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1
p. 726-733
DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
Début :
Vous voulez, Monsieur, juger du Systême Typographique par l'experience [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Méthode, Bibliothèque des enfants, Système de morale, Expérience
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texteReconnaissance textuelle : DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
OUZIEME LETTRE sur la
Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
VOU
Ous voulez , Monsieur , juger du Systême
Typographique par l'experience et par la
pratique, ou enfin par des exemples et des autoritez modernes. Cela paroît raisonnable jusqu'à un
certain point , je n'ignore pas que les preuves
sensibles ne frappent davantage , mais je sçai
aussi que ces prétendues preuves sensibles sont
souvent plus sujettes à l'erreur que les preuves de
raisonnement. J'avoue que lorsqu'il s'agit d'un
effet prompt et physique , l'experience est le
moyen le plus sur pour en décider ; supposons ,
par exemple, une dispute sur deux sortes de Poudre à Canon, où il s'agit de sçavoir laquelle a
plus de force et porte plus loin ; tous les raisonnemens sur la composition de cette Poudre , ne
feront jamais sur un bon esprit la même impression que l'experience réïterée, et après laquelle ces
raisonnemens serviront à confirmer , ou pour
mieux dire , à expliquer cette même experience.
Il en est de même de la circulation du sang etde
bien d'autres choses.
AVRIL. 17321 727
Mais quand il s'agit de Méthode et d'institution litteraire ou d'une experience soumise à une
infinité de combinaisons physiques et morales ,
il faut pour lors que la raison soit de la partie
et qu'elle serve par provision à discerner la bonté
et la superiorité de cette Méthode sur les autres ;
je croi que c'est ici le cas du Bureau Tipographique , malgré le raisonnement de ceux qui disent qu'il faut juger de la bonté de cette Méthode
par le grand nombre des Sçavans qu'elle produi c'est- à- dire , selon eux , attendre 20. 30. ou
So.ans avant que de se déterminer. Raisonner ainsi
n'est- ce pas raisonner à peu près comme si l'on
eut dit autrefois ? 1 °. Qu'il falloit juger de la
bonté et de l'excellence de la nouvelle Medecine
par le plus grand nombre de Vieillards de l'un et
del'autre Sexe, auquel cas laMedecine des Patriarches auroit été préferable à toutes les autres.
ra ,
2º. Qu'il falloit juger de la bonté des Loix de
chaque Païs , et de la probité de chaque Nation ,
par le plus petit nombre de procès et par le
moindre casuel des Executeurs de la haute Justice.
3°. Qu'il falloit juger de la politique et de la
science Militaire d'un siecle , par le nombre des
Héros , des grands Souverains et des Peuples heureux qu'ils gouvernoient.
4°. Qu'il falloit juger des avantages de l'Im
primerie , par le plus grand nonbre des Sçavans
et des Livres modernes préferables à ceux des- anciens:
5. Juger des avantages de la Boussole , de la
nouvelle Navigation et de la découverte du nouveau Monde , par le plus grand bonheur et le
meilleur être des Nations qui jouissent des fruits de cette découverte.
6. Juger de la bonté de l'Horlogerie et même B-v des
728 MERCURE DE FRANCE
des Prédicateurs ,, par le meilleur emploi du tems.
. De la préference et superiorité morale des Nations et de leur commerce , par le plus grand
nombre des honnêtes gens,par le plus grand nomnombre des riches , et le plus petit nombre des miserables.
8". Juger de la bonté des Systêmes de morale ,
de politique et même de Religion , par le plus
grand nombre des gens de bien, des gens de probité et de pieté , &c.
Vous voyez par là , Monsieur , qu' est plus --
aisé de juger des effets de pure Mécanique , que
de juger des effets combinez à l'infini dans le Physique et dans le Moral. Que d'incertitudes dans
l'enquête et dans le témoignage des hommes !
sur la complexion et le temperament des enfans !
sur les dispositions de leur esprit sur la Méthode qu'ils ont suivie ! sur les moyens , la capacité ,
les talens , et les soins des parens , des Maîtres et
même des domestiques ! sur l'usage et les Coûtumes de chaque Pays, et enfin sur tous les accidens
de la vie !
