joint à
l'or , donnera la Médecine qui transmuëi
des Métaux imparfaits en or. Il permet
tra qu'on lui représente, que pour pareil→
le chose peut-être , il faudroit que son ' ,
simple Mercure fut capable de dissoudre radicalement l'or , ce qui ne peut être ” .
puisque
MARS. 1732. 499
puisque le veritable Mercure Phylosophi
que,quelque bien animé et travaillé qu'il
soit ,joint à l'or , attendroit , dit Philalette , sans être changé , la fin du monde.
L'Anonime auroit dû apprendre de Gebert
qu'ily a trois principes de Métaux ; l'Ar-.
gent- vif, le Soufre et son compar l'Arsenic}
ainsi donc ; il supprime de sa pratique
l'Arsenic, qui est le troisiéme principe ,
qu'il ne connoît pas apparemment , sans
lequel la dissolution de l'or est impossible, et c'est de ce troisiéme principe dont
les Phylosophes ne parlent qu'énigmati
quement, et non du Mercure animécomme le prétend l'anonime, duquel, au con- .
traire , ils parlent tres- clairement. Phil.
qui est un des Phylosophes modernes ,
qui a écrit le plus clairement , dit dans
son Vademecum : Notre Lune qui represente la femelle , est d'une race Saturnienne,
taquelle a contracté mariage avec un Dieu
Belliqueux ; elle est appellée Arsenic , parce
qu'elle teint l'or en blancheur , déchire ses
membres et le rend fluxible à la moindre chaleur, comme du Mercure , l'argent du vulgaire est masculin et agit comme mâle ; it
peut être employé au deffaut de l'or ; mais
cette Lune , qui est femelle , et qui est don→
née pourfemme au Soleil ( dans la production du Magistere ) n'estpas un corps , mais HIE
350172
oo MERCURE DE FRANCE
un pur chaos , et un esprit merveilleux ; et
quoiqu'il puisse passer pour un corps , il est
cependant vivant et vivifiant , c'est pourquoi cette Lune est chez les Phylosophes appellée substance moyenne; au regard du Mer
cure, elle peut être appellée Corps et au re- ;
gard de l'Oret de l'Argent, elle est un espritz
C'est notre Soufre crud et immaturé, et`unMercure vifet coagulé , quoique non fixe ; il est
l'unique et le plus grand secret de notre art
et tous les Enigmes que les Phylosophes ont
inventez , ne l'ont été qu'à dessein de le cacher. Voilà une ample description de l'Ar
senic des Philosophes , ou de leur Lune
femme du Soleil. Riplée dit : Trois subs- tances ne font que deux natures , terre et eaus
à quoi Phil. ajoute dans son Commentaire; l'Homme et la Femme sont deux corps ou
terre. Dans son Vademecum , parlant de
la proportion des poids , il dit : Soyez
attentif, prenez du corps parfait , blanc et
roage (lequel represente le mâle) une partie ;
de notre Arsenic ( qui tient lieu defemelle Y
deux ou trois parties , de l'eau de notre mer ,
quatre parties on plus.
Riplée , dans ses 12 portes , dit , que le
Mâle Rouge , la femme blanche , sont faits
un , mariez par l'esprit de vie. Item : Elle
est appellée Eau-de-Vie Metallique , parce
qu'elle donne vie et santé aux Métaux
moris ,
MARS. 1732. Sor
morts , et conjoint par mariage l'homme rouge , avec la femme blanche, c'est- à-dire avec
le Soleil et la Lune. Item , Mettez dans un
verre toutes ces matieres ( quoique trois en
nombre , toutefois c'est une seule chose) et les
laissez putrefier. Finissons cet article , par
cette question que fait Riplée : Qu'est- ce
que l'hommerouge ? qu'est- ce lafemme blanche? qu'est-ce que l'esprit de vie ?
Artephius désigne aussi trois matieres
Dans cette eau, dit-il , le corps qui est fait
de deux corps, du Soleil et de la Lune , s'enfle , se dilate , grossit. Item. Notre Vinaigre
susdit se mêle avecle Soleil et la Lune.Item.
L'Esprit est la vertu mineralle des deux
corps et de l'eau. Item. De ces trois ensemble unis,se fait notre Pierre, c'est- à- dire, du
Soleil , de la Lune et du Mercure.Finissons
par dire que le Bain , le Roy et la Reine
d'Artephius sont trois substances distinques l'une de l'autre , le Bain est le Mercure animé , le Roy est l'or ou l'argent
et la Reine est l'Arsenic ou la Lune des
Phylosophes , non pas l'argent vulgaire ,
qui est un mâle , comme l'enseigne le
Cosmopolite , ch. 10. lorsqu'il dit : Les
Ports du Corps'ouvrent dans notre eau, qui
ne mouille point les mains; le Corps est le
Soleil , qui donne sa semence , et c'est notre
Lune qui la reçoit , non l'argent vulgaire.
Flamel
02 MERCURE DE FRANCE
Flamel parle aussi de trois substances”,
forsqu'il dit : Ce sont ces deux Dragons sur
lesquels Fason versa le jus, préparé parMedée. Item , la dissolution de nos Corps proa
cede de ligucité pontique de notre Mercure.
Item , je t'ai fait peindre un Corps , une
Ame, et un Esprit , pour te montrer que le
Soleil , la Lune et Mercure sont résuscitez
en cette opération.
Bernard Trévisan dit à T.de Boulogne :
Si l'or se décuit dans l'argent vif, la cause
de sa dissolution est l'humidité de l'argent
vif, restrainte par la dancité d'une terre ho
mogéne , qui est de semblable nature : On
s'apperçoit aisément que ce sujet est un
Corps sec , different de l'Or et du Mereure , lequel est la troisiéme matière en
question , ( dont il est parlé dans le Trai
té du Sel, qu'on attribue au Cosmopolite,
en ces termes: Quand cette Pierre Satur
nienne aurd resserré l'Eau Mercurielle , qui
est le pur feu de l'or , enclos et emprisonné
dans leprofond d'un sel congelé. ) Item, dans
le Mercure sefait la conjonction des deux semences masculine et feminine. Phil. Entrée
ouverte , ch. 18. dit : Quelque procedé que
tu suives des deux, tu nepeuxrienfaire, sans
lefeu le plus approchant du Soleil et de la
Lune; je t'avertis que par ce feu - là , il net
faut entendre que notre Fourneau secret. C'est
de
MARS. 1732.
503
de ce feu dont il parle , ch. 20. lorsqu'il
dit: Des aussi-tôt que la Pierre aura senti
sonfeu , le Soufre et le Mercure se fondront
et seront fluents sur le feu.Or ce premierfeu
n'est pas le second, qui est l'exterieur ; en
un mot , ce feu est celui dont parle Pontanus , lequel dit , que faute de le connoître , iferra deux cens fois. Riplée le
nomme Lyon vert. Flamel , Dragon Babilonien,c'est la moyenne substance d'Artephius,le Garde- Porte du Trévisan. Jean
d'Espagnet le loue comme étant un feu
secret. Le Grand Rosaire l'appelle la Racine de l'Art.Finissons par ce passage que
Philalette rapporte dans son Vademe
cum : Lorsque ces trois especes sont jointes
ensemble en poids convenable , après une
longue attente etpleine depatience, elles donneront ce seul et unique principe, qui contient
en lui tout ce qui est requis pour notre Pierre.
Nous finitons par prier les curieux qui
pourroient écrire sur ce sujet, de ne point
tomber dans le défaut de l'Anonime qui
n'a cité aucun passage des Phylosophes ,
pour prouver ce qu'il avance , sans quoi
on ne repondra point à de pareils écrits ;
nous avons évité cette négligence et pris
soin de ne citer que des passages d'Auteurs dont les ouvrages sont fort connus,
Nous nous flatons d'avoir démontré, sui- vant
504 MERCURE DE FRANCE
vant ces Auteurs , 1°. que le Mercure pur
et homogene , sans être animé d'un or
potentiel , n'est point le premier Mercure des Philosophes ; et 2° . que le Mercure même vrayment philosophique ne
dissout point l'or , s'il n'est aidé d'une
substance moyenne nommée par Pontanus feu , sans lequel tout travail est
inutile en cet Art.
d'Aoust 1731. page 1922. au sujet de la
Philosophie Hermetique.
L'altre Anonime de Toulouse.
'Onne répondra qu'à deux articles de
Premierement ; que son Mercure ou Vif
argent commun et Venal , quelque épu
ré qu'il soit , n'est point le premier Mer--
cure actif des Philosophes , ni leur semence, et qu'il ne peut en cet état pro-.
duire par lui-même l'Or phisique , comme il l'assure ; et cela , parce qu'il n'en´
contient point, et que nulle chose ne peutdonner ce qu'elle n'a pas. Le Mercure devenu vierge et mondifie , ne se peut précipi
ter enforme de terre par aucun feu, dit Helmont, à cause de sa trop grande simplicité,
pourlaquelle on le compare à l'Element de
l'eau. Il auroit dû voir dans le roʻchap.
de Philalette , de son Entrée ouverte, qu'il
faut introduire dans le Mercure un feu sulfureux , actif, capable de pourir l'or ; et que·
parcette préparation le Mercure est herma
frodite , àcause de ce soufre , qui renferme
en même-temps en lui un principe qui est tout
496 MERCURE DE FRANCE
tout ensemble actifet passif, moyennant lequel il se coagule soi- même , étant aidé senlement d'une chaleur convenable ; c'est
pourquoi dans le chap. suivant, il dit ,
que la vie du Mercure est dans le seul soufre Metallique, caché dans la Maison d'Aries. Et dans cet autre Passage du même
Auteur , dans son Commentaire sur la
Lettre de Riplée , au Roy Edouard , où
il dit : Sachez que le Mercure a en lui un
soufre qui n'est pas actif; notre Art consiste
àmultiplier en lui un soufre vifet actif, lequel vient des reins de notre corps hermafrodite , dont le pere est un Métal , et la
mere un Mineral. Voilà qui est bien
clair ? Si l'Anonime connoissoit la composition de ce corps , qui est le premier
Rebis , et son usage ; il n'auroit pas assûré
que l'Artiste ne crez rien de nouveau, car
la premiere opération est de composer le
Chaos , le Rebis ou Corps hermafrodite ,
pour nétoyer le Mercure , et lui ajouter
par la même opération , ce qui lui manque. Rebis, dit Bernard Trévisan à Thomas de Boulogne , est la premiere chose en
cet œuvre , c'est pourquoi Phil. dans le
Commentaire cité, dit- il , n'y a qu'une seu
le liqueur convenable à notre ture , laquelle
n'est tirée d'aucune chose , que la nature ay?
formé , mais d'une substance composée par
Part
MARS. 17321 1 497
l'art du Philosophe. Notre Art donc , ajoute-t- il , est de joindre deux principes , ( un
dans lequel le soufre , et l'autre dans lequel le
sel de nature abonde ) , qui pourtant ne sont
pas parfaits , ni toutefois imparfaits entierement, etpar consequent peuvent, par notre
Art , être changez on exaltez , ( ce que ne
peut être et qui sera entierement parfait ) et
puis par le Mercure commun , extraire du
composé , non le poids , mais la vertu fermentative , qui engendre dans le Mercure
commun une race plus noble qu'elle même, qui
est notre vraie hermafrodite. Or cette hermafrodite icy est un corps fluide , sous
forme de Vif-argent ; mais le premier
qui a animé ce second , est un corps sec:
et pulverisable ; c'est l'enfant hermafro
dite dont Phil. décrit la composition dans
son 7 ch. de l'Entrée ouverte , lequel est
seul capable de nettoyer le vif- argent de
sa lépre , et en même temps de l'impreigner du soufre spirituel embrional et
potentiel de l'or physique , contenu dans
le premier Rebis ou Chaos. Cela est conforme à la pratique de B. Trévisan et à
celle d'Espagner , qui d'un commun accord ne se sont pas contentez de rendre
le Mercure homogéne , mais ils ont cru
qu'il falloit , par la même opération , lui
ajouter ce qui lui manque, qui est le soufre
498 MERCURE DE FRANCE
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fre spirituel Metallique , et comme ap
puyé d'un double soûtien Métallique , ils eussent un Mercure double et animé
qu'ils n'ont pas cru seulement être l'unique clefnécessaire pour ouvrir le Palais
du Roy; mais ils l'ont persuadé aux au-~
tres avec autant de force que de science , non seulement n'ayant point admis
le Mercure simple , mais l'ayant totalement rejetté. Le premier se déclare ou
vertement dans l'Epître à T. de B. à las
pénultiéme page , et le 2ª , dans les §. 47--
et 54.
Voilà assez d'autoritez pour prouver
àl'Auteur anonime que son Mercure n'a
point les qualitez de celui des Phylosophes , que Phil. nomme dans le 1. ch. de
son Entrée ouverte : Or bland crud semence femine, dans laquelle l'or jette la›
sienne.
,
Nous voilà arrivé au second article à ›
réfuter. L'Anonime prétend que son prétendu Mercure homogéne , mondifié de
sa lépre ou tache originelle , étant joint à
l'or , donnera la Médecine qui transmuëi
des Métaux imparfaits en or. Il permet
tra qu'on lui représente, que pour pareil→
le chose peut-être , il faudroit que son ' ,
simple Mercure fut capable de dissoudre radicalement l'or , ce qui ne peut être ” .
puisque
MARS. 1732. 499
puisque le veritable Mercure Phylosophi
que,quelque bien animé et travaillé qu'il
soit ,joint à l'or , attendroit , dit Philalette , sans être changé , la fin du monde.
L'Anonime auroit dû apprendre de Gebert
qu'ily a trois principes de Métaux ; l'Ar-.
gent- vif, le Soufre et son compar l'Arsenic}
ainsi donc ; il supprime de sa pratique
l'Arsenic, qui est le troisiéme principe ,
qu'il ne connoît pas apparemment , sans
lequel la dissolution de l'or est impossible, et c'est de ce troisiéme principe dont
les Phylosophes ne parlent qu'énigmati
quement, et non du Mercure animécomme le prétend l'anonime, duquel, au con- .
traire , ils parlent tres- clairement. Phil.
qui est un des Phylosophes modernes ,
qui a écrit le plus clairement , dit dans
son Vademecum : Notre Lune qui represente la femelle , est d'une race Saturnienne,
taquelle a contracté mariage avec un Dieu
Belliqueux ; elle est appellée Arsenic , parce
qu'elle teint l'or en blancheur , déchire ses
membres et le rend fluxible à la moindre chaleur, comme du Mercure , l'argent du vulgaire est masculin et agit comme mâle ; it
peut être employé au deffaut de l'or ; mais
cette Lune , qui est femelle , et qui est don→
née pourfemme au Soleil ( dans la production du Magistere ) n'estpas un corps , mais HIE
350172
oo MERCURE DE FRANCE
un pur chaos , et un esprit merveilleux ; et
quoiqu'il puisse passer pour un corps , il est
cependant vivant et vivifiant , c'est pourquoi cette Lune est chez les Phylosophes appellée substance moyenne; au regard du Mer
cure, elle peut être appellée Corps et au re- ;
gard de l'Oret de l'Argent, elle est un espritz
C'est notre Soufre crud et immaturé, et`unMercure vifet coagulé , quoique non fixe ; il est
l'unique et le plus grand secret de notre art
et tous les Enigmes que les Phylosophes ont
inventez , ne l'ont été qu'à dessein de le cacher. Voilà une ample description de l'Ar
senic des Philosophes , ou de leur Lune
femme du Soleil. Riplée dit : Trois subs- tances ne font que deux natures , terre et eaus
à quoi Phil. ajoute dans son Commentaire; l'Homme et la Femme sont deux corps ou
terre. Dans son Vademecum , parlant de
la proportion des poids , il dit : Soyez
attentif, prenez du corps parfait , blanc et
roage (lequel represente le mâle) une partie ;
de notre Arsenic ( qui tient lieu defemelle Y
deux ou trois parties , de l'eau de notre mer ,
quatre parties on plus.
Riplée , dans ses 12 portes , dit , que le
Mâle Rouge , la femme blanche , sont faits
un , mariez par l'esprit de vie. Item : Elle
est appellée Eau-de-Vie Metallique , parce
qu'elle donne vie et santé aux Métaux
moris ,
MARS. 1732. Sor
morts , et conjoint par mariage l'homme rouge , avec la femme blanche, c'est- à-dire avec
le Soleil et la Lune. Item , Mettez dans un
verre toutes ces matieres ( quoique trois en
nombre , toutefois c'est une seule chose) et les
laissez putrefier. Finissons cet article , par
cette question que fait Riplée : Qu'est- ce
que l'hommerouge ? qu'est- ce lafemme blanche? qu'est-ce que l'esprit de vie ?
Artephius désigne aussi trois matieres
Dans cette eau, dit-il , le corps qui est fait
de deux corps, du Soleil et de la Lune , s'enfle , se dilate , grossit. Item. Notre Vinaigre
susdit se mêle avecle Soleil et la Lune.Item.
L'Esprit est la vertu mineralle des deux
corps et de l'eau. Item. De ces trois ensemble unis,se fait notre Pierre, c'est- à- dire, du
Soleil , de la Lune et du Mercure.Finissons
par dire que le Bain , le Roy et la Reine
d'Artephius sont trois substances distinques l'une de l'autre , le Bain est le Mercure animé , le Roy est l'or ou l'argent
et la Reine est l'Arsenic ou la Lune des
Phylosophes , non pas l'argent vulgaire ,
qui est un mâle , comme l'enseigne le
Cosmopolite , ch. 10. lorsqu'il dit : Les
Ports du Corps'ouvrent dans notre eau, qui
ne mouille point les mains; le Corps est le
Soleil , qui donne sa semence , et c'est notre
Lune qui la reçoit , non l'argent vulgaire.
Flamel
02 MERCURE DE FRANCE
Flamel parle aussi de trois substances”,
forsqu'il dit : Ce sont ces deux Dragons sur
lesquels Fason versa le jus, préparé parMedée. Item , la dissolution de nos Corps proa
cede de ligucité pontique de notre Mercure.
Item , je t'ai fait peindre un Corps , une
Ame, et un Esprit , pour te montrer que le
Soleil , la Lune et Mercure sont résuscitez
en cette opération.
Bernard Trévisan dit à T.de Boulogne :
Si l'or se décuit dans l'argent vif, la cause
de sa dissolution est l'humidité de l'argent
vif, restrainte par la dancité d'une terre ho
mogéne , qui est de semblable nature : On
s'apperçoit aisément que ce sujet est un
Corps sec , different de l'Or et du Mereure , lequel est la troisiéme matière en
question , ( dont il est parlé dans le Trai
té du Sel, qu'on attribue au Cosmopolite,
en ces termes: Quand cette Pierre Satur
nienne aurd resserré l'Eau Mercurielle , qui
est le pur feu de l'or , enclos et emprisonné
dans leprofond d'un sel congelé. ) Item, dans
le Mercure sefait la conjonction des deux semences masculine et feminine. Phil. Entrée
ouverte , ch. 18. dit : Quelque procedé que
tu suives des deux, tu nepeuxrienfaire, sans
lefeu le plus approchant du Soleil et de la
Lune; je t'avertis que par ce feu - là , il net
faut entendre que notre Fourneau secret. C'est
de
MARS. 1732.
503
de ce feu dont il parle , ch. 20. lorsqu'il
dit: Des aussi-tôt que la Pierre aura senti
sonfeu , le Soufre et le Mercure se fondront
et seront fluents sur le feu.Or ce premierfeu
n'est pas le second, qui est l'exterieur ; en
un mot , ce feu est celui dont parle Pontanus , lequel dit , que faute de le connoître , iferra deux cens fois. Riplée le
nomme Lyon vert. Flamel , Dragon Babilonien,c'est la moyenne substance d'Artephius,le Garde- Porte du Trévisan. Jean
d'Espagnet le loue comme étant un feu
secret. Le Grand Rosaire l'appelle la Racine de l'Art.Finissons par ce passage que
Philalette rapporte dans son Vademe
cum : Lorsque ces trois especes sont jointes
ensemble en poids convenable , après une
longue attente etpleine depatience, elles donneront ce seul et unique principe, qui contient
en lui tout ce qui est requis pour notre Pierre.
Nous finitons par prier les curieux qui
pourroient écrire sur ce sujet, de ne point
tomber dans le défaut de l'Anonime qui
n'a cité aucun passage des Phylosophes ,
pour prouver ce qu'il avance , sans quoi
on ne repondra point à de pareils écrits ;
nous avons évité cette négligence et pris
soin de ne citer que des passages d'Auteurs dont les ouvrages sont fort connus,
Nous nous flatons d'avoir démontré, sui- vant
504 MERCURE DE FRANCE
vant ces Auteurs , 1°. que le Mercure pur
et homogene , sans être animé d'un or
potentiel , n'est point le premier Mercure des Philosophes ; et 2° . que le Mercure même vrayment philosophique ne
dissout point l'or , s'il n'est aidé d'une
substance moyenne nommée par Pontanus feu , sans lequel tout travail est
inutile en cet Art.
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Résumé : RÉPONSE à une Lettre écrite de Toulouze, inserée dans le Mercure du mois d'Aoust 1731. page 1922. au sujet de la Philosophie Hermetique.
Le texte est une réponse à une lettre anonyme publiée dans le Mercure d'août 1731. L'auteur anonyme soutient que le mercure commun, même épuré, ne peut produire de l'or physique car il manque de soufre actif. Selon lui, le véritable mercure des philosophes doit être préparé avec un feu sulfureux pour devenir hermaphrodite, c'est-à-dire contenir à la fois un principe actif et passif, permettant ainsi au mercure de se coaguler et de produire de l'or. L'auteur anonyme est critiqué pour son ignorance de la composition du premier Rebis, un corps hermaphrodite essentiel à la première opération alchimique. Cette opération consiste à composer le Chaos ou Rebis pour purifier le mercure et lui ajouter ce qui lui manque. Plusieurs auteurs, comme Philalèthe et Bernard Trévisan, sont cités pour appuyer cette vision. Le texte réfute également l'idée que le mercure homogène, même épuré, puisse transmuter les métaux en or sans l'aide d'une substance moyenne, l'arsenic. L'arsenic est décrit comme un principe essentiel, souvent mentionné de manière énigmatique par les philosophes. Il est nécessaire pour dissoudre l'or et permettre la transmutation. Plusieurs auteurs alchimiques, comme Riplée, Artephius, et Flamel, sont cités pour expliquer la nécessité de trois substances (le Soleil, la Lune, et le Mercure) et de leur conjonction par un feu secret pour réussir l'opération alchimique. Le texte se termine en invitant les curieux à citer des passages des philosophes pour prouver leurs affirmations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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571
p. 504
EXPLICATION du Logogryphe Latin du Mercure de Janvier.
Début :
Mensis, Ensis, Mens, Ens, sunt, sua, verba reperta. [...]
Mots clefs :
Mensis
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION du Logogryphe Latin du Mercure de Janvier.
EXPLICATION du Logogryphe
Latin du Mercure de Janvier.
Mensis , Ensis , Mens , Ens , sunt sua
verba reperta,
Latin du Mercure de Janvier.
Mensis , Ensis , Mens , Ens , sunt sua
verba reperta,
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572
p. 504
AUTRE Explication du même Logogryphe.
Début :
Votr Logogryphe Latin, [...]
Mots clefs :
Dictionnaire
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE Explication du même Logogryphe.
AUTRE Explication du même
Logogryphe.
Curin UrinMense tuum , proponis solvere nodum&
Si prodit nodum,terminus ipse tuum.
Votre Logogryphe Latin , '
Me paroît délicat et fin ,
Plein de difficultez , mais vous avez beau faire ,
Malgré vos soins je mapperçois ,
Que je puis l'expliquer dans le terme d'un Mois g
Il ne me faut qu'un Dictionnaire.
Logogryphe.
Curin UrinMense tuum , proponis solvere nodum&
Si prodit nodum,terminus ipse tuum.
Votre Logogryphe Latin , '
Me paroît délicat et fin ,
Plein de difficultez , mais vous avez beau faire ,
Malgré vos soins je mapperçois ,
Que je puis l'expliquer dans le terme d'un Mois g
Il ne me faut qu'un Dictionnaire.
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573
p. 505
QUATRAIN.
Début :
Pour terminer vos innocentes ruses, [...]
Mots clefs :
Nom
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texteReconnaissance textuelle : QUATRAIN.
QUATRAIN.
Pour terminer vos innocentes ruses ,
Je suis le seul à Aix de qui le nom unit ,
Les armes des Geans et le séjour des Muses ,
Vous pouvez me connoître et j'en ai assez dit.
Pour terminer vos innocentes ruses ,
Je suis le seul à Aix de qui le nom unit ,
Les armes des Geans et le séjour des Muses ,
Vous pouvez me connoître et j'en ai assez dit.
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575
p. 505
« La Chandelle, Cartouche et Lamproye, sont les mots de l' [...] »
Début :
La Chandelle, Cartouche et Lamproye, sont les mots de l' [...]
Mots clefs :
Mots
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « La Chandelle, Cartouche et Lamproye, sont les mots de l' [...] »
La Chandelle , Cartouche et Lamproye
sont les mots de l'Enigme et des deux
Logogriphes du Mercure de Février
sont les mots de l'Enigme et des deux
Logogriphes du Mercure de Février
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576
p. 505-506
LOGOGRYPHE.
Début :
Cinq lettres font mon tout, et ce tout une graine, [...]
Mots clefs :
Pépin
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
C
Inq lettres font mon tout , et ce tout une
graine ,
Du moins je crois pouvoir me baptiser ainsi ,
De mon chef formez ma bedaine ,
Et puis faites le reversi ;
Sans moi vous ne sçauriez ajuster de parure..
Voulez vous voir un arbre aussi ?
Après m'avoir rendu mapremiere nature;
Ostez
foo MERCURE DE FRANCE
Otez deux parts , c'est où gist l'encloueure.
Estes- vous curieux d'un changement nouveau?
Je vous ferai voir un tonneau ;
Mais il faut pour cela retrancher ma finale,
Et que mes membres quatre et deux ,
Pour cet effet changent entre eux ;
Ce n'est pas tout , dans cet ordre j'étale ;'
Encore un autre objet composé d'un tuyau ,
Au bout duquel est un certain fourneau ;.
En cet état sequestrez ma troisiéme ,
Il doit vous rester un oyseau ;
Rassemblez tout enfin vous conviendrez vous même ,
Qu'un Royaume m'a vâ porter le Diadême
C
Inq lettres font mon tout , et ce tout une
graine ,
Du moins je crois pouvoir me baptiser ainsi ,
De mon chef formez ma bedaine ,
Et puis faites le reversi ;
Sans moi vous ne sçauriez ajuster de parure..
Voulez vous voir un arbre aussi ?
Après m'avoir rendu mapremiere nature;
Ostez
foo MERCURE DE FRANCE
Otez deux parts , c'est où gist l'encloueure.
Estes- vous curieux d'un changement nouveau?
Je vous ferai voir un tonneau ;
Mais il faut pour cela retrancher ma finale,
Et que mes membres quatre et deux ,
Pour cet effet changent entre eux ;
Ce n'est pas tout , dans cet ordre j'étale ;'
Encore un autre objet composé d'un tuyau ,
Au bout duquel est un certain fourneau ;.
En cet état sequestrez ma troisiéme ,
Il doit vous rester un oyseau ;
Rassemblez tout enfin vous conviendrez vous même ,
Qu'un Royaume m'a vâ porter le Diadême
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577
p. 506
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Je suis Italien, j'ai ventre, queuë et tête, [...]
Mots clefs :
Montferrat
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texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
SECOND LOGOGRYPHE.
E suis Italien , j'ai ventre , queuë et tête ,
Et je ne suis homme ni bête ;
Toi qui ne trouves rien d'obscur
A me deviner je t'invite ,
Lecteur, ma tête est grosse et ma queue est petite,
Pour mon ventre il est toûjours dur.
E suis Italien , j'ai ventre , queuë et tête ,
Et je ne suis homme ni bête ;
Toi qui ne trouves rien d'obscur
A me deviner je t'invite ,
Lecteur, ma tête est grosse et ma queue est petite,
Pour mon ventre il est toûjours dur.
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578
p. 506-508
TROISIEME LOGOGRYPHE.
Début :
Sept membres font mon tout, je regne dans les Cieux, [...]
Mots clefs :
Balance
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texteReconnaissance textuelle : TROISIEME LOGOGRYPHE.
TROISIEME LOGOGRYPHE.
Ept membres.font mon tout , je regne dans Septeles Cieux ,
Et suis chez les Humains pour rendre la justice ,
1, 2. et 3. enfans d'un aimable caprice
Cupidon
MARS. 1732 507 Cupidon , Thalia , président à mes Jeux ,
1. et. 2. retranchés , je mis la France en deüil,
Faisant passer son Roi des plaisirs au Cercueil.
2. 3. 1. 4 et 5. joins- y 7. et la gloire ,
Que m'acquit mon pinceau , fait vivre ma me
moire ,
6. et 4. 1. et- 2. 3. et 7. quellequefois ,
Le bon gout est forcé de souscrire à mes loix.
1. 4. 2. et 3. plein d'un audace extrême ,
M'érigeant des Autels , je bravai Dieu lui- même,
2. 1. 7. 3. plaignez mon malheureux destin ,
Je succombe accablé par un frere inhumain ,
6. 2. 1. 4. et 5. 7. enfin , la dorure ,
N'étale point chez moison éclat imposteur
Tout y respire , la Nature ,
La simplicité , la candeur.
6. 2. 1. 3. et 7. en Mer je suis atile ,
6. 2. §. 4. et 3. mille Fleuves divers ,
Procurant aux Humains un commerce facile ,
Par des chemins nouveaux viennent joindre le
Mers
6. 4. 5. et 2. Jesus , par complaisance ,
Chez moi montra l'effort de sa toute puissance ,
Quelle foule de mots vient encor m'appliquer ;
Mais sans combinaison je vais les indiquer ;-
L'armure d'un Oyseau , une Plaine liquide
Un écueil dangereux , un ingrat , un perfide ,
Un temps, une peine , un Poisson ,
E Le
508 MERCURE DE FRANCE
Le Beaupere d'un Patriarche ,
Un Pont flottant , parconsequent sans Arche,
Unlieu sombre qui sert quelquefois de prison."
Ept membres.font mon tout , je regne dans Septeles Cieux ,
Et suis chez les Humains pour rendre la justice ,
1, 2. et 3. enfans d'un aimable caprice
Cupidon
MARS. 1732 507 Cupidon , Thalia , président à mes Jeux ,
1. et. 2. retranchés , je mis la France en deüil,
Faisant passer son Roi des plaisirs au Cercueil.
2. 3. 1. 4 et 5. joins- y 7. et la gloire ,
Que m'acquit mon pinceau , fait vivre ma me
moire ,
6. et 4. 1. et- 2. 3. et 7. quellequefois ,
Le bon gout est forcé de souscrire à mes loix.
1. 4. 2. et 3. plein d'un audace extrême ,
M'érigeant des Autels , je bravai Dieu lui- même,
2. 1. 7. 3. plaignez mon malheureux destin ,
Je succombe accablé par un frere inhumain ,
6. 2. 1. 4. et 5. 7. enfin , la dorure ,
N'étale point chez moison éclat imposteur
Tout y respire , la Nature ,
La simplicité , la candeur.
6. 2. 1. 3. et 7. en Mer je suis atile ,
6. 2. §. 4. et 3. mille Fleuves divers ,
Procurant aux Humains un commerce facile ,
Par des chemins nouveaux viennent joindre le
Mers
6. 4. 5. et 2. Jesus , par complaisance ,
Chez moi montra l'effort de sa toute puissance ,
Quelle foule de mots vient encor m'appliquer ;
Mais sans combinaison je vais les indiquer ;-
L'armure d'un Oyseau , une Plaine liquide
Un écueil dangereux , un ingrat , un perfide ,
Un temps, une peine , un Poisson ,
E Le
508 MERCURE DE FRANCE
Le Beaupere d'un Patriarche ,
Un Pont flottant , parconsequent sans Arche,
Unlieu sombre qui sert quelquefois de prison."
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579
s. p.
A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
Début :
Quelle audace effrenée ! Ô ciel ! qu'ai-je entendu ? [...]
Mots clefs :
Uranie, Dieu, Religion, Culte antique, Révélation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
A L'AUTEUR
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
DE L'EPITRE A URANIE.
Uelle audace effrenée ! ô Ciel!
qu'ai-je entendu ?
Qui que tu sois , dont le systême impie ,
Insulte à la foi d'Uranie,
Par un și vain effort as-tu donc prétendu ,
Arracher de nos cœurs les profondes racines ,
Qu'y jetterent jadis les Semences divines ,
D'un culte antique et du Ciel descendu ?
A ij Pour
626 MERCURE DE FRANCE
Pour la Religion que mon ame respecte ,
Ta haine me paroît suspecte.
La destruction des Autels ,
Flatte nos penchants criminels ;
Que ces penchants sont doux ! que le vice est aimable ,
Dès qu'on ne connoît plus d'avenir redoutable !
Quelques soient tes raisonnemens
Certes , pour moi je me deffie ,
De l'étrange Philosophie ,
Qui dans les Passions puise ses Argumens.
La Vertu tyrannise. Un Dieu vengeur nous gêne
Et le cœur vicieux qui redoute sa haine ,
Pour mieux s'en garentir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein , pour lors , à la licence,
Gardez l'équilibre un moment,
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice est sans châtiment ,
Et la Vertu sans récompense ?
Loin d'ici tes projets dans le crime enfantez ;
E mille fois en naissant avortez.
Les saints dogmes de l'Evangile ,
Surchargent ta raison débile ;
Elle ne peut , dis- tu , les accorder ;
Avec ce qu'on doit demander ,
D'un Dieu juste et débonnaire;
J'en tire un Argument contraire,
Et
AVRIL. 17328 6207
Ét s'il est un Dieu juste et bon ,
Tout est certain dans ma Religion.
Quelle foule de témoignages,
Dans tous les tems , dans tous les âges ,
De Jesus Christ prouvent la Mission !
La foi d'un Dieu Sauveur en Miracles féconde
A commencé les Annales du Monde.
Ouvre les Volumes sacrez ,
De ces Ecrivains inspirez ,
Qui , dans ce qu'ils ont sçû prédire ,
Dudivin Auteur des Chrétiens ,
Semblent être à qui veut les lire ,
Moins Prophetes qu'Historiens.
Quel autre que Dieu même a pû les faire écrire
Juge enfin sans prévention.
Que te produit la Revelation ?
Des Prodiges incontestables
Et des témoins irreprochables ;
Du Monde converti le Miracle éclattant ,
Du Peuple vagabond , détruit et subsistant ,
Qui porte dans cent Républiques ,
Dusalut des Humains les gages authentiques.
D'humbles Pecheurs que l'on charge de fers ,
Troupe aux yeux des Mortels et vile et mépri sable ,
Apeine ont répandu leur doctrine adorable ,
Que les Vertus inondent l'Univers.
Als déposent au fond , qu'après que le Messie ,
A iij Suv
628 MERCURE DE FRANCE
Sur l'Autel de la Croix eut immolé sa vie ,
De la Grace nouvelle allumant le flambeau ,
Il sortit triomphant de la nuit du Tombeau,
Et que montant au Ciel , une brillante nuë ,
Vint comme un Trône d'or l'enlever à leur vûë.
Je croirai , quoiqu'ici l'Impie ose en juger ,
Je croirai des Témoins qui se font égorger.
Je n'ai pas entrepris de retracer l'Histoire ,
De l'Evangile et de sa gloire ;
De sublimes Ecrits pleins de force et de sens
En conservent les Monumens ;
Mais tous ces faits sont de nature ,
An'être point soupçonnez d'imposture
Dieu qui les a permis ne peut être trompeur
Il le seroit pourtant , au gré de ton erreur
Si du vrai dont il est le pere ,
Le mensonge odieux portoit le caractére.
Sa bonté, je l'ai dit , doit m'être un sûr garand;
Des merveilles qu'enfin l'Evangile m'apprend
Sur cent vertus sa doctrine se fonde ,
Et ton systême fait horreur,
Qui par la porte de l'erreur ,
Veut les faire entrer dans le monde.
L'Eclat dont luit la Révelation ,
Et les tenebres du Mystere ,
C'est la Nuée obscure et claire ,
Qui des Hébreux guidoit la Nation.
Tu ne peux concevoir la chute déplorable,
Qui
AVRIL. 1732. 629
Qui de l'Homme innocent fit un homme cou
pable.
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu soit mort
pour nous ,
Sans toutesfois nous sauver tous';
Et cet adorable Mystere ,
Pour ta raison est un joug trop austere ;
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La Révelation , source de l'évidence ,
Malgré toi , l'oblige à fléchir ,
Sous une immortelle Puissance.
De Lucrece aujourd'hui dangereux Nourrisson ,
Sauve- toi des écarts de l'humaine raison ,
Son devoir n'est pas de comprendre ,
· Ce que Dieu nous a revelé ,
Mais de se taire et de se rendre
S'il est vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raison reçoit des bornes legitimes ;
C'est agir contre ses maximes ,
ปี
Que de restraindre ainsi Dieu même et son pou voir ,
Ace qu'elle en peut concevoir.
Dépouille donc ici l'orgueil de ton Deïsme ,
Et crois - moi , rends ton vieux sophisme,
ACelse , à Porphire , à Julien ,
Quoique leurs plumes criminelles ,
En eussent armé leurs Libelles ,
Le monde entier n'en fut pas moins chrétien.
A iiij Où
63030 MERCURE DE FRANCE
Où suis- je ? ô Ciel ! quelle terreur subite ,
Se répand au fond de mon cœur ?
Tout s'ébranle. La Mer s'agite ,
Et les flots irritez font un bruit plein d'horreur;
Les antres au loin en mugissent.´
Le Soleil perd ses feux, les Astres s'obcurcissent
Da Firmament tous ces corps détachez ,
S'envont-ils fondre sur ma tête ?
Qù fuir l'effroyable tempête
Terre ouvre- moi tes abymes cachez.
De tout secours mon ame est- elle dénuée ;
Mais tout à coup les Cieux sont éclaircis ,
Le Tonnerre et les feux partent de la Nuée,
Où le fils de l'Homme est assis.
Crains l'Eternel; crains ses vengeances &
Par un prompt repentir appaise son courroux ;
Sçache qu'il doit , ce Dieu jaloux ,.
Tejuger sur ta foi comme sur tes offenses.
M. Tanevot.
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Résumé : A L'AUTEUR DE L'EPITRE A URANIE.
La lettre est adressée à un individu anonyme qui remet en question la foi d'Uranie. L'auteur exprime son indignation face à l'audace et à l'impiété de cet individu, qui cherche à détruire les fondements de la foi chrétienne et à encourager les penchants criminels. Il souligne que la destruction des autels et la liberté sans frein mènent à la licence et au vice, mettant en avant la nécessité de la vertu et de la crainte de Dieu pour maintenir l'équilibre moral. L'auteur défend la religion chrétienne en soulignant les témoignages et les miracles qui prouvent la mission de Jésus-Christ. Il cite les prophéties et les écrits sacrés qui attestent de la vérité de la révélation divine. Il argue que les faits relatés dans l'Évangile sont authentiques et ne peuvent être soupçonnés d'imposture, car Dieu ne peut être trompeur. La lettre critique la raison humaine qui cherche à comprendre les mystères divins au-delà de ses limites légitimes. Elle invite à se soumettre à la révélation divine et à éviter les écarts de la raison humaine. L'auteur conclut en appelant à la crainte de Dieu et au repentir pour échapper à sa vengeance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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580
p. 631-641
SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
Début :
Mr Foucault, Intendant de la Géneralité de Caën, bien persuadé, [...]
Mots clefs :
Voyage, Bases Normandie, Pierres, Inscriptions, Médailles, M. Belin, Antiquités, M. Foucault
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
SUITE du Voyage de Basse Normandie.
LETTRE VIII.
M
'R Foucault , Intendant de la Géneralité de Caën , bien persuadé ,
Monsieur , que la Tradition du Pays touchant le lieu deVieux, n'étoit point vaine,
avoit toûjours eu envie de s'en assurer
par quelque recherche ; mais il étoit bien
aise qu'il se présentât une occasion un
peu plausible de la faire , lorsqu'au mois
de Mars de l'année 1705. le Seigneur de
Vieux vint lui donner avis qu'on avoit
trouvé deux Pierres avec des Inscriptions,
ajoûtant que des Maçons en avoient déja
pris une à son insçû , pour employer à
quelques réparations et en avoient gâté
les Lettres que Fautre étant plus difficile à tirer, avoit été abandonnée , et recouverte de terre, ne doutant point qu'on
ne fit en cet endroit quelque découverte
plus considerable. M. l'Intendant , qui
étoit alors avec M. Belain , Curé de Blainville , et Secretaire de l'Académie de
Caën, résolut d'aller sur les lieux le lendemain , l'engageant de l'y accompagner,
ce qui fut executé,
י
AV Oh
632 MERCURE DE FRANCE
On chercha en vain la Pierre en question , elle ne fut point retrouvée ; on déterra seulement quelques Médailles. Tandis qu'on faisoit ce travail inutile , un
Laboureur vint dire que dans sa Piece de
terre il emportoit souvent avec la Charruede fort belles Briques , dont quelquesunes étoient ornées de feuillages , ce qui
détermina de faire creuser dans ce Champ..
En y entrant on apperçut une petite élevation couverte de ronces , et tout au
près quantité de morceaux de Brique ,
ornées de feuilles d'Acanthe. M. Belin
ayant poussé sa Canne dans un trou , en
remuant ces Briques , trouva une liberté
de tourner dans ce même trou , ce qui
fit juger et déterminer qu'il falloit commencer par là à foüiller.
Les Paysans ne travaillerent pas longtemps sans decouvrir un Mur d'environ
cinq pieds d'épaisseur , et en continuant
de creuser à trois pieds de profondeur ,
on découvrit environ vingt pieds de long
du même Mur , au bout duquel travail
il se trouva une espece d'Angle er de
Contour qui étoit de neuf pieds. M. Foucault crut d'abord que c'étoient des fondations , mais M. Belin pensa le contraire
sur ce que ce Mur étoit crêpi fort proprement, et conjectura que ce reste d'élevation
AVRIL: 17320 633
levation d'un Bâtiment iroit jusqu'au niveau d'un Ruisseau qui coule au bas de
ce Champ ; de quoi on convint. Commet
l'heure de partir pressoit , on ne put pour
cette premiere fois en faire davantage.
M. Foucault pria M. de Vieux , de mettre dès le lendemain le plus d'Ouvriers
qu'il pourroit et de faire travailler diligemment jusqu'à la huitaine qu'il y re- tourneroit.
