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Liste
51
p. 2277-2279
« Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
Début :
Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...]
Mots clefs :
Théâtre, Opéra comique, Comédiens-Italiens
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texteReconnaissance textuelle : « Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
Le 26. de ce mois , on donna la premiere
Repréſentation de Pyrrhus , nouvel
Opera , qui fut fort bien reçû du Public.
On en parlera plus au long dans le
prochain Mercure .
Le 29. Septembre , l'Opera Comique
donna la premiere Repréſentation d'une
petite Piece d'un Acte en Vaudevilles , &
un Divertiffement , ayant pour titre le
Sylphe fuppofe. Cette Piece fut continuée
les deux jours fuivans , ce qui fit la clôture
du Théatre. 3
Les Comédiens Italiens ont annoncé
unc
2278 MERCURE DE FRANCE
une Piece nouvelle , fous le titre du
Triomphe de l'Interêt.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François remirent au Théatre
la Tragédie de la Mort de Pompée , dans
laquelle la De Le Grand remplit le Rôle
de Cornelie , & fut encore plus applaudie
que dans celui de Roxane qu'elle avoit
joué peu de jours auparavant. C'eſt une
grande perfonne bien faite qui a de la
voix & une belle repréſentation.
Le 8. ils donnerent la Tragédie de
Phedre , dont la Dme de la Traverſe , petite
fille du feu fieur Baron , joua le
principal Rôle ; elle y fut beaucoup applaudie.
C'eft une grande & belle per-
Tonne qui pare bien le Théatre , avec l'air
noble , une grande voix & une belle prononciation.
Quelques jours après , elle
joua le Rôle de Roxane , dans la Tragédie
de Bajazet , & elle y fut encore plus
applaudie. Elle a auffi joué le Rôle d'Ariane
, avec plus de fuccès .
Le 13. on donna fur le même Théatre
le Flateur , Comédie en Profe & en cinq
Actes , de M. Rouffeau, que le Public revoit
avec beaucoup de plaifir.Elle eſt très
bien repréſentée par les fieurs Quinaut ,
Duchemin , Dubreuil , Poiffon & Armand
, & par les Diles Labat & du Bocage.
OCTOBRE. 1730. 2279
ge. Cette Piéce parut dans la nouveauté
y a près de 30. ans ; on l'avoit repriſe
en 1717 & en 1721. au mois d'Avril.
il
On repete actuellement la Comédie
nouvelle du Prince de Noifi ; & les Rôles
de la Tragédie nouvelle de Brutus , par
M. de Voltaire , font diftribués.
Repréſentation de Pyrrhus , nouvel
Opera , qui fut fort bien reçû du Public.
On en parlera plus au long dans le
prochain Mercure .
Le 29. Septembre , l'Opera Comique
donna la premiere Repréſentation d'une
petite Piece d'un Acte en Vaudevilles , &
un Divertiffement , ayant pour titre le
Sylphe fuppofe. Cette Piece fut continuée
les deux jours fuivans , ce qui fit la clôture
du Théatre. 3
Les Comédiens Italiens ont annoncé
unc
2278 MERCURE DE FRANCE
une Piece nouvelle , fous le titre du
Triomphe de l'Interêt.
Au commencement de ce mois , les
Comédiens François remirent au Théatre
la Tragédie de la Mort de Pompée , dans
laquelle la De Le Grand remplit le Rôle
de Cornelie , & fut encore plus applaudie
que dans celui de Roxane qu'elle avoit
joué peu de jours auparavant. C'eſt une
grande perfonne bien faite qui a de la
voix & une belle repréſentation.
Le 8. ils donnerent la Tragédie de
Phedre , dont la Dme de la Traverſe , petite
fille du feu fieur Baron , joua le
principal Rôle ; elle y fut beaucoup applaudie.
C'eft une grande & belle per-
Tonne qui pare bien le Théatre , avec l'air
noble , une grande voix & une belle prononciation.
Quelques jours après , elle
joua le Rôle de Roxane , dans la Tragédie
de Bajazet , & elle y fut encore plus
applaudie. Elle a auffi joué le Rôle d'Ariane
, avec plus de fuccès .
Le 13. on donna fur le même Théatre
le Flateur , Comédie en Profe & en cinq
Actes , de M. Rouffeau, que le Public revoit
avec beaucoup de plaifir.Elle eſt très
bien repréſentée par les fieurs Quinaut ,
Duchemin , Dubreuil , Poiffon & Armand
, & par les Diles Labat & du Bocage.
OCTOBRE. 1730. 2279
ge. Cette Piéce parut dans la nouveauté
y a près de 30. ans ; on l'avoit repriſe
en 1717 & en 1721. au mois d'Avril.
il
On repete actuellement la Comédie
nouvelle du Prince de Noifi ; & les Rôles
de la Tragédie nouvelle de Brutus , par
M. de Voltaire , font diftribués.
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Résumé : « Le 26. de ce mois, on donna la premiere Représentation de Pyrrhus, nouvel [...] »
En octobre 1730, plusieurs événements marquants ont eu lieu dans le monde du théâtre. Le 26 octobre, l'opéra 'Pyrrhus' a été bien accueilli par le public. Le 29 septembre, l'Opéra Comique a présenté 'Le Sylphe supposé', une pièce en vaudevilles, jouée pendant trois jours consécutifs, marquant ainsi la clôture de la saison théâtrale. Les comédiens italiens ont annoncé une nouvelle pièce intitulée 'Le Triomphe de l'Intérêt'. Au début du mois, les comédiens français ont repris la tragédie 'La Mort de Pompée', avec Madame de Le Grand dans le rôle de Cornélie, acclamée pour sa performance. Le 8 octobre, 'Phèdre' a été jouée, avec Madame de la Traverse dans le rôle principal, qui a également été très applaudie. Elle a ensuite interprété Roxane dans 'Bajazet' et Ariane avec succès. Le 13 octobre, la comédie 'Le Flateur' de M. Rouffeau a été représentée avec enthousiasme par une distribution notable. Des répétitions étaient en cours pour la comédie nouvelle 'Le Prince de Noisi' et la distribution des rôles pour la tragédie nouvelle 'Brutus' de M. de Voltaire était en cours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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52
p. 2469-2479
Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 26. Octobre, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere Representation [...]
Mots clefs :
Pyrrhus, Académie royale de musique, Théâtre, Amour, Coeur, Projet, Jeux, Yeux
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texteReconnaissance textuelle : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
E 26. Octobre , l'Académie Royale
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
de Mufique , donna la premiere Reprefentation
de la nouvelle Tragédie de
Pyrrhus. Le Poëme eft de M. Fermelhuis ,
& la Mufique de M. Royer , de l'Académie
Royale de Mufique . Au Prologue ,
le Theatre repréfente le Palais de Mars.
Mars fe flatte de rallumer la guerre
dans l'Europe , trop long temps tranquille
; il excite les Guerriers de fa fuite
à de nouveaux exploits par ces Vers :
Courons y rallumer le flambeau de la guerre ;
Que des ruiffeaux de fang coulent de toutes
parts :
Qu'on reconnoiffe le Dieu Mars ,
Aux nouvelles horreurs qui vont troubler la terre.
d Lc
2470 MERCURE DE FRANCE
Le Choeur repete ces quatre Vers : Mi
nerve defcend des Cieux. Elle vient an
noncer la Naiffance d'un Dauphin qui
affure la Paix à l'Europe par un Arrêt du
Deftin . Mars le foumer à cette loy irrevocable
, mais il fe promet d'en tirer une
nouvelle gloire par le foin qu'il va prendre
de l'éducation de ce jeune Prince ; Minerve
lui difpute cet honneur, & lui dit :
+ Non, non , c'est moi qui feule eus l'avantage
De porter fes Ayeux aux glorieux travaux ;
Mars ne peut infpirer qu'un farouche courage ;
C'eft moi qui fais les vrais Héros,
Ensemble.
Je dois fur vous remporter la victoire ;
De ce Prince charmant je veux former le coeurs
C'eft un foin trop flatteur,
Pour en ceder la gloire.
Jupiter fuivi des Jeux & des plaifirs
vient accorder Mars & Minerve , & leur
ordonne de partager la gloire qu'ils difputent.
Hannonce la Naiffance d'un fe.
cond fruit de l'Hymen du Roi, On a
trouvé que l'ordre des temps n'étoit pas
fcrupuleufement obſervé ; mais l'Auteur
a prié le Public par un petit Avertiffement
de vouloir bien ſe prêter à cet Anachronifme.
Les Plaifirs & les Jeux font le
Divertiffement du Prologue. A
Le
NOVEMBRE. 1730. 2471
Le Théatre repréfente au premier Acte
une Gallerie du Palais de Pyrrhus. Ifmene,
Confidente de Polixene , fille de Priam
felicite cette Princeffe fur la victoire que
fes yeux ont remporté fur le coeur de
Pyrrhus , fils d'Achille. Elle lui dit qu'à
peine a t'elle reproché l'efclavage des
Troyens à ce fuperbe vainqueur d'llion
qu'il a brifé leurs chaînes, Polixene avouë
fa foibleffe pour Pyhrrus , mais elle n'en
eft pas moins réfolué à lui ôter toute ef
perance ; voici comme elle s'exprime :
A ma Patrie , helas ! fans ceffe pour victime ,
J'immole dès long- temps le repos de mon coeur.
"Pour fauver Illion de fon péril extrême ,
A l'objet de ma haine il fallut m'engager,
Il n'en périt pas moins , & c'eft pour le venger
Que mon coeur aujourd'hui s'arrache à ce qu'il
aime,
L'Auteur prépare l'intelligence de ces
fix Vers , par l'expofition qu'il fait de ce
qui s'étoit paffe autrefois au fujet de l'Hy,
men d'Achille , propofé à Polixene , &
Pâris lança rompu par le Trait fatal que
Contre
ce Héros.
Les Troyens & les Troyennes viennent
Le réjouir de la liberté que Pyrrhus lear
a renduë ; Polixene n'aflifte qu'à regret à
serte Fête , & reproche enfin aux Troyens
2472 MERCURE DE FRANCE
la lâcheté qu'ils ont de celebrer le deſtructeur
de leur chere Patrie . Polixene voyant
venir Pyrrhus, le fuit après lui avoir dit :
Mon pere eft tombé fous tes coups ;
Pour me venger, helas ! dans mon jufte courroux
Cruel , n'attend de moi que des cris & des larmes.
Pyrrhus irrité de l'inflexible rigueur de
Polixene , voudroit l'oublier pour jamais,
Acamas l'excite autant qu'il lui eft poffible
par l'interêt de Rival caché ; mais
il n'en peut venir à bout , il a beau lui
repréfenter que fa foi eft promiſe à Eriphile
, terrible par un art tout-puiffant
quelle a appris d'Amphiare , fon pere
Pyrrhus lui répond qu'il feroit moins à
plaindre s'il n'avoit qu'Eriphile à redouter
; il lui raconte un fonge qu'il a fait
dont voici les derniers Vers :
· Du fond des Enfers avec un bruit affreux ,
Un poignard à la main , fort l'Ombre de mon
pere.
Le Spectre furieux ,
Lance fur Polixene un regard de colere ;
Elle veut l'éviter , le cruel la pourfuit :
Je fais pour l'arrêter un effort inutile.
A mes yeux effrayez l'inexorable Achille ;
L'immole , difparoît , & le fonge s'enfuit.
Pyrrhus annonce des Jeux qu'il a or-
-donnez
NOVEMBRE. 1730. 2473
donnez pour appaiſer l'Ombre de fon
pere , & fe retire. Acamas expofe ce qui
fe paffe dans fon coeur par ces deux Vers
qui finiffent l'Acte :
Cachons lui , s'il fe peut , les tranfports de mon
ame ;
Ou plutôt étouffons une funefte flamme.
Au fecond Acte , Acamas livre des
combats contre fon amour pour Polixene,
mais il ne peut en triompher. Eriphile
arrive dans un nuage ; elle promet le fecours
de fon Art à Acamas ; & le voyant
agité de remors , elle lui fait reproche
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Quand on aime bien tendrement ,
Peut- on fans une peine extrême ,
Cacher fon ardeur un moment ,
Aux yeux de la Beauté qu'on aime
Le devoir & l'amitié même ,
Tout cede à cet empreffement.
Ah ! vous n'aimez que foiblement.
Eriphile fe retire pour cacher fon arrivée
à Pyrrhus , contre qui elle ne veut
en venir aux dernieres extrémitez , qu'après
avoir employé les raifons les plus
fortes & les fentimens les plus tendres .
Acamas fe livre aux douceurs d · l'ef
perance . Pyrrhus vient préfider aux Jeux
G qu'il
2474 MERCURE DE FRANCE
qu'il a fait préparer en l'honneur d'Achille
: la Fête eft troublée par un tremblement
de terre qui fait abîmer une Piramide
ornée de Trophées ; l'Ombre- d'Achile
paroît & prononce cet Oracle :
Ne croy pas échapper à mes reffentimens.
Sur toi , fur tes Sujets, crains d'attirer ma haine ,
Si ton obéiffance à mes commandemens ,
Ne me fair dans ce jour immoler Polixene.
Pyrrhus ne pouvant fe réfoudre au cruel
Sacrifice que fon pere lui demande , & "
tremblant pour Polixene , prie Acamas
de la difpofer à partir de ces lieux ; il
charge cet infidele ami de fa conduite.
Acamas finit ce fecond Acte par ces deux
Vers :
Lui- même entre mes mains il livre fon Amante !
Obéiffons au fort qui paffe mon attente.
Le Théatre repréſente l'interieur du Palais
de Pyrrhus . Polixene eft troublée &
ne fçait à quoi attribuer la frayeur qu'elle
découvre fur les vifages de tous ceux qui
s'offrent à fa vûë. Acamas lui explique la
caufe de cet effroy general, & lui apprend
que
que Pyrrhus la prie de prendre la fuite :
il ne peut s'empêcher , en s'offrant pour
fon guide , de fe déclarer fon Amant. Polixene
en conçoit une indignation qu'elle
exprime par ces Vers :
Non
NOVEMBRE . 1730. 2475
Non ; quoique mon devoir demande qu'il périffe ;
Puis- je voir fans horreur qu'un ami le trahiſſe ?
Pyrrhus qui a changé de deffein au fujet
de Polixene, ne veut plus qu'elle parte,
& remercie Acamas du foin dont il avoit
bien voulu fe charger.
Pyrrhus n'oublie rien pour fléchir Polixene
; mais c'eft inutilement juſqu'à la
fin de la Scene , où cette Princeffe lui dit
en le quittant :
De cet amour fi foumis & fi tendre ,
Que n'ay-je point à redouter
Pyrrhus n'entend pas tout - à - fait ce langage
, puifqu'il dit, en la voulant fuivre :
Courons à fes genoux ,
Achever , s'il fe peut , de fléchir fon courroux.
Eriphile arrête Pyrrhus , elle l'oblige
à lui déclarer lui -même qu'il la quitte
pour Polixene ; Eriphile n'oublie rien
pour l'attendrir : voici comment elle lui
parle :
Daigne un moment jetter les yeux fur moi :
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Lorfque tu me manques de foi ,
Mes pleurs & mes foupirs font les uniques char-
Gij Dont
mes
2476 MERCURE DE FRANCE
Dont je me ferve contre toi :
Un feul de tes regards payeroit tant de larmes.
fur moi ; Daigne un moment jetter les yeux
Je n'ai pour me venger que d'innocentes armes.
Les prieres étant inutiles , Eriphile en
vient aux plus terribles menaces ; comme
ces menaces regardent Polixene , Pyrrhus
s'abandonne à fon tour à la fureur & dic
à Eriphile , en la quittant :
Vous menacez l'objet qui m'a fçu plaire;
Je n'écoute plus rien ; c'eſt à vous de trembler .
Eriphile évoque les Démons & les trois
Eumenides . Le Theatre change & repréfente
un Antre affreux , terminé dans le
fond par un Gouffre qui paroît enflammé.
Eriphile ordonne aux Eumenides d'armer
les fujets de Pyrrhus les uns contre
les autres , en les empêchant de fe reconnoître.
Le Théatre repréfente au quatriéme
Acte , les Jardins de Pyrrhus , terminez
par la Mer . Un Choeur derriere le Théatre
annonce la fureur que les Eumenides
ont infpirée aux Sujets de Pyrrhus . Polixene
déplore des malheurs dont elle eſt
la caufe innocente ; elle tremble pour Pyrthus
; elle forme un projet qu'elle fait
entendre par ces Vers qu'elle addreſſe à
*An.our. Amour
NOVEMBRE . 1730. 2477
Amour , c'est donc à toi qu'il faut que je m'adreffe
....
Mais déja ton flambeau m'éclaire en mon malheur
';
· Tu parles ... je t'entends …. . . & tu viens à mon
coeur ,
Inſpirer un projet pour fauver ce que j'aime , &
Ce projet infpiré par l'Amour , éclaterz
à la fin de la Tragedie. Acamas prefe
Polixene de fe dérober par la fuite as
péril qui la menace ; elle eft inflexible ; cet
Amant méprifé fe livre à fon defeſpoir;
elle le fuit.
Eriphile fait entendre à Acamas que
par le fecours de fon Art , Polixene va
tomber entre fes mains , & qu'il doit ne
perdre aucun moment pour la ravir à
Pyrrhus.
Eriphile fait connoître par un Monologue,
que malgré ce qu'elle vient de pro
mettre à Acamas, Polixene ne peut échapper
à fon fort , & que les Enfers lui en
font garants.
Pyrrhus vient , il reproche à Eriphile
toutes les horreurs qui regnent parmi fes
Peuples La Scene eft vive de part & d'autre.
Eriphile le quitte pour toujours , mais
avant que de partir , elle lui annonce que
fon Ami lui enleve fon Amante. Pyrrhus
erdonne qu'on coure après le Raviffeur
G iij &
2478 MERCURE DE FRANCE
& qu'on ne revienne pas fans lui amenér
l'une & l'autre victime. Il implore le fe-
Cours de Thétis , dont fon pere à reçu la
naiflance.
Thétis vient calmer la frayeur de Pyrrhus
, ce qui donne lieu à la Fête de ce
quatriéme Acte . La Déeffe des Mers parle
ainfi à ſon petit - fils :
J'ay rendu le calme à tes fens ;
Mais tu dois te montrer le digne fils d'Achille
Ou redouter des maux encor plus grands
Que ceux que t'a caufez la cruelle Eriphile .
Déja le Prêtre attend Polixene à l'Autel ,
Pour la livrer au coup mortel ;
Je vais par ma puiſſance ,
Remettre en ton pouvoir l'objet de ta vengeance.'
Au cinquième Acte , le Théatre reprefente
une Colonade fur les côtez , & le
tombeau d'Achille dans le fond. On voit
fur le devant un Autel pour le Sacrifice.
Pyrrhus balance entre fa vengeance & ſon
amour. Sa vengeance l'emporte . Acamas
vient mourir aux yeux de Pyrrhus , & lui
apprend l'innocence de Polixene . Pyrrhus
fe réfout à empêcher le facrifice de Polixene
.
Le Grand-Prêtre & fa fuite viennent attendre
la victime qu'Achille demande fur
fon tombeau. Pyrrhus leur protefte qu'il
ne
NOVEMBRE. 1730. 2473
ne fouffrira jamais qu'on répande un lang
fi beau & fi cher. Polixene vient enfin &
s'explique ainfi :
Vous , Miniftres des Dieux , & vous , Grecs,
écoutez.
Pyrrhus , de votre fort , mon ame eft attendrie
J'ai caufé vos malheurs , je dois les réparer ;
Pour vous rendre la paix que je vous ai ravie ,
Voici ce que les Dieux viennent de m'inſpirer.
A ce dernier vers elle fe frappe.Pyrrhus
lui reproche la cruauté qu'elle vient
d'exercer fur elle-même. Polixene finit la
Piece par ces quatre vers :
Le trépas m'arrache à des momens fi doux .
C'en eft fait, je defcends fur l'infernale rivé :
Cher Pyrrhus , recevez mon ame fugitive
Mes derniers foupirs font pour vous,
Pyrrhus veut fe tuer , on le déſarme.
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Résumé : Opéra Pyrrhus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 26 octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la tragédie 'Pyrrhus' de M. Fermelhuis, accompagnée de la musique de M. Royer. Le prologue se déroule au Palais de Mars, où Mars souhaite relancer la guerre en Europe. Minerve annonce la naissance d'un dauphin qui apportera la paix, mais Mars et Minerve se disputent l'honneur de son éducation. Jupiter intervient pour partager la gloire entre eux. La pièce commence avec Ismène, confidente de Polixène, fille de Priam, qui félicite Polixène pour sa victoire sur le cœur de Pyrrhus. Polixène avoue son amour pour Pyrrhus mais décide de lui ôter tout espoir. Les Troyens célèbrent leur liberté, mais Polixène les reproche leur lâcheté. Pyrrhus, irrité par la rigueur de Polixène, est tourmenté par un songe où l'ombre de son père lui ordonne de sacrifier Polixène. Acamas, amoureux de Polixène, tente de convaincre Pyrrhus de l'oublier. Eriphile, amoureuse de Pyrrhus, promet son aide à Acamas mais menace Pyrrhus. Lors des jeux organisés par Pyrrhus, un tremblement de terre révèle l'ombre d'Achille, qui exige le sacrifice de Polixène. Pyrrhus, déchiré, demande à Acamas de faire partir Polixène. Eriphile, jalouse, utilise ses pouvoirs pour semer la discorde. Polixène, malgré les efforts de Pyrrhus pour la retenir, décide de se sacrifier pour sauver Pyrrhus et son peuple. Elle se frappe et meurt, laissant Pyrrhus désemparé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 2479-2482
Décorations, [titre d'après la table]
Début :
Cet Opéra n'ayant eu que 7 representation, on reprit Thesée le jeudi 9 de ce [...]
Mots clefs :
Opéra, Décorations, Thésée, Colonnes, Tombeau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Décorations, [titre d'après la table]
Cet Opéra n'ayant eu que 7 reprefentations
, on reprit Thefée le jeudi 9 de ce
mois , en attendant Phaeton , qu'on prépare.
Au refte quoique cet Ouvrage n'ait
pas eu le fuccès qu'on en efperoit , il doit`
faire honneur au Poëte & au Muficien par
les beaux morceaux qu'on y trouve . Les
Déco-
G iiij
2480 MERCURE DE FRANCE
Décorations en ont été trouvées tres bekles
& tres- bien entenduës. Les habits en
font riches , bien caracteriſez & de bon
gout. Trois de ces décorations meritent
une attention particuliere . Celle du premier
Acte , qui fait un effet admirable
eft une Gallerie tres - vafte , d'ordre Ionique
, richement ornée , avec des Colonnes
& des Contrepilaftres en marbre compoſé.
Les ornemens en or , avec ftatues & basreliefs
. La Gallerie eft terminée par 10
Arcades fort exhauffées , cinq de chaque
côté , foûtenuës par des colonnes qui
forment un efpace tres- grand par où en
tre le jour , lequel produit des échape
mens de lumieres tres- bien entendus.
Entre les Arcades , il y a de grandes , colonnes
ifolées & des contrepilaftres , avec
leurs Piedeftaux & Entablemens , entre
lefquels font des Statues. Le Plafond eft
à compartimens , dans le gout antique
fort riche, lequel par la perfpective trompe
fi- bien les yeux , qu'il paroît de niveau
d'un bout à l'autre, Le tout enfemble
fait une fongueur confiderable
proportionnée à la hauteur , & forme
plan poffible pour l'execution réelle .
On voit au troifiéme Acte , un Antre
ou Souterrain affreux , dont le fond s'ouvrant
tout d'un coup , on découvre les
un
>
Enfers
NOVEMBRE. 1730. 2481.
Enfers ,formez par plufieurs tranfparans
& entremêlez de flâmes naturelles ; le
tout composé d'une maniere qu'il n'y a
aucun rifque pour le feu.. Les trois Eumenides
paroiffent au milieu des flames ;
ee moment eft furprenant & plein d'horreur.
Les Spectateurs en ont été frapez.
23
Le Tombeau du cinquième Acte, étoit
une grande Colonnade circulaire , percée
àjour , avec les entre colonnes fpacieufes
pour voir tout leTombeau dans le milieu ...
Une moitié du Tombeau étoit en Sculpture
de relief, & l'autre en plate peinture ,
mais toute deux liées avec un tel art, qu'ili
paroiffoit tout de ronde boffe , & forme:
piramidalement ; il commençoit par un
Socle au bas qui portoit un Piedeftal
avec un bas - relief à chaque côté du
Piedeſtal , où l'on voyoit des figures enchaînées
de ronde boffe , grandes comme
nature , & deux Lions couchez fur le
Piedestal , qui portoient le Maufolée ,
terminé par des Trophées d'armes &
furmonté par une Urne de Lapis , envi
ronnée d'unFefton , pittorefquement jetté
ainfi . que le refte ; tout le Tombeau étoit
de Marbre précieux , & de Bronze doré
ayant 15 pieds d'hauteur , fur ro de lar
geur par le bas. Tous ces Ouvrages font
de M. Servandoni , qui donne tous les
jours de nouvelles marques de fon habi
Teré Gx L'Opera
2482 MERCURE DE FRANCE
L'Opera de Thefée avoit été remis au
Théatre au mois de Decembre de l'année
derniere . La De le Maure chante le rôle
d'Eglé avec beaucoup d'aplaudiffement.
Le 12 , le fieur Dupré, cy- devant Danfeur
de la même Academie , qui avoit
quitté le Théatre en 1722. & que le Pu
blic regrettoit fort , reparut & danfa dans
le fecond & le troifiéme Acte du même
Opera , avec l'applaudiffement d'une tresnombreuſe
affemblée . Sa danfe eft noble
vive & légere, & il exprime parfaitement
les differens caracteres , animez & violens.
Il est arrivé depuis peu de Pologne . It
doit refter à Paris cet Hyver , & il danfera
à l'Opera pendant ce temps-là .
Le même jour , il y eut à l'Opera le Bal
public , que l'Academie donne tous les
ans à la S. Martin, & qu'on continuë pendant
differens jours juſqu'à l'Avent. On
le reprend ordinairement à la fête des
Rois.
, on reprit Thefée le jeudi 9 de ce
mois , en attendant Phaeton , qu'on prépare.
Au refte quoique cet Ouvrage n'ait
pas eu le fuccès qu'on en efperoit , il doit`
faire honneur au Poëte & au Muficien par
les beaux morceaux qu'on y trouve . Les
Déco-
G iiij
2480 MERCURE DE FRANCE
Décorations en ont été trouvées tres bekles
& tres- bien entenduës. Les habits en
font riches , bien caracteriſez & de bon
gout. Trois de ces décorations meritent
une attention particuliere . Celle du premier
Acte , qui fait un effet admirable
eft une Gallerie tres - vafte , d'ordre Ionique
, richement ornée , avec des Colonnes
& des Contrepilaftres en marbre compoſé.
Les ornemens en or , avec ftatues & basreliefs
. La Gallerie eft terminée par 10
Arcades fort exhauffées , cinq de chaque
côté , foûtenuës par des colonnes qui
forment un efpace tres- grand par où en
tre le jour , lequel produit des échape
mens de lumieres tres- bien entendus.
Entre les Arcades , il y a de grandes , colonnes
ifolées & des contrepilaftres , avec
leurs Piedeftaux & Entablemens , entre
lefquels font des Statues. Le Plafond eft
à compartimens , dans le gout antique
fort riche, lequel par la perfpective trompe
fi- bien les yeux , qu'il paroît de niveau
d'un bout à l'autre, Le tout enfemble
fait une fongueur confiderable
proportionnée à la hauteur , & forme
plan poffible pour l'execution réelle .
On voit au troifiéme Acte , un Antre
ou Souterrain affreux , dont le fond s'ouvrant
tout d'un coup , on découvre les
un
>
Enfers
NOVEMBRE. 1730. 2481.
Enfers ,formez par plufieurs tranfparans
& entremêlez de flâmes naturelles ; le
tout composé d'une maniere qu'il n'y a
aucun rifque pour le feu.. Les trois Eumenides
paroiffent au milieu des flames ;
ee moment eft furprenant & plein d'horreur.
Les Spectateurs en ont été frapez.
23
Le Tombeau du cinquième Acte, étoit
une grande Colonnade circulaire , percée
àjour , avec les entre colonnes fpacieufes
pour voir tout leTombeau dans le milieu ...
Une moitié du Tombeau étoit en Sculpture
de relief, & l'autre en plate peinture ,
mais toute deux liées avec un tel art, qu'ili
paroiffoit tout de ronde boffe , & forme:
piramidalement ; il commençoit par un
Socle au bas qui portoit un Piedeftal
avec un bas - relief à chaque côté du
Piedeſtal , où l'on voyoit des figures enchaînées
de ronde boffe , grandes comme
nature , & deux Lions couchez fur le
Piedestal , qui portoient le Maufolée ,
terminé par des Trophées d'armes &
furmonté par une Urne de Lapis , envi
ronnée d'unFefton , pittorefquement jetté
ainfi . que le refte ; tout le Tombeau étoit
de Marbre précieux , & de Bronze doré
ayant 15 pieds d'hauteur , fur ro de lar
geur par le bas. Tous ces Ouvrages font
de M. Servandoni , qui donne tous les
jours de nouvelles marques de fon habi
Teré Gx L'Opera
2482 MERCURE DE FRANCE
L'Opera de Thefée avoit été remis au
Théatre au mois de Decembre de l'année
derniere . La De le Maure chante le rôle
d'Eglé avec beaucoup d'aplaudiffement.
Le 12 , le fieur Dupré, cy- devant Danfeur
de la même Academie , qui avoit
quitté le Théatre en 1722. & que le Pu
blic regrettoit fort , reparut & danfa dans
le fecond & le troifiéme Acte du même
Opera , avec l'applaudiffement d'une tresnombreuſe
affemblée . Sa danfe eft noble
vive & légere, & il exprime parfaitement
les differens caracteres , animez & violens.
Il est arrivé depuis peu de Pologne . It
doit refter à Paris cet Hyver , & il danfera
à l'Opera pendant ce temps-là .
Le même jour , il y eut à l'Opera le Bal
public , que l'Academie donne tous les
ans à la S. Martin, & qu'on continuë pendant
differens jours juſqu'à l'Avent. On
le reprend ordinairement à la fête des
Rois.
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Résumé : Décorations, [titre d'après la table]
L'opéra mentionné a été représenté sept fois avant la reprise de 'Thésée' le 9 novembre. Malgré son manque de succès, il est apprécié pour ses beaux morceaux, ses décorations et ses costumes riches et bien caractérisés. Trois décorations sont particulièrement notables : celle du premier acte, représentant une galerie ornée de colonnes ioniques, d'ornements en or et de statues ; celle du troisième acte, montrant un antre avec des flammes naturelles et les Érinyes ; et celle du cinquième acte, un tombeau circulaire avec des sculptures en relief et des peintures formant une pyramide. Ces œuvres sont de M. Servandoni. 'Thésée' avait été remis au théâtre en décembre précédent. La De la Maure a interprété avec succès le rôle d'Églé. Le 12 novembre, le danseur Dupré est revenu et a dansé dans 'Thésée', recevant les applaudissements du public. Le même jour, le bal public annuel de l'Académie a eu lieu à l'Opéra.
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54
p. 2482-2490
Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Début :
Le Samedi, 4 de ce mois, les Comédiens François donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Prince, Druide, Chasseur, Amour, Sang, Ennemi, Mort, Bonheur, Comédie, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le Samedi , 4 de ce mois , les Comé
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
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Résumé : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le 4 novembre 1730, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Prince de Noifi', une comédie en prose en trois actes avec un prologue et trois intermèdes. Les rôles principaux étaient interprétés par le Sieur Dufrene, les Dames Labat et Dangeville la jeune, cette dernière jouant un rôle masculin sous le nom de Poinçon. Sa performance, alliée à son charme et à sa vivacité, a été acclamée. La pièce, écrite par M. d'Aiguebere, critique les jugements hâtifs sur les œuvres théâtrales. Le prologue se moque de ceux qui prétendent juger une pièce sans l'avoir vue ou qui s'imaginent qu'il ne faut rien retrancher, même les absurdités. L'intrigue se déroule dans les jardins du chef des Druides, où une statue de Cléopâtre est présente. Le Druide révèle à sa fille Alie qu'il a volé un glaive enchanté à Merlin, capable d'écrire des réponses. Un oracle prédit que le bonheur d'Alie dépend de la mort du Prince de Noifi, fils de Merlin. Le Druide décide de protéger Alie en la confiant à Poinçon, un génie vigilant. Plusieurs personnages tentent de séduire Alie, notamment le Géant Moulineau et le Prince de Noifi déguisé en chasseur. Alie, malgré ses résistances, finit par avouer son amour pour le Prince. Après un tournoi, le Prince est blessé mais survit, tue le Géant et épouse Alie. La pièce se conclut par une fête célébrant leur union.
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55
p. 2490-2492
« Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Début :
Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...]
Mots clefs :
Comédien, Tragédie
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texteReconnaissance textuelle : « Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Le Jeudi 9. de ce mois , la Dile Poilfon
, Epoufe du Sr Poiffon , Comédien
du Roi, laquelle n'avoit jamais joué laComédie
, fit le Rôle d'Hermione dans la
Tragédie d'Andromaque , & fut généralement
applaudie. Elle a joué depuis leRôle
de
NOVEMBRE. 1730. 249
de Tharés dans la Tragédie d'Abfalon de
feu M. Duché , & elle a été encore plus
applaudie. C'eſt un jeune perfonne d'une
taille médiocre , mais d'une figure noble,
& très agréable ; elle a beaucoup de feu ,
le fon de la voix beau ; elle prononce
très bien. Le Rôle d'Iphigénie
qu'elle a joué depuis a confirmé la bonne
opinion qu'on a d'elle . Dans la même
Tragédie , la Dile Duclos , qui depuis
quelque- tems n'avoit paru , joue le Rôle
de Clitemnestre , au grand contentement
du Public , qui eſt toujours charmé de ſa
belle voix , de fes pleurs & des autres
heureux talens qu'elle a pour la déclamation
. La De Labat , qui joue le Rôle
d'Eryphile , y eft genéralement applaudie,
ainfi que le S Dufrefne qui remplit celui
d'Achille , & le S Sarrazin celui d'Agamemnon.
Le 8 , de ce mois , les mêmes Comédiens
joüerent à la Cour la Tragédie de
Britannicus , & la petite Comédie des Vendanges
de Surefne. Le 14. la Comédie du
Flateur , & le 16. la Mort de Pompée ,
Tragédie de P. Corneille , & la Coupe
enchantée.
Le 9. les Comédiens Italiens jouerent à Verfailles
Démocrite Prétendu Fou & la Silphide.
Ces deux Piéces furent très-bien repréfentées &
fort
2492 MERCURE DE FRANCE
fort goûtées de la Reine & de toute la Cour...
, Epoufe du Sr Poiffon , Comédien
du Roi, laquelle n'avoit jamais joué laComédie
, fit le Rôle d'Hermione dans la
Tragédie d'Andromaque , & fut généralement
applaudie. Elle a joué depuis leRôle
de
NOVEMBRE. 1730. 249
de Tharés dans la Tragédie d'Abfalon de
feu M. Duché , & elle a été encore plus
applaudie. C'eſt un jeune perfonne d'une
taille médiocre , mais d'une figure noble,
& très agréable ; elle a beaucoup de feu ,
le fon de la voix beau ; elle prononce
très bien. Le Rôle d'Iphigénie
qu'elle a joué depuis a confirmé la bonne
opinion qu'on a d'elle . Dans la même
Tragédie , la Dile Duclos , qui depuis
quelque- tems n'avoit paru , joue le Rôle
de Clitemnestre , au grand contentement
du Public , qui eſt toujours charmé de ſa
belle voix , de fes pleurs & des autres
heureux talens qu'elle a pour la déclamation
. La De Labat , qui joue le Rôle
d'Eryphile , y eft genéralement applaudie,
ainfi que le S Dufrefne qui remplit celui
d'Achille , & le S Sarrazin celui d'Agamemnon.
Le 8 , de ce mois , les mêmes Comédiens
joüerent à la Cour la Tragédie de
Britannicus , & la petite Comédie des Vendanges
de Surefne. Le 14. la Comédie du
Flateur , & le 16. la Mort de Pompée ,
Tragédie de P. Corneille , & la Coupe
enchantée.
Le 9. les Comédiens Italiens jouerent à Verfailles
Démocrite Prétendu Fou & la Silphide.
Ces deux Piéces furent très-bien repréfentées &
fort
2492 MERCURE DE FRANCE
fort goûtées de la Reine & de toute la Cour...
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Résumé : « Le Jeudi 9. de ce mois, la Dlle Poisson, Epouse de Sr Poisson, Comédien [...] »
Le 9 novembre 1730, Madame Poilfon, épouse d'un comédien du Roi, débuta sur scène dans le rôle d'Hermione dans la tragédie d'Andromaque et fut applaudie. Elle interpréta ensuite Tharés dans la tragédie d'Absalon de Duché, recevant encore plus d'applaudissements. Madame Poilfon est décrite comme une jeune femme de taille moyenne, au visage noble et agréable, avec beaucoup de feu et une belle voix. Son rôle d'Iphigénie confirma l'excellente opinion du public à son égard. Dans la même tragédie, Madame Duclos joua Clitemnestre, ravissant le public par sa belle voix et ses talents de déclamation. Madame Labat, dans le rôle d'Éryphile, et Monsieur Dufresne, dans celui d'Achille, furent également applaudis, ainsi que Monsieur Sarrazin dans le rôle d'Agamemnon. Le 8 novembre, les comédiens jouèrent à la Cour la tragédie de Britannicus et la comédie des Vendanges de Sureau. Le 14, ils interprétèrent La Comédie du Flateur, et le 16, La Mort de Pompée de Pierre Corneille et La Coupe enchantée. Les comédiens italiens jouèrent à Versailles Démocrite Prétendu Fou et La Silphide, deux pièces très bien représentées et appréciées par la Reine et la Cour.
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56
p. 2492-2494
Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 8. de ce mois, les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation d'une Comédie [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Comédie, Théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Le 8. de ce mois , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Repréfentation d'une Comédie
nouvelle en Vers libres , en un Acte , avec quelques
Vaudevilles & un Divertiffement de M. Mouret
, intitulée , Le Triomphe de l'interêt. Le
fonds de la Piéce confifte en ceci : l'Interêt ,
qu'on perfonifie , s'applaudit en préſence de Mereure
du crédit & du pouvoir qu'il a en France.
Mercure lui apprend que l'Honneur ,ſon ennemi
irréconciliable , fe prépare à l'attaquer , & qu'il
a réfolu de lui faire une vive guerre. L'Interêt
frappé de cette nouvelle , fort à l'inftant pour raf
fembler toutes fes troupes & fe mettre en état.
de repouffer les efforts de fon ennemi. Maïs
auparavant il prie Mercure de vouloir bien donner
audiance en fa place à tous ceux qui viendront
dans fon Palais pour le confulter ou lui
demander quelque grace. La premiere perfonne
qui paroît eft Fanchon , Grifette qui n'a rien ,
petite brune qui veut faire fortune ; elle demande
à Mercure un protecteur qui lui aide à
débuter fur la Scene Françoife. M. Jacquin , riche
Caiffier , ſe préfente ; & comme il aime beau--
coup , le chant , il détermine Fanchon pour le
Théatre de l'Opera , & lui donne auffi tôt des
diamans pour la parer. Cette Scene eft mêlée de
Vaudevilles & d'Airs férieux .
Un vieux Soldat vient enfuite , & demande un
emploi de finance que Mercure lui accorde. Arlequin
, au contraire , qui vient après , ne demande
rien , & déclare qu'il eft neutre entre l'Interêt
& l'Honneur , c'est - à- dire , qu'il n'eft partifan
ni de l'un ni de l'autre , & que fa fantaific
eft ſon ſeul guide ; c'eft là qu'il dit ce Vers heureux
:
L'interet eft Normand & l'Honneur eft Gafcon.
C'eft
NOVEMBRE. 1730. 2493
C'eft en vain que Mercure veut l'attirer au
parti de l'Interêt ; Arlequin le regarde comme
un fuborneur qui pourroit le corrompre , &
s'enfuit.
M. Jacquin & Fanchon reviennent , mais auf
brouillés qu'ils étoient bien enſemble peu de tems
auparavant. Le fujet de la brouillerie eft que
Fanchon ne veut point rendre les diamans que
M. Jacquin foutient lui avoir prêtés & non donnés.
Mercure juge en faveur de Fanchon . Après
ces Scenes diverſes , l'Interêt revient fur le Théatre
, & dit qu'il a inventé un ftratagême pour
confondre fon Ennemi , & lui enlever tous fes
partifans ; il fait la revue de fes Troupes ; l'Honneur
paroît , & en fait autant ; mais fur le point
de combatre on tire le rideau , & l'Interêt fait
paroître aux yeux des Soldats de l'Honneur des
Fleuves d'or & d'argent , des Cafcades de perles
& de diamans , & enfin leur étale toutes les richeffes.
A cet afpect tous les Soldats de l'Honneur
défertent , & paffent du côté de l'Interé : qui
celebre fon Triomphe par un magnifique Diver 、
tiffement.
Cette Piéce a été genéralement applaudie . Il y
a long- tems qu'on n'a vu un concours fi prodigieux
de fpectateurs , & un fuccès fi plein , fi parfait
& fi foutenu. On y trouve beancoup d'efprit
& de fel , une verfification aiſée & élegante ,
& même des ménagemens , car Fanchon ne prétend
avoir gagné les diamans que par les Récitatifs
& les Arietes , & M. Jacquin en convient
de bonne foi. On doit imprimer cette Piéce
lorfqu'elle paroîtra , nous en pourrons donner
un Extrait plus étendu. L'Auteur eft M. Du
Caftre d'Aurigny , âgé de 18. ans , qui à l'age
de 16. a donné au Public un Abregé de l'Hifsoire
de France , imprimé à Paris , chez Le Gras,
&
,
2494 MERCURE DE FRANCE
& qui eft eftimée. Il a donné cet Eté au Théatre
François la Comédie intitulée : La Tragédie en
Profe , ou la Tragédie extravagante , petite
Piéce bien écrite , comme nous l'avons dit alors,
mais qui n'a eu qu'un fuccès médiocre. Enfin il
fera paroître le mois prochain une Hiſtoire Galante
& Héroïque , intitulée Les Avantures d'Ariftée
de Telafie en 2. vol . chez là Veuve
Guillaume. La même Libraire vendra fa Comédie
en même -tems.
la premiere Repréfentation d'une Comédie
nouvelle en Vers libres , en un Acte , avec quelques
Vaudevilles & un Divertiffement de M. Mouret
, intitulée , Le Triomphe de l'interêt. Le
fonds de la Piéce confifte en ceci : l'Interêt ,
qu'on perfonifie , s'applaudit en préſence de Mereure
du crédit & du pouvoir qu'il a en France.
Mercure lui apprend que l'Honneur ,ſon ennemi
irréconciliable , fe prépare à l'attaquer , & qu'il
a réfolu de lui faire une vive guerre. L'Interêt
frappé de cette nouvelle , fort à l'inftant pour raf
fembler toutes fes troupes & fe mettre en état.
de repouffer les efforts de fon ennemi. Maïs
auparavant il prie Mercure de vouloir bien donner
audiance en fa place à tous ceux qui viendront
dans fon Palais pour le confulter ou lui
demander quelque grace. La premiere perfonne
qui paroît eft Fanchon , Grifette qui n'a rien ,
petite brune qui veut faire fortune ; elle demande
à Mercure un protecteur qui lui aide à
débuter fur la Scene Françoife. M. Jacquin , riche
Caiffier , ſe préfente ; & comme il aime beau--
coup , le chant , il détermine Fanchon pour le
Théatre de l'Opera , & lui donne auffi tôt des
diamans pour la parer. Cette Scene eft mêlée de
Vaudevilles & d'Airs férieux .
Un vieux Soldat vient enfuite , & demande un
emploi de finance que Mercure lui accorde. Arlequin
, au contraire , qui vient après , ne demande
rien , & déclare qu'il eft neutre entre l'Interêt
& l'Honneur , c'est - à- dire , qu'il n'eft partifan
ni de l'un ni de l'autre , & que fa fantaific
eft ſon ſeul guide ; c'eft là qu'il dit ce Vers heureux
:
L'interet eft Normand & l'Honneur eft Gafcon.
C'eft
NOVEMBRE. 1730. 2493
C'eft en vain que Mercure veut l'attirer au
parti de l'Interêt ; Arlequin le regarde comme
un fuborneur qui pourroit le corrompre , &
s'enfuit.
M. Jacquin & Fanchon reviennent , mais auf
brouillés qu'ils étoient bien enſemble peu de tems
auparavant. Le fujet de la brouillerie eft que
Fanchon ne veut point rendre les diamans que
M. Jacquin foutient lui avoir prêtés & non donnés.
Mercure juge en faveur de Fanchon . Après
ces Scenes diverſes , l'Interêt revient fur le Théatre
, & dit qu'il a inventé un ftratagême pour
confondre fon Ennemi , & lui enlever tous fes
partifans ; il fait la revue de fes Troupes ; l'Honneur
paroît , & en fait autant ; mais fur le point
de combatre on tire le rideau , & l'Interêt fait
paroître aux yeux des Soldats de l'Honneur des
Fleuves d'or & d'argent , des Cafcades de perles
& de diamans , & enfin leur étale toutes les richeffes.
A cet afpect tous les Soldats de l'Honneur
défertent , & paffent du côté de l'Interé : qui
celebre fon Triomphe par un magnifique Diver 、
tiffement.
Cette Piéce a été genéralement applaudie . Il y
a long- tems qu'on n'a vu un concours fi prodigieux
de fpectateurs , & un fuccès fi plein , fi parfait
& fi foutenu. On y trouve beancoup d'efprit
& de fel , une verfification aiſée & élegante ,
& même des ménagemens , car Fanchon ne prétend
avoir gagné les diamans que par les Récitatifs
& les Arietes , & M. Jacquin en convient
de bonne foi. On doit imprimer cette Piéce
lorfqu'elle paroîtra , nous en pourrons donner
un Extrait plus étendu. L'Auteur eft M. Du
Caftre d'Aurigny , âgé de 18. ans , qui à l'age
de 16. a donné au Public un Abregé de l'Hifsoire
de France , imprimé à Paris , chez Le Gras,
&
,
2494 MERCURE DE FRANCE
& qui eft eftimée. Il a donné cet Eté au Théatre
François la Comédie intitulée : La Tragédie en
Profe , ou la Tragédie extravagante , petite
Piéce bien écrite , comme nous l'avons dit alors,
mais qui n'a eu qu'un fuccès médiocre. Enfin il
fera paroître le mois prochain une Hiſtoire Galante
& Héroïque , intitulée Les Avantures d'Ariftée
de Telafie en 2. vol . chez là Veuve
Guillaume. La même Libraire vendra fa Comédie
en même -tems.
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Résumé : Le Triomphe de l'Interêt, Extrait, [titre d'après la table]
Le 8 novembre 1730, les Comédiens Italiens ont présenté 'Le Triomphe de l'intérêt', une comédie en vers libres écrite par M. Mouret. La pièce met en scène l'Interêt personnifié, qui se félicite de son influence en France. Mercure informe l'Interêt que l'Honneur, son ennemi, se prépare à l'attaquer. L'Interêt rassemble ses troupes et demande à Mercure d'accorder audience à ceux qui viennent le consulter. Plusieurs personnages apparaissent, dont Fanchon, une jeune femme désirant faire fortune au théâtre, aidée par M. Jacquin, un riche cafetier amoureux du chant. Un vieux soldat obtient un emploi de finance, tandis qu'Arlequin déclare sa neutralité entre l'Interêt et l'Honneur. Fanchon et M. Jacquin se disputent à propos de diamants prêtés, et Mercure tranche en faveur de Fanchon. L'Interêt révèle un stratagème pour séduire les partisans de l'Honneur en leur montrant des richesses, entraînant la défection des soldats de l'Honneur. La pièce a été acclamée par le public et a connu un succès durable. L'auteur, M. Du Castre d'Aurigny, est un jeune homme de 18 ans ayant déjà publié un abrégé de l'histoire de France et une comédie intitulée 'La Tragédie en Prose'. Il prépare également une 'Histoire Galante & Héroïque' intitulée 'Les Aventures d'Aristée de Télasie'.
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57
p. 2494
« On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...] »
Début :
On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...]
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texteReconnaissance textuelle : « On a appris de Vienne que le 4. de ce mois, on y représentera sur le Théâtre du Palais un nouvel [...] »
On a appris de Vienne que le 4. de ce mois ;
on y repréſenta fur le Théatre du Palais un nouvel
Opera Italien , intitulé Caïus Fabricius , de
la compofition du Sr Antoine Caldara , Sous-
Maître de Mufique de la Chapelle de l'Empereur.
on y repréſenta fur le Théatre du Palais un nouvel
Opera Italien , intitulé Caïus Fabricius , de
la compofition du Sr Antoine Caldara , Sous-
Maître de Mufique de la Chapelle de l'Empereur.
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58
p. 2494-2496
Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Début :
Le Théâtre Anglois vient de faire une perte aussi grande que celle que le Théâtre François a [...]
Mots clefs :
Théâtre anglais, Mort, Abbaye de Westminster, Anne Oldfield, Actrice
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texteReconnaissance textuelle : Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Le Théatre Anglois vient de faire une perte
auffi grande que celle que le Théatre François a
faite depuis peu. Miftris Anne Oldfield , c'eftà-
dire , De Anne de Vieux Champ , celebre Actrice
du Théatre Anglois de Druylane , mourut
à Londres , le 23. Octobre dernier , vieux ftile .
âgée d'environ 48. ans ; mais elle ne paroiffoit
pas à beaucoup près cet âge. C'étoit une trèsbelle
perfonne , d'une taille avantageufe , l'air &
la preftance noble , & une phifionomie prévenante.
Elle excelloit , tant dans le Tragique que
dans le Comique ; elle exprimoit les mouvemens
de l'ame dans le premier genre avec beaucoup de
force , de dignité & de naturel , & dans l'autre
avec beaucoup de legereté & de fineffe , fur tout
dans les Rôles de Coquetes , qu'elle rendoit d'une
maniere tout à fait originale & inimitable . Elle
avoit tant de talens & elle faifoit tant de plaifir ,
que quand elle avoit accepté un Rôle dans une
Piéce , on étoit affaré de fa réuffite,
M.
NOVEMBRE. 1730. 2495
Mlle Oldfield avoit beaucoup d'efprit & de politeffe
, & fur tout un gout admirable pour la
parure & les ajuftemens . Les Dames de la premiere
qualité ne fe trouvoient bien miſes , de
bon air & noblement , qu'en l'imitant ou en la
confultant. Elles la recherchoient avec empreffement
, & les perfonnes de la plus grande diftinction
fe faifoient un plaifir de l'avoir . Elle eft generalement
regretée à laCour & à la Ville.On jugerá
du cas qu'on faifoit de ſes talens & de fon
mérite par fes Funerailles.
Son corps fut mis en parade dans la Chambre
dite de Jerufalem , à Weſtminſter & y reſta quelques
jours , d'où il fut porté dans l'Abbaye de
Weſtminſter avec une grande pompe. Les coins
du Poifle étoient foutenus par Milords Delaware
& Harvey , par Mss Dorington , Hedges & Cari,
Ecuyers , & par le Capitaine Elliot. M. Manwearing
, fon fils aîné , affifté de M. Sharp , faifoit
les honneurs du deuil. Le Docteur Barker officia
à cette ceremonie funebre.
La Dle Oldfield a nommé pour Executeurs
Teftamentaires le Colonel Churchill , Mrs Hod
ges & Scharp , & un autre Gentilhomme ; &
elle a legué à chacun d'eux vingt livres fterlins
, en cas qu'ils vouluffent bien l'accepter ,
pour leurs frais de deuil. Elle a laiffé fa Maiſon
qu'elle avoit dans la ruë Groveſnore , où elle
faifoit fa demeure & où elle eft morte , avec
tous les meubles qui y étoient , & toutes fes
Pierreries , dont la valeur montoit à 11000 .
livres fterlins , à M. Chirchill , fon fils- cadet ,
& à l'aîné le refte de fes biens qui Yont trèsconfiderables.
On fçait que Weſtminſter eft un grand Fauxbourg
ou une Cité près de Londres , qui dépendoit
autrefois d'une celebre Abbaye de S. Benoît,
fondée
2496 MERCURE DE FRANCE
fondée par Henry III. L'Eglife de cette Abbaye
dédiée à S. Pierre , a été changée en un Temple
destiné à l'exercice de la Religion Anglicane , &
c'est là que depuis long-temps les Rois d'Angleterre
ont été couronnez & qu'ils ont choifi leurs
Sépultures. On y voit des Maufolées très - magnifiques
en bronze & en Marbre. Les plus confiderables
font ceux d'Henry VII . & de la Reine
fon époufe . C'eft-là auffi qu'on voit les Tombeaux
de plufieurs perfonnes illuftres & celebres dans
tous les états , comme les Butler , les Priors
les S. Evremont , les Nevvtons , &c. & les Drydens
, les Johnfons , les Congreves , celebres Poëtes
Dramatiques Anglois, dont l'illuftre deffuntea tant
fait valoir & relevé les Ouvrages. Ceux qui voudront
voir de plus grands éloges de cette admiableActrice,
n'auront qu'à voir le Spectateurr Anglois
& le Babillard de Mrs Addiſon & Stecle.
auffi grande que celle que le Théatre François a
faite depuis peu. Miftris Anne Oldfield , c'eftà-
dire , De Anne de Vieux Champ , celebre Actrice
du Théatre Anglois de Druylane , mourut
à Londres , le 23. Octobre dernier , vieux ftile .
âgée d'environ 48. ans ; mais elle ne paroiffoit
pas à beaucoup près cet âge. C'étoit une trèsbelle
perfonne , d'une taille avantageufe , l'air &
la preftance noble , & une phifionomie prévenante.
Elle excelloit , tant dans le Tragique que
dans le Comique ; elle exprimoit les mouvemens
de l'ame dans le premier genre avec beaucoup de
force , de dignité & de naturel , & dans l'autre
avec beaucoup de legereté & de fineffe , fur tout
dans les Rôles de Coquetes , qu'elle rendoit d'une
maniere tout à fait originale & inimitable . Elle
avoit tant de talens & elle faifoit tant de plaifir ,
que quand elle avoit accepté un Rôle dans une
Piéce , on étoit affaré de fa réuffite,
M.
NOVEMBRE. 1730. 2495
Mlle Oldfield avoit beaucoup d'efprit & de politeffe
, & fur tout un gout admirable pour la
parure & les ajuftemens . Les Dames de la premiere
qualité ne fe trouvoient bien miſes , de
bon air & noblement , qu'en l'imitant ou en la
confultant. Elles la recherchoient avec empreffement
, & les perfonnes de la plus grande diftinction
fe faifoient un plaifir de l'avoir . Elle eft generalement
regretée à laCour & à la Ville.On jugerá
du cas qu'on faifoit de ſes talens & de fon
mérite par fes Funerailles.
Son corps fut mis en parade dans la Chambre
dite de Jerufalem , à Weſtminſter & y reſta quelques
jours , d'où il fut porté dans l'Abbaye de
Weſtminſter avec une grande pompe. Les coins
du Poifle étoient foutenus par Milords Delaware
& Harvey , par Mss Dorington , Hedges & Cari,
Ecuyers , & par le Capitaine Elliot. M. Manwearing
, fon fils aîné , affifté de M. Sharp , faifoit
les honneurs du deuil. Le Docteur Barker officia
à cette ceremonie funebre.
La Dle Oldfield a nommé pour Executeurs
Teftamentaires le Colonel Churchill , Mrs Hod
ges & Scharp , & un autre Gentilhomme ; &
elle a legué à chacun d'eux vingt livres fterlins
, en cas qu'ils vouluffent bien l'accepter ,
pour leurs frais de deuil. Elle a laiffé fa Maiſon
qu'elle avoit dans la ruë Groveſnore , où elle
faifoit fa demeure & où elle eft morte , avec
tous les meubles qui y étoient , & toutes fes
Pierreries , dont la valeur montoit à 11000 .
livres fterlins , à M. Chirchill , fon fils- cadet ,
& à l'aîné le refte de fes biens qui Yont trèsconfiderables.
On fçait que Weſtminſter eft un grand Fauxbourg
ou une Cité près de Londres , qui dépendoit
autrefois d'une celebre Abbaye de S. Benoît,
fondée
2496 MERCURE DE FRANCE
fondée par Henry III. L'Eglife de cette Abbaye
dédiée à S. Pierre , a été changée en un Temple
destiné à l'exercice de la Religion Anglicane , &
c'est là que depuis long-temps les Rois d'Angleterre
ont été couronnez & qu'ils ont choifi leurs
Sépultures. On y voit des Maufolées très - magnifiques
en bronze & en Marbre. Les plus confiderables
font ceux d'Henry VII . & de la Reine
fon époufe . C'eft-là auffi qu'on voit les Tombeaux
de plufieurs perfonnes illuftres & celebres dans
tous les états , comme les Butler , les Priors
les S. Evremont , les Nevvtons , &c. & les Drydens
, les Johnfons , les Congreves , celebres Poëtes
Dramatiques Anglois, dont l'illuftre deffuntea tant
fait valoir & relevé les Ouvrages. Ceux qui voudront
voir de plus grands éloges de cette admiableActrice,
n'auront qu'à voir le Spectateurr Anglois
& le Babillard de Mrs Addiſon & Stecle.
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Résumé : Celebre Comedienne morte à Londres, [titre d'après la table]
Le Théâtre Anglois a récemment perdu Mistress Anne Oldfield, connue sous le nom de De Anne de Vieux Champ, décédée à Londres le 23 octobre 1730 à l'âge d'environ 48 ans. Actrice renommée du Théâtre Anglois de Drury Lane, elle était célèbre pour sa beauté, sa taille avantageuse et sa présence noble. Anne Oldfield excellait dans les rôles tragiques et comiques, exprimant les émotions avec force et dignité dans le tragique, et légèreté et finesse dans le comique. Sa popularité assurait souvent le succès des pièces dans lesquelles elle jouait. Appréciée pour son esprit et sa politesse, elle était consultée par les dames de la haute société pour leur tenue. Ses funérailles, marquées par une grande pompe, ont eu lieu à l'Abbaye de Westminster, où son corps a été exposé avant d'être inhumé. La cérémonie a été dirigée par le Docteur Barker et plusieurs personnalités notables y ont assisté. Dans son testament, Anne Oldfield a légué sa maison de la rue Grovesnore à son fils cadet et le reste de ses biens à son fils aîné.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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59
p. 2687-2689
« Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
Début :
Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Comédiens-Italiens, Comédiens-Français
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texteReconnaissance textuelle : « Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
U commencement de ce mois les
Comédiens François ont remis au
Théatre une petie Piece d'un Acte , intitulée
Crifpin bel efprit , qu'on n'avoit
joüée depuis très - long - temps , & qu'on
revoit avec beaucoup de plaifir. Elle eft
imprimé fous le nom de la Thuillerie ,
ancien Comédien ; mais on affure que feu
I. Vol. l'Abbé
2688 MERCURE DE FRANCÈ
l'Abbé Abeille en eft Auteur , ainfi que
des Tragédies d'Hercule & de Soliman ,
qu'on voit aufli imprimées fous le même
nom .
Le Lundi 11. de ce mois , on donna
an Theatre François la premiere Repréfentation
de la Tragédie de Brutus , de
M. de Voltaire , qui fut extrémement applaudie
par une très belle & très- nombreufe
Affemblée . Nous en parlerons plus
au long dans le fecond Volume de ce
mois .
Les Comédiens François repréſenterent
à la Cour le Mardi 5. Décembre la Comédie
de l'Esprit folet.
Le 7. la Tragédie de Medée , de M. de
Longepierre , & la petite Comédie de
Crifpin Rival de fon Maître.
Le 12. D. Japhet d'Armenie.
Le 14. Bajazet & Crifpin bel Efprit.
Le 19. les Menechmes & la Comteffe
'd'Efcarbagnas:
Le 2. Décembre , les Comédiens Italien ,
repréſenterent à la Cour la Sylphide , la
petite Piece nouvelle du Triomphe de
'Interêt,& la Parodie du MaryJoueur & de
la Femme Bigotte , Scenes Italiennes , chantées
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin 1729. Cette Parodie qui a fait
beaucoup de plaifir à la Cour , n'eft joüée
I. Vol
que
DECEMBRE 1730. 268**
que par la De Silvia & le fieurTheveneau
qui y ont été fort applaudis.
Le 9. ils reprefenterent les Amans réunis
& les Paifans de qualité.
Le 16. Timon le Misantrope & le Por
trait.
Le 21. l'Académie Royalé de Mufique
remit au Théatre l'Opera de Phaeton, qui
n'avoit pas été joué depuis le mois de
Novembre 1721. Cette Piece qui vient
d'être remife d'une maniere très- brillante
en habits & en décorations , a été reçuë
très favorablement du Public. On en parlera
plus au long , fur tout des Decorations
, qui font l'admiration de tous les
Spectateurs.
Comédiens François ont remis au
Théatre une petie Piece d'un Acte , intitulée
Crifpin bel efprit , qu'on n'avoit
joüée depuis très - long - temps , & qu'on
revoit avec beaucoup de plaifir. Elle eft
imprimé fous le nom de la Thuillerie ,
ancien Comédien ; mais on affure que feu
I. Vol. l'Abbé
2688 MERCURE DE FRANCÈ
l'Abbé Abeille en eft Auteur , ainfi que
des Tragédies d'Hercule & de Soliman ,
qu'on voit aufli imprimées fous le même
nom .
Le Lundi 11. de ce mois , on donna
an Theatre François la premiere Repréfentation
de la Tragédie de Brutus , de
M. de Voltaire , qui fut extrémement applaudie
par une très belle & très- nombreufe
Affemblée . Nous en parlerons plus
au long dans le fecond Volume de ce
mois .
Les Comédiens François repréſenterent
à la Cour le Mardi 5. Décembre la Comédie
de l'Esprit folet.
Le 7. la Tragédie de Medée , de M. de
Longepierre , & la petite Comédie de
Crifpin Rival de fon Maître.
Le 12. D. Japhet d'Armenie.
Le 14. Bajazet & Crifpin bel Efprit.
Le 19. les Menechmes & la Comteffe
'd'Efcarbagnas:
Le 2. Décembre , les Comédiens Italien ,
repréſenterent à la Cour la Sylphide , la
petite Piece nouvelle du Triomphe de
'Interêt,& la Parodie du MaryJoueur & de
la Femme Bigotte , Scenes Italiennes , chantées
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin 1729. Cette Parodie qui a fait
beaucoup de plaifir à la Cour , n'eft joüée
I. Vol
que
DECEMBRE 1730. 268**
que par la De Silvia & le fieurTheveneau
qui y ont été fort applaudis.
Le 9. ils reprefenterent les Amans réunis
& les Paifans de qualité.
Le 16. Timon le Misantrope & le Por
trait.
Le 21. l'Académie Royalé de Mufique
remit au Théatre l'Opera de Phaeton, qui
n'avoit pas été joué depuis le mois de
Novembre 1721. Cette Piece qui vient
d'être remife d'une maniere très- brillante
en habits & en décorations , a été reçuë
très favorablement du Public. On en parlera
plus au long , fur tout des Decorations
, qui font l'admiration de tous les
Spectateurs.
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Résumé : « Au commencement de ce mois les Comédiens François ont remis au [...] »
En décembre 1730, les Comédiens Français ont repris la pièce 'Crifpin bel esprit', attribuée à l'Abbé Abeille, et ont présenté pour la première fois 'Brutus' de Voltaire, qui a reçu un accueil enthousiaste. Les Comédiens Français ont également joué plusieurs pièces à la Cour, dont 'l'Esprit follet', 'Médée', 'Crifpin Rival de son Maître', 'D. Japhet d'Arménie', 'Bajazet', 'les Ménéchmes' et 'la Comtesse d'Escarbagnas'. Les Comédiens Italiens ont représenté des œuvres comme 'la Sylphide', 'le Triomphe de l'Intérêt', et des parodies du 'Mari Joueur' et de 'la Femme Bigotte'. Ils ont également joué 'les Amans réunis', 'les Paysans de qualité', 'Timon le Misantrope' et 'le Portrait'. L'Académie Royale de Musique a repris l'opéra 'Phaéton', absent des scènes depuis novembre 1721, avec des décors et des costumes remarquables, suscitant l'admiration du public.
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60
p. 2689-2719
LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
Début :
Ne rougissez pas, Madame, d'avoir été si peu sensible aux beautez qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Amour, Théâtre, Mort, Auteur, Beauté, Frère, Hymen, Colère, Justice, Yeux, Corneille, Monologue, Seigneur, Amant, Âme, Roi, Crime, Sentiments, Nature
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
LETTRE de Mr de ... , à Mde de ...
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
Fermer
Résumé : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
La lettre examine la tragédie 'Venceslas' de Rotrou, reconnue par Corneille comme une œuvre majeure. L'auteur admire les grandes beautés de la pièce, mais note que certaines qualités autrefois admirées ne sont plus aussi impressionnantes aujourd'hui. Rotrou est considéré comme le créateur du poème dramatique en France, tandis que Corneille en est le restaurateur. L'auteur analyse des extraits de la pièce, notamment une scène où Venceslas, suivi de ses fils Ladislas et Alexandre, ouvre l'acte. Il critique certains vers pour leur archaïsme ou leur vulgarité, tout en admirant les pensées profondes exprimées. Il mentionne des défauts dans l'expression et des beautés dans les idées, mais note que certains passages dévaluent le caractère pompeux du drame. La lettre explore également les relations complexes entre les personnages, notamment les sentiments ambigus de Ladislas, qui est à la fois craint et aimé malgré ses vices. L'auteur admire certaines tirades de Venceslas, qui contiennent des beautés de détail, mais critique les défauts de fond de la pièce. Dans l'Acte II, Théodore, Infante de Moscovie, commence avec Caffandre, Duchesse de Cunisberg. Caffandre refuse la demande en mariage de Ladislas, le qualifiant d'ennemi de sa gloire et de suborneur. Ladislas tente d'apaiser sa colère, mais Caffandre révèle les turpitudes des amours de Ladislas. Ladislas propose ensuite à Caffandre une couronne, mais elle réagit avec indignation, refusant d'être l'objet d'une flamme impudique. Ladislas, voyant l'inflexibilité de Caffandre, s'emporte et menace de se venger. L'Infante, qui aime secrètement le Duc, est peinée d'apprendre que le Duc aime Caffandre. L'Acte III est jugé défectueux, notamment en raison de scènes indignes et de dialogues imprudents de Ladislas. Ladislas promet au Duc de ne plus s'opposer à son hymen avec Caffandre, mais une altercation avec son père, le Roi, conduit à son arrestation. Dans l'Acte IV, un songe de l'Infante révèle une vision funeste. Ladislas apparaît blessé, ayant tenté de tuer le Duc par jalousie. Le Duc survit, et Caffandre demande vengeance pour la mort de l'Infant. La pièce se conclut par des révélations dramatiques et des déclarations émotionnelles intenses. Venceslas, le roi, ordonne l'exécution de son fils Ladislas, coupable d'un crime, malgré les supplications de l'Infante et du Duc. L'Infante exige que le Duc se contente de la grâce de Ladislas, et le Duc renonce à l'objet de son amour en faveur de son ennemi. Venceslas exprime sa douleur face à la perte de ses deux fils. Dans une scène poignante, Venceslas et Ladislas partagent un moment émouvant avant l'exécution. Ladislas reconnaît ses fautes mais trouve la vertu de se soumettre à son sort. Venceslas, malgré les supplications, refuse la grâce à Ladislas, même face aux larmes de l'Infante et à la générosité de Cassandre. Il abdique finalement sous la pression du peuple, bien que cette décision soit critiquée pour son manque de sagesse et de justice. La pièce se termine par une réflexion sur la récompense du crime et l'oppression de la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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61
p. 2925-2935
Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
La Tragédie nouvelle de Brutus, de M. de Voltaire, fut représentée à la [...]
Mots clefs :
Voltaire, Théâtre, Brutus , Titus, Vol, Homme, Père, Fille, Fils, Passion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
A Tragédie nouvelle de Brutus , de
M. de Voltaire , fut repréſentée à la
Cour le Samedi 30. de ce mois , avec un
très-grand fuccès ; on la donna le lendemain
fur le Théatre François pour la neu
viéme fois , & toujours avec beaucoup
d'applaudiffemens.
La Scene de cette Piéce dont nous
avons promis de parler , fe paffe dans le
Capitole. Les principaux perfonnages font
Brutus , Conful , Titus , fon fils , & Tullie,
fille de Tarquin. Les S Sarrazin , Du
Freſne , & la Dile Du Frefne rempliffent
ces trois Rôles . Ceux de Valerius Publicola
, deuxième Conful , de Proculus , de
Meffala , Romain , conjuré dans le parti
de Tarquin , d'Aruns , Ambaffadeur du
Roi d'Etrurie , d'Albin , fon Confident,
& d'Argine , Confidente de Tullie , font
remplis par les Srs Grandval , Dubreuil ,
Montmenil , Le Grand , Berci , & la De
Jouvenot , fans parler des fix Senateurs .
, ,
La Piéce commence par une Affemblée
du Senat , où l'on introduit un Ambaffadeur
de Porfenna & de Tarquin . Ce Miniftre
remontre tout ce qu'un Royalite
II. Vol.
zelé
2926 MERCURE DE FRANCE
zelé peut dire en faveur des droits des
Souverains. Le Conful Brutus répond
tout ce qu'un Republicain rigide doit
dire pour le Peuple Romain. Il s'exprime
ainfi :
Nous avons fait , Aruns , en lui rendant hommage
,
Serment d'obéiffance , & non pas d'efclavage ,
Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces
lieux ,
Le Senat à fes pieds faifant pour lui des voeux ,
Songez qu'en ces lieux même , à cet Autel augufte
,
Devant ces mêmes Dieux il jura d'être juſte ;
De fon peuple & de lui tel étoit le lien.
Il nous rend nos fermens quand il trahit le fien
Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidele
Rome n'eſt plus fujette , & lui ſeul eft rebelle.
Aruns.
Ah ! quand il feroit vrai que l'abfolu pouvoir
Eut entraîné Tarquin par delà fon devoir ,
Qu'il en eut trop ſuivi l'amorce enchantereffe ,
Quel homme eft fans erreur , & quel Roi fans
foibleffe ?
Eft- ce à vous de prétendre au droit de le punir ?
Vous nés tous fes Sujets , vous faits pour obéir?
Un fils ne s'arme point contre un coupable pere
Il détourne les yeux , le plaint & le revere.
II. Vol.
Les
DECEMBRE. 1730. 2927
Les droits des Souverains font - ils moins précieux
?
Nous fommes leurs enfans , leurs Jages font les
Dieux ;
Si le Ciel quelquefois les donne en fa coleré ,
N'allez pas mériter un préfent plus fevere ,
Trahir toutes les loix en voulant les vanger ,
Et renverser l'Etat au lieu de le changer .
Inftruit par le malheur
l'homme ,
› ce grand Maitre de
Tarquin fera plus jufte & plus digne de Rome ;
Vous pouvez
raffermir par un accord heureux
Des Peuples & des Rois les legitimes noeuds ,
Et faire encor fleurir la liberté publique
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.
Brutus plein de fes fentimens refuſe la
paix au nom du Sénat , quoiqu'affiegé
par deux Rois . Le Sénat jure fur l'Autel
de Mars de ne jamais admettre les Tarquins
dans Rome ; l'Ambaffadeut jure
fur le même Autel une guerre éternelle
aux Romains. Cependant ce Miniftre demande
fierement qu'on lui remette Tullie,
fille de Tarquin , jeune Princeffe qui n'avoit
pû fe fauver de Rome dans le commencement
de la Guerre civile , & que
le Sénat faifoit élever chez la femme de
Brutus le Sénat ordonne qu'on rende à
Tarquin fa fille & tous fes biens ; & Bru-
II. Vol.
tus
2928 MERCURE DE FRANCE
tus , l'organe du Sénat , dit à ce Miniftre:
Qu'à Tarquin déformais rien ne refte en ces
lieux
Que la haine de Rome & le couroux des Dieux ;
Pour emporter au Camp l'or qu'il faut y conduire
Rome vous donne un jour , ce tems doit vous
fuffire .
Ma Maiſon cependant eſt votre fûreté &c.
Ce Miniftre ayant donc la liberté de
refter un jour dans Rome veut employer
ce tems à ruiner la liberté des Romains ;
il avoit depuis long- tems une fecrete cor
refpondance avec un Citoyen nommé
Meffala , homme adroit & intrépide ,
qui defefperant de faire fa fortune fous
le gouvernement fevere d'une Républi
que , vouloit s'élever en rappelant les Tirans.
C'eft un vrai confpirateur.
Maître de fon fecret , & maître de lui-même ,
Impenetrable & calme en fa fureur extrême ;
Il a déja gagné quelques amis ; mais ,
dit- il , à l'Ambaffadeur :
Ne prétendez pas
Qu'en aveugles Sujets ils fervent des ingrats ;
Ils ne fe piquent point du devoir fanatique
De fervir de victime au pouvoir defpotique ,
II. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1730. 2929.
Ni du zele inſenſé de courir au trépas
Pour venger un Tiran qui ne les connoît pas.
Tarquin promet beaucoup ; mais devenu leur
maître ,
Il les oublira tous , ou les craindra peut -être :
Je connois trop les Grands dans le malheur
amis ,
;
Ingrats dans la fortune , & bientôt ennemis..
Nous fommes de leur gloire un inftrument fervile
Rejetté par dédain dès qu'il eft inutile ,
Et brifé fans pitié s'il devient dangereux.
Meffala avoit befoin d'un Chef digne
de pareils conjurés , affez illuftre par fa
naiffance pour le faire obéir , affez.courageux
pour faire réuffir l'entreprife ,
affez hardi même pour forcer le Roi ,
Même après le fuccés à leur tenir la foi.
