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1
p. 661-671
EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Début :
Deux Corps égaux ou inégaux, suspendus aux deux extrémitez d'un [...]
Mots clefs :
Corps, Mouvement, Force, Sensible, Mécanismes, Principe des Machines, Géomètres, Physiciens
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texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
EXPLICATIONPhysico-Mathematique
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
-662 MERCURE DE FRANCE
puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
AVRIL 1732. 603
2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
AVRIL. 1732. 665
teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
666 MERCURE DE FRANCE
L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
1
AVRIL. -1732. 1 667
ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
AVRIL: 17320 669
peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
-
rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
AVRIL 1732 678
d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Dpendus aux deux extrémitez d'un
Eux Corps égaux ou inégaux , susLevier , ou d'un Bâton ou d'une Barre de
fer , lequel Levier de fer ou de bois ap
puyé
-662 MERCURE DE FRANCE
puyé sur un Pivot aigu , fixe et inébranlable , qui partage sa longueur en raison
réciproque des deux poids ; ces deux Corps
sont en équilibre et restent en repos ; aucun des deux ne pouvant descendre
parce qu'aucun ne peut prévaloir à lautre , à cause de l'égalité absolue de leurs
forces relatives. Voilà le fait et tout l'état de la question présente.
Or cette égalité de forces relatives ,
fondée sur la réciprocité des Corps et de
leur distance du point fixe , Descartes et
les Cartesiens , l'établissent sur ce que ,
que?
si ces Corps venoient à se remuer , leurs
mouvemens seroient égaux , les espaces.
parcourus ou les vitesses compensant les
masses , parce que la disposition de la
Machine détermine à un mouvement circulaire, d'autant plus grand que le Rayon
est plus long
C'est là une raison mathématique, tout
à- fait géometrique et abstraite , et mềme de la plus basse espece , et de celles
qui convainquant l'esprit sans l'éclairer ,
sans même le persuader , s'appell nt des
Réductions à l'absurde. Car si vous alliez
prétendre que ces Corps. devroient se remuer , on calculeroit leur mouvement
et leur force , et les trouvant absolument
égaux, on concluroit qu'une force égale
à
AVRIL 1732. 603
2 donc prévalu à une force égale ; ce qui
est absurde.
Les Géometres peuvent donc s'en contenter comme d'une démonstration qui¨
constate le fait ; mais les Physiciens venlent et demandent depuis long-temps une
raison qui l'explique. Il est bien question en
effet de la force qu'auroient ces Corps s'ils
venoient à se remuer. Ils ne se remuënt
pas et sont pourtant en équilibre ; il s'agit
de la force qu'ils ont actuellement et à
tous les instans pour s'y maintenir.
Descartes n'avoit garde d'aller plus loin.
Il étoit naturel d'expliquer cet équilibre
par l'effort actuel que font à chaque instant ces deux Corps pour descendre et se
surmonter. Mais ce celebre Philosophe ne
connoissoit point d'effort au mouvement
qui fut un mouvement actuel ; lui pourtant, qui par tout ailleurs , expliquoit tout
parle mouvement. Il est vrai qu'ici même
il recouroitau mouvement, mais à un mou--
vement possible et sensible , comme si les
mouvemens primitifs de la Nature , et
tout ce qui s'appelle forces méchaniques
et efforts , ne consistoient pas essentiellement dans des mouvemens secrets et
très-insensibles.
Les yeux ne vont pas là ; mais la rai
son , ou du moins le raisonnement y va
et
664 MERCURE DE FRANCE
et nous apprend que tout Corps pesant
étant toujours pesant , soit qu'il tombe
soit qu'il soit arrêté , soit qu'il soit forcé
même de monter , tend toûjours et fait
toûjours effort pour tomber , et a par
consequent toûjours un mouvement secret qui le sollicite à la chute , un mouvement naissant et sans cesse renaissant
àcoups redoublez , qui ne demande qu'à
se développer et à se changer en un mouvement continu , et par là sensible vers
le centre.
J'ai démontré ce mouvement secret des
Corps pesans dans mon Traité de Physique, imprimé à Paris , chez Cailleau. Et
il m'a parû que cette Démonstration avoit
passé sans contradiction ; et que tous
ceux , au moins dont j'ai eu occasion de
connoître les sentimens , l'avoient adop
tée. Il est temps de porter cela un peu
plus loin.
On la confond trop , ce me semble ,
pesanteur avec la chute ; et l'idée des Aneiens qui croyoient les Elemens quittes.
er exempts de pesanteur dans ce qu'ils
appelloient leurs Spheres propres ; l'Eau ,
par exemple , dans la Mer , l'Air dans
l'Atmosphere ; cette idée ne me paroît
que trop regner encore dans les esprits.
Je dois donc remarquer que la pesanteur
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teur est la cause , et que la chute n'est
qu'un effet ; qu'un Corps tombe parce
qu'il est pesant; mais que lors même qu'il ne tombe pas , il est toûjours pesant , et
que dans aucun instant il ne cesse de l'ê
tre. C'est-là ce qu'il faut bien sentir.
En quelque temps que vous tâchiez à
soulever un Corps pesant , vous le trouvez pesant , il vous résiste de toute sa
force, et il vous faut toute la vôtre pour
en venir à bout. Portez- le quelque temps
entre vos bras ou sur vos épaules , peuà peu il vous devient tout à fait insupportable et vous force à lâcher prise. Si
vous le suspendez à un fil , à une corde,
dès le moment que vous tranchez le fil,
il tombe , il n'attend pas vos ordres pour
cela , il tire , il tiraille le fil ou la corde ,
et après en avoir surmonté peu à peu le
tissu et rompu en détail tous les fila
mens , il la rompt tout- à- fait et tombe lourdement.
S'il est posé sur la terre, avec le temps
il l'enfonce et s'y enterre ; et si tout d'un
coup vous sappez sous lui cette terre qui
le porte, tout du même coup il tombe
plus bas , et toûjours aussi bas qu'il le
peut. Si vous coupez cette terre en plan
incliné, de quelque côté que vous fassiez
la pente, il y roule et gagne l'endroit
le plus bas.
666 MERCURE DE FRANCE
L'Eau même la plus immobile et la
plus croupissante , va couler tout de suite
si vous lui ouvrez une rigole en pente
à côté de son Båssin. Toutes les Rivieres
coulent et la Mer même a des Courans
et des Goufres soûterrains qui l'appel
lent d'abîme en abîme vers le centre
de la terre. Il est vrai que les abîmes n'étant pas infinis , l'eau ne tombe toûjours
que parce qu'elle remonte aussi toûjours
par d'autres conduits soûterrains dans
les Sources d'où elle recommence à con
ler vers le centre. Mais c'est qu'il y a
dans le corps de la Terre , comme dans
nos corps,un Principe de circulation qui,
sans ôter à l'eau la pesanteur , l'entretient/
dans une perpetuelle mobilité. Tout cela
est établi dans le Traité déja cité.
L'Air même , qu'on ne s'y trompe pas,
ne demande qu'à couler et à tomber : à
mesure qu'on creuse dans la terre , il y
entre et remplit les plus petites excavations. Dès que l'eau ou tout autre corps
quitte une place, l'Air la prend aussi- tôt.
Nous sentons nous-mêmes assez le
poids des Corps toûjours subsistant , toû
jours agissant. Nos jambes se lassent de
nous porter. Notre col , nos épaules pliroient sous notre tête , si elle n'avoit ses
momens de repos. Et puis il faut bien- tôt
οὐ κ
1
AVRIL. -1732. 1 667
ou tard , que l'affaissement de nos membres devenant general , nous rentrions
dans la poussiere , d'où un soufle de vie
qui s'exhale , nous avoit fait sortir. Tout
le monde sçait tout cela , je le crois.