Descartes , Pascal , Baile , Newton , Leibnits ,
&c. ont été de grands hommes , s'ensuit- il que
leurs Abécé et leurs Rudimens fussent les meilleurs De quel Rudiment , de quelle Méthode se
servoient a utrefois les Hébreux , les Grecs et les
Latins , et de quelle Méthode se servent aujourd'hui les E spagnols et les Portugais , les Anglois
et les Hollandois ; en faut- il juger par le plus
grand nombre de leurs Sçavans ? Il n'est donc
pas toujours aisé de prouver la bonté d'un Systême ou d'une Méthode, par le plus grand nombre
des habiles gens qu'elle a produits , et si on peut
le dir e à p resent de la Méthode de Décartes , elle
me lai ssoit pas de porter par elle- même la preuve morale
AVRIL 1732. 729
•
2
morale et géométrique de son excellence et de sa
superiorité sur les autres Méthodes. On juge fa、
cilement de la bonté et de l'abondance des récoltes par la qualité , la quantité et le prix des denrées. Il n'en est pas tout- à -fait de même des Méthodes des Sçavans , ni de leurs Ouvrages. Concluons qu'il en est d'une Méthode comme d'un
outil ; un bon Ecrivain écrira mieux avec une
mauvaise plume , qu'an mauvais Ecrivain avec la
meilleure plume du monde. On n'apporte pas assez de soin sur le choix des Maîtres , voilà un
inconvenient. Les Maîtres ne cherchent pas assez
les rapports et les proportions entre la doctrine
et les enfans , voilà un autre inconvenient. Il n'est
donc pas absolument vrai qu'on puisse toûjours
juger de l'outil ou de la Méthode par l'Ouvrage et par l'Eleve.
Pour vous donner cependant , comme vous le
souhaitez , Monsieur , des témoignages rendus en faveur de la Méthode du Bureau , je puis vous
assurer que de toutes les personnes qui ont vu
cette Machine , il n'y en a point qui n'ait avoüé
de bonne foi que cette maniere de montrer les
premiers élemens des Lettres étoit ingénieuse et
plus à la portée des petits enfans que les Méthodes vulgaires ; en passant sous silence le détail des
témoignages de quelques Particuliers, je pourrois vous nomnier ici un des plus intelligens Magistrats et des plus zelez pour le bien de la République des Lettres , qui cut la curiosité de voir par
lui même l'exercice et les operations du Bureau
Typographique. M. Gallyot , accompagna ce Magistrat au College du Plessis , où M. Rollin et
M. l'Abbé de S. Pierre , avoient déja pris la peine
de se rendre. Tous ces Messieurs parlerent favorablement de cette Méthode et je me flatte qu'en -Evj -favcut
730 MERCURE DE FRANCE
faveur de notre cause ils voudront bien me par
donner la liberté que je viens de prendre de les
nommer. Le R. P. Buffier , le Régent de Quatrié
me du College de Louis le Grand , le P. Bouche
ron , Prêtre de l'Oratoire , M. Thomé , Conseiller au Parlement de Grenoble et d'autres Messieurs , se trouverent une autre fois ensemble au
Bureau du College du Plessis et rendirent également témoignage à la verité ; je pourrois vous
citer le Principal et les deux Sous- Principaux du
même College, qui , exempts de prévention , pen
sent favorablement de la Méthode Typographique. Je pourrois vous nommer le Proviseur et le
Principal du College d'Harcourt où le jeune Seigneur Dom Ventura de Liria , a déja fait et
'heureuse experience du Bureau Typographi
que. Je pourrois vous parler de M. Chom
pré , Maître de Pension , et depuis peu Maître
de petite Ecole , qui fait usage actuellement
des classes du Bureau Typographique , dans le
rue des Carmes ou saint Jean de Beauvais.;
exemple qui va être suivi par plusieurs. Maîtres d'Ecoles.
Je pourrois vous rapporter l'exemple d'une petite fille de trois ans , vis- à- vis sainte Catherine ,
rue S.Denis,qui imprime joliment à son Bureau,la
copie qu'on lui donne sur des cartes. Il y a plusieurs autres enfans qui s'amusent utilement au
Bureau Typographique ; cela devroit fermer la.
bouche aux Critiques , retenir leur plume et leur
apprendre enfin à en faire un meilleur usage pour le Public..