Il n'y manqua pas , en effet , toûjours
accompagné de M. Belln , et trouva qu'en
creusant jusqu'au bout de la trace qu'on
avoit marquée et jusqu'à l'extremité du
Champ , on avoit découvert un beau
Bassin de pierre , d'environ douze pieds
de diametre , entouré de trois rangs de
Sieges , avec une ouverture par laquelle ,
au moyen d'un degré de cinq marches ,
on descendoit dans ce Bassin , dont le
fond étoit fort uni et formé de belles pierres blanches , jointes ensemble avec un
mortier très -poli , dans lequel on voyoit
de petits morceaux de Marbre rouge. Ce
mortier étoit si dur qu'on eut bien de la
peine à l'entamer avec une Pince , pour
voir surquoi ce Bassin étoit assis . Il l'étoit
sur d'autres pierres , posées de côté sur
du sable , au- dessous duquel il y avoir
encore un lit du même mortier , et entre
A vj ces
634 MERCURE DE FRANCE
ces pierres on voyoit plusieurs Tuyaux
de Brique.
Ce qui avoit paru un Angle dans le
Mur , d'abord découvert , se trouva être
une voute qui couvroit une Etuve, dans
laquelle on trouva encore le Fourneau qui
l'échauffoit, tout noirci de fumée , dans
une petite fenêtre plusieurs petits Instrumens d'Yvoire qui servoient dans l'usage
des Bains à la propreté du corps , &c.
Comme la terre avoit couvert le debris du grand Bâtiment , dont le Bassin
et l'Etuve ne faisoient qu'une partie , on
découvrit aussi en remuant cette même
terre et en continuant de creuser , plu
sieurs parties de très- belles voûtes , la
pluspart renversées , sous lesquelles on
avoit enfermé des Tuyaux de Brique. Le
mortier étoit si bien lié et uni avec les
pierres , qu'on les cassoit plutôt que de
les séparer de ce mortier.
Les Murs du Bâtiment principal dont
on vient de parler , ayant plus de 200.
pieds de longueur et 4 à 5. pieds d'é
paisseur , étoient construits alternativementd'un lit de Briques d'un pied en quar
ré , de trois pouces d'épaisseur , et d'un
très beau rouge , et d'un lit de pierres
blanches , toutes d'un même échantillon,
liées avec du ciment. L'ordre fut donné
de
AVRIL. 1732. 635
de continuer le creusement et le remuage des terres , et d'augmenter le nombre
des Ouvriers , ce qui fut executé pendant
huit autres jours.
י
Au bout de ce temps- là M. Foucault
et M. Belin retournerent sur les lieux et
trouverent qu'au moyen d'un grand travail , on avoit découvert un second Bassin construit comme le premier de ces
belles Pierres blanches qu'on voit à Caen,
et ayant les mêmes accompagnemens. Če
Bassin avoit ses écoulemens par des tuyaux
de Brique , qui portoient les eaux jusques
dans le Ruisseau dont il est parlé cydessus. On avoit aussi découvert le commencement d'un Aqueduc , qui selon sa
direction , devoit passer sous le Village
de Vieux , pour recevoir l'eau d'une Fontaine qu'on voit encore auprès. On ne
put pas découvrir davantage de cet Aqueduc , il auroit fallu pour cela renverser
une partie du Village.
Au lieu d'un travail inutile , on creusa
encore jusqu'à une des extremitez du
Champ, ce qui acheva de faire découvrir
toute l'enceinte de l'Edifice entier , qui
devoit être d'une grande étendue , er
qu'on crut , avec raison , avoir été un
Gymnase , ou lieu des Exercices que les
Romains avoient bâti en cet endroit et
qu'ils
836 MERCURE DE FRANCE
qu'ils avoient accompagné de Thermes
de Commoditez et d'autres ornemens utiles et en usage chez les Anciens. Pour
s'y moins tromper , M. Foucault avoit
apporté son Vitruve , dont la lecture sur
la construction de pareils Bâtimens , appliquée à l'examen des Monumens dont
on vient de parler , acheva de constater
ce qu'on n'avoit encore fait que conjecturer par leur conformité avec les descrip
tions exactes et les regles données par cet
Auteur.
On trouva au reste des Antiquitez de
plus d'une espece dans ce remuement des
terres ; d'abord un grand Tombeau de
pierre, dans lequel étoient enfermez un
Squelete humain et quelques Médailles.
Romaines , ensuite le Fust d'une Colomne de Marbre , dont on ne peut découvrir la bize ni le chapiteau. La Statuë d'une
femme, ayant la tête voilée et la plus belle qu'on puisse voir tenant de la
main droite une Patere ou Coupe , servant aux Libations , la Statue étoit tron
quée par le bas. On découvrit aussi plusieurs fragmens d'Inscriptions , ceux- cy
entre autres.
و
MEMO RIAM
MAGNINI
SENICIONIS
ME-
AVRIL. 1732. 637
MEMORIA
VASSIONI
Q: K.
La plus entiere de ces Inscriptions étoit
gravée sur une Cyppe ou espece de Piedestal quarré, en forme de petit Autel
et contenoit ces mots :
DEO MARTI
C. VICTORIVS
FELIX PROSEET
IVNIO FILIO SVO
ET MATERNAE VIC
TORIS CONIVGIS
MÆE. V. S. L. M. DIALE
ET. BASSO. COS. IDIBVS
MARTIS.
Celle qui suit n'est pas moins entiere , elle étoit gravée sur un Bloc de
Marbre rougeâtre , comme celui de la
Carriere dont j'ai parlé.
NOVIVS VIC
TOR MEMO
RIAE DOMI
TIAE PANFILE
M Galland prétend dans une de ses Lettres ,
qu'il falloit Sax , au lieu de Mex , mais qu'on a
employé ce dernier motpour éviter toute équivoque.. Voici
338 MERCURE DE FRANCE
Voici encore deux fragmens d'Inscriptions , aussi sur du Marbre..
D M
SEX. SENODIO SEVERO
VESTIARIO HEREDES POSVEVN...
Ꭰ M
LERONTIO IVNIANO DEFVNCTO
L.FRONTIVS IVNIVS. PATER.V.S.P.
Enfin dans ces differens travaux , où
l'on avoit creusé considerablement en
divers endroits , il se trouva beaucoup
de Médailles de bronze de toutes les
grandeurs , et quelques-unes d'argent ,
d'Empereurs , d'Imperatrices , de Cesars,.
&c. depuis le plus haut Empire jusqu'aux
Constantins ; mais ce qui surprit beau
coup , ce fut de découvrir parmi ces Médailles unDiadumenien Grec , avec un revers qui rendoit la Médaille encore plus
singuliere. Voici , Monsieur , de quelle maniere M. Galland m'écrivit sur cette:
Découverte , dans une de ses Lettres datée de Caën le 13. Juillet 1705.
>> Au retour de mon voyage de Paris
>>M. Foucault , qui avoit fait travailler à
Vieux pendant mon absence, me donna
à
AVRIL. 1732. 639
à examiner un grand nombre de Mé-
»dailles fort crasseuses qu'on y avoit déter-
» rées . Il s'en est trouvé une de moyen
» Bronze , où l'on n'appercevoit presque
»rien , ni du côté de la tête , ni au re-
» vers ; je la nettoyai et je vis paroître
»une très- belle Médaille Grecque de Dia-
»dumenien, ayant d'un côté la tête de cet
»Empereur avec cette Legende M ONEA
» ΔΙΑΔΟΥΜΕΝIANOC. et sur le revers ,
»le Philosophe Heraclite de bout avec
»le Manteau de Philosophe , et une Mas-
»suë qu'il tient de la main gauche , et
» ces deux mots , ΕΦΕΣΙΩΝ ΗΡΑΚΛΕΙΤΟΣ.
» Cette Médaille a donné lieu à une Dissertation que je mets actuellement au
»net, et dont je me propose de vous
»faire part.
M. Galland tint sa parole : il m'envoya peu de temps après cette Dissertation , avec un dessein exact de la Médaille en question , que j'ai depuis vûë
en original dans le Cabinet de M. Foucault , je vous communiquerai l'une et
l'autre en son temps ; je reviens cependant à mon narré.
Quand M. Foucault jugea qu'il avoit
fait assez travailler à Vieux , et assez découvert de ruine et de Monumens , il
fit faire de toutes ces Ruines et de l'état
des
640 MERCURE DE FRANCE
des lieux en question , une espece d'Iconographie , pour en mieux conserver l'idée , prévoyant bien que tout cela changeroit bien- tôt de face et que les Proprieraires remettroient les choses dans leur
prémier état , pour continuer de labourer la terre , &c. Cette Iconographie , est
une élevation de tout l'Ouvrage sur une
Table d'environ 12. pieds de longueur
et de largeur proportionnée , sur laquelle
avec du gros carton diversement coloré ,
on avoit représenté au naturel la figure
de ces Ruines en petit , il y avoit sur
ces Cartons des Enduits et de la terre
élevée autour pour les soutenir et pour
mieux figurer les endroits creusez , &c .
M. Foucault fit porter cette Représen
tation à sa Maison d'Atie , située à quatre lieuës de Paris , avec les Marbres contenant les Inscriptions et les autres fragmens d'antiquité trouvez à Vieux , parmi
lesquels il y avoit un Mercure de pierre
d'un pied et demi dehauteur, parfaitement
beau et très-bien conservé ; ce Morceau
fut trouvé en curant un Puits du Village,
peu de temps avant les autres Découver
tes. C'est à Atie que plusieurs Curieux
ont vû et examiné ces Monumens d'Antiquité , qui en seront aussi de la sagacité
de M. Foucault , de son bon goût et de
son amour pour les Lettres.
AVRIL, 1732. 64r
Voilà , Monsieur , tout ce qu'on peut
sçavoir, et tout ce qui se peut dire de plus
exact sur les découvertes de Vieux. Elles
confirment la tradition ancienne et universelle du Païs , sur le séjour des Romains , dans le même Païs , et sur l'existence d'une Ville , qui , comme beaucoup
d'autres , n'ayant pû résister à la vicissitude des temps, a perdu jusqu'à son nom
permettez -moi d'ajouter quelques Remarques à ma Narration
LETTRE VIII.
M
'R Foucault , Intendant de la Géneralité de Caën , bien persuadé ,
Monsieur , que la Tradition du Pays touchant le lieu deVieux, n'étoit point vaine,
avoit toûjours eu envie de s'en assurer
par quelque recherche ; mais il étoit bien
aise qu'il se présentât une occasion un
peu plausible de la faire , lorsqu'au mois
de Mars de l'année 1705. le Seigneur de
Vieux vint lui donner avis qu'on avoit
trouvé deux Pierres avec des Inscriptions,
ajoûtant que des Maçons en avoient déja
pris une à son insçû , pour employer à
quelques réparations et en avoient gâté
les Lettres que Fautre étant plus difficile à tirer, avoit été abandonnée , et recouverte de terre, ne doutant point qu'on
ne fit en cet endroit quelque découverte
plus considerable. M. l'Intendant , qui
étoit alors avec M. Belain , Curé de Blainville , et Secretaire de l'Académie de
Caën, résolut d'aller sur les lieux le lendemain , l'engageant de l'y accompagner,
ce qui fut executé,
י
AV Oh
632 MERCURE DE FRANCE
On chercha en vain la Pierre en question , elle ne fut point retrouvée ; on déterra seulement quelques Médailles. Tandis qu'on faisoit ce travail inutile , un
Laboureur vint dire que dans sa Piece de
terre il emportoit souvent avec la Charruede fort belles Briques , dont quelquesunes étoient ornées de feuillages , ce qui
détermina de faire creuser dans ce Champ..
En y entrant on apperçut une petite élevation couverte de ronces , et tout au
près quantité de morceaux de Brique ,
ornées de feuilles d'Acanthe. M. Belin
ayant poussé sa Canne dans un trou , en
remuant ces Briques , trouva une liberté
de tourner dans ce même trou , ce qui
fit juger et déterminer qu'il falloit commencer par là à foüiller.
Les Paysans ne travaillerent pas longtemps sans decouvrir un Mur d'environ
cinq pieds d'épaisseur , et en continuant
de creuser à trois pieds de profondeur ,
on découvrit environ vingt pieds de long
du même Mur , au bout duquel travail
il se trouva une espece d'Angle er de
Contour qui étoit de neuf pieds. M. Foucault crut d'abord que c'étoient des fondations , mais M. Belin pensa le contraire
sur ce que ce Mur étoit crêpi fort proprement, et conjectura que ce reste d'élevation
AVRIL: 17320 633
levation d'un Bâtiment iroit jusqu'au niveau d'un Ruisseau qui coule au bas de
ce Champ ; de quoi on convint. Commet
l'heure de partir pressoit , on ne put pour
cette premiere fois en faire davantage.
M. Foucault pria M. de Vieux , de mettre dès le lendemain le plus d'Ouvriers
qu'il pourroit et de faire travailler diligemment jusqu'à la huitaine qu'il y re- tourneroit.
Il n'y manqua pas , en effet , toûjours
accompagné de M. Belln , et trouva qu'en
creusant jusqu'au bout de la trace qu'on
avoit marquée et jusqu'à l'extremité du
Champ , on avoit découvert un beau
Bassin de pierre , d'environ douze pieds
de diametre , entouré de trois rangs de
Sieges , avec une ouverture par laquelle ,
au moyen d'un degré de cinq marches ,
on descendoit dans ce Bassin , dont le
fond étoit fort uni et formé de belles pierres blanches , jointes ensemble avec un
mortier très -poli , dans lequel on voyoit
de petits morceaux de Marbre rouge. Ce
mortier étoit si dur qu'on eut bien de la
peine à l'entamer avec une Pince , pour
voir surquoi ce Bassin étoit assis . Il l'étoit
sur d'autres pierres , posées de côté sur
du sable , au- dessous duquel il y avoir
encore un lit du même mortier , et entre
A vj ces
634 MERCURE DE FRANCE
ces pierres on voyoit plusieurs Tuyaux
de Brique.
Ce qui avoit paru un Angle dans le
Mur , d'abord découvert , se trouva être
une voute qui couvroit une Etuve, dans
laquelle on trouva encore le Fourneau qui
l'échauffoit, tout noirci de fumée , dans
une petite fenêtre plusieurs petits Instrumens d'Yvoire qui servoient dans l'usage
des Bains à la propreté du corps , &c.
Comme la terre avoit couvert le debris du grand Bâtiment , dont le Bassin
et l'Etuve ne faisoient qu'une partie , on
découvrit aussi en remuant cette même
terre et en continuant de creuser , plu
sieurs parties de très- belles voûtes , la
pluspart renversées , sous lesquelles on
avoit enfermé des Tuyaux de Brique. Le
mortier étoit si bien lié et uni avec les
pierres , qu'on les cassoit plutôt que de
les séparer de ce mortier.
Les Murs du Bâtiment principal dont
on vient de parler , ayant plus de 200.
pieds de longueur et 4 à 5. pieds d'é
paisseur , étoient construits alternativementd'un lit de Briques d'un pied en quar
ré , de trois pouces d'épaisseur , et d'un
très beau rouge , et d'un lit de pierres
blanches , toutes d'un même échantillon,
liées avec du ciment. L'ordre fut donné
de
AVRIL. 1732. 635
de continuer le creusement et le remuage des terres , et d'augmenter le nombre
des Ouvriers , ce qui fut executé pendant
huit autres jours.
י
Au bout de ce temps- là M. Foucault
et M. Belin retournerent sur les lieux et
trouverent qu'au moyen d'un grand travail , on avoit découvert un second Bassin construit comme le premier de ces
belles Pierres blanches qu'on voit à Caen,
et ayant les mêmes accompagnemens. Če
Bassin avoit ses écoulemens par des tuyaux
de Brique , qui portoient les eaux jusques
dans le Ruisseau dont il est parlé cydessus. On avoit aussi découvert le commencement d'un Aqueduc , qui selon sa
direction , devoit passer sous le Village
de Vieux , pour recevoir l'eau d'une Fontaine qu'on voit encore auprès. On ne
put pas découvrir davantage de cet Aqueduc , il auroit fallu pour cela renverser
une partie du Village.
Au lieu d'un travail inutile , on creusa
encore jusqu'à une des extremitez du
Champ, ce qui acheva de faire découvrir
toute l'enceinte de l'Edifice entier , qui
devoit être d'une grande étendue , er
qu'on crut , avec raison , avoir été un
Gymnase , ou lieu des Exercices que les
Romains avoient bâti en cet endroit et
qu'ils
836 MERCURE DE FRANCE
qu'ils avoient accompagné de Thermes
de Commoditez et d'autres ornemens utiles et en usage chez les Anciens. Pour
s'y moins tromper , M. Foucault avoit
apporté son Vitruve , dont la lecture sur
la construction de pareils Bâtimens , appliquée à l'examen des Monumens dont
on vient de parler , acheva de constater
ce qu'on n'avoit encore fait que conjecturer par leur conformité avec les descrip
tions exactes et les regles données par cet
Auteur.
On trouva au reste des Antiquitez de
plus d'une espece dans ce remuement des
terres ; d'abord un grand Tombeau de
pierre, dans lequel étoient enfermez un
Squelete humain et quelques Médailles.
Romaines , ensuite le Fust d'une Colomne de Marbre , dont on ne peut découvrir la bize ni le chapiteau. La Statuë d'une
femme, ayant la tête voilée et la plus belle qu'on puisse voir tenant de la
main droite une Patere ou Coupe , servant aux Libations , la Statue étoit tron
quée par le bas. On découvrit aussi plusieurs fragmens d'Inscriptions , ceux- cy
entre autres.
و
MEMO RIAM
MAGNINI
SENICIONIS
ME-
AVRIL. 1732. 637
MEMORIA
VASSIONI
Q: K.
La plus entiere de ces Inscriptions étoit
gravée sur une Cyppe ou espece de Piedestal quarré, en forme de petit Autel
et contenoit ces mots :
DEO MARTI
C. VICTORIVS
FELIX PROSEET
IVNIO FILIO SVO
ET MATERNAE VIC
TORIS CONIVGIS
MÆE. V. S. L. M. DIALE
ET. BASSO. COS. IDIBVS
MARTIS.
Celle qui suit n'est pas moins entiere , elle étoit gravée sur un Bloc de
Marbre rougeâtre , comme celui de la
Carriere dont j'ai parlé.
NOVIVS VIC
TOR MEMO
RIAE DOMI
TIAE PANFILE
M Galland prétend dans une de ses Lettres ,
qu'il falloit Sax , au lieu de Mex , mais qu'on a
employé ce dernier motpour éviter toute équivoque.. Voici
338 MERCURE DE FRANCE
Voici encore deux fragmens d'Inscriptions , aussi sur du Marbre..
D M
SEX. SENODIO SEVERO
VESTIARIO HEREDES POSVEVN...
Ꭰ M
LERONTIO IVNIANO DEFVNCTO
L.FRONTIVS IVNIVS. PATER.V.S.P.
Enfin dans ces differens travaux , où
l'on avoit creusé considerablement en
divers endroits , il se trouva beaucoup
de Médailles de bronze de toutes les
grandeurs , et quelques-unes d'argent ,
d'Empereurs , d'Imperatrices , de Cesars,.
&c. depuis le plus haut Empire jusqu'aux
Constantins ; mais ce qui surprit beau
coup , ce fut de découvrir parmi ces Médailles unDiadumenien Grec , avec un revers qui rendoit la Médaille encore plus
singuliere. Voici , Monsieur , de quelle maniere M. Galland m'écrivit sur cette:
Découverte , dans une de ses Lettres datée de Caën le 13. Juillet 1705.
>> Au retour de mon voyage de Paris
>>M. Foucault , qui avoit fait travailler à
Vieux pendant mon absence, me donna
à
AVRIL. 1732. 639
à examiner un grand nombre de Mé-
»dailles fort crasseuses qu'on y avoit déter-
» rées . Il s'en est trouvé une de moyen
» Bronze , où l'on n'appercevoit presque
»rien , ni du côté de la tête , ni au re-
» vers ; je la nettoyai et je vis paroître
»une très- belle Médaille Grecque de Dia-
»dumenien, ayant d'un côté la tête de cet
»Empereur avec cette Legende M ONEA
» ΔΙΑΔΟΥΜΕΝIANOC. et sur le revers ,
»le Philosophe Heraclite de bout avec
»le Manteau de Philosophe , et une Mas-
»suë qu'il tient de la main gauche , et
» ces deux mots , ΕΦΕΣΙΩΝ ΗΡΑΚΛΕΙΤΟΣ.
» Cette Médaille a donné lieu à une Dissertation que je mets actuellement au
»net, et dont je me propose de vous
»faire part.
M. Galland tint sa parole : il m'envoya peu de temps après cette Dissertation , avec un dessein exact de la Médaille en question , que j'ai depuis vûë
en original dans le Cabinet de M. Foucault , je vous communiquerai l'une et
l'autre en son temps ; je reviens cependant à mon narré.
Quand M. Foucault jugea qu'il avoit
fait assez travailler à Vieux , et assez découvert de ruine et de Monumens , il
fit faire de toutes ces Ruines et de l'état
des
640 MERCURE DE FRANCE
des lieux en question , une espece d'Iconographie , pour en mieux conserver l'idée , prévoyant bien que tout cela changeroit bien- tôt de face et que les Proprieraires remettroient les choses dans leur
prémier état , pour continuer de labourer la terre , &c. Cette Iconographie , est
une élevation de tout l'Ouvrage sur une
Table d'environ 12. pieds de longueur
et de largeur proportionnée , sur laquelle
avec du gros carton diversement coloré ,
on avoit représenté au naturel la figure
de ces Ruines en petit , il y avoit sur
ces Cartons des Enduits et de la terre
élevée autour pour les soutenir et pour
mieux figurer les endroits creusez , &c .
M. Foucault fit porter cette Représen
tation à sa Maison d'Atie , située à quatre lieuës de Paris , avec les Marbres contenant les Inscriptions et les autres fragmens d'antiquité trouvez à Vieux , parmi
lesquels il y avoit un Mercure de pierre
d'un pied et demi dehauteur, parfaitement
beau et très-bien conservé ; ce Morceau
fut trouvé en curant un Puits du Village,
peu de temps avant les autres Découver
tes. C'est à Atie que plusieurs Curieux
ont vû et examiné ces Monumens d'Antiquité , qui en seront aussi de la sagacité
de M. Foucault , de son bon goût et de
son amour pour les Lettres.
AVRIL, 1732. 64r
Voilà , Monsieur , tout ce qu'on peut
sçavoir, et tout ce qui se peut dire de plus
exact sur les découvertes de Vieux. Elles
confirment la tradition ancienne et universelle du Païs , sur le séjour des Romains , dans le même Païs , et sur l'existence d'une Ville , qui , comme beaucoup
d'autres , n'ayant pû résister à la vicissitude des temps, a perdu jusqu'à son nom
permettez -moi d'ajouter quelques Remarques à ma Narration
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Résumé : SUITE du Voyage de Basse Normandie. LETTRE VIII.
En 1705, M. Foucault, Intendant de la Généralité de Caen, initia une enquête sur la tradition locale concernant le lieu de Vieux, après avoir été informé de la découverte de deux pierres inscrites. Accompagné de M. Belain, curé de Blainville et secrétaire de l'Académie de Caen, ils se rendirent sur place mais ne trouvèrent pas les pierres. Un laboureur les orienta vers des briques ornées de feuillages dans son champ, ce qui mena à la découverte d'un mur épais et d'un bassin de pierre entouré de sièges, probablement une partie d'un bâtiment romain. Les fouilles révélèrent également une étuve avec des instruments en ivoire, des voûtes et des tuyaux de brique. Le bâtiment principal, long de plus de 200 pieds, était construit avec des briques et des pierres blanches liées par du ciment. Divers objets antiques, tels que des médailles, des statues et des inscriptions, furent également découverts. Parmi les inscriptions, certaines mentionnaient des noms romains et des dédicaces à des divinités. Ces découvertes confirmèrent la présence romaine et la tradition locale d'une ville disparue. M. Foucault fit réaliser une iconographie des ruines et conserva les artefacts dans sa maison d'Auteuil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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581
p. 641-656
REMARQUES sur les ruines de Vieux.
Début :
L'un des plus Sçavans Hommes que la Normandie ait [...]
Mots clefs :
M. Foucault, Médailles, Inscription, Ruines de Vieux, Marbre, Pline, Antiquité, Romains
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les ruines de Vieux.
REMARQUES sur les ruines
deVieux.
L'un des plus Sçavans Hommes que la
Normandie ait porté , je veux dire M.
Huet,Evêque d'Avranches,n'auroit peutêtre pas écrit , comme il a fait , au sujet
de Vieux , si les découvertes dont je viens
de parler , avoient précédé la composition de ses Origines de Caen , l'un des plus
curieux Ouvrages qui ayent été écrits en
ce genre , et le plus rempli de recherches historiques , géographyques , étymologiques, &c. ensortequ'il seroit à souhaiter que chaque Ville un peu importante , et de quelque ancienneté , eut un
Historien à peu près semblable. Il est cependant arrivé à ce grand critique de n'avoir pas toujours écrit avec la même jus tesse
642 MERCURE DE FRANCE
tesse , dans le Livre dont je viens de parler ; cela se remarque sur tout dans l'Article de Vieux ; soit amour de la Patrie ;
qui ne lui a pas permis de reconnoître
dans le même canton une Ville plus an
cienne que Caën , qui de son aveu ne l'est
pas beaucoup , soit prévention ou éloignement de penser , commeon a toujours
fait dans le Païs , à l'égard des ruines de
Vieux, M.Huet ne veut pas que ce soient
les restes d'une ancienne Ville ; et on n'y
voit , selon lui , tout au plus que les vestiges d'un Camp des Romains.
Il est inutile d'entrer icy dans un détail des raisons , ou plutôt des conjectures que rapporte ce Sçavant Ecrivain`,
pour ne point reconnoître une Ville ancienne dans les ruines de Vieux , parce
que ces raisons tombent d'elles- mêmes
depuis les monumens qui y ont été découverts , avant, durant et après les Recherches de M. Foucault ; monumens qui
ne peuvent convenir qu'à une Ville et
à une Ville considérable.
Le plus remarquable de ces monumens ,
et qui fait icy , selon moy , une démons
tration ; c'est , sans doute, le fameux Marbre de Joigny , trouvé à Vieux , il y a déja
bien des années. Ce Marbre, tout à-fait
semblable à celui dela Carriere deVieux ;
est
AVRIL 1732 843
est , comme je l'ai dit ailleurs , le Piédestal , sur lequel étoit élevée la Statuë de
T. SENNIUS SOLENNIS , Grand-Prêtre Gaulois , Homme des plus distinguez dans sa
Nation , lequel étoit originaire de la cité
des Viducassiens. Cette Cité est nommée trois fois dans la longue Inscription , gravée sur le Piédestal dont je vous
ai envoyé une coppie, avec ma Ive Lettre, en sorte qu'on ne peut se refuser à
une preuve si évidente.
M. Huet qui a senti la force de cette
preuve , a cru l'affoiblir , en disant que
quoique ce Marbre soit semblable à celui de
Vieux , il peut bien avoir été tiré de quelqu'autre Carriere de Marbre pareil , qui
aura depuis été épuisée ou recouverte et abandonnée. Tout le Marbre blanc ne vient pas
de Paros, Je vous laisse , Monsieur , à juger de la solidité de ce raisonnement ; et
en attendant , on peut , je crois , s'en raporter au témoignage de quantité de
personnes éclairées , qui ont vu le Piédestal de Torigny , et qui l'ayant comparé
à plusieurs Marbres , tirez de la Carriere
de Vieux entr'autres , avec les Colomnes
qui sont dans les Eglises de S. Jean et des
Carmes de Caen, assurent toutes que c'est
la même nature , la même qualité , &c.
Il est vrai que tout le Marbre blanc ne
vient
344 MERCURE DE FRANCE
-
vient pas de Paros ; mais il est aussi vrai
que comme nos Connoisseurs , nos Marbriers même , distinguent fort bien le
Marbre de cette Isle , d'avec les autres.
Marbres blancs par la difference du grain,
du poli , de la dureté , &c. On peut distinguer de même le Marbre rougeâtre et
veiné , de Vieux , d'avec les autres Marbres de pareille espece. Celui de Vieux a
cela de particulier , que le poli n'en est nullement beau.
>
Quant au témoignage de l'Inscription,
notre sçavant Prélat y répond en disant
que: Civitas viducassium , signifie là
comme en cent autres lieux des anciens
un Peuple , et non une Ville, Mais je ne
sçai si cette interpretation éludera un témoignage si formel ; on peut bien accorder que Viducasses , est le nom d'un Peuple; mais les Peuples ayant bâti les Villes,
ausquelles ils ont donné des noms particuliers , il est communément arrivé que
dans la suite ces noms particuliers ont
cessé d'être usitez , et qu'on n'a employé
dans le discours que le nom du Peuple
qui les avoit bâties, où dont elles avoient
été capitales. C'est ce qu'on peut reconnoître par la lecture de César , de Pline
de Ptolomée, &c. chez lesquels les noms
de nos Villes d'aujourd'hui,sont des noms
de
AVRIL 1732 645
1
de Peuples , de Nations. Les Viducassiens
ou une partie de ce Peuple ont donc construit la Cité dont il s'agit icy. Il est vrai
que nous ne sçavons pas le nom particulier qu'ils lui donnerent , aussi parfaite
ment que nous sçavons que la Capitale
des Lexoviens s'appelloit Neomagus ; mais
les Monumens trouvez en ce même lieu ,
témoignent évidemment que c'étoit une
Ville ; et les termes de la fameuse Inscription de T. S. Solennis , déterminent à
croire que c'étoit une Ville des Viducassiens.
Au reste , Monsieur , quand je vous
ai dit , en vous envoyant cette Inscription , qu'elle ne se trouvenulle part dans
les differens , Recueils imprimez , je n'ai
pas parlé avec exactitude ; je l'ai depuis
trouvée moi-même , dans le Recueil de
M. Spon , intitulé : Miscellanea erudite
Antiquitatis , &c. 1. vol. fol. Lyon, 1685.
à la page 82. Mais elle y est rapportée
tres-imparfaitement , sur une coppie envoyée à M. Spon , qui ne contenoit que
ce qui se trouve sur les deux côtez du
Piedestal , et rien du tout de ce qui est
gravé sur la face , et qui est pourtant le
plus remarquable et le plus instructif de
ce Monument. J'aurai occasion de vous
en parler encore une fois , mais revenons
à M. Huet,
Cet
45 MERCURE DE FRANCE
Cet habile Ecrivain oppose le silence
'des Historiens , celui de Ptolomée , de
Itineraire d'Antonin , et des Tables de
Peutinger , à ceux qui veulent que Vieux
ait été la Ville des Viducassiens , et qui
outre la tradition du Païs , citent un Passage de Pline , dont je vais parler. Mais on
peut lui répondre avec fondement , que
nous n'avons pas tous les Historiens et
tous les Géographes anciens , que nous
n'avons pas les Ouvrages entiers de tous
ceux qui restent , et que ceux- cy ont encore fait bien des omissions , ce qui ne
peut jamais former qu'un Argument négatif; Argument qui tombe à la vûë des
Monumens découverts à Vieux.
Le silence , au reste , de Ptolomée , est
icy fort mal allégué , puisqu'il est du
moins certain que ce fameux Géographe
liv. 11. chap. 8. en traitant de la Gaule
Lyonnoise: Celto Galatia Lugdunensis situs ; et faisant l'énumeration des Peuples
qui bordent l'Ocean depuis la Seine jusqu'au fond de la basse Bretagne , à l'endroit appellé alors Gobeum Promontorium ,
met parmi ces Peuples , Biducenses , qui
est la même chose que s'il avoit mis viducenses , lequel terme de Biducenses ou
Viducenses , a une égale analogie avec
Vieux , comme Viducasses,
Le
AVRIL 1732% 847.
Le passage de Pline se trouve dans le
18 ch. du 4 liv. M. Huet le rapporte et
en jugé de cette maniere : » Ceux qui
» veulent , dit-il , que Vieux ait été une
Ville , se fondent sur ce Passage de Pli
>> ne , où il met entre les Peuples de la
» Gaule Lyonnoise , Parrhisios , Trecasses,
» Andegavos , Viducasses, Vadicasses;d'où
ils inferent que ces derniers , désignant
» les Peuples du Bessin , les Viducasses
marquent la Ville de Vieux... Mais il
» est tres- probable que dans le Passage de
» Pline , Viducasses ou Fadicasses , sont
» un même nom , qui signifie le Bessin
* et qu'un de ces mots est une diverse
» leçon de l'autre , qui a passé de la mar-
» ge dans le texte , comme il est arrivé
» dans une infinité de lieux des anciens
» Autheurs. De plus , Pline marque des
» Peuples en cet endroit , et non pas des » Villes.
Avant que de réfléchir sur cette Critique de M. Huet , il est bon d'observer
que le Passage de Pline est different dans
toutes les Editions que j'ai vûës , de celui
qu'on vient de lire ; mais pour ne point
entrer icy dans un détail ennuyeux des
Variations , et de différentes leçons qu'on
trouve sur ce sujet , je me contente de
rapporterce même Passage , pris dans l'EB dition
18 MERCURE DE FRANCE
dition du P. Hardouin , la plus récente , et
qu'on a lie de croire la plus correcte de toutes , l'Auteur ayant consulté les meilleurs Manuscrits , et n'ayant ignoré aucunes des Editions imprimées. Or ce Påssage est tel : Parisi , Trecosse's, Andegavi,
Viducasses , Bodiocasses , &c. Par ce der
nier terme , toute la probabilité de M.
Huet disparoît ; on ne croira jamais en
effet que Bodiocasses et Viducasses ne sont
qu'un même nom , qui signifie le Bessin ,
&c. Bodiocasses peut le signifier fort naturellement , et beaucoup mieux que Vadicasses , ainsi toute la conjecture du sçavant Prélat devient plus ingénieuse que
solide.
J'ai répondu cy- dessus à ce qu'il ajoute , qu'en cet endroit Pline marque des
Peuples et non pas des Villes , au sujet de
l'interprétation qu'il donne au terme de
Civitas Viducassium , de l'Inscription de
Torigny trouvée à Vieux ; ainsi , Monsieur,au lieu d'une répetition inutile,jeme
contente de remarquer icy que le P. Hardouin , dans une Note qu'il a faite sur
Pendroit de Pline , dont nous venons de
parler , reconnoît que Ptolomée a parlé
des Viducassiens ; mais on ne sçait sur
quelle autorité il place , comme il fait ,
ce Peuple dans la Basse- Bretagne , et les
recon-
AVRIL 1132 649
reconnoît pour les Fondateurs de la Ville
de Dinan; l'idée en doit paroître singuliere aux bas Normands , sur tout depuis
les Découvertes de Vieux,
la
On voit cependant , que selon les anciens Auteurs , les Viducassiens étoient
un Peuple de la Gaule Lyonnoise, et que
ce Peuple étoit où est Vieux , ou aux environs , vers le Midy et le Couchant..
L'Inscription de Torigny confirme ces
autoritez. Il est plus que probable par
circonstance du lieu où cette Inscription
a été trouvée , que la Ville en question ,
étoit assise sur le Terrain , dont le Village de Vieux , occupe encore une partie
entre la Riviere d'Orne , appellée O'λiva
dans Ptolomée et celle d'Odon.
- Vous sçavez , Monsieur , qu'après la
conquête des Gaules par les Romains
les Monumens publics ne furent plus
gueres érigez dans ce Païs , que dans la
Langue , et selon l'usage et le génie des
Vainqueurs Outre l'Inscription Romaine, dont je viens de parler , qui est toute à la gloire d'un Prêtre Gaulois , vous
avez vû dans ma Lettre , qu'on a trouvé
dans le même lieu , d'autres Inscriptions
Romaines , qui , en prouvant cet usage ,
prouvent aussi que les Romains ont été
long- temps les Maîtres de la Ville des ViBij ducas-
*
750 MERCURE DE FRANCE
ducassiens. Celle qui commence ainsi :
DEOMARTI, &c.indique assez le bas Empire et la décadence des Arts. Plusieurs
Lettres y sont mal formées , et sur tout
les Lettres A. L. o. M. Galland la croïoit
environ dutemps de Claude le Gothique,
mortvers 271.11 croïoit aussi qu'il y avoit
là un Temple dédié au Dieu Mars. Des
deux Consuls , Dialis et Bassus , sommez
dans l'Inscription , le nom dupremier ne
se trouve point, dans les Fastes que nous avons. On en voit du nom du second
Bassus , sous plusieurs Empereurs , mênie
du haut Empire. Il est vrai que dans les
Fastes , les noms des Consuls subrogez ou
substituez sont souvent omis. Le Consul
Dialis , de l'Inscription , étoit peut-être
de cette espece. Au reste, l'ignorant ouvrier a gravé sur le Marbre DIALÆ, au lieu de DIALE. Ce même nom se lit
dans Gruter , 8 Inscript. Edit. de 1707.
pag. 307.
12 ران .
Les autres Inscriptions , quoique mutilées , marquent une plus hauteAntiquité,
par la beauté et par la correction des caracteres ; on y voit les noms de quelques
anciennes Familles Romaines ; entre- autres des Familles Domitia , Novia , Comu
ficia , &c.
Je crois que vous trouverez juste l'obser-
AVRIL. 17523
servation de M. G. au sujet du mot MEMORIA , qui se trouve dans les deux Fragmens d'Inscription , cy devant rapportez ; il signifie là la même chose que Monumentum et Sepulcrum ; on le trouve en
effet, employé en ce sens dans Suetone, qui
dit qu'Othon , avant que de se donner la
mort , laissa le soin de sa Sépulture et de
ses Funérailles à Messaline. Commendans ,
Reliquias suas et Memoriam.
Ce Sçavant Antiquaire pensoit aussi
que Magninus Senecio , dont le nom est
gravé dans l'un de ces Fragmens , pouvoit
bien être le fils et le descendant de ce Senecion , dont parle assez plaisamment le
Rhereur Sénéque , lequel étoit surnommé Grandio, par Sobriquet, à cause de son
affectation ridicule pour tout ce qui
étoit grand dans les choses deson usage
les plus communes. Grands. Vases à boire,
grands Souli rs , grosses Figures , grands
Esclaves , et jusqu'à sa Maîtresse , qui tenoit du Colosse. Le surnom de Magninus
de l'Inscription , ne revient pas mal à célui de Grandio.
La grande quantité de Médailles trouvées à Vieux , et celles qu'on y déterre
tous les jours , méritent une attention
particuliere ; elles démontrent concurBiij remment
652 MERCURE DE FRANCE
•
remment avec les Inscriptions et les autres Monumens , découverts au même
lieu , que les Romains ont été long- tems
en possession dela Ville des Viducassiens.
Ces Médailles , comme je l'ai déja observé , sont depuis les premiers Empereurs
jusqu'aux enfans de Constantin. On peut
donc raisonnablement présumer quecette
Ville a subsisté jusques dans le rv siécle ;
on pourroit former des conjectures
moins solides sur les causes et le temps
plus précis de sa destruction ; circonstances omises par les Historiens ; mais je
ne m'engagerai point dans cette recherche aussi pénible qu'inftuctueuse.
Je me dispense aussi d'examiner si la
Ville de Caen a été bâtie , comme quelques-uns le prétendent , des ruines de
celle des Viducassiens , ou de Vieux. M.
Huet tient pour la négative et soutient
que Caën , du temps de Charles le Chauve , c'est- à- dire , vers 840. n'étoit guéres
plus qu'un Village.
Je finis mes Remarques , en observant
que ce Sçavant Homme , malgré la prevention dont j'ai parlé , semble revenir
au sentiment qu'il a prétendu combattre
au sujet des ruines de Vieux: Voici com
ment il s'exprime , après avoir beaucoup
discouru là-dessus.
»IL
AVRIL. 17321 653
Il est donc beaucoup plus apparent ,
"par tous ces Monumens d'antiquité, qué
» Vieux étoit autrefois un Camp des Ro
»mains , placé sur la Riviere d'Orne ,
» pour y conserver un passage ,
tendant
» vers le Païs ( a ) d'Hiesmes. Ce Camp
» ayant été fixé en ce lieu , donna l'occa-
» sion et le loisir aux Soldats d'y bâtir des
» Maisons , et un Aqueduc , pour leur
در
commodité , dont il reste des ruines.
» La même chose est arrivée en plusieurs
» autres endroits et quelquefois ces .
Camps sont devenus Villes , et quoi-
»que Villes , ils ont retenu le nom de
» Camps , témoin la Ville de Constance ,
qui étoit dans le commencement le
Camp de Constantius Chlorus , Pere de
»Constantin le Grend , et qui dans la suite est devenu une Ville celebre et floris-
» sante. Témoin encore la Ville de Cou
» tance, qui quoique Ville, s'appelle com-
» me la premiere : Constantia Castra. Cela
» se confirme encore par ce grand chemin
» pavé , qui alloit du Bessin dans l'Hies- "
» mois , et qui passe par Vieux-, bâti dơ
» Brique , ainsi que l'Aqueduc.
C'est toujours beaucoup de convenir
que Vieux a pu être une Ville , dont un
( a ) Le Païs d'Hiesmes est un Canton qui comprend une partie du Diocèse de Bayeux.
Biiij Camp
64 MERCURE DE FRANCE
Camp des Romains ait été l'origine. Pour
moi , je croirois plutôt le contraire ; sçavoir , qu'auprès de la Ville Gauloise des
Viducassiens , les Romains la trouvant
bien située , suivant leurs veuës , &c. auroient établi un de leurs Camps , conjecture que j'abandonne encore à votre critique , et que je n'entreprens pas de sou- tenir..
Outre l'aveu que nous venons de remarquer de la part de M. Huet, il n'est
pas indifferent de rapporter icy ce qu'il
nous apprend dans le même chapitre sur
la dénomination de Vieux. Vieux , dit it ,
est appellée Vedioca et Veoca , dans les
vieux titres de l'Abbaye de Fontenay. I
est assez incertain , continue - t- il , si
Veoca et Vedioca ont été formez du mot
de Vieux, ou Vieca de Vedioca, et de Veoce. Le nom de Bayeux ne vient pas de
Bajoca, mais de Biducasses , &c. je ne le
suivrai pas dans le reste de cette discussion étymologique , où notre Auteur ne
dit rien , ce me semble , de solide , n'apprend qu'à douter et ne fait que conjec- turer.
Mais vous me prévenez sans doute icy ,
Monsieur , sur le nom de Vedioca , pour
signifier Vieux , qui se trouve dans les
titres d'une ancienne Abbaye voisine.; et
vous.