Titus , fils du Conful Brutus , jeune
homme impétueux dans fes défirs , qui
venoit de triompher des deux Rois , mais
qui n'avoit pû obtenir le Confulat , pa-'
roit à ces deux conjurés un homme propre
à mettre à la tête de leur parti . Titus,
à la verité , aime tendrement Rome &
fon
pere ; il eft le plus grand ennemi des
Rois , il adore la liberté , mais il eft piqué
contre le Sénat ; & Meffala a découvert
qu'il a depuis long- tems une paſſion fu-
II. Vol.
rieufe
29 30 MERCURE DE FRANCE
rieule
pour la fille de Tarquin : Titus a
été jufqu'à préfent le maître de fa paffion ;
mais il y peut fuccomber. Meffala ajoute :
Dans le champ de la gloire il ne fait que d'en
trer ,
Il y marche en aveugle , on l'y peut égarer ;
La bouillante Jeuneffe eft facile à féduire .
Cependant Tullie , cette fille de Tarquin
, nourriffoit depuis long- tems une
inclination fecrette pour le jeune Titus ;
elle vouloit haïr l'ennemi de fon pere &
le fils de Brutus ; mais elle l'aimoit d'autant
plus , qu'il ne fouffroit plus qu'il pa-.
rut en fa préfence depuis que la Guerre
étoit déclarée . Ainfi Titus & Tullie s'adorant
l'un l'autre , & n'ofant fe voir
combattoient en fecret leur paffion . Enfin
le moment arrive qui doit les féparer
pour jamais ; alors Titus entraîné malgré
lui vers Tullie , vient pour lui dire un
éternel adieu , & l'aveu de fon amour lui
échape .
Ce feu que jufqu'alors il avoit fçû contraindre
S'irrite en s'échapant , & ne peut plus s'éteindre
L'adroit Ambaffadeur qui fçait bientôt
à quelles agitations Titus eft livré , faifit
ces momens pour tenter fa fidelité ; il
oppofe tous les artifices à la hauteur im
II. Vol. pétueufe
DECEMBRE. 1730. 2931
pétueufe de Titus ; il lui repréfente la
trifte feverité d'une République & tous
les charmes d'une Cour , il effaye de
l'attendrir pour Tarquin ; enfin il lui dit
que Tarquin avoit autrefois le deffein de
lui donner fa fille Tullie en mariage.
L'Ambaffadeur en lui parlant ainfi , obferve
attentivement l'émotion involontaire
du jeune Romain. Meffala , ce Chef
de conjurés , vient encore envenimer la
bleffure de Titus. L'Ambaffadeur fait plus,
il a découvert la paffion de Tullie , & il
veut s'en fervir pour fes deffeins. Oui ,
dit il ,
N'attendons des humains rien que par leur foibleffe.
Il ne perd point de tems , il envoye
un homme fûr au Camp de Tarquin ; ce
Courrier rapporte une Lettre du Roi ;
l'Ambaffadeur donne la Lettre à la Princeffe
: elle lit , elle voit avec furpriſe que
fon pere lui permet
de refufer le Roi de
Ligurie qu'elle devoit époufer , & que
c'eft à Titus qu'il la deftine ; qu'en un
mot il ne tient qu'à Titus de rappeler
Tarquin , de regner avec lui & d'époufer
Tullie. Cette Princeffe à la lecture de
cette Lettre eft partagée entre le trouble
& la joye , entre la défiance & l'efpoir ;
l'Ambafladeur la raffure & l'encourage ;
ĮI. Ful
1
2932 MERCURE DE FRANCE
il lui dit que Titus eft déja ébranlé , qu'il
eft prêt à relever le Trône de Tarquin
qu'un mot de la bouche va tout achever.
La jeune Princeffe pleine de l'efperance
de rétablir fon pere & d'être unie avec
fon Amant , envoye chercher Titus , lui
fait lire cette Lettre ; mais quelle furprife
& quelle douleur pour elle ! Titus
eft penetré d'horreur à l'afpect de ce billet
de Tarquin , par lequel on lui propoſe de
trahir Brutus & Rome. Son Amante s'écrie
:
Infpirez -lui , grands Dieux , le parti qu'il doit
prendre.
Mon choix eft fait.
Titus.
Tullie.
Eh bien ! crains -tu de me l'apprendre ♣
Parle , ofe mériter ta grace ou mon courroux ;
Quel fera ton deftin ?
Titus.
D'être digne de vous ,
Digne encor de moi-même , à Rome encor fidele
,
Brulant
d'amour
pour
vous , de
combattre
pour
elle ,
D'adorer vos vertus , mais de les imiter ,
De vous perdre , Madame , & de yous mériter &c.
II. Vol
Ац
DECEMBRE. 1730. 2933-
Au milieu de cette conteftation douloureuſe
, Brutus arrive , & dit à Tullie
qu'il faut partir ; déja même il l'emmene.
Titus defefperé arrête un moment l'Ambaffadeur
qui feint de vouloir partir , &
qui jouir tranquilement du trouble affreux
de cet Amant ; Titus lui demande
un moment d'entretien , & le prie de
retarder le départ d'une heure. C'eſt pendant
ce court efpace de tems que Meffala
fe découvre enfin à Titus , c'eft alors qu'il
lui apprend que Tiberinus , fon propre
frere
,
eft de la conjuration . Titus fe
trouve réduit à être le délateur ou le
complice de fon frere. Dans ce moment
même l'Ambaffadeur lui fait dire que
Tullie l'attend ; il parle à Tullie pour la
derniere fois , & c'est là que cedant à fa
paffion , penetré d'amour , d'horreur &
de remords , & fe trouvant dans le cas
de dire : Video meliora proboque , deteriora
fequor , il dit à Tullie :
› Eh hien , cruelle , il faut vous fatisfaire ;
Le crime en eft affreux ; mais j'y cours pour vous
plaire ;
D
t plus malheureux que dans ma paffion ;
Mon coeur n'a pour excufe aucune illufion ,
Que je ne goute point dans ce défordre extrême
Le trifte & vain plaifir de me tromper moimême
,
11. Vol, Que
2934 MERCURE DE FRANCE
Que l'amour aux forfaits me force de voler ,
Que vous m'avez vaincu fans pouvoir m'aveugler
,
Et qu'encor indigné de l'ardeur qui m'anime ,
Je chéris la vertu , mais j'embraffe le crime .
Haiffez-moi , fuyez , quittez un malheureux
Qui meurt d'amour pour vous , & detefte ſes
feux & c .
A peine Titus emporté par tant de paſfions
a -t'il promis de trahir Rome , que
Brutus inftruit qu'on doit donner un affaut
la nuit même,vient remettre le commandement
de la Ville de la part du
Sénat entre les mains de Titus même ; le
defeſpoir de Titus augmente à cette marque
de confiance ; une cruelle irréfolution
l'agite ; fon pere en eft étonné ; mais
dans le moment même le fecond Conful
annonce à Brutus que l'on confpire . On
n'a encore que des foupçons , & ces foupçons
ne tombent point fur les fils de Brutus.
On affemble le Sénat ; l'Ambaffadeur
y vient rendre compte de fa conduite
; Brutus le renvoye avec mépris &
avec horreur. On renouvelle les fermens
de punir fans remiffion quiconque auroit
confpiré en faveur des Rois ; Brutus qui
fait ce ferment eft bien éloigné de croire
fes Enfans coupables ; il apprend au milieu
du Sénat même que Tiberinus eft un
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1730. 2935
des conjurés ; l'inftant d'après il apprend
que fon cher fils Titus , le Deffenfeur de
Rome , eft le Chef de la Confpiration .
Tiberinus eft tué en fe deffendant , avec
quelques complices . Titus qui avoit horreur
d'un crime qu'il n'avoit pas même
confommé , & dont il n'avoit été coupable
qu'un inftant , vient s'accuſer devant
fon Pere ; Brutus qui l'aime tendrement
le condamne à la mort en pleurant , &
Titus reçoit fon Arrêt en grand Homme.
Tullie defefperée ſe tuë . Ainfi finit cette
Piéce que l'on regarde dans Paris comme
l'Ouvrage Dramatique que M. de Voltaire
ait le mieux écrit , mais qui exige
une grande execution , extrêmement difficile
& neceffaire , pour avoir un long
fuccès au Théatre.
M. de Voltaire , fut repréſentée à la
Cour le Samedi 30. de ce mois , avec un
très-grand fuccès ; on la donna le lendemain
fur le Théatre François pour la neu
viéme fois , & toujours avec beaucoup
d'applaudiffemens.
La Scene de cette Piéce dont nous
avons promis de parler , fe paffe dans le
Capitole. Les principaux perfonnages font
Brutus , Conful , Titus , fon fils , & Tullie,
fille de Tarquin. Les S Sarrazin , Du
Freſne , & la Dile Du Frefne rempliffent
ces trois Rôles . Ceux de Valerius Publicola
, deuxième Conful , de Proculus , de
Meffala , Romain , conjuré dans le parti
de Tarquin , d'Aruns , Ambaffadeur du
Roi d'Etrurie , d'Albin , fon Confident,
& d'Argine , Confidente de Tullie , font
remplis par les Srs Grandval , Dubreuil ,
Montmenil , Le Grand , Berci , & la De
Jouvenot , fans parler des fix Senateurs .
, ,
La Piéce commence par une Affemblée
du Senat , où l'on introduit un Ambaffadeur
de Porfenna & de Tarquin . Ce Miniftre
remontre tout ce qu'un Royalite
II. Vol.
zelé
2926 MERCURE DE FRANCE
zelé peut dire en faveur des droits des
Souverains. Le Conful Brutus répond
tout ce qu'un Republicain rigide doit
dire pour le Peuple Romain. Il s'exprime
ainfi :
Nous avons fait , Aruns , en lui rendant hommage
,
Serment d'obéiffance , & non pas d'efclavage ,
Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces
lieux ,
Le Senat à fes pieds faifant pour lui des voeux ,
Songez qu'en ces lieux même , à cet Autel augufte
,
Devant ces mêmes Dieux il jura d'être juſte ;
De fon peuple & de lui tel étoit le lien.
Il nous rend nos fermens quand il trahit le fien
Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidele
Rome n'eſt plus fujette , & lui ſeul eft rebelle.
Aruns.
Ah ! quand il feroit vrai que l'abfolu pouvoir
Eut entraîné Tarquin par delà fon devoir ,
Qu'il en eut trop ſuivi l'amorce enchantereffe ,
Quel homme eft fans erreur , & quel Roi fans
foibleffe ?
Eft- ce à vous de prétendre au droit de le punir ?
Vous nés tous fes Sujets , vous faits pour obéir?
Un fils ne s'arme point contre un coupable pere
Il détourne les yeux , le plaint & le revere.
II. Vol.
Les
DECEMBRE. 1730. 2927
Les droits des Souverains font - ils moins précieux
?
Nous fommes leurs enfans , leurs Jages font les
Dieux ;
Si le Ciel quelquefois les donne en fa coleré ,
N'allez pas mériter un préfent plus fevere ,
Trahir toutes les loix en voulant les vanger ,
Et renverser l'Etat au lieu de le changer .
Inftruit par le malheur
l'homme ,
› ce grand Maitre de
Tarquin fera plus jufte & plus digne de Rome ;
Vous pouvez
raffermir par un accord heureux
Des Peuples & des Rois les legitimes noeuds ,
Et faire encor fleurir la liberté publique
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.
Brutus plein de fes fentimens refuſe la
paix au nom du Sénat , quoiqu'affiegé
par deux Rois . Le Sénat jure fur l'Autel
de Mars de ne jamais admettre les Tarquins
dans Rome ; l'Ambaffadeut jure
fur le même Autel une guerre éternelle
aux Romains. Cependant ce Miniftre demande
fierement qu'on lui remette Tullie,
fille de Tarquin , jeune Princeffe qui n'avoit
pû fe fauver de Rome dans le commencement
de la Guerre civile , & que
le Sénat faifoit élever chez la femme de
Brutus le Sénat ordonne qu'on rende à
Tarquin fa fille & tous fes biens ; & Bru-
II. Vol.
tus
2928 MERCURE DE FRANCE
tus , l'organe du Sénat , dit à ce Miniftre:
Qu'à Tarquin déformais rien ne refte en ces
lieux
Que la haine de Rome & le couroux des Dieux ;
Pour emporter au Camp l'or qu'il faut y conduire
Rome vous donne un jour , ce tems doit vous
fuffire .
Ma Maiſon cependant eſt votre fûreté &c.
Ce Miniftre ayant donc la liberté de
refter un jour dans Rome veut employer
ce tems à ruiner la liberté des Romains ;
il avoit depuis long- tems une fecrete cor
refpondance avec un Citoyen nommé
Meffala , homme adroit & intrépide ,
qui defefperant de faire fa fortune fous
le gouvernement fevere d'une Républi
que , vouloit s'élever en rappelant les Tirans.
C'eft un vrai confpirateur.
Maître de fon fecret , & maître de lui-même ,
Impenetrable & calme en fa fureur extrême ;
Il a déja gagné quelques amis ; mais ,
dit- il , à l'Ambaffadeur :
Ne prétendez pas
Qu'en aveugles Sujets ils fervent des ingrats ;
Ils ne fe piquent point du devoir fanatique
De fervir de victime au pouvoir defpotique ,
II. Vol.
Ni
DECEMBRE. 1730. 2929.
Ni du zele inſenſé de courir au trépas
Pour venger un Tiran qui ne les connoît pas.
Tarquin promet beaucoup ; mais devenu leur
maître ,
Il les oublira tous , ou les craindra peut -être :
Je connois trop les Grands dans le malheur
amis ,
;
Ingrats dans la fortune , & bientôt ennemis..
Nous fommes de leur gloire un inftrument fervile
Rejetté par dédain dès qu'il eft inutile ,
Et brifé fans pitié s'il devient dangereux.
Meffala avoit befoin d'un Chef digne
de pareils conjurés , affez illuftre par fa
naiffance pour le faire obéir , affez.courageux
pour faire réuffir l'entreprife ,
affez hardi même pour forcer le Roi ,
Même après le fuccés à leur tenir la foi.
Titus , fils du Conful Brutus , jeune
homme impétueux dans fes défirs , qui
venoit de triompher des deux Rois , mais
qui n'avoit pû obtenir le Confulat , pa-'
roit à ces deux conjurés un homme propre
à mettre à la tête de leur parti . Titus,
à la verité , aime tendrement Rome &
fon
pere ; il eft le plus grand ennemi des
Rois , il adore la liberté , mais il eft piqué
contre le Sénat ; & Meffala a découvert
qu'il a depuis long- tems une paſſion fu-
II. Vol.
rieufe
29 30 MERCURE DE FRANCE
rieule
pour la fille de Tarquin : Titus a
été jufqu'à préfent le maître de fa paffion ;
mais il y peut fuccomber. Meffala ajoute :
Dans le champ de la gloire il ne fait que d'en
trer ,
Il y marche en aveugle , on l'y peut égarer ;
La bouillante Jeuneffe eft facile à féduire .
Cependant Tullie , cette fille de Tarquin
, nourriffoit depuis long- tems une
inclination fecrette pour le jeune Titus ;
elle vouloit haïr l'ennemi de fon pere &
le fils de Brutus ; mais elle l'aimoit d'autant
plus , qu'il ne fouffroit plus qu'il pa-.
rut en fa préfence depuis que la Guerre
étoit déclarée . Ainfi Titus & Tullie s'adorant
l'un l'autre , & n'ofant fe voir
combattoient en fecret leur paffion . Enfin
le moment arrive qui doit les féparer
pour jamais ; alors Titus entraîné malgré
lui vers Tullie , vient pour lui dire un
éternel adieu , & l'aveu de fon amour lui
échape .
Ce feu que jufqu'alors il avoit fçû contraindre
S'irrite en s'échapant , & ne peut plus s'éteindre
L'adroit Ambaffadeur qui fçait bientôt
à quelles agitations Titus eft livré , faifit
ces momens pour tenter fa fidelité ; il
oppofe tous les artifices à la hauteur im
II. Vol. pétueufe
DECEMBRE. 1730. 2931
pétueufe de Titus ; il lui repréfente la
trifte feverité d'une République & tous
les charmes d'une Cour , il effaye de
l'attendrir pour Tarquin ; enfin il lui dit
que Tarquin avoit autrefois le deffein de
lui donner fa fille Tullie en mariage.
L'Ambaffadeur en lui parlant ainfi , obferve
attentivement l'émotion involontaire
du jeune Romain. Meffala , ce Chef
de conjurés , vient encore envenimer la
bleffure de Titus. L'Ambaffadeur fait plus,
il a découvert la paffion de Tullie , & il
veut s'en fervir pour fes deffeins. Oui ,
dit il ,
N'attendons des humains rien que par leur foibleffe.
Il ne perd point de tems , il envoye
un homme fûr au Camp de Tarquin ; ce
Courrier rapporte une Lettre du Roi ;
l'Ambaffadeur donne la Lettre à la Princeffe
: elle lit , elle voit avec furpriſe que
fon pere lui permet
de refufer le Roi de
Ligurie qu'elle devoit époufer , & que
c'eft à Titus qu'il la deftine ; qu'en un
mot il ne tient qu'à Titus de rappeler
Tarquin , de regner avec lui & d'époufer
Tullie. Cette Princeffe à la lecture de
cette Lettre eft partagée entre le trouble
& la joye , entre la défiance & l'efpoir ;
l'Ambafladeur la raffure & l'encourage ;
ĮI. Ful
1
2932 MERCURE DE FRANCE
il lui dit que Titus eft déja ébranlé , qu'il
eft prêt à relever le Trône de Tarquin
qu'un mot de la bouche va tout achever.
La jeune Princeffe pleine de l'efperance
de rétablir fon pere & d'être unie avec
fon Amant , envoye chercher Titus , lui
fait lire cette Lettre ; mais quelle furprife
& quelle douleur pour elle ! Titus
eft penetré d'horreur à l'afpect de ce billet
de Tarquin , par lequel on lui propoſe de
trahir Brutus & Rome. Son Amante s'écrie
:
Infpirez -lui , grands Dieux , le parti qu'il doit
prendre.
Mon choix eft fait.
Titus.
Tullie.
Eh bien ! crains -tu de me l'apprendre ♣
Parle , ofe mériter ta grace ou mon courroux ;
Quel fera ton deftin ?
Titus.
D'être digne de vous ,
Digne encor de moi-même , à Rome encor fidele
,
Brulant
d'amour
pour
vous , de
combattre
pour
elle ,
D'adorer vos vertus , mais de les imiter ,
De vous perdre , Madame , & de yous mériter &c.
II. Vol
Ац
DECEMBRE. 1730. 2933-
Au milieu de cette conteftation douloureuſe
, Brutus arrive , & dit à Tullie
qu'il faut partir ; déja même il l'emmene.
Titus defefperé arrête un moment l'Ambaffadeur
qui feint de vouloir partir , &
qui jouir tranquilement du trouble affreux
de cet Amant ; Titus lui demande
un moment d'entretien , & le prie de
retarder le départ d'une heure. C'eſt pendant
ce court efpace de tems que Meffala
fe découvre enfin à Titus , c'eft alors qu'il
lui apprend que Tiberinus , fon propre
frere
,
eft de la conjuration . Titus fe
trouve réduit à être le délateur ou le
complice de fon frere. Dans ce moment
même l'Ambaffadeur lui fait dire que
Tullie l'attend ; il parle à Tullie pour la
derniere fois , & c'est là que cedant à fa
paffion , penetré d'amour , d'horreur &
de remords , & fe trouvant dans le cas
de dire : Video meliora proboque , deteriora
fequor , il dit à Tullie :
› Eh hien , cruelle , il faut vous fatisfaire ;
Le crime en eft affreux ; mais j'y cours pour vous
plaire ;
D
t plus malheureux que dans ma paffion ;
Mon coeur n'a pour excufe aucune illufion ,
Que je ne goute point dans ce défordre extrême
Le trifte & vain plaifir de me tromper moimême
,
11. Vol, Que
2934 MERCURE DE FRANCE
Que l'amour aux forfaits me force de voler ,
Que vous m'avez vaincu fans pouvoir m'aveugler
,
Et qu'encor indigné de l'ardeur qui m'anime ,
Je chéris la vertu , mais j'embraffe le crime .
Haiffez-moi , fuyez , quittez un malheureux
Qui meurt d'amour pour vous , & detefte ſes
feux & c .
A peine Titus emporté par tant de paſfions
a -t'il promis de trahir Rome , que
Brutus inftruit qu'on doit donner un affaut
la nuit même,vient remettre le commandement
de la Ville de la part du
Sénat entre les mains de Titus même ; le
defeſpoir de Titus augmente à cette marque
de confiance ; une cruelle irréfolution
l'agite ; fon pere en eft étonné ; mais
dans le moment même le fecond Conful
annonce à Brutus que l'on confpire . On
n'a encore que des foupçons , & ces foupçons
ne tombent point fur les fils de Brutus.
On affemble le Sénat ; l'Ambaffadeur
y vient rendre compte de fa conduite
; Brutus le renvoye avec mépris &
avec horreur. On renouvelle les fermens
de punir fans remiffion quiconque auroit
confpiré en faveur des Rois ; Brutus qui
fait ce ferment eft bien éloigné de croire
fes Enfans coupables ; il apprend au milieu
du Sénat même que Tiberinus eft un
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1730. 2935
des conjurés ; l'inftant d'après il apprend
que fon cher fils Titus , le Deffenfeur de
Rome , eft le Chef de la Confpiration .
Tiberinus eft tué en fe deffendant , avec
quelques complices . Titus qui avoit horreur
d'un crime qu'il n'avoit pas même
confommé , & dont il n'avoit été coupable
qu'un inftant , vient s'accuſer devant
fon Pere ; Brutus qui l'aime tendrement
le condamne à la mort en pleurant , &
Titus reçoit fon Arrêt en grand Homme.
Tullie defefperée ſe tuë . Ainfi finit cette
Piéce que l'on regarde dans Paris comme
l'Ouvrage Dramatique que M. de Voltaire
ait le mieux écrit , mais qui exige
une grande execution , extrêmement difficile
& neceffaire , pour avoir un long
fuccès au Théatre.
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Résumé : Tragedie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
La pièce 'Brutus' de Voltaire a été représentée à la Cour le 30 décembre avec un grand succès, puis au Théâtre Français le lendemain pour la neuvième fois, toujours avec beaucoup d'applaudissements. L'action se déroule au Capitole de Rome et met en scène Brutus, consul, Titus, son fils, et Tullie, fille de Tarquin. Les rôles principaux sont interprétés par les acteurs Sarrazin, Du Fresne, et la Dile Du Fresne. La pièce commence par une assemblée du Sénat où un ambassadeur de Porfenna et de Tarquin défend les droits des souverains. Brutus répond en faveur du peuple romain, affirmant que le serment d'obéissance ne signifie pas esclavage. L'ambassadeur argue que les droits des souverains sont précieux et que les Romains doivent obéir. Brutus refuse la paix au nom du Sénat et jure de ne jamais admettre les Tarquins à Rome. L'ambassadeur demande la remise de Tullie, et le Sénat accepte de la rendre ainsi que ses biens. Meffala, un citoyen romain, correspond secrètement avec l'ambassadeur pour ruiner la liberté des Romains. Il cherche un chef pour sa conjuration et choisit Titus, fils de Brutus, qui est impétueux et jaloux du Sénat. Titus aime Tullie, et est tenté par l'ambassadeur et Meffala de trahir Rome. Tullie, de son côté, aime Titus malgré elle. L'ambassadeur tente de séduire Titus en lui offrant le trône de Tarquin et la main de Tullie. Après une lutte intérieure, Titus décide de rester fidèle à Rome. Brutus, informé d'une conjuration, découvre que Titus et son frère Tiberinus en font partie. Tiberinus est tué en se défendant, et Titus, après avoir avoué son crime, est condamné à mort par son père. Tullie, désespérée, se suicide. La pièce est considérée comme l'œuvre dramatique la plus réussie de Voltaire, mais elle nécessite une grande maîtrise pour être bien interprétée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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62
p. 2935-2941
L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Début :
Le 29. Decembre le Roi honora de sa présence l'Opera de Phaëton, qui fut [...]
Mots clefs :
Décorations, Colonnes, Arcades, Soleil, Lumière, Galerie, Vestibules, Phaëton, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Le 29. Decembre le Roi honora de
fa préfence l'Opera de Phaeton , qui fut
executé dans fa plus grande perfection :
on danfa par extraordinaire à la fin dư
Divertiffement du quatriéme Acte le Pas
de Trois , dont on a déja parlé , exécuté
par les Srs Blondi , Dumoulin le jeune , &
la Dile Camargo . S. M. étoit placée dans
fa Loge, accompagnée des Ducs de Charoft
, de la Roche-Foucault & d'Harcourt;
les autres Loges du même côté étoient
occupées par les autres Seigneurs & Officiers
de fa Maiſon, H Nous
=
2936 MERCURE DE FRANCE
Nous avons affez parlé de cet Opera la
derniere fois qu'il fut remis au Théatre
au mois de Novembre 1721 , des paroles,
de la Muſique , du Ballet , des Habits &
des Décorations de ce tems- là , avec une
Deſcription particuliere de celle du Palais
du Soleil.
Dans cette repriſe les habits ſont très
magnifiques & très bien caracteriſés . Les
Balets,toujours compofés par le St Blondi,
font auffi ingénieux que variés.
Les principaux Danfeurs font les fieurs
Dumoulin , Dupré , Malterre & Laval ,
& la De Camargo en Egyptienne , termine
le Divertiffement du cinquième
Acte. Les principaux Rôles dans la Tragedie
de Lybie , de Theone & de Climene
font remplis par les Diles Antier , le
-Maure & Erremens ; ceux de Phaëton
d'Epaphus , de Protée & du Soleil fort
repréſentés par les fieurs Tribou , Chaſſe,
Dun & du Mas.
A l'égard des deux principales Décorations
dont nous avons à parler , celle
du fecond Acte repréfente une des Entrées
d'un Palais du Roy d'Egypte , d'ordre
Dorique. On y voit une grande Arcade
de chaque côté , aux côtez deſquelles
font deux Colonnes , dont l'entrecolonne
eft d'un Diametre & demi
felon l'ordre Dorique.
II. Vol. Après
DECEMBRE . 1730. 2937
Après les Arcades on voit un Veftibule
qui forme un quarré , fe reliant avec les
autres Colonnes . Ce Veftibule eft foutenu
par huit Colonnes , efpacées de 4
Diametres au milieu , & fur les côtez ,
d'un Diamétre & demi ; & fous le Veftibule
, de chaque côté , il y a deux autres
Arcades , comme les premieres , ayant
3 diametres de large , & 3 quarts de colonnes
& 8 diametres de haut.
Les Colonnes ont 2 pieds 3 pouces de
diametre ; elles pofent fur un Socle, font
canelées jufqu'au tiers , & font de marbre
d'Egypte , ainfi que la frife , les chapiteaux
, les bazes & les triglifles , faits en
confole , font de bronze , ainfi que le
refte des ornemens.
Ce Veftibule porte une grande Terraſſe
avec une Balustrade , qui fuppofe après
l'efcalier , conduire dans le reste du Palais
; & à travers le Veftibule , on voit
une continuation d'Arcades , portées
par des Colonnes qui ne fe voyent qu'obliquement.
L'habile Architecte fuppofe
par là y en avoir autant de l'autre côté
en fimetrie , & ce point de vûë qui eft
tres - pictorefque & tres- ingénieulement
imaginé , fait parfaitement l'effet qu'il
doit faire. L'air de grandeur & de noble
fimplicité de cette magnifique décoration
la font admirer par tous les Spectateurs
II. Vol.
inte-
Hij
2938 MERCURE DE FRANCE
intelligens. Elle eſt éclairée par une lumiere
douce qui donne le repos & le relief
convenable à toutes les parties. La
Perfpective & le Clair- obfcur y font employez
avec un art infini . On a remarqué,
Tans doute , que cette décoration fait un
parfait contraſte avec celle dont nous alfons
parler ; ce qui marque le génie &
l'habileté du fieur Servandoni , qui a fait
l'une & l'autre.
Le Palais du Soleil , au 4° Acte , eft tresélevé,
& ouvert en plufieurs endroits ; il
paroît à la vûë d'un vafte prodigieux par
la quantité des Colonnes & des Arcades
qui s'y trouvent , & qui fuppofent conduire
dans Pimmenfe étendue des nuages
qui paroiffent porter le Palais , & qui s'y
introduifent de toutes parts.
Le Thrône du Soleil eft placé au fond
d'une grande Galerie , ornée à droite &
à gauche d'une colonade d'ordre Compofite
, & entre les colonnes font de
grandes & magnifiques arcades .
Derriere le Thrône eft une Baluftrade
circulaire , à hauteur d'appui , au deffus
de laquelle ou voit plufieurs Divinitez
& grand nombre de Génies ; partie perfonnages
vivans , partie figures en relief,
imitant parfaitement le naturel.
Au delà de la Balustrade fe voyent
grandes Arcades , portées par des Co-
II.Vol
lonDECEMBRE
. 1730. 29 39
·
lonnes couplées , qui forment des ouvertures
pour
aller , par un plan de niveau
, derriere les colonnes de la Galerie,
& qui, font voir par la Perfpective un
magnifique Salon , formé par des Arcades
, foutenues par des Colonnes , de
même que la Galerie.
Vers le milieu de la Galerie , on commence
à monter au Thrône du Soleil ; on
y trouve une Baluftrade interrompuë au
milieu par trois marches , pour monter
fur un grand Palier , après lequel font
trois autres marches & un fecond Palier ,
par lequel on arrive par trois autres marches
circulaires au Thrône du Soleil. Ce
fecond Palier eft à niveau des bazes des
colonnes .
Toutes les colonnes font torfes , portées
par des piedeftaux compofez ; leurs chapiteaux
& entablemens font auffi compofez
pour placer les ornemens & les pierreries
dont ils font enrichis .
Le plafond de la Galerie eft en ceintre,
formé d'une colonne à l'autre , & enrichi
de feftons & autres ornemens . Entre
les travées font des ouvertures ovales
par où entrent les nuées , & aux bas côtez
du plafond , entre chaque colonne
il y a des médaillons , chacun reprefentant
quelque Attribut du Soleil .
>
Le Thrône eſt d'une forme prefque py.
II. Vol. Hij rami
2940 MERCURE DE FRANCE
ramidale & majeftueufe , il eft entouré
par derriere de rayons , formez avec du
tranfparent de gazes d'or , à travers lefquelles
on voit une lumiere fi vive & fi
brillante , que les yeux ont peine à en
foutenir l'éclat . Cette lumiere fort du
Thrône , & fe rependant de tous côtez ,
éclaire le Salon , la Galerie & tout le refte
de la Décoration , laquelle paroît fi chargée
d'or & de pierreries , de differentes
couleurs , comme Diamans , Rubis , Topafes
, Emeraudes , Perles , Lapis , &c.
qu'il eft impoffible d'imaginer quelque
chofe qui approche de fa richeſſe & de fa
fplendeur.
Ces Pierreries , qui font au nombre de
plus de 7000. & dont les plus petites
ont au moins un pouce & demi de diametre
, jettent à la lumiere un éclat & un
brillant prodigieux , tant par rapport à
leurs formes convexes , concaves & à facettes
, que par le grand poly & les cou
leurs tranfparentes qu'on leur a données.
Le public voit tous les jours avec beaucoup
de plaifir & de nouveaux applaudiffemens
, ce pompeux & refplandiffant
Spectacle , aujourd'hui le plus magnifique
de l'Europe ; le Roy qui a voulu
le voir, a témoigné publiquement en avoir
été tres fatisfait.
Le fieur Servandoni , Florentin , dont
II. Vol Dous
DECEMBRE. 1730. 2941
nous avons eu occaſion de parler tant de
fois , & dont nous avons donné des def
criptions des décorations qu'il a faites .
comme celle du Palais de Ninus , le Tem
ple de Minerve , les Champs élizées dans
Proferpine , la vafte Galerie dans Pyrrhus
la Calcade ou Torrent avec fluctuation ;
la chute du Nil , ou grande Cafcade ;
une Forêt , & c . & plufieurs autres Décorations
qui ont été generalement ap
plaudies & reconnues poffibles dans l'execation
réelle , felon les Regles de l'Architecture
. Il a fait auffi le Feu d'artifice
fur la Riviere,à l'occafion de la naiffance
de Monfeigneur le Dauphin ; les Plans &
Profils , pour bâtir l'Eglife des Grands
Auguftins ; pour un Arc de Triomphe à
la Porte de la Conference ; pour un nou
veau Théatre avec toutes fes dépendances
; le modele d'un Temple fait par
coupe de pierres , au nombre de plus de
fooo. toutes les parties le foutenant par
la coupe des pierres . Tous ces deffeins &
modeles qui lui ont été ordonnez par la
Cour , ont attiré chez lui grand nombre
de Seigneurs & de Curieux de diftinction,
qui l'ont honoré de leurs aplaudiffemens.
Il a fait encore au Château de Trenel
pour la Ducheffe d'Orleans plufieurs Ou
vrages que tous les Princes du Sang &
Seigneurs de la Cour ont vû avec une
finguliere fatisfaction .
fa préfence l'Opera de Phaeton , qui fut
executé dans fa plus grande perfection :
on danfa par extraordinaire à la fin dư
Divertiffement du quatriéme Acte le Pas
de Trois , dont on a déja parlé , exécuté
par les Srs Blondi , Dumoulin le jeune , &
la Dile Camargo . S. M. étoit placée dans
fa Loge, accompagnée des Ducs de Charoft
, de la Roche-Foucault & d'Harcourt;
les autres Loges du même côté étoient
occupées par les autres Seigneurs & Officiers
de fa Maiſon, H Nous
=
2936 MERCURE DE FRANCE
Nous avons affez parlé de cet Opera la
derniere fois qu'il fut remis au Théatre
au mois de Novembre 1721 , des paroles,
de la Muſique , du Ballet , des Habits &
des Décorations de ce tems- là , avec une
Deſcription particuliere de celle du Palais
du Soleil.
Dans cette repriſe les habits ſont très
magnifiques & très bien caracteriſés . Les
Balets,toujours compofés par le St Blondi,
font auffi ingénieux que variés.
Les principaux Danfeurs font les fieurs
Dumoulin , Dupré , Malterre & Laval ,
& la De Camargo en Egyptienne , termine
le Divertiffement du cinquième
Acte. Les principaux Rôles dans la Tragedie
de Lybie , de Theone & de Climene
font remplis par les Diles Antier , le
-Maure & Erremens ; ceux de Phaëton
d'Epaphus , de Protée & du Soleil fort
repréſentés par les fieurs Tribou , Chaſſe,
Dun & du Mas.
A l'égard des deux principales Décorations
dont nous avons à parler , celle
du fecond Acte repréfente une des Entrées
d'un Palais du Roy d'Egypte , d'ordre
Dorique. On y voit une grande Arcade
de chaque côté , aux côtez deſquelles
font deux Colonnes , dont l'entrecolonne
eft d'un Diametre & demi
felon l'ordre Dorique.
II. Vol. Après
DECEMBRE . 1730. 2937
Après les Arcades on voit un Veftibule
qui forme un quarré , fe reliant avec les
autres Colonnes . Ce Veftibule eft foutenu
par huit Colonnes , efpacées de 4
Diametres au milieu , & fur les côtez ,
d'un Diamétre & demi ; & fous le Veftibule
, de chaque côté , il y a deux autres
Arcades , comme les premieres , ayant
3 diametres de large , & 3 quarts de colonnes
& 8 diametres de haut.
Les Colonnes ont 2 pieds 3 pouces de
diametre ; elles pofent fur un Socle, font
canelées jufqu'au tiers , & font de marbre
d'Egypte , ainfi que la frife , les chapiteaux
, les bazes & les triglifles , faits en
confole , font de bronze , ainfi que le
refte des ornemens.
Ce Veftibule porte une grande Terraſſe
avec une Balustrade , qui fuppofe après
l'efcalier , conduire dans le reste du Palais
; & à travers le Veftibule , on voit
une continuation d'Arcades , portées
par des Colonnes qui ne fe voyent qu'obliquement.
L'habile Architecte fuppofe
par là y en avoir autant de l'autre côté
en fimetrie , & ce point de vûë qui eft
tres - pictorefque & tres- ingénieulement
imaginé , fait parfaitement l'effet qu'il
doit faire. L'air de grandeur & de noble
fimplicité de cette magnifique décoration
la font admirer par tous les Spectateurs
II. Vol.
inte-
Hij
2938 MERCURE DE FRANCE
intelligens. Elle eſt éclairée par une lumiere
douce qui donne le repos & le relief
convenable à toutes les parties. La
Perfpective & le Clair- obfcur y font employez
avec un art infini . On a remarqué,
Tans doute , que cette décoration fait un
parfait contraſte avec celle dont nous alfons
parler ; ce qui marque le génie &
l'habileté du fieur Servandoni , qui a fait
l'une & l'autre.
Le Palais du Soleil , au 4° Acte , eft tresélevé,
& ouvert en plufieurs endroits ; il
paroît à la vûë d'un vafte prodigieux par
la quantité des Colonnes & des Arcades
qui s'y trouvent , & qui fuppofent conduire
dans Pimmenfe étendue des nuages
qui paroiffent porter le Palais , & qui s'y
introduifent de toutes parts.
Le Thrône du Soleil eft placé au fond
d'une grande Galerie , ornée à droite &
à gauche d'une colonade d'ordre Compofite
, & entre les colonnes font de
grandes & magnifiques arcades .
Derriere le Thrône eft une Baluftrade
circulaire , à hauteur d'appui , au deffus
de laquelle ou voit plufieurs Divinitez
& grand nombre de Génies ; partie perfonnages
vivans , partie figures en relief,
imitant parfaitement le naturel.
Au delà de la Balustrade fe voyent
grandes Arcades , portées par des Co-
II.Vol
lonDECEMBRE
. 1730. 29 39
·
lonnes couplées , qui forment des ouvertures
pour
aller , par un plan de niveau
, derriere les colonnes de la Galerie,
& qui, font voir par la Perfpective un
magnifique Salon , formé par des Arcades
, foutenues par des Colonnes , de
même que la Galerie.
Vers le milieu de la Galerie , on commence
à monter au Thrône du Soleil ; on
y trouve une Baluftrade interrompuë au
milieu par trois marches , pour monter
fur un grand Palier , après lequel font
trois autres marches & un fecond Palier ,
par lequel on arrive par trois autres marches
circulaires au Thrône du Soleil. Ce
fecond Palier eft à niveau des bazes des
colonnes .
Toutes les colonnes font torfes , portées
par des piedeftaux compofez ; leurs chapiteaux
& entablemens font auffi compofez
pour placer les ornemens & les pierreries
dont ils font enrichis .
Le plafond de la Galerie eft en ceintre,
formé d'une colonne à l'autre , & enrichi
de feftons & autres ornemens . Entre
les travées font des ouvertures ovales
par où entrent les nuées , & aux bas côtez
du plafond , entre chaque colonne
il y a des médaillons , chacun reprefentant
quelque Attribut du Soleil .
>
Le Thrône eſt d'une forme prefque py.
II. Vol. Hij rami
2940 MERCURE DE FRANCE
ramidale & majeftueufe , il eft entouré
par derriere de rayons , formez avec du
tranfparent de gazes d'or , à travers lefquelles
on voit une lumiere fi vive & fi
brillante , que les yeux ont peine à en
foutenir l'éclat . Cette lumiere fort du
Thrône , & fe rependant de tous côtez ,
éclaire le Salon , la Galerie & tout le refte
de la Décoration , laquelle paroît fi chargée
d'or & de pierreries , de differentes
couleurs , comme Diamans , Rubis , Topafes
, Emeraudes , Perles , Lapis , &c.
qu'il eft impoffible d'imaginer quelque
chofe qui approche de fa richeſſe & de fa
fplendeur.
Ces Pierreries , qui font au nombre de
plus de 7000. & dont les plus petites
ont au moins un pouce & demi de diametre
, jettent à la lumiere un éclat & un
brillant prodigieux , tant par rapport à
leurs formes convexes , concaves & à facettes
, que par le grand poly & les cou
leurs tranfparentes qu'on leur a données.
Le public voit tous les jours avec beaucoup
de plaifir & de nouveaux applaudiffemens
, ce pompeux & refplandiffant
Spectacle , aujourd'hui le plus magnifique
de l'Europe ; le Roy qui a voulu
le voir, a témoigné publiquement en avoir
été tres fatisfait.
Le fieur Servandoni , Florentin , dont
II. Vol Dous
DECEMBRE. 1730. 2941
nous avons eu occaſion de parler tant de
fois , & dont nous avons donné des def
criptions des décorations qu'il a faites .
comme celle du Palais de Ninus , le Tem
ple de Minerve , les Champs élizées dans
Proferpine , la vafte Galerie dans Pyrrhus
la Calcade ou Torrent avec fluctuation ;
la chute du Nil , ou grande Cafcade ;
une Forêt , & c . & plufieurs autres Décorations
qui ont été generalement ap
plaudies & reconnues poffibles dans l'execation
réelle , felon les Regles de l'Architecture
. Il a fait auffi le Feu d'artifice
fur la Riviere,à l'occafion de la naiffance
de Monfeigneur le Dauphin ; les Plans &
Profils , pour bâtir l'Eglife des Grands
Auguftins ; pour un Arc de Triomphe à
la Porte de la Conference ; pour un nou
veau Théatre avec toutes fes dépendances
; le modele d'un Temple fait par
coupe de pierres , au nombre de plus de
fooo. toutes les parties le foutenant par
la coupe des pierres . Tous ces deffeins &
modeles qui lui ont été ordonnez par la
Cour , ont attiré chez lui grand nombre
de Seigneurs & de Curieux de diftinction,
qui l'ont honoré de leurs aplaudiffemens.
Il a fait encore au Château de Trenel
pour la Ducheffe d'Orleans plufieurs Ou
vrages que tous les Princes du Sang &
Seigneurs de la Cour ont vû avec une
finguliere fatisfaction .
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Résumé : L'Opera Phaéton, Décorations, [titre d'après la table]
Le 29 décembre, le roi assista à la représentation de l'opéra 'Phaéton', exécuté avec une grande perfection. À la fin du quatrième acte, un 'Pas de Trois' fut dansé par Blondi, Dumoulin le jeune et la dame Camargo. Le roi était accompagné des ducs de Charost, de la Roche-Foucault et d'Harcourt, tandis que les autres loges étaient occupées par divers seigneurs et officiers de la maison royale. L'opéra 'Phaéton' avait déjà été repris en novembre 1721, avec des descriptions détaillées des paroles, de la musique, du ballet, des habits et des décorations. Les habits étaient magnifiques et bien caractérisés. Les ballets, composés par Blondi, étaient ingénieux et variés. Les principaux danseurs incluaient Dumoulin, Dupré, Malterre, Laval et la dame Camargo, qui dansait le rôle d'une Égyptienne. Dans la tragédie de 'Lybie', les rôles principaux étaient interprétés par les dames Antier, le Maure et Erremens, et les sieurs Tribou, Chasse, Dun et du Mas. Les décorations étaient particulièrement remarquables. Le second acte représentait une entrée d'un palais du roi d'Égypte d'ordre dorique, avec des arcades et des colonnes en marbre d'Égypte, éclairées par une lumière douce. Le palais du Soleil, au quatrième acte, était très élevé et ouvert, avec de nombreuses colonnes et arcades. Le trône du Soleil, placé au fond d'une grande galerie, était entouré de colonnes composites et d'arcades magnifiques. La galerie menait à un salon formé par des arcades et des colonnes, avec un plafond en voûte enrichi de festons et d'ornements. Le trône avait une forme pyramidale et majestueuse, entouré de rayons transparents diffusant une lumière vive. La décoration était riche en or et en pierreries, au nombre de plus de 7000, jetant un éclat prodigieux. Le public applaudit ce spectacle magnifique, et le roi témoigna publiquement sa satisfaction. L'architecte Servandoni, Florentin, était reconnu pour ses nombreuses décorations applaudies et ses réalisations architecturales, telles que le feu d'artifice pour la naissance du Dauphin, les plans pour l'église des Grands Augustins, et divers ouvrages au château de Trianon pour la duchesse d'Orléans.
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63
p. 2942
« Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...] »
Début :
Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...]
Mots clefs :
Comédie italienne
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texteReconnaissance textuelle : « Le 28 Décembre le sieur Théveneau, Chanteur de la Comédie Italienne, depuis [...] »
Le 28 Décembre , le fieur Théveneau
Chanteur de la Comédie Italienne , depuis
plus de 12 ans , qui outre fes talens
pour la Mufique & le Chant , en a en-
Tore beaucoup pour la Déclamation &
l'action Théatrale , a été reçû dans cette
Troupe. On ne doute pas qu'il ne devienne
un tres bon fujet.
Chanteur de la Comédie Italienne , depuis
plus de 12 ans , qui outre fes talens
pour la Mufique & le Chant , en a en-
Tore beaucoup pour la Déclamation &
l'action Théatrale , a été reçû dans cette
Troupe. On ne doute pas qu'il ne devienne
un tres bon fujet.
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64
p. 142-143
Le Chevalier à la mode, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens François ont remis au Théâtre au commencement de [...]
Mots clefs :
Comédie, Théâtre, Acteurs, Représentation, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Chevalier à la mode, [titre d'après la table]
LE
SPECTACLES.
Es Comédiens François ont remis
au Théatre au commencement de ce
mois , la Comédie en Prose et en cinq
Actes du Chevalier à la mode , que le Public
revoit avec beaucoup de plaisir ,
d'autant plus qu'elle est fort bien représentée.
Elle est d'ailleurs des meilleureset
des plus comiques du Theatre François
; feu M. de Saintion en est Auteur
aussi bien que des Bourgeoises à la mode ;.
mais ces deux Pieces n'ont jamais parû
sous son nom. Le S Quinaut y jouë le
principal Rôle. Ceux de Migand , de
Serrefort et de Crispin sont remplis par
les S Dangeville , Du Chemin et Poisson,
Ceux de Madame Patin , de sâ niece , de
la Barone et de la Suivante sont joués par
les Diles Lamote , Labat , Dangeville et
Dangeville la jeune.
Dans la nouveauté de cette Pièce , le
St de Villiers , Acteur Comique , dont:
le Theatre François ne perdra jamais le
souvenir , y joüoit le Rôle dù Chevalier..
Ceux de Madame Patin et de la Barone
étoient remplis par les Diles La Grange et
Durieux , deux Actrices d'un grand talent
JANVIER. 1731. 243
Ient pour ces sortes de Rôles chargés .
Le Jeudi 4. de ce mois , ils représenterent
à la Cour la Tragédie d'Absalon et
la petite Comédie du Medecin malgré lui.
Le 27. la Tragédie d'Amasis et la Serenade.
Le 30. le Chevalier à la mode et le
Cocher supposé.
Ils ont aussi remis la petite Comédie
du Balet Extravagant , de feu M. Palapra .
Le 17. de ce mois ils donnerent la quinziéme
Représentation de Brutus , de M. de
Voltaire, et le surlendemain ils remirent
au Théatre la Tragédie de Médée , de
feu M. de Longepierre , que le Public
revoit avec beaucoup de plaisir.La DeBalicourt
y joue le principal Rôle.
SPECTACLES.
Es Comédiens François ont remis
au Théatre au commencement de ce
mois , la Comédie en Prose et en cinq
Actes du Chevalier à la mode , que le Public
revoit avec beaucoup de plaisir ,
d'autant plus qu'elle est fort bien représentée.
Elle est d'ailleurs des meilleureset
des plus comiques du Theatre François
; feu M. de Saintion en est Auteur
aussi bien que des Bourgeoises à la mode ;.
mais ces deux Pieces n'ont jamais parû
sous son nom. Le S Quinaut y jouë le
principal Rôle. Ceux de Migand , de
Serrefort et de Crispin sont remplis par
les S Dangeville , Du Chemin et Poisson,
Ceux de Madame Patin , de sâ niece , de
la Barone et de la Suivante sont joués par
les Diles Lamote , Labat , Dangeville et
Dangeville la jeune.
Dans la nouveauté de cette Pièce , le
St de Villiers , Acteur Comique , dont:
le Theatre François ne perdra jamais le
souvenir , y joüoit le Rôle dù Chevalier..
Ceux de Madame Patin et de la Barone
étoient remplis par les Diles La Grange et
Durieux , deux Actrices d'un grand talent
JANVIER. 1731. 243
Ient pour ces sortes de Rôles chargés .
Le Jeudi 4. de ce mois , ils représenterent
à la Cour la Tragédie d'Absalon et
la petite Comédie du Medecin malgré lui.
Le 27. la Tragédie d'Amasis et la Serenade.
Le 30. le Chevalier à la mode et le
Cocher supposé.
Ils ont aussi remis la petite Comédie
du Balet Extravagant , de feu M. Palapra .
Le 17. de ce mois ils donnerent la quinziéme
Représentation de Brutus , de M. de
Voltaire, et le surlendemain ils remirent
au Théatre la Tragédie de Médée , de
feu M. de Longepierre , que le Public
revoit avec beaucoup de plaisir.La DeBalicourt
y joue le principal Rôle.
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Résumé : Le Chevalier à la mode, [titre d'après la table]
En janvier 1731, les comédiens français ont repris la comédie en prose et en cinq actes 'Le Chevalier à la mode' de M. de Saintion, qui a été bien accueillie par le public. Les rôles principaux étaient interprétés par Quinaut, Dangeville, Du Chemin, Poisson, Lamote, Labat, Dangeville et Dangeville la jeune. Le rôle du Chevalier était joué par l'acteur comique de Villiers. Le 4 janvier, les comédiens ont représenté à la cour la tragédie 'Absalon' et la comédie 'Le Médecin malgré lui'. Le 27 janvier, ils ont joué 'Amasis' et une sérénade, et le 30 janvier, 'Le Chevalier à la mode' et 'Le Cocher supposé'. Ils ont également repris 'Le Ballet Extravagant' de M. Palaprat. Le 17 janvier, ils ont donné la quinzième représentation de 'Brutus' de M. de Voltaire, et le 19 janvier, ils ont repris la tragédie 'Médée' de M. de Longepierre, avec Mme De Balicourt dans le rôle principal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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65
p. 143-145
La Devineresse, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 19. ils remirent la Comédie de la Devineresse ou [...]
Mots clefs :
Comédie, Théâtre, Succès, Acteurs, Représentation, Donneau de Visé, Thomas Corneille, Mercure galant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Devineresse, Comédie, [titre d'après la table]
Le 19. ils remirent la Comédie de la
Devineresse ou Madame Jobin , dont les
Représentations attirerent beaucoup de
morde. Le principal Rôle est rempli par
Fa Dlle Dubreuil . Au mois de Février 1722 .
lors de la derniere reprise de cette Piece,
la Dlle Gautier , aujourd'hui Religieuse
Carmelite , à Lyon , joüoit ce Rôle . Les
autres de Dame Françoise , Mathurine , la
Comtesse d'Estragon , Mad Noblet , la
Marquise, Me du Buisson , Mad de Clerimont
, Mad de Troufignac , et la petite
Paysanne , sont jouez par le sieur d'Ange
ville, en femme; et par les Des Jouvenot ,
Labat , Balicour , du Fresne, du Baccage ,
G. vj
d'An144
MERCURE DE FRANCE.
·
d'Angeville , Lamotte et Dangeville la
jeune.Ceux de Duclos, Gosselin, Procureur
Fiscal , le Marquis, la Giraudiere, le Chevalier,
Gilet, M.deTroufignac,sont remplis par
les sieurs Armand , Berci , Quinaut, Montmenil
, du Breuil , Poisson , la Thorilliere fils.
Dans le Mercure Galant du mois de May
1710. on lit cet Article :
» Les Comédiens ayant fort pressé feu
» M. de Visé , Auteur du Mercure , de
>>mettre après la mort de la Dame Voisin,
>> tout ce qui s'étoit passé chez elle pen-
» dant sa vie , à l'occasion du métier dont
>> elle s'étoit mêlée ; il fit un grand nom-
» bre de Scenes qui auroient pû fournir
»de la matiere pour trois ou quatre Pie-
»ces , mais qui ne pouvoient former un
»sujet , parce qu'il étoit trop uniforme ,
» et qu'il ne s'agissoit que de gens qui al-
» loient demander leur bonne avanture, et
» faire des propositions qui la regardoients
>> máis toutes cesScenes ne pouvant former
>> le noeud d'une Comédie , parce que
» toutes ces personnes se fuyant et évitant
» de se parler , il étoit impossible de faire
» une liaison de Scenes , et que la Piece
» pût avoir un noud . M. de Visé donna
» les Scenes qu'il avoit faites à M. Cor-
»> neille,lequel en choisit un certain nom-
» bre avec lesquelles il composa un sujet
»dont le noeud parut des plus agréables ,
» et
JANVIER. 1731. T45
» et qui a été regardé comme un chef- ·
» doeuvre. Le succès de cette Piece a été
» un des plus grands.
>
La Devineresse , ou les faux Enchantemens
de Made Jobin , titre sous lequel
cette Piece étoit représentée sur le Théatre
de Guenegaud , dans sa nouveauté ,
le 19. Novembre 1679. fut joüće 48. fois
de suite sans intermission d'aucune autre
Piece. Les 18. premieres Représentations
furent jouées au double. En ce tems- là le
sieur Hubert remplissoit le Rôle de Mad.
Fobin. On sçait qu'il étoit inimitable dans
ces sortes de Personnages. Les Rôles de
Mad. Pernelle , Mad. Fourdain , Mad. de
Sottenville , Mad. d'Escarbagnas , &c. des
Pieces de Moliere , avoient été faits pour
lui.
Devineresse ou Madame Jobin , dont les
Représentations attirerent beaucoup de
morde. Le principal Rôle est rempli par
Fa Dlle Dubreuil . Au mois de Février 1722 .
lors de la derniere reprise de cette Piece,
la Dlle Gautier , aujourd'hui Religieuse
Carmelite , à Lyon , joüoit ce Rôle . Les
autres de Dame Françoise , Mathurine , la
Comtesse d'Estragon , Mad Noblet , la
Marquise, Me du Buisson , Mad de Clerimont
, Mad de Troufignac , et la petite
Paysanne , sont jouez par le sieur d'Ange
ville, en femme; et par les Des Jouvenot ,
Labat , Balicour , du Fresne, du Baccage ,
G. vj
d'An144
MERCURE DE FRANCE.
·
d'Angeville , Lamotte et Dangeville la
jeune.Ceux de Duclos, Gosselin, Procureur
Fiscal , le Marquis, la Giraudiere, le Chevalier,
Gilet, M.deTroufignac,sont remplis par
les sieurs Armand , Berci , Quinaut, Montmenil
, du Breuil , Poisson , la Thorilliere fils.
Dans le Mercure Galant du mois de May
1710. on lit cet Article :
» Les Comédiens ayant fort pressé feu
» M. de Visé , Auteur du Mercure , de
>>mettre après la mort de la Dame Voisin,
>> tout ce qui s'étoit passé chez elle pen-
» dant sa vie , à l'occasion du métier dont
>> elle s'étoit mêlée ; il fit un grand nom-
» bre de Scenes qui auroient pû fournir
»de la matiere pour trois ou quatre Pie-
»ces , mais qui ne pouvoient former un
»sujet , parce qu'il étoit trop uniforme ,
» et qu'il ne s'agissoit que de gens qui al-
» loient demander leur bonne avanture, et
» faire des propositions qui la regardoients
>> máis toutes cesScenes ne pouvant former
>> le noeud d'une Comédie , parce que
» toutes ces personnes se fuyant et évitant
» de se parler , il étoit impossible de faire
» une liaison de Scenes , et que la Piece
» pût avoir un noud . M. de Visé donna
» les Scenes qu'il avoit faites à M. Cor-
»> neille,lequel en choisit un certain nom-
» bre avec lesquelles il composa un sujet
»dont le noeud parut des plus agréables ,
» et
JANVIER. 1731. T45
» et qui a été regardé comme un chef- ·
» doeuvre. Le succès de cette Piece a été
» un des plus grands.
>
La Devineresse , ou les faux Enchantemens
de Made Jobin , titre sous lequel
cette Piece étoit représentée sur le Théatre
de Guenegaud , dans sa nouveauté ,
le 19. Novembre 1679. fut joüće 48. fois
de suite sans intermission d'aucune autre
Piece. Les 18. premieres Représentations
furent jouées au double. En ce tems- là le
sieur Hubert remplissoit le Rôle de Mad.
Fobin. On sçait qu'il étoit inimitable dans
ces sortes de Personnages. Les Rôles de
Mad. Pernelle , Mad. Fourdain , Mad. de
Sottenville , Mad. d'Escarbagnas , &c. des
Pieces de Moliere , avoient été faits pour
lui.
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Résumé : La Devineresse, Comédie, [titre d'après la table]
Le 19 novembre 1679, la pièce 'La Devineresse ou Madame Jobin' fut représentée pour la première fois au Théâtre de Guénégaud. Cette comédie attira beaucoup de monde grâce au rôle principal interprété par la demoiselle Dubreuil. En février 1722, lors de la dernière reprise, la demoiselle Gautier, devenue religieuse carmélite à Lyon, joua ce rôle. Les autres personnages furent interprétés par des acteurs tels que le sieur d'Angeville, Des Jouvenot, Labat, Balicour, du Fresne, du Baccage, Lamotte et Dangeville le jeune, ainsi que les sieurs Armand, Berci, Quinaut, Montmenil, du Breuil, Poisson et la Thorilliere fils. En 1710, le Mercure Galant mentionna que les comédiens avaient demandé à M. de Visé d'écrire des scènes basées sur la vie de la Dame Voisin. Ces scènes furent transmises à M. Corneille, qui en composa la pièce 'La Devineresse, ou les faux Enchantements de Madame Jobin', jouée 48 fois consécutivement. Le rôle de Madame Jobin était interprété par le sieur Hubert.
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66
p. 145-147
Ariane, Tragédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 23. ils remirent la Tragédie d'Arianne, que le Public [...]
Mots clefs :
Tragédie, Arianne, Théâtre, Comédiens-Français, Mémoire, Succès, Applaudissements
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ariane, Tragédie, [titre d'après la table]
Le 23. ils remirent la Tragédie d'Arianne
, que le Public revoit avec gránd
plaisir , d'autant plus que la De Duclos
y joue le principal Rôle. Cette Piéce fut
donnée dans sa nouveauté au mois de
Mars 1672. sur le Théatre du Marets
avec un très grand succès , quoique jouée
en concurrence de la Tragédie de Bajazet
de Racine qui en avoit un prodigieux
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne.
>>
Parmi les Tragédies de Th. Corneille,
» dit M. de Visé dans le Mercure déja
acité , Arianne a passé pour un Chefd'oeu
146 MERCURE DE FRANCE.
» d'oeuvre ; jamais Piéce n'a été plus touchante
et plus suivie ; et ce qui doit
>> surprendre tout le monde est que M..
>> Corneille étant retiré à la Campagne
avoit fait cette Piéce en 40. jours. Il
» n'avoit pas moins de facilité à travailler
»à ses Ouvrages de Théatre , que de mémoire
pour les retenir ; tous ceux qui
» l'ont connu particulierement ont été
» témoins, que lorsqu'il étoit prié de lire
» ses Piéces dans quelques compagnies
» ce qui étoit autrefois fort en usage , il
» les récitoit mieux qu'aucun Comédien
» n'auroit pû faire , sans rien lire ; il
» étoit si sûr de sa mémoire , que très
» souvent il ne portoit point ses Piéces
" avec lui.
Les Comédiens François ont reçû une
petite Piece nouvelle en un Acte , intitulée
l'Effet de la Prévention .
Ils ont aussi reçû une autre Comédie
nouvelle , en trois Actes , sous le titre des
Amours d'Alcibiade..
Par les nouveautez qu'ils donnent et
les Pieces anciennes qu'ils remettent , on
voit qu'ils n'oublient rien depuis quelque
tems pour plaire au Public , et pour mériter
ses applaudissemens. Leurs esperances
n'ont pas été trompées ; la derniere
Piece qu'ils ont remise au Théatre le
Lundi 29. de ce mois , fait un extrême
plaisir
JANVIER. 1735. 147
plaisir ; elle est universellement applaudie
par de très nombreuses Assemblées , et
l'interêt qu'on y prend , fait répandre
beaucoup de larmes ; c'est la Tragédied'Amasis
, de M. de la Grange , Piece trèspathetique,
conduite avec un art infini.On.
y trouve des situations heureuses , des
tours ingénieux et des coups de Théatre
aussi touchans qu'admirables , qui surprennent
agréablement . La Picce est d'ail
leurs trés -bien représentée par les Diles Duclos
et du Fresne , etpar les sieurs Sarrazin ,
du Fresne , le Grand et du Breuil , qui y
remplissent les principaux Rôles de Nitocris,
d'Artenice , d'Amasis , de Sesostris , de
Phanés et de Menez . Dans la nouveauté
de cette Tragédie qui fut donnée pour
la
premiere fois le 13.Décembre 1701.Ces six
Rôles étoient remplis par les Diles Beauval
et Desmares , et par les sieurs Salley ,,
Baron , Guerin et Pontcüil , fils..
C'est le second Poëme Dramatique de
M. de la Grange ; il le donna deux ans
après son Orefte et Pilade ; il n'eut point.
alors le succès qu'il meritoit , n'ayant été
joué qu'onze fois , à cause d'un froid:
excessif qui
, que le Public revoit avec gránd
plaisir , d'autant plus que la De Duclos
y joue le principal Rôle. Cette Piéce fut
donnée dans sa nouveauté au mois de
Mars 1672. sur le Théatre du Marets
avec un très grand succès , quoique jouée
en concurrence de la Tragédie de Bajazet
de Racine qui en avoit un prodigieux
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne.
>>
Parmi les Tragédies de Th. Corneille,
» dit M. de Visé dans le Mercure déja
acité , Arianne a passé pour un Chefd'oeu
146 MERCURE DE FRANCE.
» d'oeuvre ; jamais Piéce n'a été plus touchante
et plus suivie ; et ce qui doit
>> surprendre tout le monde est que M..
>> Corneille étant retiré à la Campagne
avoit fait cette Piéce en 40. jours. Il
» n'avoit pas moins de facilité à travailler
»à ses Ouvrages de Théatre , que de mémoire
pour les retenir ; tous ceux qui
» l'ont connu particulierement ont été
» témoins, que lorsqu'il étoit prié de lire
» ses Piéces dans quelques compagnies
» ce qui étoit autrefois fort en usage , il
» les récitoit mieux qu'aucun Comédien
» n'auroit pû faire , sans rien lire ; il
» étoit si sûr de sa mémoire , que très
» souvent il ne portoit point ses Piéces
" avec lui.
Les Comédiens François ont reçû une
petite Piece nouvelle en un Acte , intitulée
l'Effet de la Prévention .
Ils ont aussi reçû une autre Comédie
nouvelle , en trois Actes , sous le titre des
Amours d'Alcibiade..
Par les nouveautez qu'ils donnent et
les Pieces anciennes qu'ils remettent , on
voit qu'ils n'oublient rien depuis quelque
tems pour plaire au Public , et pour mériter
ses applaudissemens. Leurs esperances
n'ont pas été trompées ; la derniere
Piece qu'ils ont remise au Théatre le
Lundi 29. de ce mois , fait un extrême
plaisir
JANVIER. 1735. 147
plaisir ; elle est universellement applaudie
par de très nombreuses Assemblées , et
l'interêt qu'on y prend , fait répandre
beaucoup de larmes ; c'est la Tragédied'Amasis
, de M. de la Grange , Piece trèspathetique,
conduite avec un art infini.On.
y trouve des situations heureuses , des
tours ingénieux et des coups de Théatre
aussi touchans qu'admirables , qui surprennent
agréablement . La Picce est d'ail
leurs trés -bien représentée par les Diles Duclos
et du Fresne , etpar les sieurs Sarrazin ,
du Fresne , le Grand et du Breuil , qui y
remplissent les principaux Rôles de Nitocris,
d'Artenice , d'Amasis , de Sesostris , de
Phanés et de Menez . Dans la nouveauté
de cette Tragédie qui fut donnée pour
la
premiere fois le 13.Décembre 1701.Ces six
Rôles étoient remplis par les Diles Beauval
et Desmares , et par les sieurs Salley ,,
Baron , Guerin et Pontcüil , fils..
C'est le second Poëme Dramatique de
M. de la Grange ; il le donna deux ans
après son Orefte et Pilade ; il n'eut point.
alors le succès qu'il meritoit , n'ayant été
joué qu'onze fois , à cause d'un froid:
excessif qui
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Résumé : Ariane, Tragédie, [titre d'après la table]
Le 23 janvier 1735, les comédiens français jouèrent la tragédie 'Arianne' de Thomas Corneille, acclamée par le public. Créée en mars 1672 au théâtre du Marais, cette pièce connut un grand succès malgré la concurrence de 'Bajazet' de Racine. Thomas Corneille, réputé pour sa rapidité de travail et sa mémoire exceptionnelle, avait écrit 'Arianne' en seulement 40 jours. Les comédiens reçurent également deux nouvelles pièces : 'L'Effet de la Prévention', une pièce en un acte, et 'Les Amours d'Alcibiade', une comédie en trois actes. Le 29 janvier, ils représentèrent 'Amasis' de M. de la Grange, une tragédie donnée pour la première fois le 13 décembre 1701. Cette pièce fut universellement applaudie pour son caractère pathétique et son art scénique. Les rôles principaux étaient interprétés par les sieurs Duclos, du Fresne, Sarrazin, du Fresne le Grand et du Breuil. Initialement, ces rôles étaient joués par les sieurs Beauval, Desmares, Salley, Baron, Guerin et Pontcül. 'Amasis' est le second poème dramatique de M. de la Grange, écrit deux ans après 'Orefte et Pilade', mais il n'avait pas rencontré le succès escompté lors de sa première représentation en raison du froid excessif.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 147-149
« Le 6 Janvier, Fête des Rois, l'Académie Royale de Musique [...] »
Début :
Le 6 Janvier, Fête des Rois, l'Académie Royale de Musique [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Opéra, Comédiens-Italiens, Parodie, Comédie, Carnaval
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 6 Janvier, Fête des Rois, l'Académie Royale de Musique [...] »
Le 6 Janvier , Fête des Rois , l'Aca
démie Royale de Musique , qui continue
toujours
148 MERCURE DE FRANCE
toujours les Représentations de Phaéton ,
avec un tres-grand concours , donna le
premier Bal de cette année sur le Théatre
de l'Opera , qu'elle continuera de
donner differens jours de la semaine ,
pendant le Carnaval .
›
Les Comédiens Italiens ont perdu l'un
de leurs meilleurs sujets , en la personne
de Pierre Alborghet , natif de Venise
connu sous le nom de Pantalon , qui
mourut le 4 de ce mois , âgé d'environ
55 ans , après une longue maladie . C'étoit
un homme d'une probité reconnue ,
et un excellent sujet dans sa profession;
il jouoit ordinairement dans les Pieces
Italiennes , en habit de Noble Venitien ,
et sous le Masque , d'une maniere inimitable.
Les amateurs de la Comedie
Italienne le regrettent fort. Son jeu étoit
naturel , plein d'action , animé et dans
le vrai goût de son païs. Il a été inhumé
à S. Eustache sa Paroisse , aprés avoir
reçu tous ses Sacremens .
,
Le 12. les mêmes Comédiens remirent
au Theatre la Parodie du Mari joueur, et
de la Femme bigotte , Scenes Italiennes
jouées sur le Theatre de l'Opera. La Damoiselle
Thomassin doubla pour la premiere
fois le Rôle de Serpilla , qu'elle
joua avec beaucoup de vivacité , et fut
fort aplaudie.
La
JANVIER. 1731 . 149
Le 24. les mêmes Comediens donnerent
la premiere Représentation d'une
petite Comédie en vers Alexandrins , et
en un acte , intitulée Bolus , qui a été
reçuë fort favorablement du public , C'est
une Parodie de la Tragedie nouvelle de
Brutus , qui a été Jouée au Theatre François.
On en parlera plus au long.
Le 28 Decembre , Fête des SS . Innocens
on ouvrit , selon la coutume
les Theatres de Rome , et on représenta
sur celui de Capranica , l'Opera de l'Adone
, Roy de Chipre ; et sur celui de
Don Dominique Walle , des Comédies
à l'improviste.
démie Royale de Musique , qui continue
toujours
148 MERCURE DE FRANCE
toujours les Représentations de Phaéton ,
avec un tres-grand concours , donna le
premier Bal de cette année sur le Théatre
de l'Opera , qu'elle continuera de
donner differens jours de la semaine ,
pendant le Carnaval .
›
Les Comédiens Italiens ont perdu l'un
de leurs meilleurs sujets , en la personne
de Pierre Alborghet , natif de Venise
connu sous le nom de Pantalon , qui
mourut le 4 de ce mois , âgé d'environ
55 ans , après une longue maladie . C'étoit
un homme d'une probité reconnue ,
et un excellent sujet dans sa profession;
il jouoit ordinairement dans les Pieces
Italiennes , en habit de Noble Venitien ,
et sous le Masque , d'une maniere inimitable.
Les amateurs de la Comedie
Italienne le regrettent fort. Son jeu étoit
naturel , plein d'action , animé et dans
le vrai goût de son païs. Il a été inhumé
à S. Eustache sa Paroisse , aprés avoir
reçu tous ses Sacremens .
,
Le 12. les mêmes Comédiens remirent
au Theatre la Parodie du Mari joueur, et
de la Femme bigotte , Scenes Italiennes
jouées sur le Theatre de l'Opera. La Damoiselle
Thomassin doubla pour la premiere
fois le Rôle de Serpilla , qu'elle
joua avec beaucoup de vivacité , et fut
fort aplaudie.
La
JANVIER. 1731 . 149
Le 24. les mêmes Comediens donnerent
la premiere Représentation d'une
petite Comédie en vers Alexandrins , et
en un acte , intitulée Bolus , qui a été
reçuë fort favorablement du public , C'est
une Parodie de la Tragedie nouvelle de
Brutus , qui a été Jouée au Theatre François.
On en parlera plus au long.
Le 28 Decembre , Fête des SS . Innocens
on ouvrit , selon la coutume
les Theatres de Rome , et on représenta
sur celui de Capranica , l'Opera de l'Adone
, Roy de Chipre ; et sur celui de
Don Dominique Walle , des Comédies
à l'improviste.
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Résumé : « Le 6 Janvier, Fête des Rois, l'Académie Royale de Musique [...] »
Le 6 janvier, l'Académie Royale de Musique a organisé le premier bal de l'année au Théâtre de l'Opéra, marquant la Fête des Rois avec des représentations de 'Phaéton'. Ces bals se poursuivront divers jours de la semaine pendant le Carnaval. Le 4 janvier, les Comédiens Italiens ont perdu Pierre Alborghet, connu sous le nom de Pantalon, décédé à environ 55 ans après une longue maladie. Natif de Venise, il était reconnu pour sa probité et son excellence dans sa profession. Il jouait souvent dans des pièces italiennes en habit de noble vénitien et sous le masque. Il a été inhumé à l'église Saint-Eustache. Le 12 janvier, les Comédiens Italiens ont repris la parodie du 'Mari joueur' et de 'la Femme bigotte', avec la demoiselle Thomassin interprétant Serpilla pour la première fois. Le 24 janvier, ils ont présenté 'Bolus', une petite comédie en vers alexandrins parodiant la tragédie 'Brutus'. Le 28 décembre, les théâtres de Rome ont ouvert avec la représentation de l'opéra 'l'Adone, Roy de Chipre' et des comédies improvisées.
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68
p. 339-340
« Le Samedi 10. de ce mois, les Comédiens François donnerent [...] »
Début :
Le Samedi 10. de ce mois, les Comédiens François donnerent [...]
Mots clefs :
Représentation, Comédie, Tragédie, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Samedi 10. de ce mois, les Comédiens François donnerent [...] »
Ldiens François donnerent la premiere
Représentation de la Comédie de l'Effet
de la Prévention , en un Acte , en Prose ,.
avec un Divertissement à la fin . Elle n'a
pas été rejoüée.
Lc
340 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. ils représenterent à la Cour la
Tragédie d'Ariane et la petite Comédie
du Balet Extravagant. La Dlle La Traverse
joüa le principal Rôle dans la Tragédie ,
et y fut fort applaudie , ainsi que dans
celui de Roxane , dans Bajazet qu'on joiia
le 20. Cette Actrice , petite- fille du feu
sieur Baron , a été reçue sur le pied de
demi-part.
Les mêmes Comédiens joüerent aussi à
la Cour le 15. la Comédie du Médisant
et leMariage forcé. Le 22. la Devineresse , et
le 27. Mědée et le Bon Soldat.
Représentation de la Comédie de l'Effet
de la Prévention , en un Acte , en Prose ,.
avec un Divertissement à la fin . Elle n'a
pas été rejoüée.
Lc
340 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. ils représenterent à la Cour la
Tragédie d'Ariane et la petite Comédie
du Balet Extravagant. La Dlle La Traverse
joüa le principal Rôle dans la Tragédie ,
et y fut fort applaudie , ainsi que dans
celui de Roxane , dans Bajazet qu'on joiia
le 20. Cette Actrice , petite- fille du feu
sieur Baron , a été reçue sur le pied de
demi-part.
Les mêmes Comédiens joüerent aussi à
la Cour le 15. la Comédie du Médisant
et leMariage forcé. Le 22. la Devineresse , et
le 27. Mědée et le Bon Soldat.
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Résumé : « Le Samedi 10. de ce mois, les Comédiens François donnerent [...] »
Le texte décrit des représentations théâtrales à la cour par des comédiens français. Le 13, ils jouèrent 'Ariane' et 'Le Balet Extravagant'. La Traverse interpréta Ariane et Roxane dans 'Bajazet' le 20. D'autres pièces comme 'Le Médisant', 'Le Mariage forcé', 'La Devineresse', 'Médée' et 'Le Bon Soldat' furent également représentées. 'La Comédie de l'Effet de la Prévention' fut jouée une seule fois avec un divertissement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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69
p. 340-342
« On continuë toujours la Tragédie d'Amasis, dont on a [...] »
Début :
On continuë toujours la Tragédie d'Amasis, dont on a [...]
Mots clefs :
Amasis, Tragédie, Comédiens-Italiens
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texteReconnaissance textuelle : « On continuë toujours la Tragédie d'Amasis, dont on a [...] »
On continue toujours la Tragédie d'Amasis
, dont on a déja donné 16. Représentations
, et le Public ne se lasse pas de
la voir et de l'applaudir . Cette Piéce est
de M. de la Grange ; nous en avons déja
parlé , mais nous nous sommes trompés
en disant que c'étoit sa seconde Tragédie,
c'est la cinquième des huit que nous connoissons
de ce Poëte , qui sont :
Adherbal ,
Oreste et Pilade ,
Meleagre ,
Athenaïs
Amasis ,
Alceste ,
Ino et Melicerte ,
Sophonisbe, qui n'a point été imprimée.