Je pourrois vous rapporter le Certificat de la Societé des Arts , inseré dans le Mercure du mois
de Septembre dernier , et vous dire qu'à la Cour même, Qn. fair usage du Bureau pour Monseigneur
AVRIL. 1732. 732
gneur le Dauphin et pour Mesdames de France.
Mais il faut vous dire le fort et le foible , un
Grammairien de Ventabren , donna dans le Mercure du mois de Janvier dernier , une Critique
contre le Bureau , et il en parut une autre dans le
mois de Février suivant , dont le Public fut en◄
core plus mécontent ; enfin M. Gaullier , Régent
de Quatriéme au Plessis , dans les Notes sur la
Méthode de M.le Févre, et M.le Beau, Regent de
Seconde au même College , dans sa petite Piece
comique du mois d'Août dernier , ont pris le
parti de se déclarer hautement contre le Systême
et contre l'Auteur du Bureau Typographique.
C'est à vous , Monsieur , à present d'aprécier ,
d'estimer et d'évaluer chaque témoignage ; si
vous voulez compter les voix avant que de péser
les raisons ; vous avez trois Maîtres qui se sont déclarez contre le Bureau et contre ses Partisans
de la Cour et de la Ville. De ces trois Maîtres
le premier étant, dit- on, imaginé et fait à plaisir ,
il n'en reste que deux ; de ces deux il ne faut pas
compter M. le Beau , qui par licence poëtique
plutôt qu'à mauvais dessein , a préferé le Bureau
pour le sujet de sa petite Piece ; on le lui auroit
même prêté avec plaisir, pour rendre plus sensible aux Spectateurs, la Critique qu'il en vouloit
faire ;on auroit pû fournir bien des pensées comiques sur cette matiere , et on en auroit ri comme
les autres , sans approuver neanmoins l'affectation des personalitez indécentes contre les morts
et les vivans ; conduite qui fait toujours tort au
jugement et au cœur , quelque honneur qu'elle
puisse faire d'ailleurs à l'esprit du Poëte.
2.
De ces trois Maîtres , il ne nous reste donc à
craindre contre le Bureau , que les Critiques de
M.Gaullier , ce laborieux et infatigable Profes- seur
732 MERCURE DE FRANCE
seur , dont les Notes sur la Méthode de M. le
Fevre , p. 104. parlant de la lecture de Terence,
et croyant avoir pour lui l'autorité de M. le Fevre , du P. Jouvency , des Statuts de l'Université,
de M. M. et R. P. des P. de l'Eglise , enfin du
Monde entier, pense- t'il , bors le seul M. Rollin ,
a voulu peut-être à son tour et dans cette occasion , se singulariser contre le jugement du Public , de la Cour , de la Ville , des Colleges , des
Maîtres d'Ecole , de la Societé des Arts , de l'experience , il a peut- être voulu qu'on pût aussi dire delui ce que l'Ecriture dit d'Ismaël. Gen. 16.
12. qu'il leva la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leveront aussi la
main contre lui , Et manus omnium contra eum ;
article et paroles que M. Gaullier rapporte dans
sa Lettre inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier , contre quelques lignes du Nouvelliste du Parnasse , dont il ne paroît pas qu'il
eût tant à se plaindre par un long et ennuyeux Commentaire. Bien des Auteurs à Paris , se sont
déclarez contre les Critiques de ce Professeur.
L'Auteur des Tropes attend sa réponse , 1 ° . sur
la difference des Colleges bien ou mal montez,
2. Sur la veritable diference de la Méthode de
Mile Fevre et de la Méthodedes Colleges. 3 ° . Sur
la contradiction de ceux qui, selon leur Méthode,
exigent l'âge de dix ou douze ans pour l'étude
des Rudimens et qui néanmoins les accablent d'une infinité de Regles Grammaticales avant cet âge
là. 4°. Sur les Charlatans de la menuë Litterature,
qui donnent le Catalogue fastueux de leurs petites
compilations. . Sur l'imparfaite division et
l'injuste accusation d'heresie ou de folie. 6° . Sur
les Longins connus et inconnus. 7° . Sur les Livres de compilation , imprimez exprès en lettres fort
"
AVRIL. 1732. 733
fort menuës , pour faciliter la grosse et grande
Litterature. 8. Sur la veritable définition des
mots Pedant et Pedenterie. 9 ° Et enfin , sur la
difference d'un vain Déclamateur, et d'un vrai et
utile Critique.