Tous les Corps font donc un effort et
ont une tendance continuelle vers le centre. Cette tendance étoit la qualité occulte de nos Anciens. Ils la concevoient
comme un appétit et presque comme une
volonté naturelle de se réunir à leur centre. Descartes a fort bien remarqué que
la matiere pure n'avoit point de ces
sortes d'appétits et de volontez. Mais cette
tendance et cet effort étant pourtant- quelque chose de réel et de toûjours subsistant , il auroit dû , en supprimant une
mauvaise façon de les expliquer , y sub2
stituer un mouvement secret et insensible , qui est la seule façon dont un Corps
peut tendre et faire effort. M. de Leibnis
y reconnoissoit uneforce morte.
Mais il n'y a point ici de mort , et l'effort que les Corps font pour regagner
leur centre , est toûjours , sinon vivant ,
du moins très- vif et très- animé , et mê
me très- sensible , au moins dans ses effats.
: J'ai expliqué cet effort méchanique
dans l'Ouvrage en question , et j'ai fair voir
68 MERCURE DE FRANCE
voir qu'il consistoit dans un mouvement
non continu , parce qu'il est empêché ;
mais continuel et sans cesse redoublé
de vibration , de battement , d'oscillation
qui est le vrai mouvement primigénie de
la pesanteur , et l'unique cause tout- àfait primitive de la chute des Corps qui ont la liberté de tomber.
Pour rendre même ce Principe plus
sensible , j'ai fait voir que c'étoit le Principe general de la Nature , l'agent primitif de tous les Méchanismes , et que.
tout se faisoit dans l'Univers par l'impression d'un mouvement secret de vibration , tous les Corps étant buttez les
uns contre les autres, et faisant des efforts
et des contr'efforts continuels , d'où résultoit l'équilibre general.
Descartes se bornoit trop à son Principe de simple impulsion , qui étoit pourtant un beau Principe ou un demi Principe. Car point d'impulsion sans Répulsion. A bien prendre même les choses ,
l'impulsion n'est qu'un Principe secondaire et un effet sensible , un Phénomene
de la Répulsion.
Cui , tout ce que j'appelle cause Physique , cffort méchanique , action naturelle , est dû à la répulsion , au repoussement , et consiste formellement dans.
8
un
AVRIL: 17320 669
peu
un mouvement de vibration, vif, prompt,
étendu et sans cesse redoublé.
Nous pouvons sans sortir de nous-mêmes , nous en appercevoir avec un peu
d'attention. Nous ne sçaurions rien pousser , non pas même notre corps , notre
bras , notre jambe en avant , si nous ne
repoussons en même-temps en arriere
quelque chose de fixe et d'immobile qui
nous repousse en avant.
Par exemple , en marchant , nous repoussons le terrain , et il faut que ce terrain soutienne le repoussement et nous
le rende pour que nous avancions. Un
sable mouvant qui nous cede en partie ,
une terre labourée nous épuisent bientôt. Un pavé glissant qui ne nous oppose aucune inégalité pour soutenir l'effort de nos pieds , nous laisse tomber.
Nous ne sçaurions marcher sur l'eau.
Je ne me lasse point d'inculquer ce
Principe , sans lequel je ne connois point
de vraye Physique. Un Oiseau qui vole
ne vole en avant qu'en repoussant l'Air
avec ses aîles en arriere. Celui qui nâge
repousse l'eau avec ses bras , la Rame re.
pousse aussi l'eau ou le terrain. Et le vent
qui fait voguer un Vaisseau , quoiqu'il
semble n'avoir qu'un simple mouvement
d'impulsion directe , doit dans son origine
670 MERCURE DE FRANCE
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rigine , avoir un Principe de répulsion ,
un point d'appui fixe qui l'empêche de
rétrograder. Et c'est par là que je crois
être en état de démontrer que tous les
vents prennent leur origine dans l'interieur même de la Terre et dans la réaction même du centre , qui est comme un
ressort toûjours bandé qui se débande du
côté où il trouve le moins de résistance.
Cela soit dit en passant.
Voyez deux hommes d'égale force buttez l'un contre l'autre , et qui font effort.
pour se culbuter. On les voit , après s'ê→
tre roidis par les jambes contre le terrain , "
agitez de vibrations assez sensibles , se
pousser et se repousser , avancer et reculer , ceder et reprendre le dessus avec
une alternative , qui seule maintient l'équilibre.
Voilà l'état précis de deux Corps plaecz en équilibre aux deux extrémitez
d'un Levier , partagé par le point fixe
mitoyen , en raison réciproque de leurs
pesanteurs. Toûjours pesant , toûjours faiSant effort pour se surmonter ou pour
rompre le Levier qui les arrête , ils sont
agitez d'un mouvement actuel de batrement ou de vibration qui fait leur force
actuelle et leur équilibre actuel.
Car cette force est égale de part et
d'autre
AVRIL 1732 678
d'autre, parce que le mouvement est égal.
Or, il est égal , parce qu'il est proportionné à la longueur des Leviers , tout
comme le mouvement sensible auquel
les Cartésiens ont recours et auquel il est,
je pense , démontré désormais qu'on n'a
nul besoin de recourir.
Tous les équilibres de l'Univers se font
par là , et il n'y a nul autre Principe Physique de tous les Méchanismes , soit naturels , soit artificiels. Toute puissance
appliquée à un Levier ou à toute autre
Machine , agit par les efforts qu'elle fait
à chaque instant , et tout effort agit par
secousses et par vibrations. Qu'on se rende tant soit peu attentif à l'effet de ses
propres mains et de ses bras , lorsqu'on
en fait , on y sentira , on y verra ces secousses et une espece de tremoussement ,
d'ébranlement vif et redoublé. J'avertirai même, en finissant, que lorsqu'on voudra se donner dans ce cas un peu plus
de force , on n'a qu'à donner à son bras,
à ses pieds , à son corps un pareil tremblement encore plus sensible et plus
prompt , cela aide tout- à- fait , et c'est la
Nature même qui nous indique ce secret,
qui est son secret.
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Résumé : EXPLICATION Physico-Mathematique du Principe des Machines. Par L.P.C.J.
Le texte 'Explication Physico-Mathematique du Principe des Machines' traite du principe de l'équilibre des corps sur un levier. Lorsque deux corps, égaux ou inégaux, sont suspendus aux extrémités d'un levier appuyé sur un pivot fixe, ils sont en équilibre lorsque leurs forces relatives sont égales. Cette égalité repose sur la réciprocité des corps et de leur distance par rapport au point fixe. Les Cartésiens expliquent cet équilibre par des raisons mathématiques et géométriques, affirmant que si les corps se mettaient en mouvement, leurs mouvements seraient égaux, les espaces parcourus ou les vitesses compensant les masses. Cependant, les physiciens recherchent une explication plus profonde de la force actuelle des corps en équilibre. L'auteur critique Descartes pour ne pas avoir expliqué l'équilibre par l'effort actuel des corps. Il introduit l'idée d'un mouvement secret et insensible des corps pesants, qui tendent toujours à tomber, même lorsqu'ils sont arrêtés. Ce mouvement secret est décrit comme un effort continu et redoublé, essentiel pour maintenir l'équilibre. L'auteur distingue la pesanteur, cause de la chute, de la chute elle-même, qui en est l'effet. Il illustre cette tendance des corps à tomber par divers exemples, comme l'eau qui coule ou l'air qui remplit les espaces vides. Il conclut que tous les corps font un effort continu vers le centre, effort qui est la cause de l'équilibre. L'auteur critique également Descartes pour avoir négligé ce mouvement secret et insensible, et propose que l'impulsion est un effet secondaire de la répulsion. Il illustre ce principe par divers exemples, comme la marche, la nage ou le vol des oiseaux, montrant que tout mouvement implique une réaction de repoussement. Enfin, l'auteur affirme que l'équilibre des corps sur un levier est maintenu par des vibrations et des secousses, et que cette force est égale de part et d'autre car le mouvement est proportionné à la longueur des leviers. Il conclut que tous les équilibres de l'Univers se font par ces efforts continus et redoublés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 147-163
« EXPERIENCES Physico-méchaniques de M. Hauksbée, traduites par feu M. de [...] »
Début :
EXPERIENCES Physico-méchaniques de M. Hauksbée, traduites par feu M. de [...]