AVRIL 1732. 655
vous m'allez dire qu'on ne peut guéres
méconnoître dans ce nom les Biducenses de Ptolomée , et les Badiocasses de
Pline , et le Civitas viducassium de l'Inscription trouvée à Vieux. Votre réfléxion
est juste , et me dispense d'examiner si le
nom de Vieux , ne viendroit point de Vetera Castra ; en supposant dans ce lieu ,
avec M. Huet , un Camp des Romains ';
ou de Ve , du Latin , Vadum , un Gué ;
supposant encore qu'il y en avoit un dans
le même lieu , lequel mot , Ve , s'exprimoit autrefois par Vien ; comme pour
André, on disoit Andrieu , c. toutes
conjectures des plus frivoles , qui ne méritoient pas de sortir d'une pareille plume, et qui tombent d'elles - mêmes par ce que vous venez de voir.
On peut , ce me semble , conclure de
toutes ces observations , que la Ville des
Viducassiens dont deux anciens Ecrivains
ont parlé , étoit située à peu près dans le
terrain , dont le Village de Vieux occupe
aujourd'hui une partie , entre les Rivie
res d'Orne et d'Odon , et que les ruines découvertes dans ce terrain sont celles de
cette ancienne Ville , qu'elle a été considérable du temps que les Romains l'ont
occupée , comme il paroît sur tout par les
beaux restes de son Gymnase , et des acBy com-
656 MERCURE DE FRANCE
compagnemens de cet Edifice public ,
( qu'on n'en voyoit de pareils que dans
les bonnes Villes ) et par les autres Monumens dont on a parlé ; que cette Ville
étoit avantageusement située , à cause des
deux Rivieres , dont l'une lui donnoit la
communication avec la Mer Oceane , l'éloignement n'étant que d'environ 5 lieuës;
que la même Ville devoit être florissante
par le commerce et par la communication qu'elle pouvoit avoir avec les Nations les plus éloignées.
La Médaille Grecque de Diaduménien
en est une preuve indirecte, et cette preu
ve est fortifiée par d'autres Médailles
Grecques et de fabrique étrangere , par
rapport aux Romains , découvertes depuis au même lieu , dont j'espere de vous
entretenir dans une autre Lettre. Celle- cy
s'est allongée beaucoup plus que je ne
croyois ; je soumets à vos lumieres tout ce
qu'elle renferme , et je suis,Monsieur, &c.
deVieux.
L'un des plus Sçavans Hommes que la
Normandie ait porté , je veux dire M.
Huet,Evêque d'Avranches,n'auroit peutêtre pas écrit , comme il a fait , au sujet
de Vieux , si les découvertes dont je viens
de parler , avoient précédé la composition de ses Origines de Caen , l'un des plus
curieux Ouvrages qui ayent été écrits en
ce genre , et le plus rempli de recherches historiques , géographyques , étymologiques, &c. ensortequ'il seroit à souhaiter que chaque Ville un peu importante , et de quelque ancienneté , eut un
Historien à peu près semblable. Il est cependant arrivé à ce grand critique de n'avoir pas toujours écrit avec la même jus tesse
642 MERCURE DE FRANCE
tesse , dans le Livre dont je viens de parler ; cela se remarque sur tout dans l'Article de Vieux ; soit amour de la Patrie ;
qui ne lui a pas permis de reconnoître
dans le même canton une Ville plus an
cienne que Caën , qui de son aveu ne l'est
pas beaucoup , soit prévention ou éloignement de penser , commeon a toujours
fait dans le Païs , à l'égard des ruines de
Vieux, M.Huet ne veut pas que ce soient
les restes d'une ancienne Ville ; et on n'y
voit , selon lui , tout au plus que les vestiges d'un Camp des Romains.
Il est inutile d'entrer icy dans un détail des raisons , ou plutôt des conjectures que rapporte ce Sçavant Ecrivain`,
pour ne point reconnoître une Ville ancienne dans les ruines de Vieux , parce
que ces raisons tombent d'elles- mêmes
depuis les monumens qui y ont été découverts , avant, durant et après les Recherches de M. Foucault ; monumens qui
ne peuvent convenir qu'à une Ville et
à une Ville considérable.
Le plus remarquable de ces monumens ,
et qui fait icy , selon moy , une démons
tration ; c'est , sans doute, le fameux Marbre de Joigny , trouvé à Vieux , il y a déja
bien des années. Ce Marbre, tout à-fait
semblable à celui dela Carriere deVieux ;
est
AVRIL 1732 843
est , comme je l'ai dit ailleurs , le Piédestal , sur lequel étoit élevée la Statuë de
T. SENNIUS SOLENNIS , Grand-Prêtre Gaulois , Homme des plus distinguez dans sa
Nation , lequel étoit originaire de la cité
des Viducassiens. Cette Cité est nommée trois fois dans la longue Inscription , gravée sur le Piédestal dont je vous
ai envoyé une coppie, avec ma Ive Lettre, en sorte qu'on ne peut se refuser à
une preuve si évidente.
M. Huet qui a senti la force de cette
preuve , a cru l'affoiblir , en disant que
quoique ce Marbre soit semblable à celui de
Vieux , il peut bien avoir été tiré de quelqu'autre Carriere de Marbre pareil , qui
aura depuis été épuisée ou recouverte et abandonnée. Tout le Marbre blanc ne vient pas
de Paros, Je vous laisse , Monsieur , à juger de la solidité de ce raisonnement ; et
en attendant , on peut , je crois , s'en raporter au témoignage de quantité de
personnes éclairées , qui ont vu le Piédestal de Torigny , et qui l'ayant comparé
à plusieurs Marbres , tirez de la Carriere
de Vieux entr'autres , avec les Colomnes
qui sont dans les Eglises de S. Jean et des
Carmes de Caen, assurent toutes que c'est
la même nature , la même qualité , &c.
Il est vrai que tout le Marbre blanc ne
vient
344 MERCURE DE FRANCE
-
vient pas de Paros ; mais il est aussi vrai
que comme nos Connoisseurs , nos Marbriers même , distinguent fort bien le
Marbre de cette Isle , d'avec les autres.
Marbres blancs par la difference du grain,
du poli , de la dureté , &c. On peut distinguer de même le Marbre rougeâtre et
veiné , de Vieux , d'avec les autres Marbres de pareille espece. Celui de Vieux a
cela de particulier , que le poli n'en est nullement beau.
>
Quant au témoignage de l'Inscription,
notre sçavant Prélat y répond en disant
que: Civitas viducassium , signifie là
comme en cent autres lieux des anciens
un Peuple , et non une Ville, Mais je ne
sçai si cette interpretation éludera un témoignage si formel ; on peut bien accorder que Viducasses , est le nom d'un Peuple; mais les Peuples ayant bâti les Villes,
ausquelles ils ont donné des noms particuliers , il est communément arrivé que
dans la suite ces noms particuliers ont
cessé d'être usitez , et qu'on n'a employé
dans le discours que le nom du Peuple
qui les avoit bâties, où dont elles avoient
été capitales. C'est ce qu'on peut reconnoître par la lecture de César , de Pline
de Ptolomée, &c. chez lesquels les noms
de nos Villes d'aujourd'hui,sont des noms
de
AVRIL 1732 645
1
de Peuples , de Nations. Les Viducassiens
ou une partie de ce Peuple ont donc construit la Cité dont il s'agit icy. Il est vrai
que nous ne sçavons pas le nom particulier qu'ils lui donnerent , aussi parfaite
ment que nous sçavons que la Capitale
des Lexoviens s'appelloit Neomagus ; mais
les Monumens trouvez en ce même lieu ,
témoignent évidemment que c'étoit une
Ville ; et les termes de la fameuse Inscription de T. S. Solennis , déterminent à
croire que c'étoit une Ville des Viducassiens.
Au reste , Monsieur , quand je vous
ai dit , en vous envoyant cette Inscription , qu'elle ne se trouvenulle part dans
les differens , Recueils imprimez , je n'ai
pas parlé avec exactitude ; je l'ai depuis
trouvée moi-même , dans le Recueil de
M. Spon , intitulé : Miscellanea erudite
Antiquitatis , &c. 1. vol. fol. Lyon, 1685.
à la page 82. Mais elle y est rapportée
tres-imparfaitement , sur une coppie envoyée à M. Spon , qui ne contenoit que
ce qui se trouve sur les deux côtez du
Piedestal , et rien du tout de ce qui est
gravé sur la face , et qui est pourtant le
plus remarquable et le plus instructif de
ce Monument. J'aurai occasion de vous
en parler encore une fois , mais revenons
à M. Huet,
Cet
45 MERCURE DE FRANCE
Cet habile Ecrivain oppose le silence
'des Historiens , celui de Ptolomée , de
Itineraire d'Antonin , et des Tables de
Peutinger , à ceux qui veulent que Vieux
ait été la Ville des Viducassiens , et qui
outre la tradition du Païs , citent un Passage de Pline , dont je vais parler. Mais on
peut lui répondre avec fondement , que
nous n'avons pas tous les Historiens et
tous les Géographes anciens , que nous
n'avons pas les Ouvrages entiers de tous
ceux qui restent , et que ceux- cy ont encore fait bien des omissions , ce qui ne
peut jamais former qu'un Argument négatif; Argument qui tombe à la vûë des
Monumens découverts à Vieux.
Le silence , au reste , de Ptolomée , est
icy fort mal allégué , puisqu'il est du
moins certain que ce fameux Géographe
liv. 11. chap. 8. en traitant de la Gaule
Lyonnoise: Celto Galatia Lugdunensis situs ; et faisant l'énumeration des Peuples
qui bordent l'Ocean depuis la Seine jusqu'au fond de la basse Bretagne , à l'endroit appellé alors Gobeum Promontorium ,
met parmi ces Peuples , Biducenses , qui
est la même chose que s'il avoit mis viducenses , lequel terme de Biducenses ou
Viducenses , a une égale analogie avec
Vieux , comme Viducasses,
Le
AVRIL 1732% 847.
Le passage de Pline se trouve dans le
18 ch. du 4 liv. M. Huet le rapporte et
en jugé de cette maniere : » Ceux qui
» veulent , dit-il , que Vieux ait été une
Ville , se fondent sur ce Passage de Pli
>> ne , où il met entre les Peuples de la
» Gaule Lyonnoise , Parrhisios , Trecasses,
» Andegavos , Viducasses, Vadicasses;d'où
ils inferent que ces derniers , désignant
» les Peuples du Bessin , les Viducasses
marquent la Ville de Vieux... Mais il
» est tres- probable que dans le Passage de
» Pline , Viducasses ou Fadicasses , sont
» un même nom , qui signifie le Bessin
* et qu'un de ces mots est une diverse
» leçon de l'autre , qui a passé de la mar-
» ge dans le texte , comme il est arrivé
» dans une infinité de lieux des anciens
» Autheurs. De plus , Pline marque des
» Peuples en cet endroit , et non pas des » Villes.
Avant que de réfléchir sur cette Critique de M. Huet , il est bon d'observer
que le Passage de Pline est different dans
toutes les Editions que j'ai vûës , de celui
qu'on vient de lire ; mais pour ne point
entrer icy dans un détail ennuyeux des
Variations , et de différentes leçons qu'on
trouve sur ce sujet , je me contente de
rapporterce même Passage , pris dans l'EB dition
18 MERCURE DE FRANCE
dition du P. Hardouin , la plus récente , et
qu'on a lie de croire la plus correcte de toutes , l'Auteur ayant consulté les meilleurs Manuscrits , et n'ayant ignoré aucunes des Editions imprimées. Or ce Påssage est tel : Parisi , Trecosse's, Andegavi,
Viducasses , Bodiocasses , &c. Par ce der
nier terme , toute la probabilité de M.
Huet disparoît ; on ne croira jamais en
effet que Bodiocasses et Viducasses ne sont
qu'un même nom , qui signifie le Bessin ,
&c. Bodiocasses peut le signifier fort naturellement , et beaucoup mieux que Vadicasses , ainsi toute la conjecture du sçavant Prélat devient plus ingénieuse que
solide.
J'ai répondu cy- dessus à ce qu'il ajoute , qu'en cet endroit Pline marque des
Peuples et non pas des Villes , au sujet de
l'interprétation qu'il donne au terme de
Civitas Viducassium , de l'Inscription de
Torigny trouvée à Vieux ; ainsi , Monsieur,au lieu d'une répetition inutile,jeme
contente de remarquer icy que le P. Hardouin , dans une Note qu'il a faite sur
Pendroit de Pline , dont nous venons de
parler , reconnoît que Ptolomée a parlé
des Viducassiens ; mais on ne sçait sur
quelle autorité il place , comme il fait ,
ce Peuple dans la Basse- Bretagne , et les
recon-
AVRIL 1132 649
reconnoît pour les Fondateurs de la Ville
de Dinan; l'idée en doit paroître singuliere aux bas Normands , sur tout depuis
les Découvertes de Vieux,
la
On voit cependant , que selon les anciens Auteurs , les Viducassiens étoient
un Peuple de la Gaule Lyonnoise, et que
ce Peuple étoit où est Vieux , ou aux environs , vers le Midy et le Couchant..
L'Inscription de Torigny confirme ces
autoritez. Il est plus que probable par
circonstance du lieu où cette Inscription
a été trouvée , que la Ville en question ,
étoit assise sur le Terrain , dont le Village de Vieux , occupe encore une partie
entre la Riviere d'Orne , appellée O'λiva
dans Ptolomée et celle d'Odon.
- Vous sçavez , Monsieur , qu'après la
conquête des Gaules par les Romains
les Monumens publics ne furent plus
gueres érigez dans ce Païs , que dans la
Langue , et selon l'usage et le génie des
Vainqueurs Outre l'Inscription Romaine, dont je viens de parler , qui est toute à la gloire d'un Prêtre Gaulois , vous
avez vû dans ma Lettre , qu'on a trouvé
dans le même lieu , d'autres Inscriptions
Romaines , qui , en prouvant cet usage ,
prouvent aussi que les Romains ont été
long- temps les Maîtres de la Ville des ViBij ducas-
*
750 MERCURE DE FRANCE
ducassiens. Celle qui commence ainsi :
DEOMARTI, &c.indique assez le bas Empire et la décadence des Arts. Plusieurs
Lettres y sont mal formées , et sur tout
les Lettres A. L. o. M. Galland la croïoit
environ dutemps de Claude le Gothique,
mortvers 271.11 croïoit aussi qu'il y avoit
là un Temple dédié au Dieu Mars. Des
deux Consuls , Dialis et Bassus , sommez
dans l'Inscription , le nom dupremier ne
se trouve point, dans les Fastes que nous avons. On en voit du nom du second
Bassus , sous plusieurs Empereurs , mênie
du haut Empire. Il est vrai que dans les
Fastes , les noms des Consuls subrogez ou
substituez sont souvent omis. Le Consul
Dialis , de l'Inscription , étoit peut-être
de cette espece. Au reste, l'ignorant ouvrier a gravé sur le Marbre DIALÆ, au lieu de DIALE. Ce même nom se lit
dans Gruter , 8 Inscript. Edit. de 1707.
pag. 307.
12 ران .
Les autres Inscriptions , quoique mutilées , marquent une plus hauteAntiquité,
par la beauté et par la correction des caracteres ; on y voit les noms de quelques
anciennes Familles Romaines ; entre- autres des Familles Domitia , Novia , Comu
ficia , &c.
Je crois que vous trouverez juste l'obser-
AVRIL. 17523
servation de M. G. au sujet du mot MEMORIA , qui se trouve dans les deux Fragmens d'Inscription , cy devant rapportez ; il signifie là la même chose que Monumentum et Sepulcrum ; on le trouve en
effet, employé en ce sens dans Suetone, qui
dit qu'Othon , avant que de se donner la
mort , laissa le soin de sa Sépulture et de
ses Funérailles à Messaline. Commendans ,
Reliquias suas et Memoriam.
Ce Sçavant Antiquaire pensoit aussi
que Magninus Senecio , dont le nom est
gravé dans l'un de ces Fragmens , pouvoit
bien être le fils et le descendant de ce Senecion , dont parle assez plaisamment le
Rhereur Sénéque , lequel étoit surnommé Grandio, par Sobriquet, à cause de son
affectation ridicule pour tout ce qui
étoit grand dans les choses deson usage
les plus communes. Grands. Vases à boire,
grands Souli rs , grosses Figures , grands
Esclaves , et jusqu'à sa Maîtresse , qui tenoit du Colosse. Le surnom de Magninus
de l'Inscription , ne revient pas mal à célui de Grandio.
La grande quantité de Médailles trouvées à Vieux , et celles qu'on y déterre
tous les jours , méritent une attention
particuliere ; elles démontrent concurBiij remment
652 MERCURE DE FRANCE
•
remment avec les Inscriptions et les autres Monumens , découverts au même
lieu , que les Romains ont été long- tems
en possession dela Ville des Viducassiens.
Ces Médailles , comme je l'ai déja observé , sont depuis les premiers Empereurs
jusqu'aux enfans de Constantin. On peut
donc raisonnablement présumer quecette
Ville a subsisté jusques dans le rv siécle ;
on pourroit former des conjectures
moins solides sur les causes et le temps
plus précis de sa destruction ; circonstances omises par les Historiens ; mais je
ne m'engagerai point dans cette recherche aussi pénible qu'inftuctueuse.
Je me dispense aussi d'examiner si la
Ville de Caen a été bâtie , comme quelques-uns le prétendent , des ruines de
celle des Viducassiens , ou de Vieux. M.
Huet tient pour la négative et soutient
que Caën , du temps de Charles le Chauve , c'est- à- dire , vers 840. n'étoit guéres
plus qu'un Village.
Je finis mes Remarques , en observant
que ce Sçavant Homme , malgré la prevention dont j'ai parlé , semble revenir
au sentiment qu'il a prétendu combattre
au sujet des ruines de Vieux: Voici com
ment il s'exprime , après avoir beaucoup
discouru là-dessus.
»IL
AVRIL. 17321 653
Il est donc beaucoup plus apparent ,
"par tous ces Monumens d'antiquité, qué
» Vieux étoit autrefois un Camp des Ro
»mains , placé sur la Riviere d'Orne ,
» pour y conserver un passage ,
tendant
» vers le Païs ( a ) d'Hiesmes. Ce Camp
» ayant été fixé en ce lieu , donna l'occa-
» sion et le loisir aux Soldats d'y bâtir des
» Maisons , et un Aqueduc , pour leur
در
commodité , dont il reste des ruines.
» La même chose est arrivée en plusieurs
» autres endroits et quelquefois ces .
Camps sont devenus Villes , et quoi-
»que Villes , ils ont retenu le nom de
» Camps , témoin la Ville de Constance ,
qui étoit dans le commencement le
Camp de Constantius Chlorus , Pere de
»Constantin le Grend , et qui dans la suite est devenu une Ville celebre et floris-
» sante. Témoin encore la Ville de Cou
» tance, qui quoique Ville, s'appelle com-
» me la premiere : Constantia Castra. Cela
» se confirme encore par ce grand chemin
» pavé , qui alloit du Bessin dans l'Hies- "
» mois , et qui passe par Vieux-, bâti dơ
» Brique , ainsi que l'Aqueduc.
C'est toujours beaucoup de convenir
que Vieux a pu être une Ville , dont un
( a ) Le Païs d'Hiesmes est un Canton qui comprend une partie du Diocèse de Bayeux.
Biiij Camp
64 MERCURE DE FRANCE
Camp des Romains ait été l'origine. Pour
moi , je croirois plutôt le contraire ; sçavoir , qu'auprès de la Ville Gauloise des
Viducassiens , les Romains la trouvant
bien située , suivant leurs veuës , &c. auroient établi un de leurs Camps , conjecture que j'abandonne encore à votre critique , et que je n'entreprens pas de sou- tenir..
Outre l'aveu que nous venons de remarquer de la part de M. Huet, il n'est
pas indifferent de rapporter icy ce qu'il
nous apprend dans le même chapitre sur
la dénomination de Vieux. Vieux , dit it ,
est appellée Vedioca et Veoca , dans les
vieux titres de l'Abbaye de Fontenay. I
est assez incertain , continue - t- il , si
Veoca et Vedioca ont été formez du mot
de Vieux, ou Vieca de Vedioca, et de Veoce. Le nom de Bayeux ne vient pas de
Bajoca, mais de Biducasses , &c. je ne le
suivrai pas dans le reste de cette discussion étymologique , où notre Auteur ne
dit rien , ce me semble , de solide , n'apprend qu'à douter et ne fait que conjec- turer.
Mais vous me prévenez sans doute icy ,
Monsieur , sur le nom de Vedioca , pour
signifier Vieux , qui se trouve dans les
titres d'une ancienne Abbaye voisine.; et
vous.
AVRIL 1732. 655
vous m'allez dire qu'on ne peut guéres
méconnoître dans ce nom les Biducenses de Ptolomée , et les Badiocasses de
Pline , et le Civitas viducassium de l'Inscription trouvée à Vieux. Votre réfléxion
est juste , et me dispense d'examiner si le
nom de Vieux , ne viendroit point de Vetera Castra ; en supposant dans ce lieu ,
avec M. Huet , un Camp des Romains ';
ou de Ve , du Latin , Vadum , un Gué ;
supposant encore qu'il y en avoit un dans
le même lieu , lequel mot , Ve , s'exprimoit autrefois par Vien ; comme pour
André, on disoit Andrieu , c. toutes
conjectures des plus frivoles , qui ne méritoient pas de sortir d'une pareille plume, et qui tombent d'elles - mêmes par ce que vous venez de voir.
On peut , ce me semble , conclure de
toutes ces observations , que la Ville des
Viducassiens dont deux anciens Ecrivains
ont parlé , étoit située à peu près dans le
terrain , dont le Village de Vieux occupe
aujourd'hui une partie , entre les Rivie
res d'Orne et d'Odon , et que les ruines découvertes dans ce terrain sont celles de
cette ancienne Ville , qu'elle a été considérable du temps que les Romains l'ont
occupée , comme il paroît sur tout par les
beaux restes de son Gymnase , et des acBy com-
656 MERCURE DE FRANCE
compagnemens de cet Edifice public ,
( qu'on n'en voyoit de pareils que dans
les bonnes Villes ) et par les autres Monumens dont on a parlé ; que cette Ville
étoit avantageusement située , à cause des
deux Rivieres , dont l'une lui donnoit la
communication avec la Mer Oceane , l'éloignement n'étant que d'environ 5 lieuës;
que la même Ville devoit être florissante
par le commerce et par la communication qu'elle pouvoit avoir avec les Nations les plus éloignées.
La Médaille Grecque de Diaduménien
en est une preuve indirecte, et cette preu
ve est fortifiée par d'autres Médailles
Grecques et de fabrique étrangere , par
rapport aux Romains , découvertes depuis au même lieu , dont j'espere de vous
entretenir dans une autre Lettre. Celle- cy
s'est allongée beaucoup plus que je ne
croyois ; je soumets à vos lumieres tout ce
qu'elle renferme , et je suis,Monsieur, &c.
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Résumé : REMARQUES sur les ruines de Vieux.
Le texte traite des ruines de Vieux, une ville en Normandie, et des débats historiques concernant son ancienneté et son importance. M. Huet, évêque d'Avranches, dans son ouvrage 'Origines de Caen', ne reconnaît pas Vieux comme une ancienne ville, y voyant plutôt les vestiges d'un camp romain. L'auteur conteste cette vision en se basant sur plusieurs monuments découverts à Vieux, notamment le marbre de Joigny, un piédestal de statue dédié à T. Sennius Solennis, un grand-prêtre gaulois des Viducassiens. Cette inscription mentionne trois fois la cité des Viducassiens, prouvant ainsi l'existence d'une ville ancienne. Huet tente de minimiser cette preuve en suggérant que le marbre pourrait provenir d'une autre carrière. L'auteur réfute cette hypothèse en soulignant que des experts peuvent distinguer le marbre de Vieux par ses caractéristiques spécifiques. Le texte aborde également le silence des historiens anciens comme Ptolémée et l'Itinéraire d'Antonin concernant Vieux, mais note que ces silences ne sont pas concluants face aux preuves matérielles. L'auteur cite un passage de Pline qui mentionne les Viducassiens et conteste l'interprétation de Huet selon laquelle ce terme désignerait simplement un peuple et non une ville. Le texte mentionne diverses inscriptions romaines et médailles trouvées à Vieux, témoignant de la présence romaine prolongée dans la ville des Viducassiens. Ces découvertes confirment l'importance historique de Vieux et contredisent l'opinion de Huet. Les médailles trouvées sur le site permettent de dater la présence romaine jusqu'aux enfants de Constantin, soit au IVe siècle. La ville de Caen, quant à elle, n'était qu'un village au temps de Charles le Chauve, vers 840. L'auteur refuse de spéculer sur la destruction de la ville des Viducassiens, un sujet omis par les historiens. Il mentionne également les débats sur l'origine de Caen, certains affirmant qu'elle aurait été construite à partir des ruines de la ville des Viducassiens ou de Vieux. Des vestiges comme un aqueduc et un chemin pavé soutiennent l'hypothèse que Vieux aurait pu devenir une ville. L'auteur conclut que la ville des Viducassiens était située dans la région actuelle de Vieux, entre les rivières d'Orne et d'Odon, et qu'elle était prospère grâce à sa situation stratégique et à son commerce. Des médailles grecques et étrangères découvertes sur place renforcent cette conclusion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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582
p. 656-661
POEME Sur les progrès de l'Art des Jardins. Sous LOÜIS LE GRAND.
Début :
Du siécle de LOUIS, les prodges divers, [...]
Mots clefs :
Prière, Paix, Roi de France, Art des jardins, Nature, Fleurs, Génie, Louis le Grand
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texteReconnaissance textuelle : POEME Sur les progrès de l'Art des Jardins. Sous LOÜIS LE GRAND.
POEM E
Sur les progrès de l'Art des Jardins..
Sous LoüiS LE GRAND.
DUsiécle de Louis , les prodiges divers,
Sont l'étude du nôtre , et l'objet de nos Vers.
Muscs ›
AVRIL. 1732. 657
Muses , qui de ce Roy , chérissez la mémoire ,
Pour prix de notre ardeur à conserver sa gloire.
Vous nous devez vos soins , j'implore votre appui ,
Inspirez-moy des Vers , tels qu'on les fit sous lui.
Si le gout de son siecle
est banni
de mes rimes
,
Muses
, n'exaucez
point
des vœux
illégitimes
. "
Le Laurier
, où j'aspire
, est un affront
pour
moy,
S'il n'est coupé d'un Tronc, planté sous ce grand
Roy.
Chassez de mes Ecrits , toute vaine peinture ,
Le fard est inutile , à qui peint la nature.
L'art doit l'orner de fleurs , mais non pas l'en
charger ,
C'est ainsi , sous Louis, qu'on sçut la ménager.
C'est sous ce regne heureux , si fécond en miracles ,
Que la Nature et l'Art s'unirent sans obstacles.
La raison en régla l'accord selon ses vœux ,
Et la perfection naquit de ces beaux nœuds.
Ainsi des sages Grecs , le sublime Génie ,
Acet amant discret , l'avoit jadis unie.
Sure du gout exquis de ce discret Amant ,
Gout formé sur le sien , et sobre en arnement.
La Déesse , toujours simple , naïve et pure ,
Laissoit aux mains de l'Art , le soin de sa pasure B vj L'Art
6,8 MERCURE DE FRANCE
L'Art content de ce soin , et l'œil sur ses appas ›
La faisoit briller seule , et ne se montroit pas.
Si la Nature en pleurs soupiroit sur la Scéne ,
Les malheurs d'Hyppolite , ou ceux de Polixéne.
L'Art d'une main cachée et prompte en ses besoins ,
Lui chaussoit le Cothurne , et bornoit là ses soins.
Mais que cet age d'or fut prompt à disparoître ?
Louis , en ta faveur , le Ciel la fit renaître.
Tout , jusques aux Jardins, sous ce Roy si vanté,
Atteignit le haut point de sa juste bonté.
Ce n'est plus ces Jardins , que , voisins du Tonė ,
nerre ,
Suspendit dans les airs , au mépris de la terre.
L'Epouse de Ninus , l'Amante de son fils ,
De la Nature , hélas ! connut elle le prix ?
L'Emphrate sur son Urne , en ses Grottes pro- fondes ,
Plaiguit ces bois , privez du secours de ses Ondes.
Sur ses bords sabloneux , prodigua ce secours ,
Et les rendit si beaux , qu'on désertà ces tours.
Au gout de la raison, noble , simple , et sensée,
Louis a des humains , ramené la pensée.
Deux Vertumnes fameux , à son regne donnez ,
Firent voir aux vivans les Jardins fortunez ,
Où les ombres d'Achille et d'Hector réunies >
Réposent dans la paix , sur l'Email' des Prairies.
L'un
AVRIL. 17320 659
L'un , des beautés de l'Ordre instruit par le bon
goût ,
Mit la Nature en regle et la fit voir en tout.
De naïfs ornemens , Dispensateur habile ,
Il donna même au faste un air simple et facile,
Apprit par un secret que lui seul sçut trouver ,
Aux Chênes sourcilleux l'art de faire rêver,
Se fit suivre à son gré de l'Element humide ,
Ingénieux , forma de ce Cristal liquide
Mille Jeux séducteurs , cent Théatres divers ;
Plus qu'aucun avant lui l'élança dans les Airs ;
Des Graces et des Jeux accompagné sans cesse ,
Fit au triste Cyprès respirer la temiresse ;
Dans un Dédale heureux de Myrthes verdoyans,
Emprisonna les Ris sous les fleurs s'égayans ;
Et d'un Peuple de Dieux , ou palis ou sauvages,
Avec art disposez , anima ses Boccags ;
Puis ouvrant des Vallons les lo ntains gracieux,
Sçut finir ses Jardins où commencent les Cieux ,
Et presentant au loin mile oby ts à la vûë,
Prêter aux Champs étroits une immense étenduë.
De Nymphes , cependant un jeune et tendre Essein ,
Le suivoit pas à pas la Guirlande à la main ;
D'où tirant avec choix mille fleurs éclatantes ,
Flore en semoit par tout les couleurs differentes.
De Pomone au sein riche , auteint frais et fleuri,
L'autre, sçayant Eleve, et Confident chéri ,, Du
50 MERCURE DE FRANCE
Dufruit , vrai gland jadis insipide et sauvage ,
Triptoleme nouveau , bannit l'austere usage ,
Corrigea de nos Champs les Sels contagieux ,
Et versant dans la séve un Nectar précieux,
Nous rendit ces beaux fruits que, Roy de la Na ture ,
L'homme, aux Vergers d'Edem ; cueilloit d'une
main pure.
La branche obeissante et souple à ses leçons,
Prit sous ses doctes mains cent diverses façons.
Du Lierre rampant le verd mélancolique ,
Scut couvrir les débris de quelque tombe antique,,
Où ses bras tortueux , par dinquiets efforts ,
Vont jusques dans leur cendre importuner les -
Morts.
Tandis que les amours de Flore et de Pomone,
Étalant à la fois le Printemps et l'Automne ,
Le Citronier docile à notre œil enchanté
Déroboit de nos murs l'informe nudité ;
Et dans ses bras , qu'il ouvre aux traits de l'œil du monde ,
En reçoit à l'abri l'influence féconde.
Vous n'avilirez point le prix des mes accens , ·
Vous, de nos bons Ayeux les repas innocens
Herbages fortunez , que ce Mortel si sage ,
Ala Cour, chez les Rois , ramena du Village.
Mases , tel est le fruit du gout qu'on a pous vous.
Tout objet fait ses soins, il les embellit tous.
Et
AVRIL. 17322 661
Et si l'appui du Trône est le prix de vos veilles ,
Où neportez- vous pas vos sublimes merveilles !
PRIERE POUR LEROT.
20
Tels que sur le penchant d'une aimable ColineSous un Ciel favorable un Olivier planté ,
Voit d'heureux rejettons sa féconde racine ,
L'environner de tout côté.
Tel , Seigneur, chaque jour par un exemple uni
*que ,
LOUIS, se voit renaitre et combler de ses dons ;
Mais pour rendre éternels les biens que nousgoutons ,
Sous son Empire pacifique ,
Conserve , Dieu de Paix , sous ta main magnifique ,
Et la Tige et les Rejettons.
Auteurs, en écrivant , imitez la Nature:
Sur les progrès de l'Art des Jardins..
Sous LoüiS LE GRAND.
DUsiécle de Louis , les prodiges divers,
Sont l'étude du nôtre , et l'objet de nos Vers.
Muscs ›
AVRIL. 1732. 657
Muses , qui de ce Roy , chérissez la mémoire ,
Pour prix de notre ardeur à conserver sa gloire.
Vous nous devez vos soins , j'implore votre appui ,
Inspirez-moy des Vers , tels qu'on les fit sous lui.
Si le gout de son siecle
est banni
de mes rimes
,
Muses
, n'exaucez
point
des vœux
illégitimes
. "
Le Laurier
, où j'aspire
, est un affront
pour
moy,
S'il n'est coupé d'un Tronc, planté sous ce grand
Roy.
Chassez de mes Ecrits , toute vaine peinture ,
Le fard est inutile , à qui peint la nature.
L'art doit l'orner de fleurs , mais non pas l'en
charger ,
C'est ainsi , sous Louis, qu'on sçut la ménager.
C'est sous ce regne heureux , si fécond en miracles ,
Que la Nature et l'Art s'unirent sans obstacles.
La raison en régla l'accord selon ses vœux ,
Et la perfection naquit de ces beaux nœuds.
Ainsi des sages Grecs , le sublime Génie ,
Acet amant discret , l'avoit jadis unie.
Sure du gout exquis de ce discret Amant ,
Gout formé sur le sien , et sobre en arnement.
La Déesse , toujours simple , naïve et pure ,
Laissoit aux mains de l'Art , le soin de sa pasure B vj L'Art
6,8 MERCURE DE FRANCE
L'Art content de ce soin , et l'œil sur ses appas ›
La faisoit briller seule , et ne se montroit pas.
Si la Nature en pleurs soupiroit sur la Scéne ,
Les malheurs d'Hyppolite , ou ceux de Polixéne.
L'Art d'une main cachée et prompte en ses besoins ,
Lui chaussoit le Cothurne , et bornoit là ses soins.
Mais que cet age d'or fut prompt à disparoître ?
Louis , en ta faveur , le Ciel la fit renaître.
Tout , jusques aux Jardins, sous ce Roy si vanté,
Atteignit le haut point de sa juste bonté.
Ce n'est plus ces Jardins , que , voisins du Tonė ,
nerre ,
Suspendit dans les airs , au mépris de la terre.
L'Epouse de Ninus , l'Amante de son fils ,
De la Nature , hélas ! connut elle le prix ?
L'Emphrate sur son Urne , en ses Grottes pro- fondes ,
Plaiguit ces bois , privez du secours de ses Ondes.
Sur ses bords sabloneux , prodigua ce secours ,
Et les rendit si beaux , qu'on désertà ces tours.
Au gout de la raison, noble , simple , et sensée,
Louis a des humains , ramené la pensée.
Deux Vertumnes fameux , à son regne donnez ,
Firent voir aux vivans les Jardins fortunez ,
Où les ombres d'Achille et d'Hector réunies >
Réposent dans la paix , sur l'Email' des Prairies.
L'un
AVRIL. 17320 659
L'un , des beautés de l'Ordre instruit par le bon
goût ,
Mit la Nature en regle et la fit voir en tout.
De naïfs ornemens , Dispensateur habile ,
Il donna même au faste un air simple et facile,
Apprit par un secret que lui seul sçut trouver ,
Aux Chênes sourcilleux l'art de faire rêver,
Se fit suivre à son gré de l'Element humide ,
Ingénieux , forma de ce Cristal liquide
Mille Jeux séducteurs , cent Théatres divers ;
Plus qu'aucun avant lui l'élança dans les Airs ;
Des Graces et des Jeux accompagné sans cesse ,
Fit au triste Cyprès respirer la temiresse ;
Dans un Dédale heureux de Myrthes verdoyans,
Emprisonna les Ris sous les fleurs s'égayans ;
Et d'un Peuple de Dieux , ou palis ou sauvages,
Avec art disposez , anima ses Boccags ;
Puis ouvrant des Vallons les lo ntains gracieux,
Sçut finir ses Jardins où commencent les Cieux ,
Et presentant au loin mile oby ts à la vûë,
Prêter aux Champs étroits une immense étenduë.
De Nymphes , cependant un jeune et tendre Essein ,
Le suivoit pas à pas la Guirlande à la main ;
D'où tirant avec choix mille fleurs éclatantes ,
Flore en semoit par tout les couleurs differentes.
De Pomone au sein riche , auteint frais et fleuri,
L'autre, sçayant Eleve, et Confident chéri ,, Du
50 MERCURE DE FRANCE
Dufruit , vrai gland jadis insipide et sauvage ,
Triptoleme nouveau , bannit l'austere usage ,
Corrigea de nos Champs les Sels contagieux ,
Et versant dans la séve un Nectar précieux,
Nous rendit ces beaux fruits que, Roy de la Na ture ,
L'homme, aux Vergers d'Edem ; cueilloit d'une
main pure.
La branche obeissante et souple à ses leçons,
Prit sous ses doctes mains cent diverses façons.
Du Lierre rampant le verd mélancolique ,
Scut couvrir les débris de quelque tombe antique,,
Où ses bras tortueux , par dinquiets efforts ,
Vont jusques dans leur cendre importuner les -
Morts.
Tandis que les amours de Flore et de Pomone,
Étalant à la fois le Printemps et l'Automne ,
Le Citronier docile à notre œil enchanté
Déroboit de nos murs l'informe nudité ;
Et dans ses bras , qu'il ouvre aux traits de l'œil du monde ,
En reçoit à l'abri l'influence féconde.
Vous n'avilirez point le prix des mes accens , ·
Vous, de nos bons Ayeux les repas innocens
Herbages fortunez , que ce Mortel si sage ,
Ala Cour, chez les Rois , ramena du Village.
Mases , tel est le fruit du gout qu'on a pous vous.
Tout objet fait ses soins, il les embellit tous.
Et
AVRIL. 17322 661
Et si l'appui du Trône est le prix de vos veilles ,
Où neportez- vous pas vos sublimes merveilles !
PRIERE POUR LEROT.
20
Tels que sur le penchant d'une aimable ColineSous un Ciel favorable un Olivier planté ,
Voit d'heureux rejettons sa féconde racine ,
L'environner de tout côté.
Tel , Seigneur, chaque jour par un exemple uni
*que ,
LOUIS, se voit renaitre et combler de ses dons ;
Mais pour rendre éternels les biens que nousgoutons ,
Sous son Empire pacifique ,
Conserve , Dieu de Paix , sous ta main magnifique ,
Et la Tige et les Rejettons.
Auteurs, en écrivant , imitez la Nature:
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Résumé : POEME Sur les progrès de l'Art des Jardins. Sous LOÜIS LE GRAND.
Le texte 'POEM E' célèbre les avancées de l'art des jardins sous le règne de Louis XIV. En avril 1732, l'auteur invoque les Muses pour inspirer ses vers et aspire à égaler la grandeur de cette époque. Il souligne que l'art des jardins a atteint une perfection où la nature et l'art se sont harmonisés sous la guidance de la raison, créant des jardins d'une beauté exceptionnelle, loin des excès des jardins suspendus des époques antérieures. Le poème met en lumière deux célèbres jardiniers du règne de Louis XIV, comparés à des Vertumnes, qui ont su ordonner la nature et lui donner un aspect simple et noble. Le premier a su dompter les éléments naturels, créer des jeux d'eau et des théâtres divers, et animer les jardins avec des statues de dieux. Le second a amélioré les fruits et les plantes, rendant les vergers à la fois productifs et esthétiques. L'auteur exalte également les repas simples et innocents des ancêtres, ramenés à la cour par ce roi sage. Il conclut en priant pour que les bienfaits du règne de Louis XIV soient éternels, comparant le roi à un olivier dont les rejets prolifèrent. Le texte se termine par une exhortation aux auteurs à imiter la nature dans leurs écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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583
p. 661-671
EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Début :
Deux Corps égaux ou inégaux, suspendus aux deux extrémitez d'un [...]
Mots clefs :
Corps, Mouvement, Force, Sensible, Mécanismes, Principe des Machines, Géomètres, Physiciens
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
EXPLICATIONPhysico-Mathematique
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
-662 MERCURE DE FRANCE
puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
AVRIL 1732. 603
2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
AVRIL. 1732. 665
teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
666 MERCURE DE FRANCE
L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
1
AVRIL. -1732. 1 667
ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
AVRIL: 17320 669
peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
-
rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
AVRIL 1732 678
d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
-662 MERCURE DE FRANCE
puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
AVRIL 1732. 603
2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
AVRIL. 1732. 665
teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
666 MERCURE DE FRANCE
L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
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ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
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peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
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rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
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d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
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Résumé : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Le texte 'Explication Physico-Mathematique du Principe des Machines' traite du principe de l'équilibre des corps sur un levier. Lorsque deux corps, égaux ou inégaux, sont suspendus aux extrémités d'un levier appuyé sur un pivot fixe, ils sont en équilibre lorsque leurs forces relatives sont égales. Cette égalité repose sur la réciprocité des corps et de leur distance par rapport au point fixe. Les Cartésiens expliquent cet équilibre par des raisons mathématiques et géométriques, affirmant que si les corps se mettaient en mouvement, leurs mouvements seraient égaux, les espaces parcourus ou les vitesses compensant les masses. Cependant, les physiciens recherchent une explication plus profonde de la force actuelle des corps en équilibre. L'auteur critique Descartes pour ne pas avoir expliqué l'équilibre par l'effort actuel des corps. Il introduit l'idée d'un mouvement secret et insensible des corps pesants, qui tendent toujours à tomber, même lorsqu'ils sont arrêtés. Ce mouvement secret est décrit comme un effort continu et redoublé, essentiel pour maintenir l'équilibre. L'auteur distingue la pesanteur, cause de la chute, de la chute elle-même, qui en est l'effet. Il illustre cette tendance des corps à tomber par divers exemples, comme l'eau qui coule ou l'air qui remplit les espaces vides. Il conclut que tous les corps font un effort continu vers le centre, effort qui est la cause de l'équilibre. L'auteur critique également Descartes pour avoir négligé ce mouvement secret et insensible, et propose que l'impulsion est un effet secondaire de la répulsion. Il illustre ce principe par divers exemples, comme la marche, la nage ou le vol des oiseaux, montrant que tout mouvement implique une réaction de repoussement. Enfin, l'auteur affirme que l'équilibre des corps sur un levier est maintenu par des vibrations et des secousses, et que cette force est égale de part et d'autre car le mouvement est proportionné à la longueur des leviers. Il conclut que tous les équilibres de l'Univers se font par ces efforts continus et redoublés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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584
p. 672-674
THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
Début :
L'Amour vient de monter ma Lire; [...]
Mots clefs :
Thérèse, Idole, Guide, Coeur, Chansons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
THERESE,
ODE.
