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1
p. 661-671
EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Début :
Deux Corps égaux ou inégaux, suspendus aux deux extrémitez d'un [...]
Mots clefs :
Corps, Mouvement, Force, Sensible, Mécanismes, Principe des Machines, Géomètres, Physiciens
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
EXPLICATIONPhysico-Mathematique
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
-662 MERCURE DE FRANCE
puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
AVRIL 1732. 603
2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
AVRIL. 1732. 665
teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
666 MERCURE DE FRANCE
L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
1
AVRIL. -1732. 1 667
ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
AVRIL: 17320 669
peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
-
rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
AVRIL 1732 678
d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
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puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
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2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
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teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
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L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
1
AVRIL. -1732. 1 667
ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
AVRIL: 17320 669
peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
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rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
AVRIL 1732 678
d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
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Résumé : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Le texte 'Explication Physico-Mathematique du Principe des Machines' traite du principe de l'équilibre des corps sur un levier. Lorsque deux corps, égaux ou inégaux, sont suspendus aux extrémités d'un levier appuyé sur un pivot fixe, ils sont en équilibre lorsque leurs forces relatives sont égales. Cette égalité repose sur la réciprocité des corps et de leur distance par rapport au point fixe. Les Cartésiens expliquent cet équilibre par des raisons mathématiques et géométriques, affirmant que si les corps se mettaient en mouvement, leurs mouvements seraient égaux, les espaces parcourus ou les vitesses compensant les masses. Cependant, les physiciens recherchent une explication plus profonde de la force actuelle des corps en équilibre. L'auteur critique Descartes pour ne pas avoir expliqué l'équilibre par l'effort actuel des corps. Il introduit l'idée d'un mouvement secret et insensible des corps pesants, qui tendent toujours à tomber, même lorsqu'ils sont arrêtés. Ce mouvement secret est décrit comme un effort continu et redoublé, essentiel pour maintenir l'équilibre. L'auteur distingue la pesanteur, cause de la chute, de la chute elle-même, qui en est l'effet. Il illustre cette tendance des corps à tomber par divers exemples, comme l'eau qui coule ou l'air qui remplit les espaces vides. Il conclut que tous les corps font un effort continu vers le centre, effort qui est la cause de l'équilibre. L'auteur critique également Descartes pour avoir négligé ce mouvement secret et insensible, et propose que l'impulsion est un effet secondaire de la répulsion. Il illustre ce principe par divers exemples, comme la marche, la nage ou le vol des oiseaux, montrant que tout mouvement implique une réaction de repoussement. Enfin, l'auteur affirme que l'équilibre des corps sur un levier est maintenu par des vibrations et des secousses, et que cette force est égale de part et d'autre car le mouvement est proportionné à la longueur des leviers. Il conclut que tous les équilibres de l'Univers se font par ces efforts continus et redoublés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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