Mots clefs :
Francis Hauksbee, Expériences, Remarques, Physiciens, Phénomènes, Observations, Liqueurs, Nicolas Desmarest
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « EXPERIENCES Physico-méchaniques de M. Hauksbée, traduites par feu M. de [...] »
EXPERIENCES Phyfico -mécaniques
de M. Hauksbée , traduites par feu M. de
Brémond , revûes & mifes au jour , avec
des remarques ; par M. Defmareft . A Paris
, chez la veuve Cavelier & fils , rue
Gij
148 MERCURE DE FRANCE
Saint Jacques , au Lys d'or.
Nous nous occuperons dans cet extrait
de la maniere dont les deux volumes de ces
expériences font exécutés. M. Defmareſt a
porté fon attention fur deux objets importans
la distribution méthodique des matieres
, & les remarques.
1 °. Comme M. Hauksbée , en compofant
fon recueil , ne s'étoit point aftreint à un
certain arrangement dépendant des matieres
, on s'eft appliqué à donner aux détails
des faits une forme plus méthodique.
Dans ces vûes on a raffemblé fous différentes
claffes générales , qui forment autant
de chapitres , les expériences qui concernent
un même fujet , comme la pefanteur
, l'air , l'électricité , les tubes capillaires
, &c. & l'on a diftingué par articles
chaque expérience particuliere . Par cette
difpofition , des détails , auparavant iſolés ,
font rapprochés heureufement & fe placent
en bon ordré dans l'efprit du lecteur.
2º. L'Editeur n'a pas borné fon attention
à ce feul objet. Les expériences de M.
Hauksbée ont été faites il y a près de
quarante ans. Depuis ce tems la Phyfique
expérimentale a acquis des connoiffances ,
ou plus fûres ou plus étendues . M. Defmareft
a rapproché les faits poftérieurs du récit
de M. Haaksbée , foit qu'ils ferviſſent
DECEMBRE 1754. 149
à le confirmer ( ce qui arrive le plus fouvent)
, foit qu'ils tendiffent à le détruire. Il
a même recueilli dans certaines remarques
l'hiftoire de ce qui a été écrit fur un même
fujet; & ces fortes d'hiftoires , outre
qu'elles plaifent naturellement, parce qu'el
les préfentent les différens efforts de l'efprit
humain , inftruiſent auffi par les vûes
qu'elles fourniffent.
" On ne fçauroit trop , dir M. Defmareft
, engager ceux qui veulent faire
quelque progrès dans la Phyfique , à com-
»parer les connoiffances tranfmifes par les
fçavans qui nous ont précédé , avec les
» recherches des Phyficiens de notre tems ,
» on apprécie par là le mérite des uns &
» des autres. C'eft aufli un moyen pour s'a-
» vancer à de nouvelles découvertes , que
de confiderer, comme le premier pas que
nous ayons à faire , celui où les grands
hommes qui nous ont précédé , ont terminé
leur courfe & leurs travaux. La
continuité de nos efforts joints avec les
leurs , forme cette union & cet accord
» qui doit regner entre les fçavans de tous
» les fiécles & de tous les pays , pour éten-
» dre les limites de nos connoiffances.
où
Telles font les raifons qui ont déterminé
M. Defmareft à donner des remarques ,
il combine les efforts des anciens avec ceux
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
dés obfervateurs de notre tems. Il a fuivi
auffi ce plan dans les deux dernieres fections
de fon difcours préliminaire , qui
comprend un extrait raisonné des deux volumes.
Nous l'allons fuivre dans le compte
que nous nous propofors de rendre du
recueil.
On voit à la tête de l'ouvrage , des
éclairciffemens de l'Editeur fur les thermométres
de M. Hauksbée , & lá defcription
de la machine pneumatique du Phy
ficien Anglois. On y a joint un précis hiftorique
des différentes réformes que cette
machine a éprouvées depuis Otto de Guericke
jufqu'à préfent.
Le chapitre premier a pour objet la pefanteur
des corps . M. Hauksbée examine
d'abord par quelle force les molecules des
corps folides , quoique d'une pefanteur
fpécifiquement plus confidérable que les
liqueurs qui les décompofent , y font fontenues
& y nâgent. Il combat les Phyficiens
qui avoient cru trouver le dénouement de
cette fufpenfion dans l'augmentation des
furfaces qu'acquierent les corpufcules diffous.
M. Defmareft difcute les vûes que
différens Phyficiens ont propofées fur cette
fingulariré hydroftatique , & rapporte ce
phénomène à la même caufe qui éleve les
liqueurs dans les tubes capillaires . Le fe
DECEMBRE . 1754. 151
cond article de ce chapitre préfente les
procédés & les réfultats des expériences
-faires pour déterminer les pefanteurs fpécifiques
de l'or , de l'argent , du cuivre ,
du plomb & du fer , & leur proportion
avec un égal volume d'eau : Î'Editeur expofe
les principes d'hydroftatique fur lefquels
font fondées ces déterminations. Les
deux articles fuivans offrent des obfervations
, par lesquelles M. Hauksbée évalue
la quantité de la réſiſtance que l'air oppofe
aux corps qui s'y meuvent , foit dans
leur chute , foit dans leur réflexion. On
trouve dans les remarques quelques principes
de la théorie de la réſiſtance des fluides
, & des méthodes pour l'évaluer à cháque
inftant de la chûte.
Dans le chapitre fuivant , on a renfermé
les obfervations fur l'air. Il eft queftion
d'abord d'une expérience , par laquelle
on s'affure de la quantité d'air produite
par une certaine dofe de poudre à canon ;
enfuite on voit un procédé très -fimple
pour déterminer le rapport du poids de
l'eau avec celui d'un pareil volume d'air .
que l'on dit être celui d'un à huit cens.
M. Hauksbée , en examinant & rappellant
à des réfultats précis les phénomenes
des hémispheres de Magdebourg , affure
tque ces effets à la preffion de l'atmoſphe-
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
re. Il combat autant les partifans actuels
de la matiere fubtile que les raifonnemens
antiques de ceux qui de fon tems foutenoient
encore le lien funiculaire des parties
erochues de l'air . C'étoit de ces imaginations
futiles , enfantées plutôt par le befoin
d'expliquer que par la conviction de l'expérience.
L'article quatrieme contient le détail
curieux d'une expérience intéreffante fur
la dilatation & la condenfation de l'air
comparées avec celles de l'efprit de vin.