Par M. de Soultrait , Maître des Comptes
de la Chambre de Nevers.
L'Amou Amour vient de monter ma Lire ;
Therese anime mes Concerts.
Guidé par le feu qui m'inspire ,
Je vois à flots couler mes Vers.
Fuyez d'ici , Troupe égarée
Des sentiers de la verité.
Cherchez une Idole parée ;
Pour moije veux du temps d'Astrée ;
Rappeller la simplicité.
M
Achile , aux Rives du Scamandre;
A
Briscooffrit des voeux.
A
Glicere , Horace sçut rendre ,
Tout ce qu'on doit à de beaux yeux;
L'un et l'autre , de la parure ,
Evitant l'appas médité
Echapperent à l'imposture ;
Et
3.
AVRIL. 1732. 673
Et placerent dans la Nature ,
Le Trône de la Volupté.
龍
Seroit-ce au brillant étalage ,
De quelque frivole ornement ,
Que mon cœur fixeroit l'hommage ,
A la beauté dû seulement.
Mais j'entends l'instinct qui s'explique.
Il me fait dire par mes sens ,
Que votre cœur au vrai s'applique ;
Tout autre culte est fanatique ,
Et flétriroit vos sentimens
Lecteurs , de Cyrus , de Clelie ,
Vous ne goutez pas mes Leçons
Votre ame est trop enorgueillie ,
Pour vous prêter à mes raisons
Voyez Venus fendant les Nuës ,
Qui vient approuver mes accens.
Et , se mocquant de vos bévûës
Voyez les Graces demi nuës ,
Rejetter vos fades encens.
Décorez-vous , Héros du Tasse ,
De la vertu des Paladins ,
Morfondez-vous suivant leur trace C1
Je
774 MERCURE DE FRANCE
Je vous suis par d'autres chemins ;
Horace que je prends pour guide,
Présente Therese à mes feux.
Un air naïf, fimple , timide
Vaut mieux que les faveurs d'Armide
Pour l'Amant qui veut être heureux,
Enfant chéri de la Nature ,
Therese , objet de tous ses dons;
Je veux que la Race future,
Te connoisse par mes Chansons,
Si la Fortune qui nous joue,
Dans sa colere a fait ton sort;
Tevoyant au bas de sa Roue ,
Est-il un Mortel qui n'avoue,
Qu'elle est aveugle et qu'elle a tort.
ODE.
Par M. de Soultrait , Maître des Comptes
de la Chambre de Nevers.
L'Amou Amour vient de monter ma Lire ;
Therese anime mes Concerts.
Guidé par le feu qui m'inspire ,
Je vois à flots couler mes Vers.
Fuyez d'ici , Troupe égarée
Des sentiers de la verité.
Cherchez une Idole parée ;
Pour moije veux du temps d'Astrée ;
Rappeller la simplicité.
M
Achile , aux Rives du Scamandre;
A
Briscooffrit des voeux.
A
Glicere , Horace sçut rendre ,
Tout ce qu'on doit à de beaux yeux;
L'un et l'autre , de la parure ,
Evitant l'appas médité
Echapperent à l'imposture ;
Et
3.
AVRIL. 1732. 673
Et placerent dans la Nature ,
Le Trône de la Volupté.
龍
Seroit-ce au brillant étalage ,
De quelque frivole ornement ,
Que mon cœur fixeroit l'hommage ,
A la beauté dû seulement.
Mais j'entends l'instinct qui s'explique.
Il me fait dire par mes sens ,
Que votre cœur au vrai s'applique ;
Tout autre culte est fanatique ,
Et flétriroit vos sentimens
Lecteurs , de Cyrus , de Clelie ,
Vous ne goutez pas mes Leçons
Votre ame est trop enorgueillie ,
Pour vous prêter à mes raisons
Voyez Venus fendant les Nuës ,
Qui vient approuver mes accens.
Et , se mocquant de vos bévûës
Voyez les Graces demi nuës ,
Rejetter vos fades encens.
Décorez-vous , Héros du Tasse ,
De la vertu des Paladins ,
Morfondez-vous suivant leur trace C1
Je
774 MERCURE DE FRANCE
Je vous suis par d'autres chemins ;
Horace que je prends pour guide,
Présente Therese à mes feux.
Un air naïf, fimple , timide
Vaut mieux que les faveurs d'Armide
Pour l'Amant qui veut être heureux,
Enfant chéri de la Nature ,
Therese , objet de tous ses dons;
Je veux que la Race future,
Te connoisse par mes Chansons,
Si la Fortune qui nous joue,
Dans sa colere a fait ton sort;
Tevoyant au bas de sa Roue ,
Est-il un Mortel qui n'avoue,
Qu'elle est aveugle et qu'elle a tort.
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Résumé : THERESE, ODE. Par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers.
Le texte est une ode intitulée 'THERESE' écrite par M. de Soultrait, Maître des Comptes de la Chambre de Nevers. L'auteur exprime son amour pour Thérèse, qui inspire ses concerts et ses vers. Il critique ceux qui s'éloignent de la vérité et cherchent des idoles artificielles, préférant la simplicité et la nature. Il cite des exemples de la mythologie et de la littérature, comme Achille et Horace, pour illustrer la pureté des sentiments amoureux. L'auteur rejette les ornements frivoles et les apparences trompeuses, affirmant que son cœur est attiré par la véritable beauté. Il invite les lecteurs à suivre des leçons de simplicité et de naturel, en opposition à l'orgueil et aux fausses valeurs. Thérèse est présentée comme un enfant chéri de la nature, digne d'être connu par les générations futures. L'auteur critique également la fortune aveugle qui peut jouer avec le destin des hommes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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585
p. 674-683
REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Début :
J'ay lû ce que M.L.B. oppose aux Remarques que [...]
Mots clefs :
Inscription d'Auxerre, Ovinius, Monnaies antiques, Ouvrage, M. L. B., Association, Guerre, Alexandre
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texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
REPLIQUE àla Réponse de M, L. B
sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Ay lû ce que M. L. B. oppose aux
Remarques que j'ai données dans le
mois de Juillet dernier , sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre. Sa Réponse est d'un homme du métier qui
écrit d'une maniere aussi spirituelle que
sçavante;
AVRIL. 1732. 675
sçavante ; mais les raisonnemens qu'il
employe pour soutenir sa prétendue association d'Ovinius , ne me paroissent pas
solides , et il m'accuse d'ailleurs assez légerement de lui faire dire au sujet de la
Guerre d'Allemagne , ce qu'il ne dit pas,
et cela dans la vûë de combattre son sentiment ; il me permettra donc , s'il lui
plaît, de m'expliquer sur ces deux articles.
Premierement,pour ce qui regarde Ovinius , je soutiens , comme je l'ai déja fait,
que la lecturo seule du Texte de Lampride , qui nous rapporte l'association de ce
Sénateur à l'Empire , suffit pour nous
convaincre de la fausseté de cet Evenement. En effet a-t'on jamais vû qu'un
Prince puissant et paisible , à la premiere
nouvelle qu'un de ses Sujets est dans le
dessein de brouiller l'Etat , ait aussi- tôt .
sans autre consideration et par une foiblesse indigne , partagé avec lui son pouvoir , l'ait associé au Trône, et lui ait voulû de plus laisser le commandement des
Armées , c'est-à-dire en bon François
se livrer entierement à sa discretion. Voilà
pourtant la conduite de Severe Alexandre , si l'on s'en rapporte à Lampride.
Cum quidam Ovinius ... rebellare voluisset...participem imperii appellavit ... &
eam expeditio barbarica esset nunciata
Ciij vel
676 MERCURE DE FRANCE
vel ipsum, si vellet ire, vel ut secum proficis ceretur hortatus est. Un tel récit révolte le
Lecteur le plus crédule , aussi ne suis-je
pas le seul qui le révoque en doute. It
me suffira pour la de preuve, rapporter
ici les paroles de M. de Tillemont , sur
l'action qui fait la dispute. Nous ne vou
lons pas omettre ici , ( dit cet Auteur , p.
214. du Tome 3. de l'Hist. des Empereurs ) un Evenement qui semble apparte
nir plus que tout autre à l'an 228. S'il est
veritable dans toutes les circonstances que
l'on en dit ; car il est vrai qu'il y en a qui
paroissent tenir de la fable.
Secondement, non-seulement les Auteurs qui vivoient sous Severe Alexandre
et dont les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous , comme Dion et Herodien, (a)
ne nous disent rien de l'Association d'O
vinius ; mais par la maniere dont ils nous
marquent que Severe Alexandre agit dans
des temps de Révolte , il nous font assez
connoître ce que nous devons penser du
(a) En citant Herodien , je réponds incidemment à une Observation de M. L. B. qui prétend
que le silence des Historiens sur le sujet d'Ovinius , ne vient que de ce que ces Auteurs n'ont
écrit que de simples abregez. Herodien seurement ne passera jamais pour un Epitomiste , et le silence d'un Ecrivain aussi exact , balancera toujours l'autorité de Lampride,
récit
AVRIL. 1732.
677
récit de Lampride. Puisque chez eux Se- vere Alexandre est un Prince ferme et
vigilant , qui au premier bruit de quel¬
que entreprise contre son autorité , a
soin de la réprimer avec courage et d'en
punir les auteurs. Conduite qui convient
parfaitement à un Empereur , que M.L.B.
lui-même compare à Trajan. Voici les
Passages des Auteurs que j'ai citez . Per
id tempus ( dit Dion ) multa rebellionesfacte
sunt , quarum cum fuissent formidolosa ,
repressa ac restincta sunt. Et selon Hérodien: Nequi non in Syria res novas contra
Imperium moliti alii , sed universioppressi
statim supplicioque affecti sunt.
En troisiéme lieu , ce qui s'observoit
d'abord dans l'association d'un Prince à
l'Empire , étoit de frapper des Monnoyes
(a) au coin du nouveau Souverain , ç'a
été un usageconstamment gardé sous tous
les Empereurs ; soit que ces Associations
ayent été libres , comme celles de Trajan
par Nerva, d'Elius par Hadrien , soit
qu'elles ayent.été forcées , comme quand
Balbin et Puppien furent obligez de déclarer Cesar le jeune Gordien , ou que
(a) Et vero simul Imperii summam adepti erant ,
Imperatores ) prima hac cura fuit nummos sua ,
mox conjugum denique et liberorum effigie insignire.
Anton, Augustinus. Dial. T. de Vet. Num. antiq..
Cij Ma-
678 MERCURE DE FRANCE
Maximien Hercule fut contraint par Galere , d'accorder le même titre à Severe.
Il nous reste des Médailles de tous ces
Princes. Ovinius seroit- il le seul pour qui
on eut négligé une coûtume si essentielle
et si continue? Sur tout ce Sénateur ayant
vécu plus de 7 ans , après sa prétendue
association , si l'on s'en rapporte à M.L.B.
qui ne le fait mourir qu'après Severe
Aléxandre.
Enfin pour me servir des armes que
M. L. B. me fournit lui-même, je ferai
remarquer que si Ovinius avoit effectivement été associé par Severe Alexandre;
les Loix que ce dernier donna la même
année de cet Evénement , n'auroient pas
manqué de faire mention d'Ovinius , ou
nommément ou en nom collectif , ce qui
n'est pas., Severe Aléxandre y étant seul
nommé , et cela contre la Regle générale , s'il avoit cu un Collégue ; puisque
nous voyons dans toutes les Loix des Empereurs qui nous restent , le nombre des
Augustes qui regnoient,' exactement marqué. Divi FRATRES AA. IMP. Severus
ET ANTON. A.A. IMPP.GRATIANUS VALENS
ET THEODOSIUS AAA.
Mais , dit M. L. B. l'association d'Ovinius nous est racontée par un Auteur de
réputation , qui vivoit seulement cent ans
après
AVRIL 17320 679
après Severe Alexandre , et qui comme il
le dit lui-même , avoit emprunté ce fait
des Mémoires de quatre Courtisans de ce
Prince; en faut-il davantage pour autoriser cet Evenement ? Je réponds , que ces
quatre Auteurs n'étant point connus autrement que par ce que nous en dit Lampride , ou les autres Auteurs de l'Histoire
Auguste on n'en sçauroit tirer aucun avantage , s'il est vrai qu'on soit en droit de
révoquer en doute ce que ces Ecrivains
avancent, quand il ne se trouve pas d'ail
leurs confirmé , du moins pour le fonds;.
et c'est ce qu'il est aisé de prouver.
teurs ,
Le corps d'Histoire,appellée Auguste, est
l'ouvrage d'un Compilateur , demi sçavant, qui sans choix , et sans ordre , a
mêlé ensemble les Narrations des Audont son Recueil porte les noms
et de quelques autres , peut-être encore ,
qui nous sont inconnus. C'est le sentiment
de ( a ) Casaubon , de ( b ) Saumaise , et
de M. de ( c) Tillemont , qui suffit pour
nous convaincre, qu'à moins que les faitsqu'on trouve dans cette compilation , ne
se rencontrent ailleurs , on est toujours
(a ) Casaub. Pref. in Hist. Augustë”-
(b ) Saum. Idem .
(c) Till. tom. 4. pag. 66.
Cly bien
680 MERCURE DE FRANCE
reçu , comme je l'ai dit, à ne les point bien
recevoir comme véritables.
د
Mais M. L. B. qui veut absolument
donner la Pourpre à Ovinius , a trouvé
une maniere de le faire , sans inter
resser le Prince. C'est de dire que du côté
de Severe Alexandre , l'association d'O
vinius pouvoit n'être que simulée. J'ai
honte de rapporter un expédient aussi
foible et qui tout mysterieux qu'il est , s'il
étoit même véritable , ne changeoit rien .
aux inconveniens , que n'auroit pas manqué d'emporter avec elle une action aussi
publique , et d'une aussi grande consé→
quence , du moins pour les peuples , qui
conduit par les apparences , auroient tou
jours été dans la bonne foy.
Je passe donc à la seconde partie de la
réponse de M. L. B. mais je dois conve
nir auparavant avec lui,que le mot Vulgi,
que j'ai cité dans ma Lettre du mois de
Juillet , se rapporte moins à l'associa
tion d'Ovinius, qu'au temps où elle peutavoir été faite , sous Trajan ou sous Seve
re Alexandre. C'est un manque d'atten
tion de mapart , mais qui n'ôte rien à mes
preuves , et que je ne veux pas excuser.
M. L. B. nous dit que par l'expedition
qui suivit l'association d'Ovinius, il a entendu la guerre d'Illyrie , qu'on peut appeller :
AVRIL. 1732. 681
peller la Guerre d'Allemagne , et que je
suppose que c'est de la derniere guerre
d'Allemagne dans laquelle périt Severe
Alexandre , dont il a voulu parler. Qu'il
me soit permis de dire que jamais repro
che ne fut plus mal fondé. 1º . En parlant
simplement d'une guerre contre les Allemans , comme a fait M. L. B. dans sa
Lettre du mois de May , il est naturel
`d'entendre la derniere contre ces peuples,
comme la plus considérable , et celle où
ils sont désignez par leur nom dans Lam- "
pride. 2°. C'est , qu'en suivant cet Auteur , comme il a fait , on ne peut l'en- "
rendre autrement. Je m'explique : Lampride nous dit que Severe Alexandre "
ayant appris l'irruption de quelques Barbares sur les Terres de l'Empire , marcha
en personne contre eux , et que dans ce
voyage il mena Ovinius ; or cecy ne peut
convenir à l'expédition d'Illyrie où ce
Prince ne se trouva pas , et qui fut conduite par ses Généraux ; le Texte de Lam
pride y est précis. Acta sunt res feliciter et
in Mauretania per Durium Celsum , et in
Illyrico per Varium Macrinum. Ainsi , s'il
s'agit d'Allemans , et que Severe Alexan- 1
dre ait marché contre eux ; ce ne peutêtre
que dans la seconde guerre , et j'ai euraison d'avancer que quand même l'associa
Cvj tion
682 MERCURE DE FRANCE
tion d'Ovinius ne seroit pas insoutenable. M. L. B. se seroit toujours trompé à
cet égard.
Voilà ce que j'avois à dire pour madeffence ; mais avant que de finir,je dois rapporter une Inscription , qui fait , au sujet
qui nous divise, M. L. B. et moi. Elle se
trouve à Rome , dans les Jardins du Palais Giustiniani , et c'est Reinesius qui la
rapporte.
Syntag. Inscrip. Antiq. cxIx. Part. I.
FORTVNE AVG..
PRO. SAL VTE FERENDINE
DOMINORVM. NN.
SEVERI. PIL. AV G.
FIL. IVLIÆ. AVG. MATRIS
و
Dans cette Inscription , comme on le
voit, Antonin Caracalle et Julie sa mere
sont appellez Domini nostri, ce qui est une
confirmation tout- à- fait décisive de l'ex-.
plication que j'ai donnée de Dominorum
nostrorum , de l'Inscription d'Auxerre , en
l'entendant de Severe Alexandre et de:
Mammée , mere de ce Prince. Tout est
semblable dans ces deux Monumens ; j'ajoute seulement que quoiqu'il semble d'abord qu'on puisse aussi- bien expliquer
celle
AVRIL. 17320 6·831
celle d'Auxerre par rapport à Severe Alexandre et à Sallustia Bårbia Osbiana " son.
épouse ; et que je paroisse en quelque façon donner dans mes Remarques l'alternative sur ce sujet. Je suis néanmoins trèspersuadé que c'est de Mammée seule, que.
I'Inscription peut parler, parce que les(a)
Médailles Grecques qui nous restent d'Orbiana , et qui sont marquées des années.
du Regne de son Mary, nous offrent seu--
lement la cinquième année de ce Prince ;
et comme l'Inscription a été posée la septiéme, il n'y a pas d'apparence d'y trou
ver Orbiana, que Herodion, sans la nommer, nous dit avoir été renvoyée peu de
temps après son mariage , aux instances
de sa belle-mere, j'alouse qu'une autre
partageat avec elle les honneurs de la
Cour. Dedit autem ( Mammée ) filio in matrimoniumpuellam... eadempaulo post aula
per omnem contumeliam exegit , et quum ipsa
tantum vocari angusta vellet , &c.
A Orleans , ce 7 Fev. 1732.D.P..
(a)Vaillant. Nusmism. Graca
sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
Ay lû ce que M. L. B. oppose aux
Remarques que j'ai données dans le
mois de Juillet dernier , sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre. Sa Réponse est d'un homme du métier qui
écrit d'une maniere aussi spirituelle que
sçavante;
AVRIL. 1732. 675
sçavante ; mais les raisonnemens qu'il
employe pour soutenir sa prétendue association d'Ovinius , ne me paroissent pas
solides , et il m'accuse d'ailleurs assez légerement de lui faire dire au sujet de la
Guerre d'Allemagne , ce qu'il ne dit pas,
et cela dans la vûë de combattre son sentiment ; il me permettra donc , s'il lui
plaît, de m'expliquer sur ces deux articles.
Premierement,pour ce qui regarde Ovinius , je soutiens , comme je l'ai déja fait,
que la lecturo seule du Texte de Lampride , qui nous rapporte l'association de ce
Sénateur à l'Empire , suffit pour nous
convaincre de la fausseté de cet Evenement. En effet a-t'on jamais vû qu'un
Prince puissant et paisible , à la premiere
nouvelle qu'un de ses Sujets est dans le
dessein de brouiller l'Etat , ait aussi- tôt .
sans autre consideration et par une foiblesse indigne , partagé avec lui son pouvoir , l'ait associé au Trône, et lui ait voulû de plus laisser le commandement des
Armées , c'est-à-dire en bon François
se livrer entierement à sa discretion. Voilà
pourtant la conduite de Severe Alexandre , si l'on s'en rapporte à Lampride.
Cum quidam Ovinius ... rebellare voluisset...participem imperii appellavit ... &
eam expeditio barbarica esset nunciata
Ciij vel
676 MERCURE DE FRANCE
vel ipsum, si vellet ire, vel ut secum proficis ceretur hortatus est. Un tel récit révolte le
Lecteur le plus crédule , aussi ne suis-je
pas le seul qui le révoque en doute. It
me suffira pour la de preuve, rapporter
ici les paroles de M. de Tillemont , sur
l'action qui fait la dispute. Nous ne vou
lons pas omettre ici , ( dit cet Auteur , p.
214. du Tome 3. de l'Hist. des Empereurs ) un Evenement qui semble apparte
nir plus que tout autre à l'an 228. S'il est
veritable dans toutes les circonstances que
l'on en dit ; car il est vrai qu'il y en a qui
paroissent tenir de la fable.
Secondement, non-seulement les Auteurs qui vivoient sous Severe Alexandre
et dont les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous , comme Dion et Herodien, (a)
ne nous disent rien de l'Association d'O
vinius ; mais par la maniere dont ils nous
marquent que Severe Alexandre agit dans
des temps de Révolte , il nous font assez
connoître ce que nous devons penser du
(a) En citant Herodien , je réponds incidemment à une Observation de M. L. B. qui prétend
que le silence des Historiens sur le sujet d'Ovinius , ne vient que de ce que ces Auteurs n'ont
écrit que de simples abregez. Herodien seurement ne passera jamais pour un Epitomiste , et le silence d'un Ecrivain aussi exact , balancera toujours l'autorité de Lampride,
récit
AVRIL. 1732.
677
récit de Lampride. Puisque chez eux Se- vere Alexandre est un Prince ferme et
vigilant , qui au premier bruit de quel¬
que entreprise contre son autorité , a
soin de la réprimer avec courage et d'en
punir les auteurs. Conduite qui convient
parfaitement à un Empereur , que M.L.B.
lui-même compare à Trajan. Voici les
Passages des Auteurs que j'ai citez . Per
id tempus ( dit Dion ) multa rebellionesfacte
sunt , quarum cum fuissent formidolosa ,
repressa ac restincta sunt. Et selon Hérodien: Nequi non in Syria res novas contra
Imperium moliti alii , sed universioppressi
statim supplicioque affecti sunt.
En troisiéme lieu , ce qui s'observoit
d'abord dans l'association d'un Prince à
l'Empire , étoit de frapper des Monnoyes
(a) au coin du nouveau Souverain , ç'a
été un usageconstamment gardé sous tous
les Empereurs ; soit que ces Associations
ayent été libres , comme celles de Trajan
par Nerva, d'Elius par Hadrien , soit
qu'elles ayent.été forcées , comme quand
Balbin et Puppien furent obligez de déclarer Cesar le jeune Gordien , ou que
(a) Et vero simul Imperii summam adepti erant ,
Imperatores ) prima hac cura fuit nummos sua ,
mox conjugum denique et liberorum effigie insignire.
Anton, Augustinus. Dial. T. de Vet. Num. antiq..
Cij Ma-
678 MERCURE DE FRANCE
Maximien Hercule fut contraint par Galere , d'accorder le même titre à Severe.
Il nous reste des Médailles de tous ces
Princes. Ovinius seroit- il le seul pour qui
on eut négligé une coûtume si essentielle
et si continue? Sur tout ce Sénateur ayant
vécu plus de 7 ans , après sa prétendue
association , si l'on s'en rapporte à M.L.B.
qui ne le fait mourir qu'après Severe
Aléxandre.
Enfin pour me servir des armes que
M. L. B. me fournit lui-même, je ferai
remarquer que si Ovinius avoit effectivement été associé par Severe Alexandre;
les Loix que ce dernier donna la même
année de cet Evénement , n'auroient pas
manqué de faire mention d'Ovinius , ou
nommément ou en nom collectif , ce qui
n'est pas., Severe Aléxandre y étant seul
nommé , et cela contre la Regle générale , s'il avoit cu un Collégue ; puisque
nous voyons dans toutes les Loix des Empereurs qui nous restent , le nombre des
Augustes qui regnoient,' exactement marqué. Divi FRATRES AA. IMP. Severus
ET ANTON. A.A. IMPP.GRATIANUS VALENS
ET THEODOSIUS AAA.
Mais , dit M. L. B. l'association d'Ovinius nous est racontée par un Auteur de
réputation , qui vivoit seulement cent ans
après
AVRIL 17320 679
après Severe Alexandre , et qui comme il
le dit lui-même , avoit emprunté ce fait
des Mémoires de quatre Courtisans de ce
Prince; en faut-il davantage pour autoriser cet Evenement ? Je réponds , que ces
quatre Auteurs n'étant point connus autrement que par ce que nous en dit Lampride , ou les autres Auteurs de l'Histoire
Auguste on n'en sçauroit tirer aucun avantage , s'il est vrai qu'on soit en droit de
révoquer en doute ce que ces Ecrivains
avancent, quand il ne se trouve pas d'ail
leurs confirmé , du moins pour le fonds;.
et c'est ce qu'il est aisé de prouver.
teurs ,
Le corps d'Histoire,appellée Auguste, est
l'ouvrage d'un Compilateur , demi sçavant, qui sans choix , et sans ordre , a
mêlé ensemble les Narrations des Audont son Recueil porte les noms
et de quelques autres , peut-être encore ,
qui nous sont inconnus. C'est le sentiment
de ( a ) Casaubon , de ( b ) Saumaise , et
de M. de ( c) Tillemont , qui suffit pour
nous convaincre, qu'à moins que les faitsqu'on trouve dans cette compilation , ne
se rencontrent ailleurs , on est toujours
(a ) Casaub. Pref. in Hist. Augustë”-
(b ) Saum. Idem .
(c) Till. tom. 4. pag. 66.
Cly bien
680 MERCURE DE FRANCE
reçu , comme je l'ai dit, à ne les point bien
recevoir comme véritables.
د
Mais M. L. B. qui veut absolument
donner la Pourpre à Ovinius , a trouvé
une maniere de le faire , sans inter
resser le Prince. C'est de dire que du côté
de Severe Alexandre , l'association d'O
vinius pouvoit n'être que simulée. J'ai
honte de rapporter un expédient aussi
foible et qui tout mysterieux qu'il est , s'il
étoit même véritable , ne changeoit rien .
aux inconveniens , que n'auroit pas manqué d'emporter avec elle une action aussi
publique , et d'une aussi grande consé→
quence , du moins pour les peuples , qui
conduit par les apparences , auroient tou
jours été dans la bonne foy.
Je passe donc à la seconde partie de la
réponse de M. L. B. mais je dois conve
nir auparavant avec lui,que le mot Vulgi,
que j'ai cité dans ma Lettre du mois de
Juillet , se rapporte moins à l'associa
tion d'Ovinius, qu'au temps où elle peutavoir été faite , sous Trajan ou sous Seve
re Alexandre. C'est un manque d'atten
tion de mapart , mais qui n'ôte rien à mes
preuves , et que je ne veux pas excuser.
M. L. B. nous dit que par l'expedition
qui suivit l'association d'Ovinius, il a entendu la guerre d'Illyrie , qu'on peut appeller :
AVRIL. 1732. 681
peller la Guerre d'Allemagne , et que je
suppose que c'est de la derniere guerre
d'Allemagne dans laquelle périt Severe
Alexandre , dont il a voulu parler. Qu'il
me soit permis de dire que jamais repro
che ne fut plus mal fondé. 1º . En parlant
simplement d'une guerre contre les Allemans , comme a fait M. L. B. dans sa
Lettre du mois de May , il est naturel
`d'entendre la derniere contre ces peuples,
comme la plus considérable , et celle où
ils sont désignez par leur nom dans Lam- "
pride. 2°. C'est , qu'en suivant cet Auteur , comme il a fait , on ne peut l'en- "
rendre autrement. Je m'explique : Lampride nous dit que Severe Alexandre "
ayant appris l'irruption de quelques Barbares sur les Terres de l'Empire , marcha
en personne contre eux , et que dans ce
voyage il mena Ovinius ; or cecy ne peut
convenir à l'expédition d'Illyrie où ce
Prince ne se trouva pas , et qui fut conduite par ses Généraux ; le Texte de Lam
pride y est précis. Acta sunt res feliciter et
in Mauretania per Durium Celsum , et in
Illyrico per Varium Macrinum. Ainsi , s'il
s'agit d'Allemans , et que Severe Alexan- 1
dre ait marché contre eux ; ce ne peutêtre
que dans la seconde guerre , et j'ai euraison d'avancer que quand même l'associa
Cvj tion
682 MERCURE DE FRANCE
tion d'Ovinius ne seroit pas insoutenable. M. L. B. se seroit toujours trompé à
cet égard.
Voilà ce que j'avois à dire pour madeffence ; mais avant que de finir,je dois rapporter une Inscription , qui fait , au sujet
qui nous divise, M. L. B. et moi. Elle se
trouve à Rome , dans les Jardins du Palais Giustiniani , et c'est Reinesius qui la
rapporte.
Syntag. Inscrip. Antiq. cxIx. Part. I.
FORTVNE AVG..
PRO. SAL VTE FERENDINE
DOMINORVM. NN.
SEVERI. PIL. AV G.
FIL. IVLIÆ. AVG. MATRIS
و
Dans cette Inscription , comme on le
voit, Antonin Caracalle et Julie sa mere
sont appellez Domini nostri, ce qui est une
confirmation tout- à- fait décisive de l'ex-.
plication que j'ai donnée de Dominorum
nostrorum , de l'Inscription d'Auxerre , en
l'entendant de Severe Alexandre et de:
Mammée , mere de ce Prince. Tout est
semblable dans ces deux Monumens ; j'ajoute seulement que quoiqu'il semble d'abord qu'on puisse aussi- bien expliquer
celle
AVRIL. 17320 6·831
celle d'Auxerre par rapport à Severe Alexandre et à Sallustia Bårbia Osbiana " son.
épouse ; et que je paroisse en quelque façon donner dans mes Remarques l'alternative sur ce sujet. Je suis néanmoins trèspersuadé que c'est de Mammée seule, que.
I'Inscription peut parler, parce que les(a)
Médailles Grecques qui nous restent d'Orbiana , et qui sont marquées des années.
du Regne de son Mary, nous offrent seu--
lement la cinquième année de ce Prince ;
et comme l'Inscription a été posée la septiéme, il n'y a pas d'apparence d'y trou
ver Orbiana, que Herodion, sans la nommer, nous dit avoir été renvoyée peu de
temps après son mariage , aux instances
de sa belle-mere, j'alouse qu'une autre
partageat avec elle les honneurs de la
Cour. Dedit autem ( Mammée ) filio in matrimoniumpuellam... eadempaulo post aula
per omnem contumeliam exegit , et quum ipsa
tantum vocari angusta vellet , &c.
A Orleans , ce 7 Fev. 1732.D.P..
(a)Vaillant. Nusmism. Graca
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Résumé : REPLIQUE à la Réponse de M.L.B. sur son Explication de l'Inscription d'Auxerre.
L'auteur répond à M. L. B. concernant l'interprétation d'une inscription d'Auxerre. Il conteste l'idée que Ovinius aurait été associé à l'Empire sous Sévère Alexandre, comme le suggère M. L. B. Selon l'auteur, la lecture du texte de Lampride, qui mentionne cet événement, suffit à en prouver la fausseté. Un prince puissant et pacifique n'aurait pas partagé son pouvoir avec un sujet rebelle sans considération préalable. L'auteur cite également M. de Tillemont, qui exprime des doutes sur la véracité de cet événement. Les historiens contemporains de Sévère Alexandre, tels que Dion et Hérode, ne font aucune mention de cette association et décrivent l'empereur comme un prince ferme et vigilant. L'auteur souligne que les empereurs avaient l'habitude de frapper des monnaies à l'effigie des nouveaux souverains associés, ce qui n'a pas été fait pour Ovinius. L'auteur réfute également l'argument de M. L. B. selon lequel l'association d'Ovinius pourrait avoir été simulée. Il corrige une erreur concernant l'interprétation d'un mot dans sa lettre précédente. Enfin, il présente une inscription romaine qui confirme son interprétation de l'inscription d'Auxerre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
586
p. 684-686
ARIANE. CANTATE.
Début :
L'Infidèle Thésée, épris de nouveaux charmes; [...]
Mots clefs :
Ariane , Thésée, Amour, Nouvelles faveurs, Inconstance, Venger
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texteReconnaissance textuelle : ARIANE. CANTATE.
ARIAN E
CANTATE
L'Infidele Thésée , épris de nouveaux charmes ;
Avoit laissé la fille de Minos
Exposée aux fureurs des Monstres de Naxos
Şans espoir de tarir la source de ses larmes ;
La trifte Ariane en ces mots ,
Aux Echos d'alentour annonçoit ses allarmes,
Le souvenir odieux
Del'ingrat qui m'abandonne‚¨
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne,
Quand de més jaloux transports
Je suis la seule victime ,*
Mon perfide sans remords,
Goute les fruits de son crime
Mais que mille objets divers ;
Pour prix de son inconstance
Dédaignent , les vœux offerts ,
Du volage qui m'offense.
Lex
AVRIL. 1732. 685
Le souvenir odieux
De l'ingrat qui m'abandonne ,
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne.
Tandis qu'Ariane outragée ,
Aux Rochers attendris racontoit ses malheurs
Foibles soulagemens à ses vives douleurs !
L'amour pour consoler cette amante affligée
De la perte du fils d'Egée ,
7
Soumet Bacchus à ses attraits
Et ce fier. Dieu , blessé de mille traits,
Vient ainsi rendre hommage à sa beauté vangée.
Lorsqu'à chasser vos déplaisirs
Un Dieu lui - même s'y interesse
Pour un ingrat qui vous délaisse
Osez-vous pousser des soupirs ?
Laisserez-vous , belle Ariane,
Ternir l'éclat de vos appas
Dans l'obscurité du trépas •
です
Où votre douleur les condamnes ??
Mortelle , oubliez les mortels ,
Un Dieu que l'Univers adore ,
A votre douleur qu'il implore ,
Dresse lui-même des Autels.
Qui
686 MERCURE DE FRANCE
Qui l'eût cru! pour bruler d'une flame nouvelle
L'Amante de Thésée éteint ses premiers feux ;
Mais malgré les efforts de Bacchus amoureux
A sa premiere ardeur Ariane fidelle ,
N'auroit pas ressenti cet heureux changement ;
Si l'amour qui veilloit à leur contentement
N'avoit effacé de son ame
L'injurieux oubli dont son perfide amant™
Avoit payé l'ardeur de la plus belle flame.
*
Jeunes Beautez , si quelque amant ve
lage ,
De votre joug dédaigne lès douceurs ,
L'Amour,soigneux devanger cet outrage,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
A ses desseins rendez-vous favorables ,
Il tarira la source de vos pleurs ,
Brulez de nouveaux feux , et ces feux plus du-- rables ,
Vous feront oublier l'objet de vos douleurs.
Jeunes Beautéz , si quelque Amant volage ,
Dé votre joug dédaigne les douceurs ,
L'Amour, soigneux de vanger cet outrage ,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
J. M. GAULT DE R. $
REMAR
CANTATE
L'Infidele Thésée , épris de nouveaux charmes ;
Avoit laissé la fille de Minos
Exposée aux fureurs des Monstres de Naxos
Şans espoir de tarir la source de ses larmes ;
La trifte Ariane en ces mots ,
Aux Echos d'alentour annonçoit ses allarmes,
Le souvenir odieux
Del'ingrat qui m'abandonne‚¨
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne,
Quand de més jaloux transports
Je suis la seule victime ,*
Mon perfide sans remords,
Goute les fruits de son crime
Mais que mille objets divers ;
Pour prix de son inconstance
Dédaignent , les vœux offerts ,
Du volage qui m'offense.
Lex
AVRIL. 1732. 685
Le souvenir odieux
De l'ingrat qui m'abandonne ,
M'est un tourment plus affreux
Que la mort qui m'environne.
Tandis qu'Ariane outragée ,
Aux Rochers attendris racontoit ses malheurs
Foibles soulagemens à ses vives douleurs !
L'amour pour consoler cette amante affligée
De la perte du fils d'Egée ,
7
Soumet Bacchus à ses attraits
Et ce fier. Dieu , blessé de mille traits,
Vient ainsi rendre hommage à sa beauté vangée.
Lorsqu'à chasser vos déplaisirs
Un Dieu lui - même s'y interesse
Pour un ingrat qui vous délaisse
Osez-vous pousser des soupirs ?
Laisserez-vous , belle Ariane,
Ternir l'éclat de vos appas
Dans l'obscurité du trépas •
です
Où votre douleur les condamnes ??
Mortelle , oubliez les mortels ,
Un Dieu que l'Univers adore ,
A votre douleur qu'il implore ,
Dresse lui-même des Autels.
Qui
686 MERCURE DE FRANCE
Qui l'eût cru! pour bruler d'une flame nouvelle
L'Amante de Thésée éteint ses premiers feux ;
Mais malgré les efforts de Bacchus amoureux
A sa premiere ardeur Ariane fidelle ,
N'auroit pas ressenti cet heureux changement ;
Si l'amour qui veilloit à leur contentement
N'avoit effacé de son ame
L'injurieux oubli dont son perfide amant™
Avoit payé l'ardeur de la plus belle flame.
*
Jeunes Beautez , si quelque amant ve
lage ,
De votre joug dédaigne lès douceurs ,
L'Amour,soigneux devanger cet outrage,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
A ses desseins rendez-vous favorables ,
Il tarira la source de vos pleurs ,
Brulez de nouveaux feux , et ces feux plus du-- rables ,
Vous feront oublier l'objet de vos douleurs.
Jeunes Beautéz , si quelque Amant volage ,
Dé votre joug dédaigne les douceurs ,
L'Amour, soigneux de vanger cet outrage ,
Vous comblera de nouvelles faveurs.
J. M. GAULT DE R. $
REMAR
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Résumé : ARIANE. CANTATE.
Le texte narre la tragédie d'Ariane, abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos. Ariane exprime sa douleur et son désespoir face à l'ingratitude de Thésée, comparant sa souffrance à une mort environnante. Elle se remémore amèrement l'homme qui l'a laissée seule face aux monstres de l'île. Malgré ses malheurs, elle trouve un certain soulagement en partageant ses douleurs avec les rochers. Bacchus, ému par sa souffrance, lui offre son amour pour consoler sa perte. Il la persuade de ne pas se laisser abattre par la trahison de Thésée et de reconnaître la valeur de l'amour divin qu'il lui porte. Ariane, initialement fidèle à Thésée, finit par accepter l'amour de Bacchus, effaçant ainsi le souvenir douloureux de son premier amour. Le texte se conclut par un conseil aux jeunes beautés : si un amant volage les dédaigne, l'amour saura les venger en leur offrant de nouvelles faveurs et en tarissant la source de leurs pleurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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587
p. 687-692
REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
Début :
Les Nouvellistes du Parnasse nous régalent si souvent de ce [...]
Mots clefs :
Histoire de l'Église de Meaux, Cloches, Inscription, Siècle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
REMARQUE sur un endroit de
l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par
Dom du Plessis.
Es Nouvellistes du Parnasse nous réLgalent galent si souvent de ce qui leur paroît réjouissant dans l'Histoire de l'Eglise.
de Meaux; comme Epitaphes, Articles de
Testamens, Titres d'Eglises , &c. que cela
m'a fait naître l'envie de lire cette Histoire. En me donnant cette satisfaction ,
je suis tombé dès le second jour sur une
circonstance particuliere qui regarde l'an
tiquité d'un Prieuré de ce Diocèse.Quoique l'Auteur ne manque pas de preuves ,
qui établissent cette antiquité , il en va
chercher une jusques sur une Cloche ;
mais par malheur il ne prend pas, le veritable sens de l'Inscription qu'on y lit.
Et afin que vous n'en doutiez pas , il faut
vous nommer le Prieuré dont il est question. C'est celui de Nanteuil le Haudoin,
qui est sur les limites du Valois et du
Mulcien. Dom Toussaints du Plessis en
parle à la page 120. de son premier vo- Tume.
Il nous dit qu'une des deux Tours de
l'Eglise
·
683 MERCURE DE FRANCE
2.
l'Eglise de ce Prieuré , appellée la Tour
de Saint-Babylas , contient deux grosses
Cloches , sur l'une desquelles on lit ces
mots : Mentem sanctam , spontaneam , bo
norem Deo et patria liberationem. Radulfus
Silvanectensis nos fecit.Ces derniers mots,
dit- il , signifient : Raoul , Comte de Senlis
nous afaitfondre ; et il tire delà une seconde preuve de l'ancienneté de ce Monastere ; car , ajoute- t- il , le seul Raoul de
Senlis ou de Crépy , qui ait été Seigneur
de Nanteuil, vivoit sur la fin du dixième
siécle. Pour moy , en finissant de lire cet
endroit , je n'ai point hésité de dire que
Dom du Plessis ne donnoit point à l'Inscription de la Cloche, le sens qu'elle doir
avoir. Plein des noms personnels des Seigneurs du voisinage de Meaux , il a cru
en trouver jusques sur cette Cloche; et
quoique le Titre de Comes ne soit point
employé dans l'Inscription , il a cru pouvoir le sous- entendre.
Je ne sçai si Dom Toussains a visité ce
Prieuré en personne , et s'il a vû la Cloche dont il tire sa Preuve. Quelque soit
le caractere de l'fascription , il ne peut
être d'un siècle si reculé que le dixième.
Les Cloches sont sujettes à tant d'accidens , que ce seroit une merveille d'en
voir une grosse subsister depuis 7 à 8 cens
ans
AVRIL. 1732. 689
ans. Il n'y a qu'à faire attention aux differens malheurs , qui dans l'espace seulement d'un siecle , peuvent arriver à une
Eglise et à unClocher, pour comprendre.
que dans l'espace de huit siécles , ces accidens sont présumez, à plus forte raison,
avoir pu arriver. Comme l'Edifice de l'Eglise de Nanteuil , que j'ai vû et examiné, n'est point d'une si haute date, quoiqu'il soit ancien ; il faudroit dire encore ,
que cette Cloche proviendroit d'un Clocher de la Basilique précédente (a) ; mais
non , il n'y a qu'à s'en tenir au sens naturel de l'Inscription : Radulphus , Silvanectensis nos fecit , signifie tout naturellement : Raoul de Senlis nous a fonduës.
C'étoit un Fondeur , nommé Raoul, et
surnommé ou originaire de Senlis, qui fit
l'opération , et qui dirigea l'Inscription
de la Cloche.
Il n'y faut pas entendre plus de finesse , que dans les Inscriptions qu'on lit
au dessous des Statues , ou au bas des Tableaux. NN. sculpsit. NN. pinxit ; et
jamais on ne s'avisa de croire que les noms
propres , marquez au bas de ces ouvrages
soient ceux des personnes qui ont fait faire
les Tableaux ou les Statues. Chacun com-
(a )Il m'aparu que dans le côté droit , il ne
restoit que deux Pilliers de lapermiere Eglise.
prend
90 MERCURE DE FRANCE
prend que c'est celui des ouvriers.
Sa Sentence qui est avant la Note du
Fondeur,consiste dans l'Epitaphe de sainte Agathe. On la trouve dans la Légende de cette Sainte , et on la chante encore dans l'Office en plusieurs Eglises , le
jour du Martyre , de cette Vierge.