On
FEVRIER . 1731. 341
que
On peut en ajoûter une neuvième du
même Auteur , sous le titre d'Erigone
les Comédiens ont lûë & reçûë depuis
quelques jours et qu'on met au- dessus
d'Amasis pour la diction & pour l'interêt.
Nous en rendrons compte quand on
la jouëra .>
La Piéce nouvelle d'Alcibiade , en vers
et en trois Actes , fut représentée le Samedi
23 de ce mois , et tres- applaudie du
public.Elle est fort bien écrite et fort bien
representée. Nous en parlerons plus aų
long.
L'Académie Royale de Musique continue
toujours,avec un tres- grand concours,
l'Opéra de Phaeton . On a changé la disposition
de quelques Rôles, et on les trouve
plus avantageusement remplis ; celui
de Climene est joué par la Dlle Herremans,
et celui de Théone , par la De Pélissier
dont on connoît les grands talens pour
le goût du chant et l'action théatrale.
L'interêt qu'elle a sçu mettre dans ce Rôle
, augmente beaucoup le nombre de ses
partisans. La Dlle le Maure , dont la voix
est si admirable , joue toujours le Rôle
de Lybie et la De Petitpas , celui
d'Astrée.
On donna les deux derniers jours de
Carnaval, le Balet du Carnaval et de laFolie,
avec
242 MERCURE DE FRANCE
avec les Divertissemens du Cariselli et de
Pourseaugnac , de M. Lully. Pieces tresconvenables
au tems qu'on les a données,
et dans lesquelles le sieur Tribou met au
tant de vivacité que de gayeté.
Le 7 Janvier , on representa à Naples ;
le nouvel Opéra, d'Arthemise , qui eut
beaucoup de succès .
On a representé à Venise , sur le Theatre
de Saint Ange , le nouvel Opera du
Triomphe de la Constance ; et sur celui de
S. Jean Chrisostome, celui de Sireé, Roy
de Perse.
Le 14 , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation d'une
Piece nouvelle, en Prose et en trois Actes,
qui a pour titre : Lafausse Inconstance , qui n'a pas été goutée
du public
.
Le 15. les mêmes Comédiens représenterent
à la Cour le Jeu de l'Amour et du
Hazard , et Arlequin Hulla.
, dont on a déja donné 16. Représentations
, et le Public ne se lasse pas de
la voir et de l'applaudir . Cette Piéce est
de M. de la Grange ; nous en avons déja
parlé , mais nous nous sommes trompés
en disant que c'étoit sa seconde Tragédie,
c'est la cinquième des huit que nous connoissons
de ce Poëte , qui sont :
Adherbal ,
Oreste et Pilade ,
Meleagre ,
Athenaïs
Amasis ,
Alceste ,
Ino et Melicerte ,
Sophonisbe, qui n'a point été imprimée.
On
FEVRIER . 1731. 341
que
On peut en ajoûter une neuvième du
même Auteur , sous le titre d'Erigone
les Comédiens ont lûë & reçûë depuis
quelques jours et qu'on met au- dessus
d'Amasis pour la diction & pour l'interêt.
Nous en rendrons compte quand on
la jouëra .>
La Piéce nouvelle d'Alcibiade , en vers
et en trois Actes , fut représentée le Samedi
23 de ce mois , et tres- applaudie du
public.Elle est fort bien écrite et fort bien
representée. Nous en parlerons plus aų
long.
L'Académie Royale de Musique continue
toujours,avec un tres- grand concours,
l'Opéra de Phaeton . On a changé la disposition
de quelques Rôles, et on les trouve
plus avantageusement remplis ; celui
de Climene est joué par la Dlle Herremans,
et celui de Théone , par la De Pélissier
dont on connoît les grands talens pour
le goût du chant et l'action théatrale.
L'interêt qu'elle a sçu mettre dans ce Rôle
, augmente beaucoup le nombre de ses
partisans. La Dlle le Maure , dont la voix
est si admirable , joue toujours le Rôle
de Lybie et la De Petitpas , celui
d'Astrée.
On donna les deux derniers jours de
Carnaval, le Balet du Carnaval et de laFolie,
avec
242 MERCURE DE FRANCE
avec les Divertissemens du Cariselli et de
Pourseaugnac , de M. Lully. Pieces tresconvenables
au tems qu'on les a données,
et dans lesquelles le sieur Tribou met au
tant de vivacité que de gayeté.
Le 7 Janvier , on representa à Naples ;
le nouvel Opéra, d'Arthemise , qui eut
beaucoup de succès .
On a representé à Venise , sur le Theatre
de Saint Ange , le nouvel Opera du
Triomphe de la Constance ; et sur celui de
S. Jean Chrisostome, celui de Sireé, Roy
de Perse.
Le 14 , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation d'une
Piece nouvelle, en Prose et en trois Actes,
qui a pour titre : Lafausse Inconstance , qui n'a pas été goutée
du public
.
Le 15. les mêmes Comédiens représenterent
à la Cour le Jeu de l'Amour et du
Hazard , et Arlequin Hulla.
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Résumé : « On continuë toujours la Tragédie d'Amasis, dont on a [...] »
En février 1731, la tragédie 'Amasis' de M. de la Grange connaît un succès notable avec 16 représentations. Cette pièce est la cinquième des huit tragédies connues de l'auteur, qui incluent également 'Adherbal', 'Oreste et Pilade', 'Meleagre', 'Athenaïs', 'Alceste', 'Ino et Melicerte', et 'Sophonisbe', cette dernière n'ayant pas été imprimée. Une neuvième tragédie, 'Erigone', a été lue et reçue par les comédiens et est considérée supérieure à 'Amasis' pour la diction et l'intérêt. La pièce nouvelle 'Alcibiade', en vers et en trois actes, a été représentée le 23 février et a été très applaudie. L'Académie Royale de Musique poursuit la représentation de l'opéra 'Phaeton' avec un grand succès, avec des rôles redistribués à des artistes reconnues. Les deux derniers jours de Carnaval ont vu la représentation du ballet 'Le Carnaval et la Folie', ainsi que des divertissements de 'Cariselli et Pourseaugnac'. À Naples, l'opéra 'Arthemise' a été représenté avec succès. À Venise, deux nouveaux opéras ont été présentés : 'Le Triomphe de la Constance' et 'Sireé, Roy de Perse'. Les Comédiens Italiens ont donné la première représentation de 'La fausse Inconstance' le 14 février, sans succès, et ont joué 'Le Jeu de l'Amour et du Hazard' et 'Arlequin Hulla' à la Cour le 15 février.
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70
p. 342-357
Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 17. Le Naufrage, et Bolus, Parodie de la nouvelle [...]
Mots clefs :
Tragédie, Parodie, Médecins, Brutus , Représentation, Scène, Discours, Amour
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texteReconnaissance textuelle : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 17.Le Naufrage , et Bolus, Parodie de
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
Fermer
Résumé : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte décrit une parodie de tragédie intitulée 'Le Naufrage, et Bolus', représentée pour la première fois en février 1731. L'action se déroule dans l'École de Médecine, où les médecins sont réunis. Bolus, s'adressant à ses collègues, mentionne un ennemi, Tufquin, qui envoie un représentant, la Sonde, pour négocier. Coclicola, un médecin, refuse de recevoir la Sonde, mais Bolus insiste pour l'accueillir. La Sonde, accompagnée de Syrop, entre et demande pourquoi Tusquin est persécuté. Bolus répond que Tusquin a perdu la protection des médecins en raison de ses actions. La Sonde accuse les médecins de tyrannie et de monopoliser les soins aux malades. Bolus et les médecins jurent de rester fidèles à leurs principes et de ne pas trahir leur serment. La Sonde, à son tour, jure la guerre au nom de Tusquin. La scène se poursuit avec l'arrivée de Massacra, qui discute avec la Sonde des conspirateurs contre les médecins. Tutie, la fille de Tusquin, est impliquée dans une intrigue amoureuse avec Tetu, un médecin. Tetu est déchiré entre son amour pour Tutie et sa loyauté envers les médecins. Massacra et la Sonde tentent de convaincre Tetu de trahir les médecins pour épouser Tutie. Tetu, après une confrontation avec Tutie, décide de se rallier à Tusquin. Bolus, informé de la conspiration, découvre que son fils Tetu et Viperinus sont impliqués. Malgré les preuves, Bolus doute de la culpabilité de son fils. La pièce se termine par l'interrogatoire de Tetu par Bolus, laissant en suspens la résolution du conflit. Le texte mentionne également la première représentation de la pièce 'Arlequin Phaeton', une parodie d'un opéra contemporain, composée par Dominique et Romagnesi, qui a été bien accueillie par le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
71
p. 357-365
L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Début :
Le 3 Février, l'Ouverture de la Foire S. Germain [...]
Mots clefs :
Foire, Théâtre, Psyché, Amour, Vénus, Zéphyr, Tragédie, Comédie, Curiosité, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 3 Février , l'Ouverture de la Foire S. Ger
main fut faite par le Lieutenant General de Police
, en la maniere accoûtumée.
Le même jour , l'Opera Comique fit aussi
P'ouverture de son Théatre , rue de Bussy , par
une Piece nouvelle en trois Actes , composée de
Chants et de Danses , qui a pour titre l'Escla
vage de Psiché , dont voici un petit Extrait.
Au premier Acte , l'Amour seul ouvre la Scene
et se plaint des maux causez par la curiosité de
Psyché
358 MERCURE DE FRANCE
Psiché, et de ce qu'elle est tombée entre les mains
de Venus ; qu'il ne sçait quel traitement elle reçoit
de la Déesse , mais qu'il en sera bien-tôt
me- éclairci par l'ordre qu'il a donné à Pierrot ,
tamorphosé en Zéphire , pour s'informer de ce
qui se passe.
Egle , Confidente de Venus , vient apprendre à
l'Amour que Venus est fort irritée de son Mariage
clandestin , et que la Déesse traite Psiché
avec la derniere rigueur ; P'Amour est penetré de
douleur à cette nouvelle , il dit qu'il est prêt d'oublier
tout ce qu'il doit à sa mère, et qu'elle verra
bien - tôt que son fils est son Maître. Eglé engage
l'Amour à secourir Psyché , et lui conseille de
prendre le parti de la douceur.
Zéphire promet à son Maître de' mettre tout
en usage pour le servir et pour délivrer Psyché
des mauvais traitemens qu'elle reçoit. Eglé demande
à Zéphire si Flore est contente de le voir
dans cet équipage , à quoi Zéphire répond qu'elle
en a été charmée .
Eglé apprend encore à l'Amour que Venus doit
envoyerPsyché à la Fontaine de Jouvence pour lui
en apporter
de l'eau ; mais que comme cette Fontaine
est gardée par un Monstre horrible , elle ne
lui a donné cette commission que pour la faire
périr .
L'Amour voyant le danger où sa chere Psyché
va être exposée , prend le parti de se métamorphoser
lui-même pour la garentir , Zéphire lui
dit qu'il peut prendre relle figure qu'il lui plaira
à l'exemple de son Grand Papa Jupiter , et charte
sur l'Air des Fraises
Pour Europe et pour Leda ,
Soe Amourfut sans bornes ,
Carpour l'une il s'empluma ,
Et
FEVRIER. 1731. 359
Et pour l'autre il emprunta ,
Des cornes , des cornes , des cornes .
Le Théatre change et représente la Fontaine
de Jouvence.
Psyché paroît seule plus touchée de se voir séparée
de son cher Epoux , que du danger où elle
va s'exposer ; elle se met en devoir de s'acquiter
de sa commission ; un Choeur se fait entendre ,
qui lui annoncé qu'elle va périr si elle avance .
Elle approche cependant de la Fontaine ; aspect
du Monstre la fait tomber évanouie sur un gason.
L'Amour et Zéphire paroissent travestis en Musiciens
, Zéphire joue un Menuet Italien qui endort
le Monstre , après quoi l'Amour fait remplir
le vase que Psyché a apporté , et le laisse à
ses pieds. Psyché revenuë de sa frayeur , est fort
étonnée de voir les ordres de Venus executez sans
sçavoir à qui elle est redevable de ce secours.
Elle se retire .
Venus paroît au milieu de sa Cour,dans une profonde
rêverie ; les Graces tâchent de la dissiper et
vantent ses charmes . On annonce le retour de Psyché
qui présente ce Vase rempli d'eau à Venus qui
en est très-étonnée . Elle charge encore Psyché d'une
commiffion qui n'est pas moins difficile. Elle
lui ordonne de concilier une Troupe de Comédiens,
et de chasser la discorde qui regne ordinairement
dans leurs Assemblées: Les Comédiens
paroissent , disputent avec animosité , se querelÎent
sur une distribution de Rôles ; Psychẻ tâche
en vain de les racommoder, et se retire ;
en même
tems un petit Amour paroît en l'air , secouë son
flambeau , aussi – tôt la dispute des Comediens
cesse , et ils sont d'accord
-
Zéphire apprend à Eglé, au second Acte, comment
Psyché a été secourue par l'Amour sous la
figure
360 MERCURE DE FRANCE
figure d'un Berger , contre la fureur des Beliers
du Soleil , ausquels elle vient d'être exposée par
un nouvel ordre de Venus , sous prétexte d'avoir
de leur Toison pour faire une Robbe ; Eglé confeille
à Psyché d'aller porter ce present à la Reine
de Cythere pour la calmer.
Venus irritée de plus en plus contre Psyché
l'expose encore à une nouvelle épreuve . Elle lui
ordonne d'engager à restitution un fameux Usurier
, qui par un Acte falsifié a ruiné une famille
orpheline , et la menace d'une mort certaine si
elle n'en vient pas à bout.L'Amour et Zéphire, en
Robbes , arrivent , et proposent d'accommoder
cette affaire , Zéphire dit à l'Usurier que tôt ou
tard il faut se rendre à l'Arbitre que voilà ( montrant
l'Amour , ) l'Usurier rend le bien qu'il a injustement
acquis , et épouse une fille de la famille
orpheline.
Psyché dit à l'Amour qu'elle lui a trop
d'obli
gation pour ne pas le prier de ne la pas quitter
si - tôt , &c. Venus paroît , qui entend qu'on ne
parle pas d'elle avantageusement . Elle ordonne à
Psyché de se retirer . Zéphire dit à l'Amour que
Venus ne les reconnoît point , et qu'il faut tenir
bon; Vénus continuë de plaisanter avec eux , et leur
sçait bon gré , dit-elle , de s'interesser pour Psyché
, que cependant,afin qu'elle ne soit plus à portée
d'être secouruë , elle va la faire partir pour les
Enfers.
L'Amour accablé de douleur dit qu'il n'est pas
permis aux Dieux de descendre au Royaume som
Bre, et qu'il n'est plus à portée de secourir sa chere
Psyché , il ordonna à Zéphire de rassembler
tous les Zéphirs , afin qu'ils puissent transporter
dans un instant et sans danger Psyché fur les Rives
infernales , Zéphire obéit à cet ordre ; l'Aour
fait une invocation aux Dieux et se retire..
Le
FEVRIER. 1731. 361
Le Théatre représente le Palais de Pluton , on
vient annoncer à ce Dieu l'arrivée d'une Mortelle
dans son Empire. Psyché lui remet une Lettre de
la part de Venus , par laquelle elle le prie de lui
envoyer une Boëte remplie du fard de Porserpine.
Pluton ordonne à ses Sujets de rompre le si
lence, et de celebrer la presence de Psyché par un
Divertissement , après lequel il remet la Boëte à
Psyché , et la renvoye ; il chante sur l'Air la
Curiosité.
Les Dieux vous ont donné plus que toute autre
femme.
La beauté.
Au doux tyran des coeurs , vous causez de la
flâme ,
La rareté !
Pourjouir de ces biens , banissez de votre ame ,
La curiosité.
Le Théatre représente au troisiéme Acte une
Forêt , et dans le fond l'Antre d'Averne.
Apeine Psyché est -elle sortie des Enfers , qu'el
Te est tentée d'ouvrir la Boëte ; les deffenses que
Pluton lui a faites d'y regarder , lui font croire
qu'elle renferme un fard précieux ; elle espere par
ce moyen rétablir ses charmes alterez par le
voyage, elle se met à l'écart crainte d'être apperçue.
L'Amour et Zéphire arrivent en habits de
Chasseurs , ils cherchent Psyché de tous côtez , er
pendant qu'ils s'entretiennent d'elle , ils entendent
une voix plaintive; ils prêtent l'oreille tandis que
Psyché , pâle et défigurée , dit qu'en ouvrant la
Boëte une vapeur lui a offusqué les yeux , que
tout a disparu, et qu'elle n'y a trouvé qu'un Bilfet
qu'elle lit.
Psyche
362 MERCURE DE FRANCE
Psiché , tu n'as plus de beauté ;
Ta vaine curiosité ,
Vient de la faire disparoître 5
Ton visage est affreux , et telle est ta laideur
Que ceuxdont le secours soulageoit ta douleur,
Ne pourront plus te reconnoître.
-
Psyché déplore son malheur , s'accuse elle
même, et dit que les Dieux ne la traitent pas encore
comme elle mérite. L'Amour surpris d'entendre
parler de Psyché â une personne qu'il croit
étrangere , l'aborde dans le dessein d'apprendre
de ses nouvelles ; Psyché 1appelle en peu de mots
tous ses ma.heurs , dont le plus grand est celui
d'avoir ouvert une Boëte qui lui a fait perdre
tous ses charmes. A ce portrait , dit-elle , et aux
pleurs qui coulent de mes yeux , ne reconnoissez-
vous pas cette malheureuse Psyché. L'Amour
saisi d'éteonnement et de tendresse , se fait
connoître et dit à sa chere Psyché , que c'est lui
qui a causé tous ses maux ; mais qu'elle ne doit
point s'allarmer , que sa beauté lui sera renduë
puisqu'il va remonter aux Cieux ; Psyché veut
P'en empêcher , et dit qu'il vaudroit mieux faire
un dernier effort pour toucher Venus. Zéphire
est d'avis d'implorer l'assistance de Cybelle pour
fléchir Vénus . L'Amour prend ce parti et ordonne
à Zéphire de conduire Psyché à Cythere . En
cet endroit le Théatre change et représente les
Jardins de Vénus.
Eglé et une autre Nimphe se plaignent de la
tristesse qui regne dans la Cour de Venus depuis
la division de la Mere et du Fils . Vénus , arrive
qui une foule de mécontens fait les mêmes reproches
, Cybelle , qui survient , se joint à eux et
chante sur l'Air : Ce beau jour ne permet que
l'Aurore , de l'Opera de Phaeton.
FEVRIER . 1731 . 363
Recevez en ces lieux de Cybelle ,
La visite et quelques avis ,
Au sujet de l'Amour votre Fils.
Quelle triste nouvelle ! .
Quels maux ! quels ennuis !
Quelle haine mortelle ,
Dans tous les esprits ;
L'Amour plaît , il est la douceur même ,
Ce Dieu charmant nous enchante tous ;
Lorsque chacun l'aime ,
Le haïrez-vous ?
Venus.
Se peut- il, sage immortelle ,
En verité ,
Que mon Fils rebelle ,
Ait mérité ,
Tant de bonté.
Cybelle.
Du destin des Mortels il dispose ,
Quand je le sers >
Je soutiens la cause ,
De tout l'univers.
L'Amour vient se jetter aux pieds de Vénus
et tâche de la fléchir par des sentimens de soumission
et de tendresse . Venus lui répond et
chante sur l'Air : Quand on a prononcé ce malheureux
ani.
Hous
364 MERCURE DE FRANCE
Vous avez pris plaisir à braver votre Meře ,
Et vous avez détruit tout ce que j'ai sçu fairez
Voyons à cette fois si vous l'emporterez i
Si contre mes desseins vous vous déclarerez.
Voilà , continue Venus , le supplice que j'ai
réservé à votre Amante. Psyché paroît en même-
temps au fond du Théatre dans un lieu enchanté
, environnée des Graces , des Ris et des
Jeux, qui forment le Divertissement , pour celebrer
l'Hymen de l'Amour et de Psyché , après
lequel , Zéphire , qui a suivi Cybelle aux Cieux,
arrive et apporte pour present de Nôces un Brevet
de Déesse et une promesse de la part des
Dieux que la volupté naîtra de Psyché .
L
VAUDEVILLE.
Amour m'a rendu la maîtresse
D'un Plumet rempli d'ardeur ,
Avant de payer sa tendresse ,
Consulte-toi bien , mon coeur ,
Il est galant, attentif à complaire ;
Plaire ,
Est son unique objet ;
Mais rarement on voit un Mousquetaire ,
Taire ,
Les faveurs qu'on lui fait.
Le 12. on donna une autre petite Piece d'un
Acte à la suite de la premiere , intitulée la Fausse
Ridicule , qui fut reçue très favorablement du Public
, et dont nous parlerons plus au long.
Le
FEVRIER. 1731. 365
Le 20. on donna à la place de l'Esclavage de
Pfyché une Piece nouvelle qui a pour titre Cydippe
, précedée d'un Prologue , avec un Divertissement.
On doit construire incessamment une Salle et
un Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de
la Foire S. Germain , pour les Spectacles qui en
dépendent : voici ce qui donne lieu à cet établissement
, autorisé par un Arrêt du Conseil.
main fut faite par le Lieutenant General de Police
, en la maniere accoûtumée.
Le même jour , l'Opera Comique fit aussi
P'ouverture de son Théatre , rue de Bussy , par
une Piece nouvelle en trois Actes , composée de
Chants et de Danses , qui a pour titre l'Escla
vage de Psiché , dont voici un petit Extrait.
Au premier Acte , l'Amour seul ouvre la Scene
et se plaint des maux causez par la curiosité de
Psyché
358 MERCURE DE FRANCE
Psiché, et de ce qu'elle est tombée entre les mains
de Venus ; qu'il ne sçait quel traitement elle reçoit
de la Déesse , mais qu'il en sera bien-tôt
me- éclairci par l'ordre qu'il a donné à Pierrot ,
tamorphosé en Zéphire , pour s'informer de ce
qui se passe.
Egle , Confidente de Venus , vient apprendre à
l'Amour que Venus est fort irritée de son Mariage
clandestin , et que la Déesse traite Psiché
avec la derniere rigueur ; P'Amour est penetré de
douleur à cette nouvelle , il dit qu'il est prêt d'oublier
tout ce qu'il doit à sa mère, et qu'elle verra
bien - tôt que son fils est son Maître. Eglé engage
l'Amour à secourir Psyché , et lui conseille de
prendre le parti de la douceur.
Zéphire promet à son Maître de' mettre tout
en usage pour le servir et pour délivrer Psyché
des mauvais traitemens qu'elle reçoit. Eglé demande
à Zéphire si Flore est contente de le voir
dans cet équipage , à quoi Zéphire répond qu'elle
en a été charmée .
Eglé apprend encore à l'Amour que Venus doit
envoyerPsyché à la Fontaine de Jouvence pour lui
en apporter
de l'eau ; mais que comme cette Fontaine
est gardée par un Monstre horrible , elle ne
lui a donné cette commission que pour la faire
périr .
L'Amour voyant le danger où sa chere Psyché
va être exposée , prend le parti de se métamorphoser
lui-même pour la garentir , Zéphire lui
dit qu'il peut prendre relle figure qu'il lui plaira
à l'exemple de son Grand Papa Jupiter , et charte
sur l'Air des Fraises
Pour Europe et pour Leda ,
Soe Amourfut sans bornes ,
Carpour l'une il s'empluma ,
Et
FEVRIER. 1731. 359
Et pour l'autre il emprunta ,
Des cornes , des cornes , des cornes .
Le Théatre change et représente la Fontaine
de Jouvence.
Psyché paroît seule plus touchée de se voir séparée
de son cher Epoux , que du danger où elle
va s'exposer ; elle se met en devoir de s'acquiter
de sa commission ; un Choeur se fait entendre ,
qui lui annoncé qu'elle va périr si elle avance .
Elle approche cependant de la Fontaine ; aspect
du Monstre la fait tomber évanouie sur un gason.
L'Amour et Zéphire paroissent travestis en Musiciens
, Zéphire joue un Menuet Italien qui endort
le Monstre , après quoi l'Amour fait remplir
le vase que Psyché a apporté , et le laisse à
ses pieds. Psyché revenuë de sa frayeur , est fort
étonnée de voir les ordres de Venus executez sans
sçavoir à qui elle est redevable de ce secours.
Elle se retire .
Venus paroît au milieu de sa Cour,dans une profonde
rêverie ; les Graces tâchent de la dissiper et
vantent ses charmes . On annonce le retour de Psyché
qui présente ce Vase rempli d'eau à Venus qui
en est très-étonnée . Elle charge encore Psyché d'une
commiffion qui n'est pas moins difficile. Elle
lui ordonne de concilier une Troupe de Comédiens,
et de chasser la discorde qui regne ordinairement
dans leurs Assemblées: Les Comédiens
paroissent , disputent avec animosité , se querelÎent
sur une distribution de Rôles ; Psychẻ tâche
en vain de les racommoder, et se retire ;
en même
tems un petit Amour paroît en l'air , secouë son
flambeau , aussi – tôt la dispute des Comediens
cesse , et ils sont d'accord
-
Zéphire apprend à Eglé, au second Acte, comment
Psyché a été secourue par l'Amour sous la
figure
360 MERCURE DE FRANCE
figure d'un Berger , contre la fureur des Beliers
du Soleil , ausquels elle vient d'être exposée par
un nouvel ordre de Venus , sous prétexte d'avoir
de leur Toison pour faire une Robbe ; Eglé confeille
à Psyché d'aller porter ce present à la Reine
de Cythere pour la calmer.
Venus irritée de plus en plus contre Psyché
l'expose encore à une nouvelle épreuve . Elle lui
ordonne d'engager à restitution un fameux Usurier
, qui par un Acte falsifié a ruiné une famille
orpheline , et la menace d'une mort certaine si
elle n'en vient pas à bout.L'Amour et Zéphire, en
Robbes , arrivent , et proposent d'accommoder
cette affaire , Zéphire dit à l'Usurier que tôt ou
tard il faut se rendre à l'Arbitre que voilà ( montrant
l'Amour , ) l'Usurier rend le bien qu'il a injustement
acquis , et épouse une fille de la famille
orpheline.
Psyché dit à l'Amour qu'elle lui a trop
d'obli
gation pour ne pas le prier de ne la pas quitter
si - tôt , &c. Venus paroît , qui entend qu'on ne
parle pas d'elle avantageusement . Elle ordonne à
Psyché de se retirer . Zéphire dit à l'Amour que
Venus ne les reconnoît point , et qu'il faut tenir
bon; Vénus continuë de plaisanter avec eux , et leur
sçait bon gré , dit-elle , de s'interesser pour Psyché
, que cependant,afin qu'elle ne soit plus à portée
d'être secouruë , elle va la faire partir pour les
Enfers.
L'Amour accablé de douleur dit qu'il n'est pas
permis aux Dieux de descendre au Royaume som
Bre, et qu'il n'est plus à portée de secourir sa chere
Psyché , il ordonna à Zéphire de rassembler
tous les Zéphirs , afin qu'ils puissent transporter
dans un instant et sans danger Psyché fur les Rives
infernales , Zéphire obéit à cet ordre ; l'Aour
fait une invocation aux Dieux et se retire..
Le
FEVRIER. 1731. 361
Le Théatre représente le Palais de Pluton , on
vient annoncer à ce Dieu l'arrivée d'une Mortelle
dans son Empire. Psyché lui remet une Lettre de
la part de Venus , par laquelle elle le prie de lui
envoyer une Boëte remplie du fard de Porserpine.
Pluton ordonne à ses Sujets de rompre le si
lence, et de celebrer la presence de Psyché par un
Divertissement , après lequel il remet la Boëte à
Psyché , et la renvoye ; il chante sur l'Air la
Curiosité.
Les Dieux vous ont donné plus que toute autre
femme.
La beauté.
Au doux tyran des coeurs , vous causez de la
flâme ,
La rareté !
Pourjouir de ces biens , banissez de votre ame ,
La curiosité.
Le Théatre représente au troisiéme Acte une
Forêt , et dans le fond l'Antre d'Averne.
Apeine Psyché est -elle sortie des Enfers , qu'el
Te est tentée d'ouvrir la Boëte ; les deffenses que
Pluton lui a faites d'y regarder , lui font croire
qu'elle renferme un fard précieux ; elle espere par
ce moyen rétablir ses charmes alterez par le
voyage, elle se met à l'écart crainte d'être apperçue.
L'Amour et Zéphire arrivent en habits de
Chasseurs , ils cherchent Psyché de tous côtez , er
pendant qu'ils s'entretiennent d'elle , ils entendent
une voix plaintive; ils prêtent l'oreille tandis que
Psyché , pâle et défigurée , dit qu'en ouvrant la
Boëte une vapeur lui a offusqué les yeux , que
tout a disparu, et qu'elle n'y a trouvé qu'un Bilfet
qu'elle lit.
Psyche
362 MERCURE DE FRANCE
Psiché , tu n'as plus de beauté ;
Ta vaine curiosité ,
Vient de la faire disparoître 5
Ton visage est affreux , et telle est ta laideur
Que ceuxdont le secours soulageoit ta douleur,
Ne pourront plus te reconnoître.
-
Psyché déplore son malheur , s'accuse elle
même, et dit que les Dieux ne la traitent pas encore
comme elle mérite. L'Amour surpris d'entendre
parler de Psyché â une personne qu'il croit
étrangere , l'aborde dans le dessein d'apprendre
de ses nouvelles ; Psyché 1appelle en peu de mots
tous ses ma.heurs , dont le plus grand est celui
d'avoir ouvert une Boëte qui lui a fait perdre
tous ses charmes. A ce portrait , dit-elle , et aux
pleurs qui coulent de mes yeux , ne reconnoissez-
vous pas cette malheureuse Psyché. L'Amour
saisi d'éteonnement et de tendresse , se fait
connoître et dit à sa chere Psyché , que c'est lui
qui a causé tous ses maux ; mais qu'elle ne doit
point s'allarmer , que sa beauté lui sera renduë
puisqu'il va remonter aux Cieux ; Psyché veut
P'en empêcher , et dit qu'il vaudroit mieux faire
un dernier effort pour toucher Venus. Zéphire
est d'avis d'implorer l'assistance de Cybelle pour
fléchir Vénus . L'Amour prend ce parti et ordonne
à Zéphire de conduire Psyché à Cythere . En
cet endroit le Théatre change et représente les
Jardins de Vénus.
Eglé et une autre Nimphe se plaignent de la
tristesse qui regne dans la Cour de Venus depuis
la division de la Mere et du Fils . Vénus , arrive
qui une foule de mécontens fait les mêmes reproches
, Cybelle , qui survient , se joint à eux et
chante sur l'Air : Ce beau jour ne permet que
l'Aurore , de l'Opera de Phaeton.
FEVRIER . 1731 . 363
Recevez en ces lieux de Cybelle ,
La visite et quelques avis ,
Au sujet de l'Amour votre Fils.
Quelle triste nouvelle ! .
Quels maux ! quels ennuis !
Quelle haine mortelle ,
Dans tous les esprits ;
L'Amour plaît , il est la douceur même ,
Ce Dieu charmant nous enchante tous ;
Lorsque chacun l'aime ,
Le haïrez-vous ?
Venus.
Se peut- il, sage immortelle ,
En verité ,
Que mon Fils rebelle ,
Ait mérité ,
Tant de bonté.
Cybelle.
Du destin des Mortels il dispose ,
Quand je le sers >
Je soutiens la cause ,
De tout l'univers.
L'Amour vient se jetter aux pieds de Vénus
et tâche de la fléchir par des sentimens de soumission
et de tendresse . Venus lui répond et
chante sur l'Air : Quand on a prononcé ce malheureux
ani.
Hous
364 MERCURE DE FRANCE
Vous avez pris plaisir à braver votre Meře ,
Et vous avez détruit tout ce que j'ai sçu fairez
Voyons à cette fois si vous l'emporterez i
Si contre mes desseins vous vous déclarerez.
Voilà , continue Venus , le supplice que j'ai
réservé à votre Amante. Psyché paroît en même-
temps au fond du Théatre dans un lieu enchanté
, environnée des Graces , des Ris et des
Jeux, qui forment le Divertissement , pour celebrer
l'Hymen de l'Amour et de Psyché , après
lequel , Zéphire , qui a suivi Cybelle aux Cieux,
arrive et apporte pour present de Nôces un Brevet
de Déesse et une promesse de la part des
Dieux que la volupté naîtra de Psyché .
L
VAUDEVILLE.
Amour m'a rendu la maîtresse
D'un Plumet rempli d'ardeur ,
Avant de payer sa tendresse ,
Consulte-toi bien , mon coeur ,
Il est galant, attentif à complaire ;
Plaire ,
Est son unique objet ;
Mais rarement on voit un Mousquetaire ,
Taire ,
Les faveurs qu'on lui fait.
Le 12. on donna une autre petite Piece d'un
Acte à la suite de la premiere , intitulée la Fausse
Ridicule , qui fut reçue très favorablement du Public
, et dont nous parlerons plus au long.
Le
FEVRIER. 1731. 365
Le 20. on donna à la place de l'Esclavage de
Pfyché une Piece nouvelle qui a pour titre Cydippe
, précedée d'un Prologue , avec un Divertissement.
On doit construire incessamment une Salle et
un Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de
la Foire S. Germain , pour les Spectacles qui en
dépendent : voici ce qui donne lieu à cet établissement
, autorisé par un Arrêt du Conseil.
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Résumé : L'Esclavage de Psyché, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 3 février, la Foire Saint-Germain débuta avec l'intervention du Lieutenant Général de Police et l'ouverture de la saison de l'Opéra Comique, qui présenta la pièce 'L'Esclavage de Psyché' en trois actes. Dans le premier acte, l'Amour se plaint des souffrances causées par la curiosité de Psyché et son emprisonnement par Vénus. Egle, confidente de Vénus, révèle que Vénus est en colère à cause du mariage clandestin de l'Amour et traite Psyché avec sévérité. L'Amour décide de secourir Psyché avec l'aide de Zéphire, transformé en Zéphyr. Vénus envoie Psyché à la Fontaine de Jouvence, gardée par un monstre, pour la faire périr. L'Amour se métamorphose pour protéger Psyché, qui échappe au monstre grâce à l'intervention de l'Amour et de Zéphire. Dans le deuxième acte, Psyché est soumise à de nouvelles épreuves par Vénus, mais elle est secourue par l'Amour. Vénus, de plus en plus irritée, envoie Psyché aux Enfers pour récupérer une boîte remplie du fard de Proserpine. Par curiosité, Psyché ouvre la boîte, ce qui lui fait perdre sa beauté. L'Amour, après l'avoir cherchée, la retrouve défigurée et lui promet de restaurer sa beauté. Le troisième acte se déroule dans les jardins de Vénus, où Cybèle intervient pour réconcilier Vénus et l'Amour. Psyché est finalement transformée en déesse et célèbre son hymen avec l'Amour. Le 12 février, une autre pièce, 'La Fausse Ridicule', fut bien accueillie par le public. Le 20 février, une nouvelle pièce intitulée 'Cydippe' fut présentée. Par ailleurs, un arrêt du Conseil autorisa la construction d'une salle et d'un théâtre dans l'enceinte de la foire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 365-366
Nouveau Théatre qu'on va construire, [titre d'après la table]
Début :
Les anciens Sindics et en charge de tous les Proprietaires [...]
Mots clefs :
Syndic, Propriétaires, Loges, Foire, Théâtre, Marchands
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouveau Théatre qu'on va construire, [titre d'après la table]
Les anciens Sindics er en charge de tous les
Proprietaires des Loges situées dans l'enclos et
sous le couvert de la Foire S. Germain des Prez ,
ayant présenté une Requête au Roy dès l'année
derniere , contenant qu'ils ont remarqué que depuis
que les Loges des Spectacles établis dans le
Preau de ladite Foire ont été démolies , la plûpart
de celles du dedans , tenues par des Marchands
, ont cessé d'être louées , ou ne l'ont été
qu'à très-bas prix ; et que même lors de la derniere
Foire plusieurs Marchands ont préferé de
fermer celles qu'ils y avoient loüées au hazard
de ne point vendre , ni recevoir dequoy se rembourser
de leurs frais ; lesdits Proprietaires à qui
ces Loges tiennent lieu d'un Patrimoine considerable
, ou qui les ont reçues en dot sur la foy
des Privileges de Foire , ont la douleur depuis
quelques années de voir cette portion de leur
subsistance diminuer à chaque Foire ; ce qui les
a obligés à convoquer une assemblée de tous les
Proprietaires , pour aviser aux moyens de remettre
leurs Loges en quelque valeur , et ils ont
crû que le seul expédient , pour prévenir leur
ruine totale , étoit de faire construire une Salle de
Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de la
Foire , ce qui procurera l'agrément et la commodité
du Public , qui depuis quelques années.
cat
1
1
265 MERCURE DE FRANCE.
est obligé d'aller de ladite Foire à des rues éloi
gnées pour assister aux Spectacles qui en dépendent
; ainsi les Marchands pourront trouver dans
la frequentation de la Foire , devenue pour lors
un lieu de Spectacle et de promenade tout en
semble , le debit certain de leurs marchandises
et les Proprietaires rentreront par là dans la
jouissance d'un revenu dont la privation les a
fort incommodés , etc. Sur quoy
LE ROI a homologué , approuvé et autorisé
la déliberation desdits Proprietaires de ladite
Foire , et a permis par Arrest de son Conseil du
25 Novembre dernier l'établissement d'une Salle
de Spectacles dans l'Enceinte et entre les deux
Halles couvertes de ladite Foire , dans les rues
et endroits designés par ladite deliberation ,
nomme le Lieutenant General de Police Com →
missaire en cette partie , en cas de contestations
empêchemens et oppositions , à l'occasion dudit
Etablissement , etc.
Proprietaires des Loges situées dans l'enclos et
sous le couvert de la Foire S. Germain des Prez ,
ayant présenté une Requête au Roy dès l'année
derniere , contenant qu'ils ont remarqué que depuis
que les Loges des Spectacles établis dans le
Preau de ladite Foire ont été démolies , la plûpart
de celles du dedans , tenues par des Marchands
, ont cessé d'être louées , ou ne l'ont été
qu'à très-bas prix ; et que même lors de la derniere
Foire plusieurs Marchands ont préferé de
fermer celles qu'ils y avoient loüées au hazard
de ne point vendre , ni recevoir dequoy se rembourser
de leurs frais ; lesdits Proprietaires à qui
ces Loges tiennent lieu d'un Patrimoine considerable
, ou qui les ont reçues en dot sur la foy
des Privileges de Foire , ont la douleur depuis
quelques années de voir cette portion de leur
subsistance diminuer à chaque Foire ; ce qui les
a obligés à convoquer une assemblée de tous les
Proprietaires , pour aviser aux moyens de remettre
leurs Loges en quelque valeur , et ils ont
crû que le seul expédient , pour prévenir leur
ruine totale , étoit de faire construire une Salle de
Theatre dans l'Enceinte et sous le couvert de la
Foire , ce qui procurera l'agrément et la commodité
du Public , qui depuis quelques années.
cat
1
1
265 MERCURE DE FRANCE.
est obligé d'aller de ladite Foire à des rues éloi
gnées pour assister aux Spectacles qui en dépendent
; ainsi les Marchands pourront trouver dans
la frequentation de la Foire , devenue pour lors
un lieu de Spectacle et de promenade tout en
semble , le debit certain de leurs marchandises
et les Proprietaires rentreront par là dans la
jouissance d'un revenu dont la privation les a
fort incommodés , etc. Sur quoy
LE ROI a homologué , approuvé et autorisé
la déliberation desdits Proprietaires de ladite
Foire , et a permis par Arrest de son Conseil du
25 Novembre dernier l'établissement d'une Salle
de Spectacles dans l'Enceinte et entre les deux
Halles couvertes de ladite Foire , dans les rues
et endroits designés par ladite deliberation ,
nomme le Lieutenant General de Police Com →
missaire en cette partie , en cas de contestations
empêchemens et oppositions , à l'occasion dudit
Etablissement , etc.
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Résumé : Nouveau Théatre qu'on va construire, [titre d'après la table]
Les anciens Sindics, représentant les propriétaires des loges de la Foire Saint-Germain-des-Prés, ont adressé une requête au roi. Ils ont noté que, depuis la démolition des loges des spectacles dans le préau, les loges intérieures des marchands ne sont plus louées ou le sont à bas prix. Lors de la dernière foire, plusieurs marchands ont fermé leurs loges par crainte de ne pas vendre leurs marchandises. Les propriétaires, considérant ces loges comme un patrimoine important, voient leur subsistance diminuer. Pour remédier à cette situation, ils ont décidé de construire une salle de théâtre dans l'enceinte de la foire afin d'attirer le public et d'augmenter la fréquentation des marchands. Le roi a approuvé cette initiative par un arrêt de son conseil du 25 novembre dernier, permettant ainsi l'établissement d'une salle de spectacles. Le lieutenant général de police est nommé commissaire pour régler les contestations éventuelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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73
p. 397-382
ITALIE.
Début :
Le 9. Janvier, on publia à Rome un Decret du Pape, par lequel il est defendu aux Ecclesiastiques [...]
Mots clefs :
Rome, Décret, Naples, Parme, Florence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALIE.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
E 9. Janvier , on publia à Rome un Decret
du Pape , par lequel il est deffendu aux Ecclesiastiques
habitués des cinq Eglises Basilicales
de cette Ville d'y entrer autrement qu'en soutane.
Vers le soir , quelques prisonniers des prisons
secrettes ayant mis le feu aux portes de leurs .
cachots , dans l'esperance de se sauver , ils furent
tous étoufés par la fumée.
M. Firrao , ci - devant Nonce en Portugal , quis
a été nommé à l'Evêché d'Aversa , ne se rendra
pas dans son Diocèse aussi -tôt qu'on le croyoit ,
parceque le Pape qui prend beaucoup de confiance
en lui , veut le retenir auprès de sa personne .
du
Le Cardinal Fini a reçû ordre de la part
Cardinal Secretaire d'Etat de ne plus se trouver à
la Congrégation du S. Office , et le Pape a approuvé
la résolution que le Cardinal Coscia a
prise de ne plus assister à la même Congrégation
et à celles de l'Immunité et d'Avignon .
Sur la fin du mois dernier , on publia à Rome:
une Constitution du Pape , portant confirmation :
de la Bulle que le Pape Paul IV . donna en 1555%
par laquelle le plus ancien Cardinal Evêque qui
se trouve en cette Ville a droit de faire les fons-
H vj tions
380 MERCURE DE FRANCE
. tions de Doyen du Sacré College , lorsque le
Décanat est vacant , ou que le Doyen du Sacré
College est absent . La même Constitution regle
aussi les prérogatives des autres Cardinaux de
l'ordre des Evêques.
La Princesse Clementine Sobieska a fait venir :
de Flandres douze Religieuses de l'Observance
de la Regle de Sainte Ursule , pour reformer le
Monastere des Ursulines de Rome.
Le 19. du mois dernier , le Cardinal de Poli
gnac fit représenter dans son Palais une Comédie
, à laquelle il avoit fait inviter la principale
noblesse de Rome.
•
Le 20. on fit dans l'Eglise de Sainte Agnez ,
hors des murs , la benediction des deux Agneaux,
dont la laine remise entre les mains du Pape par
le Chapitre de S. Jean de Latran , doit servir à
fabriquer l'étoffe dont on fait les Pallium , que
S. S. donne aux Archevêques et à quelques Evêques
..
On écrit de Naples que le Duc de Monteleon,
Pignatelli ayant fait représenter dans son Palais
une Créche magnifique , autour de laquelle il
avoit fait placer des Joueurs d'instrumens habil
lez en Bergers. Il donna le 3 de Janvier un Concert
magnifique , auquel le Viceroy , la Comtesse
d'Arrach , son Epouse , leurs enfans , et la
principale Noblesse furent invitez , Après le Con
cert il y eut un Bal , qui fut ouvert par la fille
du Comte d'Harrach , et continué par la Duchesse
de Monteleon , er par seize autres Dames :
on y servit toutes sortes de rafraîchissemens , er
le Palais fut illuminé pendant toute la nuit.
Le 4 de ce mois , après midy , le Colonel
Comte de Lineville , Lorrain , envoya chez le
Duc de Monteleon le Colonel Comte de Sinzendorf,
qu'il avoit choisi pour son second , avec
un
FEVRIER . 1731. 381
in Cartel , par lequel il demandoit raison à ce
Duc de ce que la Marquise Viteleschi n'avoit pas
été invitée à la Fête dont on a parlé , le Duc
repondit qu'il étoit prêt de combattre dans la
Place de sainte Marie des Anges , au Bourg de
S. Antoine , et qu'il choisissoit le Colone! Papalardo
, Napolitain , pour son second . L'heure du
combat avoit été marquée au lendemain ; mais
le soir le Comte d'Harrach envoya ordre au
Duc de Monteleon , et à toute sa famille , de ne
point sortir de son Palais , et toute la Noblesse
qui prend part à cette querelle , travaille à un
accommodement , lequel a été fait le 15 , à ce
qu'on a appris depuis , par l'entremise des amis
communs qui ont obligé le Duc de Monteleon-
Pignatelli et le Comte de Lineville de donner
leur parole d'honneur d'oublier le passé .
On a appris de Parme que le surlendemain de
la mort du Duc , le Comte Stampe y arriva de
Milan , et depuis le Comte de Thaun a fait entrer
dans cette Ville quelques- uns dès Regimens
d'Infanterie qui étoient en quartier dans les environs
de cet . Etat.
?
Les Lettres de Genes portent que les Rebelles
de l'Isle de Corse , qu'on croyoit être rentrez
dans leur devoir , étoient venus le 26 Decembre
dernier près de Bastia au nombre de 22000
hommes , dans le dessein de s'emparer du Bourg
de Terra - Vecchia , que l'Evêque de Bastia étant
allé les trouver , les avoit déterminez à se retirer
, en leur promettant d'obtenir le pardon de
quelques-uns de ces Rebelles qu'on tenoit prisonniers
, et dont il fit rendre sur le champ un
certain nombre en échange d'un Officier Genois
et de quelques soldats qui avoient été surpris
dans un poste éloigné de la Ville.
On écrit de Florence , que le s. Janvier , à la
suite
382 MERCURE DE FRANCE
1
suite d'une tempête effroyable , on ressentit
Sienne une violente secousse de tremblement de
terre , qui cependant n'a causé aucun dommage
considerable.
On arrêta au commencement du mois dernier
à Livourne , un Particulier qui donnoit retraite à
quatre voleurs , lesquels depuis deux ans voloient
sur les grands chemins de la Toscane et du Milanez
, en habits de Chasseurs , ayant toujours
sept ou huit chiens et des chevaux avec eux.
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Résumé : ITALIE.
En janvier 1731 à Rome, un décret papal imposa aux ecclésiastiques des cinq églises basilicales de porter la soutane. Parallèlement, des prisonniers tentèrent de s'évader en incendiant leurs cachots, mais périrent asphyxiés par la fumée. M. Firrao, ancien nonce en Portugal, nommé à l'évêché d'Aversa, fut retenu par le pape. Les cardinaux Fini et Coscia cessèrent de participer aux réunions du Saint-Office et d'autres congrégations. Une constitution papale confirma les droits du plus ancien cardinal évêque et régula les prérogatives des autres cardinaux évêques. La princesse Clémentine Sobieska fit venir des religieuses de Flandre pour réformer le monastère des Ursulines de Rome. Le cardinal de Poli organisa une comédie dans son palais. À Sainte-Agnès, la bénédiction des agneaux pour les palliums eut lieu. À Naples, le duc de Monteleon organisa une fête avec concert et bal, mais un duel fut évité grâce à un accommodement. À Parme, des régiments d'infanterie entrèrent en ville après la mort du duc. En Corse, des rebelles tentèrent de s'emparer de Terra-Vecchia mais se retirèrent après une négociation. À Sienne, un tremblement de terre suivit une tempête sans causer de dommages majeurs. À Livourne, un particulier abritant des voleurs fut arrêté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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74
p. 575-577
« Les Comédiens François répresenterent le premier de ce mois à la Cour, [...] »
Début :
Les Comédiens François répresenterent le premier de ce mois à la Cour, [...]
Mots clefs :
Comédie, Tragédie, Théâtre, Académie royale de musique, Opéra, Représentation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François répresenterent le premier de ce mois à la Cour, [...] »
LE
rent le premier de ce mois à la Cour,.
la Comedie du double Veuvage , du feu
sieur Dufresni , et la Comedie nouvelled'Alcibiade,
qui firent beaucoup de plaisir ..
Le 6. la Tragedie de Polieucie , et la petite
Comedie du Deüil.
Le 8. Alcibiade et le double Veuvage .
Le 17. ils donnerent pour la clôture de
leur
576 MERCURE DE FRANCEfeur
Théatre , la Tragedie d'Absalon ;
qui fut bien représentée et fort goutée
par une nombreuse Assemblée. Le sieur
de Montmenil fit un Compliment au Public
, qui fut fort bien reçû .
L'Académie Royale de Musique donna
le s . Mars et le 10. jour de la clôture
du Théatre , deux Représentations de
l'Opera de Thesée , pour les Acteurs
comme cela se pratique toutes les années ;
la Dlle Petitpas chanta une Ariette Italienne
, et la De Camargo dansa à la fin les
caracteres de la Danse avec toute la vivacité
dont elle est capable. On prépare
l'Opera d'Idomenée de M. Campra , pour
être donné à l'ouverture du Théatre.
Le 3. les Comediens
Italiens
représenterent
à la Cour l'Embarras
des Richesses
et le Retour de Tendresse
.
Le 9. ils représenterent à l'Hôtel de
Bourgogne Sanson et la Parodie de Phaeton
, pour la clôture du Théatre ; la De
Thomassin fit le Compliment qu'on fait
ordinairement toutes les années , lequel
fut reçû favorablement.
Le 10. ils jouerent à la Cour la Surprise
de l'Amour et l'Horoscope accompli.
Dile Marguerite Rusca , Epouse du sieur
Thomassin , originaire de Boulogne , l'une
MARS. 1731. 577
ne des Comediennes Italiennes de l'Hôtel
de Bourgogne , connue sous le nom
de Violetta , mourut le dernier Fevrier ,
âgée d'environ 40. ans , après une longue
maladie. Elle joüoit ordinairement dans
les Comedies Italiennes les Rôles de Suivantes
, avec beaucoup de feu. Elle a été
inhumée à S. Laurent sa Paroisse , après
avoir reçû tous ses Sacremens.
LE BOLUS , PARODIE DU BRUTUS.
Par Mr Dominique et Romagnesi , Comédiens
du Roi , représentée le 24. Janvier
dernier , .& c. A Paris , ruë de la
Harpe , chez L. D. Delatour , 1731 .
Nous sommes dispensez de nous arrêter
sur cette Piece, en ayant donné un Extrait
fort étendu dans le Mercure de Février.
rent le premier de ce mois à la Cour,.
la Comedie du double Veuvage , du feu
sieur Dufresni , et la Comedie nouvelled'Alcibiade,
qui firent beaucoup de plaisir ..
Le 6. la Tragedie de Polieucie , et la petite
Comedie du Deüil.
Le 8. Alcibiade et le double Veuvage .
Le 17. ils donnerent pour la clôture de
leur
576 MERCURE DE FRANCEfeur
Théatre , la Tragedie d'Absalon ;
qui fut bien représentée et fort goutée
par une nombreuse Assemblée. Le sieur
de Montmenil fit un Compliment au Public
, qui fut fort bien reçû .
L'Académie Royale de Musique donna
le s . Mars et le 10. jour de la clôture
du Théatre , deux Représentations de
l'Opera de Thesée , pour les Acteurs
comme cela se pratique toutes les années ;
la Dlle Petitpas chanta une Ariette Italienne
, et la De Camargo dansa à la fin les
caracteres de la Danse avec toute la vivacité
dont elle est capable. On prépare
l'Opera d'Idomenée de M. Campra , pour
être donné à l'ouverture du Théatre.
Le 3. les Comediens
Italiens
représenterent
à la Cour l'Embarras
des Richesses
et le Retour de Tendresse
.
Le 9. ils représenterent à l'Hôtel de
Bourgogne Sanson et la Parodie de Phaeton
, pour la clôture du Théatre ; la De
Thomassin fit le Compliment qu'on fait
ordinairement toutes les années , lequel
fut reçû favorablement.
Le 10. ils jouerent à la Cour la Surprise
de l'Amour et l'Horoscope accompli.
Dile Marguerite Rusca , Epouse du sieur
Thomassin , originaire de Boulogne , l'une
MARS. 1731. 577
ne des Comediennes Italiennes de l'Hôtel
de Bourgogne , connue sous le nom
de Violetta , mourut le dernier Fevrier ,
âgée d'environ 40. ans , après une longue
maladie. Elle joüoit ordinairement dans
les Comedies Italiennes les Rôles de Suivantes
, avec beaucoup de feu. Elle a été
inhumée à S. Laurent sa Paroisse , après
avoir reçû tous ses Sacremens.
LE BOLUS , PARODIE DU BRUTUS.
Par Mr Dominique et Romagnesi , Comédiens
du Roi , représentée le 24. Janvier
dernier , .& c. A Paris , ruë de la
Harpe , chez L. D. Delatour , 1731 .
Nous sommes dispensez de nous arrêter
sur cette Piece, en ayant donné un Extrait
fort étendu dans le Mercure de Février.
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Résumé : « Les Comédiens François répresenterent le premier de ce mois à la Cour, [...] »
En mars 1731, plusieurs représentations théâtrales ont eu lieu à la Cour et à l'Hôtel de Bourgogne. Le 1er mars, la Comédie du double Veuvage de Dufresni et la Comédie nouvelle d'Alcibiade ont été jouées. Le 6 mars, la Tragédie de Polyeucte et la petite Comédie du Deuil ont été présentées. Le 8 mars, Alcibiade et le double Veuvage ont été rejoués. Le 17 mars, la Tragédie d'Absalon a marqué la clôture du théâtre, avec un compliment du sieur de Montmenil au public. L'Académie Royale de Musique a donné deux représentations de l'Opéra de Thésée les 1er et 10 mars, avec des performances de la demoiselle Petitpas et Camargo. L'Opéra d'Idoménée de Campra était préparé pour l'ouverture du théâtre. Les Comédiens Italiens ont représenté à la Cour l'Embarras des Richesses et le Retour de Tendresse le 3 mars, et à l'Hôtel de Bourgogne Sanson et la Parodie de Phaéton le 9 mars. La demoiselle Thomassin a fait le compliment annuel. Le 10 mars, ils ont joué à la Cour la Surprise de l'Amour et l'Horoscope accompli. Marguerite Rusca, épouse de Thomassin et comédienne italienne connue sous le nom de Violetta, est décédée en février à l'âge d'environ 40 ans après une longue maladie. Elle jouait souvent les rôles de suivantes dans les comédies italiennes et a été inhumée à Saint-Laurent. La pièce Le Bolus, parodie du Brutus, a été représentée le 24 janvier par les comédiens Dominique et Romagnesi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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75
p. 577-591
Arlequin Phaeton, &c. [titre d'après la table]
Début :
ARLEQUIN PHAETON, Parodie, &c. par les mêmes Auteurs, et chez [...]
Mots clefs :
Parodie, Arlequin, Théâtre, Comédie, Soleil, Trône, Décoration, Scène
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arlequin Phaeton, &c. [titre d'après la table]
ARLEQUIN PHAETON , Parodie ,
&c. par les mêmes Auteurs , et chez le
même Libraire , 1731 .
Cette Piece fut donnée sur le Théatre
de l'Hôtel de Bourgogne le 22. Février
et très -favorablement reçûë du Public.
Le Théatre représente la Mer dans le
fond , Libie ouvre la Scene par ces Vers
parodiez , sur l'Air : Ici sont venus ex
personne.
Heureuse une ame indifferente !
Le bonheur dont j'étois contente ,
Le
378 MERCURE DE FRANCE
Ne me sera-t'il point rendu ?
Dans ces beaux lieux tout est paisible .
Helas ! que ne m'est -il possible ,
D'y trouver ce que j'ai perdu !
C'est un petit coeur ingenu ,
C'est un coeur sincere et fidele ,
Dont je n'avois plus de nouvelle.
Quand une fois l'Amour le prend ,
Jamais le traitre ne le rend.
- Théone s'étonne de voir Libie seule et
rêveuse ; celle-cy lui dit qu'elle vient rêver
aussi en ce lieu , et qu'il est à présumer
qu'elle aime ; oui , lui répond- elle ,
je n'en fais aucun mistere.
Il faut aimer pour éprouver ,
Le plaisir de rêver.
Avoüez , ajoûte- t'elle , que vous en te
nez aussi bien que moi ; sur le Chant de
Opera :
Le Fils de Jupiter vous aime.
Libie.
Je ne serois qu'à lui s'il n'étoit qu'à moi-même.
Vous êtes plus heureuse que moi , contiñue-
t'elle , le fils du Soleil vous plaît .
vous joüissez d'un plein repos. Toutes deux.
Ah !
MARS.
1731. 379
Ah! Madame Enroux ,
>
Que l'Amour est fou ,
Et qu'il fait de folles !
Ah ! Madame Enroux ,
Combien de paroles ,
Ici perdons nous ?
Phaeton arrive tout rêveur. Vous passez
sans me voir , lui dit Théone , craignez-
vous ma presence ? Non , répond- il,
je cherche la Reine , ma Mere. Le bon
enfant , dit Théone. Est - il deffendu de
chercher sa mere , ajoûte Phaeton ? Oui ;
c'est sa Maîtresse qu'il faut chercher.Voilà
une Maîtresse , reprend Phaeton , qui
m'embarrasse autant qu'une femme. Il
affecte beaucoup d'indifference , et voyant
venir sa mere , il dit sur l'Air de l'Opera.
La Reine tourne ici ses pas.
Théone.
C'est bien répondre ; allez , ne vous contraignez
pas.
A la quatriéme Scène , Climene arrive
qui demande à son fils le sujet de son
chagrin , il lui répond que le Roi va se
choisir un Gendre qui doit succeder au
Trône; qu'Epaphus en brigue l'honneur, et
quece sont là les motifs de sa tristesse. Il
no
580 MERCURE DE FRANCE.
ne faut pas être envieux , lui répond Cli.
mene , mais il y a une chose qui m'embarrasse
, ajoûte Phaeton . Le Soleil est
mon pere , n'est- ce pas ? Oüi vraiment ,
répart Climene. Phaeton chante sur l'Air
Vous avez bean faire la fiere.
Comment avez- vous pu faire
Pour engager votre foi
Et de vous ma chere mere
>
Que pensé notre bon Roi ?
Avez-vous passé pour neuve ,
Dans l'esprit de ce butord .
Climene.
Il m'a prise comme veuve.
Phaeton.
Mais le Soleil n'est
pas
mort.
Tout cela me chicanne ; taisez-vous
lui dit Climene , vous êtes un épilogueur.
Prothée va venir ici avec ses Moutons
er je veux le consulter sur ce qui vous
regarde ; retirez-vous. Prothée chante ;
Air de M. Mouret.
Heureux qui peut sur les bords de la Seine ,
Se promener sans rien risquer ;
Heureux ceux que l'espoir d'une amoureuse an
baine ,
Ne force point à s'embarquer.
Dangere
ZWA
NOVUM
BRENNITATS
DUX
ANDEGAVENS NATUS
XXXAUGUSTI
M DCC XXX
PIGNUS
B
MARS.
581
1731.
Dangereux en est le voyage :
Jeunes Amans , craignez l'orage ,
Qui vous fait quelquefois ,
Faire nauffrage ,
A Javelle , au Port à Langlois,
Prothée s'endort. Climene dit à sea
frere Triton , qu'il faut l'obliger à s'expliquer
sur le sort de Phaeton . Triton
sur l'Air, A nos voix unissez vos Hautbois.
Bondissez ,
Petits Agneaux , paisser
Sur ces Rivages ;
Vous, Oiseaux ,
Vous , Chalumeaux ,
Et vous , murmure des Eaux ,
Vous , Feuillages ,
Vous , Ombrages ,
Vous , badins Zéphirs ,
Qui rimez à plaisirs ,
Vous , charmans Bocages ,
Vous , tendres desirs ,
Amoureux Soupirs ,
Et Sornettes
Qu'on a faites ,
Depuis si long-temps ,
Qu'on remet tous les ans ,
Dans les Chansonnettes ,
Remplissez nos Chants.
H Prothée
$82 MERCURE DE FRANCE
Prothée s'éveille , en disant qu'il est -eharmé
de cette Musique , mais que son
Troupeau s'égare , et qu'il ne peut rester
davantage; Triton et ses Suivans l'arrêtent
; il se change successivement en Arbre
, en Asne et en Cochon , en vendeur
de Ptisanne , et en pluye de feu ; ensuite
il paroît sous sa forme ordinaire , et se
voyant obligé de parler , il chante ce qui
suit , sur l'Air de l'Opera.
Puisque vous le voulez , je romprai le silence ,
Le sort de Phaeton se découvre à mes yeux :
Dieux ! que d'argent ; quel monde, ô Dieux !
Il ne doit son succés heureux ,
Qu'à sa magnificence , &c .
Phaeton demande à Climene , dans la
septiéme Scene , ce qu'a dit Prothée ; que
vous mourrez bientôt , lui répond Climene.
Adieu , mon fils , j'espere que
l'amour de Théone l'emportera sur l'ambition
. Phaeton chante sur l'Air , Je suis
Mousquetaire , moi.
He! quoi ! ma mere au besoin m'abandonne.
Climene.
Théone à votre foi.
Phaeton.
Je n'en veux plus ; la gloire me talonne ;
J'aime mieux être Roi.
Climene.
MARS. 1731. 583
Climene.
Mais vous mourrez, si vous montez au Trône.
Phaeton en pleurant.
Je veux la Couronne ,
Moi ,
Je veux la Couronne.
Dans la Scene suivante , Epaphus dít
à Libie , que le Roi vient de lui donner
son congé , et qu'un autre la possedera.
Ils chantent le Duo suivant sur
l'Air , Vendôme.
Que mon sort seroit doux ,
Si je passois avec vous ,
La vie , la vie.
Merops , suivi des Rois Tributaires ,
déclare qu'il a fait choix de Phaeton pour
lui succeder , et qu'il lui accorde Libie.
Il chante sur l'Air , du Mirliton.
De ma fille qu'il demande ;
Volontiers je lui fais don ;
De tous côtez qu'on entende ,
Retentir cent fois le nom ,
Du grand Phaeton ,
Mirliton , mirlitaine ,
Du grand Phaeton , ton , ton.
Après les Chants et les Danses , Théo-
Hij
84 MERCURE DE FRANCE.
ne arrive , et fait des reproches à Phaeton
sur son infidelité. Elle chante sur l'Air ,
La charmante Catin me desespere.
Vous aimez la Princesse à la folie ,
Et votre coeur perfide enfin m'oublie
Oui , l'Amour vous transporte ,
Et vous livre à ses appas.
Phaeton.
Non , le diable m'emporte ,
L'Amour ne s'en mêle pas , la , la :
Je n'épouse que ses ducats.
Theone se retire en pleurant. Phaeton
va rendre hommage à la Déesse Isis , et
se persuade qu'elle le recevra à merveille ,
puisqu'elle est la mere de son Rival ;
mais lorsqu'il veut entrer , une Furie
sort du Temple pour l'épouvanter , &c .
Epaphus en sort , et lui demande ce qu'il
prétend ? Epaphus sur l'Air , Ami , ne
parlons plus de guerre. ·
Votre attente sera trompée ,
Phaeton ;
Ca, commençons
Par ôter chacun notre épée ,
En bons poltrons.
Ils ôtent leurs épées ; Phaeton continuë :
Voilà nos mesures bien prises ,
Et
MARS . 1731.
Et nous pouvons ,
Nous dire toutes les sottises ,
Que nous voudrons.
Sçavez- vous bien que Jupiter est mon
Pere , lui dit Epaphus ; et qu'est- ce que
cela me fait ; le Soleil est le mien , répond
Phaeton . Epaphus : Air , Oniche , ouiche ,
et ouida.
Le grand Jupiter est mon Pere ,
Tout le monde sçait cela ,
Pour vous on ne vous connoît guere.
Phaeton.
Le Soleil est mon Papa.
Ah , ah ,
Epaphus.
ah.
Votre Mere vous dit cela ,
Mais elle triche .
Quiche , ouiche ,
Et ouida.
Ils reprennent leurs épées à la fin de la
Scene , et se font de grandes réverences .
Phaeton en pleurant dit à Climene , qui
entre :
Ah ! ma mere ,
A ce que dit Epaphus ,
bis,
Le Soleil n'est pas mon pere.
Ah ! ma mere. bis.
Hiij Quelle
586 MERCURE DE FRANCE
Quelle insolence , s'écrie Climene. Phaeton
chante sur l'Air : A la Foire , à la
Courtille.
Qu'ici votre coeur s'explique :
Confondrons-nous les jaloux ?
La chose est problématique ,
Car on trompe tant d'Epoux !
Dites ma mere ,
N'auriez-vous point , entre nous ,
Trompé mon pere.
Climene lui assure que le Soleil est son
pere. Vous n'en douterez plus , petit incrédule
, ajoûte-t'elle , voilà une voiture qu'il
vous envoye pour vous conduire à son
Palais. Un vent emporte Phaeton sur
ses épaules. Phaeton : Air , des Fraises.
Mon triomphe éclatera ,
De l'un à l'autre Pole.
Climene.
Partez , mon fils.
Phaeton.
M'y voilà.
Je vole , je vole.
Le Théatre change à la quatorzieme
Scene , et représente le Palais du Soleil ;
cette décoration est une des plus brillantes
MARS.
1731. $87
tes qu'on ait encore vûë sur le Théatre
de l'Hôtel de Bourgogne . Le Soleil représenté
par Trivelin , paroît assis sur
un Trône éclatant ; les heures du jour
forment un Divertissement très -gracieux,,
dont M. Mouret a composé la Musique ; .
Phaeton arrive dans le Palais..
Le Soleil l'embrasse , en lui disant qu'il
le reconnoît pour son fils. Phaston : Air
Marote fait bien la fiere.
Puisqu'il m'est permis , mon pere ,
De vous appeller ainsi ,
Faites donc taire ,
Le témeraire ,
Qui dit que ma mere
En a menti.
Le Soleil.
Quelle langue de vipere !
Que le monde est perverti !
biss
Tu n'as , mon fils , qu'à me demander tout
ce que tu voudras , je te l'accorderai , continue
le Soleil.
J'en jure par le Stix , effroïable serment ,
Que ne pourroit pas même enfraindre un Bas
Normand.
Phaeton : Air , Diogene en son tonneaus .
Dans votre beau chariot :
Hiiij Le
588 MERCURE DE FRANCE
Le Soleil.
4
Oh ! oh !
Phaeton.
De l'Orient jusqu'à l'Ourse ,
Je voudrois bien au grand trot :
Le Soleil.
Oh ! oh !
Phaeton.
Faire une petite course.
Le Soleil.
Diablezot ;
L'entreprise est trop témeraire.
Phacton.
Hé bien ! je n'irai , mon cher
Que de Paris à Chaillot :
Le Soleil.
Oh ! oh ! oh !
perc
Vous tomberez comme un sot.
Phacton lui dit qu'il ne peut plus s'en
dédire , pui qu'il a juré par le Seix enfin
le Soleil consent qu'il conduise son char;
Phaeton sort en s'applaudissant de son
bonheur.
Le Théatre change ; le Soleil paroît à
la
MARS. 1731. 589
la 15. Scene. Climene , Merops et leur,
suite chantent sur l'Air de l'Opera :
Que tout chante , que tout réponde &c.
Climene continuë sur l'Air : Oh reguingué
!
Mon fils éclaire ses jaloux ;
C'est lui qui brille aux yeux de tous.
Merops.
Par quel Courier le sçavez -vous ?
Pour moi je ne sçaurois le croire.
Climene.
On l'a vu de l'Observatoire.
Theone arrive en pleurs , et annonce à
Climene et à Merops que son pere Prothée
lui a dit que Phacton alloit périr ; aussitôt
des flammes se répandent dans les airs .
Phaeton paroît dans le Char du Soleil ;
Jupiter descend , et le foudroye en chantant
::
Malheureux , quel dégat tu fais !
On ne pourra plus boire au frais ;
Culbute , culbute à jamais..
Phaeton trébuche avec son Char ; co
qui finit la Parodie.
Le Palais du Soleil dans la décoration
Hv dont
590 MERCURE DE FRANCE
dont nous avons parlé , est en general d'un
ordre composite , et construit sur un
nombre de magnifiques colonnes isolées et
de pilastres , faisant corps avec les mêmes
colonnes , élevées sur des piédestaux ,
qui supportent entre elles les saillies d'une
riche corniche architravée , sur laquelle
s'éleve le plafond ceintré , désignant sur
les cotés un nombre d'arcades ornées de
bas- reliefs allegoriques et historiques. Au
bas des arcades , immédiatement sur la
corniche on voit de grandes consoles
qui soutiennent des festons de laurier et
d'olivier. Au milieu du plafond est un
percé en rond , qui découvre un Altique ,
où les Signes du Zodiaque sont représentés.
>
Dans le fond est un Salon de forme circulaire
, terminé en coupole , sous laquelle
est placé le Trône du Soleil , élevé de
plusieurs dégrés . Sur le devant il y a une
balustrade ornée de riches tapis avec
deux Grouppes de Génies tenant les Attributs
du Soleil .
ر
La partie du devant du Palais représente
une Gallerie en colonnes et pilastres
qui soutiennent les arcades. Dans les
trumeaux , sur des Piédestaux , sont placées
les Statuës du Soltice d'Eté et l'Equinoxe
du Printems sur des nuées ; le Soltice
d'Hyver et l'Equinoxe de l'Automne
sont sur le devant. Tous
MARS. 1731. 591
1
Tous les ornemens de l'Edifice , comme
Colonnes , Chapiteaux , Base , Piédestaux
, Corniche , Plafond et les Figures
sont en or , et toutes les parties ausquelles
sont adossées les Pilastres qui tiennent
aux corps solides et arrieres - corps , sont
en argent. On avoit placé des panneaux
de lapis aux frises de la Corniche , au
Plafond et aux Piédestaux qui portoient
les Figures et bas - reliefs simboliques , Trophées
et autres Attributs du Soleil . Les
Colonnes jusqu'au tiers de leur hauteur'
étoient enrichies par quantité de pierreries
de diverses couleurs , éclatantes , ainsi
que toutes les autres parties de l'Architecture
.
Cette ingénieuse et brillante décoration
est de M. Le Maire , qui en a donné
plusieurs que le Public a applaudies .
&c. par les mêmes Auteurs , et chez le
même Libraire , 1731 .
Cette Piece fut donnée sur le Théatre
de l'Hôtel de Bourgogne le 22. Février
et très -favorablement reçûë du Public.
Le Théatre représente la Mer dans le
fond , Libie ouvre la Scene par ces Vers
parodiez , sur l'Air : Ici sont venus ex
personne.
Heureuse une ame indifferente !
Le bonheur dont j'étois contente ,
Le
378 MERCURE DE FRANCE
Ne me sera-t'il point rendu ?
Dans ces beaux lieux tout est paisible .
Helas ! que ne m'est -il possible ,
D'y trouver ce que j'ai perdu !
C'est un petit coeur ingenu ,
C'est un coeur sincere et fidele ,
Dont je n'avois plus de nouvelle.
Quand une fois l'Amour le prend ,
Jamais le traitre ne le rend.
- Théone s'étonne de voir Libie seule et
rêveuse ; celle-cy lui dit qu'elle vient rêver
aussi en ce lieu , et qu'il est à présumer
qu'elle aime ; oui , lui répond- elle ,
je n'en fais aucun mistere.
Il faut aimer pour éprouver ,
Le plaisir de rêver.
Avoüez , ajoûte- t'elle , que vous en te
nez aussi bien que moi ; sur le Chant de
Opera :
Le Fils de Jupiter vous aime.
Libie.
Je ne serois qu'à lui s'il n'étoit qu'à moi-même.
Vous êtes plus heureuse que moi , contiñue-
t'elle , le fils du Soleil vous plaît .
vous joüissez d'un plein repos. Toutes deux.
Ah !
MARS.
1731. 379
Ah! Madame Enroux ,
>
Que l'Amour est fou ,
Et qu'il fait de folles !
Ah ! Madame Enroux ,
Combien de paroles ,
Ici perdons nous ?
Phaeton arrive tout rêveur. Vous passez
sans me voir , lui dit Théone , craignez-
vous ma presence ? Non , répond- il,
je cherche la Reine , ma Mere. Le bon
enfant , dit Théone. Est - il deffendu de
chercher sa mere , ajoûte Phaeton ? Oui ;
c'est sa Maîtresse qu'il faut chercher.Voilà
une Maîtresse , reprend Phaeton , qui
m'embarrasse autant qu'une femme. Il
affecte beaucoup d'indifference , et voyant
venir sa mere , il dit sur l'Air de l'Opera.
La Reine tourne ici ses pas.
Théone.
C'est bien répondre ; allez , ne vous contraignez
pas.
A la quatriéme Scène , Climene arrive
qui demande à son fils le sujet de son
chagrin , il lui répond que le Roi va se
choisir un Gendre qui doit succeder au
Trône; qu'Epaphus en brigue l'honneur, et
quece sont là les motifs de sa tristesse. Il
no
580 MERCURE DE FRANCE.
ne faut pas être envieux , lui répond Cli.
mene , mais il y a une chose qui m'embarrasse
, ajoûte Phaeton . Le Soleil est
mon pere , n'est- ce pas ? Oüi vraiment ,
répart Climene. Phaeton chante sur l'Air
Vous avez bean faire la fiere.
Comment avez- vous pu faire
Pour engager votre foi
Et de vous ma chere mere
>
Que pensé notre bon Roi ?
Avez-vous passé pour neuve ,
Dans l'esprit de ce butord .
Climene.
Il m'a prise comme veuve.
Phaeton.
Mais le Soleil n'est
pas
mort.
Tout cela me chicanne ; taisez-vous
lui dit Climene , vous êtes un épilogueur.
Prothée va venir ici avec ses Moutons
er je veux le consulter sur ce qui vous
regarde ; retirez-vous. Prothée chante ;
Air de M. Mouret.
Heureux qui peut sur les bords de la Seine ,
Se promener sans rien risquer ;
Heureux ceux que l'espoir d'une amoureuse an
baine ,
Ne force point à s'embarquer.