Par ce procédé , M. H. a reconnu que l'expanfion
de l'air , depuis le terme de la glace
jufqu'au plus grand dégré de la chaleur
de l'été dans le climat d'Angleterre , eft
dans le rapport de fix à fept , & depuis le
plus grand froid jufqu'au plus grand chaud
du même climat , dans le rapport de Lept à
huit. M. D. rapproche de cet effai curieux
les expériences relatives de MM . Amontons
, Bernoulli , Muffchenbroeck , & les
autres obfervations de ce chapitre , concernent
le reffort de l'air , la maniere dont
certaines vapeurs rendent ce fluide funefte
& peu propre à la refpiration , le méchanifme
par lequel les courans rapides , l'air
dans les ouragans , ébranlent le mercure
des barometres & affectent l'économie animale
. Toutes ces expériences font appré
DECEMBRE. 1754 153
ciées dans les notes & dans le difcours
préliminaire. Le dernier article contient
le détail d'une expérience importante fur
la réfraction des rayons de lumiere , en paffant
obliquement de l'air ordinaire dans le
vuide de la machine pneumatique. M. Def
mareft a recueilli toutes les circonftances.
qui ont rendu cette expérience fameuſe ,
& les conféquences intéreffantes qu'on en
a tirées par rapport aux réfractions aftronomiques.
Le troisieme chapitre renferme en XVIII
articles les expériences de M. H. fur la lumiere
électrique. Il eſt le premier qui ait
examiné avec attention , & d'une maniere
fuivie , ces phénomenes. Dans tout ce travail
, qui prouve un Phyficien auffi infati
gable que plein de fagacité , il développe
les effets de la lumiere électrique par rap
port aux différens corps qui en font fuf
ceptibles , tels que la laine , l'ambre , fes
matieres graffes & réfineufes , & enfin le
perre. Je dis le verre , car c'est à M. Haukfbée
que nous fommes redevables de la
premiere application des globes , des cylin
dres & des tubes de verre aux expériences
électriques. Avant lui le verre étoit relé
gué parmi les corps dont la vertu électrique
étoit peu confidérable. Il faut voir
dans l'ouvrage même la maniere dont M,
G.v
154 MERCURE DE FRANCE.
Hauksbée diverfifie les appareils des expériences
afin de varier les phénomenes.
La lumiere électrique entre les mains du
Phyficien Anglois , produit des ramifications
, des jets variés ; elle augmente même
au point de devenir un feu réel , & de
s'annoncer par des pétillemens marqués ,
des étincelles brûlantes & phofphoriques.
Nous paffons au chapitre fuivant , où l'on
trouve les expériences qui concernent particulierement
l'électricité. On voit en parcourant
les articles de ce chapitre , que M.
Hauksbée a apperçu les attractions & les répulfions
des effluvia , leur plus grande force
dans certains tems favorables , & lorfque le
tube étoit plein d'air ou échauffé : il a remarqué
quels étoient les corps qui admettoient
les émanations électriques & ceux qui les
interceptoient ; que deux corps inabibés du
même fluide , fe fuyoient ; que les corps
qui flottoient dans l'atmofphere du tube
échauffé , en abandonnoient le tourbillon
pour s'attacher alternativement aux corps
extérieurs & y rentrer ; qu'enfin les couches
de l'atmoſphere que les corps flottans occupoient
, étoient d'autant plus éloignées
du corps électrique qui en étoit le centre ,
que ce corps avoit un dégré de l'électricité
plus marqué. Il s'eft affuré par des fils , que
les émanations électriques formoient des
DECEMBRE. 1754. 155
rayons divergens en fortant des globes &
des cylindres, & des rayons convergens dans
leur affluence ; enfin il a vu que les corps
réfineux , par la chaleur de la fufion ,
contractoient une vertu attractive trèsconfidérable
: il a obfervé les variétés
que le vuide apportoit aux effets des globes
& des tubes ; la permanence de l'électricité
dans les corps frottés , le bruiffement
, les piquures fenfibles , la fluctuation
des effluvia , & c. Toutes ces vérités
établies folidement , & tant d'autres chofes
qu'il a entrevûes , doivent être confidérées
comme lui étant propres , & comme des découvertes
qui font par rapport à lui des vûes
neuves & non des répétitions monotones
d'obfervations faites avant lui , ou des imitations
ferviles de procédés mis en ufage.
Il fuffit de jetter un coup d'oeil fur l'état
où étoit alors cette partie de la Phyfique ,
pour fentir jufqu'où la fagacité angloife a
conduit notre Phyficien , & le peu de fecours
qu'il a tiré des Phyficiens qui l'ont
précédé dans la carriere .
M. Dufay , dans fon travail fur l'électricité
, s'étoit attaché à répéter les expériences
de M. Hauksbée , pour fe mettre ,
comme il le déclare , fur la voye. Tous les
éclairciffemens que l'Editeur a pu trouver
dans les mémoires de l'Académicien Fran-
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
çois , font partie des Commentaires qu'il a
joints au texte , & ces éclairciffemens ont
un nouveau mérite d'être rapprochés des
détails de M. Hauksbée . M. Defmareft n'a
pas négligé de faire ufage des lumieres
que les Phyficiens Anglois , Allemands &
François ont répandues de nos jours fur
les queſtions qu'il s'eft propofé de traiter.
Le dernier chapitre du premier volume
renferme différentes expériences fur les
variétés de la lumiere des phofphores dans
le plein & dans le vuide. Nous ne nous
arrêterons pas fur ces questions , quelque
intéreffantes qu'elles foient.
Nous obferverons feulement avec M.
Defmareft , que les fyftêmes de certains
Cartéfiens , qui pour expliquer la lumiere
des barometres faifoient choquer le fecond
élément de Deſcartes contre le premier
dans les vibrations du mercure , n'ont que
trop d'analogie avec le choc de deux courans
, qui fait la bafe de quelques hypothè
fes que des modernes ont voulu accrédirer.
Ce font d'autres termes , mais le méchaniſme
eft le même. Tant il eft vrai que
l'efprit de fyftême n'a rien enfanté de nouveau
, & que les idées hypothétiques fe
font préſentées avec autant de développement
aux anciens qu'aux modernes. En cela
donc nous n'avons rien , nous n'aurons
DECEMBRE. 1754. 157
rien qu'ils n'ayent eu : nos avantages fur
eux font dans les faits & dans la maniere
de les combiner.
Jufqu'ici nous n'avons parlé que du premier
volume. Le chapitre premier du fecond
contient des expériences fur l'aſcenfion
des liqueurs dans des efpaces capillaires
, & fur les loix de cette fingularité hydroftatique.
Nous y voyons l'eau s'élever
dans des tubes capillaires de différens calibres
dans le vuide , comme à l'air libre , en
raifon inverfe des diametres donc l'air
ne contribue en rien à cet effet . M. D. difcute
dans une note quelques difficultés
fpécieufes de certains Phyficiens modernes
qui prétendoient que l'air y avoit part , &
fait difparoître toute influence de l'air . La
preflion fupérieure des colonnes collatérales
eft détruite de même. Les fyphons capillaires
font affujettis aux mêmes loix que
les tubes , comme on le fait voir dans une
remarque.
Les Phyficiens n'ont employé commumément
dans leurs expériences que des tubes
capillaires cylindriques : mais comme
la nature , malgré fa fimplicité , varie prefque
à l'infini fes opérations & la forme
des agens qui y concourent , & qu'elle préfente
des cavités capillaires de différentes
moulures , pour ainfi dire , il étoit impor158
MERCURE DE FRANCE.
tant qu'on eût des obfervations qui pulfent
offrir des caracteres d'analogie & de comparaifon.
C'eft dans ces vûes que M. Haukfbée
s'eft attaché à comparer les phénomenes
des tubes ou cavités cylindriques avec
ceux des efpaces prifmatiques , & il a reconnu
les mêmes loix . Nous voyons différentes
efpeces de liqueurs s'élever entre
deux lames de verre & de cuivre , entre
deux plans de marbre polis , à une hauteur
qui est toujours en raifon inverfe des diftances
des plans. M. H. a employé non feulement
des plans paralleles , mais des plans
qui s'écartant fous un angle quelconque ,
préfentoient à chaque point de nouvelles
diftances. Les liqueurs dans lefquelles il
les plongeoit , s'élevoient différemment ,
c'eft à-dire que la hauteur de chaque colonne
de liqueur étoit à chaque point en
raifon réciproque à la diftance des plans.