UnAuteur de Rennes en Bretagne s'est déclaré
contre ce Regent de quatriéme. M. Perquis autre
Breton , a donné une Réponse à la Lettre d'un
Profeffeur anonyme que M. Gaullier avoue être
de lui , petite consolation que l'honneur de tant
d'adversaires , tant qu'un fameux et ancien Recteur de l'Université de Paris , ne daignera pas en
augmenter le nombre , et que méprisant les vaines déclamations de ses critiques, il continuera ses
dignes et pénibles travaux pour enrichir la République des Lettres de la suite du cours historique que le public attend toujours avec impatience , et
qu'il reçoit et lit avec empressement.
1
Je vous envoie , Mr. les nouvelles dimensions
du Bureau , afin que vous puissiez en faire faire selon la mesure des Cartes et des Lettres dont
vous voudrez vous servir. Vous avez dans le Mercure de Novembre la suite des Jeux , des opérations , des exercices et des leçons du Sistême Ty- pografique ; et dans le premier Volume du mois s
de Decembre dernier, la maniere d'étiqueter et degarnir un Bureau complet.
Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
VOU
Ous voulez , Monsieur , juger du Systême
Typographique par l'experience et par la
pratique, ou enfin par des exemples et des autoritez modernes. Cela paroît raisonnable jusqu'à un
certain point , je n'ignore pas que les preuves
sensibles ne frappent davantage , mais je sçai
aussi que ces prétendues preuves sensibles sont
souvent plus sujettes à l'erreur que les preuves de
raisonnement. J'avoue que lorsqu'il s'agit d'un
effet prompt et physique , l'experience est le
moyen le plus sur pour en décider ; supposons ,
par exemple, une dispute sur deux sortes de Poudre à Canon, où il s'agit de sçavoir laquelle a
plus de force et porte plus loin ; tous les raisonnemens sur la composition de cette Poudre , ne
feront jamais sur un bon esprit la même impression que l'experience réïterée, et après laquelle ces
raisonnemens serviront à confirmer , ou pour
mieux dire , à expliquer cette même experience.
Il en est de même de la circulation du sang etde
bien d'autres choses.
AVRIL. 17321 727
Mais quand il s'agit de Méthode et d'institution litteraire ou d'une experience soumise à une
infinité de combinaisons physiques et morales ,
il faut pour lors que la raison soit de la partie
et qu'elle serve par provision à discerner la bonté
et la superiorité de cette Méthode sur les autres ;
je croi que c'est ici le cas du Bureau Tipographique , malgré le raisonnement de ceux qui disent qu'il faut juger de la bonté de cette Méthode
par le grand nombre des Sçavans qu'elle produi c'est- à- dire , selon eux , attendre 20. 30. ou
So.ans avant que de se déterminer. Raisonner ainsi
n'est- ce pas raisonner à peu près comme si l'on
eut dit autrefois ? 1 °. Qu'il falloit juger de la
bonté et de l'excellence de la nouvelle Medecine
par le plus grand nombre de Vieillards de l'un et
del'autre Sexe, auquel cas laMedecine des Patriarches auroit été préferable à toutes les autres.
ra ,
2º. Qu'il falloit juger de la bonté des Loix de
chaque Païs , et de la probité de chaque Nation ,
par le plus petit nombre de procès et par le
moindre casuel des Executeurs de la haute Justice.
3°. Qu'il falloit juger de la politique et de la
science Militaire d'un siecle , par le nombre des
Héros , des grands Souverains et des Peuples heureux qu'ils gouvernoient.
4°. Qu'il falloit juger des avantages de l'Im
primerie , par le plus grand nonbre des Sçavans
et des Livres modernes préferables à ceux des- anciens:
5. Juger des avantages de la Boussole , de la
nouvelle Navigation et de la découverte du nouveau Monde , par le plus grand bonheur et le
meilleur être des Nations qui jouissent des fruits de cette découverte.