Dangere
ZWA
NOVUM
BRENNITATS
DUX
ANDEGAVENS NATUS
XXXAUGUSTI
M DCC XXX
PIGNUS
B
MARS.
581
1731.
Dangereux en est le voyage :
Jeunes Amans , craignez l'orage ,
Qui vous fait quelquefois ,
Faire nauffrage ,
A Javelle , au Port à Langlois,
Prothée s'endort. Climene dit à sea
frere Triton , qu'il faut l'obliger à s'expliquer
sur le sort de Phaeton . Triton
sur l'Air, A nos voix unissez vos Hautbois.
Bondissez ,
Petits Agneaux , paisser
Sur ces Rivages ;
Vous, Oiseaux ,
Vous , Chalumeaux ,
Et vous , murmure des Eaux ,
Vous , Feuillages ,
Vous , Ombrages ,
Vous , badins Zéphirs ,
Qui rimez à plaisirs ,
Vous , charmans Bocages ,
Vous , tendres desirs ,
Amoureux Soupirs ,
Et Sornettes
Qu'on a faites ,
Depuis si long-temps ,
Qu'on remet tous les ans ,
Dans les Chansonnettes ,
Remplissez nos Chants.
H Prothée
$82 MERCURE DE FRANCE
Prothée s'éveille , en disant qu'il est -eharmé
de cette Musique , mais que son
Troupeau s'égare , et qu'il ne peut rester
davantage; Triton et ses Suivans l'arrêtent
; il se change successivement en Arbre
, en Asne et en Cochon , en vendeur
de Ptisanne , et en pluye de feu ; ensuite
il paroît sous sa forme ordinaire , et se
voyant obligé de parler , il chante ce qui
suit , sur l'Air de l'Opera.
Puisque vous le voulez , je romprai le silence ,
Le sort de Phaeton se découvre à mes yeux :
Dieux ! que d'argent ; quel monde, ô Dieux !
Il ne doit son succés heureux ,
Qu'à sa magnificence , &c .
Phaeton demande à Climene , dans la
septiéme Scene , ce qu'a dit Prothée ; que
vous mourrez bientôt , lui répond Climene.
Adieu , mon fils , j'espere que
l'amour de Théone l'emportera sur l'ambition
. Phaeton chante sur l'Air , Je suis
Mousquetaire , moi.
He! quoi ! ma mere au besoin m'abandonne.
Climene.
Théone à votre foi.
Phaeton.
Je n'en veux plus ; la gloire me talonne ;
J'aime mieux être Roi.
Climene.
MARS. 1731. 583
Climene.
Mais vous mourrez, si vous montez au Trône.
Phaeton en pleurant.
Je veux la Couronne ,
Moi ,
Je veux la Couronne.
Dans la Scene suivante , Epaphus dít
à Libie , que le Roi vient de lui donner
son congé , et qu'un autre la possedera.
Ils chantent le Duo suivant sur
l'Air , Vendôme.
Que mon sort seroit doux ,
Si je passois avec vous ,
La vie , la vie.
Merops , suivi des Rois Tributaires ,
déclare qu'il a fait choix de Phaeton pour
lui succeder , et qu'il lui accorde Libie.
Il chante sur l'Air , du Mirliton.
De ma fille qu'il demande ;
Volontiers je lui fais don ;
De tous côtez qu'on entende ,
Retentir cent fois le nom ,
Du grand Phaeton ,
Mirliton , mirlitaine ,
Du grand Phaeton , ton , ton.
Après les Chants et les Danses , Théo-
Hij
84 MERCURE DE FRANCE.
ne arrive , et fait des reproches à Phaeton
sur son infidelité. Elle chante sur l'Air ,
La charmante Catin me desespere.
Vous aimez la Princesse à la folie ,
Et votre coeur perfide enfin m'oublie
Oui , l'Amour vous transporte ,
Et vous livre à ses appas.
Phaeton.
Non , le diable m'emporte ,
L'Amour ne s'en mêle pas , la , la :
Je n'épouse que ses ducats.
Theone se retire en pleurant. Phaeton
va rendre hommage à la Déesse Isis , et
se persuade qu'elle le recevra à merveille ,
puisqu'elle est la mere de son Rival ;
mais lorsqu'il veut entrer , une Furie
sort du Temple pour l'épouvanter , &c .
Epaphus en sort , et lui demande ce qu'il
prétend ? Epaphus sur l'Air , Ami , ne
parlons plus de guerre. ·
Votre attente sera trompée ,
Phaeton ;
Ca, commençons
Par ôter chacun notre épée ,
En bons poltrons.
Ils ôtent leurs épées ; Phaeton continuë :
Voilà nos mesures bien prises ,
Et
MARS . 1731.
Et nous pouvons ,
Nous dire toutes les sottises ,
Que nous voudrons.
Sçavez- vous bien que Jupiter est mon
Pere , lui dit Epaphus ; et qu'est- ce que
cela me fait ; le Soleil est le mien , répond
Phaeton . Epaphus : Air , Oniche , ouiche ,
et ouida.
Le grand Jupiter est mon Pere ,
Tout le monde sçait cela ,
Pour vous on ne vous connoît guere.
Phaeton.
Le Soleil est mon Papa.
Ah , ah ,
Epaphus.
ah.
Votre Mere vous dit cela ,
Mais elle triche .
Quiche , ouiche ,
Et ouida.
Ils reprennent leurs épées à la fin de la
Scene , et se font de grandes réverences .
Phaeton en pleurant dit à Climene , qui
entre :
Ah ! ma mere ,
A ce que dit Epaphus ,
bis,
Le Soleil n'est pas mon pere.
Ah ! ma mere. bis.
Hiij Quelle
586 MERCURE DE FRANCE
Quelle insolence , s'écrie Climene. Phaeton
chante sur l'Air : A la Foire , à la
Courtille.
Qu'ici votre coeur s'explique :
Confondrons-nous les jaloux ?
La chose est problématique ,
Car on trompe tant d'Epoux !
Dites ma mere ,
N'auriez-vous point , entre nous ,
Trompé mon pere.
Climene lui assure que le Soleil est son
pere. Vous n'en douterez plus , petit incrédule
, ajoûte-t'elle , voilà une voiture qu'il
vous envoye pour vous conduire à son
Palais. Un vent emporte Phaeton sur
ses épaules. Phaeton : Air , des Fraises.
Mon triomphe éclatera ,
De l'un à l'autre Pole.
Climene.
Partez , mon fils.
Phaeton.
M'y voilà.
Je vole , je vole.
Le Théatre change à la quatorzieme
Scene , et représente le Palais du Soleil ;
cette décoration est une des plus brillantes
MARS.
1731. $87
tes qu'on ait encore vûë sur le Théatre
de l'Hôtel de Bourgogne . Le Soleil représenté
par Trivelin , paroît assis sur
un Trône éclatant ; les heures du jour
forment un Divertissement très -gracieux,,
dont M. Mouret a composé la Musique ; .
Phaeton arrive dans le Palais..
Le Soleil l'embrasse , en lui disant qu'il
le reconnoît pour son fils. Phaston : Air
Marote fait bien la fiere.
Puisqu'il m'est permis , mon pere ,
De vous appeller ainsi ,
Faites donc taire ,
Le témeraire ,
Qui dit que ma mere
En a menti.
Le Soleil.
Quelle langue de vipere !
Que le monde est perverti !
biss
Tu n'as , mon fils , qu'à me demander tout
ce que tu voudras , je te l'accorderai , continue
le Soleil.
J'en jure par le Stix , effroïable serment ,
Que ne pourroit pas même enfraindre un Bas
Normand.
Phaeton : Air , Diogene en son tonneaus .
Dans votre beau chariot :
Hiiij Le
588 MERCURE DE FRANCE
Le Soleil.
4
Oh ! oh !
Phaeton.
De l'Orient jusqu'à l'Ourse ,
Je voudrois bien au grand trot :
Le Soleil.
Oh ! oh !
Phaeton.
Faire une petite course.
Le Soleil.
Diablezot ;
L'entreprise est trop témeraire.
Phacton.
Hé bien ! je n'irai , mon cher
Que de Paris à Chaillot :
Le Soleil.
Oh ! oh ! oh !
perc
Vous tomberez comme un sot.
Phacton lui dit qu'il ne peut plus s'en
dédire , pui qu'il a juré par le Seix enfin
le Soleil consent qu'il conduise son char;
Phaeton sort en s'applaudissant de son
bonheur.
Le Théatre change ; le Soleil paroît à
la
MARS. 1731. 589
la 15. Scene. Climene , Merops et leur,
suite chantent sur l'Air de l'Opera :
Que tout chante , que tout réponde &c.
Climene continuë sur l'Air : Oh reguingué
!
Mon fils éclaire ses jaloux ;
C'est lui qui brille aux yeux de tous.
Merops.
Par quel Courier le sçavez -vous ?
Pour moi je ne sçaurois le croire.
Climene.
On l'a vu de l'Observatoire.
Theone arrive en pleurs , et annonce à
Climene et à Merops que son pere Prothée
lui a dit que Phacton alloit périr ; aussitôt
des flammes se répandent dans les airs .
Phaeton paroît dans le Char du Soleil ;
Jupiter descend , et le foudroye en chantant
::
Malheureux , quel dégat tu fais !
On ne pourra plus boire au frais ;
Culbute , culbute à jamais..
Phaeton trébuche avec son Char ; co
qui finit la Parodie.
Le Palais du Soleil dans la décoration
Hv dont
590 MERCURE DE FRANCE
dont nous avons parlé , est en general d'un
ordre composite , et construit sur un
nombre de magnifiques colonnes isolées et
de pilastres , faisant corps avec les mêmes
colonnes , élevées sur des piédestaux ,
qui supportent entre elles les saillies d'une
riche corniche architravée , sur laquelle
s'éleve le plafond ceintré , désignant sur
les cotés un nombre d'arcades ornées de
bas- reliefs allegoriques et historiques. Au
bas des arcades , immédiatement sur la
corniche on voit de grandes consoles
qui soutiennent des festons de laurier et
d'olivier. Au milieu du plafond est un
percé en rond , qui découvre un Altique ,
où les Signes du Zodiaque sont représentés.
>
Dans le fond est un Salon de forme circulaire
, terminé en coupole , sous laquelle
est placé le Trône du Soleil , élevé de
plusieurs dégrés . Sur le devant il y a une
balustrade ornée de riches tapis avec
deux Grouppes de Génies tenant les Attributs
du Soleil .
ر
La partie du devant du Palais représente
une Gallerie en colonnes et pilastres
qui soutiennent les arcades. Dans les
trumeaux , sur des Piédestaux , sont placées
les Statuës du Soltice d'Eté et l'Equinoxe
du Printems sur des nuées ; le Soltice
d'Hyver et l'Equinoxe de l'Automne
sont sur le devant. Tous
MARS. 1731. 591
1
Tous les ornemens de l'Edifice , comme
Colonnes , Chapiteaux , Base , Piédestaux
, Corniche , Plafond et les Figures
sont en or , et toutes les parties ausquelles
sont adossées les Pilastres qui tiennent
aux corps solides et arrieres - corps , sont
en argent. On avoit placé des panneaux
de lapis aux frises de la Corniche , au
Plafond et aux Piédestaux qui portoient
les Figures et bas - reliefs simboliques , Trophées
et autres Attributs du Soleil . Les
Colonnes jusqu'au tiers de leur hauteur'
étoient enrichies par quantité de pierreries
de diverses couleurs , éclatantes , ainsi
que toutes les autres parties de l'Architecture
.
Cette ingénieuse et brillante décoration
est de M. Le Maire , qui en a donné
plusieurs que le Public a applaudies .
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Résumé : Arlequin Phaeton, &c. [titre d'après la table]
La pièce 'Arlequin Phaéton' est une parodie jouée au Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne le 22 février 1731, qui a été bien accueillie par le public. L'intrigue se concentre sur Phaéton, fils du Soleil, et ses interactions avec plusieurs personnages, notamment Libie, Théone, Climène et Épaphus. L'histoire commence avec Libie, qui exprime son chagrin et son amour perdu. Théone la rejoint et elles discutent de leurs amours respectives. Phaéton arrive et cherche sa mère, Climène, qui lui révèle que le roi Merops l'a choisi comme successeur et lui accorde Libie. Théone, jalouse, reproche à Phaéton son infidélité. Phaéton, ambitieux, souhaite la couronne et ignore les avertissements de Climène sur les dangers de monter sur le trône. Il se rend au temple d'Isis mais est effrayé par une Furie. Épaphus, rival de Phaéton, le défie, mais leur duel tourne en ridicule. Climène confirme à Phaéton que le Soleil est bien son père et lui envoie une voiture pour le conduire au palais du Soleil. Après avoir été reconnu par le Soleil, Phaéton demande à conduire son char. Malgré les avertissements du Soleil, Phaéton insiste et sort triomphant. La pièce se conclut par la chute de Phaéton, foudroyé par Jupiter après avoir causé des dégâts avec le char du Soleil. La décoration du palais du Soleil est décrite comme somptueuse, avec des éléments architecturaux et décoratifs riches et symboliques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
76
p. 591-593
La fausse Prude, Opera Comique, [titre d'après la table]
Début :
Le 19. Fevrier, l'Opera Comique donna la premiere Représentation d'une [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Mariage, Précieuse, Gentilhomme, Marquis, Divertissement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La fausse Prude, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 19. Fevrier , l'Opera Comique don--
na la premiere Représentation d'une Piéce
, en un Acte , intitulée La Fausse Ridicule
, qui est fort goûtée et fort bien représentée
; la Dlle Le Grand y joue le principal
Rôle , et très bien. Voici un petit
précis de la Piéce .
Lucile est fille de M.et de Madame Jaques -
lin ; elle est promise par son pere à un Gentilhomme
de Province qui a un Château
et une Métairie , et qui ne prend une fem-
H VJ me.
592 MERCURE DE FRANCE
me que pour en avoir soin ; sa mere vcut
la marier à un Marquis qui cherche une
femme intrigante qui pourra contribuer
à le faire vivre plus à son aise , et Orgon,
Oncle de Lucile , vient lui annoncer qu'il
a donné sa parole à Dorante pour être son.
Epoux , sans quoi il desheritera sa niéce
à laquelle il ne laisse son bien qu'à cette
condition. Lucile est fort intriguée d'apprendre
de son pere ; de sa mere et de
son oncle qu'on veut la marier à l'une de
ces trois personnes qu'elle n'a jamais vûes..
Valere , qui est l'Amant aimé , est très allarmé
d'apprendre cette nouvelle , et
trouve le moyen de parler à Lucile ; il
voir ensemble ce qu'on pourra faire dans
cette cruelle , situation . Lucile rassure Valere
, et lui dit qu'elle trouvera bien le
moyen de se défaire de tous ceux que ses
parens veulent qu'elle épouse .
Dorante arrive le premier , et trouve
Lucile , à qui il dit qu'Orgon lui a donnésa
parole pour lui faire épouser sa niéce ;
Lucile prend un air de précieuse et de
ridicule dans toute la conversation qu'elle
á avec Dorante , lequel est tout à fait déconcerté
de trouver dans Lucile un esprit
si extraordinaire , et sort pour aller retirer
sa parole d'Orgon . Le Gentilhomme Campagnardvient
complimenterLucile sur son
futur mariage ; celle- ci affecte un air de
Coquete
MARS. 1731. 193
Coquete outrée › propose au Gentilhomme
de vendre son Château , sa Métairie
et tout le bien qu'il a en Province pour
venir le dépenser à Paris , qui est la source
de tous les plaisirs &c. Le Gentilhomme
aussi étonné que Dorante du caractere de
Lucile , la quitte pour s'en retourner
,
et va trouver M. Jaquelin , pour lui dire
qu'il ne veut plus de sa fille. Le Marquis
arrive enfin , et trouve Lucile qui prend
un air d'innocente
et d'Agnés dans tout
ce qu'elle lui dit ; la conversation
n'est
pas longue ; le Marquis en est si rebuté
qu'il quitte sa future pour aller dire à
Me Jaquelin qu'il n'en veut plus.
Le pere , la mere et l'oncle arrivent un
moment après , avec les trois futurs
Epoux , qui déclarent qu'ils ne s'accomodent
nullement du caractere de Lucile
, et se retirent . Valere survient pour
demander Lucile en mariage à son pere ,
à sa mere et à son oncle , on la lui accorde
sur le champ , d'autant plus que la famille
de Valere est connue de tous les
parens. On célébre le mariage de Lucilo
et de Valere par un Divertissement .
na la premiere Représentation d'une Piéce
, en un Acte , intitulée La Fausse Ridicule
, qui est fort goûtée et fort bien représentée
; la Dlle Le Grand y joue le principal
Rôle , et très bien. Voici un petit
précis de la Piéce .
Lucile est fille de M.et de Madame Jaques -
lin ; elle est promise par son pere à un Gentilhomme
de Province qui a un Château
et une Métairie , et qui ne prend une fem-
H VJ me.
592 MERCURE DE FRANCE
me que pour en avoir soin ; sa mere vcut
la marier à un Marquis qui cherche une
femme intrigante qui pourra contribuer
à le faire vivre plus à son aise , et Orgon,
Oncle de Lucile , vient lui annoncer qu'il
a donné sa parole à Dorante pour être son.
Epoux , sans quoi il desheritera sa niéce
à laquelle il ne laisse son bien qu'à cette
condition. Lucile est fort intriguée d'apprendre
de son pere ; de sa mere et de
son oncle qu'on veut la marier à l'une de
ces trois personnes qu'elle n'a jamais vûes..
Valere , qui est l'Amant aimé , est très allarmé
d'apprendre cette nouvelle , et
trouve le moyen de parler à Lucile ; il
voir ensemble ce qu'on pourra faire dans
cette cruelle , situation . Lucile rassure Valere
, et lui dit qu'elle trouvera bien le
moyen de se défaire de tous ceux que ses
parens veulent qu'elle épouse .
Dorante arrive le premier , et trouve
Lucile , à qui il dit qu'Orgon lui a donnésa
parole pour lui faire épouser sa niéce ;
Lucile prend un air de précieuse et de
ridicule dans toute la conversation qu'elle
á avec Dorante , lequel est tout à fait déconcerté
de trouver dans Lucile un esprit
si extraordinaire , et sort pour aller retirer
sa parole d'Orgon . Le Gentilhomme Campagnardvient
complimenterLucile sur son
futur mariage ; celle- ci affecte un air de
Coquete
MARS. 1731. 193
Coquete outrée › propose au Gentilhomme
de vendre son Château , sa Métairie
et tout le bien qu'il a en Province pour
venir le dépenser à Paris , qui est la source
de tous les plaisirs &c. Le Gentilhomme
aussi étonné que Dorante du caractere de
Lucile , la quitte pour s'en retourner
,
et va trouver M. Jaquelin , pour lui dire
qu'il ne veut plus de sa fille. Le Marquis
arrive enfin , et trouve Lucile qui prend
un air d'innocente
et d'Agnés dans tout
ce qu'elle lui dit ; la conversation
n'est
pas longue ; le Marquis en est si rebuté
qu'il quitte sa future pour aller dire à
Me Jaquelin qu'il n'en veut plus.
Le pere , la mere et l'oncle arrivent un
moment après , avec les trois futurs
Epoux , qui déclarent qu'ils ne s'accomodent
nullement du caractere de Lucile
, et se retirent . Valere survient pour
demander Lucile en mariage à son pere ,
à sa mere et à son oncle , on la lui accorde
sur le champ , d'autant plus que la famille
de Valere est connue de tous les
parens. On célébre le mariage de Lucilo
et de Valere par un Divertissement .
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Résumé : La fausse Prude, Opera Comique, [titre d'après la table]
Le 19 février, l'Opéra Comique présente 'La Fausse Ridicule', une pièce en un acte bien accueillie. La demoiselle Le Grand incarne avec succès le rôle principal de Lucile, fille de M. et Mme Jaquelin. Lucile est promise à un gentilhomme de province par son père, mais sa mère souhaite la marier à un marquis, tandis que son oncle Orgon a donné sa parole à Dorante. Lucile, troublée, rassure son amant Valere de son intention de se défaire de ces prétendants. Dorante, rebuté par l'attitude ridicule de Lucile, retire sa demande. Le gentilhomme de province et le marquis font de même. Les parents et l'oncle de Lucile, accompagnés des trois prétendants, déclarent ne pas s'accommoder de son caractère. Valere demande alors la main de Lucile, que la famille accepte en raison de sa réputation. Le mariage de Lucile et Valere est célébré par un divertissement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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77
p. 593-595
Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 3. Mars, l'Opera Comique donna une petite Piéce nouvelle [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Travestissement, Arlequin, Amour, Divertissement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Le 3. Mars , l'Opera Comique donna
une petite Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée
Isabelle Arlequin , dans laquelle la
Dule Le Grand a joué le Rôle d'Isabelle
déguisée en Arlequin d'une maniere fort
origi-
X
$94 MERCURE DE FRANCE
originale ; elle a été généralement applau
die par de très nombreuses assemblées.
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue,
intitulé Le Badinage , de la Fausse Ridicule,
et des Amours de Nanterre. Ce Divertissement
a continué jusqu'au 17. jour
de la clôture de ce Théatre.
Dans cette Piéce d'Arlequin femelle
Eraste picqué par quelque dépit , quitte
sa Maitresse , et se retire chez Leonor
sa Tante , à une Maison de Campagne.
peu éloignée de Paris . Cette démarche
n'empêche pas que ces deux Amans
ne soient dans une vive impatience de
se revoir , ce qui détermine Isabelle
à se rendre chez Leonor , accompagnée
de son Valet Arlequin ; ne sçachant
comment faire pour voir son cher-
Eraste sans en être connue , elle prend
le parti sur le champ de prendre l'habit
d'Arlequin pour parler à Eraste , et pénétrer
par cette ruse si elle en est toujours
aimée.
”
Isabelle ainsi travestie , arrive chez Leo--
nor , où elle trouve d'abord Olivette aimée
d'Arlequin , et Suivante de Leonor
; le faux Arlequin la prie de lui .
faire parler à Eraste , envoyé , dit-il , de
la part d'Isabelle , sa Maitresse. Eraste ar
rive , et lui demande avec empressement
des nouvelles de sa chere Isabelle , ce Valet
MARS. 1731: 595
let ne manque pas de l'assurer qu'elle conserve
toujours pour lui l'amour le plus
tendre , et qu'elle est dans un mortel dé
plaisir de se voir éloignée de lui &c . Après.
cette conversation qui est fort comique
et fort plaisante de la part d'Arlequin ,
celui- ci dit enfin à Eraste qu'il a une Let
tre à lui remettre de la part d'Isabelle ;
l'Amant transporté de joye à cette nouvelle
, arrache la lettre des mains d'Arlequin
, et apprend enfin que le
la Lettre est Isabelle même. Elle dispaporteur
de
roit après l'avoir renduë. Voici à
peu près
ce que eette Lettre contient :
Jugez de l'excés de mon amour par l'extravagance
du parti que j'ai pris pour sçavoir
vos sentimens à mon égard ; présente
ment que j'en suis convaincuë , je retourne
à Paris , il ne tiendra qu'à vous de me suivre
& c. Eraste sort avec précipitation,
pour aller chercher sa chere Maitresse ..
Le mariage de Lucas , Jardinier de
Leonor , donne lieu au Divertissementqui
termine la Piéce.
une petite Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée
Isabelle Arlequin , dans laquelle la
Dule Le Grand a joué le Rôle d'Isabelle
déguisée en Arlequin d'une maniere fort
origi-
X
$94 MERCURE DE FRANCE
originale ; elle a été généralement applau
die par de très nombreuses assemblées.
Cette Piéce a été précedée d'un Prologue,
intitulé Le Badinage , de la Fausse Ridicule,
et des Amours de Nanterre. Ce Divertissement
a continué jusqu'au 17. jour
de la clôture de ce Théatre.
Dans cette Piéce d'Arlequin femelle
Eraste picqué par quelque dépit , quitte
sa Maitresse , et se retire chez Leonor
sa Tante , à une Maison de Campagne.
peu éloignée de Paris . Cette démarche
n'empêche pas que ces deux Amans
ne soient dans une vive impatience de
se revoir , ce qui détermine Isabelle
à se rendre chez Leonor , accompagnée
de son Valet Arlequin ; ne sçachant
comment faire pour voir son cher-
Eraste sans en être connue , elle prend
le parti sur le champ de prendre l'habit
d'Arlequin pour parler à Eraste , et pénétrer
par cette ruse si elle en est toujours
aimée.
”
Isabelle ainsi travestie , arrive chez Leo--
nor , où elle trouve d'abord Olivette aimée
d'Arlequin , et Suivante de Leonor
; le faux Arlequin la prie de lui .
faire parler à Eraste , envoyé , dit-il , de
la part d'Isabelle , sa Maitresse. Eraste ar
rive , et lui demande avec empressement
des nouvelles de sa chere Isabelle , ce Valet
MARS. 1731: 595
let ne manque pas de l'assurer qu'elle conserve
toujours pour lui l'amour le plus
tendre , et qu'elle est dans un mortel dé
plaisir de se voir éloignée de lui &c . Après.
cette conversation qui est fort comique
et fort plaisante de la part d'Arlequin ,
celui- ci dit enfin à Eraste qu'il a une Let
tre à lui remettre de la part d'Isabelle ;
l'Amant transporté de joye à cette nouvelle
, arrache la lettre des mains d'Arlequin
, et apprend enfin que le
la Lettre est Isabelle même. Elle dispaporteur
de
roit après l'avoir renduë. Voici à
peu près
ce que eette Lettre contient :
Jugez de l'excés de mon amour par l'extravagance
du parti que j'ai pris pour sçavoir
vos sentimens à mon égard ; présente
ment que j'en suis convaincuë , je retourne
à Paris , il ne tiendra qu'à vous de me suivre
& c. Eraste sort avec précipitation,
pour aller chercher sa chere Maitresse ..
Le mariage de Lucas , Jardinier de
Leonor , donne lieu au Divertissementqui
termine la Piéce.
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Résumé : Isabelle Arlequin , &c. [titre d'après la table]
Le 3 mars, l'Opéra Comique a présenté 'Isabelle Arlequin', une pièce en un acte. Dule Le Grand a interprété le rôle d'Isabelle déguisée en Arlequin, suscitant de nombreux applaudissements. La pièce était précédée d'un prologue intitulé 'Le Badinage, de la Fausse Ridicule, et des Amours de Nanterre'. Le spectacle a continué jusqu'au 17 mars. Dans la pièce, Eraste, blessé par un dépit, quitte Isabelle et se retire chez sa tante Leonor. Isabelle, désirant revoir Eraste, se rend chez Leonor déguisée en Arlequin, accompagnée de son valet Arlequin. Elle rencontre Olivette, suivante de Leonor et aimée d'Arlequin. Isabelle demande à Olivette de la faire parler à Eraste, prétendant être envoyée par Isabelle. Eraste, rassuré par Arlequin sur l'amour d'Isabelle, reçoit une lettre révélant la véritable identité d'Isabelle. Transporté de joie, Eraste part chercher Isabelle à Paris. La pièce se termine par le mariage de Lucas, jardinier de Leonor, qui donne lieu à un divertissement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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78
p. 768-771
« Le Mardi 3. de ce mois, les Comédiens François ouvrirent [...] »
Début :
Le Mardi 3. de ce mois, les Comédiens François ouvrirent [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Comédie en vers, Rime, Tragédie, Comédiens-Italiens, Londres, Académie royale de musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Mardi 3. de ce mois, les Comédiens François ouvrirent [...] »
SPECTACLE S.
E Mardi 3. de ce mois , les Comédiens
François ouvrirent leur Theatre
par la Tragedie de Polyeucte , qui fut
suivie de la Comedie d'Alcibiade. Le
Sieur de Montemenil fit un compliment
au Public qui fut fort bien reçu .
Quelques jours après ils remirent au
theatre la Comédie en vers , et en trois
Actes , de l'Ecole des Amans de M. Joli ,
qu'on revoit avec un extrême plaisir ; car
outre que c'est un très bon ouvrage ,
dont les honnêtes, gens et les gens d'esprit
et de goût font beaucoup de cas ,
on peut dire que cette piece est jouée dans
la plus grande perfection . Le Sieur Quinaut
y joue le principal rôle , et le Sieur
de Grandval celui de son rival . Les
Diles Labat et Quinaut y remplis
sent ceux de la Maîtresse et de la Gouvernante
, et les Sieurs Poisson et Montmenil
, joüent les deux valets.
Il vient de paroître une nouvelle edition
de cette Piece , chez Chaubert , Quai
des Augustins , qui doit faire honneur
au Libraire non seulement la correction
, mais par la beauté du papier
, par
ct
AVRIL. 1731. 769
+
et par la netteté des caracteres .
On apprend dans l'avertissement que
M. Joly , auteur de cette excellente Piece
, a non seulement refondu plusieurs
vers , mais encore rétabli des rimes qui
n'étoient pas exactes. Je sçai , dit- il , que
de celebres Poëtes modernes se croyent en
droit de regarder la rime comme un vain
ornement dont notre Poësie peut se pas
ser , ou plutôt comme une servitude incommode
, dont il sied bien à des esprits
superieurs de secouer le joug : présomption
qui seule les affranchit d'une
regle que nos plus grands Maîtres ont respectée.
Pour moi j'ai suivi autant qu'il
m'a été possible , l'exemple de ceux- ci ,
étant bien persuadé qu'un Auteur dont
les Ouvrages ne sont pas sans défauts ,
doit du moins faire ensorte qu'on ne puisse
pas lui reprocher la négligence ou la
singularité.
C
>
Le 14. Les mêmes Comédiens remirent
au Theatre la Tragedie de Saul ,
de M. l'Abbé Nadal , qui eut un fort
grand succez dans sa nouveauté il y a
25. ans , elle n'en a pas moins aujourd'hui.
Le Sieur Dufresne y joüe le principal
rôle. La Dlle Balicour y remplit
celui de la Pythonisse.
Le 3: Avril les Comédiens Italiens
G firent
770 MERCURE DE FRANCE
firent l'ouverture de leur Theatre par
la Comédie de Timon le Misantrope , avec
tous ses agrémens , elle fut suivie de la
petite Piece de l'Isle des Efclaves. Le
Sieur Sticotti fit le compliment qu'on
fait ordinairement toutes les années à la
rentrée du Theatre.
Le 7. ils représenterent à la Cour la
-Double Inconftance , et Arlequin poli par
l'Amour , et le 21. Arlequin Sauvage et
l'Isle des Efclaves.
Le : 11. ils remirent au Théatre le
Trefor fuppofe , Comédie en trois actes ,
avec dés divertissemens , joüée dans sa
nouveauté en Fevrier 1720 .
>
On a représenté à Londres sur les Thea
tres de Drury- Lane et de Lincolns-
Infields , deux Comedies nouvelles , intitulées
le Reffentiment des femmes , et La
Femme Campagnarde .
Le 3. Avril l'Académie Royale de Musique
donna pour l'ouverture du Thea
tre une représentation de Phaeton avec
un très grand concours ; il paroît que
le public ne se lasse point de revoir
ce magnifique Opera.
Le 12. on donna une représentation
de Thesée pour les Acteurs , comme cela
se pratique toutes les années ; la Die.Camargo
AVR FL. 1731 .
77¹
margo , les Sieurs Blondi et Dumoulins
danserent le pas de Trois à la fin de la Piece
, qui fait toûjours beaucoup de plaisir.
E Mardi 3. de ce mois , les Comédiens
François ouvrirent leur Theatre
par la Tragedie de Polyeucte , qui fut
suivie de la Comedie d'Alcibiade. Le
Sieur de Montemenil fit un compliment
au Public qui fut fort bien reçu .
Quelques jours après ils remirent au
theatre la Comédie en vers , et en trois
Actes , de l'Ecole des Amans de M. Joli ,
qu'on revoit avec un extrême plaisir ; car
outre que c'est un très bon ouvrage ,
dont les honnêtes, gens et les gens d'esprit
et de goût font beaucoup de cas ,
on peut dire que cette piece est jouée dans
la plus grande perfection . Le Sieur Quinaut
y joue le principal rôle , et le Sieur
de Grandval celui de son rival . Les
Diles Labat et Quinaut y remplis
sent ceux de la Maîtresse et de la Gouvernante
, et les Sieurs Poisson et Montmenil
, joüent les deux valets.
Il vient de paroître une nouvelle edition
de cette Piece , chez Chaubert , Quai
des Augustins , qui doit faire honneur
au Libraire non seulement la correction
, mais par la beauté du papier
, par
ct
AVRIL. 1731. 769
+
et par la netteté des caracteres .
On apprend dans l'avertissement que
M. Joly , auteur de cette excellente Piece
, a non seulement refondu plusieurs
vers , mais encore rétabli des rimes qui
n'étoient pas exactes. Je sçai , dit- il , que
de celebres Poëtes modernes se croyent en
droit de regarder la rime comme un vain
ornement dont notre Poësie peut se pas
ser , ou plutôt comme une servitude incommode
, dont il sied bien à des esprits
superieurs de secouer le joug : présomption
qui seule les affranchit d'une
regle que nos plus grands Maîtres ont respectée.
Pour moi j'ai suivi autant qu'il
m'a été possible , l'exemple de ceux- ci ,
étant bien persuadé qu'un Auteur dont
les Ouvrages ne sont pas sans défauts ,
doit du moins faire ensorte qu'on ne puisse
pas lui reprocher la négligence ou la
singularité.
C
>
Le 14. Les mêmes Comédiens remirent
au Theatre la Tragedie de Saul ,
de M. l'Abbé Nadal , qui eut un fort
grand succez dans sa nouveauté il y a
25. ans , elle n'en a pas moins aujourd'hui.
Le Sieur Dufresne y joüe le principal
rôle. La Dlle Balicour y remplit
celui de la Pythonisse.
Le 3: Avril les Comédiens Italiens
G firent
770 MERCURE DE FRANCE
firent l'ouverture de leur Theatre par
la Comédie de Timon le Misantrope , avec
tous ses agrémens , elle fut suivie de la
petite Piece de l'Isle des Efclaves. Le
Sieur Sticotti fit le compliment qu'on
fait ordinairement toutes les années à la
rentrée du Theatre.
Le 7. ils représenterent à la Cour la
-Double Inconftance , et Arlequin poli par
l'Amour , et le 21. Arlequin Sauvage et
l'Isle des Efclaves.
Le : 11. ils remirent au Théatre le
Trefor fuppofe , Comédie en trois actes ,
avec dés divertissemens , joüée dans sa
nouveauté en Fevrier 1720 .
>
On a représenté à Londres sur les Thea
tres de Drury- Lane et de Lincolns-
Infields , deux Comedies nouvelles , intitulées
le Reffentiment des femmes , et La
Femme Campagnarde .
Le 3. Avril l'Académie Royale de Musique
donna pour l'ouverture du Thea
tre une représentation de Phaeton avec
un très grand concours ; il paroît que
le public ne se lasse point de revoir
ce magnifique Opera.
Le 12. on donna une représentation
de Thesée pour les Acteurs , comme cela
se pratique toutes les années ; la Die.Camargo
AVR FL. 1731 .
77¹
margo , les Sieurs Blondi et Dumoulins
danserent le pas de Trois à la fin de la Piece
, qui fait toûjours beaucoup de plaisir.
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Résumé : « Le Mardi 3. de ce mois, les Comédiens François ouvrirent [...] »
Le 3 avril 1731, les Comédiens Français inaugurèrent leur théâtre avec la tragédie 'Polyeucte' et la comédie 'Alcibiade'. Le Sieur de Montemenil reçut un accueil favorable pour son compliment. Quelques jours plus tard, ils reprirent 'L'École des Amants' de M. Joly, avec les rôles principaux interprétés par le Sieur Quinaut et le Sieur de Grandval. Une nouvelle édition de cette pièce, corrigée et améliorée, fut publiée chez Chaubert. Le 14 avril, ils jouèrent la tragédie 'Saul' de l'Abbé Nadal, avec le Sieur Dufresne et la Dame Balicour dans les rôles principaux. Le même jour, les Comédiens Italiens ouvrirent leur théâtre avec 'Timon le Misantrope' et 'L'Île des Esclaves'. Les 7 et 21 avril, ils représentèrent respectivement 'La Double Inconstance' et 'Arlequin Sauvage'. Le 11 avril, ils reprirent 'Le Trésor supposé'. À Londres, deux nouvelles comédies, 'Le Ressentiment des femmes' et 'La Femme Campagnarde', furent jouées sur les théâtres de Drury Lane et de Lincoln's Inn Fields. L'Académie Royale de Musique donna une représentation de 'Phaéton' le 3 avril et joua 'Thésée' le 12 avril, avec des danses des Sieurs Blondi et Dumoulins et de la Dame Camargo.
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79
p. 771-779
Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 5. Avril on donne la Tragédie d'Idomenée, qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Prologue, Symphonie, Vénus, Dieux, Outrages, Jalousie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Le s . Avril on donna la Tragedie
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
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Résumé : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
En avril 1731, la tragédie 'Idoménée' a été représentée pour la première fois le 12 janvier 1712. Le poème est de M. Danchet et la musique de M. Campra. L'histoire commence dans les antres d'Éole, où Vénus demande à Éole de libérer les vents pour aider un vainqueur des Troyens. Le premier acte se déroule dans le palais des rois de Crète. Ilione, fille d'Agamemnon, révèle son arrivée en Crète et son mépris pour l'amour du roi Idoménée, mais pas pour celui de son fils Idamante. Idamante déclare son amour à Ilione, qui semble offensée. Arbas annonce faussement la mort d'Idoménée, provoquant la colère d'Électre, jalouse de l'amour entre Idamante et Ilione. Dans le second acte, sur les bords de la mer agitée, Neptune apparaît à Idoménée et lui rappelle un vœu funeste qu'il a fait. Idoménée voit son fils Idamante, qu'il ne reconnaît pas, et qui lui offre son aide. La scène est poignante jusqu'à la reconnaissance. Électre, croyant qu'Idamante la fuit, implore Vénus. Le troisième acte se déroule au port de Sydonie. Idoménée, déchiré entre sa tendresse paternelle et sa jalousie, décide d'éloigner Idamante. Ilione et Électre apparaissent, et Prothée annonce la vengeance de Neptune. Un monstre commence à attaquer. Le quatrième acte se passe dans une campagne agréable. Ilione prie les dieux contre les Crétois. Idamante combat le monstre et survit. Idoménée, croyant avoir apaisé Neptune, décide de céder le trône à Idamante. Le dernier acte se déroule lors du couronnement d'Idamante. Électre, désespérée, sort pour irriter Neptune. Idoménée déclare son abdication en faveur de son fils. Nemesis apparaît et trouble la fête, révélant qu'Idoménée doit payer pour son parricide. Idoménée, rendu furieux, tue son fils par erreur. Les dieux lui rendent la raison pour lui révéler son crime. Ilione conclut la tragédie en demandant que son père vive pour souffrir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
80
p. 1139-1152
Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le Jeudi 21. de ce mois, l'Académie Royale de Musique, donna la premiere [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Scène, Avertissement, Musique, Paroles, Satire, Acte, Fête, Amour, Bergers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
LRO
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
E Jeudi 21. de ce mois , l'Académie
Royale de Musique,donna la premiere
Représentation d'Endymion , Pastorale héroïque
, sans Prologue. Les paroles sont
de M. de Fontenelle , et la Musique , de
M.de Blamont. On apprend dans un petit
Avertissement à la tête du Poëme imprimé
, que cette Piece n'est pas entierement
telle que le Public l'avoit depuis longtemps
imprimée avec d'autres Ouvrages
de la même main.
Pan ouvre la Scene , suivi d'un Satyre
et de Lycoris , Confidente de Diane ; ils
tâchent de le détourner de l'amour qu'il
a pour Diane ; il ne se rend pas à leurs sages
conseils , et s'exprime ainsi .
Je ne sens point mon coeur effrayé des obstacles ,
Pour les surmonter tous, il est d'heureux moiens;
Mais quand l'Amour fait des miracles ,
Ce n'est pas en faveur des timides Amans .
Pan se retire ; Diane vient , Lycoris lui
dit qu'elle est heureuse de ne point trouver
Pan qui vient de quitter ces lieux ,
Giij
ct
140 MERCURE DE FRANCE
et qui n'auroit pas manqué de l'entretenir
d'un amour importun .
La Bergere Ismene vient prier Diane
de la recevoir parmi ses Nymphes. L'indifference
d'Endymion , qu'elle aime encore
, quoiqu'elle se flatte de ne le plus
aimer , est le motif qui la porte à cette
résolution ; Diane se défie d'un desseinsi
précipité , et dit à Ismene qu'elle aime
encore Endymion ; Ismene se sentant trop
presser , dit enfin à la Déesse :
Si j'aime encor , helas ! permettez que j'implora
Votre secours pour n'aimer plus.,
Diane appelle ses Nymphes à qui elle
ordonne de recevoir Ismene parmi elles..
La ceremonie de cette reception fait la
Fête de ce premier Acte ; la Déesse `donne
l'Arc et le Carquois à la nouvelle-
Nymphe..
Après la Fête , Diane qui aime en secret
Endymion, fait entendre qu'Ismene choisit
mal son azile , dans une Cour dont
la Souveraine n'a pû se deffendre d'aimer..
Lycoris n'oublie rien pour la dégager
d'un amour indigne d'un coeur aussi
grand que le sien ; elle lui répond :
Je rougis de ma tendresse ,.
Et non pas de son objet.;,
L'aie
MAY. 1147 17312
L'aimable Berger que j'adore ,
N'a pas besoin d'un rang qui s'attire les yeux
Il a mille vertus que lui-même il ignore ,
Et qui feroient l'orgueil des Dieux.
Le premier Acte finit par ces beaux
Diane chante . Vers
que
Un éternel silence ,
Cachera cet amour dont ma gloire s'offense
En secret seulement j'oserai soupirer :
Je languirai sans esperance ,
Et craindrai même d'esperer.
Au second Acte le Théatre représente
un Temple rustique que les Bergers ont
élevé pour Diane , et qui n'est pas encore
consacré.
Endymion fait connoître ce qui l'engage
à consacrer ce Temple à Diane par
ces Vers qu'il dit à Eurylas, son Confident.
Jamais par des soupirs mon amour ne s'exprime;
par des Autels je le marque sans crine ;
Ce détour , ce déguisement ,
Du moins
Convient à mon respect extrême ,
Et mon coeur pour cacher qu'il aime ,
Feint qu'il adore seulement.
Eurylas combat autant qu'il lui est
Giiij possible
1142 MERCURE DE FRANCE
possible , un amour qui ne peut que condamner
son ami à un supplice éternel.
La consécration du Temple fait la Fête
de ce second Acte ; comme les Bergers
pour faire leur cour à l'insensible Déesse ,
déclament contre l'Amour ; elle vient
elle-même leur imposer silence par ces
Vers :
Bergers , jusqu'en ces lieux votre hommage
m'attire ;
De sinceres respects sçavent charmer les Dieux ;
Mais je dois arrêter des chants audacieux ,
Que trop de zele vous inspire.
Il suffit de fuir les Amours ร
Et d'éviter leur esclavage ;
Mais par de superbes discours ,
Il ne faut pas leur faire outrage.
Diane congédie les Bergers , et fait connoître
à Lycoris pourquoi elle vient de
leur imposer silence ; voici comme elle
s'explique :
Endymion ordonnoit cette Fête ,
Lui , dont mon coeur est la conquête ;
En outrageant l'Amour il croyoit me flatter ;
Excuse ma foiblesse ;
Son erreur blessoit ma tendresse ,
Etje n'ai pû la supporter.
Comme
MAY. 1731 . 1143
Comme Lycoris lui fait entendre qu'elle
veut par là enhardir Endymion à soupirer
pour elle ; la Déesse lui répond ;
Pourrois-je le vouloir, Ciel ! quelle honte ! helas!
Du moins si je le veux , ne le penetre pas.
al-
Le Théatre représente un lieu champêtre
au troisiéme Acte . Le silence que
Diane vient d'imposer aux Bergers dans
l'Acte précedent , occasionne ce qui se
passe dans celui- dans celui - cy . Pan se flatte que la
Déesse n'est plus insensible , puisqu'elle
prend le parti de l'Amour , et ne doute
point que ce ne soit lui qui ait produit
ce grand changement dans le plus superbe
de tous les coeurs ; il sort pour
ler préparer une Fête à l'honneur de la
Déesse , dont il se croit aimé. Endymion
qui vient d'être témoin du triomphe chimerique
du Dieu des Bois , a assez de
facilité pour le croire réel ; il ne peut
supporter que Diane ait fait un choix.
si indigne d'elle ; il se détermine à redemander
Ismene à la Déesse , d'autant plus
que cette Nymphe lui avoit été destinée
pour épouse ; voici comment il s'explique
en parlant à Eurylas :
Toi-même, tu m'as dit qu'en épousant Ismene ;
Et son amour , et mon devoir ,
G v Se
1144 MERCURE DE FRANCE
Se seroient opposez au penchant qui m'en
traîne ;
Je veux essayer leur pouvoir ;
Je veux redemander Ismene à la Déesse ;
Heureux si de ses mains je pouvois recevoir ;
Ce qui doit venger, ma tendresse !;
Diane vient ; Endymion lui redemande
Ismene ; la Déesse en est mortellement
frappée mais elle dissimule sa douleur ,,
et dit à Endymion :
;
Allez ,je résoudrai ce qu'il faut que je fasse ;;
Et vous sçaurez mes volontez.
Diane se trouvant seule , exprime sa
douleur er sa jalousie par ce Monologue ,
Ou suis-je ? Endymion pour Ismene soupire !!
Et moi , je me livrois au charme qui m'attire !
Déja je trahissois le secret de mon feu;
Après une foiblesse inutile et honteuse ,,
Après avoir en vain commencé cet aveu.15.
Quelle vengeance rigoureuse. .....
Mais quoi? ne dois- je pas me croire trop heureuse .
Que l'ingrat m'entende si peu , &c..
Elle forme la résolution de ne point
rendre Ismene, de redevenir Diane , c'està-
dire , mortelle ennemie de l'Amour et
des,
MA Y. 1731. 1145
des Amans ; elle finit cette Scene par ces
deux Vers :
Je vois le Dieu des Bois ; faut- il que je l'entende ?
Ma peine ,ô Ciel ! n'est donc pas assez grande.
Pan , suivi des Faunes , des Sylvains:
et des Driades , déclare hautement son
amour à la Déesse ; il la fait reconnoître
pour Souveraine des lieux où il regne
lui- même ; la Fête étant finie , Diane lui
répond froidement ::
A recevoir vos soins j'ai voulu me contraindre ;
Peut-être en les fuyant j'aurois párû les craindre;
Quan don est trop severe, on se croit en danger ::
Je veux vous annoncer d'une ame plus tranquille
Que votre amour est inutile ,
Et qu'il faut vous en dégager..
Diane se retire ; Pan ne respire que
vengeance , mais le Satyre , son Confident,
lui conseille de ne se venger de cette superbe
Déesse , qu'en formant une nouvelle
chaîne.
Ismene commence le quatrième Acte,,
elle expose ce qui se passe dans son coeur
par ce beau Monologue :
Sombres Forêts , qui charmez la Déesse 7 ,
Doux azile ou coulent mes jours ;
Gvj Plaisirs
1143 MERCURE DE FRANCE
1
Plaisirs nouveaux qui vous offrez sans cesse ,
Pourquoi ne pouvez- vous surmonter ma tristesse
Ah ! j'attendois de vous un plus puissant secours.
Qui peut me rendre encor incertaine , inquiéte §
J'aimois un insensible , et ce que j'ai quitté ,
Ne doit pas être regretté ;
Cependant sans sçavoir ce que mon coeur regrette,
Je le sens toujours agité.
Sombres Forêts , & c.
Diane vient annoncer à Ismene qu'En-
'dymion la redemande ; elle lui ordonne
de lui parler sans feinte ; Ismene n'ose
croire ce que la Déesse lui dit : Diane la
de lui dire si elle veut renoncer à
presse
vivre sous ses loix ; Ismene lui répond :
Vous sçavez qu'à jamais je m'y suis asservie ;
Rien ne peut ébranler ma foi :
A suivre d'autres loix , si l'Amour me convie ,
L'Amour , sans votre aveu , ne peut plus rien sur
moi.
Diane la congédie en lui donnant une
esperance équivoque.
Lycoris felicite Diane de la victoire
qu'elle vient de remporter sur l'Amour
Diane fait connoître la violence qu'elle
se fait par des Vers très passionnez .
Endymion vient ; Diane lui dit qu'elle
lui
MAY. 1731. 1117
lui accorde Ismene ; Endymion est frappé
de ce bienfait comme d'un coup mortel
; il se plaint d'avoir obtenu ce qu'il a
demandé ; il fait entendre à la Déesse
qu'elle n'auroit pas dû exaucer des voeux
mal conçûs ; il lui déclare qu'il aime un
objet adorable , mais que du moins il a
tenu son crime secret , et qu'il n'a jamais
été assez audacieux pour en faire l'aveu :
emporté par sa passion , il en dit plus
qu'il ne croit , l'étonnement de Diane
qu'il prend pour un sentiment de colere ,
lui persuade qu'il est criminel à ses yeux;
il l'exprime par ces Vers :
Qu'ai-je dit ? quel transport !
Ciel ai - je rompu le silence ?
L'amour à mon respect a-t'il fait violence ?
Ah ! vos yeux irritez m'instruisant de mon soft
J'y vois tout mon malheur et toute mon offenses
Mon feu s'est découvert , j'ai mérité la mort.
Diane est retirée du doux embarras où
elle se trouve par une des heures de la
nuit , qui vient l'avertir que le Soleil est
prêt à se plonger dans l'Onde et qu'il
est temps qu'elle le remplace pour éclairer
l'Univers ; la D'esse ordonne que son
Char descende , les vents à qui elle commande,
executent ses loix, pendant qu'une
partic
1148 MERCURE DE FRANCE
partie des heures de la nuit prend soin
d'atteler son Char , les autres celebrent
une Fête , dans laquelle son insensibilité
est chantée ; voici comment cet Hymne
est composé ::
Quand la nuit dans les airs répand ses voilea
sombres ,
Vous recommencez votre cours ;:
D'un seul de vos regards vous dissipez les ombres,
Qui favorisoient les Amours .
Du Dieu qui regne dans Gythére ,.
Vous troublez les soins les plus doux
Vous en bannissez le mystere ; .
Vous éclairez les yeux jaloux..
Après la Fête , Diane monte dans son
Char ; Endymion desesperé , forme la résolution
d'aller finir ses jours dans le fond
de quelque Antre affreux ..
La Décoration du cinquiéme Acte ,.
représente un Antre du Mont Latmos .
Les Amours endorment Endymion ; une
clarté qui perce les voiles de la nuit leur
annonce Diane Amante ; ils se retirent de :
peur de l'empêcher de se montrer.
Diane fait connoître le dessein qui l'a--
mene en ces lieux ; elle craint qu'Endymion
ne se livre trop à son desespoir ,.
elle balance entre sa gloire et son amour ;
Ce
M A Y.. 17312 1749
ee dernier l'emporte; Endymion se reveil
le ; à l'aspect de Diane , il ne doute pointque
cette Divinité offensée ne soit venuë
pour le punir de sa témerité ; Diane le
rassure. Leur Dialogue finit par ces Vers
Endymion .
Je ne vois point que vous êtes Déesse .
Diane.
I ne vois point que vous êtes Berger..
Ils forment le dessein de dérober lenre
amours au reste de l'Univers ; l'Amour
paroît , et leur dit qu'il ne veut pas que
l'Univers ignore sa plus brillante victoi
re ; tout ce que Diane peut obtenir de
lui , c'est qu'il ne triomphera que dans
ces lieux témoins de sa tendresse ; il or
donne à l'Antre et à la Nuit de disparoî
tre . Le Theatre change et représente un
Jardin délicieux ; les Amours , les Jeux .
et les Plaisirs , celebrent le triomphe de
l'Amour ; Diane rend graces à l'Amour:
par ces Vers :.
Dieu favorable ,,
Dieu secourable ,,
Dieu des Amants
Que tes biens sont charmants 4 !
Ta douce flamme,
Bannit
1150 MERCURE DE FRANCE
.
Bannit d'une ame ,
Le souvenir de ses tourmens,
Si dans tes chaînes ,
Il est des peines ,
Que de plaisirs ,
Succedent aux soupirs !
Douceur extréme ,
Bonheur supreme
Tu vas plus loin que les desirs
Dieu favorable , &c .
La Dlle. Pelissier et le sieur Tribou
joüent les principaux Roles de cet Opera
avec toute l'intelligence et la finesse pos
sible. Les Roles de Pan et d'Ismene sont
remplis par le sieur Chassé , et par la Dlle.
Julie , ceux de Lycoris et d'Eurylas , par
la Dlle . Petitpas et par le sieur Dun.
Les deux Décorations du cinquième
'Acte sont du Signor Alexandre Mauri ,
Peintre Italien , nouvellement arrivé en
France.
On joua à Londres le 17. du mois dernier
un nouvel Opera Italien sous le
titre de Rénaud et Armide , qui a beaucoup
de succez .
On mande de la même Ville que quelques
jours auparavant on représenta sur
lc
MAY. 17317 115
le Théatre de Lincols - inn - fields , la Comedie
des Fourberies de Scapin , au profit
de la Dlle. Marie Salé , fameuse Danseuse
de l'Opera de Paris , que le Roy , la Reine
et les Princesses honorerent de leur
présence , et que le concours des Spectateurs
fût si grand , que malgré les Echaffauts
dressez sur le Théatre , où quantité
de Dames se placerent , on fût obligé de
renvoyer bien du monde. Cela faisoit un
spectacle des plus agréables , et la noblesse
, les graces , la finesse et l'Art enfin
avec lequel cette excellente Danseuse
executa les Entrées qu'elle dansa dans differens
Caractéres , la firent généralement
applaudir ; outre la recette entiere de
cette Representation , elle a encore receu
quantité de présens considerables . On sera
sans doute bien aise d'apprendre que la
Dlle. Salé reviendra à Paris au mois de
Juillet prochain,
Le samedi 28. du mois dernier , les
Comédiens François joüerent la Tragédie
de Britannicus , dans laquelle la Dlle . Gossin
,jeune Personne qui a joué en Provinet
en dernier lieu sur le Théatre de
ce ?
Lille parut pour la premiere fois , dans
le Rôle de Junie , qu'elle a joué trois fois ,
y a toûjours été de plus en plus
et elle
aplaudie.
152 MERCURE DE FRANCE
aplaudie. Elle est d'une jolie figure , avec
la voix fort agréable et de l'intelligence .
Elle a joué dépuis le Rôle de Chimene
dans le Cid , et elle a fait voir qu'elle
avoit encore plus de talens qu'on n'avoit
crû. Elle a soutenu la bonne opinion qu'on
a de son merite dans le Rôle de Monime ,
dans Mithridate, dans ceux d'Andromaque
et d'Iphigenie , et elle l'a beaucoup augmentée
dans le Rôle d'Agnés de l'Ecole des
Femmes. Elle danse et chante quelques
couplets dans la Comédie nouvelle de
Italie Galante.
Fermer
Résumé : Endymion, Extrait, [titre d'après la table]
Le 21 mai, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de 'Endymion', une pastorale héroïque sans prologue. Les paroles sont de M. de Fontenelle et la musique de M. de Blamont. Un avertissement précède le poème imprimé, indiquant que cette pièce diffère de ce que le public avait connu jusqu'alors. L'intrigue commence avec Pan, suivi d'un Satyre et de Lycoris, qui tentent de dissuader Pan de son amour pour Diane. Diane apparaît ensuite et Ismene, une bergère amoureuse d'Endymion, demande à Diane de la recevoir parmi ses Nymphes. Diane, bien que sceptique, accepte après qu'Ismene avoue encore aimer Endymion. Diane exprime ensuite son amour secret pour Endymion et met en garde Ismene sur son choix. Dans le second acte, Endymion consacre un temple à Diane, exprimant son amour de manière détournée. Diane impose silence aux bergers qui déclament contre l'amour. Dans le troisième acte, Pan croit que Diane est amoureuse de lui et prépare une fête en son honneur. Endymion, jaloux, décide de redemander Ismene à Diane. Diane, blessée, dissimule sa douleur et refuse de rendre Ismene. Le quatrième acte voit Ismene exprimer sa tristesse et son amour persistant pour Endymion. Diane annonce à Ismene qu'Endymion la redemande, mais Ismene refuse de quitter Diane. Endymion, en obtenant Ismene, est désespéré et révèle son amour pour Diane. Diane, troublée, doit partir pour remplacer le Soleil. Dans le cinquième acte, Diane retrouve Endymion dans une grotte et lui avoue son amour. Ils décident de cacher leur amour au reste du monde. L'Amour apparaît et ordonne que leur amour soit célébré dans ces lieux. La pièce se termine par une célébration de l'amour triomphant. Les rôles principaux sont interprétés par la Dlle. Pelissier et le sieur Tribou, avec des décors du Signor Alexandre Mauri. Par ailleurs, le texte mentionne le retour de Salé à Paris en juillet prochain. Le 28 du mois précédent, les comédiens François ont joué la tragédie de Britannicus. Lors de cette représentation, Mademoiselle Gossin, une jeune actrice ayant récemment joué en province au théâtre de Lille, a interprété le rôle de Junie pour la première fois. Elle a été acclamée par le public, qui a noté son amélioration à chaque représentation. Mademoiselle Gossin est décrite comme ayant une jolie figure, une voix agréable et une grande intelligence. Elle a également joué les rôles de Chimène dans Le Cid, Monime dans Mithridate, Andromaque dans Andromaque, Iphigenie dans Iphigénie, et Agnès dans L'École des femmes. De plus, elle danse et chante des couplets dans la comédie italienne Italie Galante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
81
p. 1152-1156
L'Italie Galante, ou les Contes, &c. [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens représenterent le 11. de ce mois une Piece nouvelle intitulée [...]
Mots clefs :
Comédiens, Bienséances, Extinction de voix, Tumulte, Divertissement, Fête, Magnificence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Italie Galante, ou les Contes, &c. [titre d'après la table]
Les Comédiens représenterent le 11.
de ce mois une Piece nouvelle intitulée
PItalie Galante , ou les Contes . Ce sont
trois Comédies differentes , où M. Delamotte
, s'est fait un plaisir d'accomoder
au Théatre , et de ramener aux bonnes
moeurs er aux bienséances , trois Contes
de la Fontaine ; l'Oraison de S. Julien
Richard Minutolo , et le Magnifique.
*
L'Oraison de S. Julien changée en Talisman
, dont on avoit déja vû trois Répre
sentations il y a quelques années , fût r‹ -
ceue avec beaucoup de plaisir.
Le Magnifique en deux Actes , eût le
succès le plus eclatant qu'un Autheur
puisse souhaitter : mais il arriva à Minu
tolo l'inconvenient de n'être pas entendu .
Un
MAY. 1737 TIT
Un des Acteurs principaux , et même le
plus nécessaire pour faire entendre la
Piéce , fût surpris d'une extinction de
voix , qui ne lui permit pas de prononcer
un seul mot de son Rôle : le tumulte que
ce contre-temps excita dans l'Assemblée ,
ne laissa point entendre les autres Acteurs:
ainsi l'on peut dire que la Piéce ne fût
pas representée ce jour- là ; elle le fut deux
jours aprés , et elle fut géneralement aplau
die. Le Public donne de jour en jour de
nouvelles louanges à tout l'ouvrage , et
le trouve digne de son Auteur
Chaque Piéce est ornée d'un Divertis
sement , la Musique est vive , enjoüée ,
ou tendre , selon que les caractéres l'éxigent
: elle est de M. Quinaut. Le Balet est
galand , et comique : il est de M. Dangeville.
La Fête de Renaud d'Ast est un Bal.
Le Vaudeville roule sur les Talismans ,
en voici deux Couplets.
Four surmonter l'Indifference ,
Il est tant de secrets charmants.
Faut il que contre l'Inconstance
L'Amour n'ait point de Talismans.
Pour bon gîte et bonne avanture
Faut-il
1154 MERCURE DE FRANCE
Faut- il des Aneaux et des Sorts ?
Soyez aimable , et je vous jure ,
Vous ne coucherez pas déhors.
La Fête de Minutolo est une Fête cham
pêtre. Le Vaudeville roule fur le bonheur
des Bergers , en voici trois Couplets:
Vous de qui la Richesse
Flate en vain les désirs ,
Vous cherchés les plaisirs ,
Et les manqués sans cesse ;
Nos Amours sont tout nôtre bien
Et nous ne vous envions rien.
Le Ciel a fait aux Hommes
Des Destins differents :
Vous paroissez contens :
Mais c'est nous qui le sommes ,
Nos Amours & c.
Au Parterre .
Si nos soins , pour vous plaire ,
N'avoient pas été vains ,
Vous auriés dans vos mains
Nôtre plus doux salaire ;
Vos
MAY. 1731
1159
Vos plaisirs sont tout nôtre bien
Hors delà nous n'envions rien.
2
La Fête du Magnifique : ce sont differents
Peuples qui offrent à Lucille les Richesses
de leur pays. Le Vaudeville rou
le sur la Magnificence. En voiçi trois
Couplets:
L'Amant avare et tiranique
Verra rebutter ses désirs :
Mais si l'Amour a des plaisirs ;
Ils sont pour l'Amant Magnifique,
Donnés , Amants ; mais donnés bien
Donner mal , c'est ne donner rien.
粥
La maniere ajoûte au service :
Il faut que les dons soient adroits ;
Les présens même quelquefois
Offensent plus que l'avarice .
Donnés , Amants &c.
Au Parters .
ន
W
Soyez avares de Critiques ,
Si vous ne sortés pas contens :
Ce n'est qu'en applaudissemen,
Qu'il
156 MERCURE DE FRANCE
Qu'il vous sied d'être Magnifiques.
Applaudissez pour nôtre bien :
Critiqués , mais si peu que rien.
Ce Couplet , que chante la Dlle. Gossin
avec beaucoup de grace, est fort applaudi :
les autres Couplets sont chantez vivement
et trés-bien exprimez . Les Dilles . Labate .
et Dangeville
font un très grand plaisir
dans le Balet , au milieu duquel la petite
Dlle. Dubreuil, en Sauve-Souris , danse ,
toujours; poursuivie
par ceux qui veulent
l'attrapper. Toutes ces Piéces, au reste,sont
trés bien représentées. Ce qui a fait remarquer
par plusieurs bons connoisseurs
que depuis fort long- temps , il n'y avoit
cu à la Comédie Françoise , tant ni de si
excellens sujets . Nous nous abstenons de
les nommer icy de peur de décourager
ceux dont les talens ne sont pas encore dévelopés
, et dont le Public empêche souvent
les progrés par trop peu d'indulgence.
de ce mois une Piece nouvelle intitulée
PItalie Galante , ou les Contes . Ce sont
trois Comédies differentes , où M. Delamotte
, s'est fait un plaisir d'accomoder
au Théatre , et de ramener aux bonnes
moeurs er aux bienséances , trois Contes
de la Fontaine ; l'Oraison de S. Julien
Richard Minutolo , et le Magnifique.
*
L'Oraison de S. Julien changée en Talisman
, dont on avoit déja vû trois Répre
sentations il y a quelques années , fût r‹ -
ceue avec beaucoup de plaisir.
Le Magnifique en deux Actes , eût le
succès le plus eclatant qu'un Autheur
puisse souhaitter : mais il arriva à Minu
tolo l'inconvenient de n'être pas entendu .
Un
MAY. 1737 TIT
Un des Acteurs principaux , et même le
plus nécessaire pour faire entendre la
Piéce , fût surpris d'une extinction de
voix , qui ne lui permit pas de prononcer
un seul mot de son Rôle : le tumulte que
ce contre-temps excita dans l'Assemblée ,
ne laissa point entendre les autres Acteurs:
ainsi l'on peut dire que la Piéce ne fût
pas representée ce jour- là ; elle le fut deux
jours aprés , et elle fut géneralement aplau
die. Le Public donne de jour en jour de
nouvelles louanges à tout l'ouvrage , et
le trouve digne de son Auteur
Chaque Piéce est ornée d'un Divertis
sement , la Musique est vive , enjoüée ,
ou tendre , selon que les caractéres l'éxigent
: elle est de M. Quinaut. Le Balet est
galand , et comique : il est de M. Dangeville.
La Fête de Renaud d'Ast est un Bal.
Le Vaudeville roule sur les Talismans ,
en voici deux Couplets.
Four surmonter l'Indifference ,
Il est tant de secrets charmants.
Faut il que contre l'Inconstance
L'Amour n'ait point de Talismans.
Pour bon gîte et bonne avanture
Faut-il
1154 MERCURE DE FRANCE
Faut- il des Aneaux et des Sorts ?
Soyez aimable , et je vous jure ,
Vous ne coucherez pas déhors.
La Fête de Minutolo est une Fête cham
pêtre. Le Vaudeville roule fur le bonheur
des Bergers , en voici trois Couplets:
Vous de qui la Richesse
Flate en vain les désirs ,
Vous cherchés les plaisirs ,
Et les manqués sans cesse ;
Nos Amours sont tout nôtre bien
Et nous ne vous envions rien.
Le Ciel a fait aux Hommes
Des Destins differents :
Vous paroissez contens :
Mais c'est nous qui le sommes ,
Nos Amours & c.
Au Parterre .
Si nos soins , pour vous plaire ,
N'avoient pas été vains ,
Vous auriés dans vos mains
Nôtre plus doux salaire ;
Vos
MAY. 1731
1159
Vos plaisirs sont tout nôtre bien
Hors delà nous n'envions rien.
2
La Fête du Magnifique : ce sont differents
Peuples qui offrent à Lucille les Richesses
de leur pays. Le Vaudeville rou
le sur la Magnificence. En voiçi trois
Couplets:
L'Amant avare et tiranique
Verra rebutter ses désirs :
Mais si l'Amour a des plaisirs ;
Ils sont pour l'Amant Magnifique,
Donnés , Amants ; mais donnés bien
Donner mal , c'est ne donner rien.
粥
La maniere ajoûte au service :
Il faut que les dons soient adroits ;
Les présens même quelquefois
Offensent plus que l'avarice .
Donnés , Amants &c.
Au Parters .
ន
W
Soyez avares de Critiques ,
Si vous ne sortés pas contens :
Ce n'est qu'en applaudissemen,
Qu'il
156 MERCURE DE FRANCE
Qu'il vous sied d'être Magnifiques.
Applaudissez pour nôtre bien :
Critiqués , mais si peu que rien.
Ce Couplet , que chante la Dlle. Gossin
avec beaucoup de grace, est fort applaudi :
les autres Couplets sont chantez vivement
et trés-bien exprimez . Les Dilles . Labate .
et Dangeville
font un très grand plaisir
dans le Balet , au milieu duquel la petite
Dlle. Dubreuil, en Sauve-Souris , danse ,
toujours; poursuivie
par ceux qui veulent
l'attrapper. Toutes ces Piéces, au reste,sont
trés bien représentées. Ce qui a fait remarquer
par plusieurs bons connoisseurs
que depuis fort long- temps , il n'y avoit
cu à la Comédie Françoise , tant ni de si
excellens sujets . Nous nous abstenons de
les nommer icy de peur de décourager
ceux dont les talens ne sont pas encore dévelopés
, et dont le Public empêche souvent
les progrés par trop peu d'indulgence.
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Résumé : L'Italie Galante, ou les Contes, &c. [titre d'après la table]
Le 11 mai 1737, les Comédiens ont présenté une pièce intitulée 'L'Italie Galante, ou les Contes'. Cette œuvre est composée de trois comédies adaptées par M. Delamotte à partir de contes de La Fontaine : 'L'Oraison de S. Julien', 'Richard Minutolo' et 'Le Magnifique'. La première comédie, 'L'Oraison de S. Julien', rebaptisée 'Le Talisman', a été bien accueillie après trois représentations précédentes. La deuxième comédie, 'Le Magnifique', en deux actes, a connu un succès remarquable malgré un incident lors de la première représentation où un acteur principal a perdu sa voix, rendant la pièce inaudible. La représentation a été reprise deux jours plus tard et a été applaudie. Chaque pièce est accompagnée de divertissements musicaux et chorégraphiques. La musique, composée par M. Quinaut, est adaptée aux caractères des pièces, tandis que le ballet, créé par M. Dangeville, est galant et comique. Les vaudevilles accompagnant les pièces traitent des thèmes des talismans, du bonheur des bergers et de la magnificence. Les représentations ont été saluées pour leur excellence, et le public a loué les talents des acteurs et des auteurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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82
p. 1347-1348
« Les Comédiens François donnerent le Mardi 12. de ce mois, la seiziéme [...] »
Début :
Les Comédiens François donnerent le Mardi 12. de ce mois, la seiziéme [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Troupe des comédiens italiens, Académie royale de musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François donnerent le Mardi 12. de ce mois, la seiziéme [...] »
L >
Es Comédiens François donnerent
le Mardi 12. de ce mois , la seizième
Représentation de l'Italie Galante ou les
Contes , que le Public goûte tous les
jours de plus en plus. Ils la reprendront
au retour de Fontainebleau , où une par
tie de la Troupe a été mandée , ainsi que
la Troupe des Comédiens Italiens.
Le Samedi 16 , on donna sur le Thea
I. Vol.
G tre
1548 MERCURE
DE FRANCE
tre François , la premiere Représentation
Comedie
nouvelle
du Faux Sincere >
en Vers , en cinq Actes
en cinq Actes , de feu M.
Dufresni , qui fut fort bien représentée
et très-applaudie. Le Sieur de Montmenil
y joue le principal Rôle, dont le caractére
est admirable
, avec beaucoup
d'intelli
gence. Nous en parlerons plus au long.
L'Académie
Royale de Musique don
na le 29. May , la septième et derniere
Représentation
de la Pastorale Héroïque
d'Endymion , dont on a parlé dans le
même mois. Elle reprit le premier Juin
Idomenée , et en a donné fix Représen
tations .
Le 14.
Es Comédiens François donnerent
le Mardi 12. de ce mois , la seizième
Représentation de l'Italie Galante ou les
Contes , que le Public goûte tous les
jours de plus en plus. Ils la reprendront
au retour de Fontainebleau , où une par
tie de la Troupe a été mandée , ainsi que
la Troupe des Comédiens Italiens.
Le Samedi 16 , on donna sur le Thea
I. Vol.
G tre
1548 MERCURE
DE FRANCE
tre François , la premiere Représentation
Comedie
nouvelle
du Faux Sincere >
en Vers , en cinq Actes
en cinq Actes , de feu M.
Dufresni , qui fut fort bien représentée
et très-applaudie. Le Sieur de Montmenil
y joue le principal Rôle, dont le caractére
est admirable
, avec beaucoup
d'intelli
gence. Nous en parlerons plus au long.
L'Académie
Royale de Musique don
na le 29. May , la septième et derniere
Représentation
de la Pastorale Héroïque
d'Endymion , dont on a parlé dans le
même mois. Elle reprit le premier Juin
Idomenée , et en a donné fix Représen
tations .
Le 14.
Fermer
Résumé : « Les Comédiens François donnerent le Mardi 12. de ce mois, la seiziéme [...] »
Le 12, les Comédiens Français ont joué 'L'Italie Galante'. Le 16, ils ont présenté 'Le Faux Sincère' de Dufresni, avec Montmenil dans le rôle principal. Le 29 mai, l'Académie Royale de Musique a donné la dernière représentation d''Endymion'. Le 1er juin, elle a repris 'Idoménée' pour six représentations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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83
p. 1348-1350
Balet des Fêtes Venitiennes, [titre d'après la table]
Début :
Le 14. on remit au Theatre le Balet des Fêtes Venitiennes, dont les paroles sont de [...]
Mots clefs :
Ballet, Entrées, Rôles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Balet des Fêtes Venitiennes, [titre d'après la table]
Le 14. on remit au Theatre le Balet des
Fêtes Venitiennes
, dont les paroles sont de
M. Danchet , & la Musique
de M. Cam
pra. Ce Balet , composé de plusieurs
Er
trées , avoit été donné la premiere
fois en
Juin 1710. et la derniere Reprise en Juil
let 1721. On joüe aujourd'hui
le Prologue
et trois Entrées ; sçavoir , les Devins de la
Place S. Marc , l'Amour Saltinbanque
, et
le Bal.
Les deux principaux Rôles du Prologue,
qui sont le Carnaval et la Folie , qui
avoient été joués en 1721. par le fieur le
Mire , et la Dile Souris , sont remplacez
I. Vole
par
'JU IN. 1731. 7349
par le sieur Dun , et la Dlc Erremens.
Les trois Rôles de la premiere Entrée
de Leandre , Cavalier
François , Zelie ,
jeune Vénitienne
et une Bohémienne
, qui
avoient été jouées par le fieur Thevenard
,
par la De Antier , et par la Dlle Lambert ,
sont remplis par le fieur Chassé , par
Dile Pellissier
, et la Dlle Julie.
la
Dans la deuxième Entrée de l'Amour
Saltinbanque , le fieur Dun chante le Rôle
du Chef des Saltinbanques , à la place du
fieur du Bourg ; celui d'Eraste,jeune, Fran
çois , Amant de Leonore, est chanté par le
S Tribou , à la place du S Muraire , celui
de Leonore , par la Dile le Maure , au lieu
de la Dile Tulon , et celui de la Surveil
lante de Leonore , par le fieur Cuvillier ,
qui a remplacé le sieur Mantienne . Le
Rôle de l'Amour Saltinbanque , qui avoit
été joüé par la Dlle Minier ," est exécuté
par la Dile Petitpas.
•
Le Rôle d'Alamir , Prince Polonois , dans
la 3º Entrée , est chanté par le St Chassé ,
à la place du S Thevenard ; le St Dumas
joue celui du Gentilhomme du Prince ,
qui avoit été chanté par le fieur Ariand ;
celui d'Iphise , par la Dule Pelissier , à la
place de la Dile Antier , et les deux Rô.
les , aussi originaux que singuliers , du
Maître de Musique , et du Maître de
1. Vol. Gij Dan
1350 MERCURE
DE FRANCE
Danse , sont joüez par les fieurs Tribou et
Dupré , qui ont remplacé les sieurs Man
desorte tienne et Marcel.; que tous les
Acteurs & Actrices qui joüoient dans cet
Operaily a dix ans , sont totalement
rem
placez. Au reste , ce Balet qui eft remis
d'une maniere très-brillante , est très -bien
executé , et tous les principaux
Rôles sont
remplis par differens Sujets , qui en ren
dent parfaitement
les caracteres . On n'a
rien épargné pour le bon goût , le brillant
des Habits , et la beauté du Spectacle. Les
Danses composées
par le fieur Blondi ,
sont bien caracterisćes
, variées et inge
nieuses. Le Public témoigne par des ap
plaudissemens
et de nombreuses
Assem
blées , le plaisir que lui fait cet Opera .