Toutes les colonnes réunies formoient par
leurs parties fupérieures une courbe hyperbolique,
une des afymptores étant la furface
du liquide, & l'autre la ligne de la réunion
des deux plans. M. H. varia encore
l'appareil fur une lame de verre placée horizontalement
; il laiffa tomber une goutte
d'huile , enfuite il y appliqua une autre
lame obliquement par une de fes extrêmiés
, la bailfant infenfiblement par l'autre
DECEMBRE . 1754 159
juſqu'à ce qu'elle touchât la goutte d'huile;
cette goutte pour lors fe porta vers le point
de réunion des plans avec un mouvement
qui s'accélera toujours . Newton a donné
ce phénomene comme une preuve de l'attraction
, c'est-à- dire d'une caufe dont on
a befoin de faire encore l'apologie auprès
de certains Phyficiens intolérans . M. D.
développe dans des remarques les vûes de
Newton , & fait voir de plus par le fecours
de la Géométrie , qu'en réuniffant les momens
qui agiffent dans deux directions , leur
fomme, ou la diagonale qui les repréfente ,
eft d'autant plus confidérable que l'angle
des directions de ces forces eft plus petit ;
par là il explique l'accélération du mouvement
de la goutte d'huile. Il montre auffi
par contrafte l'inutilité & le peu de fuccès
de l'impulfion appliquée à ces phénomenes.
A la fuite de tous ces articles viennent
les réflexions de M. H. fur la caufe de l'élévation
des liqueurs dans les tubes ; c'eſt
une hypothèſe où l'attraction figure comme
l'agent principal. M. Defmareft ajoute
à ces réflexions une hiftoire critique des
principales hypothèſes que l'on a formées
pour rendre raifon de ces phénomenes.
Cette hiftoire eft divifée en trois parties ,
qui comprennent autant de claffes de fyf160
MERCURE DE FRANCE.
têmes difcutés avec étendue , M. D.expoſe
à la fin de cette difcuflion le fyftême de M.
Veitbrecht , qui occupe le quart du volume.
En développant par propofitions ce ſyſtème
, M. D. n'a pas prétenda s'expofer au
reproche que l'on fait à certains difciples
de Newton , qui mettant l'attraction partout
fe croyent difpenfés d'expofer comment
elle agit.
Le fecond chapitre comprend les expériences
de M. H. fur le fon & fur fes diffé
rentes modifications, par rapport aux divers
milieux dans lefquels il fe propage : il en
évalue les augmentations & les diminu
tions , fuivant la denfité de l'air & l'éten
due de fa fphere de propagation. L'Editeur
examine dans des remarques quel eft le
concours du reffort de l'air & de fa denfité
par rapport à la force du fon. Il a placé à
la fin du chapitre quatre éclairciffemens
étendus ; le premier , fur les erreurs aufquelles
peut conduire la fuppofition du
mouvement d'ondulation dans l'air pour
expliquer les phénomenes du fon , & fur la
néceffité d'admettre le feul mouvement de
reffort dans ce fluide. Dans le fecond , on
examine quelle variation peut éprouver la
propagation du fon par le froid & le chaud
Un troifieme éclairciffement donne une
idée fuccinte des fyftêmes harmoniques des
1
DECEMBRE. 1754. 16r
fpheres. On s'inftruit de ces fçavantes chimeres
pour avoir le droit de les apprécier.
Tel eft le ton avec lequel M. Defmareft en
fait envifager l'utilité que nous en pouvons
retirer. Ces fyftêmes prétendus harmo-
» niques , dit- il , que nous regardons avec
»raifon comme des chimeres , & qui oc-
» cupoient les meilleures têtes du tems de
» leur fortune , doivent nous faire regarder
» prefque du même oeil , ou au moins avec
»défiance , ces hypothèfes féduifantes qui
» ne prouvent que la témérité de leurs au-
» teurs. Sommes-nous plus fages que les
» anciens l'hiftoire de leurs fautes de-
» vroit naturellement produire cet effet..
"
Nous ne nous étendrons pas fur les deux
chapitres fuivans. Dans le premier, on trouve
des expériences fur l'eau ,fur fon poids ,
fur les phénomenes de fa congélation , far
celle des liqueurs fpiritueufes , fur l'état
des poiffons dans l'eau , & fur la maniere
dont l'air y eft parfemé , &c. Toutes ces
queftions font éclaircies dans des notes . Le
dernier chapitre comprend des obfervations
fur la réfraction des rayons de lumiere
, en traverfant différens fluides gras.
On ajoute dans les remarques vingt - deux
autres fluides examinés par Newton , &
l'on y développe la théorie de ce grand
Géometre fur la réfraction. La feconde ob152
MERCURE DE FRANCE,
fervation concerne le mêlange de deux liqueurs
, dont les volumes fe confondent en
partie par la pénétration . L'Editeur y a
joint le détail raifonné des expériences de
M. de Reaumur , fur un femblable phénomene.
La maniere d'évaluer la force de
l'aimant à différentes diftances , eſt expliquée
dans le troifieme article. On a dans
les remarques un recueil de toutes les expériences
des Phyficiens Anglois & autres
fur cette queftion délicate ; enforte que
les efforts des fçavans s'y trouvent rapprochés
, ainfi que leurs contradictions. M.
Defmareft a ajouté deux articles qu'il a traduits.
Le premier , fur la réfiftance qu'op.
pofe l'air à la pouffiere de malt , qui y flotte;
& l'autre fur l'arrangement des différentes
couches d'une mine de charbon. Ce
dernier article donne lieu à des notes fur
les efpeces de charbons dont il eft parlé ,
& à l'examen de la maniere dont les empreintes
des végétaux fe font formées fur
·les pierres des minieres. On y trouve auffi
des réflexions fur la difpofition relative
des différentes fubftances , & enfin fur leur
parallélifme. M. Defmareft s'attache fur
ces points à des obfervations générales ,
aux faits réguliers & conftans. » Sans nous
» hazarder , dit - il , à former des hypothè
pfes , où l'imagination , en fuppléant ag
DECEMBRE . 1754 163
, vrai , le défigure toujours , nous nous
»bornons à ces obfervations générales , qui
» font peut- être les feuls fyftêmes permis.
de M. Hauksbée , traduites par feu M. de
Brémond , revûes & mifes au jour , avec
des remarques ; par M. Defmareft . A Paris
, chez la veuve Cavelier & fils , rue
Gij
148 MERCURE DE FRANCE
Saint Jacques , au Lys d'or.
Nous nous occuperons dans cet extrait
de la maniere dont les deux volumes de ces
expériences font exécutés. M. Defmareſt a
porté fon attention fur deux objets importans
la distribution méthodique des matieres
, & les remarques.
1 °. Comme M. Hauksbée , en compofant
fon recueil , ne s'étoit point aftreint à un
certain arrangement dépendant des matieres
, on s'eft appliqué à donner aux détails
des faits une forme plus méthodique.
Dans ces vûes on a raffemblé fous différentes
claffes générales , qui forment autant
de chapitres , les expériences qui concernent
un même fujet , comme la pefanteur
, l'air , l'électricité , les tubes capillaires
, &c. & l'on a diftingué par articles
chaque expérience particuliere . Par cette
difpofition , des détails , auparavant iſolés ,
font rapprochés heureufement & fe placent
en bon ordré dans l'efprit du lecteur.
2º. L'Editeur n'a pas borné fon attention
à ce feul objet. Les expériences de M.
