LETTRE de M. de Couffilts , Medecin
de Barege , écrite à M. Chevillard
Fontainier du Roy , sur la Découverte ´
d'une nouvelle Source , &c..
Our l'intelligence de cette Lettre , il Pourfaut sçavoir que les Eaux de Barege ,
dans les Pyrenées , dont les excellentes
qualitez et les merveilleux effets ne sont
ignorez de personne , se perdoient depuis quelque temps , et sembloient , pour
ainsi- dire , vouloir rentrer dans le sein
de la Terre. M. Dangervilliers en ayant
eû avis et sçachant combien ces Eaux sont
particulierement salutaires aux Officiers
et à tous les gens de guerre qui exposent leur vie pour le service du Roy
pria M. le Duc d'Antin , de jetter les yeux
sur quelque personne habile et entenduë
sur le fait des Eaux , capable de faire la
recherche en question et le rétablissement
parfait des Bains de Barege. Le Duc d'Antin lui envoya aussi- tôt le sieur Chevillard , Fontainier du Roy à Meudon , d'une capacité reconnue , lequel partit pour
les Pyrenées au mois de Juin dernier
et fut de retour au mois de Septembre ,
après
MARS. 17320 431
après avoir fait , non-seulement la recherche et la réunion des anciennes Eaux en
plus grande abondance qu'auparavant ,
mais encore la découverte heureuse d'une
nouvelle Source qui a déja operé des guérisons extraordinaires et presque subites.'
C'est de quoi M. Couffilts , Medecin des
Eaux de Barege , instruit le sieur Chevillard par la Lettre qu'on va lire.
Le succès de vos peines et de votre
Ouvrage en ce Pays- cy , Monsieur , st
trop grand , sur tout par la découverte
que vous avez faite de la Source Minerale qui produit tous les jours des effets
admirables , pour ne vous pas informer
des heureuses suites de vore travail . Je
vous dirai d'abord que l'Eau de la nouvelle Source a un grand gout de fer et
de souffre ; j'estime qu'elle charrie d'autres Mineraux , mais qui sont si bien liez
ensemble , qu'on ne peut guere les distinguer par le goût ni par l'odorat , les
premiers etant dominants , ce qui mérite
qu'on en fasse faire l'Analyse par quelque
habile Artiste.
A l'égard des effets , cette Eau purge
des uns par les premieres voyes , par les
urines et par les transpiration ; elle fait
vomir les autres et les soulage de même,
donnant à tous un grand appetit.
Ma
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Ma Lettre seroit trop longue si je vous
faisois l'énumeration de toutes les guérisons parfaites qui sont de ma connoissance ; des Malades sur tout qui avoient
des obstructions aux Visceres. Je me contenterai de vous parler sommairement de
trois personnes.
La premiere est un Prêtre Arragonois
de la Ville d'Aorle , que la réputation de
la nouvelle Source a fait venir ici. Il
souffroit depuis long-temps d'une tumeur squirreuse au foye , et avoit tenté
inutilement tous les Remedes de la Medecine Espagnole. Après neufjours d'usage de ces Eaux , pendant lesquels je
purgeai deux fois le Malade avec la Rhu
barbe et la Mane seulement , la tumeur
s'est entierement fonduë , et il s'est retiré
parfaitement guéri. J'ai reçû depuis peu
une de ses Lettres , par laquelle il me
marque qu'il jouit d'une santé parfaite
et qu'il doit sa guérison aux Eaux de cette
Source.
En second lieu , un Domestique du
Comte de Montaigu , atteint depuis
long- temps d'une maladie de langueur
qui l'avoit rendu éthique , à cause , sans
doute , des obstructions de ses Visceres ,
ayant accompagné son Maître à Barege
fur conseillé de boire aussi de cette Eau,
ce
MARS. 1132. 433
S
S
ce qu'il a pratiqué avec tant de succès ,
qu'il a été pareillement et radicalement
guéri.
>
Enfin le sieur Gertoux , Marchand et
Habitant de la Valée d'Aure , qui souffroit des Obstructions considerables au
Foye et au Pancreas se trouvant aux
Eaux de Bagneres , qu'il prenoit sans aucun succès , les quitta pour venir essayer
de cette nouvelle Source; je n'osai pas
le lui conseiller, voyant sa bile répanpar tout le corps , et craignant quelfâcheux accident ; cependant au bout
de huit jours d'usage de cette Eau, ils'apperçut comme moi , que la bile avoit
repris sa circulation naturelle , et que les
Obstructions étoient fondues par la force
des Mineraux ; en un mot, il s'est retire
en parfaite santé.
duë
que
Jay crû, Monsieur , devoir vous faire
će petit détail pour votre satisfaction particuliere et pour l'interêt du Public , qui
ne sçauroit trop tôt être informé des ef
fets merveilleux de cette nouvelle Découverte. Je suis , &c.
A Lus en Barege , le 2. Novembre 1781,
Nous invitons M. Couffilts , au nom
du Public , de travailler ou de faire travailler le plutôt qu'il lui sera possible
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à l'Analyse de ces Eaux , Operation dont
il reconnoît lui- même la necessité , et
que nous publierons avec plaisir , s'il veut
bien nous en faire part.