Fêtes Venitiennes
, dont les paroles sont de
M. Danchet , & la Musique
de M. Cam
pra. Ce Balet , composé de plusieurs
Er
trées , avoit été donné la premiere
fois en
Juin 1710. et la derniere Reprise en Juil
let 1721. On joüe aujourd'hui
le Prologue
et trois Entrées ; sçavoir , les Devins de la
Place S. Marc , l'Amour Saltinbanque
, et
le Bal.
Les deux principaux Rôles du Prologue,
qui sont le Carnaval et la Folie , qui
avoient été joués en 1721. par le fieur le
Mire , et la Dile Souris , sont remplacez
I. Vole
par
'JU IN. 1731. 7349
par le sieur Dun , et la Dlc Erremens.
Les trois Rôles de la premiere Entrée
de Leandre , Cavalier
François , Zelie ,
jeune Vénitienne
et une Bohémienne
, qui
avoient été jouées par le fieur Thevenard
,
par la De Antier , et par la Dlle Lambert ,
sont remplis par le fieur Chassé , par
Dile Pellissier
, et la Dlle Julie.
la
Dans la deuxième Entrée de l'Amour
Saltinbanque , le fieur Dun chante le Rôle
du Chef des Saltinbanques , à la place du
fieur du Bourg ; celui d'Eraste,jeune, Fran
çois , Amant de Leonore, est chanté par le
S Tribou , à la place du S Muraire , celui
de Leonore , par la Dile le Maure , au lieu
de la Dile Tulon , et celui de la Surveil
lante de Leonore , par le fieur Cuvillier ,
qui a remplacé le sieur Mantienne . Le
Rôle de l'Amour Saltinbanque , qui avoit
été joüé par la Dlle Minier ," est exécuté
par la Dile Petitpas.
•
Le Rôle d'Alamir , Prince Polonois , dans
la 3º Entrée , est chanté par le St Chassé ,
à la place du S Thevenard ; le St Dumas
joue celui du Gentilhomme du Prince ,
qui avoit été chanté par le fieur Ariand ;
celui d'Iphise , par la Dule Pelissier , à la
place de la Dile Antier , et les deux Rô.
les , aussi originaux que singuliers , du
Maître de Musique , et du Maître de
1. Vol. Gij Dan
1350 MERCURE
DE FRANCE
Danse , sont joüez par les fieurs Tribou et
Dupré , qui ont remplacé les sieurs Man
desorte tienne et Marcel.; que tous les
Acteurs & Actrices qui joüoient dans cet
Operaily a dix ans , sont totalement
rem
placez. Au reste , ce Balet qui eft remis
d'une maniere très-brillante , est très -bien
executé , et tous les principaux
Rôles sont
remplis par differens Sujets , qui en ren
dent parfaitement
les caracteres . On n'a
rien épargné pour le bon goût , le brillant
des Habits , et la beauté du Spectacle. Les
Danses composées
par le fieur Blondi ,
sont bien caracterisćes
, variées et inge
nieuses. Le Public témoigne par des ap
plaudissemens
et de nombreuses
Assem
blées , le plaisir que lui fait cet Opera .
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Résumé : Balet des Fêtes Venitiennes, [titre d'après la table]
Le 14, la pièce 'Le Ballet des Fêtes Vénitiennes' a été représentée au Théâtre. Ce ballet, créé en juin 1710 et repris pour la dernière fois en juillet 1721, comprend plusieurs entrées. Lors de cette représentation, le prologue et trois entrées ont été jouées : 'Les Devins de la Place S. Marc', 'L'Amour Saltinbanque' et 'Le Bal'. Les rôles principaux du prologue, Carnaval et Folie, initialement interprétés par le sieur Le Mire et la Dlle Souris, sont désormais joués par le sieur Dun et la Dlle Erremens. Dans la première entrée, les rôles de Leandre, Zelie et une Bohémienne sont interprétés respectivement par le sieur Chassé, la Dlle Pellissier et la Dlle Julie. Dans la deuxième entrée, le sieur Dun remplace le sieur du Bourg, le sieur Tribou remplace le sieur Muraire, la Dlle le Maure remplace la Dlle Tulon, et le sieur Cuvillier remplace le sieur Mantienne. La Dlle Petitpas remplace la Dlle Minier dans le rôle de l'Amour Saltinbanque. Dans la troisième entrée, le rôle d'Alamir est interprété par le sieur Chassé, et le rôle du Gentilhomme du Prince est joué par le sieur Dumas. La Dlle Pellissier remplace la Dlle Antier dans le rôle d'Iphise. Les rôles du Maître de Musique et du Maître de Danse sont joués par les sieurs Tribou et Dupré. Tous les acteurs et actrices ayant joué dans ce ballet il y a dix ans ont été remplacés. La représentation est brillante et bien exécutée, avec des danses composées par le sieur Blondi. Le public exprime son plaisir par des applaudissements et des assemblées nombreuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
84
p. 1350-1363
LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
Début :
Je continue, Monsieur, de vous donner ce que je vous ai promis sur le [...]
Mots clefs :
Corneille d'Angleterre, Comédies, Tragédies, Réformer , Critique du théâtre anglais, Trois unités, Poètes modernes, Shakespeare
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
LETTRE écrite de Londres , sur quel
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Londres, sur quelques Poëtes Dramatiques Anglois, &c.
La lettre, écrite à Londres en juin 1731, discute des poètes dramatiques anglais. L'auteur mentionne Benjamin Johnson, contemporain de Shakespeare, qui a brillé sous les règnes de Jacques I et de Charles I. Surnommé le 'Corneille d'Angleterre', Johnson a tenté de réformer le théâtre anglais avec succès. Ses comédies, telles que 'Bartholomew-Fair' et 'Le Renard', sont particulièrement admirées. Johnson est reconnu pour sa modestie et son évitement des sujets impurs. Ses pièces respectent les unités de temps, de lieu et d'action, bien que les critiques anglais ne considèrent pas cela comme un défaut. Johnson est comparé à Molière pour sa capacité à peindre les passions humaines. Le texte évoque également John Milton, auteur de 'Samson Agoniste' et du 'Paradis perdu'. Jean Dryden, poète dramatique anglais mort en 1700, est mentionné pour ses œuvres, bien que certaines soient accusées de plagiat. Dryden a écrit des tragédies et des comédies, et a tenté de justifier la représentation du vice dans ses œuvres. Il a également écrit une dissertation sur la poésie dramatique, discutant des mérites des anciens et des modernes. D'autres poètes comme Philips et Row sont mentionnés pour leurs contributions au théâtre anglais. Philips est connu pour sa tragédie 'Andromaque', une imitation de celle de Racine. Row, quant à lui, a écrit plusieurs pièces respectant les règles du bon sens, bien qu'elles pèche contre les règles d'Aristote. Joseph Addison, poète anglais né en 1671 et mort en 1729, est le fils de Lancelot Addison. Il a écrit en latin et en anglais. Ses œuvres principales incluent le recueil 'Muse Anglicane', des poèmes comme 'La Paix de Riswick', 'La Résurrection', et des traductions de l'Énéide et des Métamorphoses. Addison a également écrit des lettres en vers, des odes, et des dissertations sur des sujets variés. Ses écrits sont marqués par un bon sens et une sensibilité qui touchent même les spectateurs les plus insensibles. Addison a également contribué à des publications comme le 'Spectateur' et le 'Tuteur'. William Congreve, poète comique anglais, est célèbre pour ses pièces de théâtre. Aveugle et vivant en 1721, ses œuvres sont souvent jouées avec un grand succès, notamment auprès des dames. Ses pièces, imprimées en trois volumes en 1710, sont connues pour leur esprit et leur capacité à peindre différents personnages. Parmi ses meilleures œuvres, on trouve 'Le vieux Garçon', 'L'Homme de mauvaise foi', 'Amour pour Amour', et 'Le Deuil de la nouvelle Mariée'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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85
p. 1568-1575
Les Fêtes Venitiennes, Balet, [titre d'après la table]
Début :
Le Balet des Fêtes Venitiennes, dont nous avons déja parlé dans le premier [...]
Mots clefs :
Opéra, Ballet, Carnaval
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texteReconnaissance textuelle : Les Fêtes Venitiennes, Balet, [titre d'après la table]
LE
E Balet des Fêtes Venitiennes , dont
nous avons déja parlé dans le premier
volume du Mercure de ce mois , est tou
jours extrémement goûté du Public. Au
Prologue , le Théatre représente le Port
de Venise. Le Carnaval y paroît au mi
lieu d'une troupe de Masques . Il annon
ce le sujet par ces Vers :
L'éclat de ce séjour , tranquile au sein des Mers ,,
Attire cent Peuples divers ,
Charmez de sa magnificence :
Mais il n'est jamais plus pompeux
Que lorsque les Ris et les Jeux ,
Sy rassemblent par ma presence , &c.
La Folie vient se joindre au Carnaval
pour rendre la Fête plus vive , elle s'ex
prime ainsi :.
O
Accourez , hâtez-vous ;
Goutez les charmes de la vie ;
II..Vol. Je
. ا
r539
JUIN 1732:
Je les dispense tous :
Il n'en est point sans la Folie.
La Suite de la Folie se joint à celle du
Carnaval ; elles composent le. Balet- du
Prologue..
Dans la premiere Entrée qui a pour
titre les Devins de la Place de S. Marc
le Théatre représente cette Place . Zelie,
jeune Vénitienne , masquée en Bohemien
ne , veut apprendre à la faveur de ce
déguisement , si Leandre , Cavalier Fran
çois , ne lui fait point d'infidelité ; elle
se retire voyant approcher Léandre , et
fait connoître son dessein par ces Vers :
>
C'est lui qui vient , pour le surprendre,,
Je veux l'observer et l'entendre.
Léandre expose son caractere par ces
Vers :
Amour , favorise mes voeux;
Ne sois point offensé si mon coeur est vol age ;
Prendre souvent de nouveaux noeuds ,
C'est te rendre souvent hommage.
Zelie vient parler à Léandre sous le
masque , et lui dit en dansant avec un
Tambour de Basque :
Jeune Etranger, veux-tu sçavoir,
II. Vol..
Ta
1570 MERCURE DE FRANCE
Ta bonne ou mauvaise fortune ?
Ma science n'est point commune ,
Dans le grand Art de tout prévoir.
Leandre n'ajoute d'abord point de fot
à la prétendue science de la fausse Bohé
mienne ; mais il commence à la croire
après avoir entendu ces Vers :
Que voy-je dans ces lieux ?
A combien de Beautez tu promets tą tendresse !
Tu sçais parler d'amour , tu l'exprime des mieux,
Sans que d'un trait constant jamais ce Dieu te
blesse.
" Il lui repond :
Il est vrai je suis infidele ;
Par tout ce qui me plaît je me sens arrêté ;
Le coeur ne fut jamais le tribut d'une Belle
C'est le tribut de la Beauté.
Zelie le quitte après lui avoir dit
Ecoute , par mon Art ce que je vais prédire :
Aujourd'hui dans nos Jeux ,
Tu verras l'objet de tes voeux ;
Lui-même aura soin de t'instruire ,"
Du succès de tes feux.
Les Devins et les Bohémiennes de la
II. Vol.
Place
A
JUIN. 1731. 7575
Place de S. Marc , font le divertissement
de cette premiere Entrée ; Zelie vient se
faire connoître à Leandre , et fait le dé
noüement par ces deux Vers :
Tu m'offrois de dangereux liens ,
Je sçais tes sentimens , tu peux juger des miens.
Dans la deuxième Entrée , intitulée l'A
mourSaltinbanque , Filindo , Chef des Sal
tinbanques , promet son secours à Eraste ,
jeune François habillé à la Venitienne et
amoureux de Leonore ; il lui dit que cette
Belle vient souvent voir leurs Jeux , et
qu'à la faveur de la foule des Spectateurs
qu'ils attirent , il pourra lui parler de
son amour.
Eraste se retire voyant paroître Leono
re suivie de Nerine , sa Surveillante ; Ne
rine ne cesse point d'exhorter l'aimable
Venitienne dont la garde lui est commise,
à se défendre des pieges de tous les Amans;
elle lui témoigne sur tout sa défiance sur
un jeune François ; Leonore lui répond
ingenûment , que sans ces remontran
ces , hors de saison , elle ne se seroit peut
être jamais apperçuë ni du merite ni de
l'amour de ce François.
Une troupe de Saltinbanques arrive ; on
apperçoit un Char qui s'entr'ouvre et qui
II. Vol. se
572 MERCURE DE FRANCE
se présente en forme de Théatre. L'Amout
y paroît avec tous les ornemens d'un Sal
tinbanque , il n'est caracterisé que par unt
Arc qu'il tient dans sa main ; les Plaisirs et
l'ès Jeux sont autour de lui sous des figu
res comiques , et composent le Balet .
Filindo et les Choeurs annoncent la
Fête par ces Vers :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts ☀
Nous vous amenons de Cythere ,
"
Ce qui peut charmer vos regards ;
Notre soin vous est necessaire :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts.
L'Amour expose less sujets de sa venuë
par ces Vers :
Venez tous , venez faire emplette ;
Je vends le secret d'être heureux :
Je fais dispenser ma recette ,
Par les Plaisirs et par les Jeux , &c. ·
A la faveur de la Fête , Eraste s'appro
che de Leonore , et lui parle malgré tous
les soins de sa Surveillante ; elle les sur
prend enfin ; Eraste la met dins leurs in
terêts par ces paroles :
Ne contraint plus nos feux ;"
Gesse de nous être contraire ; .
LI Vol. Obres
JUIN.
3573 1731.
Obtenons l'aveu de son Pere ;
Espere tout de moi si je deviens heureux .
&
La troisiéme Entrée de cet Opera Balet
est appellée le Bal. La Scene est dans un
Palais de Venise ; le Théatre représente
un lieu préparé pour un Bal.
Alamir , Prince Polonois , amoureux
d'une jeune Venitienne , ne veut passer,
auprès d'elle que pour un simple Gentil
homme pour gouter le doux plaisir de
s'en faire aimer sans emprunter le se
cours d'un rang illustre ; Themir , son
Confident , qu'il fait passer pour son
Maître , lui dit qu'il est temps de se
donner pour ce qu'il est en effet , puisque
sa chere Iphise l'aime , tout simple Gen
tilhomme qu'elle le croit , tandis que lui
Thémir , prétendu Prince , ne s'attire pas
le moindre regard favorable ; il finit cette
premiere Scene par ces Vers qui annon
cent la Fête:
Par vos ordres exprès je donne un Bal pompeux;
Deux Maîtres renommez , qu'à vû naître là:
France ,
Doivent en préparer et les chants et la danse :
Vous y verrez l'objet de vos plus tendres voeux..?
Alamir lui répond :
Tu sçais par quel moyen tu me feras connoître
11. Vol.
-Les
1574 MERCURE DE FRANCE
Les Ordonnateurs du Bal étalent aux
yeux du Prince , à l'envi l'un de l'autre ,
tout ce que leur Art a de plus brillant.
Tout ce que chante le Maître de Musique
est une fine Critique dont on reconnoît
les objets. Cette Scene est suivie d'une au
tre , dans laquelle Alamir conseille à sa
chere Iphise d'aimer son prétendu Rival,
qui la veut placer dans un rang glorieux,
au lieu qu'il n'a à lui offrir que son amour
et sa constance ; cette charmante Scene
finit par ce bout de Dialogue.:
Ah ! j'ai perdu votre tendresse ;
Ce vain discours est une adresse ,
Qui cache un changement fatal :
Non , il n'est pas possible ,
Qu'un Amant bien sensible ,
Parle pour son Rival.
Alamir.
Aimez un Prince , aimez ....
Iphise.
Tu le veux donc , perfide ?
Alamir.
Si vous ne l'aimez pas , je ne puis être heureux.
Iphise.
C'en est fait , je suivrai le transport qui me guide;
5
1.1. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1575
"
Pour me vanger de toi , j'approuverai ses feux ;
Mon juste désespoir ... je le voi qui s'avance ;
Ingrat , je t'aime encor malgré ton inconstance.
L'arrivée du Prince prétendu , qui fait
connoître Alamir pour le veritable , dé
noiie agréablement l'action ; le Bal qui
survient , finit cette derniere Entrée ,
dont les applaudissemens redoublez mar
quent le plaisir qu'elle fait.
On a appris de Naples , que le 27. du
mois dernier , on y représenta pour la
premiere fois le nouvel Opera d'Argene ,
qui fut generalement applaudi et honoré
de la présence du Chevalier de S. George
et de la principale Noblesse de la Ville.
E Balet des Fêtes Venitiennes , dont
nous avons déja parlé dans le premier
volume du Mercure de ce mois , est tou
jours extrémement goûté du Public. Au
Prologue , le Théatre représente le Port
de Venise. Le Carnaval y paroît au mi
lieu d'une troupe de Masques . Il annon
ce le sujet par ces Vers :
L'éclat de ce séjour , tranquile au sein des Mers ,,
Attire cent Peuples divers ,
Charmez de sa magnificence :
Mais il n'est jamais plus pompeux
Que lorsque les Ris et les Jeux ,
Sy rassemblent par ma presence , &c.
La Folie vient se joindre au Carnaval
pour rendre la Fête plus vive , elle s'ex
prime ainsi :.
O
Accourez , hâtez-vous ;
Goutez les charmes de la vie ;
II..Vol. Je
. ا
r539
JUIN 1732:
Je les dispense tous :
Il n'en est point sans la Folie.
La Suite de la Folie se joint à celle du
Carnaval ; elles composent le. Balet- du
Prologue..
Dans la premiere Entrée qui a pour
titre les Devins de la Place de S. Marc
le Théatre représente cette Place . Zelie,
jeune Vénitienne , masquée en Bohemien
ne , veut apprendre à la faveur de ce
déguisement , si Leandre , Cavalier Fran
çois , ne lui fait point d'infidelité ; elle
se retire voyant approcher Léandre , et
fait connoître son dessein par ces Vers :
>
C'est lui qui vient , pour le surprendre,,
Je veux l'observer et l'entendre.
Léandre expose son caractere par ces
Vers :
Amour , favorise mes voeux;
Ne sois point offensé si mon coeur est vol age ;
Prendre souvent de nouveaux noeuds ,
C'est te rendre souvent hommage.
Zelie vient parler à Léandre sous le
masque , et lui dit en dansant avec un
Tambour de Basque :
Jeune Etranger, veux-tu sçavoir,
II. Vol..
Ta
1570 MERCURE DE FRANCE
Ta bonne ou mauvaise fortune ?
Ma science n'est point commune ,
Dans le grand Art de tout prévoir.
Leandre n'ajoute d'abord point de fot
à la prétendue science de la fausse Bohé
mienne ; mais il commence à la croire
après avoir entendu ces Vers :
Que voy-je dans ces lieux ?
A combien de Beautez tu promets tą tendresse !
Tu sçais parler d'amour , tu l'exprime des mieux,
Sans que d'un trait constant jamais ce Dieu te
blesse.
" Il lui repond :
Il est vrai je suis infidele ;
Par tout ce qui me plaît je me sens arrêté ;
Le coeur ne fut jamais le tribut d'une Belle
C'est le tribut de la Beauté.
Zelie le quitte après lui avoir dit
Ecoute , par mon Art ce que je vais prédire :
Aujourd'hui dans nos Jeux ,
Tu verras l'objet de tes voeux ;
Lui-même aura soin de t'instruire ,"
Du succès de tes feux.
Les Devins et les Bohémiennes de la
II. Vol.
Place
A
JUIN. 1731. 7575
Place de S. Marc , font le divertissement
de cette premiere Entrée ; Zelie vient se
faire connoître à Leandre , et fait le dé
noüement par ces deux Vers :
Tu m'offrois de dangereux liens ,
Je sçais tes sentimens , tu peux juger des miens.
Dans la deuxième Entrée , intitulée l'A
mourSaltinbanque , Filindo , Chef des Sal
tinbanques , promet son secours à Eraste ,
jeune François habillé à la Venitienne et
amoureux de Leonore ; il lui dit que cette
Belle vient souvent voir leurs Jeux , et
qu'à la faveur de la foule des Spectateurs
qu'ils attirent , il pourra lui parler de
son amour.
Eraste se retire voyant paroître Leono
re suivie de Nerine , sa Surveillante ; Ne
rine ne cesse point d'exhorter l'aimable
Venitienne dont la garde lui est commise,
à se défendre des pieges de tous les Amans;
elle lui témoigne sur tout sa défiance sur
un jeune François ; Leonore lui répond
ingenûment , que sans ces remontran
ces , hors de saison , elle ne se seroit peut
être jamais apperçuë ni du merite ni de
l'amour de ce François.
Une troupe de Saltinbanques arrive ; on
apperçoit un Char qui s'entr'ouvre et qui
II. Vol. se
572 MERCURE DE FRANCE
se présente en forme de Théatre. L'Amout
y paroît avec tous les ornemens d'un Sal
tinbanque , il n'est caracterisé que par unt
Arc qu'il tient dans sa main ; les Plaisirs et
l'ès Jeux sont autour de lui sous des figu
res comiques , et composent le Balet .
Filindo et les Choeurs annoncent la
Fête par ces Vers :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts ☀
Nous vous amenons de Cythere ,
"
Ce qui peut charmer vos regards ;
Notre soin vous est necessaire :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts.
L'Amour expose less sujets de sa venuë
par ces Vers :
Venez tous , venez faire emplette ;
Je vends le secret d'être heureux :
Je fais dispenser ma recette ,
Par les Plaisirs et par les Jeux , &c. ·
A la faveur de la Fête , Eraste s'appro
che de Leonore , et lui parle malgré tous
les soins de sa Surveillante ; elle les sur
prend enfin ; Eraste la met dins leurs in
terêts par ces paroles :
Ne contraint plus nos feux ;"
Gesse de nous être contraire ; .
LI Vol. Obres
JUIN.
3573 1731.
Obtenons l'aveu de son Pere ;
Espere tout de moi si je deviens heureux .
&
La troisiéme Entrée de cet Opera Balet
est appellée le Bal. La Scene est dans un
Palais de Venise ; le Théatre représente
un lieu préparé pour un Bal.
Alamir , Prince Polonois , amoureux
d'une jeune Venitienne , ne veut passer,
auprès d'elle que pour un simple Gentil
homme pour gouter le doux plaisir de
s'en faire aimer sans emprunter le se
cours d'un rang illustre ; Themir , son
Confident , qu'il fait passer pour son
Maître , lui dit qu'il est temps de se
donner pour ce qu'il est en effet , puisque
sa chere Iphise l'aime , tout simple Gen
tilhomme qu'elle le croit , tandis que lui
Thémir , prétendu Prince , ne s'attire pas
le moindre regard favorable ; il finit cette
premiere Scene par ces Vers qui annon
cent la Fête:
Par vos ordres exprès je donne un Bal pompeux;
Deux Maîtres renommez , qu'à vû naître là:
France ,
Doivent en préparer et les chants et la danse :
Vous y verrez l'objet de vos plus tendres voeux..?
Alamir lui répond :
Tu sçais par quel moyen tu me feras connoître
11. Vol.
-Les
1574 MERCURE DE FRANCE
Les Ordonnateurs du Bal étalent aux
yeux du Prince , à l'envi l'un de l'autre ,
tout ce que leur Art a de plus brillant.
Tout ce que chante le Maître de Musique
est une fine Critique dont on reconnoît
les objets. Cette Scene est suivie d'une au
tre , dans laquelle Alamir conseille à sa
chere Iphise d'aimer son prétendu Rival,
qui la veut placer dans un rang glorieux,
au lieu qu'il n'a à lui offrir que son amour
et sa constance ; cette charmante Scene
finit par ce bout de Dialogue.:
Ah ! j'ai perdu votre tendresse ;
Ce vain discours est une adresse ,
Qui cache un changement fatal :
Non , il n'est pas possible ,
Qu'un Amant bien sensible ,
Parle pour son Rival.
Alamir.
Aimez un Prince , aimez ....
Iphise.
Tu le veux donc , perfide ?
Alamir.
Si vous ne l'aimez pas , je ne puis être heureux.
Iphise.
C'en est fait , je suivrai le transport qui me guide;
5
1.1. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1575
"
Pour me vanger de toi , j'approuverai ses feux ;
Mon juste désespoir ... je le voi qui s'avance ;
Ingrat , je t'aime encor malgré ton inconstance.
L'arrivée du Prince prétendu , qui fait
connoître Alamir pour le veritable , dé
noiie agréablement l'action ; le Bal qui
survient , finit cette derniere Entrée ,
dont les applaudissemens redoublez mar
quent le plaisir qu'elle fait.
On a appris de Naples , que le 27. du
mois dernier , on y représenta pour la
premiere fois le nouvel Opera d'Argene ,
qui fut generalement applaudi et honoré
de la présence du Chevalier de S. George
et de la principale Noblesse de la Ville.
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Résumé : Les Fêtes Venitiennes, Balet, [titre d'après la table]
Le ballet des Fêtes Vénitiennes est un spectacle très apprécié du public. Le prologue se déroule au port de Venise, où les personnages du Carnaval et de la Folie annoncent le début de la fête. La première entrée, intitulée 'Les Devins de la Place de S. Marc', met en scène Zelie, une jeune Vénitienne déguisée en bohémienne. Zelie surveille son amant Leandre et découvre son infidélité. Elle se révèle alors à lui. La deuxième entrée, 'L'Amour Saltinbanque', présente Eraste, un jeune Français amoureux de Leonore. Avec l'aide de Filindo, chef des saltimbanques, Eraste parvient à parler à Leonore malgré la surveillance de Nerine. La troisième entrée, 'Le Bal', se déroule dans un palais vénitien. Alamir, un prince polonais amoureux d'Iphise, se fait passer pour un simple gentilhomme. Thémir, son confident, lui conseille de révéler son véritable rang. Alamir finit par avouer son amour à Iphise, qui accepte finalement de l'aimer. Le ballet se conclut par un bal et des applaudissements. Par ailleurs, le texte mentionne la représentation à Naples de l'opéra d'Argene, acclamé par le public et la noblesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
86
p. 1575-1597
Le Faux Sincere, Comédie Nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 16. de ce mois, les Comédiens François donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Comédie, Auteur, Caractères, Chevalier, Charles Dufresny, Marquise
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texteReconnaissance textuelle : Le Faux Sincere, Comédie Nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Le 16. de ce mois , les Comédiens Fran
çois donnerent la premiere représentation
du Faux Sincere , Comedie , en Vers et
en cinq Actes , de feu M. Dufresni , Au
teur très-connu par quantité de bons et
de singuliers Ouvrages . Celui -cy est tous
les jours plus gouté et plus applaudi par
la maniere originale , naïve et précise avec
laquelle les caracteres sont exprimez , er
par les traits saillants et inattendus dont
la Piece est semée. Nous allons tâcher de
mettre le Lecteur en état d'en juger.
II. Vol. L'Au
1576 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur ne s'est attaché dans le prez.
mier Acte , qu'à exposer la situation pré
sente des Acteurs qu'il veut faire agir ,
il y donne aussi une idée des Caracteres ,
&c. Madame Argante a deux filles , An
gelique est l'ainée , et Marianne , la cadet
te ; Angelique ne faisant que de sortir du
Convent , a vû un jeune homme , soir
disant le Chevalier Valere , et c'est le
Heros de la Piece , à sçavoir le Faux Sin
cere. Marianne , qui a été long- tems chez
une de ses parentes , aime Dorante ; Mada
me Argante , prévenuë en faveur du Che
valier , vient dire à ses deux filles , qu'elle
a fait un projet de mariage ; elle veut don
ner Angelique à M. Franchard , à qui Ma
rianne avoit été promise autrefois et Ange
lique au Chevalier Valere . Ce M. Fran
chard est un riche Négociant , dont l'hu
meur franche contraste parfaitement avec
celle du Chevalier ; Madame Argante a
résolu de donner Angelique au Cheva
Tier Valere ; par-là Angelique est aussi sa
tisfaite que Marianne est mécontente.
Pour ce qui concerne les caracteres ,
Voici ce que Dorante ,Amant deMarianne,
dit du Chevalier Valere dès la premiere
Scene :
Cet homme me chagrine" ;
II. Vol. Je
JUIN.
17318 577
Je connois votre mere ; il prendra son esprit,
Il est très-dangereux. Hier il me surprit ;
Voulant lier , dit - il , avec moi connoissance ,
Il exige d'abord entiere confidence ;
Il me dit ses deffauts , et ceux qu'il trouve en moi.
Mais il les adoucit , et dans l'instant je voi ,
Que par le même tour il me blâme et me loue ,'
Qu'en blâmant avec art , habilement il joüe ,
Sous le jeu d'un Censeur , celui d'un complaisant;
Il n'est point flatteur , non , c'est un ton diffe
rent ;
Il paroît s'échapper par des traits véridiques ;
Mais chaque mot le mene à ses fins politiques :
Quand il vous trouve en garde il se découvre
un peu ,
Pour vous faire avancer et se donner beau jeu :
Profitant de l'amour qu'on a pour la franchise ,
Fait parade du vrai qu'il farde et qu'il déguise ;
Faux , même en disant vrai ; faux sincere ...
Il semble que M. du Fresni , ait craint
qu'on ne confondit le caractere qu'il
alloit traiter , avec celui du Flatteur , ou
du Tartuffe il en a justifié jusqu'au nom
voici ce que Dorante ajoute :
;
Caractere de coeur : j'entends par faux sincere ,
Celui qui sçait piper par la sincerité ,
Comme un fin courtisan fait par la probité ;
Il. Vol
Qui
1578 MERCURE DE FRANCE
Qui dit vrais trente fois , pour pouvoir mentir
une
Dans une occasion qui fasse sa fortune ;
Hipocrite en franchise est a peu prés le mot ;
Pourquoy pas faux sincere ? on dit bien faux
devot.
t Pour ce qui regarde le caractére con
trastant qui est celui de M. Franchard ,
l'Auteur le fait exposer en peu de mots
par le Chevalier Valere , parlant à une
Marquise qu'il feint d'aimer :
Vous me voyez charmé de ce bon commerçant ;
Il semble en arrivant ici de Picardie ,
Ramener à Paris la probité bannie.
De son accueil gaulois la liberté vous rit >
Sa cordialité qui lui tient lieu d'esprit
९
Ravit , enchante , au moins moy , qui toûjours
préfere ,
A tout l'esprit du monde un trait naif , sincere.
Sa candeur rend pour moi ses discours élog
• quents ?
Sur son visage ouvert on lit ses sentimens ;
Au premier entretien tout son coeur se déploye,&c.
La Marquise est une veuve qui se croit
aimée de ce faux Sincere. Elle n'est pas
encore riche , mais elle attend une suc
cession de cent mille écus , qui est dépo
II. Vol. sée
NCE
1579
JUI
N.
1731
.
H
sée entre les mains de M. Franchard.
Le Chevalier n'en sçait rien , et c'est par
le conseil de Laurette , sa Suivante , que
la Marquise lui en a fait mistere ; voici le
motif de Laurette :
Il faut de son amour une preuve certaine.
Des Indes il vous vient cent mille écus d'aubaine;
Cette succession arrivant en secret ,
Vous m'aidez , j'en conviens , à suivre le projet
Que j'ai conçu d'avoir aujourd'hui quelque
preuve ,
S'il aime en vous , Madame , ou l'argent , ou la
veuve.
Il ne reste plus dans ce premier Acte
qu'à faire connoître aux Spectateurs la
qualité et le coeur du Chevalier : voici
par où il finit l'Acte lui- même , en par
lant du Contrat que la Marquise lui a
proposé.
Je ne veux pas encor presser la signature ;
Ce n'est qu'un pis aller depuis mon avanture]
La Marquise m'a dit qu'elle a trés- peu de bien
Chez ce riche Marchand venant chercher le
mien ,
Quel bonheur d'y trouver une riche alliance !
Pourquoy cachois- je ici mon nom et ma nais
sance ?
* II. Vol.
Rapin
580 MERCURE
DE FRANCE
1
Rapin, fils d'un Marchand,pour eux eût été bong
Mais avec la Marquise ayant pris un beau nom
Sur celui de Rapin il a fallu me taire &C.
On voit par ces differentes expositions
que la Piece sera trés implexe ; nous
n'oublierons rien pour y mettre de la
clarté .
፡
Un Caissier du Banquier Franchard ,
ouvre la Scene du II. Acte , avec un
nouveau Rapin , Cousin du faux Valere,
On auroit souhaitté que ce dernier en
eut parlé à la fin du premier Acte. Ce
second Rapin apprend du Caissier ,
qu'un certain Chevalier Valere , se dit
Agent de Rapin ce qui oblige le nou
veau Rapin à faire arrêt sur la somme ;
le Caissier n'en est point fâché et se re
tire.
Laurette reconnoit Rapin , qu'elle a
vû autrefois à Rouen ; Rapin aprés avoir
quelque temps nié à Laurette qu'il soit
l'ancien ami dont elle lui parle , lui
avoue enfin qu'il est Rapin , et qu'il
vient d'apprendre qu'un certain Cheva
lier Valere , se donne pour son Agent
aux yeux de M. Franchard , pour lui en
lever sa succession ; il prend le parti de
cacher son nom et de prendre celui de
Valere on convient que l'Auteur a assés
11. Vel biea
JUIN. 1731. 1581
1
bien motivé l'incognito par ces deux
vers :
Ouy , courons nous parer : dans le siécle où nous
sommes ›
La parure du moins aide à parler aux hommes,
Mais on ne comprend point , pour
quoi le nouveau Rapin veut passer pour
un second Valere ; et l'on en conclut que
ce Valere doublé est plutot parti du cer
veau de l'Auteur que du fond du Sujet.
Laurette et Rapin s'étant retirés , le
Chevalier Valere , ou pour mieux dire ,
le Faux Sincere vient. A peine a-t'il dit
quelques mots qui ne font rien à la Piece,
qu'on voit paroître Madame Argante .
Valere , pour faire parade de sincerité ,
feint d'être fâché contre Madame Argan
te , de ce qu'elle l'a loüé sans cesse ; il lui
dit d'un ton d'homme mécontent :
Je m'en plains , et voici là -dessus mes scrupules ,
Que gens moins délicats trouveront ridicules ;
Je blâme tout ami qui me flatte d'abord ,
Et dit que j'ai raison sans sçavoir si j'ai tort ;
Qui prend trop mon parti contre la médisance ;
En me justifiant sans m'entendre, il m'offense ;
Car je ne veux point être innocent par faveur ;
Je veux que la raison me juge , et non le coeur :
II. Vol. Je H
1582 MERCURE DE FRANCE
Je veux qu'on se défie , et qu'on approfondisse ;
Ensuite , quel plaisir quand on me rend justice !
3
Aprés quelques autres traits de fausse
sincerité , Valere dit à Madame Argante
de parler d'affaire : elle lui confirme la
promesse qu'elle lui a déja faite de lui
donner Marianne; le Chevalier lui témoi
gne quelque crainte sur le choix que
M. Franchard en a fait pour lui - même ;
elle le rassure , par l'humeur de M.
Franchard qui n'y regarde pas de si prés ,
et qui se tourne facilement à tout ce
qu'on veut. M. Franchard confirme bien
tôt au Chevalier ce que Madame Argan
te lui a dit de son humeur ; car sur la
demande que Valere lui fait des vûës
qu'il peut avoir pour Marianne ; il lui ré
pond franchement ;
Pour elle je n'ai point eu de vûë autrement ;
Si ce n'est que je veux l'épouser seulement,
Mais , lui dit le Chevalier; vous aimez
aussi son aînée ; M. Franchard lui répond
avec la même franchise :
Ouy , je l'aime ,
Et d'abord je voulois l'épouser tout de même ;
Pas tant pourtant; je vais expliquer tout cela &e,
I
IL Vel
En
JUIN.:
1583 1731 .
En un mot comme en cent de ces deux Filles- ci ,
L'une est ce qui me faut ; mais l'autre l'est aussi,
Il conclut enfin par vouloir épouser
Marianne, ce qui oblige Valere à rabbat
tre sur Angelique en sage politique.
Madame Argante lui amene Marianne ,
qu'Angelique suit , non par simple curio
sité , comme dit sa mère , mais par le
tendre interêt qui l'attache au Cheva
lier.
Valere est fort embarrassé sur ce que
Madame Argante attend de lui, en faveur
de Marianne , pour qui M. Franchard
vient de se déclarer ; le compliment qu'il
fait à Marianne est si froid qu'elle en est
vivement picquée ; elle lui declare qu'elle
lui sera contraire , le Chevalier s'en con
sole par l'esperance d'obtenir Angelique ,
à qui il donne la préference. Madame
Argante n'est point fachée de ce change
ment , parceque cette derniere lui ressem
ble aussi bien que Marianne . Elle sort avec
le Chevalier et Angelique , pour aller
faire dresser le Contrat , et dit à Marianne
de prendre patience avec M. Franchard
qui la doit épouser . Marianne se détermi
ne à se venger du compliment injurieux
que le Chevalier vient de lui faire , et
II. Vol. Hij quol
584 MERCURE DE FRANCE
quoiqu'elle aime Dorante , elle ne laisse
pas de supporter impatiemment qu'on
ait préferé sa soeur à elle. Laurette veut
la consoler de ce chagrin par la promesse
de se venger du Chevalier , fondée sur les
découvertes qu'elle a faites .
Le III. Acte a paru le plus beau de la
Piece. Dorante et Marianne le commen
cent. Ils se flattent de faire tomber le
masque aux Faux- Sincere , en le mettant
aux prises avec la Marquise et avec An
gelique , toutes deux mécontentes de lui ;
mais avant que d'entrer dans cette Scene
d'où il se tire avec toute l'adresse pos
sible , il n'est pas hors de propos d'exami
ner un point que quelques connoisseurs
ont remarqué , et dont l'Auteur semble
avoir voulu prévenir la critique. Quel
interêt, a- t'on dit , peuvent avoir Doran
te et Marianne à confondre le Faux - Sin
cere ? il n'en veut plus à Marianne ; ainsi
il ne tiendra pas à lui qu'elle ne soit ma
riée avec Dorante ; les voilà donc tous
deux hors d'interest du côté du Chevalier;
Dorante n'a plus d'autre Rival
que M.
Franchart; et en démasquant le Faux - Sin
cere , il n'empêchera pas que ce bon com
merçant ne lui enléve sa Maitresse . Il
ya apparence que M. du Fresni a prévû
L'objection , puisqu'il la met dans la bou
1 1. Vol . che
JUIN. 1731. 1584
che du Chevalier ; voici comment il le
fait parler à Dorante et à Marianne :
#
Pourquoi sur nos desseins ne nous pas concerter
Quand nous n'avons ici rien à nous disputer !
A Dorante.
Sommes- nous Rivaux ? non , nous n'aimons pas
la même ;
J'aime , je suis aimé , vous aimez , on vous aime ;
Monsieur Franchard pourroit par accomode
ment
Aux Pupilles laisser , chacune son- Amant ;
Mais de gayeté de coeur vous voulez me détruire.
Voilà donc , par l'aveu même de l'Au
teur , deux Amants qui ne vont pas à
leur fin ; ils agissent donc par tout autre
motif que celui de leur amour. L'Ob
jection est assés forte ; mais peut-être
ne l'auroit-on pas faite si l'Auteur n'eut
pris soin lui-même d'en faire la premiere
ouverture ; d'ailleurs on peut y répondre
pour lui , en disant que la haine que Do
rante et Marianne ont conçue contre le
Faux-Sincere est la plus forte en eux ;
que leur but principal est de le confon
dre , et que l'aveu sincere qu'il semble
leur faire , couvre quelque piege darts
LI. Vol.
Hij lequel
1586 MERCURE DE FRANCE
lequel il veut les faire donner ; en effet ,
quand il leur dit :
Voyons ; concertons- nous sur cent moyens fa
ciles ;
Entrons dans les détails :.+3
--Dorante lui répond :
Détails trés-inutiles.
Marianne dit quelque chose de plus :
Vous le sçavez trop bien ; mais vôtre intention
C'est d'échauffer d'abord la conversation ,
Afin
que , parlant trop à l'envi l'un de l'autre ,
Nous cachant vos secrets vous démêliez le
nôtre.
Un interêt plus fort justifie Marianne
dans cette occasion ; le Chevalier lui a
préferé sa soeur , et ces sortes d'outrages
ne se pardonnent jamais. Passons à la
Scene qui fait tant de plaisir , elle est en
tre le Chevalier , la Marquise et Ange
Jique. Ces deux Rivales l'accusent égale
ment d'avoir démenti sa prétendue sin
cerité à leur égard ; il leur répond qu'il
n'a besoin que d'elles- mêmes pour le
justifier ; voici ses propres mots :
II. Vol. Que
JUIN. 1731 ..
1587
Que chacune redise
Les faits simples , les faits ; par ce que vous dirés
L'une à l'autre , sans moi , vous me justifierés.
En effet , il convient avec la Marquise
qu'il lui a promis de s'arranger avec elle
par un mariage , et quand Angelique
lui reproche d'avoir proposé un mariage
à sa Rivale , aprés lui avoir montré
l'amour le plus ardent , il lui dit que
tien n'est plus vray, et qu'il brûle encore
du même amour ; il ajoûte que c'est ce
violent amour qui l'a forcé et qui le force
encore à retirer la parole qu'il avoit don
née à la Marquise : oui , poursuit- il en
parlant à la Marquise :
Tantôt j'ai dit ; j'épouse ;
t
A present je dis j'aime : en fussiez-vous jalouse
Madame , vous prouvez , vous , de vôtre côté ,
Qu'un arrangement seul entre nous concerté
Ne peut me rendre ici coupable d'inconstance.
Si cet amour subit et dont la violence
Vient troubler en un jour tous mes arrange
mens ,
Entre vous deux m'agite et me tient en suspens ,
Sans que j'aye encor pû parler , me réconnoî
tre ,
-
11. Vol. En
Hiiij
r588 MERCURE DE FRANCE
En quoy suis-je coupable ? où puis -je le pa
roître 2
Et comme Marianne qui est présente à
la conversation , vient à la charge en lui
disant , que cet amour subit fait tout au
moins un ingrat , et qu'il lui fait manquer
de parole , . il répond :
Et non pas de franchise ;
Fai promis de l'estime , et rien plus ; qu'on le
dise :
Le voilà donc parfaittement justifié
dans l'esprit d'Angelique ; mais un nou
vel incident va le réplonger dans l'em
barras . M. Franchard lui vient annoncer
un second Chevalier Valere ; c'est le
Rapin dont nous avons parlé dans l'Acte
précedent on n'a pas bien compris ,
comme nous l'avons déja remarqué , la
raison qui l'a porté à doubler Valere ,
ayant tout autre nom à prendre ,. on
convient que cela produit de l'improglio ;
mais on voudroit que ce Comique fut
appuyé sur quelque motif. Ce n'est pas
là
la le seul coup dont notre Faux-Sincere
est frappé ce nouveau chevalier Valere
se donne encore pour un Agent de Ra
pin ; M. Franchard ne voit en tout cela
C
1
II: Võt que
• JUIN. 1731. 1589
و د
"
ULV
que des brouillards , que ce second Agent
de Rapin lui promet de dissiper , papier
sur table . Ce dernier se retire.
M. Franchard commence à se défier
du Faux- Sincere , à quoy ce dernier ne
répond que par des brusqueries , coup
sur coup , par lesquelles il prétend lui
faire voir qu'il lui ressemble autant en
vivacité qu'en franchise ; en effet , aprés
s'être long- tems emporté contre lui , il se
radoucit et lui faisant rémarquer la con
formité d'humeur qui est entr'eux , il
dit finement :.
"
Nous nous ressemblerons encore sur ce points
Je pardonne d'abord :
M. Franchard lui répond , que pour
lui , il pardonne sur l'heure; il ajoute avec
une agréable surprise :
Mais , c'est tout comme moy ; j'en avois bie'n
cherché.
Des gens qui fussent faits tout justes à ma ma
niere :
Vous voilà tout trouvé ; car ressemblance ere
tiere ;
Dire tout ce qui vient , brusquer , parler bien
fort ,
Se facher tout d'an coup , puis pardonner
d'abord ;
11. Vol Hv N'est
}
1590 MERCURE DE FRANCE
N'est-il pas vrai Monsieur ? mon portrait est
le vôtre &c.
Plus de Dorante donc ; finissons au plutôt :
Deux contrats pour nous deux , c'est autant
qu'il en faut.
M. Franchard , Dorante , Marianne
et Angelique commencent le quatriéme
Acte. Le but de la premiere Scene est
de faire entendre à M. Franchard , que
ceChevalier qu'il croit vraiement sincere,
n'est rien moins que ce qu'il paroît à
ses yeux qu'il se dit Gentil - homme ,
quoiqu'il soit roturier ; et qu'il se vante
d'avoir beaucoup de biens , quoiqu'il
n'ait rien du tout. M. Franchard leur
dit qu'il lui demandera tout cela..
Le Chevalier dit en arrivant qu'il ne
doute point qu'on ne complotte contre
lui , mais que sa sincerité l'exempte de
toute crainte. M. Franchard lui demande
avec sa franchise ordinaire s'il est riche
ou non ; le Chevalier lui répond aussi
franchement qu'il n'a rien ; c'est toujouts
quelque chose , dit Franchard ; Valere
ajouteadroitement.
Par cet aveu sans doute au refus je m'èxpose ;
Mais quoy ? vous citerois- je ici comme un bien
clair
11. Vol
que
JUIN 1731 4597
OPL
MO
21
15
Quelques successions qui sont peut- être en Fair ?
Des terres en decret dont je ne suis plus maitre ?
Que quelque argent comptant dégageroit peut
être ?
Mais un bien en litige au fond est - il le mien ?
Non ; repetons - le donc encore , je n'ai rien .
Cette adroite franchise acheve de ga
gner le coeur à Franchard . Dorante re
vient pourtant à la charge , et dit qu'il
y a un second Valere , qui s'interesse
aussi la succession de Rapin , et
qu'il faut démêler qui des deux est le ve
ritable M.Franchard y consent , mais
il leur dit qu'aprés cette derniere épreu
ve , il n'écoutera plus rien .
pour
:
Laurette vient de porter le plus sen
sible coup au Chevalier , en disant à M.
Franchard que Madame la Marquise vient
chercher les cent mille écus qu'il doit
lui livrer ; M. Franchard lui répond qu'ils
sont prêts , et rentre pour aller compter
la somme à la Marquise. Le Chevalier
resté seul , fait ce court Monologue :
Ce revers est picquant.
L'ai- je pû deviner ? cent mille écus comptants
Je les perds ; dans quel temps quand tout me
déconcerte ;
3
II. Vol
Quand H vj
1592 MERCURE DE FRANCE
Quand cet autre Valere ici cause ma perte.
L'approche de la Marquise lui rend
quelques esperances , il se flatte qu'elle
l'aime encore , et qu'elle cherche à ré
noüer avec lui ; voici comme il s'y prend
pour lui faire entendre qu'il flatte encore :
entre Angelique et elle ::
Je suis comme j'étois , incertain , indécis ;
Tantôt passionné , tantôt de sens rassis.
Vois-je l'objet je suis la pante qu'Amour don
ne ;
Vous revois-je ? aussi-tôt je suspens, je raisonne
A me déterminer il faut que vous m'aidiez ;
En bonne amie , il faut que vous me conseilliez ,
Qu'en cette occasion vous me serviez de guide ;
Je crains de me flatter , ou d'être ttop rigide ,
De croire mon amour plus ou moins fort qu'il
n'est.
Se connoît-on ? peut-être en secret l'interêt
Sur vos biens augmentez à mon insçu m'a
buse ,
Me fait voir mon amour moins fort ; je m'en.
accuse ; :
De peur
de vous tromper , je me donne le tort. ,
Prés d'Angelique aussi peut- être ai-je d'abord ·
Exageré l'amour d'une façon trop forte ;
Car d'un objet brillant la présence transporte.
II, Vol. Il
JUIN 773
1593
Il n'a pas tenu à l'Autheur que la
Marquise n'ait donné dans un piége si
finement tendu , tant il a pris soin de
couvrir la fourberie d'un voile specieux:
de sincerité ; mais là Marquise avoit trop
bien pris son parti avant que d'avoir ce
dernier entretien avec lui ; elle le quitte ,
aprés lui avoir parlé ainsi.
Je ne vois plus en vous que feinte et politique ;
L'interest vous a fait adorer Angelique ;
L'interest à present vous fait changer de ton..
Si vous faites ceder l'amour à la raison ·
De mon côté , je dois devenir raisonnable ;
Car vôtre amour pour elle est faux , ou veri
table ;
Veritable , il me fait trembler pour vôtre coeur ,
Et s'il est faux , je dois rompre avec un trom
peur.
Ce dilemme acheve de désesperer nôtre
Faux - Sincere voyant venir le second
Valere , il le soupçonne d'être son Cou
sin Rapin , et sur ce soupçon il va chan
ger de Batterie.
Les deux Valeres se reconnoissent pour
deux Rapins , mais le Faux - Sincere voyant
que celui qui le double , ne se rend point
aux sentimens de la nature , lui promet
de lui abandonner la succession toute en
:
11, Vol. tiere. ;.
1594 MERCURE DE FRANCE
tiere ; à cette parole sympatique son Co
heritier l'embrasse cordialement , et lui
promet de le servir auprés de M. Fran
chard et de Madame Argante contre tous
ceux qui s'opposent à son mariage avec
Angelique .
Madame Argante arrive , le second Ra
pin lui dit qu'il est vrayement son Cousin
Valere ; Madame Argante les invite à aller
dire hautement ce qui s'est passé dans
leur reconnoissance ; le Chevalier dit
modestement qu'il n'y veut pas être , de
peur que sa présence n'empêche son Cou
sin de dire les choses avec toute la sin
cerité qu'il exige .
Nous abrégerons l'Extrait du 5. Acte ,
parceque les autres nous ont menés plus
loin que nous n'avions crû. Valere , tout
traversé qu'il a été jusqu'ici , voit relever
ses espérances abbatuës ; Madame Argan
te lui annonce que le Contrat se dresse
actuellement. C'est là ce qui occasione
l'aveu que ce Faux - Sincere lui fait de ce
qui pourroir venir à sa connoissance ;
sçavoir de s'être dit Gentil - homme, quoi
qu'il ne fut que le fils d'un Marchand
et d'avoir pris un faux nom ; Madame
Argante est charmée de cette derniere
sincerité ; mais il n'en est pas de même
de M. Franchard qui n'est déja que trop
[
J
II. Vol
informé
JUIN. 1731. 1595
鼻
12
Informé de la qualité supposée et du faux
nom. Deux Valeres et deux Agents de
Rapin lui paroissent un complot , et il dt
à Valere , d'un ton fâché , qu'il ne veut
point de comploteurs chez lui . Madame
Argante a beau le déffendre , en disant
qu'il lui avoit déja avoué la supposition
de nom et de qualité Laurerte , qui
dès le commencement du second Acte ,
a reconnu l'un des Rapins , ne doute
point qu'il n'y en ait deux sous le nom
de Valere ; elle fait entendre que le Che
valier ne l'a informée que d'une chose
déja connuë de tout le monde , et qu'elle
aété la dupe d'un autre prétendu' Valere.
Madame Argante ne peut souffrir pa
tiemment que le Chvalier l'ait jouée
Angelique désabusée par la Marquise à
laquelle son fourbe d'Amant avoit voulu
révenir , grace aux cent mille écus dont
nous avons parlé dans l'Acte précedent ,
lui déclare hautement qu'elle ne voit plus
en lui qu'un fourbe et qu'un imposteur
interessés tout cela tombant sur lui , coup
sur coup , il en est si accablé , qu'il se re
tire , en disant fierement , qu'il ne veut
d'autre Apologiste que son coeur ; tous
les Spectateurs ont été surpris de lui voir
quitter la partie , avec autant de ressour
ces qu'il en a fait esperer dans le cours
II. Vol.
de
1596 MERCURE DE FRANCE
de la Piece. On peut répondre à la déchar
ge de M. du Fresni qu'il n'avoit pas en
Gore mis la derniere main à sa Comédie ,
et qu'il y travailloit encore peu
de tems
avant sa Mort. Un double hymen entre
M. Franchard et Angelique , de même
qu'entre Dorante et Marianne , finissent
la Piece , et renvoyent les Spectateurs
infiniment plus satisfaits que mécontens.
Tout le monde connoit que l'intrigue est
un peu confuse et surchargée ; mais que
l'ouvrage fait briller par tout ces traits
saillants , qui ont toujours caracterisé et
distingué cet agréable Auteur , la versi
fication est un peu forcée ; mais on peut
juger par les morceaux que nous venons
d'en citer , que M. du Fresni y auroit
pû exceller , s'il en eut fait une plus lon
gue habitude ; en effet , ce n'a été que
dans ces dernieres Pieces , qu'il a voulu
assujettir à la contrainte de la rime , le
beau feu de Poësie dont la nature l'avoit
animé.
Cette Piece , qui a été représentée
pour la dixième fois le 30. de ce mois ,
et qui fait grand plaisir au Public , est
actuellement sous Presse , chez Briasson ,
ruë S. Jacques.
Les Comédiens François ont reçu dé
6
II. Vol.
puis
JUIN. 1731. 1597
puis peu une Comédie en vers , avec un
Prologue , de la composition de M. le
Fort , intitulée le Temple de la Paresse ,
qu'on jouera incessamment.
Le 28. l'ouverture de la Foire S. Lau
rent fut faite par le Lieutenant Géneral
de Police en la maniere accoutumée.
Le même jour l'Opéra Comique fit
aussi l'ouverture de son Théatre par une
Piece nouvelle en Vaudeville , et en trois
Actes avec des Divertissemens , qui a
pour titre la France Galante ; cette Piece
est suivie d'un Divertissement composé
de Scenes muettes , figurées en Balet , in
titulées la Guinguette Angloise ; il est
executé par les Sieurs Roger , Renton ,
et Haugthon , trois excellens danseurs
Pantomimes , nouvellement arrivés d'An
gleterre , qui sont géneralement applau
dis la figure du sieur Roger qui avoit
déja été vuë ici il y a deux ans , paroît
toujours- trés-originale ; on ne se lasse
point de le voir.
çois donnerent la premiere représentation
du Faux Sincere , Comedie , en Vers et
en cinq Actes , de feu M. Dufresni , Au
teur très-connu par quantité de bons et
de singuliers Ouvrages . Celui -cy est tous
les jours plus gouté et plus applaudi par
la maniere originale , naïve et précise avec
laquelle les caracteres sont exprimez , er
par les traits saillants et inattendus dont
la Piece est semée. Nous allons tâcher de
mettre le Lecteur en état d'en juger.
II. Vol. L'Au
1576 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur ne s'est attaché dans le prez.
mier Acte , qu'à exposer la situation pré
sente des Acteurs qu'il veut faire agir ,
il y donne aussi une idée des Caracteres ,
&c. Madame Argante a deux filles , An
gelique est l'ainée , et Marianne , la cadet
te ; Angelique ne faisant que de sortir du
Convent , a vû un jeune homme , soir
disant le Chevalier Valere , et c'est le
Heros de la Piece , à sçavoir le Faux Sin
cere. Marianne , qui a été long- tems chez
une de ses parentes , aime Dorante ; Mada
me Argante , prévenuë en faveur du Che
valier , vient dire à ses deux filles , qu'elle
a fait un projet de mariage ; elle veut don
ner Angelique à M. Franchard , à qui Ma
rianne avoit été promise autrefois et Ange
lique au Chevalier Valere . Ce M. Fran
chard est un riche Négociant , dont l'hu
meur franche contraste parfaitement avec
celle du Chevalier ; Madame Argante a
résolu de donner Angelique au Cheva
Tier Valere ; par-là Angelique est aussi sa
tisfaite que Marianne est mécontente.
Pour ce qui concerne les caracteres ,
Voici ce que Dorante ,Amant deMarianne,
dit du Chevalier Valere dès la premiere
Scene :
Cet homme me chagrine" ;
II. Vol. Je
JUIN.
17318 577
Je connois votre mere ; il prendra son esprit,
Il est très-dangereux. Hier il me surprit ;
Voulant lier , dit - il , avec moi connoissance ,
Il exige d'abord entiere confidence ;
Il me dit ses deffauts , et ceux qu'il trouve en moi.
Mais il les adoucit , et dans l'instant je voi ,
Que par le même tour il me blâme et me loue ,'
Qu'en blâmant avec art , habilement il joüe ,
Sous le jeu d'un Censeur , celui d'un complaisant;
Il n'est point flatteur , non , c'est un ton diffe
rent ;
Il paroît s'échapper par des traits véridiques ;
Mais chaque mot le mene à ses fins politiques :
Quand il vous trouve en garde il se découvre
un peu ,
Pour vous faire avancer et se donner beau jeu :
Profitant de l'amour qu'on a pour la franchise ,
Fait parade du vrai qu'il farde et qu'il déguise ;
Faux , même en disant vrai ; faux sincere ...
Il semble que M. du Fresni , ait craint
qu'on ne confondit le caractere qu'il
alloit traiter , avec celui du Flatteur , ou
du Tartuffe il en a justifié jusqu'au nom
voici ce que Dorante ajoute :
;
Caractere de coeur : j'entends par faux sincere ,
Celui qui sçait piper par la sincerité ,
Comme un fin courtisan fait par la probité ;
Il. Vol
Qui
1578 MERCURE DE FRANCE
Qui dit vrais trente fois , pour pouvoir mentir
une
Dans une occasion qui fasse sa fortune ;
Hipocrite en franchise est a peu prés le mot ;
Pourquoy pas faux sincere ? on dit bien faux
devot.
t Pour ce qui regarde le caractére con
trastant qui est celui de M. Franchard ,
l'Auteur le fait exposer en peu de mots
par le Chevalier Valere , parlant à une
Marquise qu'il feint d'aimer :
Vous me voyez charmé de ce bon commerçant ;
Il semble en arrivant ici de Picardie ,
Ramener à Paris la probité bannie.
De son accueil gaulois la liberté vous rit >
Sa cordialité qui lui tient lieu d'esprit
९
Ravit , enchante , au moins moy , qui toûjours
préfere ,
A tout l'esprit du monde un trait naif , sincere.
Sa candeur rend pour moi ses discours élog
• quents ?
Sur son visage ouvert on lit ses sentimens ;
Au premier entretien tout son coeur se déploye,&c.
La Marquise est une veuve qui se croit
aimée de ce faux Sincere. Elle n'est pas
encore riche , mais elle attend une suc
cession de cent mille écus , qui est dépo
II. Vol. sée
NCE
1579
JUI
N.
1731
.
H
sée entre les mains de M. Franchard.
Le Chevalier n'en sçait rien , et c'est par
le conseil de Laurette , sa Suivante , que
la Marquise lui en a fait mistere ; voici le
motif de Laurette :
Il faut de son amour une preuve certaine.
Des Indes il vous vient cent mille écus d'aubaine;
Cette succession arrivant en secret ,
Vous m'aidez , j'en conviens , à suivre le projet
Que j'ai conçu d'avoir aujourd'hui quelque
preuve ,
S'il aime en vous , Madame , ou l'argent , ou la
veuve.
Il ne reste plus dans ce premier Acte
qu'à faire connoître aux Spectateurs la
qualité et le coeur du Chevalier : voici
par où il finit l'Acte lui- même , en par
lant du Contrat que la Marquise lui a
proposé.
Je ne veux pas encor presser la signature ;
Ce n'est qu'un pis aller depuis mon avanture]
La Marquise m'a dit qu'elle a trés- peu de bien
Chez ce riche Marchand venant chercher le
mien ,
Quel bonheur d'y trouver une riche alliance !
Pourquoy cachois- je ici mon nom et ma nais
sance ?
* II. Vol.
Rapin
580 MERCURE
DE FRANCE
1
Rapin, fils d'un Marchand,pour eux eût été bong
Mais avec la Marquise ayant pris un beau nom
Sur celui de Rapin il a fallu me taire &C.
On voit par ces differentes expositions
que la Piece sera trés implexe ; nous
n'oublierons rien pour y mettre de la
clarté .
፡
Un Caissier du Banquier Franchard ,
ouvre la Scene du II. Acte , avec un
nouveau Rapin , Cousin du faux Valere,
On auroit souhaitté que ce dernier en
eut parlé à la fin du premier Acte. Ce
second Rapin apprend du Caissier ,
qu'un certain Chevalier Valere , se dit
Agent de Rapin ce qui oblige le nou
veau Rapin à faire arrêt sur la somme ;
le Caissier n'en est point fâché et se re
tire.
Laurette reconnoit Rapin , qu'elle a
vû autrefois à Rouen ; Rapin aprés avoir
quelque temps nié à Laurette qu'il soit
l'ancien ami dont elle lui parle , lui
avoue enfin qu'il est Rapin , et qu'il
vient d'apprendre qu'un certain Cheva
lier Valere , se donne pour son Agent
aux yeux de M. Franchard , pour lui en
lever sa succession ; il prend le parti de
cacher son nom et de prendre celui de
Valere on convient que l'Auteur a assés
11. Vel biea
JUIN. 1731. 1581
1
bien motivé l'incognito par ces deux
vers :
Ouy , courons nous parer : dans le siécle où nous
sommes ›
La parure du moins aide à parler aux hommes,
Mais on ne comprend point , pour
quoi le nouveau Rapin veut passer pour
un second Valere ; et l'on en conclut que
ce Valere doublé est plutot parti du cer
veau de l'Auteur que du fond du Sujet.
Laurette et Rapin s'étant retirés , le
Chevalier Valere , ou pour mieux dire ,
le Faux Sincere vient. A peine a-t'il dit
quelques mots qui ne font rien à la Piece,
qu'on voit paroître Madame Argante .
Valere , pour faire parade de sincerité ,
feint d'être fâché contre Madame Argan
te , de ce qu'elle l'a loüé sans cesse ; il lui
dit d'un ton d'homme mécontent :
Je m'en plains , et voici là -dessus mes scrupules ,
Que gens moins délicats trouveront ridicules ;
Je blâme tout ami qui me flatte d'abord ,
Et dit que j'ai raison sans sçavoir si j'ai tort ;
Qui prend trop mon parti contre la médisance ;
En me justifiant sans m'entendre, il m'offense ;
Car je ne veux point être innocent par faveur ;
Je veux que la raison me juge , et non le coeur :
II. Vol. Je H
1582 MERCURE DE FRANCE
Je veux qu'on se défie , et qu'on approfondisse ;
Ensuite , quel plaisir quand on me rend justice !
3
Aprés quelques autres traits de fausse
sincerité , Valere dit à Madame Argante
de parler d'affaire : elle lui confirme la
promesse qu'elle lui a déja faite de lui
donner Marianne; le Chevalier lui témoi
gne quelque crainte sur le choix que
M. Franchard en a fait pour lui - même ;
elle le rassure , par l'humeur de M.
Franchard qui n'y regarde pas de si prés ,
et qui se tourne facilement à tout ce
qu'on veut. M. Franchard confirme bien
tôt au Chevalier ce que Madame Argan
te lui a dit de son humeur ; car sur la
demande que Valere lui fait des vûës
qu'il peut avoir pour Marianne ; il lui ré
pond franchement ;
Pour elle je n'ai point eu de vûë autrement ;
Si ce n'est que je veux l'épouser seulement,
Mais , lui dit le Chevalier; vous aimez
aussi son aînée ; M. Franchard lui répond
avec la même franchise :
Ouy , je l'aime ,
Et d'abord je voulois l'épouser tout de même ;
Pas tant pourtant; je vais expliquer tout cela &e,
I
IL Vel
En
JUIN.:
1583 1731 .
En un mot comme en cent de ces deux Filles- ci ,
L'une est ce qui me faut ; mais l'autre l'est aussi,
Il conclut enfin par vouloir épouser
Marianne, ce qui oblige Valere à rabbat
tre sur Angelique en sage politique.
Madame Argante lui amene Marianne ,
qu'Angelique suit , non par simple curio
sité , comme dit sa mère , mais par le
tendre interêt qui l'attache au Cheva
lier.
Valere est fort embarrassé sur ce que
Madame Argante attend de lui, en faveur
de Marianne , pour qui M. Franchard
vient de se déclarer ; le compliment qu'il
fait à Marianne est si froid qu'elle en est
vivement picquée ; elle lui declare qu'elle
lui sera contraire , le Chevalier s'en con
sole par l'esperance d'obtenir Angelique ,
à qui il donne la préference. Madame
Argante n'est point fachée de ce change
ment , parceque cette derniere lui ressem
ble aussi bien que Marianne . Elle sort avec
le Chevalier et Angelique , pour aller
faire dresser le Contrat , et dit à Marianne
de prendre patience avec M. Franchard
qui la doit épouser . Marianne se détermi
ne à se venger du compliment injurieux
que le Chevalier vient de lui faire , et
II. Vol. Hij quol
584 MERCURE DE FRANCE
quoiqu'elle aime Dorante , elle ne laisse
pas de supporter impatiemment qu'on
ait préferé sa soeur à elle. Laurette veut
la consoler de ce chagrin par la promesse
de se venger du Chevalier , fondée sur les
découvertes qu'elle a faites .
Le III. Acte a paru le plus beau de la
Piece. Dorante et Marianne le commen
cent. Ils se flattent de faire tomber le
masque aux Faux- Sincere , en le mettant
aux prises avec la Marquise et avec An
gelique , toutes deux mécontentes de lui ;
mais avant que d'entrer dans cette Scene
d'où il se tire avec toute l'adresse pos
sible , il n'est pas hors de propos d'exami
ner un point que quelques connoisseurs
ont remarqué , et dont l'Auteur semble
avoir voulu prévenir la critique. Quel
interêt, a- t'on dit , peuvent avoir Doran
te et Marianne à confondre le Faux - Sin
cere ? il n'en veut plus à Marianne ; ainsi
il ne tiendra pas à lui qu'elle ne soit ma
riée avec Dorante ; les voilà donc tous
deux hors d'interest du côté du Chevalier;
Dorante n'a plus d'autre Rival
que M.
Franchart; et en démasquant le Faux - Sin
cere , il n'empêchera pas que ce bon com
merçant ne lui enléve sa Maitresse . Il
ya apparence que M. du Fresni a prévû
L'objection , puisqu'il la met dans la bou
1 1. Vol . che
JUIN. 1731. 1584
che du Chevalier ; voici comment il le
fait parler à Dorante et à Marianne :
#
Pourquoi sur nos desseins ne nous pas concerter
Quand nous n'avons ici rien à nous disputer !
A Dorante.
Sommes- nous Rivaux ? non , nous n'aimons pas
la même ;
J'aime , je suis aimé , vous aimez , on vous aime ;
Monsieur Franchard pourroit par accomode
ment
Aux Pupilles laisser , chacune son- Amant ;
Mais de gayeté de coeur vous voulez me détruire.
Voilà donc , par l'aveu même de l'Au
teur , deux Amants qui ne vont pas à
leur fin ; ils agissent donc par tout autre
motif que celui de leur amour. L'Ob
jection est assés forte ; mais peut-être
ne l'auroit-on pas faite si l'Auteur n'eut
pris soin lui-même d'en faire la premiere
ouverture ; d'ailleurs on peut y répondre
pour lui , en disant que la haine que Do
rante et Marianne ont conçue contre le
Faux-Sincere est la plus forte en eux ;
que leur but principal est de le confon
dre , et que l'aveu sincere qu'il semble
leur faire , couvre quelque piege darts
LI. Vol.
Hij lequel
1586 MERCURE DE FRANCE
lequel il veut les faire donner ; en effet ,
quand il leur dit :
Voyons ; concertons- nous sur cent moyens fa
ciles ;
Entrons dans les détails :.+3
--Dorante lui répond :
Détails trés-inutiles.
Marianne dit quelque chose de plus :
Vous le sçavez trop bien ; mais vôtre intention
C'est d'échauffer d'abord la conversation ,
Afin
que , parlant trop à l'envi l'un de l'autre ,
Nous cachant vos secrets vous démêliez le
nôtre.
Un interêt plus fort justifie Marianne
dans cette occasion ; le Chevalier lui a
préferé sa soeur , et ces sortes d'outrages
ne se pardonnent jamais. Passons à la
Scene qui fait tant de plaisir , elle est en
tre le Chevalier , la Marquise et Ange
Jique. Ces deux Rivales l'accusent égale
ment d'avoir démenti sa prétendue sin
cerité à leur égard ; il leur répond qu'il
n'a besoin que d'elles- mêmes pour le
justifier ; voici ses propres mots :
II. Vol. Que
JUIN. 1731 ..
1587
Que chacune redise
Les faits simples , les faits ; par ce que vous dirés
L'une à l'autre , sans moi , vous me justifierés.
En effet , il convient avec la Marquise
qu'il lui a promis de s'arranger avec elle
par un mariage , et quand Angelique
lui reproche d'avoir proposé un mariage
à sa Rivale , aprés lui avoir montré
l'amour le plus ardent , il lui dit que
tien n'est plus vray, et qu'il brûle encore
du même amour ; il ajoûte que c'est ce
violent amour qui l'a forcé et qui le force
encore à retirer la parole qu'il avoit don
née à la Marquise : oui , poursuit- il en
parlant à la Marquise :
Tantôt j'ai dit ; j'épouse ;
t
A present je dis j'aime : en fussiez-vous jalouse
Madame , vous prouvez , vous , de vôtre côté ,
Qu'un arrangement seul entre nous concerté
Ne peut me rendre ici coupable d'inconstance.
Si cet amour subit et dont la violence
Vient troubler en un jour tous mes arrange
mens ,
Entre vous deux m'agite et me tient en suspens ,
Sans que j'aye encor pû parler , me réconnoî
tre ,
-
11. Vol. En
Hiiij
r588 MERCURE DE FRANCE
En quoy suis-je coupable ? où puis -je le pa
roître 2
Et comme Marianne qui est présente à
la conversation , vient à la charge en lui
disant , que cet amour subit fait tout au
moins un ingrat , et qu'il lui fait manquer
de parole , . il répond :
Et non pas de franchise ;
Fai promis de l'estime , et rien plus ; qu'on le
dise :
Le voilà donc parfaittement justifié
dans l'esprit d'Angelique ; mais un nou
vel incident va le réplonger dans l'em
barras . M. Franchard lui vient annoncer
un second Chevalier Valere ; c'est le
Rapin dont nous avons parlé dans l'Acte
précedent on n'a pas bien compris ,
comme nous l'avons déja remarqué , la
raison qui l'a porté à doubler Valere ,
ayant tout autre nom à prendre ,. on
convient que cela produit de l'improglio ;
mais on voudroit que ce Comique fut
appuyé sur quelque motif. Ce n'est pas
là
la le seul coup dont notre Faux-Sincere
est frappé ce nouveau chevalier Valere
se donne encore pour un Agent de Ra
pin ; M. Franchard ne voit en tout cela
C
1
II: Võt que
• JUIN. 1731. 1589
و د
"
ULV
que des brouillards , que ce second Agent
de Rapin lui promet de dissiper , papier
sur table . Ce dernier se retire.
M. Franchard commence à se défier
du Faux- Sincere , à quoy ce dernier ne
répond que par des brusqueries , coup
sur coup , par lesquelles il prétend lui
faire voir qu'il lui ressemble autant en
vivacité qu'en franchise ; en effet , aprés
s'être long- tems emporté contre lui , il se
radoucit et lui faisant rémarquer la con
formité d'humeur qui est entr'eux , il
dit finement :.
"
Nous nous ressemblerons encore sur ce points
Je pardonne d'abord :
M. Franchard lui répond , que pour
lui , il pardonne sur l'heure; il ajoute avec
une agréable surprise :
Mais , c'est tout comme moy ; j'en avois bie'n
cherché.
Des gens qui fussent faits tout justes à ma ma
niere :
Vous voilà tout trouvé ; car ressemblance ere
tiere ;
Dire tout ce qui vient , brusquer , parler bien
fort ,
Se facher tout d'an coup , puis pardonner
d'abord ;
11. Vol Hv N'est
}
1590 MERCURE DE FRANCE
N'est-il pas vrai Monsieur ? mon portrait est
le vôtre &c.
Plus de Dorante donc ; finissons au plutôt :
Deux contrats pour nous deux , c'est autant
qu'il en faut.
M. Franchard , Dorante , Marianne
et Angelique commencent le quatriéme
Acte. Le but de la premiere Scene est
de faire entendre à M. Franchard , que
ceChevalier qu'il croit vraiement sincere,
n'est rien moins que ce qu'il paroît à
ses yeux qu'il se dit Gentil - homme ,
quoiqu'il soit roturier ; et qu'il se vante
d'avoir beaucoup de biens , quoiqu'il
n'ait rien du tout. M. Franchard leur
dit qu'il lui demandera tout cela..
Le Chevalier dit en arrivant qu'il ne
doute point qu'on ne complotte contre
lui , mais que sa sincerité l'exempte de
toute crainte. M. Franchard lui demande
avec sa franchise ordinaire s'il est riche
ou non ; le Chevalier lui répond aussi
franchement qu'il n'a rien ; c'est toujouts
quelque chose , dit Franchard ; Valere
ajouteadroitement.
Par cet aveu sans doute au refus je m'èxpose ;
Mais quoy ? vous citerois- je ici comme un bien
clair
11. Vol
que
JUIN 1731 4597
OPL
MO
21
15
Quelques successions qui sont peut- être en Fair ?
Des terres en decret dont je ne suis plus maitre ?
Que quelque argent comptant dégageroit peut
être ?
Mais un bien en litige au fond est - il le mien ?
Non ; repetons - le donc encore , je n'ai rien .
Cette adroite franchise acheve de ga
gner le coeur à Franchard . Dorante re
vient pourtant à la charge , et dit qu'il
y a un second Valere , qui s'interesse
aussi la succession de Rapin , et
qu'il faut démêler qui des deux est le ve
ritable M.Franchard y consent , mais
il leur dit qu'aprés cette derniere épreu
ve , il n'écoutera plus rien .
pour
:
Laurette vient de porter le plus sen
sible coup au Chevalier , en disant à M.
Franchard que Madame la Marquise vient
chercher les cent mille écus qu'il doit
lui livrer ; M. Franchard lui répond qu'ils
sont prêts , et rentre pour aller compter
la somme à la Marquise. Le Chevalier
resté seul , fait ce court Monologue :
Ce revers est picquant.