Tout ce que je puis en dire , est que
cette Inscription se mettoit communé
ment sur les Cloches,au quinziéme siècle.
L'Histoire des Evêques de Montpellier ,
du sieur Gariel , nous apprend qu'une
Cloche fondue , vers l'an 1450. pour les
Cordeliers de cette Ville , portoit la même Sentence : Mentem Sanctam , &c. Je
me souviens aussi qu'en l'an 1711. lorsqu'on eut descendu du Clocher de certains Religieux du même Ordre ( mais
d'une autre Province ) une Cloche cassée,
du poids d'environ 5 à 6 cens , j'y lûs les
mêmes paroles , en Lettres Gothiques, Capitales : MENTEM SANCTAM , &c. avec le
chiffre , M. CCCCXXV. Soit donc que ce fût
la Sentence favorite de quelques Fondeurs de Cloches au quinziéme siecle ,
soit que le Clergé ait eu en cela l'intention de mettre ces Cloches sous la protection de sainte Agathe; cela ne contribuë
pas davantage à faire croire que le Radul
phus de l'Inscription , fût un Comte de
Senlis ou de Crépy..
Il
AVRIL. 1732. €91
Il est vrai que l'on a pû être au quinziéme siécle dans l'usage d'opposer aux
accidens des Foudres et des Ouragans cette venerable Inscription qui a tant excité
la foy des Catanois , contre les périls menaçans du Mont Etna : Mais sans rafiner
dans la spiritualité plus qu'il ne convient,
le Cloche en question , ne viendroit- elle
point de l'Eglise de sainte Agathe de Crépy en Valois , qui n'est qu'à trois lieuës de
Nanteuil, et qui est tres-ancienne, à en juger par le Portail ? Il n'est pas rare de
voir une Cloche déplayée et portée d'un
Clocher dans un autre. Dom Toussaint
sçait à merveille que les Cloches de la
Cathedrale d'Orleans sont en vente , depuis que la Tour est abbatuë ; et que l'on
a eu quelques pensées de les transferer dans
les deux Tours de S. Laumer de Blois.On
pourroit produire des exemples de translation de Cloches d'une Eglise à une autre ; mais cette matiere est trop peu intéressante pour s'y étendre.
Vouspouvezjuger, M , par ce que j'ai
dit cy dessus , que je n'aurois aucune peine à croire qu'une petite Cloche , qui ne
seroit point d'usage , n'y exposée aux accidens , ne pûtsubsister des milliers d'années. Telle est celle que l'on montre à
S. Jeande Laon , et qu'on croit être du
temps
692 MERCURE DE FRANCE
peçe que
temps de Sainte Salaberge , Abbesse, c'està-dire , du septième siècle. Mais ce n'est
pas proprement une Cloche , c'est plutôt
une Sonnette en forme de Timbre,de l'esde celles les Soldats François, du
temps de la premiere Race , attachoient
au col de leurs Chevaux, lorsqu'ils les faisoient paître dans les Campagnes et dans
les Bois voisins du Camp. Il en est parlé
dans les Articles de la Loy Salique , sous
le nom de Skilla.
Le Pere Daniel en fait aussi mention
à l'an 593. Ce nom de Skilla a passé dans
le langage vulgaire de quelque Province
pour signifier une Cloche. Le College de
Equille , comme on parle à Toulouse,
est un des principaux de cette Ville.
l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par
Dom du Plessis.
Es Nouvellistes du Parnasse nous réLgalent galent si souvent de ce qui leur paroît réjouissant dans l'Histoire de l'Eglise.
de Meaux; comme Epitaphes, Articles de
Testamens, Titres d'Eglises , &c. que cela
m'a fait naître l'envie de lire cette Histoire. En me donnant cette satisfaction ,
je suis tombé dès le second jour sur une
circonstance particuliere qui regarde l'an
tiquité d'un Prieuré de ce Diocèse.Quoique l'Auteur ne manque pas de preuves ,
qui établissent cette antiquité , il en va
chercher une jusques sur une Cloche ;
mais par malheur il ne prend pas, le veritable sens de l'Inscription qu'on y lit.
Et afin que vous n'en doutiez pas , il faut
vous nommer le Prieuré dont il est question. C'est celui de Nanteuil le Haudoin,
qui est sur les limites du Valois et du
Mulcien. Dom Toussaints du Plessis en
parle à la page 120. de son premier vo- Tume.
Il nous dit qu'une des deux Tours de
l'Eglise
·
683 MERCURE DE FRANCE
2.
l'Eglise de ce Prieuré , appellée la Tour
de Saint-Babylas , contient deux grosses
Cloches , sur l'une desquelles on lit ces
mots : Mentem sanctam , spontaneam , bo
norem Deo et patria liberationem. Radulfus
Silvanectensis nos fecit.Ces derniers mots,
dit- il , signifient : Raoul , Comte de Senlis
nous afaitfondre ; et il tire delà une seconde preuve de l'ancienneté de ce Monastere ; car , ajoute- t- il , le seul Raoul de
Senlis ou de Crépy , qui ait été Seigneur
de Nanteuil, vivoit sur la fin du dixième
siécle. Pour moy , en finissant de lire cet
endroit , je n'ai point hésité de dire que
Dom du Plessis ne donnoit point à l'Inscription de la Cloche, le sens qu'elle doir
avoir. Plein des noms personnels des Seigneurs du voisinage de Meaux , il a cru
en trouver jusques sur cette Cloche; et
quoique le Titre de Comes ne soit point
employé dans l'Inscription , il a cru pouvoir le sous- entendre.
Je ne sçai si Dom Toussains a visité ce
Prieuré en personne , et s'il a vû la Cloche dont il tire sa Preuve. Quelque soit
le caractere de l'fascription , il ne peut
être d'un siècle si reculé que le dixième.
Les Cloches sont sujettes à tant d'accidens , que ce seroit une merveille d'en
voir une grosse subsister depuis 7 à 8 cens
ans
AVRIL. 1732. 689
ans. Il n'y a qu'à faire attention aux differens malheurs , qui dans l'espace seulement d'un siecle , peuvent arriver à une
Eglise et à unClocher, pour comprendre.
que dans l'espace de huit siécles , ces accidens sont présumez, à plus forte raison,
avoir pu arriver. Comme l'Edifice de l'Eglise de Nanteuil , que j'ai vû et examiné, n'est point d'une si haute date, quoiqu'il soit ancien ; il faudroit dire encore ,
que cette Cloche proviendroit d'un Clocher de la Basilique précédente (a) ; mais
non , il n'y a qu'à s'en tenir au sens naturel de l'Inscription : Radulphus , Silvanectensis nos fecit , signifie tout naturellement : Raoul de Senlis nous a fonduës.
C'étoit un Fondeur , nommé Raoul, et
surnommé ou originaire de Senlis, qui fit
l'opération , et qui dirigea l'Inscription
de la Cloche.
Il n'y faut pas entendre plus de finesse , que dans les Inscriptions qu'on lit
au dessous des Statues , ou au bas des Tableaux. NN. sculpsit. NN. pinxit ; et
jamais on ne s'avisa de croire que les noms
propres , marquez au bas de ces ouvrages
soient ceux des personnes qui ont fait faire
les Tableaux ou les Statues. Chacun com-
(a )Il m'aparu que dans le côté droit , il ne
restoit que deux Pilliers de lapermiere Eglise.
prend
90 MERCURE DE FRANCE
prend que c'est celui des ouvriers.
Sa Sentence qui est avant la Note du
Fondeur,consiste dans l'Epitaphe de sainte Agathe. On la trouve dans la Légende de cette Sainte , et on la chante encore dans l'Office en plusieurs Eglises , le
jour du Martyre , de cette Vierge.
Tout ce que je puis en dire , est que
cette Inscription se mettoit communé
ment sur les Cloches,au quinziéme siècle.
L'Histoire des Evêques de Montpellier ,
du sieur Gariel , nous apprend qu'une
Cloche fondue , vers l'an 1450. pour les
Cordeliers de cette Ville , portoit la même Sentence : Mentem Sanctam , &c. Je
me souviens aussi qu'en l'an 1711. lorsqu'on eut descendu du Clocher de certains Religieux du même Ordre ( mais
d'une autre Province ) une Cloche cassée,
du poids d'environ 5 à 6 cens , j'y lûs les
mêmes paroles , en Lettres Gothiques, Capitales : MENTEM SANCTAM , &c. avec le
chiffre , M. CCCCXXV. Soit donc que ce fût
la Sentence favorite de quelques Fondeurs de Cloches au quinziéme siecle ,
soit que le Clergé ait eu en cela l'intention de mettre ces Cloches sous la protection de sainte Agathe; cela ne contribuë
pas davantage à faire croire que le Radul
phus de l'Inscription , fût un Comte de
Senlis ou de Crépy..
Il
AVRIL. 1732. €91
Il est vrai que l'on a pû être au quinziéme siécle dans l'usage d'opposer aux
accidens des Foudres et des Ouragans cette venerable Inscription qui a tant excité
la foy des Catanois , contre les périls menaçans du Mont Etna : Mais sans rafiner
dans la spiritualité plus qu'il ne convient,
le Cloche en question , ne viendroit- elle
point de l'Eglise de sainte Agathe de Crépy en Valois , qui n'est qu'à trois lieuës de
Nanteuil, et qui est tres-ancienne, à en juger par le Portail ? Il n'est pas rare de
voir une Cloche déplayée et portée d'un
Clocher dans un autre. Dom Toussaint
sçait à merveille que les Cloches de la
Cathedrale d'Orleans sont en vente , depuis que la Tour est abbatuë ; et que l'on
a eu quelques pensées de les transferer dans
les deux Tours de S. Laumer de Blois.On
pourroit produire des exemples de translation de Cloches d'une Eglise à une autre ; mais cette matiere est trop peu intéressante pour s'y étendre.
Vouspouvezjuger, M , par ce que j'ai
dit cy dessus , que je n'aurois aucune peine à croire qu'une petite Cloche , qui ne
seroit point d'usage , n'y exposée aux accidens , ne pûtsubsister des milliers d'années. Telle est celle que l'on montre à
S. Jeande Laon , et qu'on croit être du
temps
692 MERCURE DE FRANCE
peçe que
temps de Sainte Salaberge , Abbesse, c'està-dire , du septième siècle. Mais ce n'est
pas proprement une Cloche , c'est plutôt
une Sonnette en forme de Timbre,de l'esde celles les Soldats François, du
temps de la premiere Race , attachoient
au col de leurs Chevaux, lorsqu'ils les faisoient paître dans les Campagnes et dans
les Bois voisins du Camp. Il en est parlé
dans les Articles de la Loy Salique , sous
le nom de Skilla.
Le Pere Daniel en fait aussi mention
à l'an 593. Ce nom de Skilla a passé dans
le langage vulgaire de quelque Province
pour signifier une Cloche. Le College de
Equille , comme on parle à Toulouse,
est un des principaux de cette Ville.
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Résumé : REMARQUE sur un endroit de l'Histoire de l'Eglise de Meaux. Par Dom du Plessis.
L'auteur critique une interprétation erronée d'une inscription sur une cloche du prieuré de Nanteuil-le-Haudouin, telle que présentée dans l'Histoire de l'Église de Meaux par Dom du Plessis. Dom du Plessis avait attribué l'inscription 'Radulfus Silvanectensis nos fecit' à Raoul, Comte de Senlis, vivant à la fin du dixième siècle, pour prouver l'antiquité du prieuré. Cependant, l'auteur conteste cette interprétation, affirmant que 'Radulfus Silvanectensis' désigne un fondeur de cloches nommé Raoul, originaire ou surnommé de Senlis. L'auteur souligne que les cloches sont sujettes à divers accidents et que leur conservation sur une longue période est improbable. Il mentionne également que l'inscription 'Mentem sanctam, spontaneam, bonorem Deo et patria liberationem' est courante au quinzième siècle et ne prouve pas l'antiquité du prieuré. Enfin, il suggère que la cloche pourrait provenir de l'église de Sainte-Agathe de Crépy-en-Valois, située près de Nanteuil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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588
p. 692-693
SONNET Sur les Bouts-Rimez, proposez dans le Mercure, par une Dame.
Début :
Commencer un Sonnet par l'affreux mot de Mort. [...]
Mots clefs :
Sonnet, Cercueil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONNET Sur les Bouts-Rimez, proposez dans le Mercure, par une Dame.
SONNET
Sur les Bouts - Rimez proposez dans
le Mercure , par une Dame.
Commencer Ommencer un Sonnet par l'affreux mot de
Mort.
Quand on ne veut parler de Cercücil ni de
C'est de gayeté de cœur vouloir périr au
Et se faire à soi- même une rude
Biere ,
Port .
Carricre.
Cet
AVRIL. 1732.
•693
Cet ouvrage sublime independant du
Ne se fait pas si-tôt qu'un tour de
Sort,
Gibeciere,
Et s'il ne nous plaît pas , quoique court ,
il en
Dort ,
Cotin , dans ses Ecrits , l'apprend mieux que Moliere
Il doit faire adoucir d'un Censeur l'œil Hagard,
Et contenter le goût du jeune et du
Rien ne doit y manquer , pas même une
Vieillard;
Apostrophe;
Si l'Auteur n'en bannit et le froid et le
Il aura sûrement , avec Echec et
·Plat ›
Mast ,
D'un Poëte crotté la triste Catastrophe.
THEVEN ART , Amiens
Sur les Bouts - Rimez proposez dans
le Mercure , par une Dame.
Commencer Ommencer un Sonnet par l'affreux mot de
Mort.
Quand on ne veut parler de Cercücil ni de
C'est de gayeté de cœur vouloir périr au
Et se faire à soi- même une rude
Biere ,
Port .
Carricre.
Cet
AVRIL. 1732.
•693
Cet ouvrage sublime independant du
Ne se fait pas si-tôt qu'un tour de
Sort,
Gibeciere,
Et s'il ne nous plaît pas , quoique court ,
il en
Dort ,
Cotin , dans ses Ecrits , l'apprend mieux que Moliere
Il doit faire adoucir d'un Censeur l'œil Hagard,
Et contenter le goût du jeune et du
Rien ne doit y manquer , pas même une
Vieillard;
Apostrophe;
Si l'Auteur n'en bannit et le froid et le
Il aura sûrement , avec Echec et
·Plat ›
Mast ,
D'un Poëte crotté la triste Catastrophe.
THEVEN ART , Amiens
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Résumé : SONNET Sur les Bouts-Rimez, proposez dans le Mercure, par une Dame.
En avril 1732, un texte critique l'usage du mot 'mort' en début de sonnet, prônant une approche plus joyeuse. La création poétique exige du travail et doit plaire à tous les âges. Un poème doit éviter le froid et le plat pour réussir. L'auteur cite Cotin comme plus instructif que Molière. Il avertit que manquer de ces qualités mène à l'échec. Le texte se termine par 'THEVEN ART, Amiens'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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589
p. 693-706
LETTRE de M. Bouguer, à M. Meynier, au sujet d'un Ecrit inseré dans le Mercure de France du mois de Février dernier, page 274. et suiv.
Début :
MONSIEUR, La plûpart des personnes qui jetteront les yeux sur [...]
Mots clefs :
Demi-cercle, Pinule, Circonférence, Instrument, Académie royale des sciences, Balancier, Vibrations, Machine, Boussole
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Bouguer, à M. Meynier, au sujet d'un Ecrit inseré dans le Mercure de France du mois de Février dernier, page 274. et suiv.
LETTRE de M. Bouguer , à M. Meynier, au sujet d'un Ecrit inseré dans le
Mercure de France du mois de Février
dernier, page 274. et suiv.
MONONSIEUR,
La plupart des personnes qui jetteront
les yeux sur l'Ecrit que vous avez fait inserer dans le Mercure de France de
Fevrier
4 MERCURE DE FRANCE
Fevrier dernier , ne pourront jamais découvrir pourquoi vous exagerez si fort
la faute dont vous m'accusez, ni pourquoi vous poussez si loin vos plaintes.
Ils verront , non-seulement que je ne
pouvois pas découvrir toutes les particularitez de votre demi Cercle , dans une
Description qui ne les contenoit pas , ils
verront encore que si je n'en ai pas donné
une idée assez exacte , je n'avois aucune
mauvaise intention , et ils ne comprendront point ce qui peut vous avoir fait
prendre pour une censure , ce qu'on ne
doit regarder que commeune espece d'approbation. Je n'ai pas une notion assez
distincte de votre demi Cercle ; il me
semble qu'il est sujet à un inconvénient,
et j'affirme aussi-tôt sur la connoissance
que j'ai de vos lumieres , que vous avez
trouvé le moyen de l'éviter : Nous ne
connoissons ce demi Cercle , ce sont mes
propres termes , que pour en avoir vu une
description très-succincte ; mais nous ne dontons point que son sçavant Auteur ne lui
procure une situation constamment horisontale , malgré le poids de la Pinule qui est
située sur la circonference. Je le demande à
tout le monde , je le demande même à
vos amis les plus intimes , si c'est- là le
langage d'un homme qui cherche à vous
offenser
AVRIL. 1732 695
offenser , et si ce ne sont pas là plutôt les
termes de la prédilection et de l'estime.
Mais puisque vous me forcez à expHquer l'Enigme; je vais montrer comment
Fai , malgré moi , donné occasion à votre
chagrin. Tous les Instrumens dont on peut
se servir en Mer pour observer la hau
teur des Astres , se réduisent à deux especes ; ou ils se mettent de niveau par
leur propre pesanteur , ou c'est le Pilote
qui les met dans cette situation , en vi
sant à l'horison sensible. Je me suis trouvé dans la nécessité d'examiner ces di
vers Instrumens ; cet examen fait le sujet
de la premiere Partie d'un petit Traité
publié en 1729. qui remporta le Prix proposé par l'Académie Royale des Sciences.
Je me déclarai dans cet Ouvrage pour les
Instrumens de la seconde espece , lesquels
sont en usage depuis longtemps dans la
Marine , et je justifiai mon choix par des
raisons , qui , parcequ'elles sont generales,
donnent l'exclusion à votre demi Cercle,
comme à tous les autres Instrumens qui
sont suspendus de la même maniere. Vollà, je pense , ce qui vous a indisposé contre moi ; car je mets à part tous les autres
motifs. Vous avez trouvé mes raisons trop
fortes , quoique j'aye eu la politesse de >
n'en faire aucune application particuliere;
D elles
695 MERCURE DE FRANCE
elles vous ont fâché en même- temps qu'elles vous ont paru utiles ; et comme vous
avez senti qu'il n'étoit point à propos
d'y répondre , vous vous êtes à la fin crû
obligé d'écrire au moins contre l'endroit où je parlois avantageusement de
vous. Il vous est facile de me réfuter de
cette sorte , et vous pouvez continuer
tant que vous le voudrez , à m'apprendre
toutes les particularitez de votre demi
cercle , avec tout l'appareil d'une réprimande. Il vous importe peu d'ailleurs de
le faire sans aucune apparence de necessité, pouvû que vous puissiez faire croire
qu'il ne s'agis point entre nous d'autre
chose. Mais comme on ne peut point en
imposer au Public , qui est un Juge trop
éclairé , il s'appercevra bien que vous
abandonnez réellement la deffense de votre cause, et que vous ne touchez pointdu
tout au sujet.
Il n'importe point en effet , que j'aye
bien ou mal décrit votre demi Cercle ,
puisque j'ay déclaré moi- même que je ne
le connoissois pas parfaitement. Toute
la question est de sçavoir si j'ai pû cependant le condamner avec tous les autres Instrumens de la même espece. Or
il me suffiroit pour avoir ce droit , de
sçavoir qu'il se plaçoit de niveau par sa
construc
AVRIL. 1732. 697
construction et qu'il étoit suspendu par
sa partie superieure. Car dès lors je pouvois le regarder comme un Pendule dont
l'agitation est continuelle , puisque le Navire est sans cesse sujet pendant sa marche ; ou au tangage ou au roulis , ou à
faire quelques élans , et que son mouvement n'est jamais parfaitement uniforme.
Si l'Instrument étoit suspendu par son
centre de gravité , toutes ses parties participeroient en même temps aux secousses; mais aussi tôt qu'il est suspendu par
un autre endroit , une de ses extrémitez
doit toûjours recevoir par l'entremise des
Ressorts et des Balanciers , l'agitation
du Vaisseau , pendant que les autres parties n'auront encore que leur premier
mouvement , et ainsi il doit être sujet à
faire sans cesse des vibrations , lesquelles
seront encore perpetuées par la main de
l'Observateur , qui est obligé presque
chaque instant de toucher à la Boëte pour
l'orienter , ou à l'Allidade pour la diriger.
Remarquez de plus que quelques foibles
que soient ces vibrations , elles feront
toûjours que l'Instrument perdra sa situa-
*
à
★ Les Balanciers sont des especes de Cercles ou
de Quadres de cuivre , dont on se sert avec des
Pivots à l'oposite l'un de l'autre , pour suspendre en Mer les Boussoles.
Dij tion
98 MERCURE DE FRANCE
tion verticale de plusieurs degrez , et qu'll
la perdra dans divers sens , à cause de
Pirrégularité des secousses. Or en voilà
assez pour rendre deffectueuses presque
toutes les Observations qu'on fera au
Soleil ; d'autant plus que le temps absolument propre à les faire , s'échappe avec
rapidité. Mais ce sera encore toute autre
chose , lorsqu'on voudra la nuit prendre
la hauteur des Etoiles. Car comment voulez vous pendant que votre demi Cercle
sera agité et que l'Observateur sera aussi
exposé de son côté à un grand mouvement et à un mouvement qui n'a aucune
conformité avec celui du demi Cercle ,
puisque l'Observateur est toûjours obligé
de s'incliner d'un côté lorsque le Navire
s'incline de l'autre, comment voulez- vous
que pendant cette complication de deux
ou trois mouvemens qui ne s'accordent
point , le Pilote puisse appliquer l'œil à
une Pinule extrémement étroite , et viser
à un objet aussi difficile à saisir qu'une
Etoile Vous devez bien sentir que cela
est absolument impossible avec tous les
Instrumens de l'espece du vôtre , sans
aucune exception ; et que pour réüssir
dans une pareille Observation , on est
obligé, comme je l'ai toûjours soutenu ,
d'employer ceux qui sont actuellement
›
en
A VRIE 17327 699
en usage. Car il faut qu'on puisse ôter
à l'Instrument dont on se sert , tous ses
balancemens particuliers et l'assujettir
contre l'œil et il faut parçonséquent
que le Pilote se charge de tout le soin
de le disposer en visant à l'horison sen- sible.
>
Mais je serois obligé de transcrire
presque toute la premiere Partie de mon
petit Traité , si je voulois vous rapporter
toutes les choses qui vous interessent et
auxquelles vous n'entreprenez point de
répondre. Je pourrois cependant encore
ajouter, maintenant que je connois mieux
votre demi Cercle , que comme une de
ses graduations est conforme à celle de
l'Anneau Astronomique , il doit être extrémement difficile de distinguer avec
exactitude les scrupules du degré, et que
ce n'a pû être que par hazard , ou parce
que vous sçaviez d'avance la hauteur que
vous deviez trouver , que vous ne vous
êtes trompé à Brest que d'environ une
minute. Je pourrois encore vous montrer combien est inutile la suspension que
vous employez , faute d'avoir fait attention qu'on ne doit se servir de Balancier
que lorsqu'on veut suspendre quelque
chose par un point qui est interieur et
qui ne se presente pas aisément. Est-il
Diij question
700 MERCURE DE FRANCE
question de suspendre une Boussole où
une Lampe par un point qu'on ne peut
point aller chercher au- dedans , il faut
dans cette rencontre mettte un Balancier
par dehors. Mais ce n'est plus la même.
chose , aussi- tôt qu'il s'agit de suspendre
un corps par un endroit qui est exterieur
et qu'on peut saisir sans peine. Car tous
les Balanciers que vous mettriez , ne serviroient qu'à rendre immobile un certain
point par rapport à la Boëte et aussi- tôt
que vous en avez la commodité, vous devez bien plutôt suspendre l'Instrument
immédiatement à ce point , sans rendre
inutilement la Machine plus composée et
plus sujette à se déranger. J'insisterois
sur toutes ces choses et je tâcherois de les
porter jusqu'à la derniere évidence, si je ne.
voyois quevous ne donnez aucuneatteinte
à mes premieres Remarques , et que vous
les laissez subsister dans toute leur force..
Je vois d'ailleurs qu'elles ont fait quelque impression sur vous , et qu'elles ne
vous ont pas été inutiles. Car vous avez
depuis changé d'avis dans la construction
d'un autre Instrument destiné encore à
des usages nautiques. Il s'agit , dans un
Ouvrage que vous venez de donner au
Public , de la suspension des Boussoles , et
quoiqu'elles ayent déja un Balancier comme
AVRIL. 1732. 701
me votre demi Cercle , vous reconnoissez néanmoins que tant qu'elles sont appliquées sur quelque chose qui tient au
Vaisseau , elles en reçoivent tous les mou
vemens , et que les Observations se trouvent par là dérangées ; parce que , ditesvous , (a) tantôt le Soleil ne peut être vû
par la fenêtre qui est du côté de l'Observateur, que beaucoup au- dessus ou aux côtez
de lafenêtre opposée à cause du mouvement,
comme lorsque le Vaisseau est incliné du côté
du Soleil on àla droite ou à lagauche, de
PObservateur , lorsqu'il fait Observation ;
et tantôt , &c. C'est pourquoi vous aimez
mieux maintenant laisser au Pilote le soin
de donner à l'Instrument la situation
qu'il doit avoir, et cela parce que (b) le
Pilote , par une habitude qui lui est enpar tie devenuë naturelle à la Mer, entretenant
assez bien son corps en équilibre , et en même temps l'Instrument qui qui lui sert lui sert pour observer la latitude , quoique dans ce temps- la le Vaisseau incline considerablement , tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre , à cause du roulis et du Tangage, il entretiendra cet Instrument dans le même équilibre de son corps.
lorsqu'il s'en servira pour observer la déclinaison de l'Aiguille aimantée , tant au Soleil qu'aux Etoiles , ce qui rendra l'Obser-
(a) Au bas de la page 6. (b) Page 17.
Diiij vation
702 MERCURE DE FRANCE
vation bien plus seure. Je vous félicite,
Monsieur , sur votre changement , mais
souffrez en même-temps que je m'en pré
vale ; puisque vous mettez vous même le
sceau à votre condamnation en employant contre les Boussoles ordinaires ,
les mêmes raisons , aux termes près , que
j'avois déja employées contre votre demiCercle.
•
Après cela je ne suis plus étonné si vous
ne lui donnez plus la préference sur l'Arbalestrille ni sur le quartier Anglois ordinaire , et si vous n'entreprenez pas même de la comparer à un Instrument que
j'ai proposé , qui est soutenu par son centre de gravité et qui est parconsequent
de même espece que le vôtre, quoique
je le croye beaucoup mieux suspendu.
Tout ce que vous prétendez faire , c'est
de montrer que je me suis mépris lorsque j'ai préferé le quart de Cercle formé
d'un seul Arc , non- pas à votre demi Cercle , dont il n'étoit plus question , mais
au quartier Anglois ordinaire. Que j'aye
cependant bien ou mal choisi dans cette
derniere circonstance , le sort de votre
Instrument ne change point ; et si je ne
me suis trompé que dans cette rencontre,
j'ai toûjours eu l'avantage de rendre un
service assez considerable au Public , en
pros-
A-V R- IL. 17.320 703
·
proscrivant toutes ces diverses suspensions , dons on vouloit , mal à propos
lui faire embrasser l'usage. Mais de quelle
manieré prouvez- vous que le quart de
Cercle formé d'un seul Arc , est moins
exact que le quartier Anglois ? La nature
de vos preuves me dispense d'y répondre.
Il s'agit d'un changement fait il y a plus
d'un siecle ; il s'agit de sçavoir les motifs
qui ont déterminé à le faire , et vous m'alleguez pour cela l'experience des Marins
d'aujourd'hui. Nous avons une suite de
Traités de Navigation, qui nous marquent
les divers progrès du Pilotage ; Pierre de
Médine et Pierre Nonius en Espagne et
en Portugal; Willebrod Snellius et plu- sieurs autres en Hollande ; M. Denis et
les P. Fournier et Dechales en France ,
ont écrit sur cet Art , et nous en ont représenté tous les differens âges. Mais vous
ne consultez point ces Livres ; vous vous
adressez à nos Pilotes , pour qu'ils vous
rendent compte d'une chose qu'ils doivent encore moins sçavoir que vous, puisqu'elle ne s'est point passée sous leurs
yeux ni de leur temps , et qu'elle n'est
pour eux qu'un point de pure spéculation. De grace , Monsieur , ne renversez
pas ainsi une autre fois l'ordre des cho
ses ou si à la honte des Professeurs
Dv VOUS
2
My
704 MERCURE DE FRANCE
vous suivez encore une pareille conduite,
faites au moins assez usage de vos lumieres , pour peser les réponses que les Pilotes vous feront. Ils vous ont assuré ,
dites-vous , qu'on a abandonné l'usage du
quart de Cerclé formé d'un seul " Arc ,
parce qu'on a experimentéque cet Instrument est sujet à tel et tel inconvenient.
Mais ne deviez- vous pas penser qu'on ne
peut rien établir sur une experience que
personne n'a vûë et que personne ne peut
attester ? ne deviez - vous pas encore examiner si les inconveniens dont on vous
parloit, étoient réels , et s'il n'étoit pas
possible de les lever ?
Je finis , Monsieur , en vous assurant
que comme je n'ai que faire d'en venir
à l'experience pour sçavoir ce que je dois
penser de votre demi Cercle , je ne crois
pas que je me donne jamais la peine d'en
faire l'essai. Je m'imagine bien que vous
me ferez encore un crime de ce que je
persiste ainsi à condamner une Production qui a été approuvée par une Compagnie , dont je suis plus interessé que
personne au monde , à faire valoir les
Jugemens. Ce reproche me toucheroit ,
s'il n'étoit aussi mal fondé que les autres;
et si l'Académie des Sciences , qui prononce toûjours avec autant de prudence
que
AVRIL 1732 705
que de lumieres , n'avoit pas eu le soin
de mettre de sages restrictions à l'Approbation qu'elle vous donna. Cette Compagnie a , outre cela , assez montré depuis
qu'elle ne prétendoit point avoir décidé
la question en votre faveur , puisqu'elle
en a fait le sujet du Prix qui fut distri-,
bué en 1729. et dont elle m'honora. Objectez-moi encore , si vous le voulez , que
je n'ai point été en Mer ; je vous répondrai que si dans certaines matieres de Marine , la premiere chose est d'acquerir des
connoissances de fait , et de se former
une juste idée des mouvemens de la Mer
et de ceux du Vaisseau , le point le plus
essentiel et en même- temps le plus dif.
ficile , est de penetrer la cause de tous
ces mouvemens et d'être en état d'en prévoir les divers effets ; et j'ajouterai qu'on
peut s'appliquer à tout cela avec autant
de succès à Terre que dans tout autre
endroit. Je dois aussi me rendre ce bon
témoignage , puisque vous m'y obligez ,
que quoique je connusse tout le péril
qu'il y avoit à venir remplir une place
que vous aviez occupée , vous qui avez
-fait un voyage de long cours ; personne
ne s'est encore apperçu ici que je n'aye
cultivé l'Hydrographie que dans le Cabinet. J'ai l'honneur d'être , malgré tous
D vj nos
7c6 MERCURE DE FRANCE
nos differends , avec bien de la conside
ration , Monsieur , votre , &c. -
Au Havre , le premier d'Avril 1732.
Mercure de France du mois de Février
dernier, page 274. et suiv.
MONONSIEUR,
La plupart des personnes qui jetteront
les yeux sur l'Ecrit que vous avez fait inserer dans le Mercure de France de
Fevrier
4 MERCURE DE FRANCE
Fevrier dernier , ne pourront jamais découvrir pourquoi vous exagerez si fort
la faute dont vous m'accusez, ni pourquoi vous poussez si loin vos plaintes.
Ils verront , non-seulement que je ne
pouvois pas découvrir toutes les particularitez de votre demi Cercle , dans une
Description qui ne les contenoit pas , ils
verront encore que si je n'en ai pas donné
une idée assez exacte , je n'avois aucune
mauvaise intention , et ils ne comprendront point ce qui peut vous avoir fait
prendre pour une censure , ce qu'on ne
doit regarder que commeune espece d'approbation. Je n'ai pas une notion assez
distincte de votre demi Cercle ; il me
semble qu'il est sujet à un inconvénient,
et j'affirme aussi-tôt sur la connoissance
que j'ai de vos lumieres , que vous avez
trouvé le moyen de l'éviter : Nous ne
connoissons ce demi Cercle , ce sont mes
propres termes , que pour en avoir vu une
description très-succincte ; mais nous ne dontons point que son sçavant Auteur ne lui
procure une situation constamment horisontale , malgré le poids de la Pinule qui est
située sur la circonference. Je le demande à
tout le monde , je le demande même à
vos amis les plus intimes , si c'est- là le
langage d'un homme qui cherche à vous
offenser
AVRIL. 1732 695
offenser , et si ce ne sont pas là plutôt les
termes de la prédilection et de l'estime.
Mais puisque vous me forcez à expHquer l'Enigme; je vais montrer comment
Fai , malgré moi , donné occasion à votre
chagrin. Tous les Instrumens dont on peut
se servir en Mer pour observer la hau
teur des Astres , se réduisent à deux especes ; ou ils se mettent de niveau par
leur propre pesanteur , ou c'est le Pilote
qui les met dans cette situation , en vi
sant à l'horison sensible. Je me suis trouvé dans la nécessité d'examiner ces di
vers Instrumens ; cet examen fait le sujet
de la premiere Partie d'un petit Traité
publié en 1729. qui remporta le Prix proposé par l'Académie Royale des Sciences.
Je me déclarai dans cet Ouvrage pour les
Instrumens de la seconde espece , lesquels
sont en usage depuis longtemps dans la
Marine , et je justifiai mon choix par des
raisons , qui , parcequ'elles sont generales,
donnent l'exclusion à votre demi Cercle,
comme à tous les autres Instrumens qui
sont suspendus de la même maniere. Vollà, je pense , ce qui vous a indisposé contre moi ; car je mets à part tous les autres
motifs. Vous avez trouvé mes raisons trop
fortes , quoique j'aye eu la politesse de >
n'en faire aucune application particuliere;
D elles
695 MERCURE DE FRANCE
elles vous ont fâché en même- temps qu'elles vous ont paru utiles ; et comme vous
avez senti qu'il n'étoit point à propos
d'y répondre , vous vous êtes à la fin crû
obligé d'écrire au moins contre l'endroit où je parlois avantageusement de
vous. Il vous est facile de me réfuter de
cette sorte , et vous pouvez continuer
tant que vous le voudrez , à m'apprendre
toutes les particularitez de votre demi
cercle , avec tout l'appareil d'une réprimande. Il vous importe peu d'ailleurs de
le faire sans aucune apparence de necessité, pouvû que vous puissiez faire croire
qu'il ne s'agis point entre nous d'autre
chose. Mais comme on ne peut point en
imposer au Public , qui est un Juge trop
éclairé , il s'appercevra bien que vous
abandonnez réellement la deffense de votre cause, et que vous ne touchez pointdu
tout au sujet.
Il n'importe point en effet , que j'aye
bien ou mal décrit votre demi Cercle ,
puisque j'ay déclaré moi- même que je ne
le connoissois pas parfaitement. Toute
la question est de sçavoir si j'ai pû cependant le condamner avec tous les autres Instrumens de la même espece. Or
il me suffiroit pour avoir ce droit , de
sçavoir qu'il se plaçoit de niveau par sa
construc
AVRIL. 1732. 697
construction et qu'il étoit suspendu par
sa partie superieure. Car dès lors je pouvois le regarder comme un Pendule dont
l'agitation est continuelle , puisque le Navire est sans cesse sujet pendant sa marche ; ou au tangage ou au roulis , ou à
faire quelques élans , et que son mouvement n'est jamais parfaitement uniforme.
Si l'Instrument étoit suspendu par son
centre de gravité , toutes ses parties participeroient en même temps aux secousses; mais aussi tôt qu'il est suspendu par
un autre endroit , une de ses extrémitez
doit toûjours recevoir par l'entremise des
Ressorts et des Balanciers , l'agitation
du Vaisseau , pendant que les autres parties n'auront encore que leur premier
mouvement , et ainsi il doit être sujet à
faire sans cesse des vibrations , lesquelles
seront encore perpetuées par la main de
l'Observateur , qui est obligé presque
chaque instant de toucher à la Boëte pour
l'orienter , ou à l'Allidade pour la diriger.
Remarquez de plus que quelques foibles
que soient ces vibrations , elles feront
toûjours que l'Instrument perdra sa situa-
*
à
★ Les Balanciers sont des especes de Cercles ou
de Quadres de cuivre , dont on se sert avec des
Pivots à l'oposite l'un de l'autre , pour suspendre en Mer les Boussoles.
Dij tion
98 MERCURE DE FRANCE
tion verticale de plusieurs degrez , et qu'll
la perdra dans divers sens , à cause de
Pirrégularité des secousses. Or en voilà
assez pour rendre deffectueuses presque
toutes les Observations qu'on fera au
Soleil ; d'autant plus que le temps absolument propre à les faire , s'échappe avec
rapidité. Mais ce sera encore toute autre
chose , lorsqu'on voudra la nuit prendre
la hauteur des Etoiles. Car comment voulez vous pendant que votre demi Cercle
sera agité et que l'Observateur sera aussi
exposé de son côté à un grand mouvement et à un mouvement qui n'a aucune
conformité avec celui du demi Cercle ,
puisque l'Observateur est toûjours obligé
de s'incliner d'un côté lorsque le Navire
s'incline de l'autre, comment voulez- vous
que pendant cette complication de deux
ou trois mouvemens qui ne s'accordent
point , le Pilote puisse appliquer l'œil à
une Pinule extrémement étroite , et viser
à un objet aussi difficile à saisir qu'une
Etoile Vous devez bien sentir que cela
est absolument impossible avec tous les
Instrumens de l'espece du vôtre , sans
aucune exception ; et que pour réüssir
dans une pareille Observation , on est
obligé, comme je l'ai toûjours soutenu ,
d'employer ceux qui sont actuellement
›
en
A VRIE 17327 699
en usage. Car il faut qu'on puisse ôter
à l'Instrument dont on se sert , tous ses
balancemens particuliers et l'assujettir
contre l'œil et il faut parçonséquent
que le Pilote se charge de tout le soin
de le disposer en visant à l'horison sen- sible.
>
Mais je serois obligé de transcrire
presque toute la premiere Partie de mon
petit Traité , si je voulois vous rapporter
toutes les choses qui vous interessent et
auxquelles vous n'entreprenez point de
répondre. Je pourrois cependant encore
ajouter, maintenant que je connois mieux
votre demi Cercle , que comme une de
ses graduations est conforme à celle de
l'Anneau Astronomique , il doit être extrémement difficile de distinguer avec
exactitude les scrupules du degré, et que
ce n'a pû être que par hazard , ou parce
que vous sçaviez d'avance la hauteur que
vous deviez trouver , que vous ne vous
êtes trompé à Brest que d'environ une
minute. Je pourrois encore vous montrer combien est inutile la suspension que
vous employez , faute d'avoir fait attention qu'on ne doit se servir de Balancier
que lorsqu'on veut suspendre quelque
chose par un point qui est interieur et
qui ne se presente pas aisément. Est-il
Diij question
700 MERCURE DE FRANCE
question de suspendre une Boussole où
une Lampe par un point qu'on ne peut
point aller chercher au- dedans , il faut
dans cette rencontre mettte un Balancier
par dehors. Mais ce n'est plus la même.
chose , aussi- tôt qu'il s'agit de suspendre
un corps par un endroit qui est exterieur
et qu'on peut saisir sans peine. Car tous
les Balanciers que vous mettriez , ne serviroient qu'à rendre immobile un certain
point par rapport à la Boëte et aussi- tôt
que vous en avez la commodité, vous devez bien plutôt suspendre l'Instrument
immédiatement à ce point , sans rendre
inutilement la Machine plus composée et
plus sujette à se déranger. J'insisterois
sur toutes ces choses et je tâcherois de les
porter jusqu'à la derniere évidence, si je ne.
voyois quevous ne donnez aucuneatteinte
à mes premieres Remarques , et que vous
les laissez subsister dans toute leur force..
Je vois d'ailleurs qu'elles ont fait quelque impression sur vous , et qu'elles ne
vous ont pas été inutiles. Car vous avez
depuis changé d'avis dans la construction
d'un autre Instrument destiné encore à
des usages nautiques. Il s'agit , dans un
Ouvrage que vous venez de donner au
Public , de la suspension des Boussoles , et
quoiqu'elles ayent déja un Balancier comme
AVRIL. 1732. 701
me votre demi Cercle , vous reconnoissez néanmoins que tant qu'elles sont appliquées sur quelque chose qui tient au
Vaisseau , elles en reçoivent tous les mou
vemens , et que les Observations se trouvent par là dérangées ; parce que , ditesvous , (a) tantôt le Soleil ne peut être vû
par la fenêtre qui est du côté de l'Observateur, que beaucoup au- dessus ou aux côtez
de lafenêtre opposée à cause du mouvement,
comme lorsque le Vaisseau est incliné du côté
du Soleil on àla droite ou à lagauche, de
PObservateur , lorsqu'il fait Observation ;
et tantôt , &c. C'est pourquoi vous aimez
mieux maintenant laisser au Pilote le soin
de donner à l'Instrument la situation
qu'il doit avoir, et cela parce que (b) le
Pilote , par une habitude qui lui est enpar tie devenuë naturelle à la Mer, entretenant
assez bien son corps en équilibre , et en même temps l'Instrument qui qui lui sert lui sert pour observer la latitude , quoique dans ce temps- la le Vaisseau incline considerablement , tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre , à cause du roulis et du Tangage, il entretiendra cet Instrument dans le même équilibre de son corps.
lorsqu'il s'en servira pour observer la déclinaison de l'Aiguille aimantée , tant au Soleil qu'aux Etoiles , ce qui rendra l'Obser-
(a) Au bas de la page 6. (b) Page 17.
Diiij vation
702 MERCURE DE FRANCE
vation bien plus seure. Je vous félicite,
Monsieur , sur votre changement , mais
souffrez en même-temps que je m'en pré
vale ; puisque vous mettez vous même le
sceau à votre condamnation en employant contre les Boussoles ordinaires ,
les mêmes raisons , aux termes près , que
j'avois déja employées contre votre demiCercle.