6. Juger de la bonté de l'Horlogerie et même B-v des
728 MERCURE DE FRANCE
des Prédicateurs ,, par le meilleur emploi du tems.
. De la préference et superiorité morale des Nations et de leur commerce , par le plus grand
nombre des honnêtes gens,par le plus grand nomnombre des riches , et le plus petit nombre des miserables.
8". Juger de la bonté des Systêmes de morale ,
de politique et même de Religion , par le plus
grand nombre des gens de bien, des gens de probité et de pieté , &c.
Vous voyez par là , Monsieur , qu' est plus --
aisé de juger des effets de pure Mécanique , que
de juger des effets combinez à l'infini dans le Physique et dans le Moral. Que d'incertitudes dans
l'enquête et dans le témoignage des hommes !
sur la complexion et le temperament des enfans !
sur les dispositions de leur esprit sur la Méthode qu'ils ont suivie ! sur les moyens , la capacité ,
les talens , et les soins des parens , des Maîtres et
même des domestiques ! sur l'usage et les Coûtumes de chaque Pays, et enfin sur tous les accidens
de la vie !
Descartes , Pascal , Baile , Newton , Leibnits ,
&c. ont été de grands hommes , s'ensuit- il que
leurs Abécé et leurs Rudimens fussent les meilleurs De quel Rudiment , de quelle Méthode se
servoient a utrefois les Hébreux , les Grecs et les
Latins , et de quelle Méthode se servent aujourd'hui les E spagnols et les Portugais , les Anglois
et les Hollandois ; en faut- il juger par le plus
grand nombre de leurs Sçavans ? Il n'est donc
pas toujours aisé de prouver la bonté d'un Systême ou d'une Méthode, par le plus grand nombre
des habiles gens qu'elle a produits , et si on peut
le dir e à p resent de la Méthode de Décartes , elle
me lai ssoit pas de porter par elle- même la preuve morale
AVRIL 1732. 729
•
2
morale et géométrique de son excellence et de sa
superiorité sur les autres Méthodes. On juge fa、
cilement de la bonté et de l'abondance des récoltes par la qualité , la quantité et le prix des denrées. Il n'en est pas tout- à -fait de même des Méthodes des Sçavans , ni de leurs Ouvrages. Concluons qu'il en est d'une Méthode comme d'un
outil ; un bon Ecrivain écrira mieux avec une
mauvaise plume , qu'an mauvais Ecrivain avec la
meilleure plume du monde. On n'apporte pas assez de soin sur le choix des Maîtres , voilà un
inconvenient. Les Maîtres ne cherchent pas assez
les rapports et les proportions entre la doctrine
et les enfans , voilà un autre inconvenient. Il n'est
donc pas absolument vrai qu'on puisse toûjours
juger de l'outil ou de la Méthode par l'Ouvrage et par l'Eleve.
Pour vous donner cependant , comme vous le
souhaitez , Monsieur , des témoignages rendus en faveur de la Méthode du Bureau , je puis vous
assurer que de toutes les personnes qui ont vu
cette Machine , il n'y en a point qui n'ait avoüé
de bonne foi que cette maniere de montrer les
premiers élemens des Lettres étoit ingénieuse et
plus à la portée des petits enfans que les Méthodes vulgaires ; en passant sous silence le détail des
témoignages de quelques Particuliers, je pourrois vous nomnier ici un des plus intelligens Magistrats et des plus zelez pour le bien de la République des Lettres , qui cut la curiosité de voir par
lui même l'exercice et les operations du Bureau
Typographique. M. Gallyot , accompagna ce Magistrat au College du Plessis , où M. Rollin et
M. l'Abbé de S. Pierre , avoient déja pris la peine
de se rendre. Tous ces Messieurs parlerent favorablement de cette Méthode et je me flatte qu'en -Evj -favcut
730 MERCURE DE FRANCE
faveur de notre cause ils voudront bien me par
donner la liberté que je viens de prendre de les
nommer. Le R. P. Buffier , le Régent de Quatrié
me du College de Louis le Grand , le P. Bouche
ron , Prêtre de l'Oratoire , M. Thomé , Conseiller au Parlement de Grenoble et d'autres Messieurs , se trouverent une autre fois ensemble au
Bureau du College du Plessis et rendirent également témoignage à la verité ; je pourrois vous
citer le Principal et les deux Sous- Principaux du
même College, qui , exempts de prévention , pen
sent favorablement de la Méthode Typographique. Je pourrois vous nommer le Proviseur et le
Principal du College d'Harcourt où le jeune Seigneur Dom Ventura de Liria , a déja fait et
'heureuse experience du Bureau Typographi
que. Je pourrois vous parler de M. Chom
pré , Maître de Pension , et depuis peu Maître
de petite Ecole , qui fait usage actuellement
des classes du Bureau Typographique , dans le
rue des Carmes ou saint Jean de Beauvais.;
exemple qui va être suivi par plusieurs. Maîtres d'Ecoles.