L'ai- je pû deviner ? cent mille écus comptants
Je les perds ; dans quel temps quand tout me
déconcerte ;
3
II. Vol
Quand H vj
1592 MERCURE DE FRANCE
Quand cet autre Valere ici cause ma perte.
L'approche de la Marquise lui rend
quelques esperances , il se flatte qu'elle
l'aime encore , et qu'elle cherche à ré
noüer avec lui ; voici comme il s'y prend
pour lui faire entendre qu'il flatte encore :
entre Angelique et elle ::
Je suis comme j'étois , incertain , indécis ;
Tantôt passionné , tantôt de sens rassis.
Vois-je l'objet je suis la pante qu'Amour don
ne ;
Vous revois-je ? aussi-tôt je suspens, je raisonne
A me déterminer il faut que vous m'aidiez ;
En bonne amie , il faut que vous me conseilliez ,
Qu'en cette occasion vous me serviez de guide ;
Je crains de me flatter , ou d'être ttop rigide ,
De croire mon amour plus ou moins fort qu'il
n'est.
Se connoît-on ? peut-être en secret l'interêt
Sur vos biens augmentez à mon insçu m'a
buse ,
Me fait voir mon amour moins fort ; je m'en.
accuse ; :
De peur
de vous tromper , je me donne le tort. ,
Prés d'Angelique aussi peut- être ai-je d'abord ·
Exageré l'amour d'une façon trop forte ;
Car d'un objet brillant la présence transporte.
II, Vol. Il
JUIN 773
1593
Il n'a pas tenu à l'Autheur que la
Marquise n'ait donné dans un piége si
finement tendu , tant il a pris soin de
couvrir la fourberie d'un voile specieux:
de sincerité ; mais là Marquise avoit trop
bien pris son parti avant que d'avoir ce
dernier entretien avec lui ; elle le quitte ,
aprés lui avoir parlé ainsi.
Je ne vois plus en vous que feinte et politique ;
L'interest vous a fait adorer Angelique ;
L'interest à present vous fait changer de ton..
Si vous faites ceder l'amour à la raison ·
De mon côté , je dois devenir raisonnable ;
Car vôtre amour pour elle est faux , ou veri
table ;
Veritable , il me fait trembler pour vôtre coeur ,
Et s'il est faux , je dois rompre avec un trom
peur.
Ce dilemme acheve de désesperer nôtre
Faux - Sincere voyant venir le second
Valere , il le soupçonne d'être son Cou
sin Rapin , et sur ce soupçon il va chan
ger de Batterie.
Les deux Valeres se reconnoissent pour
deux Rapins , mais le Faux - Sincere voyant
que celui qui le double , ne se rend point
aux sentimens de la nature , lui promet
de lui abandonner la succession toute en
:
11, Vol. tiere. ;.
1594 MERCURE DE FRANCE
tiere ; à cette parole sympatique son Co
heritier l'embrasse cordialement , et lui
promet de le servir auprés de M. Fran
chard et de Madame Argante contre tous
ceux qui s'opposent à son mariage avec
Angelique .
Madame Argante arrive , le second Ra
pin lui dit qu'il est vrayement son Cousin
Valere ; Madame Argante les invite à aller
dire hautement ce qui s'est passé dans
leur reconnoissance ; le Chevalier dit
modestement qu'il n'y veut pas être , de
peur que sa présence n'empêche son Cou
sin de dire les choses avec toute la sin
cerité qu'il exige .
Nous abrégerons l'Extrait du 5. Acte ,
parceque les autres nous ont menés plus
loin que nous n'avions crû. Valere , tout
traversé qu'il a été jusqu'ici , voit relever
ses espérances abbatuës ; Madame Argan
te lui annonce que le Contrat se dresse
actuellement. C'est là ce qui occasione
l'aveu que ce Faux - Sincere lui fait de ce
qui pourroir venir à sa connoissance ;
sçavoir de s'être dit Gentil - homme, quoi
qu'il ne fut que le fils d'un Marchand
et d'avoir pris un faux nom ; Madame
Argante est charmée de cette derniere
sincerité ; mais il n'en est pas de même
de M. Franchard qui n'est déja que trop
[
J
II. Vol
informé
JUIN. 1731. 1595
鼻
12
Informé de la qualité supposée et du faux
nom. Deux Valeres et deux Agents de
Rapin lui paroissent un complot , et il dt
à Valere , d'un ton fâché , qu'il ne veut
point de comploteurs chez lui . Madame
Argante a beau le déffendre , en disant
qu'il lui avoit déja avoué la supposition
de nom et de qualité Laurerte , qui
dès le commencement du second Acte ,
a reconnu l'un des Rapins , ne doute
point qu'il n'y en ait deux sous le nom
de Valere ; elle fait entendre que le Che
valier ne l'a informée que d'une chose
déja connuë de tout le monde , et qu'elle
aété la dupe d'un autre prétendu' Valere.
Madame Argante ne peut souffrir pa
tiemment que le Chvalier l'ait jouée
Angelique désabusée par la Marquise à
laquelle son fourbe d'Amant avoit voulu
révenir , grace aux cent mille écus dont
nous avons parlé dans l'Acte précedent ,
lui déclare hautement qu'elle ne voit plus
en lui qu'un fourbe et qu'un imposteur
interessés tout cela tombant sur lui , coup
sur coup , il en est si accablé , qu'il se re
tire , en disant fierement , qu'il ne veut
d'autre Apologiste que son coeur ; tous
les Spectateurs ont été surpris de lui voir
quitter la partie , avec autant de ressour
ces qu'il en a fait esperer dans le cours
II. Vol.
de
1596 MERCURE DE FRANCE
de la Piece. On peut répondre à la déchar
ge de M. du Fresni qu'il n'avoit pas en
Gore mis la derniere main à sa Comédie ,
et qu'il y travailloit encore peu
de tems
avant sa Mort. Un double hymen entre
M. Franchard et Angelique , de même
qu'entre Dorante et Marianne , finissent
la Piece , et renvoyent les Spectateurs
infiniment plus satisfaits que mécontens.
Tout le monde connoit que l'intrigue est
un peu confuse et surchargée ; mais que
l'ouvrage fait briller par tout ces traits
saillants , qui ont toujours caracterisé et
distingué cet agréable Auteur , la versi
fication est un peu forcée ; mais on peut
juger par les morceaux que nous venons
d'en citer , que M. du Fresni y auroit
pû exceller , s'il en eut fait une plus lon
gue habitude ; en effet , ce n'a été que
dans ces dernieres Pieces , qu'il a voulu
assujettir à la contrainte de la rime , le
beau feu de Poësie dont la nature l'avoit
animé.
Cette Piece , qui a été représentée
pour la dixième fois le 30. de ce mois ,
et qui fait grand plaisir au Public , est
actuellement sous Presse , chez Briasson ,
ruë S. Jacques.
Les Comédiens François ont reçu dé
6
II. Vol.
puis
JUIN. 1731. 1597
puis peu une Comédie en vers , avec un
Prologue , de la composition de M. le
Fort , intitulée le Temple de la Paresse ,
qu'on jouera incessamment.
Le 28. l'ouverture de la Foire S. Lau
rent fut faite par le Lieutenant Géneral
de Police en la maniere accoutumée.
Le même jour l'Opéra Comique fit
aussi l'ouverture de son Théatre par une
Piece nouvelle en Vaudeville , et en trois
Actes avec des Divertissemens , qui a
pour titre la France Galante ; cette Piece
est suivie d'un Divertissement composé
de Scenes muettes , figurées en Balet , in
titulées la Guinguette Angloise ; il est
executé par les Sieurs Roger , Renton ,
et Haugthon , trois excellens danseurs
Pantomimes , nouvellement arrivés d'An
gleterre , qui sont géneralement applau
dis la figure du sieur Roger qui avoit
déja été vuë ici il y a deux ans , paroît
toujours- trés-originale ; on ne se lasse
point de le voir.
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Résumé : Le Faux Sincere, Comédie Nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Le 16 juin, les Comédiens Français ont présenté la première représentation de 'Le Faux Sincère', une comédie en vers et en cinq actes écrite par le défunt M. Dufresny. Cette œuvre est appréciée pour son originalité, sa naïveté et la précision avec laquelle les caractères sont exprimés, ainsi que pour les traits saillants et inattendus qui parsèment la pièce. Dans le premier acte, l'auteur expose la situation des personnages principaux. Madame Argante a deux filles, Angelique et Marianne. Angelique, récemment sortie du couvent, a rencontré le Chevalier Valère, le héros de la pièce. Marianne, qui a passé du temps chez une parente, aime Dorante. Madame Argante prévoit de marier Angelique à M. Franchard, un riche négociant, et Marianne au Chevalier Valère. Angelique est satisfaite de ce projet, tandis que Marianne est mécontente. Dorante décrit le Chevalier Valère comme un homme dangereux et manipulateur, capable de dire la vérité pour mieux mentir. Le Chevalier Valère est caractérisé par sa fausse sincérité, qu'il utilise pour manipuler les autres à son avantage. M. Franchard, quant à lui, est décrit comme un homme franc et honnête, contrastant avec le Chevalier. La pièce se complexifie avec l'introduction de nouveaux personnages et de situations intrigantes. Par exemple, un caissier du banquier Franchard et un nouveau Rapin, cousin du faux Valère, apparaissent dans le second acte. Laurette, la suivante de la Marquise, joue un rôle clé en révélant des secrets et en ourdissant des plans de vengeance. Le troisième acte est considéré comme le plus beau de la pièce. Dorante et Marianne cherchent à démasquer le faux sincère en le mettant aux prises avec la Marquise et Angelique, toutes deux mécontentes de lui. La pièce explore les motivations et les manipulations des personnages, révélant les intrigues et les conflits qui les opposent. La pièce se termine par deux mariages : M. Franchard avec Angelique, et Dorante avec Marianne. Malgré une intrigue confuse, la pièce est appréciée pour ses traits saillants et la versification de M. Dufresny. La pièce a été représentée à plusieurs reprises et est actuellement sous presse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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87
p. 1788
« Les Comédiens François, ont remis au Théatre au commencement de ce [...] »
Début :
Les Comédiens François, ont remis au Théatre au commencement de ce [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François, ont remis au Théatre au commencement de ce [...] »
LES
Es Comédiens François , ont remis
au Théatre au commencement de ce
mois une petite Comédie d'un Acte en
Prose , avec un Divertissement du feu
sieur Dancourt , intitulée , les Eaux de
Bourbon , qui eut un très- grand succès
dans sa nouveauté au mois d'Octobre
1696. mais les temps sont bien changez
et le goût des Spectateurs bien autrement
rafiné et blen plus difficile à satisfaire :
certe Piece n'a pas fait grand plaisir. Dans .
leBallet, deux personnages équipez en malades
beuveurs d'eau , paroissent dancer
dans des Fauteuils , ce qui fait une singularité
réjouissante .
Au contraire de la Piece dont on vient
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
Es Comédiens François , ont remis
au Théatre au commencement de ce
mois une petite Comédie d'un Acte en
Prose , avec un Divertissement du feu
sieur Dancourt , intitulée , les Eaux de
Bourbon , qui eut un très- grand succès
dans sa nouveauté au mois d'Octobre
1696. mais les temps sont bien changez
et le goût des Spectateurs bien autrement
rafiné et blen plus difficile à satisfaire :
certe Piece n'a pas fait grand plaisir. Dans .
leBallet, deux personnages équipez en malades
beuveurs d'eau , paroissent dancer
dans des Fauteuils , ce qui fait une singularité
réjouissante .
Au contraire de la Piece dont on vient
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
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Résumé : « Les Comédiens François, ont remis au Théatre au commencement de ce [...] »
En juillet 1731, les Comédiens Français ont représenté 'Les Eaux de Bourbon', une comédie en prose accompagnée d'un divertissement de Dancourt. Cette pièce avait connu un grand succès en octobre 1696, mais les goûts du public avaient évolué, rendant la pièce moins appréciée. Le ballet de la pièce mettait en scène deux personnages déguisés en malades buveurs d'eau, dansant dans des fauteuils, ce qui était perçu comme une singularité réjouissante. En contraste, 'Le Distrait' de Regnard, qui n'avait eu que trois représentations en décembre 1697, est aujourd'hui bien accueilli et attire un large public. Le rôle principal est interprété avec succès par le sieur de Montmesnil, et les autres acteurs remplissent également leurs rôles de manière remarquable. Cette évolution dans la réception des pièces incite à réfléchir sur les changements dans les préférences du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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88
p. 1788-1800
Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Au contraire de la Piece dont on vient de parler, la Comédie du Distrait, de [...]
Mots clefs :
Comédie, Rôle, Farce, Critique, Jugement, Distraction, Tragédies, Acteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
Au contraire de la Piece dont on vient
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
On ne sçauroit justifier le jugement
qu'on semble porter aujourd'hui du Distrait
, sans condamner en quelque maniere
celui qu'on en porta autrefois ; on
peut cependant prendre un temperament
entre deux décisions si opposées , en disant
que la Piece n'est pas trouvée meilleure
qu'elle l'a parû dans sa naissance ;
mais qu'on s'y divertit davantage , parce
qu'on ne la revoit que comme une farce
pleine de gayeté ; au lieu que l'Auteur
avoit , sans doute , prétendu la donner
comme une Comédie dans les formes ;
ainsi la Critique ayant déja prononcé sur
la maniere dont les Connoisseurs devoient
la recevoir , nous n'y apportons
plus cette séverité qui l'avoit proscrite;
l'indulgence des Spectateurs fait grace
M. Renard , du peu de soin qu'il a pris
d'observer les regles , et le livre tout entiers
au plaisir qui résulte de cette irréu
larité.
à
En effet tout le monde convient que le
plus,honnête personnage de la Piece est cefui
deLéandre, dont l'Auteur a vouluétaler
le prétendu ridicule; nous disons prétendu ,
parce
1790 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il ne dépend non - plus de nous de
n-être point distraits , qu'il n'est au pouvoir
d'un aveugle de jouir de la lumierczon
ne doit pas considerer la distraction comme
un vice, et l'Auteur même en convient
par ces Vers qu'il met à la bouche du Distrait
, dans le quatriéme Acte , Scene VII .
Ma maniere est fort bonne , et n'en veux point
changer.
Je ne ressemble point aux hommes de notre âge ,
Qui masquent en tout temps leurs coeurs et leur
visage ,
Mon deffaut prétendu , mon peu d'attention ,
Fait la sincerité de mon intention.
Je ne prépare point avec effronteric ,
Dans le fond de mon coeur d'indigne menterie į
Je dis ce que je pense et sans déguisement ;
Je suis sans refléchir mon premier mouvement.
Un esprit naturel me conduit et m'anime ;
Je suis un peu distrait , mais ce n'est pas un crime,
Leandre est bien modeste de se contenter
de conclure que sa distraction n'est pas
un crime ; il auroit pû avancer hardiment
qu'elle n'est pas un vice , puisqu'il en faiț
une vertu dans tous les Vers precedents.
Madame Grognac , qui prétend devenir
sa belle-mere , en parle à peu près de même
au premier Acte , où elle dir :
Je
JUILLE T.
1799 1731
Je sçais bien qu'à parler de lui sans passion ,
Il est particulier dans sa distraction .
Il répond rarement à ce qu'on lui propose ;
On ne le voit jamais à lui dans mille choses ;
Mais ce n'est pas un crime en lui d'être ainsi fait;
On peut être , à mon sens , homme sage et distrait,
Voilà quel est notre Distrait, selon luimême
et selon sa prétenduë future bellenere
; il est un peu moins bien dans l'esprit
de son Valet Carlin. Voici le Portrait
qu'il en fait ;
C'est un homme étonnant et rare en son espece ;
I rêve fort à rien ; il s'égare sans cesse ;
Il cherche , il trouve , il broüille , il regarde sans
voir ;
Quand on lui parle blanc , souvent il répond
noir ;
Il vous dit non pour cüi , oüi pour non ; il ape
pelle ,
Une femme Monsieur , et moi Mademoiselle ;
Prend souvent l'un pour l'autre ; il va sans sçavoir
où ;
On dit qu'il est distrait ; mais moi , je le tiens fou.'"
Dailleurs fort honnête homme , à ses devoirs
austere ,
Exact et bon ami , genereux , doux , sincṛte ;
Aimant
1792 MERCURE DE FRANCE
Aimant , comme j'ai dit , sa Maîtresse in Heros;,
Il est et sage et fou; voilà l'homme en deux mots
Ce portrait de Carlin paroît le plus
ressemblant ; mais , ni comme sage , ni
comme fou , il ne peut être le sujet d'une
Comédie ; le sage ne doit pas être joué ,
et le fou ne peut pas être corrigé.
D'où il est aisé de conclure que M. Renard
n'a choisi ce caractere que pour ouvrir
un champ plus vaste à son imagination
les incidens naissant en foule dans un sujet
si fécond en quiproquo ; en faut-il davantage
pour faire réussir une Piece où
l'on ne se propose point d'autre fin que
de faire rire ?
Nous passerons plus legerement sur les
autres caracteres , ils sont défectueux jusqu'à
révolter les personnes les moins délicates.
Le Chevalier que l'Auteur a prétendu
opposer au Distrait , est un étourdi , ou
plutôt un fou à mettre aux petites Maisons
, et de plus , de très-mauvaises moeurs ;
on en peut juger par la correction que son
oncle lui fait ; la voici :
Vous vous faites honneurd'être un franc libertin,'
Vous mettez votre gloire à bien tenir du vin ;
Et lorsque tout fumant d'une vineuse haleine ,
Sur
JUILLET. 1731. 1793
Sur vos pieds chancelants vous vous tenez à peine,
Sur un Théatre alors vous venez vous montrer ;
Là , parmi vos pareils on vous voit folâtrer ;
Vous allez vous baiser comme des Demoiselles ,
Et pour vous faire voir jusque sur les chandelles ,
Poussant l'un , heurtant l'autre , et contant vos
exploits ,
Plus haut que les Acteurs , vous élevez la voix ;
Et tout Paris témoin de vos traits de folie ,
Kit plus cent fois de vous que de la Comédie.
L'oncle ne charge point le caractere ?
c'est ce que le neveu va justifier lui-même
en sa presence.
Mais que fais-je donc tant , Monsieur , ne vous
déplaise ,
Pour trouver ma conduite à tel excès mauvaise ?
J'aime , je bois , je joue , et ne vois en cela
Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là , &c .
De -là je pars sans bruit ,
Quand le jour diminuë et fait place à la nuit ,
Avec quelques amis , et nombre de bouteilles ,
Que nous faisons porter pour adoucir nos veilles,
Chez des femmes de bien dont l'honneur est entier
,
Et qui de leur vertu parfument le quartier.
Là, nous perçons la nuit d'une ardeur sans égale;
H Nous
1-94 MERCURE DE FRANCE
Nous sortons au grand jour pour ôter tout scandale
,
Et chacun en bon ordre aussi sage que moi ,
Sans bruit au petit pas se retire chez soi.
Cette vie innocente est - elle condamnée ?
Ne faire qu'un repas dans toute une journée !
Un malade , entre nous , se conduiroit- il mieux ?
Ce qu'il y a de plus déreglé dans la
Piece , c'est que l'oncle n'aspire qu'à rendre
heureux un neveu si indigne de l'être,
ce qui ne sçauroit faire qu'un troisiéme
caractere très - vicieux .
→
Pour celui de Madame Grognac , il n'a
rien de beau que d'être conforme à son
nom ; elle est d'une gronderie et d'une misantropie
tout- à- fait insupportable ; elle a
des duretez pour Isabelle sa fille , qui ne
sont rachetées par aucune complaisance ,
mais ce n'est point là ce qu'il y a de plus
déplorable pour cette pauvre innocente ;
l'amour que le Chevalier lui a inspiré ,
excite pour elle la pitié des Spectateurs ;
on la plaint de la voir aussi malheureuse
en Amant qu'en Mere , et c'est- là peutêtre
le seul interêt qui regne dans la Piece .
Clarice aussi heureuse qu'Isabelle , est
menacée d'être malheureuse ; elle aime
Léandre , dont tout le deffaut est d'être
distrait , deffaut qui devroit la faire tenir
en
JUILLET. 1731. -1795
en garde contre les effets qu'il produit sur
elle , puisqu'elle lui dit elle- même , après 、
une justification sur une prétenduë infidelité.
Quels que soient vos discours pour me persuader,
J'aime trop pour ne pas toûjours appréhender.
Mais ces distractions qui vous sont naturelles ,
Me rassurant un peu de mes frayeurs mortelles ;
Je vous juge innocent, et crois que votre erreur,
Provient de votre esprit plus que de votre coeur.
On voit bien par les deux premiers
Vers de ce sizain , que l'Auteur est allé
au- devant de l'objection , en attribuant les
craintes de Clarice à l'excès de son amour.
Pour ce qui regarde l'intrigue de la Piece
, on peut dire qu'il n'en a guere coûté
à l'imagination de l'Auteur pour la produire
, le caractere qu'il traite suffit, comme
nous l'avons déja dit , pour en faire
le noeud par les incidens qu'il fait naître,
et le dénoüment est une mauvaise copie
de celui des Femmes Sçavantes ; voici en .
peu de mots toute l'intrigue.
Madame Grognac , mere d'Isabelle
fondée sur un dédit signé entre elle et un
oncle de Léandre , veut que ce Léandre
épouse sa fille ; elle ne veut point
absolument du Chevalier pour son gen-
Hij
dre ;
1796 MERCURE DE FRANCE
dre ; ce dernier , outre les deffauts révoltans
dont nous avons ppaarrlléé ,, lui manque
de respect jusqu'à lui faire danser une
Courante malgré elle ; Valere , oncle du
Chevalier et de Clarice , veut faire un
double mariage entre ces Amans , et ce
mariage est au gré de leurs desirs , puisque
Clarice aime Léandre et en est aimée,
et que le Chevalier et Isabelle s'aiment
aussi réciproquement 5 Valere réserve une
dot de cinquante mille écus à Clarice sa
niece , et donne le reste de son bien au
Chevalier , son indigne neveu voilà le
noeud de la Piece , en voici le dénouement,
Carlin , Valet de Léandre, feint d'arriver
rout fraîchement et tout botté , d'un voyage
qu'il avoit fait avec son Maître , dont
T'oncle étoit à l'extremité; il anonce hardiment
que cet oncle vient de mourir, et qu'il
a desherité son neveu, parce qu'il a appris
qu'il ne vouloit pas épouser Isabelle, malgré
le dédit fait entre Madame Grognac sa
mere , et lui , oncle de Léandre. Madame
Grognac devient le Trissotin de la Piece;
elle n'a pas plutôt appris que Léandre n'a
rien , qu'elle lui dit qu'il peut chercher
fortune ailleurs. L'oncle du Chevalier
profite
de cette conjoncture pour lui faire
accepter son neveu pour gendre ; elle se
contents
JUILLET 1731. 1797
contente de dire qu'il est bien étourdi ,
et qu'elle a encore sur le coeur la Courante
qu'il lui a fait danser ; elle signe
le Contrat à condition qu'il se corrige-
Fa , et que son oncle lui en répondra . Le
Contrat signé , Valere donne Clarice , sa
niece,à Léandre ; Madame Grognac trouve
fort étrange qu'il marie sa niéce à un
homme qui vient d'être desherité , il lui
avouë la petite fourberie qu'on lui a faite
pour la faire consentir au mariage qu'elle
vient de signer ; et comme elle fait éclater
sa mauvaise humeur contre sa fille
son nouveau gendre lui dit :
J'ai , si vous la grondez , un Menuet tout prêt ,
La Piece finit par un dernier trait de
distraction. Le voicy .
Léandre à Carlin.
Toi , Carlin , à l'instant prépare ce qu'il faut ,
Pour aller voir mon oncle et partir au plutôt.
Carlin.
Laissez votre oncle en paix ; quel diantre de lan
gage ?
Vous devez cette nuit faire un autre voyage ;
Vous n'y songez donc plus ; vous êtes marié.
Léandre.
Tu m'en fais souvenir ; je l'avois oublié .
Hij Voilà
1799 MERCURE DE FRANCE
Voilà une partie des Refléxions qu'on
a faites sur la Comédie du Distrait ; cette
Piece n'a peut- être mérité ni de tomber
aussi brusquement qu'elle fit autrefois , ni
de réussir aussi heureusement qu'elle fait
aujourd'hui , cela n'empêche pas qu'on
ne doive rendre à M. Regnard la justice
qui lui est due c'est que personne n'a
mieux possedé que lui le talent de faire
rireset c'est par là que ses Pieces de Théatre
sont plus aimées qu'elles ne sont estimées.
Le 7 , l'Opera Comique donna une
Piece d'un Acte en Vaudeville , intitulée
Monde Renversé. Elle avoit été représentée
dans sa nouveauté à la Foire S. Laurent en
1718. Cette Piece est suivie de deux Aczes
de la France Galante et terminée parla
Guinguette Angloise , exécutée par les mêmes
Danseurs dont on a déja parlé dans le
premier Volume de Juin.
Le 1 2. on supprima un des deux Actes
de la France Galante , et on donna à la płace
l'Isle des Amazones , autre ancienne
Piece d'un Acte faite en 1718. On en peut
voir le sujet dans le Recueil du Théatre
de la Foire.
Jamais le goût pour les Spectacles n'a
été si général , et jamais tant de jeunes.
Gens
JUILLET. 1731. 1799
Gens ,depuis le Bourgeois jusqu'aux Personnes
de la plus grande qualité , ne se sont
appliquez avec tant d'ardeur à l'Art de la
Déclamation , auquel quelques- uns réüssisent
avec un naturel , des graces et une
finesse admirable. Dans plusieurs Maisons
de Paris , des personnes de mérite et de
bon goût , d'un même quartier , s'assemblent
, et se font un plaisir de représenter
des Tragédies et des Comédies des meilleurs
Auteurs ,avec beaucoup de justesse et
de précision , ce qui donne une grande satisfaction
au petit nombre de Spectateurs
choisis qu'on veut bien admettre dans ces
agréables amusemens.
Parmi ces Sociétez , il en est une qui
merite assurément d'être distinguée : les
Acteurs , dont le nombre n'est pas grand ,
s'attachent à ne représenter que des Pieces
que quelques uns d'entr'eux ont
composées eux -mêmes , et comme le mérite
et les talents se trouvent réunis dans
-
cette Societé , on ne craint point de
dire à l'égard de ces petites Comédies
que pour l'imagination
, la sagesse des
moeurs , et la finesse de l'exécution , elles
pourroient donner de la jalousie aux plus
babiles de l'Art.
3.
Dans quelques - unes des plus belles maisons
aux environs de Paris , on a dressé
Hij des
1800 MERCURE DE FRANCE
de petits Théatres fort bien ajustez et
ornez avec gout , où les meilleures Pieces
qu'on voit au Théatre François , sont
souvent représentées par de très - bons Sujets
, en présence de très- nombreuses et
très brillantes Assemblées.
*
Cette inclination pour le Théatre doit
être plus étenduë qu'on ne croit , car on.
apprend de Bruxelles que le 27. May
le Duc de Lorraine , à qui on avoit déja
donné quantité de Fêtes , assista à la Comedie
, intitulée , la Critique de l'Europe
Galante , ou le Mariage d' Arlequin , représentée
par des Bourgeois Flamands.
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
On ne sçauroit justifier le jugement
qu'on semble porter aujourd'hui du Distrait
, sans condamner en quelque maniere
celui qu'on en porta autrefois ; on
peut cependant prendre un temperament
entre deux décisions si opposées , en disant
que la Piece n'est pas trouvée meilleure
qu'elle l'a parû dans sa naissance ;
mais qu'on s'y divertit davantage , parce
qu'on ne la revoit que comme une farce
pleine de gayeté ; au lieu que l'Auteur
avoit , sans doute , prétendu la donner
comme une Comédie dans les formes ;
ainsi la Critique ayant déja prononcé sur
la maniere dont les Connoisseurs devoient
la recevoir , nous n'y apportons
plus cette séverité qui l'avoit proscrite;
l'indulgence des Spectateurs fait grace
M. Renard , du peu de soin qu'il a pris
d'observer les regles , et le livre tout entiers
au plaisir qui résulte de cette irréu
larité.
à
En effet tout le monde convient que le
plus,honnête personnage de la Piece est cefui
deLéandre, dont l'Auteur a vouluétaler
le prétendu ridicule; nous disons prétendu ,
parce
1790 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il ne dépend non - plus de nous de
n-être point distraits , qu'il n'est au pouvoir
d'un aveugle de jouir de la lumierczon
ne doit pas considerer la distraction comme
un vice, et l'Auteur même en convient
par ces Vers qu'il met à la bouche du Distrait
, dans le quatriéme Acte , Scene VII .
Ma maniere est fort bonne , et n'en veux point
changer.
Je ne ressemble point aux hommes de notre âge ,
Qui masquent en tout temps leurs coeurs et leur
visage ,
Mon deffaut prétendu , mon peu d'attention ,
Fait la sincerité de mon intention.
Je ne prépare point avec effronteric ,
Dans le fond de mon coeur d'indigne menterie į
Je dis ce que je pense et sans déguisement ;
Je suis sans refléchir mon premier mouvement.
Un esprit naturel me conduit et m'anime ;
Je suis un peu distrait , mais ce n'est pas un crime,
Leandre est bien modeste de se contenter
de conclure que sa distraction n'est pas
un crime ; il auroit pû avancer hardiment
qu'elle n'est pas un vice , puisqu'il en faiț
une vertu dans tous les Vers precedents.
Madame Grognac , qui prétend devenir
sa belle-mere , en parle à peu près de même
au premier Acte , où elle dir :
Je
JUILLE T.
1799 1731
Je sçais bien qu'à parler de lui sans passion ,
Il est particulier dans sa distraction .
Il répond rarement à ce qu'on lui propose ;
On ne le voit jamais à lui dans mille choses ;
Mais ce n'est pas un crime en lui d'être ainsi fait;
On peut être , à mon sens , homme sage et distrait,
Voilà quel est notre Distrait, selon luimême
et selon sa prétenduë future bellenere
; il est un peu moins bien dans l'esprit
de son Valet Carlin. Voici le Portrait
qu'il en fait ;
C'est un homme étonnant et rare en son espece ;
I rêve fort à rien ; il s'égare sans cesse ;
Il cherche , il trouve , il broüille , il regarde sans
voir ;
Quand on lui parle blanc , souvent il répond
noir ;
Il vous dit non pour cüi , oüi pour non ; il ape
pelle ,
Une femme Monsieur , et moi Mademoiselle ;
Prend souvent l'un pour l'autre ; il va sans sçavoir
où ;
On dit qu'il est distrait ; mais moi , je le tiens fou.'"
Dailleurs fort honnête homme , à ses devoirs
austere ,
Exact et bon ami , genereux , doux , sincṛte ;
Aimant
1792 MERCURE DE FRANCE
Aimant , comme j'ai dit , sa Maîtresse in Heros;,
Il est et sage et fou; voilà l'homme en deux mots
Ce portrait de Carlin paroît le plus
ressemblant ; mais , ni comme sage , ni
comme fou , il ne peut être le sujet d'une
Comédie ; le sage ne doit pas être joué ,
et le fou ne peut pas être corrigé.
D'où il est aisé de conclure que M. Renard
n'a choisi ce caractere que pour ouvrir
un champ plus vaste à son imagination
les incidens naissant en foule dans un sujet
si fécond en quiproquo ; en faut-il davantage
pour faire réussir une Piece où
l'on ne se propose point d'autre fin que
de faire rire ?
Nous passerons plus legerement sur les
autres caracteres , ils sont défectueux jusqu'à
révolter les personnes les moins délicates.
Le Chevalier que l'Auteur a prétendu
opposer au Distrait , est un étourdi , ou
plutôt un fou à mettre aux petites Maisons
, et de plus , de très-mauvaises moeurs ;
on en peut juger par la correction que son
oncle lui fait ; la voici :
Vous vous faites honneurd'être un franc libertin,'
Vous mettez votre gloire à bien tenir du vin ;
Et lorsque tout fumant d'une vineuse haleine ,
Sur
JUILLET. 1731. 1793
Sur vos pieds chancelants vous vous tenez à peine,
Sur un Théatre alors vous venez vous montrer ;
Là , parmi vos pareils on vous voit folâtrer ;
Vous allez vous baiser comme des Demoiselles ,
Et pour vous faire voir jusque sur les chandelles ,
Poussant l'un , heurtant l'autre , et contant vos
exploits ,
Plus haut que les Acteurs , vous élevez la voix ;
Et tout Paris témoin de vos traits de folie ,
Kit plus cent fois de vous que de la Comédie.
L'oncle ne charge point le caractere ?
c'est ce que le neveu va justifier lui-même
en sa presence.
Mais que fais-je donc tant , Monsieur , ne vous
déplaise ,
Pour trouver ma conduite à tel excès mauvaise ?
J'aime , je bois , je joue , et ne vois en cela
Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là , &c .
De -là je pars sans bruit ,
Quand le jour diminuë et fait place à la nuit ,
Avec quelques amis , et nombre de bouteilles ,
Que nous faisons porter pour adoucir nos veilles,
Chez des femmes de bien dont l'honneur est entier
,
Et qui de leur vertu parfument le quartier.
Là, nous perçons la nuit d'une ardeur sans égale;
H Nous
1-94 MERCURE DE FRANCE
Nous sortons au grand jour pour ôter tout scandale
,
Et chacun en bon ordre aussi sage que moi ,
Sans bruit au petit pas se retire chez soi.
Cette vie innocente est - elle condamnée ?
Ne faire qu'un repas dans toute une journée !
Un malade , entre nous , se conduiroit- il mieux ?
Ce qu'il y a de plus déreglé dans la
Piece , c'est que l'oncle n'aspire qu'à rendre
heureux un neveu si indigne de l'être,
ce qui ne sçauroit faire qu'un troisiéme
caractere très - vicieux .
→
Pour celui de Madame Grognac , il n'a
rien de beau que d'être conforme à son
nom ; elle est d'une gronderie et d'une misantropie
tout- à- fait insupportable ; elle a
des duretez pour Isabelle sa fille , qui ne
sont rachetées par aucune complaisance ,
mais ce n'est point là ce qu'il y a de plus
déplorable pour cette pauvre innocente ;
l'amour que le Chevalier lui a inspiré ,
excite pour elle la pitié des Spectateurs ;
on la plaint de la voir aussi malheureuse
en Amant qu'en Mere , et c'est- là peutêtre
le seul interêt qui regne dans la Piece .
Clarice aussi heureuse qu'Isabelle , est
menacée d'être malheureuse ; elle aime
Léandre , dont tout le deffaut est d'être
distrait , deffaut qui devroit la faire tenir
en
JUILLET. 1731. -1795
en garde contre les effets qu'il produit sur
elle , puisqu'elle lui dit elle- même , après 、
une justification sur une prétenduë infidelité.
Quels que soient vos discours pour me persuader,
J'aime trop pour ne pas toûjours appréhender.
Mais ces distractions qui vous sont naturelles ,
Me rassurant un peu de mes frayeurs mortelles ;
Je vous juge innocent, et crois que votre erreur,
Provient de votre esprit plus que de votre coeur.
On voit bien par les deux premiers
Vers de ce sizain , que l'Auteur est allé
au- devant de l'objection , en attribuant les
craintes de Clarice à l'excès de son amour.
Pour ce qui regarde l'intrigue de la Piece
, on peut dire qu'il n'en a guere coûté
à l'imagination de l'Auteur pour la produire
, le caractere qu'il traite suffit, comme
nous l'avons déja dit , pour en faire
le noeud par les incidens qu'il fait naître,
et le dénoüment est une mauvaise copie
de celui des Femmes Sçavantes ; voici en .
peu de mots toute l'intrigue.
Madame Grognac , mere d'Isabelle
fondée sur un dédit signé entre elle et un
oncle de Léandre , veut que ce Léandre
épouse sa fille ; elle ne veut point
absolument du Chevalier pour son gen-
Hij
dre ;
1796 MERCURE DE FRANCE
dre ; ce dernier , outre les deffauts révoltans
dont nous avons ppaarrlléé ,, lui manque
de respect jusqu'à lui faire danser une
Courante malgré elle ; Valere , oncle du
Chevalier et de Clarice , veut faire un
double mariage entre ces Amans , et ce
mariage est au gré de leurs desirs , puisque
Clarice aime Léandre et en est aimée,
et que le Chevalier et Isabelle s'aiment
aussi réciproquement 5 Valere réserve une
dot de cinquante mille écus à Clarice sa
niece , et donne le reste de son bien au
Chevalier , son indigne neveu voilà le
noeud de la Piece , en voici le dénouement,
Carlin , Valet de Léandre, feint d'arriver
rout fraîchement et tout botté , d'un voyage
qu'il avoit fait avec son Maître , dont
T'oncle étoit à l'extremité; il anonce hardiment
que cet oncle vient de mourir, et qu'il
a desherité son neveu, parce qu'il a appris
qu'il ne vouloit pas épouser Isabelle, malgré
le dédit fait entre Madame Grognac sa
mere , et lui , oncle de Léandre. Madame
Grognac devient le Trissotin de la Piece;
elle n'a pas plutôt appris que Léandre n'a
rien , qu'elle lui dit qu'il peut chercher
fortune ailleurs. L'oncle du Chevalier
profite
de cette conjoncture pour lui faire
accepter son neveu pour gendre ; elle se
contents
JUILLET 1731. 1797
contente de dire qu'il est bien étourdi ,
et qu'elle a encore sur le coeur la Courante
qu'il lui a fait danser ; elle signe
le Contrat à condition qu'il se corrige-
Fa , et que son oncle lui en répondra . Le
Contrat signé , Valere donne Clarice , sa
niece,à Léandre ; Madame Grognac trouve
fort étrange qu'il marie sa niéce à un
homme qui vient d'être desherité , il lui
avouë la petite fourberie qu'on lui a faite
pour la faire consentir au mariage qu'elle
vient de signer ; et comme elle fait éclater
sa mauvaise humeur contre sa fille
son nouveau gendre lui dit :
J'ai , si vous la grondez , un Menuet tout prêt ,
La Piece finit par un dernier trait de
distraction. Le voicy .
Léandre à Carlin.
Toi , Carlin , à l'instant prépare ce qu'il faut ,
Pour aller voir mon oncle et partir au plutôt.
Carlin.
Laissez votre oncle en paix ; quel diantre de lan
gage ?
Vous devez cette nuit faire un autre voyage ;
Vous n'y songez donc plus ; vous êtes marié.
Léandre.
Tu m'en fais souvenir ; je l'avois oublié .
Hij Voilà
1799 MERCURE DE FRANCE
Voilà une partie des Refléxions qu'on
a faites sur la Comédie du Distrait ; cette
Piece n'a peut- être mérité ni de tomber
aussi brusquement qu'elle fit autrefois , ni
de réussir aussi heureusement qu'elle fait
aujourd'hui , cela n'empêche pas qu'on
ne doive rendre à M. Regnard la justice
qui lui est due c'est que personne n'a
mieux possedé que lui le talent de faire
rireset c'est par là que ses Pieces de Théatre
sont plus aimées qu'elles ne sont estimées.
Le 7 , l'Opera Comique donna une
Piece d'un Acte en Vaudeville , intitulée
Monde Renversé. Elle avoit été représentée
dans sa nouveauté à la Foire S. Laurent en
1718. Cette Piece est suivie de deux Aczes
de la France Galante et terminée parla
Guinguette Angloise , exécutée par les mêmes
Danseurs dont on a déja parlé dans le
premier Volume de Juin.
Le 1 2. on supprima un des deux Actes
de la France Galante , et on donna à la płace
l'Isle des Amazones , autre ancienne
Piece d'un Acte faite en 1718. On en peut
voir le sujet dans le Recueil du Théatre
de la Foire.
Jamais le goût pour les Spectacles n'a
été si général , et jamais tant de jeunes.
Gens
JUILLET. 1731. 1799
Gens ,depuis le Bourgeois jusqu'aux Personnes
de la plus grande qualité , ne se sont
appliquez avec tant d'ardeur à l'Art de la
Déclamation , auquel quelques- uns réüssisent
avec un naturel , des graces et une
finesse admirable. Dans plusieurs Maisons
de Paris , des personnes de mérite et de
bon goût , d'un même quartier , s'assemblent
, et se font un plaisir de représenter
des Tragédies et des Comédies des meilleurs
Auteurs ,avec beaucoup de justesse et
de précision , ce qui donne une grande satisfaction
au petit nombre de Spectateurs
choisis qu'on veut bien admettre dans ces
agréables amusemens.
Parmi ces Sociétez , il en est une qui
merite assurément d'être distinguée : les
Acteurs , dont le nombre n'est pas grand ,
s'attachent à ne représenter que des Pieces
que quelques uns d'entr'eux ont
composées eux -mêmes , et comme le mérite
et les talents se trouvent réunis dans
-
cette Societé , on ne craint point de
dire à l'égard de ces petites Comédies
que pour l'imagination
, la sagesse des
moeurs , et la finesse de l'exécution , elles
pourroient donner de la jalousie aux plus
babiles de l'Art.
3.
Dans quelques - unes des plus belles maisons
aux environs de Paris , on a dressé
Hij des
1800 MERCURE DE FRANCE
de petits Théatres fort bien ajustez et
ornez avec gout , où les meilleures Pieces
qu'on voit au Théatre François , sont
souvent représentées par de très - bons Sujets
, en présence de très- nombreuses et
très brillantes Assemblées.
*
Cette inclination pour le Théatre doit
être plus étenduë qu'on ne croit , car on.
apprend de Bruxelles que le 27. May
le Duc de Lorraine , à qui on avoit déja
donné quantité de Fêtes , assista à la Comedie
, intitulée , la Critique de l'Europe
Galante , ou le Mariage d' Arlequin , représentée
par des Bourgeois Flamands.
Fermer
Résumé : Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
La pièce 'Le Distrait' de M. Renard, représentée pour la première fois en décembre 1697, a connu un succès croissant malgré des débuts modestes avec seulement trois représentations. Aujourd'hui, elle attire un large public grâce à la performance du sieur de Montmesnil dans le rôle principal et à la qualité des autres acteurs. Initialement conçue comme une comédie classique, la pièce est désormais appréciée comme une farce pleine de gaieté. La critique a évolué, passant d'une sévérité initiale à une indulgence qui pardonne les écarts aux règles théâtrales, privilégiant le plaisir du public. Le personnage principal, Léandre, est décrit comme distrait mais sincère, un trait que l'auteur et Madame Grognac, sa future belle-mère, ne considèrent pas comme un vice. Le valet Carlin voit Léandre comme un homme honnête mais fou. La pièce exploite les quiproquos nés de la distraction de Léandre pour générer des situations comiques. Les autres personnages, comme le Chevalier, sont jugés défectueux et révoltants. Le Chevalier est décrit comme un libertin et un fou, tandis que Madame Grognac est grincheuse et misanthrope. L'intrigue repose sur les malentendus et les quiproquos, avec un dénouement qui rappelle celui des 'Femmes savantes'. La pièce se termine par un trait de distraction de Léandre, oubliant son mariage récent. Le texte souligne le talent de M. Renard pour faire rire, bien que ses pièces soient plus aimées qu'estimées. Il mentionne également l'engouement pour les spectacles et la déclamation à Paris, avec des sociétés privées représentant des pièces avec beaucoup de justesse et de précision. Une société en particulier est distinguée pour ses comédies originales, appréciées pour leur imagination, leur sagesse et leur finesse d'exécution. Les petits théâtres sont décrits comme élégamment aménagés et décorés avec goût, où les meilleures pièces du théâtre français sont fréquemment jouées par d'excellents acteurs devant un public nombreux et brillant. Cette passion pour le théâtre semble plus répandue qu'on ne le pense. Par exemple, à Bruxelles, le 27 mai, le Duc de Lorraine a assisté à la comédie intitulée 'La Critique de l'Europe Galante, ou le Mariage d'Arlequin', interprétée par des bourgeois flamands.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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89
p. [1987]-1992
le Mary curieux, Comedie, [titre d'après la table]
Début :
Le 16. Juillet, les Comédiens François donnerent la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Repentir, Convent, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : le Mary curieux, Comedie, [titre d'après la table]
L
E 16. Juillet , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Mari curieux , Comédie en Prose et
en un Acte , par M. d'Alinval. Cette Piece
a été favorablement reçûë du Public
ce qui nous donne lieu de croire qu'on
en verra avec plaisir un petit Extrait dans
ce Journal.
M. Lisidor, venant d'un long voyage ,
Giiij trouve
9
1988 MERCURE DE FRANCE
trouve le bruit de sa mort répandu dans
son pays , fondé sur un nauffrage dont il
s'est heureusement sauvé. La bonne opinion
qu'il a de sa femme et de lui - même ,
lui fait naître la curiosité d'apprendre
combien il est regretté. Il fait cette épreuve
à la faveur d'un travestissement ; il se
met à la tête d'une troupe de Bohemiennes
, et en qualité de diseuse de bonne
avanture , il s'addresse d'abord à Maturin,
son Jardinier. Ce Maturin vient d'être
maltraité par un Amant de sa femme et
congedié par sa femme même , pour lut
avoir sagement représenté qu'elle ne devoit
pas se remarier sans être bien sûre
de la mort de son mari , et pour avoir
condamné sa joye dans un temps où elle
devroit s'abandonner à la douleur. La tendresse
d'un Serviteur si fidele , engage
M. Lisidor à lui annoncer qu'il reverra
bien-tôt son cher Maître . Maturin est si
agréablement flatté d'une promesse si satisfaisante
, qu'il donne tout ce qu'il a sur
lui à la fausse Bohemienne ; son Maître
ne peut s'empêcher de se découvrir à lui,
il le charge d'engager Madame Lisidor à
la voir danser chez elle avec toute sa troupe.
C'est par une proposition si agréable
et par une fausse apparence de repentir ,
que Maturin regagne les bonnes graces de
Madame
A O UST. 1731. 1989
Madame Lisidor ' et du Gascon , qui la
doit épouser. La seconde consolation que
le Mari curieux reçoit dans sa maison ,
c'est la tendre douleur que sa fille Henriette
témoigne sur la fausse nouvelle de
sa mort ; il est tenté de se découvrir à elle :
sur tout pour soulager le nouveau tourment
que lui cause l'ordre qu'elle a reçû
de sa mere , d'entrer dans un Convent et
de s'arracher pour toûjours au jeune Damon
, qui lui avoit été destiné pour époux
dès sa plus tendre enfance ; quelques sentimens
inconnus qui lui échappent à la
voix de la fausse Bohemienne , font une
espece de demi reconnoissance qui commence
à remuer les Spectateurs . Le Chevalier
Gascon qui ne connoît ni pere
mere , et qui pourtant a promis à Madame
Lisidor que son pere arrivera au premier
jour pour assister à la nôce , engage la
prétendue Bohemienne à lui donner quel
qu'un de sa troupe qui fasse le personnage
de pere , sous le nom de Baron de
Fronsignac. M. Lisidor lui promet de le
faire lui- même ; il se travestit pour jouer
ce nouveau Rôle , et c'est sous ce dernier
travestissement qu'il se fait connoître à sa
femme , qui lui a déja fait entendre dans
une autre Scene qu'elle n'est rien moins
que cette femme tendre et fidelle qu'il se
Gv proposoit
ni
1990 MERCURE DE FRANCE
proposoit de retrouver en elle . Sa fille nelaisse
pas de demander grace à son pere
pour une mere si dénaturée et pour une
femme si infidele. Henriette est mariée à
son cher Damon..La Piece finit par un Divertissement
de Bohemiens et de Bohë.
miennes , dont les Chansons roulent sur
le titre et le fond de la Comédie ; cet Ouvrage
a paru bien écrit , et l'on en a trouvé
la Morale fort bonne ..
Le Théatre François a été fermé pendant
huit jours, les Comédiens qui étoient
restez à Paris ayant été mandez à Fontai
nebleau. Ceux qui avoient été du voyage
à la suite de la Cour , revinrent à Paris
le 30. du mois dernier , et ils r'ouvrirent.
le Théatre le 2. de ce mois par là Tragedie
d'Astrate , de Quinault , représentée
dans sa nouveauté en 1663. qui a toûjours
eû du succès , toutes les fois qu'on:
l'a remise au Théatre. Le Public la revoit
aujourd'hui avec beaucoup de plaisir; mais .
en applaudissant les grandes beautez de
ce Poëme , il n'en blâme pas moins les.
deffauts.
Le 12. ils donnerent le Philosophe Ma
rié, Comédie de M. Destouches , que le
Public revoit toûjours avec plaisir , elle
fut très -bien représentée ; la Dile Gossin
qui
AOUST 1731. 1991
qui a été reçûë à Fontainebleau , sur le
pied d'une demi- part , y joüa le Rôle de
Melite , et y fut fort applaudie..
L'Académie Royale de Musique continuë
toûjours avec succès le Balet des Fêtes
Venitiennes , qu'on ne se lasse pas de
voir ; on prépare l'Opera d'Amadis de
Gaule , qu'on doit remettre au Téatre incessamment.
La Dile Salé , qui est revenue de Londres
, où elle étoit allée l'année passée
reparut le 21. sur le Théatre de l'Opera ,.
et dansa au second Acte des Fêtes Veni--
tiennes , une Musette , un Passe - pied et
un Pas de Deux avec le sieur Dupré, tout
le monde connoît les talens , la finesse et:
les graces de cette excellente Danseuse ..
Le Public a marqué par de grands applaudissemens
le plaisir que lui fait son
retour.
Le 16. les Comédiens Italiens firent
l'ouverture de leur Théatre après leur
retour de Fontainebleau , et représente
rent Démocrite prétendu Fon , qui fut suivi
de la petite Piece des Paysans de qualités.
Le 18. ils donnerent Samson , comme ill
a été représenté à la Cour..
Le 23. ils joüerent une Piece nouvelle
Gvj Fran
1992 MERCURE DE FRANCE
Françoise de M. de la Motte , en cinq
Actes , intitulée l'Amante difficile ; cette
Piece avoit été représentée en Italien au
mois d'Octobre 1716. par les mêmes Comédiens
et sous le même titre : on en parlera
plus au long.
Le 28. Juillet , l'Opera Comique donna.
une Piece nouvelle en trois Actes, en Vaudeviles
, avec des Divertissemens de la
composition de M. Gilliers ; elle a pour
titre, Roger, Roi de Sicile , surnommé le Roi
sans chagrin. Cette Piece qui a été reçûë
favorablement du Public a été suivie du
premier
Ballet que les Danseurs
Anglois
exécuterent à la même Foire S. Laurent
en 1729. ct qui fut si goûté du Public.
E 16. Juillet , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Mari curieux , Comédie en Prose et
en un Acte , par M. d'Alinval. Cette Piece
a été favorablement reçûë du Public
ce qui nous donne lieu de croire qu'on
en verra avec plaisir un petit Extrait dans
ce Journal.
M. Lisidor, venant d'un long voyage ,
Giiij trouve
9
1988 MERCURE DE FRANCE
trouve le bruit de sa mort répandu dans
son pays , fondé sur un nauffrage dont il
s'est heureusement sauvé. La bonne opinion
qu'il a de sa femme et de lui - même ,
lui fait naître la curiosité d'apprendre
combien il est regretté. Il fait cette épreuve
à la faveur d'un travestissement ; il se
met à la tête d'une troupe de Bohemiennes
, et en qualité de diseuse de bonne
avanture , il s'addresse d'abord à Maturin,
son Jardinier. Ce Maturin vient d'être
maltraité par un Amant de sa femme et
congedié par sa femme même , pour lut
avoir sagement représenté qu'elle ne devoit
pas se remarier sans être bien sûre
de la mort de son mari , et pour avoir
condamné sa joye dans un temps où elle
devroit s'abandonner à la douleur. La tendresse
d'un Serviteur si fidele , engage
M. Lisidor à lui annoncer qu'il reverra
bien-tôt son cher Maître . Maturin est si
agréablement flatté d'une promesse si satisfaisante
, qu'il donne tout ce qu'il a sur
lui à la fausse Bohemienne ; son Maître
ne peut s'empêcher de se découvrir à lui,
il le charge d'engager Madame Lisidor à
la voir danser chez elle avec toute sa troupe.
C'est par une proposition si agréable
et par une fausse apparence de repentir ,
que Maturin regagne les bonnes graces de
Madame
A O UST. 1731. 1989
Madame Lisidor ' et du Gascon , qui la
doit épouser. La seconde consolation que
le Mari curieux reçoit dans sa maison ,
c'est la tendre douleur que sa fille Henriette
témoigne sur la fausse nouvelle de
sa mort ; il est tenté de se découvrir à elle :
sur tout pour soulager le nouveau tourment
que lui cause l'ordre qu'elle a reçû
de sa mere , d'entrer dans un Convent et
de s'arracher pour toûjours au jeune Damon
, qui lui avoit été destiné pour époux
dès sa plus tendre enfance ; quelques sentimens
inconnus qui lui échappent à la
voix de la fausse Bohemienne , font une
espece de demi reconnoissance qui commence
à remuer les Spectateurs . Le Chevalier
Gascon qui ne connoît ni pere
mere , et qui pourtant a promis à Madame
Lisidor que son pere arrivera au premier
jour pour assister à la nôce , engage la
prétendue Bohemienne à lui donner quel
qu'un de sa troupe qui fasse le personnage
de pere , sous le nom de Baron de
Fronsignac. M. Lisidor lui promet de le
faire lui- même ; il se travestit pour jouer
ce nouveau Rôle , et c'est sous ce dernier
travestissement qu'il se fait connoître à sa
femme , qui lui a déja fait entendre dans
une autre Scene qu'elle n'est rien moins
que cette femme tendre et fidelle qu'il se
Gv proposoit
ni
1990 MERCURE DE FRANCE
proposoit de retrouver en elle . Sa fille nelaisse
pas de demander grace à son pere
pour une mere si dénaturée et pour une
femme si infidele. Henriette est mariée à
son cher Damon..La Piece finit par un Divertissement
de Bohemiens et de Bohë.
miennes , dont les Chansons roulent sur
le titre et le fond de la Comédie ; cet Ouvrage
a paru bien écrit , et l'on en a trouvé
la Morale fort bonne ..
Le Théatre François a été fermé pendant
huit jours, les Comédiens qui étoient
restez à Paris ayant été mandez à Fontai
nebleau. Ceux qui avoient été du voyage
à la suite de la Cour , revinrent à Paris
le 30. du mois dernier , et ils r'ouvrirent.
le Théatre le 2. de ce mois par là Tragedie
d'Astrate , de Quinault , représentée
dans sa nouveauté en 1663. qui a toûjours
eû du succès , toutes les fois qu'on:
l'a remise au Théatre. Le Public la revoit
aujourd'hui avec beaucoup de plaisir; mais .
en applaudissant les grandes beautez de
ce Poëme , il n'en blâme pas moins les.
deffauts.
Le 12. ils donnerent le Philosophe Ma
rié, Comédie de M. Destouches , que le
Public revoit toûjours avec plaisir , elle
fut très -bien représentée ; la Dile Gossin
qui
AOUST 1731. 1991
qui a été reçûë à Fontainebleau , sur le
pied d'une demi- part , y joüa le Rôle de
Melite , et y fut fort applaudie..
L'Académie Royale de Musique continuë
toûjours avec succès le Balet des Fêtes
Venitiennes , qu'on ne se lasse pas de
voir ; on prépare l'Opera d'Amadis de
Gaule , qu'on doit remettre au Téatre incessamment.
La Dile Salé , qui est revenue de Londres
, où elle étoit allée l'année passée
reparut le 21. sur le Théatre de l'Opera ,.
et dansa au second Acte des Fêtes Veni--
tiennes , une Musette , un Passe - pied et
un Pas de Deux avec le sieur Dupré, tout
le monde connoît les talens , la finesse et:
les graces de cette excellente Danseuse ..
Le Public a marqué par de grands applaudissemens
le plaisir que lui fait son
retour.
Le 16. les Comédiens Italiens firent
l'ouverture de leur Théatre après leur
retour de Fontainebleau , et représente
rent Démocrite prétendu Fon , qui fut suivi
de la petite Piece des Paysans de qualités.
Le 18. ils donnerent Samson , comme ill
a été représenté à la Cour..
Le 23. ils joüerent une Piece nouvelle
Gvj Fran
1992 MERCURE DE FRANCE
Françoise de M. de la Motte , en cinq
Actes , intitulée l'Amante difficile ; cette
Piece avoit été représentée en Italien au
mois d'Octobre 1716. par les mêmes Comédiens
et sous le même titre : on en parlera
plus au long.
Le 28. Juillet , l'Opera Comique donna.
une Piece nouvelle en trois Actes, en Vaudeviles
, avec des Divertissemens de la
composition de M. Gilliers ; elle a pour
titre, Roger, Roi de Sicile , surnommé le Roi
sans chagrin. Cette Piece qui a été reçûë
favorablement du Public a été suivie du
premier
Ballet que les Danseurs
Anglois
exécuterent à la même Foire S. Laurent
en 1729. ct qui fut si goûté du Public.
Fermer
Résumé : le Mary curieux, Comedie, [titre d'après la table]
Le 16 juillet, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Mari curieux', une comédie en prose et en un acte écrite par M. d'Alinval. La pièce a été bien accueillie par le public. L'intrigue suit M. Lisidor, qui revient d'un long voyage et découvre que l'on croit à sa mort à cause d'un naufrage dont il a réchappé. Curieux de savoir combien il est regretté, il se déguise en diseuse de bonne aventure et se rend chez lui. Il rencontre d'abord Maturin, son jardinier, qui a été maltraité par un amant de sa femme et congédié pour avoir conseillé à Madame Lisidor de ne pas se remarier sans être sûre de la mort de son mari. M. Lisidor, touché par la fidélité de Maturin, lui révèle qu'il est vivant et lui demande d'organiser une rencontre avec Madame Lisidor. Grâce à cette ruse, Maturin regagne les faveurs de Madame Lisidor et de son futur mari, un chevalier gascon. M. Lisidor découvre également la douleur de sa fille Henriette, qui doit entrer au couvent pour être séparée de son fiancé Damon. Il se révèle finalement à sa femme et à sa fille, qui obtient le pardon pour sa mère infidèle. La pièce se termine par un divertissement de Bohémiens et Bohémiennes, et est jugée bien écrite avec une morale solide. Par la suite, le théâtre a repris ses activités avec diverses représentations, dont 'Astrée' de Quinault, 'Le Philosophe marié' de Destouches, et des spectacles de danse et de musique. Les Comédiens Italiens ont également repris leurs représentations avec des pièces comme 'Démocrite prétendu fou' et 'L'Amante difficile'. L'Opéra Comique a présenté 'Roger, Roi de Sicile', une pièce en vaudevilles suivie d'un ballet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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90
p. 1992-1998
Tragedie de Regulus et Balet de l'empire de la Mode, au College des Jesuites, [titre d'après la table]
Début :
Le Mercredi premier de ce mois, on représenta pour la distribution des Prix, dans la Cour du [...]
Mots clefs :
Tragédie, Ballet, Mode, Roi légitime, Barbier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragedie de Regulus et Balet de l'empire de la Mode, au College des Jesuites, [titre d'après la table]
Le Mercredi premier de ce mois , on représenta
pour la distribution des Prix , dans la Cour du
College de Louis le Grand , la Tragedie de Regulus
, du Pere de la Sante , en Latin. Elle fut
ter minée par un Eloge du Roy. Nous n'entrerons.
po'nt dans le détail de cette Piece , dont le sujet
est connu de tout le monde , pour pouvoir nous
arrêter plus long- temps sur le Balet qui a servi
d'in ermede à la Tragedie , sous le titre de l'Empire
de la Mode. Ce Balet est divisé en quatre-
Da rties ; sçavoir , l'établissement de l'Empire de
a Mode , son étenduë , sa tyrannie , sa décadence.
Avant que d'entrer dans les subdivisions de
ces quatre Parties , il est à propos de parler de
l'ouverture du Balet , en voici le Sujet.
L'Au
A O UST. 1731. 1993
•
L'Auteur suppose très- ingenieusement que l'Uage
est fils du Temps et de la Coûtume , que la
Mode , Princesse naturellement ambitieuse , fille
du Caprice et de la Phantaisie , entreprit de détrôner
l'Usage , et de faite tomber son Royaume
en quenouille. Elle a des Soldats lestes et vétus
à la moderne , qui surprennent les vieilles bandes
du Roy legitime ; ils les enchaînent et les forcent
même à venir rendre hommage à l'usurpatrice
assise sur le Trône , d'où elle donne des Loix at
Monde qu'elle tient sous ses pieds.
La premiere Partie du Balet comprend l'établissement
de l'Empire de la Mode , et la subdivision.
1 °.L'exemple des Grands . 2 °. L'envie de
eacher ce que
l'on est. 3 ° . L'ambition de paroître
plus qu'on n'est.
1. Le fameux Barbier de Midas , invente l'usage
de la Perruque en faveur de son Prince, pour
couvrir la disgrace de ses oreilles . Plusieurs Maîtres
Perruquiers font sur ce modele de pareilles
coëffures , dont les Courtisans se parent à l'exemple
du Souverain , et transmettent cette mode aux
siecles suivans , qui s'en sont plus d'une fois servis
pour des besoins à peu près semblables.
2. Plusieurs Sauvages se peignent le visage ,
pour ne point laisser paroître les mouvemens de
leur ame. I's sortent des Bois de Samos et viennent
livrer aux Marchands Romais le Fard , la
Pommade , la Céruse et le Vern , que ceuxcy
mettent à la mode parmi les Dames Romaines,
qui s'en servent pour cacher les rides de leurs
visages et le desagrément de leur teint.
.
3. Niobé, fiere du nombre et de la beauté de ses
enfans , leur fait prendre des simboles des Dieux
et se produisant elle- même en public sous un habit
conforme à celui de Latone , elle voudroit à
La
1994 MERCURE DE FRANCE
la faveur de cet appareil passer pour Déesse aux
yeux de son peuple , et faire adorer ses enfanscomme
autant de demi-Dieux , dans un temps où
la Mode commençoit à diviniser les Passions mêmes
. Apollon et Diane font tomber sur cette
mere ambitieuse une grêle de fleches avec une
pluye de feu. Transformée en Rocher, elle éprouve
à ses dépens que c'est une vanité punissable
que d'aspirer à paroître plus que l'on n'est..
SECONDE PARTIE.
29
L'Empire de la Mode s'étend , 1 ° . Sur la
plupart des conditions . 2 ° . Sur presque.
toutes les Nations. 3 ° . Sur tous les âges.
I. ENTRE'E . Lycurgue , gouvernant le Royaume
au nom de son Neveu encore jeune , ne peut
voir sans indignation , que l'entêtement pour la
mode confonde toutes les conditions dans Sparte;
que le Villageois s'érige en Artisan , l'Artisan
en Bourgeois , le Bourgeois en Gentilhomme , le
Gentilhomme en Seigneur , le Seigneur en petit :
Souverain , le Marchand en Magistrat , &c. 11 .
entreprend de réformer de tels abus, et publie avec
appareil, au son des tambours et des trompettes,
une loi sévere par laquelle il regle l'ordre des
conditions.
II. ENTREE. Auguste , après avoir pacifié
l'Univers , fait dresser des Arcs de Triomphe à
l'entrée d'un . Bocage voisin de son Palais. Là il
donne une Fête aux Ambassadeurs des Nations
nouvellement subjugués, qu'il prétend engager à
prendre les manieres Romaines , tant pour le langage
que pour l'habillement ; mais la plupart de
ces Etrangers,, sur tout les Gaulois , jaloux de leure
liberté.
A OUST 1731 . 1995
liberté , se maintiennent dans le droit de changer
de mode à leur gré par le refus qu'ils font de subir
la loi qu'on veut leur imposer , ils se montrent
plus soumis au joug de la Mode qu'à celui
de leur vainqueur.
III. ENTRE'E. La Déesse Manie , soeur de
la Nouveauté , panoît sur un Char traîné par des
Singes. Ce Char n'est d'abord suivi que par des
enfans et de jeunes avanturiers. Bien - tôt après ,
des hommes d'un âge mûr se joignent à ce Cortege.
Enfin de graves Vieillards se mettent euxmêmes
de la partie . Tous ensemble affectent les
airs , la démarche , la contenance , les . grimaces
de cette Cour bizare , et deviennent plus Singes.
que les Singes mêmes.
TROISIE'ME PARTIE.
L'Empire de la Mode est une vraye tyrannie,
qui force àfaire , 1º . plus qu'on ne doit.
2º. Plus qu'on ne veut. 3 ° . Plus qu'on
ne peut.
I. ENTRE'E. En Asie , la mode du grand
deüil regna pour un tems, et fit même un devoir.
aux riches veuves d'élever des Tombeaux à leurs
maris. Artemise et la Matrone d'Ephése , voulant
signaler leur douleur , érigent à leurs Epoux desuperbes
Mausolées. Mercure les voyant l'une et
l'autre inconsolables en apparence , ranime ceux:
qu'elles pleurent , en touchant leurs corps de sa
baguette fatale ; la douleur des deuxaffligées paroit
s'accroître par le prodige même qu'il opera
pour la soulager.
II . ENTRE' E. Deux partis de Gentilshommes
Bourguignons entrent en champ clos et se
battent
1997 MERCURE DE FRANCE
battent en duel malgré leurs répugnances ,sous les
yeux même de leur Roi , arbitre du combat , pour
obéir à la mode barbare établie parmi eux de
prouver, l'épée à la main, son innocence et la justice
de sa cause.
III. ENTRE'B Les quatre Divinitez , du
Jeu, des Festins , du Luxe et de la Volupté, confedérées
avec la Mode , engagent de jeunes Seigneurs
dans de folles dépenses qu'ils ne peuvent
Soutenir. Pendant qu'ils sont occupez à leurs plaisirs
, des Huissiers envoyez par les Créanciers
saisissent ce qu'ils trouvent sous leurs mains
poursuivent les débiteurs , et vont mettre leurs
terres en decret.
>
QUATRIE ME PARTIE.
L'Empire de la Mode tombe en décadence ;
1º . Par une nouvelle Mode qui bannie
la précedente. 2° . Par la rigueur des Loix
qui proscrivent les Modes dangereuses.
3º. Par le temps qui les détruit l'une après
l'autre.
I. ENTRE' E. Pendant que les plus grands
Maîtres raisonnent suivant Pancienne Méthode
dans le Lycée d'Athénes , et traitent gravement
des points de doctrine les plus sublimes , on voit
paroitre une troupe de petits Grecs nouveaux venus
, qui font grand bruit pour interrompre ceux
qu'ils devroient écouter avec respect , contrefont
leurs gestes , copient leur gravité , introduisent.
une mode nouvelle qui fait fortune pour un instant;
mais la saine antiquité prévaut et dissipe les
yaines chimeres.
LL ENTRE' . Henry IV. voulant multiplies
A O UST. 1731. 1997
plier les especes de monnoye qui devenoient rares
en France , avoit porté un Edit par lequel il permettoit
aux seuls Filoux de porter des étoffes
d'or et d'argent. Une troupe de Filoux ayant saisi
les premiers exemplaires imprimez de l'Edit
viennent déguisez en Colporteurs , et distribuent
des copies de cette loi à de jeunes Seigneurs rassemblez
dans un Bal. Ceux - cy aiment mieux
changer d'habits avec les prétendus Colpolteurs
que de passer pour Filoux. Après ce changement
les fourbes font une danse grotesque , où ils se
divertissent aux dépens de leurs dupés.
*
III ENTRE E. Saturne , Dieu du Tems ,
invoqué par de jeune Eleves de Mars , qui lui demandent
les meilleures armes qu'il ait vû mettre
en oeuvre pour la guerre , leur fait apporter
par les Siecles differentes sortes d'armes à la
vieille mode ; on les essaye en sa presence pour
Pattaque d'une Place ; mais ce Dicu les proscrit
d'un coup
de faulx, et ne laisse aux jeunes Guerriers
que l'armure nouvelle qui leur est fournie
par le dernier Siecle ; il menace même d'en abolir
bientôt l'usage.
BALET GENERAL.
Pendant que la Mode fait une Marche triomphale,
et s'applaudit de la victoire qu'elle a rem
portée sur l'Usage , elle est surprise de voir un
grand nombre de Nations l'abandonner aussi aisément
qu'elles l'avoient suivie , et s'attacher à
Constance , Princesse alliée du Roi détrôné et
ennemie de l'Usurpatrice. L'Usage est rétabli sur
le Trône , que la Constance rend fixe et immuable.
Minerve , Déesse de la Sagesse , de concert
avec les Dieux intéressez au bon ordre de l'Uni-
YCA
1998 MERCURE DE FRANCE
vers publie des Loix invariables qui assurent la
gloire , le bonheur et la stabilité de l'Empire.
Les Danses sont de la composition de Mrs Blon
di et Ma taire l'ainé.
Le Lundi 13. de ce mois , on représenta sur le
Théatre du College d'Harcourt , pour la distri
bution des Prix, la Tragedie d' Absa on , de M. Duché.
Les changemens qu'on a été obligé d'y faire
pour l'accommoder à l'usage de ce College , ne
lui ont rien ôté de son vrai mérite Elle fut trèsbien
représentée par les Ecoliers de Réthorique ,
et l'Assemblée fut très - belle et très- nombreuse .
pour la distribution des Prix , dans la Cour du
College de Louis le Grand , la Tragedie de Regulus
, du Pere de la Sante , en Latin. Elle fut
ter minée par un Eloge du Roy. Nous n'entrerons.
po'nt dans le détail de cette Piece , dont le sujet
est connu de tout le monde , pour pouvoir nous
arrêter plus long- temps sur le Balet qui a servi
d'in ermede à la Tragedie , sous le titre de l'Empire
de la Mode. Ce Balet est divisé en quatre-
Da rties ; sçavoir , l'établissement de l'Empire de
a Mode , son étenduë , sa tyrannie , sa décadence.
Avant que d'entrer dans les subdivisions de
ces quatre Parties , il est à propos de parler de
l'ouverture du Balet , en voici le Sujet.
L'Au
A O UST. 1731. 1993
•
L'Auteur suppose très- ingenieusement que l'Uage
est fils du Temps et de la Coûtume , que la
Mode , Princesse naturellement ambitieuse , fille
du Caprice et de la Phantaisie , entreprit de détrôner
l'Usage , et de faite tomber son Royaume
en quenouille. Elle a des Soldats lestes et vétus
à la moderne , qui surprennent les vieilles bandes
du Roy legitime ; ils les enchaînent et les forcent
même à venir rendre hommage à l'usurpatrice
assise sur le Trône , d'où elle donne des Loix at
Monde qu'elle tient sous ses pieds.
La premiere Partie du Balet comprend l'établissement
de l'Empire de la Mode , et la subdivision.
1 °.L'exemple des Grands . 2 °. L'envie de
eacher ce que
l'on est. 3 ° . L'ambition de paroître
plus qu'on n'est.
1. Le fameux Barbier de Midas , invente l'usage
de la Perruque en faveur de son Prince, pour
couvrir la disgrace de ses oreilles . Plusieurs Maîtres
Perruquiers font sur ce modele de pareilles
coëffures , dont les Courtisans se parent à l'exemple
du Souverain , et transmettent cette mode aux
siecles suivans , qui s'en sont plus d'une fois servis
pour des besoins à peu près semblables.
2. Plusieurs Sauvages se peignent le visage ,
pour ne point laisser paroître les mouvemens de
leur ame. I's sortent des Bois de Samos et viennent
livrer aux Marchands Romais le Fard , la
Pommade , la Céruse et le Vern , que ceuxcy
mettent à la mode parmi les Dames Romaines,
qui s'en servent pour cacher les rides de leurs
visages et le desagrément de leur teint.
.
3. Niobé, fiere du nombre et de la beauté de ses
enfans , leur fait prendre des simboles des Dieux
et se produisant elle- même en public sous un habit
conforme à celui de Latone , elle voudroit à
La
1994 MERCURE DE FRANCE
la faveur de cet appareil passer pour Déesse aux
yeux de son peuple , et faire adorer ses enfanscomme
autant de demi-Dieux , dans un temps où
la Mode commençoit à diviniser les Passions mêmes
. Apollon et Diane font tomber sur cette
mere ambitieuse une grêle de fleches avec une
pluye de feu. Transformée en Rocher, elle éprouve
à ses dépens que c'est une vanité punissable
que d'aspirer à paroître plus que l'on n'est..
SECONDE PARTIE.
29
L'Empire de la Mode s'étend , 1 ° . Sur la
plupart des conditions . 2 ° . Sur presque.
toutes les Nations. 3 ° . Sur tous les âges.
I. ENTRE'E . Lycurgue , gouvernant le Royaume
au nom de son Neveu encore jeune , ne peut
voir sans indignation , que l'entêtement pour la
mode confonde toutes les conditions dans Sparte;
que le Villageois s'érige en Artisan , l'Artisan
en Bourgeois , le Bourgeois en Gentilhomme , le
Gentilhomme en Seigneur , le Seigneur en petit :
Souverain , le Marchand en Magistrat , &c. 11 .
entreprend de réformer de tels abus, et publie avec
appareil, au son des tambours et des trompettes,
une loi sévere par laquelle il regle l'ordre des
conditions.
II. ENTREE. Auguste , après avoir pacifié
l'Univers , fait dresser des Arcs de Triomphe à
l'entrée d'un . Bocage voisin de son Palais. Là il
donne une Fête aux Ambassadeurs des Nations
nouvellement subjugués, qu'il prétend engager à
prendre les manieres Romaines , tant pour le langage
que pour l'habillement ; mais la plupart de
ces Etrangers,, sur tout les Gaulois , jaloux de leure
liberté.
A OUST 1731 . 1995
liberté , se maintiennent dans le droit de changer
de mode à leur gré par le refus qu'ils font de subir
la loi qu'on veut leur imposer , ils se montrent
plus soumis au joug de la Mode qu'à celui
de leur vainqueur.
III. ENTRE'E. La Déesse Manie , soeur de
la Nouveauté , panoît sur un Char traîné par des
Singes. Ce Char n'est d'abord suivi que par des
enfans et de jeunes avanturiers. Bien - tôt après ,
des hommes d'un âge mûr se joignent à ce Cortege.
Enfin de graves Vieillards se mettent euxmêmes
de la partie . Tous ensemble affectent les
airs , la démarche , la contenance , les . grimaces
de cette Cour bizare , et deviennent plus Singes.
que les Singes mêmes.
TROISIE'ME PARTIE.
L'Empire de la Mode est une vraye tyrannie,
qui force àfaire , 1º . plus qu'on ne doit.