•
Après cela je ne suis plus étonné si vous
ne lui donnez plus la préference sur l'Arbalestrille ni sur le quartier Anglois ordinaire , et si vous n'entreprenez pas même de la comparer à un Instrument que
j'ai proposé , qui est soutenu par son centre de gravité et qui est parconsequent
de même espece que le vôtre, quoique
je le croye beaucoup mieux suspendu.
Tout ce que vous prétendez faire , c'est
de montrer que je me suis mépris lorsque j'ai préferé le quart de Cercle formé
d'un seul Arc , non- pas à votre demi Cercle , dont il n'étoit plus question , mais
au quartier Anglois ordinaire. Que j'aye
cependant bien ou mal choisi dans cette
derniere circonstance , le sort de votre
Instrument ne change point ; et si je ne
me suis trompé que dans cette rencontre,
j'ai toûjours eu l'avantage de rendre un
service assez considerable au Public , en
pros-
A-V R- IL. 17.320 703
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proscrivant toutes ces diverses suspensions , dons on vouloit , mal à propos
lui faire embrasser l'usage. Mais de quelle
manieré prouvez- vous que le quart de
Cercle formé d'un seul Arc , est moins
exact que le quartier Anglois ? La nature
de vos preuves me dispense d'y répondre.
Il s'agit d'un changement fait il y a plus
d'un siecle ; il s'agit de sçavoir les motifs
qui ont déterminé à le faire , et vous m'alleguez pour cela l'experience des Marins
d'aujourd'hui. Nous avons une suite de
Traités de Navigation, qui nous marquent
les divers progrès du Pilotage ; Pierre de
Médine et Pierre Nonius en Espagne et
en Portugal; Willebrod Snellius et plu- sieurs autres en Hollande ; M. Denis et
les P. Fournier et Dechales en France ,
ont écrit sur cet Art , et nous en ont représenté tous les differens âges. Mais vous
ne consultez point ces Livres ; vous vous
adressez à nos Pilotes , pour qu'ils vous
rendent compte d'une chose qu'ils doivent encore moins sçavoir que vous, puisqu'elle ne s'est point passée sous leurs
yeux ni de leur temps , et qu'elle n'est
pour eux qu'un point de pure spéculation. De grace , Monsieur , ne renversez
pas ainsi une autre fois l'ordre des cho
ses ou si à la honte des Professeurs
Dv VOUS
2
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704 MERCURE DE FRANCE
vous suivez encore une pareille conduite,
faites au moins assez usage de vos lumieres , pour peser les réponses que les Pilotes vous feront. Ils vous ont assuré ,
dites-vous , qu'on a abandonné l'usage du
quart de Cerclé formé d'un seul " Arc ,
parce qu'on a experimentéque cet Instrument est sujet à tel et tel inconvenient.
Mais ne deviez- vous pas penser qu'on ne
peut rien établir sur une experience que
personne n'a vûë et que personne ne peut
attester ? ne deviez - vous pas encore examiner si les inconveniens dont on vous
parloit, étoient réels , et s'il n'étoit pas
possible de les lever ?
Je finis , Monsieur , en vous assurant
que comme je n'ai que faire d'en venir
à l'experience pour sçavoir ce que je dois
penser de votre demi Cercle , je ne crois
pas que je me donne jamais la peine d'en
faire l'essai. Je m'imagine bien que vous
me ferez encore un crime de ce que je
persiste ainsi à condamner une Production qui a été approuvée par une Compagnie , dont je suis plus interessé que
personne au monde , à faire valoir les
Jugemens. Ce reproche me toucheroit ,
s'il n'étoit aussi mal fondé que les autres;
et si l'Académie des Sciences , qui prononce toûjours avec autant de prudence
que
AVRIL 1732 705
que de lumieres , n'avoit pas eu le soin
de mettre de sages restrictions à l'Approbation qu'elle vous donna. Cette Compagnie a , outre cela , assez montré depuis
qu'elle ne prétendoit point avoir décidé
la question en votre faveur , puisqu'elle
en a fait le sujet du Prix qui fut distri-,
bué en 1729. et dont elle m'honora. Objectez-moi encore , si vous le voulez , que
je n'ai point été en Mer ; je vous répondrai que si dans certaines matieres de Marine , la premiere chose est d'acquerir des
connoissances de fait , et de se former
une juste idée des mouvemens de la Mer
et de ceux du Vaisseau , le point le plus
essentiel et en même- temps le plus dif.
ficile , est de penetrer la cause de tous
ces mouvemens et d'être en état d'en prévoir les divers effets ; et j'ajouterai qu'on
peut s'appliquer à tout cela avec autant
de succès à Terre que dans tout autre
endroit. Je dois aussi me rendre ce bon
témoignage , puisque vous m'y obligez ,
que quoique je connusse tout le péril
qu'il y avoit à venir remplir une place
que vous aviez occupée , vous qui avez
-fait un voyage de long cours ; personne
ne s'est encore apperçu ici que je n'aye
cultivé l'Hydrographie que dans le Cabinet. J'ai l'honneur d'être , malgré tous
D vj nos
7c6 MERCURE DE FRANCE
nos differends , avec bien de la conside
ration , Monsieur , votre , &c. -
Au Havre , le premier d'Avril 1732.
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Résumé : LETTRE de M. Bouguer, à M. Meynier, au sujet d'un Ecrit inseré dans le Mercure de France du mois de Février dernier, page 274. et suiv.
La lettre de M. Bouguer à M. Méchain répond à des critiques publiées dans le Mercure de France de février précédent concernant une description de son demi-cercle. Bouguer affirme que ses remarques étaient bienveillantes et non malveillantes. Il reconnaît ne pas avoir une connaissance parfaite du demi-cercle de Méchain mais exprime des réserves sur son utilisation en mer. Bouguer rappelle avoir publié un traité en 1729, récompensé par l'Académie Royale des Sciences, où il justifiait l'usage d'instruments de la seconde espèce, ceux que le pilote met en niveau en visant l'horizon sensible. Il pense que Méchain s'est offensé car ses raisons excluaient les instruments suspendus, comme le demi-cercle. Bouguer détaille les inconvénients des instruments suspendus, notamment les vibrations causées par le tangage et le roulis du navire, rendant les observations astronomiques imprécises. Il insiste sur l'impossibilité d'utiliser efficacement ces instruments pour observer les étoiles en raison des mouvements contradictoires du navire et de l'observateur. Il note également que Méchain a modifié sa position sur la suspension des boussoles, reconnaissant les problèmes soulevés par Bouguer. Méchain préfère désormais laisser au pilote le soin de mettre l'instrument en niveau, ce que Bouguer considère comme une validation de ses arguments. Bouguer critique Méchain pour ne pas avoir consulté les traités historiques de navigation et pour se fier uniquement aux expériences actuelles des marins, ce qui est insuffisant pour juger des évolutions passées. Par ailleurs, un texte daté du 1er avril 1732 conteste l'abandon de l'usage d'un quart de cercle formé d'un seul arc. L'auteur critique l'absence de preuves concrètes et d'expériences vérifiables concernant les inconvénients supposés de cet instrument. Il souligne l'importance de vérifier la réalité de ces inconvénients et la possibilité de les surmonter. Il exprime son refus de tester cet instrument, affirmant qu'il n'a pas besoin d'expérience pour se forger une opinion. L'auteur mentionne que l'Académie des Sciences a approuvé le quart de cercle avec des restrictions et a fait de son évaluation le sujet d'un prix en 1729. Il reconnaît ne pas avoir navigué mais affirme que la compréhension des mouvements marins et la prédiction de leurs effets peuvent être étudiées à terre avec succès. Enfin, il se défend d'avoir négligé l'hydrographie et affirme avoir cultivé cette discipline dans son cabinet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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590
p. 706-707
A M. FOURMONT, En lui envoyant un Ouvrage en Vers.
Début :
O Vous, en qui délicatesse innée, [...]
Mots clefs :
Parnasse, Lyre, Essai
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. FOURMONT, En lui envoyant un Ouvrage en Vers.
A M. FOURMONT,
En lui envoyant un Ouvrage en Vers:
Vous , en quí délicatesse innée ,
Et d'agrément raison assaisonnée ;.
Önt fait ici tant d'illustres amis,
Sur mon talent , Fourmont, daignez m'instruire ;
Puis-je au Parnasse esperer d'être admis. ?
Dois-je accorder, ou démonter ma Lyre !!
Tel est le sort des Enfans d'Apollon ,.
Ou tout ou rien , ou Voltaire , ou Gacon...
Prêtez- moi donc vos yeux pour me connoître ;
Si par les fleurs on peut juger des fruits ::
Vous pouvez bien sur le peu que je suis
Juger aussi de ce que je dois être ;
C'est là-dessus que j'attens vos avis ;
Sans doute aussi , vos amis , gens d'élite ,
Verront l'Essay , si l'Essay le mérite ;
Mais à quoi bon recueillir tant de voix -
Si vous pouvez , sans courir par la Ville ,
>
En
AVRIL 1732. 707
En un seul lieu le montrer à la fois ,
A* Quinte-Curce, à Sophocle , à Virgile.
*M. de Voltaire.
En lui envoyant un Ouvrage en Vers:
Vous , en quí délicatesse innée ,
Et d'agrément raison assaisonnée ;.
Önt fait ici tant d'illustres amis,
Sur mon talent , Fourmont, daignez m'instruire ;
Puis-je au Parnasse esperer d'être admis. ?
Dois-je accorder, ou démonter ma Lyre !!
Tel est le sort des Enfans d'Apollon ,.
Ou tout ou rien , ou Voltaire , ou Gacon...
Prêtez- moi donc vos yeux pour me connoître ;
Si par les fleurs on peut juger des fruits ::
Vous pouvez bien sur le peu que je suis
Juger aussi de ce que je dois être ;
C'est là-dessus que j'attens vos avis ;
Sans doute aussi , vos amis , gens d'élite ,
Verront l'Essay , si l'Essay le mérite ;
Mais à quoi bon recueillir tant de voix -
Si vous pouvez , sans courir par la Ville ,
>
En
AVRIL 1732. 707
En un seul lieu le montrer à la fois ,
A* Quinte-Curce, à Sophocle , à Virgile.
*M. de Voltaire.
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Résumé : A M. FOURMONT, En lui envoyant un Ouvrage en Vers.
L'auteur adresse une lettre à M. Fourmont en avril 1732, lui envoyant un ouvrage en vers. Il admire la délicatesse de Fourmont et sollicite son avis sur son talent poétique. Il compare son dilemme à celui des enfants d'Apollon, entre succès et échec. L'auteur espère que Fourmont jugera son œuvre et attend également les avis des amis de Fourmont, des personnes d'élite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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591
p. 707-725
SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Début :
Je viens présentement, Monsieur, à l'Abregé que nous donne [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Professeur de l'Université de Paris, Parnasse, Charlatans, Buriver, Réformateurs, Personnages, Badineries, Poème
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
SECONDE LETTRE dun Professeur
de l'Université de Paris , à un Principal
de Province , sur le Bureau Typographyque.
JauE viens présentement , Monsieur , à l'Abregé´
que nous donne le Buraliste de la petite Piece
du Professeur de Seconde , intitulée , Le Parnasse
réformé, ou Apollon à l'Ecole , qu'on pourroit
aussi nommer la Critique des Charlatans de la
menuë Litterature. Or afin que vous puissiez
mieux juger si cet abregé est exact et si la censure
de notre Docteur Abecediste est raisonnable , je
vais vous exposer d'abord le sujet de ce petit Dra
me, auquel il a jugé à propos de donner lui seul le
nom de Farce. La chose ne me sera pas difficile ,
puisque, malgré le secret synderetique recommandé aux Acteurs , je n'ai pas laissé d'avoir communication des Personnages , surtout de celui de Buriver....
Occasion et Sujet de la Piece.
Le jeudi 22. Août dernier , au College du Ples
sis-Sorbonne , à la fin de la Répresentation ordinaire de la Tragedie et avant la distribution des
Prix , onjoua cette petite Piece qui est d'environ
huit cent Vers. Elle est de la composition de Meta
708 MERCURE DE FRANCE
M. le Beau, Regent de Seconde, et a été applaus die par l'Assemblée qui étoit , comme de coûtume, très nombreuse et composée de toutes sortés de personnes d'élite. La nouveauté du sujet ,
jointe à la maniere dont il est traité, causa de fréquentes acclamations , et bien des personnes d'esprit et de distinction , avoüoient ingénument que
depuis long-temps elles n'avoient tant ri. Il est clair que l'Auteur a prétendu tourner en ridicule
les gens à systême , qui depuis environ vingt ans
ne sont occupez qu'à parler et à écrire contre les
Colleges , à en décrier la maniere d'enseigner , et à louer la leur sans mesure et sans retenue.
Ceux qui sont l'objet principal de la Critique
se réduisent à trois ou quatre. 1º . Celui , qui à
l'aide d'une Machine de bois appellée Bureau Ty
pographique ou Imprimerie en Colombier , et divisée en 180. Logettes ou Boulins , prétend enseigner à unenfant toutes sortes de Langues et tou--
res les Sciences , comme il s'en vante lui même,-
sur tout à la page 62. de sa 4º. Lettre . Ce Personnage est nommé Buriver. 2 ° . Celui qui par sa
Regle Monosyllabique ad et son unique leçon d'une demie heure , ne promet rien moins que de
mettre un Septiéme en état de faire la leçon
aux autres et de leur expliquer toutes sortes d'Auteurs Latins. C'est lui qui est appellés
Mr de la Minute. 3 °. Celui qui veut que les
Nourrices mêmes enseignent le Latin, et qui pour
faire gouter et apprendre plus facilement et plus
agréablement les lettres de l'Alphabeth aux enfans , conseille de leur faire avaler des Lettres de
Pain d'Epice , est nommé M. de l'Enthimeme.
4. Le Restaurateur et Réformateur des Gloses
interlineaires , qui ne fait pas un personnage à
part , mais à qui se rapportent ces six Vers de la seconde Scene De-
AVRIL. 1732. 709
De peur que vieux Auteurs, Hebreux , Grecs , on Latins,
› N'osent se soulever et faire les mutins ,
On les menace tous , s'ils ne veulent se taire ,
D'un supplice nommé Glöse Interlineaire ;
Oùgênez, empallez , difloquez , pourfendus ,
De leurs meilleurs amis ils seront méconnus.
Ces trois Réformateurs , Buriver , M. de la
Minute et de l'Enthimeme , avec Thibaud , Menuisier , et les trois Dieux , Jupiter , Apollon ets
Momus , sont en tout sept Personnages ou Acteurs qui parlent dans ce petit Drame, divisé en,
huit Scenes , dont voici le contenu.
Dans la première paroît Jupiter , qui étant tout étourdi du tintamare et du frácas des marteaux et
des Rabots dont onse sert pour fabriquer des Bu- reaux Typographiques , descend du Ciel sur le Parnasse pour voir ce que c'est , et dit avoir dépêché Mercure vers sonfils Apollon , pour avoir
là- dessus quelque nouvelle certaine.
Dans la seconde Scene Momus échappé des
Charlatans de la menuë Litterature , entre sur le
Théatre en courant , sans appercevoir Jupiter ,
qui l'oblige à s'arrêter et à lui dire de point en
point la raison du tapage qu'il entend sur le Pars
nasse. Momus la lui explique ainsi.
Jefumois dans un coin ma pipe d'ambroisie , ·
De mille mots confus la barbare énergie ,
Mefrappe tout-à-coup , Candiac , Cassetin ,
Blictric , bonnet picqué , Colombier , Magazin.”
Te cours de ce côté : si j'ai bonne memoire , ›
Je
710 MERCURE DE FRANCE
Je vais vous retracer ici toute l'histoire.
Unhomme pale , sec , monté sur deux treteaux ,.
Faisoit le diable à quatre , et chargé d'écriteaux ,
Crioit desonfaucet ; Orvietan specifique
Logico-Physico , Graco- Typographique
Antidote. d'erreur et de prévention ,
Par le moyen duquel sans application ,
Un enfant de deux ans , voire de deux semaines ,
Peut apprendre en joüant trois ou quatre douzaines
D'Arts liberaux Hebreu , Syriaque , Chinois ,
Arabe, Provençal, Grec , Picard, Ilinois,
ĽA, Bé, Cé réformé, pilotage , Chimie,
Lejeu de l'Oye, Algebre , Histoire , Astronomiez
Point de Livre sur tout , l'enfant enfera; mais
Il ne lira jamais que ceux qu'il aurafaits.
Devant notre homme étoit une Table magique,
Qu'il nomme par honneur , Table Encyclopedique.
Sur la Table regnoit un joli Colombier ,
Etiqueté par tout de morceaux de papier.
Chaque Boulin caré, large et long d'une carte ,
Niche aulieu de Pigeon , mainte belle Pancarte. ~
La les Suppins galans et les Conjugaisons ,
Dans ces compartimens de petites maisons ,
Sur leur Carte couchez d'une encre non pareille ,
Gisent en attendant que l'enfant les éveille.
Enfin , l'enfant parut avec un tablier ;
Notez cepoint, Seigneur , ear depuis le soulier ;
Jusqu'au boutdu bonnet tout tient dans ce systême ,
•
, .
L'Auteur
AVRIL. 1732.
751
L'Auteur du Tablier fit le patron lui-même ;
Et cet hommeplaisant et d'agréable humeur,
L'appelle joliment Barette de Docteur.
Momuscontinuant de raconter ce qu'il a vû, les
trois Charlatans sont amenez sur la Scene à point
nommé et d'une maniere très-vrai - semblable.
Car Jupiter ayant dit : oh la belle couvée !
Eh! commentpeuvent- ils sçavoir mon arrivée ?
Momus répond :
Ils ont des Espions , vous dis-je , en tout endroit ,
Et puis à vous cacher 1 vous n'êtes pas adroit.
1
Dans la troisiéme Scene paroissent donc les
trois nouveaux Méthodistes qui demandent à Jupiter la Ferme des Sciences et des Beaux- Arts.
Buriver , dont le personnage nous a été commu
niqué en entier , parle ainsi :
Le Seigneur Jupiter est un très-galant homme ,
Je l'estimai toujours ; maisje ne sçais pas comme,
Unpere peut si mal élever ses enfans
Ils sont pour la plupart ineptes , ignorans ,
En bécare , en bémol. En un mot pour tout dire ...
Je gage qu'Apollon même ne sçait pas lire:
Ne sçaitpas lire? Non. Je veux pour votre honneur,
MoiBuriver , en faire un prodige , unDocteur;
Si deux ans seulement , sans nulle redevances,
Vous me voulez donner la Ferme des Sciences ;
Oui , je réformerai le Parnasse , et cela,
Sans Livre aucun , sinon ce jeu de Cartes-là.
Il tire des Cartes de sa poche,
712 MERCURE DE FRANCE
Momus , en s'avançant vers lui ,
Honneur à l'As de Pique.
Buriver.
Ehpoint de mommerie;
Parlez raison , Momus , une fois en la vie.
Ces Cartes sur leur dos portent mon Alphabet.
Tenez, lisez d'un ton intelligible et net.
Momus prend les Cartes et lit:
A. bé. cé. dé. e. fé.....fé?
Buriver.
Cela vous étonne?
Momus.
C'est ef apparemment.
Buriver.
Voyez comme il raisonne
Mais monpetit ami , dites- vous pas bé, dé?
Sans doute.
Momus.
Buriver se fachant..
Ehpourquoi donc ne direz-vous pasfé
Vous prétendez dans bé transposer la voyelle,
Pourquoi , pourquoi dans efse préposera-t'elle ?
Quelabus ? quelle erreur ? quelle stupidité ?
Moije veux redresser cette inégalité.
Je veux comme Amadis , courir toute la Terre ,
Au vulgaire alphabet ,faire une illustre guerre :
Da Lance aupoing, à pied, on s'il veut à cheval,
Lui
AVRIL. 1732 713
Lui faire confesser qu'il n'est qu'un animal;
Et dans tout le Païs de la Litterature ,
L'envoyerfaire aveu de sa déconfiture
Il jette Momus à terre.
Momus couché par terre et embrassant
le pied de Buriver.
Dom Alphabeticos , genereux Chevalier ,
Réparateur des torts ; je suis vaincu , quartier.
Modereles transports de ton ardente bile ,
Je blâme comme toi la voyelle incivile.
Buriver ôte son pied.
Je suis ton prisonnier.
Momus saute sur son dos.
Ce maudit turlupix
Buriver.
Laissez-moi , finissez,
Jupiter fait finir à Momus ses badineries , ets
P'envoye chercher Apollon , à la décision duquel
il remet toute cette affaire. Jupiter dans la quatriéme Scene adresse la parole aux trois contendans , et leur dit :
Messieurs , votreprojet me semble merveilleux ;
Mais ce projet pour vous est un peu périlleux.
Je connois Apollon , pour vous parler sans feinte,
Il est un peu mutin et sujet à la quintė.
Le pauvre Marsias le traita d'ignorant,
Il l'écorcha tout vif; s'il enfaisoit autant ,
Malgré vos grands secrets , votre litterature ,
Vous
714 MERCURE DE FRANCE
Pous seriez, ce me semble, en mauvaise posture.
Chacun des trois répond à son tour et de la'
maniere qui convient à son caractere. Buriver dit :
Pour moije ne crains rien , et ma Philosophie,.
Me met seul à l'abri des craintes de la vie.
Après tout , Apollon n'est pas un querelleur ,
Et c'estun ignorant d'une fort douce humeur.
Je l'ai dit quelque part , et la pensée est belle.- 1
Si contre mon Projet l'Univers se rebelle ,
Je m'en étonne , aussi c'est un projet tout d'or ;·´
Et s'il le reçoit bien . je m'en étonne encor ;
Maisla Race future à son tour étonnée ,
Exaltant mes efforts , dira dans telle année ,
ParutJean Buriver , un dédale nouveau ,
Incomparable Auteur du merveilleux Bureau,
Qui rabattit l'orgueil des Sciences antiques ,
Et des Arts liberaux fit des Arts mécaniques.
Par lui le Savetier gai sur son tabouret ,
Peut en Hebreu siffler ainsi qu'un Massoret ;
Par lui les Perroquets , les Linottes , les Merles ;
Sçavent parler latin comme enfiler des perles.
Ah! s'il eût plus vécu , l'on eût par ses secrets ,
Viparler les Boiteux et marcher les Muets.
Voilà ce qu'on dira ; me nommant Trismegiste ,
Ou l'Hercule gaulois ; et le Chronologiste , ·
Frappé de mon grand nom oubliera son dîné ,
Pour sçavoir à quelle heure , en queljour je suis néEt
AVRIL. 173.2. 715
Et les petits garçons instruits à ma maniere ,
Feront sur mon tombeau l'école buissonniere.
Pour depareils honneures, oui , je m'exposerai.
Au milieu du Parnasse , ici je dresserai ,
Ma Table, mes Boulins , mes Cartes , mon Systême
En dépit d'Apollon et de la raison même;
Si les Muses en corps osent me chicanner,
Je les empêcherai bien-tôt de raisonner.
Je vous prendrois Talie , Euterpe , Calliope,
Et les amenuisant à grands coups de varlope.
Chacune en son Boulinje vous les taperois ,
Et la montrantle col , écarquillant les doigts ,
CommePigeons patus , ces Déesses si fieres ,
Apprendront à parler le jargon des Volieres.
Cependant dans la cinquiéme Scene arrive
Apollon , que Momus , par ordre de Jupiter ,
avoit mis au fait , en lui expliquant les trois Systêmes , et lui contant en chemin toute l'affaire
sur quoi il devoit prononcer. Il se contente donc
de leur faire expliquer tour-à-tour les utilitez de
leurs Systêmes.lls disent tous des choses plus ridicules les unes que les autres.
Buriver.
Pour les utilitez que contient mon Ouvrage,
J'en vois trois cens dix-huit, quelque peu davantage.
Primo. J'ai remarqué que les jeunes enfans ,
Entre les mains de qui l'on met des Rudimens ,
Marmotant leurs leçons et dodinant la tête,
Mangent leur Livre ains que pâtez de Requêtes.
J'ai
716 MERCURE DE FRANCE
î
J'ai vu même un enfant qui n'étant qu'à bonus,
Avoit déja mangé musa , vir , Dominus.
Je vous laisse àpenser si c'est viande indigeste ;
Et quatre mois après il eut mangé le reste.
Momus.
Comment! il avala les cinq déclinaisons ?
Buriver.
Baste ! et Noms et Pronoms , quatre Conjugaisons,
Syntaxe, tout étoit passépar l'Esophage.
Vous voyez comme moi , quel étrange ravage,
Fit dans son estomac ce mets empoisonneur ,
Plus coriace encor qu'un sac de Procureur.
Moi , toujours attentifau bien de la Patrie ,
Pour rompre les effets de cette fantaisie,
Je m'évertue et dis trouvons des Rudimens,
Durs, solides , massifs , à l'épreuve des dents.
DesRudimens de bois ; et sur cette pensée ,
Bientôt de mon Bureauje meformai l'idée.
Secundo. Dans le cours de mes Refléxions ,
Carje suis très-fécond en Observations ,
Je voyois que l'enfant par coûtume abusive,
Pour tourner les feuillets consumoit sa salive ,
Et dessechoit par là tous les sucs nourriciers ,
Qui de sonpetit corps arrosent les sentiers.
La chose meparut d'un préjudice extrême ;
Je rêvai là-dessus , et me dis à moi-même,
Invente, Buriver, quelque Livre nouveau,
DuqueL
AVRIL. -17320 717
Duquel tous les feuillets se rangent de niveau ;
L'enfant de sa leçon verra tout l'étalage,
Sans se mouiller le pouce et sans tourner la page.
Fe restaifort long- temps à rêver sur ce point.
Tout ce queje trouvois ne me contentoit point ;
Enfin , par un effort de l'imaginative ,
Quej'ai, sans vanité , très- brillante et très-vive ,
Je m'avisai qu'un Jeu de Cartes dePiquet
Venoit comme de cire à remplir mon Projet.
Les Cartes à present sont le livre à la mode ;
C'est des honnêtes gens le Digeste et le Code.
Leursprécieux feuillets volans et détachez,
-Tout le longd'un Bureau l'un de l'autre approchez ,
N'auront pour se tourner aucun besoin du pouce.
L'enfant conservera cette subtile mousse,
Qu'il dépensoit jadis en dépit des poulmons,
Et d'un coup d'oeil , à sec , apprendra ses leçons ,
Augrand contentement des glandes salivaires.
Ces deux utilitez , je crois , sont assez claires.
Assurément.
Apollon.
Buriver.
Et si vous n'étiez pas contens ,
Je vous dirois encor ....
Apollon.
Nous n'avons pas le temps.
Buriver.
Que mon Systême apprend à faire des capelles Qu'il
718 MERCURE DE FRANCE
Qu'il affermit les reins , soulage les aisselles « …«
Il suffit:
Apollon.
Buriver.
Quel'enfant , ferme sur ses talons ,
Sçaurapirouetter , marcher à reculons....
C'en est trop
Apollon.
Buriver.
Que le monde admirant mamaniere,
Mefera des Beaux Arts le grandPorte Banniere ,
Et queje passerai pour un Confucius.
Sur ces entrefaites Thibaud , Menuisier de Buriver , revient du Parnasse et raconte en patois
et d'une maniere fort plaisante , comment les
Muses ont renversé et brisé les Bureaux qu'il
faisoit sur le Parnasse pour M. Buriver. Apollon
donne de l'argent à Thibaut pour r'avoir des Outils , approuve ce que les Muses ont fait, comme
étant fait par son ordre , et conseille aux trois
Réformateurs de s'en retourner dans leur famille,
à l'exemple de Thibaut , ou bien d'aller habiter
l'Ile des Perroquets , et là ,
Au Peuple bigarré débiter leurs caquets.
Ils se recrient sur ce Jugement , sur tout Bu
river , qui en appelle à Jupiter , M. de l'Enthi meme ayant dit :
Prononça-t'onjamais Jugement plus inique !
Buriver de son côté répond :
Non, votre procedé n'est point abécédique.
Et
AVRIL. 17320 719
Et je dirai toûjours qu'injustement honni,
Victrix causa Diis , sed victa Catoni.
Après le départ des Charlatans , la Piece finit par ces deux Scenes.
Jupiter.
Bon,les voilà partis ; desormais du Parnasse,
Ayez soin , Apollon , d'éloigner cette race,
Sesont autant de rats , qui la bourse rongeans ,
Tournent à leur profit la sottise des gens.
Momus.
Pour les attraper tous , mettez sur les lisieres ,
Tout autour duVallon beaucoup de sourissieres.
Suspendez en dedans des bourses pour appas ;
Mesgens yviendront mordre, ils n'y manquerontpas,
Et la trape sur eux incontinent baissée ,
La machine dûment sassée et ressassée ;
Envoyez-les någer dans le fond du bourbier.
Je m'en vais de ce pas enfaire expedier ,
Detoutes les grandeurs.
Jupiter.
J'approuve ton idée.
Momus.
Si nous allions la haut boire quelque gorgée ,
De doux etfrais Nectar , car l'air est si salé!
Et puis leurs sots discours m'ont sifort alteré .. •
Jupiter.
Momus dit d'or, allons.
E
Apollon
720 MERCURE DE FRANCE
Apollon seul.
Je vous suis tout à l'heure ;
Maisje ne voudrois pas quitter cette demeure
Sans récompenser ceux dont le sage travail ,
De tous ces Triacleurs ignore l'attirail ,
Et dont l'esprit guidépar des gens pleins de zele
N'a point d'autresecret qu'une étude réelle.
Venez, Enfans chéris , recevoir ces Présens ,
Dontj'aime à couronner vos succès tous les ans.
Vous voyez à present bien clairement , Monsieur , que ce petit Poëme n'est pas si méprisable qu'une Partie interessée le vouloit faire croire
et que le stile en est un peu plus agréable que celui des lettres sur le Bureau Typographique,
C'est ce qui a donné lieu à une refléxion très judicieuse , d'une personne en place, et qui se con- noît à ces sortes de Pieces ; sçavoir , que pour ré
futer parfaitement cette Lettre- cy et toutes les
autres , il ne faudroit que faire imprimer la petite
Piece de M. le Beau. Ecoutons présentement le
Buraliste, et voyons s'il parlera mieux que le Poëte
ne le fait parler.
2
Pour revenir à cette petite Piece dont le sujet devoit , disoit-on , s'annoncer de lui-même, die
notre Docteur , après la longue et inutile digression sur la chute d'un petit Echaffaut ; Momus ouvre la Scène en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains Avanturiers de la menue
Litterature , qui s'érigeant en Réformateurs du Par- nasse , voudroient renvoyer les Muses àl'école et remettre Apollon lui-même à l'abécé. Jupiter , person—
nage entierementinutile , et qui ne sert au plus qu
multiplic
AVRIL 17320 721
multiplier les Rôles de la Piece pour le compte du
Régent qui en est l'Auteur , vient demander à Momus quel est le bruit des scies et des marteaux qu'on entend sur le Parnasse ? Momus lui répond, que c'est
une Manufacture de Bureaux Typographiques qu'on
•veut y établir et dont un visionnaire nomméM.Bu.
river , vient demander à Apollon le privilege ;Apol
lon survient, et entendant parler de Buriver, demande à Momus , quelle espece d'homme est ce Buriver!
Momus lui dit que c'est un fol sérieux , qui croit
avoir une mission pour changer le nom des lettres de
l'Alphabet, et qui a tellement à cœur de mettre à
profit les premieres années de l'enfance qu'il veut absolument , au dire de l'Auteur , qu'on apprenne à
lire aux enfans dès le maillot , pour réparer le temps
qu'ils ontperdu dans le ventre de leur mere.
Ce n'est point Momus qui ouvre la Scene, c'est
comme on l'a vû , Jupiter , qui pour les raisons
marquées , descend du Ciel. C'est lui aussi qui , à
proprement parler , ferme la Scene en confirmant
le Jugement rendu par Apollon ; c'est lui qui reste sur la Scene du commencement à la fin , qui
envoye chercher son fils Apollon , et qui le premier donne audiance aux Charlatans , et qui les
entend encore parler après l'arrivée d'Apollon.
Bien loin donc que Jupiter soit un personnage
entierement inutile. C'est , à le bien prendre , le
plus utile et le plus nécessaire de toute la Piece ,
puisque selon qu'il convient à sa nature et àsa
souveraineté , il agit en tout et par tout comme
cause premiere.
Il faut que le Buraliste soit bien ignorant ou
bien soubçonneux , et qu'il juge des autres par
hui- même , quand il avance avec assurance que la
multiplication des Rôles est pour le compte du
Régent. S'il eut voulu prendre la peine de s'in- Eij former
22 MERCURE DE FRANCE
former de la coûtume de ce College par rapport
aux Tragédies , comme il le pouvoit facilement ,
et comme il le devoit ; voulant en parler , il au- roit appris que ce sont les Acteurs qui font la dépense , et que , soit qu'il y ait une petite Piece,
soit qu'il n'y en ait point , soit qu'elle soit longue , soit qu'elle soit courte ; soit qu'il y ait deux
ou trois Rêles , soit qu'il y en ait six ou sept , i
ne leur en coute ni plus ni moins , et que par
consequent le Régent n'y trouve ni plus ni moin
son compte. Tout ce qui lui en reste c'est le tra
vail de la composition et la gloire du succès.
Enfin il paroît par toute cette exposition du
sujet que le Docteur Abécédiste ne sçait pas
mieux les regles de la Comédie que celles de l'ortographe , et qu'il ignore parfaitement que M. Racine dans la Préface sur la Comédie des
Plaideurs , soutient que les Poëtes Comiques ont
raison d'outrer le ridicule et de le pousser au-delà
de la vrai - semblance. Je le renvoye donc à cer
ilustre Auteur et aux autres que j'ai citez dans
les regles de poëtique en traitant de la Comédie
page 326 342.
Apollon , continue le Buraliste , ayant donné or
dre de l'introduire , on voit entrer M. Buriver ,
suivi de deux autres Réformateurs ausquels on ne
somprend rien , et qui n'étant là que pourfaire nombre, ne servent, comme on a dit de Jupiter , qu'a
multiplier les personnages de la Piece. L'Auteurfaiz
ensuite exposer à M. Buriver le projet et lapratique
de sa Reforme, de la maniere du monde la plus
platte et la plus insipide aux yeux des Spectateurs -
mais d'une maniere très-ingénieuse aux yeux des
Régens, qui trouvent que cette Piece pétille d'espriz.
On en peutjugerpar l'exemple suivant ; pour epêcher les enfans de ronger leurs Livres, Buriver ,
hiton
AVRIL. 1732:
dit-on, a imaginé de leur donner des Rudimens de
bois , et d'en mettre les leçons sur des Cartes détachées , pour les empêcher d'épuiser leur salive et
d'user leurpouce à en tourner les feuillets. Voilà les
gentillesses que l'Auteur met dans la bouche de
M.Buriver , et il n'a eu garde defaire un mauvais
usage de son esprit , en lui faisant dire , pour prou
ver les effets merveilleux de sa Méthode, que c'étoit
par son moyen que la Chienne de la Foire S. Germain avoit appris à lire , tant il a eu soin d'éviter
les basses plaisanteries , quoique plus naturelles et
plus propres à son sujet.
Pour réfuter en peu de mots cet exposé , il suffit de relire ce que nous venons de dire. Ce n'est
point Apollon qui donne ordre d'introduire le seul Buriver ; les trois Charlatans sont depuis
long- temps sur la Scene , lorsque ce Dieu amené
par Momus , arrive pour les juger. On comprend
partement bien pourquoi deux autres Réfor- mateurs suivent Buriver ; c'est pour lui disputer
la victoire et engager Jupiter à prononcer contre
son Systême en faveur du leur ; ils mettent en
pratique le principe qu'ils ont lû dans la seconde
Lettre , page 27. où ils parlent ainsi : On voit tant de Charlatans , de visionnaires et d'imposteurs
de toute classe , qu'il y auroit de lafoiblesse , de l'imprudence et même de la folie , à les croire tous sur
leur parole : C'est à dire en deux mots , qu'ils se
regardent et se traitent tous réciproquement de
Charlatans, de visionnaires et d'imposteurs.
Si le Buraliste dit que le Poëte fait exposer
Buriver les utilitez de son Systême de la maniere
du monde la plus platte et la plus insipide aux
yeux des Spectateurs ; vous comprenez aisément ,
M. qu'il n'a garde de dire autrement, et que c'est
plutôt son propre interêt que la verité qui le fait
parler , &c. E iij Pour
724 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la Chienne de la Foire , qui n'avoit point du tout affaire ici , le Buraliste en
parle avec une certaine complaisance , parce qu'il croit avoir mis en poudre l'objection que lui
avoit faite à ce sujet le Grammairien de Ventabren, c'est-à- dire, qu'il s'étoit faite à lui-même.
Pour moi je pense qu'il auroit fait bien plus săgement de n'en point parler du tout , et que biendes personnes pourroient , avec raison , mettre
cette objection bien au-dessus de la réponse.
a
Enfin, dit le Buraliste , un Menuisier nomméThibaut,annoncepour dénouement queles Muses viennent
de mettre enpieces tous ses Bureaux, de briser ses Outils et de lui rompre ses Regles surle dos , et ilfinit la
Piece ense proposant de retourner à sa Boutique, et en conseillant à M.Buriver de le suivre et de devenir son
garçon. C'est ainsi que desgens de College s'efforcent
de tourner en ridicule la Méthode du Bureau , pendant que les personnes les plus sages de la Villet de la Cour ,font gloire d'en reconnoître l'utilité , et que
cette Méthode a l'avantage d'être employée à l'ins- truction des Enfans de France.
Pour avoir le véritable dénouëment , donnezvous seulement la peine de relire les deux dernieres Scenes rapportées plus haut ; vous verrez que
du commencement à la fin le sujet de la Piece
s'arrange, s'explique, et s'annonce de lui- même
comme l'avoit promis le Professeur. C'est ce qui
arrive dans toutes les bonnes Pieces , même dans .
celles qu'on représente pour la premiere fois et
dont on sçait à peine le nom. Cependant le nouveau Méthodiste ne trouve cette petite Comédie
très ingénieuse qu'aux yeux des Régens du College , mais la plus platte et la plus insipide du
monde à ceux des Spectateurs. M. le Beau
M. Gaullyer, et tous ceux q ne sont pas pourLe
?
AVRIL. 1732. 735
le Bureau , sont des gens ignorans , vains , présomptueux, entêtex , envieux , de mauvaisefoi , c.
Ce sont de vains Déclamateurs , de petits génies.
des Maîtres mercenaires , indifferens pour le bien
public et pour la bonne éducation , &c. C'est ainsi
qu'un homme sans science et sans autorité s'efforce de calomnier sans modération et sans pudeur, une infinité de très- honnêtes et très- habiles gens , et de mépriser toutes les meilleures et
les plus anciennes Méthodes tandis que les personnes les plus illustres et les plus sçavantes de la
Ville et de la Cour , de l'Epée et de la Robe ; en
un mot, de tous les differens Etats , se sont toujours fait honneur d'en reconnoître l'utilité ,
que ces Méthodes ont toujours eu et ont encore
l'avantage d'être employées à l'instruction de
toute l'Europe , et même à celle des Princes ,
Rois et des Empereurs de l'Univers , &c.
et
des
***: ***:*****
de l'Université de Paris , à un Principal
de Province , sur le Bureau Typographyque.
JauE viens présentement , Monsieur , à l'Abregé´
que nous donne le Buraliste de la petite Piece
du Professeur de Seconde , intitulée , Le Parnasse
réformé, ou Apollon à l'Ecole , qu'on pourroit
aussi nommer la Critique des Charlatans de la
menuë Litterature. Or afin que vous puissiez
mieux juger si cet abregé est exact et si la censure
de notre Docteur Abecediste est raisonnable , je
vais vous exposer d'abord le sujet de ce petit Dra
me, auquel il a jugé à propos de donner lui seul le
nom de Farce. La chose ne me sera pas difficile ,
puisque, malgré le secret synderetique recommandé aux Acteurs , je n'ai pas laissé d'avoir communication des Personnages , surtout de celui de Buriver....
Occasion et Sujet de la Piece.
Le jeudi 22. Août dernier , au College du Ples
sis-Sorbonne , à la fin de la Répresentation ordinaire de la Tragedie et avant la distribution des
Prix , onjoua cette petite Piece qui est d'environ
huit cent Vers. Elle est de la composition de Meta
708 MERCURE DE FRANCE
M. le Beau, Regent de Seconde, et a été applaus die par l'Assemblée qui étoit , comme de coûtume, très nombreuse et composée de toutes sortés de personnes d'élite. La nouveauté du sujet ,
jointe à la maniere dont il est traité, causa de fréquentes acclamations , et bien des personnes d'esprit et de distinction , avoüoient ingénument que
depuis long-temps elles n'avoient tant ri. Il est clair que l'Auteur a prétendu tourner en ridicule
les gens à systême , qui depuis environ vingt ans
ne sont occupez qu'à parler et à écrire contre les
Colleges , à en décrier la maniere d'enseigner , et à louer la leur sans mesure et sans retenue.
Ceux qui sont l'objet principal de la Critique
se réduisent à trois ou quatre. 1º . Celui , qui à
l'aide d'une Machine de bois appellée Bureau Ty
pographique ou Imprimerie en Colombier , et divisée en 180. Logettes ou Boulins , prétend enseigner à unenfant toutes sortes de Langues et tou--
res les Sciences , comme il s'en vante lui même,-
sur tout à la page 62. de sa 4º. Lettre . Ce Personnage est nommé Buriver. 2 ° . Celui qui par sa
Regle Monosyllabique ad et son unique leçon d'une demie heure , ne promet rien moins que de
mettre un Septiéme en état de faire la leçon
aux autres et de leur expliquer toutes sortes d'Auteurs Latins. C'est lui qui est appellés
Mr de la Minute. 3 °. Celui qui veut que les
Nourrices mêmes enseignent le Latin, et qui pour
faire gouter et apprendre plus facilement et plus
agréablement les lettres de l'Alphabeth aux enfans , conseille de leur faire avaler des Lettres de
Pain d'Epice , est nommé M. de l'Enthimeme.
4. Le Restaurateur et Réformateur des Gloses
interlineaires , qui ne fait pas un personnage à
part , mais à qui se rapportent ces six Vers de la seconde Scene De-
AVRIL. 1732. 709
De peur que vieux Auteurs, Hebreux , Grecs , on Latins,
› N'osent se soulever et faire les mutins ,
On les menace tous , s'ils ne veulent se taire ,
D'un supplice nommé Glöse Interlineaire ;
Oùgênez, empallez , difloquez , pourfendus ,
De leurs meilleurs amis ils seront méconnus.