Je pourrois vous rapporter l'exemple d'une petite fille de trois ans , vis- à- vis sainte Catherine ,
rue S.Denis,qui imprime joliment à son Bureau,la
copie qu'on lui donne sur des cartes. Il y a plusieurs autres enfans qui s'amusent utilement au
Bureau Typographique ; cela devroit fermer la.
bouche aux Critiques , retenir leur plume et leur
apprendre enfin à en faire un meilleur usage pour le Public..
Je pourrois vous rapporter le Certificat de la Societé des Arts , inseré dans le Mercure du mois
de Septembre dernier , et vous dire qu'à la Cour même, Qn. fair usage du Bureau pour Monseigneur
AVRIL. 1732. 732
gneur le Dauphin et pour Mesdames de France.
Mais il faut vous dire le fort et le foible , un
Grammairien de Ventabren , donna dans le Mercure du mois de Janvier dernier , une Critique
contre le Bureau , et il en parut une autre dans le
mois de Février suivant , dont le Public fut en◄
core plus mécontent ; enfin M. Gaullier , Régent
de Quatriéme au Plessis , dans les Notes sur la
Méthode de M.le Févre, et M.le Beau, Regent de
Seconde au même College , dans sa petite Piece
comique du mois d'Août dernier , ont pris le
parti de se déclarer hautement contre le Systême
et contre l'Auteur du Bureau Typographique.
C'est à vous , Monsieur , à present d'aprécier ,
d'estimer et d'évaluer chaque témoignage ; si
vous voulez compter les voix avant que de péser
les raisons ; vous avez trois Maîtres qui se sont déclarez contre le Bureau et contre ses Partisans
de la Cour et de la Ville. De ces trois Maîtres
le premier étant, dit- on, imaginé et fait à plaisir ,
il n'en reste que deux ; de ces deux il ne faut pas
compter M. le Beau , qui par licence poëtique
plutôt qu'à mauvais dessein , a préferé le Bureau
pour le sujet de sa petite Piece ; on le lui auroit
même prêté avec plaisir, pour rendre plus sensible aux Spectateurs, la Critique qu'il en vouloit
faire ;on auroit pû fournir bien des pensées comiques sur cette matiere , et on en auroit ri comme
les autres , sans approuver neanmoins l'affectation des personalitez indécentes contre les morts
et les vivans ; conduite qui fait toujours tort au
jugement et au cœur , quelque honneur qu'elle
puisse faire d'ailleurs à l'esprit du Poëte.
2.
De ces trois Maîtres , il ne nous reste donc à
craindre contre le Bureau , que les Critiques de
M.Gaullier , ce laborieux et infatigable Profes- seur
732 MERCURE DE FRANCE
seur , dont les Notes sur la Méthode de M. le
Fevre , p. 104. parlant de la lecture de Terence,
et croyant avoir pour lui l'autorité de M. le Fevre , du P. Jouvency , des Statuts de l'Université,
de M. M. et R. P. des P. de l'Eglise , enfin du
Monde entier, pense- t'il , bors le seul M. Rollin ,
a voulu peut-être à son tour et dans cette occasion , se singulariser contre le jugement du Public , de la Cour , de la Ville , des Colleges , des
Maîtres d'Ecole , de la Societé des Arts , de l'experience , il a peut- être voulu qu'on pût aussi dire delui ce que l'Ecriture dit d'Ismaël. Gen. 16.