2º. Plus qu'on ne veut. 3 ° . Plus qu'on
ne peut.
I. ENTRE'E. En Asie , la mode du grand
deüil regna pour un tems, et fit même un devoir.
aux riches veuves d'élever des Tombeaux à leurs
maris. Artemise et la Matrone d'Ephése , voulant
signaler leur douleur , érigent à leurs Epoux desuperbes
Mausolées. Mercure les voyant l'une et
l'autre inconsolables en apparence , ranime ceux:
qu'elles pleurent , en touchant leurs corps de sa
baguette fatale ; la douleur des deuxaffligées paroit
s'accroître par le prodige même qu'il opera
pour la soulager.
II . ENTRE' E. Deux partis de Gentilshommes
Bourguignons entrent en champ clos et se
battent
1997 MERCURE DE FRANCE
battent en duel malgré leurs répugnances ,sous les
yeux même de leur Roi , arbitre du combat , pour
obéir à la mode barbare établie parmi eux de
prouver, l'épée à la main, son innocence et la justice
de sa cause.
III. ENTRE'B Les quatre Divinitez , du
Jeu, des Festins , du Luxe et de la Volupté, confedérées
avec la Mode , engagent de jeunes Seigneurs
dans de folles dépenses qu'ils ne peuvent
Soutenir. Pendant qu'ils sont occupez à leurs plaisirs
, des Huissiers envoyez par les Créanciers
saisissent ce qu'ils trouvent sous leurs mains
poursuivent les débiteurs , et vont mettre leurs
terres en decret.
>
QUATRIE ME PARTIE.
L'Empire de la Mode tombe en décadence ;
1º . Par une nouvelle Mode qui bannie
la précedente. 2° . Par la rigueur des Loix
qui proscrivent les Modes dangereuses.
3º. Par le temps qui les détruit l'une après
l'autre.
I. ENTRE' E. Pendant que les plus grands
Maîtres raisonnent suivant Pancienne Méthode
dans le Lycée d'Athénes , et traitent gravement
des points de doctrine les plus sublimes , on voit
paroitre une troupe de petits Grecs nouveaux venus
, qui font grand bruit pour interrompre ceux
qu'ils devroient écouter avec respect , contrefont
leurs gestes , copient leur gravité , introduisent.
une mode nouvelle qui fait fortune pour un instant;
mais la saine antiquité prévaut et dissipe les
yaines chimeres.
LL ENTRE' . Henry IV. voulant multiplies
A O UST. 1731. 1997
plier les especes de monnoye qui devenoient rares
en France , avoit porté un Edit par lequel il permettoit
aux seuls Filoux de porter des étoffes
d'or et d'argent. Une troupe de Filoux ayant saisi
les premiers exemplaires imprimez de l'Edit
viennent déguisez en Colporteurs , et distribuent
des copies de cette loi à de jeunes Seigneurs rassemblez
dans un Bal. Ceux - cy aiment mieux
changer d'habits avec les prétendus Colpolteurs
que de passer pour Filoux. Après ce changement
les fourbes font une danse grotesque , où ils se
divertissent aux dépens de leurs dupés.
*
III ENTRE E. Saturne , Dieu du Tems ,
invoqué par de jeune Eleves de Mars , qui lui demandent
les meilleures armes qu'il ait vû mettre
en oeuvre pour la guerre , leur fait apporter
par les Siecles differentes sortes d'armes à la
vieille mode ; on les essaye en sa presence pour
Pattaque d'une Place ; mais ce Dicu les proscrit
d'un coup
de faulx, et ne laisse aux jeunes Guerriers
que l'armure nouvelle qui leur est fournie
par le dernier Siecle ; il menace même d'en abolir
bientôt l'usage.
BALET GENERAL.
Pendant que la Mode fait une Marche triomphale,
et s'applaudit de la victoire qu'elle a rem
portée sur l'Usage , elle est surprise de voir un
grand nombre de Nations l'abandonner aussi aisément
qu'elles l'avoient suivie , et s'attacher à
Constance , Princesse alliée du Roi détrôné et
ennemie de l'Usurpatrice. L'Usage est rétabli sur
le Trône , que la Constance rend fixe et immuable.
Minerve , Déesse de la Sagesse , de concert
avec les Dieux intéressez au bon ordre de l'Uni-
YCA
1998 MERCURE DE FRANCE
vers publie des Loix invariables qui assurent la
gloire , le bonheur et la stabilité de l'Empire.
Les Danses sont de la composition de Mrs Blon
di et Ma taire l'ainé.
Le Lundi 13. de ce mois , on représenta sur le
Théatre du College d'Harcourt , pour la distri
bution des Prix, la Tragedie d' Absa on , de M. Duché.
Les changemens qu'on a été obligé d'y faire
pour l'accommoder à l'usage de ce College , ne
lui ont rien ôté de son vrai mérite Elle fut trèsbien
représentée par les Ecoliers de Réthorique ,
et l'Assemblée fut très - belle et très- nombreuse .
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Résumé : Tragedie de Regulus et Balet de l'empire de la Mode, au College des Jesuites, [titre d'après la table]
Le 1er août, une tragédie latine intitulée 'Regulus' du Père de la Sainte fut représentée au Collège de Louis le Grand pour la distribution des prix, suivie d'un éloge du roi. Le ballet 'L'Empire de la Mode' accompagna cette tragédie et fut divisé en quatre parties : l'établissement, l'extension, la tyrannie et la décadence de la mode. L'ouverture du ballet présente la Mode comme une princesse ambitieuse qui détrône l'Usage, aidée par des soldats modernes. La première partie, 'Établissement de l'Empire de la Mode', illustre l'exemple des grands, comme le barbier de Midas inventant la perruque, l'envie de cacher ses défauts, et l'ambition de paraître plus que l'on est, montrée par Niobé voulant passer pour une déesse. La deuxième partie, 'Extension de l'Empire de la Mode', montre comment la mode confond les conditions sociales à Sparte sous Lycurgue et comment Auguste tente d'imposer les manières romaines aux nations conquises. La déesse Manie, sœur de la Nouveauté, influence tous les âges. La troisième partie, 'Tyrannie de l'Empire de la Mode', décrit comment la mode force à faire plus qu'on ne doit, comme les veuves élevant des tombeaux, pousse à des actions contre nature, comme des duels forcés, et entraîne des dépenses excessives, illustrées par des jeunes seigneurs endettés. La quatrième partie, 'Décadence de l'Empire de la Mode', montre comment une nouvelle mode remplace l'ancienne, les lois proscrivent les modes dangereuses, et le temps détruit les modes successives. Le ballet se conclut par le retour de l'Usage, aidé par la Constance, et l'établissement de lois invariables par Minerve pour assurer la stabilité. Les danses du ballet furent composées par Messieurs Blondy et Mataire l'aîné. Le 13 août, la tragédie 'Absalon' de M. Duché fut représentée au Collège d'Harcourt pour la distribution des prix, adaptée pour les écoliers de rhétorique et bien accueillie par une assemblée nombreuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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91
p. 1998-2002
Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
Début :
BRUTUS, Tragedie de M. de Voltaire, représentée au College du Bois de la très - celebre [...]
Mots clefs :
Comédiens italiens du roi, Prix, Tragédie, Parodie, Prologue
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texteReconnaissance textuelle : Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
BRUTUS , Tragedie de M. de Voltaire ,
présentée au College du Bois de la très - celebre
Université de Caën , pour la distribution solemnelle
des Prix , donnez par Noble Homme Jacques
Maheult de Sainte - Croix , Proviseur du
même College , le Jeudi 31. Juillet.
C'est le titre d'un Programme que nous avons
reçû de Caën , lequel contient le Sujet et le Plan
de cette belle Tragedie , tel à peu près qu'il se
trouve exposé dans l'Extrait que nous en avons
donné lorsqu'elle fut mise pour la premiere fois
sur la Scêne Françoise. Nous avons cependant
remarqué une licence que Mrs de Caën se sont
donnée en faisant paroître au second Acte , Julie
chargée de chaines , déclarant à Argine , sa Confidente
, son amour pour Titus. Ces chaînes ont
apparemment parû plus touchantes , et devoir produire
un plus grand effet sur le Théatre Normand ,
qui s'impathise peut - être un peu avec le Théatre
Anglois. Quoiqu'il en soit , nous avons appris
que cette Piece a été três - bien executée et fort
applaudie par une Assemblée des plus nombreuses..
Selon
A O UST. 1731. 1999
Selon le même Programme , la Tragedie de
Brutus fut suivie de la Parodie qui en a été faite
par les Comédiens Italiens du Roi , intitulée Balus
, et après ce Divertissement onjoua l'Etourdi
eu les Contretemps , Comédie de Moliere , avec
des Intermedes.
Le Spectacle triomphant du Vice , ou le Théa
ore digne de l'Honnête Homme , est le sujet d'un
grandna Balet qui fut dansé sur le même Théatre
, à l'occasion de la Tragédie ; on en trouve
le dessein et la division dans le même Programme.
La Tragedie , l'Opera , ie Balet , et la Comédie
, fournirent le sujet des quatre principales,
Entrées qui parurent avec les caracteres et les suites
qui leur sont propres . Ce Balet et la plûpart
des Airs , sont de la composition de M. Hardouin,
qui s'attira de nouvelles louanges.
Le Programme dont nous rendons compte ,
contient sur tout cela un détail curieux , dans lequel
il nous est impossible d'entrer , qui prouve
que l'esprit et le bon goût continuent de regner
dans la Ville de Caën. Nous nous contenterons
d'ajoûter ici le peu de Vers qui ont précedé la
Tragedie et le Balet . Ils sont de M. Heurtauld
de qui nous avons déja inseré plusieurs bonnes
Pieces dans notre Journal .
Li
Prologue de la Tragédie.
L est une Vertu severe ,
Qui n'a dans ses Arrêts aucun respect humain.
Tel se montra jadis ce courageux Romain ,
Dont nous traçons le caractere.
Brutus en vrai Consul deffend Rome et les Dieux,
It son fils a tramé des desseins factieux.
Dan's
2000 MERCURE DE FRANCE
Dans cette extremité , Ciel , à quoi se résoudre !
Le Consul doit punir : le Pere doit absoudre.
· Raison , pitié , devoir , amour
Quels combats à son coeur vous livrez tour à
tour,!
S'il condamne son fils , il trahit la tendresse :
S'il épargne un coupable , il trahit l'équité :
C'en est fait ; il condamne : un zele ardent le
presse ,
Et la justice enfin , surmonte la bonté !
Cet exemple est pour vous , Peres pleins d'indulgence
,
Qui souffrez d'un enfant la coupable licence ,
Et dont le bras trop lâche est si - tôt désarmé ,
Quand le coup doit tomber sur un objet aimé.
Mais vous que séduit l'âge tendre ,
Enfans , si vous donnez dans quelque égarement ,
Titus mourant doit vous apprendre ,
A vous soumettre aux Loix d'un juste châtiment .
Fidele à sa Patrie , il la vengeoit en brave.
Il triomphoit dans les combâts ;
Mais vaincu par l'amour , il devient traître , es
clave ,
Et la victime du trépas
Jeunes coeurs , de l'amour telle est l'affreuse sufte ;
Craignez son poison dangereux.
Il soüille notre gloire , et corrompt le mérite
Des naturels les plus heureux.
C'est l'utile leçon que vous donne l'ouvrage ,
D'us
A UUS 1. 1731. 2002
D'un Auteur autrefois , habitant de ces lieux.
Quel plaisir , s'il voyoit la troupe illustre et sage¿
Qui s'apprête à gouter ses sons harmonieux !
Și, comme eux , nous étions sûrs de votre suffrage,
Qu'aujourd'hui notre sort deviendroit glorieux.
JE
Prologue du Balet.
Eunes Mortels , accourez pleins de zele.
Ce doux spectacle a des charmes puissans.
Que craignez-vous ? la vertu vous appelle
Livrez vos coeurs à ces jeux innocens ,
M
Loin de ces lieux le vice et l'ignorance,
On n'y reçoit que de pures leçons.
C'est la vertu qui regle notre Danse ,
Nos pas , nos voix et nos doctes Chansons.
M
Par le Tragique on abhorre le crime :
Par le Comique on réforme les moeurs :
L'Opera chante un Héros magúanime :
La Danse peint les sentimens des coeurs,
粥
De ces talens un heureux assemblage ,
Ici concourt à flater vos desirs.
Quel passe -tems convient mieux à votre âge ?
Est-il ailleurs de plus charmans plaisirs ? &c.
présentée au College du Bois de la très - celebre
Université de Caën , pour la distribution solemnelle
des Prix , donnez par Noble Homme Jacques
Maheult de Sainte - Croix , Proviseur du
même College , le Jeudi 31. Juillet.
C'est le titre d'un Programme que nous avons
reçû de Caën , lequel contient le Sujet et le Plan
de cette belle Tragedie , tel à peu près qu'il se
trouve exposé dans l'Extrait que nous en avons
donné lorsqu'elle fut mise pour la premiere fois
sur la Scêne Françoise. Nous avons cependant
remarqué une licence que Mrs de Caën se sont
donnée en faisant paroître au second Acte , Julie
chargée de chaines , déclarant à Argine , sa Confidente
, son amour pour Titus. Ces chaînes ont
apparemment parû plus touchantes , et devoir produire
un plus grand effet sur le Théatre Normand ,
qui s'impathise peut - être un peu avec le Théatre
Anglois. Quoiqu'il en soit , nous avons appris
que cette Piece a été três - bien executée et fort
applaudie par une Assemblée des plus nombreuses..
Selon
A O UST. 1731. 1999
Selon le même Programme , la Tragedie de
Brutus fut suivie de la Parodie qui en a été faite
par les Comédiens Italiens du Roi , intitulée Balus
, et après ce Divertissement onjoua l'Etourdi
eu les Contretemps , Comédie de Moliere , avec
des Intermedes.
Le Spectacle triomphant du Vice , ou le Théa
ore digne de l'Honnête Homme , est le sujet d'un
grandna Balet qui fut dansé sur le même Théatre
, à l'occasion de la Tragédie ; on en trouve
le dessein et la division dans le même Programme.
La Tragedie , l'Opera , ie Balet , et la Comédie
, fournirent le sujet des quatre principales,
Entrées qui parurent avec les caracteres et les suites
qui leur sont propres . Ce Balet et la plûpart
des Airs , sont de la composition de M. Hardouin,
qui s'attira de nouvelles louanges.
Le Programme dont nous rendons compte ,
contient sur tout cela un détail curieux , dans lequel
il nous est impossible d'entrer , qui prouve
que l'esprit et le bon goût continuent de regner
dans la Ville de Caën. Nous nous contenterons
d'ajoûter ici le peu de Vers qui ont précedé la
Tragedie et le Balet . Ils sont de M. Heurtauld
de qui nous avons déja inseré plusieurs bonnes
Pieces dans notre Journal .
Li
Prologue de la Tragédie.
L est une Vertu severe ,
Qui n'a dans ses Arrêts aucun respect humain.
Tel se montra jadis ce courageux Romain ,
Dont nous traçons le caractere.
Brutus en vrai Consul deffend Rome et les Dieux,
It son fils a tramé des desseins factieux.
Dan's
2000 MERCURE DE FRANCE
Dans cette extremité , Ciel , à quoi se résoudre !
Le Consul doit punir : le Pere doit absoudre.
· Raison , pitié , devoir , amour
Quels combats à son coeur vous livrez tour à
tour,!
S'il condamne son fils , il trahit la tendresse :
S'il épargne un coupable , il trahit l'équité :
C'en est fait ; il condamne : un zele ardent le
presse ,
Et la justice enfin , surmonte la bonté !
Cet exemple est pour vous , Peres pleins d'indulgence
,
Qui souffrez d'un enfant la coupable licence ,
Et dont le bras trop lâche est si - tôt désarmé ,
Quand le coup doit tomber sur un objet aimé.
Mais vous que séduit l'âge tendre ,
Enfans , si vous donnez dans quelque égarement ,
Titus mourant doit vous apprendre ,
A vous soumettre aux Loix d'un juste châtiment .
Fidele à sa Patrie , il la vengeoit en brave.
Il triomphoit dans les combâts ;
Mais vaincu par l'amour , il devient traître , es
clave ,
Et la victime du trépas
Jeunes coeurs , de l'amour telle est l'affreuse sufte ;
Craignez son poison dangereux.
Il soüille notre gloire , et corrompt le mérite
Des naturels les plus heureux.
C'est l'utile leçon que vous donne l'ouvrage ,
D'us
A UUS 1. 1731. 2002
D'un Auteur autrefois , habitant de ces lieux.
Quel plaisir , s'il voyoit la troupe illustre et sage¿
Qui s'apprête à gouter ses sons harmonieux !
Și, comme eux , nous étions sûrs de votre suffrage,
Qu'aujourd'hui notre sort deviendroit glorieux.
JE
Prologue du Balet.
Eunes Mortels , accourez pleins de zele.
Ce doux spectacle a des charmes puissans.
Que craignez-vous ? la vertu vous appelle
Livrez vos coeurs à ces jeux innocens ,
M
Loin de ces lieux le vice et l'ignorance,
On n'y reçoit que de pures leçons.
C'est la vertu qui regle notre Danse ,
Nos pas , nos voix et nos doctes Chansons.
M
Par le Tragique on abhorre le crime :
Par le Comique on réforme les moeurs :
L'Opera chante un Héros magúanime :
La Danse peint les sentimens des coeurs,
粥
De ces talens un heureux assemblage ,
Ici concourt à flater vos desirs.
Quel passe -tems convient mieux à votre âge ?
Est-il ailleurs de plus charmans plaisirs ? &c.
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Résumé : Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
Le 31 juillet, une représentation de la tragédie 'Brutus' de Voltaire a eu lieu au Collège du Bois de l'Université de Caen. La pièce a été bien exécutée et acclamée par une assemblée nombreuse. La journée a également inclus une parodie de la tragédie intitulée 'Balus', suivie de la comédie 'L'Étourdi' de Molière, avec des intermèdes. Un ballet intitulé 'Le Spectacle triomphant du Vice, ou le Théâtre digne de l'Honnête Homme' a également été présenté. Les principales entrées de la journée étaient donc la tragédie, l'opéra, le ballet et la comédie. Le ballet et la plupart des airs étaient de la composition de M. Hardouin, qui a été félicité pour son travail. Le programme de la journée a démontré l'esprit et le bon goût régnant à Caen. Le prologue de la tragédie 'Brutus' met en avant la vertu sévère de Brutus, qui doit condamner son fils pour trahison, illustrant les conflits entre raison, pitié, devoir et amour. Le prologue du ballet appelle à la vertu et aux jeux innocents, soulignant les bienfaits de la tragédie, de la comédie et de l'opéra pour l'éducation et la réforme des mœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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92
p. 2213-2218
« Une Feüille volante imprimée à Marseille, nous apprend que sur la fin [...] »
Début :
Une Feüille volante imprimée à Marseille, nous apprend que sur la fin [...]
Mots clefs :
Feuille volante, Tragédie, Académie de Marseille, Collège de Vernon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Une Feüille volante imprimée à Marseille, nous apprend que sur la fin [...] »
SPECTACLE S.
U fille ,nous apprend que fur la fin
Ne Feüille volante imprimée à Mar
du mois passé , on y representa avec beaucoup
de succès sur le Theatre du College
des PP. de l'Oratoire , la Tragedie de
Themistocle , dont l'Argument est exposé
au long dans la même feuille. Les Echevins
et tout le Corps de Ville assisterent à
ce Spectacle , auquel il y eût un concours
extraordinaire. Voici le Compliment qui
fut fait aux Echevins , pris du fonds du
sujet de la Piéce Tragique , et qui receut
de justes applaudissemens , sur tout dans
l'endroit qui regarde la nouvelle Academie
de Marseille.
Vous le sçavez , MESSIEURS , Mar
seille étoit sçavante & polie , lorsque le refte
desGaules n'étoit éclairé quepar le sçavoir bar
bare des Druïdes. Elle a déja repris cet ancien
éclat ; elle est devenue encore le séjour des
Lettres, une Société qui réunit tous les talens,
y met , pour ainsi dire , l'esprit en commun ,
& le travail particulier devient le profit general.
De là , nous verrons une succeffion de
génies
2214 MERCURE DE FRANCE
génies rares que la Capitale nous enviera ,
comme Rome en envia autrefois à nos Ancêtres.
De là, vos noms passeront avec les leurs,
à l'immortalité , et nos derniers Neveux admireront
tout ensemble et vos vertus et leurs
progrès.
Če Compliment fut prononcé par Louis
de Saint-Jacques, et l'Argument de la Tragédie
, récité par Pierre - Augustin Guis
Ecoliers d'élite , tous deux de Marseille.
du
Mr de Vernon , fort jolie Ville ,
Diocèse d'Evreux, ne se plaindront pas de
se trouver mal placez , si ensuite de ce
qui s'est passé à Marseille , nous rendons
aussi compte de ce qui les regarde en fait
de Spectacle. Voici l'Extrait d'une Lettre ,
écrite de cette Ville , le 25 Aoust.
Le College de Vernon est aujourd'hui
l'un des meilleurs et des plus florissans de
la Province de Normandie.
Le 22. Août on repréſenta fur le Theatre
de ce College , pour la distribution
des Prix , la Mort d'Antiochus , l'illuftre
Roy de Syrie , qui fit mourir les Maccabées
, fujet des plus tragiques , et tiré de
l'Ecriture Sainte.
Un fpectacle si touchant , et qui fut heureuſement
executé devant une nombreuſe
Affemblée , demandoit quelque chofe à
fa
SEPTEMBRE. 1731. 2215
fa fuite qui fût capable de divertir les Auditeurs
, et de les dédommager , pour ainsi
dire , des sentimens de terreur et de pitié
qui venoient de les émouvoir. On ne pouvoit
guere mieux y réussir qu'en représentant
, comme on fit , les Rufes des Ecoliers,
Comedie en trois Actes , de la compofition
de MM. Gautier et d'Orvilliers ,
dont voici un petit Extrait.
ACTE I. Tripolin , le plus espiegle des
Ecoliers , engage quatre ou cinq de ses
Compagnons à ne plus retourner au College
: il parle plaisamment des mauvais
traitemens des Regens ; les autres applaudissent
et se plaignent à leur tour . Pygron se
mocque de Filidor qu'il trouve allant porter
des liqueurs à son Regent pour en être
mieux traité, et l'engage à aller boire les liqueurs
avec deux ou trois de ses camarades.
ACTE II. Les Ecoliers se disent mutuellement
les tours qu'ils jouent à leurs Parens
pour attraper de l'argent. Tripolin
déclare à Brufcambille, que pour lui il fait
l'esprit folet pendant la nuit , et que ce
moyen lui donne lieu de voler, &c. Pigron
dit qu'ayant acheté un écu faux , et l'ayant
donné à garder à sa grand'mere , qui le
mit avec d'autres écus dans sa cassette , la
bonne femme lui avoit rendu un bon écu
au lieu du faux . Ils proposent ensuite de
joiier
2216 MERCURE DE FRANCE
jouer une partie de Lansquenet. Ils joüent
un moment , et sur un coup douteux ils
contestent , et se querellent en Ecoliers.
Un de leurs camarades vient fort essouflé
les avertir qu'on les cherche de tous
côtez , ce qui les fait tous disparoître.
ACTE III. & le plus comique. Deux
Ecoliers étant allé voler du fruit dans le
verger d'un Paysan , le disent à deux autres
qui ne manquent pas d'y aller. Guingan,
maître du Verger , les ayant surpris ,
s'empare du chapeau de Bruscambille , et
dit en jurant , qu'il ne le rendra qu'après
qu'on lui aura payé ses poires. Tripolin
s'écarte un moment pour consulter avec
Pigron sur les moyens de se tirer d'intrigue
, et d'attraper le Paysan . Voici comment
ils s'y prennent.
Ils reviennent en disputant fortement
l'un contre l'autre à qui aura un
mauvais bonnet qu'ils tiennent : Guingan
tâche de les mettre d'accord , et leur
dit qu'une pareille guenille ne vaut pas la
peine de disputer. Ils lui persuadent que
ce bonnet n'a point de prix , et qu'il rend
invisibles ceux qui le portent : ils le lui
prouvent en le mettant alternativement
sur leur tête et en s'esquivant adroitement,
ce qui fait un très plaisant jeu de Theatre.
Enfin ils prêtent le bonnet au Paysan qui
les
SEPTEMBRE. 1731 2217
les en prie , et qui rend le chapeau de Bruscambille
, se promettant de bien profiter
du temps qu'il possedera cet heureux bonnet.
Il le met sur sa tête et se croît invisi -
ble , les Ecoliers jurant qu'ils ne le voyent
pas , &c. Un Marquis paroît , auquel le
Paysan veut voler l'épée , croyant qu'il
n'en sera pas apperçû , mais il est chassé
et battu .
Tripolin rentre aussi-tôt sur la Scene
en riant du tour qu'il vient de jouer au
Paysan ; son pere qui le cherche arrive ,
le saisit et veut le conduire à St. L. Les
autres Ecoliers surviennent; ils sont si touchez
du péril où se trouve leur ami , qu'ils
jurent de rentrer dans leur devoir , de se
corriger , &c. C'est la fin de la Piéce ,
qui a fait beaucoup de plaisir.
M. de Guiry de Beaumont , Docteur de
Sorbonne , Chanoine de la Collegiale , et
Principal du College , a voulu lui -même
en faire le Prologue qui a été goûté des
Connoisseurs ; mais ce qui a été particu
lierement applaudi , c'eft un Compliment
que déclama , avec beaucoup de grace ,
en Vers de sa façon , un jeune Ecolier de
Troisiéme , et l'un des Acteurs de la Comedie.
Il est fils de M. d'Orvilliers ; c'est
à dire,fils de Maître . On ne mettra ici que
la fin de son Compliment , pour abreger
cet Extrait. H Avec
7218 MERCURE DE FRANCE
Avec quelque talent , beaucoup de hardiesse ,
Nous avons découvert tous nos tours de jeunesse,
Vous amuser étoit notre plus grand plaisir;
Des Acteurs de notre âge ont peine à réussir.
Mais si nous n'avons pû , Messieurs , vous satisfaire
,
'Applaudissez du moins au desir de vous plaire.
Le 13. de ce mois , les Comédiens
François remirent au Theatre la Tragede
Romulus de M. de la Motte , que le
Public revoit avec beaucoup de plaisir.
Les principaux Personnages de cette Piéce
sont Romulus , Tatius , Proculus , Erfilie, et
ces rôles sont remplis par les S" Du Fresne,
Sarrazin , Le Grand , la Dlle Du Fresne ,
&c. Nous renvoyons pour l'Extrait de
ce Poëme au Mercure de Janvier 1722 .
page 96.
Le Lundi 17. les mêmes Comédiens
représenterent à la Cour la Comédie du
Misantrope , qui fut suivie des Folies-
Amoureufes.
U fille ,nous apprend que fur la fin
Ne Feüille volante imprimée à Mar
du mois passé , on y representa avec beaucoup
de succès sur le Theatre du College
des PP. de l'Oratoire , la Tragedie de
Themistocle , dont l'Argument est exposé
au long dans la même feuille. Les Echevins
et tout le Corps de Ville assisterent à
ce Spectacle , auquel il y eût un concours
extraordinaire. Voici le Compliment qui
fut fait aux Echevins , pris du fonds du
sujet de la Piéce Tragique , et qui receut
de justes applaudissemens , sur tout dans
l'endroit qui regarde la nouvelle Academie
de Marseille.
Vous le sçavez , MESSIEURS , Mar
seille étoit sçavante & polie , lorsque le refte
desGaules n'étoit éclairé quepar le sçavoir bar
bare des Druïdes. Elle a déja repris cet ancien
éclat ; elle est devenue encore le séjour des
Lettres, une Société qui réunit tous les talens,
y met , pour ainsi dire , l'esprit en commun ,
& le travail particulier devient le profit general.
De là , nous verrons une succeffion de
génies
2214 MERCURE DE FRANCE
génies rares que la Capitale nous enviera ,
comme Rome en envia autrefois à nos Ancêtres.
De là, vos noms passeront avec les leurs,
à l'immortalité , et nos derniers Neveux admireront
tout ensemble et vos vertus et leurs
progrès.
Če Compliment fut prononcé par Louis
de Saint-Jacques, et l'Argument de la Tragédie
, récité par Pierre - Augustin Guis
Ecoliers d'élite , tous deux de Marseille.
du
Mr de Vernon , fort jolie Ville ,
Diocèse d'Evreux, ne se plaindront pas de
se trouver mal placez , si ensuite de ce
qui s'est passé à Marseille , nous rendons
aussi compte de ce qui les regarde en fait
de Spectacle. Voici l'Extrait d'une Lettre ,
écrite de cette Ville , le 25 Aoust.
Le College de Vernon est aujourd'hui
l'un des meilleurs et des plus florissans de
la Province de Normandie.
Le 22. Août on repréſenta fur le Theatre
de ce College , pour la distribution
des Prix , la Mort d'Antiochus , l'illuftre
Roy de Syrie , qui fit mourir les Maccabées
, fujet des plus tragiques , et tiré de
l'Ecriture Sainte.
Un fpectacle si touchant , et qui fut heureuſement
executé devant une nombreuſe
Affemblée , demandoit quelque chofe à
fa
SEPTEMBRE. 1731. 2215
fa fuite qui fût capable de divertir les Auditeurs
, et de les dédommager , pour ainsi
dire , des sentimens de terreur et de pitié
qui venoient de les émouvoir. On ne pouvoit
guere mieux y réussir qu'en représentant
, comme on fit , les Rufes des Ecoliers,
Comedie en trois Actes , de la compofition
de MM. Gautier et d'Orvilliers ,
dont voici un petit Extrait.
ACTE I. Tripolin , le plus espiegle des
Ecoliers , engage quatre ou cinq de ses
Compagnons à ne plus retourner au College
: il parle plaisamment des mauvais
traitemens des Regens ; les autres applaudissent
et se plaignent à leur tour . Pygron se
mocque de Filidor qu'il trouve allant porter
des liqueurs à son Regent pour en être
mieux traité, et l'engage à aller boire les liqueurs
avec deux ou trois de ses camarades.
ACTE II. Les Ecoliers se disent mutuellement
les tours qu'ils jouent à leurs Parens
pour attraper de l'argent. Tripolin
déclare à Brufcambille, que pour lui il fait
l'esprit folet pendant la nuit , et que ce
moyen lui donne lieu de voler, &c. Pigron
dit qu'ayant acheté un écu faux , et l'ayant
donné à garder à sa grand'mere , qui le
mit avec d'autres écus dans sa cassette , la
bonne femme lui avoit rendu un bon écu
au lieu du faux . Ils proposent ensuite de
joiier
2216 MERCURE DE FRANCE
jouer une partie de Lansquenet. Ils joüent
un moment , et sur un coup douteux ils
contestent , et se querellent en Ecoliers.
Un de leurs camarades vient fort essouflé
les avertir qu'on les cherche de tous
côtez , ce qui les fait tous disparoître.
ACTE III. & le plus comique. Deux
Ecoliers étant allé voler du fruit dans le
verger d'un Paysan , le disent à deux autres
qui ne manquent pas d'y aller. Guingan,
maître du Verger , les ayant surpris ,
s'empare du chapeau de Bruscambille , et
dit en jurant , qu'il ne le rendra qu'après
qu'on lui aura payé ses poires. Tripolin
s'écarte un moment pour consulter avec
Pigron sur les moyens de se tirer d'intrigue
, et d'attraper le Paysan . Voici comment
ils s'y prennent.
Ils reviennent en disputant fortement
l'un contre l'autre à qui aura un
mauvais bonnet qu'ils tiennent : Guingan
tâche de les mettre d'accord , et leur
dit qu'une pareille guenille ne vaut pas la
peine de disputer. Ils lui persuadent que
ce bonnet n'a point de prix , et qu'il rend
invisibles ceux qui le portent : ils le lui
prouvent en le mettant alternativement
sur leur tête et en s'esquivant adroitement,
ce qui fait un très plaisant jeu de Theatre.
Enfin ils prêtent le bonnet au Paysan qui
les
SEPTEMBRE. 1731 2217
les en prie , et qui rend le chapeau de Bruscambille
, se promettant de bien profiter
du temps qu'il possedera cet heureux bonnet.
Il le met sur sa tête et se croît invisi -
ble , les Ecoliers jurant qu'ils ne le voyent
pas , &c. Un Marquis paroît , auquel le
Paysan veut voler l'épée , croyant qu'il
n'en sera pas apperçû , mais il est chassé
et battu .
Tripolin rentre aussi-tôt sur la Scene
en riant du tour qu'il vient de jouer au
Paysan ; son pere qui le cherche arrive ,
le saisit et veut le conduire à St. L. Les
autres Ecoliers surviennent; ils sont si touchez
du péril où se trouve leur ami , qu'ils
jurent de rentrer dans leur devoir , de se
corriger , &c. C'est la fin de la Piéce ,
qui a fait beaucoup de plaisir.
M. de Guiry de Beaumont , Docteur de
Sorbonne , Chanoine de la Collegiale , et
Principal du College , a voulu lui -même
en faire le Prologue qui a été goûté des
Connoisseurs ; mais ce qui a été particu
lierement applaudi , c'eft un Compliment
que déclama , avec beaucoup de grace ,
en Vers de sa façon , un jeune Ecolier de
Troisiéme , et l'un des Acteurs de la Comedie.
Il est fils de M. d'Orvilliers ; c'est
à dire,fils de Maître . On ne mettra ici que
la fin de son Compliment , pour abreger
cet Extrait. H Avec
7218 MERCURE DE FRANCE
Avec quelque talent , beaucoup de hardiesse ,
Nous avons découvert tous nos tours de jeunesse,
Vous amuser étoit notre plus grand plaisir;
Des Acteurs de notre âge ont peine à réussir.
Mais si nous n'avons pû , Messieurs , vous satisfaire
,
'Applaudissez du moins au desir de vous plaire.
Le 13. de ce mois , les Comédiens
François remirent au Theatre la Tragede
Romulus de M. de la Motte , que le
Public revoit avec beaucoup de plaisir.
Les principaux Personnages de cette Piéce
sont Romulus , Tatius , Proculus , Erfilie, et
ces rôles sont remplis par les S" Du Fresne,
Sarrazin , Le Grand , la Dlle Du Fresne ,
&c. Nous renvoyons pour l'Extrait de
ce Poëme au Mercure de Janvier 1722 .
page 96.
Le Lundi 17. les mêmes Comédiens
représenterent à la Cour la Comédie du
Misantrope , qui fut suivie des Folies-
Amoureufes.
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Résumé : « Une Feüille volante imprimée à Marseille, nous apprend que sur la fin [...] »
En septembre 1731, la tragédie 'Themistocle' a été représentée avec succès au théâtre du Collège des Pères de l'Oratoire à Marseille. Cette représentation a attiré un public nombreux, y compris les échevins et le corps de ville. Louis de Saint-Jacques a adressé un compliment aux échevins, mettant en avant l'antique savoir de Marseille et son renouveau intellectuel grâce à une société réunissant divers talents. Pierre-Augustin Guis a récité l'argument de la tragédie. À Vernon, le Collège, l'un des meilleurs de Normandie, a organisé une représentation pour la distribution des prix. La tragédie 'La Mort d'Antiochus' a été suivie de la comédie 'Les Ruses des Écoliers'. Cette comédie, en trois actes, a été composée par MM. Gautier et d'Orvilliers et a diverti le public après la tragédie. Le spectacle a été complété par un prologue du Docteur de Sorbonne M. de Guiry de Beaumont et un compliment en vers d'un jeune écolier, fils de M. d'Orvilliers. À Paris, les comédiens français ont repris la tragédie 'Romulus' de M. de la Motte et la comédie 'Le Misantrope' suivie des 'Folies Amoureuses'.
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93
p. 2218-2222
Mort du Sr. de la Thorilliere &c. [titre d'après la table]
Début :
Le Theatre François vient de faire une très-grande perte en la personne de Pierre [...]
Mots clefs :
Troupe de Molière, Amoureuses comiques, Manigances, Fourberies
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texteReconnaissance textuelle : Mort du Sr. de la Thorilliere &c. [titre d'après la table]
Le Theatre François vient de faire une
très-grande perte en la personne de Pierre
le Noir de la THORILLIERE , mort à Paris le
18. de ce mois , dans la 75. année de son
âge , aprés avoir reçû tous ses Sacremens.
Il étoit fort aimé du Public , qui vraisemblaSEPTEMBR.
E . 1731. 2219
>
semblablement le regretera long - temps ;
c'étoit le seul qui restoit de la Troupe de
Moliere . Il étoit frere de Louise et Therese
le Noir , épouses des feu sieurs Baron et
Dancourt toutes deux mortes depuis
quelques années. Le Public garde encore
un précieux souvenir de la derniere , qui
jusqu'à l'âge de 60. ans , avoit conservé
les airs enfantins et les graces de la jeunesse
dans les rôles d'Amoureuses comiques,
avec une finesse , un naturel et une
noblesse admirable.
Le sieur de la Thorilliere avoit joué d'abord
dans le Tragique les rôles d'Oreste §
de Bajazet , &c. et les Amoureux Comiques;
mais en 1693. après la mort de J. B.
Siret Raifin , le plus excellent Comique
de la Scene Françoise , dont Moliere avoit
cultivé les heureux talens , il lui succeda
dans la plus grande partie de ses rôles , et
l'on peut dire qu'aprés l'inimitable Acteur
dont on vient de parler , le sieur de la
Thorilliere étoit le meilleur Comédieu
dans son genre de tous ceux que Moliere
avoit formés : aucun n'a si bien réussi , ni
si bien attrapé , et avec tant de graces et
de finesses naïves , les manigances , les
fourberies , les manieres et le ridicule d'un
Valet.
Il étoit d'une taille médiocre, mais très-
Hij bien
2220 MERCURE DE FRANCE
bien prise , dansant très bien et de bonne
grace ; le visage ouvert et gracieux , de
beaux yeux et le regard agréable , vif et
expressif; la voix legere , pleine et sonore,
Son jeu étoit plein d'action et d'un badinage
aimable et gay , sans être trivial : un
mouvement , une attitude , un geste , un
souris , un clin d'oeil , tout parloit en lui;
il animoit tout , sans sortir de l'esprit de
son rôle et de son vrai caractere. Ses heureux
talens et une longue pratique lui
avoient acquis cette perfection et la grande
réputation dont il a joüi ; car peu d'Acteurs
peuvent se vanter d'avoir été autant
et si constamment cheris du Public . Cependant
dans sa jeunesse , il chargeoit et
outroit un peu ses caracteres , pour plaire
au bas Parterre , qui l'accabloit d'applau
dissemens écueil fatal pour un Comédien
, qui naturellement au moins aussi vain
que les autres hommes,se prévient de son
merite sur de tels suffrages, sans compter
encore les fades complimens faits d'aprés
pareils juges ; en sorte que non seulenient
il se croit sans défaut , mais encore arrivé
au comble de la perfection ; tandis que
les gens sensez qui ont quelques lumieres
et du goût , haussent les épaules de yoir
applaudir une déclamation entierement
hors de la bienséance et du vrai , et qui
manque
SEPTEMBRE. 173. 22it
manque totalement de vrai- semblance et
de naturel .
Qu'on nous passe cette petite digres
sion à l'occasion de l'excellent Acteur que
nous regrettons avec tout le Public. " II
étoit fils de N. le Noir de la Thorilliere ,
mort il y a plus de 60. ans , très-gracieux
Comédien , quoique d'une taille médiocre
; sur tout il avoit de beaux yeux et de
belles dents. Il excelloit dans les rôles de
Roy et de Paysan . Il avoit été , dit- on ,
Officier de Cavalerie , et succeda à Juvenen
de la Fleur , fameux Comédien qui joüa
d'original le rôle d'Acomat , dans la Tragedie
de Bajazet.
Le sieur de la Thorilliere dansoit avec
beaucoup de grace et de legereté, et chantoit
fort agréablement . Il étoit bon convive
et aimoit la table quelquefois avec excès.
Le plaisir qu'il avoit fait à la Cour et à la
Ville , avoit été récompensé par une pension
de 1200. liv. que le Roy lui avoit accordée
, dont il jouissoit depuis dix ans.
Le 6. l'Académie Royale de Musique ,
reprit l'Opera de Phaeton , et redonna
Les Festes Venitiennes le 28. On répete
Amadis de Gaule , qu'on doit donner au
commencement d'Octobre.
Le 18. Août dernier , le Roy par Arrêt
de son Conseil du même jour , a ac-
Hij corde
2222 MERCURE DE FRANCE
cordé le Privilege de l'Académie Royale
du Musique au sieur le Comte , qu'avoit
ci-devant le sieur Gruer.
très-grande perte en la personne de Pierre
le Noir de la THORILLIERE , mort à Paris le
18. de ce mois , dans la 75. année de son
âge , aprés avoir reçû tous ses Sacremens.
Il étoit fort aimé du Public , qui vraisemblaSEPTEMBR.
E . 1731. 2219
>
semblablement le regretera long - temps ;
c'étoit le seul qui restoit de la Troupe de
Moliere . Il étoit frere de Louise et Therese
le Noir , épouses des feu sieurs Baron et
Dancourt toutes deux mortes depuis
quelques années. Le Public garde encore
un précieux souvenir de la derniere , qui
jusqu'à l'âge de 60. ans , avoit conservé
les airs enfantins et les graces de la jeunesse
dans les rôles d'Amoureuses comiques,
avec une finesse , un naturel et une
noblesse admirable.
Le sieur de la Thorilliere avoit joué d'abord
dans le Tragique les rôles d'Oreste §
de Bajazet , &c. et les Amoureux Comiques;
mais en 1693. après la mort de J. B.
Siret Raifin , le plus excellent Comique
de la Scene Françoise , dont Moliere avoit
cultivé les heureux talens , il lui succeda
dans la plus grande partie de ses rôles , et
l'on peut dire qu'aprés l'inimitable Acteur
dont on vient de parler , le sieur de la
Thorilliere étoit le meilleur Comédieu
dans son genre de tous ceux que Moliere
avoit formés : aucun n'a si bien réussi , ni
si bien attrapé , et avec tant de graces et
de finesses naïves , les manigances , les
fourberies , les manieres et le ridicule d'un
Valet.
Il étoit d'une taille médiocre, mais très-
Hij bien
2220 MERCURE DE FRANCE
bien prise , dansant très bien et de bonne
grace ; le visage ouvert et gracieux , de
beaux yeux et le regard agréable , vif et
expressif; la voix legere , pleine et sonore,
Son jeu étoit plein d'action et d'un badinage
aimable et gay , sans être trivial : un
mouvement , une attitude , un geste , un
souris , un clin d'oeil , tout parloit en lui;
il animoit tout , sans sortir de l'esprit de
son rôle et de son vrai caractere. Ses heureux
talens et une longue pratique lui
avoient acquis cette perfection et la grande
réputation dont il a joüi ; car peu d'Acteurs
peuvent se vanter d'avoir été autant
et si constamment cheris du Public . Cependant
dans sa jeunesse , il chargeoit et
outroit un peu ses caracteres , pour plaire
au bas Parterre , qui l'accabloit d'applau
dissemens écueil fatal pour un Comédien
, qui naturellement au moins aussi vain
que les autres hommes,se prévient de son
merite sur de tels suffrages, sans compter
encore les fades complimens faits d'aprés
pareils juges ; en sorte que non seulenient
il se croit sans défaut , mais encore arrivé
au comble de la perfection ; tandis que
les gens sensez qui ont quelques lumieres
et du goût , haussent les épaules de yoir
applaudir une déclamation entierement
hors de la bienséance et du vrai , et qui
manque
SEPTEMBRE. 173. 22it
manque totalement de vrai- semblance et
de naturel .
Qu'on nous passe cette petite digres
sion à l'occasion de l'excellent Acteur que
nous regrettons avec tout le Public. " II
étoit fils de N. le Noir de la Thorilliere ,
mort il y a plus de 60. ans , très-gracieux
Comédien , quoique d'une taille médiocre
; sur tout il avoit de beaux yeux et de
belles dents. Il excelloit dans les rôles de
Roy et de Paysan . Il avoit été , dit- on ,
Officier de Cavalerie , et succeda à Juvenen
de la Fleur , fameux Comédien qui joüa
d'original le rôle d'Acomat , dans la Tragedie
de Bajazet.
Le sieur de la Thorilliere dansoit avec
beaucoup de grace et de legereté, et chantoit
fort agréablement . Il étoit bon convive
et aimoit la table quelquefois avec excès.
Le plaisir qu'il avoit fait à la Cour et à la
Ville , avoit été récompensé par une pension
de 1200. liv. que le Roy lui avoit accordée
, dont il jouissoit depuis dix ans.
Le 6. l'Académie Royale de Musique ,
reprit l'Opera de Phaeton , et redonna
Les Festes Venitiennes le 28. On répete
Amadis de Gaule , qu'on doit donner au
commencement d'Octobre.
Le 18. Août dernier , le Roy par Arrêt
de son Conseil du même jour , a ac-
Hij corde
2222 MERCURE DE FRANCE
cordé le Privilege de l'Académie Royale
du Musique au sieur le Comte , qu'avoit
ci-devant le sieur Gruer.
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Résumé : Mort du Sr. de la Thorilliere &c. [titre d'après la table]
Pierre le Noir de la Thorillière, acteur renommé, est décédé à Paris le 18 septembre 1731 à l'âge de 75 ans, après avoir reçu les sacrements. Il était le dernier survivant de la troupe de Molière et le frère de Louise et Thérèse le Noir, épouses des défunts sieurs Baron et Dancourt. Thérèse était connue pour ses rôles d'amoureuses comiques et conservait des grâces juvéniles jusqu'à 60 ans. La Thorillière a d'abord interprété des rôles tragiques comme Oreste et Bajazet, ainsi que des rôles comiques. En 1693, après la mort de Jean-Baptiste Siret Raffin, il lui a succédé dans la plupart de ses rôles et est devenu l'un des meilleurs comédiens dans le genre formé par Molière, excellant particulièrement dans les rôles de valets. Physiquement, il avait une taille moyenne mais bien proportionnée, dansait avec grâce et possédait un visage ouvert et gracieux avec de beaux yeux expressifs. Sa voix était légère, pleine et sonore. Son jeu était plein d'action et de badinage aimable, sans jamais sortir de l'esprit de son rôle. Malgré une jeunesse marquée par des excès pour plaire au public, il a acquis une grande réputation et une perfection reconnue. Il était le fils de Nicolas le Noir de la Thorillière, comédien gracieux et Officier de Cavalerie, qui avait succédé à Juvenal de la Fleur. Pierre le Noir de la Thorillière dansait et chantait agréablement, aimait la bonne table et recevait une pension de 1200 livres accordée par le roi depuis dix ans.
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94
p. 2222-2223
L'Amante difficile, Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Début :
Le 23. Août, les Comédiens Italiens joüerent l'Amante difficile, Comédie de [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Comédie, Divertissements
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texteReconnaissance textuelle : L'Amante difficile, Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Le 23. Août , les Comédiens Italiens
joüerent l'Amante difficile , Comédie de
M. de la Motte , en Prose et en cinq
Actes , avec trois Divertissemens mis en
Musique par M. Mouret. Le Canevas de
cette Piéce avoit été donné par M. de la
Motte aux Comédiens Italiens à leur premiere
nouveauté ; ils l'executerent en 1716
en Italien avec beaucoup de succès , sans
en avoir fait une seule répetition , et seulement
aprés avoir écouté avec beaucoup
d'attention le sujet bien détaillé par le
sieur Lelio. Le plaisir que fit le gros de
P'action ( quoi que le détail se sentit bien
de l'impromptu ) persuada à M. de la
Motte , que les Scenes écrites avec soin
ne feroient qu'augmenter l'agrément du
Sujet. Il y a répandu beaucoup d'esprit et
'de sentiment.. L'action est bien conduite
et interessante ; et elle le seroit encoredavantage
, si les Scenes entre les Valets :
qui sont trop épisodiques et trop boufonnes
, ne l'interrompoient et ne l'avilissoient
même un peu . La De Silvia jouë
dans la perfection le rôle de l'Amantedifficile
: elle en a rendu les differens déguis
SEPTEMBRE . 1731. 2223
.
guisemens dans leur vrai caractere , et fur
tout le personnage de Gascon , avec toutes
les graces et la vivacité qui lui sont propres.
joüerent l'Amante difficile , Comédie de
M. de la Motte , en Prose et en cinq
Actes , avec trois Divertissemens mis en
Musique par M. Mouret. Le Canevas de
cette Piéce avoit été donné par M. de la
Motte aux Comédiens Italiens à leur premiere
nouveauté ; ils l'executerent en 1716
en Italien avec beaucoup de succès , sans
en avoir fait une seule répetition , et seulement
aprés avoir écouté avec beaucoup
d'attention le sujet bien détaillé par le
sieur Lelio. Le plaisir que fit le gros de
P'action ( quoi que le détail se sentit bien
de l'impromptu ) persuada à M. de la
Motte , que les Scenes écrites avec soin
ne feroient qu'augmenter l'agrément du
Sujet. Il y a répandu beaucoup d'esprit et
'de sentiment.. L'action est bien conduite
et interessante ; et elle le seroit encoredavantage
, si les Scenes entre les Valets :
qui sont trop épisodiques et trop boufonnes
, ne l'interrompoient et ne l'avilissoient
même un peu . La De Silvia jouë
dans la perfection le rôle de l'Amantedifficile
: elle en a rendu les differens déguis
SEPTEMBRE . 1731. 2223
.
guisemens dans leur vrai caractere , et fur
tout le personnage de Gascon , avec toutes
les graces et la vivacité qui lui sont propres.
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Résumé : L'Amante difficile, Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Le 23 août, les Comédiens Italiens ont interprété 'L'Amante difficile', une comédie en prose et en cinq actes écrite par M. de la Motte. La pièce incluait trois divertissements musicaux composés par M. Mouret. Le canevas de cette œuvre avait été donné par M. de la Motte aux Comédiens Italiens lors de leur première nouveauté en 1716, qu'ils avaient jouée en italien avec succès après une préparation rapide. La pièce est riche en esprit et en sentiment, avec une action bien conduite et intéressante. Cependant, les scènes entre les valets sont trop épisodiques et bouffonnes, interrompant et avilissant légèrement l'action. La comédienne De Silvia a interprété à la perfection le rôle de l'Amante difficile, rendant les différents déguisements avec toutes les grâces et la vivacité nécessaires, notamment le personnage de Gascon.
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95
p. 2223-2226
Le Je ne sçai quoy ? Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Début :
Le 12. Septembre , les mêmes Comédiens représenterent pour la premiere fois [...]
Mots clefs :
Pièce en vers libres, Éloquence, Déesse des Amours, Critique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Je ne sçai quoy ? Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Le 12. Septembre , les mêmes Comédiens
représenterent pour la premiere fois
le Je ne sçai quoi , Piece en Vers libres
et en un Acte, ornée d'un Divertissement.
Cette Piece attire tous les jours un concours
extraordinaire ; elle est generalement
applaudie ; en voici un Extrait assez
succinct ; Nous le donnons Scene
par Scene
, pour ne nous point écarter
de l'ordre que l'Auteur y a mis ; elle est
de Mr. de Boissy , qui a déja brillé sur ce
Theatre par le Triomphe de l'Interêt.
.
Le Theatre réprésente un lieu champê
tre , où le Je ne sçai quoi s'est retiré. Venus
ouvre la Scene avec Momus ; elle se
plaint de la retraite du Je ne sçai quoi ,
qu'elle voudroit bien rappeller dans Paris
, où elle fait son séjour Momus lur
fait entendre qu'elle l'a perdu par sa
faute.
Apollon qui survient , fait les mêmes
plaintes que Venus , et Momus lui fait à
peu près la même réponse ; il les laisse
tous deux déliberer sur les mesures qu'ils
prendront pour tirer le Je ne sçai quoi
du desert qui le dérobe aux yeux de
tout le monde , et fait entendre qu'il va
Hiiij
ten-
د
2224 MERCURE DE FRANCE
tenter de son côté une entreprise si glorieuse.
Le Je ne sçai quoi , Genie représenté
par Arlequin, sort de son antre 5 Apollon
et Venus n'oublient rien pour l'engager ;
l'un déploye toute son éloquence , et
l'autre étale tous ses appas ; mais ils n'avancent
rien ; le Je ne sçai quoi les renvoye
très - mécontens , en leur disant
qu'ils s'éloignent trop de la Nature , que
la Déesse des Amours est trop fardée , et
que le Dieu des beaux Esprits est forcé
dans toutes ses productions .
Une Dame se présente au Je ne sçai
quoi , le genie lui demande son nom ;
il est très surpris d'apprendre que c'est
le Public en cornette . Ce Public femelle
lui dit que son Frere , qui est le Public
masculin , lui cede en sentiment et en
goût , et que ce sont les Dames qui font
le succès,sur- tout des Pieces de Theatre ;
après une Critique très- vive et très- bien
vérsifiée , le Public Feminin se flate que
le Je ne sçai quoi se rendra à ses pressantes
sollicitations : le genie lui demande .
du temps pour s'y déterminer , et en attendant
qu'il ait pris sa derniere resolu
tion , illui conseille de se raprocher un
peu plus de la Nature et sur tout de
boire un peu moins de Vin de Grave.
>
Cette
SEPTEMBRE . 1731. 2225
•
Cette Scene est celle qui fait le plus
de plaisir aux connoisseurs ; celle qui la
suit fait plus rire le Peuple ; c'est une
imitation de la Scene du Maître à chanter
et du Maître à danser des Fêtes Veni
tiennes de l'Opera . Le Sr. Theveneau y met
le Comique qu'on y peut souhaitter , er
la Dlle Thomassin toute la legereté et toute
la vivacité que son Rôle demande, Le Je
ne sçai quoi n'est satisfait ni de l'un ni
de l'autre ; le Chanteur lui paroît trop
manieré , et la Danseuse saute trop haut
pour une femme.
Nous ne nous arrêtons pas à deux Sce
nes , dont l'une est entre un petit Maître
et un Suisse , le Je ne sçai quoi les
renvoye , en disant au premier qu'il
cherche trop à plaire , et au dernier qu'il
ne plaît pas assez . L'autre Scene est d'un
Géometre , qui prétend mésurer le Je ne
sçai quoi au Compas : on l'a retranchée
à la seconde réprésentation
La derniere Scene est entre une Calotine
et le Je ne sçai quoi . Ils se trouvent si
bien faits l'un pour l'autre , qu'ils forrent
la résolution de ne se jamais quit
ter ; Momus qui a envoyé la Calotine
vient s'applaudir de l'heureux succès de
son projet il confirme cette nouvelle
alliance , et en fait célébrer la Fête par
Hv La
2226 MERCURE DE FRANCE
le Regiment de la Calotte. Voici le couplet
du Vaudeville , qui a fait le plus
de plaisir.
'Aujourd'huy l'Opera nous frappe ;
Demain les Comédiens
Après-demain on nous attrape
Par les moindres petits riens..
Que la Marotte
Passe soudain
De main en main ,.
Que la Calotte
Couvre la Tête falote
Du genre humain.
Toute la Musique de cette Piece , qui
est très -ingenieuse et très- bien caracterisée
, est de M. Mouret.
Le 18. les mêmes Comédiens joüerentà
la Cour la Comédie dont on vient de
parler. Cette Piéce n'a pas moins été goûtée
à la Cour qu'à la Ville , où elle attire
encore tous les jours de nombreuses Assemblées
à l'Hôtel de Bourgogne. L'Auteur
promet de donner encore quelques
Scenes nouvelles , dont nous rendrons.
compte.
représenterent pour la premiere fois
le Je ne sçai quoi , Piece en Vers libres
et en un Acte, ornée d'un Divertissement.
Cette Piece attire tous les jours un concours
extraordinaire ; elle est generalement
applaudie ; en voici un Extrait assez
succinct ; Nous le donnons Scene
par Scene
, pour ne nous point écarter
de l'ordre que l'Auteur y a mis ; elle est
de Mr. de Boissy , qui a déja brillé sur ce
Theatre par le Triomphe de l'Interêt.
.
Le Theatre réprésente un lieu champê
tre , où le Je ne sçai quoi s'est retiré. Venus
ouvre la Scene avec Momus ; elle se
plaint de la retraite du Je ne sçai quoi ,
qu'elle voudroit bien rappeller dans Paris
, où elle fait son séjour Momus lur
fait entendre qu'elle l'a perdu par sa
faute.
Apollon qui survient , fait les mêmes
plaintes que Venus , et Momus lui fait à
peu près la même réponse ; il les laisse
tous deux déliberer sur les mesures qu'ils
prendront pour tirer le Je ne sçai quoi
du desert qui le dérobe aux yeux de
tout le monde , et fait entendre qu'il va
Hiiij
ten-
د
2224 MERCURE DE FRANCE
tenter de son côté une entreprise si glorieuse.
Le Je ne sçai quoi , Genie représenté
par Arlequin, sort de son antre 5 Apollon
et Venus n'oublient rien pour l'engager ;
l'un déploye toute son éloquence , et
l'autre étale tous ses appas ; mais ils n'avancent
rien ; le Je ne sçai quoi les renvoye
très - mécontens , en leur disant
qu'ils s'éloignent trop de la Nature , que
la Déesse des Amours est trop fardée , et
que le Dieu des beaux Esprits est forcé
dans toutes ses productions .
Une Dame se présente au Je ne sçai
quoi , le genie lui demande son nom ;
il est très surpris d'apprendre que c'est
le Public en cornette . Ce Public femelle
lui dit que son Frere , qui est le Public
masculin , lui cede en sentiment et en
goût , et que ce sont les Dames qui font
le succès,sur- tout des Pieces de Theatre ;
après une Critique très- vive et très- bien
vérsifiée , le Public Feminin se flate que
le Je ne sçai quoi se rendra à ses pressantes
sollicitations : le genie lui demande .
du temps pour s'y déterminer , et en attendant
qu'il ait pris sa derniere resolu
tion , illui conseille de se raprocher un
peu plus de la Nature et sur tout de
boire un peu moins de Vin de Grave.
>
Cette
SEPTEMBRE . 1731. 2225
•
Cette Scene est celle qui fait le plus
de plaisir aux connoisseurs ; celle qui la
suit fait plus rire le Peuple ; c'est une
imitation de la Scene du Maître à chanter
et du Maître à danser des Fêtes Veni
tiennes de l'Opera . Le Sr. Theveneau y met
le Comique qu'on y peut souhaitter , er
la Dlle Thomassin toute la legereté et toute
la vivacité que son Rôle demande, Le Je
ne sçai quoi n'est satisfait ni de l'un ni
de l'autre ; le Chanteur lui paroît trop
manieré , et la Danseuse saute trop haut
pour une femme.
Nous ne nous arrêtons pas à deux Sce
nes , dont l'une est entre un petit Maître
et un Suisse , le Je ne sçai quoi les
renvoye , en disant au premier qu'il
cherche trop à plaire , et au dernier qu'il
ne plaît pas assez . L'autre Scene est d'un
Géometre , qui prétend mésurer le Je ne
sçai quoi au Compas : on l'a retranchée
à la seconde réprésentation
La derniere Scene est entre une Calotine
et le Je ne sçai quoi . Ils se trouvent si
bien faits l'un pour l'autre , qu'ils forrent
la résolution de ne se jamais quit
ter ; Momus qui a envoyé la Calotine
vient s'applaudir de l'heureux succès de
son projet il confirme cette nouvelle
alliance , et en fait célébrer la Fête par
Hv La
2226 MERCURE DE FRANCE
le Regiment de la Calotte. Voici le couplet
du Vaudeville , qui a fait le plus
de plaisir.
'Aujourd'huy l'Opera nous frappe ;
Demain les Comédiens
Après-demain on nous attrape
Par les moindres petits riens..
Que la Marotte
Passe soudain
De main en main ,.
Que la Calotte
Couvre la Tête falote
Du genre humain.
Toute la Musique de cette Piece , qui
est très -ingenieuse et très- bien caracterisée
, est de M. Mouret.
Le 18. les mêmes Comédiens joüerentà
la Cour la Comédie dont on vient de
parler. Cette Piéce n'a pas moins été goûtée
à la Cour qu'à la Ville , où elle attire
encore tous les jours de nombreuses Assemblées
à l'Hôtel de Bourgogne. L'Auteur
promet de donner encore quelques
Scenes nouvelles , dont nous rendrons.
compte.
Fermer
Résumé : Le Je ne sçai quoy ? Comedie nouvelle. [titre d'après la table]
Le 12 septembre, la pièce 'Le Je ne sçai quoi' fut représentée pour la première fois par les comédiens. Écrite par Monsieur de Boissy, cette œuvre en vers libres et en un acte, accompagnée d'un divertissement, connut un succès immédiat et attira un public nombreux chaque jour. La pièce se déroule dans un lieu champêtre où le 'Je ne sçai quoi', incarné par Arlequin, s'est retiré. Vénus, Apollon et Momus tentent de le ramener à Paris, mais Arlequin refuse, jugeant ces divinités trop éloignées de la nature. Une Dame, représentant le public féminin, affirme que les femmes déterminent le succès des pièces de théâtre. Le 'Je ne sçai quoi' lui demande du temps pour réfléchir et lui conseille de se rapprocher davantage de la nature. Une scène appréciée du peuple imite celle du Maître à chanter et du Maître à danser des Fêtes vénitiennes de l'Opéra. Cependant, le 'Je ne sçai quoi' n'est satisfait ni par le chanteur ni par la danseuse. D'autres personnages, comme un petit maître, un Suisse et un géomètre, sont également renvoyés par le 'Je ne sçai quoi'. Dans la dernière scène, une Calotine et le 'Je ne sçai quoi' décident de ne jamais se quitter. Momus célèbre cette alliance, confirmée par le Régiment de la Calotte. La musique de la pièce, très ingénieuse et bien caractérisée, est de Monsieur Mouret. Le 18 septembre, la pièce fut jouée à la Cour, où elle fut également très appréciée. L'auteur prévoit d'ajouter de nouvelles scènes à l'œuvre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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96
p. 2226-2235
Les Eveillez de Poissi et les petits Comediens. Autres Pieces nouvelles. [titre d'après la table]
Début :
Le 27. Août, l'Opera Comique donna la premiere Représentation de deux petites [...]
Mots clefs :
Foire, Danse, Chevalier, Tragédie, Enfants comédiens, Danseurs pantomimes anglais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Les Eveillez de Poissi et les petits Comediens. Autres Pieces nouvelles. [titre d'après la table]
Le 27. Août , l'Opera Comique donna
la premiere Représentation de deux petites .
Piéces
SEPTEMBRE . 1731. 2227
Pièces nouvelles , d'un'Acte chacune, avec
des Divertissemens. La premiere a pour titre
les Eveillez de Poiffi, et l'autre, les petits
Comédiens, ou la Tante dupée. Les rôles
de cette derniere Piéce sont joüez par
des Enfans , dont le plus âgé n'a pas treize
ans ; ils sont très-applaudis par de nombreuses
Assemblées que cette singularité
attire à la Foire S. Laurent pour voir ce
spectacle , aussi singulier qu'agréable . Il y
a dans le Divertissement un Enfant âgé
de quatre ans seulement, qui danse et parodie
avec beaucoup de grace et de justesse:
la danse du Sabotier , executée aux Foires
précedentes par le sieur Nivelon , fameux
Danseur pour ces sortes de caracteres. Ce
Divertissement est terminé par un très -joli
Balet, quireprésente en Scenes muettes et
dansantes , le Jugement de Pâris , et qui est
executé par les excellens Danseurs Pantomimes
dont on a déja parlé. La D Groi
gnet , nouvelle Danseuse , s'y est aussi dis-´
tinguée par differentes danses , executées :
avec beaucoup de vivacité. Voici un Extrait
de la Piéce.
La Scene se passe dans une Maison de
Campagne auprès de Tours , où se trouve
le Chevalier , ami de la Dame du lieu ,.
appellée Jule , laquelle devant donner
une Fête , avoit mandé une Troupe de
H vj Comé
2228 MERCURE DE FRANCE
Comédiens de Campagne . Dans le tempsqu'ils
étoient dans une vive impatience de
voir paroître cette Troupe pour représenter
la Tragédie d'Iphigenie , qu'on
avoit demandée ; un Domestique vient
annoncer le désastre arrivé en chemin à
cette Troupe. La Rancune * qui en est le
Chef, arrive un moment après un bras en
écharpe et un emplatre à la joüe , et s'adressant
à Julie et au Chevalier , leur dit :
Jamais nous ne goutons de parfaite allegresse ;
Nos plus heureux succès sont mêlez de tristesse
Madame,je comptoís que ma Troupe aujourd'hui,
De ce charmant séjour viendroit chasser l'ennui,
Chacun s'étoit flatté de la douce esperance ,
D'étaler à vos yeux son Art et sa Science ,
Mais un malheur subit a trahi nos desirs ,
Renversé notre espoir et détruis vos plaisirs ;-
Nous avions presque fait les trois quarts
voyage ,
Et nous voyons déja le Clocher du Village ,
Quand un maudit Chasseur que le Ciel en couroux
,
Pour punir nos forfaits fit approcher de nous ,
Vit un Oiseau perché sur la branche d'un Hêtre ;
Sa main dans le moment met la mainau Salpêtre,
Il apprête , il ajuste , et d'un coup effrayant ,
Pait voler dans les airs le métal fondroyant.
Le Sr Drouin. qui joue très - bien ce Rôle
La
SEPTEMBRE. 1731. 2229
La terre s'en émeut , les Antres en gémissent ,
De nos Coursiers fringants tous les crins se he
rissent ;
La terreur les saisit , et de colere ardens ,
Soudain nous les voyons prendre le mords aux:
dents ;
Du Guide consterné la voix foible et tremblante;
Tâche en vain d'arrêter leur fougue violente
La voiture entraînée au gré de leur fureur ,
Va donner contre un Roc d'une énorme gros
seur ;
L'essieu crie et se rompt ::ô ! spectacle terrible !
Capable d'attendrir l'ame la moins sensible..
Dans un Marais bourbeux Ragotin renversé ,
Et dans ses brodequins lui- même embarrassé ,
Après avoir long-temps dans un confus mélange,
De Livres , de paquets , de poussiere et de fange ,
Lutté contre la mort , la fortune et les Dieux ,
Reste à la fin sans force et périt à nos yeux.
J'ai vû , Seigneur , j'ai vâles ronces degoutantes,
Porter de ce Heros les dépouilles sanglantes ;
Comme lui maint Acteur dans le sang est baigné,
Et c'est moi que le sort a le plus épargné.
Julie plaint beaucoup la situation de
ce Comédien et de sa Troupe , mais elle
veut l'obliger à jouer la Tragédie d'Iphigenie.
Le Chevalier y joint ses instances,
oni , dit- il , et chante sur l'Air de la Palisse
est mort .
2230 MERCURE DE FRANCE
Le Chevalier..
Vous là jouerez ......
Le Comédien..
Eh ! comment:
Satisfaire votre envie ?
Peut- être dans ce moment
On trépane Iphigenie.
Si vous voyez dans quel état est Aga
memnon ( continue le Comédien ) et
chante sur l'Air : Que dans l'amoureux
mystere.
Pouvons-nous sur le Théatre ,
Mettre un Roy tout fracassé
Achille porte un emplâtre ,..
Ulisse a le bras cassé ;
De notre Orquestre ,
Le Pupitre s'est brisé
Sur Clytemnestre ..
,,
Ce contre- temps engage la Rancune
à proposer de faire jouer une petite Trou
pe composée de sa Famille , qui s'est trouvée
heureusement dans une autre Voitu
re ; Julie et le Chevalier acceptent ceparti
. Le Comédien demande au Public
quelque indulgence pour cette Troupe
naissante.
SEPTEMBRE 1731. 2238
naissante , et chante sur l'Air : Ici je fonde
une Abbaye.
S'ils n'ont pas l'honneur de vous plaire ,,
Epargnez-les , c'est moi , Messieurs ,
Qui doit porter votre colere ;
J'ai fait la Piece et les Acteurs.
Les Enfans . Comédiens joüent ensuite
une petite Piece ingénieusement composée
et proportionnée à leur âge. Elle est
intitulée la Niece vengée , ou la Double
Surprise ; elle est de la composition de
M. Panard , la Musique est de M. Gillier :
voicy quelques Couplets du Vaudeville..
Fulie.
Par l'âge ni par la grandeur ;
Ne jugeons jamais d'un Acteur ;
Ceux-cy dont je suis satisfaite ,
Font voir que pour être amusants,
Les petits , tourelourirette ,
Valent bien les grands.
De la bravoure des Soldats ,
La taille ne décide pas ;
Bien souvent , lorsque la Trompette
Appelle au feu les Combattans ,
Les Petits, & c..
Les
2232 MERCURE DE FRANCE
Les Vers sublimes et pompeux ,
Deviennent souvent ennuyeux ;
Ceux d'une simple Chansonnette ,
Quelquefois sont vifs et picquants ;
Les Petits , & c..
La Foire dans ses plus beaux jours ,
Ne vit jamais un tel concours ;
L'aspect de la Salle complette ,
Me fait chanter , ô ! l'heureux temps !!
Les Petits , tourelourirette ,
Font venir les Grands.
Le Petit Sabottier.
Quoique je ne sois qu'un nabot ,
Je sçai remuer le sabot ;
Ma danse est encore imparfaite ,
Mais j'espere qu'en peu de temps ,.
Mes petons , tourelourirette ,
Vaudront bien les grands..
La Petite Tante.
Ha! que nous nous croirons heureux ,
Si l'on est content de nos Jeux ;
Et qu'avec moi chacun repete ,
Ces mots , pour nous si ravissans ;
Les Petits , tourelourirette ,
Valent bien les grands,
Un
SEPTEMBRE. 1731. 2233
Un petit Crispin.
Que mon destin seroit charmant ,
Si le Spectateur en sortant ,
Disoit d'une ame satisfaite ,
Crispin me plaît , il est brillant ;
Ce Petit , tourelourirette ,
En vaut bien un grand.
Le 18. Septembre , le même Opera Comique
fut mandé pour aller jouer à la
Cour. Il représenta devant la Reine ,
l'Acte de Strasbourg , Piece jouée au commencement
de la Foire S. Laurent , dans
lequel la Dite le Grand , habillée en homme
, fait beaucoup de plaisir ; ensuite la
Piece des Petits Comédiens , dont on vient
de parler , et la danse du Petit Sabotier
qui plut infiniment. Ce Divertissement
fut terminé par le premier Ballet executé
par les Danseurs Anglois Pantomimes
dont on a parlé . S. M. parut très - satisfaite
de ce Divertissement , par la singu→
larité de ces Petits Comédiens qui jouerent
avec beaucoup de hardiesse et d'intelligence.
Le 20. l'Opera Comique donna le premiere
Représentation d'une Piece nouvelle
en un Acte , qui a pour titre : le
Temple du Sommeil , suivie de celle des
Petits Comédiens , et du premier Ballet de
Danseurs Pantomimes Anglois .
la premiere Représentation de deux petites .
Piéces
SEPTEMBRE . 1731. 2227
Pièces nouvelles , d'un'Acte chacune, avec
des Divertissemens. La premiere a pour titre
les Eveillez de Poiffi, et l'autre, les petits
Comédiens, ou la Tante dupée. Les rôles
de cette derniere Piéce sont joüez par
des Enfans , dont le plus âgé n'a pas treize
ans ; ils sont très-applaudis par de nombreuses
Assemblées que cette singularité
attire à la Foire S. Laurent pour voir ce
spectacle , aussi singulier qu'agréable . Il y
a dans le Divertissement un Enfant âgé
de quatre ans seulement, qui danse et parodie
avec beaucoup de grace et de justesse:
la danse du Sabotier , executée aux Foires
précedentes par le sieur Nivelon , fameux
Danseur pour ces sortes de caracteres. Ce
Divertissement est terminé par un très -joli
Balet, quireprésente en Scenes muettes et
dansantes , le Jugement de Pâris , et qui est
executé par les excellens Danseurs Pantomimes
dont on a déja parlé. La D Groi
gnet , nouvelle Danseuse , s'y est aussi dis-´
tinguée par differentes danses , executées :
avec beaucoup de vivacité. Voici un Extrait
de la Piéce.
La Scene se passe dans une Maison de
Campagne auprès de Tours , où se trouve
le Chevalier , ami de la Dame du lieu ,.
appellée Jule , laquelle devant donner
une Fête , avoit mandé une Troupe de
H vj Comé
2228 MERCURE DE FRANCE
Comédiens de Campagne . Dans le tempsqu'ils
étoient dans une vive impatience de
voir paroître cette Troupe pour représenter
la Tragédie d'Iphigenie , qu'on
avoit demandée ; un Domestique vient
annoncer le désastre arrivé en chemin à
cette Troupe. La Rancune * qui en est le
Chef, arrive un moment après un bras en
écharpe et un emplatre à la joüe , et s'adressant
à Julie et au Chevalier , leur dit :
Jamais nous ne goutons de parfaite allegresse ;
Nos plus heureux succès sont mêlez de tristesse
Madame,je comptoís que ma Troupe aujourd'hui,
De ce charmant séjour viendroit chasser l'ennui,
Chacun s'étoit flatté de la douce esperance ,
D'étaler à vos yeux son Art et sa Science ,
Mais un malheur subit a trahi nos desirs ,
Renversé notre espoir et détruis vos plaisirs ;-
Nous avions presque fait les trois quarts
voyage ,
Et nous voyons déja le Clocher du Village ,
Quand un maudit Chasseur que le Ciel en couroux
,
Pour punir nos forfaits fit approcher de nous ,
Vit un Oiseau perché sur la branche d'un Hêtre ;
Sa main dans le moment met la mainau Salpêtre,
Il apprête , il ajuste , et d'un coup effrayant ,
Pait voler dans les airs le métal fondroyant.
Le Sr Drouin. qui joue très - bien ce Rôle
La
SEPTEMBRE. 1731. 2229
La terre s'en émeut , les Antres en gémissent ,
De nos Coursiers fringants tous les crins se he
rissent ;
La terreur les saisit , et de colere ardens ,
Soudain nous les voyons prendre le mords aux:
dents ;
Du Guide consterné la voix foible et tremblante;
Tâche en vain d'arrêter leur fougue violente
La voiture entraînée au gré de leur fureur ,
Va donner contre un Roc d'une énorme gros
seur ;
L'essieu crie et se rompt ::ô ! spectacle terrible !
Capable d'attendrir l'ame la moins sensible..