Hauksbée ont été faites il y a près de
quarante ans. Depuis ce tems la Phyfique
expérimentale a acquis des connoiffances ,
ou plus fûres ou plus étendues . M. Defmareft
a rapproché les faits poftérieurs du récit
de M. Haaksbée , foit qu'ils ferviſſent
DECEMBRE 1754. 149
à le confirmer ( ce qui arrive le plus fouvent)
, foit qu'ils tendiffent à le détruire. Il
a même recueilli dans certaines remarques
l'hiftoire de ce qui a été écrit fur un même
fujet; & ces fortes d'hiftoires , outre
qu'elles plaifent naturellement, parce qu'el
les préfentent les différens efforts de l'efprit
humain , inftruiſent auffi par les vûes
qu'elles fourniffent.
" On ne fçauroit trop , dir M. Defmareft
, engager ceux qui veulent faire
quelque progrès dans la Phyfique , à com-
»parer les connoiffances tranfmifes par les
fçavans qui nous ont précédé , avec les
» recherches des Phyficiens de notre tems ,
» on apprécie par là le mérite des uns &
» des autres. C'eft aufli un moyen pour s'a-
» vancer à de nouvelles découvertes , que
de confiderer, comme le premier pas que
nous ayons à faire , celui où les grands
hommes qui nous ont précédé , ont terminé
leur courfe & leurs travaux. La
continuité de nos efforts joints avec les
leurs , forme cette union & cet accord
» qui doit regner entre les fçavans de tous
» les fiécles & de tous les pays , pour éten-
» dre les limites de nos connoiffances.
où
Telles font les raifons qui ont déterminé
M. Defmareft à donner des remarques ,
il combine les efforts des anciens avec ceux
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
dés obfervateurs de notre tems. Il a fuivi
auffi ce plan dans les deux dernieres fections
de fon difcours préliminaire , qui
comprend un extrait raisonné des deux volumes.
Nous l'allons fuivre dans le compte
que nous nous propofors de rendre du
recueil.
On voit à la tête de l'ouvrage , des
éclairciffemens de l'Editeur fur les thermométres
de M. Hauksbée , & lá defcription
de la machine pneumatique du Phy
ficien Anglois. On y a joint un précis hiftorique
des différentes réformes que cette
machine a éprouvées depuis Otto de Guericke
jufqu'à préfent.
Le chapitre premier a pour objet la pefanteur
des corps . M. Hauksbée examine
d'abord par quelle force les molecules des
corps folides , quoique d'une pefanteur
fpécifiquement plus confidérable que les
liqueurs qui les décompofent , y font fontenues
& y nâgent. Il combat les Phyficiens
qui avoient cru trouver le dénouement de
cette fufpenfion dans l'augmentation des
furfaces qu'acquierent les corpufcules diffous.
M. Defmareft difcute les vûes que
différens Phyficiens ont propofées fur cette
fingulariré hydroftatique , & rapporte ce
phénomène à la même caufe qui éleve les
liqueurs dans les tubes capillaires . Le fe
DECEMBRE . 1754. 151
cond article de ce chapitre préfente les
procédés & les réfultats des expériences
-faires pour déterminer les pefanteurs fpécifiques
de l'or , de l'argent , du cuivre ,
du plomb & du fer , & leur proportion
avec un égal volume d'eau : Î'Editeur expofe
les principes d'hydroftatique fur lefquels
font fondées ces déterminations. Les
deux articles fuivans offrent des obfervations
, par lesquelles M. Hauksbée évalue
la quantité de la réſiſtance que l'air oppofe
aux corps qui s'y meuvent , foit dans
leur chute , foit dans leur réflexion. On
trouve dans les remarques quelques principes
de la théorie de la réſiſtance des fluides
, & des méthodes pour l'évaluer à cháque
inftant de la chûte.
Dans le chapitre fuivant , on a renfermé
les obfervations fur l'air. Il eft queftion
d'abord d'une expérience , par laquelle
on s'affure de la quantité d'air produite
par une certaine dofe de poudre à canon ;
enfuite on voit un procédé très -fimple
pour déterminer le rapport du poids de
l'eau avec celui d'un pareil volume d'air .
que l'on dit être celui d'un à huit cens.
M. Hauksbée , en examinant & rappellant
à des réfultats précis les phénomenes
des hémispheres de Magdebourg , affure
tque ces effets à la preffion de l'atmoſphe-
Gi
152 MERCURE DE FRANCE.
re. Il combat autant les partifans actuels
de la matiere fubtile que les raifonnemens
antiques de ceux qui de fon tems foutenoient
encore le lien funiculaire des parties
erochues de l'air . C'étoit de ces imaginations
futiles , enfantées plutôt par le befoin
d'expliquer que par la conviction de l'expérience.
L'article quatrieme contient le détail
curieux d'une expérience intéreffante fur
la dilatation & la condenfation de l'air
comparées avec celles de l'efprit de vin.
Par ce procédé , M. H. a reconnu que l'expanfion
de l'air , depuis le terme de la glace
jufqu'au plus grand dégré de la chaleur
de l'été dans le climat d'Angleterre , eft
dans le rapport de fix à fept , & depuis le
plus grand froid jufqu'au plus grand chaud
du même climat , dans le rapport de Lept à
huit. M. D. rapproche de cet effai curieux
les expériences relatives de MM . Amontons
, Bernoulli , Muffchenbroeck , & les
autres obfervations de ce chapitre , concernent
le reffort de l'air , la maniere dont
certaines vapeurs rendent ce fluide funefte
& peu propre à la refpiration , le méchanifme
par lequel les courans rapides , l'air
dans les ouragans , ébranlent le mercure
des barometres & affectent l'économie animale
. Toutes ces expériences font appré
DECEMBRE. 1754 153
ciées dans les notes & dans le difcours
préliminaire. Le dernier article contient
le détail d'une expérience importante fur
la réfraction des rayons de lumiere , en paffant
obliquement de l'air ordinaire dans le
vuide de la machine pneumatique. M. Def
mareft a recueilli toutes les circonftances.
qui ont rendu cette expérience fameuſe ,
& les conféquences intéreffantes qu'on en
a tirées par rapport aux réfractions aftronomiques.
Le troisieme chapitre renferme en XVIII
articles les expériences de M. H. fur la lumiere
électrique. Il eſt le premier qui ait
examiné avec attention , & d'une maniere
fuivie , ces phénomenes. Dans tout ce travail
, qui prouve un Phyficien auffi infati
gable que plein de fagacité , il développe
les effets de la lumiere électrique par rap
port aux différens corps qui en font fuf
ceptibles , tels que la laine , l'ambre , fes
matieres graffes & réfineufes , & enfin le
perre. Je dis le verre , car c'est à M. Haukfbée
que nous fommes redevables de la
premiere application des globes , des cylin
dres & des tubes de verre aux expériences
électriques. Avant lui le verre étoit relé
gué parmi les corps dont la vertu électrique
étoit peu confidérable. Il faut voir
dans l'ouvrage même la maniere dont M,
G.v
154 MERCURE DE FRANCE.
Hauksbée diverfifie les appareils des expériences
afin de varier les phénomenes.
La lumiere électrique entre les mains du
Phyficien Anglois , produit des ramifications
, des jets variés ; elle augmente même
au point de devenir un feu réel , & de
s'annoncer par des pétillemens marqués ,
des étincelles brûlantes & phofphoriques.
Nous paffons au chapitre fuivant , où l'on
trouve les expériences qui concernent particulierement
l'électricité. On voit en parcourant
les articles de ce chapitre , que M.