12. qu'il leva la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leveront aussi la
main contre lui , Et manus omnium contra eum ;
article et paroles que M. Gaullier rapporte dans
sa Lettre inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier , contre quelques lignes du Nouvelliste du Parnasse , dont il ne paroît pas qu'il
eût tant à se plaindre par un long et ennuyeux Commentaire. Bien des Auteurs à Paris , se sont
déclarez contre les Critiques de ce Professeur.
L'Auteur des Tropes attend sa réponse , 1 ° . sur
la difference des Colleges bien ou mal montez,
2. Sur la veritable diference de la Méthode de
Mile Fevre et de la Méthodedes Colleges. 3 ° . Sur
la contradiction de ceux qui, selon leur Méthode,
exigent l'âge de dix ou douze ans pour l'étude
des Rudimens et qui néanmoins les accablent d'une infinité de Regles Grammaticales avant cet âge
là. 4°. Sur les Charlatans de la menuë Litterature,
qui donnent le Catalogue fastueux de leurs petites
compilations. . Sur l'imparfaite division et
l'injuste accusation d'heresie ou de folie. 6° . Sur
les Longins connus et inconnus. 7° . Sur les Livres de compilation , imprimez exprès en lettres fort
"
AVRIL. 1732. 733
fort menuës , pour faciliter la grosse et grande
Litterature. 8. Sur la veritable définition des
mots Pedant et Pedenterie. 9 ° Et enfin , sur la
difference d'un vain Déclamateur, et d'un vrai et
utile Critique.
UnAuteur de Rennes en Bretagne s'est déclaré
contre ce Regent de quatriéme. M. Perquis autre
Breton , a donné une Réponse à la Lettre d'un
Profeffeur anonyme que M. Gaullier avoue être
de lui , petite consolation que l'honneur de tant
d'adversaires , tant qu'un fameux et ancien Recteur de l'Université de Paris , ne daignera pas en
augmenter le nombre , et que méprisant les vaines déclamations de ses critiques, il continuera ses
dignes et pénibles travaux pour enrichir la République des Lettres de la suite du cours historique que le public attend toujours avec impatience , et
qu'il reçoit et lit avec empressement.
1
Je vous envoie , Mr. les nouvelles dimensions
du Bureau , afin que vous puissiez en faire faire selon la mesure des Cartes et des Lettres dont
vous voudrez vous servir. Vous avez dans le Mercure de Novembre la suite des Jeux , des opérations , des exercices et des leçons du Sistême Ty- pografique ; et dans le premier Volume du mois s
de Decembre dernier, la maniere d'étiqueter et degarnir un Bureau complet.
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Résumé : DOUZIEME LETTRE sur la Bibliotheque des Enfans et sur les dimensions du Bureau Typographique.
La lettre aborde la méthode typographique employée dans la Bibliothèque des Enfants et les dimensions du Bureau Typographique. L'auteur examine la validité de juger une méthode par l'expérience ou par le raisonnement. Il estime que, bien que l'expérience soit essentielle pour des questions mécaniques, elle est moins fiable pour évaluer des méthodes littéraires ou éducatives en raison de la complexité des facteurs impliqués. L'auteur critique l'idée de juger la méthode typographique par le nombre de savants qu'elle produit, comparant cela à des jugements absurdes dans d'autres domaines comme la médecine, les lois ou la politique. Il affirme que la qualité d'une méthode ne peut pas toujours être prouvée par le nombre de personnes qu'elle forme. La lettre mentionne plusieurs témoignages favorables à la méthode typographique, provenant de magistrats, de professeurs et de membres de la cour. Cependant, elle reconnaît également des critiques, notamment celles de certains professeurs et d'un grammairien. L'auteur conclut en soulignant la difficulté de juger une méthode uniquement par ses résultats et en invitant à une évaluation plus nuancée des témoignages et des raisons. Il fournit également des informations sur les dimensions du Bureau Typographique et les ressources disponibles pour en savoir plus sur le système typographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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