Ces trois Réformateurs , Buriver , M. de la
Minute et de l'Enthimeme , avec Thibaud , Menuisier , et les trois Dieux , Jupiter , Apollon ets
Momus , sont en tout sept Personnages ou Acteurs qui parlent dans ce petit Drame, divisé en,
huit Scenes , dont voici le contenu.
Dans la première paroît Jupiter , qui étant tout étourdi du tintamare et du frácas des marteaux et
des Rabots dont onse sert pour fabriquer des Bu- reaux Typographiques , descend du Ciel sur le Parnasse pour voir ce que c'est , et dit avoir dépêché Mercure vers sonfils Apollon , pour avoir
là- dessus quelque nouvelle certaine.
Dans la seconde Scene Momus échappé des
Charlatans de la menuë Litterature , entre sur le
Théatre en courant , sans appercevoir Jupiter ,
qui l'oblige à s'arrêter et à lui dire de point en
point la raison du tapage qu'il entend sur le Pars
nasse. Momus la lui explique ainsi.
Jefumois dans un coin ma pipe d'ambroisie , ·
De mille mots confus la barbare énergie ,
Mefrappe tout-à-coup , Candiac , Cassetin ,
Blictric , bonnet picqué , Colombier , Magazin.”
Te cours de ce côté : si j'ai bonne memoire , ›
Je
710 MERCURE DE FRANCE
Je vais vous retracer ici toute l'histoire.
Unhomme pale , sec , monté sur deux treteaux ,.
Faisoit le diable à quatre , et chargé d'écriteaux ,
Crioit desonfaucet ; Orvietan specifique
Logico-Physico , Graco- Typographique
Antidote. d'erreur et de prévention ,
Par le moyen duquel sans application ,
Un enfant de deux ans , voire de deux semaines ,
Peut apprendre en joüant trois ou quatre douzaines
D'Arts liberaux Hebreu , Syriaque , Chinois ,
Arabe, Provençal, Grec , Picard, Ilinois,
ĽA, Bé, Cé réformé, pilotage , Chimie,
Lejeu de l'Oye, Algebre , Histoire , Astronomiez
Point de Livre sur tout , l'enfant enfera; mais
Il ne lira jamais que ceux qu'il aurafaits.
Devant notre homme étoit une Table magique,
Qu'il nomme par honneur , Table Encyclopedique.
Sur la Table regnoit un joli Colombier ,
Etiqueté par tout de morceaux de papier.
Chaque Boulin caré, large et long d'une carte ,
Niche aulieu de Pigeon , mainte belle Pancarte. ~
La les Suppins galans et les Conjugaisons ,
Dans ces compartimens de petites maisons ,
Sur leur Carte couchez d'une encre non pareille ,
Gisent en attendant que l'enfant les éveille.
Enfin , l'enfant parut avec un tablier ;
Notez cepoint, Seigneur , ear depuis le soulier ;
Jusqu'au boutdu bonnet tout tient dans ce systême ,
•
, .
L'Auteur
AVRIL. 1732.
751
L'Auteur du Tablier fit le patron lui-même ;
Et cet hommeplaisant et d'agréable humeur,
L'appelle joliment Barette de Docteur.
Momuscontinuant de raconter ce qu'il a vû, les
trois Charlatans sont amenez sur la Scene à point
nommé et d'une maniere très-vrai - semblable.
Car Jupiter ayant dit : oh la belle couvée !
Eh! commentpeuvent- ils sçavoir mon arrivée ?
Momus répond :
Ils ont des Espions , vous dis-je , en tout endroit ,
Et puis à vous cacher 1 vous n'êtes pas adroit.
1
Dans la troisiéme Scene paroissent donc les
trois nouveaux Méthodistes qui demandent à Jupiter la Ferme des Sciences et des Beaux- Arts.
Buriver , dont le personnage nous a été commu
niqué en entier , parle ainsi :
Le Seigneur Jupiter est un très-galant homme ,
Je l'estimai toujours ; maisje ne sçais pas comme,
Unpere peut si mal élever ses enfans
Ils sont pour la plupart ineptes , ignorans ,
En bécare , en bémol. En un mot pour tout dire ...
Je gage qu'Apollon même ne sçait pas lire:
Ne sçaitpas lire? Non. Je veux pour votre honneur,
MoiBuriver , en faire un prodige , unDocteur;
Si deux ans seulement , sans nulle redevances,
Vous me voulez donner la Ferme des Sciences ;
Oui , je réformerai le Parnasse , et cela,
Sans Livre aucun , sinon ce jeu de Cartes-là.
Il tire des Cartes de sa poche,
712 MERCURE DE FRANCE
Momus , en s'avançant vers lui ,
Honneur à l'As de Pique.
Buriver.
Ehpoint de mommerie;
Parlez raison , Momus , une fois en la vie.
Ces Cartes sur leur dos portent mon Alphabet.
Tenez, lisez d'un ton intelligible et net.
Momus prend les Cartes et lit:
A. bé. cé. dé. e. fé.....fé?
Buriver.
Cela vous étonne?
Momus.
C'est ef apparemment.
Buriver.
Voyez comme il raisonne
Mais monpetit ami , dites- vous pas bé, dé?
Sans doute.
Momus.
Buriver se fachant..
Ehpourquoi donc ne direz-vous pasfé
Vous prétendez dans bé transposer la voyelle,
Pourquoi , pourquoi dans efse préposera-t'elle ?
Quelabus ? quelle erreur ? quelle stupidité ?
Moije veux redresser cette inégalité.
Je veux comme Amadis , courir toute la Terre ,
Au vulgaire alphabet ,faire une illustre guerre :
Da Lance aupoing, à pied, on s'il veut à cheval,
Lui
AVRIL. 1732 713
Lui faire confesser qu'il n'est qu'un animal;
Et dans tout le Païs de la Litterature ,
L'envoyerfaire aveu de sa déconfiture
Il jette Momus à terre.
Momus couché par terre et embrassant
le pied de Buriver.
Dom Alphabeticos , genereux Chevalier ,
Réparateur des torts ; je suis vaincu , quartier.
Modereles transports de ton ardente bile ,
Je blâme comme toi la voyelle incivile.
Buriver ôte son pied.
Je suis ton prisonnier.
Momus saute sur son dos.
Ce maudit turlupix
Buriver.
Laissez-moi , finissez,
Jupiter fait finir à Momus ses badineries , ets
P'envoye chercher Apollon , à la décision duquel
il remet toute cette affaire. Jupiter dans la quatriéme Scene adresse la parole aux trois contendans , et leur dit :
Messieurs , votreprojet me semble merveilleux ;
Mais ce projet pour vous est un peu périlleux.
Je connois Apollon , pour vous parler sans feinte,
Il est un peu mutin et sujet à la quintė.
Le pauvre Marsias le traita d'ignorant,
Il l'écorcha tout vif; s'il enfaisoit autant ,
Malgré vos grands secrets , votre litterature ,
Vous
714 MERCURE DE FRANCE
Pous seriez, ce me semble, en mauvaise posture.
Chacun des trois répond à son tour et de la'
maniere qui convient à son caractere. Buriver dit :
Pour moije ne crains rien , et ma Philosophie,.
Me met seul à l'abri des craintes de la vie.
Après tout , Apollon n'est pas un querelleur ,
Et c'estun ignorant d'une fort douce humeur.
Je l'ai dit quelque part , et la pensée est belle.- 1
Si contre mon Projet l'Univers se rebelle ,
Je m'en étonne , aussi c'est un projet tout d'or ;·´
Et s'il le reçoit bien . je m'en étonne encor ;
Maisla Race future à son tour étonnée ,
Exaltant mes efforts , dira dans telle année ,
ParutJean Buriver , un dédale nouveau ,
Incomparable Auteur du merveilleux Bureau,
Qui rabattit l'orgueil des Sciences antiques ,
Et des Arts liberaux fit des Arts mécaniques.
Par lui le Savetier gai sur son tabouret ,
Peut en Hebreu siffler ainsi qu'un Massoret ;
Par lui les Perroquets , les Linottes , les Merles ;
Sçavent parler latin comme enfiler des perles.
Ah! s'il eût plus vécu , l'on eût par ses secrets ,
Viparler les Boiteux et marcher les Muets.
Voilà ce qu'on dira ; me nommant Trismegiste ,
Ou l'Hercule gaulois ; et le Chronologiste , ·
Frappé de mon grand nom oubliera son dîné ,
Pour sçavoir à quelle heure , en queljour je suis néEt
AVRIL. 173.2. 715
Et les petits garçons instruits à ma maniere ,
Feront sur mon tombeau l'école buissonniere.
Pour depareils honneures, oui , je m'exposerai.
Au milieu du Parnasse , ici je dresserai ,
Ma Table, mes Boulins , mes Cartes , mon Systême
En dépit d'Apollon et de la raison même;
Si les Muses en corps osent me chicanner,
Je les empêcherai bien-tôt de raisonner.
Je vous prendrois Talie , Euterpe , Calliope,
Et les amenuisant à grands coups de varlope.
Chacune en son Boulinje vous les taperois ,
Et la montrantle col , écarquillant les doigts ,
CommePigeons patus , ces Déesses si fieres ,
Apprendront à parler le jargon des Volieres.
Cependant dans la cinquiéme Scene arrive
Apollon , que Momus , par ordre de Jupiter ,
avoit mis au fait , en lui expliquant les trois Systêmes , et lui contant en chemin toute l'affaire
sur quoi il devoit prononcer. Il se contente donc
de leur faire expliquer tour-à-tour les utilitez de
leurs Systêmes.lls disent tous des choses plus ridicules les unes que les autres.
Buriver.
Pour les utilitez que contient mon Ouvrage,
J'en vois trois cens dix-huit, quelque peu davantage.
Primo. J'ai remarqué que les jeunes enfans ,
Entre les mains de qui l'on met des Rudimens ,
Marmotant leurs leçons et dodinant la tête,
Mangent leur Livre ains que pâtez de Requêtes.
J'ai
716 MERCURE DE FRANCE
î
J'ai vu même un enfant qui n'étant qu'à bonus,
Avoit déja mangé musa , vir , Dominus.
Je vous laisse àpenser si c'est viande indigeste ;
Et quatre mois après il eut mangé le reste.
Momus.
Comment! il avala les cinq déclinaisons ?
Buriver.
Baste ! et Noms et Pronoms , quatre Conjugaisons,
Syntaxe, tout étoit passépar l'Esophage.
Vous voyez comme moi , quel étrange ravage,
Fit dans son estomac ce mets empoisonneur ,
Plus coriace encor qu'un sac de Procureur.
Moi , toujours attentifau bien de la Patrie ,
Pour rompre les effets de cette fantaisie,
Je m'évertue et dis trouvons des Rudimens,
Durs, solides , massifs , à l'épreuve des dents.
DesRudimens de bois ; et sur cette pensée ,
Bientôt de mon Bureauje meformai l'idée.
Secundo. Dans le cours de mes Refléxions ,
Carje suis très-fécond en Observations ,
Je voyois que l'enfant par coûtume abusive,
Pour tourner les feuillets consumoit sa salive ,
Et dessechoit par là tous les sucs nourriciers ,
Qui de sonpetit corps arrosent les sentiers.
La chose meparut d'un préjudice extrême ;
Je rêvai là-dessus , et me dis à moi-même,
Invente, Buriver, quelque Livre nouveau,
DuqueL
AVRIL. -17320 717
Duquel tous les feuillets se rangent de niveau ;
L'enfant de sa leçon verra tout l'étalage,
Sans se mouiller le pouce et sans tourner la page.
Fe restaifort long- temps à rêver sur ce point.
Tout ce queje trouvois ne me contentoit point ;
Enfin , par un effort de l'imaginative ,
Quej'ai, sans vanité , très- brillante et très-vive ,
Je m'avisai qu'un Jeu de Cartes dePiquet
Venoit comme de cire à remplir mon Projet.
Les Cartes à present sont le livre à la mode ;
C'est des honnêtes gens le Digeste et le Code.
Leursprécieux feuillets volans et détachez,
-Tout le longd'un Bureau l'un de l'autre approchez ,
N'auront pour se tourner aucun besoin du pouce.
L'enfant conservera cette subtile mousse,
Qu'il dépensoit jadis en dépit des poulmons,
Et d'un coup d'oeil , à sec , apprendra ses leçons ,
Augrand contentement des glandes salivaires.
Ces deux utilitez , je crois , sont assez claires.
Assurément.
Apollon.
Buriver.
Et si vous n'étiez pas contens ,
Je vous dirois encor ....
Apollon.
Nous n'avons pas le temps.
Buriver.
Que mon Systême apprend à faire des capelles Qu'il
718 MERCURE DE FRANCE
Qu'il affermit les reins , soulage les aisselles « …«
Il suffit:
Apollon.
Buriver.
Quel'enfant , ferme sur ses talons ,
Sçaurapirouetter , marcher à reculons....
C'en est trop
Apollon.
Buriver.
Que le monde admirant mamaniere,
Mefera des Beaux Arts le grandPorte Banniere ,
Et queje passerai pour un Confucius.
Sur ces entrefaites Thibaud , Menuisier de Buriver , revient du Parnasse et raconte en patois
et d'une maniere fort plaisante , comment les
Muses ont renversé et brisé les Bureaux qu'il
faisoit sur le Parnasse pour M. Buriver. Apollon
donne de l'argent à Thibaut pour r'avoir des Outils , approuve ce que les Muses ont fait, comme
étant fait par son ordre , et conseille aux trois
Réformateurs de s'en retourner dans leur famille,
à l'exemple de Thibaut , ou bien d'aller habiter
l'Ile des Perroquets , et là ,
Au Peuple bigarré débiter leurs caquets.
Ils se recrient sur ce Jugement , sur tout Bu
river , qui en appelle à Jupiter , M. de l'Enthi meme ayant dit :
Prononça-t'onjamais Jugement plus inique !
Buriver de son côté répond :
Non, votre procedé n'est point abécédique.
Et
AVRIL. 17320 719
Et je dirai toûjours qu'injustement honni,
Victrix causa Diis , sed victa Catoni.
Après le départ des Charlatans , la Piece finit par ces deux Scenes.
Jupiter.
Bon,les voilà partis ; desormais du Parnasse,
Ayez soin , Apollon , d'éloigner cette race,
Sesont autant de rats , qui la bourse rongeans ,
Tournent à leur profit la sottise des gens.
Momus.
Pour les attraper tous , mettez sur les lisieres ,
Tout autour duVallon beaucoup de sourissieres.
Suspendez en dedans des bourses pour appas ;
Mesgens yviendront mordre, ils n'y manquerontpas,
Et la trape sur eux incontinent baissée ,
La machine dûment sassée et ressassée ;
Envoyez-les någer dans le fond du bourbier.
Je m'en vais de ce pas enfaire expedier ,
Detoutes les grandeurs.
Jupiter.
J'approuve ton idée.
Momus.
Si nous allions la haut boire quelque gorgée ,
De doux etfrais Nectar , car l'air est si salé!
Et puis leurs sots discours m'ont sifort alteré .. •
Jupiter.
Momus dit d'or, allons.
E
Apollon
720 MERCURE DE FRANCE
Apollon seul.
Je vous suis tout à l'heure ;
Maisje ne voudrois pas quitter cette demeure
Sans récompenser ceux dont le sage travail ,
De tous ces Triacleurs ignore l'attirail ,
Et dont l'esprit guidépar des gens pleins de zele
N'a point d'autresecret qu'une étude réelle.
Venez, Enfans chéris , recevoir ces Présens ,
Dontj'aime à couronner vos succès tous les ans.
Vous voyez à present bien clairement , Monsieur , que ce petit Poëme n'est pas si méprisable qu'une Partie interessée le vouloit faire croire
et que le stile en est un peu plus agréable que celui des lettres sur le Bureau Typographique,
C'est ce qui a donné lieu à une refléxion très judicieuse , d'une personne en place, et qui se con- noît à ces sortes de Pieces ; sçavoir , que pour ré
futer parfaitement cette Lettre- cy et toutes les
autres , il ne faudroit que faire imprimer la petite
Piece de M. le Beau. Ecoutons présentement le
Buraliste, et voyons s'il parlera mieux que le Poëte
ne le fait parler.
2
Pour revenir à cette petite Piece dont le sujet devoit , disoit-on , s'annoncer de lui-même, die
notre Docteur , après la longue et inutile digression sur la chute d'un petit Echaffaut ; Momus ouvre la Scène en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains Avanturiers de la menue
Litterature , qui s'érigeant en Réformateurs du Par- nasse , voudroient renvoyer les Muses àl'école et remettre Apollon lui-même à l'abécé. Jupiter , person—
nage entierementinutile , et qui ne sert au plus qu
multiplic
AVRIL 17320 721
multiplier les Rôles de la Piece pour le compte du
Régent qui en est l'Auteur , vient demander à Momus quel est le bruit des scies et des marteaux qu'on entend sur le Parnasse ? Momus lui répond, que c'est
une Manufacture de Bureaux Typographiques qu'on
•veut y établir et dont un visionnaire nomméM.Bu.
river , vient demander à Apollon le privilege ;Apol
lon survient, et entendant parler de Buriver, demande à Momus , quelle espece d'homme est ce Buriver!
Momus lui dit que c'est un fol sérieux , qui croit
avoir une mission pour changer le nom des lettres de
l'Alphabet, et qui a tellement à cœur de mettre à
profit les premieres années de l'enfance qu'il veut absolument , au dire de l'Auteur , qu'on apprenne à
lire aux enfans dès le maillot , pour réparer le temps
qu'ils ontperdu dans le ventre de leur mere.
Ce n'est point Momus qui ouvre la Scene, c'est
comme on l'a vû , Jupiter , qui pour les raisons
marquées , descend du Ciel. C'est lui aussi qui , à
proprement parler , ferme la Scene en confirmant
le Jugement rendu par Apollon ; c'est lui qui reste sur la Scene du commencement à la fin , qui
envoye chercher son fils Apollon , et qui le premier donne audiance aux Charlatans , et qui les
entend encore parler après l'arrivée d'Apollon.
Bien loin donc que Jupiter soit un personnage
entierement inutile. C'est , à le bien prendre , le
plus utile et le plus nécessaire de toute la Piece ,
puisque selon qu'il convient à sa nature et àsa
souveraineté , il agit en tout et par tout comme
cause premiere.
Il faut que le Buraliste soit bien ignorant ou
bien soubçonneux , et qu'il juge des autres par
hui- même , quand il avance avec assurance que la
multiplication des Rôles est pour le compte du
Régent. S'il eut voulu prendre la peine de s'in- Eij former
22 MERCURE DE FRANCE
former de la coûtume de ce College par rapport
aux Tragédies , comme il le pouvoit facilement ,
et comme il le devoit ; voulant en parler , il au- roit appris que ce sont les Acteurs qui font la dépense , et que , soit qu'il y ait une petite Piece,
soit qu'il n'y en ait point , soit qu'elle soit longue , soit qu'elle soit courte ; soit qu'il y ait deux
ou trois Rêles , soit qu'il y en ait six ou sept , i
ne leur en coute ni plus ni moins , et que par
consequent le Régent n'y trouve ni plus ni moin
son compte. Tout ce qui lui en reste c'est le tra
vail de la composition et la gloire du succès.
Enfin il paroît par toute cette exposition du
sujet que le Docteur Abécédiste ne sçait pas
mieux les regles de la Comédie que celles de l'ortographe , et qu'il ignore parfaitement que M. Racine dans la Préface sur la Comédie des
Plaideurs , soutient que les Poëtes Comiques ont
raison d'outrer le ridicule et de le pousser au-delà
de la vrai - semblance. Je le renvoye donc à cer
ilustre Auteur et aux autres que j'ai citez dans
les regles de poëtique en traitant de la Comédie
page 326 342.
Apollon , continue le Buraliste , ayant donné or
dre de l'introduire , on voit entrer M. Buriver ,
suivi de deux autres Réformateurs ausquels on ne
somprend rien , et qui n'étant là que pourfaire nombre, ne servent, comme on a dit de Jupiter , qu'a
multiplier les personnages de la Piece. L'Auteurfaiz
ensuite exposer à M. Buriver le projet et lapratique
de sa Reforme, de la maniere du monde la plus
platte et la plus insipide aux yeux des Spectateurs -
mais d'une maniere très-ingénieuse aux yeux des
Régens, qui trouvent que cette Piece pétille d'espriz.
On en peutjugerpar l'exemple suivant ; pour epêcher les enfans de ronger leurs Livres, Buriver ,
hiton
AVRIL. 1732:
dit-on, a imaginé de leur donner des Rudimens de
bois , et d'en mettre les leçons sur des Cartes détachées , pour les empêcher d'épuiser leur salive et
d'user leurpouce à en tourner les feuillets. Voilà les
gentillesses que l'Auteur met dans la bouche de
M.Buriver , et il n'a eu garde defaire un mauvais
usage de son esprit , en lui faisant dire , pour prou
ver les effets merveilleux de sa Méthode, que c'étoit
par son moyen que la Chienne de la Foire S. Germain avoit appris à lire , tant il a eu soin d'éviter
les basses plaisanteries , quoique plus naturelles et
plus propres à son sujet.
Pour réfuter en peu de mots cet exposé , il suffit de relire ce que nous venons de dire. Ce n'est
point Apollon qui donne ordre d'introduire le seul Buriver ; les trois Charlatans sont depuis
long- temps sur la Scene , lorsque ce Dieu amené
par Momus , arrive pour les juger. On comprend
partement bien pourquoi deux autres Réfor- mateurs suivent Buriver ; c'est pour lui disputer
la victoire et engager Jupiter à prononcer contre
son Systême en faveur du leur ; ils mettent en
pratique le principe qu'ils ont lû dans la seconde
Lettre , page 27. où ils parlent ainsi : On voit tant de Charlatans , de visionnaires et d'imposteurs
de toute classe , qu'il y auroit de lafoiblesse , de l'imprudence et même de la folie , à les croire tous sur
leur parole : C'est à dire en deux mots , qu'ils se
regardent et se traitent tous réciproquement de
Charlatans, de visionnaires et d'imposteurs.
Si le Buraliste dit que le Poëte fait exposer
Buriver les utilitez de son Systême de la maniere
du monde la plus platte et la plus insipide aux
yeux des Spectateurs ; vous comprenez aisément ,
M. qu'il n'a garde de dire autrement, et que c'est
plutôt son propre interêt que la verité qui le fait
parler , &c. E iij Pour
724 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la Chienne de la Foire , qui n'avoit point du tout affaire ici , le Buraliste en
parle avec une certaine complaisance , parce qu'il croit avoir mis en poudre l'objection que lui
avoit faite à ce sujet le Grammairien de Ventabren, c'est-à- dire, qu'il s'étoit faite à lui-même.
Pour moi je pense qu'il auroit fait bien plus săgement de n'en point parler du tout , et que biendes personnes pourroient , avec raison , mettre
cette objection bien au-dessus de la réponse.
a
Enfin, dit le Buraliste , un Menuisier nomméThibaut,annoncepour dénouement queles Muses viennent
de mettre enpieces tous ses Bureaux, de briser ses Outils et de lui rompre ses Regles surle dos , et ilfinit la
Piece ense proposant de retourner à sa Boutique, et en conseillant à M.Buriver de le suivre et de devenir son
garçon. C'est ainsi que desgens de College s'efforcent
de tourner en ridicule la Méthode du Bureau , pendant que les personnes les plus sages de la Villet de la Cour ,font gloire d'en reconnoître l'utilité , et que
cette Méthode a l'avantage d'être employée à l'ins- truction des Enfans de France.
Pour avoir le véritable dénouëment , donnezvous seulement la peine de relire les deux dernieres Scenes rapportées plus haut ; vous verrez que
du commencement à la fin le sujet de la Piece
s'arrange, s'explique, et s'annonce de lui- même
comme l'avoit promis le Professeur. C'est ce qui
arrive dans toutes les bonnes Pieces , même dans .
celles qu'on représente pour la premiere fois et
dont on sçait à peine le nom. Cependant le nouveau Méthodiste ne trouve cette petite Comédie
très ingénieuse qu'aux yeux des Régens du College , mais la plus platte et la plus insipide du
monde à ceux des Spectateurs. M. le Beau
M. Gaullyer, et tous ceux q ne sont pas pourLe
?
AVRIL. 1732. 735
le Bureau , sont des gens ignorans , vains , présomptueux, entêtex , envieux , de mauvaisefoi , c.
Ce sont de vains Déclamateurs , de petits génies.
des Maîtres mercenaires , indifferens pour le bien
public et pour la bonne éducation , &c. C'est ainsi
qu'un homme sans science et sans autorité s'efforce de calomnier sans modération et sans pudeur, une infinité de très- honnêtes et très- habiles gens , et de mépriser toutes les meilleures et
les plus anciennes Méthodes tandis que les personnes les plus illustres et les plus sçavantes de la
Ville et de la Cour , de l'Epée et de la Robe ; en
un mot, de tous les differens Etats , se sont toujours fait honneur d'en reconnoître l'utilité ,
que ces Méthodes ont toujours eu et ont encore
l'avantage d'être employées à l'instruction de
toute l'Europe , et même à celle des Princes ,
Rois et des Empereurs de l'Univers , &c.
et
des
***: ***:*****
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Résumé : SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Le texte est une lettre d'un professeur de l'Université de Paris adressée à un principal de province. Cette lettre discute d'une pièce de théâtre intitulée 'Le Parnasse réformé, ou Apollon à l'École', écrite par M. le Beau, régent de seconde. La pièce a été jouée au Collège du Plessis-Sorbonne le 22 août précédent et a été acclamée par le public. Elle critique les 'charlatans de la menuë littérature' qui, depuis environ vingt ans, attaquent les collèges et vantent leurs propres méthodes d'enseignement. La pièce met en scène sept personnages, dont trois réformateurs principaux : Buriver, M. de la Minute et M. de l'Enthimeme. Buriver utilise un 'Bureau typographique' pour enseigner les langues et les sciences. M. de la Minute promet de rendre un élève de septième capable d'enseigner à ses camarades après une seule leçon. M. de l'Enthimeme suggère d'enseigner le latin aux nourrices et de faire apprendre l'alphabet aux enfants avec des lettres en pain d'épice. L'intrigue se déroule en huit scènes. Elle commence par l'arrivée de Jupiter sur le Parnasse, intrigué par le bruit des marteaux et des rabots. Momus explique ensuite à Jupiter les méthodes des réformateurs. Buriver, M. de la Minute et M. de l'Enthimeme demandent à Jupiter la ferme des sciences et des beaux-arts, chacun vantant sa méthode. Jupiter, sceptique, envoie chercher Apollon pour trancher l'affaire. Apollon écoute les explications des réformateurs, qui se révèlent ridicules. Par exemple, Buriver affirme que son système permet d'apprendre toutes les langues et les sciences sans livres, grâce à des cartes et un 'Colombier'. La pièce se conclut par le départ des réformateurs, jugés inutiles et ridicules.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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592
p. 725-726
MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
Début :
Venus, je sçai qu'Amour a fui de ton Empire, [...]
Mots clefs :
Marini, Baiser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
MADRIGAL.
Traduit de l'Italien du Marini.
Enus , je sçai qu'Amour a fui de ton Empire.
Et qu'en proye au plus vifchagrin ,
Tu promets un baiser à qui te pourra dire ,
Ou se cache ce Dieu málin , *
Ah! cesse les regrets où ton cœur s'abandonne ,
* Le Poëte dans ces quatre Vers a fait allusion
aucommencement de la premiere Idille de Moschus,
et ce Madrigal est , à vrai dire , une Réponse à
cette Idille.
E iiij Déesse
726 MERCURE DE FRANCE
Déesse , donne-moi ce doux baiser promis,
Ou fais qu'Ismene me le donne ;
C'es dans ses beaux yeux qu'est ton Fils.
M. COQUARD, Avocat au Parlement .
de Dijon.
Traduit de l'Italien du Marini.
Enus , je sçai qu'Amour a fui de ton Empire.
Et qu'en proye au plus vifchagrin ,
Tu promets un baiser à qui te pourra dire ,
Ou se cache ce Dieu málin , *
Ah! cesse les regrets où ton cœur s'abandonne ,
* Le Poëte dans ces quatre Vers a fait allusion
aucommencement de la premiere Idille de Moschus,
et ce Madrigal est , à vrai dire , une Réponse à
cette Idille.
E iiij Déesse
726 MERCURE DE FRANCE
Déesse , donne-moi ce doux baiser promis,
Ou fais qu'Ismene me le donne ;
C'es dans ses beaux yeux qu'est ton Fils.
M. COQUARD, Avocat au Parlement .
de Dijon.
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Résumé : MADRIGAL. Traduit de l'Italien du Marini.
Le texte présente un madrigal traduit de l'italien par Marini, adressé à Enus. Amour a quitté son empire, et Enus promet un baiser à celui qui trouvera ce dieu. Le poème fait référence à la première idylle de Moschus et mentionne M. Coquard, avocat au Parlement de Dijon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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593
p. 726-733
DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
Début :
Vous voulez, Monsieur, juger du Systême Typographique par l'experience [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Méthode, Bibliothèque des enfants, Système de morale, Expérience
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
OUZIEME LETTRE sur la
Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
VOU
Ous voulez , Monsieur , juger du Systême
Typographique par l'experience et par la
pratique, ou enfin par des exemples et des autoritez modernes. Cela paroît raisonnable jusqu'à un
certain point , je n'ignore pas que les preuves
sensibles ne frappent davantage , mais je sçai
aussi que ces prétendues preuves sensibles sont
souvent plus sujettes à l'erreur que les preuves de
raisonnement. J'avoue que lorsqu'il s'agit d'un
effet prompt et physique , l'experience est le
moyen le plus sur pour en décider ; supposons ,
par exemple, une dispute sur deux sortes de Poudre à Canon, où il s'agit de sçavoir laquelle a
plus de force et porte plus loin ; tous les raisonnemens sur la composition de cette Poudre , ne
feront jamais sur un bon esprit la même impression que l'experience réïterée, et après laquelle ces
raisonnemens serviront à confirmer , ou pour
mieux dire , à expliquer cette même experience.
Il en est de même de la circulation du sang etde
bien d'autres choses.
AVRIL. 17321 727
Mais quand il s'agit de Méthode et d'institution litteraire ou d'une experience soumise à une
infinité de combinaisons physiques et morales ,
il faut pour lors que la raison soit de la partie
et qu'elle serve par provision à discerner la bonté
et la superiorité de cette Méthode sur les autres ;
je croi que c'est ici le cas du Bureau Tipographique , malgré le raisonnement de ceux qui disent qu'il faut juger de la bonté de cette Méthode
par le grand nombre des Sçavans qu'elle produi c'est- à- dire , selon eux , attendre 20. 30. ou
So.ans avant que de se déterminer. Raisonner ainsi
n'est- ce pas raisonner à peu près comme si l'on
eut dit autrefois ? 1 °. Qu'il falloit juger de la
bonté et de l'excellence de la nouvelle Medecine
par le plus grand nombre de Vieillards de l'un et
del'autre Sexe, auquel cas laMedecine des Patriarches auroit été préferable à toutes les autres.
ra ,
2º. Qu'il falloit juger de la bonté des Loix de
chaque Païs , et de la probité de chaque Nation ,
par le plus petit nombre de procès et par le
moindre casuel des Executeurs de la haute Justice.
3°. Qu'il falloit juger de la politique et de la
science Militaire d'un siecle , par le nombre des
Héros , des grands Souverains et des Peuples heureux qu'ils gouvernoient.
4°. Qu'il falloit juger des avantages de l'Im
primerie , par le plus grand nonbre des Sçavans
et des Livres modernes préferables à ceux des- anciens:
5. Juger des avantages de la Boussole , de la
nouvelle Navigation et de la découverte du nouveau Monde , par le plus grand bonheur et le
meilleur être des Nations qui jouissent des fruits de cette découverte.
6. Juger de la bonté de l'Horlogerie et même B-v des
728 MERCURE DE FRANCE
des Prédicateurs ,, par le meilleur emploi du tems.
. De la préference et superiorité morale des Nations et de leur commerce , par le plus grand
nombre des honnêtes gens,par le plus grand nomnombre des riches , et le plus petit nombre des miserables.
8". Juger de la bonté des Systêmes de morale ,
de politique et même de Religion , par le plus
grand nombre des gens de bien, des gens de probité et de pieté , &c.
Vous voyez par là , Monsieur , qu' est plus --
aisé de juger des effets de pure Mécanique , que
de juger des effets combinez à l'infini dans le Physique et dans le Moral. Que d'incertitudes dans
l'enquête et dans le témoignage des hommes !
sur la complexion et le temperament des enfans !
sur les dispositions de leur esprit sur la Méthode qu'ils ont suivie ! sur les moyens , la capacité ,
les talens , et les soins des parens , des Maîtres et
même des domestiques ! sur l'usage et les Coûtumes de chaque Pays, et enfin sur tous les accidens
de la vie !
Descartes , Pascal , Baile , Newton , Leibnits ,
&c. ont été de grands hommes , s'ensuit- il que
leurs Abécé et leurs Rudimens fussent les meilleurs De quel Rudiment , de quelle Méthode se
servoient a utrefois les Hébreux , les Grecs et les
Latins , et de quelle Méthode se servent aujourd'hui les E spagnols et les Portugais , les Anglois
et les Hollandois ; en faut- il juger par le plus
grand nombre de leurs Sçavans ? Il n'est donc
pas toujours aisé de prouver la bonté d'un Systême ou d'une Méthode, par le plus grand nombre
des habiles gens qu'elle a produits , et si on peut
le dir e à p resent de la Méthode de Décartes , elle
me lai ssoit pas de porter par elle- même la preuve morale
AVRIL 1732. 729
•
2
morale et géométrique de son excellence et de sa
superiorité sur les autres Méthodes. On juge fa、
cilement de la bonté et de l'abondance des récoltes par la qualité , la quantité et le prix des denrées. Il n'en est pas tout- à -fait de même des Méthodes des Sçavans , ni de leurs Ouvrages. Concluons qu'il en est d'une Méthode comme d'un
outil ; un bon Ecrivain écrira mieux avec une
mauvaise plume , qu'an mauvais Ecrivain avec la
meilleure plume du monde. On n'apporte pas assez de soin sur le choix des Maîtres , voilà un
inconvenient. Les Maîtres ne cherchent pas assez
les rapports et les proportions entre la doctrine
et les enfans , voilà un autre inconvenient. Il n'est
donc pas absolument vrai qu'on puisse toûjours
juger de l'outil ou de la Méthode par l'Ouvrage et par l'Eleve.
Pour vous donner cependant , comme vous le
souhaitez , Monsieur , des témoignages rendus en faveur de la Méthode du Bureau , je puis vous
assurer que de toutes les personnes qui ont vu
cette Machine , il n'y en a point qui n'ait avoüé
de bonne foi que cette maniere de montrer les
premiers élemens des Lettres étoit ingénieuse et
plus à la portée des petits enfans que les Méthodes vulgaires ; en passant sous silence le détail des
témoignages de quelques Particuliers, je pourrois vous nomnier ici un des plus intelligens Magistrats et des plus zelez pour le bien de la République des Lettres , qui cut la curiosité de voir par
lui même l'exercice et les operations du Bureau
Typographique. M. Gallyot , accompagna ce Magistrat au College du Plessis , où M. Rollin et
M. l'Abbé de S. Pierre , avoient déja pris la peine
de se rendre. Tous ces Messieurs parlerent favorablement de cette Méthode et je me flatte qu'en -Evj -favcut
730 MERCURE DE FRANCE
faveur de notre cause ils voudront bien me par
donner la liberté que je viens de prendre de les
nommer. Le R. P. Buffier , le Régent de Quatrié
me du College de Louis le Grand , le P. Bouche
ron , Prêtre de l'Oratoire , M. Thomé , Conseiller au Parlement de Grenoble et d'autres Messieurs , se trouverent une autre fois ensemble au
Bureau du College du Plessis et rendirent également témoignage à la verité ; je pourrois vous
citer le Principal et les deux Sous- Principaux du
même College, qui , exempts de prévention , pen
sent favorablement de la Méthode Typographique. Je pourrois vous nommer le Proviseur et le
Principal du College d'Harcourt où le jeune Seigneur Dom Ventura de Liria , a déja fait et
'heureuse experience du Bureau Typographi
que. Je pourrois vous parler de M. Chom
pré , Maître de Pension , et depuis peu Maître
de petite Ecole , qui fait usage actuellement
des classes du Bureau Typographique , dans le
rue des Carmes ou saint Jean de Beauvais.;
exemple qui va être suivi par plusieurs. Maîtres d'Ecoles.
Je pourrois vous rapporter l'exemple d'une petite fille de trois ans , vis- à- vis sainte Catherine ,
rue S.Denis,qui imprime joliment à son Bureau,la
copie qu'on lui donne sur des cartes. Il y a plusieurs autres enfans qui s'amusent utilement au
Bureau Typographique ; cela devroit fermer la.
bouche aux Critiques , retenir leur plume et leur
apprendre enfin à en faire un meilleur usage pour le Public..
Je pourrois vous rapporter le Certificat de la Societé des Arts , inseré dans le Mercure du mois
de Septembre dernier , et vous dire qu'à la Cour même, Qn. fair usage du Bureau pour Monseigneur
AVRIL. 1732. 732
gneur le Dauphin et pour Mesdames de France.
Mais il faut vous dire le fort et le foible , un
Grammairien de Ventabren , donna dans le Mercure du mois de Janvier dernier , une Critique
contre le Bureau , et il en parut une autre dans le
mois de Février suivant , dont le Public fut en◄
core plus mécontent ; enfin M. Gaullier , Régent
de Quatriéme au Plessis , dans les Notes sur la
Méthode de M.le Févre, et M.le Beau, Regent de
Seconde au même College , dans sa petite Piece
comique du mois d'Août dernier , ont pris le
parti de se déclarer hautement contre le Systême
et contre l'Auteur du Bureau Typographique.
C'est à vous , Monsieur , à present d'aprécier ,
d'estimer et d'évaluer chaque témoignage ; si
vous voulez compter les voix avant que de péser
les raisons ; vous avez trois Maîtres qui se sont déclarez contre le Bureau et contre ses Partisans
de la Cour et de la Ville. De ces trois Maîtres
le premier étant, dit- on, imaginé et fait à plaisir ,
il n'en reste que deux ; de ces deux il ne faut pas
compter M. le Beau , qui par licence poëtique
plutôt qu'à mauvais dessein , a préferé le Bureau
pour le sujet de sa petite Piece ; on le lui auroit
même prêté avec plaisir, pour rendre plus sensible aux Spectateurs, la Critique qu'il en vouloit
faire ;on auroit pû fournir bien des pensées comiques sur cette matiere , et on en auroit ri comme
les autres , sans approuver neanmoins l'affectation des personalitez indécentes contre les morts
et les vivans ; conduite qui fait toujours tort au
jugement et au cœur , quelque honneur qu'elle
puisse faire d'ailleurs à l'esprit du Poëte.
2.
De ces trois Maîtres , il ne nous reste donc à
craindre contre le Bureau , que les Critiques de
M.Gaullier , ce laborieux et infatigable Profes- seur
732 MERCURE DE FRANCE
seur , dont les Notes sur la Méthode de M. le
Fevre , p. 104. parlant de la lecture de Terence,
et croyant avoir pour lui l'autorité de M. le Fevre , du P. Jouvency , des Statuts de l'Université,
de M. M. et R. P. des P. de l'Eglise , enfin du
Monde entier, pense- t'il , bors le seul M. Rollin ,
a voulu peut-être à son tour et dans cette occasion , se singulariser contre le jugement du Public , de la Cour , de la Ville , des Colleges , des
Maîtres d'Ecole , de la Societé des Arts , de l'experience , il a peut- être voulu qu'on pût aussi dire delui ce que l'Ecriture dit d'Ismaël. Gen. 16.
12. qu'il leva la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leveront aussi la
main contre lui , Et manus omnium contra eum ;
article et paroles que M. Gaullier rapporte dans
sa Lettre inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier , contre quelques lignes du Nouvelliste du Parnasse , dont il ne paroît pas qu'il
eût tant à se plaindre par un long et ennuyeux Commentaire. Bien des Auteurs à Paris , se sont
déclarez contre les Critiques de ce Professeur.
L'Auteur des Tropes attend sa réponse , 1 ° . sur
la difference des Colleges bien ou mal montez,
2. Sur la veritable diference de la Méthode de
Mile Fevre et de la Méthodedes Colleges. 3 ° . Sur
la contradiction de ceux qui, selon leur Méthode,
exigent l'âge de dix ou douze ans pour l'étude
des Rudimens et qui néanmoins les accablent d'une infinité de Regles Grammaticales avant cet âge
là. 4°. Sur les Charlatans de la menuë Litterature,
qui donnent le Catalogue fastueux de leurs petites
compilations. . Sur l'imparfaite division et
l'injuste accusation d'heresie ou de folie. 6° . Sur
les Longins connus et inconnus. 7° . Sur les Livres de compilation , imprimez exprès en lettres fort
"
AVRIL. 1732. 733
fort menuës , pour faciliter la grosse et grande
Litterature. 8. Sur la veritable définition des
mots Pedant et Pedenterie. 9 ° Et enfin , sur la
difference d'un vain Déclamateur, et d'un vrai et
utile Critique.
UnAuteur de Rennes en Bretagne s'est déclaré
contre ce Regent de quatriéme. M. Perquis autre
Breton , a donné une Réponse à la Lettre d'un
Profeffeur anonyme que M. Gaullier avoue être
de lui , petite consolation que l'honneur de tant
d'adversaires , tant qu'un fameux et ancien Recteur de l'Université de Paris , ne daignera pas en
augmenter le nombre , et que méprisant les vaines déclamations de ses critiques, il continuera ses
dignes et pénibles travaux pour enrichir la République des Lettres de la suite du cours historique que le public attend toujours avec impatience , et
qu'il reçoit et lit avec empressement.
1
Je vous envoie , Mr. les nouvelles dimensions
du Bureau , afin que vous puissiez en faire faire selon la mesure des Cartes et des Lettres dont
vous voudrez vous servir. Vous avez dans le Mercure de Novembre la suite des Jeux , des opérations , des exercices et des leçons du Sistême Ty- pografique ; et dans le premier Volume du mois s
de Decembre dernier, la maniere d'étiqueter et degarnir un Bureau complet.
Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
VOU
Ous voulez , Monsieur , juger du Systême
Typographique par l'experience et par la
pratique, ou enfin par des exemples et des autoritez modernes. Cela paroît raisonnable jusqu'à un
certain point , je n'ignore pas que les preuves
sensibles ne frappent davantage , mais je sçai
aussi que ces prétendues preuves sensibles sont
souvent plus sujettes à l'erreur que les preuves de
raisonnement. J'avoue que lorsqu'il s'agit d'un
effet prompt et physique , l'experience est le
moyen le plus sur pour en décider ; supposons ,
par exemple, une dispute sur deux sortes de Poudre à Canon, où il s'agit de sçavoir laquelle a
plus de force et porte plus loin ; tous les raisonnemens sur la composition de cette Poudre , ne
feront jamais sur un bon esprit la même impression que l'experience réïterée, et après laquelle ces
raisonnemens serviront à confirmer , ou pour
mieux dire , à expliquer cette même experience.