Hauksbée a apperçu les attractions & les répulfions
des effluvia , leur plus grande force
dans certains tems favorables , & lorfque le
tube étoit plein d'air ou échauffé : il a remarqué
quels étoient les corps qui admettoient
les émanations électriques & ceux qui les
interceptoient ; que deux corps inabibés du
même fluide , fe fuyoient ; que les corps
qui flottoient dans l'atmofphere du tube
échauffé , en abandonnoient le tourbillon
pour s'attacher alternativement aux corps
extérieurs & y rentrer ; qu'enfin les couches
de l'atmoſphere que les corps flottans occupoient
, étoient d'autant plus éloignées
du corps électrique qui en étoit le centre ,
que ce corps avoit un dégré de l'électricité
plus marqué. Il s'eft affuré par des fils , que
les émanations électriques formoient des
DECEMBRE. 1754. 155
rayons divergens en fortant des globes &
des cylindres, & des rayons convergens dans
leur affluence ; enfin il a vu que les corps
réfineux , par la chaleur de la fufion ,
contractoient une vertu attractive trèsconfidérable
: il a obfervé les variétés
que le vuide apportoit aux effets des globes
& des tubes ; la permanence de l'électricité
dans les corps frottés , le bruiffement
, les piquures fenfibles , la fluctuation
des effluvia , & c. Toutes ces vérités
établies folidement , & tant d'autres chofes
qu'il a entrevûes , doivent être confidérées
comme lui étant propres , & comme des découvertes
qui font par rapport à lui des vûes
neuves & non des répétitions monotones
d'obfervations faites avant lui , ou des imitations
ferviles de procédés mis en ufage.
Il fuffit de jetter un coup d'oeil fur l'état
où étoit alors cette partie de la Phyfique ,
pour fentir jufqu'où la fagacité angloife a
conduit notre Phyficien , & le peu de fecours
qu'il a tiré des Phyficiens qui l'ont
précédé dans la carriere .
M. Dufay , dans fon travail fur l'électricité
, s'étoit attaché à répéter les expériences
de M. Hauksbée , pour fe mettre ,
comme il le déclare , fur la voye. Tous les
éclairciffemens que l'Editeur a pu trouver
dans les mémoires de l'Académicien Fran-
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
çois , font partie des Commentaires qu'il a
joints au texte , & ces éclairciffemens ont
un nouveau mérite d'être rapprochés des
détails de M. Hauksbée . M. Defmareft n'a
pas négligé de faire ufage des lumieres
que les Phyficiens Anglois , Allemands &
François ont répandues de nos jours fur
les queſtions qu'il s'eft propofé de traiter.
Le dernier chapitre du premier volume
renferme différentes expériences fur les
variétés de la lumiere des phofphores dans
le plein & dans le vuide. Nous ne nous
arrêterons pas fur ces questions , quelque
intéreffantes qu'elles foient.
Nous obferverons feulement avec M.
Defmareft , que les fyftêmes de certains
Cartéfiens , qui pour expliquer la lumiere
des barometres faifoient choquer le fecond
élément de Deſcartes contre le premier
dans les vibrations du mercure , n'ont que
trop d'analogie avec le choc de deux courans
, qui fait la bafe de quelques hypothè
fes que des modernes ont voulu accrédirer.
Ce font d'autres termes , mais le méchaniſme
eft le même. Tant il eft vrai que
l'efprit de fyftême n'a rien enfanté de nouveau
, & que les idées hypothétiques fe
font préſentées avec autant de développement
aux anciens qu'aux modernes. En cela
donc nous n'avons rien , nous n'aurons
DECEMBRE. 1754. 157
rien qu'ils n'ayent eu : nos avantages fur
eux font dans les faits & dans la maniere
de les combiner.
Jufqu'ici nous n'avons parlé que du premier
volume. Le chapitre premier du fecond
contient des expériences fur l'aſcenfion
des liqueurs dans des efpaces capillaires
, & fur les loix de cette fingularité hydroftatique.
Nous y voyons l'eau s'élever
dans des tubes capillaires de différens calibres
dans le vuide , comme à l'air libre , en
raifon inverfe des diametres donc l'air
ne contribue en rien à cet effet . M. D. difcute
dans une note quelques difficultés
fpécieufes de certains Phyficiens modernes
qui prétendoient que l'air y avoit part , &
fait difparoître toute influence de l'air . La
preflion fupérieure des colonnes collatérales
eft détruite de même. Les fyphons capillaires
font affujettis aux mêmes loix que
les tubes , comme on le fait voir dans une
remarque.
Les Phyficiens n'ont employé commumément
dans leurs expériences que des tubes
capillaires cylindriques : mais comme
la nature , malgré fa fimplicité , varie prefque
à l'infini fes opérations & la forme
des agens qui y concourent , & qu'elle préfente
des cavités capillaires de différentes
moulures , pour ainfi dire , il étoit impor158
MERCURE DE FRANCE.
tant qu'on eût des obfervations qui pulfent
offrir des caracteres d'analogie & de comparaifon.
C'eft dans ces vûes que M. Haukfbée
s'eft attaché à comparer les phénomenes
des tubes ou cavités cylindriques avec
ceux des efpaces prifmatiques , & il a reconnu
les mêmes loix . Nous voyons différentes
efpeces de liqueurs s'élever entre
deux lames de verre & de cuivre , entre
deux plans de marbre polis , à une hauteur
qui est toujours en raifon inverfe des diftances
des plans. M. H. a employé non feulement
des plans paralleles , mais des plans
qui s'écartant fous un angle quelconque ,
préfentoient à chaque point de nouvelles
diftances. Les liqueurs dans lefquelles il
les plongeoit , s'élevoient différemment ,
c'eft à-dire que la hauteur de chaque colonne
de liqueur étoit à chaque point en
raifon réciproque à la diftance des plans.
Toutes les colonnes réunies formoient par
leurs parties fupérieures une courbe hyperbolique,
une des afymptores étant la furface
du liquide, & l'autre la ligne de la réunion
des deux plans. M. H. varia encore
l'appareil fur une lame de verre placée horizontalement
; il laiffa tomber une goutte
d'huile , enfuite il y appliqua une autre
lame obliquement par une de fes extrêmiés
, la bailfant infenfiblement par l'autre
DECEMBRE . 1754 159
juſqu'à ce qu'elle touchât la goutte d'huile;
cette goutte pour lors fe porta vers le point
de réunion des plans avec un mouvement
qui s'accélera toujours . Newton a donné
ce phénomene comme une preuve de l'attraction
, c'est-à- dire d'une caufe dont on
a befoin de faire encore l'apologie auprès
de certains Phyficiens intolérans . M. D.
développe dans des remarques les vûes de
Newton , & fait voir de plus par le fecours
de la Géométrie , qu'en réuniffant les momens
qui agiffent dans deux directions , leur
fomme, ou la diagonale qui les repréfente ,
eft d'autant plus confidérable que l'angle
des directions de ces forces eft plus petit ;
par là il explique l'accélération du mouvement
de la goutte d'huile. Il montre auffi
par contrafte l'inutilité & le peu de fuccès
de l'impulfion appliquée à ces phénomenes.
A la fuite de tous ces articles viennent
les réflexions de M. H. fur la caufe de l'élévation
des liqueurs dans les tubes ; c'eſt
une hypothèſe où l'attraction figure comme
l'agent principal. M. Defmareft ajoute
à ces réflexions une hiftoire critique des
principales hypothèſes que l'on a formées
pour rendre raifon de ces phénomenes.
Cette hiftoire eft divifée en trois parties ,
qui comprennent autant de claffes de fyf160
MERCURE DE FRANCE.
têmes difcutés avec étendue , M. D.expoſe
à la fin de cette difcuflion le fyftême de M.
Veitbrecht , qui occupe le quart du volume.