Dans un Marais bourbeux Ragotin renversé ,
Et dans ses brodequins lui- même embarrassé ,
Après avoir long-temps dans un confus mélange,
De Livres , de paquets , de poussiere et de fange ,
Lutté contre la mort , la fortune et les Dieux ,
Reste à la fin sans force et périt à nos yeux.
J'ai vû , Seigneur , j'ai vâles ronces degoutantes,
Porter de ce Heros les dépouilles sanglantes ;
Comme lui maint Acteur dans le sang est baigné,
Et c'est moi que le sort a le plus épargné.
Julie plaint beaucoup la situation de
ce Comédien et de sa Troupe , mais elle
veut l'obliger à jouer la Tragédie d'Iphigenie.
Le Chevalier y joint ses instances,
oni , dit- il , et chante sur l'Air de la Palisse
est mort .
2230 MERCURE DE FRANCE
Le Chevalier..
Vous là jouerez ......
Le Comédien..
Eh ! comment:
Satisfaire votre envie ?
Peut- être dans ce moment
On trépane Iphigenie.
Si vous voyez dans quel état est Aga
memnon ( continue le Comédien ) et
chante sur l'Air : Que dans l'amoureux
mystere.
Pouvons-nous sur le Théatre ,
Mettre un Roy tout fracassé
Achille porte un emplâtre ,..
Ulisse a le bras cassé ;
De notre Orquestre ,
Le Pupitre s'est brisé
Sur Clytemnestre ..
,,
Ce contre- temps engage la Rancune
à proposer de faire jouer une petite Trou
pe composée de sa Famille , qui s'est trouvée
heureusement dans une autre Voitu
re ; Julie et le Chevalier acceptent ceparti
. Le Comédien demande au Public
quelque indulgence pour cette Troupe
naissante.
SEPTEMBRE 1731. 2238
naissante , et chante sur l'Air : Ici je fonde
une Abbaye.
S'ils n'ont pas l'honneur de vous plaire ,,
Epargnez-les , c'est moi , Messieurs ,
Qui doit porter votre colere ;
J'ai fait la Piece et les Acteurs.
Les Enfans . Comédiens joüent ensuite
une petite Piece ingénieusement composée
et proportionnée à leur âge. Elle est
intitulée la Niece vengée , ou la Double
Surprise ; elle est de la composition de
M. Panard , la Musique est de M. Gillier :
voicy quelques Couplets du Vaudeville..
Fulie.
Par l'âge ni par la grandeur ;
Ne jugeons jamais d'un Acteur ;
Ceux-cy dont je suis satisfaite ,
Font voir que pour être amusants,
Les petits , tourelourirette ,
Valent bien les grands.
De la bravoure des Soldats ,
La taille ne décide pas ;
Bien souvent , lorsque la Trompette
Appelle au feu les Combattans ,
Les Petits, & c..
Les
2232 MERCURE DE FRANCE
Les Vers sublimes et pompeux ,
Deviennent souvent ennuyeux ;
Ceux d'une simple Chansonnette ,
Quelquefois sont vifs et picquants ;
Les Petits , & c..
La Foire dans ses plus beaux jours ,
Ne vit jamais un tel concours ;
L'aspect de la Salle complette ,
Me fait chanter , ô ! l'heureux temps !!
Les Petits , tourelourirette ,
Font venir les Grands.
Le Petit Sabottier.
Quoique je ne sois qu'un nabot ,
Je sçai remuer le sabot ;
Ma danse est encore imparfaite ,
Mais j'espere qu'en peu de temps ,.
Mes petons , tourelourirette ,
Vaudront bien les grands..
La Petite Tante.
Ha! que nous nous croirons heureux ,
Si l'on est content de nos Jeux ;
Et qu'avec moi chacun repete ,
Ces mots , pour nous si ravissans ;
Les Petits , tourelourirette ,
Valent bien les grands,
Un
SEPTEMBRE. 1731. 2233
Un petit Crispin.
Que mon destin seroit charmant ,
Si le Spectateur en sortant ,
Disoit d'une ame satisfaite ,
Crispin me plaît , il est brillant ;
Ce Petit , tourelourirette ,
En vaut bien un grand.
Le 18. Septembre , le même Opera Comique
fut mandé pour aller jouer à la
Cour. Il représenta devant la Reine ,
l'Acte de Strasbourg , Piece jouée au commencement
de la Foire S. Laurent , dans
lequel la Dite le Grand , habillée en homme
, fait beaucoup de plaisir ; ensuite la
Piece des Petits Comédiens , dont on vient
de parler , et la danse du Petit Sabotier
qui plut infiniment. Ce Divertissement
fut terminé par le premier Ballet executé
par les Danseurs Anglois Pantomimes
dont on a parlé . S. M. parut très - satisfaite
de ce Divertissement , par la singu→
larité de ces Petits Comédiens qui jouerent
avec beaucoup de hardiesse et d'intelligence.
Le 20. l'Opera Comique donna le premiere
Représentation d'une Piece nouvelle
en un Acte , qui a pour titre : le
Temple du Sommeil , suivie de celle des
Petits Comédiens , et du premier Ballet de
Danseurs Pantomimes Anglois .
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Résumé : Les Eveillez de Poissi et les petits Comediens. Autres Pieces nouvelles. [titre d'après la table]
Le 27 août 1731, l'Opéra Comique a présenté deux pièces en un acte, accompagnées de divertissements. Les pièces, intitulées 'Les Éveillez de Poiffi' et 'Les petits Comédiens, ou la Tante dupée', ont été interprétées par des enfants dont le plus âgé n'avait pas treize ans. Ces représentations ont attiré une foule nombreuse à la Foire Saint-Laurent, notamment grâce à la présence d'un enfant de quatre ans qui dansait et parodiait avec grâce. La pièce 'Les petits Comédiens' se déroule dans une maison de campagne près de Tours. Julie, la dame du lieu, et son ami le Chevalier attendent une troupe de comédiens pour représenter la tragédie d'Iphigénie. Cependant, un domestique annonce un accident ayant causé la mort de plusieurs comédiens. La Rancune, chef de la troupe, arrive blessé et raconte l'accident. Julie et le Chevalier insistent pour que la pièce soit jouée malgré tout. La Rancune propose alors une troupe composée de sa famille, qui joue une pièce intitulée 'La Nièce vengée, ou la Double Surprise'. Le 18 septembre, l'Opéra Comique a été invité à la cour pour représenter 'L'Acte de Strasbourg', 'Les petits Comédiens', et la danse du Petit Sabotier, suivie d'un ballet exécuté par des danseurs anglais. La reine a été très satisfaite de ces représentations. Le 20 septembre, l'Opéra Comique a présenté une nouvelle pièce en un acte, 'Le Temple du Sommeil', suivie de 'Les petits Comédiens' et d'un ballet de danseurs anglais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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97
p. 2412-2424
Amadis, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 4. de ce mois, l'Académie Royale de Musique remit au Theatre Amadis [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Prologue, Déclamation, Magicienne, Chœurs, Critique, Infidèle, Monologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Amadis, &c. [titre d'après la table]
L
E
1
a-
4. de ce mois , l'Académie Rovaie
de Musique remit au Theatre
dis , Tragedie de Mrs Quinault et L
Il y a 13. ans qu'elle n'avoit été re résensée.
Les deux Rôles du Prologu
l'Enchanteur Alquif , et de l'Encha
resse Urgande , sont joüez par le S
Chassé et par la Dlle Erremens . Les
Tribon , Dun , Chassé , et les Illes
Maure , Petitpas , et Antier , remp
sent les principaux Rôles de la Piece
ne laissent rien à desirer pour le ch
et la déclamation. Au reste , cet Op
esr fort bien remis ; il y a du specta
et du surprenant pour les yeux ; entr'. v
tres , un Combat en l'air d'une vingtai
de Demons , le Char d'Arcabonne , fig
ré en Dragon aîlé , &c. Le Baler est tr.
bien caracterisé , et la Dlle Sallé y dar
avec des graces et une finesse au- dessu
de nos expressions.
ProOCTOBRE.
1731. 2413
Prologue.
"
Urgande , Magicienne bien -faisante ;
et Alquif , Enchanteur , paroissent sous
un riche Pavillon ; ils ont choisi ces lieux
pour y demeurer enchantez avec leur
-suite jusqu'au temps fortuné que le
destin du monde dépendroit d'un Héros
plus grand qu'Amadis Fils de Perion ,
Roy des Gaules ; un éclair et un coup
de Tonnere commencent à les tirer de
leur profond assoupissement ; leur suite
est éveillée par de nouveaux coups de
Tonnere ; ce qui donne lieu à un des
plus beaux Choeurs que Lully ait faits .
Ils témoignent la joye qu'ils ont de n'être
plus enchantez : ils se proposent de
faire revivre Amadis , et de le transporter
dans les lieux où son sang regnoit
autrefois , ce qui annonce la Tragedie.
Ce Prologue a paru très - brillant ; cependant
quelques Critiques ont trouvé
étrange qu'Urgande et Alquif , qui ne
font que de sortir du profond assoupissement
où ils ont été plongez jusqu'alors ,
soient si bien instruits des Victoires du
Heros de la France , dont ils n'ont pû ni
avoir été témoins , ni avoir été informez
par la Renommée. Le Lecteur jugera si
La Critique est fondée.
G Au
2414 MERCURE DE FRANCE
son
Au premier Acte de la Tragedie , Amadis
ouvre la Scene avec Florestan
Frere naturel . Le premier est accablé
d'une douleur mortelle , dont l'autre
tâche de le distraire ; Oriane , Fille de
Lisuart , Roy de la Grande - Bretagne , le
croyant infidele lui a deffendu de la
>
jamais voir et comme elle va épouser
l'Empereur des Romains , il ne doute
point qu'elle ne soit inconstante ellemême.
Florestan ne pouvant soulager sa
douleur , le laisse sortir pour aller chercher
la solitude.
Florestan revoit Corisande après une
longue absence ; ils témoignent une joye
réciproque. Oriane vient se plaindre à
eux de la prétendue infidelité d'Amadis.
Ils ont beau la vouloir tirer d'erreur ;
elle persiste dans ses injustes soupçons
quelque forte induction qu'on lui fasse
du contraire ; cette obstination à croire
Amadis infidele , n'est fondée que sur ces
Vers :
Le confident de sa nouvelle ardeur
N'a que trop bien sçû m'en instruire ;
Il n'est plus permis à mon coeur
De se laisser séduire.
L'injustice de ses soupçons ne laisse pas
do
OCTOBRE 1731. 2415
tels
que
de produire de beaux sentimens ,
cette tendre plainte :
L'ingrat , un peu plus tard , auroit changé sans
crime ;
Je vais devenir la victime
Du devoir qui regle mon sort.
L'inconstant n'a - t'il pû se faire un peu d'effort
De lui-même bien- tôt son coeur alloit dépendre ;
Ah ! que n'attendoit - il mon hymen ou ma mort
Il ne devoit plus guere attendre .
La Fête de ce premier Acte consiste
en un combat ou un tournois qui se ,
fait en son honneur.
›
,
Arcabonne , Magicienne , commence le
second Acte par un Monologue
dans
lequel elle fait connoître que l'Amour
est entré malgré elle dans un coeur qui
n'étoit destiné qu'à la haine. Arcalaus ,
son Frere , est étonné de la trouver triste
et solitaire ; elle lui déclare l'Amour
-qu'elle a pour un inconnu qui lui a sauvé
la vie ; les Spectateurs ne manquent pas
de pressentir que cet inconnu est Amadiss
c'est là que le grand interêt de la- Piece
commence. Amadis a tué Ardan son
Frere à peine Arcalais lui parle de la
vengeance , qu'elle doit à cette ombre
G ij si
,
2416 MERCURE DE FRANCE
si cherie , qu'on voit sa fureurrenaître :
elle l'exprime par ces Vers :
Que le nom d'Amadis m'inspiré de colere !
Quand pourrai-je gouter le plaisir de sa
mort !
Cela donne lieu à ce beau Duo :
Irritons notre barbarie.
Ecoutons nôtre sang qui crie ;
Perisse l'Ennemi , qui nous ose outrager ;
Ah ! qu'il est doux de se vanger !
>
Arcalaüs engage Amadis dans un Enchantement
; Corisande vient se plaindre
du malheur de Florestan , qu'une inconnuë
a entrainé dans un piége fatal ; elle
prie Amadis de secourir son Amant.
Amadis vole au secours de son Frere .
Arcalaus l'arrête , et fait enlever Corisande
, pour la faire perir avec Florestan.
Amadis combat Arcalaüs ; ce dernier appelle
les Demons à son secours. Ces Demons
paroissent sous des formes agréables
Amadis se laisse séduire à celui qui
a pris la forme d'Oriane ; il met ses armes
à ses pieds et la suit. Ces Demons transformez
font la Fête de ce second Acte ;
cette Fête est , sans contredit , la plus
touchante qui soit dans toute la Tragedie.
La Dlle Sallé y brille beaucoup.
Ац
OCTOBRE. 1731. 2417
2
Au troisiéme Acte , Florestan & Corisande
sont prêts d'être immolez sur le
tombeau d'Ardan Canille , frere d'Arcalaüs
et d'Arcabone mort de la main
d'Amadis. Arcabone doit répandre sur le
même tombeau le sang d'Amadis , et celui
de tout ce qu'il a de plus cher; l'Ombre
d'Ardan sort de son tombeau et
témoigne sa colere à Arcabone par ces
Vers :
Ah ! tu me trahis , malheureuse !
Ah ! tu vas trahir tes serments.
,
L'ombre lui annonce la mort par ces
autres Vers :
Je retombe , le jour me blesse ;
Tu me suivras dans peu de temps :
Pour te reprocher ta foiblesse ,
C'est aux Enfers que je t'attends.
L'ombre rentre dans son Tombeau ;
sa Prédiction commence à se remplir ;
on amene Amadis à Arcabone , pour
être immolé le premier ; Arcabone prête
à lui plonger un Poignard dans le sein
reconnoît en lui le même inconnu qui
lui a sauvé la vie . Le Poignard lui tombe
des mains ; elle fait grace , en sa faveur
>
و
G iij
2418 MERCURE DE FRANCE
}
à tous ceux qui lui étoient destinez pour
victimes ; la liberté qu'elle leur rend ,
fait le sujet de la Fête , par où l'Acte
finit.
Arcalais et Arcabone commencent le
quatrième Acte ; Arcalaus presse sa soeur
d'exposer aux yeux d'Oriane , la victime
qu'elle vient d'immoler ; Arcabone soupire
, et fait connoître à son frere qu'elle
a reconnu dans Amadis
l'inconnu qui
lui a sauvé la vie , et qu'elle aime ; elle
s'exprime ainsi :
2
Que vous êtes heureux ! de n'avoir à songer
Qu'à hair et qu'à vous venger !
Helas ! dans nôtre ennemi même
J'ai trouvé l'inconnu que j'aime.
et
Arcalais lui reproche son parjure
la ménace de sa vengeance ; elle lui répond
:
Je l'aime malgré moi cet ennemi charmant ;
Je n'en puis être aimée ; une autre a sçû lui
plaire ';
Je vous défie avec vôtre colere
D'inventer pour mon châtiment
Un plus cruel tourment.
Arcalaus lui dit que pour la mieux
punir ,
OCTOBRE. 1731. 2419
4
punir , il veut qu'Amadis épouse sa rivale
avant qu'il les immole tous deux ;
Voici la fin de ce Dialogue.
Ah ! que plutôt cent fois ils périssent tous deux ?
Entre l'Amour et la haine cruelle ,
J'ai cru pouvoir me partager ;
Mais dans mon coeur l'Amour est étranger,
Et la haine m'est naturelle.
Ma Rivale gémit , que ses maux me sont doux !
Pour punir ces Amans , j'imagine une peine
Digne de ma fureur et de vôtre courroux.
C'est peu d'une mort inhumaine ;
Arcalans.
Puis-je encore me fier à vous ?
Fiez-
Arcabone.
vous à l'Amour jaloux ;
Al est plus cruel que la haine.
Ils sortent pour aller executer ce nouveau
Projet de vengeance. Oriane vient
et se plaint du triste sort où Amadis l'abbandonne
; elle le croit toûjours infidele.
Arcalaüs lui vient annoncer qu'il l'a vengée
, et qu'il a vaincu Amadis ; comme
elle ne veut pas le croire , il le fait paroître
à ses yeux , étendu sur ses Armies ensanglantées.
Elle déplore sa mort par un
G iiij
Mono2420
MERCURE DE FRANCE
2
Monologue , où la Dlle le More , avec le
son ravissant de sa voix met toute l'expression
possible , et se fait generalement
applaudir ; Oriane tombe évanouie sur
un lit de gazon. Arcalaüs et Arcabonė
rentrent , le projet de leur vengeance
est de faire mourir et revivre tour à tour
ces deux Amants , pour éterniser leur
şupplice par un spectacle si douloureux.
Urgande vient au secours d'Amadis
et d'Oriane. C'est cette même Magicienne
bien- faisante , dont nous avons parlé
dans le Prologue . D'un coup de baguette
elle rend Arcalaüs et Arcabone immobiles
; elle dissipe l'enchantement dont
Amadis et Oriane sont saisis ; ces Suivantes
celebrent ce jour heureux . Amadis et
Oriane sont transportez dans le Vaisseau
d'Urgande ; elle ne part qu'après avoir
rendu à Arcalais et à sa soeur l'usage de
leurs sens , pour mieux sentir leur malheur
; Ils évoquent des Demons infernaux
, qui sont défaits par des Demons
Aëriens ; le Frere et la Soeur s'abbandonnent
à leur désespoir et se tuent .
Ce qui nous reste à dire du cinquiéme
Acte , est si inferieur à l'Acte précédent ,
que nous ne nous y arrêterons guere. Ur
gande a transporté Amadis Oriane
Florestan et Corisande au Palais enchanté
›
d'AOCTOBRE.
1731. 2421
.
-
Apollidon c'est là qu'ils se retrouvent
tous , et qu'ils deviennent heureux.
Voici ce que les Connoisseurs pensent
de cette Tragedie. Le Prologue est generalement
approuvé. Il s'en faut bien qu'il
en soit de même de la Tragedie ; l'Episode
de Florestan et de Corisande tient
si peu à la Piece , qu'on souhaitteroit
qu'il n'y fut point du tout. Le noeud du
Poëne ne tient qu'à une présomption qui
n'est fondée sur rien. M. Quinault s'est
bien gardé de faire intervenir une seule
Scene entre Amadis et Oriane dans les
4. premiers Actes ; les soupçons d'Oriane
auroient été dissipez par un seul mot
d'Amadis , et la Piece auroit presque aussi-
tôt fini que commencé : il y a suppléé
par l'Episode d'Arcalaüs et d'Arcabone.
Veritablement le premier n'est interessé
que par la haine dans l'action episodique
; mais Arcabone s'y trouve attachée
tout à la fois par la reconnoissance , l'amour
et la haine , et c'est ce qui fait que
le troisiéme Acte et le quatriéme sont
les plus , interessans . Toute la Piece est
bien verifiée , mais elle n'est pas conduite
avec cet Art si ordinaire à son ingenieux
Auteur . L'unité de lieu y est si
mal observée , qu'on ne sçait le plus sou
vent où se passe l'action ; au reste , la
Gv Piece
2422 MERCURE DE FRANCE
Piece paroît absolument finie au quatriéme
Acte ; la mort d'Arcalais et d'Arcabone
ne laissent plus rien à craindre pour
les quatre Amans qui ont dû interesser
les Spectateurs . Pour ce qui regarde
la Musique , on y reconnoît toûjours le
grand Lully ; et si le genre en est un
peu trop triste , c'est plutôt la faute du
Poëte , que celle du Musicien .
Nous lisons dans des Memoires de ce
temps- là , que quand cet Opera parut ,
Quinault n'avoit pas été si embarrassé de
traitter le sujet d'Amadis comme le bruit
en avoit couru. Il fut representé à Paris
le 15. Janvier 1684. On ne le joua point
à Versailles , à cause de la mort de la
Reine.
3
Ce fut à l'occasion de cet Opera , dont
le Roy avoit donné le sujet , et qui , disoit-
on , embarassoit fort Quinault , que
ce Poëte fit ce Madrigal , qu'il intitula
l'Opera difficile.
Ce n'est pas l'Opera que je fais pour le Roy ;
Qui m'empêche d'être tranquile ,.
• Tout ce qu'on fait pour lui , paroit toûjours.fa
cile.
La grande peine où je me voy ;
C'est d'avoir cinq filles chez moi ,
Dont
OCTOBRE.
2323
1731.
Dont la moins âgée est nubile .
Je dois les établir , et voudrois le pouvoir ;
Mais à suivre Apollon , on ne s'enrichit guerre.
C'est avec peu de bien un terrible devoir ,
De se sentir pressé d'être cinq fois Beau- Pere.
Quoi, cinq Actes devant Notaire !
Pour cinq filles qu'il faut pourvoir !
O Ciel ! peut-on jamais avoir
Opera plus fâcheux à faire ?
On trouva les derniers Actes languis-
Sants en comparaison des trois premiers ;
mais Lully distingua cet Opera entre les
meilleurs qu'il avoit faits , et il distingua
parmi ses meilleurs Airs , celui de Bois
épais redouble & c. comme excellent.
En general , on trouve qu'il y a plus
de Prologues de Lully , excellemment
beaux , que d'Opera ; mais le Prologue
de celui-ci est encore préferé par les Connoisseurs
et mis au dessus de tous les
autres. Il est relatif à la Piece , et travaillé
de la part du Poëte et du Musicien
avec un art infini .
›
-
On écrit de Paris , dit M. Bayle , ( dans
ses nouv. de la Rep. des Lettres , ( Avril
1684. ) que la Troupe Italienne représente
une Comédie très divertissante ,
G vj
et
2414 MERCURE DE FRANCE
et qui attire une foule extraordinaire.
Elle s'intitule Arlequin Empereur dans le
monde de la Lune . C'est , dit - on , une
Satyre de l'Opera d'Amadis , et on ajoute
qu'on doit representer incessamment sur
le même Theatre de l'Hôtel de Bourgogne
, Amadis Cuisinier , parce que celui
qui fait le personnage d'Amadis dans
cet Opera , a éré Cuisinier . Ces nouvelles
, continue M. Bayle , ne sont pas.
trop apparentes ; car , comme on sçait
que le Roy lui-même a donné le sujet de
'Opera d'Amadis , qui oseroit en faire
des railleries si publiques ? Ce Monarque
n'a point voulu que cet Opera fut representé
à la Cour , à cause du deuil de la
Reine . On en loüe fort les paroles , les
machines et les Airs. On voit au commen .
cement du Poëme quelques Vers de M.
de la Fontaine à la loüange du Roy .
E
1
a-
4. de ce mois , l'Académie Rovaie
de Musique remit au Theatre
dis , Tragedie de Mrs Quinault et L
Il y a 13. ans qu'elle n'avoit été re résensée.
Les deux Rôles du Prologu
l'Enchanteur Alquif , et de l'Encha
resse Urgande , sont joüez par le S
Chassé et par la Dlle Erremens . Les
Tribon , Dun , Chassé , et les Illes
Maure , Petitpas , et Antier , remp
sent les principaux Rôles de la Piece
ne laissent rien à desirer pour le ch
et la déclamation. Au reste , cet Op
esr fort bien remis ; il y a du specta
et du surprenant pour les yeux ; entr'. v
tres , un Combat en l'air d'une vingtai
de Demons , le Char d'Arcabonne , fig
ré en Dragon aîlé , &c. Le Baler est tr.
bien caracterisé , et la Dlle Sallé y dar
avec des graces et une finesse au- dessu
de nos expressions.
ProOCTOBRE.
1731. 2413
Prologue.
"
Urgande , Magicienne bien -faisante ;
et Alquif , Enchanteur , paroissent sous
un riche Pavillon ; ils ont choisi ces lieux
pour y demeurer enchantez avec leur
-suite jusqu'au temps fortuné que le
destin du monde dépendroit d'un Héros
plus grand qu'Amadis Fils de Perion ,
Roy des Gaules ; un éclair et un coup
de Tonnere commencent à les tirer de
leur profond assoupissement ; leur suite
est éveillée par de nouveaux coups de
Tonnere ; ce qui donne lieu à un des
plus beaux Choeurs que Lully ait faits .
Ils témoignent la joye qu'ils ont de n'être
plus enchantez : ils se proposent de
faire revivre Amadis , et de le transporter
dans les lieux où son sang regnoit
autrefois , ce qui annonce la Tragedie.
Ce Prologue a paru très - brillant ; cependant
quelques Critiques ont trouvé
étrange qu'Urgande et Alquif , qui ne
font que de sortir du profond assoupissement
où ils ont été plongez jusqu'alors ,
soient si bien instruits des Victoires du
Heros de la France , dont ils n'ont pû ni
avoir été témoins , ni avoir été informez
par la Renommée. Le Lecteur jugera si
La Critique est fondée.
G Au
2414 MERCURE DE FRANCE
son
Au premier Acte de la Tragedie , Amadis
ouvre la Scene avec Florestan
Frere naturel . Le premier est accablé
d'une douleur mortelle , dont l'autre
tâche de le distraire ; Oriane , Fille de
Lisuart , Roy de la Grande - Bretagne , le
croyant infidele lui a deffendu de la
>
jamais voir et comme elle va épouser
l'Empereur des Romains , il ne doute
point qu'elle ne soit inconstante ellemême.
Florestan ne pouvant soulager sa
douleur , le laisse sortir pour aller chercher
la solitude.
Florestan revoit Corisande après une
longue absence ; ils témoignent une joye
réciproque. Oriane vient se plaindre à
eux de la prétendue infidelité d'Amadis.
Ils ont beau la vouloir tirer d'erreur ;
elle persiste dans ses injustes soupçons
quelque forte induction qu'on lui fasse
du contraire ; cette obstination à croire
Amadis infidele , n'est fondée que sur ces
Vers :
Le confident de sa nouvelle ardeur
N'a que trop bien sçû m'en instruire ;
Il n'est plus permis à mon coeur
De se laisser séduire.
L'injustice de ses soupçons ne laisse pas
do
OCTOBRE 1731. 2415
tels
que
de produire de beaux sentimens ,
cette tendre plainte :
L'ingrat , un peu plus tard , auroit changé sans
crime ;
Je vais devenir la victime
Du devoir qui regle mon sort.
L'inconstant n'a - t'il pû se faire un peu d'effort
De lui-même bien- tôt son coeur alloit dépendre ;
Ah ! que n'attendoit - il mon hymen ou ma mort
Il ne devoit plus guere attendre .
La Fête de ce premier Acte consiste
en un combat ou un tournois qui se ,
fait en son honneur.
›
,
Arcabonne , Magicienne , commence le
second Acte par un Monologue
dans
lequel elle fait connoître que l'Amour
est entré malgré elle dans un coeur qui
n'étoit destiné qu'à la haine. Arcalaus ,
son Frere , est étonné de la trouver triste
et solitaire ; elle lui déclare l'Amour
-qu'elle a pour un inconnu qui lui a sauvé
la vie ; les Spectateurs ne manquent pas
de pressentir que cet inconnu est Amadiss
c'est là que le grand interêt de la- Piece
commence. Amadis a tué Ardan son
Frere à peine Arcalais lui parle de la
vengeance , qu'elle doit à cette ombre
G ij si
,
2416 MERCURE DE FRANCE
si cherie , qu'on voit sa fureurrenaître :
elle l'exprime par ces Vers :
Que le nom d'Amadis m'inspiré de colere !
Quand pourrai-je gouter le plaisir de sa
mort !
Cela donne lieu à ce beau Duo :
Irritons notre barbarie.
Ecoutons nôtre sang qui crie ;
Perisse l'Ennemi , qui nous ose outrager ;
Ah ! qu'il est doux de se vanger !
>
Arcalaüs engage Amadis dans un Enchantement
; Corisande vient se plaindre
du malheur de Florestan , qu'une inconnuë
a entrainé dans un piége fatal ; elle
prie Amadis de secourir son Amant.
Amadis vole au secours de son Frere .
Arcalaus l'arrête , et fait enlever Corisande
, pour la faire perir avec Florestan.
Amadis combat Arcalaüs ; ce dernier appelle
les Demons à son secours. Ces Demons
paroissent sous des formes agréables
Amadis se laisse séduire à celui qui
a pris la forme d'Oriane ; il met ses armes
à ses pieds et la suit. Ces Demons transformez
font la Fête de ce second Acte ;
cette Fête est , sans contredit , la plus
touchante qui soit dans toute la Tragedie.
La Dlle Sallé y brille beaucoup.
Ац
OCTOBRE. 1731. 2417
2
Au troisiéme Acte , Florestan & Corisande
sont prêts d'être immolez sur le
tombeau d'Ardan Canille , frere d'Arcalaüs
et d'Arcabone mort de la main
d'Amadis. Arcabone doit répandre sur le
même tombeau le sang d'Amadis , et celui
de tout ce qu'il a de plus cher; l'Ombre
d'Ardan sort de son tombeau et
témoigne sa colere à Arcabone par ces
Vers :
Ah ! tu me trahis , malheureuse !
Ah ! tu vas trahir tes serments.
,
L'ombre lui annonce la mort par ces
autres Vers :
Je retombe , le jour me blesse ;
Tu me suivras dans peu de temps :
Pour te reprocher ta foiblesse ,
C'est aux Enfers que je t'attends.
L'ombre rentre dans son Tombeau ;
sa Prédiction commence à se remplir ;
on amene Amadis à Arcabone , pour
être immolé le premier ; Arcabone prête
à lui plonger un Poignard dans le sein
reconnoît en lui le même inconnu qui
lui a sauvé la vie . Le Poignard lui tombe
des mains ; elle fait grace , en sa faveur
>
و
G iij
2418 MERCURE DE FRANCE
}
à tous ceux qui lui étoient destinez pour
victimes ; la liberté qu'elle leur rend ,
fait le sujet de la Fête , par où l'Acte
finit.
Arcalais et Arcabone commencent le
quatrième Acte ; Arcalaus presse sa soeur
d'exposer aux yeux d'Oriane , la victime
qu'elle vient d'immoler ; Arcabone soupire
, et fait connoître à son frere qu'elle
a reconnu dans Amadis
l'inconnu qui
lui a sauvé la vie , et qu'elle aime ; elle
s'exprime ainsi :
2
Que vous êtes heureux ! de n'avoir à songer
Qu'à hair et qu'à vous venger !
Helas ! dans nôtre ennemi même
J'ai trouvé l'inconnu que j'aime.
et
Arcalais lui reproche son parjure
la ménace de sa vengeance ; elle lui répond
:
Je l'aime malgré moi cet ennemi charmant ;
Je n'en puis être aimée ; une autre a sçû lui
plaire ';
Je vous défie avec vôtre colere
D'inventer pour mon châtiment
Un plus cruel tourment.
Arcalaus lui dit que pour la mieux
punir ,
OCTOBRE. 1731. 2419
4
punir , il veut qu'Amadis épouse sa rivale
avant qu'il les immole tous deux ;
Voici la fin de ce Dialogue.
Ah ! que plutôt cent fois ils périssent tous deux ?
Entre l'Amour et la haine cruelle ,
J'ai cru pouvoir me partager ;
Mais dans mon coeur l'Amour est étranger,
Et la haine m'est naturelle.
Ma Rivale gémit , que ses maux me sont doux !
Pour punir ces Amans , j'imagine une peine
Digne de ma fureur et de vôtre courroux.
C'est peu d'une mort inhumaine ;
Arcalans.
Puis-je encore me fier à vous ?
Fiez-
Arcabone.
vous à l'Amour jaloux ;
Al est plus cruel que la haine.
Ils sortent pour aller executer ce nouveau
Projet de vengeance. Oriane vient
et se plaint du triste sort où Amadis l'abbandonne
; elle le croit toûjours infidele.
Arcalaüs lui vient annoncer qu'il l'a vengée
, et qu'il a vaincu Amadis ; comme
elle ne veut pas le croire , il le fait paroître
à ses yeux , étendu sur ses Armies ensanglantées.
Elle déplore sa mort par un
G iiij
Mono2420
MERCURE DE FRANCE
2
Monologue , où la Dlle le More , avec le
son ravissant de sa voix met toute l'expression
possible , et se fait generalement
applaudir ; Oriane tombe évanouie sur
un lit de gazon. Arcalaüs et Arcabonė
rentrent , le projet de leur vengeance
est de faire mourir et revivre tour à tour
ces deux Amants , pour éterniser leur
şupplice par un spectacle si douloureux.
Urgande vient au secours d'Amadis
et d'Oriane. C'est cette même Magicienne
bien- faisante , dont nous avons parlé
dans le Prologue . D'un coup de baguette
elle rend Arcalaüs et Arcabone immobiles
; elle dissipe l'enchantement dont
Amadis et Oriane sont saisis ; ces Suivantes
celebrent ce jour heureux . Amadis et
Oriane sont transportez dans le Vaisseau
d'Urgande ; elle ne part qu'après avoir
rendu à Arcalais et à sa soeur l'usage de
leurs sens , pour mieux sentir leur malheur
; Ils évoquent des Demons infernaux
, qui sont défaits par des Demons
Aëriens ; le Frere et la Soeur s'abbandonnent
à leur désespoir et se tuent .
Ce qui nous reste à dire du cinquiéme
Acte , est si inferieur à l'Acte précédent ,
que nous ne nous y arrêterons guere. Ur
gande a transporté Amadis Oriane
Florestan et Corisande au Palais enchanté
›
d'AOCTOBRE.
1731. 2421
.
-
Apollidon c'est là qu'ils se retrouvent
tous , et qu'ils deviennent heureux.
Voici ce que les Connoisseurs pensent
de cette Tragedie. Le Prologue est generalement
approuvé. Il s'en faut bien qu'il
en soit de même de la Tragedie ; l'Episode
de Florestan et de Corisande tient
si peu à la Piece , qu'on souhaitteroit
qu'il n'y fut point du tout. Le noeud du
Poëne ne tient qu'à une présomption qui
n'est fondée sur rien. M. Quinault s'est
bien gardé de faire intervenir une seule
Scene entre Amadis et Oriane dans les
4. premiers Actes ; les soupçons d'Oriane
auroient été dissipez par un seul mot
d'Amadis , et la Piece auroit presque aussi-
tôt fini que commencé : il y a suppléé
par l'Episode d'Arcalaüs et d'Arcabone.
Veritablement le premier n'est interessé
que par la haine dans l'action episodique
; mais Arcabone s'y trouve attachée
tout à la fois par la reconnoissance , l'amour
et la haine , et c'est ce qui fait que
le troisiéme Acte et le quatriéme sont
les plus , interessans . Toute la Piece est
bien verifiée , mais elle n'est pas conduite
avec cet Art si ordinaire à son ingenieux
Auteur . L'unité de lieu y est si
mal observée , qu'on ne sçait le plus sou
vent où se passe l'action ; au reste , la
Gv Piece
2422 MERCURE DE FRANCE
Piece paroît absolument finie au quatriéme
Acte ; la mort d'Arcalais et d'Arcabone
ne laissent plus rien à craindre pour
les quatre Amans qui ont dû interesser
les Spectateurs . Pour ce qui regarde
la Musique , on y reconnoît toûjours le
grand Lully ; et si le genre en est un
peu trop triste , c'est plutôt la faute du
Poëte , que celle du Musicien .
Nous lisons dans des Memoires de ce
temps- là , que quand cet Opera parut ,
Quinault n'avoit pas été si embarrassé de
traitter le sujet d'Amadis comme le bruit
en avoit couru. Il fut representé à Paris
le 15. Janvier 1684. On ne le joua point
à Versailles , à cause de la mort de la
Reine.
3
Ce fut à l'occasion de cet Opera , dont
le Roy avoit donné le sujet , et qui , disoit-
on , embarassoit fort Quinault , que
ce Poëte fit ce Madrigal , qu'il intitula
l'Opera difficile.
Ce n'est pas l'Opera que je fais pour le Roy ;
Qui m'empêche d'être tranquile ,.
• Tout ce qu'on fait pour lui , paroit toûjours.fa
cile.
La grande peine où je me voy ;
C'est d'avoir cinq filles chez moi ,
Dont
OCTOBRE.
2323
1731.
Dont la moins âgée est nubile .
Je dois les établir , et voudrois le pouvoir ;
Mais à suivre Apollon , on ne s'enrichit guerre.
C'est avec peu de bien un terrible devoir ,
De se sentir pressé d'être cinq fois Beau- Pere.
Quoi, cinq Actes devant Notaire !
Pour cinq filles qu'il faut pourvoir !
O Ciel ! peut-on jamais avoir
Opera plus fâcheux à faire ?
On trouva les derniers Actes languis-
Sants en comparaison des trois premiers ;
mais Lully distingua cet Opera entre les
meilleurs qu'il avoit faits , et il distingua
parmi ses meilleurs Airs , celui de Bois
épais redouble & c. comme excellent.
En general , on trouve qu'il y a plus
de Prologues de Lully , excellemment
beaux , que d'Opera ; mais le Prologue
de celui-ci est encore préferé par les Connoisseurs
et mis au dessus de tous les
autres. Il est relatif à la Piece , et travaillé
de la part du Poëte et du Musicien
avec un art infini .
›
-
On écrit de Paris , dit M. Bayle , ( dans
ses nouv. de la Rep. des Lettres , ( Avril
1684. ) que la Troupe Italienne représente
une Comédie très divertissante ,
G vj
et
2414 MERCURE DE FRANCE
et qui attire une foule extraordinaire.
Elle s'intitule Arlequin Empereur dans le
monde de la Lune . C'est , dit - on , une
Satyre de l'Opera d'Amadis , et on ajoute
qu'on doit representer incessamment sur
le même Theatre de l'Hôtel de Bourgogne
, Amadis Cuisinier , parce que celui
qui fait le personnage d'Amadis dans
cet Opera , a éré Cuisinier . Ces nouvelles
, continue M. Bayle , ne sont pas.
trop apparentes ; car , comme on sçait
que le Roy lui-même a donné le sujet de
'Opera d'Amadis , qui oseroit en faire
des railleries si publiques ? Ce Monarque
n'a point voulu que cet Opera fut representé
à la Cour , à cause du deuil de la
Reine . On en loüe fort les paroles , les
machines et les Airs. On voit au commen .
cement du Poëme quelques Vers de M.
de la Fontaine à la loüange du Roy .
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Résumé : Amadis, &c. [titre d'après la table]
En octobre 1731, l'Académie Royale de Musique a représenté la tragédie 'Amadis' de Quinault et Lully, après une absence de treize ans. Les rôles principaux, tels que l'Enchanteur Alquif et l'Enchanteresse Urgande, ont été interprétés par Chassé et la Dlle Erremens. Les acteurs Tribon, Dun, Chassé, Maure, Petitpas et Antier ont également excellé dans leurs rôles. La mise en scène était spectaculaire, avec des effets surprenants comme un combat aérien de démons et un char transformé en dragon ailé. La Dlle Sallé a particulièrement brillé dans le ballet. Le prologue montre Urgande et Alquif, réveillés par un éclair et un coup de tonnerre, se proposant de faire revivre Amadis. La tragédie commence avec Amadis et son frère Florestan, ce dernier tentant de consoler Amadis de la douleur causée par les soupçons d'infidélité d'Oriane. Oriane, croyant Amadis infidèle, refuse de le voir et doit épouser l'Empereur des Romains. Florestan et Corisande se retrouvent après une longue absence, mais Oriane persiste dans ses soupçons malgré leurs efforts pour la détromper. Dans le second acte, Arcabonne, une magicienne, révèle son amour pour un inconnu, pressentiment que cet inconnu est Amadis. Amadis tue Ardan, le frère d'Arcabonne, et cette dernière jure de se venger. Arcalaüs, le frère d'Arcabonne, engage Amadis dans un enchantement et fait enlever Corisande. Amadis combat Arcalaüs et est séduit par un démon prenant la forme d'Oriane. Le troisième acte voit Florestan et Corisande prêts à être sacrifiés. Arcabonne reconnaît Amadis comme l'inconnu qui lui a sauvé la vie et lui fait grâce. La fête de cet acte célèbre la liberté retrouvée. Dans le quatrième acte, Arcalaüs et Arcabonne complotent pour venger Oriane en faisant souffrir Amadis et Oriane. Urgande intervient pour sauver Amadis et Oriane, les transportant dans son vaisseau enchanté. Arcalaüs et Arcabonne, vaincus, se donnent la mort. Le cinquième acte se conclut par le bonheur retrouvé des personnages principaux au palais enchanté d'Apollidon. Les critiques notent que le prologue est apprécié, mais la tragédie souffre d'un épisode secondaire peu pertinent et d'une unité de lieu mal observée. La musique de Lully est reconnue pour sa qualité, malgré un sujet tragique. L'opéra a été représenté à Paris en janvier 1684 et a suscité des satires comme 'Arlequin Empereur dans le monde de la Lune'. Le roi a inspiré cette œuvre, rendant toute critique publique imprudente. L'œuvre est louée pour ses paroles, ses machines et ses airs. Le poème commence par des vers de M. de la Fontaine en l'honneur du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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98
p. 2424-2425
La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Le 14 Octobre, les Comédiens François représenterent la Comédie de la Réconciliation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Plaisanterie, Amour, Haine
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texteReconnaissance textuelle : La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Le 14 Octobre, les Comédiens François
représenterent la Comédie de la Réconci- ·
liation Normande , en vers et en cinq
Actes , par M. Dufreny , donnée dans sa
nouveauté au mois de Mars 1719. et fors
applaudie. On y voit avec plaisir une infimité
de traits charmans , des caracteres et
des Scenes fort plaisantes et toutes neuves
; en un mot , c'est une Piece pleine
d'esprit
OCTOBRE . 1731 2425
d'esprit et de bonne plaisanterie , et qui
pourroit passer pour le chef- d'oeuvre du
Théatre , si la Fable en étoit plus régulicliere
.
On n'est pas content du titre de la
Piece. Celui de Procès de famille , que l'auteur
avoit d'abord donné à sa Piece auroit
mieux convenu . La Haine fraternelle
y convenoit encore fort bien ; car on ne
parle pendant le cours de la Piece que de
haîne et de procès ; et à propos de la haine
, on trouve dans le second Acte une
espece de parallele de l'Amour et de la
Haine , où l'on fait l'éloge de cette derniere
passion qu'on regarde comme un
chef-d'oeuvre. Il y a aussi dans le quatriéme
Acte une Scene feinte de tendresse
pour tromper une vieille Tante , qui est
un morceau original et d'un prix infini .
Au reste cette Piece est tres- bien remise,
les Rôles y sont remplis tres-avantageusement
et jouez en perfection.
représenterent la Comédie de la Réconci- ·
liation Normande , en vers et en cinq
Actes , par M. Dufreny , donnée dans sa
nouveauté au mois de Mars 1719. et fors
applaudie. On y voit avec plaisir une infimité
de traits charmans , des caracteres et
des Scenes fort plaisantes et toutes neuves
; en un mot , c'est une Piece pleine
d'esprit
OCTOBRE . 1731 2425
d'esprit et de bonne plaisanterie , et qui
pourroit passer pour le chef- d'oeuvre du
Théatre , si la Fable en étoit plus régulicliere
.
On n'est pas content du titre de la
Piece. Celui de Procès de famille , que l'auteur
avoit d'abord donné à sa Piece auroit
mieux convenu . La Haine fraternelle
y convenoit encore fort bien ; car on ne
parle pendant le cours de la Piece que de
haîne et de procès ; et à propos de la haine
, on trouve dans le second Acte une
espece de parallele de l'Amour et de la
Haine , où l'on fait l'éloge de cette derniere
passion qu'on regarde comme un
chef-d'oeuvre. Il y a aussi dans le quatriéme
Acte une Scene feinte de tendresse
pour tromper une vieille Tante , qui est
un morceau original et d'un prix infini .
Au reste cette Piece est tres- bien remise,
les Rôles y sont remplis tres-avantageusement
et jouez en perfection.
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Résumé : La Réconciliation Normande, Comédie, [titre d'après la table]
Le 14 octobre, les Comédiens Français ont interprété 'La Réconciliation Normande', une comédie en vers et en cinq actes écrite par M. Dufreny. Créée en mars 1719, cette pièce a été acclamée pour ses traits charmants, ses personnages et ses scènes plaisantes et originales. Elle est décrite comme pleine d'esprit et de bonne plaisanterie, bien que sa fable soit jugée irrégulière. Le titre initial, 'Procès de famille', aurait mieux convenu. La pièce explore principalement la haine et les procès, avec un parallèle entre l'amour et la haine dans le second acte. Le quatrième acte inclut une scène feinte de tendresse pour tromper une vieille tante, considérée comme un morceau original et précieux. La mise en scène est bien réalisée, avec des rôles interprétés à la perfection.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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99
p. 2425-2429
Le Chevalier Bayard, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 17, les mêmes Comédiens reçurent avec beaucoup d'éloges, une Comédie [...]
Mots clefs :
Couplet, Foire, Air, Opéra comique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Chevalier Bayard, &c. [titre d'après la table]
Le 17 , les mêmes Comédiens reçurent
avec beaucoup d'éloges , une Comédie
héroïque,sous le titre du Chevalier Bayard,
en cinq Actes , en vers libres. On assure
que les caracteres des Personnages en sont
fort beaux et fort nobles , et que la Piece
est bien écrite et interessante. Elle est de
M. Autreau , qui donna l'année passée ,
sur
2426 MER CURE DE FRANCE
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
Démocrite , prétendu fou , avec tant de
succès.
Les mêmes Comédiens sont prêts à
jouer une petite Comédie d'un Acte , sousle
titre la Réunion des Amours , dont nous
parlerons quand elle aura paru .
Les Comédiens Italiens promettent une
petite Piéce nouvelle , d'un Acte , qui a
pour titre , le Phoenix ou la Fidelité mife
à l'épreuve , dont on parlera plus au long.
Le 25 , le Signeur Giacomo Rauzini ,
originaire de Naples , l'un des Comédiens
Italiens ordinaires du Roy, connu sous le
nom de Capitan Scaramouche , mourut âgé
d'environ 60 ans , après une très courte
maladie,causée par une attaque d'apopléxie;
cet Acteur ne joiioit ordinairement que
dans les Piéces Italiennes , ayant eu beaucoup
de peine à se familiariser avec la
Langue Françoise . Il a été inhumé le lendemain
à S. Eustache sa Paroisse , après
avoir receu ses Sacremens.
Le 30 Septembre , l'Opera Comique fit
la cloture de son Théatre par la Piéce des
Petits Comédiens, et du Ballet des Danseurs
Pantomimes Anglois , dont on a parlé le
mois passé. La De Cheret qui y represcntoit
OCTOBRE 1731. 2427
sentoit le Rôle de la petite Tante , et que
le Public a si fort applaudie , fut chargée
du compliment en Vaudeville , qu'elle
chanta avec autant de graces et de naïveté
que d'intelligence , sur l'air , un Berger de
notre Village.
Dans cette fatale journée ;
Qui doit mettre fin à nos jeux ;
C'est moi que l'on a destinée
Pour faire nos tristes adieux :
Je ne sçais ce que je vais dire :
Mais je sens mon coeur qui soupire.
Elle continue , sur l'air des Triolets.
Les momens où je puis vous voir ,
Sont les plus heureux de ma vie.
Il n'est rien qui puisse valoir :
Les momens que je puis vous voir ,
Mais hélas ! de quel desespoir)
Mon ame est aujourd'hui saisie
Je perds en vous quittant ce soir
Les plus doux momens de ma vie ,
Sur l'air , pour la Baronne.
Ah ! quel dommage !
Lorsque notre Théatre est pléin ;
Pourquoi faut- il plier bagage ?
s'arrêter
2418 MERCURE DE FRANCE
S'arréter en si beau chemin ,
Ah ! quel dommage !
Tous ces regrets sont inutiles , il faut se së
parer, continue- t-elle , et chante sur l'Airs
Que j'estime mon cher voisin.
Du moins pendant les quatre mois
Que je dois être absente ,
Qu'il vous souvienne quelquefois-
De la petite . Tante .
Nous allons employer , Messieurs , cet invervale
à nous mettre en état de meriter vos
suffrages pendant la Foire prochaine 3 su
PAir ,la jeune Isabelle.
Que votre présence
Qui nous charme tant
Soit la récompense
D'un zéle constant ;
L'Opéra lui - même ,
Vous dit clairement
Aimez qui vous aime ,
Rien n'est si charmant.
Elle finit par ce dernier Couplet, qu'elle
shante sur l'Air : Tout cela m'est indifferent.
Si notre Opera quelques jours ,
Vous amusa dans les Fauxbourgs ,
Que
OCTOBRE 1731. 2439
*
Que cela nous devienne utile ;
J'ose aujourd'hui vous en prier ;
Venez tous nous voir à la Ville
Le Troisiéme de Février. *
*Jour de l'ouverture de la Foire S. Germain .
avec beaucoup d'éloges , une Comédie
héroïque,sous le titre du Chevalier Bayard,
en cinq Actes , en vers libres. On assure
que les caracteres des Personnages en sont
fort beaux et fort nobles , et que la Piece
est bien écrite et interessante. Elle est de
M. Autreau , qui donna l'année passée ,
sur
2426 MER CURE DE FRANCE
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
Démocrite , prétendu fou , avec tant de
succès.
Les mêmes Comédiens sont prêts à
jouer une petite Comédie d'un Acte , sousle
titre la Réunion des Amours , dont nous
parlerons quand elle aura paru .
Les Comédiens Italiens promettent une
petite Piéce nouvelle , d'un Acte , qui a
pour titre , le Phoenix ou la Fidelité mife
à l'épreuve , dont on parlera plus au long.
Le 25 , le Signeur Giacomo Rauzini ,
originaire de Naples , l'un des Comédiens
Italiens ordinaires du Roy, connu sous le
nom de Capitan Scaramouche , mourut âgé
d'environ 60 ans , après une très courte
maladie,causée par une attaque d'apopléxie;
cet Acteur ne joiioit ordinairement que
dans les Piéces Italiennes , ayant eu beaucoup
de peine à se familiariser avec la
Langue Françoise . Il a été inhumé le lendemain
à S. Eustache sa Paroisse , après
avoir receu ses Sacremens.
Le 30 Septembre , l'Opera Comique fit
la cloture de son Théatre par la Piéce des
Petits Comédiens, et du Ballet des Danseurs
Pantomimes Anglois , dont on a parlé le
mois passé. La De Cheret qui y represcntoit
OCTOBRE 1731. 2427
sentoit le Rôle de la petite Tante , et que
le Public a si fort applaudie , fut chargée
du compliment en Vaudeville , qu'elle
chanta avec autant de graces et de naïveté
que d'intelligence , sur l'air , un Berger de
notre Village.
Dans cette fatale journée ;
Qui doit mettre fin à nos jeux ;
C'est moi que l'on a destinée
Pour faire nos tristes adieux :
Je ne sçais ce que je vais dire :
Mais je sens mon coeur qui soupire.
Elle continue , sur l'air des Triolets.
Les momens où je puis vous voir ,
Sont les plus heureux de ma vie.
Il n'est rien qui puisse valoir :
Les momens que je puis vous voir ,
Mais hélas ! de quel desespoir)
Mon ame est aujourd'hui saisie
Je perds en vous quittant ce soir
Les plus doux momens de ma vie ,
Sur l'air , pour la Baronne.
Ah ! quel dommage !
Lorsque notre Théatre est pléin ;
Pourquoi faut- il plier bagage ?
s'arrêter
2418 MERCURE DE FRANCE
S'arréter en si beau chemin ,
Ah ! quel dommage !
Tous ces regrets sont inutiles , il faut se së
parer, continue- t-elle , et chante sur l'Airs
Que j'estime mon cher voisin.
Du moins pendant les quatre mois
Que je dois être absente ,
Qu'il vous souvienne quelquefois-
De la petite . Tante .
Nous allons employer , Messieurs , cet invervale
à nous mettre en état de meriter vos
suffrages pendant la Foire prochaine 3 su
PAir ,la jeune Isabelle.
Que votre présence
Qui nous charme tant
Soit la récompense
D'un zéle constant ;
L'Opéra lui - même ,
Vous dit clairement
Aimez qui vous aime ,
Rien n'est si charmant.
Elle finit par ce dernier Couplet, qu'elle
shante sur l'Air : Tout cela m'est indifferent.
Si notre Opera quelques jours ,
Vous amusa dans les Fauxbourgs ,
Que
OCTOBRE 1731. 2439
*
Que cela nous devienne utile ;
J'ose aujourd'hui vous en prier ;
Venez tous nous voir à la Ville
Le Troisiéme de Février. *
*Jour de l'ouverture de la Foire S. Germain .
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Résumé : Le Chevalier Bayard, &c. [titre d'après la table]
Le 17 octobre, les comédiens furent félicités pour la comédie héroïque 'Le Chevalier Bayard', écrite par M. Autreau, qui se distingue par ses personnages bien définis et son intérêt. L'auteur avait déjà réussi avec 'Démocrite, prétendu fou' l'année précédente. Les comédiens se préparaient également à jouer 'La Réunion des Amours', une petite comédie d'un acte, tandis que les comédiens italiens annonçaient 'Le Phoenix ou la Fidelité mise à l'épreuve'. Le 25 octobre, Giacomo Rauzini, connu sous le nom de Capitan Scaramouche, décéda à environ 60 ans après une brève maladie due à une attaque d'apoplexie. Cet acteur italien, ordinaire du roi, fut inhumé le lendemain à l'église Saint-Eustache. Le 30 septembre, l'Opéra Comique termina sa saison avec 'Les Petits Comédiens' et un ballet des danseurs pantomimes anglais. La comédienne De Cheret, interprétant le rôle de la petite Tante, prononça un compliment en vaudeville avec grâce et intelligence, exprimant ses regrets de la fermeture du théâtre et promettant de revenir pour la prochaine foire.
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100
p. [2627]-2634
La réunion des Amours, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens François ont donné au commencement de ce mois, la [...]
Mots clefs :
Cupidon, Amour, Vertu, Minerve
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La réunion des Amours, [titre d'après la table]
SPECTACLE S.
L
Es Comédiens François ont donné
au commencement de ce mois , la
Réunion des Amours , Comédie Heroïque,
en un Acte en Prose , qui est fort bien
représentée et fort applaudie. Elle est
bien écrite et avec beaucoup d'esprits
ornée de traits fins et délicats . Nous allons
tâcher de mettre le Lecteur en état
d'en juger.
Personnages.
le sieur Granval.
L'Amour
la Dille Gossin.
Cupidon ,
la Dille d'Angeville.
Apollon ,
Mercure
Plutus .
Minerve ;
La Verité .
La Vertu ,
le sieur Armand.
le sieur Duchemin.
la Dil Baron.
la De La Motte.
La Dile Labat.
Le sujet de cette Comédie est purement
allegorique ; on voit bien que l'Auteur ne
Gij l'a
2628 MERCURE DE FRANCE
pas
l'avoit d'abord traité comme on l'a
vû représenter , et qu'il ne fait que mettre
en hypothese ce qui en faisoit l'action
principale. Deux sortes d'Amours , dont
Fun s'appelle le Dieu de la tendresse ,
et l'autre Cupidon , ouvrent la Scene ; ils
se reprochent réciproquement leurs deffauts
; le Dieu de la tendresse traite son
Rival de libertin , et Cupidon le traite
de benest. Le premier expose le sujet pas
çes mots :
Allez , petit libertin que vous êtes , votre
audace ne m'offense point , et votre Empire
touche peut-être à sa fin. Jupiter au
jourd'huy fait assembler tous les Dieux ; il
veut que chacun d'eux fasse un don an Fils
d'un grand Roy qu'il aime ; je suis invité à
Assemblée ; Tremblez des suites que peut
avoir cette avanture.
Cupidon un peu étonné d'une Convo
cation generale , à laquelle il n'est pas
invité , veut s'éclaircir de cet oubli avec
Mercure qu'il voit venir. Mercure lui
apprend qu'il avoit une deffense expresse
de le mettre dans la Liste , et que cette.
deffense venoit de Minerve ; Plutus et
Apollon entrent dans cette Scene , mais
ils n'y sont pas absolument nécessaires
pour l'intelligence du Sujet , ainsi nous
pouvons nous dispenser de les faire
parler
Minerve
NOVEMBRE 1731 . 2629
Minerve vient entendre le Plaidoyer
des deux Amours ; elle ne juge pas à propos
de prononcer entre eux ; elle veut
qu'ils plaident encore devant la Vertu
Personnage Episodique , auquel on a
trouvé Minerve auroit bien pû supque
pléer.
-même
La Vertu vient entendre le Demandeur
et le Deffendeur ; ils lui font tous deux
une déclaration d'amour ; mais celle de
Cupidon est si vive , que la vertu même
est contrainte de s'en garantir par la fuite.
Minerve vient enfin leur prononcer
l'Arrêt irrevocable du Conseil des Dieux ;
voici comme elle s'explique Cupidon
la Vertu décidoit contre vous , et moy -
j'allois être de son sentiment , si Jupiter
n'eûtjugé à propos de vous réunir , en vous
corrigeant , pour former le coeur du Prince,
avec vôtre Confrere , il est vray , l'Ame est
trop tendres mais avec vous elle est trop libertine
; il fait souvent des coeurs ridicules ,
mais vous n'en faites que de méprisables ;
il égare l'esprit , mais vous ruinez les moeurs ;
il n'a que des défauts , mais vous avez des
vices. Unissez- vous tous deux ; rendez- le
plus vif et plus passionné , et qu'il vous rende
plus tendre et plus raisonnable , et vens
serez sans reproche. Au reste , ce n'est pas
un Conseil que je vous donne , c'est un ordre
de Jupiter que je vous annonce.
G iij
"
La
2630 MERCURE DE FRANCE
2
La Piece finit par cette courte réponse
de Cupidon , c'est - à -dire de , l'Amour libertin's
Allons, mon Camarade , je le veux
bien ; embrassons- nous ; je vous apprendray
àn'être plus si sot , et vous m'apprendrez à
être plus sage.
❤
On doit juger par ce petit Extrait
qu'on auroit fait un très joli Dialogue
ou un Prologue de cette Piece simplifice ,
et sans y parler du grand Prince , qui en
est l'objer. Le Public nous sçaura gré
d'inserer ici quelques fragments de cette
aimable Allegorie : Nous les reduirons
aux Plaidoyers et aux Déclarations d'Amour,
Devant Minerve , l'Amour s'exprime
ainsi.
Qui êtes- vous , pour oser me disputer quel-
•que chose ? vous qui n'avez pour attribist
que le vice , digne heritage d'une origine
aussi impure que la vôtre ? Divinité scanda-
Jense , dont le culte est un crime à qui la
seule corruption des hommes a dressé des
Autels ? Vous à qui les devoirs les plus sa-
Brez servent de victimes ? Vous qu'on ne
peut bonorer sans immolér la Vertu ? Funeste
Auteur des plus hanteuses flêtrissures , qui ,
・pour récompense à ceux qui vous suivent
ne leur laissez que le déshonneur , repentir
, et la misere en partage ? osez - vous
vons comparer à moy ? An Dien de la plits
noble
le
NOVEMBRE 1731 2639
moble , de la plus estimable , de la plus tendre
des passions , et , j'ose dive , de la plus
feconde en Héros ?
Cupidon.
Bon , des Héros ! nous voilà bien riches ;
est-ce que vous croyez que la Terre ne se
passeroit pas bien de ces Messieurs là ?
Alle ; ils sont plus curieux à voir que
nécessaires ; leur gloire a trop d'attirail ; si
Fon rabbatoit tous les frais qu'il en coûte
pourles avoir on verroit qu'on les achette
plus qu'ils ne valent. On est bien dupe de
les admirer , puisqu'on en paye lafaçon. Il
faui que les hommes vivent un peu plus uniment
les uns avec les autres , pour être en
repos vos Héros sortent du niveau et ne
font que du tintamarre : Poursuivons & e...
2
L'Amour.
J
Qu'est-ce que c'étoit autrefoisque l'Amour 3
Je l'appellois tout à l'heure une passion ; c'étoit
une veriu , Déesse ; c'étoit du moins l'origine
de toutes les vertus , &c. De mon temps
La Pudeur étoit la plus aimable des graces.
Cupidon-
Eh bien , il ne faut pas faire tant de bruit,
c'est encore de même ; je n'en connois point de
si piquante , moi , que la pudeur;je l'adore
O iiij et
2632 MERCURE DE FRANCE
La
et mes sujets aussi . Ils la trouvent si charmante
qu'ils la poursniventpar tout où ils la tronvent.
Je m'appelle l'Amour ; mon mêtier n'est
pas d'avoir soin d'elle , il y a le respect ,
sagesse , l'honneur qui sont commis à sa garde
, voilà ses Officiers ; c'est à eux à la deffendre
du danger qu'elle court , et ce dangèr
' est moi , &c.
Voici comme parle l'Amour à la Vertu .
Je vous dirai, Madame , que mon respect
a réduit mes sentimens à se taire . Ils n'ont osé
se produire que dans mes timides regards ;
mais il n'estplus temps defeindre,ni de vous
dérober votre victime , je sçais tout ce que je
risque à vous déclarer ma flamme , vos rigueurs
vont punir món audace , vous allez
accabler un temeraire ; mais , Madame , aw
milieu du courroux qui va vous saisir , souvenez
- vous du moins que ma témerité n'a
jamais passéjusqu'à l'esperance , et que ma
respectueuse ardeur..
Cupidon.
Encore du respect ! voilà mes vapeurs qui
me reprennent , &c... Non , Déesse adorable
, ne m'exposez point à vous dire que je
vous aime. Vous regardez ceci comme une
feinte
NOVEMBRE. 1737. 2633
feinte , mais vous êtes trop aimable , et mon
• coeur pourroit s'y méprendre. Je vous dis la
verité ; ce n'est pas d'aujourd'hui que vous
me touche ; je me connois aux charmes , ni
sur la terre , ni dans les cieux,je ne vois rien
qui ne le cede aux vôtres. Combien de fois
n'ai-je pas êté tenté de me jetter à vos genoux
? Quelles délices pour moi que d'aimer
la vertu , sije pouvois être aimé d'elle . Eh!
pourquoi ne m'aimeriez- vous pas ? Que veut
dire ce penchant qui me porte à vous , s'il
n'annonce que vous y serez sensible ? Je sens
que tout mon coeur vous est dû , n'avez- vous
pas quelque repugnance à me refuser le vôtre?
Aimable vertu , me fuirez - vous toujours ,
regardez-moi , vous ne me connoissez pas :
c'est l'amour à vos genoux qui vous parle
essayez de le voir , il est soumis , il ne veut
que vous flechir je vous aime je vous le dis ,
vous m'entendez ; mais vos yeux ne me rassurent
pas , un regard acheveroit mon bonheur.
Un regard ? Ah ! quel plaisir ! vous
me l'accordez,chere main que j'idolatre , recevez
mes transports . Voici leplus heureux ins
tant qui me soit échu en partage.
J: 1
Cette vivacité de stile , secondée de la
légéreté et de la grace que la Die Dangeville
a naturellement à s'énoncer, a charmé
également la Cour et la Ville ; et nous
Gv
2634 MERCURE DE FRANCE
ne doutons point que nos Lecteurs ne
conviennent que la reunion des Amours ,
est un ouvrage à faire beaucoup d'honneur
à son ingénieux Auteur. Au reste les Dlles
Dangeville et Gossin , qui sont deux jeunes
et aimables personnes, remplies d'heureux
talens pour la déclamation , satisfont
également l'esprit et les regards avides
des Spectateurs , charmez de leurs agrémens
personnels , sous cet heureux et
riant déguisement.
Là- dessus une Muse , délicatement ba
dine , s'est exercée en cette maniere.
L
Es Comédiens François ont donné
au commencement de ce mois , la
Réunion des Amours , Comédie Heroïque,
en un Acte en Prose , qui est fort bien
représentée et fort applaudie. Elle est
bien écrite et avec beaucoup d'esprits
ornée de traits fins et délicats . Nous allons
tâcher de mettre le Lecteur en état
d'en juger.
Personnages.
le sieur Granval.
L'Amour
la Dille Gossin.
Cupidon ,
la Dille d'Angeville.
Apollon ,
Mercure
Plutus .
Minerve ;
La Verité .
La Vertu ,
le sieur Armand.
le sieur Duchemin.
la Dil Baron.
la De La Motte.
La Dile Labat.
Le sujet de cette Comédie est purement
allegorique ; on voit bien que l'Auteur ne
Gij l'a
2628 MERCURE DE FRANCE
pas
l'avoit d'abord traité comme on l'a
vû représenter , et qu'il ne fait que mettre
en hypothese ce qui en faisoit l'action
principale. Deux sortes d'Amours , dont
Fun s'appelle le Dieu de la tendresse ,
et l'autre Cupidon , ouvrent la Scene ; ils
se reprochent réciproquement leurs deffauts
; le Dieu de la tendresse traite son
Rival de libertin , et Cupidon le traite
de benest. Le premier expose le sujet pas
çes mots :
Allez , petit libertin que vous êtes , votre
audace ne m'offense point , et votre Empire
touche peut-être à sa fin. Jupiter au
jourd'huy fait assembler tous les Dieux ; il
veut que chacun d'eux fasse un don an Fils
d'un grand Roy qu'il aime ; je suis invité à
Assemblée ; Tremblez des suites que peut
avoir cette avanture.
Cupidon un peu étonné d'une Convo
cation generale , à laquelle il n'est pas
invité , veut s'éclaircir de cet oubli avec
Mercure qu'il voit venir. Mercure lui
apprend qu'il avoit une deffense expresse
de le mettre dans la Liste , et que cette.
deffense venoit de Minerve ; Plutus et
Apollon entrent dans cette Scene , mais
ils n'y sont pas absolument nécessaires
pour l'intelligence du Sujet , ainsi nous
pouvons nous dispenser de les faire
parler
Minerve
NOVEMBRE 1731 . 2629
Minerve vient entendre le Plaidoyer
des deux Amours ; elle ne juge pas à propos
de prononcer entre eux ; elle veut
qu'ils plaident encore devant la Vertu
Personnage Episodique , auquel on a
trouvé Minerve auroit bien pû supque
pléer.
-même
La Vertu vient entendre le Demandeur
et le Deffendeur ; ils lui font tous deux
une déclaration d'amour ; mais celle de
Cupidon est si vive , que la vertu même
est contrainte de s'en garantir par la fuite.
Minerve vient enfin leur prononcer
l'Arrêt irrevocable du Conseil des Dieux ;
voici comme elle s'explique Cupidon
la Vertu décidoit contre vous , et moy -
j'allois être de son sentiment , si Jupiter
n'eûtjugé à propos de vous réunir , en vous
corrigeant , pour former le coeur du Prince,
avec vôtre Confrere , il est vray , l'Ame est
trop tendres mais avec vous elle est trop libertine
; il fait souvent des coeurs ridicules ,
mais vous n'en faites que de méprisables ;
il égare l'esprit , mais vous ruinez les moeurs ;
il n'a que des défauts , mais vous avez des
vices. Unissez- vous tous deux ; rendez- le
plus vif et plus passionné , et qu'il vous rende
plus tendre et plus raisonnable , et vens
serez sans reproche. Au reste , ce n'est pas
un Conseil que je vous donne , c'est un ordre
de Jupiter que je vous annonce.
G iij
"
La
2630 MERCURE DE FRANCE
2
La Piece finit par cette courte réponse
de Cupidon , c'est - à -dire de , l'Amour libertin's
Allons, mon Camarade , je le veux
bien ; embrassons- nous ; je vous apprendray
àn'être plus si sot , et vous m'apprendrez à
être plus sage.
❤
On doit juger par ce petit Extrait
qu'on auroit fait un très joli Dialogue
ou un Prologue de cette Piece simplifice ,
et sans y parler du grand Prince , qui en
est l'objer. Le Public nous sçaura gré
d'inserer ici quelques fragments de cette
aimable Allegorie : Nous les reduirons
aux Plaidoyers et aux Déclarations d'Amour,
Devant Minerve , l'Amour s'exprime
ainsi.
Qui êtes- vous , pour oser me disputer quel-
•que chose ? vous qui n'avez pour attribist
que le vice , digne heritage d'une origine
aussi impure que la vôtre ? Divinité scanda-
Jense , dont le culte est un crime à qui la
seule corruption des hommes a dressé des
Autels ? Vous à qui les devoirs les plus sa-
Brez servent de victimes ? Vous qu'on ne
peut bonorer sans immolér la Vertu ? Funeste
Auteur des plus hanteuses flêtrissures , qui ,
・pour récompense à ceux qui vous suivent
ne leur laissez que le déshonneur , repentir
, et la misere en partage ? osez - vous
vons comparer à moy ? An Dien de la plits
noble
le
NOVEMBRE 1731 2639
moble , de la plus estimable , de la plus tendre
des passions , et , j'ose dive , de la plus
feconde en Héros ?
Cupidon.
Bon , des Héros ! nous voilà bien riches ;
est-ce que vous croyez que la Terre ne se
passeroit pas bien de ces Messieurs là ?
Alle ; ils sont plus curieux à voir que
nécessaires ; leur gloire a trop d'attirail ; si
Fon rabbatoit tous les frais qu'il en coûte
pourles avoir on verroit qu'on les achette
plus qu'ils ne valent. On est bien dupe de
les admirer , puisqu'on en paye lafaçon. Il
faui que les hommes vivent un peu plus uniment
les uns avec les autres , pour être en
repos vos Héros sortent du niveau et ne
font que du tintamarre : Poursuivons & e...
2
L'Amour.
J
Qu'est-ce que c'étoit autrefoisque l'Amour 3
Je l'appellois tout à l'heure une passion ; c'étoit
une veriu , Déesse ; c'étoit du moins l'origine
de toutes les vertus , &c. De mon temps
La Pudeur étoit la plus aimable des graces.
Cupidon-
Eh bien , il ne faut pas faire tant de bruit,
c'est encore de même ; je n'en connois point de
si piquante , moi , que la pudeur;je l'adore
O iiij et
2632 MERCURE DE FRANCE
La
et mes sujets aussi . Ils la trouvent si charmante
qu'ils la poursniventpar tout où ils la tronvent.
Je m'appelle l'Amour ; mon mêtier n'est
pas d'avoir soin d'elle , il y a le respect ,
sagesse , l'honneur qui sont commis à sa garde
, voilà ses Officiers ; c'est à eux à la deffendre
du danger qu'elle court , et ce dangèr
' est moi , &c.
Voici comme parle l'Amour à la Vertu .
Je vous dirai, Madame , que mon respect
a réduit mes sentimens à se taire . Ils n'ont osé
se produire que dans mes timides regards ;
mais il n'estplus temps defeindre,ni de vous
dérober votre victime , je sçais tout ce que je
risque à vous déclarer ma flamme , vos rigueurs
vont punir món audace , vous allez
accabler un temeraire ; mais , Madame , aw
milieu du courroux qui va vous saisir , souvenez
- vous du moins que ma témerité n'a
jamais passéjusqu'à l'esperance , et que ma
respectueuse ardeur..
Cupidon.
Encore du respect ! voilà mes vapeurs qui
me reprennent , &c... Non , Déesse adorable
, ne m'exposez point à vous dire que je
vous aime. Vous regardez ceci comme une
feinte
NOVEMBRE. 1737. 2633
feinte , mais vous êtes trop aimable , et mon
• coeur pourroit s'y méprendre. Je vous dis la
verité ; ce n'est pas d'aujourd'hui que vous
me touche ; je me connois aux charmes , ni
sur la terre , ni dans les cieux,je ne vois rien
qui ne le cede aux vôtres. Combien de fois
n'ai-je pas êté tenté de me jetter à vos genoux
? Quelles délices pour moi que d'aimer
la vertu , sije pouvois être aimé d'elle . Eh!
pourquoi ne m'aimeriez- vous pas ? Que veut
dire ce penchant qui me porte à vous , s'il
n'annonce que vous y serez sensible ? Je sens
que tout mon coeur vous est dû , n'avez- vous
pas quelque repugnance à me refuser le vôtre?
Aimable vertu , me fuirez - vous toujours ,
regardez-moi , vous ne me connoissez pas :
c'est l'amour à vos genoux qui vous parle
essayez de le voir , il est soumis , il ne veut
que vous flechir je vous aime je vous le dis ,
vous m'entendez ; mais vos yeux ne me rassurent
pas , un regard acheveroit mon bonheur.
Un regard ? Ah ! quel plaisir ! vous
me l'accordez,chere main que j'idolatre , recevez
mes transports . Voici leplus heureux ins
tant qui me soit échu en partage.
J: 1
Cette vivacité de stile , secondée de la
légéreté et de la grace que la Die Dangeville
a naturellement à s'énoncer, a charmé
également la Cour et la Ville ; et nous
Gv
2634 MERCURE DE FRANCE
ne doutons point que nos Lecteurs ne
conviennent que la reunion des Amours ,
est un ouvrage à faire beaucoup d'honneur
à son ingénieux Auteur. Au reste les Dlles
Dangeville et Gossin , qui sont deux jeunes
et aimables personnes, remplies d'heureux
talens pour la déclamation , satisfont
également l'esprit et les regards avides
des Spectateurs , charmez de leurs agrémens
personnels , sous cet heureux et
riant déguisement.
Là- dessus une Muse , délicatement ba
dine , s'est exercée en cette maniere.
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Résumé : La réunion des Amours, [titre d'après la table]
La pièce 'La Réunion des Amours' a été représentée par les Comédiens Français au début du mois de novembre 1731. Cette comédie héroïque en un acte en prose a été bien accueillie pour son écriture spirituelle et ses traits fins et délicats. L'intrigue est allégorique et met en scène deux types d'Amours : le Dieu de la tendresse et Cupidon. Ces personnages se reprochent mutuellement leurs défauts, le premier traitant Cupidon de libertin et Cupidon le traitant de benêt. Le sujet principal est une assemblée des dieux convoquée par Jupiter, où chaque dieu doit faire un don au fils d'un grand roi. Cupidon, étonné de ne pas être invité, apprend de Mercure que Minerve s'y oppose. Minerve, après avoir entendu les plaidoyers des deux Amours, décide de les renvoyer devant la Vertu. Cupidon, par sa déclaration d'amour, contraint la Vertu à fuir. Minerve prononce finalement l'arrêt de Jupiter, ordonnant aux deux Amours de se réunir pour former un cœur équilibré, ni trop tendre ni trop libertin. La pièce se termine par l'acceptation de Cupidon de cette union. Les acteurs, notamment les demoiselles Dangeville et Gossin, ont été salués pour leur talent et leur grâce, charmant à la fois la cour et la ville.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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