Il en est de même de la circulation du sang etde
bien d'autres choses.
AVRIL. 17321 727
Mais quand il s'agit de Méthode et d'institution litteraire ou d'une experience soumise à une
infinité de combinaisons physiques et morales ,
il faut pour lors que la raison soit de la partie
et qu'elle serve par provision à discerner la bonté
et la superiorité de cette Méthode sur les autres ;
je croi que c'est ici le cas du Bureau Tipographique , malgré le raisonnement de ceux qui disent qu'il faut juger de la bonté de cette Méthode
par le grand nombre des Sçavans qu'elle produi c'est- à- dire , selon eux , attendre 20. 30. ou
So.ans avant que de se déterminer. Raisonner ainsi
n'est- ce pas raisonner à peu près comme si l'on
eut dit autrefois ? 1 °. Qu'il falloit juger de la
bonté et de l'excellence de la nouvelle Medecine
par le plus grand nombre de Vieillards de l'un et
del'autre Sexe, auquel cas laMedecine des Patriarches auroit été préferable à toutes les autres.
ra ,
2º. Qu'il falloit juger de la bonté des Loix de
chaque Païs , et de la probité de chaque Nation ,
par le plus petit nombre de procès et par le
moindre casuel des Executeurs de la haute Justice.
3°. Qu'il falloit juger de la politique et de la
science Militaire d'un siecle , par le nombre des
Héros , des grands Souverains et des Peuples heureux qu'ils gouvernoient.
4°. Qu'il falloit juger des avantages de l'Im
primerie , par le plus grand nonbre des Sçavans
et des Livres modernes préferables à ceux des- anciens:
5. Juger des avantages de la Boussole , de la
nouvelle Navigation et de la découverte du nouveau Monde , par le plus grand bonheur et le
meilleur être des Nations qui jouissent des fruits de cette découverte.
6. Juger de la bonté de l'Horlogerie et même B-v des
728 MERCURE DE FRANCE
des Prédicateurs ,, par le meilleur emploi du tems.
. De la préference et superiorité morale des Nations et de leur commerce , par le plus grand
nombre des honnêtes gens,par le plus grand nomnombre des riches , et le plus petit nombre des miserables.
8". Juger de la bonté des Systêmes de morale ,
de politique et même de Religion , par le plus
grand nombre des gens de bien, des gens de probité et de pieté , &c.
Vous voyez par là , Monsieur , qu' est plus --
aisé de juger des effets de pure Mécanique , que
de juger des effets combinez à l'infini dans le Physique et dans le Moral. Que d'incertitudes dans
l'enquête et dans le témoignage des hommes !
sur la complexion et le temperament des enfans !
sur les dispositions de leur esprit sur la Méthode qu'ils ont suivie ! sur les moyens , la capacité ,
les talens , et les soins des parens , des Maîtres et
même des domestiques ! sur l'usage et les Coûtumes de chaque Pays, et enfin sur tous les accidens
de la vie !
Descartes , Pascal , Baile , Newton , Leibnits ,
&c. ont été de grands hommes , s'ensuit- il que
leurs Abécé et leurs Rudimens fussent les meilleurs De quel Rudiment , de quelle Méthode se
servoient a utrefois les Hébreux , les Grecs et les
Latins , et de quelle Méthode se servent aujourd'hui les E spagnols et les Portugais , les Anglois
et les Hollandois ; en faut- il juger par le plus
grand nombre de leurs Sçavans ? Il n'est donc
pas toujours aisé de prouver la bonté d'un Systême ou d'une Méthode, par le plus grand nombre
des habiles gens qu'elle a produits , et si on peut
le dir e à p resent de la Méthode de Décartes , elle
me lai ssoit pas de porter par elle- même la preuve morale
AVRIL 1732. 729
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morale et géométrique de son excellence et de sa
superiorité sur les autres Méthodes. On juge fa、
cilement de la bonté et de l'abondance des récoltes par la qualité , la quantité et le prix des denrées. Il n'en est pas tout- à -fait de même des Méthodes des Sçavans , ni de leurs Ouvrages. Concluons qu'il en est d'une Méthode comme d'un
outil ; un bon Ecrivain écrira mieux avec une
mauvaise plume , qu'an mauvais Ecrivain avec la
meilleure plume du monde. On n'apporte pas assez de soin sur le choix des Maîtres , voilà un
inconvenient. Les Maîtres ne cherchent pas assez
les rapports et les proportions entre la doctrine
et les enfans , voilà un autre inconvenient. Il n'est
donc pas absolument vrai qu'on puisse toûjours
juger de l'outil ou de la Méthode par l'Ouvrage et par l'Eleve.
Pour vous donner cependant , comme vous le
souhaitez , Monsieur , des témoignages rendus en faveur de la Méthode du Bureau , je puis vous
assurer que de toutes les personnes qui ont vu
cette Machine , il n'y en a point qui n'ait avoüé
de bonne foi que cette maniere de montrer les
premiers élemens des Lettres étoit ingénieuse et
plus à la portée des petits enfans que les Méthodes vulgaires ; en passant sous silence le détail des
témoignages de quelques Particuliers, je pourrois vous nomnier ici un des plus intelligens Magistrats et des plus zelez pour le bien de la République des Lettres , qui cut la curiosité de voir par
lui même l'exercice et les operations du Bureau
Typographique. M. Gallyot , accompagna ce Magistrat au College du Plessis , où M. Rollin et
M. l'Abbé de S. Pierre , avoient déja pris la peine
de se rendre. Tous ces Messieurs parlerent favorablement de cette Méthode et je me flatte qu'en -Evj -favcut
730 MERCURE DE FRANCE
faveur de notre cause ils voudront bien me par
donner la liberté que je viens de prendre de les
nommer. Le R. P. Buffier , le Régent de Quatrié
me du College de Louis le Grand , le P. Bouche
ron , Prêtre de l'Oratoire , M. Thomé , Conseiller au Parlement de Grenoble et d'autres Messieurs , se trouverent une autre fois ensemble au
Bureau du College du Plessis et rendirent également témoignage à la verité ; je pourrois vous
citer le Principal et les deux Sous- Principaux du
même College, qui , exempts de prévention , pen
sent favorablement de la Méthode Typographique. Je pourrois vous nommer le Proviseur et le
Principal du College d'Harcourt où le jeune Seigneur Dom Ventura de Liria , a déja fait et
'heureuse experience du Bureau Typographi
que. Je pourrois vous parler de M. Chom
pré , Maître de Pension , et depuis peu Maître
de petite Ecole , qui fait usage actuellement
des classes du Bureau Typographique , dans le
rue des Carmes ou saint Jean de Beauvais.;
exemple qui va être suivi par plusieurs. Maîtres d'Ecoles.
Je pourrois vous rapporter l'exemple d'une petite fille de trois ans , vis- à- vis sainte Catherine ,
rue S.Denis,qui imprime joliment à son Bureau,la
copie qu'on lui donne sur des cartes. Il y a plusieurs autres enfans qui s'amusent utilement au
Bureau Typographique ; cela devroit fermer la.
bouche aux Critiques , retenir leur plume et leur
apprendre enfin à en faire un meilleur usage pour le Public..
Je pourrois vous rapporter le Certificat de la Societé des Arts , inseré dans le Mercure du mois
de Septembre dernier , et vous dire qu'à la Cour même, Qn. fair usage du Bureau pour Monseigneur
AVRIL. 1732. 732
gneur le Dauphin et pour Mesdames de France.
Mais il faut vous dire le fort et le foible , un
Grammairien de Ventabren , donna dans le Mercure du mois de Janvier dernier , une Critique
contre le Bureau , et il en parut une autre dans le
mois de Février suivant , dont le Public fut en◄
core plus mécontent ; enfin M. Gaullier , Régent
de Quatriéme au Plessis , dans les Notes sur la
Méthode de M.le Févre, et M.le Beau, Regent de
Seconde au même College , dans sa petite Piece
comique du mois d'Août dernier , ont pris le
parti de se déclarer hautement contre le Systême
et contre l'Auteur du Bureau Typographique.
C'est à vous , Monsieur , à present d'aprécier ,
d'estimer et d'évaluer chaque témoignage ; si
vous voulez compter les voix avant que de péser
les raisons ; vous avez trois Maîtres qui se sont déclarez contre le Bureau et contre ses Partisans
de la Cour et de la Ville. De ces trois Maîtres
le premier étant, dit- on, imaginé et fait à plaisir ,
il n'en reste que deux ; de ces deux il ne faut pas
compter M. le Beau , qui par licence poëtique
plutôt qu'à mauvais dessein , a préferé le Bureau
pour le sujet de sa petite Piece ; on le lui auroit
même prêté avec plaisir, pour rendre plus sensible aux Spectateurs, la Critique qu'il en vouloit
faire ;on auroit pû fournir bien des pensées comiques sur cette matiere , et on en auroit ri comme
les autres , sans approuver neanmoins l'affectation des personalitez indécentes contre les morts
et les vivans ; conduite qui fait toujours tort au
jugement et au cœur , quelque honneur qu'elle
puisse faire d'ailleurs à l'esprit du Poëte.
2.
De ces trois Maîtres , il ne nous reste donc à
craindre contre le Bureau , que les Critiques de
M.Gaullier , ce laborieux et infatigable Profes- seur
732 MERCURE DE FRANCE
seur , dont les Notes sur la Méthode de M. le
Fevre , p. 104. parlant de la lecture de Terence,
et croyant avoir pour lui l'autorité de M. le Fevre , du P. Jouvency , des Statuts de l'Université,
de M. M. et R. P. des P. de l'Eglise , enfin du
Monde entier, pense- t'il , bors le seul M. Rollin ,
a voulu peut-être à son tour et dans cette occasion , se singulariser contre le jugement du Public , de la Cour , de la Ville , des Colleges , des
Maîtres d'Ecole , de la Societé des Arts , de l'experience , il a peut- être voulu qu'on pût aussi dire delui ce que l'Ecriture dit d'Ismaël. Gen. 16.
12. qu'il leva la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leveront aussi la
main contre lui , Et manus omnium contra eum ;
article et paroles que M. Gaullier rapporte dans
sa Lettre inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier , contre quelques lignes du Nouvelliste du Parnasse , dont il ne paroît pas qu'il
eût tant à se plaindre par un long et ennuyeux Commentaire. Bien des Auteurs à Paris , se sont
déclarez contre les Critiques de ce Professeur.
L'Auteur des Tropes attend sa réponse , 1 ° . sur
la difference des Colleges bien ou mal montez,
2. Sur la veritable diference de la Méthode de
Mile Fevre et de la Méthodedes Colleges. 3 ° . Sur
la contradiction de ceux qui, selon leur Méthode,
exigent l'âge de dix ou douze ans pour l'étude
des Rudimens et qui néanmoins les accablent d'une infinité de Regles Grammaticales avant cet âge
là. 4°. Sur les Charlatans de la menuë Litterature,
qui donnent le Catalogue fastueux de leurs petites
compilations. . Sur l'imparfaite division et
l'injuste accusation d'heresie ou de folie. 6° . Sur
les Longins connus et inconnus. 7° . Sur les Livres de compilation , imprimez exprès en lettres fort
"
AVRIL. 1732. 733
fort menuës , pour faciliter la grosse et grande
Litterature. 8. Sur la veritable définition des
mots Pedant et Pedenterie. 9 ° Et enfin , sur la
difference d'un vain Déclamateur, et d'un vrai et
utile Critique.
UnAuteur de Rennes en Bretagne s'est déclaré
contre ce Regent de quatriéme. M. Perquis autre
Breton , a donné une Réponse à la Lettre d'un
Profeffeur anonyme que M. Gaullier avoue être
de lui , petite consolation que l'honneur de tant
d'adversaires , tant qu'un fameux et ancien Recteur de l'Université de Paris , ne daignera pas en
augmenter le nombre , et que méprisant les vaines déclamations de ses critiques, il continuera ses
dignes et pénibles travaux pour enrichir la République des Lettres de la suite du cours historique que le public attend toujours avec impatience , et
qu'il reçoit et lit avec empressement.
1
Je vous envoie , Mr. les nouvelles dimensions
du Bureau , afin que vous puissiez en faire faire selon la mesure des Cartes et des Lettres dont
vous voudrez vous servir. Vous avez dans le Mercure de Novembre la suite des Jeux , des opérations , des exercices et des leçons du Sistême Ty- pografique ; et dans le premier Volume du mois s
de Decembre dernier, la maniere d'étiqueter et degarnir un Bureau complet.
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Résumé : DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
La lettre aborde la méthode typographique employée dans la Bibliothèque des Enfants et les dimensions du Bureau Typographique. L'auteur examine la validité de juger une méthode par l'expérience ou par le raisonnement. Il estime que, bien que l'expérience soit essentielle pour des questions mécaniques, elle est moins fiable pour évaluer des méthodes littéraires ou éducatives en raison de la complexité des facteurs impliqués. L'auteur critique l'idée de juger la méthode typographique par le nombre de savants qu'elle produit, comparant cela à des jugements absurdes dans d'autres domaines comme la médecine, les lois ou la politique. Il affirme que la qualité d'une méthode ne peut pas toujours être prouvée par le nombre de personnes qu'elle forme. La lettre mentionne plusieurs témoignages favorables à la méthode typographique, provenant de magistrats, de professeurs et de membres de la cour. Cependant, elle reconnaît également des critiques, notamment celles de certains professeurs et d'un grammairien. L'auteur conclut en soulignant la difficulté de juger une méthode uniquement par ses résultats et en invitant à une évaluation plus nuancée des témoignages et des raisons. Il fournit également des informations sur les dimensions du Bureau Typographique et les ressources disponibles pour en savoir plus sur le système typographique.
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594
p. 733-736
Dimension du Bureau Typografique , composé d'un Casseau de six rangs , de trente logètes chacun, et d'une Table brisée en deux parties inégales, dont la petite sert d'appui au Casseau , et l'autre sert à le fermer.
Début :
A l'exemple des Imprimeurs, on appelle Casseau une Caisse, [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Casseau, Imprimeurs, Table, Logètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dimension du Bureau Typografique , composé d'un Casseau de six rangs , de trente logètes chacun, et d'une Table brisée en deux parties inégales, dont la petite sert d'appui au Casseau , et l'autre sert à le fermer.
Dimension du Bureau Typografique , composé d'un Casseau de six rangs , detrente
logètes chacun, et d'une Table brisée en s
deux parties inégales , dont la petite sert
d'appui au Casseau , et l'autre sert à le
fermer.
A l'exemple des Imprimeurs , on appelle Cas seau
734 MERCURE DE FRANCE
seau une Caisse, divisée en petits compartimens our
Cassetins , dans lesquels on tient les Lettres nécessaires pour imprimer. Les Casseaux des Imprimeries sont à plat ou inclinez pour la commodité des Compositeurs , et le Casseau du Bureau est appuyé perpendiculairement et en forme
de Colombier contre la tringle du derriere de la
plus petite et la plus courte partie de la Table, où
on le retient par deux Crochets et deux Pitons à
vis. Ce Casseau est composé ainsi qu'il a été
dit de six rangs de Logètes , trente pour chacun,
-de sorte qu'il y a les deux montans extrêmes , de
l'épaisseur de ces traverses , et 29 petits montans
qui séparent et divisent les 30 Logètes de chaque
rang. Onpeut faire les petits montans d'une ou
de plusieurs pieces , mais la maniere la plus solide et la plus propre c'est de donner à chaque Logète son petit montant de séparation , entaillé
dans ses deux traverses , et ainsi au lieu de 29 petits montans d'une piéce , il y en aura 6 fois 29,
ou 174. Ceux qui voudront des Casseaux plus
courts , pourront faire faire de petites Cartes et
des Montans de fer blanc à leur fantaisie , et à
proportion du lieu qu'ils destineront à cette ma- chine.
Les dimensions du Bureau Typographique
doivent donc se regler sur les dimensions des
Cartes à jouer et des caracteres à jour dont on
veut se servir pour imprimer les Etiquettes sur
les traverses , au bas de chaque Cassetin. Les Cartes de Paris ont environ 25 lignes de largeur, sur
38 lignes de longueur , et je suppose icy, des caracteres de 8 lignes de hauteur pour les Capitales et pour les Lettres à tête et à¨queuë. -
Io-
A VRIL, 1732. 73
§. 1. Longueur du Casseau et du Bureau. ·
Premier Montant de 9 lignes ,-
30 Logètes , à 25 lignes ,
30 fois le jeu ou l'aisance des Cartes mises dans la Logète, à deux lignes par Logè- te ,
3
9ligne
62 pouc. 6
S
29 petits Montans à lign. 7
Dernier Montant, de 9 lignes ,
Ajoutant 2 pouces à
fa longueur du Casseau
pour l'excedant des ex- trémitez de la Table qui
retiennent et qui ferment
ce Casseau , vous trouverez pour toute la longueur de la Table ,
>
39
76 pouces 3 lign.
ou 6 piés, 4 pouces , lignes.
6 pieds , 6 pouc. 3. lign
§. 2. Hauteur ou largeur du Casseau.
Six rangs de Logêtes par coIone , à 18 lignes , le vuide ou
la hauteur d'une Logète font 9 pouc.
Sept traverses , à9 lignes shacune ,
3 lign.
14 pouc.3
S. 3.
736 MERCURE DE FRANCE
S. 3. Epaisseur ou profondeur du Casseau.
Longueur de la Carte pour
la Logète ,
L'aisance ou l'excedant de
chaque Logète ,
Epaisseur du Bois du derricre ou du fond du Casseau,
Epaisseur de la Tringle qui sert de rebord à la petite partie de la Table , et qui retient la Casseau ,
Epaisseur de la grande partie de la Table qui sert à fer- mer le Casseau ,
3 pouc. lignes .
s pouc. -2 lignes,
Pour fermer le Bureau on ferre les deux piéees de la Table avec trois Fiches ou trois Couplets ; on met un Crochet sur le premier et le
dernier Montant , et un Piton à vis sur chaque
console aux extrêmitez de la Table.
On met aussi une Serrure plate au milieu de
la Table fermée , et son Moraillon au milieu de
la plus haute traverse. Voilà , Monsieur, les nouvelles dimensions du Bureau Typografique ; je
vous prie au surplus d'user toujours de votre
indulgence à mon égard , et de vouloir bien me
pardonner les fautes de langage , et d'expression
en faveur des sentimens et des intentions que
vous me connoissez pour le bien litteraire du public , et pour la premiere institution des enfans
qui font la partie la plus chere , la plus aimable
et la plus innocente du genre humain. J'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.-
logètes chacun, et d'une Table brisée en s
deux parties inégales , dont la petite sert
d'appui au Casseau , et l'autre sert à le
fermer.
A l'exemple des Imprimeurs , on appelle Cas seau
734 MERCURE DE FRANCE
seau une Caisse, divisée en petits compartimens our
Cassetins , dans lesquels on tient les Lettres nécessaires pour imprimer. Les Casseaux des Imprimeries sont à plat ou inclinez pour la commodité des Compositeurs , et le Casseau du Bureau est appuyé perpendiculairement et en forme
de Colombier contre la tringle du derriere de la
plus petite et la plus courte partie de la Table, où
on le retient par deux Crochets et deux Pitons à
vis. Ce Casseau est composé ainsi qu'il a été
dit de six rangs de Logètes , trente pour chacun,
-de sorte qu'il y a les deux montans extrêmes , de
l'épaisseur de ces traverses , et 29 petits montans
qui séparent et divisent les 30 Logètes de chaque
rang. Onpeut faire les petits montans d'une ou
de plusieurs pieces , mais la maniere la plus solide et la plus propre c'est de donner à chaque Logète son petit montant de séparation , entaillé
dans ses deux traverses , et ainsi au lieu de 29 petits montans d'une piéce , il y en aura 6 fois 29,
ou 174. Ceux qui voudront des Casseaux plus
courts , pourront faire faire de petites Cartes et
des Montans de fer blanc à leur fantaisie , et à
proportion du lieu qu'ils destineront à cette ma- chine.
Les dimensions du Bureau Typographique
doivent donc se regler sur les dimensions des
Cartes à jouer et des caracteres à jour dont on
veut se servir pour imprimer les Etiquettes sur
les traverses , au bas de chaque Cassetin. Les Cartes de Paris ont environ 25 lignes de largeur, sur
38 lignes de longueur , et je suppose icy, des caracteres de 8 lignes de hauteur pour les Capitales et pour les Lettres à tête et à¨queuë. -
Io-
A VRIL, 1732. 73
§. 1. Longueur du Casseau et du Bureau. ·
Premier Montant de 9 lignes ,-
30 Logètes , à 25 lignes ,
30 fois le jeu ou l'aisance des Cartes mises dans la Logète, à deux lignes par Logè- te ,
3
9ligne
62 pouc. 6
S
29 petits Montans à lign. 7
Dernier Montant, de 9 lignes ,
Ajoutant 2 pouces à
fa longueur du Casseau
pour l'excedant des ex- trémitez de la Table qui
retiennent et qui ferment
ce Casseau , vous trouverez pour toute la longueur de la Table ,
>
39
76 pouces 3 lign.
ou 6 piés, 4 pouces , lignes.
6 pieds , 6 pouc. 3. lign
§. 2. Hauteur ou largeur du Casseau.
Six rangs de Logêtes par coIone , à 18 lignes , le vuide ou
la hauteur d'une Logète font 9 pouc.
Sept traverses , à9 lignes shacune ,
3 lign.
14 pouc.3
S. 3.
736 MERCURE DE FRANCE
S. 3. Epaisseur ou profondeur du Casseau.
Longueur de la Carte pour
la Logète ,
L'aisance ou l'excedant de
chaque Logète ,
Epaisseur du Bois du derricre ou du fond du Casseau,
Epaisseur de la Tringle qui sert de rebord à la petite partie de la Table , et qui retient la Casseau ,
Epaisseur de la grande partie de la Table qui sert à fer- mer le Casseau ,
3 pouc. lignes .
s pouc. -2 lignes,
Pour fermer le Bureau on ferre les deux piéees de la Table avec trois Fiches ou trois Couplets ; on met un Crochet sur le premier et le
dernier Montant , et un Piton à vis sur chaque
console aux extrêmitez de la Table.
On met aussi une Serrure plate au milieu de
la Table fermée , et son Moraillon au milieu de
la plus haute traverse. Voilà , Monsieur, les nouvelles dimensions du Bureau Typografique ; je
vous prie au surplus d'user toujours de votre
indulgence à mon égard , et de vouloir bien me
pardonner les fautes de langage , et d'expression
en faveur des sentimens et des intentions que
vous me connoissez pour le bien litteraire du public , et pour la premiere institution des enfans
qui font la partie la plus chere , la plus aimable
et la plus innocente du genre humain. J'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.-
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Résumé : Dimension du Bureau Typografique , composé d'un Casseau de six rangs , de trente logètes chacun, et d'une Table brisée en deux parties inégales, dont la petite sert d'appui au Casseau , et l'autre sert à le fermer.
Le texte décrit la structure et les dimensions d'un Bureau Typographique, utilisé pour l'impression. Ce bureau comprend un Casseau, une caisse divisée en compartiments appelés Logètes, où sont rangées les lettres nécessaires à l'impression. Le Casseau est composé de six rangs de trente Logètes chacun, soit un total de 180 Logètes. Les dimensions du Casseau sont précisées : la longueur totale de la Table est de 6 pieds, 4 pouces et 6 lignes, et la hauteur ou largeur du Casseau est de 9 pouces. L'épaisseur ou profondeur du Casseau est déterminée par la longueur de la Carte, l'aisance des Logètes, et l'épaisseur du bois. Le Bureau est fermé par deux parties de la Table, maintenues par des Crochets, des Pitons à vis et une Serrure plate. Les dimensions du Bureau doivent être adaptées aux Cartes à jouer et aux caractères utilisés pour imprimer les étiquettes sur les traverses des Logètes.
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595
p. 737
Enigmes, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
Début :
Les mots de l'Enigme et des Logogryphes du mois [...]
Mots clefs :
Palais, Pépin, Montferrat, Balance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Enigmes, Logogryphes, &c. [titre d'après la table]
Les mots de l'Enigme et des Logogry.
phes du mois de Mars sont Palais , Pepin,
Montferrat , Balance.
phes du mois de Mars sont Palais , Pepin,
Montferrat , Balance.
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596
p. 737-738
ENIGME.
Début :
De mes soeurs je suis la derniere, [...]
Mots clefs :
Lettre Z
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
DE mes sœurs je suis la derniere ,
Nous sommes deux fois douze , un homme ess
notre pere ;
Son nom , je ne m'en souviens pas ;
Pour me reconnoître , en tout cas ,
Ce nom n'est pas bien necessaire.
J'avoue ici de bonne foy ,
Que de rire à chacun je fais naître l'envie ;
Car un Nain, un Pigmée à taille mal polic ,
De le railler , si l'on a la manie 9
On dit qu'il est fait comme moi.
Quoiqu'il en soit , j'ai sçû me couronner de
gloire ,
En me trouvant toûjours dans les hazards.
Je m'offre aux yeux de toutes parts ;
Et (ce qu'on aura peine à croire )
Je ne suis point dans l'eau , dans le feu , dans les
Airs ,
Ni même dans tout l'Univers.
Je vais pourtant, et sans me contredire ,
Vous
738 MERCURE DE FRANCE
Vous dire où l'on peut me trouver ;
C'est toujours avec le Zéphire ,
Au Zodiaque encor... Fort bien , allez vous dire
Je n'rrai pas vous y chercher.
Par M. V.J. A. Ľ.
DE mes sœurs je suis la derniere ,
Nous sommes deux fois douze , un homme ess
notre pere ;
Son nom , je ne m'en souviens pas ;
Pour me reconnoître , en tout cas ,
Ce nom n'est pas bien necessaire.
J'avoue ici de bonne foy ,
Que de rire à chacun je fais naître l'envie ;
Car un Nain, un Pigmée à taille mal polic ,
De le railler , si l'on a la manie 9
On dit qu'il est fait comme moi.
Quoiqu'il en soit , j'ai sçû me couronner de
gloire ,
En me trouvant toûjours dans les hazards.
Je m'offre aux yeux de toutes parts ;
Et (ce qu'on aura peine à croire )
Je ne suis point dans l'eau , dans le feu , dans les
Airs ,
Ni même dans tout l'Univers.
Je vais pourtant, et sans me contredire ,
Vous
738 MERCURE DE FRANCE
Vous dire où l'on peut me trouver ;
C'est toujours avec le Zéphire ,
Au Zodiaque encor... Fort bien , allez vous dire
Je n'rrai pas vous y chercher.
Par M. V.J. A. Ľ.
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597
p. 738
SECONDE ENIGME.
Début :
Mon origine est incertaine, [...]
Mots clefs :
Boussole
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE ENIGME.
SECONDE ENIGME.
Monorigine est incertaine ,
Mais on me dit communément ,
Ou Chinoise ou Napolitaine.
Je navige très-fréquemment ,
Et l'Empire affreux de Neptune ,
Que mon sexe a tant en horreur ,
Ne m'inspire point de terreur ;
Quand l'homme y va chercher fortune,
Il ne l'entreprend pas sans moi;
Sans moi , foible est son esperance.
Je possede sa confiance ,
Sans que je devine pourquoi ;
Car chez moi ce n'est qu'inconstance
Que foiblesse et fragilité ;
Souvent une vivacité ,
Qu'on prendroit pour extravagance.
A me consulter empressé,
Malgré ces deffauts , plus d'un sage ,
Atrès- souvent eu l'avantage ,
De 'se voir par moi redressé.
P.D. F. de Granville , en Normandie.
Monorigine est incertaine ,
Mais on me dit communément ,
Ou Chinoise ou Napolitaine.
Je navige très-fréquemment ,
Et l'Empire affreux de Neptune ,
Que mon sexe a tant en horreur ,
Ne m'inspire point de terreur ;
Quand l'homme y va chercher fortune,
Il ne l'entreprend pas sans moi;
Sans moi , foible est son esperance.
Je possede sa confiance ,
Sans que je devine pourquoi ;
Car chez moi ce n'est qu'inconstance
Que foiblesse et fragilité ;
Souvent une vivacité ,
Qu'on prendroit pour extravagance.
A me consulter empressé,
Malgré ces deffauts , plus d'un sage ,
Atrès- souvent eu l'avantage ,
De 'se voir par moi redressé.
P.D. F. de Granville , en Normandie.
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598
p. 739
LOGOGRIPHE.
Début :
Vous allez voir à l'instant qui je suis, [...]
Mots clefs :
Pavé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGOGRIPHE.
Ous allez voir à l'instant qui je suis,
Puisque mon gîte est dans la rue;
Ma tête à bas , je vous saluë.
Dès que mon chefsera remis ,
Si vous retranchez ma finale,
Je serai Ville Capitale.
Que ledit membre retranché,
Soit à present après mon chef niché,
Lecteur , alors je vous suis chose chere.
Qu'en cet état , je sois encor décapité ,
Je soutiens avec verité ,
Qu'au corps humain je suis très necessaire.
Ous allez voir à l'instant qui je suis,
Puisque mon gîte est dans la rue;
Ma tête à bas , je vous saluë.
Dès que mon chefsera remis ,
Si vous retranchez ma finale,
Je serai Ville Capitale.
Que ledit membre retranché,
Soit à present après mon chef niché,
Lecteur , alors je vous suis chose chere.
Qu'en cet état , je sois encor décapité ,
Je soutiens avec verité ,
Qu'au corps humain je suis très necessaire.
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599
p. 739-741
SECOND LOGOGRYPHE.
Début :
Sept Lettres composent mon nom ; [...]
Mots clefs :
Crochet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECOND LOGOGRYPHE.
ECOND LOGOGRYPHE.
SeptLettres composent mon nom ;
Je suis d'une obscure naissance ;
Je vis sans gloire et sans renoms
Mais du sein de mon abondance ,
Avec l'aide du chiffre , un Lecteur curieux,
Pourra facilement tirer des noms fameux.
Cinq, six , un, sept , trois , deux, je passe dans l'Histoire
Pour un vaillant Héros , plein de force et de
gloire.
Quatre
740 MERCURE DE FRANCE
Quatre , cinq, six et deux, me rendent toûjours
..cher.
Un, trois , quatre , cinq , six , je sers pour le
voyage;
Mais il faut , pour me voir marcher ,
Ajouter à ma queue un nombre davantage ;
Cinq , trois , sept , six , tantôt je suis vil instru→
ment ,
Et tantôt je reçois le monde poliment.
Mes extrémes coupez , le timide Pilote ,
Craint ma rencontre avec raison.
Mon dernier membre ôté , je fais hater la note.
Quatre , trois , deux , le chien connoît mon son.
Quatre, cinq, trois et un , j'ai l'humeur martiale.
Et je réduis souvent un Guerrier aux abois.
Six et trois , je n'ai que la voix.
Cinq , trois , un, je suis bas , et sens un peu la
Hale.
Quatre , trois , sept et six , le Sexe feminin ,
De moi tire son origine.
Sept , cinq et six , on me prend le matin.
Sous differens états j'habite la Cuisine ;
Quatre , deux, trois et un , d'une étrange ma
niere ,
De m'y prendre on se fait unjeu.
Deux, trois et sept , une maia meurtriere;
M'y fait passer par le fer et le feu.
Retranchant mon membre premier ,
J'accompagne toujours un Evêque à l'Eglise.
Ajoutant
AVRIL. 17327 741
Ajoûtant mon membre dernier ,
A deux , trois , un , je suis utile en marchandise.
Six, un, trois , sept , au Cabaret ,
On me trouve toujours à la fin de la table ,
Deux , trois et sept , je rends un son desagréable.
Je finis ; si tu peux , devine mon secret.
Parun Ecclesiastique de Senlis.
SeptLettres composent mon nom ;
Je suis d'une obscure naissance ;
Je vis sans gloire et sans renoms
Mais du sein de mon abondance ,
Avec l'aide du chiffre , un Lecteur curieux,
Pourra facilement tirer des noms fameux.
Cinq, six , un, sept , trois , deux, je passe dans l'Histoire
Pour un vaillant Héros , plein de force et de
gloire.
Quatre
740 MERCURE DE FRANCE
Quatre , cinq, six et deux, me rendent toûjours
..cher.
Un, trois , quatre , cinq , six , je sers pour le
voyage;
Mais il faut , pour me voir marcher ,
Ajouter à ma queue un nombre davantage ;
Cinq , trois , sept , six , tantôt je suis vil instru→
ment ,
Et tantôt je reçois le monde poliment.
Mes extrémes coupez , le timide Pilote ,
Craint ma rencontre avec raison.
Mon dernier membre ôté , je fais hater la note.
Quatre , trois , deux , le chien connoît mon son.
Quatre, cinq, trois et un , j'ai l'humeur martiale.
Et je réduis souvent un Guerrier aux abois.
Six et trois , je n'ai que la voix.
Cinq , trois , un, je suis bas , et sens un peu la
Hale.
Quatre , trois , sept et six , le Sexe feminin ,
De moi tire son origine.
Sept , cinq et six , on me prend le matin.
Sous differens états j'habite la Cuisine ;
Quatre , deux, trois et un , d'une étrange ma
niere ,
De m'y prendre on se fait unjeu.
Deux, trois et sept , une maia meurtriere;
M'y fait passer par le fer et le feu.
Retranchant mon membre premier ,
J'accompagne toujours un Evêque à l'Eglise.
Ajoutant
AVRIL. 17327 741
Ajoûtant mon membre dernier ,
A deux , trois , un , je suis utile en marchandise.
Six, un, trois , sept , au Cabaret ,
On me trouve toujours à la fin de la table ,
Deux , trois et sept , je rends un son desagréable.
Je finis ; si tu peux , devine mon secret.
Parun Ecclesiastique de Senlis.
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600
s. p.
LA JEUNESSE. ODE. A M. de Franay, Trésorier de France en la Generalité de Moulins.
Début :
Descends de la Voute azurée, [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Hébé, Jeux, Bois
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA JEUNESSE. ODE. A M. de Franay, Trésorier de France en la Generalité de Moulins.
LA JEUNESSE,
O D E.
A M. de Franay , Trésorier de France
en la Generalité de Moulins.
D
Escends de la Voute azurée ,
Quitte , Hébé , le Buffet des Dieux;
Des Jeux , des Graces entourée ,
Viens te présenter à mes yeux.
Hebé , je vais , de ton Empire ,
Chanter les douceurs et les Loix ,
A ij Inspire
838 MERCURE DE FRANCE
Inspire-moi , touche ma Lire ;
Qui mieux que toi pourroit me dire
Ton rang, tes honneurs et tes droits ?
De quels transports , de quelle yvresse ,
Me sens-je tout à coup épris !
Est- ce toi , charmante Déesse ,
Qui viens animer mes esprits
Je la vois , un Zéphir la porte ,
Avec l'Amour , Momus la suit.
Le vieux Saturne qui l'escorte ,
Des heures forme une cohorte ,
Qui se renouvelle sans bruit.
M
Son Empire sur la Nature,
Renferme la terre et les Airs ;
Le Printemps lui doit sa verdure ,
Et les Oiseaux leurs Chants divers,
Si d'une Jeunesse immortelle,
Hebé possede les beaux jours ,
Elle en répand sur chaque Belle ,
Quelque rayon , quelque étincelle ,
Mais qui ne dure pas toûjours.
3123
Profitez , riante Jeunesse ,
Du temps de faire votre cour,
Dépêchez-
MAY. 1732. 83
Dépêchez-vous , l'heure vous presse ,
Le temps qui fuit est sans retour.
Il n'est qu'un Printemps dans l'année ,
La nuit suit de près le matin ;
Et Flore , dans une Journée ,
Des Roses dont elle est ornée ,
Commence et finit le destin.
M
En doux ébats , en Jeux , en Fêtes ,
Venez lui payer vos tributs .
Les plaisirs que Comus apprête ,
Forment d'Hebéles revenus.
Mais pour mériter à sa suite ,
La préference et sa faveur
Fuyez les fureurs du Lapithe ,
La molesse du Sybaritte ,
Le fiel du Satyre imposteur.
Quel bruit se répand dans les Plaines ?
Pan fait raisonner son Hautbois.
Les Nymphes quittent leurs Fontaines,
Les Sylvains sortent de leurs Bois.
Pendant qu'une danse legere ,
Vous marque , Hebé , leur dévouement?
La Dryade , sur la fougee ,
Pour exprimer sa joye entiere ,
Ecoute à l'écart son Amant.
f
A iij Mais
840 MERCURE DE FRANCE
Mais quel est ce Berger qui chante ;
Sa Flute rend les plus doux sons.
Il veut de l'objet qui l'enchante ,
Fléchir le cœur par ses Chansons.
Chanter pour vaincre une volage !
Berger , vous chanterez en vain ;
Poussez , pressez un cœur sauvage ,
L'Amant chantant , trace l'Ouvrage ,
L'Amant pressant , le met à fin.
M
Vous , dont la languissante veine ,
Fait souvent gémir la raison ,
En vain des Eaux de l'Hypocrêne ,
Vous enyvrez votre Apollon.
Si vous voulez de la science ,
Qu'Hebé vous ouvre le chemin.
*
Le don de plaire et l'éloquence ,
Sont à la Source de Jouvence ,
Et dans les ressorts de l'instinct.
Après neuf lustres , suis-je sage ?
Quoi : j'ose ébranler des ressorts ,
Qui sont trop vifs dans le bel âge ,
Dans le mien qui sont presque morts!
Je vois ce contraste sans peine ,
Je conseille et je n'agis pas,
Four
MA Y.. 17320 841
Pourvû, Franay , que mon halene ,
Ait , à ton gré , conduit ma veine ,
Je fais du reste peu de cas.
M. de Soultrait.
O D E.
A M. de Franay , Trésorier de France
en la Generalité de Moulins.
D
Escends de la Voute azurée ,
Quitte , Hébé , le Buffet des Dieux;
Des Jeux , des Graces entourée ,
Viens te présenter à mes yeux.
Hebé , je vais , de ton Empire ,
Chanter les douceurs et les Loix ,
A ij Inspire
838 MERCURE DE FRANCE
Inspire-moi , touche ma Lire ;
Qui mieux que toi pourroit me dire
Ton rang, tes honneurs et tes droits ?
De quels transports , de quelle yvresse ,
Me sens-je tout à coup épris !
Est- ce toi , charmante Déesse ,
Qui viens animer mes esprits
Je la vois , un Zéphir la porte ,
Avec l'Amour , Momus la suit.
Le vieux Saturne qui l'escorte ,
Des heures forme une cohorte ,
Qui se renouvelle sans bruit.
M
Son Empire sur la Nature,
Renferme la terre et les Airs ;
Le Printemps lui doit sa verdure ,
Et les Oiseaux leurs Chants divers,
Si d'une Jeunesse immortelle,
Hebé possede les beaux jours ,
Elle en répand sur chaque Belle ,
Quelque rayon , quelque étincelle ,
Mais qui ne dure pas toûjours.
3123
Profitez , riante Jeunesse ,
Du temps de faire votre cour,
Dépêchez-
MAY. 1732. 83
Dépêchez-vous , l'heure vous presse ,
Le temps qui fuit est sans retour.
Il n'est qu'un Printemps dans l'année ,
La nuit suit de près le matin ;
Et Flore , dans une Journée ,
Des Roses dont elle est ornée ,
Commence et finit le destin.
M
En doux ébats , en Jeux , en Fêtes ,
Venez lui payer vos tributs .
Les plaisirs que Comus apprête ,
Forment d'Hebéles revenus.
Mais pour mériter à sa suite ,
La préference et sa faveur
Fuyez les fureurs du Lapithe ,
La molesse du Sybaritte ,
Le fiel du Satyre imposteur.
Quel bruit se répand dans les Plaines ?
Pan fait raisonner son Hautbois.
Les Nymphes quittent leurs Fontaines,
Les Sylvains sortent de leurs Bois.
Pendant qu'une danse legere ,
Vous marque , Hebé , leur dévouement?
La Dryade , sur la fougee ,
Pour exprimer sa joye entiere ,
Ecoute à l'écart son Amant.
f
A iij Mais
840 MERCURE DE FRANCE
Mais quel est ce Berger qui chante ;
Sa Flute rend les plus doux sons.
Il veut de l'objet qui l'enchante ,
Fléchir le cœur par ses Chansons.
Chanter pour vaincre une volage !
Berger , vous chanterez en vain ;
Poussez , pressez un cœur sauvage ,
L'Amant chantant , trace l'Ouvrage ,
L'Amant pressant , le met à fin.
M
Vous , dont la languissante veine ,
Fait souvent gémir la raison ,
En vain des Eaux de l'Hypocrêne ,
Vous enyvrez votre Apollon.
Si vous voulez de la science ,
Qu'Hebé vous ouvre le chemin.
*
Le don de plaire et l'éloquence ,
Sont à la Source de Jouvence ,
Et dans les ressorts de l'instinct.
Après neuf lustres , suis-je sage ?
Quoi : j'ose ébranler des ressorts ,
Qui sont trop vifs dans le bel âge ,
Dans le mien qui sont presque morts!
Je vois ce contraste sans peine ,
Je conseille et je n'agis pas,
Four
MA Y.. 17320 841
Pourvû, Franay , que mon halene ,
Ait , à ton gré , conduit ma veine ,
Je fais du reste peu de cas.
M. de Soultrait.
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Résumé : LA JEUNESSE. ODE. A M. de Franay, Trésorier de France en la Generalité de Moulins.
Le poème est adressé à M. de Franay, Trésorier de France en la Généralité de Moulins. Il invoque Hébé, déesse de la jeunesse, pour célébrer ses douceurs et ses lois. Le poète exprime son enthousiasme et son inspiration divine. Hébé, portée par Zéphyr et accompagnée de l'Amour et de Momus, règne sur la nature, apportant verdure et chants aux oiseaux. Cependant, sa jeunesse immortelle ne dure pas éternellement pour les mortels. Le poème exhorte à profiter de la jeunesse, car le temps passe vite. Il recommande de savourer les plaisirs et les fêtes, tout en évitant les excès et les vices. Pan, les Nymphes et les Sylvains célèbrent Hébé par leurs danses et leurs chants. Un berger tente de séduire par ses chansons, mais le poète conseille de presser un cœur sauvage pour le conquérir. Le texte souligne que la science et l'éloquence proviennent de la jeunesse. Le poète reconnaît le contraste entre ses conseils et ses propres actions, avouant qu'il ne suit pas toujours ses recommandations. Il conclut en espérant que son inspiration ait plu à M. de Franay.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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