En développant par propofitions ce ſyſtème
, M. D. n'a pas prétenda s'expofer au
reproche que l'on fait à certains difciples
de Newton , qui mettant l'attraction partout
fe croyent difpenfés d'expofer comment
elle agit.
Le fecond chapitre comprend les expériences
de M. H. fur le fon & fur fes diffé
rentes modifications, par rapport aux divers
milieux dans lefquels il fe propage : il en
évalue les augmentations & les diminu
tions , fuivant la denfité de l'air & l'éten
due de fa fphere de propagation. L'Editeur
examine dans des remarques quel eft le
concours du reffort de l'air & de fa denfité
par rapport à la force du fon. Il a placé à
la fin du chapitre quatre éclairciffemens
étendus ; le premier , fur les erreurs aufquelles
peut conduire la fuppofition du
mouvement d'ondulation dans l'air pour
expliquer les phénomenes du fon , & fur la
néceffité d'admettre le feul mouvement de
reffort dans ce fluide. Dans le fecond , on
examine quelle variation peut éprouver la
propagation du fon par le froid & le chaud
Un troifieme éclairciffement donne une
idée fuccinte des fyftêmes harmoniques des
1
DECEMBRE. 1754. 16r
fpheres. On s'inftruit de ces fçavantes chimeres
pour avoir le droit de les apprécier.
Tel eft le ton avec lequel M. Defmareft en
fait envifager l'utilité que nous en pouvons
retirer. Ces fyftêmes prétendus harmo-
» niques , dit- il , que nous regardons avec
»raifon comme des chimeres , & qui oc-
» cupoient les meilleures têtes du tems de
» leur fortune , doivent nous faire regarder
» prefque du même oeil , ou au moins avec
»défiance , ces hypothèfes féduifantes qui
» ne prouvent que la témérité de leurs au-
» teurs. Sommes-nous plus fages que les
» anciens l'hiftoire de leurs fautes de-
» vroit naturellement produire cet effet..
"
Nous ne nous étendrons pas fur les deux
chapitres fuivans. Dans le premier, on trouve
des expériences fur l'eau ,fur fon poids ,
fur les phénomenes de fa congélation , far
celle des liqueurs fpiritueufes , fur l'état
des poiffons dans l'eau , & fur la maniere
dont l'air y eft parfemé , &c. Toutes ces
queftions font éclaircies dans des notes . Le
dernier chapitre comprend des obfervations
fur la réfraction des rayons de lumiere
, en traverfant différens fluides gras.
On ajoute dans les remarques vingt - deux
autres fluides examinés par Newton , &
l'on y développe la théorie de ce grand
Géometre fur la réfraction. La feconde ob152
MERCURE DE FRANCE,
fervation concerne le mêlange de deux liqueurs
, dont les volumes fe confondent en
partie par la pénétration . L'Editeur y a
joint le détail raifonné des expériences de
M. de Reaumur , fur un femblable phénomene.
La maniere d'évaluer la force de
l'aimant à différentes diftances , eſt expliquée
dans le troifieme article. On a dans
les remarques un recueil de toutes les expériences
des Phyficiens Anglois & autres
fur cette queftion délicate ; enforte que
les efforts des fçavans s'y trouvent rapprochés
, ainfi que leurs contradictions. M.
Defmareft a ajouté deux articles qu'il a traduits.
Le premier , fur la réfiftance qu'op.
pofe l'air à la pouffiere de malt , qui y flotte;
& l'autre fur l'arrangement des différentes
couches d'une mine de charbon. Ce
dernier article donne lieu à des notes fur
les efpeces de charbons dont il eft parlé ,
& à l'examen de la maniere dont les empreintes
des végétaux fe font formées fur
·les pierres des minieres. On y trouve auffi
des réflexions fur la difpofition relative
des différentes fubftances , & enfin fur leur
parallélifme. M. Defmareft s'attache fur
ces points à des obfervations générales ,
aux faits réguliers & conftans. » Sans nous
» hazarder , dit - il , à former des hypothè
pfes , où l'imagination , en fuppléant ag
DECEMBRE . 1754 163
, vrai , le défigure toujours , nous nous
»bornons à ces obfervations générales , qui
» font peut- être les feuls fyftêmes permis.
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Résumé : « EXPERIENCES Physico-méchaniques de M. Hauksbée, traduites par feu M. de [...] »
Le texte présente les expériences physico-mécaniques de M. Hauksbée, traduites et révisées par M. Defmareft, structurées en deux volumes. L'ouvrage est organisé méthodiquement en chapitres thématiques tels que la pesanteur, l'air, l'électricité et les tubes capillaires, facilitant ainsi la compréhension du lecteur. M. Defmareft a mis à jour les expériences de M. Hauksbée, réalisées il y a près de quarante ans, en intégrant des connaissances plus récentes pour confirmer ou contredire les observations initiales. Il a également ajouté des remarques historiques sur les sujets traités. Le premier chapitre traite de la pesanteur des corps, examinant les forces qui maintiennent les molécules des solides dans les liquides. M. Defmareft discute des vues de divers physiciens sur ce phénomène et le rapporte à la même cause qui élève les liquides dans les tubes capillaires. Le deuxième chapitre aborde les observations sur l'air, incluant des expériences sur la quantité d'air produite par la poudre à canon et le rapport de poids entre l'eau et l'air. M. Hauksbée confirme les effets de la pression atmosphérique et combat les théories anciennes sur la matière subtile. Le troisième chapitre se concentre sur la lumière électrique, avec des expériences détaillées sur les effets de la lumière électrique sur différents corps. M. Hauksbée est crédité pour ses découvertes sur les propriétés électriques du verre. Le quatrième chapitre explore l'électricité, avec des observations sur les attractions et répulsions des effluves électriques, et les effets du vide sur les expériences électriques. Le texte mentionne également les contributions de M. Dufay, qui a répété les expériences de M. Hauksbée, et les éclaircissements apportés par M. Defmareft à partir des mémoires de l'Académie Française. Le deuxième volume traite de l'ascension des liquides dans des espaces capillaires, discutant des lois hydrostatiques et des observations sur différentes formes de cavités capillaires. M. Hauksbée a étudié l'élévation des liquides entre des plans parallèles ou inclinés, observant que la hauteur des colonnes de liquide est inversement proportionnelle à la distance entre les plans, formant une courbe hyperbolique. Il a également examiné le comportement d'une goutte d'huile entre deux lames de verre, phénomène expliqué par Newton comme une preuve de l'attraction. M. Defmarets a développé les vues de Newton en utilisant la géométrie pour expliquer l'accélération du mouvement de la goutte d'huile. Le texte mentionne également des réflexions de M. Hauksbée sur la cause de l'élévation des liquides dans les tubes, hypothèse où l'attraction joue un rôle principal. M. Desmarets ajoute une histoire critique des principales hypothèses formulées pour expliquer ces phénomènes, divisée en trois parties discutant différentes classes de systèmes. Un chapitre est dédié aux expériences de M. Hauksbée sur le son et ses modifications dans divers milieux, évaluant les augmentations et diminutions en fonction de la densité de l'air et de l'étendue de la sphère de propagation. L'éditeur examine le concours de la résistance de l'air et de sa densité par rapport à la force du son. Le texte aborde également des expériences sur l'eau, son poids, la congélation, les poissons dans l'eau, et la réfraction des rayons lumineux à travers différents fluides. Des observations sur la force de l'aimant à différentes distances sont également présentées, ainsi que des articles sur la résistance de l'air à la poussière de malt et l'arrangement des couches dans une mine de charbon. M. Desmarets se concentre sur des observations générales et des faits constants, évitant les hypothèses spéculatives.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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